N° 3404

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360)
de finances pour 2021

TOME V

OUTRE-MER

 

PAR Mme George PAU-LANGEVIN

Députée

——

 

 

 Voir les numéros : 3399 – III – 31

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2020 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, la totalité des réponses aux questions adressées étaient parvenues à votre rapporteure pour avis.

 


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SOMMAIRE

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Pages

 

avant-PROPOS............................................. 5

Première partie

Une hausse du budget des outre-mer significative ?

I. Des variations contrastées des crédits de la mission

A. Le programme 138 « Emploi outre-mer »

B. Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

1. Les principales actions du programme

2. La contractualisation du rattrapage avec les collectivités

a. Les différents contrats

b. Des difficultés dans l’engagement des crédits

II. Les éléments saillants de l’exercice 2020

A. Des transferts réglementaires limités

B. La sous-consommation des crédits budgétaires alloués

1. Une difficulté désormais récurrente

2. Une amélioration attendue en 2020, mais menacée par la crise sanitaire

C. La dette de l’État envers la sécurité sociale

III. L’Union européenne et ses concours financiers

A. Les concours aux régions ultrapériphériques

B. Les concours aux pays et territoires d’outre-mer

Seconde partie

remporter Le défi de la différenciation dans l’égalité

I. La lutte des outre-mer pour l’égalité formelle

A. Les outre-mer dans le temps colonial

B. Les outre-mer pleinement dans la République

II. comment sortir de l’uniformité dans le droit en vigueur ?

A. Le régime « à la carte » de l’article 74 de la Constitution

B. Le corset de l’article 73 de la Constitution

1. La voie classique de l’adaptation de la loi nationale

2. La voie nouvelle de l’habilitation locale

III. L’impasse de l’article 73 de la Constitution

A. L’adaptation, une logique parvenue à son terme

1. Des statuts tous différents, tous démocratiquement choisis

2. Des adaptations variées, mais encore insuffisantes

B. Malgré quelques promesses, l’échec des habilitations

1. Des débuts prometteurs

2. Mais un échec aujourd’hui cuisant

IV. Des propositions pour relancer la différenciation

A. L’engagement du Président de la République

B. Le projet inabouti de révision de la Constitution

C. Une piste plus ambitieuse

Examen en commission

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Comme l’écrivit le Premier ministre Lionel Jospin, « il n’y a pas un outre-mer, mais des outre-mer » ([1]). Nul ne pourrait décrire d’un trait les différents territoires qui, au-delà des océans et sur d’autres continents, sont autant d’images de la France – des images manifestement différentes mais au relief commun. Nul ne saurait les ranger en quelques catégories juridiques, sous quelques vocables technocratiques, et leur appliquer uniformément une loi rédigée dans les conditions de l’Europe de l’Ouest.

Plus que de territoires, qui imposent leurs particularités climatiques et géographiques, la France d’outre-mer est composée de populations, d’hommes et de femmes. Ils ont des langues et des parlers spécifiques, des cultures spécifiques, des arts spécifiques, qui n’estompent rien de leur identité française, car ils sont de France autant que tous leurs concitoyens.

La France d’outre-mer existe. Ou plutôt : les outre-mer existent au sein de la France. D’aucuns auraient parfois tendance à l’oublier. Jusqu’à cet été, il existait dans le groupe France Télévisions une antenne, France Ô, qui faisait vivre cette diversité. Son but n’était pas de remémorer aux ultramarins ce qu’ils sont, car ils le savent. Son rôle était de montrer à tous les Français qu’ils ne vivent pas tous dans un hexagone à la pointe avancée du Vieux-Continent, de montrer ces drapeaux tricolores qui flottent dans les Caraïbes, en Amérique du Sud, dans les océans Indien et Pacifique, et jusqu’au cercle polaire antarctique. Ce que l’on ne rencontre plus, on a parfois malheureusement tendance à l’oublier. En supprimant France Ô pour des raisons de rentabilité commerciale, sans voir que le service public et l’intérêt général ne pouvaient s’y réduire, les autorités de l’État ont témoigné d’un désintérêt douloureusement ressenti par des millions de nos compatriotes.

Cette vexation faisait suite à une autre, tout aussi marquante. Au cours du précédent quinquennat, un beau projet a été poursuivi pour, lui aussi, donner à voir les outre-mer plus avant que les images de carte postale. La Cité des outre-mer devait se dresser au cœur du parc de la Villette à Paris. La loi de finances pour 2017 affectait à son fonctionnement dix millions d’euros. Le Conseil d’État avait été saisi du décret portant sa création. Le Président de la République François Hollande, en personne, était venu lancer des travaux qui devaient durer deux ans. Et puis, subitement, plus personne n’a évoqué la destinée de cet instrument de rayonnement. Lui aussi s’est trouvé effacé : du budget, de la Villette et même des conversations.

Au-delà des symboles, il y a la vie des populations sur les territoires. Elles tiennent à une diversité qui ne vit pas que de mots. Le projet de loi de finances pour 2021 affiche, pour la mission Outre-mer, une hausse significative tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement. C’est une réalité qu’il faut saluer. Pourtant, des difficultés récurrentes sèment le doute : si la sous-consommation chronique des crédits de paiement devait se perpétuer, à quoi servirait la hausse des autorisations d’engagement ? Et si le taux de consommation de ces mêmes crédits de paiement devait s’améliorer du seul fait de leur réduction en volume, quel serait l’effort réellement consenti ? Ce sont des points auxquels le Parlement devra se montrer particulièrement vigilant.

La diversité des outre-mer, enfin, c’est aussi leur reconnaître le droit de s’exprimer et d’adapter par eux-mêmes les règles en vigueur sur les territoires. C’est le cas, jusqu’à un certain point, dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. Mais la révision constitutionnelle de 2003, qui nourrissait l’ambition de faire respirer la décentralisation, a échoué en adjoignant à l’article 73 des procédures d’habilitation qui ne fonctionnent pas. Le Président de la République l’a constaté avec lucidité dès les premiers mois de son mandat, dans un discours aux Assises des Outre-mer empli de promesses. Là encore, hélas !, il faut constater l’échec : ces promesses, qui supposent de modifier la Constitution, n’ont pas abouti, et s’il reste un peu de temps à cette législature pour agir, celui-ci est désormais compté.

« Il n’y a pas un outre-mer, mais des outre-mer. » Cette formule ne doit pas exister dans la seule mesure que souhaitent lui donner des autorités de l’État. Ce n’est pas une franchise que l’on concède d’en haut. C’est une liberté qui doit vivre sur le terrain.

*

*     *

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   Première partie

   Une hausse du budget des outre-mer significative ?

I.   Des variations contrastées des crédits de la mission

La mission Outre-mer du projet de loi de finances pour l’année 2021 regroupe les crédits dont dispose le ministère pour la conduite de ses actions dans les territoires ultramarins.

Évolution annuelle des crédits de la Mission Outre-mer

Numéro et intitulé (programme et action)

Autorisations d’engagement
(millions d’euros)

Crédits de paiement
(millions d’euros)

LFI 2020

PLF 2021

Variation

LFI 2020

PLF 2021

Variation

138

Emploi outre-mer

1 744,3

1 851,1

+ 6,13 %

1 747,6

1 841,7

+ 5,39 %

01

Soutien aux entreprises

1 468,1

1 565,1

+ 6,61 %

1 468,1

1 565,1

+ 6,61 %

02

Aides à l’insertion et à la qualification professionnelle

249,9

259,6

+ 3,91 %

254,4

251,5

- 1,16 %

03

Pilotage des politiques des outre-mer

2,1

2,1

0

2,1

2,1

0

04

Financement de l’économie

24,3

24,3

0

23,0

23,0

0

123

Conditions de vie outre-mer

774,6

828,8

+7,00 %

624,9

593,3

- 5,06 %

01

Logement

206,6

224,6

+ 8,71 %

181,9

176,9

- 2,74 %

02

Aménagement du territoire

196,9

202,7

+ 2, 97 %

161,9

146,0

- 9,82 %

03

Continuité territoriale

43,5

46,5

+ 6,90 %

43,8

41,3

- 5,59 %

04

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

5,6

5,6

0

5,6

5,6

0

06

Collectivités territoriales

171,6

202,0

+ 17,69 %

144,2

140,6

- 2,50 %

07

Insertion économique et coopération régionales

1,0

1,0

0

1,0

1,0

0

08

Fonds exceptionnel d’investissement

110,0

110,0

0

60,0

67,0

+ 11, 67 %

09

Appui à l’accès aux financements bancaires

39,3

36,3

-7,62 %

26,5

14,8

- 44,05 %

Total Mission

2 518,9

2 679,9

+ 6,39 %

2 372,5

2 434,9

+ 2,64 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2021.

Le projet de loi de finances pour 2021 comprend une mission Outre-mer dont la maquette apparaît inchangée par rapport à l’exercice précédent. Elle se compose toujours de douze actions réparties en deux programmes :

– le programme 138 « Emploi outre-mer » regroupe quatre actions respectivement vouées au soutien des entreprises ultramarines, aux dispositifs d’aide à la formation professionnelle, aux moyens de pilotage des politiques publiques ainsi qu’au financement de l’économie afin de pallier les défauts du marché de l’offre bancaire d’investissement dans les outre-mer ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » comprend huit actions, sept d’entre elles destinées au financement des dispositifs propres aux outre‑mer (aménagement du territoire, fonds exceptionnel d’investissement, aides au logement, continuité territoriale, coopération régionale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, accès au financement bancaire) et la huitième apportant un soutien à l’investissement des collectivités territoriales.

Le projet de loi de finances pour 2021 fait apparaître une hausse significative des crédits de la mission Outremer. Le budget de la mission s’élève à 2,680 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une augmentation de plus de 6,3 % par rapport à l’exercice précédent. La progression des crédits de paiement (CP) est moins affirmée, mais néanmoins sensible : avec 2,435 milliards d’euros, elle atteint 2,64 %.

Crédits votés en loi de finances pour la mission Outre-mer sur douze ans

(en millions d’euros)

Année

2010

2011

2012

2013

2014

2015

CP

2 023

1 977

1 966

2 039

2 058

2 062

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

CP

2 016

2 066

2 067

2 491

2 409

2 435

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement pour le projet de loi de finances pour 2017. Les chiffres suivants sont collectés par la commission des Lois à partir du projet annuel de performances de l’année.

L’évolution des crédits de paiement sur une longue période se révèle relativement stable, si l’on excepte les effets du bouleversement induit, à partir de 2019, par la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur l’ensemble du territoire national ([2]). Cette réforme avait induit une redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l’outre-mer dès le 1er janvier 2019, avec pour conséquence une augmentation des crédits de la mission de 296 millions d’euros. Votre rapporteure pour avis constate cependant que la quasi-totalité de la hausse repose sur l’action n° 1 du programme 138, qui correspond aux exonérations de charges de sécurité sociale : cette augmentation correspond donc à des dépenses mécaniques et non pilotables, non à un choix déterminé de développement en faveur des outre-mer qu’impulserait l’actuel projet de loi de finances.

Quant à la progression rapide des autorisations d’engagement envisagées, si elle convainc votre rapporteure pour avis que le Gouvernement a bien perçu l’impératif besoin d’investissement dans les outre-mer, elle appelle toutefois une certaine réserve eu égard à la sous-consommation de crédits constatée de façon récurrente depuis plusieurs exercices.

A.   Le programme 138 « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » voit son enveloppe progresser fortement en comparaison de l’exercice 2020. Il atteint 1 851 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 841 millions d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de l’ordre de 6,1 % et 5,4 %.

• L’action n° 1 procure un soutien à l’économie ultramarine en diminuant ses coûts de production et en améliorant sa compétitivité. Elle consiste en un allègement des charges sociales dont bénéficient les entreprises et les travailleurs indépendants. Dans le projet de loi de finances pour 2021, elle mobilise 1 565,1 millions d’euros, soit près de 85 % du programme 138 en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Au regard de l’ensemble de la mission Outre-mer, l’action compte pour 58 % des autorisations d’engagement et 64 % des crédits de paiement. Elle concerne 55 % des effectifs salariés ultramarins qui bénéficient de ce dispositif.

• Le budget de l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle (action  2) connaît une hausse notable de ses autorisations d’engagement (+ 3,9 %) mais une baisse sensible de ses crédits de paiement (– 1,16 %). Cette action abrite l’enveloppe destinée à la mise en œuvre du service militaire adapté (SMA). Elle comprend aussi les crédits alloués à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) pour la conduite de programmes de formation et de mobilité professionnelle.

• L’action n° 3 regroupe les crédits nécessaires au pilotage des politiques publiques outre-mer. Il s’agit notamment du financement des dépenses de fonctionnement du ministère des outre-mer et de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer.

• L’action n° 4 est dotée de 24,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 23 millions d’euros en crédits de paiement. Elle se compose à la fois de mesures de soutien à l’économie antérieurement financées par l’action n° 1 – aide au fret et promotion à l’export notamment – et de dispositifs institués en 2019 à la suite des réformes fiscales portant suppression de la TVA non perçue récupérable (TVA NPR) et limitation des abattements sur l’impôt sur le revenu. Le prêt de développement outre-mer pour 10 millions d’euros, les subventions d’investissement dans le cadre d’appels à projets pour 4 millions d’euros, le soutien au micro-crédit à hauteur de 2 millions d’euros figurent parmi ces dispositifs dont les financements demeurent stables par rapport à l’exercice budgétaire précédent.

Le service militaire adapté ([3])

Relevant du ministère des outre-mer, le service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle des ultramarins âgés de 18 à 25 ans. Il a été créé en 1961 à l’initiative du Premier ministre Michel Debré, sur proposition du général Jean Némo, aux Antilles et en Guyane. Le général Nemo disait du SMA : « Sous son drapeau, il ne s’inscrira jamais de noms de victoires militaires, mais il est d’autres victoires, celles que l’on gagne contre la misère et le sous-développement. »

Le SMA a développé une méthode qui fonde son succès sur la plus-value qu’elle apporte en matière d’éducation citoyenne et comportementale. Elle procède également à une préformation professionnelle. Cette stratégie, garante d’une meilleure employabilité, repose sur deux règles :

– l’approche socio-économique visant à répondre simultanément à l’accomplissement personnel de chaque jeune volontaire et aux besoins du marché de l’emploi (outre-mer et dans l’Hexagone) ;

– le développement et la mise en œuvre d’un projet éducatif et d’une pédagogie adaptés qui visent à développer les compétences sociales et les compétences professionnelles de chaque volontaire en s’appuyant sur une dizaine de familles professionnelle et de plus de 70 spécialités.

En 2009, le SMA s’est engagé dans une montée en puissance visant à doubler ses effectifs pour atteindre une cible de 6 000 bénéficiaires. Résolument engagé dans ce défi social, le SMA aura accueilli, en 2019, 5 787 jeunes ultramarins en difficulté et affiche un taux d’insertion de 80 %. Près d’un stagiaire sur trois est une femme.

Cette augmentation de capacité est possible par un élargissement des critères d’éligibilité (outre les jeunes sans diplôme, le SMA accueille désormais des jeunes diplômés éloignés de l’emploi), d’une adaptation de la durée de la formation en fonction du niveau scolaire et de la filière professionnelle choisie (6 à 12 mois), et d’une diversification des filières professionnelles (plus de 98 formations à 50 métiers, en particulier dans les secteurs des services et de l’hôtellerie-restauration).

L’année 2020 a marqué un tournant avec la mise en place progressive du projet SMA 2025 renforçant l’encadrement des stagiaires et adaptant au mieux l’offre de formation aux besoins géographiques. Il en résulte la mise en œuvre d’un plan de recrutement de 135 personnes en cinq ans et la création d’une nouvelle compagnie à Bourail (Nouvelle-Caléonie). Huit implantations accueillent les volontaires dans les départements et régions d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

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B.   Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

1.   Les principales actions du programme

Les crédits consacrés à l’amélioration des conditions de vie outre-mer apparaissent au sein du programme 123. Celui-ci compte 828 millions d’euros en autorisations d’engagement et 593 millions d’euros en crédits de paiement, soit des évolutions contrastées : si les autorisations d’engagement progressent de 7 %, les crédits de paiement subissent en revanche un recul de plus de 5 %.

• Les crédits de l’action n° 1, relative au logement, connaissent une croissance de 8,7 % en autorisations d’engagement et une baisse de 2,7 % en crédits de paiement. Les moyens budgétaires relatifs à cette politique publique sont cependant complétés par des mesures d’incitation fiscale à l’investissement, notamment par le crédit d’impôt courant jusqu’au 31 décembre 2025 visant à soutenir les bailleurs sociaux dans l’équilibre financier de leurs opérations de logements locatifs sociaux. Par ailleurs, le plan logement outre-mer (PLOM 2019-2022) mobilise 600 millions d’euros sur 77 mesures déclinées autour de quatre axes – mieux connaître pour mieux construire ; adapter l’offre aux besoins ; maîtriser les coûts de construction et de réhabilitation ; accompagner les collectivités en matière de foncier et d’aménagement.

• L’action n° 3 finance les dispositifs liés à la continuité territoriale. Les autorisations d’engagement progressent fortement (+6,9 %) tandis que les crédits de paiement diminuent presque en proportion (– 5,6 %).

• En 2020, l’action n° 4 relative aux politiques sanitaire, sociale, culturelle, sportive et à destination de la jeunesse avait subi une baisse supérieure à 70 % en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement à la suite de l’expiration de la convention conclue entre l’État et les autorités polynésiennes pour l’abondement par la loi de finances du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) et de l’achèvement du projet triennal de modernisation du service d’oncologie de l’hôpital de Papeete. Ses ressources demeurent parfaitement stables dans le projet de loi de finances, aucun élément majeur n’étant à relever. Il en va de même de l’action n° 7 sur l’insertion économique et les coopérations régionales dont les financements, au demeurant modestes, sont inchangés.

• Consacrée au soutien aux collectivités territoriales, l’action n° 6 connaît une croissance importante de ses autorisations d’engagement, qui passent de 171,6 millions d’euros à 202 millions d’euros (+ 17,7 %). En revanche, les crédits de paiement reculent de 2,5 %, soit de 1,5 million d’euros. Ce différentiel est cohérent dans la mesure où l’action abrite les engagements pris envers les territoires en matière notamment de financement des infrastructures scolaires. Or, un effort significatif est consenti en la matière : construction de lycées et collèges en Guyane (50 millions d’euros) et dotation spéciale d’équipement scolaire de ce territoire (15 millions d’euros) et la dotation équivalente versée à la Nouvelle-Calédonie pour la construction et l’équipement de ses collèges (11,8 millions d’euros). La hausse marquée des autorisations d’engagement s’explique par le doublement de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires à Mayotte (24 millions d’euros) et par la décision de rénover le lycée de Wallis-et-Futuna (17 millions d’euros). Cette dernière opération illustre le décalage dans le temps puisque 2 millions d’euros de crédits de paiement seulement sont inscrits dans le projet de loi de finances, pour réaliser des études préparatoires. L’essentiel de la charge en crédits de paiement portera sur des exercices ultérieurs.

• L’action n° 8 sur le Fonds exceptionnel d’investissement est stable en autorisations d’engagement. Elle progresse toutefois fortement en crédits de paiement (+ 11,7 %), les appels à projets lancés depuis 2013 nécessitant désormais des versements effectifs.

• L’action n° 9 pour l’appui à l’accès aux financements bancaires par l’entremise de l’Agence française de développement (AFD) recule significativement, de 7,6 % en autorisations d’engagement et de 44 % en crédits de paiement.

2.   La contractualisation du rattrapage avec les collectivités

Au sein du programme 123, l’action n° 2 relative à l’aménagement du territoire progresse de près de 3 % en autorisations d’engagement pour atteindre 202 millions d’euros, mais recule de près de 10 % en crédits de paiement pour s’établir à 146 millions d’euros. Elle abrite les crédits permettant la modernisation du quai de croisière de Saint-Pierre-et-Miquelon annoncée lors de la venue du Premier ministre sur place en 2016 (soit 2,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 480 000 euros de crédits de paiement), le fonds mahorais de développement économique, social et culturel (3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 6,4 millions d’euros en crédits de paiement) ou encore le plan séismes Antilles (3,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3,8 millions d’euros en crédits de paiement).

Mais l’action n° 2 comprend surtout les fonds affectés aux contrats de convergence et de transformation prévus par la loi dite « ÉROM » ([4]). Le niveau des crédits de paiement est lié au rythme d’avancement de ces projets : les sommes prévues dans le projet de loi de finances permettront d’acquitter les règlements dus au titre des années antérieures ; il n’est donc pas illogique que le niveau des autorisations d’engagement (188,3 millions d’euros) soit pour l’année 2021 très supérieur à celui des crédits de paiement (128,2 millions d’euros).

a.   Les différents contrats

Déclinaison des plans de convergence qui scellent les orientations et les projets de développement pour l’Outre-mer pour la période 2019-2022, les contrats de convergence et de transformation ont été signés le 8 juillet 2019 à Paris entre l’État et les présidents des collectivités territoriales de Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. Ils se sont substitués, par avenant rétroactif au 1er janvier 2019, aux contrats de plan État-Région 2015-2020 (CPER) dans les départements et régions d’outre-mer, et aux contrats de développement (CDEV) dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution.

S’agissant de la collectivité de Saint-Martin, la signature du contrat de convergence et de transformation est intervenue plus tardivement, le 22 juin 2020. En conséquence, les opérations qui ont été engagées en 2019 pour un montant de 8,5 millions d’euros ont été rattachées en exécution au précédent contrat de développement, signé le 30 juillet 2014 et modifié par avenant du 11 juin 2018.

Deux contrats restent à conclure :

– en Nouvelle-Calédonie, l’agenda des discussions a dû tenir compte des élections provinciales du 12 mai 2019. Un mandat de négociation spécifique a été adressé par le Premier ministre, le 25 novembre 2019, au haut-commissaire de la République, en vue de l’élaboration d’un avenant au contrat en cours le prolongeant jusqu’en 2022. La contractualisation locale présente la spécificité de comporter dix sous-contrats concernant la Nouvelle-Calédonie elle-même, les trois provinces et d’autres collectivités ;

– concernant la Polynésie Française, les discussions au sujet de l’opportunité de conclure un contrat de développement et de transformation, également différées en raison des élections territoriales des 22 avril et 6 mai 2018, ont été lancées en novembre 2019. Un mandat de négociation a été transmis au haut-commissaire de la République avec l’objectif d’aboutir à la fin de l’année 2020.

b.   Des difficultés dans l’engagement des crédits

Au 31 juillet 2020, des difficultés existent dans l’engagement des crédits et les éventuels retards de paiement constatés au titre des contrats. Elles résultent en premier lieu d’évènements conjoncturels :

– en 2019, la signature tardive des contrats de convergence et de transformation, qui n’a été effective qu’au 8 juillet. Ce retard s’est traduit par une programmation révisée des opérations susceptibles d’être engagées et par une concentration des engagements sur le deuxième semestre de l’année ;

– en 2020, la crise sanitaire a ralenti la mise en œuvre des différents projets en raison du confinement, puis de la mise en place des mesures barrières qui a compliqué la réunion des instances de programmation.

Ces explications ne dissipent cependant pas d’autres facteurs plus structurels, qui aboutissent de façon récurrente à une sous-consommation des dotations budgétaires votées en faveur des outre-mer.

Déroulement des crédits des contrats de convergence
et de transformation 2019-2022

(en millions d’euros)

Territoires

Montant contractualisé

Au 31 déc. 2019

Au 31 juil. 2020

Total

Dont mission
Outre-mer

AE

CP

AE

CP

Guadeloupe

208,9

26,00

3,60

0,06

1,68

0,60

Guyane

296,5

2,3

8,24

0,60

2,30

0

La Réunion

397,6

69,83

9,24

2,85

6,39

3,39

Martinique

182,4

23,36

5,57

1,31

3,18

0,95

Mayotte

608,6

157,51

8,38

0,66

6,18

2,44

Saint-Pierre-et-Miquelon

18,9

9,00

0,65

0,44

1,09

0,41

Saint-Martin

38,7

30,5

Non pertinent

Wallis-et-Futuna

32,5

31,5

5,83

4,27

3,83

3,11

TOTAL

1 784,3

350,06

41,51

10,19

24,68

10,48

Source : direction générale des outre-mer.

II.   Les éléments saillants de l’exercice 2020

A.   Des transferts réglementaires limités

Le décret de transfert n° 2020‑1015 du 7 août 2020 a réduit les crédits des deux programmes de la mission outre-mer.

Pour le programme 138, cette réduction a porté sur 200 000 euros en crédits de paiement afin de financer la participation du service de communication du ministère de l’intérieur aux Assises des outre-mer organisées par le ministère des outre-mer.

Pour le programme 123, le transfert se monte à 6,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 7,1 millions d’euros en crédits de paiement. Il a vocation à prendre en charge :

– les actions de secours et de reconstruction mises en œuvre par plusieurs ministères après les passages des cyclones Irma et Maria aux Antilles, en complément des versements mis en œuvre au cours de l’exercice 2019 ;

– les observateurs des Nations unies mandatés pour superviser la consultation sur l’accession de la Nouvelle Calédonie à la pleine souveraineté, tenue le 4 octobre 2020 ;

– les délégations de service public du transport aérien mises en œuvre par la direction générale de l’aviation civile durant la période de confinement et de fermeture des espaces aériens dans certains territoires ultramarins.

B.    La sous-consommation des crédits budgétaires alloués

1.   Une difficulté désormais récurrente

L’examen de la loi de règlement a amené le rapporteur spécial de la commission des finances, notre collègue Olivier Serva, à souligner le caractère inquiétant de la sous-consommation des crédits de la mission Outre-mer ([5]).

L’exécution des crédits de la mission Outre-Mer en 2019

 

Crédits demandés*

(en millions d’euros)

Crédits exécutés

(en millions d’euros)

Écart en valeur absolue et en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 138
Emploi outre-mer

1 797,2

1 800,5

1 705,4

1 699,6

– 91,8

 5,1 %

– 100,9

 5,6 %

Programme 123
Conditions de vie outre-mer

880,8

791,9

866,9

707,1

– 13,9

 1,6 %

– 84,8

 10,7 %

Mission

2 678

2 592,4

2 572,3

2 406,7

– 105,7

 3,9 %

– 185,7

 7,2 %

(*) y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : RAP 2019 et données Chorus retraitées par la direction générale des outre-mer.

Les variations des autorisations d’engagement apparaissent peu inquiétantes. Consacrés principalement à l’exonération de charges sociales dont bénéficient les entreprises ultramarines, au sein du programme 138, les crédits correspondants s’analysent en dépenses d’intervention sur le montant desquelles il n’est possible d’agir qu’en modifiant les paramètres réglementaires ou législatifs de l’ouverture de droits.

La sous-consommation des crédits de paiement apparaissait cependant nettement plus problématique, à hauteur de 185,7 millions d’euros par rapport aux montants prévus en loi de finances initiale – fonds de concours et attributions de produits compris. La sous-exécution des dépenses de compensation des exonérations du programme 138 « Emploi outre-mer » ne suffit pas à l’expliquer : le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » contribue pour près de la moitié à cette situation. Or, comme le relevait dans son avis à la commission des Lois notre collègue Philippe Dunoyer en 2019 ([6]), « cette sous-consommation chronique n’a pas échappé au ministère des Finances. Elle est responsable de la baisse marquée du volume de crédits de paiement de la mission Outre-mer dans le présent budget. »

Selon les conclusions remises au printemps 2020 par l’inspection générale de l’administration et le contrôle général économique et financier au ministre de l’action et des comptes publics et à la ministre des outre-mer, les difficultés structurelles de consommation des crédits de paiement du programme 123 tiendraient à :

– des difficultés financières dans de nombreuses collectivités territoriales, notamment les communes, dont les capacités d’investissement seraient affaiblies par d’importantes dépenses de fonctionnement ;

– un manque d’ingénierie administrative, financière et technique de la part de ces mêmes collectivités ;

– une situation financière dégradée des opérateurs de logement social ;

– des facteurs structurels renchérissant le coût des opérations et en compliquant la réalisation, comme la rareté du foncier, des normes européennes inadaptées et une concurrence imparfaite sur les marchés.

Une des difficultés constatées est la concentration, en fin d’exercice, d’une part importante de l’exécution des dépenses, limitant d’autant la capacité des acteurs de produire des prévisions fiables concernant la consommation de l’ensemble de l’exercice et opérer des redéploiements significatifs en cours de gestion. Ainsi, le montant des crédits mandatés entre le 1er novembre 2019 et le 13 décembre 2019 – date de clôture de l’exercice – est équivalent au cumul des crédits mandatés jusqu’à la fin de l’été 2019. Or, c’est en août qu’est engagée la démarche de compte rendu de gestion qui, de façon concrète, repose sur un dialogue de gestion entre la direction générale des outre-mer et les responsables territoriaux.

2.   Une amélioration attendue en 2020, mais menacée par la crise sanitaire

La consommation des crédits de la mission Outre-mer semble s’être considérablement améliorée selon les chiffres recueillis par votre rapporteure pour avis au 31 juillet 2020.

Consommation des crédits budgétaires

(en millions d’euros, au 31 juillet 2020)

 

Programme 123

Programme 138

AE

CP

AE

CP

Voté en loi de finances

774,5

624,8

1 744,3

1 747,5

Exécution

297,5

240,9

1 391,7

1 160,5

Taux d’exécution

38,4 %

38,6 %

79,8 %

66,4 %

Source : direction générale des outre-mer.

Pour 2020, les crédits du programme 138 devraient être consommés dans leur intégralité. La seule incertitude – de taille – concerne la ligne exonérations de charges sociales. En effet, les deux premières lois de finances rectificatives adoptées dans le contexte de la crise sanitaire ont généralisé la possibilité du recours au chômage partiel durant la période de confinement. Il en découle l’absence de prise en charge des exonérations pour les sommes versées durant les périodes correspondantes, par la mission outre-mer. De plus, les incertitudes sur l’impact de la crise économique sur l’emploi, qui constitue le premier facteur d’évolution des exonérations, obscurcissent la prévision de consommation de cette enveloppe. En effet, l’exécution est particulièrement dépendante du niveau de population active.

S’agissant du programme 123, la consommation des crédits est directement liée à l’activité des chantiers de bâtiments et travaux publics. Ce secteur concerne en effet les trois principales lignes de dépense du programme : le logement social, les contrats de convergence et le fonds exceptionnel d’investissement. La situation des territoires est par ailleurs hétérogène. Certains ont été totalement ou largement épargnés par le covid‑19 : c’est le cas de la zone Pacifique et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ailleurs, l’activité a été largement suspendue pendant le confinement avant de reprendre progressivement comme en Europe, le cas échéant avec du retard en Guyane et à Mayotte ([7]). Enfin, la deuxième vague de l’épidémie, au cours de l’automne, éprouve durement la Guadeloupe. Les règles de distanciation sur les chantiers et les difficultés d’acheminement des matériaux de construction ont eu pour effet de ralentir la cadence des travaux.

Malgré ces difficultés, le début de gestion de l’année en cours a été largement anticipé par rapport aux deux exercices précédents permettant de dégager le meilleur taux de consommation des crédits du programme depuis trois ans à la fin du mois de mai. Sous réserve de l’impact de l’épidémie et des développements des prochains mois, la résorption des difficultés semblait donc bien engagée grâce aux actions mises en œuvre :

– plateformes d’appui aux collectivités territoriales mises en place à Mayotte et en Guyane dans le cadre de la nouvelle organisation locale de l’État ;

– mobilisation de moyens financiers afin que l’Agence française de développement apporte également un appui aux collectivités pour la mise en œuvre de leurs opérations d’investissement. Cet effort sera maintenu pour 2021 grâce à la mobilisation de crédits spécifiques du plan de relance ;

– développement de l’utilisation de ressources locales dans les travaux afin de simplifier la logistique des opérations ;

– nouveaux outils de pilotage budgétaire tels qu’une charte de gestion, une cartographie simplifiée des budgets opérationnels de programme, ou encore la production de synthèses régulières ;

– mise à disposition précoce des crédits budgétaires en faveur des territoires dans le cadre de l’expérimentation, par le ministère des outre-mer, du document de programmation unique, dès la gestion 2021, permettant de disposer dès janvier de 70 % des crédits annuels.

Votre rapporteure pour avis approuve cet effort d’exécution de la loi de finances, effort sans lequel la discussion parlementaire est vouée à ne produire aucun effet concret. Elle appelle toutefois le Gouvernement à interrompre le mouvement d’alignement des crédits de paiement sur le rythme de dépenses constaté lors des derniers exercices, qui n’aurait d’autre effet que de tarir les ressources à la disposition des outre-mer.

C.   La dette de l’État envers la sécurité sociale

Les montants constatés par les organismes de sécurité sociale au titre de la compensation par l’État des exonérations de charges supportées par la mission Outre-mer ne sont pas forcément égaux aux sommes versées par l’État à ces organismes ([8]). Les bilans annuels, sur lesquels figurent les données définitives, ne sont généralement disponibles qu’au printemps suivant. Il en résulte un écart qui devrait être immédiatement comblé, mais qui tend à se cumuler au fil des années.

L’année 2019 a vu l’accroissement massif des moyens consacrés au dispositif d’exonération pour tenir compte de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et assurer sa compensation par un renforcement des exonérations et allègements des cotisations patronales ciblé vers les entreprises les plus fragiles, les plus exposées à la concurrence ou contribuant au rattrapage des territoires ([9]).

Sur la base des prévisions arrêtées par les organismes de sécurité sociale au 15 octobre 2019, les versements réalisés à leur intention se sont établis à 1 390,3 millions d’euros. Rapportées à l’exercice précédent, les sommes en jeu progressaient de 19,36 %.

Toutefois, l’exécution définitive recensée par les organismes de sécurité sociale s’élevait finalement à 1 425,5 millions d’euros, ce qui a généré une dette de 35,2 millions d’euros au titre de l’année 2019 portant la dette cumulée de l’État à 103,9 millions d’euros.

Pour l’année 2020, les montants inscrits en loi de finances initiale au titre des exonérations de charges spécifiques en outre-mer s’établissent à 1 468,1 millions d’euros ([10]). Toutefois, les incertitudes qui pèsent habituellement sur les prévisions sont multipliées cette année. En effet, le confinement, les mesures d’activité partielle (prolongées après le 1er juillet dans certains secteurs où la réduction de l’activité est durable) et la crise économique qui en découle font reculer la population active. Or, celle-ci constitue la donnée de base des prévisions.

III.   L’Union européenne et ses concours financiers

La Constitution distingue trois catégories de collectivités d’outre-mer :

 régis par l’article 73, les départements et régions d’outre-mer (DROM) où s’applique un principe d’identité législative ;

– les collectivités d’outre-mer (COM) relevant de l’article 74, où prévaut une plus grande liberté d’organisation et de fonctionnement au regard du droit commun ;

– la Nouvelle-Calédonie, dont l’autonomie poussée repose sur le titre XIII, dans le cadre du régime transitoire prévu par l’Accord de Nouméa.

L’Union européenne opère une distinction voisine entre :

– les régions ultrapériphériques (RUP) où le droit européen s’applique par principe et où peuvent intervenir les fonds structurels européens ;

– les pays et territoires d’outre-mer (PTOM) où le droit européen s’applique avec une latitude variable, aux statuts déterminés spécifiquement et où les dotations du fonds européen de développement (FED) constituent la seule enveloppe financière accessible.

Ces distinctions sont relativement similaires : au statut de DROM correspond la qualification de RUP, à celui de COM celle de PTOM ([11]).

Toutefois, bien qu’elle soit une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, Saint-Martin constitue par exception une région ultrapériphérique de l’Union européenne ([12]).

A.   Les concours aux régions ultrapériphériques

Les crédits alloués par l’Union européenne au titre de la politique de cohésion, de l’agriculture et de la pêche aux régions ultrapériphériques françaises atteignent des montants significatifs : ils correspondent à plus de 5 milliards d’euros pour la programmation 2014/2020.

Ces dotations proviennent :

– du Fonds européen de développement régional (FEDER), qui intervient dans les domaines de la prévention des risques, de la recherche, du développement économique, de l’environnement, de la culture et de l’édification d’infrastructures de transport et d’énergie ;

– du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ;

– du Fonds social européen (FSE) ;

– du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Les régions ultrapériphériques bénéficient également du programme Interreg de promotion de la coopération des régions européennes entre elles. Ses interventions de prédilection ont lieu dans le domaine de l’environnement et en faveur du développement économique.

Programmation 2014/2020

(en millions d’euros)

 

Guadeloupe*

Guyane

Martinique

Mayotte

La Réunion

Total

*dont Saint-Martin

Programmes gérés par les régions ou collectivités uniques AG Région

610,8

392,6

521

0

1130,5

2654,9

0

FEDER

424,1

286,1

352

0

940,2

2002,4

0

Allocation RUP

97,8

52,1

93,1

0

190,3

433,3

0

FSE

86,7

54,4

73,4

0

0

214,5

0

Initiative pour l’Emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par les régions ou collectivités

2,2

0

2,5

0

0

4,7

0

Programmes gérés par l’État (Préfets)

203,8

83,9

124,7

217,2

516,8

1146,4

54,4

FEDER

31,4

 

 

148,9

 

180,3

31,4

FSE

165,2

83,9

124,7

65,5

516,8

956,1

15,8

Allocation RUP

7,2

0

0

2,8

0

10

7,2

Total général FEDER-FSE

814,6

476,5

645,7

217,2

1647,3

3801,3

54,4

Programme national Initiative pour l’emploi des Jeunes (IEJ)

Quote-part gérée par l’État (Préfets)

19

13

15,4

10

73,2

130,6

1,2

IEJ

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

FSE

9,5

6,5

7,7

5

36,6

65,3

0,6

Total FEDER-FSE/IEJ

833,6

489,5

661,1

227,2

1720,5

3931,9

55,6

Total FEADER

171

112

130,2

60

385,5

858,7

3

Total FEAMP régionalisé

9,6

7,1

9,7

3

11,9

41,1

0,769

Total (Hors programmes de coopération)

1014,2

608,6

801

290,2

2117,9

4831,7

59,3

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Programmes EUROPéens de coopération territoriale 2014/2020

(en euros)

 

Océan indien

Caraïbes

Amazonie

Mayotte

Saint-Martin

Total

Transfrontalier

41 398 967

41 143 733

14 080 000

12 033 000

10 000 000

118 655 700

Transnational

21 788 162

23 179 821

4 827 317

 

 

49 795 300

Total

63 187 129

64 323 554

18 907 317

12 033 000

10 000 000

168 451 000

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

B.   Les concours aux pays et territoires d’outre-mer

Les crédits dont dispose le fonds européen de développement (FED) sont nettement moins importants que les enveloppes destinées aux RUP : pour les vingt-cinq PTOM de l’Union européenne, ils représentent seulement 286 millions d’euros sur l’exercice 2014-2020. Les volets régional et thématique soutiennent des projets tandis que le volet territorial délivre un appui budgétaire.

Le FED territorial verse 105,6 millions d’euros aux collectivités françaises (+ 27 % au regard de la programmation précédente).

FED territorial (2014-2020)

 

Nouvelle-Calédonie

Polynésie française

Wallis-et-Futuna

Saint-Pierre-et-Miquelon

Secteur

Emploi et insertion professionnelle

Tourisme

Développement numérique

Tourisme durable et desserte maritime

Montant (en millions d’euros)

29,8

29,95

19,6

26,3

Évolution /
2008-2013

+ 50,4%

+ 51%

+ 29%

+ 26,8%

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

Quant aux programmes FED régional et thématiques, ils distribuent quelque 100 millions d’euros. Les collectivités françaises n’y sont pas identifiées.

FED régional et FED thématique (2014-2020)

 

FED Pacifique

FED Océan indien

FED Caraïbe

FED thématique

PTOM concernés

4 PTOM dont 3 français

Les TAAF
(seul PTOM bénéficiaire)

12 PTOM dont Saint-Barthélemy 

 

Les 25 PTOM

Secteur de concentration

Changement climatique et biodiversité

Écosystèmes terrestres et marins, énergies durables, biodiversité marine

Énergies durables et biodiversité marine

Changement climatique et énergies durables

Montant (en millions d’euros)

36

4

40

16 à 18

Évolution /
2008-2013

+ 300%

+ 33,33% (malgré la sortie de Mayotte)

+ 42,85%

Nouveau programme

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé au Gouvernement.

 

 


   Seconde partie

   remporter Le défi de la différenciation dans l’égalité

La Révolution française a inscrit l’égalité au fronton des édifices nationaux. Elle a poursuivi l’ambition de mettre fin aux avantages de caste et de naissance en proclamant l’égalité des individus. Elle s’est aussi attachée à abolir les franchises et les libertés héritées de la monarchie, qu’elles profitent aux corporations professionnelles ou aux provinces. L’article 10 du décret du 4 août 1789 abolit ainsi tous les privilèges locaux en affirmant, désormais, un « droit commun de tous les Français » ([13]). Le 3 septembre 1791, l’article 1er de la première Constitution française déclarait le royaume « un et indivisible ».

Cette uniformisation du droit, cette égalité juridique de tous, n’a pas atteint les outre-mer avant la Libération. Mais l’inclusion réelle dans la République s’est accompagnée d’une méconnaissance revendiquée des spécificités locales, des contraintes de l’histoire et des rigueurs de la géographie. Il a fallu du temps pour admettre la nécessité d’une adaptation des règles communes aux particularités de chacun. Le débat sur la différenciation territoriale est désormais ouvert dans tout le pays, mais aussi dans les outre-mer. Il s’agira, cette fois, qu’il porte ses fruits.

I.   La lutte des outre-mer pour l’égalité formelle

A.   Les outre-mer dans le temps colonial

Les formidables principes de la Révolution française étaient-ils affirmés pour l’ensemble du pays ou pour le seul territoire métropolitain ? Le maintien de l’esclavage est un élément de réponse : il fallut attendre 1794 pour voir sa première mise hors-la-loi par la Convention ([14]) puis, après son rétablissement quelques années plus tard ([15]), la Deuxième République pour assister à son abolition définitive ([16]).

Du point de vue institutionnel cependant, la Révolution a hésité. Son premier mouvement avait été de maintenir le régime dérogatoire : en 1790, l’Assemblée nationale « déclare que, considérant les colonies comme une partie de l’empire français, et désirant les faire jouir de l’heureuse régénération qui s’y est opérée, elle n’a cependant jamais entendu les comprendre dans la Constitution qu’elle a décrétée pour le Royaume, et les assujettir à des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs convenances locales et particulières » ([17]). Les assemblées coloniales sont invitées à faire connaître à l’Assemblée nationale leur vœu sur leur Constitution, leur législation et leur administration.

Au contraire, la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795), qui est postérieure à la première abolition de l’esclavage, ne rencontre pas cet obstacle sur le chemin de l’indivisibilité de la République. Elle proclame donc que « les colonies françaises sont parties intégrantes de la République, et sont soumises à la même loi constitutionnelle » ([18]) avant de les organiser en départements en tous points comparables à ceux de la métropole ([19]).

Cette égalité disparaît avec le rétablissement de l’esclavage. La loi précitée du 20 mai 1802 décrète que « le régime des colonies est soumis, pendant dix ans, aux règlements qui seront faits par le Gouvernement ». La situation était différente en Martinique et en Guadeloupe car celle-ci avait connu le régime révolutionnaire ([20]).

C’est donc le régime colonial qui s’impose, caractérisé par le principe de la spécialité de législation des colonies que formalise la Constitution de la Deuxième République ([21]) : « Le territoire de l’Algérie et des colonies est déclaré territoire français, et sera régi par des lois particulières jusqu’à ce qu’une loi spéciale les place sous le régime de la présente Constitution. » Il est ensuite adapté par le sénatus-consulte du 3 mai 1854 qui règle la Constitution des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de La Réunion, resté en vigueur après la chute du Second Empire :

– le pouvoir législatif détient la capacité de faire la loi pour l’intégralité du territoire national. Toutefois, les textes votés ne trouvaient application aux colonies que si l’intention en était exprimée ou résultait de l’objet même du texte ;

– le Parlement s’intéressant peu au sort des colonies, l’ordre quotidien est assuré par le pouvoir réglementaire qui s’attacha surtout à étendre le droit métropolitain ([22]).

Dans l’organisation injuste et brutale qui caractérise le système colonial, au moins les quatre « vieilles colonies » de Guyane, de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion bénéficient-elles du suffrage universel et sont-elles représentées à la Chambre des députés et au Sénat de la IIIe République. Les conseils municipaux et généraux y sont pourvus au suffrage universel ([23])

Les colonies du Pacifique n’ont pas même cette reconnaissance. Les Établissements français de l’Océanie et la Nouvelle-Calédonie excluent les « indigènes » de toute participation à la vie publique. Le droit en vigueur y est parfaitement dérogatoire.

B.   Les outre-mer pleinement dans la République

Dès la fin du XIXe siècle, les « vieilles colonies » réclament de retourner au statut départemental : la Martinique en 1874, la Guadeloupe en 1881, La Réunion en 1882. Cette demande d’égalité aboutit enfin à partir de la Libération :

– la loi n° 46‑451 du 19 mars 1946 classe comme départements français la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et la Guyane française, de sorte que les lois et décrets s’y appliquent de droit ;

– la loi n° 46-940 du 7 mai 1946, dite loi « Lamine Guèye », confère la pleine qualité de citoyen à tous les nationaux, mettant fin au code de l’indigénat ([24]) ;

– la Constitution du 27 octobre 1946, enfin, confirme l’identité législative dans les départements d’outre-mer ([25]). Elle transforme les autres anciennes colonies en territoires d’outre-mer régis par un statut législatif dans lequel, après quelques années, l’égalité de vote entre les personnes est reconnue ([26]).

Dès la IVe République, il existe ainsi deux régimes pour les outre-mer :

– l’un maintient le système dérogatoire qui prévalait auparavant, qui laisse une grande liberté d’organisation et d’administration, mais qui est désormais fondé sur un partage des compétences accepté entre l’État et les populations sur la base du suffrage universel. Ce sont les territoires d’outre-mer (TOM) ;

– l’autre procède d’une volonté d’égalité institutionnelle et, dans le même temps, d’intégration à la République française. Ce sont les départements d’outre-mer (DOM), dont la philosophie de la création est parfaitement exprimée par Aimé Césaire, député et rapporteur de la loi de départementalisation.

Aimé Césaire sur le sens de la départementalisation ([27])

Lors des débats du 12 mars 1946, le rapporteur déclara, à titre liminaire, que, « à l’heure où ça et là des doutes sont émis sur la solidarité de ce qu’il est convenu d’appeler l’empire, à l’heure où l’étranger se fait l’écho des rumeurs de dissidences, cette demande d’intégration constitue un hommage rendu à la France, et à son génie, et cet hommage dans l’actuelle conjoncture internationale prend une importance singulière ».

En faveur de l’adoption de la loi, Aimé Césaire invoquait « des raisons historiques et idéologiques ». Il rappelait que la Martinique et la Guadeloupe étaient françaises depuis 1635 et participaient « depuis trois siècles au destin de la métropole ». Il déclarait qu’à l’opposé des régimes autoritaires qui se sont imposés en France tout au long de l’histoire, qui ont considéré ces territoires comme des « terres d’exceptions », la République avait toujours « pensé que ces colonies dont les habitants étaient depuis longtemps citoyens français devaient être appelées à bénéficier des lois que leurs élus au Parlement contribuent à faire ».

Tout en rappelant « le patriotisme des populations », le rapporteur faisait le constat que « ces territoires étaient, de fait, à peu près assimilés à la métropole du point de vue administratif et politique ». Il soulignait toutefois que « ce processus d’assimilation s’était arrêté dans son élan […] au lendemain d’une guerre où pourtant les coloniaux n’avaient pas ménagé leur sang, […] au moment même où en France naissait la législation sociale et ouvrière » avec la création de la sécurité sociale par deux ordonnances d’octobre 1945. La loi de départementalisation répondait essentiellement au souci d’assurer aux populations ultramarines l’égalité des droits sociaux que ne leur garantissait pas le principe de spécialité législative.

Aimé Césaire était toutefois conscient qu’il faudrait également tenir compte « de contingences spéciales liées à la situation géographique ». À cet égard, il précisait que le principe de l’unité française et l’extension du régime de la loi aux territoires n’empêchaient pas de laisser éventuellement aux conseils généraux certains pouvoirs qui leur seraient propres.

Des objections d’ordre financier ont par ailleurs été avancées, certains invoquant le coût des réformes engendrées par la départementalisation. À ces réticences, Aimé Césaire objecta que « les budgets des Antilles sont parfaitement équilibrés et qu’il serait indigne de cette assemblée, de s’arrêter, en un problème aussi important, à d’aussi mesquines considérations ».

II.   comment sortir de l’uniformité dans le droit en vigueur ?

Dans sa rédaction actuelle, la Constitution prévoit désormais une alternative pour les collectivités ultramarines : soit un régime ouvert sur une définition spécifique des compétences exercées et de l’organisation statutaire, régi par l’article 74, dans lequel les anciens TOM sont devenus des collectivités d’outre-mer (COM) ; soit une architecture toujours calquée sur le droit national mais qui peut en diverger ponctuellement, régi par l’article 73, qui est celui des départements et régions d’outre-mer (DROM) ([28]).

A.   Le régime « à la carte » de l’article 74 de la Constitution

L’article 74 régit aujourd’hui les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon, des îles Walis et Futuna, de la Polynésie française et, depuis 2007 et leur séparation de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Le statut de ces collectivités est fixé par une loi organique adoptée après avis de leur assemblée délibérante. Ce statut qui, aux termes de la Constitution, « tient compte des intérêts propres de chacune d’entre elles au sein de la République », varie fortement d’une collectivité à l’autre. Il fixe notamment les règles d’organisation et de fonctionnement de ses institutions ainsi que le régime électoral de son assemblée délibérante, mais aussi « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ».

Dans ces collectivités prévaut ainsi le principe de spécialité législative, en vertu duquel les lois et règlements n’y sont applicables que sur mention expresse. Il en va ainsi de la Polynésie française ([29]), de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ([30]), de Saint-Pierre-et-Miquelon ([31]) et des îles Wallis et Futuna. Toutefois, la liberté dont bénéficient ces territoires dans leur relation avec l’État les a conduits à retenir des options diamétralement différentes :

– les statuts de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon prévoient que la plupart des lois et règlements y sont applicables de plein droit en dérogation au principe de spécialité. On parle de « régime de l’Atlantique » ou du « tout est applicable sauf... » ([32]) . Il n’y a alors pas lieu, pour les lois nationales, de prévoir une mention particulière d’applicabilité ;

– au contraire, la Polynésie française a fait le choix d’une large autonomie qui s’inspire largement de celle dont bénéficie la Nouvelle-Calédonie. La loi organique statutaire détermine précisément les compétences qui relèvent de l’État, celles qui sont exercées par le territoire et celles qui échoient aux communes ;

– enfin, le statut ancien de Wallis-et-Futuna laisse une faible autonomie à un territoire dans lequel le pouvoir exécutif est toujours confié au représentant de l’État ([33]).

Les collectivités d’outre-mer de l’article 74 peuvent établir des règles dans des domaines qui relèvent de la loi en droit commun et qui font l’objet d’un contrôle juridictionnel spécifique du Conseil d’État. Par ailleurs, leurs prérogatives sont protégées par le Conseil constitutionnel qui peut les autoriser à modifier une loi intervenue dans leur domaine de compétence postérieurement à l’entrée en vigueur du statut. Des mesures spécifiques, justifiées par les nécessités locales, peuvent être prises en faveur de la population locale en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.

B.   Le corset de l’article 73 de la Constitution

La Constitution plaçait originellement sous le régime de l’article 73 la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion. Elles ont été rejointes par Mayotte, départementalisée à compter du 31 mars 2011 ([34]). Dans ces collectivités, « les lois et règlements [nationaux] sont applicables de plein droit ».

Cette identité législative n’exclut néanmoins pas des marges de manœuvre qui ont été étendues, quoiqu’insuffisamment, depuis la fondation de la Ve République.

1.   La voie classique de l’adaptation de la loi nationale

Comme l’indique la rédaction initiale de l’article 73 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’outre-mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière. »

L’article 73 de la Constitution, dans sa rédaction issue des révisions du 28 mars 2003 et du 23 juillet 2008 ([35]), affirme aujourd’hui la possibilité de prévoir des mesures d’adaptation « tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». La nouvelle rédaction n’exige donc plus un caractère « nécessaire » ; le constituant estime suffisant que l’adaptation soit pertinente au regard des spécificités des départements et régions d’outre-mer ([36]).

La possibilité d’adaptation ne saurait être comprise comme un supplément de décentralisation dont jouiraient les DROM. Les autorités locales n’ont aucune compétence pour solliciter une rédaction différente de la loi ou du règlement : seul le Parlement dans le premier cas et le Gouvernement dans le second sont juridiquement à même d’édicter des prescriptions spécifiques sans contrevenir au principe constitutionnel d’égalité.

2.   La voie nouvelle de l’habilitation locale

La révision constitutionnelle de 2003 ne s’est pas limitée à élargir les possibilités d’action du législateur et du Gouvernement pour aménager les normes nationales aux spécificités des départements et régions d’outre-mer. Elle a également décentralisé ce pouvoir d’adaptation du droit en créant deux procédures dans lesquelles, sous condition d’habilitation, les collectivités peuvent, si elles le souhaitent :

– aux termes de l’alinéa 2 de l’article 73, adapter les lois et règlements dans les matières dans lesquelles s’exercent leurs compétences ;

– sur le fondement de l’alinéa 3 du même article, définir dans « un nombre limité de matières » des règles hors de leur domaine de compétence. Cette prérogative ne peut concerner des normes régaliennes dont l’unité est considérée essentielle à la cohésion nationale. Le quatrième alinéa de l’article 73 exclut donc « la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ». En outre, le sixième alinéa de l’article 73 dispose que les « conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti » ne peuvent donner lieu à habilitation.

La procédure d’adaptation ou de détermination de règles relevant du domaine de la loi ou du règlement est organisée en trois étapes successives par des dispositions de nature organique ([37]) :

– l’organe délibérant de la collectivité adresse aux autorités nationales une demande d’habilitation indiquant les domaines dans lesquels elle compte intervenir ainsi que l’objectif poursuivi ;

– le Parlement vote une habilitation législative si l’initiative relève de la loi, le Gouvernement avalise la démarche si elle concerne le champ réglementaire. Cette autorisation est valable jusqu’à l’expiration du mandat de l’assemblée délibérante ([38]) ;

– l’organe délibérant de la collectivité adopte, à la majorité absolue de ses membres, une délibération mettant en œuvre l’habilitation obtenue. Cet acte administration est justiciable devant le Conseil d’État en premier et dernier ressort.

Ce dispositif constitutionnel est en vigueur dans quatre départements et régions d’outre-mer sur cinq. En effet, à l’occasion de la révision constitutionnelle de 2003, une partie des représentants élus dans l’île de La Réunion ont exprimé leur circonspection devant la perspective d’un aménagement du principe d’identité législative ([39]). Bien que non partagé par l’ensemble des parlementaires du territoire ([40]), ce souhait de demeurer au plus proche de la loi nationale et des règlements de l’État a été transcrit dans la Constitution par un amendement adopté en première lecture en séance publique au Sénat à l’initiative du sénateur de La Réunion, M. Jean-Paul Virapoullé.

Aujourd’hui le cinquième alinéa de l’article 73 de la Constitution, l’amendement « Virapoullé » ferme toute possibilité aux élus locaux de La réunion de demander une habilitation pour fixer les règles applicables sur le territoire dans des matières pouvant relevant du domaine de la loi ou du règlement. Il autorise néanmoins les adaptations votées par le Parlement ainsi que les initiatives des collectivités territoriales réunionnaises qui se limitent aux compétences dont elles disposent.

III.   L’impasse de l’article 73 de la Constitution

Si la souplesse de l’article 74 de la Constitution offre un panel à même de satisfaire les collectivités d’outre-mer qui s’y trouvent régies, il n’en va pas de même des départements et régions d’outre-mer soumises à l’article 73. Celui-ci apparaît épuisé dans les deux dispositifs qu’il offre : du point de vue de l’adaptation, beaucoup semble avoir été fait ; en ce qui concerne les habilitations permettant de fixer directement les normes, l’espérance des débuts semble nettement amoindrie.

A.   L’adaptation, une logique parvenue à son terme

1.   Des statuts tous différents, tous démocratiquement choisis

Alors que la rédaction initiale de l’article 73 de la Constitution et son interprétation restrictive par le Conseil constitutionnel organisaient de façon identique les départements et régions d’outre-mer ([41]), la formulation plus souple issue de la révision constitutionnelle de 2003 a permis au législateur national d’opérer une différenciation statutaire des quatre, puis cinq territoires concernés. L’adaptation est désormais telle qu’il n’existe plus deux collectivités qui fonctionnent selon les mêmes règles. L’article 73, supposément caractérisé par une identité des normes applicables aux règles nationales, ordonne en fait les DROM sur quatre barreaux d’une échelle symbolisant leur autonomie au regard du droit commun :

– La Réunion vit sous le régime d’une identité législative renforcée. Un département et une région d’outre-mer coexistent sur le territoire, mais l’amendement « Virapoullé » prohibe toute tentation de fixer localement les règles dans des matières ne relevant pas de leur compétence ;

– la Guadeloupe a aussi conservé un conseil départemental et un conseil régional, sur le modèle des collectivités de droit commun. Elle est cependant autorisée à solliciter les habilitations prévues à l’article 73 ;

– la Martinique et la Guyane peuvent également être habilitées à fixer des règles dans les domaines ne relevant pas de leur compétence. Elles évoluent toutes deux, depuis décembre 2015, sous le régime de des collectivités à statut particulier exerçant les compétences de la région et du département ([42]). Leur organisation diffère toutefois puisque la Guyane conserve un modèle dans lequel le président de l’assemblée délibérante détient le pouvoir exécutif, quand la Martinique a fait le choix de séparer ces deux fonctions ;

– enfin, Mayotte est administrée par une collectivité unique semblable aux précédentes, qui conserve toutefois l’appellation de « Département ». La population s’est exprimée par voie référendaire pour quitter le régime ouvert de l’article 74 et s’engager dans un processus de rapprochement du droit national. Bien que ce vote soit davantage gouverné par une légitime quête d’égalité juridique et sociale que par une dilection pour la gouvernance de droit commun, Mayotte se trouve donc dans une situation dans laquelle ses règles extrêmement spécifiques, rédigées sous le statut de TOM pour la plupart, ont vocation à s’effacer progressivement devant la loi nationale. Dans l’intervalle, un avis du 20 mai 2010 du Conseil d’État a rappelé que les textes dérogatoires demeurent applicables jusqu’à leur abrogation expresse.

L’article 73 est donc à la source d’un succès, puisqu’il permet à chaque collectivité d’évoluer statutairement comme elle le souhaite. Cette réussite est d’autant plus remarquable qu’elle s’opère dans une logique profondément démocratique, soumettant chaque évolution à l’approbation directe des populations – qu’il s’agisse de basculer de l’article 73 à l’article 74 ou inversement ([43]), ou qu’il soit simplement question de quitter le modèle de gouvernance locale de droit commun juxtaposant un conseil régional et un conseil départemental ([44]).

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, neuf consultations ont été tenues. Quatre d’entre elles ont exprimé une volonté de demeurer dans le cadre institutionnel en vigueur :

– le 7 décembre 2003, les électeurs de Martinique et de Guadeloupe se sont opposés à la fusion de leurs départements et régions, respectivement par 50,5 % et 73 % des voix ;

– le 10 janvier 2010, les populations de Martinique et de Guyane ont refusé d’entrer sous le régime de l’article 74 de la Constitution, respectivement par 79 % et 70 % des voix, préférant conserver le principe d’identité législative.

Cinq référendums, au contraire, ont précipité des modifications du cadre institutionnel :

– le 7 décembre 2003, les communes de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ont quitté la Guadeloupe pour devenir des collectivités autonomes régies par l’article 74 de la Constitution, respectivement par 96 % et 76 % des voix ;

– le 29 mars 2009, Mayotte s’est orientée vers la départementalisation et vers la proximité avec le droit commun qu’offre l’article 73 de la Constitution (par 95 % des voix) ;

– le 24 janvier 2010, la Martinique et la Guyane ont accepté qu’une collectivité unique administre leur territoire respectif (par 68 % et 57 % des voix).

2.   Des adaptations variées, mais encore insuffisantes

L’adaptation de la loi nationale aux réalités locales des départements et régions d’outre-mer a reçu de nombreuses applications au cours des trente dernières années. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut citer :

– la règle des cinquante pas géométriques dans le domaine de la propriété des personnes publiques, qui définit les conditions spécifiques d’appartenance des parcelles de terrain situées sur le littoral au domaine public maritime naturel ([45]) ;

– de nombreux aménagements fiscaux pour la taxation du tabac ([46]) ou des hydrocarbures ([47]), voire le maintien de l’octroi de mer ([48]) ;

– dans le domaine socio-économique, le législateur national a fréquemment adopté des lois spécialement dédiées aux outre-mer, contenant des dispositifs visant à contribuer au rattrapage de ces territoires. La loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique en est l’exemple le plus récent.

Deux propositions de loi du groupe Socialistes et apparentés, rapportées par notre collègue Serge Letchimy au nom de la commission des Lois, ont récemment prospéré sur les fondements de l’article 73 de la Constitution pour donner aux départements et régions d’outre-mer des marges de manœuvre dont ne disposent pas les collectivités territoriales de droit commun :

– dans le domaine des relations internationales, pourtant compétence par excellence de l’État, la possibilité pour les conseils régionaux d’outre-mer d’adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d’engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et les États voisins, ou d’accords avec des organismes, se double de la possibilité de conférer exceptionnellement aux exécutifs régionaux le pouvoir de négocier et de signer un accord international ([49]) ;

– en matière de droit civil des successions, la masse foncière en indivision dans certains départements et régions d’outre-mer a justifié que le Parlement autorise, à titre expérimental et pour dix ans, la disposition d’un bien successoral par une majorité des indivisaires en dépit de l’absence de concours d’héritiers minoritaires ([50]).

Ce bilan laisserait penser que la procédure d’adaptation prévue par l’article 73 fonctionne parfaitement. Pourtant, elle présente de nombreuses imperfections, pour la plupart inhérentes au fonctionnement du Parlement, qui ne permettent pas un bon fonctionnement de ce dispositif :

– dans un ordre du jour trop chargé, les opportunités de légiférer dévolues à la situation des outre-mer sont rares et ne sauraient efficacement se limiter à des initiatives des groupes minoritaires ou d’opposition ;

– les projets de loi massifs dont sont saisis les parlementaires, le plus souvent dans un calendrier contraint, laissent peu de temps pour examiner dans de bonnes conditions la norme générale, sans même penser aux adaptations locales qui pourraient lui être apportées ;

– la difficulté légistique d’opérer ces adaptations ne peut être sous-estimée, de sorte que les articles finaux traditionnellement dévolues à l’application outre-mer se bornent le plus souvent à de simples coordinations techniques.

Enfin, il convient de signaler une dissymétrie de l’article 73 qui, s’il interdit aux collectivités territoriales de solliciter une habilitation dans un domaine où pourraient être mises « en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti », ne formule aucune limitation comparable à l’encontre du législateur national. Ainsi les habilitations ne peuvent-elles aucunement concerner la nationalité ([51]).

Or, le Conseil constitutionnel a parfaitement admis, au visa de l’article 73, que le législateur édicte des conditions d’accès à la nationalité française sur le territoire de Mayotte qui ne sont pas celles du droit commun ([52]). Comment ne pas y voir, malgré la décision du juge constitutionnel, une remise en cause de l’unité de la République dans un secteur essentiel ?

L’article 73 souffre paradoxalement d’une double faiblesse : non seulement il admet les différenciations opérées par l’État central dans les domaines où elles sont, de toute évidence, les plus attentatoires à la vie de la Nation, mais il réprime en pratique toutes les velléités de prise en main de leur développement que pourraient nourrir les DROM si le droit de fixer des règles adéquates leur était directement reconnu.

B.   Malgré quelques promesses, l’échec des habilitations

1.    Des débuts prometteurs

La capacité des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution d’adapter les lois et règlements en vigueur sur leur territoire et de fixer elles-mêmes des règles relevant du domaine de la loi ou du règlement est soumise à une habilitation préalable et au contrôle du juge administratif. En apparence, cette possibilité est ouverte depuis la révision constitutionnelle de 2003 aux collectivités – quatre, puis cinq à partir de 2011 – qui se trouvent sous ce régime juridique.

En pratique, la possibilité de fixer ses propres règles s’est heurtée à plusieurs obstacles :

– d’une part, La Réunion ne peut juridiquement prétendre aux habilitations du fait de « l’amendement Virapoullé » ;

– d’autre part, si les Mahorais ont fait le choix de quitter l’article 74 de la Constitution au bénéfice d’une départementalisation progressive, c’est précisément en direction de l’identité législative et non pour aménager le droit commun à la singularité de leur territoire. Il existe donc, à Mayotte, une volonté politique de fixer aussi peu de règles que possible en dehors des compétences du Département et un foisonnement de textes issus de la période précédente qui instituent déjà plus de particularismes que le souhaiterait la population ;

– enfin, si l’inscription dans la Constitution des procédures d’habilitation a eu lieu en 2003, le mécanisme n’est devenu opérationnel qu’avec la promulgation des lois organiques d’application, en 2007, et n’a commencé à être employé, une fois le droit stabilisé et l’ingénierie juridique acquise, qu’en 2009.

À compter de cette date, en revanche, le dispositif a semblé fonctionner avec succès. On relevait ainsi, entre 2009 et 2015 ([53]), cinq délibérations portant demande d’habilitation du conseil régional de Martinique, quatre du conseil régional de Guadeloupe, quatre également du conseil régional de Guyane, une du département de Mayotte et même une de la collectivité territoriale de Saint-Martin ([54]). Les matières concernées par ces procédures étaient l’énergie, la formation professionnelle et les transports.

Toutes les sollicitations n’ont pas reçu une réponse favorable du Parlement ou du Gouvernement, mais les habilitations accordées ont donné lieu à trente-huit délibérations fixant le droit applicable dans les domaines ne relevant pas des compétences de ces collectivités.

2.    Mais un échec aujourd’hui cuisant

Alors que les chiffres collectés entre 2009 et 2015 laissaient croire à une utilisation croissante du dispositif d’habilitation de l’article 73 de la Constitution, votre rapporteure a été surprise d’apprendre, en réponse aux questions qu’elle a adressées au ministère des outre-mer, qu’aucune nouvelle demande n’a été formulée par les collectivités depuis le 1er janvier 2016 !

Comment expliquer cette désaffection manifestée par les autorités locales élues en décembre 2015 ? Plusieurs explications sont envisageables :

– les collectivités se heurtent à un véritable contrôle d’opportunité exercé par l’État sur les demandes d’habilitation qu’elles formulent, qui restent fréquemment sans réponse ;

– la durée totale de la procédure, de la demande d’habilitation à la fixation des règles proprement dite, excède celle du mandat des élus locaux, qui ne souhaitent pas engager une réflexion sans certitude de pouvoir la mener à terme ;

– la définition des règles dans des domaines potentiellement techniques exige de réunir des compétences dont les collectivités territoriales ne disposent pas immédiatement et dont la mobilisation augmentera d’autant la durée de la procédure ;

– les premières fixations de règles localement ont provoqué des difficultés d’accès au droit, notamment ressenties par les entreprises, en l’absence d’engagement de l’État et des éditeurs juridiques d’en assurer la codification sous une forme intelligible.

Les innovations introduites par la révision constitutionnelle de 2003 dans la Constitution apparaissent donc aujourd’hui inappliquées. Elles n’apportent aucune latitude de décision supplémentaire aux collectivités qui auraient légitimement souhaité en bénéficier.

IV.   Des propositions pour relancer la différenciation

Promues à l’orée des années 2000, l’extension des compétences des collectivités territoriales et la relance de la décentralisation ne sont plus guère opérationnelles aujourd’hui, puisque les seules adaptations de la norme à leurs spécificités que peuvent espérer les habitants des DROM ne peuvent provenir que de l’État. Une nouvelle réflexion s’impose pour permettre la nécessaire respiration de ces territoires.

A.   L’engagement du Président de la République

Au commencement de son mandat, le Président de la République s’est engagé à plusieurs reprises en faveur d’une possibilité pour les territoires de bénéficier d’une différenciation renouvelée. Cette ambition a été formulée pour l’ensemble du pays, dans le cadre du droit commun, à l’occasion du centième congrès des maires de France, le 24 novembre 2017 : « Nous avons donc besoin d’adapter aujourd’hui les normes, les capacités normatives pour répondre aux défis de nos territoires. Qu’y a-t-il de commun entre un centre-bourg, une métropole, une commune qui relève de la loi Montagne ou celle qui relève toute entière de la loi Littoral de manière parfois totalement inadaptée ? Des rigidités pensées pour parfois toute une catégorie alors que ça ne correspond pas à la réalité locale ! Des spécificités qui parfois créent d’autres contraintes, cela aussi, nous devons le changer. »

Un mois plus tôt, le chef de l’État assignait un objectif comparable à l’occasion des assises des outre-mer, cette fois dans l’horizon de l’article 73 de la Constitution.

Discours du Président de la République à Cayenne, le 28 octobre 2017

« À l’été prochain, nous prendrons des décisions fortes ; je suis prêt à rouvrir des sujets constitutionnels s’il apparaît pertinent de le faire et si c’est utile. Si La Réunion veut revenir sur ce qu’on appelle encore aujourd’hui « l’amendement VIRAPOULLE », je suis prêt à le faire. Si des territoires considèrent qu’il faut des aménagements constitutionnels, je suis prêt à les porter avec vous. À chaque fois que le besoin en sera exprimé et démontré, s’il faut permettre plus d’expérimentation, d’adaptation de notre droit sur le terrain de la République, il nous faut aussi adapter notre Constitution, je suis prêt à porter cela ; nous apporterons aussi des modifications législatives pour tirer toutes les conséquences de ces assises. Je sais que beaucoup d’entre vous sont prêts à prendre des compétences, que l’article 73 de notre Constitution en particulier permet mais la procédure est trop lourde, ils se sont découragés devant l’idée de porter une loi qui prendra des mois, voire des années, nous le savons bien tous !

Aussi, je veux qu’un véhicule législatif unique et les parlementaires auront un gros travail sur ce sujet puisse faire la synthèse de tous ces besoins, de toutes ces adaptations et refléter en une loi les délégations réglementaires que nous sommes prêts à faire aux collectivités qui le souhaiteraient. Nous aurons aussi des adaptations fortes pour ajuster là aussi les besoins, les règles un peu partout ; cela, j’y suis prêt ».

B.   Le projet inabouti de révision de la Constitution

Les axes tracés par le Président de la République ont été transcrits à l’article 17 du projet de loi constitutionnelle inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à l’été 2018 ([55]). À la suite de l’échec de son examen, le texte a été retiré par le Gouvernement le 29 août 2019 avant le dépôt, le lendemain, d’un nouveau projet de loi aux ambitions identiques en termes d’évolution de l’article 73 de la Constitution ([56]).

Le projet du Gouvernement supprime la procédure d’adaptation des lois et règlements par les collectivités elles-mêmes dans les matières où s’exercent leurs compétences, procédure qui n’a jamais trouvé à s’appliquer depuis sa création, pour ne laisser subsister que la possibilité de « fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire » dans le domaine de la loi ou du règlement.

Les conditions posées en 2003 demeurent : une demande de la collectivité initie la procédure ; celle-ci ne peut prospérer « lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti » ; les habilitations ne peuvent concerner qu’un « nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement » ; une loi organique vient préciser les conditions de mise en œuvre de cette disposition.

En revanche, le recours aux habilitations est simplifié : l’habilitation est désormais accordée par décret en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, quel que soit le domaine dans lequel elle est sollicitée. Ces actes font ensuite l’objet d’une ratification parlementaire a posteriori à peine de caducité.

Le mécanisme envisagé par le Gouvernement comporte l’avantage majeur d’institutionnaliser une clause annuelle de rendez-vous parlementaire voué à la situation des outre-mer, puisqu’un projet de loi est présenté à chaque session ordinaire pour examiner les actes des collectivités. On peut également supposer qu’une habilitation par décret, fût-il en conseil des ministres, est prise plus rapidement qu’une loi n’est adoptée.

Le projet n’est cependant pas exempt de défauts :

– d’une part, il prévoit un double contrôle de l’État sur les collectivités ultramarines, l’un en amont de la décision par le Gouvernement et l’autre en aval par le Parlement, ce qui ne traduit pas une confiance effrénée dans les initiatives des territoires ;

– d’autre part, il fait le choix de maintenir la restriction des compétences de La Réunion en limitant la capacité de différenciation du territoire à celle des collectivités territoriales de droit commun.

C.   Une piste plus ambitieuse

Votre rapporteure pour avis reconnaît l’engagement du Président de la République en faveur de la différenciation dans les DROM. Le projet de loi constitutionnelle présenté aurait sans doute pu être amélioré dans les débats parlementaires. Il n’apparaît cependant plus dans les prévisions d’ordre du jour du Gouvernement. La réflexion doit cependant continuer.

Le caractère dépassé de l’article 73 de la Constitution découle autant de ses limitations, notamment des obstacles qu’il pose à la fixation directe des normes par les collectivités, que paradoxalement de ses succès, en ce que la différenciation statutaire en fait un cadre qui n’en est plus un.

Votre rapporteure pour avis considère que les outre-mer, dans leur diversité et dans leurs spécificités, pourraient tout aussi bien se regrouper sous l’ombrelle unique de l’article 74 de la Constitution.

Comme le montre son fonctionnement actuel, l’article 74 parvient à concilier les souhaits des territoires les plus engagés dans la voie de l’autonomie, comme la Polynésie française, et l’attachement d’autres au principe d’identité législative, comme Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon. Il tolère les particularités locales et les inclut intelligemment dans la République, ainsi le droit coutumier dans le Pacifique. Il permet, par la simple modification de la loi organique statutaire, de moduler les compétences et les relations qu’entretient l’État avec chaque collectivité. Mais il a été régulièrement rejeté par les populations quand elles ont été consultées – par peur de se retrouver « larguées » par leur pays.

L’exigence démocratique posée par la révision de 2003, qui impose la consultation des populations avant toute évolution statutaire, est un acquis et un succès. Mais en soumettant systématiquement aux urnes la moindre évolution, y compris celles qui ne changent pas l’appartenance d’une collectivité au régime de l’article 73 et qui se bornent à fusionner une région et un département aux mêmes périmètres, la Constitution pourrait nourrir une crainte infondée de tout changement. Sans doute y aurait-il, là également, une voie médiane à définir pour permettre une véritable différenciation, qui fasse pleinement confiance aux territoires et aux élus qui les représentent.

 


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du jeudi 15 octobre 2020, la Commission auditionne, en visioconférence, M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2021 (Mme George Pau-Langevin, rapporteure pour avis).

Lien vidéo :

http://assnat.fr/6Ga2UR

Mme la présidente Yaël Braun Pivet. Mes chers collègues, après avoir formulé hier un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », nous sommes réunis ce matin pour discuter de la mission « Outre-mer ». Auparavant, nous procéderons à l’audition en visioconférence de M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, actuellement en quatorzaine en Nouvelle-Calédonie. Ce format adapté à la situation sanitaire permet à plusieurs députés ultramarins de participer au débat.

Monsieur le ministre, en tant que rapporteure de la mission d’information de la conférence des Présidents sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, je vous indique que nous avons hâte de vous entendre à ce sujet. Nous serons ravis de vous accueillir pour obtenir des précisions sur la situation ainsi que sur les perspectives que vous comptez tracer.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Madame la présidente, je vous remercie d’avoir accepté le principe d’une audition en visioconférence. Chacun comprend qu’il était de mon devoir de me rendre à Nouméa au lendemain de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. J’ai cru comprendre que ce format convenait aux parlementaires ultramarins, et pour cause : la géographie de leurs territoires s’y prête bien ! Je précise que je me tiens à leur disposition pour évoquer la situation sanitaire. Nous suivons de près son évolution, notamment en Guadeloupe et en Martinique.

Si l’ordre du jour de la présente audition est clair – débattre de la mission « Outre-mer » et des deux programmes qui la composent –, j’y viendrai après un rappel général. Le budget consacré aux outre-mer s’étend sur trente et une missions et quatre-vingt-quatorze programmes. Il se chiffre à 19,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 19,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Sur trente et une missions, quatre dépassent le milliard d’euros : outre la mission « Outre-mer », il y a « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie, développement et mobilité durables » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » qui concernent très directement les territoires ultramarins. Par ailleurs, deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l’outre-mer : 4,7 milliards d’euros sont alloués au paiement des traitements des agents de l’éducation nationale ; un peu plus d’un milliard d’euros aux dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure.

J’aimerais aussi évoquer la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (DACOM), dont la mission « Relations avec les collectivités territoriales » prévoit la poursuite du rattrapage. Ce débat intéressera le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. Jean-René Cazeneuve. Il s’agit d’un engagement du Président de la République pris l’an dernier dans le cadre du grand débat national. Un premier rattrapage a été réalisé, en matière de péréquation, dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités d’outre-mer, singulièrement pour le bloc communal. Les dotations d’aménagement et la DGF des communes d’outre-mer augmentent chaque année de façon significative. Le mouvement s’accélérera l’an prochain : dans le cadre de la révision de la DACOM, nous vous demanderons de légiférer pour quatre ans. Dès l’an prochain, le volume de péréquation augmentera pratiquement de 17 millions d’euros.

Dans les crédits du ministère de l’éducation nationale, 42 millions d’euros des programmes dédiés à l’enseignement et 37 millions d’euros du programme « Vie de l’élève » sont fléchés vers Mayotte et la Guyane. Il s’agit également d’un engagement du Gouvernement et du Président de la République. Un rattrapage important s’impose dans ces deux territoires où l’État assure la maîtrise d’ouvrage de la construction d’établissements scolaires, notamment – mais pas uniquement – du premier degré.

Enfin, j’effectuerai un dernier détour par le plan de relance. Si la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (LFR3) et le prochain collectif budgétaire (PLFR4) comportent des éléments constitutifs de la relance, c’est le projet de loi de finances pour 2021 qui intègre les fameux 100 milliards d’euros du plan de relance – sans compter les crédits du plan de relance européen. Au sein de ces 100 milliards d’euros, un socle – non un plafond ! – de 1,5 milliard d’euros permettra, en plus des crédits de la mission « Outre-mer » que je m’apprête à présenter, de procéder à des engagements importants pour les territoires. Plusieurs questions au Gouvernement m’ont déjà permis de m’exprimer à ce sujet. Pour mémoire, voici ce que j’ai indiqué : 50 millions d’euros seront consacrés aux réseaux d’eau et d’assainissement, ce qui intéressera directement nos concitoyens guadeloupéens ou mahorais ; 50 millions d’euros seront consacrés au plan séisme Antilles, notamment pour renforcer les bâtiments publics et accélérer la mise en œuvre des programmes en cours ; 80 millions d’euros seront consacrés à la transformation de l’agriculture et à l’équipement des abattoirs. Nous sommes attendus sur ce point, notamment à La Réunion. Le compte y sera !

Plusieurs sous-enveloppes sont également prévues dans le budget du ministère de la transition écologique et solidaire, notamment pour les infrastructures routières en Guyane et à La Réunion. Enfin, il y a un effort pour La Réunion s’agissant du soutien à l’emploi par le biais des parcours emploi compétences. La garantie des recettes fiscales des collectivités territoriales est d’ores et déjà prévue par la troisième loi de finances rectificative pour 2020.

Je ne peux pas ne pas mentionner les collectivités d’outre-mer (COM). L’un des enjeux est de parvenir à les connecter au plan de relance. Le déplacement à Paris du président polynésien Édouard Fritch a été l’occasion d’aborder le sujet. Compte tenu de leurs compétences, il incombe à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie d’amorcer la relance. Notre rôle est de les aider et de les accompagner par le biais de l’Agence française de développement (AFD) et par l’exercice des compétences régaliennes. Ainsi le ministre de l’intérieur et moi-même souhaitons-nous un plan de rénovation des gendarmeries.

J’ai fait un détour par le plan de relance car il en sera beaucoup question au cours de la discussion budgétaire. Les priorités de la seconde partie du quinquennat – plan séisme Antilles, réseaux d’infrastructures, d’eau et d’assainissement – répondent à des préoccupations concrètes, éminemment comprises par nos concitoyens. J’en viens maintenant au détail de la mission « Outre-mer » et de ses deux programmes, le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». J’ai la chance de présenter des budgets en augmentation, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Globalement, l’augmentation des AE est de 6 % et celle des CP de 2,5 %. Toutefois, et Mme George Pau-Langevin qui a officié rue Oudinot avant moi le sait, l’un des enjeux de ce ministère n’est pas tant d’inscrire des sommes au budget que de s’assurer qu’elles sont effectivement consommées.

Si l’on se penche sur le programme 138, les AE augmentent de 107 millions d’euros et les CP de 93 millions d’euros. Ce programme est très observé en raison de la situation sanitaire, économique et sociale. Nous apportons un soutien aux entreprises par le biais de l’augmentation, à hauteur de 6,6 %, de la compensation des exonérations de charges patronales dans le cadre de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, dite LODEOM. En matière d’aide à l’insertion, mentionnons l’ouverture d’une troisième compagnie du régiment du service militaire adapté de Nouvelle-Calédonie (RSMA-NC) à Bourail. Avec trente-cinq équivalents temps pleins (ETP) supplémentaires, elle constitue un symbole important, surtout en ce moment. La consommation des crédits du programme ne devrait pas poser problème, compte tenu de leur mode de fonctionnement et de la possibilité de les solliciter par le biais des dispositifs d’urgence économique applicables outre-mer.

S’agissant du programme 123, relatif au cadre de vie outre-mer, les AE augmentent de 55 millions d’euros. Parmi les priorités pour lesquelles des mesures nouvelles sont prévues en 2021, le logement vient en tête : les besoins, dans les territoires ultramarins, sont énormes. Cela peut résulter de la fragilité sociale de la population, qui nécessite une politique d’accession à la propriété ou de prêt social location accession. Cela peut aussi découler d’une croissance démographique, notamment à Mayotte et en Guyane. L’outil bien connu des ultramarins qu’est la ligne budgétaire unique (LBU) voit ses crédits augmentés de 8,7 %, soit 224 millions d’euros dont 18 millions en autorisations d’engagement dédiés aux établissements publics fonciers de Guyane et de Mayotte.

Force est toutefois de constater qu’en fin d’exercice, bien souvent, les crédits ne sont pas intégralement consommés. Un rapport de la Cour des comptes, largement commenté, a formulé plusieurs préconisations dont il faut convenir qu’elles sont intéressantes, très précises et redoutablement exactes. Il recommande de différencier davantage la politique du logement menée outre-mer. De fait, on ne construit pas un logement de la même façon à La Réunion et aux Antilles. Nous avons connu des échecs, par exemple en matière d’accession au foncier à Mayotte et en Guyane. L’augmentation précitée de 18 millions d’euros permettra aux deux établissements publics fonciers d’acquérir des terrains de sorte qu’on puisse construire des logements.

Je dois rendre hommage à ceux qui ont participé à la nouvelle génération du plan logement outre-mer pour les années 2019-2021 (PLOM), dans lequel commencent à être traités les sujets d’ingénierie, de gouvernance et de partenariat. Mme Ericka Bareigts, aujourd’hui maire de Saint-Denis de La Réunion et qui m’a précédée, s’est beaucoup investie sur ces sujets. Nous sommes sur une bonne trajectoire. En dépit du confinement, les chiffres de consommation pour 2020 sont bons. Il sera intéressant d’observer les évolutions à venir.

Je conclurai à propos du logement en indiquant que nous accompagnerons les efforts de CDC Habitat, qui a élaboré son propre plan de relance. Celui-ci prévoit 6 000 logements destinés à la vente en état de futur achèvement (VEFA).

J’en viens aux crédits consacrés à l’éducation. Nous déployons beaucoup d’énergie pour les constructions scolaires. Nous investissons 13,4 millions d’euros dans les établissements du premier degré de Mayotte, et 17 millions d’euros pour le lycée d’État de Wallis-et-Futuna. Pour celui-ci, le décalage entre AE et CP s’explique par le fait que les travaux s’échelonneront sur plusieurs années, au moins deux exercices budgétaires. Je me suis rendu sur place il y a plus de deux ans ; quiconque y est allé sait à quel point les travaux sont nécessaires.

S’agissant du soutien à l’investissement local, le fonds exceptionnel d’investissement (FEI), outil apprécié des maires et des présidents d’intercommunalité, est stable à 110 millions d’euros. Il est complété par les crédits du plan de relance, par 900 millions d’euros versés d’ici à 2023 dans le cadre de REACT-UE et par le milliard d’euros alloué par le plan de relance à la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), auquel les départements et régions d’outre-mer (DROM) sont éligibles. En outre, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), inscrite dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », est maintenue à un niveau équivalent. Toutes les collectivités d’outre-mer, dès lors qu’elles rentrent dans les critères de potentiel financier, y sont éligibles, y compris celles de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française. Enfin, les contrats de convergence et de transformation remplacent petit à petit les contrats de plan État-régions. Si tous ont été décidés au mois de juillet 2019, certains arrivent à échéance, d’autres ont été prolongés, d’autres viennent d’être signés. Il faudra faire œuvre de pédagogie car la fin n’est pas tant le contrat que les projets qu’il prévoit. Tout cela s’inscrit dans l’enjeu de la relance.

J’aimerais, à présent, aborder un sujet qui me tient à cœur, non en tant qu’élu local ou ancien ministre chargé des collectivités territoriales, mais parce que je vois bien que nous sommes dans un moment important de la relation entre l’État et les collectivités d’outre-mer. On ne peut envisager la décentralisation, la différenciation territoriale et les libertés locales sans une puissance publique locale qui fonctionne. Les collectivités ont besoin d’un accompagnement en ingénierie et en matière financière. Leur schéma de recettes repose, en premier lieu, sur la dotation de l’État. J’ai indiqué que la péréquation leur est favorable. Elle est d’autant plus généreuse que son augmentation repose sur l’écrêtement de la dotation forfaitaire des communes de l’hexagone. Il s’agit véritablement d’un effort de solidarité de la nation tout entière en faveur des communes d’outre-mer. Ce schéma repose, en second lieu, sur la fiscalité. La réforme de la taxe d’habitation a fait l’objet de compensations à l’euro près, quoi que certains puissent en dire : les maires nouvellement élus ou réélus peuvent constater que la parole a été tenue. S’agissant des conséquences de la crise du covid-19, je tiens à rappeler que l’octroi de mer fait partie du panier de recettes garanties aux collectivités. Toutefois, chacun sait inutile de travailler sur les recettes sans réflexion sur les dépenses. Tel était le sens de la mission confiée au sénateur de Guyane Georges Patient et à M. Jean-René Cazeneuve, président de votre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Ils ont commis un rapport dont il faut reconnaître le courage car il est le premier à recommander un débat sur les dépenses, singulièrement sur les dépenses de fonctionnement et, en leur sein, de personnel.

Les contrats d’accompagnement proposés par la mission Patient-Cazeneuve me semblent intéressants. Certains parlementaires envisagent de les inscrire dans la loi par voie d’amendement ; j’indique d’ores et déjà ma bienveillance à leur égard. Distincts des « contrats de Cahors », ce sont des outils qui vont dans le bon sens. Nous pourrions commencer, sur la base du volontariat, par identifier une dizaine de collectivités par an par appel à projets. Cela permettrait de dresser un diagnostic pluriannuel de l’évolution des finances locales sur lequel s’appuyer pour choisir des outils de transformation, dont le rebasage des bases fiscales et le respect des instructions comptables, de sorte à retrouver une transparence dans les assemblées délibérantes. Cela me semble important pour éviter certaines dérives, notamment en période électorale – on a pu voir des dépenses de fonctionnement, pour l’embauche de personnel, augmenter significativement quelques mois avant une élection. Un tel choix appartient aux assemblées délibérantes. Il ne m’incombe pas de le qualifier ; encore faut-il que nos concitoyens soient informés et qu’on ne cache rien aux diverses assemblées.

Une question relative aux outre-mer, plus délicate encore et sur laquelle nous sommes attendus par le monde économique, des grandes entreprises aux PME en passant par les commerçants, concerne les délais de paiement. L’État s’efforce de montrer l’exemple, notamment par le biais des centres hospitaliers. Il serait souhaitable que les collectivités territoriales en fassent autant. Le retard de paiement des factures et d’exécution des comptes par les collectivités territoriales est préoccupant ; il ne s’explique pas toujours par des difficultés de trésorerie. Nous devons résoudre ce problème.

 L’outre-mer est un sujet sans fin. J’arrête donc là cette présentation globale de la mission « Outre-mer », complétée par quelques considérations sur certaines missions de mes collègues, dont les crédits ont des conséquences énormes pour les territoires, et sur le plan de relance, qui constitue une part importante du projet de loi de finances pour 2021.

Mme George Pau-Langevin, rapporteure pour avis. L’examen des crédits de la mission « Outre-mer » se heurte effectivement à une difficulté récurrente : ce budget ne reflète pas l’intégralité des actions menées dans les outre-mer. Cet état de fait, me semble-t-il, soulève la question du rôle du ministre des outre-mer. Celui-ci ne peut que jouer d’influence sur ses collègues pour obtenir que les crédits prévus pour les outre-mer soient utilisés à leur profit – on sait que des investissements peuvent être jugés préférables dans un autre département qu’en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française. C’est aussi ce qui confère tout son intérêt au rôle du ministre des outre-mer. On a coutume de dire qu’il est à la tête d’un petit Matignon, d’où il peut suivre l’action de ses collègues ; toutefois, il joue davantage un rôle de persuasion qu’un rôle d’action directe.

Je salue l’augmentation des autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances. Cependant, le problème de la sous-utilisation des crédits de paiement demeure. Il faut résoudre cette difficulté, notamment en aidant les collectivités en matière d’ingénierie, pour qu’elles puissent utiliser les crédits dont elles disposent.

Ce qui est frappant, dans le budget des outre-mer, c’est qu’une part importante sert à compenser l’exonération des charges patronales de sécurité sociale. Ces dépenses ont un caractère automatique, ce qui les rend difficiles à piloter. Ainsi, ce budget est souvent scruté à la loupe par les entreprises car il est important pour elles, mais il dit peu sur les autres aspects de la vie dans les outre-mer.

Certaines lignes sont privilégiées, notamment le logement qui est un enjeu important. Toutefois, le budget consacré à l’action sociale et culturelle me contrarie. Il a connu une diminution significative l’an dernier ; cette année, il stagne. Cela empêche d’envisager le redémarrage d’opérations fondamentales, notamment la Cité des outre-mer dont Mme Annick Girardin avait annoncé qu’elle serait réalisée sous une autre forme que celle envisagée initialement. Des crédits avaient été prévus en 2017 pour réhabiliter l’ancien cinéma qui devait l’héberger ; tout cela s’est un peu évaporé. Je regrette cette évolution. Pour développer un pays, il faut certes des logements, du travail et de la croissance économique, mais la culture et l’identité sont des aspects importants si l’on veut bien vivre. Malheureusement, le budget que nous examinons aujourd’hui ne garantit pas une prise en compte satisfaisante de ce point de vue.

De même, je regrette la fermeture de la chaîne de télévision France Ô avant même l’adoption du projet de loi de réforme de l’audiovisuel. Contrairement à l’espoir que nourrissaient nos collègues de la commission des Affaires culturelles, il n’est pas du tout établi que les autres chaînes prendront le relais pour donner une visibilité aux outre-mer. Au contraire, le dernier rapport de l’Observatoire de la diversité à ce sujet démontre que la diversité au sein de notre système audiovisuel a reculé. La disparition de France Ô réduira encore la visibilité des outre-mer dans notre pays.

Nous sommes également préoccupés par la différenciation territoriale. Au sein des outre-mer, on distingue les « vieilles colonies », pour ainsi dire, régies par l’article 73 de la Constitution selon le principe de l’identité législative, et les autres territoires qui disposent d’importantes possibilités d’autonomie. La révision constitutionnelle, telle qu’elle avait été annoncée, prévoyait de développer la différenciation territoriale. Cette révision étant, pour l’heure, au point mort, il serait souhaitable de reprendre la réflexion en envisageant un autre véhicule législatif.

Enfin, les crédits relatifs au service militaire adapté (SMA) et à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) sont reconduits. Les actions menées dans ce cadre, par des professionnels tout à fait compétents, sont à saluer.

À la lumière de ces observations, j’estime que ce budget est en partie la reconduction du précédent, avec des items connus. Il n’inspire à la rapporteure pour avis ni grand enthousiasme ni objection négative.

M. Guillaume Vuilletet. Je tâcherai d’instiller un peu d’enthousiasme dans nos commentaires sur ce budget, car je pense qu’il le mérite. Même si Mme George Pau-Langevin porte une appréciation globale qui lui a inspiré un avis d’abstention, c’est à la lumière de ses commentaires que je formulerai les miens – avec beaucoup d’humilité, car c’est en écoutant et en lisant les discours de ceux qui connaissent bien le terrain que j’apprends progressivement à prendre la mesure des outre-mer.

Les fragilités des divers territoires d’outre-mer empêchent de mesurer l’ampleur qu’y prend la crise provoquée par le covid-19. Ce qui est sûr, c’est que leur situation est difficile et qu’elle mérite une mobilisation considérable. Celle-ci a été au rendez-vous ; la réactivité de l’État doit être soulignée. Des mesures d’urgence, à hauteur de 4 milliards d’euros, ont été prises en faveur des territoires ultramarins, ce qui représente une proportion significative de l’effort national. En matière de prêts garantis par l’État (PGE), on a constaté outre-mer un phénomène de surconsommation qui n’allait pas de soi initialement.

Je relève aussi que le projet de loi de finances s’inscrit dans les stratégies de long terme du Gouvernement, notamment celles développées dans le cadre des assises des outre-mer et du Livre bleu présenté au mois de juin 2018. Il consolide les contrats de convergence et de transformation prévus par la loi sur l’égalité réelle outre-mer – ÉROM – et il permettra de financer plusieurs plans d’envergure, tels que la trajectoire outre-mer 5.0, le plan logement outre-mer 2019-2022 et le plan SMA 2025.

Avec une augmentation de 6,39 % pour les autorisations d’engagement et de 2,64 % pour les crédits de paiement, les niveaux d’engagement restent ambitieux. Toutefois, les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent que 12 % de l’effort budgétaire global de l’État s’y rapportant, compris entre 20 et 25 milliards d’euros. Ce budget renforcé permettra d’augmenter les moyens affectés au soutien à l’emploi et la formation, ainsi qu’à l’accompagnement des collectivités territoriales, à l’équipement des territoires, au logement et à la continuité territoriale.

J’aimerais aborder la question de la sous-consommation des crédits de paiement, qui a fait l’objet d’explications diverses. Elle existe aussi ailleurs, mais il serait faux de nier la singularité de l’outre-mer en la matière.

En matière de logement, sur lequel je mène, avec notre collègue Serge Letchimy, un travail déjà ancien, je me réjouis de l’annonce d’autorisations d’engagement en augmentation de 8,71 %. Au passage, je salue l’action importante des partenaires de cette politique, CDC Habitat ainsi qu’Action Logement, qui a intégré dans son plan d’investissement volontaire 1,5 milliard d’euros au profit des outre-mer. Voilà de quoi relativiser les propos que j’ai pu entendre lors de l’examen d’autres missions budgétaires, selon lesquels son rôle était menacé ! La différence entre autorisations d’engagement et crédits de paiement est importante : 176 millions d’euros pour les premières, 224 millions pour les seconds. En 2019, la sous-consommation des crédits de cette action était de 49 millions d’euros ; elle était de 170 millions d’euros en 2018.

En dépit des efforts entrepris depuis 2019, qui ont permis l’amélioration de la consommation des fonds, notamment à La Réunion, cette situation témoigne de la difficulté à mobiliser des crédits nécessitant des instructions parfois longues et complexes auprès d’autorités de gestion locales pas toujours totalement efficientes. Il est essentiel d’adapter l’accompagnement des acteurs concernés. Comment améliorer l’utilisation des crédits, notamment en matière d’ingénierie ?

Au sein du plan de relance, 1,5 milliard d’euros sont fléchés vers l’outre-mer. Vous avez indiqué, monsieur le ministre, que cette somme constitue un socle. On lit dans le plan de relance qu’elle est proportionnelle au poids économique des outre-mer. Sincèrement, celui qui tenait la plume n’a pas fait là un choix très heureux. Il y a d’autres façons de présenter les choses, même si j’ai bien pris note que le reste de la somme mobilisée demeure ouvert aux outre-mer. En tout état de cause, pour que les collectivités d’outre-mer puissent répondre aux appels d’offres et aux appels à projets, elles doivent disposer d’une ingénierie adaptée. Il faut véritablement que l’État les accompagne davantage. Je sais que telle est votre préoccupation, monsieur le ministre.

Outre les problèmes d’ingénierie, de moyens financiers et de moyens humains, les outre-mer souffrent aussi d’un problème de normes. J’en profite pour vous transmettre le salut de Cyrille Melchior, président du conseil départemental de La Réunion, avec qui j’ai dialogué tout à l’heure en visioconférence. Il m’indiquait que, en matière de bâtiments agricoles, il est parfois complexe d’adapter à l’outre-mer les normes décidées pour la nation. Il en résulte de fréquents refus d’implantation de ces bâtiments. Autre exemple devenu un poncif : je ne suis pas sûr que la règle de la pente maximale de 15 %, dans la construction des parkings, pour éviter aux véhicules de pompiers de glisser sur le gel, corresponde à une nécessité outre‑mer. Nous devons faire un effort en matière d’adaptation des normes et des correspondances.

Monsieur le ministre, vous avez eu la bonté de me confier une mission sur le rayonnement régional des outre‑mer, dont je pense que le plan de relance doit être l’un des moyens. J’étais hier soir avec la French Tech Polynésie. Ces gens font un travail remarquable d’innovation et d’adaptation des technologies, avec un potentiel de développement économique fort. Il faut les accompagner. L’Agence française de développement (AFD) est d’ailleurs bien au rendez‑vous.

Dans le monde qui nous attend, avec le covid et ses fragilités sanitaires, les mobilités se restreindront un peu. L’équation se fera entre prospérité, qualité de vie et développement régional. Parce que ce budget y concourt largement, je le soutiendrai avec enthousiasme, ainsi que le groupe La République en marche.

M. David Lorion. Je serai moins joyeux que M. Guillaume Vuilletet. Ce discours d’autosatisfaction ne correspond pas à la réalité outre‑mer… Nous savons que l’outre‑mer, c’est 25 % de chômage des jeunes, 42 % de la population sous le seuil de pauvreté et 25 % des jeunes entre 16 et 29 ans sans formation, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Je vous épargne la litanie des chiffres : ce n’est pas le pays de rêve doté des budgets formidables que vous décrivez. La réalité est moins joyeuse, moins épique et moins romanesque que les discours.

Il est vrai, monsieur le ministre, que le montant de l’investissement de l’État outre‑mer stagne depuis de nombreuses années autour de 20 milliards d’euros. Cet équilibre, qui repose sur des jeux de compensation, n’est pas profitable aux outre‑mer.

Deux programmes composent la mission « Outre‑mer ». Le programme 138 est consacré à l’emploi. Il vise majoritairement à faire diminuer les charges patronales pour un budget d’environ 1,565 milliard d’euros, en augmentation de 6,61 % – une augmentation constante depuis 2019. J’espère que cette année encore, après le bâtiment, le tourisme et l’aérien, de nouveaux secteurs pourront bénéficier de l’augmentation des seuils d’exonération. Des entreprises ne passeront pas cette année ou l’année 2021, étant donné que la reprise ne sera pas aussi rapide que vous l’annoncez. Sans un renforcement des exonérations de charge, nous ne retrouverons pas ces entreprises au moment où les sommes versées commenceraient à produire des résultats. En regardant les chiffres de plus près, on constate que, sur 1,51 milliard d’euros ouvert en loi de finances pour 2019, les versements effectifs ont été à peine supérieurs à 1,39 milliard d’euros.

Le programme 123 relatif aux conditions de vie et au logement inquiète encore aujourd’hui : nous fondons de grands espoirs dessus, dans la mesure où c’est dans ce domaine que le nombre d’emplois peut augmenter. Le budget pour la construction des logements étudiants est de 110 millions d’euros en autorisations d’engagement, mais seulement de 86 millions d’euros en crédits de paiement. Vous savez bien la sous‑consommation des crédits tragique outre‑mer. Ce n’est pas seulement la faute des collectivités territoriales. La responsabilité est partagée entre l’État, les collectivités et les maîtres d’œuvre. Cela vient le plus souvent de la lenteur et de la complexité des instructions autour d’autorités de gestion locale pas toujours efficaces. L’implication des collectivités n’est pas suffisante non plus.

J’entends Action Logement ou CDC Habitat dire qu’il n’y a qu’à mobiliser les stocks existants dans les dossiers au fond des tiroirs et que tout cela sortira de manière magique parce que des milliards ont été mis sur la table. Mais si les dossiers ne sont pas sortis des tiroirs, il y a des raisons, qui ne vont pas s’évaporer d’un coup sous l’effet d’annonces de financements. Pour le plan de relance, les mêmes causes produiront les mêmes conséquences. Le délai de montage du dossier de financement, entre la mise en œuvre des décrets d’application et les réponses aux appels à projets, ne permettra pas des effets réels sur l’activité avant début 2022. Pour le PLOM, ce sera le même constat : il n’y aura pas d’effet visible avant le dernier trimestre 2021. C’est pourquoi nous devons accompagner les entreprises, notamment du bâtiment, dans cette passe difficile.

Comme mes collègues, je salue évidemment l’augmentation des crédits. Je suis néanmoins inquiet parce que tout n’y est pas, concernant l’exonération des charges sociales. Je salue l’augmentation du budget en faveur du logement, tout en restant aussi inquiet quant à la sous‑consommation des crédits puisque rien n’a été prévu pour la pallier. Au final, je suis plutôt réservé et je m’abstiendrai.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. La crise sanitaire a des conséquences préoccupantes outre‑mer, tant sur l’économie et l’emploi que sur les conditions de vie. Les inquiétudes de nos concitoyens ultramarins sont fortes et l’évolution de la situation à court et à moyen termes mobilise toute notre attention. Les économies ultramarines souffrent de fragilités structurelles liées à l’insularité, à l’éloignement et à l’enclavement. De plus, le tissu entrepreneurial ultramarin est composé à 95 % de TPE et de PME, ce qui renforce la vulnérabilité de ces économies.

Dans le projet de loi de finances pour 2021, les dépenses pour l’outre‑mer irriguent une grande partie du budget général de l’État, à hauteur de 12 %. Cet effort financier sera‑t‑il suffisant pour soutenir l’économie ultramarine ? N’attendons pas que nos territoires soient exsangues pour leur proposer des solutions dont l’efficacité serait amoindrie par leur arrivée tardive. Les députés du groupe MODEM aimeraient savoir si vous envisagez d’étendre aux entreprises de tous les territoires ultramarins le décret du 14 août 2020 relatif au fonds de solidarité pour les entreprises de Guyane et de Mayotte, particulièrement touchées par la covid‑19. Une telle mesure serait une pierre supplémentaire dans l’architecture destinée à permettre d’affronter la tempête et de relever les défis à venir.

Notre groupe salue les crédits en augmentation de la mission « Outre‑mer » : les autorisations d’engagement progressent de 6 % afin de soutenir, entre autres, le logement et les constructions scolaires. Dans le champ du logement social, l’offre est insuffisante au regard de la demande. La forte croissance démographique dans certaines collectivités, l’évolution des modes de vie, les structures des ménages rendent indispensable un effort financier conséquent en faveur d’un logement social plus dense. Il est également nécessaire de préserver et de renforcer la qualité de l’habitat existant. Dans ce budget, l’action relative au logement affiche des autorisations d’engagement de plus de 224 millions d’euros. Cette hausse de 8,7 % est une bonne nouvelle. Cependant, comme l’a rappelé Mme Justine Benin en commission des Affaires économiques, nous devons être vigilants pour que ces crédits soient exécutés, parce que nos concitoyens attendent une action forte sur le logement.

Parmi les autres axes concernés par la mobilisation de moyens supplémentaires, il y a l’éducation. Cela concerne les constructions scolaires, notamment à Mayotte et Wallis-et-Futuna. Ces nouveaux crédits, ajoutés aux enveloppes déjà mobilisées, représenteront un total sans précédent de plus de 137 millions d’euros. Un tel effort est le bienvenu, l’accès à l’éducation passant aussi par des infrastructures scolaires en nombre suffisant et de qualité.

Le taux de chômage des jeunes est élevé outre‑mer. La mission « Outre‑mer » renforce le soutien à l’insertion et à la qualification. Mais comment y parvenir véritablement quand les actions de formation sont à l’arrêt ou fonctionnent au ralenti ? Quand les stages sont introuvables ? Quand l’emploi est encore moins au rendez‑vous qu’avant ? À titre d’exemple, le taux global d’insertion des régiments du service militaire adapté a chuté de 8 points sur les quatre premiers mois de l’année.

L’essentiel des crédits de la mission est destiné à l’amélioration de l’emploi et de la compétitivité des entreprises, notamment par un allègement des cotisations patronales. Les moyens budgétaires prévus pour ce dispositif sont en hausse de 6,6 % par rapport à 2020 et représentent 1,5 milliard d’euros. C’est un levier important, qui nécessitera certainement d’être accompagné par d’autres mesures. Le virus met chaque jour un peu plus à mal l’économie, qui repose sur de petites entreprises moins résistantes aux chocs économiques d’une telle ampleur, mais aussi sur des secteurs frappés de plein fouet – le tourisme et le BTP.

J’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur l’importance du secteur informel dans certains territoires, qui exclut de nombreuses activités des dispositifs d’aides, ce qui fait courir un risque d’appauvrissement aux populations qui en vivent. Cela signifie que le Gouvernement doit renforcer les actions en faveur de la solidarité et de la cohésion sociale, comme l’a rappelé la rapporteure pour avis. Le groupe MODEM accueille favorablement les crédits de cette mission.

M. Serge Letchimy. Monsieur le ministre, je vais sortir des sentiers battus. Je partage le point de vue de M. David Lorion : si des éléments sont positifs, il faut partir du constat assez terrible de la situation économique et sociale de nos différents départements et régions d’outre‑mer. Les chiffres ont été donnés sur le chômage, en particulier des jeunes.

Par ailleurs, je partage l’avis de la rapporteure pour avis. Vous avez commencé votre intervention par une allusion au nombre de programmes – quatre‑vingt‑dix – et de missions – trente – et vous avez fait un long détour, compréhensible, pour expliquer tout ce qui se faisait en parallèle. Cela conduit à s’interroger, non pas sur la solidarité de l’État, mais sur l’efficacité d’un ministère de l’outre‑mer qui ne gère que des budgets automatisés et une petite partie seulement de ce qui est réellement consacré à l’outre‑mer. Comment permettre aux collectivités de disposer d’une vision à moyen et à long termes sur leur développement ? Comment dessiner de véritables dynamiques et les rendre lisibles alors que les programmes sont éparpillés ? Il faut réfléchir à un reformatage du ministère des outre‑mer pour redéfinir son périmètre. On ne peut pas parler de développement énergétique sans intégrer des questions de fiscalité, de formation, d’emploi ou d’exonérations. Pour un projet de développement durable, dix ministères seront concernés. Comment être efficaces dans de telles conditions ?

S’agissant de la sous‑consommation des crédits, je ne voudrais pas que l’on croie –ce n’est pas ce que vous avez dit ! – qu’il y a un problème d’ingénierie et que cela relève d’une incapacité locale. Il existe une ingénierie importante à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe ; il y a des habitants compétents, capables de mener les projets de bout en bout. Le problème est structurel. C’est un problème d’adaptation locale. Vous savez que je suis favorable à une politique de différenciation territoriale – différente de la vôtre –, permettant de donner un pouvoir d’adaptation aux collectivités sur les lois et règlements de sorte que l’on puisse tenir compte des spécificités ultramarines.

Vous connaissez la situation des collectivités. Il n’y a pas de gabegie. Il n’y a pas d’élu incapable de gérer ou qui détourne des fonds pour faire recruter des gens à la veille des élections. Cela n’est pas vrai. Nous avons notre dignité. Nous avons des compétences. Certes, il y a des dérives, mais comme partout. Nous avons vraiment besoin d’une réforme structurelle. Elle a d’ailleurs commencé avec l’ajustement de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre‑mer.

Quel est votre projet pour répondre à la chute démographique en Martinique et en Guadeloupe, dont les populations ont perdu 30 000 personnes en dix ans ? Nous aurons, dans quelques années, le label des départements les plus vieux de France alors que les jeunes continuent à fuir. Quelles sont vos propositions pour connecter nos pays à leur voisinage et mener des actions de coopération décentralisée ?

S’agissant du chlordécone, j’espère que nous pourrons nous rencontrer prochainement. Il faut une loi-cadre, donnant une visibilité sur une vingtaine d’années, pour sortir la Martinique et la Guadeloupe de cet empoisonnement et en finir avec le rituel des petits plans tous les trois ans qui ne distribuent que des miettes.

Quelles sont vos propositions concernant la réhabilitation immobilière ? Nous ne pouvons pas continuer à voir disparaître des terres agricoles.

Je salue votre effort et l’arbitrage obtenu pour faire progresser le budget, même s’il faut rester prudent à cause de l’effet de lissage compte tenu des problèmes de sous‑consommation.

Mme Maina Sage. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour nos échanges constructifs de la semaine dernière avec le président de la Polynésie française, M. Édouard Fritch. Je suis heureuse de cette écoute et des efforts particuliers pour le renouvellement de nos contrats de développement, la convention santé‑solidarité et la nouvelle convention sur les abris de survie. Pour moi, le ministère de l’outre‑mer a bien un rôle pivot et, en ce sens, nous vous encourageons, monsieur le ministre, qui êtes le premier porte‑parole de nos territoires, et nous comptons sur vous. Je sais combien vos actions sont importantes pour infuser au sein du Gouvernement les spécificités de nos territoires. Certes, ce n’est jamais assez et l’on peut toujours faire plus. Les parlementaires sont là pour appuyer, relayer et renforcer ces messages. Le projet de loi de finances est un moment privilégié. Mais c’est un exercice difficile parce qu’il est frustrant de devoir discuter dans un temps très court, d’autant que la mission « Outre‑mer » ne représente que 10 % du budget de l’État consacré aux territoires d’outre‑mer.

S’agissant de la Polynésie française, je voudrais savoir si le renouvellement des contrats apparaîtra au PLFR4. Comment ces contrats seront‑ils inscrits dans la loi de finances ? Par ailleurs, nous avons besoin de visibilité concernant l’éligibilité des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution au programme d’investissements d’avenir (PIA). Lors d’une audition du rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques, M. Max Mathiasin, il m’a été confirmé que nous ne serions pas éligibles au volet tourisme du PIA. C’est un non‑sens.

Nous avons besoin de visibilité dans les secteurs clés. Je partage l’avis de M. David Lorion : s’il y a beaucoup d’éléments positifs dans le plan de relance pour les réseaux d’eau et d’assainissement, pour le bâtiment, pour le logement, il ne faut pas oublier que, du fait de la crise sanitaire, nous avons des besoins conjoncturels forts dans des secteurs clés. J’insiste pour que nous puissions bénéficier d’un fonds de soutien aux entreprises d’intérêt stratégique, comme je l’avais proposé lors de l’examen du PLFR3. Nous ne demandons pas des crédits nouveaux, mais de garantir et de sécuriser dans le fonds national une part dédiée aux entreprises outre‑mer, notamment dans le secteur aérien et celui des énergies renouvelables.

Pour ce qui est du secteur audiovisuel, je vous remercie d’avoir rétabli la LODEOM renforcée.

Enfin, à la suite du cyclone Irma aux Antilles, nous avions lancé une mission pour la gestion des risques climatiques en zone littorale. Pouvez‑vous nous confirmer l’inscription en début d’année prochaine à l’ordre du jour d’un projet de loi visant à renforcer les moyens de l’État et des communes pour mieux gérer les risques naturels qui vont aller s’intensifiant ?

Mme Danièle Obono. Si le budget de la mission « Outre‑mer » est en légère augmentation, il demeure insuffisant. La crise sanitaire est venue frapper des territoires structurellement défavorisés, en particulier outre‑mer. Ce budget est dans la lignée du précédent, qui privilégiait les seules entreprises. Assurément, il faut les accompagner, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la population. Or, c’est encore le cas : 66 % des crédits de la mission sont destinés à l’emploi et à la compétitivité des entreprises.

Les territoires d’outre‑mer devraient bénéficier d’un volet de 1,5 milliard d’euros du plan de relance. Des projets ont été identifiés : prévention du risque sismique dans les Antilles et accélération du plan eau avec 50 millions d’euros pour consolider le marché des travaux et de la gestion des réseaux. Sachant que le coût de ces travaux est estimé à 1 milliard d’euros pour la seule Guadeloupe, voilà un nouvel exemple du décalage complet entre annonces et besoins réels.

Notre groupe a mené une série d’auditions dans le cadre d’une commission d’enquête sur la gestion du covid‑19. Que ce soit en Guadeloupe ou en Martinique, le constat sur l’état défaillant des infrastructures hospitalières était partagé. Lundi 28 septembre, des agents du service de radiologie du centre hospitalier universitaire de Guadeloupe étaient en grève contre les dysfonctionnements et les pénuries récurrents, alors que les capacités d’intervention sont amoindries depuis plus de deux ans. Les problèmes de continuité territoriale ont été aggravés par la crise économique et sociale et par l’état d’urgence, qui a duré sans résoudre la crise sanitaire. Tout cela montre bien que la pandémie n’est pas complètement jugulée. Dans les territoires ultramarins, les infrastructures ne suivent pas, ce qui pose un problème d’accès aux soins et de conditions de travail.

L’accès à l’eau est d’autant plus important dans le contexte sanitaire. Or, on constate une rupture d’égalité inacceptable : des coupures d’eau massives en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte. D’après l’agence régionale de santé (ARS), 52 % des foyers réunionnais ne disposent pas d’une eau de bonne qualité. Le prix de l’eau est beaucoup plus élevé qu’en métropole, puisque le mètre cube d’eau coûte, selon des chiffres de 2013, 2,03 euros en métropole, 2,22 euros à Saint-Pierre‑et‑Miquelon et 5,28 euros en Martinique. Il faut aussi rappeler la gestion privée catastrophique avec l’exemple de Veolia en Guadeloupe. Le collectif des travailleurs des eaux a relevé le passage d’un excédent budgétaire de 18 millions d’euros entre 2000 et 2007 à un déficit de plus de 100 millions d’euros de 2010 à 2015, sans que le réseau ait été entretenu pour autant. Nous devrions nous demander où est passé cet argent…

Ces deux exemples montrent l’insuffisance des moyens de rattrapage mais aussi le manque d’investissements sur le long terme. Nous ne soutiendrons pas ce budget.

Mme Karine Lebon. Après la réforme de 2019 et les ajustements de l’an dernier, il est prévu que le dispositif d’exonération des cotisations sociales, qui représente plus de la moitié de la mission « Outre‑mer », trouve sa pleine application en 2021. Mais c’est sans compter la covid qui bouleverse ce calendrier, surtout quand des secteurs stratégiques subissent de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire, comme celui du tourisme. À La Réunion, la filière tourisme représente plus de 3 500 entreprises, très souvent des TPE‑PME, et près de 14 000 salariés. Outre l’hôtellerie et la restauration, il faut prendre en compte les activités de transport et de location de voiture, les activités culturelles, sportives ou événementielles. Toutes connaissent une situation catastrophique. Comme il est surtout dépendant d’une clientèle extérieure, ce secteur est corrélé aux variations du trafic aérien, dont la baisse est historique, à la réglementation sur les tests et à sa difficile mise en pratique pour de nombreux passagers et, bien sûr, aux appréhensions entourant les longs voyages. Selon les dernières prévisions, la fréquentation touristique devrait diminuer d’environ 50 % avec 300 000 touristes en 2020 contre 600 000 en 2019.

Quant aux perspectives, elles ne sont guère encourageantes. Si la clientèle locale compense en partie les pertes dans la restauration, il n’en est rien pour les autres activités. Des événements d’envergure internationale, comme le Grand Raid et le Sakifo Musik Festival, ont été annulés. Des compagnies aériennes qui desservent La Réunion sont en difficulté. Sur la carte du tourisme mondial, notre destination sera encore plus en compétition avec des pays bénéficiant d’un soutien énergique de leur gouvernement. L’ensemble de la filière redoute une trop longue sortie de crise et la destruction de nombreux emplois. Elle appelle à la définition, dès à présent, d’un plan de relance qui intègrerait des campagnes de promotion en Europe, des actions de formation, mais aussi l’élargissement des exonérations à tous les indépendants du secteur.

Mme Justine Benin. Je tiens à saluer la hausse de 8,7 % de la ligne budgétaire unique dédiée au logement, avec 224 millions d’euros en autorisations d’engagement. C’est un signal positif contre l’habitat indigne. Je souligne également l’effort porté vers les collectivités avec le maintien du fonds exceptionnel d’investissement à 110 millions d’euros et des crédits de paiement en hausse de 11,6 %. Cette année, des dispositions majeures sont instaurées pour soutenir nos collectivités avec la compensation des recettes non perçues, telles que l’octroi de mer et la taxe sur les carburants. La territorialisation du plan de relance doit prévoir un volet consacré à l’accompagnement et au développement des projets, portant sur l’étude et l’ingénierie. Il ne produira pas l’effet espéré s’il n’est pas déployé sur le terrain, en consommant tous les crédits disponibles. Nous avons même évoqué l’idée d’un appui en ingénierie à l’instar de ce que le Gouvernement avait institué à Mayotte et en Guyane.

C’est un budget en hausse dont nous devrons éviter la sous‑exécution. Monsieur le ministre, vous avez dit que nous arrivions au bout d’un moment important dans la relation entre l’État et les collectivités d’outre‑mer. Vous êtes l’un des pivots entre tous les ministères, notamment à Bercy où vous avez gagné nombre d’arbitrages.

Madame Obono, tous les parlementaires de Guadeloupe, quels que soient leurs bancs, sont à pied d’œuvre pour travailler avec le préfet. Nous avons régulièrement des comités de suivi : comité de gestion de la dengue ou du covid‑19, où nous travaillons de concert avec le directeur général du CHU et les chefs de service. Nous sommes informés de toutes les difficultés que rencontre le CHU. Un nouveau CHU est en construction, mais des difficultés demeurent dans celui qui a subi l’incendie de novembre 2017. Parlementaires de la Guadeloupe, de l’outre‑mer, nous connaissons nos combats et nos difficultés. Il y a, en effet, des problèmes récurrents en eau et nous sommes, là aussi, à pied d’œuvre, quels que soient nos bancs.

M. Max Mathiasin. Rapporteur pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, j’ai travaillé sur le secteur du tourisme. Je souhaitais souligner trois points.

Le premier point concerne la crise causée par la raréfaction du tourisme, due notamment à la diminution des vols. Beaucoup de petites entreprises souffrent et ont besoin d’une aide urgente pour ne pas aggraver le chômage, structurel chez nous puisqu’il touche 25 % de la population active. Je pense aux compagnies de voyage, aux loueurs de véhicule, de gîtes, aux petits restaurateurs et à d’autres encore. Tous, en raison de leur structure et de la faiblesse de leurs fonds propres, n’ont pas pu accéder aux aides proposées par l’État. Je vous demande de vous pencher particulièrement sur ces entreprises, qui risquent de fermer leurs portes et d’aggraver la crise sociale.

Le deuxième point concerne le Syndicat intercommunal d’alimentation en eau et d’assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) que vous avez décidé de dissoudre au 1er décembre. Vous connaissez bien le drame de l’eau en Guadeloupe. Comme l’a dit Mme Danièle Obono, il faudra beaucoup d’argent pour remettre à flot ce réseau : le passif est lourd. Vous avez pris cette décision alors que nous n’avons aucune visibilité sur la reconstruction. Un plan de 71 millions d’euros a été payé essentiellement par les collectivités, la région et le département, l’État n’intervenant qu’à hauteur de 10 % environ. Puisque vous n’affichez que 50 millions d’euros pour l’eau dans tous les territoires ultramarins, l’État fera-t-il réellement un effort ? Il faut de la visibilité et que l’État prenne ses responsabilités, qu’il se mette autour de la table avec les collectivités, afin de construire le nouvel organisme que nous appelons de nos vœux. Selon le président de la région, le Président de la République avait promis une enveloppe de 400 millions d’euros pour l’eau en Guadeloupe. Nous avons évoqué cette question avec vous lors d’une réunion à la préfecture de Basse-Terre. Mais depuis, plus rien !

Enfin, vous devez savoir que beaucoup de personnels soignants, infirmiers, aides-soignants, médecins, ont été diagnostiqués positifs au covid-19 à Pointe-à-Pitre, et qu’ils sont contraints de travailler dans des conditions difficiles. Y aura-t-il une prise en considération de cette situation ? Je ne dis pas que des efforts n’ont pas été faits, mais les personnels soignants ont besoin de visibilité. Ils doivent savoir si des aides leur seront apportées pour faire face à la crise.

M. Moetai Brotherson. Il y a quelques mois, un navire chinois s’est échoué sur l’atoll d’Aratua posant un problème lié à la capacité technique de son désenchouage. Les moyens de la Polynésie française ont été mis à contribution, mais cela n’a pas suffi. Peut-on envisager un soutien de la marine nationale ?

Une indemnisation a été demandée pour réparer les dégâts occasionnés par ce navire. Or, dans ce genre de situation, les armateurs chinois ont tendance à se défausser et à disparaître. Là encore, nous aurions besoin que l’État veille au grain et discute avec ses homologues chinois afin de s’assurer que ces indemnisations ne s’évaporent pas.

Par ailleurs, le prélèvement sur recettes en faveur des communes concerne-t-il les communes françaises du Pacifique ?

M. Philippe Naillet. Le budget de la mission « Outre-mer » doit être apprécié lucidement au regard de la situation préoccupante de nos territoires ultramarins. Celle de La Réunion, notamment, s’est aggravée depuis le début de la pandémie de covid-19, avec la perte de 4 500 emplois entre décembre 2019 et juin 2020.

En 2019, une réforme en profondeur des aides économiques avait été opérée, suscitant beaucoup d’émotion tant elle avait pris de court les parlementaires et les acteurs concernés. Des ajustements sont toujours en cours puisqu’un amendement, adopté en commission des Affaires sociales, a permis d’intégrer la production audiovisuelle dans les secteurs renforcés. Nous nous en félicitons, même si le secteur du bâtiment et des travaux publics est toujours écarté – je ne reviendrai pas sur les propos de M. David Lorion, que je partage.

Le programme 138 affiche une hausse de plus de 6 % par rapport à l’année 2020 durant laquelle, entre le confinement et la crise économique, ont forcément été retardés des projets publics et privés. Cette hausse de 6 % en autorisations d’engagement et de 2 % en crédits de paiement semble optimiste au regard des années précédentes qui ont vu une sous-consommation des crédits, prouvant la déconnexion entre l’affichage budgétaire et la réalité. Vous n’en portez évidemment pas la responsabilité, monsieur le ministre, mais cette incertitude ne rassure personne.

Les crédits de la mission sont en hausse mais l’effort de l’État outre-mer est moindre. Faut-il, hors péréquation des collectivités que je salue, y voir la poursuite du basculement de la solidarité nationale en solidarité ultramarine ? Par exemple, la ligne budgétaire unique du logement augmente de 18 millions en autorisations d’engagement et baisse de 5 millions en crédits de paiement, pour revenir au-dessous des 220 millions. Dans le même temps, le programme 109 « Aide à l’accès au logement » de la mission « Cohésion des territoires » du document de politique transversale outre-mer est en baisse de 50 millions d’euros.

Vous avez compris que, si ma collègue tout à l’heure a fait un plaidoyer en faveur de ce budget, ce plaidoyer est impossible pour moi.

Mme George Pau-Langevin, rapporteure pour avis. Je suis d’accord avec nos collègues qui ont souligné combien la crise imputable au covid-19 a aggravé des situations déjà difficiles. Les restrictions en matière de transport aérien ont fortement détérioré la situation dans le tourisme. Il serait intéressant qu’il y ait, à côté de la communication sur le budget en général, une communication claire sur la partie outre-mer du plan de relance.

Mes collègues ont également eu raison de souligner que, si beaucoup de crédits n’étaient pas consommés, ce n’était pas dû seulement à l’ingénierie mais aussi à l’attitude tâtillonne des services de contrôle et d’instruction. Lorsque j’étais ministre des outre-mer, il fallait souvent deux ans pour lancer une opération de logement : Bercy disait toujours que l’opérateur n’était pas suffisamment fiable, que la finalisation du projet était insuffisante. Pour consommer les crédits et accélérer les procédures, il conviendra de se montrer plus souple.

S’agissant de l’eau, la situation est compliquée du fait qu’il existe plusieurs intervenants : les communes, les collectivités départementale et régionale, voire l’État. Non seulement il faut augmenter les crédits, mais il faut aussi faire évoluer la gouvernance de l’eau. Or, c’est sur ce dernier point que les choses achoppent.

Enfin, je vais reprendre une partie de mon rapport pour repréciser ce que j’ai voulu dire à propos des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution. On sait que les populations veulent que les lois et règlements soient adaptés, mais aussi qu’elles craignent de sortir de l’article 73. Il faut un équilibre entre les deux articles.

M. Sébastien Lecornu, ministre. On voit bien que le débat sur les articles 73 et 74 de la Constitution s’estompe, que le besoin de différenciation sur le terrain institutionnel existe toujours mais qu’il s’exprime de manière moins aiguë dans le débat public : parce que certaines collectivités ont émergé, comme les collectivités territoriales de Guyane (CTG) et de Martinique (CTM), mais aussi parce que la situation de crise sanitaire, économique et sociale laisse peu de place à cette question. Les sujets devant nous sont consensuels ou ne le sont pas. À Wallis-et- Futuna, il n’y a toujours pas de loi organique parce qu’il n’y a pas de consensus. Dans les régions mono-départementales de La Réunion et de Guadeloupe, il faut clarifier qui, du département et de la région, fait quoi. J’ai dit publiquement, et je le répète devant les parlementaires, que je suis prêt à examiner cette question dans le cadre du projet de loi « 3D », à condition que les territoires concernés la défendent. Ce n’est pas au Gouvernement d’arriver avec une solution clé en main. J’ai entendu, pour la Guadeloupe, que la région pourrait gérer les lycées et le département les collèges. Ou bien, peut-être serait-il plus clair que l’un des deux étages ait la compétence sur le scolaire et l’autre étage sur autre chose. Ce sont des éléments sur lesquels on peut avancer en dehors d’une révision constitutionnelle. Si Mme George Pau-Langevin est volontaire, en tant qu’ancienne ministre des outre-mer et parlementaire, pour travailler sur ces sujets, je serai très heureux de l’accompagner.

Vous souhaitez avoir une meilleure compréhension de ce que fait l’État de façon transversale. C’est du citoyen qu’il faut partir. Que les parlementaires doivent regarder dans plusieurs missions et plusieurs programmes, cela fait partie du métier ! Le fonctionnement entre la rue Oudinot et Bercy, c’est notre affaire. Ce qui compte, in fine, c’est que l’entrepreneur touristique trouve ce dont il a besoin, que le maire puisse lancer la construction de logements qu’il souhaite. L’interministérialité passe par le préfet, peut-être encore davantage outre-mer. Mais la lisibilité n’est pas un enjeu propre à l’outre-mer – élu de l’Eure, j’en sais quelque chose.

Mme George Pau-Langevin s’est investie dans la Cité des outre-mer jusqu’à la fin du quinquennat précédent, mais le projet n’a pas eu le temps d’aboutir. J’ai vu que la maire de Paris, Mme Anne Hidalgo, a fait des annonces dans le cadre de sa campagne municipale. Comme je serai amené à la rencontrer prochainement, j’échangerai avec elle sur le projet car il requiert, non seulement d’avancer du point de vue de l’infrastructure avec la mairie de Paris, mais aussi sur le fonctionnement de cette infrastructure. Ensuite, il faut créer les réseaux et la dynamique adéquats. De ce point de vue, nous avons plus de moyens et il faut maintenant basculer en mode projet. Je vous le dis franchement : soit on fait quelque chose de bien, soit on a le courage de dire qu’on ne fait rien. On ne reste pas entre-deux. Je suis plutôt volontaire pour faire quelque chose parce que le besoin de culture existe.

Dans le plan de relance, il ne faut pas tant raisonner du point de vue du volet outre-mer que par territoire – quelle sera l’enveloppe globale pour La Réunion, pour la Guadeloupe, pour la Guyane ? Quand je parle de socle, cela veut dire premier arrivé, premier servi. S’il y a suffisamment de projets, ils trouveront leur financement. Beaucoup de choses contradictoires ont été dites. On ne peut pas affirmer qu’il n’y a pas assez d’argent et qu’il y a trop d’AE mais pas assez de CP ; que le décalage entre les deux est dû aux particularités locales, et ne pas renvoyer à une territorialisation du plan de relance. J’essaie d’être ministre comme j’ai été maire et président de conseil départemental, en cherchant à fonctionner de manière opérationnelle. Cela nécessite de regarder les choses avec beaucoup de sens pratique. Ce qui m’intéresse, c’est décliner très vite les choses par territoire. Quelque chose me dit qu’il sera plus facile de territorialiser le plan de relance outre-mer, qu’il sera plus compliqué de le rendre visible en Normandie qu’à La Réunion. Des instructions ont été passées aux préfets qui ont dû commencer à réunir les élus, les parlementaires, le monde économique et social. Dans certains territoires, notamment en Guadeloupe et en Martinique, il est évident que la question sanitaire passe avant celle de la relance, mais il faut parvenir à conjuguer les deux.

Monsieur Vuilletet, je vous remercie d’être revenu sur la réactivité de l’État par rapport à la crise. Le plan de relance prévoit des crédits dédiés à la seule ingénierie des collectivités. Inscrits sur trois années à l’AFD, avec un pic à 20 millions d’euros en 2022, ils lui permettront d’accompagner toutes les collectivités. Là aussi, on revient à la territorialisation avec les préfets et les services de l’État, et l’apport de solutions grâce à des outils que l’on connaît par ailleurs.

Monsieur le député Lorion, vous n’avez pas pu m’entendre m’autosatisfaire de la situation des outre-mer. Je dis juste que je propose à la représentation nationale, au nom du Gouvernement, un budget dont on peut estimer qu’il est satisfaisant. Est-ce suffisant ? Je ne sais pas. Vous appartenez à une famille politique plutôt attentive à la dépense publique et à l’argent du contribuable. Vous dites que les chiffres sont stables depuis plusieurs années. Non ! En 2012, les crédits pour l’outre-mer s’élevaient à 13 milliards en AE et en CP contre 20 milliards d’euros en 2020. Je ne dis pas que c’est formidable, mais il est évident que les crédits ont augmenté. À moins de faire de la politique, il faut le reconnaître. Personne ne pense la vie joyeuse et romanesque outre-mer. D’ailleurs, elle ne l’est guère, en ce moment, pour beaucoup de nos concitoyens au vu des difficultés économiques, sociales et sanitaires.

S’agissant du BTP, il y a deux manières de relancer le secteur : soit par l’exonération et le soutien, soit par le carnet de commandes. Je reste persuadé qu’on peut remplir un carnet de commandes d’autant qu’en ce début de mandat municipal, beaucoup de maires veulent lancer des projets. Je préfère qu’on accompagne l’offre, autrement dit les collectivités, à travers la DSIL exceptionnelle, le FEI, le respect des délais en matière de contractualisation, les sous-enveloppes sur les infrastructures de transport, pour tenir le BTP dans une situation positive. On sait le faire et il n’est pas utile de passer par la LODEOM, même si les mesures de chômage partiel et le PGE sont mobilisées par ailleurs.

Pour le tourisme, c’est différent. La nuit d’hôtel qui n’est pas facturée est perdue à jamais. Il faut adapter notre accompagnement par filière.

La sous-consommation des crédits sur la construction des logements n’est pas uniquement de la faute des collectivités, mais ce n’est pas non plus de la faute de l’État. M. Serge Letchimy a raison : ce n’est pas qu’un problème d’ingénierie – même si c’est le cas dans certains territoires –, c’est parfois un problème de gouvernance. Je me suis fixé comme règle de ne pas citer les mauvais exemples, mais on sait bien, monsieur Lorion, que dans certains territoires, lorsque la région et le département ou les grandes villes ne parviennent pas à se mettre autour de la table pour signer une convention logement sous le regard médusé du préfet, ça n’aide pas.

Cela dit, il faut tenir compte des spécificités de chaque territoire. À Mayotte et en Guyane, si on met de l’argent sur les établissements publics fonciers, c’est parce qu’il n’y a pas de foncier disponible, c’est pour traiter le problème à la racine. Parfois, ce n’est pas un problème de construction de logements neuf mais de réhabilitation dans l’ancien. C’est pourquoi nous avons veillé à ce que les territoires soient éligibles au dispositif Denormandie dans l’ancien et aux opérations de revitalisation du territoire (ORT).

Et puis, il y a parfois des problèmes d’adaptation des normes nationales au niveau local – je le disais lorsque j’étais maire et président du conseil départemental, je ne vais pas me dédire. Toutefois, le vrai problème, ce sont les injonctions contradictoires. Deux types de normes nous empêchent de construire. D’abord, il y a les risques naturels et technologiques. Il est compliqué d’expliquer à nos concitoyens qu’on va amoindrir notre vigilance vis-à-vis des séismes, par exemple. C’est le problème que l’on rencontre à Saint-Martin après le passage des ouragans Irma et Maria. Ensuite, il y a les normes environnementales – loi montagne, loi littoral – dont l’application outre-mer est parfois difficile. En la matière, je veux avancer sur la question des commissions départementales de la prévention des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPNA). Nos concitoyens attendent légitimement qu’on ne fasse plus n’importe quoi en matière de gestion des déchets, de ressource en eau, de bétonisation du front de mer, d’érosion du trait de côte... Je suis prêt à avancer sur l’assouplissement de ces normes mais quelque chose me dit que cela ne fera pas consensus et qu’on se retrouvera très rapidement avec des contentieux.

Il n’est pas complètement vrai de prétendre qu’on ne verra pas les effets du PLOM avant la fin 2021. Il produit des effets et il y a eu un rebond, fin 2019 et début 2020, avant le confinement. Je n’ai pas les chiffres en tête mais nous les transmettrons : ils sont tout à fait encourageants à La Réunion. D’ailleurs, il y a même eu davantage de dossiers que d’argent disponible : à la suite de ma visite, on a redéployé des crédits, car il y avait du retard dans d’autres territoires, pour permettre à La Réunion de poursuivre.

Nous n’allons pas étendre les mesures spécifiques prises pour la Guyane et Mayotte à d’autres territoires. Les accompagnements s’adossaient sur l’état d’urgence sanitaire et, lorsque celui-ci a été prolongé dans ces deux territoires, on a mécaniquement prolongé les accompagnements – le premier fonds de soutien a été porté de 1 500 à 3 000 euros et les critères d’éligibilité ont évolué. Depuis, on a complètement transformé le premier volet du fonds de soutien. Au moment où je vous parle, il y a davantage de mesures de freinage qui handicapent l’économie en Guadeloupe qu’il n’y en a à Mayotte ou en Guyane. D’ailleurs, j’ai demandé au préfet de la Martinique un point précis sur la situation. Nous y serons peut-être amenés à prendre des mesures de freinage de l’épidémie dans les heures qui viennent.

Globalement, toutes les mesures de soutien à l’économie que l’on élabore en droit commun s’appliquent dans les DROM, avec parfois des mesures spécifiques – c’était vrai pour Mayotte et la Guyane – pour certains secteurs comme le tourisme ou les compagnies aériennes.

S’agissant du taux d’insertion à l’issue du RSMA, il suit globalement la même tendance chaque année : il était de 77 % en 2017, de 82 % en 2018, de 80 % en 2019, et il devrait être de 78 % en 2020. Cette année, les régiments ont été sollicités pour accompagner et protéger les populations dans le cadre du covid-19, y compris dans les territoires qui n’ont pas été concernés comme en Nouvelle-Calédonie.

M. Serge Letchimy a eu la gentillesse de demander à quoi servait le ministère des outre-mer et non le ministre des outre-mer – je note la nuance. La question est légitime. Tous les pays européens qui ont des territoires d’outre-mer ont un ministère dédié. La France en a historiquement toujours eu un. Je suis persuadé qu’il est très compliqué de faire droit à une spécificité d’application des politiques publiques sans un ministre et une administration dédiés. Sans trahir de secret, j’ai une conversation numérique constante avec chaque préfet, avec le directeur général des outre-mer et avec mon cabinet. En cas de de crise sanitaire, le ministre suit en permanence ce qui se passe. Pour ce qui est des questions institutionnelles, très franchement, il est compliqué pour un ministre des collectivités territoriales ou un ministre de l’intérieur de se pencher sur les seules questions des articles 73 et 74 de la Constitution – et je ne parle pas du territoire qui m’accueille en ce moment. Il me semble difficile de vouloir garantir les spécificités ultramarines sans un ministère dédié. Cela dit, il n’y a qu’un Gouvernement, qu’un État et qu’un projet de loi de finances. En même temps, si la mission « Outre-mer » n’existait pas, cette audition n’aurait pas lieu. Dans notre organisation, mon travail est de solliciter les collègues ministres pour cultiver le réflexe outre-mer. Le Président de la République a démontré qu’il y attachait beaucoup d’importance. Les parlementaires ont aussi un rôle à jouer. Le ministère évolue ; fort heureusement, il n’est plus le ministère des colonies. Le RSMA existerait-il s’il relevait uniquement du ministère des armées ? C’est peut-être parce que le ministère des outre-mer le paie intégralement que le RSMA est maîtrisé et qu’il se développe.

Je précise que 55 % des crédits globaux de la mission « Outre-mer » sont automatiques et que 45 % font l’objet d’un pilotage. Dans le reste du budget de la nation, beaucoup de choses sont automatiques – le traitement des fonctionnaires, les exonérations, etc. Là aussi, les choses méritent d’être regardées avec un peu de recul.

Madame Maina Sage, votre territoire est éligible au PIA4. N’ayez pas d’inquiétude sur le volet tourisme. La question des risques majeurs ne sera peut-être pas examinée sous la forme d’un projet de loi dédié, mais elle fera plutôt l’objet d’un titre sur l’outre-mer dans le cadre du projet de loi « 3D », sachant que certains sujets peuvent être réglés par voie réglementaire.

Les entreprises stratégiques font bien sûr l’objet d’un suivi, en particulier celles du secteur aérien. Au-delà d’Air France, nous avons accompli un certain nombre de choses et nous allons poursuivre dans ce sens.

S’agissant de l’eau, je note l’intérêt du groupe La France Insoumise. M. Max Mathiasin me demande si l’État va prendre ses responsabilités. Voilà qui me surprend ! En tant qu’élu local, je suis attaché à la décentralisation, à la liberté locale. Les parlementaires qui ont voté pendant vingt ou trente ans les lois sur la décentralisation doivent assumer ce qui relève de la compétence locale. L’eau n’est pas une compétence de l’État. Elle ne l’a jamais été. C’est une compétence historiquement décentralisée aux communes. L’État ne peut avoir toujours tort alors qu’un étage de la puissance publique n’a pas fait son travail – c’est ce qui s’est passé. Pourquoi n’y a-t-il pas les mêmes problèmes concernant l’eau en Martinique et en Guadeloupe ? Il faudra bien que nous ayons un débat public, surtout si celui-ci devient national. Je ne laisserai pas penser que c’est de la faute de l’État. Si le préfet de Guadeloupe Philippe Gustin n’avait pas pris, en son temps, des risques en la matière, on en serait toujours au même point. Ce n’est pas qu’une affaire d’argent, c’est aussi une affaire de gouvernance. Redistribuer les compétences au comité d’agglomération est le meilleur moyen d’avancer. Faut-il de l’argent ? Oui : c’est le plan Eau DOM. Des enveloppes spécifiques ont été débloquées pour la Guadeloupe. Les collectivités territoriales y consacrent davantage d’argent : et pour cause, c’est leur compétence ! Et puis, « l’eau paie l’eau » est un grand principe que les élus locaux ont toujours défendu – demandez à M. François Baroin, président de l’Association des maires de France, ce qu’il en pense. De surcroît, des Aqua prêts permettent aux collectivités gestionnaires de s’endetter sur soixante ans à des taux très intéressants. Le président du conseil régional de Guadeloupe, M. Ary Chalus, a débloqué de l’argent, comme la présidente du conseil départemental, Mme Josette Borel-Lincertin, alors même que la région et le département ne sont pas compétents. L’État, avec le plan de relance, contribue aussi. Or, des centaines de millions d’euros ne changeront pas le fait que le vrai sujet réside dans la gouvernance de l’eau et la capacité de faire des travaux. Je veux bien prendre ma part et, sans mauvais jeu de mots, je me suis mouillé sur ce dossier parce que les conséquences sanitaires peuvent être désastreuses pour les Guadeloupéens. Mais on ne peut pas dire que le Gouvernement n’en fait pas assez alors qu’il n’y est pour rien.

La promotion du tourisme comprendra des actions qui concernent les outre-mer. S’agissant des exonérations LODEOM, le problème est que beaucoup d’acteurs du tourisme sont indépendants. Or, pour bénéficier d’exonérations salariales, il faut des salariés. Le secrétaire d’État chargé du Tourisme, M. Jean-Baptiste Lemoyne, se penche dessus. Les agences de voyages sont éligibles au fonds de soutien que nous sommes en train d’élargir. Le chômage partiel est désormais indemnisé à 100 % par l’État, ce qui permet d’accompagner le plus grand monde.

Faute de temps, je ne parle pas des tests virologiques dans les aéroports. Des mesures seront annoncées prochainement pour nos concitoyens ultramarins.

Monsieur Brotherson, je vais examiner la question du navire chinois échoué en Polynésie française. Je n’ai pas compris ce que vous avez dit en ce qui concerne le prélèvement sur recettes. Aucune baisse de recettes n’est prévue pour les communes de votre territoire. Si telle était votre crainte, je vous rassure pleinement.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Merci, monsieur le ministre. Nous vous attendons avec impatience pour un compte rendu de votre déplacement en Nouvelle-Calédonie.

Après la déconnexion du ministre, la Commission en vient à l’examen pour avis des crédits de la mission « Outre-mer ».

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, il revient maintenant à la commission des Lois, saisie pour avis, de se prononcer sur la mission « Outre-mer ». Seuls les membres physiquement présents peuvent voter.

Mme George Pau-Langevin, rapporteure pour avis. À titre personnel, je m’abstiendrai. Mon avis en tant que rapporteure pour avis sera du même ordre.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je mets donc ces crédits aux voix.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2021.

  

 


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   Personnes entendues

   M. Mathieu Lefebvre, directeur adjoint de cabinet

   M. Hugo Le Floc’h, conseiller budgétaire

   Mme Léa Roussarie, conseillère parlementaires et affaires politiques

   M. Emmanuel Berthier, directeur général

   M. Marc Demulsant, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

   M. Antonin Flament, sous-directeur adjoint de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

   M. Rémi Bastille, directeur de projet auprès du directeur général

   M. Gérald Contrepois, sous-directeur adjoint des affaires juridiques et institutionnelles

   Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques

   M. Stanislas Alfonsi, sous-directeur adjoint des politiques publiques

   M. Mikaël Quimbert, sous-directeur adjoint des politiques publiques

   Mme Véronique Bertile, maître de conférences en droit public à l’Université de Bordeaux

   M. Justin Daniel, professeur de science politique à l’Université des Antilles

   M. Jean Pierre Philibert, président

   M. Laurent Renouf, directeur des affaires économiques et fiscales

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Lionel Jospin, Le temps de répondre, Stock, 2002.

([2]) Article 86 de la loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([3]) https://www.le-sma.com

([4]) Loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([5]) Rapport n° 3011‑31 de M. Olivier Serva à la commission des Finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019, 27 mai 2020.

([6]) Avis n° 2306‑VI de M. Philippe Dunoyer à la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2020, 10 octobre 2019.

([7]) La loi n° 2020‑856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire a maintenu l’état d’exception dans ces deux territoires touchés plus tardivement que le reste du pays. Le Gouvernement a levé l’état d’urgence par décret le 16 septembre 2020.

([8]) Régime social des indépendants (RSI), caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA), agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), établissement national des invalides de la marine (ENIM) et caisse de protection sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon (CPS).

([9]) Le mécanisme des versements a été précisé par le décret n° 2019‑199 du 15 mars 2019 relatif à l’exonération de cotisations sociales applicable aux employeurs implantés en outre-mer.

([10]) Au 31 juillet 2020, la consommation s’élevait à 1 235,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 1 012,2 millions d’euros en crédits de paiement.

([11]) Quand la France a prononcé la départementalisation de la collectivité de Mayotte, transférant celle-ci de l’article 74 à l’article 73 de la Constitution, elle passa en conséquence du statut de PTOM à celui de RUP par décision du Conseil européen du 12 juin 2012 modifiant le statut à l’égard de l’Union européenne de Mayotte (EUCO 112/12).

([12]) Alors que l’île de Saint-Martin est partagée entre la France et les Pays-Bas, la partie française applique donc le droit de l’Union européenne en tant que région ultrapériphérique alors que la partie néerlandaise, Sint Maarten, est placée sous le statut de pays et territoire d’outre-mer de l’Union européenne. Il en résulte une différence de législation entre les deux entités alors même que règne sur l’île un accord de libre circulation des personnes et des biens depuis le traité de Concordia du 23 mars 1648.             

([13]) « Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l’union intime de toutes les parties de l’empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers de provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d’habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, soient abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français. »

([14]) Décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises du 4 février 1794 (16 pluviôse an II).

([15]) Loi relative à la traite des noirs et au régime des colonies du 20 mai 1802 (30 floréal an X).

([16]) Décret du 27 avril 1848 portant abolition de l’esclavage dans les colonies.

([17]) Décret du 8 mars 1790 concernant les colonies. Ces « convenances locales » désignent l’institution de l’esclavage. L’article VI du décret met ainsi « les colons et leurs propriétés sous la sauvegarde spéciale de la Nation ».

([18]) Article 6 de la Constitution de l’an III.

([19]) L’article 7 divise les colonies en départements ainsi qu’il suit selon les toponymes de l’époque : l’île de Saint-Domingue (quatre à six départements) ; la Guadeloupe, Marie-Galande, la Désirade, les Saintes et la partie française de Saint-Martin ; la Martinique ; la Guyane française et Cayenne ; Sainte-Lucie et Tobago ; l’île de France, les Séchelles, Rodrigue et les établissements de Madagascar ; l’île de la Réunion ; les Indes-Orientales, Pondichéri, Chandernagor, Mahé, Karical et autres établissements.

([20]) Deux arrêtés consulaires du 16 juillet 1802 et du 7 décembre 1802 imposent à la Guadeloupe et à la Guyane le même régime que les autres colonies.

([21]) Article 109 de la Constitution du 4 novembre 1848.

([22]) Les lois du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, du 21 mars 1884 relative à la création des syndicats professionnels, du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, ainsi que l’essentiel du code civil et du code pénal, sont bien applicables dans les colonies de Guyane, de Martinique, de Guadeloupe et de La Réunion. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État l’est également, dans les trois dernières nommées suite à un règlement d’administration publique du 6 février 1911.

([23]) Lois du 10 août 1871 relative aux conseils généraux et du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale.

([24]) La loi reprend ainsi un décret no 45-137 du 22 décembre 1945.

([25]) Article 73 : « Le régime législatif des départements d’outre-mer est le même que celui des départements métropolitains, sauf exceptions déterminées par la loi. »

([26]) Article 74 : « Les territoires d’outre-mer sont dotés d’un statut particulier tenant compte de leurs intérêts propres dans l’ensemble des intérêts de la République. Ce statut et l’organisation intérieure de chaque territoire d’outre-mer ou de chaque groupe de territoires sont fixés par la loi, après avis de l’Assemblée de l’Union française et consultation des assemblées territoriales. »

([27]) Avis n° 4132‑X de Mme Huguette Bello à la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2017, 13 octobre 2016.

([28]) Le cas de la Nouvelle-Calédonie est tout à fait unique. Prévu par le titre XIII de la Constitution en application du processus ouvert par les accords de Matignon‑Oudinot du 26 juin 1988 et de l’Accord de Nouméa du 5 mai 1998, il constitue un régime transitoire dans l’attente de la consultation des populations appelées à se prononcer sur l’accession de l’archipel à la pleine souveraineté. Dans ce cadre, le pays dispose d’un véritable pouvoir législatif autonome, qui ne relève que du Conseil constitutionnel, et d’une citoyenneté distincte de la nationalité française. Particulièrement dérogatoire, il prendra fin une fois mises en œuvre toutes les stipulations de l’Accord de Nouméa, soit selon toute probabilité en 2022, pour laisser place à une nouvelle architecture définie par les différentes parties prenantes.

 L’article 72‑3 de la Constitution prévoit en outre que soit régis par la loi le régime législatif et l’organisation particulière des Terres australes et antarctiques françaises et de Clipperton, deux territoires dépourvues de population et sur lesquels la question des pouvoirs locaux ne se pose pas.

([29]) Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([30]) Loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.

([31]) Loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.

([32]) Régis Fraisse, « Les collectivités territoriales régies par l’article 74 », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 35, avril 2012.

([33]) Loi n° 61‑814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

([34]) Lois organiques n° 2009‑969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, et n° 2010‑1486 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

([35]) Lois constitutionnelles n° 2003‑276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République et n° 2008‑724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

([36]) Cette évolution fait écho au statut des régions ultrapériphériques de l’Union européenne prévu à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) de 2009.

([37]) Loi organique n° 2007‑224 du 21 février 2007 portant dispositions institutionnelles et statutaires relatives à l’outre-mer, modifiée notamment par la loi organique n° 2011-883 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution. Ces dispositions sont codifiées dans le code général des collectivités territoriales (art. L.O. 3445‑1 à L.O. 3445‑12 pour les départements d’outre-mer, art. L.O. 4435‑1 à L.O. 4435‑12 pour les régions d’outre-mer, et art. L.O. 7311‑1 à L.O. 7313-1 pour les collectivités territoriales uniques de Guyane et de Martinique).

([38]) Elle était d’abord limitée à deux ans, mais cette durée a été modifiée par la loi organique du 27 juillet 2011 précitée.

([39]) Le rapporteur du Sénat notait ainsi que « cette collectivité refuse toute différenciation par rapport à l’organisation administrative de la métropole » (rapport n° 27 de M. René Garrec au nom de la commission des Lois, 23 octobre 2002).

([40]) Au cours de la deuxième séance du 20 novembre 2002 à l’Assemblée nationale, la députée de La Réunion Huguette Bello déclarait ainsi : « Pour les départements d’outre-mer, le projet de réforme visait à adapter la Constitution à une réalité qui a évolué et à permettre à leurs collectivités de jouer un rôle plus affirmé dans le contexte de la mondialisation. À La Réunion, des représentants politiques se sont mis à jouer sur les peurs et les fantasmes et à faire revivre la crainte du "largage". Ils rejettent toute idée d’évolution. Pire, ils n’envisagent aucune possibilité d’adaptation. Ils préconisent l’application stricte du droit commun, alors même que nous savons tous que la prise en compte de nos réalités passe nécessairement par la faculté d’adapter certains textes. L’essentiel de cette prise de position a été consignée dans un amendement voté par le Sénat. »

([41]) Le Conseil constitutionnel s’était opposé à la fusion des conseils régional et général dans les régions monodépartementales ultramarines, considérant que ces dispositions allaient « « au-delà des mesures d’adaptation que l’article 73 de la Constitution autorise en ce qui concerne l’organisation des départements d’outre-mer » (décision n° 82-147 DC du 2 décembre 1982, Loi portant adaptation de la loi n° 82213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Martinique et à la Réunion, cons. n° 5). Tout au plus le juge constitutionnel admettait-il « un aménagement limité des compétences des régions et des départements d’outre-mer par rapport aux autres régions et départements » (décision n° 84‑174 DC du 25 juillet 1984, Loi relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, cons. n° 5).

([42]) Loi n° 2011‑884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

([43]) La première phrase du premier alinéa de l’article 72‑4 de la Constitution dispose : « Aucun changement, pour tout ou partie de l’une des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, de l’un vers l’autre des régimes prévus par les articles 73 et 74, ne peut intervenir sans que le consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ait été préalablement recueilli dans les conditions prévues à l’alinéa suivant. »

([44]) Le dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution dispose : « La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »

([45]) Loi n° 96‑1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone des cinquante pas géométriques dans les DOM.

([46]) Article 268 du code des douanes.

([47]) Article 266 quater du même code.

([48]) Loi n° 92‑676 du 17 juillet 1992 relative à l’octroi de mer et portant mise en œuvre de la décision du conseil des ministres des communautés européennes n° 89-688 du 22 décembre 1989.

([49]) Loi n° 2016‑1657 du 5 décembre 2016 relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional.

([50]) Loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l’indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer.

([51]) Alinéa 4 de l’article 73 de la Constitution.

([52]) Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, Loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, par. n° 43 : « Ces circonstances constituent, au sens de l’article 73 de la Constitution, des "caractéristiques et contraintes particulières" de nature à permettre au législateur, afin de lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, d’y adapter, dans une certaine mesure, non seulement les règles relatives à l’entrée et au séjour des étrangers, mais aussi celles régissant l’acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a ainsi entendu tenir compte de ce que l’immigration irrégulière à Mayotte pouvait être favorisée par la perspective d’obtention de la nationalité française par un enfant né en France et par les conséquences qui en découlent sur le droit au séjour de sa famille. »

([53]) Avis de Mme Huguette Bello sur le projet de loi de finances pour 2017, op. cit.

([54]) Saint-Martin est une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution. Mais c’est aussi une région ultrapériphérique de l’Union européenne qui peut, à ce titre, adapter à ses spécificités le droit de l’Union européenne.

([55]) Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n° 911), déposé le 9 mai 2018 sur le bureau de l’Assemblée nationale.

([56]) Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique (n° 2203), déposé le 30 août 2019 sur le bureau de l’Assemblée nationale. La révision de l’article 73 de la Constitution est cette fois prévue à l’article 12 du projet de loi.