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N° 3459

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2020.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021,

 

 

TOME I

 

 

CULTURE

 

 

 

Par Mme Valérie BAZIN-MALGRAS,

 

Députée.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  3360, 3399 (annexes n° 11 et 12).


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. le Programme 175 patrimoines

A. Monuments historiques et grands projets patrimoniaux

1. Les subventions pour charges de service public

2. Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques

B. Les grands Musées frappés par la crise sanitaire internationale

1. Les crédits de l’action Patrimoine des musées de France

2. Le soutien de l’État aux grands musées nationaux frappés par la crise

a. Les aides à la trésorerie apportées en loi de finances rectificative

b. Les aides apportées par le plan de relance

3. Les crédits d’acquisition des musées

4. Le plan de soutien en faveur des musées territoriaux

C. Architecture, archéologie et archives : des activités ralenties qui bénéficient aussi du plan de relance

1. Architecture et espaces protégés

2. Patrimoine archivistique et célébrations nationales

3. Patrimoine archéologique

II. le programme 131 crÉation

A. Le soutien au spectacle vivant, trÈs durement touchÉ par la crise sanitaire

1. Les mesures d’urgence ont assuré un soutien au secteur

a. Le soutien exercé par l’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP)

b. Le soutien exercé par le Centre national de la musique (CNM)

2. Le financement des grands opérateurs

3. Les crédits déconcentrés de soutien au spectacle vivant

4. Le soutien aux productions à travers le crédit d’impôt spectacle vivant

B. Le soutien aux ARTS VISUELS

C. Le soutien à L’EMPLOI DANS LE SECTEUR CULTUREL

III. le programme 361 transmission des savoirs et démocratisation de la culture

A. L’Enseignement supérieur et la recherche dans le domaine artistique et culturel

B. la démocratisation culturelle et l’Éducation artistique et culturelle

1. L’éducation artistique et culturelle des enfants et des jeunes

2. La lente mise en œuvre du Pass culture

3. La participation de tous à la vie culturelle

C. RECHERCHE CULTURELLE ET CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

IV. Le programme 224 soutien aux politiques du ministère de la culture

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. audition de la ministre

II. travaux de la commission

annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure


–  1  –

   introduction

La crise sanitaire que nous traversons frappe très durement le monde de la culture. Les spectacles, fermés pendant de longs mois, commençaient à redémarrer lorsque le couvre-feu a été décidé. Une partie du secteur des musiques actuelles n’a jamais repris – notamment les tournées internationales et les concerts debout. Les musées sont désertés du fait de l’absence de touristes étrangers. Les Français ont cependant pleinement joué le jeu d’un été culturel à la découverte du patrimoine des régions de France, atténuant la baisse de fréquentation pour les monuments et musées de province.

En 2019, le chiffre d’affaires du secteur culturel (y compris cinéma, audiovisuel et publicité) atteignait 89 milliards d’euros, soit 2,3 % du PIB français, pour 79 800 entreprises et 635 700 emplois. Les prévisions initiales pour 2020 annonçaient une croissance du secteur de 2,5 %.

Fin mai 2020, les prévisions du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture annonçaient une contraction moyenne du chiffre d’affaires du secteur de 25 % par rapport à 2019, soit une baisse de 22,3 milliards d’euros.

 

grap DEPS

Source : Analyse de l’impact de la crise du covid-19 sur les secteurs culturels, DEPS, mai 2020.

Les secteurs du spectacle vivant (– 72 %), du patrimoine (– 36 %), des arts visuels (– 31 %) et de l’architecture (– 28 %) sont les plus fortement touchés en proportion de leur chiffre d’affaires. Pour la plupart, il s’agit de pertes irréversibles.

À plus long terme, l’on peut craindre une reconfiguration des usages par la digitalisation de certaines activités, laissant de côté les acteurs traditionnels des secteurs concernés.

Face à cette crise, l’État est au rendez-vous, pour ses opérateurs mais aussi pour le secteur privé du spectacle vivant. Après avoir déployé des aides d’urgence en 2020, en ouvrant des crédits en lois de finances rectificatives, le Gouvernement prévoit de consacrer près de 2 milliards d’euros à la culture dans le cadre du plan de relance, dont plus d’un milliard d’euros de crédits budgétaires dans le champ de la mission Culture.

crédits du plan de relance consacrÉs à la culture (hors MÉdias)

(crédits de paiement en millions d’euros)

Secteurs

2021

2022

Total

Patrimoines

345

269

614

Création

320

106

426

Transmission des savoirs

35

35

70

Total

700

410

1 110

Source : Ministère de la Culture.

Toutefois, une part importante de ces crédits n’est pas consacrée à des investissements mais destinée à combler les déficits d’exploitation des grands opérateurs de l’État – Opéra de Paris, musée du Louvre, château de Versailles… – dépenses certes nécessaires mais qui devraient plutôt figurer dans la mission Culture que dans la mission Plan de relance.

Par ailleurs, pour que la relance soit efficace, il faut s’assurer que les crédits puissent être dépensés rapidement et répartis sur l’ensemble du territoire. À cet égard, la rapporteure pour avis regrette que davantage de moyens ne soient pas consacrés à la restauration des monuments historiques détenus par des collectivités territoriales et des propriétaires privés. Seuls 40 millions d’euros sur deux ans sont en effet prévus pour cela, dont 10 millions de crédits de paiement en 2021.

En 1825, Victor Hugo écrivait : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde ». La rapporteure pour avis souhaiterait que l’État soutienne davantage la restauration des monuments historiques, dans l’intérêt de tous.

En dehors du plan de relance, les crédits de la mission Culture s’élèvent à 3,2 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2021. À périmètre constant, c’est-à-dire sans compter les crédits de la recherche culturelle qui sont transférés de la mission Recherche et enseignement supérieur, ils augmentent de 4,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

 

Récapitulation des crédits par programme

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

175 – Patrimoines

971,9

1 010,4

971,9

1 015,6

131 – Création

853,0

886,1

825,4

862,3

361 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture (nouveau programme)*

438,5

583,7

434,5

578,8

224 – Soutien aux politiques du ministère de la Culture

731,3

756,2

729,4

752,4

Total mission Culture

2 994,7

3 236,4

2 961,2

3 209,2

* Le programme 361 résulte d’une scission des actions du précédent programme 224. Ainsi, le programme 361 rassemble l’ensemble des crédits liés à l’action culturelle, au soutien à la langue française et aux langues de France ainsi qu’aux politiques d’enseignement supérieur. Aux actions déjà inscrites au sein du précédent programme 224, a été rajoutée une action concernant la recherche culturelle et la culture scientifique et technique. Le nouveau programme 224 ne conserve, dans sa nouvelle mouture, que les crédits liés à l’action culturelle internationale et aux fonctions de soutien du ministère.

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021.

 

Ainsi, les crédits de la mission Culture rattrapent en 2021 le niveau qu’ils avaient en 2010. En effet, les crédits de cette mission avaient beaucoup diminué de 2011 à 2014, passant de 2 986 millions d’euros de crédits de paiement exécutés en 2010 à 2 555 millions d’euros en 2014. Les crédits des monuments historiques et des musées avaient été les plus touchés par les restrictions budgétaires.


ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DE LA MISSION CULTURE À pÉrimÈtre constant

(en millions d’euros)

Programmes

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

LFI +LFR
2020

PLF 2021*

175 – Patrimoines

1 300

902

802

798

727

769

899

877

898

947

999

1 016

131 – Création

830

777

787

762

766

741

749

784

796

779

848

862

361 – Transmission des savoirs et démocratisation
de la culture

856

1 075

1 061

1 059

1 062

1 092

1 133

1 187

1 219

1 221

434

467

*224 – Soutien aux politiques du ministère de la Culture

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

739

752

Total

2 986

2 754

2 650

2 618

2 555

2 601

2 780

2 848

2 913

2 947

3 020

3 097

   2010 à 2019 : crédits exécutés.

   2020 : lois de finances initiale (LFI) et rectificatives (LFR).

* Dans le présent tableau, présenté à périmètre constant, les crédits de l’action Recherche culturelle ne sont pas comptabilisés.

Cependant, si les montants du début des années 2010 ont été rattrapés, les dotations de fonctionnement attribuées aux opérateurs et organismes subventionnés n’ont quasiment pas bougé depuis dix ans, ce qui revient à une baisse de plus de 10 % en valeur réelle, que ce soit dans le domaine du patrimoine, du spectacle vivant ou de l’enseignement artistique.

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 81 % des réponses étaient parvenues.

 

 


–  1  –

I.   le Programme 175 patrimoines

Le secteur du patrimoine et de l’architecture est très durement touché par la crise sanitaire, avec une perte de chiffre d’affaires sectoriel estimée à 30 %, du fait de l’effondrement de la fréquentation touristique mais aussi du ralentissement de l’activité des chantiers d’entretien, de restauration et d’archéologie préventive.

Dès 2020, 57 millions d’euros de crédits supplémentaires ont été apportés au secteur du patrimoine et de l’architecture. Financés par 27,4 millions d’euros d’ouvertures nettes en troisième loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020) et 30 millions d’euros de dégel de crédits, ces moyens portent sur :

– le soutien aux opérateurs patrimoniaux les plus fragilisés par la crise sanitaire à hauteur de 42,4 millions d’euros en vue de sécuriser leur trésorerie et la fin de leur gestion 2020. La fermeture des musées et des monuments pendant au moins trois mois, puis la reprise très progressive de l’activité et de la fréquentation se sont traduits par des pertes de recettes massives conduisant ces établissements à puiser dans leur trésorerie pour faire face à leurs dépenses incompressibles ;

– le soutien aux projets de restauration du patrimoine en péril, qu’il soit protégé ou non au titre des monuments historiques, à hauteur de 15 millions d’euros. Il s’agit cependant là d’un engagement que le Gouvernement avait déjà pris, consistant à compenser le produit des taxes perçues sur les jeux du Loto du Patrimoine.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 4,5 % des crédits du programme 175 Patrimoines.


Évolution des crÉdits du programme 175 patrimoines entre 2020 et 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement (CP)

 

Action

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Variation des CP

01 – Monuments Historiques et patrimoine monumental

415,8

426,0

412,6

430,0

+ 4,2 %

02 – Architecture et espaces protégés

32,2

32,2

32,2

32,2

0,0 %

03 – Patrimoine des musées de France

345,4

359,1

349,7

363,2

+ 3,9 %

04 – Patrimoine archivistique et célébrations nationales

31,7

39,3

30,6

36,4

+ 18,9 %

08 – Acquisition et enrichissement des collections publiques

9,8

9,8

9,8

9,8

0,0 %

09 – Patrimoine archéologique

137,0

144,0

137,0

144,0

+ 5,1 %

Total programme 175 Patrimoines

971,9

1 010,4

971,9

1 015,6

+ 4,5 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021.

Par ailleurs, le plan de relance prévoit 614 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 345 millions d’euros de crédits de paiement consacrés au patrimoine en 2021. Le reste des crédits de paiement, soit 269 millions d’euros, sera attribué en 2022. Ces crédits sont inscrits dans la mission Plan de relance au sein de l’action Culture du programme 363 Compétitivité. Les principales mesures sont les suivantes :

– un soutien massif aux opérateurs nationaux qui souffrent de l’absence de touristes afin d’assurer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement et de relancer leur activité, à hauteur de 334 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 231,7 millions d’euros de crédits de paiement ;

– une extension du chantier de restauration du château de Villers‑Cotterêts pour 100 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 43 millions d’euros de crédits de paiement ;

– un plan « cathédrales » en faveur de la restauration des cathédrales appartenant à l’État pour 80 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 30 millions d’euros de crédits de paiement ;

 un soutien supplémentaire de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques autres que l’État ; il est question par exemple d’un soutien à la restauration du prieuré du Breuil à Commercy (Grand Est), des remparts de Dinan (Bretagne) et du Palais Rontaunay (La Réunion) ;

– un réinvestissement dans les monuments relevant du Centre des monuments nationaux (CMN) pour 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 20 millions d’euros de crédits de paiement ; seront par exemple concernés le Palais du Tau, le château de Pierrefonds, le château d’Angers et l’abbaye de Beaulieu‑en‑Rouergue ;

– un réinvestissement dans les équipements patrimoniaux territoriaux (musées, archéologie, archives, etc.) afin de soutenir les investissements des collectivités territoriales dans ces institutions pour 20 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement.

Crédits du plan de relance consacrés au patrimoine en 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Soutien aux opérateurs nationaux

334

232

Chantier de Villers-Cotterêts

100

43

Plan cathédrales

80

30

Monuments historiques n’appartenant pas à l’État

40

10

Monuments nationaux

40

20

Équipements patrimoniaux territoriaux

20

10

Total

614

345

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

La rapporteure pour avis déplore un déséquilibre important entre les crédits qui sont consacrés à des institutions parisiennes et les crédits qui sont déconcentrés, alors que le patrimoine monumental et classé, qu’il soit public ou privé, est bien réparti sur l’ensemble du territoire.

A.   Monuments historiques et grands projets patrimoniaux

Au 1er janvier 2020, 44 415 immeubles étaient classés ou inscrits au titre des monuments historiques. Près de la moitié de ces monuments appartiennent à des propriétaires privés. L’autre moitié relève du secteur public – principalement des communes.

Les crédits de l’action 1 Monuments Historiques et patrimoine monumental demandés pour 2021 s’élèvent à 426 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 2,5 %) et 430 millions d’euros en crédits de paiement (+ 4,2 %).

1.   Les subventions pour charges de service public

Au sein de l’action, 74,8 millions d’euros sont des dépenses de fonctionnement et d’intervention des institutions publiques œuvrant dans le domaine du patrimoine, constituées principalement :

– des moyens de fonctionnement courant de services à compétence nationale, pour 2,6 millions d’euros ;

– des subventions pour charges de service public du Centre des monuments nationaux (CMN) et du château de Versailles, pour 35 millions d’euros chacun ;

 de la subvention du domaine national de Chambord pour 1 million d’euros.

2.   Les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques

Le reste, soit 351 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 355 millions d’euros en crédits de paiement (CP), constitue les crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques. Leur répartition en fonction de l’objet (entretien ou restauration) et du maître d’ouvrage (État – administration centrale ou déconcentrée, opérateurs, collectivités territoriales, propriétaires privés) est présentée dans le tableau suivant.


crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques

(en millions d’euros)

 

 

2020

2021

Évolution
des CP

 

 

AE

CP

AE

CP

 

Entretien des monuments historiques (MH)

Monuments nationaux (CMN)

7,6

7,6

7,6

7,6

-

Musée du Louvre

0,5

0,5

0,5

0,5

-

Crédits déconcentrés aux DRAC (MH appartenant à l’État, dont cathédrales)

18,9

18,8

18,9

18,8

-

MH n’appartenant pas à l’État (collectivités, secteur privé)

23,1

23,1

23,1

23,1

-

Total Entretien

50,1

50,0

50,1

50,0

-

Restauration des monuments historiques (MH)

MH appartenant à l’État, crédits centraux

32,6

25,0

32,6

28,0

+ 12 %

Crédits centraux : provision pour imprévus

5

1

5

1

-

Crédits déconcentrés aux DRAC (principalement cathédrales)

59,4

46,8

71,4

53,8

+ 15 %

Subventions d’investissement aux collectivités terr. et propriétaires privés de MH

129,7

132,6

129,7

132,6

-

Fonds partenarial et incitatif pour les collectivités à faibles ressources

15

10

15

15

+ 50 %

CMN (investissement)

20,9

20,9

20,9

20,9

-

Opérateurs (Fontainebleau, Chambord, Louvre…)

11,5

11,5

11,5

11,5

-

Total restauration

274,1

247,8

286,1

262,8

+ 6 %

Grands projets (schémas directeurs d’investissement)

Archives nationales

-

5,0

-

4,8

– 5 %

Versailles

15

11

15

15

+ 36 %

RMN-Grand Palais

-

9

0

12

+ 33 %

Villers-Cotterêts

-

13,3

-

10,7

– 20 %

Total grands projets

15

38,3

15

42,5

+ 11 %

TOTAL

 

339,2

336,1

351,2

355,2

+ 6 %

Source : projets annuel de performances 2020 et 2021.

Depuis plusieurs années, le ministère de la Culture a pour doctrine de consacrer aux dépenses d’entretien un minimum de 15 % des crédits déconcentrés dédiés aux monuments historiques, conformément aux recommandations formulées en 2006 par l’inspection générale des affaires culturelles, l’inspection générale des finances et l’inspection du patrimoine à l’occasion de l’audit de rationalisation et de modernisation de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre des monuments historiques. En effet, un entretien négligé augmente les coûts de restauration à plus long terme. Cette année, le ratio est de l’ordre de 20 %.

● Les crédits d’entretien des monuments historiques sont stables, à hauteur de 50 millions d’euros depuis quatre ans. 26,4 millions d’euros sont consacrés aux monuments historiques appartenant à l’État et 23,1 millions d’euros à ceux qui appartiennent aux collectivités territoriales et à des personnes privées. Leur niveau reste inférieur au plafond qu’ils avaient atteint entre 2010 et 2012, à 56 millions d’euros.

Une partie des 18,8 millions d’euros de crédits déconcentrés, gérés par les directions générales des affaires culturelles (DRAC) pour l’entretien des monuments historiques appartenant à l’État, est consacrée à l’entretien des cathédrales.

● Les crédits consacrés à la restauration des monuments sont en augmentation de 6 %, grâce à un effort budgétaire en faveur des cathédrales ainsi que des collectivités à faibles ressources.

En augmentation de 3 millions d’euros, les crédits centraux de restauration des monuments historiques appartenant à l’État concernent les bâtiments situés en région parisienne dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). Il s’agit principalement, comme l’an dernier, de la restauration des corniches en couronnement des façades du Palais de Chaillot, de la poursuite des travaux sur la manufacture des Gobelins du Mobilier national et sur le bâtiment des Moulins de la manufacture de Sèvres, ou encore des suites d’opérations de restauration sur les châteaux de Malmaison, Bois‑Préau et Saint‑Germain‑en‑Laye et sur les musées de Compiègne et d’Ecouen.

11,5 millions d’euros de dotations en fonds propres pour les investissements des opérateurs au titre des monuments historiques (Le Louvre, Fontainebleau, Chambord) sont prévus, constants par rapport à 2020.

Auditionné par la rapporteure pour avis, le président du domaine national de Chambord reconnaît que l’État a été à la hauteur de la crise dans le soutien qu’il a apporté dans l’urgence à ses établissements publics. À titre d’exemple, il a autorisé à court terme que la subvention que Chambord perçoit au titre de monument historique puisse servir de caisse de trésorerie. La subvention de 2,7 millions d’euros versée en fin d’année par la loi de finances rectificative permet maintenant de réinvestir dans l’entretien du monument. En tant qu’établissement public industriel et commercial, Chambord a pu recourir au chômage partiel, rémunéré à 80 %. Le différentiel n’a pas été compensé. Chambord espère aussi obtenir des crédits dans le cadre du volet efficacité énergétique du plan de relance, ou encore dans le volet de la transition agricole (Chambord cultive un très grand potager de permaculture pur lequel l’établissement recherche 1 million d’euros).

Le fonds partenarial et incitatif pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, créé par la loi de finances pour 2018, bénéficiera encore d’une augmentation de 5 millions d’euros en crédits de paiement, ce dont la rapporteure pour avis se félicite. Il permet en effet de porter à 80 % l’aide de l’État pour la restauration des monuments classés dans les collectivités à faibles ressources. Cependant, il impose que la région participe au tour de table, ce qui rend l’accès à cette aide impossible pour toutes les communes situées dans des régions qui refusent d’investir dans le patrimoine, ce qui est le cas de la moitié des régions.

Les crédits d’investissement déconcentrés permettent de financer des opérations de restauration de monuments historiques appartenant à l’État pour lesquelles la maîtrise d’ouvrage est exercée par les DRAC. Ces crédits, qui s’élèvent 71,43 millions d’euros en autorisations d’engagement et 53,77 millions d’euros en crédits de paiement (+ 15 %), sont notamment destinés au financement des travaux sur les cathédrales, tels que ceux réalisés sur les cathédrales d’Aix‑en‑Provence, de Soissons et d’Amiens. Sont ainsi prévus des crédits complémentaires à hauteur de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement de 5 millions d’euros en crédits de paiement au titre du plan de mise en sécurité des cathédrales.

● Au total, en 2021, 171 millions d’euros de crédits de paiement sont donc consacrés à l’entretien et la restauration des monuments n’appartenant pas à l’État mais aux collectivités territoriales et à des propriétaires privés. En matière d’exécution budgétaire, en 2019, les DRAC ont engagé 156 millions d’euros d’autorisations d’engagement et consommé 126 millions d’euros de crédits de paiement dans des opérations d’entretien ou de restauration de monuments n’appartenant pas à l’État, dont 43 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 34 millions d’euros de crédits de paiement pour des monuments historiques privés, soit un peu plus d’un quart de ces crédits.

Les rapporteurs de la mission flash sur le soutien au patrimoine immobilier protégé, Mme Emmanuelle Anthoine et M. Raphaël Gérard, avaient déjà souligné en 2018 le problème de la sous‑consommation des crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques, qui s’explique non seulement par la difficulté à monter un dossier de restauration mais aussi par les gels importants dont font l’objet ces crédits chaque année.

Le Loto du patrimoine permet d’abonder ces crédits. Mis en place en 2018 à la suite de la mission sur le patrimoine en péril confiée par le Président de la République à M. Stéphane Bern en septembre 2017, le Loto du Patrimoine rencontre un succès populaire qui ne se dément pas avec un produit de 24 millions d’euros pour la deuxième édition contre 21 millions d’euros pour la première. Pour la troisième édition, plus de 27 millions d’euros sont attendus. L’État abonde ces recettes par un montant équivalent à celui des taxes perçues sur le Loto du Patrimoine, de l’ordre de 15 millions d’euros, issues du dégel de la réserve de précaution. La rapporteure pour avis souhaiterait que cette compensation des taxes sur le loto soit pérennisée par l’inscription d’une ligne budgétaire dédiée dès la loi de finances initiale.

Le plan de relance prévoit un soutien supplémentaire aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques n’appartenant pas l’État à hauteur de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement. Le ministère de la Culture envisage le soutien d’une cinquantaine de monuments répartis dans quarantequatre départements, dont une quinzaine de monuments privés. Les critères de sélection retenus sont le fait que les projets soient prêts, les études réalisées, le « tour de table » financier complet et les autorisations instruites, avec un calendrier d’opérations compatible avec la durée du plan de relance (20212022).

Le château de Vaux constitue un bon exemple de ce que la conjonction des aides de l’État, des collectivités et l’investissement financier et humain des propriétaires peut produire. Ainsi, le jeune propriétaire de ce monument historique a lancé un chantier de restauration du clos et du couvert de 2 millions d’euros en trois tranches. La première a été financée par l’État, le conseil régional et un emprunt du propriétaire. La deuxième, à venir, sera financée par ces mêmes personnes et bénéficiera également du plan de relance. La troisième tranche n’est pas encore bouclée. Le château a obtenu une petite subvention du Loto du patrimoine (50 000 euros) et espère lever des fonds via la Fondation du patrimoine. Les travaux à l’intérieur du château, de l’ordre de 2 millions d’euros, ne pourront pas être subventionnés car l’aménagement intérieur n’est pas classé. Ce propriétaire forme le vœu que les procédures soient simplifiées et que les délais de versement des subventions soient plus courts.

La rapporteure pour avis a également rencontré les propriétaires du château de Taisne situé aux Riceys, pour lequel l’architecte du patrimoine a diagnostiqué des travaux d’entretien et de restauration de l’ordre de 2,5 millions d’euros. Ces propriétaires suggèrent la création d’un fonds d’épargne défiscalisée permettant de provisionner le financement de travaux pour les monuments historiques.

La rapporteure pour avis regrette que les crédits consacrés aux monuments n’appartenant pas à l’État ne soient pas plus élevés et proportionnellement plus importants au regard de l’ensemble du plan de relance consacré à la culture. En effet, ce sont des crédits qui seront répartis sur l’ensemble du territoire national et qui auront un effet de levier certain à travers les entreprises de restauration et les métiers d’art. Cela devrait être le cœur de la relance en matière de patrimoine. Augmenter le taux de subventionnement pour la restauration du patrimoine privé classé à 75 % serait une façon efficace d’accélérer les projets de restauration dans les deux prochaines années.

La rapporteure pour avis souligne aussi la nécessité d’aider les petites communes à restaurer des bâtiments qui, sans être classés, font pourtant partie d’un patrimoine qui mérite d’être préservé. Ainsi, elle a rencontré le maire de la petite commune de Villiers‑le‑Bois dans l’Aube, dont l’église du XIIe siècle est étayée depuis plus de dix ans et à moitié fermée. Le plan de relance pourrait contribuer à débloquer ce genre de situation.

Au regard des sommes consacrées à certains grands projets année après année, l’effort budgétaire consacré aux monuments des territoires paraît assez dérisoire.

● L’État soutient les projets d’investissement des grandes institutions patrimoniales.

– 15 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement sont destinés au Château et domaine national de Versailles pour le financement de son schéma directeur d’investissement, comprenant notamment la rénovation des réseaux, le traitement climatique du corps central sud et nord et la rénovation du château d’eau.

– 10,7 millions d’euros de crédits de paiement sont destinés au Centre des monuments nationaux au titre du financement du projet de restauration du château de VillersCotterêts, en ligne avec l’échéancier d’investissement.

La restauration du château de Villers‑Cotterêts est un projet voulu par le Président de la République dans le but d’en faire une Cité internationale de la langue française en 2022.

La rapporteure pour avis est allée visiter ce chantier avec le président du Centre des monuments nationaux, M. Philippe Bélaval. Chefd’œuvre de la Renaissance, ce château, situé en plein centre de la ville de VillersCotterêts, se trouve dans un état de délabrement avancé. Pendant 200 ans, jusqu’en 2014, cette propriété de l’État fut gérée par le département de la Seine puis la Ville de Paris qui en firent un dépôt de mendicité puis une maison de retraite pour les plus démunis. Cet établissement, qui était en pointe en matière de réseaux d’eau, d’électricité et de chauffage au début du XXe siècle, a contribué à défigurer le château. La première phase des travaux, lancée au printemps dernier, consiste essentiellement à retirer les plafonds, cloisons et réseaux ajoutés aux XIXe et XXe siècles.

Le programme initial annonçait un investissement de 110 millions d’euros à horizon 2022, dont 55 millions d’euros apportés par le programme 175 Patrimoines, 30 millions d’euros par le grand plan d’investissement et 25 millions d’euros par le mécénat.

Or, aucun mécénat de cette ampleur n’a été trouvé. Par ailleurs, ce budget ne permettait que la restauration du logis royal et du jeu de paume, mais pas celle des communs. L’État comptait sur des investisseurs privés pour rénover les communs autour de la cour d’honneur et en faire usage. Or, aucun investisseur ne s’est présenté.

Le plan de relance prévoit donc 100 millions d’euros supplémentaires pour compenser les 25 millions d’euros de mécénat non trouvés et pour permettre la rénovation du clos et du couvert des communs de la cour d’honneur, comme préalable à l’utilisation de ces bâtiments pour de l’hôtellerie ou de la restauration par exemple. Le montant total du projet s’élève donc désormais à 185 millions d’euros.

La rapporteure pour avis se réjouit de la restauration de ce château construit par François Ier et lieu de la signature de la célèbre ordonnance qui imposa la primauté et l’exclusivité de la langue française (sur le latin et sur les langues régionales) dans les documents relatifs à la vie publique, acte fondateur du royaume de France.

Par ailleurs, ce projet prestigieux aura certainement un impact très positif sur la ville de Villers‑Cotterêts et le sud du département de l’Aisne en matière d’attractivité économique et touristique. Le chantier contribue d’ailleurs déjà à l’activité des commerces de la ville.

Cependant, la rapporteure pour avis s’inquiète de l’importance des montants engagés et de la disproportion des moyens consacrés à un seul monument alors que tant d’autres, dans toutes les régions, auraient besoin de restauration.

 12 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMNGP) pour couvrir les travaux à réaliser au titre du programme 175 Patrimoines dans le cadre du grand projet de rénovation du Grand Palais (voir encadré). L’échéancier des investissements prévoyait pourtant 15 millions d’euros en 2021. Il faudra donc, comme chaque année depuis 2018, compléter les crédits de paiement en gestion pour permettre de tenir l’échéancier des paiements. Le respect du principe de sincérité budgétaire commanderait d’inscrire le montant nécessaire dès le projet de loi de finances. En effet, les mouvements de crédits en gestion se font au détriment d’autres actions du programme.

La réorientation du projet de rénovation du Grand Palais : moins, au même prix !

Le ministère de la Culture a décidé de profondément réorienter le programme initialement envisagé de restauration et d’aménagement du Grand Palais, en renonçant à ses aspects les plus structurants.

Le nouveau projet se concentre sur la restauration de cet immense monument historique, aujourd’hui très dégradé, et sur l’aménagement d’une entrée unique pour tous les visiteurs qui desservira à la fois la grande nef, les galeries nationales et le Palais de la découverte, avec toujours en ligne de mire la tenue de quelques épreuves des Jeux Olympiques en 2024.

Cependant, malgré le renoncement à certaines parties du projet, notamment le creusement d’une plateforme logistique souterraine, le nouveau projet est annoncé pour le même budget que le précédent, soit 466 millions d’euros, avec 30 millions d’euros de réserve de précaution. C’est dire à quel point le précédent projet aurait dépassé le budget initial !

Le plan de financement reste le même :

• 97 millions d’euros au titre du programme 175 Patrimoines ;

• 26 millions d’euros au titre du programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique, pour le Palais de la découverte ;

• 160 millions d’euros au titre du programme d’investissements d’avenir ;

• 150 millions d’euros d’un emprunt qui sera remboursé grâce aux recettes d’exploitation futures du Grand Palais et dont la résiliation coûterait extrêment cher à la RMN, selon les informations obtenues par la rapporteure pour avis ;

• 25 millions d’euros de mécénat de Chanel ;

• 8 millions d’euros d’autres mécénats et partenariats.

La rapporteure pour avis approuve l’abandon des aspects les plus pharaoniques du projet initié par l’ancien président du Grand Palais, M. Jean-Paul Cluzel. Elle regrette néanmoins que l’on ait attendu si longtemps pour prendre cette décision. Le cabinet d’architectes LAN a dû être rémunéré pour toutes les études réalisées.

B.   Les grands Musées frappés par la crise sanitaire internationale

1.   Les crédits de l’action Patrimoine des musées de France

Les crédits de l’action 3 Patrimoine des musées de France s’élèvent à 359 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 13,7 millions d’euros par rapport à 2020) et 363 millions d’euros en crédits de paiement (+ 13,5 millions d’euros et + 4 %).

Les crédits de fonctionnement des musées nationaux constitués en services à compétence nationale sont constants.

Les subventions pour charges de service public des opérateurs, c’est‑à‑dire principalement des musées nationaux gérés sous forme d’établissements publics, sont constantes également. L’État leur a cependant apporté un soutien financier important à travers la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et prévoit de les soutenir dans les deux années à venir à travers le plan de relance.

Plusieurs musées nationaux bénéficient d’un soutien renforcé de la mission Culture pour la mise en œuvre de leurs opérations d’investissement en 2021. La dotation en fonds propres du Palais de la porte Dorée augmente ainsi de 1 million d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement pour contribuer au financement du plan pluriannuel d’investissement, celle du Centre Pompidou augmente de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement pour permettre la mise en œuvre de travaux anticipés du schéma directeur, et celle de la RMN‑GP augmente de 3 millions d’euros en crédits de paiement au titre de la restauration du Grand Palais.

2.   Le soutien de l’État aux grands musées nationaux frappés par la crise

Les musées nationaux (musée du Louvre, château de Versailles, musée d’Orsay et de l’Orangerie, etc.) font face aujourd’hui à une crise sans précédent, qui affecte leur modèle économique et culturel. Les établissements dont les taux de ressources propres sont les plus importants sont aussi les plus affectés par la crise sanitaire.

Leur fréquentation, qui dépend pour une part importante du tourisme international, s’est effondrée (entre – 40 % et – 80 % selon les musées), réduisant considérablement leurs recettes de billetterie et de concessions. Les recettes tirées des locations évènementielles se sont également effondrées. Enfin, la recherche de nouveaux mécénats est à l’arrêt, notamment à Versailles.

Le château de Versailles est l’opérateur qui subit le plus durement la crise car c’est celui dont la part de ressources en billetterie est la plus élevée en temps normal, et celui dont la part d’étrangers parmi les visiteurs est la plus forte. Après l’été, où la fréquentation culminait à 30 % par rapport à une année normale, celle‑ci est retombée à 10 % en semaine.

La présidente et l’administrateur général du domaine se fixent pour objectif de ne pas faire d’économies sur les investissements, car un château comme Versailles doit être entretenu et rénové en continu, et rester attractif pour les visiteurs dans la perspective d’une reprise. Depuis plusieurs années, l’établissement conduit un programme d’ouverture ou de réouverture de salles : appartements des filles de Louis XV, grand appartement de la Reine, aile Louis‑Philippe, salles des croisades, combles accessibles de façon temporaire… La Chapelle royale, entièrement rénovée grâce au mécénat, sera rouverte en 2021.

L’établissement finance également, avec les collectivités territoriales, la rénovation des Grandes Écuries qui accueilleront un campus d’excellence des métiers d’art recevant 200 à 300 élèves des filières professionnelles de l’entretien et de la restauration du patrimoine chaque semaine. La rapporteure pour avis se félicite de ce projet porté par le rectorat de Versailles et l’établissement du château et du domaine, et soutenu par la fondation Bettencourt. Elle espère que le contrat de plan État‑région pourra y contribuer également. Versailles a toujours été un haut lieu de formation des apprentis (il y avait 1 800 apprentis sur les chantiers du château et des jardins en 2019, en partie grâce aux clauses des cahiers des charges) et doit rester un lieu de transmission des savoir‑faire d’exception.

De façon générale, les grands musées font face à des problèmes de trésorerie à court terme, et leur capacité à investir et à se projeter dans une programmation pluriannuelle se trouve limitée.

a.   Les aides à la trésorerie apportées en loi de finances rectificative

42,4 millions d’euros ont été apportés par l’État aux opérateurs patrimoniaux les plus fragilisés par la crise sanitaire en vue de sécuriser leur trésorerie en 2020 et de leur permettre d’aborder l’année 2021 dans les meilleures conditions.

Ainsi, une ouverture de crédits de 27,4 millions d’euros a été prévue par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020, à laquelle s’ajoute une mesure de dégel à hauteur de 15 millions d’euros sur le programme 175 Patrimoines. Ces moyens ont permis d’allouer des dotations complémentaires à cinq établissements publics : 10,2 millions d’euros ont été apportés au Musées d’Orsay et de l’Orangerie, 6 millions d’euros au château et domaine de Versailles, 9 millions d’euros au Centre Pompidou, 2,7 millions d’euros au château et domaine national de Chambord. Cette enveloppe comporte aussi une aide de 14,5 millions d’euros à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) qui relève de l’action 9, Patrimoine archéologique.

Les estimations de pertes de recettes propres en 2020 ayant déterminé le besoin d’accompagnement étaient les suivantes : 28 millions d’euros pour le Musée d’Orsay, 52 millions d’euros pour Versailles, 21 millions d’euros pour le Centre Pompidou, 23 millions d’euros pour l’INRAP et 9 millions d’euros pour Chambord.

Malgré les mesures d’économies engagées (décalage d’exposition, reprogrammation de travaux, moindres recrutements), ces établissements ne possédaient pas la trésorerie suffisante pour absorber ce choc, et devaient mettre en œuvre les consignes gouvernementales destinées à soutenir l’économie en honorant les parts forfaitaires des marchés et en suspendant la facturation des concessionnaires.

La mesure a été calibrée de façon à redonner une autonomie en trésorerie de 45 jours de fonctionnement au début de l’année 2021.

b.   Les aides apportées par le plan de relance

Le plan de relance prévoit une mesure de soutien de 334 millions d’euros, dont 232 millions d’euros de crédits de paiement dès 2021, en faveur des opérateurs patrimoniaux.

Une partie de ces aides est destinée à combler les déficits d’exploitation subis par ces établissements publics ; l’autre partie est destinée à soutenir les investissements de ces opérateurs. La rapporteure pour avis considère que seule cette seconde partie correspond à une relance. La compensation des déficits constitue une subvention de fonctionnement qui devrait figurer dans la mission Culture et non dans la mission Plan de relance.

Le programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance prévoit 21,7 millions d’euros pour le Centre Pompidou, 46 millions d’euros pour le Musée du Louvre, 15 millions d’euros pour les Musées d’Orsay et de l’Orangerie et 40 millions d’euros pour la RMN‑GP en 2021 et 2022. Ces montants constituent des plafonds qui pourront être revus à la baisse en fonction de la réalité de la gestion 2020 et 2021.

Les établissements n’ayant pas bénéficié de crédits au titre de la loi de finances rectificative ou du plan de relance font l’objet d’un dialogue de gestion en lien avec le ministère afin d’apprécier l’impact de la crise et déterminer des modalités d’accompagnement au cas par cas.

Le tableau suivant présente l’impact de la crise sanitaire sur les dépenses et recettes de fonctionnement des musées nationaux, et les crédits supplémentaires apportés par l’État pour compenser les pertes, à travers les dégels, la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et le plan de relance.


Compensation des pertes des musées nationaux par le budget de l’état

(en millions d’euros)

 

Impact 2020

Impact 2021

 

 

Perte de recettes propres

Économies en fonctionnement

Dépenses supplémentaires

Impact en fonctionnement

LFR 3 / dégel

Perte de recettes propres

Économies en fonctionnement

Dépenses supplémentaires

Impact en fonctionnement

Relance

2021

Relance

2022

MUCEM

-3,28

2,59

-0,03

-0,72

 

-1,01

0,44

 

-0,57

 

 

Porte Dorée

-1,17

0,82

-0,09

-0,43

 

-0,36

0,23

 

-0,13

 

 

Fontainebleau

-2,25

1,15

-0,28

-1,38

 

-1,08

0,14

 

-0,94

 

 

Louvre

-78,00

12,20

-4,00

-69,80

 

-60,90

3,83

 

-57,07

40,0

6,0

Centre Pompidou

-20,19

7,70

-0,82

-13,31

9,0

-10,50

2,16

-0,14

-8,49

16,7

5,0

Cité de l’Architecture

-1,62

1,35

-0,02

-0,29

 

-0,62

0,44

 

-0,18

 

 

Guimet

-0,64

0,29

-0,30

-0,64

 

-0,64

0,14

 

-0,50

 

 

Picasso

-4,95

0,71

-0,25

-4,48

 

-3,67

0,05

-0,10

-3,72

 

 

Branly

-4,35

3,25

-0,11

-1,21

 

-3,06

0,23

-0,51

-3,35

 

 

Orsay

-27,91

6,96

0,00

-20,95

10,2

-17,63

0,00

0,00

-17,63

12,0

3,0

Rodin

-4,75

0,97

-0,09

-3,87

 

-1,91

0,23

 

-1,68

 

 

Arts Décoratifs

-4,12

1,45

-0,33

-3,00

 

-4,41

0,00

-0,20

-4,61

 

 

Henner-Moreau

-0,23

0,05

-0,02

-0,19

 

-0,09

0,02

 

-0,07

 

 

RMN-GP

-57,33

28,10

 

-29,23

 

-24,00

6,00

 

-18,00

30,0

10,0

TOTAL

-210,79

67,21

-6,32

-149,90

19,2

-129,90

13,90

-0,95

-116,95

98,7

24,0

Source : questionnaire budgétaire.


–  1  –

3.   Les crédits d’acquisition des musées

Les crédits de l’action 8 Acquisition et enrichissement des collections publiques sont constants à hauteur de 9,8 millions d’euros.

Dans les musées nationaux ayant le statut d’opérateur, d’autres sources de financement viennent compléter ces crédits : pourcentage des recettes de droits d’entrée réservé aux acquisitions, mécénat, contributions des sociétés d’amis, dons et legs, etc.

4.   Le plan de soutien en faveur des musées territoriaux

La négociation des contrats de plan État-régions (CPER) 2021‑2027 a fait apparaître un besoin important en faveur de la construction ou de la rénovation des musées sur le territoire national.

Les crédits d’investissement destinés aux musées territoriaux progressent de 10 millions d’heures en 2021, pour un montant total de 23 millions d’euros. Les crédits du plan de relance (6 millions d’euros sur deux ans) viendront s’ajouter, permettant d’atteindre un budget global d’investissement pour les musées territoriaux de 52 millions d’euros sur deux ans. Cela permettra par exemple de contribuer au financement de la rénovation du musée alpin de Chamonix‑Mont‑Blanc, du musée lorrain à Nancy et du réaménagement du musée du site archéologique de Bibracte.

C.   Architecture, archéologie et archives : des activités ralenties qui bénéficient aussi du plan de relance

1.   Architecture et espaces protégés

Les crédits de l’action 2 Architecture et espaces protégés sont constants, à 32,2 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement

Un peu plus de la moitié des crédits de cette action sont consacrés à la subvention de fonctionnement de la Cité de l’architecture et du patrimoine.

Le reste s’adresse à des dispositifs en faveur du patrimoine urbain et paysager : le réseau Villes et pays d’art et d’histoire et les Sites patrimoniaux remarquables, qui s’inscrivent dans le cadre du plan d’action cœur de ville.

2.   Patrimoine archivistique et célébrations nationales

Les crédits de l’action 4, Patrimoine archivistique et célébrations nationales, augmentent de 24 % en autorisations d’engagement et de 19 % en crédits de paiement.

Les crédits d’investissement destinés aux archives territoriales progressent en 2021 de 3 millions d’euros. En effet, le secteur est actuellement en tension avec un taux de saturation élevé des bâtiments d’archives. Le soutien de l’État aux services d’archives départementales se traduit par une aide à la construction et à la rénovation des bâtiments, qui abritent à 70 % des archives produites par l’État.

Par ailleurs, les archives départementales et communales bénéficieront du plan de relance (20 millions d’euros sur deux ans sont prévus en commun pour les musées territoriaux, les archives et l’archéologie).

3.   Patrimoine archéologique

Les crédits de l’action 9 Patrimoine archéologique progressent de 7 millions d’euros (+ 5 %). Ces crédits supplémentaires sont affectés aux diagnostics d’archéologie préventive afin de soutenir les dépenses engagées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) dans ses activités non lucratives (+ 5 millions d’euros) et par les services archéologiques des collectivités territoriales habilitées à réaliser des opérations de diagnostic archéologique (+ 2 millions d’euros).

Enfin, les centres de conservation et d’études (CCE) destinés à conserver les vestiges issus des fouilles archéologiques bénéficieront d’une partie de l’enveloppe du plan de relance de 20 millions d’euros destinées aux installations patrimoniales des territoires.

 


–  1  –

II.   le programme 131 crÉation

Le programme 131 Création couvre à la fois le spectacle vivant (musique, théâtre, danse…) et les arts visuels (peinture, sculpture, photographie, métiers d’art, design), qui ont été fortement affectés par la crise sanitaire et ses conséquences économiques. La perte de chiffre d’affaires pour l’ensemble de la création artistique est estimée à plus de 7 milliards d’euros par le ministère de la Culture.

Ces deux secteurs ont pu bénéficier des dispositifs transversaux de soutien à l’économie mis en œuvre par le Gouvernement et des mesures d’urgence spécifiques au secteur de la culture. Dès 2020, outre les mécanismes d’urgence, 47,5 millions d’euros de crédits supplémentaires ont été apportés au secteur de la création par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (loi du 30 juillet 2020), qui a ouvert 23 millions d’euros de crédits supplémentaires et a dégelé l’ensemble des réserves de précaution du programme.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une augmentation de 4,5 % des crédits de paiement du programme 131 Création, soit une hausse de 37 millions d’euros. Ils s’élèvent ainsi à 886 millions d’euros en autorisations d’engagement et 862 millions d’euros en crédits de paiement. Les mesures nouvelles par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 portent sur :

– le renforcement des institutions de la création en région à hauteur de 12 millions d’euros pour le spectacle vivant et 3 millions d’euros pour les arts visuels, dont la répartition fine dépendra des besoins spécifiques de chaque territoire en accord avec les DRAC ;

– le financement du relogement du Centre national des arts plastiques (CNAP) à Pantin pour 10,6 millions d’euros ;

– l’augmentation de la dotation du fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) à hauteur de 5 millions d’euros ;

– les travaux des deux cages de scène de l’Opéra de Paris pour 4 millions d’euros ;

– la création du fonds artistes‑auteurs pour 2 millions d’euros, en accord avec les recommandations du rapport remis par Bruno Racine ;

– l’augmentation des subventions en faveur du Théâtre national de Strasbourg (TNS) et du Théâtre national de la Colline à hauteur de 200 000 euros pour chacun.

 

 

Évolution des crÉdits du programme 131 crÉation entre 2020 et 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Variation des CP

01 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

735,4

751,5

711,3

727,3

+ 2,2 %

02 – Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels

79,5

89,5

76,1

90,0

+ 18,3 %

06 – Soutien à l’emploi et structurations des professions

38,0

45,0

38,0

45,0

+ 18,4 %

Total programme 131 Création

853,0

886,1

825,4

862,3

+ 4,5 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021.

Par ailleurs, le plan de relance prévoit 426 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 320 millions d’euros de crédits de paiement consacrés à la création artistique en 2021. Le reste des crédits de paiement sera attribué en 2022. Certaines mesures concernent l’ensemble des secteurs du programme 131 Création :

– un programme de commande publique doté de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement en 2021 permettra de soutenir les artistes et créateurs dans l’ensemble des disciplines de la création : la littérature, les arts visuels, le spectacle vivant, l’architecture, les métiers d’art… Ce programme, composé de quatre appels à projets distincts et thématiques, permettra de soutenir en priorité les jeunes créateurs ;

– un fonds de transition écologique pour les institutions de la création en région doté de 20 millions d’euros pour deux ans afin de financer des investissements en faveur de leur « verdissement ».

Le reste concerne spécifiquement le spectacle vivant et les arts visuels et fait l’objet d’encadrés ci-après.

A.   Le soutien au spectacle vivant, trÈs durement touchÉ par la crise sanitaire

De l’ensemble des secteurs culturels, celui du spectacle vivant est le plus affecté par la crise sanitaire et ses conséquences, du fait de la fermeture des salles de spectacle et de l’annulation de nombreux festivals. De plus, la reprise du secteur n’a été que partielle en raison des mesures de distanciation physique induisant une limitation des jauges d’accueil de certaines salles et l’impossibilité d’accueillir des évènements dans d’autres, avant que le couvre-feu ne vienne à nouveau limiter les perspectives de reprise. La perte de chiffre d’affaires sectoriel pour l’année 2020 est estimée à 72 % par le ministère de la Culture.

Afin d’accompagner le secteur, en association avec les crédits prévus dans le cadre du plan de relance, les crédits de l’action 1, Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant, augmentent de 2,2 %. Ils passent ainsi de 735 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 711 millions d’euros en crédits de paiement en 2020 respectivement à 752 et 727 millions d’euros en 2021.

1.   Les mesures d’urgence ont assuré un soutien au secteur

Les entreprises de spectacle vivant ont bénéficié, pour celles qui le pouvaient, des dispositifs transversaux de soutien à l’économie à hauteur de 560 millions d’euros (prêt garanti par l’État, exonérations de charges, chômage partiel…). En complément, des mécanismes spécifiques au secteur du spectacle vivant ont été mis en place :

– Le décret  2020928 du 29 juillet 2020 acte les aménagements spécifiques au statut des intermittents du spectacle permettant de prolonger leurs droits jusqu’au 31 août 2021, tels qu’annoncés par le Président de la République le 6 mai 2020. 949 millions d’euros seront ainsi mobilisés en faveur des intermittents du spectacle.

– Les lois de finances rectificatives n°2020‑289 du 23 mars 2020 et n° 2020‑473 du 25 avril 2020 ont abondé les dotations des établissements publics sectoriels et des opérateurs du ministère de la Culture afin de mettre en place des mécanismes de sauvegarde adaptés au spectacle vivant. Ainsi, l’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP) et le Centre national de la musique (CNM) ont respectivement créé des fonds d’urgence adaptés à leur secteur.

– Les crédits supplémentaires de la loi de finances rectificative n° 2020‑935 du 30 juillet 2020 ont permis d’instituer un fonds doté de 10 millions d’euros afin de soutenir les festivals annulés ou déficitaires en raison des mesures sanitaires et de verser 11,4 millions d’euros aux opérateurs nationaux du spectacle vivant.

– Cette même loi de finances rectificative a également mis en place un fonds de compensation des jauges dégradées géré par le CNM pour les spectacles musicaux et par l’ASTP pour le théâtre, et a exonéré de 50 % des cotisations foncières certaines entreprises culturelles directement affectées par la crise.

 Le ministère de la Culture a annoncé le 16 septembre 2020 la création d’un fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT), doté de 5 millions d’euros financés par le budget de la Culture, géré par AUDIENS, groupe de protection sociale et de prévoyance à destination des professionnels de la culture. Cette aide financière permet de cibler les artistes qui n’étaient éligibles ni aux précédentes aides octroyées par les divers fonds de soutien mis en place, ni au prolongement des droits des intermittents du spectacle.

 Enfin, lors d’une conférence de presse le 22 octobre 2020, la ministre de la Culture, Mme Roselyne Bachelot, a annoncé 85 millions d’aides supplémentaires au profit du spectacle vivant, consécutivement à la mise en place du couvre-feu sur une partie du territoire. 55 millions d’euros de crédits supplémentaires permettront de soutenir le spectacle vivant musical en abondant les fonds de sauvegarde et de compensation confiés au CNM, dont 3 millions destinés particulièrement aux auteurs. Le spectacle vivant dramatique, privé ou subventionné, bénéficiera quant à lui de 20 millions d’euros de crédits supplémentaires. Le FUSSAT sera enfin abondé de 5 millions d’euros supplémentaires afin d’atteindre une dotation de 10 millions d’euros au titre de l’année 2020.

a.   Le soutien exercé par l’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP)

L’Association pour le soutien au théâtre privé (ASTP) a pour principal objet la gestion d’un fonds de support au théâtre privé en vue de soutenir la création théâtrale, la production de spectacles, leur promotion et leur diffusion. Son financement est assuré par des subventions publiques de l’État et de la Ville de Paris, par des contributions des organismes de gestion collective (OGC) ainsi que par une partie de la taxe sur les spectacles, créée par les articles 76 et 77 de la loi de finances rectificative n°2003‑1312 du 30 décembre 2003, qui lui est affectée.

La crise sanitaire a rendu les actions de solidarité entre les théâtres privés d’autant plus nécessaires. Malgré des subventions publiques stables en 2020, la crise sanitaire a fragilisé l’ASTP en raison d’une diminution des prévisions de recettes de la taxe affectée pour l’année 2020 liée à l’annulation de nombreux spectacles lors du premier semestre 2020 et à la décision d’exonérer les entreprises du spectacle vivant de cette taxe pour le second semestre. De surcroît, le ministère de la Culture a proposé de prolonger cette exonération au premier semestre 2021.

En complément des dispositifs classiques, un fonds d’urgence pour le spectacle vivant (FUSV) a été institué afin de soutenir les théâtres privés et les compagnies non conventionnées. Géré par l’ASTP, il est cofinancé par l’État (4 millions d’euros), la Ville de Paris (700 000 euros), la région Île‑de‑France (300 000 euros) et l’ASTP (700 000 euros). Il a permis de soutenir 839 structures pour un montant total de 5,4 millions d’euros. Ainsi, 286 structures franciliennes ont bénéficié de 3,2 millions d’euros et 553 structures en région ont été soutenues à hauteur de 2,2 millions d’euros.

Par ailleurs, l’ASTP gère le fonds de compensation des jauges dégradées en faveur des théâtres privés doté de 8 millions d’euros. Celui-ci a pour objectif d’accompagner la reprise des représentations dramatiques en compensant les pertes causées par les mesures de distanciation physique entre les spectateurs. Les aides seront plafonnées pour chaque structure. Après accord avec les organisations professionnelles du secteur théâtral, elles seront calculées à partir de l’écart constaté entre les recettes de la période pour laquelle les jauges sont dégradées et les recettes des périodes antérieures.

b.   Le soutien exercé par le Centre national de la musique (CNM)

Le Centre national de la musique (CNM), nouvel opérateur créé par l’État en 2019, a mis en place des mécanismes d’urgence à hauteur de 82,4 millions d’euros.

Afin de répondre à l’urgence de la crise sanitaire, un fonds de secours en faveur du spectacle vivant musical et de la musique enregistrée a été institué dès le 23 mars 2020 et clôturé en septembre 2020. 880 sociétés commerciales et associations du spectacle vivant musical ont ainsi pu bénéficier d’un soutien total de 17,7 millions d’euros.

Depuis, et en partie grâce à l’abondement de 50 millions d’euros du budget du CNM par la troisième loi de finances rectificative du 30 juillet 2020, d’autres mécanismes en faveur du spectacle vivant musical ont été mis en place :

– un fonds de sauvegarde doté de 16 millions d’euros pour les entreprises du secteur de la variété qui apparaît déjà insuffisant eu égard aux nombreuses demandes reçues par le CNM ;

– un fonds de soutien en faveur de l’activité classique des acteurs privés et des ensembles indépendants, doté de 2 millions d’euros ;

– un fonds de compensation des jauges dégradées pour le spectacle vivant musical, doté de 40 millions d’euros. Comme pour le théâtre, le soutien à chaque structure sera plafonné.

La rapporteure pour avis salue les différents dispositifs de sauvegarde qui ont permis d’accompagner le secteur du spectacle vivant à travers la crise sanitaire et lors de sa reprise d’activité partielle. Cependant, elle invite le ministère de la Culture à maintenir pour l’année 2021 les mesures d’urgence, jusqu’à ce qu’une vraie reprise soit possible pour le secteur. Il faut aussi soutenir les professionnels dont les spectacles sont totalement à l’arrêt et qui ne peuvent donc pas bénéficier du fonds de compensation des pertes de billetterie : c’est le cas des tournées internationales, des concerts de plus de 1 000 spectateurs ou des concerts où les spectateurs sont debout. Pour ceux-là, un allongement de la durée l’amortissement du prêt garanti par l’État pourrait être pertinente.

2.   Le financement des grands opérateurs

● L’État versera 257 millions d’euros de subventions pour charges de service public aux opérateurs du spectacle vivant en 2021, soit dix établissements publics et une association : l’Opéra de Paris (97 millions d’euros), la Cité de la musique (42 millions d’euros), la Comédie française (25 millions d’euros), les cinq théâtres nationaux (entre 9 et 13 millions d’euros chacun), la Grande Halle de la Villette (21 millions d’euros), le Centre national de la danse (9 millions d’euros) et l’Ensemble intercontemporain (4 millions d’euros). Deux opérateurs bénéficient d’une revalorisation de leur subvention de 200 000 euros : le Théâtre national de la Colline et le Théâtre national de Strasbourg.

Ces opérateurs percevront également 14 millions d’euros de dotations en fonds propres pour leurs investissements. L’Opéra national de Paris bénéficie d’une subvention complémentaire de 4 millions d’euros pour financer d’une part le remplacement et l’harmonisation des pilotages électroniques des cintres du Palais Garnier et de l’Opéra Bastille, d’autre part le remplacement des motorisations des podiums primaire et secondaire situés sous le plateau de l’Opéra Bastille.

● D’autre part, 38,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 16,4 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour des investissements de l’État.

Il s’agit notamment du projet de Cité du Théâtre et de la relocalisation sur le site de Bastille des activités de l’Opéra national de Paris actuellement hébergées aux ateliers Berthier, pour lesquels sont prévus 23 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 7 millions d’euros de crédits de paiement. Ces projets ont pris du retard, et le Gouvernement semble repousser les décaissements d’année en année.

La ministre de la Culture a confié à MM. Georges François Hirsch et Christophe Tardieu une mission plus générale sur l’Opéra de Paris qui devra entre autres se prononcer sur l’opportunité des travaux prévus sur le site de Bastille : le déménagement des ateliers Berthier mais aussi l’aménagement d’une seconde salle modulable.

La situation de l’Opéra de Paris est particulièrement critique. Frappé de plein fouet par la crise sanitaire, dans un contexte déjà très dégradé par la plus longue grève qu’ait connu l’établissement, ses pertes de billetterie atteignent 55,4 millions d’euros, tous les spectacles ayant été annulés de mars à début décembre, le mécénat a diminué d’un tiers (– 6 millions d’euros), et les recettes de visites, locations et concessions se sont effondrées (– 20 millions d’euros).

L’Opéra a réalisé 30 millions d’euros d’économies. Néanmoins, l’établissement ne pouvant avoir recours au chômage partiel, le déficit d’exploitation se creuse. Il subit durement les conséquences du développement qu’il a connu au cours des dix dernières années, qui a fait passer sa capacité d’autofinancement de 43 % à 56 % grâce au développement du mécénat, de la billetterie et des visites. La subvention de l’État a ainsi diminué de 15 millions d’euros en 10 ans (soit un quart en coût réel). De ce fait, l’Opéra national de Paris s’est trouvé plus vulnérable face à l’arrêt de son activité.

La crise s’inscrit dans la durée, du fait du couvre-feu, des restrictions de jauges, de l’absence prolongée de touristes étrangers. En outre, la baisse du pouvoir d’achat des spectateurs et les difficultés des entreprises risquent d’avoir des effets à long terme non seulement sur la billetterie mais aussi sur le mécénat.

Le soutien exceptionnel apporté par l’État dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 81 millions d’euros, traduit l’ampleur de la crise financière traversée par l’Opéra national de Paris :

– 20 millions d’euros sont destinés à l’aménagement de la salle modulable de l’Opéra Bastille et à l’installation des ateliers Berthier sur le site de Bastille – il s’agit de crédits qui étaient déjà prévus ;

– 61 millions d’euros doivent permettre de couvrir une partie des pertes des exercices 2020, 2021 et 2022. Or, l’Opéra de Paris estime ces pertes à 75 millions d’euros sur ces trois années.

L’État a posé comme condition au soutien apporté à l’Opéra de Paris la mise en œuvre d’une réforme durable du fonctionnement de l’établissement.

3.   Les crédits déconcentrés de soutien au spectacle vivant

● À côté du financement des grandes institutions, la politique de l’État en matière de soutien au spectacle vivant passe par l’attribution de labels qui ouvrent droit à des subventions. Ainsi, le programme 131 Création comporte 343 millions d’euros de crédits déconcentrés d’intervention destinés aux structures labellisées, à d’autres lieux de création et de diffusion, aux festivals, aux résidences d’artistes et aux équipes artistiques indépendantes. Ces crédits sont en hausse de 18 millions d’euros par rapport à l’année 2020.

En application des deux circulaires du Premier ministre du 5 juin et du 12 juin 2019, l’une relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail et l’autre à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État, 1,91 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sont transférés en 2020 des crédits centraux vers les crédits déconcentrés. Ces crédits qui, en administration centrale, finançaient principalement des aides aux équipes et des subventions à des festivals, des compagnies et des lieux de spectacle, seront désormais programmés et gérés par les DRAC.

Les 310 lieux labellisés recevront 217 millions d’euros en 2021 (contre 215 millions en 2020). Les labels sont les suivants : centre dramatique national, scène nationale, opéra national en région, orchestre national en région, centre chorégraphique national, scène de musique actuelle, centre national des arts de la rue, centre national de création musicales, pôle national du cirque.

Des moyens complémentaires à hauteur de 12 millions d’euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement permettront de reconstituer les marges artistiques des labels, de poursuivre les labellisations en cours et de renforcer la présence artistique dans les territoires en mobilisant notamment les dispositifs de résidences d’artistes.

● En ce qui concerne les investissements, 22 millions en autorisations d’engagement et 20 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus, de manière similaire à l’année dernière. Les opérations inscrites dans les contrats de plan État‑région (CPER) apparaissent en baisse en raison des négociations actuelles concernant la prochaine génération de ces contrats pour la période 2021‑2027. Hors CPER, les opérations de réhabilitation et de mise en sécurité voient ainsi mécaniquement leurs moyens augmenter : elles cibleront le Centre Dramatique National de Montluçon et le futur pôle culturel de Morlaix dénommé le « Scew ».

4.   Le soutien aux productions à travers le crédit d’impôt spectacle vivant

Le crédit d’impôt spectacle vivant est un outil pertinent pour soutenir la création et encourager la diffusion des productions dans tous les territoires. En tant que dépense fiscale, il est rattaché au programme 131 Création. Cette dépense s’est élevée à 15 millions d’euros en 2018 et s’est établie à 12 millions d’euros pour les années 2019 et 2020.

Instauré par la loi de finances pour 2016, il porte sur les dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical français. Il est destiné aux producteurs assujettis à l’impôt sur les sociétés qui engagent les frais de création du spectacle et financent le plateau artistique en tant qu’employeur. Il est égal à 15 % (ou 30 % pour les PME) des dépenses éligibles. Alors qu’il était borné au 31 décembre 2022, il est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024 par un amendement du président de la Commission, M. Bruno Studer, adopté par l’Assemblée nationale en première partie du présent projet de loi de finances.

Ce crédit d’impôt avait été resserré par la loi de finances pour 2019 autour de quatre catégories de spectacles éligibles : les musiques actuelles, les comédies musicales, la musique de chambre ou vocale et enfin les concerts symphoniques et lyriques. Une catégorie supplémentaire a été ouverte dès le 1er janvier 2020 afin de réintégrer les spectacles d’humour dans le crédit d’impôt. Cependant, l’administration refuse d’intégrer les spectacles et revues de cabaret dans le dispositif, ce que la rapporteure pour avis regrette.

Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, la rapporteure pour avis avait souhaité que ce crédit d’impôt soit étendu au théâtre. Or, l’amendement n° I‑2942 adopté par l’Assemblée nationale en première partie du présent projet de loi de finances acte la création d’un crédit d’impôt spécifique aux représentations dramatiques, borné au 31 décembre 2024. La rapporteure pour avis se félicite de l’adoption de cet amendement que le groupe parlementaire Les Républicains déposait depuis plusieurs années.


 

La mission Plan de relance et le spectacle vivant

Le plan de relance accompagne la reprise partielle de l’activité du secteur du spectacle vivant par les mesures suivantes en 2021, inscrites dans l’action 05 Culture du programme 363 Compétitivité :

– un soutien aux opérateurs nationaux de la création du spectacle vivant et de la musique, dont l’Opéra national de Paris, la Comédie Française, les théâtres nationaux, afin d’assurer leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement et de relancer leur activité dont le secteur de la création dépend largement pour retrouver ses niveaux d’avant crise. Ils bénéficieront ainsi d’une partie des 126 millions d’euros en autorisations d’engagement et des 81,9 millions d’euros en crédits de paiement attribués aux opérateurs du ministère de la Culture chargés de la création en 2021. Cependant, une partie de ces crédits vise à assurer les dépenses de fonctionnement de ces opérateurs et non à accompagner la reprise d’activité comme devrait le faire un plan de relance ;

– un soutien à la programmation des institutions de spectacle vivant en région par l’accompagnement des labels et réseaux, lieux de diffusion, compagnies et ensembles musicaux déjà subventionnés (30 millions d’euros en autorisations d’engagement et 23 millions d’euros en crédits de paiement) ;

– un soutien à la programmation des institutions non subventionnées de spectacle vivant en région en faveur du théâtre, de la danse, des arts de la rue et du cirque (30 millions d’euros en autorisations d’engagement et 20 millions d’euros en crédits de paiement) ;

– la consolidation de la filière musicale (spectacles, concerts et musique enregistrée) via un transfert de 200 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 170 millions d’euros en crédits de paiement au Centre national de la musique, dont les crédits propres sont augmentés de 10 millions d’euros sur deux ans ;

– un renforcement du fonds d’urgence pour le spectacle vivant (FUSV) pour l’année 2021 via un transfert de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement à l’ASTP ;

– un renforcement financier du fonds d’urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) qui permettra de le prolonger durant l’année 2021.


B.   Le soutien aux ARTS VISUELS

Le secteur des arts visuels est également fragilisé par la crise sanitaire avec une perte de chiffre d’affaires estimée à 31 %. Tout au long de la crise, outre les dispositifs transversaux, le ministère de la Culture a soutenu le secteur des arts visuels.

Les lois de finances rectificatives précitées du 23 mars 2020 et du 25 avril 2020 ont abondé la dotation du Centre national des arts plastiques (CNAP) de 2 millions d’euros. La loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 a permis d’abonder de 1,6 millions d’euros de crédits supplémentaires la dotation du Palais de Tokyo. Par ailleurs, elle a acté le dégel de 2,5 millions d’euros de la réserve de précaution afin d’accompagner les acteurs du secteur.

Dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits de l’action 2, Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels, passent de 79,5 millions d’euros à 89,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 76 millions d’euros à 90 millions d’euros en crédits de paiement.

1.   Le soutien aux institutions

● Au niveau central, le ministère soutient deux institutions au rayonnement national et international : le Jeu de Paume pour la photographie et le Palais de Tokyo pour la création contemporaine sous toutes ses formes. 4,7 millions d’euros sont prévus pour le Jeu de Paume et 6,9 millions d’euros pour le Palais de Tokyo, dont la subvention est en hausse de 0,3 million d’euros par rapport à 2020.

5,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4,3 millions d’euros en crédits de paiement sont consacrés au Mobilier national et aux manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie.

4,1 millions d’euros de subventions pour charges de service public sont prévus pour la Cité de la Céramique de Sèvres et Limoges et 7,6 millions d’euros pour le CNAP. Ce dernier recevra également une dotation en fonds propres de 2,5 millions d’euros afin d’acquérir des œuvres et soutenir des artistes plasticiens.

Les dépenses d’investissements s’élèvent à 14,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 17,6 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits, en hausse de 10,6 millions d’euros par rapport à 2020, permettront de financer la relocalisation du CNAP sur le site de Pantin. Ils assureront aussi le déménagement d’une partie des réserves du Mobilier national sur ce même site. Les travaux doivent commencer au début de l’année 2021 avec notamment la démolition de certains objets et le curage du site.

● Les crédits déconcentrés sont en forte hausse, passant de 25,1 millions d’euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement en 2020 à 28,1 millions d’euros. La politique déconcentrée du ministère de la Culture en matière d’arts visuels repose principalement sur deux labels : les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) et les Centres d’art contemporain d’intérêt national (CACIN). On compte 22 FRAC et 54 CACIN, soit 6 nouveaux CACIN en 2020.

Outre les 8,4 millions d’euros de crédits déconcentrés prévus pour le fonctionnement des FRAC et les 7 millions d’euros pour les CACIN, 2,7 millions d’euros de crédits supplémentaires sont destinés à accompagner les labellisations en cours et le renforcement des marges artistiques. Ces nouveaux crédits permettront de renforcer la présence artistique dans les territoires.

En matière d’investissements, 7,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,5 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour permettre aux FRAC de se doter d’équipements répondant aux normes internationales, qui faciliteront la circulation des œuvres en région. De plus, 4,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 2,8 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus dans le cadre des CPER afin de poursuivre l’effort en faveur des FRAC comme, par exemple, l’aménagement du nouveau bâtiment du FRAC de Limoges et le déménagement du FRAC Auvergne‑Halle aux Blés.

2.   Le soutien aux créateurs

En matière de soutien aux créateurs, la politique du ministère de la Culture repose à la fois sur des dispositifs d’aides directes aux artistes et aux professionnels, et sur des commandes artistiques passées par le CNAP ou par les collectivités territoriales, avec le soutien de l’État.

● Ainsi, le CNAP prévoit de maintenir son budget d’acquisition en 2021 à un niveau équivalent à celui initial de 2020, soit 1,8 million d’euros, enfin d’enrichir le Fonds national d’art contemporain (FNAC). Par ailleurs, les FRAC développent des politiques d’acquisitions spécifiques en fonction des projets de chaque structure dans le but de favoriser la diversité des esthétiques et des bénéficiaires. En 2021, l’État dotera les FRAC de 2,4 millions d’euros afin de soutenir leurs achats.

 En parallèle de la commande publique, la politique du « 1 % artistique » constitue un instrument essentiel du développement des projets artistiques dans les lieux publics. L’introduction récente du dispositif dans le code de la commande publique est de nature à en renforcer l’application.

 Les schémas d’orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) restent un axe fort de la politique de l’action de l’État en direction des arts visuels et des territoires. Leur dotation se stabilise à 620 000 euros pour l’année 2021.

Les crédits alloués aux aides individuelles aux artistes attribuées pour favoriser l’installation de leur atelier ou l’achat de matériel sont, eux aussi, stables (800 000 euros).

Le soutien assuré par le Centre national des arts plastiques (CNAP)

Le CNAP a pour mission d’accompagner des aides individuelles directes aux artistes et aux professionnels de l’art contemporain ainsi que des subventions à des structures professionnelles. En 2019, 1,2 million d’euros ont été attribués à ce titre.

De plus, le CNAP conduit une politique d’acquisition qui s’est stabilisée autour de 1,8 million d’euros ces dernières années. En 2019, ce budget a permis d’enrichir les collections du FNAC de 622 nouvelles œuvres.

Pour répondre aux effets de la crise sanitaire, le CNAP a maintenu l’ensemble des dispositifs qui caractérisent son soutien à la création artistique et s’est vu doter, en complément, de moyens supplémentaires afin de mettre en place des aides d’urgence :

– un fonds d’urgence a été créé afin de compenser les pertes de rémunération subies par des artistes-auteurs, des commissaires, des critiques et des théoriciens d’art. Le mécanisme a permis de soutenir plus de 800 artistes pour un montant total de 1,5 million d’euros ;

– le secours exceptionnel a été renforcé en relevant le plafond maximal des aides de 1 000 euros attribuées, sous condition de revenu, à des artistes plasticiens en difficulté financière, de 100 000 à 450 000 euros. Le dispositif a ainsi permis de soutenir 445 artistes pour un montant total de 445 000 euros ;

 un fonds d’acquisition exceptionnel doté de 1,2 million a été déployé grâce aux crédits supplémentaires accordés en loi de finances rectificative, en soutien de la politique d’acquisition du CNAP. Il a permis, pour l’instant, d’acquérir 83 œuvres auprès de 75 galeries et artistes. La rapporteure pour avis regrette cependant que 80 % des achats aient été effectués auprès de galeries parisiennes.

La rapporteure pour avis observe un déséquilibre frappant entre les moyens accordés au spectacle vivant et les moyens consacrés aux arts plastiques. Certes, le spectacle vivant est plus directement touché par les mesures de confinement, de distanciation et de couvre-feu, mais les artistes plasticiens subissent de leur côté l’annulation de nombreuses expositions, qu’il s’agisse d’expositions locales ou de foires internationales. De surcroît, ces artistes ne bénéficient pas d’un régime d’assurance chômage.

La mission Plan de relance et les arts visuels

Le plan de relance accompagne la reprise de l’activité du secteur des arts visuels par les dispositifs suivant :

– le Palais de Tokyo, la Cité de la Céramique Sèvres et Limoges ainsi que le CNAP bénéficieront du soutien renforcé aux opérateurs nationaux de la création artistique ;

– les FRAC seront dotés de moyens supplémentaires afin de soutenir les artistes n’ayant pu bénéficier des autres dispositifs mis en place.

 

C.   Le soutien à L’EMPLOI DANS LE SECTEUR CULTUREL

Les crédits de l’action 6, Soutien à l’emploi et structurations des professions, passent, dans le projet de loi de finances pour 2021, de 38 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits d’équipements à 45 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits d’équipements. Cette action finance plusieurs dispositifs, dont un nouveau.

● Le plan artistes-auteurs est doté de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. La mise en place de ce plan fait suite aux recommandations du rapport de Bruno Racine, intitulé « L’auteur et l’acte de création ». Ces crédits permettront de créer un Conseil national des artistes-auteurs (CNAA) et de mesurer la représentativité des organisations professionnelles des artistes-auteurs appelées à siéger dans ce conseil. En outre, une attention particulière sera apportée à l’accès des artistes-auteurs à leurs droits sociaux grâce à la création d’un outil d’information commun au ministère de la Culture et à la direction de la Sécurité sociale afin de leur fournir l’ensemble des renseignements utiles tout au long de leur carrière.

● L’action finance la compensation de la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs, comme s’y était engagé le Gouvernement.

● Les crédits du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) et du fonds de professionnalisation et de solidarité s’élèvent à 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2021, ce qui constitue une hausse de 5 millions d’euros par rapport à 2020.

Ce fonds a connu une mise en œuvre lente et une sous-consommation chronique. C’est pourquoi une refondation du système a été entreprise durant l’année 2019. Le nouveau dispositif, entré en vigueur le 1er octobre 2019, semble avoir permis une meilleure consommation des crédits attribués. Ainsi, entre le 1er octobre 2019 et le 20 septembre 2020, plus de 18 millions d’euros d’aides ont été accordés, soit un montant plus élevé que la dotation initiale du FONPEPS par la loi de finances pour l’année 2020 (15 millions d’euros). L’augmentation de sa dotation initiale pour l’année 2021 devrait permettre de continuer à développer l’emploi pérenne dans le spectacle et de soutenir un plus grand nombre de bénéficiaires.

Ces crédits permettent aussi le financement du fonds de professionnalisation et de solidarité, dispositif de soutien professionnel mis en place par l’État en 2007 pour proposer des solutions pérennes aux artistes et aux techniciens du spectacle en difficulté, afin qu’ils puissent poursuivre ou renouer avec une carrière professionnelle.

● Enfin, 3 millions d’euros sont prévus pour le soutien aux organismes professionnels et syndicaux à la fois pour le spectacle vivant et pour les arts visuels.


–  1  –

III.   le programme 361 transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Pour 2021, le ministère de la Culture a décidé la scission de l’ancien programme 224 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture – en deux programmes distincts, l’un dédié aux fonctions supports du ministère, le nouveau programme 224 – Soutien aux politiques du ministère de la Culture, et l’autre dédié aux politiques culturelles transversales du ministère, le présent programme 361 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Cela correspond à la décision du ministère de créer une délégation chargée de développer la participation de tous à la vie culturelle sur l’ensemble du territoire national.

Ce nouveau programme comprend une nouvelle action sur la recherche culturelle et la culture scientifique et technique dont les crédits figuraient auparavant dans le programme 186 Recherche culturelle et culture scientifique de la mission Recherche et Enseignement supérieur.

Évolution des crÉdits du programme 361 transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture entre 2020 et 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Variation des CP

01 – Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle

237,1

245,6

232,9

241,2

+ 3,6 %

02 – Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle

198,2

222,4

198,4

222,6

+ 12,2 %

03 – Langue française et langues de France

3,2

3,2

3,2

3,2

0,0 %

04 – Recherche culturelle et culture scientifique et technique (nouvelle action)

112,6

111,9

Total programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

438,6

583,7

434,5

578,8

Non représentatif

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021.

À cela s’ajoutent les crédits du plan de relance en faveur du réseau des écoles d’architecture et de création, soit 70 millions d’euros en autorisations d’engagement et 35 millions d’euros en crédits de paiement en 2021.

A.   L’Enseignement supérieur et la recherche dans le domaine artistique et culturel

Le ministère de la Culture exerce le contrôle pédagogique de 150 établissements d’enseignement supérieur qui accueillent près de 37 000 étudiants dans les six domaines suivants : architecture, patrimoine, arts plastiques, spectacle vivant, cinéma et audiovisuel.

Les crédits de l’action 1, Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle, sont en augmentation de 8 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

Les nouveaux crédits bénéficient essentiellement :

– aux bourses sur critères sociaux, afin de tenir compte de la réalité de la consommation des crédits en 2020 (+ 3 millions d’euros) ;

– à la vie étudiante, dans le cadre du Plan Étudiants (+ 2,3 millions d’euros pour la santé et la restauration) ;

– au soutien à l’insertion professionnelle (+ 2 millions d’euros) ;

– à la dotation du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (revalorisée de 0,5 million d’euros).

La rapporteure pour avis a auditionné le directeur de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts. Du fait de la spécificité des matières enseignées, l’école a organisé tous les examens en conditions réelles à la fin de l’été. Les ressources propres de l’établissement, issues des cours publics et des locations d’espaces, ont chuté. Des économies sur la masse salariale et les travaux ont pu être réalisées mais la trésorerie s’est néanmoins réduite.

En 2021, la subvention de fonctionnement et la dotation d’investissement sont reconduites (si ce n’est la soustraction de la rémunération d’un agent titularisé dans le cadre du dispositif Sauvadet).

Un des objectifs du directeur de l’école est d’attirer davantage d’étudiants étrangers, chose difficile dans la période actuelle, et davantage de boursiers. Un autre objectif est d’améliorer l’insertion professionnelle des diplômés.

L’école occupe un vaste ensemble de bâtiments des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles classés au titre des monuments historiques qui nécessitent des travaux d’entretien et de restauration. À cet égard, la rapporteure pour avis s’étonne de l’absence de contribution du programme 175 Patrimoines à l’École des BeauxArts.

La rapporteure pour avis a également auditionné l’Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques (ANdÉA), association qui regroupe des écoles nationales et des écoles territoriales. L’association déplore la reconduction stricte des dotations budgétaires d’année en année, qui équivaut à une diminution progressive en valeur réelle. Elle réitère son souhait que le statut des enseignants des établissements territoriaux soit aligné sur le statut des enseignants‑chercheurs nationaux, afin notamment de leur permettre d’avoir une activité de recherche. À cet égard, la rapporteure pour avis regrette que les recommandations de la mission flash conduite en 2019 par Mmes Fabienne Colboc et Michèle Victory soient restées lettre morte, les différents ministères concernés continuant à se renvoyer la responsabilité sur ce sujet.

B.   la démocratisation culturelle et l’Éducation artistique et culturelle

Les crédits de l’action 2, Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, sont en augmentation de 24,2 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2020. Ils s’élèvent ainsi à 222,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

1.   L’éducation artistique et culturelle des enfants et des jeunes

D’une part, ces crédits doivent permettre de poursuivre l’objectif fixé par le Gouvernement d’un accès de 100 % des jeunes à l’éducation artistique et culturelle (EAC), objectif dont les moyens restent toujours aussi flous et diffus, année après année.

Parmi les 156 millions d’euros à la fois en autorisations d’engagement et en crédits de paiement affectés à l’EAC :

– 24,5 millions d’euros seront consacrés au soutien des pratiques artistiques et culturelles en temps scolaire, visant, par exemple, à favoriser les pratiques musicales communes comme le chant choral ;

– 5 millions d’euros supplémentaires permettront de soutenir des actions hors du temps scolaire, temps qui est vecteur d’inégalité dans les loisirs des enfants et des jeunes ;

– 21,3 millions d’euros financeront les actions des conservatoires classés, à la fois en faveur des jeunes en temps scolaire et en dehors du temps scolaire ;

– 16 millions d’euros seront employés afin de développer le goût de la lecture à travers des actions dans les écoles, le plan bibliothèque ainsi que par le renforcement des contrats territoires-lecture (CTL) qui bénéficient de 2 millions d’euros de mesures nouvelles ;

– 1 million d’euros de crédits complémentaires permettront de renforcer les autres partenariats avec les collectivités territoriales, tels que les contrats d’éducation artistique et culturelle ainsi que les conventions de développement culturel ;

– 8,2 millions d’euros seront destinés à la formation commune de l’ensemble des acteurs de l’EAC, au développement des pôles de ressources pour l’éducation artistique et culturelle ainsi qu’à la poursuite du projet de création de l’Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (INSEAC) intégré au sein du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), qui accueillera sa première promotion à la rentrée 2021 ;

– 7,4 millions d’euros sont prévus afin de soutenir l’éducation aux médias, à l’image et à l’information ; 

– 59 millions d’euros sont prévus pour accompagner le déploiement du Pass Culture.

2.   La lente mise en œuvre du Pass culture

Le Pass Culture, en expérimentation sur quatorze départements depuis fin 2019, n’a pas été élargi depuis. Le confinement est malheureusement arrivé au moment où le Pass devait être étendu à de nouveaux départements. Cependant, dans un contexte où la crise sanitaire s’installe dans la durée, il est nécessaire de prendre des décisions concernant l’avenir du dispositif.

Compte tenu du bilan positif de l’expérimentation sur les actuels 110 000 bénéficiaires, en particulier en Bretagne, la rapporteure pour avis souhaite qu’il soit généralisé à l’ensemble du territoire dans sa version actuelle, c’est-à-dire avec une possibilité d’accéder à des biens et services culturels d’une valeur de 500 euros par personne l’année de ses 18 ans. Or, les 59 millions d’euros prévus dans le présent programme ne sont pas suffisants pour une telle généralisation. Ces crédits sont d’ailleurs inférieurs à la trajectoire budgétaire présentée l’an dernier.

Cependant, le ministère de la Culture souhaite aménager le dispositif avant de le généraliser. L’enveloppe initiale de 500 euros par personne âgée de 18 ans serait ainsi abaissée à 300 euros afin de s’adapter à la sous-consommation actuelle des crédits par les bénéficiaires de l’expérimentation. De plus, des pistes sont étudiées afin d’assurer une meilleure articulation entre les enseignements artistiques et culturels assurés dans le cadre de la scolarité des élèves et le Pass Culture.

3.   La participation de tous à la vie culturelle

D’autre part, ces crédits doivent permettre de poursuivre l’action en direction des territoires et des populations en situation spécifique qui demeurent éloignés de l’offre culturelle.

8 millions d’euros seront consacrés à l’accès des publics empêchés : détenus, personnes en situation de handicap, personnes hospitalisées et personnes âgées dépendantes. Cette dernière catégorie fera l’objet d’une attention renforcée cette année, à la suite de la crise sanitaire, grâce à 1 million d’euros de crédits supplémentaires.

31 millions d’euros seront attribués aux politiques territoriales et de cohésion sociale. Ces crédits permettront de financer les fédérations et associations nationales qui rassemblent les acteurs culturels des territoires ruraux ainsi que de poursuivre le déploiement de mille micro-folies à travers le territoire français. Ce sont des espaces modulables installés dans des structures préexistantes (mairies, écoles, médiathèques…) qui offrent, selon les possibilités, un accès aux œuvres de grands musées nationaux, un « Fab-Lab » (contraction de l’anglais fabrication laboratory), une ludothèque ou encore un espace de rencontre avec des artistes.

Ils assureront également un soutien au tourisme culturel. Ainsi, le dispositif été culturel 2021, géré par les DRAC, sera doté de 3 millions d’euros supplémentaires, moyens qui seront utilisés, en priorité, en direction des quartiers de la politique de la ville, des villes petites et moyennes, des zones rurales et des territoires ultramarins. Enfin, 2021 sera l’année de la première édition des Capitales françaises de la culture. Ce label permettra de distinguer, tous les deux ans, une commune ou un groupement de communes de 20 000 à 200 000 habitants, en raison de son action en faveur de la culture et de son accessibilité par l’ensemble de la population. 

5,3 millions d’euros seront destinés au développement des pratiques amateurs, soit 2 millions de crédits supplémentaires par rapport à 2020. Au niveau central, ils permettront de soutenir les grandes fédérations nationales de praticiens amateurs ainsi que de financer le fonds d’encouragement aux initiatives artistiques et culturelles des amateurs (FEIACA). Au niveau déconcentré, les DRAC soutiendront les structures qui accompagnent, sur le territoire, les pratiques amateurs.

10,5 millions d’euros seront consacrés à la transition numérique des acteurs culturels ainsi qu’à la numérisation et à la valorisation de ressources culturelles.

Enfin, on trouve dans cette sous-action les crédits du fonds d’intervention pour la sécurité des sites et des événements culturels, doté de 2 millions d’euros, comme en 2020. Porté par le Centre national de la Musique, il permettra d’accompagner la mise à niveau des dispositifs de sécurité des acteurs culturels.

C.   RECHERCHE CULTURELLE ET CULTURE SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE

Les crédits en faveur de l’action 4, Recherche culturelle et culture scientifique et technique, restent stables par rapport à 2020, alors inscrits au sein de l’ancien programme 186 de la mission Recherche et Enseignement supérieur. Ils s’élèvent à 112,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 111,9 millions d’euros en crédits de paiement.

Environ 90 % des moyens seront fléchés vers Universcience, établissement public du Palais de la Découverte et de la Cité des sciences, dont la dotation est en hausse, à 100,4 millions d’euros. 1,15 million d’euros supplémentaires seront consacrés à la poursuite des travaux d’entretien et de mise aux normes de la Cité des sciences et de l’industrie.

Les 11 millions restants viendront financer la recherche culturelle, sur l’ensemble du périmètre du ministère de la Culture : patrimoine, architecture, création artistique, linguistique, …

Ainsi, ces crédits incluront notamment les moyens de fonctionnement du Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

En outre, ces crédits soutiendront les activités de recherche de l’Institut national de l’histoire de l’art (INHA) à hauteur de 0,3 million d’euros, de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) à hauteur de 0,5 million d’euros ainsi que des écoles nationales supérieures d’architecture (ENSA) à hauteur de 1,2 million d’euros.


–  1  –

IV.   Le programme 224 soutien aux politiques du ministère de la culture

Le nouveau programme 224 Soutien aux politiques culturelles porte sur les crédits dévolus aux fonctions de soutien du ministère de la Culture, c’est-à-dire la masse salariale de l’administration centrale et déconcentrée (action 7, fonctions de soutien du ministère) ainsi que sur l’action culturelle internationale du ministère (action 6).

Évolution des crÉdits du programme 224
Soutien aux politiques du ministère de la Culture entre 2020 et 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Ouverts en LFI 2020

Demandés pour 2021

Variation des CP

06 – Action culturelle internationale

7,4

7,4

7,4

7,4

0,0 %

07 – Fonctions de soutien du ministère

723,9

748,8

722,0

745,0

+ 3,2 %

Total programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture

731,3

756,2

729,4

752,4

+ 3,2 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2021.

Le plafond d’emploi du ministère s’établit pour 2021 à 9 541 équivalents temps plein travaillé (ETPT), en recul de 52 ETPT par rapport au plafond d’emplois autorisé en loi de finance initiale pour 2020. Cette variation résulte de l’extension en année pleine du schéma d’emplois 2020 de – 17 ETPT, l’impact en 2021 du schéma d’emplois 2021 de – 8 ETPT et le solde des transferts entrants et sortants de – 25 ETPT.

L’augmentation des crédits du programme résulte essentiellement de mesures catégorielles en faveur des agents du ministère de la Culture (+ 9 millions d’euros) ainsi que du solde positif du glissement vieillesse technicité (GVT, + 5,4 millions d’euros).

S’agissant de l’action culturelle internationale, les crédits de l’action dédiée, sont constants à hauteur de 7,4 millions d’euros. Il s’agit notamment de subventions à des organisations internationales comme l’UNESCO, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), le Conseil de l’Europe ou le Conseil international des musées (ICOM).

Le ministère de la Culture contribué également, à côté du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au financement de l’Institut français (1,4 million d’euros).

2,5 millions d’euros sont enfin consacrés à l’accueil de professionnels de la culture et d’artistes étrangers en France.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   audition de la ministre

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède, le mardi 27 octobre 2020, à l’audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture sur les crédits pour 2021 de la mission « Culture » ([1]) ([2]).

M. le président Bruno Studer. Nous achevons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances pour 2021 par l’audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, et la discussion des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

Je souhaite la bienvenue à Mme Dominique David, rapporteure spéciale de la commission des finances sur les programmes Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission « Culture », et à Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

Les projets de rapports de Mmes Valérie Bazin-Malgras et Céline Calvez, nos rapporteures pour avis, vous ont été remis hier.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Le budget des missions « Culture » et « Médias et industries culturelles » connaîtra en 2021 une hausse exceptionnelle. L’augmentation de 4,8 % des crédits budgétaires du ministère dit l’importance que le Gouvernement accorde à la culture. Comme l’a révélé la période difficile que nous traversons, la culture a un rôle indispensable dans notre vie économique, sociale et démocratique comme dans notre vie intime. Cet effort budgétaire exceptionnel participe de la mobilisation totale dont l’État a fait preuve dès le début de la crise sanitaire pour soutenir les acteurs culturels.

Indispensables pour protéger nos concitoyens, les mesures sanitaires prises par le Gouvernement affectent très durement l’ensemble des secteurs culturels. Alors que la reprise s’engageait, le durcissement des mesures et l’instauration du couvre-feu, il y a quelques jours, ont à nouveau plongé le spectacle vivant et le cinéma dans une situation très difficile. Face à cette épreuve, le Gouvernement continue à prendre ses responsabilités. Le monde de la culture a déjà bénéficié de plus de 5 milliards d’euros de mesures d’urgence, dont 3,3 milliards d’euros de mesures transversales à tous les secteurs et 949 millions pour l’année blanche des intermittents. Pour que le secteur culturel puisse se projeter dans l’avenir, j’ai obtenu que le volet culturel du plan France relance mobilise une enveloppe exceptionnelle de 2 milliards d’euros pour lui apporter un soutien massif à partir du 1er janvier 2021.

Après un été difficile, il fallait donner de la visibilité au secteur culturel pour que l’activité reprenne. C’est pourquoi, à la rentrée, pour soutenir la reprise d’activité des salles de spectacles et de cinéma, nous avons créé un fonds de compensation des pertes d’exploitation dues à l’obligation de distanciation physique. Cent millions ont été mobilisés, auxquels s’est ajoutée une enveloppe de 5 millions au titre des dettes de droits d’auteur accumulées au cours de l’année 2020.

La seconde vague de la pandémie ayant conduit à durcir les mesures sanitaires et à instaurer un couvre-feu, le Gouvernement a renforcé les mécanismes de soutien en additionnant mesures de reprise d’activité et mesures de sauvegarde. J’ai ainsi annoncé jeudi dernier des mesures complémentaires exceptionnelles. En tout, 115 millions sont mobilisés. D’une part, 85 millions d’euros iront au spectacle vivant, dont 60 millions pour la musique, 20 millions au théâtre et 5 millions aux intermittents qui ne sont pas pris en charge par d’autres dispositifs. D’autre part, 30 millions iront au cinéma pour soutenir producteurs, distributeurs et exploitants. Ces moyens exceptionnels doivent permettre aux salles de spectacles et de cinéma de maintenir leur programmation et de s’adapter pour continuer d’accueillir le public dans le respect des restrictions sanitaires.

De plus, le Gouvernement proposera par voie d’amendements au projet de loi de finances pour 2021 de prolonger jusqu’au 1er semestre 2021 l’exonération de la taxe sur les spectacles pour alléger les charges des entreprises du secteur. Enfin, j’ai veillé à ce que les auteurs bénéficient d’un soutien renforcé.

J’en reviens au budget du ministère de la culture pour 2021. Plus de 1,1 milliard d’euros de moyens exceptionnels issus du plan de relance s’additionneront, pour cette première année de mise en œuvre, aux crédits des missions « Culture » et « Médias et industries culturelles » que vous examinez aujourd’hui. Cela permettra d’amplifier l’action que je mène pour réparer et refonder nos politiques culturelles. Ne nous y trompons pas : la crise sanitaire marque un tournant pour le monde de la culture. Elle ne cesse de bouleverser les conditions de vie et de création des acteurs culturels tout comme les pratiques de nos concitoyens. Elle révèle et exacerbe aussi certaines fragilités structurelles préexistantes dues à des mutations profondes qu’il est désormais impératif de prendre en compte pour faire que notre modèle culturel reparte sur des bases plus solides.

Les résultats de l’enquête passionnante sur les pratiques culturelles des Français montrent qu’il faut œuvrer au décloisonnement de la culture patrimoniale et de la culture numérique pour rendre la culture et les arts dans toute leur diversité encore plus accessibles à tous les publics. Au-delà des mesures financées par les crédits budgétaires, c’est l’un des objectifs de la stratégie d’avenir pour nos industries culturelles et créatives, dotée de 400 millions sur cinq ans dans le cadre du 4ème programme d’investissements d’avenir (PIA). Nous relèverons ce défi en plaçant les territoires et leurs habitants au cœur de nos politiques culturelles, en abordant la culture dans ce qu’elle a de plus intime pour les artistes, les créateurs et les citoyens qui aiment la culture et qui, je l’espère, seront de plus en plus nombreux. Les moyens inscrits dans les deux missions budgétaires soumis à votre examen nous permettent d’œuvrer en ce sens.

Commençons par la mission « Culture », dont tous les programmes, hors dépenses de personnel, connaîtront en 2021 une forte augmentation : à périmètre constant, elle sera de 4,6 % par rapport à 2020. Le patrimoine bénéficiera d’un budget de 1,015 milliard d’euros, en hausse de 4,4 %, soit 43 millions, auxquels s’ajouteront 345 millions d’euros issus du plan de relance. En investissant dans le patrimoine, nous souhaitons développer l’économie et renforcer l’attractivité et la cohésion des territoires. C’est l’objectif du plan de rénovation des musées territoriaux, doté de 52 millions d’euros sur deux ans – dont 6 millions provenant du plan de relance – et du soutien renforcé aux archives et à l’archéologie dont bénéficieront les équipements patrimoniaux dans les territoires.

Nous mettons également en œuvre, dès 2021, un vaste « plan cathédrales ». La hausse des crédits budgétaires pérennes qui lui est consacrée portera le financement structurel annuel à 50 millions d’euros, auxquels s’ajouteront, en 2021 et en 2022, 40 millions chaque année issus du plan de relance – soit, en tout, 180 millions d’euros sur deux ans. Ces moyens permettront de réaliser les nécessaires travaux de mise en sécurité et en sûreté et d’accélérer les projets de restauration. Le plan de relance apportera également un soutien essentiel à de nombreux autres projets de restauration de monuments historiques, notamment de monuments protégés appartenant à des collectivités territoriales et à des propriétaires privés. Il permettra aussi d’accélérer le chantier de la Cité de la langue française et de la francophonie dans le château de Villers-Cotterêts.

Articulé au plan de relance, le projet de loi de finances prévoit des financements visant à garantir la réalisation du programme de travaux de certaines grandes institutions nationales telles que les Archives nationales, le Centre Pompidou et aussi le Grand Palais dont j’ai choisi de réorienter le projet de restauration pour mieux garantir la maîtrise des coûts et des délais.

De même, nos grands opérateurs de la création bénéficieront, grâce au plan de relance, d’un accompagnement exceptionnel, et 15 millions d’euros de mesures nouvelles permettront de poursuivre les grands projets engagés en 2019 tels le relogement du Centre national des arts plastiques à Pantin et les investissements visant à équiper les deux scènes de l’Opéra de Paris.

Le programme Création connaît également une forte augmentation de 4,5 %. Cet accroissement renforcera le soutien à la création, la production et la diffusion artistique dans le domaine du spectacle vivant et des arts visuels. À ces 37 millions d’euros de mesures budgétaires nouvelles s’ajouteront 320 millions issus du plan de relance. L’une des priorités est de mieux accompagner les établissements de création régionaux. Le budget 2021 consacre 15 millions d’euros à la restauration et à la consolidation des marges artistiques des labels et au soutien aux compagnies artistiques ; l’État atteint ainsi ses niveaux d’engagement aussi bien dans le domaine du spectacle vivant que pour les arts visuels. Les mesures du plan de relance soutiendront leur programmation et financeront des chantiers de rénovation dans ces établissements.

Le spectacle vivant sera également fortement soutenu grâce au renforcement des moyens du Centre national de la musique (CNM). Les 7,5 millions d’euros supplémentaires dans le programme 334 Livre et industries culturelles assurent le respect de la trajectoire triennale fixée l’an dernier pour cette nouvelle structure. En outre, le CNM recevra une dotation exceptionnelle de 200 millions d’euros dans le cadre du plan de relance, afin qu’il joue un rôle moteur dans la reprise de toute la filière musicale.

Les dispositifs fiscaux que vous avez votés – prorogation du crédit d’impôt spectacle vivant, dont les critères ont été assouplis, et création du crédit d’impôt théâtre qui approfondit le dispositif que vous aviez fait adopter dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative – permettront aussi de soutenir l’activité des salles de spectacles.

Une autre priorité est de renforcer le soutien aux artistes et aux créateurs, en particulier ceux qui n’entrent pas dans le champ des dispositifs de soutien transversaux décidés en raison de la crise sanitaire. À cette fin, le projet de loi de finances complète les dispositifs du plan de relance, notamment le plan de commandes artistiques, doté de 30 millions d’euros.

Le Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) bénéficiera de 5 millions d’euros supplémentaires visant à réduire la précarité des artistes et des techniciens intermittents, et 2 millions d’euros seront mobilisés pour mettre en œuvre de premières mesures à destination des artistes-auteurs. Je mène les échanges lancés avec les organisations défendant les intérêts des artistes-auteurs afin de peaufiner la feuille de route que suivra le ministère pour mettre en œuvre des mesures tangibles.

La mission « Culture » contient également le nouveau programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Reprenant les actions 1, 2 et 9 du programme 224, il concerne donc l’enseignement supérieur culturel, l’accès à la culture et la politique linguistique. À périmètre constant, ce programme bénéficiera en 2021 de 46 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit une très forte hausse de 8,5 %. J’ai créé une nouvelle délégation au sein du ministère, qui sera chargée de ces moyens à dater du 1er janvier prochain ayant rang de direction d’administration centrale ; elle assurera le pilotage transversal de notre action en ce domaine. Cela renforcera nos liens avec les autres ministères, particulièrement les ministères chargés de la cohésion des territoires, de l’Éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

L’année prochaine, nous amplifierons l’action que nous menons pour atteindre notre objectif du « 100 % éducation artistique et culturelle (EAC) », en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports et les collectivités territoriales. La hausse de 20 millions d’euros des crédits du Pass culture permettra de développer cet outil, qui devra évoluer pour mieux répondre à ses objectifs. Il faudra améliorer son articulation avec la fin du parcours d’EAC et favoriser la diversification des pratiques culturelles des jeunes gens qui s’y sont inscrits.

Notre politique d’accès à la culture dans tous les territoires bénéficiera également de moyens supplémentaires. Ils permettront notamment d’accompagner la première « Capitale française de la culture », qui sera désignée en 2021. Ce nouveau label, doté d’un million d’euros financés à parité par le ministère de la culture et par la Caisse des dépôts, distinguera tous les deux ans l’innovation artistique et l’attractivité d’une ville ou d’un groupement de collectivités de 20 000 à 200 000 habitants.

D’autre part, les États généraux des festivals que j’ai lancés il y a quelques semaines en Avignon et auxquels certains d’entre vous ont participé ont permis d’engager une concertation entre acteurs culturels visant à mieux accompagner ces manifestations qui jouent un rôle de premier plan dans la dynamisation de nos territoires. Les festivals bénéficieront également du prolongement du Fonds festival financé par le plan de relance.

Parce qu’il est essentiel de continuer d’accompagner les créateurs de demain, l’enseignement supérieur culturel sera aussi l’objet d’une attention particulière en 2021. Il bénéficiera d’une augmentation budgétaire importante – 3,3 % – après des années de stagnation. Cette hausse vise à améliorer les conditions d’études et de vie des étudiants de ces écoles, renforcer les mesures d’accompagnement de la vie étudiante, favoriser l’insertion professionnelle. À ces mesures s’ajoutera un plan exceptionnel de modernisation des écoles de l’enseignement supérieur culturel ; doté de 70 millions d’euros, il est financé dans le cadre du plan de relance.

La hausse de 3,2 % des crédits de la mission « Médias et industries culturelles » a pour objectif, en complément du plan de relance, de consolider et de moderniser les filières culturelles dont les fragilités structurelles se sont révélées ou accusées en raison de la crise. Ainsi la presse bénéficiera-t-elle d’un très ambitieux plan de filière doté de 483 millions d’euros sur trois ans, dont le financement repose sur la troisième loi de finances rectificative pour 2020, le projet de loi de finances pour 2021, le projet de loi de finances pour 2022 et le plan de relance. Présenté fin août par le Président de la République, ce plan de développement et de modernisation prévoit également la création de nouvelles aides au pluralisme financées par des mesures budgétaires pérennes inscrites dans le budget 2021. Une aide destinée aux services de presse en ligne d’information politique et générale, à raison de 4 millions d’euros par an, et une aide destinée à la presse ultramarine, à hauteur de 2 millions par an, seront instituées.

Le secteur du livre bénéficiera d’un plan de 89 millions d’euros sur trois ans financé par la loi de finances rectificative et le plan France relance ; il permettra en particulier de soutenir l’activité des librairies et des bibliothèques. À ces moyens exceptionnels s’ajoutent les crédits inscrits dans le projet de loi de finances, qui permettront notamment de financer l’achèvement du chantier de restauration de la Bibliothèque nationale de France (BnF). L’ouverture de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement permettra aussi à la BnF de lancer la construction d’un nouveau centre de stockage, qui devrait être utilisable d’ici 2027 ; les candidats sont nombreux.

Les filières cinématographique et audiovisuelle bénéficieront également, dans le cadre du plan de relance, d’un plan de 165 millions d’euros ; celui-ci vise à permettre la reprise et à engager la modernisation de l’ensemble de ces acteurs.

Le financement de l’audiovisuel public respectera la trajectoire engagée en 2018. L’effort d’économie de 80 millions demandé aux sociétés de l’audiovisuel public dans le cadre d’une ambitieuse stratégie de transformation a été réduit de 10 millions d’euros pour tenir compte de la prolongation jusqu’à l’été 2021 de la diffusion linéaire de France 4. La concordance des chiffres est une simple coïncidence, mais le plan de relance accordera à l’audiovisuel public un soutien financier exceptionnel de 70 millions d’euros pour compenser l’impact de la crise sanitaire et préserver sa capacité à investir dans la création.

Je sais que votre commission – singulièrement son président – porte une grande attention à l’avenir de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), étant donné la suppression complète, à l’horizon 2023, de la taxe d’habitation, son support de collecte. Le rapport que vous avez sollicité à ce sujet mérite d’être plus abouti pour alimenter la réflexion collective que nous devons mener sur ce sujet d’extrême importance. Avec le ministre chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, et votre président, nous proposons donc de lancer un travail parlementaire pour approfondir la question en étudiant les hypothèses envisageables et en mesurant l’impact et la faisabilité technique et politique de chacune.

Je salue les travaux déjà menés par le Parlement à l’occasion de la transposition de la directive Services de médias audiovisuels dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. Ces travaux ne sont pas achevés, mais les votes sur l’article 24 ter du projet de loi montrent une volonté transversale unanime d’intégrer les plateformes numériques ciblant le public français à notre système de contribution à la création.

Parallèlement, les concertations avec les professionnels permettent de travailler aux modalités de mise en œuvre de cette réforme dans le cadre de la révision du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande, qui devrait être achevée au début 2021. C’est la première étape, essentielle, du rééquilibrage de notre système de financement de la création. Il passera également par la révision du décret fixant la contribution des chaînes historiques à l’issue de négociations professionnelles, et par l’adaptation de la chronologie des médias, dans un enchaînement logique.

D’autres mesures figuraient dans le projet de loi relatif à l’audiovisuel que votre commission a examiné en mars dernier. Je souhaite que des dispositions prioritaires très attendues par le secteur fassent l’objet d’une traduction législative dès que cela sera possible, en particulier celles qui concernent la lutte contre le piratage et l’évolution de la régulation. Aussi ai-je proposé au Premier ministre d’élaborer un nouveau projet de loi très resserré, tenant compte du travail déjà effectué. Dans les circonstances actuelles, il n’est pas possible de reprendre l’ensemble des dispositions figurant dans l’ambitieux projet de loi initial, mais il est indispensable qu’un texte législatif nous permette d’adapter à la transformation rapide et de ses acteurs et des usages les règles qui encadrent ce secteur.

Telles sont les orientations qui guideront l’action de mon ministère au long de l’année prochaine et que reflète le budget soumis à votre examen. Doté de moyens nouveaux, ce budget est à la hauteur des attentes des professionnels de la culture et du grand public et tient compte des innombrables défis que nous devons relever. C’est un budget de responsabilité, construit en complémentarité avec le plan de relance afin de mettre en œuvre une action globale pour conforter et parfois sauver notre modèle culturel.

M. le président Bruno Studer. Madame la ministre, je vous remercie. Nous passons à la discussion générale sur la mission « Culture ».

Mme Valérie Bazin Malgras, rapporteure pour avis des crédits de la mission « Culture ». Je remercie toutes les personnes que j’ai auditionnées pour leur disponibilité et la qualité de nos échanges. Vous l’avez souligné, madame la ministre, la crise sanitaire frappe très durement le monde de la culture, dont les pertes se chiffrent en milliards d’euros. Le spectacle vivant aurait perdu 7 milliards d’euros, soit 72 % de son chiffre d’affaires, le patrimoine et les arts plastiques et visuels plus de 30 % du leur. Il est juste de reconnaître que l’État a joué son rôle d’amortisseur de la crise, aussi bien pour ses opérateurs que pour le secteur subventionné et le spectacle vivant privé.

Pour la partie du plan de relance qui me concerne – patrimoine, spectacle vivant, arts visuels et enseignement artistique –, les autorisations d’engagement atteignent un milliard d’euros ; toutefois, une bonne partie de ces crédits n’a pas sa place dans ce plan. Ainsi, des montants très importants visent à combler les déficits d’exploitation des grands opérateurs de l’État ; ces dépenses sont nécessaires, car nous n’allons bien sûr pas laisser couler le château de Versailles ou l’Opéra de Paris, mais devraient plutôt figurer dans la mission « Culture ».

D’autre part, je regrette que l’on ne consacre pas davantage de moyens à la restauration des monuments historiques que possèdent les collectivités territoriales et les propriétaires privés : seulement 40 millions d’euros sur deux ans sont prévus à cette fin. C’est dommage, non seulement parce que l’entretien des monuments historiques sert la délectation de tous – « Il y a deux choses dans un édifice », a écrit Victor Hugo, « son usage et sa beauté ; son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde » – mais aussi parce que des crédits supplémentaires seraient dépensés rapidement sur tout le territoire et contribueraient à la relance en maintenant l’activité du bâtiment et des métiers d’art. J’ai auditionné deux propriétaires de châteaux de ma circonscription et le maire d’une toute petite commune : leurs projets de restauration n’attendent que des crédits.

Hors plan de relance, les crédits de la mission « Culture » s’élèvent à 3,2 milliards d’euros ; ils rattraperont donc en 2021 leur niveau de 2010. Dans le programme Patrimoines, deux grands projets pèsent lourd dans la programmation pluriannuelle des crédits.

Le château de Villers-Cotterêts a été laissé dans un état de délabrement par la Ville de Paris qui y a logé jusqu’en 2014 un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Je me réjouis que l’on rénove ce château de la Renaissance mais je suis frappée par les moyens disproportionnés qui lui sont consacrés. Le projet initial fixait un investissement de 110 millions d’euros ; le plan de relance prévoit 100 millions supplémentaires, dont 25 millions compensent le fait que l’État n’a pas trouvé de mécène pour ce projet et 75 millions l’absence d’investisseur privé pour restaurer et exploiter les communs. Convenez que cela sème le doute sur l’ambition initiale de ce grand projet présidentiel…

Ensuite, vous avez décidé, madame la ministre, de revoir les ambitions premières du projet pharaonique de rénovation du Grand Palais. Vous avez eu raison. Il est toutefois très étonnant que le nouveau projet soit présenté avec le même budget de 466 millions d’euros. D’autre part, chaque année des crédits manquent par rapport à la programmation pluripluriannuelle. Les crédits inscrits dans le projet annuel de performances sont insuffisants et des crédits supplémentaires sont consommés en cours d’exercice au détriment d’autres actions du programme Patrimoines. Le principe de sincérité budgétaire est mis à mal. Où ont été pris les crédits nécessaires pour le Grand Palais en 2020 et où le seront-ils en 2021 ?

Pour le programme Création, je ne rappellerai pas l’ensemble des dispositifs mis en œuvre pour aider le spectacle vivant à surmonter la crise, notamment par le biais du CNM et de l’Association pour le soutien au théâtre privé, mais j’insiste sur la nécessité de maintenir les aides d’urgence en 2021 aussi longtemps que l’activité ne pourra reprendre normalement.

Je me réjouis de l’adoption de l’amendement créant un « crédit d’impôt théâtre » lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances ; j’espère que les cabarets seront intégrés dans son périmètre, ou dans celui du « crédit d’impôt spectacle vivant musical ». D’autre part, le déséquilibre est frappant entre les moyens accordés au spectacle vivant et ceux qui vont aux arts plastiques. Certes, le spectacle vivant est plus directement touché par le confinement, les mesures de distanciation et le couvre-feu, mais les artistes plasticiens subissent l’annulation des expositions et ne bénéficient pas d’un régime d’assurance chômage.

Enfin, le Pass culture semble être passé au second plan. Le confinement a malheureusement été ordonné au moment où ce dispositif devait être étendu à de nouveaux départements dont le mien, ce dont je me réjouissais. J’observe un changement d’orientation du Gouvernement : après avoir annoncé la généralisation du Pass culture, vous semblez vous rétracter et modifier ses modalités d’attribution et son montant ; je le déplore.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce budget, et je vous renvoie à la lecture de mon rapport. Pour les raisons que j’ai exposées, je m’abstiendrai lors du vote des crédits de la mission Culture.

Mme Dominique David, rapporteure spéciale de la commission des Finances pour les programmes Création, Transmission des savoirs et démocratisation de la culture et Soutien aux politiques du ministère de la Culture. La culture est l’un des secteurs qui payent le plus lourd tribut à la crise sanitaire et chaque jour les perspectives de retour à la normale s’assombrissent davantage pour ces activités, dans un pays qui porte en étendard son exception culturelle et qui donne depuis le siècle des Lumières une place centrale à la culture comme facteur d’émancipation. Cette situation nous oblige – et les moyens sont là, dans le projet de loi de finances. Les crédits des trois programmes relevant de mon rapport augmentent de 4,5 % et à cette hausse significative s’ajouteront en 2021 les 228 millions d’euros en crédits de paiement du plan de relance, soit presque 16 % des crédits budgétaires des programmes. L’effort est considérable. Pour le spectacle vivant et les arts visuels, le programme Création augmente de 37 millions d’euros pour soutenir les dépenses d’investissement, les réseaux artistiques dans les territoires et le FONPEPS, porté de 17 à 22 millions d’euros.

Dans le plan de relance, 168 millions d’euros en crédits de paiement sont ouverts pour la création ; 82 millions, soit 60 % du total, visent à venir en aide aux opérateurs publics. Une nouvelle fois, les crédits de soutien à la culture vont de façon prépondérante aux grands établissements parisiens. C’est évidemment essentiel en ce moment, mais ils sont très peu, ou pas du tout, financés par leurs collectivités territoriales alors que l’inverse est la règle partout ailleurs. En particulier, une participation, même faible, de la Ville de Paris et de la région Îlede-France aux crédits nécessaires pour couvrir l’Opéra de Paris en difficulté ne serait-elle pas nécessaire ? Toujours pour relancer la création, 53 millions d’euros aideront les structures du spectacle vivant labellisé ou privé, 10 millions d’euros seront alloués à la transition écologique et 33 millions permettront d’engager un plan de commande publique et de mesures d’urgence pour les artistes.

Les crédits du programme 361 augmentent de 8 %, ce qui traduit la priorité donnée à la transmission des savoirs et la démocratisation culturelle. La nouvelle délégation qui sera chargée de le gérer aura une attention particulière pour les territoires ; je m’en félicite.

On note que 20 millions d’euros supplémentaires sont alloués au Pass culture ; sa généralisation est-elle actée ? Des campagnes de communication sont-elles prévues pour faire mieux connaître ce dispositif ?

Concernant l’enseignement supérieur culturel, les engagements pris lors de la réforme des écoles d’architecture selon lesquels leurs capacités de recherche seraient augmentées n’ont été tenus ni par le ministère chargé de la recherche ni par le ministère de la culture. Cinq postes seulement sont ouverts dans la mission « Culture » au lieu des quinze prévus chaque année ; ne pourrions-nous ouvrir dix postes supplémentaires au programme 224 pour les écoles d’architecture ?

Enfin, les festivals, qui jouent un rôle structurant pour les territoires, sont pour certains l’objet de tentatives de rachat. Je sais que la commission des Affaires culturelles est attentive au risque de concentration : comme dans d’autres secteurs économiques, il met en jeu notre souveraineté. Ne faut-il pas concevoir des instruments financiers ou réglementaires propres à contrer ce risque ?

M. Raphaël Gérard. La période de confinement due à la pandémie a rendu visible ce que nous savions : la culture est essentielle pour affronter l’épreuve de la solitude et du repli sur soi. Nos concitoyens y ont vu un refuge, une fenêtre sur le monde, l’écrin de toutes les pratiques qui, comme l’écrivait Andrée Chedid, ont « ancré l’espérance aux racines de la vie ». Mais voilà : le secteur culturel est menacé d’effacement par un coronavirus qui décourage toute forme de rassemblement et de sociabilité. Dans ce contexte, le budget que nous examinons conditionne la survie de pans entiers de notre vie culturelle, tout en confirmant les priorités dégagées depuis le début du quinquennat.

Je salue l’augmentation sensible du budget alloué à la conservation et à la restauration des monuments historiques, en hausse de 4,22 % pour 2021. C’est la marque de l’engagement constant du Gouvernement en faveur du patrimoine historique. Les porteurs de projet souhaitent avoir une vision claire du niveau des crédits disponibles pour pouvoir engager des travaux qui s’étalent le plus souvent sur plusieurs années. Cet investissement massif permettra de soutenir, partout, l’activité de petites et de très petites entreprises et de sauvegarder des savoir-faire indispensables à la préservation de notre bien commun.

Je salue la montée en puissance du fonds incitatif et partenarial en faveur des monuments historiques des petites communes (FIP). Ces 5 millions de crédits de paiement supplémentaires témoignent de l’attention particulière portée à la ruralité. Ils tendent à pallier la difficulté qu’éprouvent les porteurs de projets à boucler le tour de table financier. J’appelle votre attention, madame la ministre, sur le besoin patent d’assistance à la maîtrise d’ouvrage. Il ressort de la mission flash que ma collègue Emmanuelle Anthoine et moi-même avons conduite que de nombreuses petites communes ne disposent pas de l’ingénierie nécessaire pour constituer les dossiers de demande d’autorisation de travaux ou suivre leur réalisation. Aussi, pour prévenir la sous-consommation de crédits qui entraîne le report ou l’annulation de certaines opérations, conviendrait-il de développer à titre expérimental des conventions d’assistance à maîtrise d’ouvrage gracieuse.

Je me félicite du renforcement du budget consacré au plan « sécurité » des cathédrales. Cet effort montre que Gouvernement tient compte des besoins d’entretien de plusieurs édifices emblématiques, la cathédrale de Chartres par exemple.

Pour en finir avec le programme Patrimoines, je souligne la hausse de près de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement du soutien au patrimoine des musées de France, très éprouvés par la crise sanitaire et dont beaucoup ont su réinventer avec succès leur politique de consultation numérique – j’en veux pour preuve les dix millions de visiteurs du site internet du musée du Louvre, soit autant que de visiteurs physiques en un an.

Je me félicite aussi du soutien accru à la création et la diffusion du spectacle vivant : près de 12 millions d’euros de mesures nouvelles au bénéfice de labels et de réseaux en région, en complément de mesures sectorielles exceptionnelles. Cet effort dit la volonté du Gouvernement d’assurer la survie d’une filière irremplaçable mais déjà fragilisée avant la crise. Je me réjouis aussi de la hausse de près de 18 % en crédits de paiement du budget alloué à la création, la production et la diffusion des arts visuels. C’est une excellente nouvelle pour les artisans et les métiers d’art, trop souvent oubliés et dont le chiffre d’affaires s’est effondré. La crise économique provoque un risque de pertes de compétences qu’il faut prévenir.

Enfin, l’amplification de la dynamique d’accès des jeunes à la culture se traduit par les 20 millions d’euros de crédits supplémentaires alloués au Pass culture, mais la forme actuelle de l’expérimentation nuit à la lisibilité du dispositif et à sa pleine utilisation.

Pour toutes les raisons dites, le groupe La République en marche votera en faveur de ce budget.

Mme Constance Le Grip. Le groupe Les Républicains prend acte de l’augmentation du budget du ministère de la culture pour 2021. Cependant, nous avons cru noter le transfert dans ce budget de 111 millions d’euros relatifs à la recherche culturelle qui figuraient précédemment dans la mission « Recherche » ; si tel est bien le cas, l’augmentation réelle serait « seulement » d’une centaine de millions d’euros.

Concerts, spectacles, théâtres, opéra, danse, cabarets, cinémas, festivals, visites de musées et de monuments, tournées internationales… la liste est longue, trop longue, des sacrifiés que la prolongation de la crise sanitaire met au défi de survivre. Comme vous, madame la ministre, nous avons regretté, au moment où s’abattait la première décision de couvre-feu, qu’un assouplissement horaire ne soit pas retenu pour les activités culturelles, et nous avons compris que l’arbitrage de Matignon n’avait pas été favorable à cette exception. Le pire se présente peut-être à nouveau au monde culturel, auquel je rends hommage. De très nombreux acteurs culturels ont montré d’innombrables ressources d’adaptation, se réinventant, faisant flèche de tout bois pour maintenir le lien avec leur public dans le strict respect des protocoles sanitaires, recourant davantage aux technologies numériques… La créativité et l’esprit de responsabilité sont bien là – mais c’est avant l’éventuel reconfinement. L’aide de l’État a évité que trop d’acteurs du monde culturel sombrent, mais les défis à relever sont considérables, et il nous faudra les accompagner très longtemps.

Je salue l’augmentation des crédits du programme Patrimoines mais je déplore le déséquilibre persistant entre les crédits consacrés aux grandes institutions de la région parisienne et ceux qui vont au patrimoine, classé ou non, appartenant aux collectivités locales ou à des propriétaires privés. Bien des familles politiques, lors des discussions budgétaires successives, ont présenté des amendements visant notamment à accompagner les propriétaires privés qui doivent faire face à la gestion d’un monument historique, mais ils n’ont malheureusement pas été retenus.

Enfin, pouvez-vous nous en dire davantage sur l’évolution possible du Pass culture et sur le plan de commande publique ?

Mme Sophie Mette. La crise sanitaire et économique a eu un impact colossal sur le secteur : le chiffre d’affaires du secteur culturel marchand baissera en 2020 de 25 % par rapport à 2019 et les opérateurs enregistrent une perte nette de 500 millions d’euros. Les effets de cette crise seront encore perceptibles l’année prochaine et bien au-delà. Le budget 2021 apporte une réponse à la hauteur de ces pertes alarmantes. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés constate que des moyens sans précédent visent à soutenir les priorités culturelles du plan de relance : 138 millions d’euros renforceront le budget de 2020 ; nous saluons cette augmentation de 4,5 %.

Pour le secteur de la création, les efforts fournis pour l’audiovisuel sont satisfaisants, bien qu’ils apparaissent majoritairement dans les concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ». Un soutien est également apporté aux lieux de production et des aides sont attribuées aux galeries, par le biais du Centre national des arts plastiques (CNAP), ainsi qu’aux éditeurs et aux producteurs audiovisuels. Cet effort participe de la politique d’aide aux artistes et aux entreprises de la création à laquelle nous tenons car elle favorise la diversité du champ des arts visuels ; elle répondra, nous l’espérons, aux craintes de ces professionnels.

Nous nous félicitons de la place faite au patrimoine. Des fonds d’une ampleur inédite sont mobilisés pour la restauration des monuments qui font notre histoire commune et pour favoriser les investissements essentiels des collectivités et des opérateurs. Des lieux emblématiques sont concernés ; il en va de la grandeur de la France et nous nous réjouissons de l’augmentation des crédits de paiement consacrés au château de Versailles et au Grand Palais. L’année 2021 marque aussi une étape pour l’établissement public chargé de la conservation de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui devra consolider l’emploi et la gestion de ses ressources ; voilà qui s’articule avec le « plan cathédrales ».

Des objectifs respectables sont fixés pour la démocratisation de l’accès à la culture. Mais si les fonds alloués aux actions 1 et 2 augmentent, les crédits destinés à la diffusion de la langue française restent stables, à 3,2 millions d’euros. Les députés démocrates rappellent l’importance du soutien à la francophonie ; partout, notre langue porte nos valeurs humanistes, dont l’actualité nous rappelle cruellement combien nous avons besoin. Nous regrettons que ces crédits ne soient pas rehaussés, tout en saluant les efforts incontestables destinés à la restauration du château de Villers-Cotterêts en vue de l’aménagement de la Cité internationale de la langue française.

Un mot du programme « Soutien aux politiques du ministère de la culture » et particulièrement de l’action 6 – « Action culturelle internationale ». Mon groupe voit l’Europe de la culture comme le socle de l’unité de l’Union européenne. Pour cette raison, et parce que nous sommes convaincus que la culture demeure un secteur clef de l’économie française et européenne, notre groupe défendra aux côtés de l’eurodéputée Laurence Farreng le principe d’une relance culturelle pour l’Europe.

Pour finir, je souligne les efforts sans précédent réalisés dans le cadre du plan de relance, dont les crédits supplémentaires permettront de relancer le secteur du patrimoine, de donner un nouvel élan à notre modèle artistique et soutiendront comme il est nécessaire l’emploi artistique mis à mal par la persistance de la crise sanitaire.

Je salue ce budget juste et cohérent avec les objectifs du Gouvernement. Notre groupe votera ces crédits.

Mme Michèle Victory. Les quelque 80 000 entreprises et 635 000 emplois à titre principal du monde de la culture sont en grande souffrance. Déjà sonné par la première vague de la pandémie, le secteur était, avec le couvre-feu, au bord de la noyade. Pourtant, assumant ses responsabilités, il n’a été source d’aucune contamination, et il se bat pour soutenir ses filières, ses artistes, ses salariés, ses indépendants et ses intermittents, cette chaîne de métiers complexe et riche. Vous avez reconnu l’importance majeure de ce secteur en augmentant le budget et l’ensemble de ses programmes de 4,6 %. Avec le plan de relance, les mesures transversales et vos annonces récentes de soutien au spectacle vivant et au cinéma, l’attention que vous portez au monde de la culture est très significative ; elle était attendue.

Cependant, au regard de l’ampleur des pertes subies, nous redoutons que les augmentations prévues ne suffisent pas. Avec une perte de 22 milliards d’euros et une chute de chiffre d’affaires de 84 % pour le spectacle vivant – secteur qui compte à lui seul 218 000 emplois –, de 31 % pour les arts visuels et de 36 % pour le patrimoine, c’est d’une double stratégie que nous avons besoin : un plan de soutien et la consolidation des budgets.

Dans ce contexte, l’année blanche des intermittents sera-t-elle prolongée après août 2021 ? Certes, son financement ne concerne pas votre budget, madame la ministre, mais c’est à vous que revient, je l’espère, la délicate mission d’en préciser les contours.

D’autre part, au programme 131, il faut trouver un équilibre entre le soutien apporté aux grandes structures et opérateurs de l’État et les aides aux régions. Le rapport des dépenses du ministère dans ce domaine est de 139 euros dépensés par Francilien et de 15 euros pour les habitants des autres régions. Les grandes institutions qui mobilisent l’essentiel des moyens du budget de la culture jouent un rôle de médiation primordial, mais ces missions ne devraient pas peser sur les efforts en faveur des collectivités. Or, 126 millions d’euros sont fléchés vers ces opérateurs nationaux, au regard desquels les 3 millions de dotations qui vont à la création des quartiers culturels et créatifs, et les 40 millions sur deux ans alloués au fonds incitatif et partenarial en faveur des monuments historiques des petites communes ne nous paraissent pas suffisants.

Un soutien plus affirmé à l’emploi artistique pérenne serait nécessaire. Il s’agit autant de moyens supplémentaires que d’éligibilité et de restructuration du tissu d’emploi, et les 5 millions d’euros supplémentaires alloués risquent fort de ne pas suffire à sauver les milliers d’emplois menacés. Nous soutenons également la création d’un fonds équivalent pour les arts visuels ; ce secteur, qui ne bénéficie pas du FONPEPS, souffre depuis plusieurs années d’une sous-dotation chronique.

Et encore : il faut redéfinir les règles de financement de la commande publique pour rendre la politique du 1 % artistique plus efficiente. Dans leur grande majorité, les artistes auteurs vivent dans une précarité injustifiable. La création d’un centre national est évidemment attendue et il est urgent de remettre à plat l’économie d’un secteur où coexistent des situations complexes. Les dispositifs sociaux et fiscaux actuels, adossés au système économique de diffusion, négligent trop souvent le processus de création.

Une action affirmée doit être conduite en faveur des écoles d’art territoriales, qui n’ont toujours pas eu un début de réponse des ministères impliqués ; elles sont mentionnées dans le bleu budgétaire mais ne font l’objet d’aucune annonce et le traitement réservé aux professeurs de ces écoles est particulièrement discutable. D’autre part, qu’en est-il de la réforme des conservatoires ?

Enfin, nous soutenons la poursuite des politiques de démocratisation de la culture par le biais de l’éducation artistique et culturelle en dépit de ses insuffisances et de son effectivité relative. Il est bon de faire entrer l’art à l’école, de faire se rencontrer une œuvre, un artiste et un élève, mais à condition que nous ne nous contentions pas d’une seule rencontre et que nous sachions donner à nos jeunes les outils de cette transmission. À cet égard, nous regrettons la dépense de 59 millions d’euros affectée au Pass culture, dont plusieurs enquêtes montrent qu’il n’est utilisé que marginalement par les publics des milieux sociaux professionnels défavorisés
– je pense aux élèves de lycées professionnels et aux apprentis. Nous aimerions, madame la ministre, que vous plaidiez en faveur d’une autre vision du temps scolaire, avec une éducation artistique effective, intégrant les apprentissages fondamentaux, pour parvenir à corriger significativement les inégalités d’accès à la culture.

Eu égard à votre soutien sans faille à la culture, nous ne voterons évidemment pas contre ce budget.

M. Pierre-Yves Bournazel. Le secteur de la culture a été le premier touché par les conséquences de la pandémie et la reprise normale de l’activité à l’été 2021 demeure incertaine. La crise a conduit chacun à mesurer que la culture est une nécessité vitale. Elle donne un sens à nos vies et joue un rôle plus décisif que jamais à l’heure où l’obscurantisme et la barbarie frappent la République en son cœur en prenant pour cible un professeur qui enseignait la liberté de pensée et d’expression. Dans une période de crise économique menaçant la survie de nombreuses activités, l’enjeu est véritablement de protéger et de refonder notre modèle d’exception culturelle. Je me réjouis que le Gouvernement ait pris des mesures en ce sens, mesures sans précédent et sans équivalent dans le monde.

Une action concertée a été décidée pour répondre à l’urgence en faveur de celles et ceux qui créent, produisent, jouent et qui pour certains sont menacés de disparaître – intermittents, artistes, auteurs, TPE et PME, festivals, théâtres, musées, cabarets, salles de spectacles et cinémas. La décision de garantir une année blanche pour tous les intermittents a été un choix particulièrement fort ; l’activité partielle, la création du fonds de solidarité, les exonérations de charges pour les entreprises culturelles et les prêts garantis par l’État sont des aides transversales essentielles.

Le Gouvernement a aussi manifesté sa volonté de placer la culture au cœur de la relance en lui allouant 2 milliards d’euros des crédits affectés au plan France relance, qui s’ajouteront aux crédits nouveaux du ministère de la culture en 2021. Les moyens de la mission « Culture » augmenteront de 138 millions d’euros pour atteindre un total supérieur à 3,2 milliards en crédits de paiement. Cet effort budgétaire particulièrement sensible démontre l’ambition structurelle de votre ministère : mettre la culture au cœur du projet du Gouvernement. Nous nous réjouissons enfin des 115 millions d’euros nouvellement débloqués pour soutenir les filières du spectacle vivant et du cinéma.

Le groupe Agir ensemble mesure votre engagement aux côtés des acteurs culturels. Les chantiers de la culture sont nombreux, complexes et d’une importance capitale pour l’avenir de notre pays. Nous vous faisons confiance, madame la ministre, pour relever les défis à venir et nous vous y aiderons. Nous voterons ces crédits et nous comptons sur vous pour défendre haut et fort la culture en France.

Mme Béatrice Descamps. Alors que les acteurs et les lieux culturels sont en très grande difficulté financière, l’importance de la mission « Culture » est plus grande que jamais. Je rends hommage à toutes celles et ceux qui, des scènes nationales aux petites associations, mettent tout en œuvre pour continuer de faire vivre la culture. Au nom du groupe UDI et Indépendants, je salue la hausse des crédits et le soutien important du plan de relance au secteur, et les mesures décidées dans les départements concernés, comme le mien, par le couvre-feu. Il importe de maintenir notre exception culturelle et de soutenir un secteur pourvoyeur d’emplois et facteur de dynamisme pour nos territoires. À cet égard, l’important soutien du plan de relance au patrimoine est une bonne chose, comme la volonté de soutenir la programmation des institutions de spectacle en région – le groupe UDI et Indépendants a souvent demandé que l’offre culturelle ne se concentre pas à Paris. Il est important que l’égalité d’accès à la culture se retrouve dans le plan de relance.

Même si le Pass culture ne permet que des achats numériques limités, ne peut-on envisager de modifier ce dispositif pour inciter davantage les jeunes gens à lire, à aller au musée, au concert, au théâtre ? Le Pass peut être un moyen très efficace d’aider les salles de spectacle et autres lieux culturels à se relancer ; qu’en pensez-vous ? Dans la même veine, on estime que la fréquentation des lieux de culture par les écoliers restera en baisse en 2021. On comprend l’enjeu sanitaire, mais l’école est le seul lieu d’accès à la culture pour de nombreux élèves. Je soutiendrai donc un amendement visant à aider les écoles à revenir vers les lieux de culture ou à accueillir plus d’artistes, qui pourront ainsi poursuivre leur mission.

Je défendrai un autre amendement relatif au financement de la recherche culturelle. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche a été une première étape, et nous nous sommes réjouis de l’adoption de deux amendements sur l’orientation des budgets vers la recherche artistique ; nous espérons avoir votre soutien, madame la ministre.

Fin septembre 2020, la Cour des comptes a rendu un rapport sur la situation de l’établissement public de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris ; pourriez-vous nous éclairer sur la subvention attribuée par l’État au regard de l’article 9 de la loi du 29 juillet 2019 ? Le plan de relance alloue d’importants moyens au CNM ; quelle sera la nature de ses interventions ? De nombreux acteurs s’inquiètent de leurs pertes de billetterie ; le CNM a-t-il vocation à compenser ce type de pertes ?

Notre groupe salue les augmentations prévues dans le projet de budget et les ambitions du plan de relance. Nous abordons donc la discussion favorablement mais serons attentifs à vos réponses aux demandes d’éclaircissements que je viens de formuler.

M. Michel Larive. Le budget de la culture connaît une augmentation certaine, mais j’émets de sérieuses réserves sur ses orientations politiques. En premier lieu, bien que le constat de son inefficacité soit assez largement partagé, le Gouvernement hausse les crédits du Pass culture, présenté comme un moyen permettant aux jeunes gens d’avoir accès à toute l’offre culturelle existante et de découvrir de nouvelles activités culturelles, alors qu’il s’agit en réalité de donner un chèque de 500 euros aux jeunes âgés de 18 ans.

La médiation culturelle ne peut se réduire à un catalogue d’activités ou de produits culturels ; un accompagnement est nécessaire au risque, sinon, que s’amplifient les pratiques culturelles dominantes existantes, au détriment d’une nécessaire diversification. Pour l’heure, votre Pass profite essentiellement aux entreprises qui véhiculent le modèle d’une consommation de masse et participent à la marchandisation de la culture. Alors que tant d’artistes et d’auteurs sont en difficulté, sans parler des nombreux lieux de culture menacés de disparition, c’est un énorme gâchis. Vous semblez vous limiter à une approche consumériste de la culture quand nous aurions besoin de nouveaux outils pour soutenir la création et la diffusion culturelles, repeupler les déserts culturels et, surtout, ouvrir de nouveaux horizons à nos jeunes et aux catégories de la population qui en ont le plus besoin. Pour venir en aide aux professionnels du secteur culturel touchés de plein fouet, il aurait fallu supprimer le Pass culture ; j’avais déjà sollicité votre prédécesseur à ce sujet. Vous avez annoncé en juillet dernier qu’un bilan du dispositif était nécessaire avant de le généraliser. Cela semble en effet indispensable tant l’échec est patent ; je souhaite que vous précisiez votre propos à ce sujet.

D’autre part, votre volonté d’instaurer pléthore de labels ancre un peu plus votre vision mercantile de la culture : d’un côté les labels publicitaires, d’un autre côté le label derrière lequel se dissimulent des opérations marketing. Sous couvert de valoriser et de soutenir le dynamisme culturel des territoires fortement frappés par la crise sanitaire, vous favorisez la compétition des collectivités entre elles.

Enfin, après des années de baisse, les crédits alloués à l’archéologie préventive augmentent enfin, mais vous prévoyez que 6 à 8 % seulement des dossiers d’aménagement devront faire l’objet d’un diagnostic et que le nombre de fouilles ne devra plus concerner que 1,5 à 2 % des dossiers. Pourtant, en 2016, en dépit d’un budget nettement plus contraint, 10,5 % des dossiers avaient fait l’objet d’un diagnostic et 2,4 % environ de fouilles préventives. Les objectifs sont donc revus à la baisse et les emplois sous plafond stagnent sans revalorisation. Vous savez pourtant le manque de reconnaissance dont souffre la profession. L’écart est significatif entre le niveau de formation d’une majorité d’archéologues et leur rémunération. L’enquête publiée en mars dernier dans la revue Les Nouvelles de l’archéologie dresse un tableau inquiétant, soulignant qu’une grande partie de la profession vit dans la précarité – que vous prolongez.

Compte tenu de ces éléments, et sans inflexion budgétaire lors de la discussion des amendements, le groupe La France insoumise votera contre les crédits de cette mission.

Mme Elsa Faucillon. Nous sommes toutes et tous conscients que le secteur culturel est au bord du précipice et qu’il sera l’un de ceux qui mettront le plus de temps à se relever. Lors de l’annonce du couvre-feu, les demandes de dérogation pour la fréquentation des théâtres et des cinémas se sont multipliées mais vous les avez refusées. Il est on ne peut plus étrange de constater, quand on emprunte la ligne 13 du métro parisien à 22 heures, que les gens ont le droit de rentrer du boulot mais pas celui de s’arrêter, sur la même ligne, au musée d’Orsay, au Pathé-Wepler, au Cinéma des cinéastes ou au Théâtre 71 !

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne mésestime pas l’effort fourni dans le cadre du plan de relance et du budget 2021 de la culture, mais ces crédits ne tiennent pas suffisamment compte de l’ampleur des difficultés menaçant l’écosystème de la culture alors que la crise se prolonge. Pourtant, madame la ministre, vous pensez certainement comme nous que le partage et la transmission des savoirs sont indispensables à l’émancipation des individus, qu’une actualité malheureuse nous invite à déployer complétement.

Une petite musique déplaisante court, laissant à penser que la culture se relèverait d’elle-même une fois que la vie économique aura repris son cours dit normal. Je ne crois pas à cette théorie. La culture doit toujours être envisagée comme un vecteur et non comme une marchandise semblable aux autres. Nous nous inquiétons de l’efficacité des efforts consentis au regard de l’ampleur du désastre, d’autant que la lisibilité et l’articulation des aides, mêlant les mesures d’urgence, le volet Culture du plan de relance et le budget pour 2021 ne sont pas d’une parfaite limpidité, particulièrement dans le domaine de la création. Par exemple, sur quelle ligne seront financées les commandes publiques exceptionnelles annoncées par le Président de la République ?

Nous nous interrogeons aussi sur la pertinence du Pass culture qui occupe encore une place centrale dans ce budget. On ne mesure toujours pas l’impact réel de ce dispositif, mais il est avéré qu’il sert pour partie à financer des services qui sont déjà plébiscités et qu’il est parfois détourné pour acheter et revendre, toutes choses que nous avions anticipées lors de sa création et sur lesquelles nous avions alerté. Les 20 millions d’euros supplémentaires qui lui sont consacrés aggraveront-ils les défauts du Pass culture ou serviront-ils à une réorientation nécessaire ?

Le sort des bibliothèques est très préoccupant. Dans ma circonscription, leur place est centrale dans l’environnement éducatif des enfants et un travail formidable y est réalisé. Or, six mois après le déconfinement, on a du mal à faire revenir les familles et, dans certaines villes, les bibliothèques ne sont plus accessibles aux scolaires, ce qui complique d’autant le travail de médiation et d’encouragement à la lecture des enseignants. Quelle stratégie est déployée pour maintenir l’accès aux livres et l’accompagnement à la lecture ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Trois éléments nous réunissent. C’est d’abord le diagnostic partagé de la crise dramatique que traverse le secteur culturel. C’est aussi le consensus qui prévaut sur le rôle irremplaçable que joue la culture. C’est encore l’hommage rendu à la plasticité des acteurs culturels, au fait que toutes et tous se sont efforcés d’adapter leurs pratiques pour ne pas se comporter comme de simples assistés, attendant des aides absolument indispensables mais surmontant autant que faire se peut les difficultés. Tous, aussi, avec des regards différents, avez salué l’augmentation exceptionnelle des crédits de la culture. Longtemps parlementaire, je sais le jeu obligé des majorités et des oppositions pour soutenir ou ne pas soutenir un budget, mais enfin vous avez tous souligné la réalité d’une hausse inédite.

Je répondrai pour commencer aux rapporteurs, et mes explications et précisions répondront aussi à certaines questions posées par les orateurs des groupes. Qu’en est-il de la répartition des crédits entre les monuments historiques appartenant à l’État et ceux qui appartiennent à des collectivités territoriales ou à des personnes privées ? Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit d’allouer plus de 170 millions d’euros à des monuments n’appartenant pas à l’État, plus 5 millions en crédits de paiement, soit 55 % du montant total des crédits monuments historiques hors grands projets et 70 % des crédits monuments historiques déconcentrés ; les crédits qui leur sont affectés dans le cadre du plan de relance sont de 40 millions d’euros. Mon expérience me fait dire que, contrairement à ce que l’on croit, ces crédits seront peut-être difficilement consommés. En effet, ils ne correspondent pas à l’ensemble de la dépense envisagée : ils ont un effet incitatif, mais la volonté des propriétaires, publics ou privés, d’engager ces opérations ne suit pas toujours.

La restauration du château de Villers-Cotterêts est une opération de grande envergure. Propriété de l’État classée au titre des monuments historiques et dont l’état de conservation est dramatique, la rapporteure pour avis l’a souligné, ce château a été confié au ministère de la culture en 2017 puis au Centre des monuments nationaux en mars 2018. L’estimation du coût de la restauration est passée à 185 millions d’euros. Le plan de financement prévoit 55 millions d’euros du ministère de la culture, 30 millions d’euros du programme d’investissement d’avenir, 100 millions d’euros du plan de relance dont 10,7 millions de crédits de paiement en 2021. Il faut restaurer un château royal de la Renaissance, monument historique de première importance. Son attrait retrouvé irriguera le sud de la région des Hauts-de-France, particulièrement défavorisé.

On sait combien un grand monument, au-delà de son aspect patrimonial, participe de l’animation d’une région. Les grands équipements culturels font la fierté de ceux qui vivent dans une région qui a souvent été abandonnée ; cet effet – la revalorisation d’un territoire – a été précisément décrit par des urbanistes et des architectes. Le projet de création de la Cité internationale de la langue française n’est pas encore tout à fait affiné mais il est extraordinaire. La restauration et l’aménagement du château prévus d’ici 2022 permettront de déployer le projet culturel et scientifique. La crise sanitaire a provoqué la suspension des fouilles ; elles ont repris. Ce retard, comme il est de coutume, a entraîné un surcoût, mais le plan de financement du projet est bouclé, si bien que la Cité de la francophonie fonctionnera.

L’effondrement du mécénat a été critiqué. Ce n’est pas, hélas, le seul projet dans lequel le mécénat est déficient, mais comment reprocher à des opérateurs privés de l’avoir considéré comme une variable d’ajustement alors qu’ils affrontent une crise économique dure ? C’est un fait : certains projets ont été engagés avec la perspective d’un mécénat possible et cette possibilité s’est asséchée.

Vous m’avez interrogée sur le nouveau plan de rénovation du Grand Palais. Ce monument emblématique immense – on ne le sait pas toujours, mais sa superficie est supérieure à celle de Versailles – exige, sauf à ce qu’il s’effondre, d’importants travaux de restauration, de mise aux normes et d’aménagement. J’ai décidé de réorienter le projet de restauration défini en 2016 en privilégiant une vision plus écologique et plus économique. Le projet dit du Nouveau Grand Palais consiste à rénover ce monument historique très dégradé et à y assurer la tenue des épreuves des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 prévues pour s’y dérouler. Il respecte strictement l’enveloppe financière initialement fixée de 466 millions d’euros, qui avait dérivé d’une centaine de millions. Le nouveau projet est plus sobre et plus sûr. Les terrassements visant à créer en sous-sol une très grande plateforme sont abandonnés ; les démolitions et les constructions sont limitées, les éléments d’origine et les aménagements les plus structurants, notamment ceux qu’avait réalisés Pierre Vivien sous l’égide d’André Malraux, sont conservés. La restauration, non prévue au départ, des façades et de la statuaire est intégrée dans le budget imparti : ceux d’entre vous qui sont allés se promener au droit du Grand Palais auront remarqué que des filets empêchent les éléments architecturaux de leur tomber sur la tête…

Le projet révisé tient compte du nouveau contexte sanitaire et le projet artistique et culturel devra traduire la nouvelle ambition. Je tiens à votre disposition le dossier des cabinets d’architectes qui interviendront. Le plan de financement, inchangé, se décompose comme il suit : crédits budgétaires de 123 millions d’euros ; subvention du programme d’investissements d’avenir de 160 millions d’euros ; emprunt bancaire souscrit par la Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMN-GP) de 150 millions d’euros remboursables en vingt-cinq ans de janvier 2025 à 2049 ; mécénat Chanel à hauteur de 25 millions d’euros ; partenariats et ressources propres d’Universcience pour 8 millions d’euros. Sur la durée du projet, le programme 175 Patrimoines apportera 97 millions d’euros, un effort très significatif. Les 466 millions d’euros prévus comprenant une réserve de précaution de 30 millions d’euros, on passera donc d’un projet qui, maintenu dans son état initial, aurait coûté quelque 560 millions, à une version nouvelle, véritablement plus économe, avec un coût de 436 millions.

J’en viens à l’équilibre entre spectacle vivant et arts visuels. La crise sanitaire a eu un impact dévastateur sur le spectacle vivant ; selon les conclusions de l’étude du ministère, il aura perdu 72 % de son chiffre d’affaires en 2020 ; c’est le secteur le plus gravement affecté, et il le sera davantage encore avec le couvre-feu. Le chiffre d’affaires du secteur des arts visuels a aussi chuté, mais de 31 %. L’impact économique n’est donc pas comparable ; comprenez que nous ayons privilégié le soutien au spectacle vivant. Pour autant, le Centre national des arts plastiques (CNAP) a instauré des mesures d’urgence, à hauteur de 2,47 millions d’euros, pour soutenir le marché de l’art très affecté par l’annulation de certaines foires : une commission exceptionnelle d’acquisition a permis l’achat de 83 œuvres : un fonds d’aide d’urgence aux artistes destiné à compenser les pertes de rémunération a permis de soutenir 822 artistes ; un secours exceptionnel de 445 aides a été accordé. Notre soutien aux arts visuels reste donc entier. Sa part dans le budget du programme Création a augmenté : il dépasse désormais 10 % même en neutralisant l’impact des crédits destinés au relogement du CNAP. D’autre part, les arts visuels auront toute leur place dans le plan de relance : ils pourront par exemple soumissionner au plan de commande publique, dans le cadre du plan régional d’investissement.

Le Pass culture a suscité de nombreuses questions, dont celle de M. Larive, qui m’a accusée d’avoir une vision mercantile de la culture. Le budget que je défends montre que l’État et la politique de l’État sont au cœur de ma vision de l’art et rien, ni dans mon histoire ni dans mes engagements politiques, ne vous permet de penser cela, monsieur Larive.

M. Michel Larive. Il ne s’agit pas de vous mais du Gouvernement que vous représentez.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Le Pass culture a pour objectif de favoriser le développement de l’autonomie culturelle des jeunes par la découverte de la diversité de l’offre culturelle de proximité. Un crédit de 500 euros avait été fixé pour permettre à chaque jeune fille et jeune homme âgés de 18 ans de réserver des biens et des services culturels référencés sur une application web et mobile géolocalisée, sous forme d’une expérimentation. Ayant analysé cette application, je puis dire qu’elle favorise l’accès à l’ensemble des offres culturelles, sans que tout cela soit une vision marchande. La gestion du dispositif est assurée par la Société du Pass culture, société par actions simplifiée créée entre l’État et la Banque des territoires de la Caisse des dépôts et consignations. Les crédits du Pass culture augmenteront de 20 millions d’euros en 2021 pour permettre son déploiement.

Nous réfléchissons à le généraliser en l’articulant au mieux avec les parcours d’éducation artistique pour les jeunes gens âgés de 16-17 ans. Je prendrai la décision sous peu et viendrai vous en parler. On peut envisager une généralisation à tous les jeunes, en fixant à 300 euros environ le montant alloué à chacun. L’expérimentation montre que les 500 euros ne sont pas utilisés à plein, et de loin. Le Pass culture a contribué à la relance du secteur culturel à la suite du confinement, avec une communication massive des opérateurs physiques auprès des jeunes gens inscrits. On note d’ailleurs une tendance à la hausse de la consommation, qui était de 124 euros en moyenne, et la barre des 100 000 inscrits a été franchie à la miseptembre.

J’étais assez réservée au départ à propos de ce dispositif, me demandant si ces crédits étaient consommés. Je vois qu’ils le sont de plus en plus, sans atteindre 500 euros ; que l’offre est très diversifiée ; qu’il y a une appétence pour le Pass culture. Au 20 octobre 2020, dans les départements d’expérimentation, le taux d’inscription est de 81 % et le taux d’utilisation de 71 % – très loin des chiffres catastrophiques présentés au départ. Les catégories les plus consommées sont les livres, la musique et l’audiovisuel, des biens physiques en grande majorité, des biens numériques et des événements.

Quelques mots sur la répartition géographique des dépenses. La notion de « grands établissements situés en région parisienne » me laisse quelque peu réservée : ils sont situés en en France ! Certes, l’Opéra de Paris et le musée du Louvre sont à Paris, le château de Versailles là où l’on sait, mais je ne vois pas un élément déstructurant des politiques culturelles dans le fait que ces grands monuments, qui attirent un public international, soient à Paris ou alentours – tout au contraire.

En 2019, les crédits de la mission « Culture » ont été répartis entre l’Île-de-France pour 58 % et le reste du territoire pour 42 %. Mais l’analyse des budgets des 69 opérateurs rattachés à cette mission montre que 80 % de leurs dépenses sont liées à Paris et à l’ÎledeFrance, le reste étant réparti entre les autres régions ; le déséquilibre des dépenses doit donc être nuancé. Le rayonnement international et le statut de ville capitale de Paris résultent de l’histoire de notre pays et de la politique d’implantation de ces établissements publics nationaux culturels, fortement amplifiée par les grands travaux conduits au début des années 1980.

D’autre part, l’estimation du coût des actions menées n’est pas toujours facile : ainsi des dépôts et des prêts d’œuvres des musées nationaux parisiens aux établissements territoriaux. Par exemple, le Louvre expose 35 000 œuvres à Paris et en confie le même nombre aux musées régionaux. Hors dépôts, le musée du Louvre a prêté 608 objets à d’autres institutions en France et collaboré à 21 expositions. Certains musées d’Île-de-France interviennent en région ou développent des partenariats en ingénierie culturelle avec les acteurs locaux. Le musée des Arts décoratifs a ainsi implanté un deuxième site de l’École Camondo à Toulon en 2019 ; l’Établissement du parc de la Grande Halle de La Villette coordonne le déploiement du réseau de micro-folies sur l’ensemble du territoire ; la Philharmonie de Paris porte le projet de démocratisation culturelle Démos dans plusieurs régions de métropole et Outre-mer. La RMN-GP exploite de nombreux musées, dont le musée Chagall à Nice, le château de Pau et le musée Magnin à Dijon. Les grands opérateurs ont un rôle de tête de pont, d’animateur de la politique culturelle dans l’ensemble du pays.

Madame Bazin-Malgras, maintenir, dans cette crise, de grands établissements publics tels que le château de Versailles, l’Opéra de Paris ou le Louvre la tête hors de l’eau, faire qu’ils puissent continuer à jouer leur rôle moteur, c’est évidemment participer à la relance. Sur le plan strictement budgétaire, ces crédits ne sont pas imputés su le PLF 2021 car ce sont des crédits exceptionnels visant à ce que ces établissements puissent poursuivre leur mission. Ce ne sont pas non plus des chèques en blanc, comme je l’ai dit à Alexandre Neef, directeur de l’Opéra de Paris. C’est aussi pourquoi j’ai confié à Georges-François Hirsch et à Christophe Tardieu une mission sur les perspectives et les modalités d’accompagnement et de soutien de l’Opéra national de Paris : l’Opéra n’est pas dans la situation catastrophique qu’on lui connaît uniquement en raison de la crise sanitaire ; il y a des torsions, des déficits dans sa gestion dont Alexander Neef a hérité. Je souhaite aussi que l’Opéra de Paris prenne mieux en compte son rôle de tête de pont de l’art lyrique dans les territoires. Des progrès sont nécessaires et j’accompagnerai les décisions stratégiques qui devront être prises.

L’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) pour les travaux sur les monuments historiques est une question de grande importance, monsieur Gérard. Une ordonnance de 2005 modifiant le code du patrimoine a rendu aux propriétaires la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration sur leurs biens classés ou inscrits. Le code prévoit toutefois que les services de l’État peuvent apporter une AMO à ces propriétaires, gratuitement lorsqu’ils ne disposent pas des moyens nécessaires à l’exercice de la maîtrise d’ouvrage, rémunérée dans les autres cas ; de nombreuses petites communes peuvent y prétendre. Néanmoins, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), chargées de la maîtrise d’ouvrage sur les monuments de l’État, notamment les cathédrales, et du contrôle scientifique et technique de tous les travaux effectués sur les monuments historiques de la région, ne peuvent répondre à toutes les demandes. Aussi, lorsque les propriétaires, notamment les petites communes, souhaitent recourir à une AMO publique ou privée payante, le coût de celle-ci peut être inclus dans le montant subventionnable par l’État des travaux de restauration de leurs monuments historiques. La création d’un fonds spécifique ne semble donc pas utile.

Non, madame Le Grip, le transfert de 111 millions d’euros n’est pas un tour de passe-passe budgétaire : c’est que l’ancien programme 186 est désormais intégré au nouveau programme 361 et que la lecture du projet de budget est parfois compliquée.

Le programme exceptionnel de commandes publiques visant à soutenir les artistes et les créateurs, doté de 30 millions d’euros dans le plan de relance, concernera toutes les disciplines, des arts visuels au spectacle vivant, la littérature, le cinéma, l’architecture, les métiers d’art. Il sera notamment consacré aux jeunes créateurs fragilisés. Ce programme, qui donnera lieu à quatre appels à projets nationaux échelonnés jusqu’au printemps 2022, sera évidemment l’occasion de définir une solide politique territoriale. Il combinera diverses modalités d’intervention publique complémentaires : commande, aide au projet, appel à projets. Il aura aussi vocation à créer échanges et partages avec les collectivités territoriales et avec certains acteurs privés – n’en soyez pas choqué, monsieur Larive, cela peut se produire et ce n’est pas un péché.

Vous êtes, madame Mette, attachée à la francophonie. Le plan d’action « Une ambition pour la langue française et le plurilinguisme » a été lancé le 20 mars 2018 par le Président de la République ; la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts en constituera la pierre angulaire. Nous voulons promouvoir le français dans la diversité de ses expressions ; notre projet-phare est le Dictionnaire des francophones, numérique et collaboratif, de 500 000 termes. Issu d’un partenariat entre le ministère de la culture et un grand nombre d’acteurs institutionnels et réalisé par l’Institut international pour la francophonie de l’Université Lyon 3-Jean Moulin, ce dictionnaire prendra la forme d’une application que vous verrez dans les prochains jours.

Pour renforcer le sentiment d’appartenance à la francophonie de nos concitoyens, nous lançons également des pactes linguistiques. Le premier sera signé avant la fin de l’année entre le ministère, le conseil régional des Hauts-de-France, le département de l’Aisne et la communauté de communes de Retz-en-Valois. Le ministère soutient d’autre part des réalisations telles que le festival des Francophonies en Limousin, leur mise en réseau par la constitution des pôles de référence pour le spectacle vivant francophone que sont la Cité internationale des arts de Paris et la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon et, plus généralement, les initiatives locales. Il contribue aussi à la construction d’un espace numérique francophone des savoirs et de la connaissance.

Vous le savez, madame Victory, le coût de l’année blanche des intermittents du spectacle est de 949 millions d’euros. Au-delà de son aspect financier, la mesure vise la recherche des droits, volet sur lequel j’insiste et dont je rappelle les dispositions. Si la condition d’affiliation minimale de 507 heures travaillées n’est pas remplie au cours des douze derniers mois, les heures manquantes seront recherchées sur vingtquatre mois. Le nombre d’heures d’intervention en établissement d’enseignement a été augmenté pour faciliter l’atteinte du seuil de 507 heures, la limite de 70 heures étant portée à 140 heures pour les artistes et techniciens âgés de moins de 50 ans, et de 120 heures à 170 heures pour ceux qui sont âgés de 50 ans et plus.

Le fonds d’urgence spécifique et temporaire de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT) qui ne sont pas éligibles à ces dispositifs a été doté de 5 millions d’euros. Étant donné l’instauration du couvre-feu, il sera augmenté de 5 millions d’euros et j’ai déjà prévu un abondement de 7 millions d’euros pour 2021. Des aides sociales forfaitaires de 1 000 euros sont destinées aux professionnels qui se trouvaient en cours de constitution de droits au régime d’assurance chômage des intermittents, aux intermittents ayant épuisé leurs droits à l’allocation de fin de droit, aux artistes qui se produisent en majorité à l’étranger sous des contrats de travail locaux, aux intermittents dont les droits au régime d’assurance-chômage n’ont pas repris faute de contrat post-congé maternité, congé d’adoption ou arrêt-maladie pour affections de longue durée. On s’est aperçu qu’il y avait beaucoup de trous dans la raquette et j’ai voulu les combler peu à peu. Le dispositif sera effectif jusqu’au 31 août 2021. Nous apprécierons alors s’il convient de le maintenir et s’il le faut ce sera fait, car nous ne laisserons évidemment pas tomber les intermittents, qui sont d’une importance cruciale pour notre secteur culturel. En réalité, le régime des intermittents est une subvention du régime d’assurance-chômage à la politique culturelle française.

Il existe en France quarante-quatre écoles supérieures d’art. Les financements de l’État étant limités en moyenne à 11 % de leur budget et ayant dû financer des mesures d’urgence sur leurs fonds propres, elles sont fragilisées. Le plan de relance prévoit des financements. Il y a sept écoles nationales supérieures d’art en région et nous les aiderons, bien sûr.

Le ministère et les préfets ont la responsabilité de veiller à la bonne application du dispositif du 1 % artistique. Que la procédure ne soit pas respectée n’est pas le fait de l’État mais de certaines collectivités territoriales, des régions en particulier. L’introduction récente de ce dispositif dans le code de la commande publique en renforcera l’application. Je diffuserai prochainement une circulaire aux préfets les appelant à une attention particulière à ce sujet.

Mme Descamps m’a interrogée sur l’établissement public de restauration de NotreDame de Paris. Une confusion est née à la suite d’une lettre d’observations de la Cour des comptes. La loi du 29 juillet 2019 précise que les fonds issus de la souscription nationale sont destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale et de son mobilier, ainsi qu’à la formation initiale et continue des professionnels pour ce chantier. J’ai répondu aux observations de la Cour des comptes que les opérations de maîtrise d’ouvrage, essentielles à la réalisation des travaux, ne peuvent être disjointes du fonctionnement d’un établissement dont c’est la mission statutaire. La bonne information des donateurs a été faite et le déroulement du chantier demande ces dépenses, c’est une évidence. De plus, l’affectation d’une partie marginale – 5 millions d’euros par an – de la souscription au financement de l’établissement public vous avait été clairement indiquée par mon prédécesseur. L’affaire est donc transparente ; ne cherchons pas de mauvais procès. Nous veillons, comme c’est notre rôle de tutelle, à l’équilibre des dépenses de fonctionnement et de personnel de l’établissement, opérateur de l’État, dans le cadre du projet de loi de finances. Nous suivons pour cela les effectifs et les équilibres financiers dans les documents budgétaires annexés à la loi de finances. Il sera rendu compte des subventions de l’État issues des produits des fonds de concours provenant de la souscription nationale. Enfin, le ministère de la culture prendra en charge le loyer des locaux de l’établissement public. Il n’y a donc pas de problème.

Enfin, en ce qui concerne le CNM, madame Descamps, oui celui-ci peut soutenir tous les acteurs de la musique et toutes les esthétiques musicales.

M. le président Bruno Studer. Nous poursuivons avec les questions à Mme la ministre.

M. Maxime Minot. Madame la ministre, des financements sont nécessaires pour maintenir notre patrimoine rural, garant de notre identité, et particulièrement les églises de nos communes, aujourd’hui en danger. Les sites classés bénéficient parfois d’une exposition importante, qui leur permet de profiter d’effets de levier financier. Malheureusement, cette manne atteint rarement nos églises rurales.

Dans les Hauts-de-France, cette belle région dont je suis originaire, des initiatives locales sont prises pour sauver ce patrimoine en péril, à l’exemple du dispositif « Sauvons nos clochers » dans le département de l’Oise. Néanmoins, les enveloppes budgétaires telles que la dotation d’équipement des territoires ruraux ne permettent plus de répondre à l’ampleur de la demande, et le reste à charge pour les communes apparaît bien souvent insurmontable. Les crédits présentés ne prennent pas en compte cette situation. Allez-vous relever ce défi pour nos générations futures ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Il existe un problème mais il ne relève pas de la responsabilité de l’État : les communes sont les propriétaires. Le rôle de l’État est parfaitement défini dans ce domaine et les charges qui s’imposent à lui sont déjà colossales. Il reste que l’entretien du patrimoine religieux, qui structure le paysage de nos communes, est évidemment important.

Protégés au titre de leur intérêt artistique et historique, un tiers des monuments historiques sont des monuments religieux. Églises, temples protestants, synagogues et mosquées, toutes les religions sont représentées. Certains lieux sont d’ailleurs des sites touristiques d’importance nationale, notamment les grandes cathédrales, ou les abbayes du Mont-Saint-Michel et de Vézelay. Une assistance est apportée aux propriétaires de ce patrimoine pour assurer l’entretien et la restauration du patrimoine religieux.

Mais il ne faut pas nous payer de mots, la restauration du patrimoine religieux suscite des conflits dans l’opinion publique. En raison de leur usage exceptionnel, du fait de la fréquentation en berne des églises, certains groupes laïcs s’offensent que de l’argent public soit alloué aux monuments religieux. Le ministère de la culture s’oppose aux projets de démolition ou d’utilisation banalisante de ces monuments. Il est désolant de voir des églises transformées en brasserie, en café ou en solderie.

Un fonds incitatif et partenarial est prévu pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources. Le problème que vous soulevez concerne le patrimoine non inscrit et non protégé. D’autres collectivités territoriales que l’État peuvent intervenir dans ce domaine.

Mme Fabienne Colboc. Madame la ministre, je vous félicite pour la détermination dont vous faites preuve afin de soutenir la culture dans cette crise.

Le monde de la culture inclut le secteur événementiel, qui vit une crise majeure et ne doit pas être oublié dans les arbitrages. Le soutien de l’État est plus que jamais nécessaire pour sauvegarder notre offre culturelle et permettre l’émergence de nouveaux talents. Le soutien à l’emploi artistique et aux jeunes artistes est l’un des axes forts de ce budget. Dans le cadre du plan de relance, vous avez annoncé un programme exceptionnel de commandes artistiques dans tous les domaines, dédié en priorité aux jeunes créateurs. Comment vont se décliner ces dispositifs ?

Comment envisagez-vous de soutenir à long terme l’émergence de nouveaux talents ? Cette jeunesse créative, ces nouveaux talents en formation, sont essentiels pour notre pays. Il serait dramatique de leur laisser penser que nous n’avons pas besoin d’eux.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Merci de votre avis élogieux sur ma détermination à soutenir le secteur de la culture et à gagner des arbitrages. Il faut être à la manœuvre pour défendre les priorités culturelles.

Nous allons aider les jeunes artistes grâce au programme exceptionnel de 30 millions d’euros de commandes publiques prévu dans le plan de relance, qui concernera toutes les disciplines : arts visuels, spectacle vivant, littérature, cinéma, architecture, métiers d’art. Nous voulons inventer un nouveau mode d’intervention créative, au cœur de la société, qui impliquera directement les citoyens : ce programme de commande donnera l’occasion à la société française de s’exprimer sur les valeurs qui la structurent. Quatre chapitres thématiques sont définis, et quatre appels à projets nationaux en direction des acteurs de la création de toutes les disciplines, de 2,5 millions d’euros chacun, sont prévus. Ils sont principalement – mais pas exclusivement – pensés pour les jeunes créateurs.

En soutenant le spectacle vivant de manière globale, par les politiques transversales, les politiques de soutien aux structures, les aides aux intermittents, nous aidons les jeunes créateurs. La politique que je souhaite mener pour les artistes‑auteurs participe au soutien à la création.

D’autres opérations permettront d’aider les jeunes créateurs. Le projet « Grand tour, l’été des jeunes artistes », envisagé pour l’été 2021, mobilisera 5 millions d’euros. Il permettra d’accorder de la visibilité à plusieurs centaines d’artistes de toutes les disciplines de la création, dans toute la France – je tiens beaucoup à l’aspect territorial des politiques de découverte des jeunes artistes. Ce programme combinera plusieurs modalités d’intervention publique complémentaires : commandes, aides aux projets, appels à projets. Une collaboration avec les médiateurs du protocole des nouveaux commanditaires permettra de mettre à l’honneur de nombreuses initiatives symboliques de la société civile.

Nous voulons actionner tous les leviers pour soutenir les créateurs dans leur vie quotidienne. Les artistes ne peuvent pas créer s’ils n’ont pas les moyens de payer le loyer et la garde des enfants. Nos politiques aident directement les créateurs.

M. Frédéric Reiss. Ma question illustrera concrètement les propos de Constance Le Grip. Le festival international de musique de Wissembourg se déroule actuellement. La situation sanitaire impose des règles strictes, respectées à la lettre. Les salles ne peuvent accueillir que 60 % de leur jauge, et depuis le couvre-feu dans le Bas-Rhin, les concerts ont été fixés à dix-huit heures. Malheureusement, en raison de l’évolution sanitaire négative, le public allemand n’est pas au rendez-vous de ce festival de musique classique de haut niveau, et le bilan financier s’annonce catastrophique.

Que répondre à un organisateur désabusé qui, malgré les vents contraires, a su maintenir à flot un événement remarquable en zone rurale ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. En dépit des aides financières que je vais détailler à nouveau devant vous, les organisateurs sont désespérés. Nous avons tous insisté sur le désespoir du monde culturel, qui voit sa substance lui filer entre les doigts.

Nous allons aider, financer le chômage partiel, apporter des aides de solidarité, prévoir des aides au loyer. C’est important. L’aide complémentaire versée lorsque la jauge n’est pas atteinte doit permettre aux acteurs, chanteurs et danseurs de se produire, aux metteurs en scène de créer et aux techniciens d’accompagner ces manifestations.

En soutien aux festivals, tellement importants pour la vie de nos territoires, nous avons mis en place une cellule spécifique pour faire face à la crise sanitaire. Elle recensera les besoins et y répondra. En juillet 2020, 10 millions de crédits de soutien ont été prévus pour les festivals annulés en raison de la crise du covid-19, ou qui se sont maintenus avec des pertes de recettes très importantes en raison de la limitation de jauge. Ces crédits vont permettre de soutenir 300 organisateurs de festivals, dans tous les domaines. J’ai voulu que ce fonds soit abondé de 5 millions d’euros pour continuer à apporter ce soutien en 2021, dans le cadre du plan de relance.

Au-delà, il faut réinterroger notre modèle festivalier. C’est le but des états généraux des festivals lancés à la rentrée. Nous rassemblons les contributions des nombreux ateliers et nous nous retrouverons à Bourges pour construire des modèles de festivals pérennes. La crise du covid-19 a eu l’effet d’un jet d’acide sur certains modes de fonctionnements qui étaient déjà en grande difficulté. Faisons de cette catastrophe une opportunité pour réfléchir aux moyens de répondre aux besoins du public. Et j’espère que je serais invitée au festival de Wissembourg !

M. Stéphane Testé. Le Pass culture a été revalorisé en 2021, à hauteur de 50 millions d’euros. Depuis 2019, il est expérimenté dans quatorze départements, dont la Seine-Saint-Denis, auprès des jeunes de dix-huit ans. Il a franchi la barre des 100 000 inscrits et des 500 000 réservations d’offres culturelles en quinze mois. Il répond donc à un réel besoin.

Grâce à une application, les jeunes inscrits bénéficient de 500 euros pendant 24 mois pour réserver des propositions culturelles numériques ou de proximité. Mais les études montrent que seulement 150 euros sont dépensés en moyenne, et que ce ne sont pas toujours les publics les plus éloignés de la culture qui en profitent.

L’évaluation de l’expérimentation préconise une réduction du montant du Pass à 300 euros, qui est à l’étude, mais je me réjouis de la généralisation de cette expérimentation. Comment démocratiser l’accès à ce Pass pour qu’au-delà des jeunes scolarisés, il profite aux jeunes actifs et aux publics les plus fragiles, notamment les personnes en situation de handicap ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Je me posais beaucoup de questions sur le Pass culture. J’ai été première vice-présidente de la région Pays de la Loire, qui a inventé il y a quarante-cinq ans le « Pass culture-sport ». J’étais militante de cette opération, mais je me demandais pourquoi nous constations des difficultés à l’inscription et à la consommation de ce mécanisme. Je suis revenue sur mon évaluation. La démocratisation et l’accès à la culture des publics les plus éloignés nous obligent, surtout les plus jeunes, dont l’éloignement est révélé par l’étude décennale sur les pratiques culturelles.

Le Pass culture est un outil qui suscite une adhésion grandissante au fur et à mesure de son déploiement. De plus en plus de jeunes y adhèrent et le montant moyen des dépenses augmente : 130 euros par an. Un montant de 300 euros pour deux ans est donc bien calibré. Ce dispositif ne pourra totalement se déployer que lorsque nous en ferons la publicité à destination de l’ensemble de la société. La communication institutionnelle pour un système qui n’est pas généralisé est impossible.

Le crédit de 500 euros est excessif à mon sens. 300 euros correspondent davantage à la consommation des jeunes. Cette somme sera suffisante pour faire du Pass culture un succès. Il reste à travailler à l’apprivoisement du Pass culture pour les jeunes de seize à dix‑huit ans. En outre, à dix-huit ans, certains jeunes sont sortis du giron de l’éducation nationale. Je suis particulièrement attachée à ce public : les jeunes en apprentissage, ceux qui travaillent, et les publics handicapés. L’effort doit porter sur eux. Parfois, ce sont les publics qui en ont le moins besoin qui profitent des politiques de démocratisation culturelle. Il ne faut pas que ce soit le cas du Pass culture.

Mme Sylvie Charrière. Je souhaitais savoir comment faire pour que le Pass culture touche les publics les plus éloignés et les plus fragiles. Vous venez de répondre à ma préoccupation.

 

 


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II.   travaux de la commission

La commission examine ensuite, pour avis, les crédits de la mission « Culture » (Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis).

Article 33 et État B

La commission est saisie de l’amendement II-AC72 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer le pass Culture et attribuer ses fonds à un nouveau programme intitulé « Démocratisation de la culture ».

Le PLF pour 2021 propose une montée en puissance du Pass culture pour toucher 200 000 jeunes, c’est-à-dire doubler son public. Une enquête publiée par Mediapart en novembre 2019 révèle pourtant que « le livre arrive en tête des dépenses du Pass mais se dirige surtout vers les classiques programmés dans le cadre scolaire, suivi de la musique, dont les trois quarts vont vers la plateforme de streaming Deezer ». De plus, les jeunes n’ont dépensé que 100 euros sur les 500, expliquait Damien Cuier, président de la société Pass culture, le 23 octobre 2019 devant le Conseil national des professions du spectacle.

L’utilité du dispositif pose de plus en plus de questions. Les crédits qui lui sont alloués seraient plus utiles s’ils étaient orientés vers une véritable démocratisation de la culture.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je ne comprends pas bien la structure de votre amendement : vous créez un programme, « Démocratisation de la culture », pour lui transférer les crédits du programme qui porte quasiment le même nom, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Par ailleurs, vous souhaitez supprimer le Pass culture au profit d’un « dispositif de démocratisation de la culture plus pertinent ». Mais quel serait ce dispositif plus pertinent ?

Il me semble pour l’instant disproportionné de parler d’un « échec » à propos du Pass culture, et inapproprié de retirer au dispositif l’ensemble de ses financements.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AC73 de Mme Muriel Ressiguier.

M. Michel Larive. Les crédits alloués aux musées pour 2021 ne permettront pas de compenser les difficultés qu’ils rencontrent depuis le début de la crise sanitaire. Aux mois de juillet et d’août, leur fréquentation a baissé d’au moins 70 % : leurs pertes liées au confinement n’ont donc pas pu être compensées, bien au contraire. Nous proposons donc de créer un fonds d’aide aux musées afin de les soutenir dans leur activité l’année prochaine.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. L’État a joué son rôle d’amortisseur depuis le début de la crise sanitaire, notamment en inscrivant en loi de finances rectificative des mesures d’urgence destinées à ses opérateurs, dont une hausse de leurs subventions afin de leur garantir une trésorerie suffisante et de leur éviter un défaut de paiement. Le musée d’Orsay, le Louvre, le château de Versailles ont reçu des crédits supplémentaires dès 2020. De plus, les crédits de l’action 03, « Patrimoine des musées de France », augmentent de 4 % en 2021. Enfin, le plan de relance prévoit des moyens très importants pour les grands musées nationaux.

Par ailleurs, vous créez un nouveau programme alors que le programme « Patrimoines » comporte une action consacrée aux musées. L’idée d’un fonds de soutien aux musées n’apparaît donc pas pertinente : il est déjà possible de renforcer le soutien budgétaire de l’État aux musées.

Avis défavorable.

M. Michel Larive. Vous étiez beaucoup plus critique vis-à-vis du budget lorsque vous étiez assise parmi vos collègues LR : maintenant, j’ai l’impression d’entendre une rapporteure de La République en marche !

M. le président Bruno Studer. Ce n’est pas une insulte !

M. Michel Larive. En effet : ce n’était qu’une observation !

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Ce n’est pas non plus une qualité, monsieur le président !

M. Michel Larive. Vous suggérez d’allouer ces crédits au programme « Patrimoines » ; soit : faites-le !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine alors les amendements II-AC65 de Mme Brigitte Kuster et IIAC90 de la rapporteure pour avis.

Mme Constance Le Grip. Nous faisons état depuis un certain temps de nos réserves vis-à-vis du Pass culture ; la ministre elle-même en a aussi exprimé quelques-unes. Nous souhaitons donc que 20 millions d’euros soient pris sur les fonds qui sont alloués à la poursuite de l’expérimentation – et dont on a vu qu’ils étaient nettement sous-consommés – pour être affectés au patrimoine.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Mon amendement vise à transférer 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement du programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », vers le programme 175, « Patrimoines ».

En effet, les crédits de l’action 02, « Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle », du programme 361 s’élèvent à 222 millions d’euros et leur utilisation est présentée de façon très floue. Les dispositifs sont multiples et diffus. Parmi ces crédits, 10 millions d’euros pourraient être mieux employés à soutenir l’entretien et la rénovation des monuments historiques appartenant à de petites communes ou à des propriétaires privés. Nous proposons donc d’affecter cette somme à l’action 1, « Monuments historiques et patrimoine monumental », du programme 175, « Patrimoines ».

Je suis par ailleurs favorable à l’amendement II-AC65 : le Pass culture n’a profité qu’à 100 000 jeunes de quatorze départements depuis 2019 ; il aurait dû être étendu en avril dernier, mais le confinement a tout arrêté. Il semblerait que le Gouvernement envisage de revoir ses ambitions en réduisant le montant offert à chaque jeune ; dommage pour ces jeunes à qui l’on promet, depuis 2017, 500 euros de crédit pour leurs 18 ans ! Compte tenu de ces incertitudes, et en attendant que des décisions soient enfin prises, les 20 millions d’euros supplémentaires alloués au Pass culture pourraient être utilisés à bon escient ailleurs, notamment au profit de la restauration du patrimoine.

M. Raphaël Gérard. La ministre a déjà en grande partie répondu tout à l’heure, en justifiant l’abaissement de 500 à 300 euros du montant du Pass et en souhaitant sa généralisation, que nous avons tous ou presque appelée de nos vœux. Le dispositif, expérimenté dans certains territoires seulement, souffre en effet d’un manque de lisibilité. En l’état, le budget est donc pertinent. Le groupe La République en marche votera contre les amendements.

Mme Michèle Victory. Nous sommes nous aussi sceptiques quant à la capacité du Pass culture à atteindre ses objectifs. Surtout, madame la rapporteure pour avis, je n’ai pas compris pourquoi vous étiez défavorable à l’amendement défendu par M. Larive à ce sujet alors que vous approuvez celui défendu par Mme Le Grip, quasi similaire même s’il n’est pas gagé de la même façon.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Ces amendements ne proposent pas la même chose. M. Larive veut supprimer tout financement du Pass culture alors que nous proposons, puisque le dispositif tâtonne, de répartir différemment les crédits dont il bénéficie en en réattribuant une partie à la restauration du patrimoine.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement II-AC75 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Parce que l’école est souvent, pour les jeunes, le seul accès à la culture, notre amendement vise à lui donner des moyens à cette fin, que ce soit dans des lieux dédiés ou au sein même des établissements. Il s’agit également de permettre aux acteurs culturels de continuer d’exister et de pratiquer leur art pendant la crise sanitaire.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Demande de retrait. S’il est exact que la crise sanitaire a éloigné les élèves de la culture, je ne suis pas convaincue que ce soit là une question d’argent. La crise a freiné beaucoup de projets, les sorties scolaires sont quasiment gelées. Catherine Pégard, présidente de l’établissement public du château de Versailles, actuellement vide, m’a demandé d’inviter les écoles à y envoyer des classes en visite : les enfants y seront bien accueillis, en toute sécurité sanitaire. Plus généralement, il faut emmener les élèves au musée et au spectacle.

Mme Béatrice Descamps. J’avais défendu un amendement similaire l’année dernière : il s’agit bien d’aider les écoles, qui manquent de moyens, en temps ordinaire et non seulement en temps de crise, afin d’apporter tous les bienfaits de la culture aux nouvelles générations. Je n’ai parlé de la crise sanitaire qu’à propos du second avantage de l’amendement : le soutien aux artistes.

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement II-AC66 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Les scènes nationales, l’un des poumons de la création et de la vie artistiques dans notre pays, ont été, comme de nombreux autres acteurs du milieu de la culture, très affectées par les conséquences de la crise sanitaire, notamment par les annulations de spectacles et les remboursements de billets qu’elles ont entraîné. Nous proposons donc d’attribuer 10 millions d’euros à l’action 1, « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant », du programme 131, « Création », au détriment de l’action 7, « Fonctions de soutien du ministère », au sein du programme 224, « Soutien aux politiques du ministère de la culture ».

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie des amendements II-AC86, II-AC84, II-AC82 et II-AC83 de Mme Sophie Mette.

Mme Sophie Mette. L’amendement II-AC86 a pour objet de soutenir l’architecture et les espaces protégés et, plus particulièrement, la revitalisation des centres anciens : il vise à redonner l’envie de fréquenter les centres bourgs et d’y vivre.

Restaurer l’attractivité des centres bourgs demande des actions fortes en matière d’habitat afin, notamment, de résorber la vacance et les situations d’insalubrité, mais aussi pour le maintien des commerces et des services de proximité, une offre d’équipements adaptée, l’offre culturelle et touristique par l’animation culturelle et la valorisation du patrimoine bâti et paysager, la mobilité, l’accessibilité, le développement économique, la desserte numérique, ou encore pour conforter la présence de centres bourgs dynamiques et animés dans les campagnes et les zones périurbaines.

Il s’agit donc d’une action complète et combinée, agissant sur tous les leviers susceptibles d’améliorer la qualité de vie dans les centres bourgs mais également dans les bassins de vie, de réduire la désertification des centres villes des territoires ruraux et, ainsi, de contribuer à la cohésion sociale des territoires, à leur mise en valeur et à leur attractivité.

Le budget de l’action 2, « Architecture et espaces protégés », du programme 175, « Patrimoines », n’évoluant pas depuis 2018, il faut redéployer des crédits à son profit pour lui donner un nouveau souffle au service de cette politique ambitieuse.

L’action 7, « Fonctions de soutien de ministère », du programme 224, « Soutien aux politiques du ministère de la culture », doit être rationalisée pour pouvoir dégager des fonds. Le ministère doit s’engager davantage dans un processus de réduction des coûts, en particulier immobilier, mais aussi de dépenses de fonctionnement. En redéployant ces crédits, nous n’entravons pas la transmission du savoir : au contraire, cet amendement protège notre patrimoine et assure à tous un accès au savoir. Il permet simplement de réaffecter une partie des crédits alloués aux dépenses d’investissement et de fonctionnement.

Nous proposons donc de redéployer une partie des crédits de paiement dévolus à l’action 7 du programme 224 au bénéfice de l’action 2 du programme 175, l’une des rares lignes budgétaires qui ne connaît pas d’augmentation cette année.

Les autres amendements sont de repli.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Je partage l’ambition de revitaliser les centres anciens de nos villes, mais que sont 4 millions d’euros pour l’ensemble des centres bourgs de France ?

La mission « Culture » n’apporte qu’un soutien à la politique générale du plan national « Action cœur de ville » et du programme « Petites villes de demain », qui dépendent du ministère de la cohésion des territoires. En revanche, de la mission « Culture » relève déjà la dépense fiscale prévue dans la loi Malraux, qui permet une réduction d’impôt sur le revenu au titre des dépenses de restauration d’immeubles bâtis situés dans les sites patrimoniaux remarquables.

De plus, la mission participe à la revitalisation des centres anciens par un soutien à la réhabilitation du patrimoine monumental de ces villes et villages. Le maire de Villiers‑le‑Bois, petite commune de ma circonscription, m’a raconté ses difficultés à faire restaurer l’église du village qui menace de s’écrouler et qui est actuellement fermée. C’est en faveur de ce type de dispositif que le ministère de la culture doit œuvrer, plutôt que pour des actions qui relèvent d’autres ministères.

Demande de retrait.

Les amendements sont retirés.

La commission aborde alors l’amendement II-AC64 de Mme Marguerite DeprezAudebert.

Mme Sophie Mette. Cet amendement propose de soutenir les harmonies musicales, les batteries de fanfares et autres sociétés musicales, en totale adéquation avec l’objectif gouvernemental de corriger la fracture culturelle entre les zones rurales et les métropoles et de démocratiser l’accès à la culture en faveur des citoyens les plus modestes.

Ces formations favorisent en effet la création de lien social, les échanges intergénérationnels, permettent de mettre en valeur les cérémonies patriotiques et contribuent au maintien d’un service public culturel de qualité dans les territoires. Mais leur santé financière est souvent précaire, car les subventions des collectivités locales sont de plus en plus aléatoires.

En raison de la pandémie du covid‑19, l’appel à projets initialement prévu pour mars 2020 n’a pas eu lieu. Il apparaît nécessaire de relancer ce dispositif au moyen d’un montant de ressources similaire à celui retenu l’année dernière.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Les fanfares et les harmonies musicales sont effectivement très importantes dans nos territoires ; leur participation aux festivités traditionnelles, notamment, est essentielle.

Cependant, il conviendrait d’examiner la question dans une perspective bien plus large, celle du soutien de l’État aux associations culturelles dans le domaine de la musique. Cela permettrait d’intégrer à la réflexion les chorales ou les orchestres amateurs.

En outre, le contexte sanitaire n’est malheureusement pas favorable aux rassemblements festifs dont la réussite dépend en partie de l’intervention des associations musicales. Il ne me semble donc pas propice à une relance de l’appel à projets initialement prévu en mars 2020. Je soutiendrai un tel dispositif une fois que la situation sera favorable.

J’espère vous avoir convaincue, chère collègue, de retirer votre amendement. Sinon, j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement II-AC78 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Depuis une quinzaine d’années, les quarante-quatre écoles supérieures d’art et design publiques qui délivrent des diplômes nationaux dans le cadre du LMD se sont réformées pour intégrer pleinement le système de l’enseignement supérieur. Aux termes de la loi Fioraso et de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, elles doivent mener des actions de recherche, ce qu’elles font dans le cadre de programmes et de troisièmes cycles financés par le ministère de la culture.

Mais ce financement est resté au stade d’amorce : très sous-dimensionné, il ne comprend pas de part pérenne ; les fonds ne sont distribués que par le biais d’un appel à projets. L’actuelle enveloppe d’1 million d’euros consacrée à la recherche et répartie entre les actions 1 et 4 du programme 361, qui n’a pas évolué depuis de nombreux exercices. Elle ne représente dans les faits que 18 000 euros en moyenne par école pour financer le fonctionnement des unités de recherche, la production, la diffusion et la valorisation des projets, les missions de recherche des enseignants, les troisièmes cycles, les bourses pour les étudiants de troisième cycle : c’est impossible et cela met en péril la validité des diplômes nationaux. En outre, le plan de relance ne prévoit pas de financement complémentaire pour le fonctionnement des écoles supérieures d’art.

La loi de programmation de la recherche est une première étape. Le financement de la recherche culturelle et de la création est dorénavant inscrit à l’ordre du jour du Gouvernement. Nous espérons une nouvelle étape ce soir !

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. J’ai pu auditionner l’Association nationale des écoles supérieures d’art et je suis sensible à la demande d’alignement du statut de ces écoles sur celui des écoles nationales, sujet à propos duquel les différents ministères se renvoient la balle. Cela me semble un préalable à l’affectation de crédits supplémentaires à la recherche dans ces écoles.

Demande de retrait.

M. Raphaël Gérard. Mme Descamps soulève une question très intéressante et importante, mais l’enjeu est d’abord de savoir de quel type de recherche on parle : outre les écoles d’art, dans d’autres établissements comme l’école du Louvre, les troisièmes cycles, qui devraient correspondre à un doctorat, souffrent d’un déficit d’image. Comme l’a dit la rapporteure, le problème n’est donc pas d’abord budgétaire. Comment accompagner les établissements dans la mise en œuvre de leur projet pédagogique et scientifique pour qu’ils puissent revaloriser leurs diplômes et jouer à armes égales avec l’université ?

La commission rejette l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement II-AC89 de la rapporteure pour avis.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à permettre la prise en charge des frais d’inscription des étudiants boursiers dans les écoles d’art territoriales.

Contrairement à ce qui est prévu pour les étudiants des universités et des établissements nationaux, l’État ne permet pas aux écoles supérieures territoriales délivrant des diplômes relevant du ministère de la culture d’exonérer les boursiers des frais d’inscription, car il ne leur accorde aucune compensation. Ce serait pourtant cohérent avec l’insistance du Gouvernement sur l’égalité réelle et sur les conditions de vie étudiante.

Je propose donc d’attribuer 2,5 millions d’euros supplémentaires à l’action 1, « Soutien aux établissements d’enseignement supérieur », du programme 361, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », pour que les écoles supérieures d’art territoriales puissent exonérer les étudiants boursiers des frais d’inscription. Ces 2,5 millions d’euros sont calculés pour un taux d’élèves boursiers de 45 %, soit 4 275 étudiants, et pour un montant moyen de frais d’inscription de 600 euros.

Ces 2,5 millions seront prélevés sur le programme 175, « Patrimoines », plus précisément son action 1, « Monuments historiques et patrimoine monumental », au titre du financement des travaux du Grand Palais. En effet, l’État a renoncé aux aspects les plus pharaoniques de ce projet sans pour autant revoir à la baisse le budget global des travaux.

Mme Michèle Victory. Je suis un peu surprise de cet amendement. Il me semble, à la lumière des travaux que j’ai effectués avec Mme Colboc sur les écoles supérieures d’art territoriales, que la situation y est différente de ce qui vient d’être décrit. Il existe bien des systèmes de bourse ; simplement, certaines écoles y recourent, d’autres non, et, surtout, les bourses sont versées avec beaucoup de retard.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. La proposition émane des représentants des écoles d’art eux-mêmes : je suis encline à leur faire confiance.

La commission rejette l’amendement.

Elle aborde ensuite l’amendement II-AC88 de Mme Sophie Mette.

Mme Sophie Mette. Cet amendement vise à proposer une nouvelle répartition des crédits de la mission « Culture » afin de soutenir notre patrimoine linguistique. En effet, les langues régionales font partie intégrante de notre culture, de notre histoire et de notre patrimoine, comme l’indique l’article 75‑1 de la Constitution. Or elles sont en danger d’après l’UNESCO, et l’école comme l’ensemble des politiques culturelles devraient être des relais de leur diffusion. Il convient d’œuvrer à pérenniser leur pratique, car elles contribuent à la vitalité de notre territoire en participant à la valorisation de nos traditions et favorisent la transmission d’une mémoire.

Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis. Vous proposez le transfert de crédits vers l’action 3 « Langue française et langues de France » du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Or cette action finance principalement des études, et ne soutient aucun dispositif dirigé directement vers le public. De plus, elle concerne plutôt la francophonie et les mécanismes de soutien à la maîtrise de la langue française que la protection des langues de France.

Il serait plus pertinent de renforcer l’apprentissage des langues régionales dans les établissements scolaires et de soutenir les associations qui les promeuvent, ce qui ne relève pas de la mission budgétaire « Culture ».

J’espère vous avoir convaincue de retirer votre amendement, sinon j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

 

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture » sans modification.

 

 


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   annexe :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

          Château de Vaux (Aube) M. Édouard Guyot, propriétaire

          Château de Taisne, Les Riceys (Aube) M. et Mme Charles et Ségolène de Taisne, propriétaires

          Commune de Villiers-Le-Bois (Aube) – M. Didier Coquet, maire

            Association des scènes nationales  M. Jean-Paul Angot, président

            Audition commune sur le spectacle vivant privé :

     Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (PRODISS) (*) – Mme Malika Seguineau, déléguée générale

     Syndicat national du théâtre privé (SNTP) – M. Bertrand Thamin, président et Mme Isabelle Gentilhomme, déléguée générale

     Syndicat national des cabarets, music halls et lieux de création (CAMULC)  M. Daniel Stevens, délégué général

     Syndicat des musiques actuelles (SMA) – M. Laurent Decès, président et Mme Aurélie Hannedouche, déléguée générale

            École nationale supérieure des Beaux-Arts (ENSBA) –  M. Jean de Loisy, directeur et Mme Patricia Stibbe, directrice-adjointe

            La Demeure historique – M. Olivier de Lorgeril, président et Mme Alexandra Proust, juriste

            Direction générale des patrimoines – M. Philippe Barbat, directeur général

            Château de Villers-CotterêtsM. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, Mme Valérie Senghor, directrice générale adjointe en charge de l’innovation, du développement et des grands projets et M. Xavier Bailly, administrateur en charge des châteaux de Villers-Cotterêts, Pierrefonds et Coucy

            Opéra national de Paris MM. Martin Ajdari, directeur général adjoint, Jean-Louis Blanco, directeur administratif et financier et Mme Valentina Bressan, directrice technique adjointe pour l’Opéra Garnier

            Fondation du patrimoine (*)  Mme Célia Vérot, directrice générale et M. Alexandre Giuglaris, responsable des affaires publiques

            Centre national de la musique  M. Jean-Philippe Thiellay, président

            Établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie – Mme Laurence des Cars, présidente et M. Francis Steinbock, administrateur général

            Réunion des musées nationaux – Grand Palais (RMNGP) – M. Emmanuel Marcovitch, directeur général délégué et Mme Nathalie BlancGuelpa, sous-directrice en charge des affaires financières

            Château de Chambord – M. Jean d’Haussonville, directeur général du domaine national de Chambord et M. Frédéric Bouilleux, directeur général adjoint

            Château de Versailles – Mme Catherine Pégard, présidente de l’établissement public en charge du château, du musée et du domaine national de Versailles et M. Thierry Gausseron, administrateur général

            Centre national des arts plastiques (CNAP) – Mme Béatrice Salmon, directrice

            Pass Culture  M. Damien Cuier, président de la société en charge du développement du Pass Culture

            Association nationale des écoles supérieures d’art et design publiques (ANdÉA)  M. Loïc Horellou, co‑président, Mme Christelle Kirchstetter, co‑présidente, M. Stéphane Sauzedde, co‑président et Mme Maud Le Garzic Vieira Contim, coordinatrice

            Direction générale de la création artistique – Mme Sylviane TarsotGillery, directrice générale

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9746624_5f9850ba156c9.commission-des-affaires-culturelles--mme-roselyne-bachelot-ministre-de-la-culture--projet-de-loi--27-octobre-2020

([2])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9750632_5f987adeb3a45.commission-des-affaires-culturelles-et-de-l-education--mme-roselyne-bachelot-ministre-de-la-cultur-27-octobre-2020