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N° 3459

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2020.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021,

 

 

TOME IV

 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

 

 

Par M. Pierre Henriet,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  3360, 3399 (annexe n° 33).

 


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

Un contexte unique

I. L’an I de la loi de programmation pluriannuelle

II. Les compléments apportés au projet de loi de finances

A. les mesures du plan de relance

1. Un soutien accru à l’ANR

2. Les autres dispositifs du plan de relance en faveur de la recherche

B. Le quatrième programme d’investissement d’avenir

Les crédits budgétaires pour 2021

I. Remarques liminaires

A. Un périmètre qui évolue

B. Regard d’ensemble sur les crédits des trois programmes de la mission

II. Le programme 172

A. Regard transversal sur le programme

1. L’exécution budgétaire des années 2019 et 2020 à ce jour

2. L’impact de la crise sanitaire

3. Généralités

B. Le dÉtail des financements par action

1. Les financements par thématiques

a. « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie » (Action 17)

b. Les crédits de l’action 16 : « Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information »

c. Les crédits de l’action 18 : « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement »

d. L’action 15 : « Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé »

e. Le secteur des sciences humaines et sociales

2. Le financement des moyens

3. Les dotations aux grandes infrastructures de recherche (action 13)

C. L’agence nationale de la recherche

1. Le rôle dévolu à l’ANR dans la loi de programmation

2. L’action et les moyens de l’ANR

a. Le contrat d’objectifs et de performance

b. L’exécution budgétaire à ce jour

c. La traduction sur le terrain

d. Perspectives du PLF 2021

III. Les crédits « recherche » du programme 150

A. L’exécution budgétaire 2019 et 2020 à ce jour

B. Les crédits pour 2021

IV. Le programme 193 : maintenir la France dans le trio de tête des nations spatiales

A. Le CNES, opérateur unique au service d’une ambition majeure

1. La dimension stratégique

2. Le contrat d’objectifs et de performance 2016-2020

a. Les priorités

b. Un bilan des plus satisfaisants à l’heure des nouveaux défis

3. Les perspectives pour le prochain COP

a. Les ambitions

b. Une conjoncture néanmoins complexe

B. Un regard global sur l’ensemble des financements

C. Les crÉdits budgétaires du programme 193 dans le PLF 2021

1. Données transversales

a. Contributions à des organisations internationales et financement du CNES

b. L’exécution budgétaire

2. Présentation détaillée des crédits par action

a. La « Maîtrise de l’accès à l’espace »

b. L’observation de la Terre

c. Les crédits destinés à la « Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique »

d. Les actions 1 et 3 : la technologie spatiale au service de la science

e. Deux actions plus marginalement dotées

Travaux de la commission

I. AUDITION DE LA MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

annexe : Liste des personnes entendues par le rapporteur

 

 


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   introduction

L’année 2020 restera sans doute pour la communauté scientifique de notre pays comme celle qui aura marqué un tournant majeur.

L’adoption de la loi de programmation pluriannuelle d’ici à la fin de l’année confirme en effet l’engagement que le Gouvernement n’a cessé de montrer depuis 2017 pour la recherche et l’innovation. Cette loi définit tout d’abord une ambition forte et cohérente en déclinant les orientations stratégiques fondamentales pour l’avenir de notre pays et, surtout, trace une trajectoire financière au terme de laquelle les moyens de la recherche scientifique auront été accrus de 25 milliards d’euros, à l’horizon de 2030.

Aucun gouvernement récent ne s’était jamais engagé sur un tel effort sur une telle durée, qui vise à conjurer le risque de décrochage de la France par rapport aux autres grandes nations scientifiques dont plusieurs ont d’ores et déjà atteint – et même largement dépassé pour certaines, comme la Corée – l’objectif fixé à Lisbonne en 2000 d’un effort de financement équivalent à 3 % du PIB.

Ne serait-ce que pour cette seule raison, l’examen des crédits consacrés à la recherche au sein de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) proposés au PLF pour 2021 se révèle inédit, dans la mesure où 2021 sera l’an I de la programmation et que le budget se verra augmenté de quelque 400 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

À cela s’ajoute une dimension plus conjoncturelle due aux circonstances particulières de cette année marquée par la crise sanitaire de la covid-19, puisque le gouvernement a également décidé de consacrer une part des ressources du plan de relance et du quatrième programme d’investissements d’avenir à la recherche. De sorte que « l’effet de choc » annoncé par les financements additionnels apportés par la loi de programmation sera considérablement anticipé.

Ce sera notamment le cas des moyens de l’Agence nationale de la recherche, opérateur principal du financement de la recherche dans notre pays, qui pourra dès l’année prochaine augmenter fortement le taux de succès des appels à projets qu’elle lance ainsi que la part réservée au financement des dépenses assumées par les laboratoires et les établissements, le préciput. Deux ans seront ainsi gagnés sur l’échéancier envisagé par la loi de programmation.

Le Rapporteur pour avis formule le vœu que cet effort additionnel considérable contribue à apaiser les critiques qui ont surgi ces dernières semaines quant aux priorités du gouvernement autour du débat sur la loi de programmation et permette aux acteurs de terrain de mieux percevoir la dynamique enclenchée.

L’article 49 de la loi organique n° 20 01-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 91 % des réponses étaient parvenues.

 


–  1  –

   Un contexte unique

L’examen des crédits budgétaires de la recherche proposés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 s’inscrit cette année dans un contexte particulier.

En premier lieu, la loi de programmation pluriannuelle, qui sera adoptée avant la fin de l’année 2020, marque indéniablement un tournant important dans le financement de la recherche dans notre pays, tant par les montants en jeu que par les modalités.

En second lieu, le plan de relance que le Gouvernement a annoncé en septembre pour atténuer les effets de la crise sanitaire inclut un volet recherche et, par ailleurs, des financements additionnels seront disponibles dans le cadre du quatrième programme d’investissements d’avenir.

I.   L’an I de la loi de programmation pluriannuelle

Le projet de loi de programmation pluriannuelle pour la recherche ambitionne de rattraper une décennie perdue, au cours de laquelle les financements que notre pays y consacrait ont stagné cependant que les grandes nations scientifiques amplifiaient leur effort, dépassant même, pour les plus volontaristes d’entre eux, les 3 % de l’objectif de Lisbonne qui semble hors de portée de la France.

Il s’agit d’arrêter le décrochage et de renverser la trajectoire. L’effort sans précédent proposé par le Gouvernement consiste pour cela à réinjecter quelque 25 milliards d’euros sur les dix prochaines années selon l’échéancier reproduit ci‑dessous.

l’évolution des crédits budgétaires sur la durée de la programmation

(millions d’euros courants)

En crédits de paiement

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Programme 172

+ 224

+ 559

+ 785

+ 1 109

+ 1 455

+ 1 816

+ 2 193

+ 2 499

+ 2 805

+ 3 110

Programme 193

– 32

+ 44

+ 76

+ 107

+ 138

+ 169

+ 201

+ 232

+ 263

+ 294

Incidence des mesures de la présente loi sur le programme 150

+ 165

+ 302

+ 445

+589

+ 713

+ 820

+ 911

+ 1 175

+ 1 438

+ 1 701

Source : projet de loi de programmation pluriannuelle, article 2.

Cet effort sans précédent permettra de donner enfin les moyens de ses ambitions scientifiques à la recherche de notre pays, de restaurer l’attractivité des métiers en revalorisant les rémunérations – tant des chercheurs que des personnels techniques – et en offrant de nouvelles perspectives, notamment pour les jeunes chercheurs.

Les questions telles que le positionnement de la recherche dans son environnement européen et international, de son ouverture à la société, de son articulation avec les entreprises, sont également centrales dans le projet de loi de programmation.

Il en est de même du renforcement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) dont le budget d’intervention augmentera de 1 milliard d’euros à l’horizon de 2027, le financement par appels à projets, puissant vecteur de réinvestissement dans la recherche et l’innovation, étant insuffisamment développé dans notre pays par manque de ressources.

Comme le Rapporteur le montrera dans la suite du présent avis, les financements que propose le PLF sont en accord avec la première étape de la trajectoire définie par la loi de programmation et permettent ainsi l’amorçage du renversement espéré.

II.   Les compléments apportés au projet de loi de finances

A.   les mesures du plan de relance

C’est plus particulièrement pour accélérer la montée en puissance de l’effort fait dans la loi de programmation en faveur de la recherche compétitive et de l’emploi que le plan de relance est mis à contribution. Il s’agit donc de profiter de cette opportunité pour renforcer la stratégie de réinvestissement dans la recherche proposée par la loi de programmation.

1.   Un soutien accru à l’ANR

En premier lieu, à cet effet, l’action 5 du programme 364 « Cohésion » du plan de relance ouvre des autorisations d’engagement (AE) pour un montant de 428 millions d’euros ([1]) et des crédits de paiement (CP) de 286 millions d’euros.

Il est précisé que ces crédits additionnels permettront d’accélérer la montée en charge des engagements de l’ANR, pour laquelle le II de l’article 2 de la loi de programmation a prévu une augmentation de 149 millions d’euros en AE pour 2021 par rapport au niveau 2020, et de 293 millions d’euros en 2022.

Le tableau reproduit ci-après présente la trajectoire complète d’augmentation des AE de l’ANR jusqu’en 2027, à partir de laquelle elle sera stabilisée.

(en millions d’euros courants)

 

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

 

Autorisations d’engagement de l’Agence nationale de la recherche

+ 149

+ 293

+ 435

+ 577

+ 717

+ 859

+ 1 000

+ 1 000

+ 1 000

+ 1 000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En d’autres termes, les crédits inscrits au plan de relance devraient permettre à l’ANR de pouvoir, dès 2021, augmenter plus rapidement que prévu dans la loi de programmation les taux de succès de ses appels à projets et de proposer des taux de préciputs supérieurs, grâce à un niveau global de financement qui sera finalement de quelque 435 millions d’euros de plus par rapport à 2020.

Avec un budget d’intervention porté à plus de 950 millions d’euros dès l’an prochain, anticipant de deux ans la montée en puissance prévue dans la loi de programmation, il est estimé, d’une part, que le taux de succès des appels à projets génériques de l’agence pourrait être porté à 23 % dès 2021 et, d’autre part, que l’augmentation du taux de préciput – pour lequel la cible fixée par la loi de programmation est de 40 % à l’échéance, soit en 2030 – pourrait être de 25 % dès l’an prochain.

2.   Les autres dispositifs du plan de relance en faveur de la recherche

Le programme 363 « Compétitivité » du plan de relance sera également fortement mis à contribution au profit de la recherche. Son action 2 « souveraineté technologique et résilience », créditée de 1 567 millions d’euros en AE et de 923 millions d’euros en CP, prévoit en effet plusieurs axes bénéficiant directement à la recherche :

– un soutien au secteur spatial et au financement de la recherche duale, pour lesquels 515 millions d’euros en AE et 350 millions d’euros en CP sont budgétés, en soutien des crédits ouverts notamment sur le P193 de la Mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) dans le PLF 2021. Il s’agit entre autres de couvrir une partie des surcoûts lanceurs induits par la crise sanitaire ([2]) et surtout pour soutenir la recherche et développement (R&D) et l’innovation. Le Centre national d’études spatiales (CNES) en sera l’un des bénéficiaires, au côté notamment du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;

– un soutien sous forme de mesures destinées à la préservation de l’emploi de R&D, pour lesquels sont ouverts 300 millions d’euros d’AE et 128 millions d’euros de CP. Ces crédits ouvriront la possibilité à des personnels privés de R&D d’être mis à disposition temporaire dans des laboratoires publics ou de soutenir des jeunes chercheurs en leur permettant d’effectuer une thèse en partenariat avec un laboratoire public ;

– une opération de préfiguration d’un campus santé numérique au Val-de-Grâce par la création d’une structure hors les murs, dotée de 45 millions d’euros en AE=CP.

B.   Le quatrième programme d’investissement d’avenir

Les programmes d’investissement d’avenir (PIA) ont mobilisé des ressources considérables en faveur de la recherche.

Le PIA 3 a ainsi permis le lancement des Programmes prioritaires de recherche (PPR) et d’investir sur la structuration des moyens de la recherche française sur de grands enjeux.

Parmi les principales opérations, on peut relever le programme « Make our planet great again », doté de 30 millions d’euros et coordonné par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ; le PPR « Cultiver et protéger autrement », dont le pilotage scientifique et l’animation ont été confiés à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ([3]) , également doté de 30 millions d’euros, avec l’objectif, à l’horizon 2030-2040, d’une agriculture sans pesticide, respectueuse de l’environnement et de la santé humaine ; un PPR « Sport de très haute performance », doté de 20 millions d’euros et piloté par le CNRS ; le PPR « Antibiorésistance », doté de 40 millions d’euros et confié à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), ou encore le PPR « Maladies rares » qui met en œuvre le volet recherche du 3e Plan national « Maladies rares - 2018-2022 ».

Selon les indications qui ont été données au Rapporteur, le PIA 4 permettra de poursuivre dans la durée le soutien à l’innovation scientifique, économique et sociale. L’objectif est que notre pays consolide et développe ses positions à la frontière de la connaissance et dans les domaines d’avenir (marchés-clés à fort potentiel de croissance, transition écologique, sécurité et qualité alimentaire, vieillissement et autonomie, adéquation de la formation et de l’orientation aux défis du pays, souveraineté sur les technologies clés, etc.) et augmente ainsi son potentiel de croissance. Ce nouveau programme, construit à la lumière des recommandations du rapport d’évaluation du Comité de surveillance des investissements d’avenir ([4]), a vocation à répondre à de nouveaux enjeux de long terme révélés par la crise sanitaire, en particulier s’agissant du renforcement de la résilience de nos modèles économiques, éducatifs ou de santé.

Doté de 20 milliards d’euros sur cinq ans, le PIA 4 sera composé de deux volets dont le second, dit « structurel », aura pour objectif de garantir un financement pérenne et prévisible aux écosystèmes d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation mis en place par les précédents PIA, pour faire de la France le terreau le plus fertile en Europe pour les chercheurs et les entrepreneurs. Quelque 7,5 milliards d’euros y seront consacrés.

En complément des financements du plan de relance et sur une durée supérieure, le PIA 4, comme les précédents, continuera donc d’intervenir en soutien à la recherche et à l’innovation comme facteur accélérant des secteurs d’avenir à transformer.

 

 


–  1  –

   Les crédits budgétaires pour 2021

I.   Remarques liminaires

A.   Un périmètre qui évolue

Le dernier remaniement ministériel s’est traduit par une évolution assez importante du périmètre du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), dans la mesure où le programme 193 « Recherche spatiale » relève désormais du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

Le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, était autrefois seul « compétent en matière de politique de l’espace » ([5]). Cette compétence a été transférée en juillet dernier au ministre de l’économie, des finances et de la relance, dont le décret d’attribution indique que « pour l’exercice de ses attributions relatives à la politique d’innovation et à la politique de l’espace, le ministre de l’économie, des finances et de la relance dispose de la direction générale pour la recherche et l’innovation. » ([6]).

Ce changement peut paraître curieux. D’une part, l’ambition spatiale de la France est clairement inscrite dans la stratégie nationale de recherche France ‑ Europe 2020 au sein de laquelle elle fixe plusieurs orientations de recherche. Par ailleurs, la loi de programmation pluriannuelle de la recherche en cours de discussion au Parlement, portée par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, concerne trois programmes de la MIRES, dont le 193. Enfin, le projet annuel de performances de la mission présente toujours le financement de l’opérateur comme étant réparti entre deux ministères, le MESRI et le ministère des armées.

B.   Regard d’ensemble sur les crédits des trois programmes de la mission

Cela étant, le tableau ci-dessous permet un premier regard d’ensemble sur les crédits de paiement consacrés à la recherche et inscrits dans la MIRES, compte tenu des mesures dues à la loi de programmation pluriannuelle.

 

 

 

Crédits de paiement

(en millions d’euros)

Programme

Total MESRI
hors T2 CAS pensions

P150
T2+HT2

P172

P193

Total financement LPR

LFI 2020

23 317

13 768

6 941

2 022

 

Crédits LPR

 

+165

+225

– 32

+357

Autres mesures PLF21

+0,6

+80

 

 

 

Apurement dette ESA

 

 

 

– 253

 

PLF 2021 à périmètre constant 2020

23 924

14 012

7 166

1 736

 

Ajustement de périmètre

 

– 1

– 3

– 100

 

PLF 2021 à périmètre courant

 

14 012

7 163

1 636

 

Source : Direction des affaires financières, MESRI.

 

La trajectoire des emplois fixée par la loi de programmation

Le rapport annexé à la loi de programmation souligne que de nombreuses mesures sont porteuses de créations d’emplois scientifiques et trace la trajectoire des effectifs sous plafond des établissements publics sous tutelle du MESRI pour les prochaines années.

Pour l’année 2021, l’incidence de la LPR sera ainsi de 700 ETP supplémentaires par rapport à 2020.

Toutefois, dans la mesure où ces établissements sont aujourd’hui en situation d’importantes vacances d’emplois, à hauteur de plus de 7 600 postes pour les seuls programmes 172 et 193, les recrutements l’an prochain interviendront grâce aux subventions accordées aux établissements et à la levée de la contrainte du schéma d’emploi zéro à laquelle ils étaient soumis, sans qu’il soit nécessaire de relever les plafonds d’emplois.

Consécutivement, ils n’apparaissent pas dans le PLF et seront constatés en cours d’exécution budgétaire.

II.   Le programme 172

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est au cœur du financement de la recherche de notre pays. À cet effet, il intervient notamment en soutien des organismes publics de recherche et au financement de la recherche par projet via l’Agence nationale de la recherche (ANR), à laquelle le Rapporteur consacrera des développements spécifiques compte tenu de l’importance accrue que lui donne la loi de programmation pluriannuelle pour les années à venir.

A.   Regard transversal sur le programme

1.   L’exécution budgétaire des années 2019 et 2020 à ce jour

Selon les informations qui ont été communiquées au Rapporteur, l’exécution constatée s’est établie en 2019 à 6 753 millions d’euros en AE et à 6 851 millions d’euros en CP, soit un taux d’exécution de 98,7 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI). Cet écart est principalement la conséquence du niveau de mise en réserve appliqué en programmation initiale (0,5 % sur les dépenses de personnel et 3 % sur les autres postes de dépense). En fin de gestion 2019, 13 millions d’euros ont fait l’objet d’un dégel, permettant de couvrir les engagements de l’État au titre des contributions dues aux organismes scientifiques internationaux (OSI). La réserve initiale était de 104 millions d’euros en AE et 107 millions d’euros en CP. Après ce dégel de 13 millions d’euros, elle a été ramenée respectivement à 91 millions d’euros et 94 millions d’euros. Ce solde a été annulé.

S’agissant de l’exercice en cours, les crédits ouverts en LFI sont de 6 960 millions d’euros en AE pour 6 941 millions d’euros en CP, la réserve s’établissant respectivement à 121 millions d’euros et 120 millions d’euros. Au 31 août dernier, la consommation s’établissait à 3 334 millions d’euros en AE et 3 605 millions d’euros en CP. Un premier dégel de 50 millions d’euros a été obtenu en avril au titre de l’ouverture d’un fonds d’urgence covid-19, afin de financer des actions et projets dans le domaine de la recherche contre le virus. Des demandes complémentaires ont été présentées, majoritairement au titre de la compensation des surcoûts engendrés par l’état d’urgence sanitaire, pour quelque 69 millions d’euros, ainsi qu’au titre de diverses actions non financées, principalement le niveau d’engagement de l’État dans les OSI, pour 25 millions d’euros. Ce scénario conduirait à une mobilisation intégrale de la réserve ainsi qu’à l’ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative (LFR).

2.   L’impact de la crise sanitaire

La crise sanitaire due à la covid-19 a eu un impact financier sur les opérateurs de la recherche traduit par un surcoût lié à la prolongation des contrats de recherche (doctorants et contrats à durée déterminée), de l’ordre de 41 millions d’euros sur la période 2020-2022, dont 19 millions d’euros en 2021. Les prolongations des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) représenteraient, elles, 3,5 millions d’euros. La crise, qui se manifeste en outre par une perte de recettes due au ralentissement de l’activité, voire à l’arrêt de certains projets, grève parfois fortement le budget des organismes, notamment celui des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).

Ces surcoûts ne sont que partiellement compensés par les économies correspondant à des dépenses de fonctionnement moindres. Selon les informations fournies au Rapporteur, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) anticipe notamment une perte de recettes de 78 millions d’euros en 2020, faiblement compensée par les économies dues à la baisse d’activité. Globalement, à ce stade –  étant entendu que ces chiffres sont à considérer avec prudence car il s’agit encore d’estimations provisoires et incomplètes – les évaluations produites en septembre représentent pour les opérateurs de la recherche une perte nette de 185 millions d’euros sur la période 2020-2022, dont l’impact est attendu principalement en 2021.

3.   Généralités

Le programme 172 bénéficie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 de 7 315,3 millions d’euros d’AE et de 7 163,1 millions d’euros de CP. La dotation progresse ainsi de 355,3 millions d’euros en AE, soit +5,1 %, et de 222 millions d’euros en CP, soit +3,2 % par rapport à la LFI 2020.

Récapitulation et évolution des crédits du programme 172 par action

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021

Cette progression est la traduction des mesures relevant de la loi de programmation pour la recherche, à hauteur de 309 millions d’euros en AE et 224 millions d’euros en CP, compte tenu des ajustements de périmètre (– 3 millions d’euros).

Ces mesures couvrent un large spectre au sein du P172 : par exemple, +125 millions d’euros d’AE pour les crédits d’intervention de l’ANR. Les organismes de recherche, les très grandes infrastructures de recherche (TGIR) ou encore les organisations scientifiques internationales (OSI) en bénéficieront également.

 

B.   Le dÉtail des financements par action

Comme le montre le tableau ci-dessous, le programme 172 est structuré en onze actions différentes, de très inégale importance.

éléments de synthèse du programme 172

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021

1.   Les financements par thématiques

Quatre actions « thématiques » sont dotées d’enveloppes budgétaires très importantes, comprises entre 815 millions d’euros et plus d’1,2 milliard d’euros. Par ordre d’importance croissante, ce sont :

a.   « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie » (Action 17)

Cette action est en hausse de 6,9 % en AE, avec 815,6 millions d’euros, et de 5,3 % en CP avec 815,7 millions d’euros. Ces crédits représentent 11,1 % de l’ensemble du programme, comme en LFI 2020.

Plusieurs opérateurs nationaux, sous la coordination de l’ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie) ([7]), reçoivent des subventions pour charges de service public (SCSP) – d’un montant total de 376,4 millions d’euros en AE=CP – au titre de cette action, au premier rang desquels figure le CNRS pour 289,9 millions d’euros, suivi du CEA, 56,6 millions d’euros et de l’INRAE pour 21,3 millions d’euros. Le CIRAD ([8]) (4 millions d’euros), l’IFREMER ([9]) (2 millions d’euros), l’IRD ([10]) 1,8 million d’euros) et le BRGM ([11]) sont les quatre autres opérateurs intervenant sur cette action qui vise à préparer les ruptures technologiques du futur dans le domaine énergétique.

Les dépenses d’intervention de l’action – 439,2 millions d’euros en AE et 439,3 millions d’euros en CP – financent notamment les contributions de la France au Centre européen pour la recherche nucléaire (CERN), plus grand centre mondial de physique de particules, qui reçoit 157,9 millions d’euros, soit environ 14 % du budget prévisionnel, la contribution de chacun des 23 États membres étant calculée en référence à son PIB.

D’un ordre de grandeur à peu près équivalent, ITER, réacteur thermonucléaire expérimental international en cours de construction à Cadarache, recevra quelque 152 millions d’euros, destinés pour l’essentiel à la construction du bâtiment Tokamak et d’autres bâtiments techniques. Quelques TGIR sont également concernés par les dépenses d’intervention de cette action, dont deux sont basés à Grenoble : l’Institut Laue-Langevin (ILL), leader mondial des sources de neutrons, qui reçoit 32,3 millions d’euros, et l’ESRF (rayons X très durs), crédité de 27,3 millions d’euros. L’ESS (accélération de neutrons), est une TGIR européenne en construction en Suède à laquelle la France participe à hauteur de près de 32 millions d’euros. Trois autres TGIR – EGO-VIRGO, XFEL et FAIR – reçoivent des contributions plus modestes de la part de notre pays, d’au maximum 8,4 millions d’euros.

b.   Les crédits de l’action 16 : « Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information »

Cette action est dotée de 1 001,9 millions d’euros en AE=CP, soit 13,7 % du programme, en légère diminution par apport à la LFI 2020 (14,1 %).

Trois opérateurs reçoivent des SCSP au titre de cette action qui a pour but l’intensification des recherches fondamentales et appliquées en mathématiques, sciences et techniques de l’information et développement technologique, coordonnées par l’ALLISTENE (Alliance des sciences et technologies du numérique) ([12]). Le CNRS bénéficie de 693 millions d’euros à ce titre, devant le CEA (214,3 millions d’euros) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA) (93,9 millions d’euros). Les dépenses d’intervention sont marginales et se montent à 0,6 million d’euros sur un total de 1 001,9 millions d’euros.

c.   Les crédits de l’action 18 : « Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement »

Cette action bénéficie de 1 136,4 millions d’euros en AE=CP. Les crédits dédiés à cette action représentent 15,5 % des dépenses du programme, contre 16,2 % en LFI 2020.

Cette action soutient les disciplines intéressant les problématiques de développement durable et dans laquelle interviennent de nombreux opérateurs, dont la coordination est assurée par l’ALLENVI (Alliance nationale de recherche pour l’environnement) ([13]).

L’INRAE apparaît comme le principal acteur, qui reçoit quelque 508,2 millions d’euros de SCSP sur un total de 1 078,9 millions d’euros, suivi du CNRS (252,4 millions d’euros) et de l’IRD (106 millions d’euros). Le CIRAD (88,2 millions d’euros), l’IFREMER (63,9 millions d’euros), le CEA, le BRGM et l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) sont les autres opérateurs participant à cette action, dans une mesure plus modeste.

Les dépenses d’intervention assumées par cette action représentent des contributions, pour un montant total de 57,5 millions d’euros, en AE=CP, versées à diverses organisations scientifiques internationales, œuvrant pour l’essentiel en astronomie. Il s’agit principalement de l’Observatoire européen austral ESO, auquel la France apporte une contribution de 34,4 millions d’euros. L’Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), basé à Grenoble, ainsi que le projet de télescope CTA, sont également concernés.

d.   L’action 15 : « Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé »

L’importance des crédits budgétés pour cette action, d’un montant de 1 231,1 millions d’euros en AE et de 1 233 millions d’euros en CP, traduit la priorité donnée à ce domaine de recherche. Ces crédits représentent 16,8 % du total du programme (17,5 % en LFI 2020).

Ce sont ici principalement deux opérateurs qui reçoivent l’essentiel des subventions pour charges de service public : le CNRS est à lui seul destinataire de près de la moitié de cette enveloppe : 541,6 millions d’euros sur 1 127,1 millions d’euros de SCSP. Par ordre d’importance, l’INSERM est logiquement le deuxième bénéficiaire, avec 481,6 millions d’euros devant le CEA, doté de 101 millions d’euros. Le Génopole reçoit pour sa part 2,9 millions d’euros.

L’enveloppe de crédits consacrés aux dépenses d’intervention représente moins du dixième de celle destinée aux SCSP. Le quart, environ, est réparti entre quelques OSI, dont principalement le Laboratoire européen de biologie moléculaire (LEBM), doté de 16,7 millions d’euros. Le reste est constitué de dotations allouées à diverses fondations ou associations, en premier lieu l’Institut Pasteur et son réseau international, qui reçoit ici quelque 62,3 millions d’euros. L’Institut Curie est également doté de 9,1 millions d’euros.

Les chiffres clefs de l’Inserm

Budget : 966 millions d’euros dont 631 millions d’euros de subvention d’État et 335 millions d’euros de ressources propres.

– 261 Unités de recherche ;

– Près de 13 400 collaborateurs : fonctionnaires, contractuels et vacataires, ainsi que hospitalo-universitaires, contrats Action thématique incitative sur programme- Avenir (ATIP-Avenir) ;

– 34 Centres d’investigation clinique (CIC), créés en 1992 : implantés dans les CHU, ils offrent aux chercheurs et cliniciens les ressources nécessaires pour transférer au profit des malades les résultats de la recherche fondamentale ;

– 36 Structures offrant des services et des ressources technologiques de haut niveau à la communauté scientifiques ;

– 9 instituts thématiques couvrant tous les grands domaines de la recherche médicale ;

– 12 délégations régionales qui assurent la gestion de l’activité scientifique dans les territoires.

e.   Le secteur des sciences humaines et sociales

Comparativement, les sciences humaines et sciences sociales apparaissent nettement moins dotées que les quatre plus importantes, l’action 19 recevant 413,3 millions d’euros en AE=CP, cependant que l’action 11, « Recherches interdisciplinaires et transversales », bénéficie de 64,2 millions d’euros en AE=CP.

L’action 19 regroupe les crédits destinés au financement des recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sociales. La quasi-totalité – 412,1 millions d’euros – des crédits budgétés est versée sous forme de SCSP à divers organismes de recherche.

Le CNRS en reçoit près de 80 % (327,4 millions d’euros), loin devant l’INRAE, doté d’un peu plus de 10 %. Des quatre autres opérateurs intéressés, l’IRD reçoit un peu plus de 18 millions d’euros, devant l’INED, le CIRAD et l’IFREMER.

Les crédits de l’action 11 sont répartis en SCSP entre le CNRS, qui en reçoit près des deux-tiers, et le CEA.

2.   Le financement des moyens

Une part relativement importante des crédits du programme 172 est consacrée à des actions qui ne bénéficient pas directement à des activités de recherche. Ils concernent les diverses actions de soutien conduites par l’administration centrale du MESRI, ainsi que les moyens que les organismes de recherche doivent administrer dans le processus de production de connaissances. Trois actions peuvent être présentées sous cet angle.

L’action 14, « Moyens généraux et d’appui à la recherche », est créditée de 1 042,7 millions d’euros en AE=CP, soit 14,3 % du budget du programme, soit un taux très légèrement supérieur à celui adopté en LFI 2020.

Ils sont distribués en SCSP entre les grands organismes de recherche de notre pays. Le CNRS est, de loin, le plus important des bénéficiaires qui en reçoit près de 45 %, soit 456 millions d’euros, suivi de l’INRAE (188 millions d’euros) et de l’INSERM (145,5 millions d’euros). En d’autres termes, trois organismes se partagent les trois-quarts de l’enveloppe globale à ce titre. Le quart restant est réparti, par ordre décroissant de dotation, entre l’INRIA, l’IRD, l’IFREMER, le CIRAD, le CEA, le BRGM, l’INED et l’IPEV.

L’action 1, dotée de 280,5 millions d’euros en AE et de 278 millions d’euros en CP, soit 3,8 % de l’ensemble des crédits du P172, stable par rapport à la LFI 2020, est ainsi destinée au financement du « pilotage et de l’animation », rubrique dans laquelle se distinguent des actions de prospectives et d’études, budgétées à hauteur de 7,2 millions d’euros en AE et 6,5 millions d’euros en CP. Le soutien à la recherche, notamment via les contrats de projets État-Régions (CPER), est doté d’environ 140 millions d’euros. Cette action regroupe enfin des mesures de support du programme, le soutien à l’innovation des crédits destinés à l’animation scientifique ainsi que l’action européenne et internationale du ministère. Les conventions industrielles de formation par la recherche, CIFRE, sont également budgétées dans cette action. Elles reçoivent 63,6 millions d’euros en AE=CP, soit une augmentation de 3,4 millions d’euros. Pour mémoire, la loi de programmation a pour ambition d’augmenter de 100 le nombre total de CIFRE, porté à 1 550 dans le PLF 2021 contre 1 450 auparavant.

Enfin, l’action 12 du programme, dotée de 150,7 millions d’euros en AE=CP, est intégralement mise en œuvre par des SCSP attribuées aux différents organismes de recherche, opérateurs du programme. Ces crédits sont destinés à financer des activités de diffusion, de valorisation et de transfert des connaissances et de technologies. Ils financent notamment le développement du Plan national pour la science ouverte, lancé en juillet 2018, ou celui de l’archive ouverte nationale HAL. Au total, ce poste représente 2,1 % du budget du programme, proportion identique à l’an dernier.

3.   Les dotations aux grandes infrastructures de recherche (action 13)

254,1 millions d’euros en AE=CP sont budgétés pour le financement des grandes infrastructures de recherche auxquelles participent plusieurs opérateurs scientifiques de notre pays, CEA, CNRS, IFREMER, INRIA, IPEV et RENATER. 

La majeure partie – 235 millions d’euros en AE=CP – des crédits permettent à ces opérateurs d’assumer la part de financement qui leur revient. Le CNRS, IFREMER et le CEA reçoivent à eux trois la quasi intégralité – 94 % – de ces SCSP.

En outre, un peu plus de 19 millions d’euros en AE=CP représente une part de la contribution directe de l’État au GENCI (Grand équipement national de calcul intensif) ([14]).

C.   L’agence nationale de la recherche

Le rôle important qui lui est dévolu dans la loi de programmation de la recherche justifie une présentation détaillée de l’ANR et des financements qui lui sont attribués.

1.   Le rôle dévolu à l’ANR dans la loi de programmation

Tout en promouvant le financement de la recherche par appels à projets, en ce qu’il permet une allocation des ressources sur des critères transparents et rationnels, la loi de programmation considère que l’efficacité de ce modèle est conditionnée par le niveau des moyens mis en œuvre, qui doivent permettre l’émergence de projets de qualité et le soutien des établissements qui les portent.

Ces conditions ne sont aujourd’hui pas réunies et les comparaisons internationales sont fortement en défaveur du dispositif français. Comme le rappelle le rapport annexé à l’article 1er du projet de loi, les opérateurs étrangers disposent en effet de moyens incomparablement supérieurs à eux de l’ANR, tant en proportion du PIB qu’en montant absolus, l’agence française ayant par exemple des niveaux d’engagement inférieurs à ceux des agences suisse ou hollandaise. Consécutivement, le taux de succès des appels à projets lancés par l’ANR est singulièrement faible. Tombé à un étiage de 11 % en 2014, il a induit une démobilisation forte et durable des équipes de chercheurs à laquelle s’ajoutent des effets pervers, un faible taux de succès rendant impossible une sélection sur des critères réellement fondés, les projets consensuels étant en outre favorisés, « au détriment de projets plus risqués, potentiellement disruptifs. »

Les moyens renforcés de l’ANR ces dernières années ont permis de faire remonter sensiblement le taux de succès de ses appels d’offre, qui reste toutefois encore insuffisant pour soutenir une recherche de qualité, notamment les projets les plus ambitieux et originaux. C’est exactement le constat que faisait le HCERES dans son évaluation de l’agence à la fin de l’année dernière, qui, tout en soulignant la progression et en relevant que l’objectif fixé était désormais de 20 %, appelait à un taux de réussite « significativement plus élevé afin d’assurer la compétitivité future de la recherche en France et de permettre un fort soutien aux jeunes chercheurs ». Pour cela, un budget d’intervention supérieur était nécessaire, « un trop grand nombre de projets jugés excellents ne pouvant recevoir de financement » pour cette raison. ([15])

C’est la raison pour laquelle la loi de programmation entend renforcer le rôle de l’agence en en faisant l’opérateur principal de financement.

La montée en puissance jusqu’à un taux de succès de 30 % suppose une augmentation substantielle des moyens de lANR qui permettra aussi une meilleure prise en compte de la diversité des besoins de l’ensemble des disciplines scientifiques, grâce à une offre de financement adaptée, que ce soit en termes de montant, de durée, de bénéficiaires ou de types de d’intervention. Pour ce faire, la trajectoire budgétaire inscrite dans la loi de programmation prévoit d’accroître de 1 milliard d’euros les financements de l’agence à l’horizon 2027 pour qu’elle soit enfin au niveau des standards internationaux.

L’augmentation des moyens de l’ANR permettra également à l’agence de pouvoir proposer des taux de préciput nettement supérieurs – à terme de 40 % – et contribuera, de ce fait, au soutien des établissements et de leurs laboratoires. Ce mécanisme, qui représente un complément de financement important à l’étranger, est en effet si faible dans notre pays qu’il ne permet pas de couvrir lensemble des coûts indirects. Ce sont en conséquence les établissements les plus performants, gérant le plus de projets lauréats, qui sont pénalisés par ce manque de financement. Les moyens dédiés à cet aspect permettront d’enclencher un processus vertueux, la couverture des frais indirects donnant aux laboratoires et aux établissements une capacité supérieure de mettre en œuvre leur politique scientifique et de financer des actions dans le cadre des priorités qu’ils ont définies.

2.   L’action et les moyens de l’ANR

Le premier contrat d’objectifs et de performance conclu entre l’État et l’ANR (Cop 2016-2019) a été signé en décembre 2016. Il est opportun d’en présenter un bilan et d’indiquer les perspectives avant de présenter les crédits proposés pour l’agence dans le PLF.

a.   Le contrat d’objectifs et de performance

Le bilan du premier COP

Il était organisé en cinq grandes priorités :

– La garantie de l’excellence scientifique et la qualité de la sélection de projets de recherche et d’innovation : assurer une sélection des projets en respectant les standards internationaux et la règlementation applicable ;

– La priorisation et l’optimisation des actions de coopération européenne et internationale : proposer les actions les plus adaptées à l’atteinte des objectifs de la politique nationale de recherche et à la consolidation de l’Espace européen de la recherche ;

– L’analyse d’impact et l’ouverture des données : développer et diffuser des analyses et des études d’impact pour décrire les effets de l’ANR dans le paysage scientifique et la société ;

– La qualité du service rendu : renforcer la qualité du service, améliorer la satisfaction et les interactions avec les publics utilisateurs ;

– L’efficience de l’établissement et de ses activités, par le perfectionnement des outils de pilotage, de suivi et des processus dans les fonctions support.

L’exécution de ce premier COP a permis une nette amélioration du pilotage de l’ANR, qui s’est en particulier matérialisée par la certification ISO 9001 du processus de sélection et des processus support. Dans le cadre d’un plan d’évolution concerté avec le MESRI et les Alliances de recherche, des évolutions majeures ont été apportées à partir de la programmation 2018 et du plan d’action annuel correspondant, avec plusieurs objectifs, notamment celui de simplifier les procédures de soumission et de sélection et de rendre plus lisible l’action de l’agence, mais aussi de renforcer la confiance des communautés scientifiques envers son action. Une meilleure communication pour plus de transparence, le renforcement de la politique de déontologie et d’intégrité scientifique et l’ouverture des données, ont également été des sujets d’amélioration. Le rapport d’évaluation que le HCERES a rendu en novembre 2019 rend notamment compte de ces points forts. ([16])

Le prochain contrat

Un nouveau contrat est en cours de d’élaboration avec le MESRI. Les orientations stratégiques s’inscrivent pleinement dans les objectifs de la loi de programmation et du rapport annexé.

Selon les indications communiquées au Rapporteur, elles s’articuleront autour de six grands axes :

– le soutien à la recherche dans toutes ses dimensions ;

– le renforcement des partenariats au niveau national ;

– l’encouragement des coopérations européennes et internationales ;

– la promotion d’une conduite responsable de la recherche ;

– le renforcement du suivi des projets et de l’évaluation ex-post ;

– l’optimisation du fonctionnement au service de la recherche et des bénéficiaires.

De même, les recommandations formulées par le HCERES dans son évaluation seront mises en œuvre dans le cadre du prochain COP de l’ANR et de la mise en œuvre de la loi de programmation.

b.   L’exécution budgétaire à ce jour

Le tableau ci-dessous donne le détail de l’exécution budgétaire, conforme aux prévisions et à l’exécution des années précédentes.

(en euros)

Agence Nationale de la Recherche
(source : SIBC)

 

Réalisé au 31/12/2019

BI 2020

Réalisé au 21/09/2020

 

Exé/BI

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL RECETTES

 

852 810 871

763 672 794

512 028 061

 

67%

 

 

 

 

 

 

 

Recettes Globalisées

 

828 453 166

734 047 960

489 180 622

 

67%

Subvention pour charge de service public

 

29 209 499

29 131 245

21 857 013

 

75%

Autres financements de l’État

 

787 386 539

697 066 168

460 219 702

 

66%

Autres financements publics

 

571 627

850 547

602 937

 

71%

Recettes propres

 

11 285 500

7 000 000

6 500 970

 

93%

 

 

 

 

 

 

 

Recettes Fléchées

 

24 357 705

29 624 834

22 847 439

 

77%

Financements de l’État fléchés

 

6 029 492

7 054 978

3 671 197

 

52%

Autres financements publics fléchés

 

18 284 356

20 725 979

17 293 820

 

83%

Recettes propres fléchées

 

43 857

1 843 877

1 882 422

 

102%

Source : ANR

En AE comme en CP, l’ANR a bénéficié de plusieurs abondements, notamment au titre des plans « Antibiorésistance » (+ 6,5 millions d’euros), « Intelligence artificielle » (+ 12,2 millions d’euros), ainsi que d’une subvention complémentaire pour le projet flash « Science Ouverte » (+ 0,73 million d’euros).

Les CP de l’ANR au titre des dépenses de transfert se sont montés à 708,8 millions d’euros ainsi répartis :

 composante recherche et innovation – 449,8 millions d’euros (73 %) : soutien à une recherche libre, à l’initiative de chercheurs dans le cadre de l’appel à projets générique. Cette composante concerne les projets de recherche collaboratifs ainsi que les projets de recherche jeunes chercheurs-jeunes chercheuses ;

  composante actions spécifiques – 9 millions d’euros (1,5 %), finançant des actions spécifiques visant à répondre à des objectifs spécifiques tels que lever des verrous technologiques ou répondre rapidement à des situations particulières ou d’urgence (Flash) ;

  composante construction de l’espace européen de la recherche et attractivité internationale – 70,7 millions d’euros (11,5 %), en soutien aux actions européennes avec notamment le partenariat bilatéral franco-allemand thématique, l’aide au montage de réseaux européens et internationaux, l’action tremplin-ERC3 et la participation aux initiatives de programmation conjointes et ERA-NET5 ;

  composante impact économique de la recherche et compétitivité
– 86 millions d’euros (14 %) en soutien à la recherche partenariale via des actions spécifiques : dispositif Carnot, laboratoires communs organismes de recherche publics - PME/ETI6 (LabComs) et chaires industrielles. ([17])

c.   La traduction sur le terrain

Avec un taux de sélection supérieur, de 18,6 % en 2019, le nombre de projets financés est logiquement plus important : 1 592 projets financés en 2019 contre 1 471 en 2018 et 1 380 en 2017. Les graphiques ci-dessous montrent l’évolution sur les dernières années.

Source : ANR

 

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

BI 2020

Engagements sur AAP * (M€)

650,2

629,3

557,0

555,6

432,5

414,3

389,2

457,4

496,5

518,1

569

586,4

Nombre de projets déposés

6 036

6 390

6 319

6 463

6 465

10 110

9 340

8 561

9 258

8 581

8 575

 

Nombre de projets financés

1 335

1 373

1 296

1 301

1 068

1 071

1 049

1 257

1 380

1 471

1 592

 

Taux de projets financés

22,1 %

21,5%

20,5%

20,1%

16,5%

10,6%

11,2%

14,7%

14,9%

17,1%

18,6%

 

Source : ANR.

Sur l’appel à projets générique (AAPG), selon les précisions communiquées au Rapporteur par l’ANR, le taux de sélection est de 16 % en 2019, soit 1 157 projets financés pour 7 216 projets éligibles, en légère hausse par rapport à 2018 où le taux de sélection était de 15,1 % (1 133 projets financés pour 7 520 projets éligibles), assez nettement supérieur à celui de 2017 : 13,2 % (1 063 projets financés pour 8 038 projets éligibles). Le montant moyen alloué par projet est quasi stable depuis 2017 : 0,36 million d’euros par projet en 2017 et 2019, contre 0,35 million d’euros en 2018.

d.   Perspectives du PLF 2021

Comme on l’a rappelé précédemment, la trajectoire prévue par la loi de programmation prévoit plus qu’un doublement du budget d’intervention de l’ANR d’ici à 2027.

Le montant des crédits attribués à l’ANR via l’action 2 – 924,7 millions d’euros en AE et 773 millions d’euros en CP – représente 12,6 % du total du programme 172, contre 11 % en LFI 2020 où la dotation votée était de 766,3 millions d’euros en AE et 738 millions d’euros en CP. L’augmentation des AE est donc de 20,7 % d’une année sur l’autre.

La SCSP, destinée à assurer le fonctionnement de l’agence, est très légèrement augmentée à 30,2 millions d’euros en AE=CP contre 29,6 millions d’euros en LFI 2020. Ces moyens supplémentaires permettront à l’établissement de renforcer ses équipes dans la perspective de la mise en œuvre de la loi de programmation. À cet effet, dix ETPT de plus sont prévus en 2021.

En revanche, les crédits d’intervention connaissent dès la première année d’exécution de la LPR une hausse importante de 157,8 millions d’euros en AE, –  dont +149 millions d’euros au titre de la loi de programmation – soit +21,4 % par rapport à l’an dernier : 894,5 millions d’euros en AE contre 736,7 millions d’euros. Cet effort confirme et renforce considérablement le mouvement de hausse engagé depuis 2015, qui a depuis lors permis à l’ANR de voir son budget d’intervention croître de 213,6 millions d’euros et consécutivement, d’améliorer son taux de sélection de façon significative, les appels à projets (AAP) étant en progression de 1,5 % en 2019 par rapport à 2018, comme le reflète le diagramme ci-dessus.

Les CP correspondants sont d’un montant de 742,8 millions d’euros, contre 708,4 millions d’euros l’an dernier, en augmentation de 34,4 millions d’euros.

Selon les précisions qui ont été fournies au Rapporteur, l’effet combiné de la loi de programmation et du plan de relance devrait permettre d’augmenter sensiblement le taux de succès aux appels à projets, porté à 23 % dès 2021 pour l’appel à projet générique, mais aussi de commencer à augmenter le taux de préciput dès l’an prochain, avec une cible de 25 %.

Le Rapporteur s’en félicite.

III.   Les crédits « recherche » du programme 150

A.   L’exécution budgétaire 2019 et 2020 à ce jour

Selon les indications données au Rapporteur par la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, en l’absence de dégel de crédits et de mouvement de fongibilité asymétrique (de crédits de titre 2 vers le hors titre 2), la gestion du programme 150 a été tendue en 2019 et s’est traduite par une consommation de l’intégralité des crédits disponibles, au point que, hors crédits immobiliers, seuls 1 million d’euros de CP ont été reportés sur 2020, correspondant à un décalage dans la couverture des engagements par rapport à la prévision. En revanche, la totalité des AE ouvertes en 2019 a donné lieu à des engagements.

S’agissant de l’immobilier, l’essentiel des reports a concerné des AE affectées non engagées (AEANE), des crédits de fonds de concours (en AE et en CP) en cohérence avec le rythme de réalisation des opérations cofinancées (CPER) ou des crédits destinés à des opérations spécifiques.

La DGESIP indique en revanche que les incertitudes liées à la crise sanitaire ne permettent pas d’avancer de chiffres à ce stade de la gestion pour l’année en cours. On observe en effet des effets contraires dus à la crise, tels la baisse des dépenses de fonctionnement courant et des recettes propres, ou le décalage d’opérations immobilières, mais en revanche un accroissement des dépenses de prévention sanitaire, d’investissement pour l’hybridation des formations ou de prolongation des contrats doctoraux. Pour ces raisons, il est à ce stade encore difficile de déterminer le solde de ces effets, qui au demeurant est variable selon les établissements.

Récapitulation et évolution des crédits de l’action 17 (recherche) du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire »

Source : Projet annuel de performance - PLF 2021

B.   Les crédits pour 2021

Les crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » de la MIRES sont répartis en neuf actions différentes, comme le montre le tableau ci-dessous. Parmi ces actions, seule l’action 17 est exclusivement destinée au financement de la recherche universitaire.

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021

Cela étant, il convient de préciser que les autres actions du programme, sauf l’action 4, comportent des crédits, nettement plus modestes, destinés à la recherche. Au total, selon les indications qui ont été données au Rapporteur, l’ensemble des crédits inscrits au programme 150 pour la recherche se monte à 4 124,8 millions d’euros dans le PLF 2021, dont 4 033,6 millions d’euros sur l’action 17. À titre de comparaison, on rappellera que la LFI 2020 avait inscrit 3 954,9 millions d’euros en AE=CP pour cette même action.

Conformément à ce qui est proposé dans la loi de programmation pluriannuelle en cours de discussion, le montant est conforme à la première étape de la trajectoire, dans la mesure où il inclut 72,8 millions d’euros supplémentaires au profit de la recherche universitaire à ce titre et 91,20 M€ sur les autres actions du programme 150 correspondant aux mesures statutaires et indemnitaires du projet de loi de programmation, ainsi répartis entre les différentes actions :

– 36,9 millions d’euros sur l’action 01 ;

– 26,9 millions d’euros sur l’action 02 ;

– 3,8 millions d’euros sur l’action 03 ;

– 3,7 millions d’euros sur l’action 05 ;

– 0,6 million d’euros sur l’action 13 ;

– 4,9 millions d’euros sur l’action 14 ;

– 14,4 millions d’euros sur l’action 15.

Les crédits destinés à la recherche inscrits sur l’action 17 représentent 29 % du total du programme 150 – contre 28,8 % en LFI 2020. Ils sont alloués aux opérateurs du programme afin de contribuer au développement de la recherche universitaire. Ces opérateurs fédèrent leurs actions par le biais de cinq alliances thématiques constituées pour renforcer la coordination entre les acteurs d’un même champ de recherche et de ce fait, renforcer la performance, la visibilité, le rayonnement international et valoriser la recherche française. À cet effet, elles développent des partenariats et des synergies entre les acteurs publics et privés du secteur, conçoivent des programmes de R&D et participent à la construction de l’espace européen de la recherche et à la coordination des efforts de recherche publique à l’international.

– L’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN) ;

 L’Alliance des sciences et technologies du numérique (ALLISTENE) ;

 L’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE) ;

 L’Alliance dans le domaine de la recherche environnementale (ALLENVI) ;

 L’Alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales (ATHENA).

C’est entre ces alliances que se répartissent de la manière suivante les subventions pour charge de service public (SCSP), en AE=CP, qui s’élèvent à 3 893,6 millions d’euros en PLF 2021 contre 3 816,9 millions d’euros en LFI 2020.

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021

La répartition entre les cinq alliances évolue peu d’une année sur l’autre. On relèvera surtout que la part attribuée à la recherche universitaire interdisciplinaire et transversale diminue de 9,3 % à 6,2 %. Ce sont principalement les Alliances ANCRE, ALLISTENE et ALLENVI qui en bénéficient plus particulièrement.

Selon les documents budgétaires, les crédits de masse salariale représentent cette année quelque 3 728,1 millions d’euros, soit 95,7 % du total. En LFI 2020, ces crédits de masse salariale s’élevaient à 3 646,3 millions d’euros. Les crédits supplémentaires – 76,8 millions d’euros – ouverts au titre de la loi de programmation pluriannuelle permettront, à hauteur de 30 millions d’euros, d’accorder des moyens supplémentaires pour les activités de recherche des établissements d’enseignement supérieur (moyens aux laboratoires, dotations au démarrage et financements de projets dans le cadre du dialogue contractuel) et pour 42,8 millions d’euros, de financer des revalorisations indemnitaires et l’élargissement des dispositifs de recrutement des enseignants-chercheurs, étant entendu que 4 millions d’euros sont destinés au financement des mesures du PPCR.

Les crédits de fonctionnement récurrent se montent à 157,1 millions d’euros ([18]), et sont destinés au financement du fonctionnement des opérateurs – universités, écoles ingénieurs et autres (ENS, écoles françaises à l’étranger, Fondation de la Maison des sciences de l’homme, Muséum national d’histoire naturelle, Observatoires de Paris et de la Côte d’Azur, Collège de France, Institut physique du globe, instituts d’études politiques).

Des crédits d’accompagnement, pour un montant de 8,4 millions d’euros, sont enfin alloués au titre de l’Institut universitaire de France (IUF). Il s’agit de la compensation des décharges de service (deux-tiers de service) et de la prime d’encadrement doctoral et de recherche, chaque membre de l’IUF bénéficiant d’une dotation budgétaire finançant les travaux de recherche de son équipe.

IV.   Le programme 193 : maintenir la France dans le trio de tête des nations spatiales

A.   Le CNES, opérateur unique au service d’une ambition majeure

Le fait que, à la fin de cette année, le contrat d’objectifs et de performance du Centre national d’études spatiales (CNES) arrive à échéance est tout d’abord l’occasion pour le Rapporteur de présenter l’activité du Centre et les perspectives de l’aventure spatiale.

1.   La dimension stratégique

Parmi les dix défis sociétaux qu’elle a identifiés pour le XXIe siècle, la « Stratégie nationale de la recherche France – Europe 2020 » a clairement inscrit l’ambition spatiale de la France dans une dimension européenne en lui assignant cinq orientations de recherche ([19]) :

 L’observation de la Terre : renouvellement des infrastructures spatiales essentielles aux services opérationnels d’observation pour l’environnement, articulées sur le dispositif européen Copernicus ; participation aux missions scientifiques de l’Agence spatiale européenne (ESA) et à des coopérations bilatérales complémentaires ; modélisation du changement climatique et de ses impacts, évaluation des politiques d’adaptation ;

● Compétitivité des secteurs des télécommunications et de la navigation : renforcement de la compétitivité des satellites de télécommunication via le développement de nouvelles technologies ; poursuite du déploiement du système Galileo et des applications associées ;

● Composants critiques : renforcement de la recherche et de l’innovation spécifique pour assurer la plus grande indépendance possible de l’Europe et de la France via des filières industrielles pérennes pour les composants électroniques critiques, afin de garantir un développement durable de l’industrie spatiale européenne ;

 Technologies pour l’observation et l’exploration de l’univers : développement des instruments de mesure et des méthodes permettant l’exploitation des données des recherches spatiales ainsi que la participation aux développements technologiques critiques pour le programme européen d’observation de l’univers et d’exploration du système solaire, notamment de Mars ;

 Défense et sécurité du territoire : renouvellement des infrastructures spécifiques (observation optique à très haute résolution, télécommunications sécurisées) et développement des capacités nouvelles.

Ce faisant, il s’agit pour notre pays « de conserver l’excellence de sa filière dans la compétition mondiale, et, fort de sa position de première nation spatiale européenne et de 2e nation au monde après les États-Unis (en effort public par habitant), de poursuivre son rôle moteur dans l’Europe de l’espace. »

Opérateur de l’État en matière spatiale, le CNES est naturellement un acteur majeur de cette stratégie que reflètent les axes d’intervention figurant à son contrat d’objectifs et de performance, couvrant la période 2016-2020.

2.   Le contrat d’objectifs et de performance 2016-2020

Le contrat d’objectifs et de performance qui s’achève à la fin de cette année avait pour finalité la mise en œuvre par le Centre des grandes orientations stratégiques de la politique spatiale française.

a.   Les priorités

La mission du CNES a été de décliner trois priorités :

 L’innovation

L’anticipation et la réactivité sont des atouts majeurs pour préparer le futur dans un environnement en pleine l’évolution, que ce soit en matière de technologie, de concepts ou d’organisation des projets. Le COP a insisté à cet égard sur le fait que les travaux réalisés par le CNES mettraient « l’accent sur la préparation du futur dans les secteurs innovants apparaissant très prometteurs ou permettant des ruptures technologiques génériques (micro et nanotechnologies, propulsion électrique, optique active, numérique, Big Data…) ». Un axe important de son action porte sur l’émergence d’un écosystème reposant sur un tissu de PME-PMI réactives face aux évolutions du marché et soutenues par des acteurs tels que des pôles de compétitivité, des incubateurs et accélérateurs, Bpifrance, etc.

 Le développement des filières d’excellence françaises au profit des acteurs français de la recherche et de l’industrie

Ces filières, dans des secteurs aussi variés que les lanceurs, les télécommunications, l’observation optique, la météorologie, le sondage atmosphérique, l’océanographie, ou encore l’instrumentation et les segments sol scientifiques conçus et développés en coopération avec les laboratoires des partenaires académiques, sont à la base du positionnement remarquable des acteurs de notre pays au niveau mondial. L’objectif assigné au CNES a été de maintenir les compétences de l’industrie française au plus haut niveau et de développer sa compétitivité et, dans le domaine scientifique, de maintenir au meilleur niveau mondial l’expertise de nos laboratoires de recherche. À cet effet, quatre axes de travail devaient être développés :

– Lancement de programmes de nouvelle génération dans les différentes filières : Ariane 6, Neosat, IASI-NG, Swot, THR-NG ;

– Recherche scientifique, en partenariat bilatéral ou multilatéral avec des organismes nationaux, européens et internationaux ;

– Politique industrielle, pour assurer la pérennité d’une filière nationale autonome et souveraine ;

– Défense.

 Une politique spatiale tirant parti des dimensions européenne et internationale

Ce domaine concerne notamment les programmes Ariane 6, ELA4 et Vega C, pour garantir à l’Europe un accès indépendant de l’espace, grâce à des lanceurs fiables, disponibles et compétitifs, et à une base de lancement disponible à Kourou. Dans le domaine des sciences de l’univers et de la Terre, la priorité est donnée aux programmes de l’ESA et aux coopérations avec d’autres agences spatiales. Les thématiques d’observation de la Terre et de changement climatique sont également majeures dans le COP du CNES et mises en œuvre dans le cadre de partenariats scientifiques internationaux. Enfin, le CNES est fortement impliqué dans divers programmes essentiels développés par l’Union européenne, tels que Galiléo, Copernicus, SST et Horizon 2020, auxquels il apporte son expertise et accompagne les parties prenantes industrielles françaises.

Ces trois priorités ont été déclinées au sein du COP en divers objectifs opérationnels autour d’Ariane, en premier lieu, visant notamment à programmer le premier lancement d’Ariane 6 en 2020 et à mettre la base spatiale de Guyane en œuvre pour être compétitive pour le futur dans un contexte hautement concurrentiel, ainsi que dans les domaines des sciences, de l’observation, des télécommunications, de la défense, au niveau européen et international.

b.   Un bilan des plus satisfaisants à l’heure des nouveaux défis

Selon les indications qui ont été données au Rapporteur, à ce stade, le bilan de l’exécution du COP est des plus satisfaisants.

Les défis scientifiques, technologiques et industriels, qui interfèrent avec des enjeux liés à la souveraineté, à la connaissance et à la société, ont été relevés en commun par le CNES et ses partenaires. Une dynamique s’est confortée, qui s’appuie à la fois sur l’ensemble des acteurs de la chaîne d’innovation (recherche et technologie, projets…) avec l’expertise des équipes techniques du CNES, et sur un accompagnement financier – BPI, fonds d’investissement CosmiCapital en cours de création – pour encourager l’entreprenariat et le développement des entreprises de l’écosystème spatial. L’action du CNES a d’ores et déjà permis d’obtenir des résultats significatifs dans divers secteurs utilisant les infrastructures spatiales répondant aux besoins du grand public et des politiques publiques : mobilité ; environnement – agriculture, météorologie, pollution, risques ; déploiement des politiques publiques dans les territoires – Internet haut débit pour tous, aménagement, gestion des risques, sécurité, etc. ; santé.

Dans le domaine des lanceurs, le CNES est aussi devenu un partenaire stratégique, avec des équipes intégrées aux plateaux industriels sur les programmes Ariane 6 et Prometheus, partageant savoir-faire et connaissances tout en responsabilisant pleinement l’industriel. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de l’industrie spatiale française représente plus de la moitié de celui de l’industrie spatiale européenne et la grande majorité du chiffre d’affaires européen de l’industrie spatiale à l’export.

Dans le domaine des systèmes orbitaux, les succès à l’export de l’industrie nationale sont également nombreux, en observation de la Terre, dans le domaine de la géolocalisation et de la navigation (exportation du concept EGNOS en Australie, en Corée et en Afrique), comme dans le domaine des télécommunications avec une vingtaine de satellites à propulsion toute électrique déjà vendus et une part du marché commercial des satellites géostationnaires ayant doublé ces deux dernières années.

Enfin, s’agissant de la dimension scientifique, le haut niveau de publications maintenu par la communauté française est un indicateur de la réputation d’excellence qu’elle a su gagner au niveau international. La forte implication dans les programmes scientifiques de l’ESA est complétée par des missions innovantes développées en coopération dans les domaines d’excellence scientifique français comme la physique fondamentale (projet ACES/Pharao), la cosmologie (mission GAIA), l’astrophysique des hautes énergies ou de l’univers froid (XMM), l’exploration de Mars (MSL, INSIGHT), l’océanographie (AltiKa, CFOSAT), l’étude du cycle de l’eau (SWOT, Trishna…) et du carbone (Microcarb, Merlin), et dans les thématiques identifiées comme prioritaires lors des séminaires de prospective scientifique.

3.   Les perspectives pour le prochain COP

a.   Les ambitions

Selon les informations qui ont été communiquées au Rapporteur, un calendrier de préparation du nouveau COP a été initié dès février 2020 et, malgré la crise sanitaire, le CNES a pu présenter à la fin du mois d’août dernier aux ministères de l’économie, des finances et de la relance, de l’ESRI et des armées, une première proposition, basée sur les travaux du groupe de travail interne « Stratégie 2025 », dont les conclusions avaient été présentées au conseil d’administration du Centre en décembre 2019.

Sur la base du constat du rôle croissant joué par le spatial dans nos économies et nos sociétés, ce projet de COP propose trois lignes de force pour structurer l’action du CNES au service de la politique spatiale de l’État : le spatial vecteur de croissance économique ; l’autonomie stratégique ; le développement durable.

Ces trois priorités permettront à la France et à l’Europe de faire face aux défis économiques, stratégiques, politiques et intellectuels du nouveau monde spatial, tout en saisissant les opportunités de coopération et de croissance qui se dessinent. Le CNES a en effet vocation à préparer l’avenir de notre société en contribuant activement aux systèmes spatiaux de demain, en faisant émerger leurs futurs usages dans les différents domaines – exploration, sciences, défense, services – en orientant et en aidant le développement de l’écosystème spatial – capacité et compétitivité industrielle, nouveaux venus – et en formant les futurs utilisateurs à ces nouvelles technologies et à leurs utilisations. Il est par ailleurs un acteur majeur et indispensable pour maintenir la France en tête des acteurs mondiaux du spatial, en poursuivant et en développant les coopérations internationales et en faisant rayonner notre pays au niveau européen et mondial.

Concrètement, ces axes se déclineront en six enjeux stratégiques : accroître l’effort d’innovation ; renforcer les coopérations stratégiques ; faire évoluer sa relation avec la défense ; renforcer l’écosystème spatial français et européen ; soutenir l’excellence de la communauté scientifique ; poursuivre sa transformation interne.

Les recommandations formulées dans le rapport d’évaluation du HCERES, qui doit être rendu public très prochainement, serviront d’appui à l’élaboration du document qui devrait être finalisé en décembre, sur la base des orientations données par les autorités de tutelle.

b.   Une conjoncture néanmoins complexe

Cela étant, si le spatial est un secteur dynamique dans lequel les acteurs français, au premier rang desquels le CNES, sont remarquables, il n’en reste pas moins que la période actuelle est assez difficile. La crise sanitaire due à la covid-19 a eu un impact sur l’activité du CNES lui-même : la base guyanaise, et notamment le chantier du nouveau pas de tir pour Ariane 6, ont été mis à l’arrêt et l’ensemble des personnels placés en télétravail lors du confinement. Le programme de lancement a pu reprendre à la mi-août, mais il reste néanmoins sujet à incertitudes, dans la mesure où il est fortement dépendant de coopérations internationales.

Par ailleurs, comme le soulignent les documents budgétaires, depuis 2018, le marché commercial export et le marché institutionnel européen, qui constituent les deux piliers de la filière spatiale française qui réalise entre le tiers et la moitié de son chiffre d’affaires à l’exportation, sont fragilisés. Si l’activité est repartie à la hausse depuis 2019, l’évolution du marché institutionnel européen reste incertaine pour la période 2021-2027, dans l’environnement fortement concurrentiel que le Rapporteur a évoqué.

B.   Un regard global sur l’ensemble des financements

Dans la conjoncture exceptionnelle que notre pays traverse, les crédits de nombre de programmes du PLF vont être abondés par ceux du plan de relance, voire du quatrième PIA. C’est tout particulièrement le cas des financements que reçoit le CNES.

Le CNES bénéficie de trois ressources principales : la subvention du programme 193 ([20]), celles du PIA et du Plan de relance, qui sont complémentaires, tout comme le sont, toutes choses égales par ailleurs, la part nationale et la part ESA du programme 193, dès lors que la politique spatiale de notre pays est conçue de manière intégrée.

Les crédits des programmes budgétaires constituent le socle de financement de l’établissement public et le projet de loi de programmation pluriannuelle en cours de discussion met en ce sens le programme 193 sur une trajectoire très favorable que reflète le tableau reproduit ci-dessous.

 

Source : Projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, rapport annexé, page 109

En termes budgétaires, l’article 2 de la loi de programmation pluriannuelle prévoit que les crédits de paiement inscrits dans les PLF successifs jusqu’en 2030 évolueront de la manière suivante :

 

(en millions d’euros courants)

Programme budgétaire

Crédits de paiement

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Programme 193

– 32

+ 44

+ 76

+ 107

+ 138

+ 169

+ 201

+ 232

+ 263

+ 294

Par ailleurs, depuis son lancement, les trois premières tranches du PIA ont constitué des ressources de relais pour le CNES, lui permettant d’engager des projets urgents et structurants pour l’industrie spatiale, par exemple pour la filière satellite les projets SWOT et Microcarb, pour lesquels, compte tenu de la durée des projets spatiaux, il aurait été difficile à l’établissement de dégager rapidement des marges de manœuvre sur les subventions qu’il reçoit de l’État.

Le tableau ci-dessous montre l’importance des crédits reçus par le CNES via le PIA ces dernières années, qui ont encore représentées quelque 50 millions d’euros en 2020 pour renforcer la compétitivité de l’industrie spatiale française.

Source : CNES

En ce sens, le PIA4 pourra jouer un rôle essentiel dans l’accélération de l’innovation dans le secteur spatial.

En complément, le Plan de relance jouera un rôle comparable par sa concentration et sa rapidité de décision, et le CNES a proposé à l’État d’en être l’opérateur. Le volet spatial sera doté de 365 millions d’euros pour couvrir une partie des surcoûts lanceurs induits par la crise sanitaire et surtout pour soutenir la R&D et l’innovation. Selon les indications qui ont été données au Rapporteur, des discussions sont en cours pour la ventilation des crédits sur les actions. Il est toutefois précisé au PAP « Plan de relance » que ce sont des projets relevant de la recherche duale qui seraient concernés dans le domaine aérospatial et portés par le CNES : projets TELEMAK (démonstrateur technologique pour satellites de télécommunication), CERES (capacité d’écoute et de renseignement électromagnétique spatiale), CASTOR (capacité stratégique spatiale télécom mobile résilient), YODA (yeux en orbite pour un démonstrateur agile), et OTOS (observation de la terre en optique super-résolue). L’établissement recevra pour cela 38 millions d’euros de SCSP (titre 3) et 90 millions d’euros de dotation en fonds propres (titre 7).

C.   Les crÉdits budgétaires du programme 193 dans le PLF 2021

La France a fait le choix, à la fin 2014, de financer sa part du programme Ariane 6 par la constitution d’une dette, massive, vis-à-vis de l’Agence spatiale européenne (ESA). La trajectoire budgétaire a en conséquence été dictée pendant cinq ans par un impératif de remboursement au 31 décembre 2020, qui explique la croissance très vive de la contribution française à l’ESA sur la période 2018-2020. Cette situation s’est accompagnée d’une stabilisation des ressources du programme national (PMT multilatéral du CNES).

L’apurement de cette dette à la fin de l’année 2020 explique aussi l’apparente diminution des crédits entre la LFI 2020 et le PLF 2021. L’effort particulier conduit ces dernières années s’est traduit par un pic conjoncturel en 2020, à 1 401 millions d’euros, destiné à solder la dette française accumulée auprès de l’ESA, encore de 253 millions d’euros à la fin 2019. La subvention pour 2021, retraitée de la dette apurée en 2020, évolue logiquement à la baisse, de – 73 millions d’euros, en cohérence avec la programmation de l’ESA et les engagements de la France.

 

Récapitulation et évolution des crédits du programme 193 par action

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021

 

Par ailleurs, il est aussi procédé à deux mesures à somme nulle pour l’opérateur dans le PLF 2021, dont l’une concernant le programme 193 et portant sur un transfert de 100 millions d’euros vers le programme 146 (« Équipement des forces ») du ministère des armées. ([21]) Il ne s’agit en conséquence que d’un mouvement de fongibilité entre programmes.

1.   Données transversales

a.   Contributions à des organisations internationales et financement du CNES

L’essentiel des crédits du programme 193 représente la contribution de la France aux organisations internationales, et notamment à l’Agence spatiale européenne (ESA).

Quelque 70 % de l’enveloppe globale du programme sont consacrés à ce poste, soit 1 144,33 millions d’euros, en AE=CP.

La contribution à l’ESA était très légèrement supérieure à 1 400 millions d’euros en LFI 2020, mais, ainsi que le Rapporteur l’a rappelé, une part importante (253 millions d’euros) était destinée à l’apurement de la dette de notre pays. Hors remboursement, la contribution de la France se montait à 1 148 millions d’euros en 2020. Les crédits inscrits dans le PLF 2021 sont de 1 075,32 millions d’euros, en AE=CP, qui permettent de couvrir les engagements sur les programmes en cours et ceux souscrits à la conférence ministérielle de Séville en novembre 2019.

Le second poste, nettement inférieur, d’un montant de 69,01 millions d’euros en AE=CP, représente la contribution de la France à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT), calculée au prorata du PNB des États membres.

Le reste des crédits du programme 193, soit exactement 30 %, est consacré au financement du CNES, à hauteur de 491,55 millions d’euros en AE=CP.

Pour être tout à fait complet, il convient de préciser que le financement de l’État au CNES est également pour partie à la charge du ministère des armées, comme le reflète le tableau suivant, via le programme 191 en 2020, et le programme 146 dans le PLF 2021.

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021.

b.   L’exécution budgétaire

Selon les informations qui ont été communiquées au Rapporteur, l’exécution constatée des crédits en 2019 s’est établie à 1 811 millions d’euros en AE et en CP, soit un taux d’exécution de 99,5 % par rapport aux crédits ouverts en LFI. Il est précisé que l’écart est principalement la conséquence du niveau de mise en réserve appliqué en programmation initiale (0,5 % sur les dépenses de personnel et 3 % sur les autres postes de dépense initiale, dont l’ESA et EUMETSAT). Un dégel de la réserve initiale en fin de gestion a permis d’honorer les contributions de la France au titre de ses participations aux organisations scientifiques internationales.

Les crédits ouverts en LFI 2020 sont de 2 022 millions d’euros en AE=CP, avec une réserve établie à 83 millions d’euros. Au 31 août, la consommation s’établissait à 1 938 millions d’euros en AE et à 1 434 millions d’euros en CP. Une demande de dégel a été présentée pour 58 millions d’euros en vue d’assurer la couverture des engagements de l’État aux organismes internationaux (ESA et EUMETSAT). Comme il a été dit, la dette de la France sera soldée à la fin de l’exercice 2020.

2.   Présentation détaillée des crédits par action

ÉlÉments transversaux du programme

Source : Projet annuel de performance – PLF 2021.

a.   La « Maîtrise de l’accès à l’espace »

L’action 4 du programme est dotée de 607 millions d’euros en AE=CP, correspondant au financement des programmes de lanceurs spatiaux et aux infrastructures associées, soit le centre spatial guyanais de Kourou. Cette action consomme 37,1 % du programme.

Ces crédits se répartissent de la manière suivante : 123 millions d’euros de subvention pour charge de service public (SCSP) versés au CNES et 484 millions d’euros correspondant à la part de la contribution de la France à l’ESA à ce titre.

b.   L’observation de la Terre

L’action 2, « Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre », représente le deuxième poste de crédits du programme 193. Cette action est dotée de 298 millions d’euros, en AE=CP, soit 18,2 % du programme.

Elle vise à contribuer à l’avancement des connaissances scientifiques et à préparer les outils spatiaux destinées aux politiques nationales et européennes d’observation. En sont notamment bénéficiaires le programme Copernicus, qui porte sur de nombreuses problématiques – atmosphérique, maritime, terrestre, climatique, sécuritaire et d’urgence. En matière de suivi du changement climatique, la France et le CNES détiennent le leadership depuis maintenant plusieurs années.

Au sein de cette action, la répartition, à parts sensiblement égales, de l’enveloppe s’établit ainsi : 147 millions d’euros de SCSP fléchée au profit du CNES et 151 millions d’euros de subventions à l’ESA destinées au financement des activités de cette thématique.

c.   Les crédits destinés à la « Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique »

L’action 5 du programme est dotée de 238 millions d’euros – soit 14,5 % du total du programme – destinés à la station spatiale internationale (ISS), à la conception et au développement de plateformes de mini et microsatellites – plusieurs filières, jusqu’à des nano-satellites étant actuellement en cours de développement – à la conception, au développement et à la mise en œuvre de ballons atmosphériques destinés à des missions scientifiques d’observation, ainsi qu’à des activités de recherche relatives à l’amélioration des performances des satellites.

Comme pour les autres actions du programme, les crédits de l’action se répartissent en SCSP, à raison de 98 millions d’euros pour le CNES, et subventions, de 140 millions d’euros au titre de la contribution de la France à l’ESA pour ces sujets.

d.   Les actions 1 et 3 : la technologie spatiale au service de la science

L’action 1 – « Développement de la technologie spatiale au service de la science » – du programme est également fortement dotée : quelque 210 millions d’euros lui sont consacrés, soit 12,8 % du total.

Ces crédits sont notamment destinés à financer des programmes spatiaux d’étude et d’exploration de l’univers, de physique fondamentale, de sciences de la vie, menés par l’ESA. 59 millions d’euros représentent la SCSP au CNES au titre de ces activités et le reste, soit 151 millions d’euros, la contribution de la France à l’ESA.

L’action 3 du programme regroupe les crédits destinés à financer le « Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication ». Cette action est dotée de 133 millions d’euros, soit 8,1 % du total du programme 193, destinés aux programmes spatiaux de télécommunications et de navigation-localisation-synchronisation, tel GALILEO, aujourd’hui leader mondial. Il est à noter qu’un ralentissement de ce secteur n’est pas à exclure dans un futur proche, dans la mesure où le modèle économique des opérateurs était basé l’expansion des besoins de connectivité en mobilité, aujourd’hui fortement ralentie du fait de la pandémie de la covid-19.

La répartition des dotations entre SCSP au CNES et contribution à l’ESA s’effectue à hauteur de 25 millions d’euros et de 108 millions d’euros respectivement, en AE=CP.

e.   Deux actions plus marginalement dotées

Les deux dernières actions du programme représentent chacune moins de 5 % du total du programme 193.

L’action 6 – « Moyens généraux d’appui à la recherche » –  est créditée d’un peu moins de 81 millions d’euros en AE=CP, répartis à parts sensiblement égales entre le CNES, qui reçoit 39,5 millions d’euros pour son fonctionnement général, et la contribution à l’ESA, destinataire de 41,3 millions d’euros.

Enfin l’action 7 représente la contribution de la France à EUMETSAT, soit la participation de notre pays au développement de satellites de météorologie. Cette action est dotée de 69 millions d’euros, comme indiqué plus haut.

 


–  1  –

   Travaux de la commission

I.   AUDITION DE LA MINISTRE

La commission procède, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (seconde partie), à l’audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et à l’examen des crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur ([22]).

M. le président Bruno Studer. Madame la ministre, mes chers collègues, nous entamons cet après‑midi l’examen du projet de loi de finances pour 2021, avec la mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) et l’audition de la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Frédérique Vidal, à laquelle je souhaite la bienvenue, ainsi qu’à M. Francis Chouat et à M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

Notre commission a désigné deux rapporteurs pour avis : M. Pierre Henriet rapportera les crédits de la recherche et M. Philippe Berta, ceux de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Compte tenu du contexte très particulier d’élaboration de ce projet de loi de finances, nos rapporteurs pour avis aborderont également, pour ce qui les concerne, les crédits figurant dans la mission « Plan de relance ».

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je suis très heureuse d’être devant vous pour vous présenter le budget de la MIRES pour l’année 2021. Ce budget, vous le savez, intervient dans une période exceptionnelle : la crise sanitaire et les crises économiques et sociales qui en découlent appellent une mobilisation sans précédent de la part du Gouvernement. Troisième budget de l’État, hors remboursement de la dette, la MIRES participe pleinement de cette mobilisation, et je suis fière de vous présenter cette année un budget tout à la fois renforcé, ambitieux et résolument tourné vers l’avenir.

Des mesures d’une ampleur inédite ont d’ores et déjà été prises pour faire face à la crise : entre le mois de mars et le mois de juillet dernier, vous avez adopté trois lois de finances rectificatives. Il s’agissait alors de gérer le temps de l’urgence, qui, même si la crise n’est pas derrière nous, doit désormais laisser la place au temps de la reconstruction, des perspectives et de l’ambition. C’est tout l’enjeu du budget que j’ai l’honneur de vous présenter.

Nous avons tenu à ce qu’un soutien massif soit apporté à notre recherche, à nos établissements d’enseignement supérieur et à tous ceux qui, chaque jour, y étudient et y travaillent. J’insiste sur ce dernier point : le risque inhérent à toute discussion budgétaire est d’en faire un débat désincarné ; or ce n’est pas seulement de chiffres que nous parlerons, mais de perspectives pour notre jeunesse, d’outils pour nos chercheurs et nos enseignants‑chercheurs, de visibilité et de réassurance pour nos établissements.

Ces sujets résonnent avec une tonalité toute particulière quatre jours après le drame de Conflans‑Sainte‑Honorine. Comment parler de connaissances, d’apprentissage et d’ouverture sans penser à ce terrible attentat qui a endeuillé notre pays tout entier ? Aussi, je voudrais ici rendre hommage à tous les enseignants de la République, leur assurer que nous ferons toujours bloc derrière eux et que jamais nous ne céderons ni à la violence ni à la peur. Mon ministère sera toujours à leurs côtés pour défendre les valeurs de la République.

Pour 2021, ce soutien massif se traduit, sur les trois programmes budgétaires de mon ministère, par une hausse de 600 millions d’euros par rapport à 2020 et par 700 recrutements nets dans les établissements de recherche et d’enseignement supérieur, et ce, sans tenir compte des financements issus du plan de relance ou du programme d’investissements d’avenir (PIA). Il s’articule autour de trois principaux axes : le réarmement sans précédent de notre recherche, dans le cadre de la trajectoire fixée par la loi de programmation de la recherche (LPR), que j’ai eu l’honneur de vous présenter au mois de septembre et qui est actuellement examinée au Sénat ; le soutien sans faille aux établissements de l’enseignement supérieur et aux personnels – et je tiens ici à rendre hommage à toute la communauté universitaire qui accompagne chaque jour nos étudiants ; enfin, dans le cadre exceptionnel de la crise sanitaire, le renforcement des moyens dédiés à la vie étudiante, pour qu’aucun étudiant ne soit laissé sur le bord de la route, et pour contredire aussi ce funeste présage d’une génération qu’on dit tantôt sacrifiée tantôt responsable, dont j’ai pu admirer le courage et la résilience ces derniers mois.

Ce budget traduit dans un premier temps l’engagement de mon ministère pour réarmer la recherche française et lui permettre de retrouver son ambition et son attractivité. La LPR prévoit un investissement supplémentaire de 25 milliards d’euros sur dix ans, par paliers progressifs. Très concrètement, cela signifie que dès 2021, avec la première marche de la programmation, ce sont 400 millions d’euros supplémentaires qui abonderont le budget de la recherche. Dans le détail, 225 millions d’euros seront consacrés au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 165 millions d’euros au programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire ». Enfin, 10 millions d’euros de crédits nouveaux sont prévus pour le programme 193 « Recherche spatiale », une fois prises en compte des évolutions tendancielles et de périmètre sur lesquelles je reviendrai.

L’une des grandes ambitions de la loi de programmation de la recherche est d’engager un vaste mouvement de revalorisation des carrières et des rémunérations de l’ensemble des personnels de recherche. Dès l’année prochaine, 130 millions d’euros y seront consacrés. Ces revalorisations se traduiront par une augmentation des primes des agents et la garantie que tous les jeunes chercheurs soient recrutés à au moins deux SMIC. Elles concerneront l’ensemble des agents, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, sous statut de droit public ou de droit privé, travaillant dans des organismes de recherche ou au sein des universités.

Je suis très fière de vous annoncer que ces revalorisations ont fait l’objet du premier accord majoritaire de l’enseignement supérieur et de la recherche, signé lundi dernier à Matignon. Le protocole d’accord, qui a été signé à l’issue de plusieurs semaines de discussions extrêmement riches avec les organisations syndicales, dont je tiens à saluer l’engagement et le sérieux, vise à préciser et à déterminer deux grandes séries de mesures : le schéma des revalorisations qui interviendront au cours des sept prochaines années, d’une part ; plusieurs mesures propres aux évolutions de carrière de différentes catégories de personnels, d’autre part. Il s’agit du « repyramidage » de corps des enseignants‑chercheurs, de grades des chercheurs et, par catégories d’emploi, pour les ingénieurs et techniciens de recherche et de formation (ITRF).

Soutenir nos chercheurs et nos personnels, c’est aussi soutenir nos doctorants. C’est pourquoi 6 millions d’euros supplémentaires seront destinés aux étudiants qui s’engageront en 2021 dans une thèse : nous franchirons ainsi le premier palier de la trajectoire prévue dans la loi de programmation, qui doit améliorer de façon significative les conditions de rémunération et d’étude des doctorants en France. À terme, nous augmenterons de 20 % le nombre de thèses financées par l’État et de 30 % leurs rémunérations. C’est la première fois qu’un gouvernement s’engage à ce point pour ses doctorants.

Le soutien aux personnels et aux jeunes chercheurs s’accompagne d’un soutien sans faille aux établissements qu’ils animent. C’est pourquoi, en 2021, près de 150 millions d’euros conforteront le budget des universités et des organismes de recherche pour assurer la soutenabilité de leurs recrutements, augmenter de 10 % la dotation de base des laboratoires et garantir que les nouveaux chercheurs recrutés à partir de cette date bénéficient en moyenne d’une dotation de démarrage de 10 000 euros pour amorcer leur projet de recherche.

L’un des piliers de la stratégie de la recherche française, c’est aussi l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont le budget sera rehaussé à hauteur de 149 millions d’euros en autorisations d’engagements (AE). Ce montant sera démultiplié par le plan de relance, qui apportera 250 millions d’euros supplémentaires. L’ANR verra ainsi ses moyens augmenter de 400 millions d’euros dès l’année prochaine, ce qui permettra à son taux de sélection de passer de 16 % à environ 23 %. Grâce à l’accélération permise par le plan de relance, son budget bénéficiera d’une augmentation historique de près de 60 %, qui permettra de changer immédiatement la donne dans les laboratoires et de la faire évoluer vers les meilleurs standards mondiaux.

Il est aussi impératif de renforcer les liens entre la science et la société. C’est pourquoi 20 millions d’euros de crédits supplémentaires seront consacrés à l’ouverture de la science vers la société pour engager un vaste mouvement de diffusion de la culture scientifique et de transfert des résultats de la recherche vers le monde des entreprises.

Enfin, 25 millions d’euros contribueront à structurer des actions de recherche autour de grandes priorités : affirmation de grands sites universitaires français capables de rayonner au niveau mondial ; dynamisation de la participation française aux programmes européens de recherche.

Je ne peux pas clore cette partie consacrée à la recherche sans dire un mot de l’effort sans précédent qu’ont fourni nos chercheurs, nos laboratoires et nos établissements pour faire face à la crise du coronavirus. Leurs efforts, comme les moyens déployés dès l’apparition de la maladie, se poursuivront bien évidemment demain. Le soutien aux projets de moyen et de long termes devra se poursuivre en 2021. À cet égard, l’augmentation des crédits de l’ANR, associée à la définition d’une priorité covid‑19 sur l’ensemble des instruments du plan d’action 2021, sera mobilisée pour poursuivre les efforts de recherche.

Deuxième grand pilier structurant de la MIRES pour 2021 : l’enseignement supérieur, lui aussi particulièrement touché par la crise. Des voix se sont élevées ces dernières semaines pour dénoncer un investissement dans la recherche au détriment de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un faux procès, puisque mon ministère poursuit son engagement résolu et massif dans l’enseignement supérieur, comme il le fait depuis 2018, avec l’adoption du Plan étudiants : 480 millions d’euros ont déjà été investis dans ce cadre en trois ans.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2021 ouvre 80 millions d’euros à destination de l’enseignement supérieur, auxquels s’ajoutent les 165 millions d’euros de crédits ouverts dans le cadre de la loi de programmation de la recherche. En réalité, comme le prouve ce budget, recherche et enseignement supérieur sont indissociables l’un de l’autre, et se nourrissent l’un et l’autre avec beaucoup de force.

Ces 80 millions d’euros correspondent ainsi à une augmentation de près de 100 millions d’euros des moyens des établissements d’enseignement supérieur, du fait d’un ajustement sur les besoins immobiliers, qui sont traités par l’appel à projet immobilier visant la rénovation énergétique des bâtiments de l’État prévu dans le plan de relance. Je me félicite d’ailleurs qu’une enveloppe dédiée soit consacrée aux projets de rénovation thermique des bâtiments universitaires, qu’il s’agisse des universités, de logements des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ou d’infrastructures de recherche.

Par ailleurs, 89 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la subvention pour charges de service public versée aux établissements d’enseignement supérieur publics. Cet investissement permettra de poursuivre l’application de la loi orientation et réussite des étudiants (ORE), le Plan étudiants ayant d’ores et déjà permis de créer plus de 39 000 places supplémentaires depuis 2017. Ces moyens permettront également de poursuivre la réforme des études de santé entamée en 2020, en amorçant la rénovation des études du deuxième cycle. Le Gouvernement renforce son engagement inédit en faveur de la réussite en premier cycle, qui permettra de dépasser l’objectif de 500 millions d’euros de moyens nouveaux sur le quinquennat. Dès l’année prochaine, il permettra également d’étendre le dialogue stratégique de gestion (DSG) aux 103 établissements de plus de 500 étudiants aux responsabilités et compétences élargies, afin d’optimiser l’allocation des moyens et de mieux les lier aux besoins des établissements.

Dans ce même cadre, 15 millions d’euros seront destinés à financer le coût des mesures du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), la compensation des bourses liée à la démographie étudiante et l’ajustement des crédits de mise en sécurité des locaux universitaires. Enfin, 9 millions d’euros sont programmés en faveur de l’enseignement supérieur privé, afin de tenir compte de la progression du nombre d’étudiants accueillis dans ces structures et de revaloriser le montant moyen de la subvention par étudiant, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG).

Le plan de relance, qui concerne l’ensemble des champs couverts par mon ministère, prévoit également un soutien massif à notre système d’enseignement supérieur. C’est ainsi qu’aux 80 millions d’euros s’ajouteront 95 millions d’euros, prévus dès 2021. Ainsi, 60 millions d’euros permettront de financer le plan « Un jeune Une solution », en créant de nouvelles places. Pour la rentrée 2020, 10 000 places ont été créées et 20 000 le seront à la rentrée 2021. Ces places, ciblées sur les filières les plus en tension – notamment les formations de santé, les formations paramédicales et les formations courtes –, permettent d’amortir les effets de la crise sanitaire et d’accueillir la diversité des nouveaux bacheliers. 35 millions d’euros seront en outre consacrés à la transformation pédagogique et numérique pour développer l’enseignement à distance et renforcer les services numériques aux étudiants.

La période que nous traversons appelle également un investissement sans précédent en faveur de la vie étudiante. Je l’ai déjà dit : nos étudiants sont particulièrement fragilisés par cette crise, dans leurs apprentissages, leur situation économique, leurs conditions de vie et leurs relations sociales. Notre devoir, notre responsabilité, est de faire en sorte qu’aucun ne soit entravé, pénalisé ou exclu par la crise. C’est pourquoi les moyens consacrés à la vie étudiante augmenteront de 134 millions d’euros par rapport à 2020

L’investissement de mon ministère en faveur des étudiants les plus fragiles est massif : 2,3 milliards d’euros sont consacrés aux aides directes aux étudiants. À la rentrée 2020, les montants des bourses sur critères sociaux ont été réévalués afin, pour la première fois, de prendre en compte l’inflation. Avec l’augmentation prévisionnelle du nombre de boursiers, c’est un engagement financier de plus de 80 millions d’euros. Comme l’an dernier, afin d’aider les étudiants à faire face plus facilement aux dépenses de rentrée, un versement anticipé de la première mensualité de bourse a été effectué avant le 31 août pour les dossiers complets.

Aux mesures concernant les bourses sur critères sociaux vient s’ajouter un dispositif d’une ampleur historique, que le Premier ministre a annoncé dès le 15 juillet dans son discours de politique générale : la création du ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers. Financée à hauteur de 50 millions d’euros, cette mesure inédite contre la précarité alimentaire est destinée à aider les familles et les étudiants aux revenus les plus faibles, en leur permettant d’accéder à un repas complet et équilibré, pour un prix extrêmement réduit, grâce à la contribution de l’État. Malgré l’inflation, le prix du ticket universitaire pour les autres étudiants est maintenu à 3,30 euros. Enfin, je suis fière de réaffirmer devant vous l’engagement du Premier ministre concernant la création d’une prime de 150 euros pour les étudiants boursiers et les 400 000 jeunes percevant les aides personnalisées au logement (APL). La lutte contre la précarité étudiante est, plus que jamais, une absolue priorité du Gouvernement. C’est pourquoi le plan de relance prévoit également de renforcer la garantie des prêts étudiants. La dotation annuelle du fonds de garantie sera multipliée par cinq pour atteindre 20 millions d’euros en 2021 et en 2022, ce qui permettra d’en faire bénéficier 60 000 étudiants au lieu de 12 000.

Les autres programmes de la MIRES, qui ne relèvent pas du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, voient leurs crédits évoluer, mais uniquement du fait de mesures de périmètre. Les diminutions, purement faciales, n’ont aucun impact sur le niveau d’ambition des autres ministères au sein de la MIRES. La baisse de 386 millions d’euros des crédits affectés à la recherche spatiale, qui relève désormais de mon collègue Bruno Le Maire, reflète la fin du remboursement de la dette française à l’Agence spatiale européenne (ESA). Quant au programme « Recherche culturelle et culture scientifique », il a été transféré sur la mission « Culture ».

Le plan de relance et le PIA 4 permettront à mon ministère de bénéficier de 6,5 milliards d’euros supplémentaires. En plus des mesures que j’ai déjà détaillées, comme l’abondement de l’ANR, la création de places dans le supérieur ou le financement des développements numériques, ils permettront d’enclencher les stratégies d’accélération du PIA 4, de financer l’écosystème de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ou de soutenir l’emploi privé dans la recherche et le développement. Je me félicite de cet investissement massif du plan de relance en faveur de mon ministère, qui traduit la priorité du Gouvernement pour la recherche, l’innovation et l’enseignement supérieur.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les députés, la MIRES est confortée sur l’ensemble de ses volets : une recherche réarmée pour faire face aux grands défis de demain et continuer le combat contre la covid-19 ; un enseignement supérieur renforcé avec de nouvelles places créées partout dans le territoire et dans les disciplines les plus demandées ; plus de moyens pour le numérique et l’innovation ; la rénovation de nos bâtiments universitaires dans le cadre du plan de relance ; enfin, des efforts sans précédent en faveur de la vie étudiante pour accompagner l’ensemble de nos jeunes et les aider à s’épanouir et à réussir.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. Indiscutablement, s’agissant du financement de la recherche, l’année 2020 sera à marquer d’une pierre blanche : en premier lieu, bien sûr, du fait de la loi de programmation pluriannuelle, qui sera adoptée avant la fin de l’année. Ce texte définit enfin une ambition forte pour notre pays, en déclinant des orientations stratégiques fondamentales pour l’avenir de la recherche et de l’innovation et, surtout, dessine une trajectoire financière qui se traduira, chacun le sait, par un accroissement des moyens consacrés à la recherche de 25 milliards d’euros en 2030. Cet effort est unique : jamais aucun gouvernement ne s’était si fortement engagé en faveur de la recherche scientifique dans notre pays depuis 1945.

Cet élan amplifie considérablement les revalorisations récentes des crédits inscrits en loi de finances. Vous me permettrez de rappeler que, dès 2017, la majorité a tout d’abord arrêté les réductions successives des années antérieures des financements consacrés à la recherche et relancé une courbe ascendante, parce qu’il y avait urgence à réagir face à une situation qui mettait notre pays en situation de décrochage par rapport aux autres grandes nations scientifiques, certaines d’entre elles ayant depuis longtemps largement dépassé l’objectif de 3 % du PIB. Chacun a entendu les cris d’alarme de l’ensemble de la communauté scientifique.

Le premier point à saluer est le respect par le projet de loi de finances pour 2021 de la trajectoire annoncée par la loi de programmation. Qui plus est, le plan de relance sera également mis à contribution de manière très importante, avec des effets immédiatement perceptibles. Il en est de même, à plus longue échéance, du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4).

Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » est central pour la mission. Les crédits qui y sont budgétés sont notamment destinés aux établissements publics de recherche ainsi qu’à l’Agence nationale de la recherche. Toutes les actions de ce programme bénéficient d’augmentations de crédits, que ce soit en AE ou en crédits de paiement (CP). C’est le cas des actions thématiques, qui réunissent les crédits coordonnés par les cinq grandes alliances – ANCRE pour l’énergie, ALLISTENE pour le numérique, ALLENVI pour l’environnement, AVIESAN pour les sciences de la vie et la santé et ATHENA pour les sciences sociales.

Les sciences humaines et sociales sont créditées de 412 millions d’euros dans l’action 19 ; l’action 17, qui regroupe les financements destinés à l’énergie, est dotée de 815 millions d’euros ; l’action 16 concernant les sciences et techniques de l’information reçoit un peu plus de 1 milliard d’euros ; les recherches dans le domaine de l’environnement sont regroupées au sein de l’action 18, dotée de 1,1 milliard d’euros ; enfin, les thématiques sciences de la vie et santé, au sein de l’action 15, reçoivent plus de 1,2 milliard d’euros.

Ce programme finance également les moyens généraux et d’appui à la recherche sous forme de subventions pour charges de service public aux grands établissements de recherche, et au CNRS en premier lieu, qui reçoit plus de 45 % de cette enveloppe de plus de 1 milliard d’euros. Les dépenses de pilotage et d’animation de la recherche par le MESRI sont également budgétées dans ce programme, tout comme les contrats État-régions, ou encore les dépenses de valorisation et de diffusion de la recherche. Les crédits des actions destinées à financer les grandes infrastructures de recherche sont également en progression et c’est aussi, et même surtout, le cas de l’action 2 qui rassemble les moyens de l’ANR.

Comme vous le savez, la loi de programmation entend donner une impulsion nouvelle au financement de la recherche par appels à projets, volonté qui doit nécessairement passer par des moyens renforcés pour l’ANR. Il a été largement indiqué, lors des débats de la loi de programmation, que l’ANR était loin de pouvoir supporter la comparaison avec les principales agences internationales, qui ont des ressources incomparablement supérieures et, consécutivement, des taux de succès bien meilleurs, tout en ayant la possibilité d’attribuer des préciputs – qui permettent le financement des structures d’hébergement – également bien plus élevés. Cette faiblesse a mis les équipes françaises de chercheurs dans une situation difficile, de très bons projets ayant été rejetés faute de financement.

C’est la raison pour laquelle la trajectoire de la loi de programmation prévoit que le budget d’intervention de l’ANR sera plus que doublé d’ici à 2027. S’agissant de la première année, l’augmentation des autorisations d’engagement figurant dans le PLF est de 20,7 %, ce qui est d’ores et déjà considérable. Comme je l’ai évoqué, s’y ajoutent les crédits de l’action 5 du programme 364 du plan de relance, qui prévoit 428 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 286 millions d’euros de crédits de paiement pour l’ANR.

En cumulant loi de finances et plan de relance, nous sommes par conséquent bien au‑delà de ce que la loi de programmation avait fixé comme première étape à la trajectoire – une augmentation de 149 millions d’euros en 2021. Avec l’apport du plan de relance, dès l’an prochain, c’est un budget d’intervention total de plus de 950 millions d’euros qui sera à disposition de l’ANR, ce qui permettra d’anticiper de deux ans la montée en puissance qui était planifiée. Grâce à cet effort supplémentaire, dès l’année prochaine, le taux de succès des appels à projets pourrait être porté à 23 % et celui des préciputs à 25 %, la cible initiale, à échéance de 2030, étant de 40 %. Je crois que tout le monde ne peut que s’en féliciter. J’ai voulu tirer profit du fait que l’ANR achevait l’exécution de son contrat d’objectifs et de performance cette année pour présenter quelques développements à ce sujet dans mon rapport, sur le bilan et sur les perspectives, que je vous invite à consulter, sans avoir le temps de m’y étendre ici.

S’agissant du programme 150, je laisserai la présentation des autres actions à Philippe Berta, pour me limiter à celle des seuls crédits destinés à la recherche universitaire et figurant à l’action 17. Le premier point qu’il me paraît intéressant de souligner est que cette action est la plus importante du programme : elle représente 29 % du total, soit près de 3,9 milliards d’euros. L’augmentation qui est proposée dans le PLF est conforme à la trajectoire décidée dans la loi de programmation.

Enfin, je m’arrêterai sur le programme 193, destiné au financement de la recherche spatiale. Comme pour l’ANR, le contrat d’objectifs et de performance du Centre national d’études spatiales (CNES) arrive à échéance en fin d’année. C’était pour moi l’occasion de faire un bilan de ses réalisations et de présenter les perspectives qui s’ouvrent avec le prochain contrat qui entrera en vigueur en janvier, dans un environnement devenu très concurrentiel sur le marché des lanceurs et dans une conjoncture difficile. La diminution des crédits s’explique de plusieurs manières. Tout d’abord, la France aura soldé à la fin de l’année 2020 la dette qu’elle avait à l’égard de l’ESA, l’Agence spatiale européenne, qui avait, ces dernières années, artificiellement gonflé les dépenses budgétées sur le programme. Des évolutions de périmètre sont par ailleurs introduites, à effet nul pour l’opérateur, mais se traduisant par une diminution faciale sur le programme 193. Même s’ils apparaissent en diminution, les crédits budgétés cette année respectent donc les besoins du CNES et ceux de l’ESA. Le périmètre de la mission évolue, dans la mesure où le programme 193 est passé, depuis le changement de gouvernement, sous l’autorité du ministre de l’économie, alors même que la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) continue d’en être l’opérateur.

Pour conclure, les crédits inscrits dans ce PLF, augmentés des montants que prévoient le plan de relance et le PIA 4, confirment la dynamique enclenchée en faveur de la recherche scientifique de notre pays. L’an I de la loi de programmation de la recherche est bien traduit dans les crédits alloués à la recherche et la trajectoire budgétaire est tenue.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Le budget de l’enseignement supérieur pour 2021 prolonge et amplifie la dynamique de hausse qui avait caractérisé les exercices 2018, 2019 et 2020. Cumulés, les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », et 231 « Vie étudiante », voient leurs crédits augmenter de 1,9 % en AE et de 2,3 % en CP.

À ces crédits en forte augmentation s’ajoutent ceux ouverts dans le cadre de la mission « Plan de relance », qui consacre plus de 100 millions d’euros à l’enseignement supérieur, et ceux du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4), qui visent à renforcer la dynamique de transformation des sites académiques et à développer des campus de démonstration.

Je salue l’engagement continu du Gouvernement au service de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante depuis 2017. Ces crédits en forte augmentation préparent la croissance, la compétitivité et l’innovation de demain. Je tiens également à le féliciter pour sa réactivité dans la gestion de la crise sanitaire, qui transparaît dans le projet de budget pour 2021. Parce que ce budget tire les conséquences de la crise sanitaire sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante sans compromettre la poursuite des réformes engagées depuis le début du quinquennat, je donnerai bien évidemment un avis très favorable à son adoption.

L’augmentation des crédits permet, en premier lieu, de garantir la poursuite des réformes commencées en 2017, notamment le Plan étudiants, qui prévoit l’ouverture de places supplémentaires dans les filières en tension ou l’amélioration de la plateforme Parcoursup.

La hausse des crédits finance également l’extension du périmètre du dialogue stratégique et de gestion entre l’État et les établissements publics d’enseignement supérieur, sur lequel je reviendrai.

Elle finance, en outre, la montée en charge du dispositif de certification en langue anglaise pour tous les étudiants de licence, lancé en 2020, dont les moyens passent de 3,1 à 7,3 millions d’euros. Le bénéfice de cette certification devrait être étendu aux étudiants en licence de lettres en 2021, l’objectif étant qu’elle concerne l’ensemble des étudiants en licence à la rentrée 2022. Comme l’an passé, je me félicite de cette mesure indispensable pour améliorer l’insertion professionnelle des étudiants, à l’international mais également en France. La maîtrise de la langue anglaise constitue en effet un critère de recrutement essentiel pour les employeurs.

Enfin, les nouveaux crédits octroyés dans ce budget participent à la poursuite de la revalorisation des carrières par le protocole PPCR.

L’effort financier consenti dans le cadre de ce budget permet également la mise en place de mesures nouvelles, dont celles destinées à renforcer l’attractivité des carrières scientifiques prévues par la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, adoptée en première lecture par notre assemblée. Sont concernées la diversification des voies de recrutement, la revalorisation des contrats doctoraux, l’augmentation du nombre de contrats doctoraux financés ou des mesures de revalorisations indemnitaires.

S’agissant de la gestion des conséquences de la crise sanitaire, je salue particulièrement l’importance des moyens supplémentaires alloués en faveur de la vie étudiante. Les crédits du programme 231 progressent de près de 5 % afin de financer des mesures destinées à soutenir les étudiants lors de la crise sanitaire.

Plusieurs mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat des étudiants les plus modestes peuvent être soulignées.

Tout d’abord, les moyens consacrés aux bourses sur critères sociaux augmentent de près de 81 millions d’euros. Cette hausse permettra de financer l’augmentation prévisionnelle du nombre d’étudiants boursiers et la revalorisation, pour la deuxième année consécutive, du taux des bourses, mais également la possibilité offerte aux étudiants de calculer l’ouverture de leurs droits à bourse sur la base des revenus perçus par leurs parents en 2020, et non en 2018, comme c’est habituellement la règle.

Ensuite, l’augmentation des crédits financera la mise en place du repas universitaire à un euro pour les étudiants boursiers. Le coût de cette mesure est estimé à près 50 millions d’euros en 2021.

Par ailleurs, près de 20 millions d’euros de crédits sont prévus pour financer l’importante montée en charge du dispositif de fonds de garantie des prêts étudiants. Cet effort financier devrait permettre de faire passer le nombre de bénéficiaires de 12 000 à 60 000 en 2021.

Enfin, afin de répondre à l’augmentation de la démographie étudiante liée à la hausse du nombre de bacheliers et aux difficultés accrues des jeunes diplômés à s’insérer sur le marché du travail, le plan de relance financera la création de 30 000 places supplémentaires dans l’enseignement supérieur d’ici à la rentrée universitaire 2021, dont 10 000 au maximum dès la rentrée 2020. Ces créations de places ciblent les formations en tension.

Le plan de relance comporte également plusieurs mesures nouvelles destinées à préparer le monde de l’enseignement supérieur aux défis de demain.

Des crédits spécifiques sont prévus pour accélérer la rénovation thermique des bâtiments des établissements d’enseignement supérieur et du réseau des œuvres universitaires. Un appel à projet a été lancé en septembre dernier. Compte tenu de l’état du patrimoine immobilier universitaire, il y a lieu de se réjouir du lancement de ce vaste plan de rénovation.

Parallèlement, 35 millions d’euros de crédits supplémentaires sont octroyés en faveur de la transition numérique, plus que jamais nécessaire à l’heure où les enseignements à distance se généralisent en raison de l’épidémie de covid-19. Près de 20 millions d’euros sont réservés à des projets innovants transversaux sélectionnés dans le cadre d’un appel à projets ; 6 millions d’euros doivent favoriser l’évolution des pratiques pédagogiques ; enfin, 10 millions d’euros doivent être investis dans le développement d’outils numériques pour les étudiants.

Le PIA4 a enfin pour objectif de prolonger la dynamique de transformation des sites académiques et de développer les campus de démonstration.

Pour conclure cette présentation, j’ai une remarque et cinq questions à formuler.

Au cours de l’exercice budgétaire 2021, il conviendra de porter une attention particulière à la situation financière du réseau des œuvres universitaires. Son budget, composé à plus de 70 % de ressources propres, a été fortement grevé par les mesures sanitaires mises en place pendant le confinement. Le décalage de la rentrée universitaire, de même que les nouvelles mesures annoncées depuis septembre 2020, devraient se traduire par une perte importante de ressources pour le réseau, et rien ne permet de penser que la situation s’améliorera significativement en 2021. Le budget pour 2021 étant construit sur la base d’hypothèses dont la réalisation est incertaine, il conviendra, en cours d’exécution, de veiller à ce que le réseau dispose des moyens suffisants pour assurer les missions dont il est chargé.

Madame la ministre, j’en viens à ma première question : vous engagez-vous à ce que les pertes enregistrées par le réseau des CROUS en cette fin d’année 2020 et en 2021 soient intégralement compensées par l’État, grâce à une hausse de la subvention pour charges de service public ? Cet engagement est essentiel afin de sécuriser les missions assurées par les CROUS.

Ma deuxième question porte sur le glissement vieillissement-technicité (GVT). Il ne bénéficie plus de financements spécifiques depuis 2018, mais en 2020, une enveloppe de 15 millions d’euros octroyée dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion (DSG) est destinée à sécuriser la trajectoire financière et salariale des établissements. Pouvez-vous préciser le montant de cette enveloppe en 2021, étant entendu que le nombre d’établissements intégrés au DSG a augmenté ? Le coût du GVT étant estimé à un peu moins de 50 millions d’euros par an pour les établissements, l’enveloppe vous paraît-elle suffisante pour couvrir les besoins ?

Concernant le DSG, une évaluation a-t-elle été conduite depuis son expérimentation en 2018 ? Il semble s’agir d’un outil très intéressant, mais dont l’efficacité pourrait être renforcée s’il était doté de moyens plus importants, qui seraient alors plus incitatifs pour les établissements. Comment souhaitez-vous voir évoluer ce dispositif dans les prochaines années ?

Ma quatrième question porte sur la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) : êtes-vous en mesure de nous indiquer précisément comment les fonds sont utilisés par les établissements ?

Ma dernière question porte sur le financement des doctorats. Dans le cadre de la loi de programmation de la recherche, j’ai fait adopter un amendement précisant que l’objectif de la politique de la recherche devait être, à terme, de parvenir au financement de l’ensemble des doctorants. Quelles sont les mesures mises en place dans le présent projet de loi de finances afin de s’approcher de cet objectif ?

M. Francis Chouat, rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la recherche. L’examen du budget de la recherche s’inscrit dans un contexte budgétaire particulier, puisque ce projet de loi de finances concrétise la trajectoire ambitieuse de la loi de programmation pour la recherche LPR en cours d’examen, qui va se traduire dès l’année prochaine par un choc budgétaire massif en faveur de la recherche et de ses personnels.

J’ai mesuré lors des vingt-trois auditions menées pour préparer ce rapport spécial que la mise en place des nouveaux outils – telles les chaires de professeur junior, qui vont créer un véritable choc d’attractivité pour la recherche française – est particulièrement appréciée. L’accord majoritaire signé entre le Gouvernement et les syndicats le 12 octobre à l’hôtel Matignon permettra de revaloriser la rémunération de nos jeunes chercheurs à hauteur de 92 millions d’euros par an jusqu’en 2027.

Ce projet de loi de finances ne se contente donc pas de conforter la dynamique enclenchée depuis 2017, il la renforce considérablement. À périmètre constant, le budget de la recherche augmente de 2,25 % en AE. Les moyens des programmes 150 et 172 sont respectivement en hausse de 165 et 224 millions d’euros en crédits de paiement, tandis que la diminution des crédits du programme 193 s’explique par la fin du remboursement de la dette française à l’ESA. La baisse des crédits du programme 192 tient à une mesure de périmètre, puisque le programme d’aide à l’innovation de Bpifrance sera désormais financé par le PIA 4.

Les grands opérateurs de la recherche publique sont les principaux bénéficiaires de ces hausses de crédit. Conformément à la loi de programmation en cours, l’ANR verra sa dotation portée à plus d’un milliard d’euros en crédits de paiement en 2021. L’ambition est d’améliorer le taux de succès de ses appels à projets en le faisant passer de 16 %, – ce qui est trop bas – à 23 %. C’est considérable.

Malgré ces hausses significatives, certains opérateurs, dont l’IFP Énergies nouvelles ou l’INSERM, ne parviendront pas à endiguer l’érosion de leur masse salariale, sauf mesure en cours d’examen de la loi de finances. La baisse de leurs fonds propres et de leurs crédits récurrents, à laquelle s’ajoute le GVT, les contraint à affecter une partie ces hausses à la stabilisation de leur masse salariale, alors que leurs prérogatives sont étendues. J’ai déposé un amendement en commission des finances afin d’accompagner ces opérateurs à hauteur de 9 millions d’euros supplémentaires.

Au-delà de la mission « Recherche et enseignement supérieur », l’effort historique engagé dans ce projet de loi de finances doit être appréhendé au regard d’autres outils de financement qui ont déjà été présentés : le plan de relance, le programme d’investissements d’avenir, le programme Horizon Europe, et les contrats de plan État-région en cours de discussion, qui vont considérablement renforcer l’effort national de recherche et d’innovation.

Ce projet de loi de finances pour 2021 donne une impulsion historique à nos politiques publiques de recherche et d’innovation. C’est d’autant plus vrai si l’on intègre les dimensions territoriale et européenne de l’effort.

M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Nous discutons du budget de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante dans un contexte particulier, lié à la crise sanitaire mais aussi à la discussion du projet de LPR, qui trouve ses premières traductions budgétaires.

Je tiens à saluer l’effort très important consenti par notre pays pour son enseignement supérieur. On entend parfois que la dépense par étudiant diminue en tendance depuis une quinzaine d’années, et que cette situation ne fait que s’aggraver sous l’effet de la démographie étudiante. Mais ces analyses ne reflètent qu’une réalité partielle, focalisée sur le programme 150.

Si l’on consolide l’ensemble des ressources dédiées aux formations supérieures et à la vie étudiante, dispersées dans de très nombreux dispositifs – les PIA, le plan de relance, la CVEC et les programmes 150 et 231 – il apparaît qu’un effort budgétaire inédit est réalisé.

Je salue également la réponse apportée par le Gouvernement aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante en cette période de crise sanitaire. Qu’il s’agisse de l’étroite collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur pour permettre la poursuite des activités dans les meilleures conditions possible, du prolongement des bourses et des contrats doctoraux, des aides d’urgence mises en œuvre pour lutter contre la précarité étudiante ou encore de la prime « covid » de 5 millions d’euros pour les personnels du réseau des œuvres universitaires, il a répondu présent.

Il s’agit donc d’un budget de transformation et de soutien aux étudiants. Transformation, parce qu’il finance la mise en œuvre des premières mesures du projet de LPR, qu’il s’agisse de la revalorisation indemnitaire des maîtres de conférences et des chargés de recherche ou de réformes essentielles pour l’université comme la rénovation énergétique du bâti universitaire – tant attendue –, l’augmentation du nombre de places dans l’enseignement supérieur et la numérisation.

Le soutien aux étudiants se manifeste dans les mesures fortes prises pour accompagner ceux qui en ont le plus besoin, comme la revalorisation des bourses sur critères sociaux ou l’augmentation de la garantie des prêts étudiants, quintuplée en 2021 et décuplée par rapport à 2019.

Je souhaite néanmoins appeler votre attention sur quelques points précis.

Le réseau des œuvres universitaires a accusé d’importantes pertes d’exploitation depuis le mois de mars, du fait de la crise sanitaire. Des réponses ont été apportées pour couvrir les pertes d’exploitation de mars à août. La couverture des pertes prévues d’ici à décembre 2020 dépendra d’un certain nombre de redéploiements de crédits mais il y a tout lieu de penser qu’un abondement supplémentaire du programme 231 sera nécessaire en fin de gestion. Avez-vous une image plus précise des besoins de financement dans la perspective du quatrième projet de loi de finance rectificative (PLFR 4) pour 2020 ?

Un appel à projets a été lancé pour la rénovation énergétique du bâti universitaire. Les réponses ont été reçues le 8 octobre et il est tôt pour fournir une évaluation précise, mais sur les 3,7 milliards d’euros prévus pour la rénovation des bâtiments publics, quelle part pourrait être affectée aux bâtiments de l’enseignement supérieur et de la recherche ?

Une hausse de 9 millions d’euros de la dotation versée aux établissements supérieurs privés d’intérêt général est programmée, mais il faudra qu’elle soit effective. L’an dernier, 3 millions d’euros supplémentaires avaient été programmés, mais l’exécution budgétaire n’a pas été au rendez-vous. Le taux de réserve pour ces établissements est plus élevé que le droit commun.

La mission « Plan de relance » est censée financer des mesures nouvelles et temporaires. Il y aurait lieu de discuter de la nature temporaire de certains crédits, notamment quand ils modifient le nombre de places dans les universités. Est-il envisageable de disposer d’une représentation budgétaire plus conforme à la réalité, grâce à un document consolidant par année et en crédits de paiement l’ensemble des actions dispersées dans de nombreux dispositifs ?

Mme Sylvie Charrière. Ce budget est hors normes à bien des égards. Il doit s’inscrire dans la continuité des politiques publiques menées depuis le début du quinquennat et préparer les conditions de notre relance et de notre résilience économique et sociale.

Je me félicite que le budget pour l’enseignement supérieur soit aussi un budget pour les étudiants, avec des mesures sociales fortes.

Pour les établissements d’enseignement supérieur, 80 millions d’euros sont prévus afin de poursuivre les objectifs de la loi ORE. Ces crédits supplémentaires permettront l’extension du dialogue stratégique de gestion, dispositif prometteur qui permet une réelle trajectoire prospective et pluriannuelle pour les établissements, ainsi que pour la poursuite de la réforme des études de santé et des revalorisations salariales.

S’y ajoutent 95 millions prévus dans le plan de relance, pour que l’enseignement supérieur y prenne toute sa place : 60 millions pour la création de places supplémentaires dans les filières les plus en tension et les formations de santé dans le cadre du plan jeunes ; et 35 millions dédiés à la transformation pédagogique et numérique de l’enseignement. C’est une nécessité pour assurer la continuité des enseignements pendant la crise.

Pour l’amélioration des conditions de vie des étudiants, 134 millions d’euros supplémentaires sont prévus : 80 millions d’euros pour les bourses sur critères sociaux, avec une revalorisation des bourses de 1,2 % ; 50 millions d’euros pour le financement du ticket de restaurant universitaire à un euro pour les étudiants boursiers, une mesure sociale capitale et inédite. Enfin, 11 millions d’euros sont prévus pour financier le gel des loyers dans les résidences universitaires gérées par les CROUS.

Notre majorité soutiendra ce budget fort, ambitieux, solidaire et résolument tourné vers l’avenir.

Mme Danièle Hérin. Après de nombreuses années de stagnation, le budget de la recherche a connu un effort soutenu en 2018, 2019 et 2020.

L’exercice 2021 correspond à la première année d’application des orientations dégagées dans la LPR. La hausse des crédits des programmes prévus dans la LPR se retrouve bien dans le PLF 2021 : hausse de 225 millions d’euros du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » ; hausse de 165 millions d’euros du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ; et hausse de 10 millions d’euros du programme 193 « Recherche spatiale ». La hausse totale du budget de la recherche atteint 400 millions d’euros.

Certaines actions programmées dans la LPR sont réalisées dès 2021 : améliorer la rémunération des personnels de recherche ; augmenter le soutien de base des labos ; doter chaque nouveau chercheur ou enseignant-chercheur recruté d’un accompagnement de 10 000 euros ; augmenter les crédits de l’ANR ; augmenter le nombre de thèses et la rémunération des doctorants ; financer des actions d’ouverture de la science à la société et des actions de transfert des résultats de la recherche vers le monde économique. À ces crédits viennent s’ajouter, dès 2021, les crédits du plan France relance et les crédits du PIA4.

Après des dizaines d’années de stagnation du budget de la recherche, puis une augmentation régulière depuis 2017, ce projet de loi des finances est un véritable accélérateur du financement de la recherche. Il permettra à nos chercheurs, nos enseignants-chercheurs et à tous les personnels des équipes de recherche de bénéficier de meilleures conditions de travail. Il nous permettra de conserver notre place dans la compétition internationale et d’assurer ainsi la souveraineté de la France. Ce projet de loi de finances marquera un élan historique pour la recherche, nous pouvons en être fiers.

M. Frédéric Reiss. Il est incontestable que sur le plan budgétaire, la mission « Recherche et enseignement supérieur » est l’une des plus importantes de l’État.

La lecture des crédits affectés à la recherche est toujours aussi complexe, en raison de l’éclatement de ses crédits entre différentes missions. Cette complexité est accrue cette année par la création de la mission « Plan de relance ».

Le PLF 2021 révèle que l’essentiel des hausses de crédit, notamment à destination des universités, doit passer par des appels à projets de l’ANR, ce qui n’est pas sans poser problème pour la lisibilité des hausses de crédit pour les opérateurs.

Lors de la discussion du projet de LPR, le groupe Les Républicains a accueilli favorablement l’augmentation des crédits, mais deux écueils majeurs, révélateurs d’un manque de vision de la majorité, l’ont conduit à voter contre le texte. Tout d’abord, un problème de calendrier : l’essentiel des augmentations de crédits est concentré sur la période 2027-2030. Or, nous connaîtrons deux élections présidentielles d’ici à 2030. Ensuite, le maintien de la dichotomie entre enseignement supérieur et organismes de recherche révèle un problème de pilotage, et nous regrettons l’absence d’articulation entre recherche publique et recherche privée.

Madame la ministre, vous estimez que les établissements d’enseignement supérieur n’ont pas de problème, mais ces établissements sont inquiets et attendent aussi une loi pluriannuelle pour avoir davantage de visibilité. Comme Philippe Berta, je voudrais savoir comment vous envisagez de compenser le GVT, qui représente environ 50 millions d’euros par an. Quelle en sera la traduction budgétaire ?

En février 2020, la Cour des comptes a relevé que malgré des objectifs bien identifiés, le suivi de l’emploi des crédits attribués et des agents recrutés n’est pas efficace au sein du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, alors qu’il engage les finances publiques au-delà de 2022.

L’accueil de l’ensemble des étudiants et l’aide à la réussite des publics les plus fragiles doivent être les objectifs premiers du ministère et des universités. L’emploi des crédits à d’autres fins doit cesser, et conduire le ministère à doter rapidement les recteurs des moyens leur permettant de mener un dialogue de gestion efficace avec les universités. À l’inverse de ce qui s’est passé pour le plan Réussite en licence, le ministère doit développer au plus vite les indicateurs de suivi en cours de définition. En tant que rapporteur d’application de la LPR, je suis très attentif à ces indicateurs. Je ne peux que partager l’avis de la Cour des comptes : il est désormais nécessaire de stabiliser les méthodes de répartition des moyens, d’établir des indicateurs opérationnels et de les expliquer clairement, au risque de décevoir les établissements et de rendre la tâche des recteurs encore plus difficile.

Je rappelle que l’étudiant doit être positionné par l’ensemble des universités au cœur du dispositif de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Comment entendez‑vous diminuer le pourcentage des étudiants sortant sans diplôme ? Pourrons-nous espérer un taux d’obtention des licences en trois ou quatre ans de plus de 50 % ?

Certes, madame la ministre, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est en augmentation, mais des marges de progression existent dans la gestion du budget de votre ministère.

Mme Géraldine Bannier. Par l’accroissement des crédits apportés au ministère de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation, le PLF 2021 s’inscrit dans la ligne suivie par le Gouvernement depuis le début de la législature : accroître les moyens mis à la disposition de la recherche et de l’enseignement supérieur. Parce qu’il souffre depuis plusieurs années d’une politique de sous-investissement massif, le réarmement du secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur est aujourd’hui une priorité gouvernementale que nous soutenons. Ainsi, depuis 2017, le budget du ministère ne cesse de progresser, avec 1,7 milliard d’euros de crédits supplémentaires.

La tendance se poursuit en 2021 puisque 600 millions d’euros supplémentaires sont accordés par rapport à 2020 dans le cadre de la mission « Recherche et enseignement supérieur », hors plan de relance ou PIA 4. Cet accroissement budgétaire permettra de poursuivre les efforts et de mettre en place les actions nécessaires à la transformation et au développement de ce secteur.

Rappelons rapidement les progrès accomplis au cours des deux dernières années. Nous pouvons nous féliciter de l’adoption et de la poursuite de nombreuses actions visant à garantir la réussite des étudiants. Ainsi, la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, en créant Parcoursup, a consacré un nouveau dispositif d’affectation dans l’enseignement supérieur, plus juste, plus efficace et plus transparent.

Le développement des campus connectés offre l’opportunité aux jeunes de suivre près de chez eux des formations à distance dans l’enseignement supérieur, en bénéficiant d’un accompagnement. Depuis la rentrée 2020, trente-trois lieux sont ouverts afin de répondre aux besoins de formation au cœur des territoires, contre treize en 2019.

Après la suppression à la rentrée 2018 de la cotisation de 217 euros et la disparition définitive du régime étudiant de sécurité sociale en 2019, la rentrée 2020 se caractérise par le gel des droits d’inscription dans les trois cycles de l’enseignement supérieur, par une revalorisation de 1,2 % des bourses sur critères sociaux et par une forte diminution du prix du ticket de restaurant universitaire pour les boursiers, qui passe de 3,30 euros à un euro.

Par ailleurs, la crise sanitaire a rappelé la nécessité de disposer d’une recherche forte, plurielle et innovante pour faire face aux défis de demain. Le ministère a été très mobilisé dans la lutte contre la covid-19. De très nombreuses initiatives ont ainsi émergé dans les organismes de recherche et les établissements d’enseignement supérieur, tels que le consortium multidisciplinaire REACTing auquel participe l’INSERM ; ou encore l’appel à projets flash covid-19 de l’ANR.

L’année 2020 marque un moment historique pour la recherche et l’enseignement supérieur : la LPR fixe une trajectoire budgétaire et de transformation de la recherche pour les dix prochaines années, conformément à notre volonté de soutenir ce secteur sur une longue période.

Dans ce contexte, doté d’un budget de 24,1 milliards d’euros, dont 150 millions d’euros de recettes de la CVEC, le PLF 2021 met en œuvre la première étape de la programmation de la recherche. Il traduit notamment la poursuite de la montée en charge du Plan étudiants et de l’accompagnement de la réforme des formations en santé.

Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés se réjouit du recrutement de 700 ETPT au bénéfice de la recherche et de l’enseignement supérieur en 2021, tout comme des 10 000 places ouvertes dès la rentrée 2020 dans le cadre du plan de relance pour faire face à l’augmentation du nombre d’étudiants liée aux résultats exceptionnels du Baccalauréat 2020 et aux difficultés prévisibles d’insertion professionnelle des jeunes, dans le contexte de la crise sanitaire et économique.

Ce mouvement en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur est conforté par les crédits supplémentaires du plan France relance et des PIA, qui représenteront plus de 6,5 milliards d’euros dans les années à venir. L’intégration de ces dispositions dès 2021 permettra de lancer immédiatement la dynamique du projet de LPR. Notre groupe salue donc un budget ambitieux, dans le prolongement de l’action commencée en 2017, et votera en faveur de ce projet de loi.

Pour finir, je tenais à vous remercier, madame la ministre de l’hommage que vous avez rendu à Samuel Paty, auquel je m’associe.

Mme Josette Manin. Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s’inscrivent dans la continuité des budgets de ces dernières années puisqu’ils augmentent à nouveau en 2021. Ils bénéficient en effet d’une hausse de 600 millions d’euros, qui porte le montant du troisième budget de l’État à 24 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,7 milliard sur l’ensemble des trois dernières années.

Il s’agit de financer les priorités de l’enseignement supérieur et de traduire les engagements pris dans le projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche, adopté en première lecture il y a quelques semaines par l’Assemblée nationale. Toutefois, la pandémie a eu pour conséquence l’inscription à l’université, lors de cette rentrée, de plus de 16 300 étudiants supplémentaires. En outre, les établissements doivent s’adapter aux règles sanitaires, les étudiants sont fortement affectés par la crise dans leur recherche d’emploi et les personnels, ainsi que les chercheurs, qui subissent la précarité, sont fortement mobilisés pour répondre à l’urgence sanitaire. Compte tenu de ces enjeux, le projet de budget est insuffisant pour atteindre ses objectifs.

S’agissant des programmes 150, « Formation supérieure et recherche universitaire », et 231, « Vie étudiante », nous avons bien noté, d’une part, l’abondement du Plan étudiants à hauteur de 236 millions destinés à augmenter les capacités d’accueil dans les filières les plus en tension et, d’autre part, les 60 millions prévus par le plan de relance pour la création de 30 000 nouvelles places dans le cadre du dispositif « Un jeune, une solution ».

Toutefois, nous devons vous alerter sur certains manques.

S’agissant du volet étudiants, tout d’abord, les aides directes ne sont pas suffisamment revalorisées, qu’il s’agisse de l’aide à la mobilité Parcoursup, de l’aide à la mobilité en master ou de la Grande école du numérique. Quant aux aides indirectes, notamment le financement du ticket de restaurant universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers et le gel des loyers dans les résidences universitaires des CROUS, il est indispensable qu’elles puissent bénéficier à tous nos étudiants.

Par ailleurs, les crédits de l’action 3, « Santé et activités associatives, culturelles et sportives » du programme 231 baissent. De fait, le financement est principalement issu de la CVEC. Ainsi, les étudiants s’acquittent eux-mêmes du coût de leur santé. Faut-il rappeler la précarité de leur situation actuelle ? Selon une enquête d’IPSOS, 74 % des jeunes âgés de 18 à 25 ans déclarent avoir rencontré des difficultés ces derniers mois.

En ce qui concerne le volet recherche, la France est en retard et restera en deçà de l’objectif de consacrer 1 % du PIB à la recherche, que ce soit maintenant ou dans dix ans. Malgré les alertes lancées lors de l’examen de la LPR, la trajectoire demeure modeste pour le monde de la recherche. Encore une fois, il aurait fallu 1,315 milliard d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2027 pour financer la programmation de la recherche. D’ailleurs, nous observons que la majorité des financements vont à l’ANR alors que nous avions appelé votre attention sur les risques que présente un financement par projets, estimant que la priorité doit aller au financement de base.

Par ailleurs, les crédits du programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » n’augmentent que de 0,19 %, ce qui est incompréhensible compte tenu des exigences de notre temps. Quant aux crédits du programme « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », ils baissent de 16,41 %.

En conclusion, le groupe Socialistes estime que le projet de budget pour 2021 laisse les étudiants, les enseignants et les chercheurs dans une grande précarité et ne permet pas de financer durablement les ambitions que nous devrions avoir pour le pays des Lumières, à une époque où tant d’incertitudes subsistent.

M. Pierre-Yves Bournazel. Le groupe Agir ensemble a pleinement soutenu, le mois dernier, le projet de loi de programmation pour la recherche, adopté en première lecture par notre assemblée. Ce texte traduit en effet un effort ambitieux en faveur de notre recherche. Il vise non seulement à donner de la visibilité à nos universités ainsi qu’à nos organismes de recherche, mais aussi à renforcer l’attractivité et le rayonnement scientifique de la France. En prévoyant une augmentation moyenne de 500 millions d’euros chaque année pendant dix ans, il contribuera à accroître de manière significative les moyens de la recherche publique.

C’est dans ce contexte marqué par un effort inédit en faveur de la recherche et de l’innovation françaises que le projet de loi de finances pour 2021 nous est présenté. En 2021, le budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation progresse donc de 600 millions d’euros, après une hausse continue depuis 2017. Il aura ainsi augmenté de 1,7 milliard d’euros en trois ans, soit une hausse de plus de 8 %, pour atteindre désormais près de 24 milliards d’euros en crédits de paiement, hors compte d’affectation spéciale « Pensions ». De surcroît, il faut tenir compte des moyens spécifiques accordés dans le cadre du plan de relance et ceux relatifs au PIA 4. Concrètement, en 2021, près de 400 millions d’euros supplémentaires seront affectés afin notamment d’accroître les capacités budgétaires de l’ANR en vue du financement des appels à projet pour l’année à venir.

La revalorisation salariale des chercheurs est un levier indispensable pour renforcer l’attractivité de notre modèle et soutenir durablement l’ensemble des métiers scientifiques. Nous saluons, à ce propos, l’accord conclu le 12 octobre dernier entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, qui prévoit de débloquer 650 millions d’euros au bénéfice de plus de 250 000 agents de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le volet enseignement supérieur de la mission prévoit également un effort conséquent en faveur de l’amélioration des conditions de vie des étudiants. La vie étudiante bénéficie ainsi d’une hausse de ses crédits de plus de 100 millions d’euros, consacrés notamment à la revalorisation des bourses. Pour beaucoup d’étudiants, le confinement a été source de difficultés financières. Certaines études montrent que la moitié d’entre eux ont rencontré des difficultés pour se nourrir de manière saine et équilibrée entre mars et juin 2020. En outre, les fermetures administratives et les mesures de distanciation physiques et sociales ont réduit leurs possibilités d’effectuer des jobs étudiants qui, nous le savons, sont essentiels pour certains d’entre eux.

Je me réjouis donc que, depuis le début de la rentrée 2020, l’ensemble des étudiants boursiers sur critères sociaux puissent bénéficier de repas équilibré et sain à 1 euro au restaurant universitaire. Cette mesure est profondément sociale, solidaire et de santé publique. Dans le même temps, la revalorisation des bourses et le gel des droits d’inscription acquittés par les non‑boursiers sont des mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat des étudiants.

Face aux fortes incertitudes liées à la crise sanitaire et à la résurgence d’une deuxième vague, il est de notre devoir de prendre en compte les inquiétudes légitimes des étudiants et de les protéger. Il s’agit également de les accompagner au sortir de la crise sanitaire et de faciliter leur entrée dans la vie professionnelle. Il est essentiel de ne laisser aucun jeune sans solution et de permettre à chacun d’entre eux d’acquérir une formation supplémentaire s’ils devaient rencontrer des difficultés pour s’insérer dans le marché du travail.

En conséquence, je salue, au nom de notre groupe, la mise en œuvre du plan « Un jeune, une solution », qui permettra dans le périmètre de cette mission, de créer 10 000 places supplémentaires en 2020 et 20 000 autres l’année suivante, afin de renforcer et de soutenir les filières en tension.

Pour conclure, notre groupe salue l’augmentation inédite des moyens en faveur de notre recherche et au profit des étudiants. Ce projet de budget s’inscrit dans une dynamique ambitieuse et positive pour la prochaine décennie. Nous vous soutenons !

Mme Béatrice Descamps. Après l’examen du projet de loi de programmation pour la recherche, adopté par notre assemblée en première lecture, nous voici à nouveau réunis pour discuter de son financement pour l’année 2021 et appréhender la concrétisation des premières mesures contenues dans ce texte.

Je tiens tout d’abord à saluer l’accord conclu entre les syndicats et votre ministère qui prévoit une revalorisation des salaires de l’ensemble des acteurs du monde de l’enseignement supérieur. Je ne peux toutefois m’empêcher de souligner que cette augmentation doit intervenir de manière progressive sur une durée de sept ans. Comment cette période de sept ans – dont de nombreux groupes auraient souhaité qu’elle soit celle de la LPR – va-t-elle s’articuler avec la programmation, prévue quant à elle sur une décennie ? En outre, on peut s’interroger, comme pour la loi de programmation, sur un engagement à si long terme et sur le sort que lui réserveront les futurs gouvernements.

Je regrette qu’il ne soit pas prévu de revaloriser les contrats doctoraux en cours. Vous consacrez cependant 3,8 millions d’euros à des revalorisations indemnitaires. Pouvez-vous préciser l’impact de cette mesure sur les rémunérations des futurs doctorants et nous indiquer à partir de quelle rentrée ils seront concernés ?

Quant au projet de budget pour 2021, je m’étonne que près de 600 millions d’euros semblent avoir été transférés de la mission « Recherche et enseignement supérieur » vers le plan de relance. Cela me conduit à m’interroger à la fois sur la réalité des 100 milliards d’euros promis et sur l’avenir de cette mission. Ce transfert sera-t-il reconduit l’an prochain ? Si tel était le cas, il desservirait l’ambition affichée dans la LPR et pourrait nuire fortement au monde de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Par ailleurs, les documents parus lors de la rentrée universitaire indiquent qu’environ 40 000 étudiants supplémentaires ont intégré l’enseignement supérieur cette année. Or, les images d’amphithéâtres bondés lors de la rentrée universitaire témoignent du respect plus qu’incertain des consignes sanitaires.

Si nous saluons l’engagement de votre ministère d’allouer 35 millions d’euros à la transformation pédagogique et numérique, nous pouvons néanmoins nous demander si le renforcement des services numériques offerts aux étudiants sera suffisant.

Quant à la question des besoins immobiliers, d’autant plus notoires en cette période de crise sanitaire, elle reste en suspens. Rappelons que l’objectif était de construire, au cours du quinquennat, 60 000 logements étudiants supplémentaires. Qu’en est-il de cette ambition ? Comment votre ministère avancera-t-il sur ce projet en partenariat avec les CROUS ?

Enfin, le groupe UDI tient à saluer l’augmentation des budgets de l’ANR dans le cadre de cette mission et du plan de relance, ainsi que celle des moyens consacrés à la vie étudiante, en hausse de 134 millions d’euros. Nous nous félicitons notamment de la revalorisation des bourses étudiantes et du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers.

Cette année universitaire s’annonce encore très particulière pour les étudiants : il nous faut être attentifs aux plus fragiles d’entre eux. Je souhaiterais donc que des mesures soient prises pour soutenir les contrats des étudiants employés par les universités. Nous comprenons les priorités liées à la crise, mais beaucoup de questions restent en suspens. Le groupe UDI sera donc attentif à vos explications et aux évolutions du texte.

Mme Muriel Ressiguier. Malgré une communication menée tambour battant, le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est décevant. En ce qui concerne la recherche, le programme 172 augmente de 3,2 %, mais le principal bénéficiaire en sera l’ANR. Vous confortez ainsi le système des appels à projet, chronophages et injustes, au détriment des crédits récurrents. À l’heure actuelle, une vingtaine d’universités captent 80 % des financements de l’ANR, et ce sont, sans surprise, les plus prestigieuses. En outre, ce système limite les thématiques scientifiques et la liberté des chercheurs.

Aucun emploi de titulaire supplémentaire n’est budgétisé. Votre ministère affiche dans sa communication le recrutement de 700 équivalents temps plein travaillé (ETPT), qui sera réalisé sous plafond stable en redéployant des postes non pourvus. Or, si ces emplois ne sont pas pourvus, c’est parce que les subventions pour charges de service public ne sont pas assez importantes pour les financer. Le CNRS, par exemple, voit le nombre de ses ETPT baisser, avec 41 emplois en moins, alors que le nombre d’emplois hors plafond augmente, quant à lui, de 485 ETPT. Ces emplois concerneront notamment les fameux « CDI de mission » et les chaires de professeur junior, qui sont de nouveaux statuts précaires créés par la LPR. Il s’agit donc bien de supprimer des postes de fonctionnaires pour les remplacer par des contrats précaires.

S’agissant de l’enseignement supérieur, vous poursuivez la politique de sélection, aggravant les inégalités d’orientation. Vous remettez en cause, ce faisant, la démocratisation de l’enseignement supérieur. Ainsi, alors qu’il y avait 57 700 étudiants en plus selon le ministère, seulement 21 500 places supplémentaires ont été créées à la rentrée 2020. Parcoursup laisse chaque année de plus en plus d’étudiants sur le carreau. Cette année encore, à la fin de la phase principale, mi-juillet, 10,7 % des candidats étaient sans proposition, contre 7,4 % en 2019.

L’accès en master devient, lui aussi, de plus en plus problématique. Selon l’UNEF, 9 000 candidats en master se sont trouvés sans affectation à la rentrée 2020 ; les saisines du rectorat ont bondi de 126 % à la rentrée. Le déterminisme social se voit ainsi renforcé.

Plus de doute, hélas, sur votre volonté de laisser se dégrader l’enseignement supérieur public au profit du privé. Le budget de 9 millions que vous allouez à ce dernier et votre choix de financer les frais d’une certification privée d’anglais à hauteur de 7,3 millions en sont un bel exemple.

Enfin, vous ne semblez pas prendre véritablement la mesure de la précarité étudiante, qui explose. Alors que 46 % des étudiants sont obligés de travailler pour financer leurs études et que la plupart ont perdu leur emploi suite à la crise, vous augmentez les bourses de 1,2 % seulement, soit 67 euros par an pour les plus élevées d’entre elles, qui sont, de surcroît, toujours attribuées sur dix mois et non sur douze, comme le réclament les organisations étudiantes. Certes, vous avez récemment instauré le ticket de restauration universitaire à 1 euro pour les boursiers, et c’est une bonne chose. Mais, là encore, nombre d’étudiants restent sur le carreau. La crise sanitaire et la fermeture des « Resto U » lors du confinement, fréquentés habituellement par tous les étudiants, ont mis en exergue les difficultés qu’ont beaucoup d’entre eux pour se nourrir.

De plus, en pleine crise sanitaire et sachant qu’un tiers des étudiants renoncent aux soins, vous baissez de 300 000 euros le budget de l’action « Santé des étudiants » du programme « Vie étudiante ». Rien n’est prévu concernant l’augmentation du nombre de logements gérés par les CROUS, alors que le logement est un problème criant pour les étudiants.

Méthodiquement, en renforçant l’individualisme et la compétition, vous démantelez la recherche publique, vous sabordez l’accès pour tous à l’enseignement supérieur. Votre « monde d’après » obscurcit l’avenir de la jeunesse et va à l’encontre de l’intérêt général.

Mme Elsa Faucillon. Je m’étonne, madame la ministre, que la majorité vous félicite de présenter un budget en adéquation avec le projet de loi de programmation pour la recherche : quoi de plus normal, en effet !

De fait, ce projet de budget affiche les mêmes ambitions que le projet de loi, mais il reproduit également les mêmes contradictions, celles que nous avons soulevées il y a un mois lors de l’examen du texte. Il est bel et bien nécessaire de relancer massivement la recherche publique française et de lutter contre la précarisation galopante dans l’enseignement et la recherche. Or, ce n’est pas ce que fait la LPR qui, outre qu’elle renvoie le financement à des échéances lointaines, manque sa cible puisqu’en renforçant surtout le budget de l’ANR, elle contraint les équipes à continuer de consacrer beaucoup de temps à la tâche chronophage que constitue le montage des projets. Même les annonces faites dans le cadre du plan de relance ne portent que sur le budget de l’ANR alors que les équipes des labos notamment – elles ne sont pas les seules – réclament une augmentation de leurs crédits récurrents, augmentation qui n’est pas envisagée.

Vous invoquez souvent l’existence de concertations. Mais, lorsque le Conseil national supérieur de l’enseignement et de la recherche (CNESER) s’est réuni pour rendre un avis sur votre projet de loi, des oppositions se sont exprimées ; des amendements ont même été déposés, que l’on n’a pas retrouvés du reste dans le texte final. En définitive, celui-ci a été adopté par 32 voix pour et 26 contre, au terme d’une nuit difficile. Quant au CESE, il préconise, dans son avis sur le texte, un investissement massif dans la recherche de 6 milliards d’euros d’ici à 2022, pour atteindre l’objectif d’une dépense publique consacrée à la recherche à hauteur de 1 % du PIB ; la mise en œuvre d’un plan exceptionnel de recrutement de l’ordre de 5 000 à 6 000 emplois par an, dès 2021 et pendant cinq ans, sur des postes statutaires ou permanents, tous métiers et toutes disciplines confondus, dans les universités et les organismes de recherche publique ; l’adoption de mesures exceptionnelles de correction au profit des sciences humaines et sociales, grâce à l’ouverture d’au moins 4 000 nouveaux contrats doctoraux.

Force est de le constater, les engagements pris dans le cadre de la LPR sont renvoyés à une date très lointaine. Pourtant, nos collègues le disent, il est urgent d’investir dans la recherche et de lutter contre la précarité non seulement des enseignants-chercheurs mais aussi des étudiants.

Un mot sur la revalorisation des bourses, qui est extrêmement faible puisqu’elle se traduit par une augmentation de 6 euros seulement par mois pour l’échelon le plus haut. On est donc loin de satisfaire les besoins, qui sont encore plus criants depuis le confinement. Par ailleurs, il faut que nous nous penchions collectivement – c’est aussi le rôle de votre ministère – sur la question de la santé étudiante, qui est minimisée dans ce PLF, comme c’est le cas depuis trop longtemps. Enfin, certains étudiants sont toujours sans fac : ils n’ont pas reçu d’affectation via Parcoursup. Certains ont saisi le rectorat, mais n’ont pas obtenu de réponse. Comment les aider et les accompagner ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Les pertes d’exploitation des CROUS sont estimées à environ 100 millions d’euros pour 2020. L’engagement a été pris de les compenser, car nous ne pouvons évidemment pas laisser péricliter le réseau des œuvres, auquel nous sommes tous très attachés. Le financement a été en partie assuré par le troisième projet de loi de finances rectificatif. Le reliquat sera compensé en gestion en fin d’année, notamment grâce au dégel ; il s’agit d’un véritable engagement.

Mme Descamps m’a interrogée sur la situation du logement étudiant. Actuellement, la moitié des 60 000 logements prévus ont été construits. La véritable difficulté réside non pas tant dans l’obtention des moyens financiers nécessaires à la construction que dans la disponibilité du foncier, certains maires de grandes villes ne souhaitant pas forcément une vie étudiante active dans leur commune. Nous négocions donc avec les maires nouvellement élus : c’est une question que j’aborde systématiquement lors de mes déplacements en région. Nous avons ainsi réglé, avec la métropole de Lille, le problème qui se posait à Villeneuve‑d’Ascq et, dans le Grand Est, nous avons conclu un accord portant sur un investissement conjoint de plus de 38 millions d’euros qui permet de rénover sept bâtiments du CROUS et d’en construire un nouveau afin de compenser la diminution du nombre de chambres résultant des rénovations.

S’agissant du GVT, le projet de budget prévoit, d’une part, pour accompagner la soutenabilité financière et salariale, 51 millions d’euros qui se répartissent entre organismes de recherche et établissements d’enseignement supérieur et, d’autre part, près de 68 millions d’euros spécifiquement destinés à surmonter le fameux « mur du CNRS ».

Il est encore un peu tôt pour évaluer la pertinence du dialogue stratégique de gestion, mais une mission a été lancée par l’inspection générale et deux suivis sont assurés par la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) : l’un est général, l’autre porte plus spécifiquement sur les demandes liées à la crise sanitaire. Les moyens alloués au dialogue de gestion vont doubler cette année.

Madame Manin, je rappelle que l’ensemble des cotisations de sécurité sociale des étudiants ont été supprimées, et donc prises en charge par l’État, moyennant l’acquittement par les étudiants d’une contribution de vie étudiante et de campus dont les recettes sont utilisées par les établissements et les CROUS, qui prennent le plus souvent leurs décisions en lien avec les étudiants, au profit de la vie de campus et de la santé de ces derniers. Ainsi, cette année, plus de 20 millions d’euros ont été consacrés pendant le confinement à l’allocation d’aides sociales au plus près du terrain. Par ailleurs, la CVEC a permis de créer, au sein des universités, 26 maisons de santé dans lesquelles les étudiants peuvent, sans avoir à verser une avance, consulter généralistes et spécialistes. Il s’agit d’une véritable avancée car, vous avez raison, le fait qu’ils ne prennent pas suffisamment soin de leur santé est une préoccupation. De fait, les actions de prévention menées auprès de la jeunesse permettent d’éviter, plus tard, le développement de pathologies.

Dès 2021, 220 doctorants supplémentaires seront financés. Ce financement correspond à la première marche. Nous suivons ainsi la trajectoire qui a été définie de manière à parvenir à un taux de 100 % de doctorants financés, tout en augmentant de 20 % les contrats doctoraux à l’horizon de sept ans.

Beaucoup a été dit sur la part considérable des financements qui irait à l’ANR. Mais le budget de cette dernière relève du seul programme 172. En conséquence, les 165 millions d’euros inscrits dans le programme 150 au titre de la loi de programmation de la recherche n’ont rien à voir avec l’ANR, pas plus que les 89 millions d’augmentation des subventions pour charges de service public dans le cadre de l’application de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. L’augmentation du budget de l’ANR représente 140 millions d’euros sur une augmentation globale de 600 millions ; on ne peut donc pas dire qu’elle capte la majorité de l’augmentation.

L’enveloppe consacrée à la rénovation énergétique des bâtiments dépendra de l’inscription des projets dans le calendrier du plan de relance. Le parc immobilier de l’enseignement supérieur et de la recherche représentant 40 % du parc immobilier de l’État, elle pourrait être évaluée à 40 % des 3,7 milliards d’euros prévus.

Ce sont 93,9 millions qui sont consacrés aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG), ce qui représente une hausse de 11 % par rapport à l’année dernière. Le taux de réserve de 7 % dont ils bénéficient est inférieur d’un point à celui généralement appliqué à l’ensemble des programmes budgétaires, qui est donc de 8 %. La seule exception concerne les universités, qui bénéficient d’un « forfait » de 30 millions d’euros et non d’un pourcentage du budget.

Les places dans l’enseignement supérieur financées par le plan de relance concernent essentiellement le domaine de la formation paramédicale. En fait, celui-ci relève, non pas directement de la responsabilité de l’État, mais des régions, que l’État s’engage à aider avec ce coup de pouce pendant les deux prochaines années.

J’entends bien, madame Ressiguier, que selon vous rien ne va. Vous évoquez les 67 euros d’augmentation annuelle des bourses attribuées sur critères sociaux. Évoquons aussi les 150 euros que recevront les 740 000 boursiers dès la fin du mois ! Il me semble que c’est une bonne nouvelle dont nous pourrions au moins nous réjouir.

À la fin de la procédure de Parcoursup, les commissions rectorales continuaient d’accompagner moins de 500 bacheliers. Nous les avons appelés un par un pour vérifier que leur projet professionnel ou d’étude n’avait pas changé et que tout se passait bien pour eux. Si vous avez encore des noms à nous transmettre, n’hésitez pas à le faire, mais évitez de nous envoyer des listes de jeunes que nous appelons et qui nous disent ne plus avoir de problèmes depuis belle lurette !

J’ajoute que nous avons donné le statut d’étudiant aux jeunes qui cherchent des formations professionnelles en apprentissage mais ils sont en réalité inscrits dans des Centres de formation des apprentis (CFA) et ne relèvent donc pas de l’enseignement supérieur. Ce statut leur donne plusieurs mois supplémentaires pour trouver un contrat d’apprentissage – qui, je le rappelle, est pris en charge quasiment à 100 % par l’État – précisément afin de pouvoir les accompagner. Il me paraît important de ne pas dresser un tableau toujours sombre de la situation : nos jeunes ont aussi besoin d’optimisme.

Je ne crois pas, madame Faucillon, que les félicitations qui nous sont adressées soient particulières. En effet, la loi de programmation prévoyait un engagement de 400 millions d’euros mais rappelons-nous nos discussions : d’aucuns disaient que seule la recherche en bénéficierait, qu’il n’y aurait rien pour les universités, rien pour la vie étudiante… Or l’engagement de 400 millions d’euros pour la recherche est tenu, le budget augmente globalement de 600 millions, et si l’on ajoute les crédits de paiement liés au plan de relance spécifiquement consacrés à l’enseignement supérieur – je ne parle ni des programmes prioritaires de recherche ni du programme d’investissements d’avenir –, l’augmentation s’élève quasiment à 1 milliard d’euros pour 2021. Je ne dis pas qu’il n’est pas possible de faire mieux ou d’espérer plus mais je constate que l’engagement est tenu et que, comme je vous l’avais déjà dit, ces 400 millions d’euros ne constituent pas la totalité de l’augmentation budgétaire de ce ministère.

J’étais présente à la réunion du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) lors de l’adoption du projet de loi de programmation de la recherche par 32 voix pour et 26 contre. Je signale simplement seules deux lois ont recueilli un vote favorable de ce conseil : la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants et celle-ci.

Mme Fannette Charvier. Si les enjeux de la filière spatiale sont identifiés en matière de développement économique et de souveraineté nationale à travers ses contributions à la défense, il est un domaine où le spatial et, plus précisément, la donnée spatiale, joue un rôle de plus en plus important, celui du développement durable : aide à la protection de la biodiversité à travers l’évaluation de l’état et de l’évolution des milieux naturels ou étude des déplacements des espèces grâce au dispositif Argos, services pour l’agriculture de précision limitant les intrants, gestion des risques naturels, outils d’aide à la décision et à la planification mais aussi de lutte contre le réchauffement climatique. Les satellites sont des outils essentiels pour étudier et mieux appréhender le changement climatique, pour atténuer ses effets et adapter les sociétés. La France est leader en la matière et le Centre national d’études spatiales (CNES), dont votre ministère conserve la cotutelle avec le programme 193, est même à l’initiative de l’Observatoire spatial du climat mondial.

Quel avenir pour la recherche spatiale consacrée à ces enjeux ? Avez-vous la volonté d’en faire une priorité ? Sur ces questions, quelles sont les transversalités avec le ministère de la transition écologique ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Le CNES, au titre de ses missions et de ses activités, s’est engagé, en effet, sur cinq axes de travail. Tout d’abord, il agit lui-même en employeur responsable et travaille à l’évaluation des conséquences de ses activités de recherche sur l’environnement. Un groupe de chercheurs a même défini un petit modèle permettant à chaque chercheur de savoir quel est son propre impact en matière de développement durable et climatique. Il y a aussi les actions de surveillance et de vérification de la réduction de l’empreinte environnementale. Le CNES a en effet été leader dans la création de l’Observatoire du climat, qu’ont rejoint l’ensemble des agences spatiales nationales, ce qui permet de partager les données.

Le Centre témoigne ainsi de sa volonté de contribuer à évaluer l’impact de nos sociétés sur le climat et, plus généralement, sur un plan écologique. Dans le domaine agricole, par exemple, il travaille sur la nature et l’utilisation des intrants en fonction des intempéries prévisibles.

M. Maxime Minot. Le décret du 24 juin 2020 a exclu du bénéfice de l’aide de 200 euros de nombreux jeunes ne répondant pas aux critères très restrictifs qui ont été fixés. Revirement le 14 octobre, lorsque le Président de la République a annoncé une aide exceptionnelle de 150 euros et de 100 euros supplémentaires par enfant aux bénéficiaires du RSA et des APL. Recadrage de Matignon dès le lendemain, lequel contredit la parole présidentielle, avant un nouveau rétropédalage du Premier ministre le 18 octobre.

Ces allers-retours, qui témoignent d’un véritable amateurisme, ne rassurent pas les étudiants les plus fragiles, de plus en plus nombreux compte tenu des conséquences économiques de la crise sanitaire. Ces annonces contradictoires semblent donc indiquer que le budget du programme 231, même s’il est en hausse, n’est pas suffisant pour répondre aux besoins. Pourquoi ne pas avoir anticipé les crédits nécessaires dès la construction du PLF ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je crains une certaine confusion. L’aide annoncée à l’issue du confinement ne concernait pas les seuls étudiants boursiers mais ceux qui avaient perdu leur stage, leur emploi, les étudiants ultramarins. Vous n’avez d’ailleurs probablement pas voté le PLFR permettant de mettre ce financement à la disposition des établissements.

Le nombre de bénéficiaire des 150 euros a quant à lui augmenté puisque tous les boursiers ne perçoivent pas des APL et que tous bénéficieront de cette somme. Une inscription dans ce PLF n’est pas possible puisque les 150 euros seront versés en 2020 dans le cadre du PLFR 4.

Les étudiants, quant à eux, saluent les efforts du Gouvernement en leur faveur. Ils sont très heureux de constater que nous les accompagnons par tous les moyens. Je ne dis pas, là encore, que tout est parfait mais nous connaissons les problèmes auxquels ils sont confrontés et, chaque fois que nous le pouvons, nous y répondons. Du travail reste à faire, en particulier sur les jobs et les emplois étudiants, et nous continuons à travailler avec eux, pour eux.

Mme Michèle Victory. Vous avez à peu près répondu à ma première question, qui portait sur le problème du logement étudiant. J’aurais souhaité que nos discussions nous permettent également d’aborder la problématique des écoles d’art territoriales, dont les enseignants ont également une activité de recherche mais dont le statut ne permet pas de valoriser la carrière comme leurs collègues des écoles nationales.

Certes, le problème est complexe. Avec ma collègue Fabienne Colboc, nous avions formulé des propositions voilà bientôt deux ans suite à une mission flash mais nous n’avons eu aucune réponse. Or, il y a urgence : les trois ministères concernés doivent se pencher sur la situation de ces enseignants-chercheurs. Je souhaiterais que vous nous donniez un début de piste de réflexion.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons en effet échangé à ce propos.

Il convient tout d’abord de reconnaître un doctorat spécifique pour que ces professionnels bénéficient d’un véritable statut d’enseignants-chercheurs ; or, en l’état, si des doctorats sont délivrés par des universités dans le domaine de l’art, ce n’est pas le cas des écoles d’art. Il conviendrait de réfléchir à un doctorat centré autour d’un chef-d’œuvre, ce qui demande un peu de travail. Mais c’est ainsi que ces professionnels obtiendront une meilleure reconnaissance puis un statut d’enseignant-chercheur au sens traditionnel du terme. Sachez que nous évoquons très souvent cette question dans un cadre interministériel et que nous y sommes très attentifs.

M. Luc Geismar. Depuis 2018, le taux d’étudiants inscrits en première année de licence (L1) ne s’étant jamais présentés en cours ou à un examen a diminué d’un point à la suite des mesures prises par votre ministère. Cependant, ce taux s’établit toujours à 7,3 % ; il devrait être de 7 % en 2023. De nouvelles mesures doivent-elles être prises pour atteindre un tel objectif ? Des disparités existent-elles en fonction des filières et des régions ? Le projet annuel de performance pointant des disparités méthodologiques pour le renseignement de l’indicateur, une nouvelle méthode sera-t-elle établie afin de l’uniformiser ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. La question de l’absentéisme est très délicate. Il est possible d’en distinguer deux types.

Certains jeunes ont simplement besoin d’être inscrits dans un établissement de manière à disposer d’une carte d’étudiant pendant qu’ils préparent leur réorientation, comme les universités le constatent en début d’année civile, au moment des concours administratifs de niveau bac notamment. Il conviendrait d’ailleurs de réfléchir à les accompagner autrement qu’en les laissant s’inscrire en sachant qu’ils ne seront pas assidus.

Les décrocheurs, quant à eux, se rendent compte qu’ils se sont trompés d’orientation et quittent le circuit de l’enseignement supérieur avec un profond sentiment d’échec. Nous avons travaillé à ce problème dans le cadre de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants : les directeurs des études peuvent désormais les contacter, prendre de leurs nouvelles, etc.

L’objectif, c’est que nous soyons capables d’identifier les absentéistes, quelle qu’en soit la raison, et que nous puissions les aider ou être certains qu’ils n’ont pas besoin d’aide. Leur comptabilisation est en effet très différente selon les établissements. Là encore, l’objectif est de pouvoir proposer à ces derniers des outils communs pour que le ministère bénéficie de données consolidées et puisse se saisir de cette question à bras-le-corps. Ce n’est pas encore le cas mais nous y travaillons, notamment, avec la Conférence des présidents d’université (CPU).

Mme Frédérique Meunier. Votre ministère dispose du quatrième budget de l’État et nous avons compris qu’il avait augmenté de 8 %.

Beaucoup de Français qui nous regardent se posent peut-être eux aussi cette question pragmatique : comment avez-vous financé cette augmentation ? En prenant sur d’autres budgets ? Grâce à un bas de laine ? En augmentant la dette publique ?

Nous avons par ailleurs entendu la semaine dernière une présentation du rapport d’information sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur, selon lequel une partie des étudiants est mal orientée, le coût de leur réorientation s’élevant à 550 millions d’euros. Ne pourrait-on pas revoir l’utilisation d’un tel budget afin d’être plus efficaces ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Votre première question devrait être posée à mon collègue Olivier Dussopt puisque la construction budgétaire ne met pas en vis-à-vis des recettes et des dépenses, sauf dans le cas des recettes affectées : il y a les recettes et les dépenses globales de l’État et le budget se construit par priorisations.

Votre deuxième question sous-entend que les réorientations coûteraient très cher et que nous pourrions mieux utiliser ce financement. Mais le critère de la maturité des étudiants est très important, de même que la confiance dont nous témoignons à l’endroit de notre jeunesse. Tout réussir du premier coup et ne pas connaître l’échec, c’est passer à côté de quelque chose de nécessaire à la construction de soi. Nous subirons tous des échecs. Nos jeunes peuvent se tromper mais ce n’est finalement pas si grave que cela s’ils gardent confiance en eux et s’ils découvrent une autre voie. Le plus terrible, c’est de briser la confiance d’un jeune au point qu’il ne trouve pas sa place dans notre société. Un tel risque vaut largement les financements que nous consacrons à ceux qui mettent un peu plus de temps que d’autres à trouver leur place.

Mme Danièle Cazarian. En matière de recherche et d’innovation, le Gouvernement souhaite harmoniser la prise en considération des dépenses d’organismes publics avec celles du secteur privé. Or, d’après le mécanisme en vigueur depuis 2004, les entreprises ne sont pas obligées de réaliser leurs dépenses de recherche en interne pour pouvoir bénéficier du crédit d’impôt recherche (CIR). Ne pensez-vous pas que l’abrogation de ce mécanisme pourrait peut-être, à terme, désavantager les chercheurs français du secteur public ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous n’avons pas le droit de maintenir un doublement du CIR pour les entreprises qui ont des contrats avec le monde académique public. L’État a été condamné pour cela au niveau européen et nous devons donc respecter les règles en vigueur.

Néanmoins, nous essayons de trouver d’autres solutions, en particulier au moment où nous avons besoin de soutenir l’innovation et les liens entre le monde académique et la recherche et le développement. Nous regardons si l’ensemble des pays de l’Union européenne disposant d’un CIR ne peuvent pas mener une action commune de manière à ce que son doublement ne soit plus illégal.

M. Régis Juanico. Seulement 20 % des étudiants pratiquent une activité physique et sportive alors que 70 % le souhaiteraient. Leur sédentarité a augmenté fortement pendant et après le confinement, avec des incidences importantes sur leur santé. Qu’avez-vous prévu dans le PLF pour favoriser le développement du sport à l’université ?

En cette rentrée, 7 000 candidats ont par ailleurs été refusés aux portes de la formation STAPS - sciences et techniques des activités physiques et sportives. Avez-vous prévu un budget spécifique pour soutenir une filière plus que jamais sous tension ?

Enfin, vous avez reçu jeudi dernier les élus de la Loire à propos de la création de l’« Université-Cible », et donc de la fusion des établissements de Lyon et de Saint-Étienne, et nous vous avons demandé un report de la date du conseil d’administration de l’université Jean-Monnet prévue ce vendredi 23 octobre, ainsi qu’une modification des statuts garantissant l’autonomie de décision de cette dernière alors que le conseil académique vient d’infliger un désaveu à ce projet de fusion en votant contre à 82 %. Quelle suite entendez-vous donner à présent à nos demandes ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons maintenu au maximum les activités sportives dans les établissements – en fonction de leurs capacités d’accueil respectives en pleine crise sanitaire –, notamment lorsqu’elles étaient essentielles à l’obtention d’un diplôme. Autrement, les salles de sport sont fermées, comme partout.

Par ailleurs, je vous rappelle que ce n’est pas le ministère qui fixe les dates ni l’ordre du jour des conseils d’administration de ces établissements publics autonomes que sont les universités.

Mme Emmanuelle Anthoine. Pour que la sélection de Parcoursup fonctionne, l’accompagnement en termes d’orientation doit être réel. Avec la baisse du nombre de places de conseillers d’orientation dans les Centres d’information de l’éducation nationale (CIEN) et au concours de recrutement, l’orientation est confiée aux professeurs, qui ne peuvent assumer une telle fonction. Nombre de lycéens se retrouvent livrés à eux-mêmes.

La semaine dernière, ici même, nous avons étudié un rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de l’accès à l’enseignement supérieur présentant plusieurs pistes pour développer ce secteur. Il insiste notamment sur la nécessité de déployer des moyens supplémentaires. Allez-vous les octroyer afin de mieux accompagner les élèves dans le cadre du dispositif Parcoursup ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Forte de l’engagement sans faille des recteurs et de leurs équipes, je travaille à développer l’interface entre les cycles lycée et licence ou, plus globalement, les premiers cycles de l’enseignement supérieur.

Les professeurs principaux des lycées jouent un rôle essentiel et travaillent en parfaite harmonie avec leurs collègues de l’enseignement supérieur pour prendre en compte les souhaits des futurs étudiants, leurs capacités, et pour leur donner une vision un peu plus globale de ce que sont les élèves, qui ne se réduit pas à leurs notes.

Je peux bien sûr parler de la question des recrutements des conseillers d’orientation dans les collèges et les lycées avec mon collègue Jean-Michel Blanquer. En tout cas, je tenais à dire que les enseignants du secondaire sont ravis de savoir ce que deviennent les jeunes qui leur ont été confiés et de travailler en partenariat très étroit avec leurs collègues du supérieur sur ces questions d’accompagnement et d’orientation.

M. Julien Ravier. Vous avez répondu à certaines questions dont je souhaitais me faire l’écho, notamment à propos de la Conférence des présidents d’université, de l’Agence nationale de la recherche et des 30 millions supplémentaires pour financer la recherche, mais je souhaite vous poser une question un peu particulière.

La crise de la covid-19 impose de lourds investissements aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en matière de digitalisation des cours et des supports pour les étudiants. Dans ce domaine, les écoles privées, en particulier les grandes écoles de management, doivent également faire face à des charges nouvelles, sans aucune subvention publique, à la différence des universités, et encore moins des subventions des chambres de commerce et d’industrie, même si un accord est intervenu entre ces dernières et le Gouvernement pour éviter un coup de rabot supplémentaire.

Envisagez-vous de soutenir ces grandes écoles, fleuron de l’enseignement supérieur ? Quels sont les crédits mobilisés pour les investissements sur les plateformes en distanciel ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Ces écoles ont été prises en compte lorsqu’elles se sont associées à des consortiums d’écoles publiques, notamment dans le cadre de réponses à des appels à projets.

Leurs modèles économiques et de financement sont toutefois totalement différents puisqu’elles font payer des droits d’inscription, souvent assez élevés. Elles ont de plus anticipé la mise en place de cours à distance car une grande partie de leurs étudiants sont étrangers et ces derniers n’ont pas pu se déplacer.

Encore une fois, lorsque les enseignements, au sein de ces écoles, sont préparés de façon collégiale avec des établissements publics et mis gratuitement à la disposition de l’ensemble des étudiants, elles sont éligibles à des financements. Elles sont nombreuses à être associées notamment à des établissements expérimentaux depuis l’ordonnance de 2018.

Disons-le également, dans ces écoles, l’offre de formation est caractérisée, sinon, elles n’ont aucune valeur ajoutée à communiquer pour leur propre compte.

II.   EXAMEN DES CRÉDITS

La commission examine ensuite, pour avis, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Article 33 et état B

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements II-AC21 de Mme Muriel Ressiguier et II-AC23 de M. Michel Larive.

La commission est saisie de l’amendement II-AC14 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Par cet amendement d’appel, nous voulons mettre en évidence la sous-alimentation, dans le projet de loi de finances et, à plus long terme, dans la LPR, des crédits de recherche de base par rapport aux financements de l’ANR. Emmanuelle Charpentier, récipiendaire du prix Nobel de chimie, a dit combien les chercheurs, en France, avaient des difficultés à obtenir des financements pérennes, et à quel point elle aurait du mal à effectuer ses recherches, sur une longue durée, dans notre pays. C’est une question cruciale pour la recherche française.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. Votre amendement ne tient pas compte de l’ensemble des propositions du projet de loi. Il ne s’agit pas de privilégier un seul mode de financement mais d’agir de manière cohérente en utilisant plusieurs outils qui ne s’opposent pas mais, au contraire, se complètent. Il est indispensable de renforcer l’ANR afin qu’elle puisse soutenir la comparaison avec ses homologues étrangers. Parallèlement, j’en conviens, il est nécessaire que les laboratoires disposent de moyens. L’augmentation des moyens de l’ANR permettra, vous le savez, de renforcer les moyens de base de la recherche, grâce aux effets induits par l’augmentation des taux de succès et le fort accroissement du montant des préciputs. Le fait qu’une équipe remporte un appel à projet de l’ANR contribuera au financement de son laboratoire mais aussi à la politique scientifique de son établissement. Avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon. Il y a eu une vie à l’université avant l’ANR. On constate, depuis un certain nombre d’années, un sous-investissement massif qui conduit des laboratoires à s’engager dans la recherche chronophage d’appels à projets. On sait quels laboratoires bénéficient le plus des projets de l’ANR. Je ne vois pas en quoi l’augmentation du taux de succès permettrait à d’autres laboratoires et à d’autres universités d’en prendre leur part. On peut anticiper une accélération du processus à l’œuvre et donc un accroissement des inégalités entre laboratoires de recherche.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement II-AC19 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Dans l’avis que j’ai présenté au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le PLF 2020, j’ai montré combien le financement de la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources marquait un manque d’ambition et d’engagement du Gouvernement. J’ai eu le sentiment que ce constat était à tout le moins partagé au sein de la commission du développement durable. Or, il est toujours de mise cette année. C’est pourquoi, je rappelle, par cet amendement d’appel, les recommandations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en matière de recherche sur les enjeux de la transition écologique.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. Vous souhaitez marquer la nécessité de mieux soutenir les recherches sur les enjeux de la transition écologique et environnementale. Je partage tout à fait vos préoccupations quant à leur importance, mais permettez-moi de vous rappeler que le programme 190, qui est consacré à ces problématiques, n’est pas trop mal doté, puisqu’il reçoit cette année 1,758 milliard d’euros. En outre, au sein du programme 172, l’action 18, consacrée aux recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement est, à elle seule, créditée de 1,136 milliard d’euros. Enfin, il ne faut pas oublier que l’ANR participe aussi à la recherche scientifique sur ces thématiques. Elle lance des appels à projets importants et nombreux dans le cadre d’une démarche transversale. Ces projets touchent des champs disciplinaires croisés, comme « santé environnement société » ou « numérique énergie environnement ». Selon le dernier rapport d’activité disponible, qui concerne l’année 2018, 10 % de ses financements ont concerné les sciences de l’environnement, qui figurent toujours en très bonne place de son plan d’action pour 2021. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon. Dans le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », les actions 14 « Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile » et 16 « Recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire » ne correspondent pas exactement à ce que j’appelle la recherche dans les énergies renouvelables.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-AC25 de M. Michel Larive.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement a pour objet de dénoncer la précarité grandissante dans laquelle sont plongés les étudiants. On reçoit tous des étudiants qui, certains jours, ne peuvent pas prendre un seul repas et qui vivent dans leur voiture ou dans un squat. Cela devient très inquiétant, surtout quand on pense que, par l’école de la République, on devrait pouvoir sortir de sa condition et faire son chemin, ce qui, malheureusement, est de moins en moins le cas. Cet amendement vise à proposer le versement d’une allocation d’autonomie de 800 euros aux jeunes de 18 à 25 ans, sous certaines conditions.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Vous proposez, en parallèle, de supprimer les bourses sur critères sociaux, ce qui n’est ni notre objectif ni celui du Gouvernement. Par ailleurs, le budget ne permettrait pas d’assumer le système que vous préconisez. La question de la précarité nous préoccupe tous, évidemment, mais le PLF comporte, me semble-t-il, de nombreuses avancées, qu’il s’agisse du gel des loyers, du repas universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers, du versement aux établissements des recettes de la CVEC, de l’augmentation des bourses, de la possibilité de prendre en compte, pour leur attribution, les revenus de 2020 et non ceux de 2018 ou encore de l’abondement du fonds de garantie des prêts étudiants. Avis défavorable.

Mme Muriel Ressiguier. Des gestes sont faits, mais il faudra un jour partir des besoins et établir les budgets en conséquence.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Je rappelle qu’un boursier à l’échelon 7 perçoit l’équivalent du revenu de solidarité active (RSA).

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement II-AC32 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement demande la compensation du coût du glissement vieillesse-technicité (GVT) pour les universités.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Je crois que vous n’avez pas défendu le bon amendement... Pour vous répondre sur l’amendement II-AC32, je rappelle que les bourses sont désormais attribuées sur dix mois – c’est un acquis très récent – alors que l’année universitaire se termine fin mai. Cette année, eu égard à la situation, elles ont été accordées en juillet, soit sur onze mois. Un effort substantiel a donc été engagé sur leur durée d’attribution. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-AC24 de Mme Muriel Ressiguier, II-AC28 de M. Michel Larive, II-AC29 et II-AC27 de Mme Muriel Ressiguier.

Elle en vient à l’amendement II-AC31 de M. Michel Larive.

Mme Muriel Ressiguier. La mission flash que Fabienne Colboc et moi‑même avons conduite sur le financement des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) a mis en évidence la nécessité d’un accompagnement des étudiants, en particulier par des assistantes sociales. Or, celles-ci sont en nombre nettement insuffisant, notamment par rapport à l’Allemagne. Nous avions chiffré à 7,7 millions d’euros l’institution d’un accompagnant pour 7 000 étudiants.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut porter une attention spécifique à la santé de nos étudiants et essayer de trouver les meilleures solutions en ce domaine. La ministre a apporté à ce sujet des réponses satisfaisantes. Je rappelle l’existence des services de la médecine préventive dans les établissements, ainsi que le service dédié du CROUS. En outre, une partie des financements issus de la CVEC sera orientée vers la programmation d’actions en faveur de la santé des étudiants. Comme l’a indiqué la ministre, trente-six maisons de santé viennent d’être construites. Un gros effort est entrepris. Même s’il demeure peut-être insuffisant, il annonce des mesures à venir.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement II-AC15 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Nous sommes nombreux à avoir évoqué la précarité étudiante, qui est bien réelle. Les contrats courts, non pérennes, deviennent la norme dans les métiers de la recherche, ce qui nuit considérablement à la sérénité et au temps long qui sont les gages d’une recherche de qualité. Le CESE a fait des recommandations en matière de recrutement et de titularisation des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cet amendement vise à appliquer ces mesures, grâce à un plan exceptionnel de recrutement de l’ordre de 5 000 à 6 000 emplois par an dès 2021, pendant cinq ans.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. On rouvre ici le débat qu’on a eu au sujet de la loi de programmation. Pour favoriser le temps long de la recherche, ce texte prévoit la transformation de CDD en CDI de mission, qui peuvent ensuite permettre d’accéder à des concours ou à d’autres emplois. Comme vous le savez, 7 000 emplois seront ainsi créés sur la durée. Beaucoup d’efforts sont faits dans le cadre de la loi de programmation, qui vont dans le sens de votre demande. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AC16 de Mme Elsa Faucillon.

 

Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, la commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

 

Après l’article 56

La commission examine l’amendement II-AC13 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. On n’a pas suffisamment abordé la question du crédit impôt recherche (CIR) lors de l’examen de la LPR. Ce débat est nécessaire. Les organismes de recherche et les entreprises bénéficiaires de ce dispositif nous disent, lors des auditions, que le CIR est certainement utile, mais qu’ils ne savent pas exactement à quoi. Des objectifs fléchés sont pourtant définis. Il est aberrant que les parlementaires ne puissent pas savoir très clairement à quoi l’argent public doit servir. Nous devons nous doter des moyens d’évaluer le crédit d’impôt et de faire en sorte qu’il réponde aux objectifs fixés.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. Je trouve qu’il est un peu osé de soutenir que le Gouvernement ne tient pas compte de l’urgence de la situation et des appels répétés de la communauté scientifique, s’agissant particulièrement du CIR. Une trajectoire est tracée, qui se traduira par un investissement supplémentaire de 25 milliards d’euros en faveur de la recherche.

Votre amendement me laisse perplexe. D’un côté, vous soutenez que le crédit d’impôt recherche entraîne un effet d’aubaine pour les entreprises ; de l’autre, vous demandez au Gouvernement un rapport évaluant l’impact de sa suppression au profit, dites-vous, d’un dispositif « plus incitatif » pour les entreprises, c’est‑à‑dire plus libéral, si on vous suit. J’y vois donc une forme de contradiction. À tout le moins nous faut-il des explications plus précises sur le mécanisme que vous appelez de vos vœux. En tout état de cause, rien n’empêche le Parlement d’évaluer le dispositif en vigueur, comme tout autre. Un précédent avis sur les crédits de la recherche, en 2018, a d’ailleurs traité de ce sujet. Demande de retrait, ou avis défavorable.

Mme Elsa Faucillon. Le mécanisme incitatif en matière de recherche et développement, c’est un crédit impôt recherche dont on aurait redéfini les objectifs, évalué les effets et dont on se serait assuré qu’il sert bien à ce à quoi il doit servir. Le Sénat avait institué une commission d’enquête, en 2014, sur la « réalité du détournement du crédit d’impôt recherche de son objet et de ses incidences sur la situation de l’emploi et de la recherche dans notre pays », qui n’a pas adopté le projet de rapport. Ses travaux ont donc été mis sous le boisseau ; on a considéré qu’ils ne devaient pas sortir.

Les évaluations faites régulièrement nous disent que le dispositif doit servir à quelque chose, mais on n’est pas capables de dire exactement à quoi. Par exemple, on peut dire ce que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a coûté à l’État pour créer un certain nombre d’emplois – on sait que le coût est supérieur à celui d’un emploi de fonctionnaire. Nous vous proposons l’établissement d’un rapport, car c’est tout ce qu’on nous autorise à faire, pour pouvoir mener le travail d’évaluation inhérent à notre fonction de député.

La commission rejette l’amendement.

La commission est saisie de l’amendement II-AC12 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Cet amendement traite d’une question que le confinement a particulièrement mise en valeur. Elle ne concerne pas seulement les étudiants, mais aussi beaucoup d’élèves, particulièrement au sein des milieux populaires – c’est le cas dans ma circonscription. Depuis septembre, les rencontres que j’ai eues avec des collégiens, des lycéens et des étudiants montrent que l’outil informatique est trop souvent absent dans les foyers, ce qui empêche de travailler correctement. Il faut un matériel informatique adapté, de qualité, destiné uniquement à l’étudiant et non partagé avec les parents en télétravail ou la fratrie. L’État doit mettre un ordinateur à la disposition de chaque étudiant.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Vous avez raison, la fracture numérique est clairement apparue à travers la douloureuse expérience de la covid‑19. Il est cependant très difficile de déterminer à quel moment on doit donner un ordinateur. Pour pratiquer l’enseignement supérieur depuis fort longtemps, je sais très bien qu’en première année, 20 à 30 % des étudiants ne resteront pas très longtemps sur les bancs de l’université. Par ailleurs, des aides peuvent être délivrées à ceux qui en éprouvent le besoin, soit par le CROUS, soit par le biais des fonds de la CVEC.

Selon une enquête menée par la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP), entre le 17 mars et le 24 juillet 2020, plus de 6,3 millions d’euros ont ainsi été mobilisés sur le produit de la CVEC pour lutter contre l’isolement numérique des étudiants. On est en train de trouver une solution ; le problème est en train de se régler. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement II-AC17 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon. Nous demandons un rapport au gouvernement pour mettre en évidence la nécessité de définir un plan de prévention contre les oppressions existant au sein de l’enseignement supérieur. Nous préconisons la création d’une cellule d’accueil de la parole et d’accompagnement des victimes, composée de professionnels formés.

L’enquête de l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur a montré qu’une étudiante sur vingt a déjà été victime de viol, et une sur dix d’agression sexuelle. Si ces chiffres rejoignent malheureusement ceux qui concernent la population féminine générale, on sait que les faits en cause se produisent souvent à l’université. Par ailleurs, on a des témoignages de harcèlement et d’oppression sexiste au sein des laboratoires et dans la population des doctorantes – ces faits ont été abondamment relatés à travers la vague MeToo.

Beaucoup reste à faire au sein de chaque université. Des étudiantes se sentent souvent bien seules, parce qu’elles sont éloignées de leur famille ou, tout simplement, parce qu’il n’est pas facile de se confier. Passer la porte d’un commissariat pour dénoncer son directeur de thèse, c’est parfois beaucoup plus compliqué que de contacter une cellule d’écoute au sein de son université.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis pour les crédits de l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Je partage bien évidemment votre préoccupation, même si j’ai connu des cas, à Montpellier, où des thésards portaient plainte contre leur directrice de thèse. Il faudrait d’abord faire une évaluation avant de créer des structures. Cette question, qui est certes essentielle, me paraît en outre quelque peu éloignée du champ d’un projet de loi de finances. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission rejette enfin l’amendement II-AC18 de Mme Elsa Faucillon.

 

 


–  1  –

   annexe :
Liste des personnes entendues par le rapporteur

(par ordre chronologique)

            Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche – Direction des Affaires financières (DAF) M. Guilhem de Robillard, sous‑directeur du budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur », et M. Frédéric Bonnot, chef de service, adjoint au directeur

            Conférence des présidents d’université (CPU) (*) – M. Olivier Laboux, vice-président et M. Kevin Neuville, conseiller en charge des relations avec le Parlement

            Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) – Dr Gilles Bloch, président-directeur général et Mme Anne-Sophie Etzol, Chargée des relations institutionnelles

            Centre national d’études spatiales (CNES) (*) – M. Jean-Yves Le Gall, président, et M. Pierre Tréfouret, directeur de Cabinet

            Ministère de l'Économie et des Finances – Direction du Budget – M. Alban Hautier, inspecteur des finances

            Ministère de l’Enseignement supérieur – Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) – Mme AnneSophie Barthez, directrice générale et M. Philippe Burdet, sous-directeur du financement de l'enseignement supérieur

            Table ronde des organisations syndicales :

 Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC CGT) – Mme Josiane Tack, secrétaire générale SNTRS-CGT (syndicat CGT de la recherche publique), et M. François Bonnarel, chargé des questions financières

– Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT (SGEN-CFDT) – MM. Christophe Bonnet, et Stéphane Leymarie, membres

– Fédération syndicale unitaire (FSU) – MM. Christophe Voilliot, et Hervé Christofol, membres

– Syndicat national des personnels titulaires et contractuels de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la culture (SNPTES) –MM. Jérôme Giordano, et Xavier Duchemin, secrétaires nationaux, et Mme Stéphanie Reynaud, chargée de mission

– Confédération de jeunes chercheurs (CJC) – Mme Kim Gauthier, présidente, et M. Kévin Bonnot, secrétaire

            Agence nationale de la recherche (ANR) – M. Thierry Damerval, président-directeur général

            Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) – M. Laurent Buisson, directeur du programme « Centres d'excellence »

            Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation – Direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) – M. Bernard Larrouturou, directeur général, responsable des programmes 172 et 193, M. Vincent Motyka, chef du Service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche et M. Maurice Caraboni, chef du Département de la gestion et du pilotage budgétaire des programmes

            Centre national de la recherche scientifique (CNRS) – M. Antoine Petit, président, et M. Thomas Borel, chargé des relations avec les élus

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 


([1]) Coût évalué de la mesure pour le budget de l’État dans l’attente du remboursement du budget général par les financements européens, est-il précisé.

([2]) Qui s’est traduit par un arrêt partiel ou total des activités de production, des décalages ou des annulations de commandes sur les marchés commerciaux ou institutionnels étrangers, un coup de frein aux financements privés, ou des retards dans le développement de systèmes fortement soumis à la concurrence, etc.

([3]) L’INRA est devenu INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) le 1er janvier 2020 après fusion avec l’IRSTEA

([4]) « Le programme d’investissement d’avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder », novembre 2019

([5]) Décret no 2017-1083 du 24 mai 2017 relatif aux attributions du ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, article 1er.

([6]) Décret no 2020-871 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de l’économie, des finances et de la relance, article 4.

([7]) Créée par le CEA, le CNRS, la Conférence des présidents d’université (CPU) et l’IFP-énergies nouvelles (IFPEN), l’ANCRE compte aujourd’hui 19 membres

([8])  Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement

([9])  Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer

([10]) Institut de recherche pour le développement  

([11]) Bureau de recherches géologiques et minières

([12])  Créée en 2010 par le CEA, le CNRS, la Conférences des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), la CPU, l’Institut Mines-Telecom (IMT) et l’INRIA

([13]) L’Allenvi a été créée à l’initiative de douze membres fondateurs : BRGM, CEA,CIRAD, CNES,CNRS, CPU, Ifremer, INRAE, IRD, Météo France, MNHN et l’université Gustave Eiffel. Ils ont été rejoints par quinze membres associés.

([14]) Une autre part étant assumée sur le programme 150

([15])  HCERES, rapport d’évaluation de l’Agence nationale de la recherche, 28 novembre 2019

([16])  HCERES, rapport d’évaluation de l’Agence nationale de la recherche, 28 novembre 2019

([17]) HCERES, rapport d’évaluation de l’Agence nationale de la recherche, 28 novembre 2019

([18]) Pour 153,6 millions d’euros en LFI 2020.

([19])  Stratégie nationale de la recherche, France – Europe 2020, pages 22-23.

([20]) Ainsi que de celle du programme 191, « Recherche duale, civile et militaire », géré par le ministère des armées.

([21]) La seconde mesure porte sur une enveloppe de 128 millions d’euros, précédemment inscrite sur le P191 (recherche duale), désormais compensés par le Plan de relance.

([22])  http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9683913_5f8efe91c3a49.commission-des-affaires-culturelles--mme-frederique-vidal-ministre-de-l-enseignement-superieur-de-20-octobre-2020