N° 3404

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 octobre 2020

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360)
de finances pour 2021

TOME IX

TRANSFORMATION ET FONCTION PUBLIQUES

FONCTION PUBLIQUE

PAR Mme Émilie CHALAS

Députée

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 Voir le numéro : 3399 – III - 26

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir à la rapporteure pour avis au plus tard le 10 octobre 2020.

À cette date, toutes les réponses étaient parvenues à votre rapporteure pour avis qui remercie les services de la direction générale de l’administration et de la fonction publique pour leur collaboration.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction................................................ 5

Première partie : L’évolution des crédits du programme fonction publique

I. Des dépenses de formation des fonctionnaires en légère hausse (+ 1 %)

A. Les dépenses de fonctionnement

1. Les subventions pour charges de service public versées à l’ÉNA et aux IRA

2. Les dépenses de formation interministérielle

B. Les dépenses d’intervention

II. Des dépenses d’action sociale en hausse (+ 4,2 %)

III. Des dépenses en matière d’appui et d’innovation des ressources humaines en très nette augmentation (+ 23,8 %)

Deuxième partie : La gestion des ressources humaines dans la fonction publique à l’épreuve de la crise sanitaire

I. La nécessaire adaptation du cadre réglementaire afin de garantir la continuité du service public et la protection des agents

A. Assouplir les règles d’organisation du travail

1. Le développement massif et instantané du télétravail

2. La modulation du temps de travail

3. La facilitation des mises à disposition de personnel en faveur du versant hospitalier

B. Préserver le dialogue social

C. Garantir les droits des agents

1. La suspension temporaire du jour de carence

2. L’accompagnement des agents en situation de handicap

3. Le versement d’une prime exceptionnelle

D. Adapter le recrutement : l’exemple des concours administratifs

II. Manager dans un contexte de crise : tirer tous les enseignements d’un défi organisationnel et humain inédit

A. La mise en place de « retours d’expérience » : libérer la parole, établir un bilan

1. Recueillir le témoignage des agents

2. Évaluer les pratiques

B. Accompagner les agents pour mieux anticiper et préparer les crises futures

1. La diffusion de guides à destination des agents

2. Mener une action prospective

Troisième partie : Suivi des propositions de l’avis budgétaire pour 2020

Examen en commission

Personnes entendues

Les 8 propositions de votre rapporteure pour avis


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MESDAMES, MESSIEURS,

Le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans un contexte particulier : la crise de la covid-19 qui a frappé le monde et notre pays au printemps 2020 a bouleversé de façon inédite nos structures économiques et sociales, questionnant nos repères et nos certitudes. Dans ce contexte, la fonction publique, dont le cadre de gestion a été profondément renouvelé par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019, a révélé toute son utilité, étant en première ligne au service de la nation. Le rôle primordial qu’elle a exercé au cours de l’état d’urgence sanitaire a mis en relief ses forces mais aussi le besoin constant d’adapter son mode d’organisation pour accroître son efficacité.

Simplifier et fluidifier le dialogue social, desserrer les contraintes de recrutement, renforcer la transparence et la déontologie, moderniser et sécuriser les parcours de formation, développer les opportunités d’évolution professionnelle des agents et garantir le respect d’une véritable égalité professionnelle restent plus que jamais des objectifs d’actualité, au cœur du mouvement transversal de réforme de l’État.

Si la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 a fixé les principes essentiels de cette nécessaire modernisation, une cinquantaine de textes d’application réglementaires s’avère nécessaire afin de la concrétiser. Votre rapporteure pour avis salue le travail accompli par le Gouvernement et ses services, la majorité des décrets prévus par la loi ayant été publiés à ce jour. Il en est ainsi des lignes directrices de gestion, des procédures de recrutement contractuel, de rupture conventionnelle et de contrôles déontologiques, de l’accompagnement de la restructuration d’un service de l’État, des nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur ou encore de la lutte contre les discriminations.

D’autres décrets devront entrer en vigueur avant la fin de l’année 2020, s’agissant notamment de la prime de précarité pour les contrats de courte durée, du rapport social unique (RSU) et de la création des comités sociaux. En outre, les cinq ordonnances relatives à la négociation collective, à la protection sociale complémentaire, à diverses mesures en matière de santé, à la codification du droit de la fonction publique et à la réforme de la formation des écoles de la haute fonction publique devront également être publiées au cours des prochains mois ([1]).

Votre rapporteure pour avis sera particulièrement attentive à la rédaction de l’ordonnance réformant la formation des écoles de la haute fonction publique : il s’agit d’un enjeu majeur auquel la représentation nationale a vocation à être pleinement associée. Le combat en faveur de l’égalité des chances doit s’appuyer sur le respect des principes méritocratiques qui constituent le fondement de notre modèle républicain.

Dans le contexte de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, le programme 148 Fonction publique de la mission Transformation et fonction publiques ([2]) regroupe des crédits budgétaires dévolus à la fonction publique de l’État qui se répartissent parmi trois actions pilotées par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). La structure du programme 148 demeure identique à celle figurant dans la loi de finances initiale pour 2020. Elle se compose, comme chaque année, des dépenses de formation des fonctionnaires de l’École nationale d’administration (ÉNA) et des Instituts régionaux d’administration (IRA), des dépenses d’action sociale interministérielle et des crédits afférents aux divers fonds d’innovation en matière de ressources humaines.

Le présent avis détaille l’évolution de l’ensemble de ces crédits par rapport à l’année précédente et fournit un suivi de la réalisation des onze préconisations formulées par votre rapporteure en 2019 sur les classes préparatoires intégrées (CPI) aux écoles de service public. Enfin, une analyse thématique portant sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique à l’épreuve de la crise sanitaire permet de dresser un premier bilan des mesures mises en place dans l’urgence afin d’adapter le cadre règlementaire. Elle souligne également les perspectives de modernisation managériale qu’ouvre cette situation inédite et dont les conséquences pourraient être durables.

 


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Première partie :
L’évolution des crédits du programme fonction publique

Le montant des crédits alloués au programme 148 Fonction Publique s’élève à 224,5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 217,4 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Le programme se décline en trois actions : formation des fonctionnaires (action n° 1), action sociale interministérielle (action n° 2) et appui et innovation des ressources humaines (action n° 3).

Cette évolution représente une hausse du montant des CP de près de 7,4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, soit environ + 3,5 %. L’augmentation résulte principalement de la revalorisation du montant des prestations d’action sociale individuelles et collectives relevant de l’action n° 2.

I.   Des dépenses de formation des fonctionnaires en légère hausse (+ 1 %)

Le montant global des dépenses de l’action n° 1 « Formation des fonctionnaires » s’élève à 80 millions d’euros en CP ([3]) contre 79,2 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2020. Cette prévision budgétaire représente donc une hausse d’environ 1 % des crédits de formation des fonctionnaires.

Outre des dépenses de personnel s’élevant à 0,3 million d’euros, ces crédits correspondent à des dépenses de fonctionnement (73,4 millions d’euros, soit un montant inchangé par rapport à 2020) et d’intervention (6,3 millions d’euros, soit une augmentation de 13,4 %).

A.   Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement se subdivisent en deux catégories : d’une part, les subventions pour charges de service public versées à l’École nationale d’administration (ÉNA) ainsi qu’aux Instituts régionaux d’administration (IRA) qui représentent 70,7 millions d’euros et, d’autre part, les dépenses de formation interministérielle s’élevant à 2,7 millions d’euros.

1.   Les subventions pour charges de service public versées à l’ÉNA et aux IRA

La subvention pour charges de service public de l’ÉNA s’élève à 30,6 millions d’euros, soit un montant stable par rapport à 2020. Le plafond d’emplois fixé pour 2021 correspond à 432 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit – 24 ETPT par rapport à 2020. Pour 2021, la diminution du nombre d’ETPT s’explique essentiellement par le réajustement des effectifs des élèves à la suite de la réduction de 2,5 mois de la scolarité ([4]).

En 2019, l’ÉNA a ouvert à titre expérimental un quatrième concours d’entrée réservé aux titulaires d’un doctorat, conformément au décret n° 2018‑793 du 14 septembre 2018. Trois places ont été ouvertes l’année dernière aux titulaires d’un troisième cycle en sciences de la matière et de l’ingénieur. En 2020, le concours spécial « docteurs » est réservé aux docteurs en sciences humaines et sociales. Dans le prolongement des préconisations émises par votre rapporteure dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2020, une quatrième place a été ouverte, afin de renforcer la diversification du vivier de recrutement de l’ÉNA.

La subvention pour charges de service public des cinq IRA (Bastia, Lille, Lyon, Metz et Nantes) s’élève à 40,1 millions d’euros, soit un montant inchangé par rapport à 2020. Le plafond d’emplois fixé pour 2021 correspond à 648 ETPT, soit – 2 ETPT par rapport à 2020, après une forte diminution (– 78 ETPT) entre 2019 et 2020 en raison du raccourcissement de 12 à 8 mois de la scolarité des élèves des IRA décidée en 2018.

Sur le plan de la performance, l’indicateur 2.1 du programme Fonction publique relatif à l’optimisation de la formation initiale des fonctionnaires retrace l’évolution du coût complet du recrutement, de la rémunération et de la formation d’un élève à l’ÉNA (environ 84 000 euros par an, stable par rapport à la prévision actualisée de 2020) et dans les IRA (environ 45 000 euros par an, stable par rapport à la prévision actualisée de 2020). Les modalités de calcul du coût complet d’un élève à l’ÉNA font l’objet d’une décomposition inédite afin d’identifier le coût employeur (rémunérations versées aux élèves et coût d’organisation des concours de recrutement) et le coût pédagogique (coût de la scolarité et des stages).

2.   Les dépenses de formation interministérielle

Au sein des dépenses de fonctionnement, le montant des dépenses de formation interministérielle s’élève à 2,7 millions d’euros. Ce montant se décompose, d’une part, en plusieurs dotations atteignant au total 2,2 millions d’euros ([5]) afin de financer une pluralité d’offres de formation pilotées par les directions interministérielles et les plateformes régionales d’appui à la gestion des ressources humaines. D’autre part, une enveloppe s’élevant à 0,5 million d’euros est prévue afin d’organiser les deux sessions de concours d’entrée aux IRA en 2021 et de mettre en œuvre la dématérialisation des copies des épreuves écrites.

Votre rapporteure pour avis souligne la difficulté d’appréhender le budget prévisionnel de ces dépenses au regard des incertitudes que la crise sanitaire actuelle fait peser sur l’organisation des concours d’entrée aux IRA. Ce constat s’appuie sur les reports de plusieurs mois des sessions de recrutement de mars et octobre 2020 qui ont nécessairement induit des coûts supplémentaires tenant notamment à la location des salles de concours et à la surveillance des épreuves.

B.   Les dépenses d’intervention

Les dépenses d’intervention s’élèvent à 6,3 millions d’euros, soit une hausse de 13,4 % par rapport à l’année 2020. Cette forte augmentation résulte du doublement du montant de l’allocation pour la diversité en faveur des élèves des CPI, s’élevant ainsi à 4 000 euros à partir de 2021. Votre rapporteure salue cette évolution positive en matière d’égalité des chances, ce qui concrétise la préconisation n° 6 de son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2020.

Outre les 3,7 millions d’euros en CP ([6]) consacrés aux allocations pour la diversité ([7]), les autres dépenses d’intervention se déclinent en subventions aux organisations syndicales représentatives (2,2 millions d’euros), subventions aux vingt-six centres de préparation à l’administration générale IPAG/CPAG (0,4 million d’euros) et subventions à divers organismes dont le réseau des écoles de service public (0,1 million d’euros), selon des proportions inchangées par rapport à l’année dernière.

II.   Des dépenses d’action sociale en hausse (+ 4,2 %)

L’action n° 2 « Action sociale interministérielle » fait l’objet, dans le projet de loi de finances pour 2021, d’une enveloppe budgétaire d’un montant total de 130,3 millions d’euros en CP ([8]) (contre 125 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2020).

Ces crédits présentent une augmentation relativement significative par rapport à 2020. Ils visent à financer un ensemble de prestations individuelles et collectives réalisées dans le but d’améliorer les conditions de travail et de vie des agents de l’État et de leurs familles. Ils se subdivisent en trois catégories regroupant des dépenses de fonctionnement, c’est-à-dire l’ensemble des prestations d’action sociale individuelles et collectives (119,2 millions d’euros contre 117,9 millions d’euros en 2020), des dépenses d’investissement relatives à des programmes de rénovation immobilière et de remise aux normes de restaurants inter-administratifs (6,5 millions d’euros contre 4,7 millions d’euros en 2020) et des dépenses d’intervention correspondant à la dotation d’aide au maintien à domicile des agents publics retraités en situation de dépendance ([9]) (4,7 millions d’euros contre 3,4 millions d’euros en 2020). S’agissant de cette dernière, la hausse de la dépense correspond à la mise en place de deux tranches d’aides supplémentaires tendant à aligner le régime applicable aux retraités de la fonction publique sur celui des retraités du secteur privé.

Représentant l’essentiel des crédits de l’action n° 2, les dépenses de fonctionnement se déclinent en deux catégories : les prestations d’action sociale individuelles et les prestations d’action sociale collectives.

Les prestations d’action sociale individuelles s’élèvent à 91,9 millions d’euros, soit une hausse de + 2,5 % par rapport à 2020. Si le financement des chèques-vacances s’avère stable (38 millions d’euros), l’enveloppe budgétaire affectée aux chèques emplois service universel (CESU) pour la garde des enfants de moins de six ans atteint 40,2 millions d’euros, soit une revalorisation de près de 2,1 millions d’euros par rapport 2020 (+ 5,5 %), dans le prolongement de la trajectoire budgétaire enclenchée l’année dernière ([10]).

Outre le maintien des crédits prévus en matière d’aide à l’installation des personnels de l’État (8,4 millions d’euros) et au logement d’urgence (0,9 million d’euros), la dotation budgétaire relative aux actions sociales menées par les sections régionales interministérielles a été portée à 4,4 millions d’euros contre 4,1 millions d’euros en 2020.

Les prestations d’action sociale collectives sont valorisées à hauteur de 27,3 millions d’euros en CP, soit une diminution d’environ 3,5 % par rapport à 2020. Elles correspondent essentiellement ([11]) aux réservations prioritaires de places en crèches dont le parc atteint actuellement environ 4 000 places, soit 500 berceaux supplémentaires par rapport à l’année dernière. La légère diminution des dépenses s’explique par la négociation de tarifs de réservation plus avantageux.

Deux indicateurs de performance permettent d’évaluer l’objectif d’optimisation des réponses apportées aux besoins des agents en matière d’action sociale. Il s’agit de garantir la maîtrise des coûts de gestion des prestations d’action sociale (indicateur 3.1) et de réservation d’une place en crèche (indicateur 3.2). L’indicateur 3.1 fait apparaître une légère diminution prévisionnelle des coûts de gestion qu’implique le recours à des prestataires extérieurs. L’indicateur 3.2 présente le coût moyen annuel de réservation d’une place en crèche : la prévision actualisée en 2020 s’élève à 7 280 euros et 7 189 euros pour 2021, poursuivant ainsi une trajectoire pluriannuelle en baisse grâce au renouvellement des marchés de réservation dans des conditions financières plus favorables à l’administration.

III.   Des dépenses en matière d’appui et d’innovation des ressources humaines en très nette augmentation (+ 23,8 %)

Les crédits de l’action n° 3 ([12]) s’élèvent à 7,2 millions d’euros, ce qui correspond à une augmentation globale d’environ 1,5 million d’euros par rapport à 2020. Outre les dépenses de communication et d’études, cette somme se répartit entre plusieurs fonds mis en place en 2017 et 2018 : le fonds d’innovation RH (FIRH), le fonds interministériel pour l’amélioration des conditions de travail (FIACT) et le fonds pour les systèmes d’information des ressources humaines (FSIRH). Un quatrième fonds a été créé par la circulaire du 22 février 2019 ([13]), dans le cadre de l’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique du 30 novembre 2018 : le fonds en faveur de l’égalité professionnelle (FEP).

Le FIRH est doté, comme depuis 2017, d’un million d’euros afin de financer des expérimentations RH interministérielles susceptibles d’être généralisées dans l’ensemble de la fonction publique. En 2019, les appels à projet nationaux se sont notamment concentrés sur le thème de l’appui méthodologique à l’évolution des organisations et à la modernisation de la fonction RH. Sur les 77 projets déposés en 2019-2020, 33 ont été retenus ([14]).

Une « bibliothèque des initiatives RH » ([15]) est accessible en ligne depuis le mois de mars 2019. Cette plateforme numérique constitue un outil de communication et de mutualisation des expérimentations RH menées dans les services publics, dans un souci de partage et de diffusion de pratiques innovantes au sein de chaque versant.

Comme en 2020, les crédits affectés au FIACT s’élèvent à 1,1 million d’euros. Le FIACT permet de financer des projets présentés par les employeurs ayant pour but d’améliorer les conditions de travail, de santé et de sécurité des agents publics. Sur le même modèle que le FIRH, le FIACT fonctionne sur la base d’un appel à projet à l’échelle nationale. Sur les 135 projets déposés en 2019-2020, 54 ont été retenus. Le montant moyen des financements accordés atteint 17 600 euros. Ils concernent principalement les thématiques relatives à l’accompagnement de collectifs de travail ainsi qu’aux démarches de prévention des risques professionnels et d’amélioration de la qualité de vie au travail ([16]).

Doté d’un montant stable d’environ 1,3 million d’euros, le FSIRH participe au financement de projets informatiques de modernisation des processus de gestion RH dans la fonction publique. Comme en 2020, les crédits budgétisés pour l’année 2021 ont notamment vocation à prendre en charge les frais de fonctionnement du système d’information du compte personnel de formation (CPF) pour l’ensemble des agents des trois versants de la fonction publique.

Quatrième et dernier fonds abrité par l’action n° 3, le FEP bénéficie d’un budget d’un million d’euros, soit un montant inchangé par rapport à 2020. Son financement repose sur les pénalités payées par les employeurs publics de l’État ne respectant pas les obligations résultant de l’article 6 quater de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 relatives aux nominations équilibrées femmes/hommes ([17]). En février 2020, le comité de sélection de la DGAFP a retenu 59 projets éligibles au financement du FEP ([18]). Il s’agit par exemple de mettre en œuvre des actions participatives incitant les femmes à orienter leur carrière vers des postes à haute responsabilité ou vers les métiers du « Big Data » ou de mener des actions de formation et de sensibilisation contre les violences sexistes et sexuelles.

Votre rapporteure pour avis approuve le maintien du FEP en tant que levier essentiel à l’indispensable mobilisation collective autour des enjeux d’égalité professionnelle dans la fonction publique.

Enfin, l’action n° 3 budgétise un montant de 2,6 millions d’euros visant à financer diverses communications et études, ce qui représente le double du montant alloué en 2020. Les dépenses informatiques sont ainsi financées à 1,6 million d’euros, contre 0,2 million en 2020. Elles ont pour vocation de rénover plusieurs sites internet et logiciels tels que la Place de l’emploi public (PEP), le système d’information pour l’animation et la formation interministérielle régionale (SAFIRE) ou le répertoire interministériel des métiers de l’État (RIME). 0,6 million d’euros sont consacrés au financement d’actions de communication à l’image des rapports et guides méthodologiques réalisés par la DGAFP et de l’organisation de colloques et séminaires relatifs à la gestion RH. Des crédits s’élevant à 0,4 million d’euros sont également prévus afin de financer divers programmes d’études et de recherche.

Votre rapporteure pour avis se félicite de la forte augmentation des moyens alloués à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique prévue par le projet de loi de finances pour 2021.


   Deuxième partie :
La gestion des ressources humaines dans la fonction publique à l’épreuve de la crise sanitaire

 

Au cours de la crise de la covid-19 survenue en mars 2020, les 5,5 millions de fonctionnaires et agents publics contractuels ont été très fortement mobilisés. Si leur engagement témoigne des ressources et du dévouement des femmes et des hommes qui œuvrent au service de l’intérêt général, les multiples bouleversements provoqués par cette crise ont nécessité, sous l’impulsion du Gouvernement et sous le contrôle du Parlement, une évolution rapide du cadre réglementaire régissant leur activité, afin de tenir compte des impératifs résultant de l’état d’urgence sanitaire.

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin d’adapter le cadre de gestion de la fonction publique aux défis soulevés par cette situation exceptionnelle. En quelques semaines, les règles organisationnelles et les moyens de fonctionnement RH ont ainsi été adaptés dans le but de répondre de façon efficace et opérationnelle au confinement généralisé de la population pendant près de deux mois.

Qu’il s’agisse de l’État ou des versants territorial et bien sûr hospitalier, les mesures adoptées visaient un double objectif : d’une part, préserver le principe de continuité du service public, et, d’autre part, protéger celles et ceux qui l’incarnent au quotidien, dans la diversité de leurs missions.

Au-delà de la nécessaire adaptation du régime juridique, la crise de la covid-19 a également renouvelé les pratiques et méthodes managériales, accélérant ainsi un processus de mutation déjà enclenché par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Plus qu’une évolution des mentalités relatives à l’organisation du travail et à la conduite du changement, cette pandémie rend désormais indispensable la réflexion collective autour de l’ensemble des enjeux entourant la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

À l’heure où les premiers retours d’expérience émergent, les questions managériales auxquelles votre rapporteure a déjà consacré son avis budgétaire en 2018 sont plus que jamais au cœur du débat. Dans le prolongement de ses travaux précédents, le présent rapport établit un état des lieux des adaptations mises en œuvre afin de tirer les enseignements de cette situation inédite. À la lumière de la crise à laquelle notre pays demeure confronté aujourd’hui, l’accompagnement et la formation de tous les agents publics constituent une voie d’avenir à même de rendre notre fonction publique apte à surmonter les épreuves actuelles et futures.

I.   La nécessaire adaptation du cadre réglementaire afin de garantir la continuité du service public et la protection des agents

A.   Assouplir les règles d’organisation du travail

1.   Le développement massif et instantané du télétravail

Dès le 16 mars 2020, le télétravail est devenu la modalité d’organisation du travail de droit commun pour toutes les activités pouvant être assurées en télétravail. Le décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 modifiant le décret n° 2016-151 du 11 février 2016 relatif aux conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique et la magistrature a permis de préciser les conditions de recours au télétravail, dans un objectif de souplesse organisationnelle. Si cette évolution règlementaire a pris une dimension particulière dans le contexte actuel de crise sanitaire, elle a été engagée en amont de celle-ci, dans le prolongement de la loi du 6 août 2019.

 

Décret n° 2020-524 du 5 mai 2020 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique

Le décret prévoit que l’autorisation de télétravail peut porter sur l’attribution de jours de télétravail fixes mais aussi, désormais, sur l’attribution d’un volume de jours flottants de télétravail. Il prévoit également la possibilité, lorsqu’une situation exceptionnelle perturbe l’accès au service ou le travail sur site, de délivrer une autorisation de télétravail temporaire qui peut être à temps complet. À l’exception d’une telle situation ou en l’absence d’une dérogation pour raison de santé, situation de handicap ou état de grossesse, les agents en télétravail doivent assurer une présence minimale sur site qui correspond, pour un agent à temps complet, à deux jours par semaine sur une base hebdomadaire ou à huit jours par mois sur une base mensuelle.

Afin de faciliter le recours au télétravail ponctuel, le décret autorise l’utilisation de l’équipement informatique personnel des agents qui demandent des jours flottants de télétravail ou une autorisation temporaire de télétravail.

Le décret ouvre également plus largement les lieux à partir desquels il est possible de télétravailler : il permet désormais le télétravail depuis un lieu privé autre que la résidence principale de l’agent ainsi que depuis des locaux professionnels appartenant à son employeur public.

Enfin, le décret permet désormais de délivrer une autorisation de télétravail qui n’est pas limitée dans le temps et apporte des garanties supplémentaires aux agents quant à l’examen de leur demande de télétravail : il prévoit un délai d’un mois maximum pour apporter la réponse à une demande de télétravail et étend aux fonctions publiques territoriale et hospitalière la possibilité de saisir la commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire compétente d’un refus de télétravail.

Selon les chiffres communiqués par la DGAFP à votre rapporteure pour avis couvrant la période allant de mars à juillet 2020 ([19]), le télétravail a concerné 51 % des agents de la fonction publique de l’État, quand près de 30 % ont été placés en autorisation spéciale d’absence (ASA), en raison d’un défaut d’équipement informatique ou de l’impossibilité d’exercer leurs missions en télétravail. Le chiffre de 51 % recouvre cependant d’importantes disparités selon les ministères concernés ([20]).

La DGAFP a également réalisé au mois d’avril 2020 une enquête auprès de huit ministères et de deux établissements publics nationaux : la part des agents publics en télétravail, qui était de 3,6 % avant la crise, est passée à 60 % pendant le confinement ([21]). En outre, un sondage Casden - BVA ([22]) sur l’impact de la crise sanitaire publié le 23 juin 2020 à l’occasion de la journée internationale de la fonction publique, a fait état de 42 % des fonctionnaires déclarant avoir travaillé à distance.

Enfin, près de 15 % des agents publics de l’État ont été mobilisés pour travailler sur leur lieu de travail dans le cadre des plans de continuité d’activité (PCA) mis en place entre le 17 mars et le 11 mai 2020. La crise a clairement eu un effet accélérateur sur certains sujets, ce qui a favorisé une adaptation rapide des organisations et des agents dans le domaine numérique ([23]). Elle a mis en relief les logiques de solidarité entre collectivités et établissements, notamment à l’échelle locale, grâce au prêt d’équipements et de matériels.

Votre rapporteure pour avis déplore néanmoins la difficulté à disposer de données consolidées sur le télétravail dans les trois versants de la fonction publique, soit en raison de l’absence de collecte de ces données, soit en raison de méthodes de collecte de données trop hétérogènes.

Pour surmonter cet obstacle, la loi du 6 août 2019 prévoit la mise en place à compter du 1er janvier 2021 de deux outils : le rapport social unique (RSU) et la base de données sociales (BDS). Adoptés à l’initiative de votre rapporteure au cours des débats en séance publique à l’Assemblée nationale, ces deux dispositifs visent à améliorer la lisibilité des informations disponibles dans chaque établissement et collectivité tout en constituant une base de discussion utile au dialogue social au sein des futurs comités sociaux.

Les décrets et arrêtés dont la publication est prévue à la fin de l’année 2020 comporteront ainsi la liste des indicateurs contenus dans la base de données sociales et le suivi des indicateurs relatifs à la mise en œuvre du télétravail. Cette évolution permettra de disposer dès 2021 d’un tronc commun de données sur le télétravail qu’il sera possible d’agréger et de comparer.

2.   La modulation du temps de travail

L’engagement des agents publics pendant la crise sanitaire s’est traduit par le déplafonnement des heures supplémentaires et la prise obligatoire de jours de RTT et de congés entre le 17 avril et le 31 mai 2020. Si la dérogation aux règles régissant le temps de travail a pu être mise en œuvre dans la fonction publique de l’État ([24]) et territoriale ([25]), le versant hospitalier a bien sûr été le premier concerné par le dépassement des bornes horaires applicables au personnel.

En cas de crise sanitaire, les établissements de santé sont autorisés, par décision du ministre de la santé pour une durée limitée et pour les agents mobilisés dans le cadre de la prise en charge des patients, à dépasser les plafonds horaires fixés par le cycle de travail. Cette mesure présente un caractère exceptionnel dans le but de maintenir une activité dans l’ensemble des services. Le ministre des solidarités et de la santé a ainsi décidé le 5 mars 2020 d’autoriser les établissements publics de santé à recourir de façon transitoire aux heures supplémentaires au-delà du plafond fixé par ce même article pour la période allant du 1er février au 30 juin 2020 ([26]). Le décret n° 2020-297 du 24 mars 2020 relatif aux heures supplémentaires et à leur dépassement dans les établissements publics de santé a également généralisé à l’ensemble des agents de la fonction publique hospitalière la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires jusqu’à 240 heures par an et 20 heures par semaine.

Par ailleurs, afin de tenir compte des nécessités de service, l’ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de RTT ou de congés au titre de la période d’urgence sanitaire ([27]) a permis au chef de service d’imposer aux fonctionnaires et agents contractuels la prise de jours de RTT ou de congés annuels entre le 17 avril et le 31 mai 2020. Ces dispositions applicables à la fonction publique de l’État sont susceptibles de l’être au versant territorial sur décision de l’autorité compétente.

Ainsi, l’ordonnance a imposé aux agents placés en autorisation spéciale d’absence entre le 16 mars 2020 et le 31 mai 2020 inclus la prise de 5 jours de RTT entre le 16 mars et le 16 avril 2020 ainsi que 5 autres jours de RTT ou de congés annuels entre le 17 avril et le 31 mai 2020 ([28]). Pour les agents placés en télétravail du 17 avril au 31 mai 2020 inclus, la prise de 5 jours de RTT ou, à défaut, de congés annuels a été rendue obligatoire au cours de cette période.

Votre rapporteure pour avis estime utile de réaliser un bilan d’application de ces mesures laissées à la discrétion des employeurs territoriaux, afin d’évaluer leur utilisation en comparaison avec la fonction publique de l’État.

Proposition n° 1 : évaluer le nombre total de jours de RTT et de congés dont la prise a été imposée aux agents publics territoriaux au cours de l’état d’urgence sanitaire.

3.   La facilitation des mises à disposition de personnel en faveur du versant hospitalier

Dans le cadre de la crise sanitaire, des agents publics ont pu être mis à disposition des centres hospitaliers et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) afin d’apporter un renfort au bénéfice des personnels soignants. Ce soutien peut prendre la forme d’une relation directe entre le fonctionnaire volontaire et l’établissement, s’inscrire dans le cadre de la réserve sanitaire, ou s’appuyer sur les possibilités de recruter des agents contractuels. Les agents souhaitant apporter leur concours pour une mission d’intérêt général d’aide aux populations les plus fragiles peuvent également rejoindre la réserve civile ou exercer un cumul d’activités (bénévolat ou activité accessoire) en dehors des heures de service (congés de l’agent).

Le législateur a souhaité stimuler ces facultés de mises à disposition d’agents publics territoriaux en assouplissant leur régime juridique. Celui-ci repose sur la conclusion d’une convention entre la collectivité et l’organisme d’accueil définissant a minima la nature des activités exercées par le fonctionnaire mis à disposition, ses conditions d’emploi, la durée de la mise à disposition et les modalités de remboursement de la rémunération par l’organisme d’accueil.

L’article 20 de la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne ouvre la possibilité de mettre à disposition, à titre gratuit et dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, des agents territoriaux ou hospitaliers auprès des établissements de santé, selon le modèle déjà applicable à la mise à disposition à titre gratuit d’agents publics de l’État ([29]).

Votre rapporteure pour avis se félicite vivement de cette évolution qui a permis de renforcer la solidarité inter-versants afin de lutter efficacement contre la pandémie de covid-19. À la lumière de cette expérience de crise, il pourrait être pertinent de réfléchir à la pérennisation de ce dispositif au-delà de la seule période d’état d’urgence sanitaire.

Proposition n° 2 : établir le bilan des mises à disposition de personnel effectuées au bénéfice des établissements de santé au cours de l’état d’urgence sanitaire.

B.   Préserver le dialogue social

Les instances de concertation au sein de la fonction publique ont maintenu leur activité tout au long de la crise sanitaire. Si ses modalités ont nécessairement évolué compte tenu des contraintes liées au confinement, le dialogue social s’est révélé fructueux au cours de cette période. L’exigence de pédagogie de la part de l’ensemble des employeurs publics au regard des mesures exceptionnelles mises en œuvre s’est conjuguée à la nécessité de garantir la protection des droits de tous les agents.

D’une part, s’agissant du dialogue social interministériel, des audioconférences hebdomadaires ont été organisées entre mars et mai 2020 par le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, avec la DGAFP et la DGCL dans le but de transmettre l’ensemble des informations dont disposait le Gouvernement et de recueillir les questions des organisations syndicales, des directions RH de l’État et des employeurs territoriaux.

Une production régulière de questions-réponses présentant le dernier état du droit applicable a été rendue publique sur le site internet de la DGAFP. Le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) réuni en présentiel le 25 juin 2020 a également consacré un bilan d’étape de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19.

D’autre part, l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives ([30]) pendant l’état d’urgence sanitaire a autorisé celles-ci à se réunir à distance ([31]), à l’initiative de leur président, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois ([32]). Trois modalités étaient ainsi envisageables : la conférence téléphonique, la conférence audiovisuelle et la procédure écrite dématérialisée. La DGAFP a précisé les conditions d’application de ces techniques dans une fiche de recommandations publiée le 1er avril 2020 ([33]) relative aux règles de quorum, à la confidentialité des débats et à l’identification des participants. Il a également été rappelé que les CHSCT doivent être consultés préalablement à la mise en place des protocoles sanitaires dans chaque administration, conformément à l’article 60 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la prévention médicale dans la fonction publique.

Les délais applicables à la procédure écrite dématérialisée en cas d’urgence ont ainsi été raccourcis de moitié ([34]) s’agissant par exemple de l’envoi de l’ordre du jour et des documents aux organisations syndicales ainsi que des amendements présentés par ces dernières :

 

 

C:\Users\fpetaux\Desktop\démat.png     Source : DGAFP, 1er avril 2020.

 

Votre rapporteure pour avis considère que ces adaptations se sont révélées pertinentes afin de préserver l’exercice du dialogue social dans de bonnes conditions, tout en veillant à respecter l’équilibre entre l’exercice des droits syndicaux et l’allégement indispensable des formalités procédurales.

C.   Garantir les droits des agents

1.   La suspension temporaire du jour de carence

L’article 8 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 a prévu la suspension du délai de carence pour l’ensemble des salariés du secteur privé et des agents publics dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ([35]). Tous les arrêts de travail ont donc été indemnisés dès le premier jour d’arrêt entre le 24 mars et le 10 juillet 2020. La suspension du jour de carence au cours de cette période s’est appliquée quel que soit le motif de l’arrêt : mise en isolement, maladie ou contrainte liée à la garde d’enfant.

 

Le rétablissement du jour de carence dans la fonction publique depuis 2018

Selon les éléments statistiques communiqués par le ministère de la transformation et de la fonction publiques à votre rapporteure pour avis, le rétablissement du jour de carence à compter du 1er janvier 2018 a permis, concernant la seule fonction publique de l’État ([36]), de générer une économie de près de 96,2 millions d’euros sur l’année 2018.

La proportion des agents publics tous versants confondus absents au moins un jour au cours d’une semaine pour raisons de santé n’a pas diminué entre 2017 et 2018, s’élevant à 3,9 %, soit un chiffre identique à celui constaté dans le secteur privé.

Si la mise en place du jour de carence présente un impact budgétaire susceptible d’être mesuré par les services de la DGFIP, ses effets sur la réduction de l’absentéisme n’ont pas été démontrés à ce jour.

La levée de la suspension du jour de carence à compter du 11 juillet 2020 soulève plusieurs interrogations. En effet, le délai de carence ne s’applique pas aux agents « cas-contacts » contraints à l’isolement ([37]), alors même qu’il s’applique à ceux placés en arrêt de travail en raison de leur contamination par la covid-19, qu’ils présentent ou non les symptômes du virus.

En outre, l’augmentation croissante du nombre de personnes contaminées par la covid-19 et le rétablissement le 17 octobre 2020 de l’état d’urgence sanitaire soulignent la nécessité de rétablir de façon durable la suspension du délai de carence, dans un souci légitime de cohérence et de justice sociale.

Proposition n° 3 : rétablir, au moins jusqu’au 31 décembre 2021, la suspension du délai de carence en faveur des salariés du secteur privé et de l’ensemble des agents publics.

2.   L’accompagnement des agents en situation de handicap

Créé par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) est un organisme chargé de favoriser l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap au sein des trois versants de la fonction publique. Il a pour mission de renforcer leur maintien dans l’emploi, de soutenir leur formation professionnelle, de valoriser l’apprentissage et de contribuer à un environnement numérique accessible.

Le 17 avril 2020, le comité national du FIPHFP a adopté une délibération accordant le bénéfice d’une aide exceptionnelle ayant pour objectif, dans le cadre de la pandémie, de permettre aux apprentis en situation de handicap de poursuivre leur scolarité à distance, en prenant en charge dans la limite d’un plafond de 500 euros les frais d’équipements informatiques de l’apprenti. La seconde aide accordée vise à favoriser le travail à distance pour les travailleurs handicapés. Le FIPHFP finance ainsi l’achat d’un équipement informatique et la connexion à distance dans la limite d’un plafond de 1 000 euros. Les employeurs sous convention pourront déclarer ces aides dans le cadre de leur bilan avec le FIPHFP ([38]).

En outre, le guide de « sortie du confinement dans la fonction publique » édité le 11 mai 2020 par la DGAFP précise que l’employeur public doit s’assurer que les consignes sanitaires sont accessibles à tous et que les règles instaurées en matière de distanciation physique permettent aux agents publics en situation de handicap d’exercer leur métier en télétravail ou sur leurs lieux de travail habituels.

3.   Le versement d’une prime exceptionnelle

Afin de tenir compte du surcroit d’activité significatif durant la période de crise sanitaire, l’article 11 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020 a prévu le versement d’une prime exceptionnelle par les administrations des trois versants de la fonction publique en faveur des agents qui ont été particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence sanitaire. S’agissant de l’État et des employeurs publics territoriaux, le décret n° 2020-570 du 14 mai 2020 précise les modalités de versement de cette prime exceptionnelle, dont le montant est plafonné à 1 000 euros. Les personnels concernés sont ceux « pour lesquels l’exercice des fonctions a, en raison des sujétions exceptionnelles auxquelles ils ont été soumis pour assurer la continuité du fonctionnement des services, conduit à un surcroît significatif de travail, en présentiel ou en télétravail ou assimilé ».

Au sein de la fonction publique hospitalière, le décret n° 2020-568 du 14 mai 2020 précise les modalités de versement de la prime exceptionnelle aux agents des établissements publics de santé. Les bénéficiaires sont ceux qui ont exercé leurs fonctions de manière effective, y compris en télétravail entre le 1er mars et le 30 avril 2020. Le montant de la prime est plafonné à 1 500 euros. Ce dispositif est étendu à certains étudiants en médecine de 2e et 3e cycles et aux agents civils et militaires dans les hôpitaux des armées.

Votre rapporteure pour avis salue cette mesure budgétaire, eu égard à la mobilisation exceptionnelle de l’ensemble des agents publics au cours de la crise de la covid-19. Au regard de l’évolution épidémiologique ayant justifié le rétablissement de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national à compter du 17 octobre 2020, il conviendrait de renouveler le versement de cette prime exceptionnelle.

Proposition n° 4 : renouveler le versement d’une prime exceptionnelle en faveur des agents publics fortement mobilisés au cours de la période d’état d’urgence sanitaire de l’automne 2020.

D.   Adapter le recrutement : l’exemple des concours administratifs

La crise sanitaire a bouleversé la quasi-totalité des calendriers des concours et examens professionnels de la fonction publique programmés au cours du premier semestre 2020 et a ajouté des contraintes calendaires pour organiser les concours et examens programmés au cours du second semestre. Dans ce contexte, l’ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020 relative à l’organisation des examens et concours pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 a permis d’adapter les voies d’accès aux corps, cadres d’emplois, grades et emplois des agents publics des trois versants de la fonction publique, des militaires et des magistrats.

Le cadre réglementaire de ces adaptations a été fixé par le décret n° 2020-437 du 16 avril 2020 pris pour l’application des articles 5 et 6 de l’ordonnance n° 2020-351 du 27 mars 2020. Il renvoie aux conditions d’organisation matérielle des concours et examens, la composition des jurys ainsi que les modalités pratiques de passation des épreuves à distance ([39]). Ses dispositions sont applicables du 12 mars au 31 décembre 2020 inclus et ne sont mises en œuvre que dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie.

L’adaptation de la réglementation des concours et examens a constitué un vaste chantier, dont la DGAFP a facilité l’appropriation par les ministères en publiant dès le 17 avril 2020 des lignes directrices pour l’adaptation des épreuves et des modalités opérationnelles de déroulement des concours et examens. Selon les éléments communiqués par la DGAFP à votre rapporteure pour avis, 356 concours ont vu leur calendrier d’organisation bouleversé, que les épreuves soient ou non adaptées. Pour la fonction publique de l’État, 92 arrêtés interministériels ont été publiés entre le 16 mars et le 27 août 2020 adaptant les modalités des épreuves de 179 concours et examens. 153 arrêtés de report de calendrier ou de modification des conditions d’organisation matérielle ont également été publiés. Les employeurs publics locaux, sous l’égide des centres de gestion, ont suivi une démarche similaire.

Sur le plan qualitatif, l’adaptation des épreuves a été privilégiée dès lors que les recrutements à la date initialement requise ne pouvaient être reportés, avec le souci permanent de maintenir les éléments les plus essentiels de la sélection pour préserver la qualité des recrutements. Dans certains cas, les épreuves orales ont dû être totalement supprimées, soit pour des raisons calendaires ou logistiques, soit parce que la nature particulière de l’épreuve ne permettait pas de l’organiser dans des conditions propres à assurer la sécurité sanitaire des participants. Sur les 179 concours et examens dont les épreuves ont été adaptées, 82 d’entre eux se sont déroulés sans une seule épreuve de type « entretien avec le jury » ([40]). Les plus gros volumes de recrutement concernés par la suppression des épreuves orales concernent les concours d’enseignants ([41]). La revue accélérée de l’ensemble des épreuves a, dans certains cas, conduit à supprimer des épreuves de rang secondaire ([42]) ou évaluant en doublon certaines compétences ([43]).

L’adaptation des modalités pratiques de passation des épreuves a principalement consisté en la généralisation du recours à la visioconférence pour tous les types d’épreuves, y compris pour des écrits grâce à des moyens de télésurveillance, ainsi que pour toutes les réunions de jurys. La période a également été propice à la poursuite des chantiers de dématérialisation de certaines pièces requises dans le cadre des concours, telles que les fiches de renseignements transmises par les candidats.

Votre rapporteure pour avis considère que la réalisation du bilan de cette session 2020 eu égard aux résultats obtenus, aux rapports de jury ainsi qu’à l’évaluation du déroulement des périodes de stage des agents recrutés permettra d’alimenter les réflexions relatives à la réforme des concours d’accès à la fonction publique.

Proposition n° 5 : dans le cadre des réflexions relatives à la réforme des concours d’accès à la fonction publique, envisager la pérennisation de tout ou partie des allégements et adaptations des épreuves des concours administratifs mis en œuvre en 2020, qu’il s’agisse de leurs modalités d’exécution ou de leur contenu.

L’adaptation du cadre juridique s’est conjuguée à un phénomène de mutation des pratiques managériales à l’épreuve de la crise sanitaire, ce qui ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique.

II.   Manager dans un contexte de crise : tirer tous les enseignements d’un défi organisationnel et humain inédit

A.   La mise en place de « retours d’expérience » : libérer la parole, établir un bilan

1.   Recueillir le témoignage des agents

Le caractère soudain de la crise sanitaire et son impact considérable sur la vie professionnelle et personnelle des agents publics justifient l’organisation de retours d’expérience « à chaud ». Il s’agit de les interroger sur la façon dont ils ont vécu cette expérience inédite et de recueillir leur témoignage sur les pratiques managériales qui ont été mises en œuvre, dans l’urgence, afin de faire face à la crise.

Ces « rétex » se sont développés dans de nombreuses administrations, dans l’ensemble des versants, dès le début de l’été 2020. Lors des auditions conduites par votre rapporteure pour avis, les représentants de Grenoble-Alpes Métropole ont ainsi évoqué l’initiative lancée par le laboratoire d’innovation publique « La Piste » réunissant Grenoble-Alpes Métropole, la ville de Grenoble, le CCAS de Grenoble et le département de l’Isère. Un questionnaire commun a été fourni aux agents de ces quatre administrations. Selon une logique de chaîne, un agent interviewe deux collègues de sa collectivité, lesquels interviewent deux collègues supplémentaires et ainsi de suite.

La restitution de ces interviews fait apparaître les impératifs de réactivité, de créativité et d’adaptabilité des managers. Les réponses apportées au questionnaire ont révélé l’expression de sentiments ambivalents marqués par la fierté d’avoir su surmonter les difficultés organisationnelles liées au confinement mais aussi une forme de culpabilité liée au partage incertain entre tâches domestiques et travail à distance.

Le besoin que l’on s’intéresse au vécu des agents a été exprimé très librement. Si les réponses ont souligné la prise de recul de beaucoup d’entre eux sur leurs fonctions, elles ont également démontré les craintes d’une « perte de sens » voire de déshumanisation du travail accompli à distance par les managers, sans lien physique quotidien avec leurs équipes. En outre, la multiplication de mails a pu rendre difficile voire conflictuelle la hiérarchisation des priorités, complexifiant ainsi le travail des agents et de leurs managers.

  Source : Grenoble-Alpes Métropole, document « Allô ! C’est la crise », octobre 2020.

 Votre rapporteure pour avis salue ces initiatives de « rétex » qui illustrent la nécessaire approche dynamique des problématiques RH dans la fonction publique, reposant sur le dialogue et l’échange autour des expériences collectivement vécues par les agents. À l’issue des auditions qu’elle a menées, elle relève avec intérêt les spécificités « culturelles » propres à chaque versant, les managers publics territoriaux exprimant avec davantage d’aisance et de liberté leurs sentiments et questionnements personnels en la matière.

Poursuivant le même objectif, l’enquête transverse actuellement menée à l’échelle nationale par la fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), en collaboration avec l’Association des maires de France (AMF), l’Association des Départements de France (ADF), Régions de France et le CNFPT présentera ses résultats à la fin de l’année 2020.

S’agissant des administrations de l’État, le gouvernement a mandaté les quatre directions interministérielles – DGAFP, DIE, DITP, DINUM – pour conduire une démarche de « rétex » et engager les travaux de transformation de l’organisation du travail de l’administration à la suite du travail à distance pendant le confinement. Les travaux engagés couvrent les enjeux RH, le management et l’organisation, les enjeux immobiliers et les enjeux numériques. Cette mission vise à renforcer la capacité de l’État à adapter ses modes de fonctionnement à ce type de crise afin d’assurer la continuité d’activité et de repenser l’organisation du travail. Ces premiers éléments seront approfondis et complétés à la fois par les « rétex » actuellement en cours sur le travail à distance dans chaque sphère ministérielle, mais également grâce à l’appui d’experts (sociologue des organisations, universitaires…) et aux échanges internationaux engagés au sein de l’OCDE.

Proposition n° 6 : sous l’égide de la DGAFP et de la DITP, présenter en 2021 un « livre blanc » des retours d’expériences collectés dans l’ensemble de la fonction publique sur les problématiques RH au cours de l’urgence sanitaire.

2.   Évaluer les pratiques

Les auditions conduites par votre rapporteure pour avis ont démontré l’étendue des différences de situations existant entre les administrations et les collectivités interrogées. À titre illustratif, si le recours au télétravail pendant le confinement a été effectué rapidement et sans difficulté majeure au sein du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de l’Isère, sa mise en place s’est révélée beaucoup plus complexe au sein des services de police qui ont précisé avoir été confrontés à de fortes contraintes procédurales inhérentes aux exigences de cybersécurité. De façon plus générale, les pratiques relatives au télétravail ont pu s’appuyer sur la mise en place de chartes ou protocoles antérieurs à la crise sanitaire, révélant aussi bien leur utilité que leur besoin d’évolution à l’épreuve du confinement.

Elles ont également révélé les risques inhérents à leur déploiement : un sentiment d’iniquité a pu être exprimé par certains agents, appartenant notamment à la catégorie C, quant aux tâches imposant une activité en présentiel et celles pouvant faire l’objet d’un travail à distance. Cet enjeu ne doit pas être négligé, dans la mesure où il peut mettre en jeu la cohésion des équipes confrontées à la gestion de crise. Cette difficulté a parfois été surmontée de façon presque inattendue, par exemple dans le versant hospitalier. Ainsi, les représentants du CHU de Grenoble ont souligné le développement massif des « téléconsultations », considérées comme une voie d’avenir des activités médicales.

Les pratiques managériales se sont nécessairement adaptées au recours massif au télétravail. À rebours de la déshumanisation pouvant caractériser le travail à distance de longue durée, les personnes auditionnées par votre rapporteure pour avis ont souligné les avantages des audio et visio-conférences : contrairement aux réunions présentielles, les réunions virtuelles ont facilité le bon déroulement de l’ordre du jour et le recentrage des échanges sur les points de discussion essentiels, en supprimant les conversations privées bilatérales.

Proposition n° 7 : envisager le recours à la visio-conférence en tant qu’outil de travail systématisé et combiné avec les réunions présentielles.

Ces réflexions alimenteront bien entendu les projets managériaux ([44]) lancés au sein de chaque administration avant le début de l’état d’urgence sanitaire. La pérennisation éventuelle de certaines pratiques mises en place au cours de la crise pourra ainsi être décidée sur la base des « rétex » et des évaluations ex post accomplies sur ces sujets.

B.   Accompagner les agents pour mieux anticiper et préparer les crises futures

1.   La diffusion de guides à destination des agents

Afin d’accompagner les agents dans l’exercice de leurs fonctions, la DGAFP et certains employeurs publics locaux ont publié plusieurs guides et fiches pratiques destinés à répondre à leurs questions. Ces documents comportent également des préconisations pratiques s’adressant aux managers dans le but de les aider à surmonter les difficultés organisationnelles majeures auxquels ils ont pu être confrontés au cours de la période de confinement mais aussi lors du déconfinement depuis le 11 mai 2020.

La Région Île-de-France a ainsi publié en avril 2020 un guide pour « manager et télétravailler à distance » :

Guide du télétravail pour les Franciliens, avril 2020

La région Île-de-France expérimente le télétravail depuis janvier 2018. Un an après, 70 % des 1 800 agents du siège de la région Île-de-France le pratiquent au moins un jour par semaine (chiffre qui s’élève à 99 % en période de confinement) et 98 % d’entre eux se disent satisfaits de la qualité de leur travail selon ce mode d’organisation.

Forte de cette expérience, la région Île-de-France a publié, en avril 2020, un guide d’une soixantaine de pages dans lequel elle donne des conseils aux télétravailleurs.

Ce guide, intitulé Guide du télétravail pour les Franciliens ([45]), s’adresse à toute personne en situation de télétravail, qu’elle exerce son activité dans le secteur public ou privé et quel que soit son niveau de responsabilité.

Dix bonnes pratiques de télétravail sont ainsi identifiées : le guide souligne l’importance de maintenir le contact avec les collègues et le collectif de travail et de créer des moments de convivialité en équipe. Il préconise de planifier sa journée de travail et de finir celle-ci en planifiant celle du lendemain. Il invite à ménager des temps de « respiration » dans sa journée, dans un lieu distinct du cadre de travail, tout en indiquant à ses collègues ses plages horaires disponibles. Il souligne l’importance d’aménager de façon optimale son espace de travail tout en recommandant d’organiser en amont son planning de la journée avec ses proches partageant le même espace. Enfin, il appelle à rester dans une organisation agile et souple.

Ces bonnes pratiques sont assorties de conseils, simples à réaliser, comme la mise en œuvre de cafés virtuels ou le rituel de se saluer entre collègues par messagerie le matin. Des recommandations d’exercices sont également données pour se détendre, favoriser l’ergonomie du poste de travail et prévenir les troubles musculo-squelettiques.

Enfin, ce guide fournit aux managers en situation de télétravail des fiches pratiques pour encadrer à distance. Partant du principe que le télétravail est un levier de transformation des modes de travail et des pratiques managériales, le guide affirme le rôle de coordination et d’animation de l’encadrant en identifiant différents vecteurs favorisant le fonctionnement des équipes en télétravail, le pilotage des projets et le maintien du collectif de travail. Les fiches proposées sont regroupées en trois catégories : des fiches dites « brise-glace » visant à stimuler le groupe et à libérer l’échange dans l’équipe ; des fiches dites « rituels » visant à assurer l’animation de l’équipe et à maintenir sa cohésion ; des fiches d’expérimentations managériales visant notamment à renforcer les pratiques collaboratives, l’autonomie et l’intelligence collective en télétravail. Elles suivent une structure simple et claire : présentation du concept, des objectifs, des outils utilisés et du déroulement de l’action.

Source : DGAFP, lettre « Vigie » spéciale Covid-19, mai 2020.

D’autres démarches similaires ont été engagées au cours de l’état d’urgence sanitaire. La FNCDG a publié en mai 2020 un document intitulé Guide pratique du déconfinement : comment préparer la reprise de l’activité. Il a pour vocation de constituer un appui aux collectivités et établissements dans le cadre de la reprise progressive de l’activité. Votre rapporteure pour avis tient à saluer le rôle qu’exercent les centres de gestion en tant qu’acteurs de premier plan en matière de sensibilisation aux consignes d’hygiène et de sécurité et à l’accompagnement des collectivités dans le cadre de la gestion de leurs ressources humaines.

Enfin, deux guides pratiques « pour manager dans un contexte post-crise » ont été publiés par la DGAFP et la Région Grand-Est en mai 2020 :

 

Guides de management publiés par la DGAFP et la Région Grand-Est, mai 2020

Ces guides visent à accompagner les collectifs de travail dans la période transitoire postérieure à la crise. Ils constituent des référentiels utiles pour les encadrants du secteur public comme privé confrontés à une situation de crise de l’ampleur de celle de la covid-19.

Le guide Manager dans un contexte de post-crise covid-19 : comment anticiper et accompagner ses équipes et la reprise de l’activité ([46]) publié en mai 2020 par la DGAFP, s’adresse aux services RH et aux encadrants des administrations publiques. Il est structuré en quatre parties qui correspondent aux quatre grandes étapes qu’il est proposé aux encadrants de suivre : un temps de préparation de la reprise opérationnelle ; un temps de libération de la parole et de reconstruction des échanges ; un temps d’organisation du retour d’expérience pour progresser et mieux anticiper ; un temps de synthèse et de co-construction.

Ce guide formule des préconisations assorties de conseils pratiques très simples à mettre en œuvre. À titre d’exemple, il recommande d’organiser un temps d’échange avec l’agent à l’issue de la période de confinement. Il précise, à ce titre, la forme que peut prendre cet échange, son déroulement, son contenu, le rôle attendu du manager dans ce cadre. Il propose également des exercices, sous la forme d’ateliers, visant à permettre aux encadrants de tirer les enseignements de la crise dans une démarche d’amélioration continue.

Le Guide du management en situation de déconfinement ([47]), publié également en mai 2020 par la région Grand-Est, s’adresse à tout encadrant, du secteur public comme privé. Ce guide fait suite au Guide du management à distance en situation exceptionnelle, qui avait été publié par la même collectivité en mars 2020. Afin d’apporter des repères et conseils pour anticiper et préparer l’après confinement, le guide propose cinq phases clés : préparer en amont la reprise d’activité, installer les conditions d’une reprise conviviale et sereine, réaliser un premier bilan d’activité pendant et après le confinement, fixer un nouveau cap collectif et individuel à moyen terme et dresser des perspectives de long terme sources d’espoir.

Source : DGAFP, lettre « Vigie » spéciale Covid-19, mai 2020.

2.   Mener une action prospective

La crise sanitaire a souligné l’importance de mener à bien des exercices prospectifs de gestion de crise de long terme dans l’ensemble des versants de la fonction publique.

Si des formations à la gestion de crise existent déjà sous l’angle thématique, elles ne concernent que des phénomènes aigus et donc nécessairement ponctuels ([48]). Votre rapporteure pour avis considère que cette offre ne répond pas à la problématique induite par une crise durable, sur plusieurs mois, impliquant la poursuite des activités sur un mode dégradé ou sous d’autres modalités. Dans ce même esprit, si l’élaboration et la mise en œuvre des plans de continuité d’activité (PCA) visent à maintenir la continuité des activités essentielles, ces plans n’ont pas systématiquement appréhendé ces dernières sur le long terme, au-delà des postures qu’il convient d’adopter dans l’urgence. Une modification profonde des moyens et des procédés en vue de renforcer l’agilité et la résilience des organisations du travail s’avère donc indispensable.

Le schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État pour la période 2018-2020, qui coordonne l’offre de formation interministérielle, en cours de renouvellement, comporte dans ses axes structurants la transformation de l’action publique d’une part, la transformation numérique d’autre part ([49]). Il serait judicieux de se fonder sur les acquis et les constats formulés pendant la période de confinement pour proposer des actions de formation sur le management à distance et l’identification des actes importants à mettre en œuvre afin d’adapter l’organisation du travail, tout en prenant en compte la diversité des situations individuelles ([50]).

Proposition n° 8 : intégrer dans l’offre de formation continue proposée à tous les agents publics des modules de formation relatifs à la gestion de crises durables affectant leur activité, notamment en matière de maîtrise des outils numériques.

Dans une perspective plus large et conformément aux pistes de réflexion évoquées par la DITP au cours de l’audition conduite par votre rapporteure pour avis, plusieurs séries d’actions pourraient faire l’objet d’une attention particulière afin d’anticiper la survenue de nouvelles crises de long terme similaire à celle de la covid-19. Outre le développement indispensable des outils numériques et l’élaboration de plans de continuité d’activité (PCA), la mise en place de « tiers lieux » correspondant à des bureaux administratifs interchangeables susceptibles d’être utilisés par tous les agents publics issus des trois versants constitue une piste intéressante ([51]). Ce dispositif permettrait d’assurer l’exercice des missions des agents publics dans le respect de conditions de travail ergonomiques et sans supporter les contraintes familiales inhérentes au travail à domicile. Ce sujet s’inscrit également dans la politique en faveur de l’égalité femme-homme, eu égard à la gestion encore largement inégalitaire des tâches ménagères au sein du couple.

Ces multiples démarches illustrent l’ampleur des défis de transformation auxquels l’ensemble des agents publics sont confrontés. Votre rapporteure pour avis est convaincue de la force du modèle sur lequel la fonction publique repose et des progrès qu’elle sera amenée à réaliser dans un futur proche.

 

 


   Troisième partie :
Suivi des propositions de l’avis budgétaire pour 2020

À la suite de l’avis budgétaire portant sur le projet de loi de finances pour 2021, votre rapporteure a souhaité réaliser un suivi de la mise en œuvre des onze propositions relatives aux classes préparatoires intégrées qu’elle a formulées en 2019 afin de rendre compte de l’état d’avancement des réformes préconisées.

Les récentes annonces gouvernementales sur la nécessité de renforcer la diversité au sein de la fonction publique ([52]), plus particulièrement dans les catégories A et A+, témoignent d’une ambition que l’ordonnance prévue à l’article 59 de la loi du 6 août 2019 a vocation à concrétiser dès le premier semestre 2021. Le développement des CPI, véritables leviers académiques au cœur de l’idéal méritocratique, fournit une première réponse. Dans ce contexte, les propositions émises par votre rapporteure dans son avis budgétaire pour 2020 constituent une base de travail susceptible d’éclairer ces enjeux d’actualité.

     Doubler dès 2020 le nombre de places ouvertes dans le cadre du quatrième concours d’entrée à l’ÉNA réservé aux titulaires d’un doctorat.

Créé en 2019, le concours réservé aux docteurs a ouvert trois places lors de sa première édition. En 2020, quatre places ont été ouvertes ([53]). Si cette évolution s’avère positive, il apparaît souhaitable de poursuivre l’augmentation du nombre de places ouvertes dans le cadre de ce quatrième concours, dans un objectif de diversification du profil des élèves de l’ÉNA ([54]).

     Développer des actions de communication spécifiques à destination des publics domiciliés ou scolarisés en milieu rural afin d’atteindre à l’horizon 2022 une proportion de 10 % d’élèves de CPI originaires de ZRR.

Selon les chiffres communiqués par la DGAFP à votre rapporteure, 6 % des élèves des CPI en 2018-2019 étaient issus des zones de revitalisation rurale (ZRR) ([55]). Si cette proportion reste inchangée par rapport à 2017-2018, ces chiffres recouvrent de grandes disparités selon les CPI. En effet, certaines d’entre elles peinent à obtenir un taux significatif d’élèves issus de ZRR, sauf lorsque le tissu rural est très dense dans la zone géographique concernée. Par ailleurs, les éventuelles difficultés de déplacement des jeunes issus de ZRR expliquent leur moindre orientation vers des CPI qui ne proposent pas d’aide à l’hébergement.

Six CPI comptaient une part d’élèves originaires de ZRR supérieure à 10 % : il s’agit des CPI de l’École nationale des finances publiques (ENFiP) de Nevers (36 %), de l’Institut national de formation des personnels du ministère chargé de l’agriculture (INFOMA) de Corbas (27 %), de l’Institut national du patrimoine (INP) de Paris (23 %), de l’Institut régional d’administration (IRA) de Nantes (14 %), de l’École nationale supérieure de la police (ENSP) à St Cyr au Mont d’Or (13 %) et de l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) à Marcy l’Étoile (11 %). Parmi celles-ci, seule la CPI de l’ENFiP ne propose pas d’aide à l’hébergement mais son implantation à Nevers se situe à proximité de nombreuses ZRR.

Ce constat souligne le besoin de mener des actions de communication ciblées vers les étudiants issus des ZRR afin d’attirer des candidats potentiels qui demeurent aujourd’hui relativement éloignés des concours administratifs, par autocensure ou méconnaissance des opportunités d’emplois dans le secteur public.

     Établir un bilan statistique annuel du nombre de demandeurs d’emploi recrutés dans chaque CPI et de leur taux de réussite aux concours administratifs présentés à l’issue de leur scolarité.

Selon les chiffres communiqués par la DGAFP à votre rapporteure, 46 % des élèves des CPI en 2018-2019 étaient des demandeurs d’emploi. Si les taux de réussite sont actuellement déclinés par sexe et par origine géographique (QPV et ZRR), ils ne font pas encore apparaître le statut des candidats (étudiants ou demandeurs d’emploi). Votre rapporteure pour avis réitère la proposition n° 3 formulée l’année dernière dans le but de disposer d’une cartographie complète et précise des réussites aux concours administratifs auxquels les CPI préparent leurs élèves.

     Établir un bilan statistique consolidé des taux de réussite et d’échec de l’ensemble des élèves de CPI aux concours administratifs auxquels ils sont candidats, en faisant apparaître leur genre, leurs parcours académiques ou expériences professionnelles antérieures ainsi que leur origine sociale.

Selon les chiffres communiqués par la DGAFP à votre rapporteure pour avis, les CPI préparant leurs élèves aux concours de catégorie A recrutent une majorité d’élèves titulaires d’un master 2 (bac + 5) à forte dominante juridique (41 %). En 2018-2019, le taux de réussite global des élèves de CPI s’élève à 52 % ([56]). 37 % des élèves issus des ZRR et 13 % des élèves issus des QPV ont été admis à au moins un concours administratif à l’issue de leur scolarité en CPI.

Ces éléments statistiques gagneraient à être agrégés dans un tableau récapitulatif que publieraient chaque année les services de la DGAFP afin d’améliorer la lisibilité et la complétude des données recueillies.

     Mettre en place une comptabilité en coûts complets de chaque CPI afin d’obtenir un résultat agrégé présentant le montant global du budget consacré aux CPI et leurs sources de financement.

Les budgets alloués aux CPI sont variables car ils dépendent de l’organisation pédagogique et logistique mise en place par l’école de service public abritant la CPI et du soutien du ministère de tutelle, principal voire unique financeur de la CPI. L’agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), prenant la suite du commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) depuis le 1er janvier 2020, contribue au financement d’une douzaine de CPI, à hauteur de 150 000 euros en 2017. La CPI de l’IRA de Lille a ainsi bénéficié en 2018 d’un budget annuel de 130 000 euros dont 40 000 euros résultent d’une dotation effectuée par le CGET.

Dans le cadre des auditions menées par votre rapporteure pour avis, la DGAFP a indiqué que l’enquête annuelle qu’elle réalise auprès des CPI pourrait être utilement complétée d’une information sur leur budget. La faible transparence des moyens financiers alloués aux CPI constitue un frein à leur modernisation. Elle compromet la réalisation d’une analyse détaillée de leur fonctionnement à laquelle la clarification de leur cadre budgétaire pourrait utilement contribuer.

     Doubler le montant annuel de l’allocation pour la diversité et élargir le périmètre de ses bénéficiaires à tous les élèves de CPI.

Près de 90 % des élèves scolarisés en CPI bénéficient de l’allocation pour la diversité dont le montant annuel s’élève à 2 000 euros ([57]). Conformément à la proposition de votre rapporteure pour avis, le Gouvernement a décidé de doubler ce montant afin de porter cette aide financière à 4 000 euros par an. Il s’agit d’un effort budgétaire salutaire afin d’améliorer sensiblement les conditions matérielles des élèves scolarisés en CPI. Cependant, cette augmentation ne concerne pas les candidats non-scolarisés en CPI qui peuvent également bénéficier de cette allocation dans le cadre de leur préparation individuelle aux concours administratifs ([58]).

En outre, le Gouvernement a décidé d’élargir le périmètre des bénéficiaires de l’allocation à tous les élèves des CPI sans instruction préalable par les services de l’État ([59]). Votre rapporteure pour avis se félicite vivement de cette évolution qui, d’une part, renforce la politique d’égalité des chances, et, d’autre part, accélère et simplifie les démarches administratives.

 

     Établir un plan d’action incluant le réseau des écoles de service public (RESP) et la conférence nationale des directeurs des CPAG/IPAG afin de stimuler la conclusion de partenariats entre les CPI et les établissements publics d’enseignement supérieur.

Certaines CPI ont développé, dès leur création, des partenariats avec les établissements d’enseignement supérieur afin de bénéficier d’un apport pédagogique et de la possibilité d’ouvrir des antennes délocalisées. Ainsi, à titre illustratif, les élèves de la CPI de l’INTEFP bénéficient de cours au CPAG de l’IEP de Lyon. Les élèves des CPI de l’ENSP peuvent également suivre des cours à l’université Paris II. En outre, les 12 antennes délocalisées des CPI des IRA sont abritées par des IPAG et CPAG, ce qui permet d’étendre la couverture territoriale de l’offre d’accueil en CPI.

Lors des auditions conduites par votre rapporteure pour avis, la DGAFP a indiqué qu’une réflexion est actuellement en cours avec l’ensemble des IPAG et CPAG dans le but de déployer de nouvelles CPI notamment auprès des établissements non encore impliqués dans le dispositif des antennes délocalisées.

Cette démarche doit être amplifiée afin de mettre en place de véritables partenariats pérennes entre les écoles de service public abritant les CPI et les établissements d’enseignement supérieur dont les étudiants constituent le vivier principal des candidats aux concours administratifs.

     Généraliser la prise en charge financière par les CPI des frais de transport et d’hébergement engagés par les candidats lors de la phase finale de sélection.

Selon les CPI, les entretiens ont lieu en présentiel ou à distance (par téléphone ou par visioconférence) soit pour l’ensemble des candidats, soit pour les candidats ayant des difficultés, notamment financières, à se déplacer sur le site de la CPI ou de l’une de ses antennes, s’agissant par exemple des candidats ultramarins.

En 2020, la crise sanitaire a incité les CPI à développer le recours aux entretiens à distance. Cette pratique a vocation à se généraliser, ce qui permettra en conséquence de faciliter les candidatures des élèves les plus modestes, les frais de transport constituant souvent une première barrière entravant l’accès aux CPI. Dans l’hypothèse où les entretiens en présentiel ne sont plus nécessairement requis, votre rapporteure pour avis soutient résolument le recours à la visioconférence dans le cadre de la sélection des élèves en CPI.

     Mettre en place un réseau national des CPI afin de synchroniser les calendriers d’admission, harmoniser les modalités de recrutement et favoriser la complémentarité des enseignements qu’elles proposent.

Cette proposition n’a pas été concrétisée à ce jour, même si la DGAFP fait état d’échanges informels entre les représentants des CPI leur permettant de discuter des « bonnes pratiques » en matière de recrutement et d’adaptation des parcours pédagogiques. Le principal obstacle à la synchronisation des calendriers d’admission au sein des CPI résulte des différences de calendrier des concours administratifs auxquelles les CPI préparent leurs élèves. La DGAFP a récemment mis en ligne le calendrier des recrutements en CPI afin de garantir la bonne information des candidats potentiels ([60]).

Il s’agit d’une première étape dans l’harmonisation des conditions d’accès aux CPI qu’il conviendra de mettre en œuvre dans le cadre, plus large, de la future réforme des modalités d’accès aux écoles de service public.

     Créer à l’horizon 2022 une CPI préparant spécifiquement ses élèves à un ou plusieurs concours de la fonction publique territoriale.

Sollicité par votre rapporteure pour avis l’année dernière, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) avait envisagé la mise en place de « communautés de parcours de préparation aux concours » (CPPC), sous réserve d’obtenir des financements spécifiques. Le but était de créer un cycle de préparation au bénéfice d’étudiants boursiers pour lesquels le CNFPT proposerait des entraînements aux concours externes de la fonction publique territoriale, parallèlement à leur cursus universitaire en première et deuxième années de master.

Cependant, dans l’attente de l’entrée en vigueur au premier semestre 2021 de l’ordonnance relative à la modernisation du recrutement au sein des corps et cadres d’emplois de catégorie A dans les trois versants de la fonction publique, la création d’une CPI consacrée aux concours administratifs territoriaux n’est pas formellement envisagée. Si les contours d’un tel dispositif doivent en effet être précisés par l’ensemble des parties prenantes, votre rapporteure pour avis rappelle la nécessité d’inclure pleinement les employeurs publics territoriaux au sein des dispositifs d’égalité des chances en matière d’accès à la fonction publique.

     Favoriser l’accompagnement individualisé d’étudiants méritants de condition modeste dès le début de leurs études supérieures dans le cadre d’une préparation pluriannuelle aux concours administratifs.

À la suite de la concertation sur les métiers et concours de la fonction publique organisée à l’automne 2019 par le Gouvernement, une réflexion interministérielle est actuellement menée afin de mettre en place deux dispositifs complémentaires s’inscrivant dans le sens de la proposition formulée par votre rapporteure pour avis.

D’une part, le Gouvernement envisage la création d’un label « égalité des chances », adossé à un cahier des charges précis et harmonisé tant pour les CPI que pour certaines formations délivrées par les établissements d’enseignement supérieur, dans le but d’accompagner de façon individualisée les étudiants méritants de condition modeste vers la préparation aux concours de la fonction publique.

D’autre part, suivant le modèle des « cordées de la réussite » mises place depuis 2008 dans l’enseignement supérieur, des « cordées de la réussite du service public » pourraient être développées afin de repérer et d’accompagner de façon suivie un vivier de collégiens et de lycéens, mais aussi d’étudiants en licence vers des parcours d’excellence permettant une insertion professionnelle au sein des métiers de la fonction publique. Le dispositif permettrait ainsi de créer des liens solides entre collégiens, lycéens et étudiants en premier cycle universitaire avec des écoles de service public et leur ministère de tutelle.

Votre rapporteure pour avis approuve ces démarches dont la dimension opérationnelle implique bien sûr la mobilisation de tous les acteurs de la sphère administrative et académique.

 

 


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mardi 20 octobre 2020, la Commission auditionne en visioconférence, Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, sur les crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » (Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9684778_5f8f090a5d700.commission-des-lois--mme-amelie-de-montchalin-ministre-de-la-transformation-et-de-la-fonction-publ-20-octobre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous vous auditionnons aujourd’hui, Madame la ministre, en visioconférence car vous êtes actuellement confinée, dans le cadre de l’examen pour avis des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Je suis très heureuse de présenter, pour cette première audition devant la commission des Lois, saisie pour avis, ce programme 148 relatif à la fonction publique. C’est une vraie marque d’intérêt que vous lui portez, en examinant les moyens que le Gouvernement consacre aux agents publics dont nous mesurons chaque jour davantage le rôle central. Nous l’avons encore vu très récemment, certains le payent de leur vie. À la suite de l’hommage qui a été rendu à M. Samuel Paty pendant les questions au Gouvernement, je souhaite avoir avec vous une pensée pour lui et pour sa famille, ses proches, ses collègues. Cet horrible assassinat nous montre aussi combien nos agents publics – singulièrement, les enseignants – sont en première ligne pour porter nos principes fondamentaux du service public, nos valeurs communes, et combien nous devons tout mettre en œuvre pour les protéger et les soutenir.

Les moyens que nous engageons sont bien sûr financiers, mais portent plus largement sur la formation et l’action sociale. Notre politique de ressources humaines n’est pas neutre à cet égard. Je vous présenterai donc les grandes lignes et les contours de cette nouvelle mission intitulée « Transformation et fonction publiques » au sein de laquelle le programme 148 « Fonction publique » occupe une place particulière. Je reviendrai ensuite brièvement sur la gestion de la crise sanitaire au sein de la fonction publique, sujet qui m’occupe beaucoup actuellement. Je profiterai enfin de l’occasion qui m’est donnée pour vous présenter les grandes lignes de ma feuille de route pour la fonction publique pour 2021.

Dès ma prise de fonction, j’ai souhaité mettre en cohérence les moyens budgétaires avec la mission qui m’était confiée, c’est-à-dire, placer en un seul ministère tous les leviers de transformation de nos administrations, les enjeux du numérique, la conduite de la modernisation de l’action publique et la stratégie de ressources humaines. Le programme 148 fait désormais partie de cette nouvelle mission « Transformation et fonction publiques », qui comprend les crédits destinés à accompagner la transformation durable de l’action de l’État – et de ses opérateurs – pour la rendre plus efficace au service de ses usagers en donnant de nouveaux moyens d’action aux agents. Regroupant l’ensemble des programmes destinés à financer les chantiers qui figurent en tête de ma feuille de route, cette nouvelle mission, dont je suis responsable, doit donner à tous les acteurs, notamment aux parlementaires, une plus grande lisibilité de l’action que je mène en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Le programme 148 occupe une place centrale dans cette mission, puisqu’il regroupe tous les crédits dédiés à la fonction publique. Pilotés par la DGAFP, la direction générale de l’administration et de la fonction publique, ces crédits concernent la formation interministérielle, l’action sociale interministérielle et l’appui dans le domaine des ressources humaines. Je souhaite saluer devant vous l’action de son directeur Monsieur Thierry Le Goff qui conduit très activement ces chantiers avec ses équipes depuis près de cinq ans. Ce programme est doté pour 2021 de 217 millions d’euros en crédits de paiement et 224,5 millions en autorisations d’engagement, contre près de 210 millions d’euros en 2020. Ce relèvement des crédits en euros constants pour 2021 va notamment permettre de financer de manière significative le doublement du montant de l’allocation pour la diversité dans la fonction publique pour les élèves des classes préparatoires intégrées, qui va passer de 2 000 à 4 000 euros en 2021 pour huit cents élèves. Je crois que c’est un sujet sur lequel nous avons beaucoup à faire, bien au-delà de cette augmentation de l’allocation qui représente déjà un pas très significatif pour renforcer l’attractivité de ces voies de préparation aux concours de la haute fonction publique en particulier.

J’aimerais évoquer l’importance de l’action de notre fonction publique, des agents publics, tout au long de cette année 2020 si particulière. Dans une période de crise sanitaire, économique et sociale, nous voyons combien la continuité et le bon fonctionnement du service public sont des priorités absolues. Les agents publics ont été pleinement à la tâche pour permettre à notre pays de vivre et de fonctionner pendant le confinement. Je crois que c’est vraiment grâce à eux que l’État a pu tenir, que les collectivités ont pu trouver des interlocuteurs et je veux ici les remercier. Je pense naturellement d’abord aux agents professionnels de santé, aux soignants dans les hôpitaux dans les établissements sociaux et médico-sociaux, qui ont su faire preuve d’une mobilisation à toute épreuve au plus fort d’une crise que nous voyons désormais se poursuivre.

Au-delà des soignants, je voudrais aussi revenir sur la mobilisation de tous les agents publics, comme d’ailleurs d’autres travailleurs de première ligne, qui ont été au service de l’intérêt général, et se sont mobilisés et adaptés. Je pense notamment à l’apprentissage accéléré du télétravail, en particulier dans le domaine éducatif mais également dans celui des prestations sociales. Dans certains métiers, les fonctions ont continué à être exercées en présentiel dans des conditions parfois difficiles. Nous avons vu une forte sur-mobilisation d’agents qui ont mis les bouchées doubles pour faire face à des besoins accrus pendant le confinement, ou, depuis le déconfinement, pour rattraper des retards qui auraient pu être pris. Nous avons souhaité récompenser au travers d’une prime dédiée tous ceux qui avaient fait face à cette augmentation très forte de leur activité. Cette audition devant la représentation nationale est aussi l’occasion de leur rendre hommage et leur adresser les remerciements qu’ils méritent.

Tout au long de cette crise, et aujourd’hui encore, nous avons tenu une ligne très ferme de protection des agents et des usagers du service public face à la pandémie. C’est notre priorité et le Premier ministre l’a rappelé dans sa circulaire du 1er septembre 2020 adressée à tous les ministres. Nous avons rappelé les règles protectrices, les responsabilités des employeurs publics sur le port du masque, sur la protection des personnes vulnérables, sur l’aménagement des espaces de travail et sur l’organisation du travail. L’instauration, le 17 octobre dernier, d’un couvre-feu dans certaines métropoles et en Île-de-France a appelé à la poursuite de ces efforts. Nous devons nous organiser pour tenir dans une durée potentiellement longue. Avant même les annonces d’instauration de couvre-feux, au regard de la dégradation de la situation sanitaire au cours des dernières semaines, j’ai pu prendre – après consultation des organisations syndicales et de l’ensemble des parties prenantes – des mesures qui visaient à faciliter et à renforcer encore le recours au télétravail dans la fonction publique. Je suis très attentive à sa mise en œuvre, notamment à l’accompagnement des agents, des encadrants, des managers. Nous avons ainsi pu diffuser à très large échelle un guide à destination des agents et managers qui se retrouvent quelques jours – deux ou trois – par semaine en télétravail, pour organiser à la fois leur efficacité et leur vie collectives, ainsi que le dialogue social.

Cette crise mobilise beaucoup d’énergie dans la gestion quotidienne. Mais elle ne doit pas nous faire oublier les enjeux de fond et nous devons toujours poursuivre cette transformation de la fonction publique, engagée par la loi du 6 août 2019, à laquelle le Parlement a apporté des contributions majeures. Je pense notamment à sa rapporteure, qui est également votre rapporteure aujourd’hui. La pleine application de cette loi est vraiment ma priorité : elle est indispensable pour que les services publics puissent répondre en toutes circonstances aux besoins de nos concitoyens. Un énorme travail a été fait depuis le 6 août 2019, puisque 90 % des textes d’application ont déjà été pris. L’intégralité des textes prévus sera bien applicable au 1er janvier 2021. Il reste effectivement des décrets à prendre dans certains domaines. Ma priorité, au-delà de la partie normative que je vais bien évidemment poursuivre très activement, est de faire vivre concrètement cette loi, pour que chaque agent, dans chaque administration, puisse s’en emparer.

Cette loi offre beaucoup de possibilités – tout en préservant les grands principes du statut auquel nous sommes tous attachés – dont certaines ne sont pas encore suffisamment connues. Il va nous falloir les développer avec beaucoup de volontarisme. C’est ce que je porte depuis ma nomination, en lien bien sûr avec les organisations syndicales, avec les employeurs publics des trois versants. Je les rencontre tous très régulièrement, je dialogue avec eux en permanence, et nous le savons : nous verrons en 2021 se concrétiser plusieurs des grands chantiers entamés par cette loi, chantiers que j’ai mis au plus haut de ma feuille de route. Je pense en premier lieu à la réforme de la haute fonction publique. Mon objectif est simple : que la fonction publique puisse redevenir le moteur de l’ascenseur social dans notre pays. Le Président de la République l’a formulé assez clairement à Clermont-Ferrand il y a quelques jours : il a souhaité créer une petite révolution dans l’accès aux grands concours de la fonction publique. C’est un des chantiers centraux sur lesquels je travaille, avec le développement des classes préparatoires intégrées, des parcours de préparation et l’accompagnement des jeunes préparationnaires. Des moyens sont bien sûr nécessaires, au-delà de ce que nous concrétisons déjà dans ce projet de loi de finances avec le doublement de l’allocation diversité.

Au-delà du renforcement de l’égalité des chances dans l’accès aux concours, nous devons aussi nous soucier de l’égalité des chances tout au long des carrières en multipliant les passerelles et tout ce qui permettra aux talents de la fonction publique d’occuper des postes à responsabilité. Identifier les talents, faire vivre les viviers dans chacun de nos ministères, en interministériel, c’est vraiment pour moi essentiel à la poursuite de l’engagement des hauts fonctionnaires aujourd’hui et à l’attractivité de la haute fonction publique pour demain.

Par ailleurs, la crise a mis en lumière des différences entre les salariés et les agents publics, notamment en termes de protection sociale complémentaire que ce soit dans le cadre de la prévoyance ou de la complémentaire santé. Je souhaite vraiment m’engager sur ce sujet : nous commençons un dialogue avec les partenaires sociaux pour poser les jalons d’une amélioration que je veux nette et réelle dans la protection des agents dans les années à venir. Nous avons également à poursuivre les travaux en matière de santé au travail et de négociations collectives.

Dans le contexte très particulier que nous traversons, nous voyons que l’attente des Français vis-à-vis de l’action publique, des services publics, est très élevée. Elle est légitime. Mon rôle en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques est de m’assurer que la fonction publique, l’action publique, soient, à travers les hommes et les femmes qu’elles mobilisent chaque jour, à la hauteur de ces attentes ; que nous remplissions les missions que les Français nous confient ; et que nous ayons pour les agents des outils de travail modernes qui leur permettent de répondre à ces attentes – à la fois les leurs, bien sûr, et également celles des citoyens. Je dis souvent que les agents seront en première ligne de la relance, les premiers à rendre cette relance possible. Nous devons nous assurer que toute notre action publique, tous nos services publics, soient bien accessibles à chacun sur tout le territoire. Pour cela, nous devons nous assurer que notre fonction publique ressemble davantage à la diversité de la France, de tous ses territoires, de tous ses milieux sociaux, qu’elle ressemble à ce que nous sommes aujourd’hui et qu’elle puisse rester attractive, agile et protectrice.

Vous l’avez compris : c’est ce à quoi je m’emploie depuis juillet dernier. Et pour remplir cette mission, je voudrais lancer un appel : beaucoup de choses peuvent être faites bien sûr depuis Paris, depuis mon ministère, ou au gré de déplacements que je mène chaque semaine dans les départements. Mais j’ai besoin de vous, parlementaires, pour faire remonter les difficultés, les blocages, dans cette dynamique de transformation que nous souhaitons tous. Et pour que nous puissions aussi, ensemble, défendre nos agents publics qui sont – c’est malheureusement souvent le cas – très injustement attaqués. Nous devons à tout prix faire cesser cette opposition stérile entre les Français, entre ceux du public et ceux du privé. Nous avons, dans un contexte de crise sanitaire, de relance économique et, aujourd’hui, d’action résolue contre le terrorisme islamiste, un objectif commun à porter : celui de la cohésion nationale, de l’unité. Et les agents publics, plus que jamais, en sont les acteurs de terrain. Nous sommes tous, je le crois, à leurs côtés. Nous souhaitons les encourager, les protéger, les soutenir et c’est l’une des missions de ce budget, par des moyens très concrets.

Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis. Nous sommes réunis pour examiner pour avis les crédits du programme « Fonction publique » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Ce PLF s’inscrit cette année dans un contexte particulier : la crise sanitaire qui a frappé et frappe encore notre pays représente une épreuve majeure. Dans le combat permanent contre le virus, la fonction publique a permis à la nation de se tenir debout. Je tiens à saluer l’exceptionnel engagement et le dévouement des 5,5 millions d’agents publics, quels que soient leurs statuts, leurs catégories et leurs fonctions, qui œuvrent chaque jour au service de l’intérêt général. Permettez-moi à cet instant d’avoir également une pensée pour Samuel Paty, un enseignant qui incarnait pleinement, par sa profession, les valeurs de la République, et qui symbolisait, par son courage, l’un des visages de notre fonction publique. L’hommage qui lui a été rendu cet après-midi par notre Assemblée témoigne de la reconnaissance unanime de la représentation nationale.

Comme chaque année, je ne souhaite pas développer outre mesure l’analyse budgétaire des crédits, c’est un travail dont s’acquitte en premier lieu la commission des Finances. Je noterai tout de même l’augmentation de l’enveloppe budgétaire globale, grâce à la revalorisation des prestations d’action sociale individuelle et collective à hauteur de 5 millions d’euros. Dans le prolongement de la trajectoire financière enclenchée l’année dernière, c’est une évolution bien sûr positive, qui contribuera à l’amélioration des conditions de travail et de vie des agents de l’État et de leurs familles.

J’ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique à l’épreuve de la crise de la covid-19. En quelques semaines seulement, le cadre réglementaire a été profondément adapté, sous l’impulsion du Gouvernement et sous le contrôle attentif du Parlement dans le cadre de la loi du 23 mars 2020 créant l’état d’urgence sanitaire. Les règles organisationnelles et les moyens de fonctionnement en ressources humaines ont ainsi évolué en un temps record, dans le but de répondre de façon efficace et opérationnelle au confinement généralisé de la population pendant près de deux mois. Ainsi, le recours au télétravail s’est développé massivement et quasiment instantanément, soulignant l’étendue des opportunités mais aussi des risques que ce mode d’organisation peut générer. Le dialogue social s’est poursuivi par la voie dématérialisée, afin de maintenir un contact permanent entre les employeurs publics et les organisations syndicales. Les modalités de mise à disposition des agents ont été assouplies dans le but de faciliter les renforts de personnel en faveur du versant hospitalier, qui a été bien sûr fortement mis à contribution par la crise sanitaire.

Toutes ces mesures visaient un double objectif : d’une part, préserver le principe de continuité du service public, d’autre part, protéger celles et ceux qui en assurent le fonctionnement, dans la diversité de leurs missions. À ce titre, je me félicite de la suspension du jour de carence au cours de l’état d’urgence sanitaire. Tous les arrêts de travail ont donc été indemnisés dès le premier jour d’arrêt entre le 24 mars et le 10 juillet 2020. Cependant, depuis le 11 juillet dernier, force est de reconnaître que la levée de cette suspension suscite une incompréhension légitime. En effet, comment comprendre que les agents mis en arrêt en raison de leur contamination par la covid-19, qu’ils soient ou non symptomatiques, se voient infliger un jour de carence alors que ceux placés à l’isolement en tant que « cas-contacts » ne se voient pas infliger de délai de carence ? Au moment précis où l’état d’urgence sanitaire a été rétabli sur l’ensemble du territoire national depuis le 17 octobre et dans le contexte épidémiologique actuel d’augmentation constante du nombre de personnes contaminées, je demande, Madame la ministre, le rétablissement de la suspension du délai de carence, dans un souci de cohérence et de justice sociale.

Au-delà de la nécessaire adaptation du régime juridique, la crise a renouvelé les pratiques et méthodes managériales. Elle a ainsi accéléré un processus de mutation déjà engagé par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Plus qu’une évolution des mentalités relatives à l’organisation du travail et à la conduite du changement, la crise actuelle rend indispensable la réflexion collective autour de l’ensemble des enjeux relatifs à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. En tant que rapporteure pour avis, j’avais consacré mon rapport budgétaire en 2018 au thème du management. Deux ans après, je constate que ce sujet est au cœur du débat. Être manager, quel que soit son grade ou sa fonction, ne s’improvise pas, encore moins en période de crise. C’est un apprentissage jamais achevé, qui requiert des savoirs et des savoir-faire. C’est une aptitude qui n’est pas réservée aux seuls hauts fonctionnaires, mais bien à tous les personnels en situation d’encadrement, aux échelons intermédiaires et de proximité, dans les filières administratives et techniques.

Lors des auditions que j’ai conduites, tous les intervenants, dans les trois versants, ont souligné l’importance d’accompagner et de former l’ensemble des agents aux pratiques managériales, notamment en période de crise durable. Je sais, Madame la ministre, que vous travaillez avec vos services sur ces enjeux essentiels de formation. Ils prendront une dimension capitale dans les années à venir, à l’heure où émergent les premiers retours d’expérience de gestion de la crise sanitaire. À ce titre, je salue les initiatives menées par plusieurs employeurs publics consistant à réaliser des guides de bonnes pratiques et de préconisations à destination des managers et de l’ensemble des agents publics. Si le travail à distance sur le long terme peut présenter des atouts non négligeables, il comporte aussi des dangers pouvant entraîner un isolement préjudiciable à la cohésion des équipes et à leur solidarité.

En tant que rapporteure de la loi de transformation de la fonction publique, il m’apparaît nécessaire de réaliser le suivi des textes règlementaires que doit prendre le Gouvernement en application de la loi. La très grande majorité des décrets prévus par la loi a été publiée à ce jour : lignes directrices de gestion, procédures de recrutement contractuel, de rupture conventionnelle et de contrôles déontologiques, nominations équilibrées dans l’encadrement supérieur ou encore lutte contre les discriminations. Mais je constate aussi que des décrets concernant des sujets très attendus par nos concitoyens doivent encore être publiés d’ici à la fin de l’année : il s’agit par exemple de l’instauration de la prime de précarité pour les contrats de courte durée, du rapport social unique (RSU) et de la création des comités sociaux. Pouvez-vous nous préciser l’état d’avancement de ce travail, au regard de son contenu et de son calendrier ?

En outre, la loi du 6 août 2019 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances à cinq reprises. Les délais d’expiration de ces habilitations s’échelonnent de décembre 2020 à décembre 2021. Je pense, par exemple, à l’ordonnance relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique pour laquelle les concertations se déroulent en ce moment. Les obligations applicables aux employeurs publics dans le financement de la couverture santé et prévoyance des agents ne doivent pas rester lettre morte, en raison d’un pourcentage de la contribution versée par l’employeur trop faible voire fixé à 0 %, à l’image de ce que l’on peut hélas observer pour le complément indemnitaire d’activité (CIA). L’esprit de la loi que nous avons votée doit être respecté.

Un mot rapide de l’ordonnance de codification du droit de la fonction publique dont l’échéance est fixée à décembre 2021 : comme tout processus de codification, je suis parfaitement consciente qu’il s’agit d’un chantier juridique titanesque. Vos services m’ont indiqué être pleinement engagés dans cette mission, et je ne doute pas de leur investissement. C’est un sujet d’apparence technique mais qui permettra d’améliorer la lisibilité et l’unité du droit applicable à l’ensemble de fonction publique. J’espère donc que les engagements pris par le Gouvernement en la matière seront tenus.

Je souhaite surtout m’arrêter quelques instants sur une ordonnance particulièrement importante : celle relative à la réforme des écoles de la haute fonction publique et aux modalités de recrutement des agents de catégorie A. Je constate, avec un certain étonnement à ce stade, que la représentation nationale n’a pas encore été associée au travail de concertation et de rédaction de cette ordonnance, contrairement aux engagements qui avaient été pris. Il s’agit, pourtant, d’un sujet fondamental, qui ne peut pas être traité à l’abri des regards, dans un entre soi contre lequel nous entendions précisément lutter. Fondamental, car il s’inscrit dans la politique d’égalité des chances et de diversité qui constitue l’une des priorités du Président de la République et de notre majorité. Fondamental car l’on ne saurait à cette occasion remettre en cause les fondements méritocratiques sur lequel repose notre modèle républicain. Fondamental car nous devons respecter l’esprit et la lettre de l’article VI de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui proclame que tous les citoyens sont « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » C’est précisément pour rester fidèle à ce principe garanti par nos textes constitutionnels que j’ai plaidé l’année dernière, dans mon avis budgétaire, pour le renforcement du dispositif des classes préparatoires intégrées – les CPI – aux écoles de service public.

Au nombre de 28, les CPI offrent un soutien pédagogique ainsi qu’un accompagnement individualisé afin de préparer leurs élèves – une vingtaine chaque année par CPI – aux concours d’accès à la fonction publique de catégories A et B. Elles recrutent principalement des étudiants issus de milieux modestes, notamment originaires des quartiers prioritaires de la ville et des zones de revitalisation rurale, et, dans une moindre mesure, demandeurs d’emploi. Elles représentent de véritables leviers de promotion sociale et de diversification des profils au sein de la fonction publique. À ce titre, je me félicite vivement du doublement du montant des allocations versées aux élèves des CPI, qui passeront de 2 000 à 4 000 euros par an. Cette évolution améliorera sensiblement les conditions matérielles dans lesquelles ces candidats préparent les concours administratifs, ce qui contribuera à leur réussite.

Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Aussi, pouvez-vous nous préciser quelles orientations sont à l’étude afin de renforcer l’égalité des chances et l’ouverture de l’accès à la fonction publique, notamment de la haute fonction publique, dans le respect de l’égalité de traitement des candidats ? C’est une politique ambitieuse qu’il convient de mener et je sais pouvoir compter sur votre détermination.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. J’en profite pour mêler ma voix à la vôtre concernant certains décrets. Je vous ai écrit, Madame la ministre, très récemment : cinq décrets auraient dû être pris entre janvier et février 2020 et ils ne l’ont pas été. Trois rapports doivent aussi être remis au Parlement, et ne l’ont pas encore été. Je vous remercie de veiller à ce que le nécessaire soit fait…

M. Guillaume Gouffier-Cha. Nous examinons le rapport pour avis d’Émilie Chalas sur le programme 148 pour la quatrième année consécutive et un peu plus d’un an après la promulgation de la loi sur la transformation de la fonction publique du 6 août 2019.

Préalablement à mon propos, je tiens bien entendu au nom de mon groupe à rendre à mon tour un hommage à M. Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, fonctionnaire, serviteur de la République. Je tiens également à saluer, comme l’ont fait madame la ministre et madame la rapporteure, l’engagement de nos 5,5 millions d’agents de la fonction publique pendant la crise de la covid-19, un engagement sans faille en faveur de la continuité et du bon fonctionnement de nos services publics.

Depuis le début de ce quinquennat, nous poursuivons une ambition très claire, qui doit continuer à imprégner nos travaux : transformer la fonction publique pour ne pas qu’elle s’enlise dans un dialogue social sourd et une opacité entre les trois versants, mais au contraire pour qu’elle apporte aux agents publics plus de protection, plus de fluidité dans le parcours de leur carrière, au final pour améliorer le fonctionnement de nos services publics au service de tous nos concitoyens. Les attentes de nos agents publics sont nombreuses et fortes en la matière.

Je salue l’évolution des crédits de ce programme 148, qui présente une hausse globale favorisant la formation des fonctionnaires à l’ÉNA et aux IRA ainsi que la formation interministérielle, mais aussi une augmentation substantielle du montant de l’allocation pour les élèves de CPI. Les crédits sont aussi augmentés afin de revaloriser les prestations sociales individuelles et collectives ou en faveur de différents fonds afin d’améliorer les politiques de ressources humaines au sein des administrations, notamment de l’État. Aussi, nous voterons bien entendu ces crédits.

J’en viens toutefois à quelques questions qui animent nos réflexions. Je ne reviendrais pas sur celles déjà posées par la rapporteure, sur la prime de précarité et sur la réforme de la haute fonction publique et son accès. Ma première question concerne l’apprentissage. De nombreuses avancées ont été obtenues en la matière : meilleures conditions d’accès à la titularisation pour les personnes en situation de handicap pour une période expérimentale de cinq ans ; frais de financement pris en charge à hauteur de 50 % par le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale… Aussi, j’aimerais savoir si l’État et les collectivités se sont emparés de ce dispositif. En effet, ces filières sont encore trop peu attractives et dénigrées alors même qu’elles offrent aux jeunes motivés par l’intérêt général une formation professionnelle au plus près de leurs attentes et de celles des collectivités employeuses.

Une deuxième question concerne l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons pu aller plus loin dans la loi en parallèle de l’accord relatif à l’égalité professionnelle qui avait été signé le 30 novembre 2018, notamment en luttant contre les écarts de rémunération, en exonérant les femmes enceintes du jour de carence, en maintenant le régime indemnitaire pendant le congé maternité. Aussi, la loi de 2019 étend le dispositif des nominations équilibrées dans les administrations, les établissements publics hospitaliers, les collectivités, les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) de plus de 40 000 habitants. Le programme 148 prévoit un financement à hauteur d’un million d’euros pour le Fonds en faveur de l’égalité professionnelle, le FEP, qui a vocation à être financé par les pénalités payées par les employeurs publics de l’État ne respectant pas les obligations légales de nomination. Pourquoi, Madame la ministre, avoir sorti les collectivités territoriales du dispositif de sanction alimentant le programme 148, donc le FEP ? Et comment les employeurs publics se sont-ils engagés dans cette démarche ?

Enfin, concernant le fonds pour la transformation de l’action publique, ma question ne touche pas directement aux sujets budgétaires. Doté d’une enveloppe de 700 millions d’euros sur cinq ans, ce fonds a vocation à accompagner la transformation des administrations à l’échelon national ou déconcentré, afin d’investir dans les projets visant à améliorer la qualité du service délivré aux citoyens et aux entreprises, ainsi que l’environnement de travail des agents. Le 6 octobre dernier, le comité de pilotage que vous présidez a décidé d’investir pour cette seconde session plus de 112 millions au profit de dix-neuf projets organisés autour de cinq thématiques, tels que la transition écologique ou la sécurité. Concrètement, à quels enjeux vont devoir répondre ces projets ? Pouvez-vous nous faire un point d’étape ?

Le groupe La République en Marche votera bien entendu en faveur des crédits du programme 148.

M. Philippe Gosselin. Je me permets quelques mots, à mon tour et au nom du groupe Les Républicains, pour saluer de tout cœur la mémoire de M. Samuel Paty, un exemple de fonctionnaire, un hussard de la République, mort pour la défense des valeurs de la République.

Je m’associe également aux félicitations adressées aux autres très nombreux agents de la fonction publique, des fonctions publiques – qu’elles soient d’État, hospitalière ou territoriale – qui, ces derniers temps, avec la crise de la covid-19, n’ont pas ménagé leur peine. C’est l’occasion de le redire. Mais il ne faut pas pour autant dresser un tableau général qui ne serait que laudateur. Au-delà des très sincères louanges, il faut également reconnaitre que dans un certain nombre de territoires ou d’administrations, la continuité du service public a tout de même par moments posé quelques questions. Différentes raisons peuvent l’expliquer : il a fallu s’adapter ; la rapidité des évènements a pu empêcher de trouver des réponses totalement satisfaisantes ; le télétravail, par définition, a empêché une présence physique et a conduit à la clôture de certains guichets, provoquant des difficultés d’accès au service public, et aux services au public. Ce n’est pas un procès que j’instruis. Il faut retenir la reconnaissance et les louanges, mais aussi, si l’on souhaite faire un bilan complet, quelques points plus délicats dont il faut tirer des enseignements.

J’aimerais aborder trois sujets. D’abord, des difficultés de recrutement pour certains concours demeurent, ce qui conduit à développer l’emploi contractuel : cela pose question et je serais heureux d’entendre la ministre sur ce point.

Ensuite, malgré la réforme d’août 2019 sur la transparence des rémunérations dans la haute fonction publique, de vraies questions subsistent à ce sujet. Certes, Paris ne s’est pas fait en un jour, mais ces questions demeurent et elles sont renforcées par le fait que certains textes d’application sont toujours attendus, plus d’un an après l’adoption de la loi. Je n’incrimine pas nécessairement la titulaire actuelle du ministère, arrivée il y a peu, mais il faudra bien que ces textes soient publiés.

Au-delà des pétitions de principe, j’ajoute qu’il y a toujours de grands écarts de traitements injustifiés entre les hommes et les femmes. Cela doit demeurer une préoccupation importante dans les fonctions publiques.

Enfin, nous sommes nombreux à dénoncer – cela va sans doute au-delà du programme 148 – une dématérialisation un peu à marche forcée dans les territoires. Les points d’accès pour les CNI (cartes nationales d’identité), les passeports, sont parfois bien compliqués et encombrés : il faut prendre des rendez-vous, l’élaboration est un peu lente, et ce n’est pas lié à la covid-19. Pour les titres de circulation et les cartes grises, la dématérialisation est également bien compliquée et un certain nombre de nos concitoyens ne s’y retrouvent pas.

Pour terminer, j’aimerais mettre l’accent sur un point un peu douloureux concernant l’attribution de primes dans la fonction publique hospitalière. Certains services ont été bien reconnus, d’autres moins bien : au lieu de primes de reconnaissance, certaines sont hélas devenues des primes de discorde. Peut-être aurait-on pu l’éviter.

Voilà quelques touches, plutôt qu’une réflexion structurée point par point, autour de l’actualité de la fonction publique et de l’état du pays.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je me joins bien évidemment à mes collègues pour saluer la mémoire de M. Samuel Paty à qui l’Assemblée nationale a rendu hommage aujourd’hui.

Refonder le contrat social avec les agents publics est une nécessité au regard des évolutions de la société, des attentes de nos concitoyens et des besoins des agents. Nous avons relevé ces défis à travers la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Je tiens à rappeler que cette loi est issue d’une large phase de concertation ; c’est en procédant ainsi que nous pouvons légiférer au plus juste et faire en sorte que chacun s’approprie un texte pour le rendre plus efficace. Cette notion d’appropriation pour plus d’efficacité sera l’objet de ma première question.

Nous avons tous souhaité aller vers une plus grande égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La loi prévoit entre autres que les administrations ainsi que les établissements hospitaliers élaborent un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle, au plus tard pour le 31 décembre 2020. Pouvez-vous m’indiquer si cette obligation sera remplie dans les délais impartis, ou si la crise a eu un impact sur l’élaboration de ces plans ? Pouvez-vous également nous donner votre sentiment en ce qui concerne l’appropriation de la politique de votre ministère en faveur de l’égalité femmes-hommes ? J’aimerais également que vous nous fassiez un point d’étape sur les employeurs publics de l’État qui ne respectent pas leurs obligations en la matière. Il ne s’agit pas de nommer les personnes en question, mais de nous dire qui sont-ils et quel est le montant des pénalités qu’ils doivent payer.

La crise sanitaire a modifié la façon de travailler de nos agents. Ils ont été confrontés à des suspensions d’activité, à des modifications de leurs conditions de travail et d’accueil des usagers. Notre groupe se joint aux remerciements que vous avez formulés pour leur implication pendant toute cette période. L’incertitude qui entoure le cadre de travail des agents de la fonction publique n’est pas près de se lever. Le Président de la République l’a indiqué : nous devrons vraisemblablement vivre avec la covid-19 au moins jusqu’à l’été 2021. Aussi, je souhaite que vous nous expliquiez comment ce budget anticipe les éventuelles évolutions des conditions de travail qui peuvent, dans certaines situations, entraîner un coût supplémentaire.

L’emploi des personnes en situation de handicap est une priorité essentielle et l’implication exemplaire de l’État employeur est primordiale. Pouvez-vous nous indiquer quel budget est alloué à cette action, et quels sont les leviers pour continuer d’avancer en ce domaine ?

Par ailleurs, l’amélioration des conditions de travail dans la fonction publique est un enjeu essentiel de la rénovation de la politique de ressources humaines et de relations sociales. Une concertation sur un plan santé au travail a été lancée à la suite du rapport rendu par notre collègue Charlotte Lecocq et des travaux doivent s’ouvrir sur la protection sociale complémentaire des agents publics. Les grandes lignes du futur plan de santé au travail étaient attendues pour le 30 mars 2020, et la conclusion des travaux prévue avant l’été. Le confinement a malheureusement modifié le calendrier ; où en sommes-nous ?

S’agissant enfin de l’appel à candidatures que vous avez lancé pour le recrutement de sous-préfets à la relance, notre groupe s’interroge sur cet échelon supplémentaire de hauts fonctionnaires que vous souhaitez instaurer pour décliner le plan de relance dans les territoires. Ne suffirait-il pas de s’appuyer sur les sous-préfets déjà en poste pour remplir cette mission ? Ils connaissent très bien leur arrondissement, les acteurs des territoires et les projets des collectivités. Il existe une vraie relation de confiance entre eux et les élus locaux, et celle-ci est indispensable pour réussir le plan de relance.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés votera les crédits de cette mission.

Mme Cécile Untermaier. En mon nom et au nom du groupe Socialistes et apparentés, je veux dire combien cette mission nous met devant l’importance du service public, de ce qu’il représente, au travers bien sûr de la crise de la covid-19 qui bouleverse notre société. J’ai une pensée émue pour M. Samuel Paty, qui illustrait de la manière la plus emblématique et attachante la place d’un fonctionnaire – notamment d’un enseignant – dans la société.

Le service public est d’abord le garant de la fermeté, de la qualité de la présence de l’État. Il me semble que c’est l’occasion de lui adresser nos éloges et de considérer ensemble que les propos délétères qui ont souvent été tenus sur la fonction publique, et qu’on oublie aujourd’hui, ont été durement ressentis pas ces agents. Il nous faut tous ensemble lutter contre les désengagements et contre les intimidations à l’égard de ceux qui s’engagent dans la voie de l’intérêt général.

Je vous remercie, Madame la rapporteure, pour la qualité de votre rapport et pour vos questions. Vous avez le souci légitime de voir le texte sur lequel vous avez beaucoup travaillé se concrétiser, et nous serons à vos côtés parce qu’il est en effet important que ce que le législateur a décidé soit concrétisé. J’ai particulièrement apprécié vos propos sur la nécessité de revenir à la suspension du jour de carence et d’instaurer vraiment la prime de précarité, particulièrement utile dans les moments que nous vivons.

Dans cette mission, le Gouvernement met fortement l’accent sur la transformation numérique de l’action publique. Il veut dématérialiser 100 % des démarches administratives d’ici 2022, dans le cadre de son initiative Action publique 2022. Pourquoi pas ? Mais comprenez nos inquiétudes : dans une grande partie de nos campagnes, le numérique n’est pas une réalité et cette transformation ne peut se faire sans prendre d’abord en considération ces carences. Or je n’ai pas l’impression que cette ambition s’accompagne d’une volonté de garantir non seulement l’accès de la population au numérique, mais aussi sa formation : il ne s’agit pas simplement que des câbles arrivent à son domicile, il faut être formé pour s’en servir. J’aimerais être sûre que vous avez bien le souci d’aider nos concitoyens en la matière, car cela relève de la volonté réaffirmée de veiller à la cohésion sociale et à la bonne intelligence entre nous.

Comme beaucoup de mes collègues sans doute, j’ai reçu dans ma permanence des personnes qui étaient dans l’incapacité d’obtenir un titre auprès de l’ANTS, l’Agence nationale des titres sécurisés, comme auprès d’autres plateformes. Il est profondément décourageant pour elles de devoir demander à un parlementaire qu’il actionne – de manière assez compliquée, d’ailleurs – toute une chaine pour pouvoir exercer leur droit à une carte grise ou à tout autre titre. Il y va de la continuité du service public afin de ne pas entraver l’exercice d’une liberté, ce qui pourrait être sanctionné par un juge.

Quand j’entends parler d’une transformation numérique totale pour 2022, je suis donc très inquiète, et c’est essentiellement sur ce point que j’aimerais vous entendre, y compris sur la question jamais évoquée du bilan carbone du numérique : une étude d’impact est-elle menée à ce propos ?

M. Dimitri Houbron. Je tiens tout d’abord, en mon nom comme au nom de mon groupe, à m’associer à l’émotion de la nation et à l’hommage rendu à M. Samuel Paty, qui fut l’exemple parfait de ce que représente la fonction publique en France.

Le groupe Agir ensemble entend souligner deux points positifs de ce budget. Bien qu’elle ne relève pas de cette audition, nous saluons d’abord l’augmentation de 65 % des crédits consacrés à la rénovation des cités administratives : cette politique immobilière de l’État améliorera les conditions de travail de nos agents et l’effectivité de leur mission. Nous nous réjouissons ensuite de l’augmentation des crédits dédiés à la formation des fonctionnaires, une nécessité pour adapter le service public aux évolutions des besoins des usagers. En résumé, nous soulignons ces efforts de modernisation de l’action publique.

Dans le prolongement des objectifs de ce budget, nous aimerions connaitre les financements qui, au-delà du doublement de l’allocation diversité, seront ciblés vers la promotion de l’égalité des chances, qui figure sur votre feuille de route. Dans un avis rendu en décembre 2018, le Conseil économique, social et environnemental soulignait une dévalorisation des métiers de la fonction publique chez les jeunes diplômés. Cet état de fait expliquerait la baisse du nombre de candidats aux concours. Concrètement, ce jeune public pointe d’abord les conditions de travail difficiles dans certains métiers comme la police, l’enseignement ou la santé ; ensuite, les faibles rémunérations en début de carrière ; enfin les évolutions de carrière plus intéressantes dans le secteur privé.

Je salue bien évidemment votre volonté de développer les classes préparatoires intégrées, étant moi-même passé par ce type de classe : étudiant en droit et boursier, j’ai profité de ces formidables outils. Malgré l’effort de votre ministère, je crains toutefois qu’ils demeurent insuffisants au regard de notre ambition d’égalité des chances. C’est un sujet ô combien important à l’heure actuelle : alors que naissent des tensions et que la République recule dans certains territoires, il est indispensable d’envoyer un message fort à ces publics, à ces jeunes qui vivent souvent dans les quartiers difficiles, de leur faire savoir que la République a quelque chose à leur offrir, de belles perspectives d’avenir, de belles fonctions au service de l’intérêt général et de nos concitoyens. Il faut envoyer ce message beaucoup plus fortement que nous ne le faisons aujourd’hui. Je salue bien évidemment votre investissement, mais je souhaite que nous allions plus loin pour promouvoir cette égalité des chances et en faire une réalité.

Je souhaite donc savoir quels moyens seront consacrés à améliorer l’attractivité de la fonction publique et à ramener ces jeunes diplômés vers les concours de la fonction publique.

M. Ugo Bernalicis. Je m’associe évidemment aux collègues qui ont rendu hommage à M. Samuel Paty, comme nous l’avons fait hier lors de l’examen d’autres crédits. Il ne faut pas oublier que ce qui fait vivre la fonction publique, ce sont avant toute chose des fonctionnaires, qui se lèvent chaque matin, non pas juste pour percevoir leur salaire à la fin du mois, mais pour faire vivre une idée du vivre ensemble et du bien commun que, j’espère, nous partageons tous dans le pays.

Pour en venir au programme 148, j’ai bien compris que chacun ici souhaite tenir un propos général sur la fonction publique. Je ne serai pas très long à ce sujet : je rappelle que j’étais en totale opposition avec la loi de transformation de la fonction publique, et je ne suis donc pas, non plus que le groupe de La France insoumise, pressé qu’elle soit mise en application. Que certains se plaignent de ne pas être associés à des ordonnances me fait sourire puisque c’est un peu leur principe… Si vous ne voulez pas vous trouver dans la position de l’arroseur arrosé, soyez donc plus prudent avant d’accepter le recours à des ordonnances !

S’agissant du programme 148, je note tout d’abord l’arrêt du déploiement du RIFSEEP, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel, et la modification de l’indicateur de suivi. On nous dit que cela tient à un changement de politique. Il est vrai qu’au début de la législature, M. Gérald Darmanin, alors ministre du Budget, nous avait expliqué que le RIFSEEP n’était pas un bon système et qu’on allait sans doute le revoir. Où en est-on ? Êtes-vous vous-même satisfaite du RIFSEEP ? Produit-il ce que l’on escomptait : favoriser la mobilité au sein de la fonction publique de l’État ? Je ne le pense pas, mais peut-être avez-vous des éléments à ce propos.

Par ailleurs, c’est par ce biais du programme 148 que sont financés les IRA et de l’ÉNA. Je connais assez bien les IRA puisque j’en suis issu. Je ne suis pas le seul député à en être issu, et c’est tant mieux puisque c’est une formation de qualité. Le document budgétaire se contente de montrer qu’avec la réforme, les IRA coûtent un peu moins cher et qu’il y a deux sessions par an. Pouvez-vous dresser un bilan plus précis ? Pour ma part, j’ai le sentiment qu’on a basculé vers six mois de formation initiale sans donner aux IRA les moyens suffisants pour un accompagnement individualisé lors des six mois suivants, passés au sein d’une administration dans laquelle il est prévu que l’élève stagiaire soit recruté à la fin. Au terme des six premiers mois, on lui dit en quelque sorte « au revoir, pourvu que la suite se passe bien ». Avant, les élèves effectuaient deux stages et acquéraient une petite expérience. On faisait preuve d’une certaine souplesse, en étudiant le profil des agents pour leur proposer les postes qui semblaient les mieux adaptés pour eux-mêmes comme pour l’administration, et cela débouchait sur une titularisation. Aujourd’hui, si vous ne convenez pas à l’administration dans laquelle vous êtes pré-affecté, vous en êtes exclus.

Vous avez donné au journal « Le Monde » une interview dans laquelle vous déploriez qu’il n’y ait toujours pas assez d’ouverture au sein de l’ÉNA et constatiez un certain conformisme sociologique. Je peux partager cette opinion, mais quelles sont vos perspectives ? Le financement des IPAG, les instituts de préparation à l’administration générale, des autres organismes de préparation et des classes préparatoires relèvent du programme 148. Que proposez-vous en la matière ? Souhaitez-vous que l’ÉNA puisse prendre sur dossiers des personnes issues des quartiers populaires ? Ou êtes-vous favorable au renforcement des dispositifs égalitaires afin que des gens issus des quartiers réussissent le concours et puissent accéder par cette voie à cette école prestigieuse ? C’est un vrai sujet et nous n’avons pas d’indications à cet égard.

Enfin, du fait de la covid-19, le nombre de contractuels explose dans un certain nombre d’administrations pour faire face à de nombreuses problématiques. Quelles sont les intentions de la DGAFP ? S’agit-il seulement de satisfaire un besoin ponctuel, avant de rouvrir au concours autant de postes que les années précédentes ? Ou s’agit-il d’atteindre le véritable objectif de la loi de transformation de la fonction publique en profitant de la crise sanitaire pour remplacer d’un coup tous les titulaires par des contractuels ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. Je m’associe à l’hommage de mes collègues au professeur d’histoire M. Samuel Paty, décédé de manière brutale et inacceptable.

La crise sanitaire a bousculé les pratiques de travail en mettant en avant le télétravail, qui n’était pas très habituel dans la fonction publique, mais qui s’y est installé comme dans de nombreux endroits de façon quelque peu brutale, ni anticipée, ni préparée. De nombreuses administrations s’en sont saisi, permettant avec plus ou moins de facilité la continuité des services publics pendant le confinement. Quel bilan pouvez-vous tirer de cette expérience et quelles leçons en avez-vous tirées pour prolonger cette pratique en cette rentrée ?

Le gouvernement avait par ailleurs pour objectif de diminuer le nombre de fonctionnaires, en réponse à une assez forte sollicitation européenne. Notre taux de fonctionnaires est, il est vrai, assez élevé par rapport aux autres pays européens sans que nous ayons toujours pour autant les meilleurs services ou les meilleurs résultats. Or, avec la crise, les crédits dégagés et le plan de relance montrent une importante augmentation du nombre de postes dans tous les secteurs de la fonction publique : police, justice, pénitentiaire, enseignement supérieur, armée, santé… Ces recrutements sont-ils réalisés sous la forme de recrutements par concours ou de contrats ? Quel impact ont-ils sur le budget ?

Enfin, quel sera le profil des trente sous-préfets à la relance et quel type de contrat leur sera proposé ? Pourquoi ajouter une strate alors qu’on peut s’appuyer sur les sous-préfets actuels qui déclinent assez bien les actions dans le territoire ?

Mme la ministre. Madame la rapporteure a évoqué les décrets et je vais donc faire le point. Le décret sur la création des comités sociaux sera publié fin octobre-début novembre – nous avons déjà eu les échanges avec les organisations syndicales – et il nous permettra donc bien de disposer d’instances uniques. Le décret sur les lignes directrices de gestion et l’organisation des commissions administratives paritaires sera également publié fin octobre. Le décret sur le rapport social unique le sera plutôt au mois de novembre : il est actuellement examiné par le Conseil d’État. Celui sur la prime de fin de contrat d’une durée inférieure ou égale à un an, est en contreseing et sa parution est donc imminente. D’autres décrets, notamment sur les autorisations spéciales d’absence ou sur le recours aux contractuels, seront eux aussi publiés avant la fin de l’année. Je tiens scrupuleusement les délais pour que toutes les dispositions puissent s’appliquer effectivement au 1er janvier 2021.

Je vous le préciserai par écrit, mais nous avons bien noté que nous vous devions d’ici la fin de l’année 2020 un rapport sur les priorités d’affectation légale dans la fonction publique de l’État pour les fonctionnaires d’outre-mer ; un rapport sur le temps de travail dans la fonction publique de l’État ; un rapport sur les freins au développement de l’apprentissage dans la fonction publique, et l’identification des mesures envisageables pour lever ces freins… J’ai bien noté vos demandes et nous y répondrons dans les meilleurs délais. Les équipes de la DGAFP et les équipes interministérielles ont été très mobilisées pendant la crise sanitaire, mais le Parlement recevra bien sûr les éléments d’information qu’il demande. C’est le minimum que nous vous devons dans votre mission d’évaluation et de contrôle qui est par définition essentielle à notre travail collectif.

S’agissant du jour de carence, vous connaissez la situation : aucune pénalité financière n’est appliquée aux personnes qui sont « cas contact » et qui attendent le résultat d’un test. Il est extrêmement important que l’isolement volontaire individuel soit sans conséquence financière, dans le privé comme dans le public, et un arrêté dérogatoire permet que ce soit le cas. Pour les personnes malades, la décision nécessite d’abord une disposition législative – vous débattrez dans les prochains jours de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Ce n’est pas une décision que je peux prendre unilatéralement d’une simple signature. De surcroit, je pense qu’il est important d’éviter de distinguer les salariés du secteur privé et les agents publics sur ce point. Nous sommes face à une situation sanitaire difficile. Si le jour de carence est suspendu, je crois qu’il est important de le faire pour tous les Français, comme c’était le cas entre le 23 mars et le 10 juillet. Enfin je pense qu’il est important de regarder, notamment avec la communauté médicale, si une telle disposition ne doit s’appliquer qu’à la seule covid-19 ou à toutes les maladies. Vous imaginez bien que les enjeux dépassent très largement mon seul ministère : c’est un enjeu sanitaire, qui concerne potentiellement tous les actifs, tous les salariés, tous les agents de notre pays. Cela demande d’être regardé dans le détail.

Je l’ai toujours dit : nous devons prendre toutes les mesures qui sont efficaces pour lutter contre la propagation de ce virus. C’est une discussion que nous avons avec l’ensemble des ministres concernés. Je ne réponds aujourd’hui ni un « oui », ni un « non » fermes à la question de la disparition du jour de carence. Nous travaillons et nous pourrons dans les prochains jours préciser les choses, notamment pendant le débat législatif.

Vous m’avez interrogée sur les enjeux de la formation qui – on le voit dans le cas du télétravail et des nouvelles organisations du travail – est absolument essentielle. Car le sujet du numérique, s’il est important pour les usagers l’est également pour les agents : on en sous-estime souvent l’enjeu. J’ai voulu le porter très fortement dans le plan de relance, qui consacrera 200 millions d’euros à la formation aux outils numériques mais également à l’accompagnement des agents, sans lequel on ferait les choses de manière déséquilibrée et assez peu efficiente.

Il existe donc un schéma directeur de la formation tout au long de la vie des agents de l’État. Je suis très attachée à ce que nous faisions davantage de formation, notamment en ligne, pour permettre à chacun de se former dans des temps dédiés, sans avoir à traverser le pays ni à interrompre la continuité de son travail. Nous allons mettre à jour une plateforme de formation interministérielle en ligne, qui sera disponible dès le début 2021. Nous allons également par ce biais mutualiser beaucoup de formations que certains ministères déploient aujourd’hui très bien, afin d’en faire bénéficier d’autres agents. Je pense notamment à des enjeux de formation comme l’égalité professionnelle, la dynamique des achats et les budgets. Ce sont des sujets essentiels si nous voulons créer des parcours de carrière qui répondent davantage aux aspirations et aux demandes.

Je vous confirme que nous avons lancé un travail de codification, avec le soutien du Conseil d’État, qui dispose désormais d’une commission dédiée. Cela va renforcer la lisibilité des règles qui s’appliquent à la fois aux employeurs et aux agents. Un code unifié bénéficiera à tous.

Je me permets d’insister sur le rapport social unique, car cet outil très important sera le baromètre de nos progrès en ressources humaines. J’aimerais pouvoir en faire un suivi régulier, pour voir comment cet outil peut ouvrir un dialogue social authentique et dense sur une base factuelle partagée. Au-delà d’un outil statistique, c’est un outil de dialogue social que nous pourrons valoriser. Le Conseil d’État est en cours de consultation sur le projet de décret, que nous essayerons de publier dès le mois de novembre.

Je suis très attachée à ce que les parlementaires soient pleinement associés à la réflexion sur la haute fonction publique et je serais ravie d’être auditionnée sur ce point spécifique, pour vous permettre d’enrichir nos travaux. J’engagerai la concertation avec vous lorsque j’aurais moi-même clarifié un certain nombre de points juridiques ou d’options sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble.

L’accès, le contenu des formations, la gestion des carrières : telles sont les clés. Nous devons travailler sur l’accès dans une logique pleinement républicaine et constitutionnelle : il n’est pas question d’aller chercher tel ou tel sur des critères définis auparavant, mais bien d’amener toute une génération, de tous nos territoires, à se préparer à ces concours et de s’assurer que des voies d’accès permettent effectivement de les réussir. Nous connaissons tous le principe de l’égal accès à la fonction publique posé par l’article VI de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et je ne compte pas m’éloigner de ce cadre républicain. Mais nous avons à faire beaucoup plus, beaucoup mieux, pour permettre à cette jeunesse d’aller vers ces métiers du service de l’intérêt général : servir son pays ne doit pas être réservé à une élite.

Les classes préparatoires intégrées ont déjà permis à beaucoup de jeunes de franchir le cap : nous devons les renforcer. Nous devons regarder comment travailler avec les universités de manière plus approfondie. Les IPAG (instituts de préparation à l'administration générale), les CPAG (centres de préparation à l'administration générale) ont bien sûr un rôle à jouer tout comme les IEP (instituts d'études politiques) parisien ou de province. Nous avons tout un écosystème totalement prêt et avec qui je travaille de très près afin qu’une nouvelle organisation donne des moyens de préparation à beaucoup plus de jeunes. Bien sûr, il y a un enjeu social, mais j’insiste aussi sur l’aspect territorial, notamment avec le maillage des universités. Il existe beaucoup d’autres outils à mobiliser. Je pense aux tutorats, aux cordées de service public dans le cadre des cordées de la réussite, à la connaissance des métiers car il est difficile d’être attiré si l’on ne voit pas concrètement les fonctions auxquelles on aspire… Voilà ce qui concerne l’accès.

Il y a ensuite des enjeux de formation : à quoi forme-t-on nos hauts fonctionnaires ? Quelle culture commune peut-on leur transmettre ? N’oublions pas la formation continue : le rapport « Thiriez » faisait des propositions sur la haute fonction publique, sur le modèle, notamment, de l’école de guerre, et sur la manière de créer des passerelles d’accès à des postes à responsabilité, par des concours internes ou par une formation.

Il faut enfin s’intéresser à la gestion des carrières, des viviers, et se demander comment on identifie les talents. Cela vaut notamment dans le cadre de la féminisation de la haute fonction publique : comment ouvrir beaucoup plus l’accès des femmes aux postes à responsabilité ? Un énorme effort a été accompli depuis trois ans : on en est à plus de 40 % de femmes primo-nominées, notamment dans les postes à la discrétion du gouvernement. Nous devons aller plus loin dans un certain nombre de ministères.

Tels sont pour moi les enjeux qui concernent la haute fonction publique et la mobilité au cours des carrières, les différentes étapes de promotion et d’avancement.

L’ordonnance portant sur la santé et la famille est très importante, comme celle sur la négociation collective. Je continue d’avancer, avec les partenaires sociaux, de même qu’à propos de la protection sociale complémentaire. Vous avez dit que nous devions réaliser des choses concrètes : je partage pleinement cet avis et cela vaut notamment pour les arrêts de longue durée et l’accès à des soins de qualité.

Nous devons vraiment réfléchir aux moyens que l’on consacre aux classes préparatoires intégrées et nous assurer que l’on casse ce déterminisme social qui conduit à ce que seulement 1 % – c’est-à-dire un seul élève ! – de la promotion actuelle de l’ENA ait un père ouvrier. Nous avons fait beaucoup de progrès pour les doctorats, avec quatre places au concours en 2020 : c’est 50 % de plus qu’en 2019. C’est aussi une voie de diversification.

Il faut le dire et le redire : nous avons pris des mesures exceptionnelles pour que l’apprentissage se déploie en 2021 dans la fonction publique territoriale, tout comme nous souhaitons qu’il se développe dans toutes les entreprises, PME et TPE comprises. Le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, finance 50 % du coût de la formation des apprentis. Nous avons ajouté une prime exceptionnelle – rétroactive – de 3 000 euros pour tous les contrats signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Nous prenons, l’engagement d’avoir 11 000 apprentis dans la fonction publique de l’État pour la séquence 2020-2021. Dans la fonction publique territoriale, on avoisinait les 9 000 apprentis en 2019. Le but est là aussi de renforcer nos dispositifs pour monter en charge : beaucoup de métiers peuvent s’apprendre en apprentissage. La semaine dernière, j’ai rencontré en Mayenne des jeunes qui font des Masters dans le numérique, et qui font leur apprentissage dans la fonction publique territoriale. Il y a un déficit d’image de la filière de l’apprentissage mais aussi des possibilités qui sont ouvertes dans la fonction publique territoriale. Il est essentiel que nous fassions mieux connaître les dispositifs financiers du CNFPT, exceptionnels cette année, pour pouvoir utiliser ce levier d’ascension sociale, d’ouverture sociale et de diversité de nos recrutements. Beaucoup de jeunes y voient aussi l’intérêt de financer des études parfois couteuses, en ayant plus rapidement accès à une rémunération, à un soutien financier.

Si le fonds en faveur de l'égalité professionnelle ne s’applique aujourd’hui qu’à l’État, il sera bien décliné dans les deux autres versants puisque nous créons trois fonds : un pour la fonction publique hospitalière, un pour la fonction publique de l’État et un pour la fonction publique territoriale. Les collectivités vont bien sûr rester dans le dispositif mais les fonds seront distincts : nous sommes en train d’instruire la manière dont celui qui leur sera dédié sera alimenté, mais il sera bien financé par les collectivités territoriales ciblées par le dispositif et qui ne respectent pas un taux de 40 % de primo-nominations féminines. Je suis très attachée à ce que ce dispositif se poursuive. Le but n’est pas que les administrations et les employeurs publics paient des amendes mais que des femmes accèdent aux responsabilités. Nous devons être stricts envers ceux qui n’atteignent pas les résultats, mais nous devons collectivement alimenter les recrutements de femmes, les former, nous assurer qu’il n’y ait pas de promotion ou de nomination sans au moins un dossier de femme candidate, etc.

En 2018, 56 % des collectivités locales et des EPCI avaient respecté le taux légal de 40 % ; vingt collectivités avaient été astreintes au versement d’une pénalité financière et, au total, 2,25 millions d’euros avaient été collectés. En 2019, on a enregistré une vraie progression puisque quatorze collectivités ont versé une pénalité financière. Pour autant, mon objectif est que l’on arrive à zéro le plus rapidement possible.

En ce qui concerne le télétravail dans la fonction publique territoriale, la circulaire que j’avais moi-même signée le 7 octobre dernier a été déclinée le 16 octobre par une note de la DGCL, la direction générale des collectivités locales, pour que les dispositifs d’incitation – et d’incitation impérative dans les zones sujettes au couvre-feu – soient bien déployés. Selon les derniers chiffres en ma possession, 28 % des agents ont été au moins un jour en télétravail. La semaine précédente, nous étions à 24 %. On atteint des chiffres très élevés au-delà de 40 % et parfois même 50 % dans certains départements d’Île-de-France. J’accompagne ce suivi et, évidemment, les employeurs territoriaux sont des partenaires. Je vois d’ailleurs assez peu de réticence au plus haut niveau des collectivités, pour peu que le télétravail puisse véritablement être déployé.

Le fonds pour la transformation de l’action publique, le FTAP, est très important : il a permis d’acter qu’on pouvait investir pour se transformer et qu’on a parfois besoin de temps pour qu’une dépense publique produise pleinement son effet et permette soit des économies, soit des gains de productivité et d’efficience, soit un meilleur service rendu aux usagers. Ce fonds s’est déployé à partir de 2018. La montée en charge des grands projets est suivie très précisément. Un certain nombre de projets commencent à devenir concrets ; nous en avons encore validé dix-neuf nouveaux la semaine dernière. Depuis le lancement du fonds, 97 projets ont été soutenus et 580 millions mobilisés sur les 700 millions budgétés sur le quinquennat.

Parmi les nouveaux projets, on peut citer le portail commun du recouvrement fiscal et social ; un outil de résorption des bidonvilles ; un outil traque-déchets pour gérer la traçabilité des déchets en toute sécurité ; Géopole nouvelle génération, outil numérique de gestion notamment du temps de travail dans la Police nationale, coopération interministérielle pour les services de l'État en région Pays de la Loire… Ce sont des outils très différents, souvent numériques mais pas seulement, et qui, selon moi, doivent toujours comprendre un accompagnement et la formation des agents. On ne transforme pas une organisation sans les hommes et les femmes qui la font vivre. J’y suis extrêmement attachée et c’est d’ailleurs l’un des intérêts de mon ministère que d’avoir rapproché la transformation numérique, la transformation de nos procédures, notamment celles du service public rendu aux usagers, et les agents publics.

Nous devons en effet avoir un retour d’expérience extrêmement précis sur la continuité du service public pendant le confinement. Il faut, bien sûr, remercier les agents qui se sont mobilisés mais aussi tirer les leçons de ce que nous avons constaté en termes de télétravail, de guichets fermés. C’est tout l’enjeu de l’enveloppe de 500 millions du plan de relance qui est dédiée à mon ministère et que je pilote. Il s’agit à la fois de renforcer les outils de travail numériques des agents, de faciliter la numérisation, et d’associer les collectivités à cette modernisation, afin que nous puissions partager davantage de données, et que les services puissent continuer à travailler ensemble même quand les guichets sont clos.

Face à ces guichets clos, des expérimentations ont été lancées pour créer des maisons France Service par téléphone, et pour recréer – dans certains départements, ce sera fait très prochainement – des guichets uniques téléphoniques. Je crois que ce sont des outils utiles, par rapport à ce qui s’est produit, mais également utiles pour un certain public pour qui la maison ou l’espace France Service est certes un endroit très précieux pour accompagner les démarches numériques, mais à qui le téléphone offre une réponse rapide et un accompagnement adapté.

S’agissant des difficultés de recrutement par certains concours, nous devons œuvrer collectivement pour rendre ces concours attrayants et avoir suffisamment de candidats, pour renforcer l’attractivité de la fonction publique, et ainsi la connaissance des métiers. Dans la fonction publique territoriale, on manque aussi de candidats aux concours, souvent parce que l’on pense qu’ils sont réservés aux Bac+5 – ce n’est pas le cas – ou qu’ils sont trop sélectifs, ou encore parce que les métiers ne sont pas connus. Il y a beaucoup d’autocensure en amont des concours et nous devons travailler à la lever.

Parce que nous devons assurer la continuité du service public, nous avons évidemment recours à un certain nombre de contractuels quand c’est nécessaire. Je pense notamment à la Caisse primaire d’assurance maladie qui a vu ses missions élargies : elle est un opérateur de droit privé mais elle travaille avec des contractuels sur le traçage de la covid-19. Nous le faisons aussi dans d’autres secteurs.

À votre demande et au nom de la transparence, nous produisons un rapport sur les dix plus hautes rémunérations. Les régions, les départements, les communes de plus de 80 000 habitants sont concernés, comme les hôpitaux. Les collectivités doivent publier leurs données et 200 d’entre elles sur 366 l’ont fait, comme 39 hôpitaux sur 80. Pour l’État, les dix plus hautes rémunérations – nous l’avons publié – représentaient un salaire brut moyen de 15 000 euros en 2019. Pour les collectivités, cela représente 7 318 € brut mensuel. À titre de comparaison, dans le secteur privé, plus de 1 000 personnes perçoivent un salaire net de plus de 100 000 € par mois. Je crois que nous restons à des niveaux de rémunérations qui sont très largement compréhensibles, et en tout cas maitrisés. Les comparaisons entre les trois versants ne sont pas toujours très pertinentes, parce qu’elles ne prennent pas toujours bien en compte les missions ou la taille des employeurs concernés. Seulement 28 % de femmes figurent parmi les plus hautes rémunérations au sein des départements ministériels concernés : cela ne me satisfait pas et il faut progresser.

Sur ce sujet de l’égalité hommes-femmes, je cherche à mobiliser sur plusieurs aspects. D’abord, je viens de l’évoquer, l’aspect salarial : il existe un écart de salaire et nous avons veillé à ce que chaque ministère propose un plan d’action, qui doit aussi s’intéresser aux carrières dites féminisées. C’est un effort que nous avons fait lors de notre rendez-vous salarial du mois de juillet, et qui se traduira dans les faits en 2021 pour que, dans les filières sociales comme dans d’autres où il y a peut-être eu des oublis, notamment dans le régime indemnitaire de revalorisation, nous rattrapions ces retards qui sont bien sûr inacceptables.

Le deuxième enjeu, c’est de suivre les plans d’action des différents ministères pour que cette égalité salariale soit pleine et entière. Ces plans d’action comportent également des éléments relatifs aux cellules de signalement – de harcèlement, de discrimination –, et plus largement au dispositif d’accès aux postes à responsabilité pour atteindre l’objectif des 40 %. Je tiens à dire que beaucoup d’efforts ont été faits en trois ans, puisque sur les trois premiers mois de 2020, nous étions à 47 % de primo-nominations. Toutefois, on ne compte que 30 % de directrices d’administrations centrales. Certes, on était à 22 % en 2014, et il y a donc un vrai progrès, mais ce n’est pas encore satisfaisant. Pour arriver aux 40 %, il faut bien sûr tenir un discours politique et de mobilisation clair, et il est tenu. Mais il existe aussi des procédures de recrutement s’appuyant sur des viviers féminisés, larges, paritaires… Je souhaite m’impliquer en ce sens.

J’ai entendu vos craintes quant à la « dématérialisation à marche forcée », ou aux « 100 % des démarches administratives en ligne en 2022 ». Je tiens d’abord à préciser que ma feuille de route vise d’abord à numériser les 250 démarches les plus usuelles accomplies par les Français. Se concentrer sur ces 250 démarches permet de faire des choses précises et surtout de la bonne dématérialisation, c’est-à-dire accessible à tous, notamment aux personnes en situation de handicap. Mais la dématérialisation doit aussi être attentive à l’avis des usagers : si certaines démarches donnent peu satisfaction, il faut les revoir en profondeur. Pour éviter qu’elles soient très lourdes, voire faussement numériques, ces démarches doivent faciliter les procédures, privilégier le pré-remplissage, aller chercher automatiquement des données dans d’autres ministères. Je pense notamment à toutes celles où, au milieu du processus, on vous demande d’imprimer le document, de le signer et de l’envoyer par la poste…

Mon objectif n’est pas de mettre tout en ligne et d’en être content ; c’est de faire de la bonne numérisation pour les 250 démarches les plus usuelles. Un observatoire des démarches en ligne est publié tous les trois mois sur le site www.numerique.gouv.fr : évidemment, j’ai besoin de vos yeux de parlementaires sur ces progrès. Je fais remonter ces sujets au niveau des ministres. Ces sujets sont éminemment politiques puisque c’est désormais souvent le premier lien que les citoyens ont avec le service public. La dématérialisation doit aussi s’accompagner de lieux d’accompagnement. Vous avez parlé de couverture réseau, de déploiement de la fibre, de tous ces pylônes qu’on édifie pour que les applications sur smartphone fonctionnent bien : c’est bien sûr essentiel. Vous avez parlé de la formation et c’est tout l’enjeu du Pass numérique que promeut Cédric O avec beaucoup de collectivités locales, pour former au numérique. Mais cela ne suffit pas, d’où l’importance des lieux comme les maisons France Service où l’on bénéficie d’un accompagnement personnalisé pour réaliser ces démarches.

Je tiens à ce que, pour les cas compliqués, il reste une voie d’accès d’humain à humain. Il faut sortir de cette idée que l’on serait dans un dogme du 100 % numérique : j’aimerais déjà qu’on fasse du numérique de bonne qualité pour les démarches les plus usuelles des citoyens et des entreprises – car on oublie trop souvent l’usager-entreprise, le patron de TPE, de PME : le numérique lui est aussi essentiel.

Le bilan carbone du numérique est très important : plus les sites sont légers, sans trop de mots, bien conçus et bien développés, plus ils sont accessibles à tous les Français et moins ils sont lourds à héberger, donc meilleur est leur bilan carbone.

S’agissant de ce que vous avez appelé la « prime covid de la discorde », nous avons à créer une culture collective du dialogue social décentralisé. Quand il y a eu une déception, c’est souvent parce que le dialogue social n’a pas été à la hauteur des attentes.

Pour le plan Santé au travail, les négociations ont repris. Elles se déroulent également dans le secteur privé, et nous tiendrons les délais. J’aimerais que ce soit terminé début 2021, au plus tard au printemps.

Avec les sous-préfets à la relance, je ne crée pas un nouvel échelon. Évidemment, les sous-préfets d’arrondissements sont extrêmement liés aux entreprises, aux élus, et donc c’est avec eux, bien sûr, que ce plan de relance sera déployé. Dans chaque département, un sous-préfet ou un secrétaire général de préfecture, bref un acteur de terrain bien identifié, sera en charge de la relance. Nous avons demandé aux préfets s’ils avaient besoin de renforts compétents. Dans certains territoires, des enjeux, notamment de sécurité, font que les équipes en place, certes dévouées et pleinement mobilisées – je tiens à les remercier de leur action quotidienne –, voyant un nouveau défi arriver, ont demandé des renforts. Dans toutes les organisations, quand un nouveau projet arrive, on se réorganise. Les trente premiers postes ouverts à candidature relèvent des besoins exprimés par le terrain. Nous cherchons des jeunes fonctionnaires, et plus largement des personnes intéressées pour jouer ce rôle d’animateur, de facilitateur, de point d’entrée, qui travailleront bien entendu de manière extrêmement proche avec les sous-préfets en place, avec le corps préfectoral, avec les différentes directions déconcentrées, notamment la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et d’autres, pour que ce plan de relance devienne une réalité. L’idée est vraiment de réarmer l’action de l’État proche des territoires, de s’appuyer sur ce qui existe, mais de tenir compte du besoin que certains expriment d’un soutien plus grand.

Le RIFSEEP continuera à être déployé. Il est bien sûr utile d’harmoniser les différents régimes indemnitaires pour favoriser les mobilités. Cet outil permet un bon équilibre entre statut, fonction et performance. Les conditions d’usage dans la fonction publique territoriale ont été assouplies. Un nouvel instrument a été donné aux employeurs pour lever des freins qui avaient pu apparaitre. Aujourd’hui, nous voyons bien que nous avons à nous appuyer, notamment en ce qui concerne les enjeux de carrière et de parcours personnels, sur des outils de formation, d’évolution, de passage de concours, afin de gérer les parcours individuels avec une attention beaucoup plus grande aux ressources humaines.

J’ai rendu visite très récemment aux IRA de Nantes et de Metz. J’ai vu des équipes très mobilisées pour continuer à suivre, avec des outils numériques de pointe, les étudiants qui partent en stage dans différentes administrations. Ils continuent d’avoir des animations collectives, des retours d’expérience et des points réguliers. Bien sûr, il faudra tirer un bilan mais ce que j’ai vu m’a semblé assez bien accepté par les étudiants que j’ai rencontrés.

Enfin, concernant les effectifs pour l’année 2021, je précise – car on a parfois l’impression que les choses ne sont pas aussi claires qu’elles le devraient – que nous sommes sur un schéma d’emploi de stabilité, avec, d’un côté, la création de postes au ministère de l’intérieur et chez ses opérateurs, aux ministères de la justice, des armées, de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de l’autre des efforts, notamment de la part des ministères de l’économie et des finances, de la transition écologique, de l’emploi et de l’insertion. Au total, le solde est proche de zéro.

En 2020, nous avons pu créer notamment au sein de Pôle Emploi ou de l’Éducation nationale des postes en gestion pour faire face à la crise et répondre aux besoins qui s’étaient fait jour pendant le confinement. Il ne s’agit pas de contractuels, comme vous semblez le penser, Monsieur Bernalicis : je pourrai le préciser par écrit si vous le souhaitez. Toutefois, même si les embauches sont stables, nous nous plaçons, comme pour les sous-préfets à la relance, dans l’optique d’une réorganisation interne. Comme l’a dit le Premier ministre dans son discours de politique générale, on remet les équipes sur le terrain, on réarme et on déconcentre la fonction publique territoriale, et on s’assure par conséquent qu’on a la capacité de réallouer nos moyens. Cela signifie, plus de formation, plus de mobilité interne, des parcours mieux gérés. Parallèlement, le recrutement des contractuels présentant des compétences précieuses que nous n’avons pas en interne – notamment dans le numérique, mais pas uniquement – va se poursuivre.

Je vous remercie beaucoup pour vos questions nombreuses qui montrent combien ces femmes et ces hommes qui composent la fonction publique font que nos lois deviennent réalité, que l’action publique devienne tangible, et combien nous devons les soutenir en leur donnant des outils de travail adaptés et en accompagnant les usagers dans nos transformations.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci beaucoup, Madame la ministre. Nous avons bien noté les engagements que vous avez pris en termes de remises de rapports, de prises de décrets et d’association des membres de la commission aux réformes de la haute fonction publique.

Après la déconnexion de la ministre, la Commission en vient à l’examen pour avis des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » (Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis).

Article 33 et état B

Conformément aux conclusions de Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » pour 2021.


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Personnes entendues

   M. Thierry Le Goff, directeur général

   Mme Cécile Lombard, sous-directrice des compétences et des parcours professionnels

   M. Stéphane Lagier, chef de service des parcours et carrières et des politiques salariales et sociales

   M. Thierry Lambert, délégué interministériel

 Mme Audrey Roncigli, cheffe de cabinet

   M. Philippe Grégoire, président

   Mme Eva Jalabert, adjointe à la sous-directrice des ressources humaines du système de santé

   M. Philippe Portal, sous-préfet, secrétaire général de la préfecture de l’Isère

   Mme Maryse Trichard, directrice de la citoyenneté, de l’immigration et de l’intégration de la préfecture de l’Isère

   M. Pascal Pichard, directeur des relations avec les collectivités territoriales de la préfecture de l’Isère

   M. Olivier Prieur, directeur des ressources et de la modernisation de la préfecture de l’Isère

   M. Yves Tixier, directeur de la mission de coordination interministérielle de la préfecture de l’Isère

   M. Christian Goyheneix, directeur départemental adjoint de la sécurité publique de l’Isère

   Mme Véronique Lambert, cheffe de groupe ressources humaines du groupement de gendarmerie de l’Isère

   M. André Benkemoun, directeur du service départemental d’incendie et de secours de l’Isère

 

 

   Mme Pascale Frery, directrice générale adjointe ressources humaines et numérique de la ville de Grenoble

   Mme Jacqueline Donaz, directrice générale adjointe ressources de Grenoble-Alpes Métropole

   Mme Séverine Battin, directrice générale des services du département de l’Isère

   M. Frédéric Castoldi, directeur général des services du centre de gestion de l’Isère

   Mme Monique Sorrentino, directrice générale

   Mme Cynthia Ballay, cadre de santé orthopédie et chirurgie de la main

   Mme Séverine Corona, puéricultrice cadre supérieure de santé, coordinatrice du pôle couple-enfant

   Mme Marie Mayeux, coordinatrice générale des soins

   Dr Véronique Equy, praticienne hospitalière, vice-présidente de la commission médicale d’établissement

   Pr Marie-Thérèse Leccia, professeure des universités, praticienne hospitalière, présidente de la commission médicale d’établissement

   Mme Anne Kittler, directrice des finances et de la transformation

   M. Jocelyn Dutil, secrétaire général

 

Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) ont transmis à votre rapporteure pour avis une contribution écrite détaillant leurs observations.

 

 


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   Les 8 propositions de votre rapporteure pour avis

Proposition n° 1 : évaluer le nombre total de jours de RTT et de congés dont la prise a été imposée aux agents publics territoriaux au cours de l’état d’urgence sanitaire.

Proposition n° 2 : établir le bilan des mises à disposition de personnel effectuées au bénéfice des établissements de santé au cours de l’état d’urgence sanitaire.

Proposition n° 3 : rétablir, au moins jusqu’au 31 décembre 2021, la suspension du délai de carence en faveur des salariés du secteur privé et de l’ensemble des agents publics.

Proposition n° 4 : renouveler le versement d’une prime exceptionnelle en faveur des agents publics fortement mobilisés au cours de la période d’état d’urgence sanitaire de l’automne 2020.

Proposition n° 5 : dans le cadre des réflexions relatives à la réforme des concours d’accès à la fonction publique, envisager la pérennisation de tout ou partie des allégements et adaptations des épreuves des concours administratifs mis en œuvre en 2020, qu’il s’agisse de leurs modalités d’exécution ou de leur contenu.

Proposition n° 6 : sous l’égide de la DGAFP et de la DITP, présenter en 2021 un « livre blanc » des retours d’expériences collectés dans l’ensemble de la fonction publique sur les problématiques RH au cours de l’urgence sanitaire.

Proposition n° 7 : envisager le recours à la visio-conférence en tant qu’outil de travail systématisé et combiné avec les réunions présentielles.

Proposition n° 8 : intégrer dans l’offre de formation continue proposée à tous les agents publics des modules de formation relatifs à la gestion de crises durables affectant leur activité, notamment en matière de maîtrise des outils numériques.

 

 


([1]) La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a allongé de quatre mois le délai d’expiration des durées d’habilitation dans lesquelles les ordonnances doivent être publiées. Ainsi, les délais d’expiration s’échelonnent désormais de décembre 2020 (diverses mesures en matière de santé) à décembre 2021 (codification du droit de la fonction publique).

([2]) Jusqu’à la loi de finances initiale pour 2020, le programme 148 était inclus au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

([3]) Le montant des AE s’élève à 80,8 millions d’euros.

([4]) Le schéma d’emploi du personnel permanent de l’ÉNA observe une diminution de 4 ETPT en 2021.

([5]) Soit 1,4 million d’euros à l’échelon déconcentré et 0,8 million d’euros à l’échelon central.

([6]) 4,5 millions d’euros en AE.

([7]) Soit 4 000 euros versés à 800 allocataires scolarisés en CPI et 2 000 euros versés à 560 allocataires non-scolarisés en CPI.

([8]) 136,6 millions d’euros en AE.

([9]) Il s’agit des retraités civils et ouvriers de l’État de plus de 55 ans n’entrant pas dans le champ des allocataires de l’aide à l’autonomie.

([10]) Le projet de loi de finances pour 2020 avait prévu une hausse de 5 millions d’euros par rapport à l’année précédente.

([11]) Les dépenses de réservation de places en crèche s’élèvent à 27,1 millions d’euros en CP. 0,2 million d’euros sont alloués aux réservations interministérielles de logements sociaux.

([12]) Créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2016 afin de financer des dépenses en faveur de l’apprentissage dans la fonction publique de l’État, cette action concrétise les missions de « direction des ressources humaines de l’État » que le décret n° 2016-1804 du 22 décembre 2016 a confiées à la DGAFP. Sa structure a été profondément remaniée par la loi de finances initiale pour 2019 en raison du transfert des 30 millions d’euros destinés au financement de l’apprentissage vers l’ensemble des programmes finançant ainsi directement le recours aux apprentis.

([13]) Ce fonds a été renouvelé pour l’année 2020 par la circulaire du 7 octobre 2019.

([14]) https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/FP_en_France/FIRH-FIACT/livret-projets-laureats-FIRH-2020.pdf

([15]) https://www.bibliotheque-initiatives.fonction-publique.gouv.fr/

([16]) La liste des lauréats FIACT 2020 est disponible en ligne : https://www.fonction-publique.gouv.fr/laureats-2020-fonds-interministeriel-pour-lamelioration-des-conditions-de-travail-fiact

([17]) Ces obligations ont été renforcées par l’article 82 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 relative à la transformation de la fonction publique.

([18]) La liste des lauréats FEP 2019 est disponible en ligne : https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/carrieres_et_parcours_professionnel/FEP/laureats-FEP2020.pdf

([19]) Ces données arrêtées à la date du 31 juillet 2020 présentent un caractère partiel : elles ne concernent que 300 000 agents publics, hors enseignants.

([20]) Les taux de télétravail les plus élevés ont été observés dans les administrations centrales : 84 % aux ministères sociaux, 80 % au ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 76,5 % au ministère de la culture ou 75 % au ministère de la transition écologique et solidaire. Les taux ont été beaucoup plus contrastés dans les services déconcentrés, y compris au sein d’un même ministère : 49 % dans les directions départementales de la protection de la population mais 94 % dans les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt au ministère de l’agriculture et de l’alimentation, moins de 40 % dans les services à compétence nationale du ministère de la culture mais plus de 80 % dans les directions régionales des affaires culturelles.

([21]) Ces taux recouvrent d’importantes disparités selon les employeurs : avant la crise, les taux de télétravailleurs recensés par cette enquête étaient de moins de 2 % dans les ministères de l’enseignement, des armées et de la justice, 3 à 5 % au sein des ministères des finances, de la culture, de l’agriculture et à la DGAC, 6 à 10 % au ministère de la transition écologique et solidaire et à la Cour des Comptes et 11 à 20 % aux ministères sociaux.

([22]) Méthodologie : un échantillon de 1000 personnes a été questionné sur internet, du 14 au 18 mai 2020. Cet échantillon de Français, âgés de 18 ans et plus, répond à une méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération) afin de constituer un panel représentatif de la population française.

([23]) Telles que la dématérialisation des procédures et le recours à la signature électronique.

([24]) Dans la fonction publique de l’État, le b) du II de l’article 3 du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail ouvre la possibilité de déroger aux garanties minimales en matière de temps de travail (durée maximale de travail quotidien de 10 heures, durée maximale hebdomadaire de 48 heures, durée maximale hebdomadaire moyenne de 44 heures sur 12 semaines consécutives...), lorsque les besoins du service l’exigent, pour une durée limitée.

([25]) Le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 renvoie, pour la fonction publique territoriale, aux dispositions du décret n° 2000-815 du 25 août 2000. Une décision de l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement est nécessaire pour autoriser les dérogations.

([26]) En application de l’alinéa 3 de l’article 15 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l’organisation du travail dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

([27]) Modifiée par l’ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d’urgence sanitaire et prise en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence.

([28]) Les fonctionnaires et agents contractuels ne disposant pas de 5 jours de RTT entre le 17 avril et le 31 mai 2020 prennent selon leur nombre de jours de RTT disponibles un ou plusieurs jours de congés annuels dans la limite totale de 6 jours de congés annuels ; le nombre de jours de congés imposés est proratisé pour les agents exerçant leurs fonctions à temps partiel.

 

 

([29]) Article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

([30]) Il s’agit des instances de concertation supérieures (CCFP, CSFPE, CSFPT, CSFPH, CSPM), des comités techniques (CT), des CHSCT, des commissions administratives paritaires (CAP) et des commissions consultatives paritaires (CCP).

([31]) Conformément aux dispositions prévues par l’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 et par le décret n° 2014-1627 du 26 décembre 2014.

([32]) Soit jusqu’au 10 août 2020.

([33]) https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/covid-19/20200401-consultation-a-distance_IRP.pdf  

([34]) Soit huit jours avant la réunion.

([35]) En temps normal, les agents publics en arrêt de travail ne bénéficient du maintien de leur rémunération qu’à compter du deuxième jour d’arrêt, conformément au I de l’article 115 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([36]) Selon le Gouvernement, il n’existe pas à ce jour de remontées d’informations financières relatives à la réintroduction du jour de carence dans la fonction publique territoriale ou hospitalière.

([37]) Déclaration du ministre des solidarités et de la santé lors du « point presse » du 1er octobre 2020.

([38]) La date d’achat du matériel doit être comprise dans la période de confinement (entre le 17 mars et le 10 mai 2020).

([39]) Le déroulement des épreuves en présentiel dans le respect des consignes sanitaires a également été accompagné par la DGAFP avec la transmission de recommandations pour le déroulement des concours et des examens de la fonction publique pendant la période de crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19.

([40]) Soit la moitié des concours et examens adaptés.

([41]) Pour combler cette lacune à l’entrée, a été introduit parmi les modalités d’évaluation préalables à la titularisation un entretien professionnel d’une nature proche d’un entretien avec le jury.

([42]) Optionnelles, facultatives, de langues étrangères ou techniques.

([43]) Parfois, l’adaptation a consisté à concevoir une nouvelle épreuve issue de la fusion des attendus de deux épreuves.

([44]) C’est notamment le cas du projet managérial du CHU de Grenoble dont la plaquette de présentation a été remise à votre rapporteure pour avis à l’issue de l’audition de ses représentants.

([45]) https://kiosque.bercy.gouv.fr/alyas/view/go/50410/2

([46])  https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/files/covid-19/Manager_dans_un_contexte__post_covid.pdf

([47]) https://www.bibliotheque-initiatives.fonction-publique.gouv.fr/actualites/guide-du-management-en-situation-de-deconfinement

([48]) Tel est le cas des formations en ligne développées par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse à la suite des attentats terroristes ou encore de la direction générale de l’Outre-mer sur les risques naturels majeurs par l’intermédiaire du projet de formation de référents portant des actions de sensibilisation et d’information.

([49]) Il s’agit notamment de l’une des pistes de réflexion envisagées par le CNFPT dans sa contribution écrite remise à votre rapporteure pour avis.

([50]) Par exemple, le développement de la communication interne par le développement de « lettres d’information » hebdomadaires ou mensuelles constitue un moyen efficace afin de maintenir le contact entre les agents.

([51]) Il s’agit notamment d’une pratique (le « clean-desk ») largement utilisée par les administrations australiennes et belges.

([52]) https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/10/07/amelie-de-montchalin-la-haute-fonction-publique-a-perdu-en-diversite-sociale_6055042_823448.html

([53]) Arrêté du 29 juillet 2020 fixant le nombre de places offertes en 2020 aux concours d’entrée à l’ÉNA.

([54]) En 2020, 40 places ont été ouvertes au titre du concours externe, 32 au titre du concours interne et 7 dans le cadre du troisième concours (réservé aux candidats disposant d’une expérience professionnelle dans le secteur privé d’au moins 8 ans).

([55]) Par comparaison, 29 % d’entre eux étaient issus de quartiers prioritaires de la ville (QPV).

([56]) 54 % en 2017-2018.

([57]) Les 10 % restant sont, d’une part, les élèves de l’école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) qui ne bénéficient pas de cette allocation car ils reçoivent un salaire de contractuel versé par l’école, et d’autre part, certains élèves disposant de revenus légèrement supérieurs aux plafonds de ressources applicables (tolérance de +10 % pour l’accès aux CPI) ainsi que les élèves qui ne souhaitent pas bénéficier de cette allocation.

([58]) Soit 560 parmi les 1 360 allocataires.

([59]) Arrêté du 20 avril 2020 relatif au régime des allocations pour la diversité dans la fonction publique.

([60]) https://www.fonction-publique.gouv.fr/score/preparations-aux-concours/classes-preparatoires-integrees-preparations-concours/classes-prepar