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N° 3465

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2020.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021 (n° 3360)

 

 

TOME IV

 

 

DÉFENSE

 

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

FORCES TERRESTRES

PAR Mme Sereine MAuborgne

Députée

——

 

 Voir le numéro : 3399 (annexe 14).

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : les crédits proposés pour 2021

I. Des ressources en progression

A. La poursuite de l’effort de recrutement

1. Une manœuvre de recrutement encore plus ambitieuse en 2021

2. Des efforts renouvelés pour améliorer la fidélisation

B. La poursuite de l’effort de régénération

1. Des crédits en hausse pour l’entretien des matériels

2. La livraison des matériels de 4e génération

II. Deux points de vigilance pour respecter la programmation

A. Une relance de la préparation opérationnelle à conforter

1. Des normes d’entraînement hors d’atteinte à ce jour

2. Une activité grevée par des surcoûts imprévus en LPM

B. Une priorité donnée au « petit équipement » qui peine à se concrétiser

1. Une hausse à poursuivre et à accélérer

2. Des crédits à préserver en gestion

Seconde partie : le maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres

I. Le MCO-T : une organisation profondément réformée depuis dix ans

A. Les grands principes de l’organisation du MCO

1. Une organisation par milieu

2. Deux grandes catégories de maintenance, trois types de maîtres d’œuvre

3. Des parcs partagés

B. L’armée de terre, responsable de la maintenance de « tout ce qui roule »

1. Des parcs hétérogènes

2. Un budget important, un patrimoine colossal, des volumes « astronomiques »

3. Des personnels sous trois types de statut

C. Une modernisation en cours, source d’économies

1. L’entrepôt central de Moulins

2. La fabrication additive ou « impression 3D »

3. Le recours à la robotique

4. La maintenance connectée

D. Une activité de contractualisation soutenue depuis 2010

1. La recherche d’une complémentarité public / privé

2. De nouveaux besoins de recrutements

II. Des orientations qui pourraient avoir atteint leurs limites

A. Alerte n° 1 : une gestion des équipements qui pénalise l’activité

1. Les limites de la mutualisation de certains équipements

2. Les limites de l’externalisation du soutien de certains matériels

B. Alerte n° 2 : à deux ans d’un pic du coût du MCO-Terrestre

1. Des matériels très sollicités et encore prolongés

2. Les « obsolescences » : une évolution préoccupante pour le MCO-T

3. Une maintenance industrielle privée saturée à court terme

4. Un MCO terrestre inévitablement plus coûteux dans les prochaines années

C. Alerte n° 3 : des stocks ayant atteints un seuil critique

1. Une complémentarité publique – privée perfectible

2. Des faiblesses dans la sécurité des approvisionnements mises en lumière par la crise sanitaire

3. Un besoin financier estimé à 75 millions d’euros

D. Alerte n° 4 : la régénération des matériels Scorpion, pas prévue ni financée à ce stade

1. Le modèle « à flux » des matériels de 4e génération

2. Des surcoûts probables

3. L’urgence d’organiser la montée en capacité du SMITer sur les matériels Scorpion

Conclusion

Travaux de la commission

I. Audition de M. Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre

II. Examen des crédits

Annexe 1 :  auditions et déplacements de la rapporteure pour avis

Annexe 2 : la politique de fidélisation pour l’armée de Terre


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   Introduction

 

Conformément aux engagements du président de la République et comme l’a confirmé la ministre des Armées, Florence Parly, le projet de loi de finances pour 2021 suit « à la lettre » la trajectoire fixée par la loi du 13 juillet 2018 de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et ce, pour la troisième année consécutive. Avec 39,2 milliards d’euros, le ministère des Armées dispose déjà de sept milliards de plus qu’en 2017, une hausse inédite dans l’histoire des lois de programmation militaire.

L’armée de Terre voit donc ses ressources augmenter de manière significative (+ 5 % de crédits de paiement hors titre 2) pour atteindre près de 10 milliards d’euros, qui soutiendront son effort de régénération et de modernisation, dont les effets sont désormais bien perceptibles sur le terrain. Au 30 septembre 2020, 146 Griffon avaient été livrés permettant aux instructeurs, soldats et maintenanciers de commencer à s’approprier ces nouveaux matériels, dont le premier déploiement est toujours prévu pour 2021.

À cet égard, la rapporteure pour avis tient à rendre hommage aux maintenanciers de l’armée de Terre, civils comme militaires, ainsi qu’à toutes les autres professions qui contribuent au maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels terrestres et aux salariés des entreprises du secteur de la Défense, dont la mobilisation a permis de continuer d’opérer aussi bien sur le territoire national que sur les théâtres d’opérations extérieures pendant la crise sanitaire et de maintenir, jusqu’à maintenant le calendrier des livraisons.

La crise sanitaire a profondément modifié nos habitudes depuis plusieurs mois. Elle remet en cause nos façons de faire, parfois pour le mieux. Ayant repris du service à l’agence régionale de santé (ARS) en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la rapporteure pour avis a été impressionnée par les capacités d’innovation et la réactivité manifestées à l’occasion de l’évacuation de patients atteints de la Covid‑19 par des hélicoptères de l’armée de Terre. En quelques jours, une électrification de la soute a pu être réalisée pour brancher des respirateurs pendant la durée du vol. Mais dans le contexte actuel d’incertitude stratégique et d’extension des champs de la conflictualité, cette crise nous invite aussi à une réflexion sur nos capacités de résilience.

 

La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2020, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 23 réponses sur 26 lui étaient parvenues, soit un taux de 88,4 %.


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   Première partie : les crédits proposés pour 2021

Le montant des crédits proposés dans le projet de loi de finances pour 2021 est conforme à la programmation militaire (LPM) 2019-2025 ([1]), pour la troisième année consécutive. La trajectoire fixée est pleinement respectée et la hausse du budget de la Défense, inédite.

I.   Des ressources en progression

Évolution des ressources pour l’armÉe de terre prÉvues en loi de finances initiale et exÉCUTÉes par titre depuis 2019

Autorisations d’engagement (en millions d’euros)

Catégorie de dépense

2019

2020

2021

Évolution PLF 2021/LFI 2020

(en %)

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues par le PLF

titre 2*

7 151,7

7 005,7

6 996,8

nd

7 062,7

+ 0,9 %

titre 3

2 442,9

2 437,7

2 374,2

nd

1 816,9

-23,5 %

titre 5

130,0

179,2

210,1

nd

274,0

+ 30,5 %

titre 6

4,8

4,9

4,7

nd

4,7

-0,6 %

TOTAL HT2

2 577,7

2 621,8

2 589,0

nd

2 095,6

-19,1 %

TOTAL

9 729,5

9 627,6

9 585,8

nd

10 069,6

+ 5,0 %

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Catégorie de dépense

2019

2020

2021

Évolution PLF 2021/LFI 2020

(en %)

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues par le PLF

titre 2*

7 151,7

7 005,7

6 996,8

nd

7 062,7

+ 0,9 %

titre 3

1 310,4

1 487,8

1 257,3

nd

1 326,4

+ 5,5 %

titre 5

127,5

162,5

201,9

nd

206,8

+ 2,4 %

titre 6

4,8

5,9

4,7

nd

4,7

-0,6 %

TOTAL HT2

1 442,7

1 656,2

1 463,9

nd

1 537,9

+ 5,0 %

TOTAL

8 594,4

8 661,9

8 460,7

nd

9 511,8

+ 12,4 %

(*) Titre 2 : dépenses de personnel. Les sommes inscrites en loi de finances depuis 2015 correspondent à celles de l’action 55 « Préparation des forces terrestres – Personnels travaillant pour le programme “Préparation et emploi des forces” » du programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». Titre 3 : dépenses de fonctionnement. Titre 5 : dépenses d’investissement. Titre 6 : dépenses d’intervention. LFI : loi de finances initiale. PLF : projet de loi de finances.

Source : réponse du ministère des Armées au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

Les ressources pour l’armée de Terre poursuivent leur augmentation. Après une forte hausse en 2018 et 2019 du fait de la mise en place des nouveaux marchés pluriannuels de maintenance aéronautique, les autorisations d’engagement (AE) reviennent à un niveau normal, ce qui explique la baisse observée de ‑ 23,5 %. La tendance à la contractualisation pluriannuelle des marchés de soutien des matériels aéroterrestres se poursuivra en 2021, mais dans des volumes moins importants.

Les dépenses d’investissement (titre 5) augmentent fortement du fait du transfert de crédits d’infrastructure du programme 212 vers le programme 178 dans le cadre de la nouvelle architecture budgétaire décidée l’an dernier. En particulier, les montants dédiés à l’infrastructure augmentent de 97 % par rapport à 2020 du fait de l’affectation de 56 millions d’euros d’AE sur tranches fonctionnelles, pour rénover des infrastructures d’entraînement.

A.   La poursuite de l’effort de recrutement

Entre 2015 et 2017, l’armée de Terre a connu une période de recrutement importante, afin de reconstituer une force opérationnelle terrestre (FOT) de 77 000 soldats. En 2018 et 2019, les effectifs de l’armée de Terre se sont ensuite stabilisés. Le recrutement a pourtant dû être maintenu à un niveau élevé – 14 783 militaires, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2018 – pour compenser des départs qui sont, en 2019 encore, plus nombreux qu’escomptés.

1.   Une manœuvre de recrutement encore plus ambitieuse en 2021

Pour 2021, l’objectif est de recruter 16 000 recrues, soit plus de 1 000 recrues supplémentaires par rapport à 2019 (+ 7,5 %). Le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2021 (page 157) évoque même 16 600 recrues voire 17 000. Selon le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), la crise sanitaire du premier semestre 2020 a en effet entraîné un déficit de 2 000 recrutements chez les militaires du rang, qui sera difficile à rattraper d’ici la fin de l’année, compte tenu des capacités des dispositifs de formation. Le déficit devrait toutefois être limité à ‑ 400 militaires à la fin de l’année 2020, dette qui devrait pouvoir être compensée dans les premiers mois de 2021.

Les cibles de recrutement sont atteintes à 100 %, en acceptant de dégrader, de manière mesurée, le taux de sélection pour les officiers et sous-officiers (voir encadré infra).

La fidélisation et l’attrition, facteurs de forte incidence (voir infra, 2. sur la fidélisation), font l’objet d’un suivi tout particulier et d’une prise en compte constante afin de déterminer au mieux les cibles de recrutement. Dans ce contexte, le recrutement interne agit dans une certaine mesure en complément du recrutement externe.

 

Taux de sélection par profil de candidat (grade et spécialité)

Recrutés au grade de sous-lieutenant*, les élèves admis à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr connaissent un taux de sélection de 1 pour 11,9 candidats en 2020, tandis que celui des officiers sur titre est de 1 pour 7,5. Pour comparaison, le taux de sélection des élèves officiers en formation initiale en Allemagne (EOFIA) est de 1 pour 7,7. Concernant les officiers contractuels recrutés au grade de sous-lieutenant, le taux de sélection 2019 était de 1 pour 1,4 candidat pour les officiers sous contrat en filière encadrement et de 1 pour 3,6 pour les officiers sous contrat en filière « spécialiste » ;

Les sélections 2020 des sous-officiers sont en cours. Le taux de sélection des engagés volontaires sous-officiers est de 1 pour 1,3 candidat. Celui des sous-officiers de l’école militaire de haute montagne est de 1 pour 2,8.

Enfin le taux de sélection des militaires du rang était de 1 pour 1,1 candidat en 2019.

(*) Seul le taux de sélection 2020 des officiers de carrière est consolidé.

Source : réponse du ministère des Armées au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

Cibles de recrutements de l’armÉe de Terre entre 2019 et 2021

(individus)

Catégories

2019

(réalisé)

2020

(prévisions) (1)

2021

(prévisions) (2)

Officier (3)

446

459

467

Sous-officier

1 467

1 414

1 466

Militaire du rang (4)

11 783

11 524

12 284

Volontaire de l’armée de terre (5)

1 087

1 023

1 079

Total

14 783

14 420

15 296

(1) Entrées nouvelles externes (ENE) sur le plafond interministériel des emplois autorisés (PMEA) 2020 pour 2020 et 2021. Chiffres prenant en compte l’impact de la Covid-19 chiffres sujets à évolution. (2) Entrées nouvelles externes (ENE) sur le PMEA 2020 pour 2020 et 2021. (3) Recrutement officiers de gendarmerie inclus. (4) Recrutement engagé volontaire Légion étrangère (EVLE) inclus. (5) Hors volontaires aspirants de l’armée de Terre.

Source : réponse du ministère des Armées au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

La dynamique de recrutement a été perturbée au premier trimestre 2020 par les effets du contexte social de la fin d’année 2019 qui n’a pas facilité la mobilité des candidats lors de la réalisation de leurs dossiers de candidature. Par la suite, la crise sanitaire a eu trois conséquences majeures : la fermeture des centres d’évaluation, la fermeture au public des centres de formation et de recrutement pendant deux mois et le report des incorporations d’avril et de mai sur le mois de juin. Néanmoins, parallèlement, le travail de prospection s’est poursuivi avec des moyens de travail adaptés.

Depuis la fin du confinement, un nombre important de dossiers ont été ouverts. La mobilisation du service de santé des armées (SSA) pour l’évaluation de l’aptitude des recrues devait permettre d’absorber quelques 4 200 dossiers en attente d’évaluation au 12 mai 2020, les capacités du SSA demeurant un point d’attention. Ainsi, le mois de juin 2020 a enregistré un nombre record de signatures (1 710 militaires du rang). Une nouvelle campagne de recrutement diffusée à la rentrée 2020, doublée de mesures de fidélisation des militaires du rang en service, devrait permettre à l’armée de Terre d’atteindre quasiment ses effectifs en militaires du rang au 31 décembre 2020, démontrant ainsi sa capacité à résorber les retards pris lors du confinement.

Les recrutements des officiers étant plus tardifs et ceux des sous-officiers ayant été légèrement décalés, ils devraient être totalement réalisés en fin d’année.

2.   Des efforts renouvelés pour améliorer la fidélisation

Outre le recrutement, la fidélisation des militaires de l’armée de Terre reste un point d’attention et un axe d’effort majeur pour l’armée de Terre comme pour les autres armées, directions et services.

Pour les personnels militaires, le taux de dénonciation des contrats est l’indicateur le plus surveillé à cet égard. Pour les sous-officiers, il s’établit à 20 % au premier semestre 2020, en légère hausse par rapport à 2019. L’objectif reste inchangé et consiste à maintenir à 15 % la dénonciation des engagés volontaires sous-officiers à l’École nationale des sous-officiers d’active (ENSOA).

Pour les militaires du rang, le niveau de dénonciation reste stable mais supérieur à l’objectif fixé (25 %).

Que ce soit pour les militaires du rang ou les sous-officiers, l’effet de ces taux de dénonciation sur la réalisation des effectifs est maîtrisé car ils sont anticipés lors de la définition du plan de recrutement. Toutefois, ils représentent une charge pour les régiments et centres de formation, notamment au titre de l’effort de formation des militaires du rang.

Au bilan, seuls 45 % des militaires du rang recrutés en 2015 étaient encore employés par l’armée de Terre en 2020 (conformément à l’objectif fixé). Mais parmi ceux-ci, au 21 juillet 2020, 90,7 % ont renouvelé leur contrat pour servir au-delà de 2020 (bien au-delà de l’objectif de 75 %). La rapporteure pour avis a interrogé le chef d’état-major de l’armée de Terre sur l’effet potentiellement délétère de la mission Sentinelle sur le taux de dénonciation des contrats dans les premières années. Le CEMAT a reconnu qu’une génération de jeunes militaires, qui avait fondé son engagement sur une représentation sans doute quelque peu fantasmée des opérations en Afghanistan, avait pu être déçue par les débuts de la mission Sentinelle. Il a rappelé qu’après ces débuts, caractérisés par des gardes statiques, un manque d’autonomie certain et des conditions d’hébergement indignes, la mission avait profondément évolué. Il est néanmoins indispensable de sensibiliser les jeunes recrues à l’importance des missions sur le territoire national.

La mission Sentinelle pourrait continuer d’évoluer. Le CEMAT défend le projet de doter en matériel Sentinelle l’équivalent d’une section par régiment pour offrir aux autorités civiles une force de réaction rapide, localement. La rapporteure pour avis souscrit à ce projet, qui préserve voire augmente la capacité de réaction rapide sur le territoire national, tout en libérant du temps pour l’activité d’entraînement.

Concernant les officiers, l’objectif est également de lutter contre l’attrition initiale des officiers sous-contrat (OSC), notamment au travers de mesures visant à améliorer l’information et à renforcer l’identité propre des jeunes contractuels. Entendu par la rapporteure pour avis, le CEMAT a insisté sur le fait que les OSC seront dorénavant formés durant un an contre 4 à 6 mois auparavant.

Concernant le corps des sous-officiers, le taux de renouvellement des primo contrats est plutôt stable depuis 2015 avec une amélioration sensible en 2019 et des prévisions pour 2020 qui devraient confirmer cette tendance.

Pour les militaires de tous grades, la mobilité géographique et la disponibilité, inhérentes au statut militaire, suscitent des difficultés à concilier la vie professionnelle et la vie familiale ou limitent la capacité à acquérir sa résidence principale. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) ainsi que le plan « Famille », qui continue de s’enrichir de nouvelles propositions grâce à la concertation poursuivie par la ministre des Armées, ont vocation à mieux compenser ces sujétions et à alléger les contraintes qui en découlent (déménagement, notamment).

Le CEMAT considère néanmoins qu’il doit être possible de mieux répondre aux attentes des militaires en termes de visibilité et de localisation. La direction des ressources humaines de l’armée de terre (DRHAT) expérimente désormais l’organisation des carrières dans de grandes aires géographiques avec une affectation de référence, ce qui peut favoriser la sédentarisation des familles et l’acquisition de résidences principales stables. Pour certaines affectations isolées, les militaires qui y seront affectés « cotiseront », a admis le CEMAT, autrement dit, ces sujétions devront être équitablement réparties, et il faudra des infrastructures d’hébergement adéquates.

À cet égard, la rapporteure pour avis ne saurait trop insister sur l’urgence d’améliorer l’état de certains hébergements. À l’instar des rapporteurs de la mission d’information sur la politique immobilière du ministère des Armées, elle considère en effet que « le toit est la première brique de la fidélisation ».

La prime de lien au service (PLS) versée en échange d’une prolongation de contrat d’une durée de trois ans (voir annexe 2) donne aussi de bons résultats. Elle a favorisé une augmentation de 17 % de renouvellement des primo-contrats des militaires du rang, permettant ainsi d’améliorer la fidélisation des cohortes importantes de soldats recrutés en 2015. Pour les officiers, la PLS est le tout premier outil à la main des gestionnaires RH pour fidéliser dans cette catégorie d’emploi. Cette prime a par exemple contribué directement à la fidélisation de 22 médecins spécialistes (chirurgiens, urgentistes) du SSA et de 17 officiers sous contrats (OSC) pilotes en 2019. Pour les sous-officiers, l’efficacité du dispositif reste inégale selon les métiers et les profils des candidats. Si le dispositif s’est montré attractif pour le renouvellement de primo-contrats, son efficacité pour la fidélisation des sous-officiers au-delà de 17 ans de service dépend directement de la filière professionnelle.

L’armée de Terre doit donc poursuivre ses efforts pour garder ses sous-officiers expérimentés ou détenteurs de compétences rares, grâce à une gestion de plus en plus individualisée des carrières et des mesures ciblées.

B.   La poursuite de l’effort de régénération

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une hausse des ressources directement pilotées par l’état-major de l’armée de Terre par rapport à la loi de finances 2020.

Évolution des ressources pilotÉes par l’État-major de l’armÉe de terre,
ventilÉes par opÉration stratÉgique*

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Opération stratégique

LFI 2019

Exécution 2019

LFI 2020

PLF 2021

AOP

160

188

187

188

FAS

70

105

98

123

EAC

195

255

209

217

EPM

1 017

1 109

909

942

dont EPM-Terre

613

633

513

524

dont EPM-Aéro

400

472

391

411

dont EPM-Naval

4

4

5

7

Infrastructures

0

0

62

68

TOTAL

1 443

1 656

1 464

1 538

(*) AOP : activités opérationnelles et préparation. FAS : fonctionnement et activités spécifiques. EAC : équipements d’accompagnement et de cohérence. EPM : entretien programmé des matériels.

Source : réponse du ministère des Armée au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

Cette hausse des crédits concerne bien évidemment l’entretien programmé des matériels (EPM) qui représente plus de 60 % des moyens à la disposition du CEMAT et poursuit une croissance dynamique, conformément aux priorités de la LPM.

Sur 942 millions de crédits de paiement consacrés à l’EPM, 43 % sont dédiés au maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre, un poste budgétaire en forte croissance, à la suite de la conclusion des nouveaux marchés de soutien externalisé en 2018.

1.   Des crédits en hausse pour l’entretien des matériels

Le graphique ci-dessous montre l’effort financier consenti dans le domaine de l’entretien programmé des matériels depuis 2010. Les montants de 2016 en AE traduisent l’effort de régénération des matériels décidé en 2015 dans un contexte d’engagement soutenu et d’alerte maximale sur le territoire national. Les crédits de paiement (CP) associés au titre de ce « paquet régénération » ont été mis à disposition en 2018 et 2019.

Évolution des crÉdits d’entretien programmé des matÉriels
de l’armÉe de terre

Source : données issues de la réponse du ministère des Armées au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

Les montants d’AE en forte augmentation en 2019 et 2020 correspondent à la mise en place des nouveaux marchés pluriannuels de maintenance aéronautique par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) pour améliorer le MCO des hélicoptères. Ces marchés sont d’une durée de 5 à 10 ans.

Comme le met en évidence le graphique, les crédits de paiement d’EPM sont systématiquement « sur-exécutés », c’est-à-dire que la consommation est supérieure aux dépenses prévues en loi de finances initiale. Cette sur-exécution est en grande partie imputable au mécanisme de couverture des besoins de financements additionnels pour les opérations extérieures et les missions intérieures (Opex-Missint), qui implique d’ouvrir des crédits supplémentaires au programme en cours de gestion. Néanmoins, à mesure que la « sincérisation » du budget Opex-Missint progresse, l’ampleur de cette sur-exécution devrait se réduire.


La réforme de la maintenance des hélicoptères de l’armée de Terre

Les principaux jalons de la transformation de l’organisation du soutien des flottes d’hélicoptères de l’armée de terre sont :

1. – La mise en œuvre du marché de soutien totalement externalisé des 18 Fennec de l’école de l’aviation légère de l’armée de Terre (EALAT, du Luc en Provence) notifié en janvier 2019. Alors qu’il reste deux aéronefs à transférer au titulaire du marché Hélidax, d’ici la fin de l’année 2020, ce dernier respecte ses engagements contractuels et permet la réalisation d’une activité conforme aux besoins. Ainsi, en 2019, 3 655 heures de vol ont été réalisées, contre un peu moins de 2 500 sur l’année 2018.

2. – Le contrat « Global Support » Tigre, signé en novembre 2019 via l’Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (Occar), a permis dès mars 2020 la mise en place de guichets logistiques auprès des utilisateurs. Une amélioration des délais de livraison des rechanges est déjà observée (délais inférieurs à 5 jours pour des besoins non programmés, délais inférieurs à 10 jours pour les besoins programmés).

3. – Le marché dit « de verticalisation » Cougar / Caracal / EC225 de l’armée de Terre et de l’armée de l’Air (marché Chelem), notifié en novembre 2019, est encore en phase de montée en puissance. Ce contrat comprend un volet logistique pour lequel une fiabilisation des délais de livraison de pièces est déjà constatée. Une diminution de l’attente logistique est attendue dès début 2021. L’engagement de mise à disposition d’heures de vol pour une partie du parc des Cougar de l’armée de Terre, dont le soutien est totalement externalisé, donne entièrement satisfaction aux utilisateurs (objectif de transfert de 5 Cougar d’ici 2021 avec 300 heures de vol annuelles par hélicoptère). En 5 mois, le rythme d’activité des 2 premiers Cougar transférés au titulaire a considérablement augmenté, confirmant cet objectif.

Le soutien des NH90/Caïman, déjà largement globalisé, porte ses fruits en matière de disponibilité bien que le parc en exploitation soit fortement pénalisé par une importante immobilisation structurelle liée aux entretiens préventifs prévus dans le plan d’entretien. L’effort est à poursuivre pour la réduction du nombre d’aéronefs immobilisés au niveau du soutien industriel. Des actions concrètes sont déjà en cours à ce sujet, comme l’espacement des fréquences de visite de 600 à 900 heures, avec des premiers effets probables d’ici à fin 2020.

Source : réponse du ministère des Armées au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

2.   La livraison des matériels de 4e génération

L’armée de Terre poursuit sa modernisation, qui requiert toutefois une attention soutenue.

Un trilogue renforcé entre l’armée de Terre, la DGA et les industriels a permis de respecter le calendrier de livraison des 92 premiers exemplaires du Griffon (le véhicule blindé multi-rôles lourd du programme Scorpion) en 2019, rattrapant ainsi le retard pris en 2018. Il a vocation à remplacer le véhicule de l’avant-blindé (VAB), La rapporteure pour avis s’en félicite et salue ces efforts collectifs.

En revanche, la crise sanitaire du premier semestre 2020 a fortement désorganisé les chaînes industrielles et pourrait entraîner des décalages de livraisons de 2020 en 2021, en dépit de la mobilisation de Nexter, Arquus et Thales.

Les 4 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar qui devaient être livrés en 2020 le seront en 2021, avec un rétablissement sur la cible LPM fin 2021 (20 engins livrés).

Calendrier des commandes et des livraisons du programme Scorpion

Opérations

Avant 2020

2020

2021

Post 2021

Cible

GRIFFON

Commandes

339

271

 

1 208

1 818 (1)

Livraisons

92

90

157

1 479

1 818 (1)

SERVAL

Commandes

 

364

 

614

978

Livraisons

 

 

 

978

978

JAGUAR

Commandes

20

42

 

238

300

Livraisons

 

 

20

280

300

Leclerc rénovés

Commandes

 

50

 

150

200

Livraisons

 

 

 

200

200

SICS (2)

Commandes

1

 

 

 

1

Livraisons

 

Développement incrémental

1

(1) Dans le projet annuel de performance du PLF 2020, la cible était de 1 872. En 2020, une 7e opération constituante a en effet été ajoutée au programme d’armement, prévoyant la réalisant d’un mortier de 120 mm embarqué pour l’appui au contact (MEPAC) ayant vocation à équiper l’artillerie. Ces 54 Griffon MEPAC ne figurent plus dans la cible actualisée des véhicules Griffon mais sont comptabilisés à part.

(2) Le logiciel SICS livré en 2019 comportera des évolutions par incrément.

Source : projet annuel de performance de la mission « Défense » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

Le blindé léger multirôle Serval est quant à lui toujours en cours de développement ainsi que les capacités de simulation Semba (simulation embarquée) et Serket, dont les premières livraisons sont attendues en 2022. Enfin, le calendrier de rénovation du Leclerc est « en cours de consolidation ».

La rapporteure pour avis insiste à nouveau sur l’importance du respect du calendrier de livraisons pour l’armée de Terre. Tout décalage perturbe considérablement le processus de prise en main de ces nouveaux matériels par les militaires qui vont les utiliser, les réparer ou organiser la formation de leurs camarades, dans un contexte où le rythme des opérations offre assez peu de marges de manœuvre.

Interrogé par la rapporteure pour avis sur les conséquences des derniers accidents d’aéronefs sur le parc de l’armée de Terre et son renouvellement, le commandant de l'aviation légère de l'armée de Terre (COM-ALAT) attend lui aussi le renouvellement de ses appareils d’ancienne génération. Les nouveaux appareils sont en effet plus résistants, plus sécurisants et plus performants.

Le 15 avril dernier, à Pau, un hélicoptère Cougar a fait une chute de cent mètres. Cinq des sept membres d’équipage sont saufs. Le Cougar rénové est en effet beaucoup plus sûr que la Gazelle ou le Puma (appareils d’ancienne génération). Les nouveaux appareils sont plus « durcis », offrent de meilleures résistances à la guerre. « On a intérêt à accélérer tout ce qu’on peut », estime donc le COM-ALAT. L’urgence est de remplacer les sept derniers Puma (SA330) vieux de plus de cinquante ans : « On ne fera bientôt plus voler ces appareils tellement le coût de la maintenance augmentera ! » En somme, le COM-ALAT espère le remplacement de ces sept appareils et des trois appareils détruits.

Après la livraison de 4 NH90-TTH (version terrestre de l’hélicoptère NH90) dits Caïman, en 2020, cinq nouveaux appareils devraient être livrés en 2021. Avec ces nouveaux appareils, plus sophistiqués, toutefois, il conviendra de ne pas sous-estimer le fait que le coût du maintien en condition opérationnelle augmentera. Le coût de l’heure de vol du NH90 / Caïman était en effet de 22 274 euros en 2019 contre 13 386 euros pour le Puma.

II.   Deux points de vigilance pour respecter la programmation

Héritage de l’exécution des précédentes LPM, certains déséquilibres persistent et mettent plus de temps que prévu à être corrigés.

A.   Une relance de la préparation opérationnelle à conforter

Depuis 2015 et l’engagement dans l’opération Sentinelle, l’armée de Terre cherche des marges de manœuvre pour la relance de sa préparation opérationnelle. La loi de programmation militaire 2019-2025 avait innové en incluant, dans son rapport annexé, des normes d’entraînement sur matériel qui reflétaient le souci d’un entraînement de qualité. ([2]) L’ambition d’une « armée de Terre durcie » présentée par le CEMAT dans sa « vision stratégique » présentée en juin 2020 n’a fait que renforcer ces impératifs mais s’inscrit pleinement dans la LPM.

1.   Des normes d’entraînement hors d’atteinte à ce jour

Or, l’armée de Terre s’entraîne encore trop peu. Au cours de son audition par la commission (voir compte-rendu annexé au présent rapport), le CEMAT a insisté sur l’enjeu que constituait le « drill » pour une armée plus technologique, face à un ennemi disposant lui aussi de capacités modernes.

Ainsi, bien que le nombre de jours de préparation opérationnelle (JPO) paraisse à peu près satisfaisant (81 jours contre 90 prévus par la LPM et 83 en cible pour 2023), la pertinence de cet indicateur, eu égard à son mode de calcul inadapté, n’est pas avérée, comme M. Olivier Gaillard l’avait mis en évidence dans son rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2020. ([3])

Le tableau ci-dessous montre des résultats beaucoup plus mitigés sur les principaux matériels de l’armée de Terre. Comme le confirme la documentation budgétaire, au global, l’armée de Terre ne réalise que 56 % de ses objectifs en termes d’entraînement sur matériels majeurs. ([4])

Réalisation des normes d’entraînement fixÉes
par la loi de programmation militaire

Entraînement

par équipage

Réalisation

2019

Prévision initiale 2020

Prévision actualisée 2020

Prévision 2021

Objectif

LPM 2025

Normes d’entraîne-ment

Char Leclerc

(en heures)

79

75

63

54

106

115

AMX 10 RCR/Jaguar

(en heures)

71

100

67

72

100

100

VAB/Griffon

(en kilomètres)

477

560

604

602

1023

1 100

VBCI

(en heures)

90

95

69

79

119

130

Caesar et pièces de 155 mm

(en coups tirés)

71

76

69

76

101

110

Hélicoptères Terre

(forces conventionnelles, en heures de vol)

173

171

171

142

200

200

Hélicoptères Terre

(forces spéciales, en heures de vol)

185

185

185

146

220

220

Source : réponse de l’état-major de l’armée de Terre aux questions complémentaires de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

En 2021, le temps d’entraînement d’un équipage de char Leclerc sera ainsi moitié moindre que ce qu’il devrait être. Le nombre d’heures d’activité sur ce matériel chutera de 20 000 heures en 2019 à 13 000 heures prévues en 2021.

2.   Une activité grevée par des surcoûts imprévus en LPM

Selon l’état-major de l’armée de Terre (EMAT), cette sous-performance s’explique par :

– l’intensité opérationnelle, qui réduit le temps disponible pour la préparation opérationnelle ;

– l’indisponibilité des matériels, elle-même en partie subie pour des raisons de coûts.

L’armée de Terre s’est attachée à résoudre ces difficultés en fixant un temps réservé à la préparation opérationnelle tout en maintenant le chiffre des jours hors domicile (JHD) sous la cible de 135 jours, afin de préserver la vie familiale des soldats. Mais le temps consacré à la préparation opérationnelle reste insuffisant, notamment en raison de rigidités liées au partage des matériels, que la rapporteure pour avis étudie dans le détail dans la seconde partie du présent rapport.

La mise en place des nouveaux contrats de soutien « verticalisés » (soutien unifié de tout un parc d’équipements par un titulaire engagé sur une performance globale donnée) en 2019 sous l’égide de la DMAé augmente le nombre d’hélicoptères disponibles au profit des forces. Mais les ressources dédiées à l’EPM, si elles ont augmenté concomitamment conformément à la LPM, n’ont pas augmenté de manière à couvrir tous les besoins financiers créés par ces nouveaux contrats sans préjudice pour l’activité. Ce hiatus oblige l’armée de Terre à réduire l’activité. Bien que performants, ces contrats forfaitaires « rigidifient » en effet la dépense. Les besoins financiers qu’ils suscitent viennent par ailleurs alourdir une « dette » constituée par l’accumulation de besoins non satisfaits pendant toute la décennie 2010, imparfaitement apurée par le « paquet régénération » de 2015-2016 et surtout considérablement alourdie par l’emploi intensif des matériels de deuxième et troisième génération en opérations extérieures. Comme l’avaient mis en évidence les députés Joaquim Pueyo et François André en 2018 dans leur rapport sur l’exécution de la programmation militaire 2014-2019 ([5]), le pari du vieillissement des matériels a montré ses limites et se révèle in fine ruineux.

Autre facteur : la contribution du programme 178 au financement des surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures. Depuis 2019, l’article 4 de la LPM n’est pas respecté. Les surcoûts liés aux opérations extérieures non prévus en loi de finances initiale sont intégralement supportés par le ministère des Armées. Bien que la provision pour ces surcoûts Opex/Missint ait été portée à 950 millions d’euros en 2019 et 1,2 milliard d’euros en 2020, conformément à la LPM, un reliquat reste tout de même à financer : 446 millions d’euros en 2019. D’après les investigations de la rapporteure pour avis, tous les programmes contribuent au financement de ces surcoûts en cours d’année, ce qui se révèle particulièrement pénalisant pour les forces qui ont peu de marges de manœuvre en gestion, si ce n’est l’entraînement. Au-delà de ce problème, qui devrait bientôt être résolu grâce à la hausse de la provision au niveau des surcoûts constatés, l’état-major de l’armée de Terre devra toujours constituer une réserve de précaution. En effet, les dépenses consenties au titre des Opex sont avancées par les états-majors et seulement une partie de celles qui sont éligibles au budget opérationnel de programme « Opex », au titre de la suractivité ou surintensité, leur sont ensuite remboursées. Cela oblige les états-majors à constituer des provisions, sans absolue certitude qu’elles ne feront pas l’objet de mesures de fin de gestion.

La conjonction des deux facteurs – rigidification de la dépense à la suite de la mise en place des contrats de maintenance aéronautique « verticalisés » plus onéreux que prévus et mode de financement des surcoûts Opex – oblige donc l’armée de Terre à renoncer à des activités d’entraînement, seule variable d’ajustement budgétaire restante, ou à des opérations de régénération de matériels, ce qui revient in fine au même.

Le constat est particulièrement amer : alors que les budgets n’ont jamais été aussi élevés depuis plus d’une décennie, que la LPM est respectée à la lettre et que les armées se sont dotées de contrats de maintenance performants, l’armée de Terre peine à intensifier sa préparation opérationnelle, conformément à la « vision stratégique » du CEMAT.

L’armée de Terre a donc un besoin urgent de voir son potentiel libéré, sans quoi les dépenses continueront de croître avec, à la clé, des résultats mitigés en termes d’entraînement, dans un contexte d’aggravation des menaces de conflits qui ne permet pas de surseoir plus longtemps à l’impératif de remontée en puissance de la préparation opérationnelle.


B.   Une priorité donnée au « petit équipement » qui peine à se concrétiser

Comme l’ont mis en évidence les députés André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon dans un rapport récent ([6]), les « petits équipements » sont le « ciment capacitaire » de l’armée de Terre et un élément essentiel de l’axe « à hauteur d’homme » de la LPM.

Les « petits équipements » dans la maquette budgétaire

Les « petits équipements » sont financés par plusieurs programmes budgétaires. Tous les équipements qui peuvent être achetés sur catalogue (munitions non complexes, cibles de tir, équipement d’entraînement, couteaux de campagne, articles de bagagerie, tenues de sport…) relèvent des « équipements d’accompagnement et de cohérence » du programme 178 tandis que tous ceux qui nécessitent un développement répondant à un cahier des charges précis (jumelles de vision nocturne, pistolet semi-automatique, équipements de guidage laser, mini, micro et nano drones…) sont prévus au titre des « autres opérations d’armement » (AOA) conduites par la DGA et retracées sur le programme 146.

Source : rapport précité de MM. Chassaigne et Cubertafon.

1.   Une hausse à poursuivre et à accélérer

Cité par nos deux collègues précités, le général Charles Beaudouin, sous-chef Plans - Programmes à l’époque de leurs travaux, a évalué à 500 millions d’euros par an les crédits d’AOA dont l’armée de Terre a besoin pour entretenir ses capacités. Ce seuil n’a malheureusement plus été atteint depuis 2013.

ExÉcution des crÉdits de petits Équipements au profit de l’armÉe de Terre

(en millions d’euros)

Crédits de paiement

2017

2018

2019

2020

2021

évolution 2021/2020

LFI

exécu-tion

LFI

exécu-tion

LFI

exécu-tion

LFI

exécu-tion

PLF

(en %)

Part de l’agrégat « autres opérations d’armement » au profit de l’armée de Terre (P146)

441

395

389

323

409

338

367

nd

394

+ 7,4 %

Part de l’agrégat « équipements d’accompagnement et de cohérence » au profit de l’armée de Terre (P178)

197

189

189

235

195

255

209

nd

217

+ 3,8 %

Source : état-major de l’armée de Terre.

La LPM 2019-2025 prévoit bel et bien une augmentation des crédits d’AOA au profit de l’armée de Terre pour retrouver un niveau identique à celui d’avant 2011, soit 500 millions d’euros. Ces ressources restent cependant contraintes jusqu’en 2023. La hausse prévue est, par conséquent, trop tardive et trop faible pour répondre à l’ensemble des besoins. Par exemple, dans le projet de loi de finances pour 2021, les crédits d’AOA sont en hausse de 7,4 % par rapport à 2020 mais ils sont inférieurs de 10 % aux crédits votés en 2017.

2.   Des crédits à préserver en gestion

De facto, les AOA demeurent une variable d’ajustement pour le programme budgétaire 146. Les crédits d’AOA sont en effet systématiquement sous-exécutés en CP d’environ 17 %, comme le montre le tableau ci-dessus.

Pour les crédits d’équipement d’accompagnement et de cohérence (EAC, « dans la main » du CEMAT), l’exécution est significativement plus élevée que la prévision depuis 2018. Mais elle s’explique par l’affectation de surcoûts liés à la consommation de munitions en Opex, en hausse significative sur 2017-2019, en raison du déploiement des canons d’artillerie Caesar dans le cadre de l’opération Chammal au Levant. La forte activité du détachement d’artillerie (Task force Wagram) s’est traduite par une consommation de munitions (notamment en obus de 155mm) particulièrement élevée, nécessitant de nouvelles commandes (dès 2017) pour reconstituer les stocks. Ces acquisitions par l’intermédiaire de marchés pluriannuels se sont traduites par une augmentation des paiements en EAC telle que constatée depuis 2018. Il convient de noter qu’en 2019, une part de l’augmentation (9,5 millions d’euros) est liée à un transfert d’AOP vers EAC au titre de dépenses diverses d’instruction, reconnues comme dépenses d’équipement.


—  1  —

   Seconde partie : le maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres

Compte tenu des défis mis en évidence par l’analyse des crédits exécutés depuis le début de la période de programmation militaire et prévus par le projet de loi de finances pour 2021, la rapporteure pour avis a choisi d’approfondir le thème du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO-T), étant entendu que la maintenance des aéronefs de l’armée de Terre a fait l’objet d’une réforme récente qui satisfait pleinement ses utilisateurs, nonobstant les surcoûts non compensés qu’elle induit.

I.   Le MCO-T : une organisation profondément réformée depuis dix ans

Le maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres a fait l’objet d’une profonde transformation en dix ans, sans avoir suscité le même intérêt, en tout cas dans les rapports parlementaires. La maintenance est pourtant un élément essentiel de l’activité des forces et les défis relevés par les services chargés du MCO terrestre forcent l’admiration et méritent qu’on s’intéresse aux problèmes qu’ils rencontrent.

A.   Les grands principes de l’organisation du MCO

La grande réforme du maintien en condition opérationnelle est advenue il y a dix ans, après la Révision générale des politiques publiques (RGPP). Rompant avec la tradition militaire (« Un chef, une mission, des moyens »), la nouvelle organisation avait pour objectif de faire des économies en mutualisant les parcs de matériels et en regroupant les personnels chargés de la maintenance industrielle. Rien que dans le MCO terrestre, plus de 6 000 postes de maintenanciers ont ainsi été supprimés.

1.   Une organisation par milieu

Organisé par armée jusqu’en 2010, le MCO est aujourd’hui organisé par milieu. Sous la responsabilité du chef d’état-major de l’armée de Terre, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) est responsable de « tout ce qui roule » et du multi technique (radios, jumelles…) au profit des trois armées, quand le service de soutien de la flotte (SSF) s’occupe de « tout ce qui flotte » et que la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), désormais placée sous l’égide du chef d’état-major des armées (CEMA), s’occupe de « tout ce qui vole ».

L’organisation par milieu
du maintien en condition opÉrationnelle

Source : schéma fourni par le DC-SIMMT lors de la visite de la rapporteure pour avis le 1er octobre 2020 à Satory.

2.   Deux grandes catégories de maintenance, trois types de maîtres d’œuvre

Ces entités, qui sont comptables de la performance globale, s’appuient sur trois types de maîtres d’œuvre :

les forces, pour la maintenance opérationnelle ;

un acteur étatique à caractère industriel pour la régénération profonde ;

des acteurs privés à caractère industriel qui participent à l’un ou l’autre type de maintenance (présentés infra).

Les deux maîtrises d’œuvre Étatiques

Source : schéma fourni par le DC-SIMMT lors de la visite de la rapporteure pour avis le 1er octobre 2020 à Satory.

3.   Des parcs partagés

Jusqu’en 2010, chaque formation de l’armée de Terre (de la Marine ou de l’armée de l’Air) était propriétaire de son matériel. La rationalisation opérée en 2010 a abouti à une mutualisation des parcs.

La politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP) est née à cette époque, remplacée depuis par la PAC (Parcs Au Contact). Cette politique de mutualisation concerne aussi d’autres équipements que les véhicules (plaques des systèmes modulaires balistiques, notamment).

Les visites de la rapporteure pour avis reprÉSENTÉe
sur l’organiramme de l’armÉe de Terre

B.   L’armée de terre, responsable de la maintenance de « tout ce qui roule »

La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), service de soutien de l’armée de Terre, assure donc la maintenance et la gestion logistique de tous les véhicules terrestres employés par les trois armées ainsi que par la quasi-totalité des directions et services du ministère. Le MCO des matériels terrestres dont elle a la charge n’est ainsi qu’en partie au bénéfice de l’armée de Terre. Cela explique plusieurs caractéristiques du MCO terrestre.

1.   Des parcs hétérogènes

Les matériels terrestres sont très partagés entre les forces. L’armée de Terre n’est propriétaire que de 84,5 % des matériels terrestres, contre 8,5 % pour l’armée de l’Air, 1,7 % pour la Marine nationale, auxquelles il faut ajouter les services interarmées sous le commandement de l’état-major des armées (EMA) : le service des essences (SEA), le service des munitions (SIMu), le service de santé (SSA), le commandement des forces spéciales (COS), etc., et même le service des infrastructures (SID), sous l’autorité du secrétaire général pour l’administration (SGA)

Quelques 300 parcs sont ainsi soutenus par les forces, le service de la maintenance industrielle des matériels terrestres (SMITer) et les industriels sous l’égide de la SIMMT, de quelques unités à plusieurs milliers, dont 21 000 équipements majeurs de combat dans les régiments.

Les équipements se caractérisent par leur dispersion géographique, une ancienneté très variable (quatre générations, jusqu’à près de cinquante ans pour certains) et des profils d’emploi également très variables. Compte tenu du nombre de matériels soutenus, les interlocuteurs industriels sont aussi nombreux, des grandes (Nexter, Arquus, Thales) aux plus petites entreprises.

2.   Un budget important, un patrimoine colossal, des volumes « astronomiques »

Le budget de la SIMMT est d’1,2 milliard d’euros de crédits en autorisations d’engagement (AE) en 2020 et d’1,076 milliard d’euros de crédits de paiement (CP). Sur un milliard d’euros de crédits de paiement en 2020, l’entretien programmé des matériels terrestres (EPM-T) représente 675 millions d’euros.

Le budget de la structure intÉGRÉe du maintien en condition opÉrationnelle des matÉriels terrestres (SIMMT) en 2020

Source : schéma fourni par le DC-SIMMT lors de la visite de la rapporteure pour avis le 1er octobre 2020 à Satory.

Avec ces crédits, la SIMMT soutient plus de 4 millions de matériels, représentant plus de 10 000 références et 300 parcs considérés comme majeurs suivis dans la politique de gestion des parcs Au Contact, au profit de 43 commanditaires différents, pour une valeur totale de plus de 23,4 milliards d’euros. Des chiffres qualifiés à juste titre d’« astronomiques » par le général de corps d’armée Christian Jouslin de Noray, directeur central de la SIMMT (DC-SIMMT).

Pour ce faire, elle dispose d’un stock vivant de près de 180 millions de pièces de rechange (valeur du stock : 4 milliards d’euros), dont l’inventaire n’est toujours pas automatisé, réparties en 466 000 références actives de pièces détachées.

3.   Des personnels sous trois types de statut

Depuis 2010, le MCO-T est en évolution permanente. En février 2019, la ministre des Armées a demandé que soit achevée en 2022 la séparation entre les activités de maintenance opérationnelle et industrielle, sauf en ce qui concerne des activités et compétences détenues par un seul site au sein du MCO-T : le paralargage à Montauban, la guerre électronique à Gresswiller, l’ouverture d’itinéraire piégé à Besançon.... Les bases de soutien du Matériel (BSMAT) ont alors récupéré des effectifs qui faisaient encore de la maintenance industrielle dans les régiments du Matériel (RMAT). 173 postes ont ainsi été transférés en organisation en trois tranches (31 en 2018, 32 en 2019, 110 en 2020).

Les postes ainsi transférés sont essentiellement des postes d’ouvriers de l’État, un statut d’agent public, ancien, créé au XVIIe siècle pour fidéliser les ouvriers des arsenaux de la Marine. Depuis le 1er janvier 2017 ([7]), le recrutement d’ouvriers de l’État ne se fait plus que dans 21 professions dont 15 sont exercées dans le MCO-T. A contrario, les autres professions du MCO-T doivent donc être recrutées dans les corps des agents techniques du ministère de la défense (ATMD), comme les ouvriers logisticiens pour le détachement de Moulins de la 13e base de soutien du Matériel (BSMAT).

Le MCO étatique repose donc sur des personnels de trois statuts différents : les militaires (69 %), les ouvriers de l’État et des fonctionnaires de catégorie A, B et C, dont les ATMD (31 %). Sur les 14 500 personnes impliquées dans le MCO‑T :

 42 % appartiennent au commandement de la maintenance des forces (COM-MF). Ce sont les maintenanciers des régiments du Matériel comme ceux que la rapporteure pour avis a rencontré au 8e régiment du Matériel (8e RMAT).

 37,5 % appartiennent aux sections de maintenance régimentaire (SMR), autrement dit les maintenanciers des régiments que la rapporteure pour avis a rencontrés, par exemple, au 1er régiment d’infanterie de Marine (1er RIMa). Les maintenanciers militaires des forces terrestres sont aussi des soldats, car ils sont susceptibles d’intervenir jusqu’à la ligne de contacts et ont besoin de maitriser les savoir-faire de dépannage et de réparation au contact. Ils partagent donc leur temps entre la maintenance proprement dite et leur entraînement (20 % de leur temps).

 12,5 % appartiennent au service de la maintenance industrielle des matériels terrestres (SMITer). Ce sont, par exemple, les personnels spécialisés du détachement de Gien (12e BSMAT) ou ceux du détachement de Moulins (13e BSMAT). Les personnels du SMITer sont à 80 % des civils : en majorité des ATMD ou ouvriers de l’État, dont l’attitude exemplaire pendant la crise sanitaire a été maintes fois soulignée au cours de la visite des deux BSMAT. Cependant, la disponibilité des civils a été limitée par des problèmes de transport public ou de garde d’enfant. Sont donc restés majoritairement les militaires, souvent logés sur place. La « militarité » de ces entités s’est donc avérée un gage de résilience.

 8 % enfin travaillent directement à la SIMMT.

Après la suppression de plus de 6 000 postes en dix ans, un effort de recrutement est prévu par la loi de programmation militaire à hauteur de 180 postes civils par an. Par ailleurs le flux régulier de recrutement de maintenanciers militaires exige une attention particulière.

Le maintien des compétences est un enjeu fort de ces recrutements. Un centre technique de l’armée de Terre (CETAT) a été créé pour la maintenance aéronautique en 2018. Suivra un centre d’enseignement technique pour la maintenance terrestre, en septembre 2021, installé à Bourges, au niveau baccalauréat professionnel, avec un lien au service, pour s’assurer un engagement dans la durée de maintenanciers expérimentés, Ce centre de formation répond aussi au besoin de créer des cursus plus adaptés aux besoins du MCO-T, alors que les filières de l’Éducation nationale demeurent très cloisonnées. L’objectif est de recruter, former et fidéliser.

C.   Une modernisation en cours, source d’économies

Après les profondes réformes des années 2010 et suivantes, le MCO terrestre poursuit sa modernisation, cette fois par des investissements et des innovations censées le rendre encore plus performant.

1.   L’entrepôt central de Moulins

La rapporteure pour avis s’est rendue au détachement de Moulins de la 13e BSMAT, le premier opérateur des flux logistiques en métropole, outre-mer et Opex, et le premier site de stockage de pièces de rechange.

Le site de Moulins constitué par 75 bâtiments caractérisés par une grande hétérogénéité et pour beaucoup par une grande vétusté, laquelle a été sanctionnée par plusieurs bilans de non-conformité. En 2014, le Contrôle général des armées a même prononcé un « rappel à la loi » concernant le centre d’expédition et de réception, ce rappel à la loi étant devenu depuis une « mise en demeure », dernier niveau de sanction administrative avant la cessation d’activité. Selon le DC-SIMMT, non seulement l’entrepôt ne répond pas aux normes environnementales et de lutte contre l’incendie mais la quantité et la dissémination des ressources stockées, associées à la vétusté d’une partie importante des bâtiments obligent à employer dix logisticiens à temps plein pour satisfaire aux demandes d’inventaires de la Cour des comptes. Pour satisfaire réellement aux normes comptables, il en faudrait quarante. Plus encore, la nature même du site ne permet pas de bénéficier de tous les leviers actuels de performance de ce type d’installation, en particulier la robotisation. Selon le DC-SIMMT, la politique de réduction des stocks, qui trouve son aboutissement dans la signature de contrats globaux basés uniquement sur des flux tendus externalisés, peut expliquer les réticences rencontrées pour financer un nouvel entrepôt, jugé caduc. La crise sanitaire a bien montré qu’il ne l’était pas.

Un besoin de financement estimé entre 60 et 80 millions d’euros, selon le projet retenu, a été exprimé. Une demande de financement dans le cadre du plan de relance a été formulée. Elle paraît d’autant plus légitime que les projets de rénovation du site ont tous l’objectif de préserver l’emploi local en garantissant que les nouveaux entrepôts resteront bien à Moulins. Le projet VIPEROPS (pour « valorisation de l’infrastructure et de la performance des entrepôts réglementés opérationnels du MCO-T ») pourrait prendre trois formes :

– une adaptation des infrastructures actuelles comprenant la construction d’une nouvelle unité de stockage, la transformation du bâtiment central et la déconstruction de nombreux bâtiments périphériques vétustes ;

– la déconstruction complète des infrastructures actuelles au profit d’un ou deux grands bâtiments de stockage et de logistique ;

– le recours à un prestataire privé pour construire une infrastructure moderne dans un rayon de 5 km autour du quartier Le Fournier, dont le ministère des Armées pourrait être locataire avec option d’achat.

Cette dernière option semble la plus intéressante en termes de délais et de facilités de financement.

2.   La fabrication additive ou « impression 3D »

À la SIMMT, la rapporteure pour avis a pu observer des pièces réalisées grâce à des expérimentations d’imprimantes 3D en opération, qui pourront être reproduites en métropole grâce aux imprimantes déployées dans les régiments. Souvent, il est nécessaire de reconcevoir la pièce pour l’adapter aux matériaux et à la technologie I3D choisis, ce qui nécessite, là encore, des compétences.

La rapporteure pour avis a été surprise que le SMITer ait l’obligation de s’en remettre à la DGA, au contraire, du service industriel de l’aéronautique (SIAé), pour la qualification de ces pièces. À cet égard, elle a rappelé l’exploit qu’a constitué l’électrification des carlingues d’hélicoptères de transport en quinze jours dans le cadre de l’opération Résilience pour transporter des patients sous respirateurs. L’installation a été certifiée directement par le SIAé. Les maintenanciers de l’armée de Terre ne peuvent fabriquer de pièces avec des imprimantes 3D si ces pièces ont un lien avec la sécurité des combattants, des personnes ou des biens. Toute dérogation doit avoir l’aval du chef d’état-major de l’armée de Terre, ce qui est une limite très importante à la fabrication additive. Selon la cheffe de corps de la 13e BSMAT, les effectifs du bureau d’études de Tulle seraient insuffisants en quantité et en qualité pour conférer à la 13e BSMAT et au SMITer une vraie autonomie dans ce domaine. L’enjeu est donc que la DGA accélère son processus de qualification en accordant des agréments de conception ou de production.

Le DC-SIMMT a par ailleurs indiqué que la SIMMT réfléchissait à promouvoir un nouveau modèle économique reposant sur le développement de l’impression 3D, associé à la technologie de blockchain. Il s’agirait d’acheter et de vendre des fichiers sécurisés et qualifiés par les maîtres d’œuvre industriels que l’on imprimerait plutôt que d’acheter et de vendre des pièces.

3.   Le recours à la robotique

Le recours à la robotique peut aussi faciliter et accélérer la régénération des matériels. Le projet Jarvis, développé en partenariat avec la société E‑Cobot, a été soutenu par l’agence d’innovation de la défense (AID). Il a permis le développement d’un « co-bot » pour la manipulation des gros sous-ensembles mécaniques, c’est-à-dire d’un bras articulé six axes permettant de réaliser des manipulations répétitives de matériels lourds. Reste que cette innovation n’est plus soutenue par l’AID au-delà de la phase de conception et qu’il n’y a pas, aujourd’hui, de financements pour sa mise en production.

4.   La maintenance connectée

Au cours de la visite de la SIMMT, la rapporteure pour avis s’est vue présenter le logiciel Optiprev, dont les algorithmes évaluent les besoins de pièces sur sept ans à partir de l’historique de consommation. Les résultats sont ensuite affinés avec les spécialistes de la SIMMT afin d’exprimer un besoin consolidé. S’en suit un travail de redéfinition du stock objectif et un plan d’approvisionnement (rachat de pièces, contractualisation, réparation, prélèvement, élimination…).

L’interface de connexion automatique pour le recueil de données technico-logistiques des matériels terrestres (ICAR) équipera prochainement toutes les formations de l’armée de Terre et une partie des autres armées. Après le déploiement d’environ 2 200 smartphones et tablettes un an auparavant, ce sont 6 000 autres terminaux qui équiperont prochainement les formations restantes. Grâce à l’implantation de capteurs et de puces à fréquence radio (RFID pour Radio Frequency Identification) sur les véhicules, les équipes de maintenance devraient gagner un temps considérable. Par exemple, le relevé des compteurs des véhicules représente en effet, à lui seul, 10 000 heures de saisie qui seront ainsi économisées chaque année, permettant aux cadres concernés de se recentrer sur leur cœur de métier.

Ces deux projets ne sont que deux exemples des dizaines de projets de modernisation du MCO-T conduits actuellement à la SIMMT. On peut aussi citer le projet RPA pour Robot process automation, qui optimise l’allocation des rechanges au profit de la disponibilité technique.

D.   Une activité de contractualisation soutenue depuis 2010

La modernisation du MCO-T s’accompagne de la recherche d’une complémentarité optimale avec le secteur privé.

Les industriels impliqués dans le MCO-T dans l’ordre de leur consommation du budget de la SIMMT (AE)

Source : schéma fourni par le DC-SIMMT lors de la visite de la rapporteure pour avis le 1er octobre 2020 à Satory.

Comme en témoigne le graphique précédent, la SIMMT s’appuie aujourd’hui sur un écosystème industriel privé extrêmement divers et fragmenté, bien que centré autour de trois acteurs majeurs qui représentent plus de 60 % des autorisations d’engagement. Ces trois acteurs s’appuient toutefois sur un réseau dense de sous-traitants.

1.   La recherche d’une complémentarité public / privé

Les stratégies de maintenance de tous les matériels terrestres reposent sur une collaboration entre les services étatiques et les acteurs industriels privés, afin de concilier plusieurs objectifs, tels que le respect du contrat opérationnel, la maîtrise de la dépense publique, le maintien de compétences industrielles, la performance, l’innovation et la résilience.

La responsabilité de la définition de la stratégie de soutien relève de la direction générale de l’armement (DGA). Responsable de sa performance à la mise en service du matériel, la SIMMT participe à l’élaboration de cette stratégie en veillant à sa finalité opérationnelle et au respect des objectifs fixés par le CEMAT.

Cette complémentarité entre l’État et l’industrie privée est d’autant plus nécessaire que 6 000 postes de maintenanciers ont été supprimés depuis 2010. Elle fait qu’une part importante de la performance du MCO-T est confiée aux opérateurs privés. « De fait, on ne peut pas être indifférent au sort de la BITD », a résumé le DC-SIMMT.

● 24 % des parcs sont ainsi entretenus par le SMITer et les maintenanciers du COM‑MF, à partir de matériels et de pièces commandées aux acteurs privés mais stockées par l’État. Ce modèle peut être qualifié de « traditionnel » et concerne principalement les matériels les plus anciens (FAMAS, famille AMX30). Il est également intéressant pour quelques équipements récents mais peu coûteux et ne nécessitant que peu de maintenance, comme le HK 416F, par exemple.

● 28 % des parcs sont maintenus à la fois par les services étatiques et par des industriels privés dans le cadre de marchés comportant des prestations de maintenance. Cette approche permet l’implication des industriels à des degrés variés allant de la réparation sur devis (exemple de la réparation de petit véhicule protégé chez Arquus) jusqu’à l’exigence de disponibilité sur une partie du parc (exemple : externalisation totale du soutien des parcs d’entraînement VBCI, XL, AMX10RCR et Caesar auprès de Nexter).

● 31 % des parcs sont maintenus par l’industriel mais la SIMMT garde le contrôle de tâches amont et aval (le contrôle après réparation, par exemple). Cette approche concerne essentiellement les matériels issus du marché civil (Ford Ranger par exemple) qui n’ont pas vocation à être employés en opération extérieure et pour lesquels les réseaux de réparation sont bien développés en métropole.

● 17 % des parcs font l’objet d’une maintenance totalement externalisée, c’est-à-dire que l’industriel s’engage à mettre à la disposition des forces armées des matériels et à en assurer la disponibilité dans le temps dans le cadre d’un contrat dit « global ». C’est le cas par exemple du soutien des simulateurs.

Le schéma suivant résume la complémentarité des maîtrises d’œuvres privée et étatique telle qu’elle est envisagée aujourd’hui sur le cycle de vie d’un matériel. L’action des acteurs privés est concentrée sur les segments rentables et prévisibles (ainsi que, par ailleurs, sur une partie de l’innovation et l’export). L’action publique se concentre sur la résilience, c’est-à-dire, en l’espèce, le maintien des compétences, la gestion des aléas et la maintenance des parcs vieillissants ou économiquement non rentables pour l’industriel.

 

RÉpartition des matÉriels rÉparÉs entre les maîtrises d’œuvre
privÉes et Étatiques selon le cycle de vie d’un matÉriel

Source : schéma fourni par le DC-SIMMT lors de la visite de la rapporteure pour avis le 1er octobre 2020 à Satory.

2.   De nouveaux besoins de recrutements

Dans le cadre de cette recherche de complémentarité public / privé, l’activité contractuelle de la SIMMT a considérablement augmenté. Elle s’est surtout diversifiée, ce qui impose le recrutement de « bataillons de juristes et d’économistes pour que les contrats soient justes et efficaces », a expliqué le DC‑SIMMT, d’autant que les contrats dits « verticalisés » (soutien unifié de tout un parc de véhicules par un titulaire engagé sur une performance globale donnée) se doublent de contrats « horizontaux » (soutien unifié de composants communs à de nombreux matériels, par exemple les pneus, les piles et les batteries).

La SIMMT a par exemple conclu un marché avec Nexter pour le MCO du véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) qui impose à l’industriel de poser des pneus achetés par la SIMMT à un prix négocié dans le cadre d’un de ces contrats dits « horizontaux », qui ont permis, selon le DC-SIMMT, de diviser par deux le coût de cette fourniture de base. Un autre marché horizontal, dédié aux systèmes d’information opérationnels bas, a permis de diviser les coûts par 2,5 et d’améliorer considérablement la logistique.

Chaque année, la SIMMT remet donc des prestataires en concurrence mais cette modernisation des contrats crée des besoins de compétences croissants. Concrètement, cela se traduit par des renforts en cadres expérimentés dans le domaine de l’ingénierie contractuelle et de la gestion de programme issus de la DGA (de dix en 2018, leur nombre atteindra 40 en 2022) et par des actions fortes de recrutement pour combler les 120 postes déficitaires à la SIMMT, principalement pour des acheteurs, des juristes et des ingénieurs.

La crise sanitaire du premier semestre 2020 a malheureusement décalé des recrutements notamment pour le concours d’ATMD. Le DC-SIMMT constate que les deux mois nécessaires pour habiliter les candidats au recrutement refroidissent aussi parfois les ardeurs. L’armée de Terre a constitué en son sein une mission de simplification pour réduire ces irritants et supprimer d’autres rigidités, mais le recrutement du personnel civil est régi par une réglementation interministérielle qu’elle ne peut modifier.

 


II.   Des orientations qui pourraient avoir atteint leurs limites

Un certain nombre de réformes, adoptées pour améliorer l’efficience des armées, ont aussi eu pour effet de créer des rigidités qui pénalisent la préparation opérationnelle et pourraient se révéler problématiques en cas de crise majeure.

La rapporteure pour avis lance quatre alertes pour attirer l’attention sur ces risques, qui méritent d'être réévalués à la lumière de l’évolution du contexte géostratégique, géoéconomique et des nouvelles orientations prises par le ministère des Armées.

A.   Alerte n° 1 : une gestion des équipements qui pénalise l’activité

La politique de mutualisation a créé l’obligation, pour les régiments des forces, de demander à percevoir des « packs » d’équipements pour certaines activités.

1.   Les limites de la mutualisation de certains équipements

Pour projeter des unités Sentinelle, les matériels correspondants doivent être demandés au service du commissariat des armées (SCA) au niveau régional (véhicules, plaques pour les gilets pare-balle, notamment). Concrètement, a souligné le colonel Thibaud Thomas, chef de corps du 1er régiment d’infanterie de Marine (1er RIMa), visité par la rapporteure pour avis, même si la crise sanitaire n’a pas affecté la Charente avec autant d’intensité que l’Île-de-France ou le Grand-Est, le 1er RIMA n’a pas de capacité de réaction rapide à mettre à la disposition de la préfète, que ce soit pour assurer des missions logistiques ou pour projeter une unité Sentinelle. Le régiment ressent donc fortement le besoin, identifié dans la vision stratégique du CEMAT, de redonner aux unités une autonomie matérielle accrue. C’est pourquoi le CEMAT souhaite positionner des « packs » d’équipements Sentinelle dans chaque régiment. Il s’agit in fine d’augmenter la résilience et la liberté d’action.

À partir de programmes d’activités, le chef du bureau des opérations et de l’instruction (BOI) a par ailleurs montré la difficulté d’articuler les trois ressources que sont la ressource humaine, le temps et les matériels. Prenant l’exemple d’une unité déployée dans la bande sahélo-saharienne de mars à juillet avec des véhicules blindés légers (VBL), il a montré combien il était difficile de fournir à chaque escadron la dotation matérielle nécessaire à un entraînement de qualité ainsi que le temps de préparer puis de remettre en condition les engins. Le système actuel de gestion des parcs impose le recours à des parcs d’entraînement, eux-mêmes parfois taillés au plus juste. Ceci impose, très en amont d’une séquence d’entraînement, une coordination fine et peu compatible avec les imprévus. Une gageure pour une armée ! C’est à nouveau ce qui explique la volonté du CEMAT de reconstituer des parcs régimentaires.

Le chef du bureau de la maintenance et de la logistique (BML) a souligné que l’expérimentation « PSP + » (« parc en service permanent plus ») menée par le régiment à partir de 2017 avait été particulièrement concluante : disposant lors de cette phase d’un parc allant jusqu’à 24 engins AMX10RCR, le 1er RIMa a pu redistribuer des matériels au sein de chaque escadron et mettre fin au « pooling » régimentaire qui imposait des procédures de perception et de réintégration peu compatibles avec l’impératif de réactivité et de subsidiarité. Si le parc régimentaire a été ramené à 18 AMX10RCR depuis 2019, le principe de la redistribution des matériels a été maintenu et permet à chaque commandant d’escadron de disposer d’un parc « en propre ». La connaissance du matériel par les équipages, la qualité de la maintenance élémentaire et la liberté d’action des capitaines en termes de préparation opérationnelle en sont nettement améliorées.

La rapporteure pour avis se demande en effet si la gestion quotidienne des équipements mutualisés et l’ensemble des contraintes induites pour l’armée de Terre ne fait finalement pas peser un coût supérieur à celui d’un équipement individuel ou de parcs régimentaires. Prenant l’exemple des systèmes modulaires balistiques (SMB), elle a demandé si les équivalents temps plein employés pour répartir les plaques protectrices au commissariat des armées ne coûtaient finalement pas plus cher que l’équipement individuel. Cette question n’a pas trouvé de réponse dans le cadre du présent rapport mais mérite d’être posée.

2.   Les limites de l’externalisation du soutien de certains matériels

Au 1er RIMa, l’externalisation du soutien de certains matériels semble aussi avoir montré des limites.

Certains actes de maintenance (en particulier sur les camions Scania) ont longtemps été interdits aux maintenanciers militaires en France, alors que ces mêmes maintenanciers devaient conduire ces opérations en opérations extérieures. Au-delà de l’absurdité qui consiste à attendre une journée un acte technique qu’on peut réaliser soi-même, il en va du maintien des savoir-faire des maintenanciers. Ce retour d’expérience a conduit l’EMAT à progressivement réinternaliser ces opérations. Le souvenir de cet épisode reste pourtant vivace parmi les maintenanciers.

En outre, pendant la crise sanitaire, certains concessionnaires civils ont tout simplement fermé. Le concessionnaire Renault d’Angoulême a d’ailleurs avoué aux officiers que le parc du 1er RIMa n’était pas une priorité pour lui, compte tenu de la part qu’il représente dans son chiffre d’affaires. Il s’agit en effet d’un micro-parc externalisé dans le cadre d’un contrat global. « La PME locale n’a pas les reins assez solides pour attendre des paiements parfois aléatoires via Chorus dans le cadre d’un marché aussi centralisé », ont-ils estimé.

 

B.   Alerte n° 2 : à deux ans d’un pic du coût du MCO-Terrestre

Comme l’indiquait la rapporteure pour avis dans la première partie du présent rapport, la préparation opérationnelle de l’armée de Terre est grevée par des surcoûts non prévus en LPM. Ont été cités les contrats globaux de soutien des hélicoptères – efficaces mais plus coûteux. Il faut aussi rappeler que l’armée de Terre fait face à une augmentation inévitable du coût du MCO, qui a été en partie prévue, mais en partie seulement.

1.   Des matériels très sollicités et encore prolongés

Le pari du vieillissement des matériels fait en 2013, lors de l’adoption de la LPM 2014-2019, s’est avéré ruineux. À des fins d’économies de court terme, le programme Scorpion avait fait l’objet de sévères réductions de cibles et de longs décalages calendaires. En conséquence, les matériels de deuxième et troisième génération ont été maintenus en emploi. Quelques mois plus tard, l’armée de Terre était engagée en bande sahélo-saharienne, dans un environnement qualifié « d’abrasif ». Ses matériels y sont toujours très sollicités et leur vieillissement s’est encore accéléré dans ces conditions.

Aux alentours de 20 % des VBL – voire plus de 40 % pour certains parcs comme le porteur polyvalent lourd de dépannage et l’AMX10RCR SEPAR – sont ainsi en permanence en opérations dans des conditions extrêmes, et ils sont employés depuis quarante ans.

La dégradation du parc VBL est d’une telle ampleur que l’organisation du travail à poste est devenue inadaptée dans les ateliers du SMITer. Plus de 80 % du parc est en effet très dégradé et les temps de réparation ont plus que doublé depuis 2015. Dorénavant, les VBL de retour d’opérations sont intégralement démontés et traités en ligne pour vérifier chaque composante.

L’emploi intensif du Caesar dans l’opération Chammal entre septembre 2016 et mars 2019 ont nécessité 27 régénérations, 10 réalisées par la maintenance opérationnelle étatique, 16 par le SMITer et 1 par la maintenance industrielle privée, un avenant au contrat de soutien en service ayant été conclu avec Nexter pour cette régénération non prévue au titre du soutien en service. Au total, 18 tubes ont été rebutés pour usure totale. ([8])  

Le temps requis pour les opérations de régénération profonde s’est considérablement accru. À titre d’exemple, la régénération d’un véhicule de l’avant blindé porteur de système d’armes peut représenter jusqu’à 1 000 heures de travail, soit cinq mois de travail pour deux mécaniciens, au regard de la régénération d’un VAB « classique » représentant en moyenne 600 heures de travail.

Dans cette situation, tout report de programme d’armement alourdit la charge qui pèse sur les chaînes de maintenance industrielle. Alors que le retrait du TRM 2000 était programmé pour la fin 2021, faute du lancement du programme du successeur poids lourd pour l’armée de Terre, il a été décidé de maintenir les TRM 2000 en outre-mer et à l’étranger jusqu’en 2028. Ce parc de 663 véhicules, de 32 ans en moyenne, avait une disponibilité technique de 60 % en 2019. ([9]) La régénération de 200 TRM 2000 a été confiée à Arquus, sur son site de Saint-Nazaire, où des ouvriers de l’État du SMITer sont allés transmettre leurs savoir-faire, confirmant ainsi leur rôle de « socle mécanique de la Nation ». Ce nouveau contrat a un coût de l’ordre de 11 millions d’euros.

Pour cette même raison, l’armée de Terre s’inquiète de la date de livraison du successeur du char Leclerc. Comme l’a résumé le CEMAT lors de la présentation des capacités de l’armée de Terre, le 8 octobre 2020, à Satory, « si l’armée de Terre fait encore la guerre avec le char Leclerc en 2040, c’est un peu comme si on avait fait la guerre du Golfe avec des M4 Sherman ». Le successeur du char Leclerc est l’objet du projet Main Ground Combat System (MGCS), partenariat franco-allemand qui ne devrait pas aboutir avant 2040, dans le meilleur des cas.

2.   Les « obsolescences » : une évolution préoccupante pour le MCO-T

Si une partie des surcoûts est directement liée au suremploi des matériels, une autre est directement liée à l’accélération du phénomène dit « des obsolescences ».

Le phénomène des « obsolescences »

L’arrêt de la fabrication ou de la commercialisation d’un article, d’un rechange ou même d’un simple composant génère ce qu’il est convenu d’appeler des « obsolescences ». Ce phénomène fait partie du modèle économique de l’industrie. Avec le raccourcissement des cycles technologiques, il prend actuellement de l’ampleur, en dépit des actions conjointes de la SIMMT, de la DGA et des industriels. Il touche non seulement les parcs anciens mais aussi les plus modernes, tels que le VBCI et le char Leclerc et peuvent avoir des impacts majeurs sur le MCO-T. […] Ainsi, à ce jour, ce phénomène est à l’origine de 20 % des difficultés de fourniture de rechanges, avec des durées de traitement se comptant facilement en mois voire en années.

Source : rapport d’activité 2019 du MCO terrestre, SIMMT, mars 2020, page 25.

Le maintien en emploi des matériels vieillissants se heurte à l’indisponibilité grandissante de pièces de rechange. Les pièces doivent souvent être réparées ou recyclées par le SMITer, faute de pouvoir relancer une production à un prix raisonnable dans le cadre d’un marché.

Encore une fois, les petites économies à court terme réalisées hier créent parfois des surcoûts colossaux à long terme. L’exemple des turbomachines du char Leclerc est éloquent. En 2014, Nexter a informé le ministère des Armées de la nécessité d’investir 4 millions d’euros pour le maintien de la chaîne industrielle produisant les turbomachines du Leclerc. L’investissement n’ayant pas été réalisé, les chaînes industrielles ont été réorientées au profit d’autres productions. La même logique a prévalu s’agissant du « viseur chef » du char. Aujourd’hui, la résolution de toutes ces « obsolescences » va coûter plusieurs centaines de millions d’euros, en plus des sommes déjà requises pour moderniser une partie du parc au standard XL, compatible avec le programme Scorpion, en attendant l’aboutissement du programme MGCS précité. Une étude serait actuellement en cours, pour un coût de 15 millions d’euros. Elle devrait aboutir fin 2021 à des recommandations et une évaluation précise des surcoûts induits par ces obsolescences.

Le cycle complet de résolution d’une « obsolescence » (recherche de solution, validation, acquisition…) est en moyenne de 36 mois. ([10]) Ces délais pénalisent évidemment fortement l’activité des forces terrestres.

En 2019, 4 900 matériels complets étaient affectés par une « obsolescence dure », c’est-à-dire qu’il n’était pas possible de relancer la production des pièces de rechange nécessaires dans le cadre d’un contrat avec un opérateur privé, qu’il n’était pas possible de réparer ou de recycler de vieilles pièces, et qu’il n’existait pas non plus de solution de remplacement ou de substitution. ([11]) 

Dans ce contexte, l’armée de Terre, et plus précisément la SIMMT, doit pouvoir intensifier ses échanges avec la DGA pour mieux anticiper les obsolescences, négocier des solutions contractuelles ou certifier les solutions internes, issues notamment de la fabrication additive.

3.   Une maintenance industrielle privée saturée à court terme

L’accélération de Scorpion, en 2017, après son report, semble avoir, par ailleurs, saturé les chaînes de Nexter.

Le plan de charge de l’industriel a en effet été alourdi en 2020 par une commande de prestations de régénération pour 22 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI), dont la dégradation est incommensurablement plus importante que prévue à cause de leur suremploi en opérations. En dépit de la visibilité conférée par cette une commande ferme pour trois années d’activité au titre du marché de soutien en service (MSS) du VBCI, les besoins complémentaires de régénération sur le VBCI exprimés par la SIMMT, non contractualisées actuellement, se heurtent au refus de Nexter d’accroître ses capacités industrielles pour ce type d’activité. Pour l’industriel, qui met environ cinq ans à monter en puissance, ces « à-coups » sont en effet insurmontables dans les délais. Nexter concentre actuellement toutes ses ressources sur la production des nouveaux matériels Scorpion au détriment de la maintenance des parcs.

Nexter a demandé à pouvoir bénéficier de la jouissance d’emprises étatiques pour satisfaire le besoin de régénération des VBCI. Pour la SIMMT, l’enjeu n’est pas d’ouvrir une chaîne Nexter sur un site étatique mais de garantir la pérennité de la chaîne de maintenance VBCI du site industriel de Nexter à Roanne, seule capable d’intervenir sur les structures de véhicules. Cela permettrait aussi de ne pas exclure une production pour l’export un jour ou pour les besoins des armées, le VBCI restant l’engin le plus lourd parmi les véhicules à roues de l’armée de Terre (32 tonnes).

Il y a fort à parier que l’entreprise continue de concentrer ses efforts sur la production des nouveaux matériels Scorpion et que ses chaînes restent saturées. La résolution de ces difficultés aura de toute façon un coût élevé pour l’État.

L’anecdote du vérin M3 est aussi révélatrice des tensions qui peuvent survenir entre l’industriel et les services de l’État du fait de dispositions contractuelles. La rapporteure pour avis a ainsi constaté que le SMITer était obligé de fournir Nexter en vérins M3 réparés, dans le cadre du marché de soutien en service des AMX10RCR, au détriment de sa propre activité de réparation, les besoins de cette pièce ayant été mal évalués au départ. La situation est d’autant plus délicate lorsque l’industriel ne sait plus fournir les collections de réparation. Elle est toutefois en passe de s’améliorer, mais au prix de commandes supplémentaires.

4.   Un MCO terrestre inévitablement plus coûteux dans les prochaines années

MM. François André et Joaquim Pueyo ont recouru dans leur rapport précité sur l’exécution de la LPM 2014-2019 à l’image parlante d’une « courbe en baignoire » pour décrire l’évolution dans le temps du coût du MCO d’une génération de matériel : ce coût est maximal au début et à la fin de vie du matériel.

Au début, les coûts de soutien initiaux sont élevés pendant la phase de « déverminage », en effet les premiers véhicules livrés souffrent de défauts de conception et de fiabilité imposant des retours fréquents à l’atelier pour changer les composants défectueux ou sous-dimensionnés. On appelle cela « les pannes de jeunesse ». Une fois cette période passée, les pannes sont moins fréquentes, ce qui réduit les passages en atelier et les coûts de soutien. En fin de vie apparaissent les pannes « d’usure exceptionnelle », « de fatigue » ou de « vieillesse », ce sont des sous-ensembles qu’il faut changer au bout d’un certain nombre d’années d’utilisation. Puis interviennent les opérations coûteuses de retrait de service (démantèlement, destruction, remise en état pour cession…). Ce cycle « en baignoire » est bien connu par tous les constructeurs automobiles mais son impact sur les coûts de soutien des matériels terrestres est exacerbé par le fait que les matériels produits pour les forces terrestres le sont en petites séries.

Comme le montre le schéma suivant, le MCO-T va prochainement voir se croiser deux courbes, l’une ascendante, celle du coût du MCO des matériels de deuxième génération, et l’autre descendante, celle du coût du MCO des matériels de quatrième génération, qui sont en train d’être livrés.

Représentation schématique de l’Évolution du coÛt du MCO

Effets cumulés de la « courbe en baignoire » pour chaque génération de matériel

L’effet cumulé de la fin de vie de matériels de deuxième génération déjà poussés aux extrêmes limites de leurs possibilités en opérations et de l’entrée en service des nouveaux matériels a potentiellement un effet explosif. En tout état de cause, même après ce pic, la tendance de long terme est à une augmentation du coût du MCO pour les matériels neufs, plus sophistiqués que les anciens.

Ce constat a déjà été largement documenté dans plusieurs rapports parlementaires, que ce soit le rapport précité de MM. François André et Joaquim Pueyo ou le rapport pour avis de M. Thomas Gassilloud consacré, en 2017, à l’accélération du programme Scorpion. ([12])  Il est à l’origine des crédits supplémentaires prévus par la LPM au profit de l’entretien programmé des matériels et de l’accélération de Scorpion.

Les travaux d’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) de 2019 et 2020 ont confirmé la trajectoire croissante des ressources dédiées à l’EPM terrestre jusqu’en 2025, conformément à la LPM. Toutefois, ces ressources, bien qu’importantes (voir tableau suivant), ne couvrent pas la totalité des besoins d’après les investigations de la rapporteure pour avis.

Évolution des crÉdits prÉvus au titre du MCO entre 2015 et 2026

Crédits votés en loi de finances jusqu’en 2020 et prévus par l’A2PM ensuite

(en millions d’euros)

Année

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Crédits budgétaires d’EPM-T

442

444

438

506

613

513

524

580

692

819

932

977

Source : réponses de l’état-major de l’armée de Terre aux questions complémentaires de la rapporteure pour avis, octobre 2020.

Une réévaluation à la hausse des crédits disponibles pour le MCO terrestre – très significativement à court terme et peut-être moins à moyen terme – est indispensable pour libérer le potentiel de l’armée de Terre et lui permettre d’atteindre ses cibles d’entraînement.

C.   Alerte n° 3 : des stocks ayant atteints un seuil critique

Depuis plus de quinze ans, les stratégies de soutien, portées par une vocation économique et une politique de maîtrise du patrimoine de l’État, se sont accompagnées d’une politique de réduction des stocks de pièces de rechange. Les matériels de deuxième génération sont par exemple réparés avec des stocks étatiques, constitués et gérés par la puissance publique. Les matériels de troisième génération sont majoritairement réparés à partir de stocks positionnés chez les industriels sur lesquels la SIMMT n’a pas de visibilité (logique d’obligation de résultat). Pour les nouveaux contrats, ceux concernant la 4e génération de matériel, les contrats Scorpion, l’État a pour l’instant choisi de ne pas constituer de stocks, hormis des lots dénommés « autonomies initiales de projections » (AIP) permettant l’engagement sans délais d’une force, comme dans l’opération Serval.

1.   Une complémentarité publique – privée perfectible

La crise sanitaire ainsi que les difficultés actuelles de l’armée de Terre à augmenter son activité d’entraînement semblent avoir montré les limites de l’approche privilégiée depuis dix ans de suppression des stocks au profit d’un modèle d’approvisionnement en pièces en flux tendus. « Il faut oser avoir des stocks », a plaidé le général Charles Palu, sous-chef Plans & programmes de l’état-major de l’armée de Terre.

Il a rappelé que le char Leclerc avait fait l’objet du premier marché de soutien en service en 2010. Et le bilan de ces dix ans invite à être plus exigeant et plus fin dans le suivi des stocks de pièces de rechange et le contrôle des actions industrielles. Au contrat Leclerc était en effet adossé un catalogue de pièces exigibles au titre du soutien du matériel, catalogue qui s’est rapidement révélé insuffisant. Une négociation est nécessaire dès qu’un besoin hors catalogue survient avec, à la clé, des délais et des surcoûts parfois importants, en particulier quand il fallut relancer la production de certaines pièces.

Après avoir été une variable d’ajustement depuis dix ans, les stocks de pièces de rechange et de munitions sont aujourd’hui à un niveau historiquement bas. Or, la relance d’une chaîne industrielle peut coûter plusieurs millions d’euros. C’est pour cela qu’il est impératif de donner de la visibilité aux industriels pour qu’ils ne ferment pas les chaînes avant l’heure et maintiennent les compétences indispensables à la production de pièces stratégiques.

Par ailleurs, aucun moyen contractuel ne permet de s’assurer des stocks des industriels et de l’utilisation qu’ils en font, sachant qu’eux-mêmes ont des véhicules militaires à régénérer ou à produire. Comme l’ont confirmé à demi-mot à la rapporteure pour avis plusieurs industriels, ces derniers n’ont pas vocation à faire des stocks, qui grèvent leurs performances économiques.

2.   Des faiblesses dans la sécurité des approvisionnements mises en lumière par la crise sanitaire

Outre ces rigidités et surcoûts créés par le passage à une organisation « zéro stocks » publique / privée parfois mal négociée, la crise sanitaire du premier semestre 2020 a mis en lumière des faiblesses dans la sécurité des approvisionnements. Elle a montré la dépendance des industriels à l’égard de leurs sous-traitants et, chez certains, un manque de transparence. La SIMMT a passé de nombreuses commandes pour tester la réactivité de ses fournisseurs et soutenir les PME du secteur. Cette expérience a mis en lumière le besoin d’augmenter la couverture logistique, notamment en disposant de solutions alternatives d’approvisionnement (nouveaux fournisseurs, impression 3D…), de relocaliser certaines productions sur le territoire national ou de réévaluer le niveau de certains stocks.

Ainsi, le dialogue a été coupé avec BAE Systems pendant tout le confinement et les pièces commandées depuis lors n’ont toujours pas été livrées. La communication avec Heckler & Koch est toujours très difficile. L’entreprise Iveco n’a toujours rien livré depuis mars 2020. Les livraisons de rotules de VBCI n’ont repris que très récemment de la part d’Arquus. Or, il faut près de deux ans pour fabriquer ces rotules au Royaume-Uni dans une entreprise pour qui les commandes de l’armée française sont marginales. Le DC-SIMMT estime qu’il faudrait recréer un opérateur français pour ces rotules mais c’est à l’industriel d’en décider désormais.

Le DC‑SIMMT a aussi reconnu que ses partenaires majeurs s’étaient très bien comportés pendant la crise en conservant à l’esprit l’impératif de servir le besoin des forces en opérations. C’est ce même esprit partenarial, à l’écoute du besoin militaire qui avait aussi été à l’œuvre, pour la régénération des canons Caesar très sollicités dans l’opération Chammal.

3.   Un besoin financier estimé à 75 millions d’euros

Plus généralement, la politique de réduction des stocks a atteint ses limites, en particulier compte tenu de l’évolution du contexte sécuritaire.

Selon la colonelle Élise Vahramian, cheffe de corps de la 13e BSMAT, les stocks du site de Moulins conféreraient entre un an et trois ans d’autonomie aux forces en fonction de la consommation moyenne constatée, une marge confortable, a priori, mais qui dépend évidemment de l’intensité des opérations, des parcs concernés et des références. En effet, pour certaines références parfois importantes, les niveaux de stocks peuvent s’avérer critiques, souvent pour des difficultés d’approvisionnement ou de contractualisation. Malgré les retards de livraisons constatés de la part des industriels (de l’ordre de 5 à 10 %), la crise sanitaire du printemps a finalement eu un impact limité sur la disponibilité des stocks du fait de l’adaptation de l’activité de préparation opérationnelle et de la capacité d’absorption de la chaîne logistique. « Dans d’autres circonstances et dans la durée, les conséquences auraient pu être graves », a alerté la colonelle.

Le DC‑SIMMT a ainsi averti que les stocks d’autonomie stratégique doivent encore augmenter pour disposer de tous les rechanges au profit de l’hypothèse d’engagement majeur (HEM) et atteindre les normes d’entraînement sur véhicules définies en LPM. D’après les investigations de la rapporteure pour avis, il manque l’équivalent de 75 millions d’euros par an en matière de pièces de rechange pour atteindre le niveau requis pour la HEM.

D.   Alerte n° 4 : la régénération des matériels Scorpion, pas prévue ni financée à ce stade

Au cours de ses travaux, la rapporteure pour avis a eu la surprise de découvrir que les contrats de maintien en service pour les matériels Scorpion n’étaient pas encore signés et que les coûts de la maintenance seraient vraisemblablement beaucoup plus élevés que ceux prévus en LPM.

1.   Le modèle « à flux » des matériels de 4e génération

Les matériels Scorpion appartiennent à la quatrième génération de matériels. Ils ont été acquis dans le cadre d’un contrat global incluant le maintien en service. Le contrat Scorpion conclu par la DGA ne concerne, pour l’instant, que le soutien initial. D’après plusieurs industriels rencontrés par la rapporteure pour avis, les discussions seraient sur le point de commencer pour « la suite », c’est-à-dire pour un marché de soutien en service.

En tout état de cause, le modèle retenu est celui d’une externalisation totale, l’industriel s’engageant à un niveau de disponibilité, sans stocks ni maintenance étatique. C’est aussi ce modèle qu’ont retenu nos alliés belges dans le cadre du partenariat stratégique franco-belge Camo.

La trajectoire de crédits d’entretien programmé du matériel prévue par la loi de programmation militaire tient compte du soutien initial des matériels Scorpion. Les besoins de financement liés à la régénération profonde de ces matériels sont prévus à ce jour en programmation, mais sont construits sur la base des taux théoriques de fiabilité annoncés par l’industriel. D’après les réponses du ministère des Armées, la prévision sera consolidée en fonction du retour d’expérience et des besoins (quantité de matériels à traiter au retour d’Opex, profondeur nécessaire de la régénération, évolution des coûts…).

2.   Des surcoûts probables

Invité par la rapporteure pour avis à évaluer les risques des contrats pour la génération Scorpion, le DC SIMMT a reconnu que le modèle à flux externalisés (i.e. sans stocks étatiques) pouvait comporter un risque si l’industriel n’arrivait pas à garantir la permanence des livraisons, notamment en cas de crise. « L’enjeu, c’est de s’assurer que l’industriel tienne ses engagements et, à défaut, atténuer ce risque sans surcoûts insupportables », a-t-il indiqué.

Interrogé par la rapporteure pour avis sur les moyens de compenser une éventuelle défaillance des industriels, le DC-SIMMT a convenu que « pour l’instant, ce qui a été prévu, y compris financièrement, c’est que l’industriel tiendra ses engagements ». En d’autres termes, la programmation militaire ne prévoit pas aujourd’hui le financement de la constitution de stocks de pièces de rechange des matériels Scorpion, pas plus qu’elle ne prévoit des crédits pour la montée en puissance de la maintenance étatique (formation des personnels sur les nouveaux matériels, acquisition d’équipements lourds, notamment de bancs d’essai, pour la maintenance industrielle).

La rapporteure pour avis estime que ce pari, qui pouvait passer pour raisonnable avant la concrétisation des menaces sur le territoire national est excessivement risqué.

3.   L’urgence d’organiser la montée en capacité du SMITer sur les matériels Scorpion

Le site de Douai serait responsable de la maintenance industrielle étatique des Griffon à partir de 2022, c’est-à-dire de retour d’opérations extérieures (Opex, notamment suite à la projection du groupement tactique interarmes en 2021 et de la brigade interarmes en 2023). La rapporteure pour avis a eu confirmation que la régénération du Griffon n’était pas incluse dans la partie forfaitaire du marché de soutien initial conclu avec l’industriel. Le SMITer sollicite de la direction générale de l’armement (DGA) des mesures urgentes pour que le personnel débute au plus vite sa formation technique sur la maintenance des matériels Scorpion.

 


   Conclusion

 

La progression de l’activité opérationnelle de l’armée de Terre est aujourd’hui ralentie par une montagne de besoins financiers à satisfaire, la montagne du MCO.

Après des années de reports de livraisons de nouveaux matériels, de sous-exécution des crédits de « petit équipement » et de coupes dans le budget de la préparation opérationnelle pour financer les surcoûts Opex, la loi de programmation militaire 2019-2025 a pris le problème à bras-le-corps : la régénération et la modernisation des équipements font l’objet d’un effort sans précédent et la provision au titre des surcoûts Opex est portée progressivement au niveau des coûts constatés. Cet effort est indéniable et produit des effets visibles chaque jour. Bien que très engagée sur le plan opérationnel, l’armée de Terre a repris le chemin des terrains d’entraînement.

Cet effort se révèle pourtant insuffisant pour satisfaire aux ambitions de la LPM et à celle, exprimée par le chef d’état-major de l’armée de Terre dans sa vision stratégique, d’une « armée de Terre durcie ».

D’abord, parce que le rythme des opérations reste soutenu, que ce soit à l’étranger ou sur le territoire national. Les Opex ont un coût élevé et imprévisible, trop déstabilisant pour être supporté par des états-majors d’armées.

Ensuite, parce que les renoncements d’hier produisent les dérapages de coûts d’aujourd’hui. La relance des chaînes de production des turbomachines du char Leclerc, fermées en 2014 pour économiser 4 millions d’euros, coûtera plusieurs centaines de millions d’euros. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Aussi, parce que le ministère des Armées poursuit sa modernisation, de manière ambitieuse : le maintien en condition opérationnelle des nouveaux équipements, plus sophistiqués, est plus coûteux ; les contrats « globaux » ou « verticalisés » de soutien des équipements sont plus performants mais aussi plus coûteux.

Enfin, parce que le contexte a changé. La pandémie de coronavirus de 2020 a suscité une prise de conscience sur le besoin de relocaliser certaines productions stratégiques, de maintenir des compétences, d’assumer des doublons et de reconstituer des stocks, aujourd’hui historiquement bas, au nom de la résilience de notre Nation.

Pour toutes ces raisons, une montagne de coûts se dresse devant l’armée de Terre et l’empêche de se préparer aux chocs de demain, que nul ne peut prédire, mais qui seront très vraisemblablement plus durs et d’ampleur plus grande que les opérations actuelles.

La rapporteure pour avis donne donc un avis favorable sur l’adoption des crédits relatifs à la préparation et à l’engagement des forces terrestres dans le projet de loi de finances pour 2021.

Elle recommande toutefois, dès cette année :

1. –  de poursuivre l’évolution engagée de l’opération Sentinelle ;

2. –  d’exonérer l’action 2 du programme 178 de sa contribution au financement des surcoûts Opex en fin de gestion.

À court terme, pour relancer la préparation opérationnelle de l’armée de Terre, une hausse d’au moins 300 millions d’euros des crédits paraît nécessaire :

3. –   pour reconstituer les stocks de pièces de rechange (75 millions d’euros) et de munitions (50 millions d’euros) ;

4. –   pour achever la rénovation d’infrastructures d’entraînement (50 millions d’euros) ;

5. –  pour compenser le surcoût lié aux nouveaux contrats de maintenance aéronautique ;

6. –  pour construire rapidement les infrastructures nécessaires à la régénération des matériels Scorpion par le SMITer (bancs d’essai, notamment) ;

7. –  pour rénover la chaîne logistique et l’entrepôt central (60-80 millions d’euros).

La rapporteure pour avis juge également qu’il est urgent :

8. –  d’engager une discussion avec les industriels sur les futurs contrats de maintenance des matériels Scorpion et la constitution de stocks de pièces étatiques ;

9. –  d’inciter la DGA à intensifier son dialogue avec la SIMMT pour la résolution des obsolescences ;

10. –  de donner un rôle plus important à la SIMMT dans la définition de la stratégie du MCO-T ;

11. –  de garantir à la SIMMT des recrutements rapides d’ingénieurs et de juristes pour faire face aux besoins croissants de suivi de contrats de maintenance de plus en plus sophistiqués ;

12. –  de réaliser des études de coût sur l’opportunité de la mutualisation de certains équipements.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de M. Thierry Burkhard,
chef d’état-major de l’armée de Terre

La Commission a entendu M. Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2021 (n° 3360), au cours de sa réunion du 15 octobre 2020.

Le compte rendu de cette audition est disponible sous le lien suivant :

 

www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cdef/20-21/c2021013.asp

 

 

 

 


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II.   Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Sereine Mauborgne, les crédits relatifs à « Préparation et emploi des forces : forces terrestres » de la mission « Défense », pour 2021, au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020.

Un débat suit l’exposé de la rapporteure pour avis.

M. Jean-Louis Thiériot. Je vous remercie d’avoir évoqué les problèmes liés à la mutualisation, problèmes que nous constatons sur le terrain. La mutualisation crée des difficultés pour le MCO, à strictement parler, mais elle est aussi problématique pour des raisons symboliques et opérationnelles. Ainsi, lorsque vous êtes membre d’une unité de l’armée de Terre, vous n’avez pas le même lien au matériel si les blindés ne sont pas ceux de votre régiment mais appartiennent à un pool.

Ma question a trait aux opérations intérieures (OPINT). Pouvez-vous nous indiquer quel est leur coût pour nos armées ? Sont-elles entièrement financées en loi de finances initiale ou un reliquat doit-il être réparti sur d’autres programmes ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Pourriez-vous faire le point sur la situation des véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), fortement sollicités en OPEX, leur disponibilité technique opérationnelle (DTO) se situant à environ 60 % de l’objectif ? Quant aux chars Leclerc, dont la DTO est en diminution en 2021, les retards constatés dans la livraison des chars rénovés a-t-elle un lien de causalité directe avec la crise sanitaire et les retards industriels qu’elle a provoqués ?

Mme Patricia Mirallès. Dans l’indicateur 1.2 relatif au taux de renouvellement des emplois primo-contractuels des armées, on ne relève que le taux de renouvellement des premiers contrats ayant donné satisfaction à l’armée – et ces chiffres sont en effet très élevés. Pourtant, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) relevait dans son rapport consacré à la fidélisation un taux global de renouvellement des primo-contrats bien inférieur. Cet écart laisse à penser qu’un nombre important de recrues ne donne pas satisfaction à l’institution. Comment peut-on l’expliquer ? N’est-ce pas de ce côté qu’il faut chercher la solution ?

Enfin, vous avez évoqué le montant des externalisations en OPEX – 110 millions d’euros –, contre 1,5 million pour l’action civilo-militaire. Est-il normal que l’externalisation représente une dépense cent fois plus élevée que celle consacrée aux actions menées au profit des populations locales ?

M. Charles de La Verpillière. Vous avez évoqué à juste titre, d’une part, les difficultés que l’armée de Terre a rencontrées cette année pour recruter, des sessions de recrutement étant retardées, voire annulées à cause de la crise sanitaire, et, d’autre part, les problèmes de fidélisation, qui se traduisent par un nombre de départs élevé. Savons-nous quel est le nombre de candidats pour un poste ouvert au recrutement ? C’est en effet un indicateur intéressant. Il me semble que, ces dernières années, ce ratio était un peu inquiétant.

M. Jean Lassalle. Tout d’abord, permettez-moi de féliciter notre collègue Sereine Mauborgne. Je viens de comprendre pourquoi elle est la première femme rapporteure pour avis du budget des forces terrestres : cela faisait bien longtemps que je n’avais pas eu le sentiment de tutoyer ainsi l’intelligence. (Sourires.) Et tant pis pour les autres… Votre rapport, chère collègue, est remarquable, par sa présentation comme par le nombre d’heures que vous avez dû y consacrer.

Les moyens financiers ne font pas tout, ici comme ailleurs, mais la mise en phase des esprits, en particulier dans les administrations, est aussi lente que la montée en charge des financements. Pensez-vous, compte tenu de la gravité de la situation, que nous allons pouvoir accélérer un processus qui s’était un peu égaré depuis une vingtaine d’années ? Enfin, pourrons-nous, selon vous, augmenter encore un peu plus les moyens mis à la disposition de nos services de renseignement ? Je crains, si tel n’est pas le cas, que les forces que nous mettons dans la bataille très difficile qui s’engage ne soient affaiblies dans quelques mois par d’autres événements.

M. Thomas Gassilloud. L’armée de Terre ne peut laisser indifférent. Outre qu’elle rassemble plus de la moitié des femmes et des hommes du ministère des Armées, elle doit combiner haute technologie et résilience, extrême jeunesse et compétences.

Madame Mauborgne, je ne suis pas étonné par la qualité de votre présentation, tant j’ai pu constater, pendant trois ans, la justesse de vos analyses et votre sens du détail. Je suis heureux du travail que nous avons accompli ensemble, d’autant plus que la désignation d’un nouveau CEMAT nous imposait d’allier rotation des responsabilités et continuité des compétences.

Puisqu’il est nécessaire de disposer d’une masse critique pour faire face aux nouveaux défis stratégiques, pouvez-vous nous dire un mot du budget de la réserve et la vision que vous en avez pour les prochaines années ?

Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis. Monsieur Thiériot, les OPINT relèvent des actions 6 et 7 du programme 178 ; c’est donc M. de Ganay qu’il eût fallu interroger sur ce point. En revanche, je peux vous répondre, en ce qui concerne la mutualisation, que votre remarque est bien prise en compte par le CEMAT. Je vais vous citer, à ce propos, un exemple qui m’a laissée perplexe. Vous savez que nous avons fourni à chacun de nos soldats un gilet pare-balles dans lequel on glisse des plaques en céramique, lourdes et très protectrices. Or, nous ne pouvons en équiper tous les gilets. Ainsi, lorsqu’un exercice opérationnel est programmé, le service du commissariat des armées livre les plaques nécessaires de manière à ce que les soldats engagés dans l’exercice puissent s’entraîner dans des conditions objectives et réalistes. Pourquoi choisir de mobiliser du temps, de la ressource humaine pour assurer des livraisons plutôt que de consacrer des moyens à l’augmentation du nombre des protections individuelles ? La mutualisation peut susciter ce type d’interrogations.

Monsieur Larsonneur, l’accélération du programme Scorpion, que M. Gassilloud et moi avions appelée de nos vœux dans notre premier rapport budgétaire, a eu pour conséquence de ralentir la régénération des VBCI. De fait, le recrutement et la formation demeurent problématiques dans le secteur de la défense, sans doute aussi, indirectement, en raison d’un manque d’intérêt pour la chose militaire et le monde combattant d’ailleurs. Les industriels, notamment Nexter, à Roanne, sont aussi confrontés à un problème d’infrastructures qui limite les capacités de production, tant de nouveaux matériels Scorpion que de VBCI régénérés. S’agissant du char Leclerc, par ailleurs, lorsqu’une nouvelle obsolescence est repérée, il faut environ trente-six mois pour y remédier. De ce fait, chaque nouvelle obsolescence provoque un retard et a pour conséquence une baisse de la disponibilité technique opérationnelle des matériels.

Madame Mirallès, vous m’interrogez sur l’attrition observée au moment du recrutement, autrement dit sur le nombre de personnes qui ne vont pas jusqu’au renouvellement du premier contrat. Le discours du CEMAT, qui insiste sur le nécessaire aguerrissement des personnels recrutés dans l’armée de Terre, s’il est parfois difficile à entendre, préparera mieux, me semble-t-il, les nouvelles recrues en leur permettant de comprendre quelle sera leur mission et ce que l’on attend d’eux. À aucun moment, il ne faut leur mentir – et les centres d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA) en ont bien conscience : la campagne de recrutement est très claire à ce sujet – sur la haute intensité et les exigences de l’institution. Moins il y aura d’incompréhension au départ, moins l’attrition sera importante.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger les conditions d’hébergement et ni celle des équipements individuels du soldat – vous savez combien cette question me préoccupe. Certes, le renouvellement des tenues de sport et les progrès réalisés dans le domaine de la bagagerie notamment contribuent à améliorer le confort dans l’entraînement. Néanmoins, un effort considérable doit être encore consenti en faveur des infrastructures ; c’est un sujet sur lequel nous sommes très investis, comme en témoignent les rapports produits par notre commission.

Monsieur de La Verpillière, les recrutements ont en effet connu une légère inflexion cette année en raison de la crise sanitaire, mais le déficit est limité à 400 personnels : au regard de l’objectif fixé, à savoir 15 000 recrutements, c’est l’épaisseur du trait. Quant au taux de sélection, il varie selon le grade et les objectifs de recrutement : il est de 1 recruté pour 1,1 candidat concernant les militaires du rang, de 1 candidat pour 1,3 candidat concernant les engagés volontaires sous-officiers, de 1 recruté pour 3,6 candidats concernant les officiers sous contrat en filière « spécialiste », mais de seulement 1 recruté pour 1,4 candidat pour les officiers sous contrat en filière encadrement. Plus l’institution est souple et réactive, plus elle est attractive pour les postulants.

Monsieur Lassalle, merci pour votre très beau compliment. Le binôme que j’ai effectivement formé avec Thomas Gassilloud pendant trois ans a facilité mon acculturation. J’ai suivi dans son ombre – il faut dire qu’il est très grand ! – tous ses travaux depuis trois ans. Ils m’ont permis de m’adapter à ce nouveau défi. S’agissant du rôle du renseignement, qui ne concerne pas directement mon avis budgétaire, le chef d’état-major de l’armée de Terre insiste, dans sa vision stratégique, sur notre besoin de résilience et donc sur la nécessaire amélioration de la capacité de nos soldats à traiter l’information. Dans les années qui viennent, la guerre de l’information et du renseignement sera un véritable enjeu pour nos armées.

Enfin, cher Thomas Gassilloud, le budget de la réserve demeure assez difficile à tracer dans la maquette budgétaire, comme l’an dernier, mais il mérite toute notre attention : la résilience de notre pays en dépend – je partage ce constat avec vous. Le CEMAT en a fait le deuxième projet urgent de sa vision stratégique. Mais, au-delà du budget, il faut savoir ce que nous voulons faire de la réserve. La trajectoire budgétaire est là, mais la réflexion est toujours ouverte. Pendant la crise, nous le savons, certains réservistes étaient prêts à être mobilisés et trépignaient d’impatience mais, au moment du déclenchement de l’opération Résilience, les forces d’active disposaient encore de capacités suffisantes, si bien que la réserve a été en définitive assez peu mobilisée. Au-delà des aspects budgétaires, il faut donc réfléchir à la doctrine d’emploi et à l’organisation de la mobilisation des forces de réserve.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, Madame la rapporteure pour avis, pour votre excellent travail.

*

*     *

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, après avoir examiné ce matin les huit avis budgétaires, nous en venons cet après-midi aux orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et aux votes sur les missions « Défense » et « Anciens combattants ».

M. Jean-Michel Jacques. Rien n’a fondamentalement changé depuis la revue stratégique faite en amont de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, mais la crise sanitaire a agi comme un accélérateur et un révélateur de tensions géopolitiques préexistantes.

Depuis plusieurs années, le contexte géostratégique s’est dégradé et il est hélas amené à se durcir encore.

Pour assurer sa mission essentielle, c’est-à-dire protéger les Français, notre pays doit être en capacité de projeter sous très faible préavis des forces dûment entraînées et équipées sur tous les champs de conflictualité, au plus loin comme au plus près.

Au plus près aussi car, depuis plusieurs années et pour des raisons différentes, nos forces armées ont été mobilisées sur le territoire national. À ce titre, notre armée a prouvé à différentes reprises qu’elle demeure un acteur essentiel de la résilience de notre pays.

Cependant, tous ces enjeux sécuritaires ne sont pas nouveaux, puisqu’en adoptant la LPM, nous nous sommes dotés des moyens nécessaires pour y faire face. Pour cela, nous avons collectivement reconnu qu’il était indispensable de remédier à un certain nombre de fragilités auxquelles était soumis notre modèle d’armée depuis des années et d’assurer sa remontée en puissance afin qu’il soit le plus complet et le plus équilibré possible.

Nous le savons tous, une LPM, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourrait remplir pleinement sa mission si elle ne se traduisait pas en bonne et due forme en loi de finances. Aussi pouvons-nous nous réjouir, pour la troisième année consécutive, que le projet de budget pour 2021 poursuive les objectifs ambitieux que nous avons adoptés dans le cadre de la LPM.

Conformément à nos engagements, le projet de budget dédié à nos armées pour 2021 est un budget ambitieux, puisqu’il consacre 39,2 milliards d’euros à la mission « Défense », soit une augmentation de 1,7 milliard.

En plus d’être d’un budget ambitieux, c’est un budget sincère puisque, contrairement à ce qui était devenu une coutume jusqu’en 2017, il prévoit de nouveau d’augmenter l’enveloppe de la provision servant à financer les missions intérieures et les opérations extérieures (OPEX), portées respectivement à 100 millions et 1,1 milliard.

Non content d’être ambitieux et sincère, ce budget demeure plus que jamais à hauteur d’homme, puisqu’il veille à améliorer le quotidien du soldat et de sa famille. En 2021, des efforts seront notamment consentis en matière non seulement d’habillement et d’équipement, d’hébergement en enceinte militaire, mais également de rémunération, puisque 2021 sera l’année du premier bloc de la nouvelle politique de rémunération des militaires centrée sur l’harmonisation de la mobilité géographique.

Enfin, pour réussir leurs missions, les forces armées doivent être équipées. À ce titre, la troisième année de l’exécution de la loi de programmation militaire sera une année de concrétisation, marquée par la fourniture de nombreux équipements : 157 Griffon, 1 000 véhicules tactiques polyvalents, six hélicoptères Caïman, une frégate multimissions et bien d’autres équipements.

L’ambition de doter nos armées des meilleurs équipements, couplée à la volonté du ministère de soutenir et de préserver les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense, se poursuivra en 2021 par différentes prises de commandes pour un montant total de près de 44,7 milliards d’euros d’engagements, auxquels il faut ajouter les commandes anticipées annoncées dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.

Ambitieux, sincère, à hauteur d’homme, assurant la souveraineté de notre pays et la pérennité de notre tissu économique, le projet de budget pour 2021 est également tourné vers les anciens combattants et à même de financer des politiques en faveur de la mémoire et du renforcement du lien armée-nation.

Comme l’an passé, il convient de rappeler, d’une part, que la légère baisse structurelle est essentiellement liée à la diminution du nombre de bénéficiaires ayants droit, d’autre part, que l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation sont maintenus, voire améliorés, comme en atteste la reconnaissance des conjoints survivants des grands invalides de guerre prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

En conclusion, avec grande satisfaction, nous pouvons dire que, pour la troisième année consécutive, le budget dédié à la défense est au rendez-vous des engagements de la loi de programmation militaire. Ensemble, mes chers collègues, nous continuerons à être exigeants dans son suivi et sa bonne exécution. C’est donc en confiance que le groupe La République en Marche émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de ces missions.

Mme Marianne Dubois. Plusieurs sujets préoccupent les députés du groupe Les Républicains, auxquelles ils ne trouvent pas de réponse claire dans la présentation budgétaire pour 2021.

L’hypothèse de la survenue à plus ou moins court terme d’un conflit de haute intensité est largement évoquée. Lors de sa prise de fonctions en juillet 2019, le général Thierry Burkhard indiquait : « Le rapport de force redevient le mode de règlement des différends entre nationaux. Nous devons résolument nous y préparer en gardant à l’esprit que le combat de haute intensité devient une option très probable. La situation en Méditerranée occidentale paraît, à ce stade, la plus préoccupante. La concentration dans une zone réduite de nombreuses nations ou intérêts divergents présente un risque majeur ».

Le respect de la trajectoire budgétaire dont nous prenons acte avec satisfaction n’est pas une fin en soi, d’autant que 2021 doit être l’année de la clause de revoyure de la LPM. « Les hausses de crédit prévues par la loi de programmation militaire 2019-2025 sont nécessaires mais encore insuffisantes, car elles n’autorisent pas la montée en puissance qui nous permettrait de faire face à un conflit classique de grande intensité ni même à certaines situations dégradées », a estimé le général Lecointre. Aussi l’effort devra être poursuivi après 2025, a-t-il prévenu. Même avec la LPM 2019-2025, l’armée française demeurera en volume une armée de gestion de crise, pas une armée de temps de guerre, non plus sans doute une armée capable de faire face aux crises complexes, simultanées, de types différents qui se multiplient.

La question du format opérationnel face aux nouvelles menaces et des moyens nécessaires pour y répondre se pose donc de manière prégnante et ne doit pas être mise sous le tapis.

Nous estimons que le rendez-vous avec le plan de relance est manqué. Le rapport Thiériot et Griveaux a fait plusieurs propositions afin de permettre au secteur de participer au plan : aucune n’a été retenue.

Les députés du groupe Les Républicains se félicitent de l’effort de sincérisation du financement des OPEX. Ils rappellent que le financement de leur surcoût a été un véritable serpent de mer pendant des années au sein du budget de la défense. Si la provision pour 2021 doit permettre de couvrir une grande partie du financement des OPEX à venir, la situation du budget 2020, toujours en cours, qui avait prévu un financement de 1,1 milliard d’euros, doit d’ores et déjà nous interroger. Au 15 octobre, le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, a indiqué que, pour la seule opération Barkhane, les surcoûts sont de 911 millions d’euros – en raison d’une augmentation de 600 hommes liée à la montée en puissance de la task force Takuba –, soit une hausse de 10 %, dont plus de 30 millions consacrés, entre autres, à l’entretien des matériels. Il ne reste donc que 289 millions pour financer les autres OPEX et opérations intérieures (OPINT) ainsi que les deux derniers mois de Barkhane. Étant donné le niveau d’engagement des forces françaises, on peut sérieusement douter que la provision pour 2020 suffise.

Le principe de solidarité interministérielle ayant été battu en brèche, fin 2018, une inquiétude forte demeure. Nous demandons le respect de ce principe et réitérons la demande que le ministère de la défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX : il ne doit pas payer deux fois.

Par ailleurs, lors de son audition, la ministre des armées a indiqué qu’1 milliard de crédits était encore gelé au titre de la réserve de précaution. En 2019, 3,9 milliards de report de charges ont été constatés. La ministre ne dispose pas encore de chiffres pour 2020, sachant que la direction générale de l’armement (DGA) a indiqué, lors de son audition le 15 octobre, que le report de charges pour le programme 146 s’élevait à 2,4 milliards.

Considérer que la LPM votée en 2018, soit deux ans avant la crise sanitaire majeure que nous connaissons, est la contribution déterminante du ministère des armées à la relance n’est pas à la hauteur des enjeux pour un secteur qui compte 4 000 entreprises et plus de 200 000 emplois non délocalisables et qui contribue chaque année de manière positive à notre balance commerciale.

Concernant le budget alloué aux anciens combattants, le groupe Les Républicains dénonce, une fois de plus, le discours de la ministre qui consiste, année après année, à se réjouir du maintien des droits existants. À la fin du quinquennat de 2022, le budget consacré aux anciens combattants passera sous la barre symbolique des 2 milliards.

Le groupe Les Républicains poursuivra dans sa logique et demandera la reprise de l’augmentation de la retraite du combattant. Un amendement tendant à une majoration de deux points d’indice au 1er juillet 2021 sera proposé.

L’annonce de la création d’une mission État-Parlement-associations sur l’évolution du point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI) suscite des interrogations. Une réflexion est en effet nécessaire et le groupe LR souhaite y être associé.

Les députés du groupe Les Républicains continueront à soutenir sans faille le monde combattant et ses justes revendications tout en regrettant la vision purement comptable de l’actuelle majorité. Nous rappelons que le budget est en constante baisse depuis 2017. Nous supposons que la retraite du combattant sera revalorisée de quatre points en 2021, comme cela avait été fait en 2017, année électorale.

Dans ce contexte, les trajectoires budgétaires, certes conformes à la LPM, nous paraissent insuffisantes. En attendant les réponses de Mme la ministre dans l’hémicycle, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Le groupe MODEM et démocrates apparentés soutient un budget cette année encore conforme à la programmation budgétaire. Le cap tracé par le Gouvernement, que nous avons collectivement amendé et validé à la majorité pendant l’examen de la LPM, est clair et survit à la conjoncture.

Le projet de budget pour 2021 conforte l’ambition de régénération de nos forces après des années de coupes. Cette stratégie budgétaire reste la même et nous pouvons nous féliciter que sa consécration ne varie pas en fonction de l’actualité, alors que nous savons toutes les pressions qui peuvent être exercées sur le budget des armées et des anciens combattants. Rappelons toutefois que chaque euro investi, des investissements à effet majeur aux petits équipements en passant par l’amélioration des conditions de vie et d’hébergement, a une incidence dans nos territoires.

Cela a déjà été rappelé, mais réjouissons-nous encore, mes chers collègues, d’une croissance supplémentaire du budget de la défense de 1,7 milliard d’euros. Nous pouvons évidemment nous attarder sur tel ou tel point des arbitrages entre programmes, mais restons conscients des équilibres négociés et des efforts consentis depuis le début du quinquennat, c’est-à-dire un renfort de 6,8 milliards.

Quant aux Anciens combattants, notre collègue Michel-Kleisbauer l’a rappelé, la réduction structurelle ne s’oppose pas à des réponses à des demandes récurrentes d’associations d’anciens combattants et à la transmission de la mémoire vivante aux jeunes générations.

Nous serons particulièrement attentifs à la seconde phase du projet budgétaire de la LPM qui devrait s’ouvrir sur la revoyure en 2021. Dans l’exécution du budget et la préparation de la revoyure, je rappellerai combien nous sommes attachés au respect du rôle du Parlement, en particulier pour la veille et la prospective. Il en est ainsi des sujets que nous défendons depuis la LPM et qui trouvent leur application croissante dans le budget à venir. Citons le budget de 624 millions pour l’espace, en cohérence avec nos amendements au rapport annexé sur l’arsenalisation et la densité spatiale ou, plus récemment, l’achat de nouveaux hélicoptères Caracal, en cohérence avec notre mission flash sur le parc d’hélicoptères, ou encore, les 237 millions investis dans le logement à l’issue du rapport d’évaluation de Fabien Lainé et Laurent Furst, qui ont tous deux quitté la commission et que je salue.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés sera particulièrement vigilant à l’articulation entre nos travaux passés et leur concrétisation budgétaire.

En évoquant la prospective, au-delà du budget qui lui est alloué cette année au sein de nos administrations, je sais que notre commission prendra toute sa place dans l’accompagnement et le contrôle de l’action du Gouvernement. Je souhaitais notamment mettre en valeur le travail de nos collègues sur la seconde partie du rapport. Comment ne pas penser que les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération ne participeront pas au débat public ? Comment ne pas penser que les travaux sur nos combattants issus des colonies ne pourront pas contribuer à des actions mémorielles à engager demain ?

De même, les travaux toujours plus conjoints entre notre commission et celle des affaires européennes sont des vecteurs forts de notre participation à la construction d’une Europe de la défense qui passe également par notre participation budgétaire.

Enfin, l’accroissement des budgets dans certains domaines comme le renseignement ne peut qu’inciter au renforcement de la fonction de contrôle du Parlement. Notre groupe prendra toute sa part dans la préparation de demain, en particulier dans le cadre croissant des énergies, des réserves et de la synergie interministérielle.

Pour toutes ces raisons, qui conduisent le Parlement à s’intéresser de près à la conduite de la politique de la défense nationale et à celle de la reconnaissance due aux anciens combattants, notre groupe donnera un avis favorable au projet de budget et s’associera à vous, mes chers collègues, pour le faire vivre dans le dialogue et le respect du débat parlementaire au service des armées de la France.

Mme Isabelle Santiago. La discussion budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans un contexte marqué par le covid-19 et par l’accroissement des menaces et des tensions au niveau international. Face à la montée de conflits au voisinage de l’Union européenne et à l’affirmation d’acteurs étatiques révisionnistes de plus en plus enclins à remettre en cause le statut hérité de l’ordre international libéral d’après 1945, les dépenses en matière de défense n’ont peut-être jamais autant trouvé leur importance pour assurer la sécurité des Français.

L’année 2021 est également importante et significative pour le budget de défense, car c’est celle de l’actualisation à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2019-2025. Comme le souligne à juste titre le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, jusqu’en 2021, la LPM permettait de réparer les armées après des années de sous-dotation. Après 2021, s’ouvrira le temps du renouvellement et de l’augmentation.

C’est donc une année charnière aux nombreux enjeux pour la conception et l’élaboration de nouveaux programmes d’armement, dont beaucoup sont conçus en coopération avec d’autres États européens. Il s’agit notamment du système de combat aérien du futur (SCAF), du système de patrouille maritime futur, du système de lutte antimines du futur. Cependant, hormis le programme SCAF, ces programmes sont financièrement sous-dotés.

On peut légitimement s’interroger sur la dynamique d’avancement différenciée de ces programmes d’armement et l’efficacité de l’actualisation de la loi de programmation militaire en vue des trois prochaines années. Certes, le rythme d’augmentation des crédits de la mission « Défense » par rapport aux objectifs de la loi est tenu ou presque. Au lieu du 1,7 milliard d’euros annoncé, le document budgétaire ne retrace que 1,61 milliard, soit une différence significative de 100 millions. Mais l’augmentation des crédits ne doit pas seulement être la seule boussole à laquelle évaluer la pertinence de ce projet de budget et ses conséquences pour les armées, elle doit également permettre de relever des défis plus structurels et récurrents auxquels font face les armées.

De ce point de vue, il convient de souligner que les armées restent soumises à de fortes tensions et fonctionnent parfois à la limite de leur capacité. Ainsi le renouvellement et l’amélioration de la préparation opérationnelle restent de forts enjeux.

Face aux engagements toujours plus intenses en opérations extérieures, au retard de certains programmes d’armement ou à la difficulté de fidéliser les personnels, les armées ne sont plus en mesure d’assurer l’entraînement et la préparation opérationnelle indispensables au maintien des compétences. La crise du covid n’a guère contribué au maintien d’un rythme de recrutement soutenu en 2020.

Je terminerai par le soin que l’on doit accorder aux personnels des armées, la fidélisation des personnels et l’amélioration de la condition des militaires, notamment par le plan « famille ». Il n’est pas encore pleinement satisfaisant. Le nombre des attributions et des dénonciations de contrats, tant par les officiers que par les sous-officiers, reste élevé.

En conclusion, même si, budgétairement, les engagements sont tenus, le budget « Défense » du PLF 2021 comporte encore un grand nombre d’hypothèques qui rendent l’actualisation de la loi de programmation militaire, le renouvellement et l’augmentation des armées encore incertains. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre quatrième budget de ce mandat et le troisième dans le cadre de la LPM 2019-2025. Après avoir entendu les exposés complets de nos collègues rapporteurs, que je félicite de nouveau pour leur travail, j’ai été chargé de vous faire part de l’avis du groupe Agir ensemble.

Ce projet de budget représente une performance, puisqu’il a résisté à l’habituelle remise en question, toujours à la baisse, des LPM en cours de mandat, performance d’autant plus notable au regard de la conjoncture : crises des gilets jaunes, des retraites puis sanitaire.

Ce projet de budget respecte les engagements fixés dans la LPM. Il augmente de 1,7 milliard d’euros, soit 4,5 %. Il évite le piège de la marche en termes de pourcentage du PIB pour rester dans la trajectoire financière prévue par l’Ambition 2030 et permettra à nos armées de disposer d’un budget annuel d’environ 50 milliards. Les domaines critiques de l’espace, de la cyberdéfense et de la dissuasion sont bien pris en compte pour garantie notre autonomie stratégique nationale. Les capacités conventionnelles verront les livraisons d’une frégate multi-missions (FREMM), de trois MRTT Phénix, de 157 blindés Griffon et de nombreux autres équipements. Le quotidien du soldat, trop longtemps sacrifié au profit des grands programmes d’armement, est amplement valorisé grâce à 237 millions d’investissement dans les programmes d’hébergement, la poursuite du plan « famille » ou la livraison de petits équipements. Ce budget soutient l’activité industrielle de nos PME, TPE et start-up sur le territoire national et contribue activement à la relance économique.

Au-delà du prisme budgétaire, ce projet de budget est l’occasion d’une réflexion sur notre vision stratégique pour les années qui viennent. Les évolutions prévues par la revue stratégique se sont accélérées : risque terroriste, affrontement sino-américain, revanche des empires russe et ottoman. Une rupture stratégique s’est même opérée avec la crise covid dont les répercussions sur le long terme sont encore inconnues.

De nombreuses questions se posent. Dans ce monde instable, j’évoquerai la conciliation du dilemme entre masse et haute technologie, en gardant le modèle d’armée complet pour éviter toute impasse et des capacités prépositionnées ou déployées en OPEX. Malgré une LPM très ambitieuse, le sujet de la masse reste malheureusement d’actualité puisque, depuis la fin de la guerre froide, les armées ont souvent été dimensionnées, voire organisées, pour faire face à une moyenne d’engagement et non à des pics. Compte tenu du risque d’engagement majeur, il nous faut désormais mieux travailler notre capacité à faire face à des pics d’engagement, en termes matériels ou humains, c’est-à-dire, maintenir une logique de flux tout en prévoyant une logique de stock.

Les travaux préparatoires de la revoyure de la revue stratégique sont en cours du côté du ministère. L’enjeu des prochains mois me semble être désormais, individuellement et collectivement, au Parlement, de préparer ces travaux de revoyure qui interviendront au printemps prochain et auxquels notre groupe souhaite être associé. Là encore, nous rappelons notre attachement à ce que le Parlement soit associé à ces travaux.

Dans cette attente, le groupe Agir ensemble approuve sans réserve et avec conviction les crédits des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

M. Grégory Labille. C’est pour moi un moment particulier et important puisque, député nouvellement arrivé sur les bancs de cette commission, c’est la première fois que je suis amené à émettre un avis et à voter les crédits des missions budgétaires. Enseignant de profession, avant d’intégrer la commission de la défense et de participer à la séance de ce matin, j’étais plutôt sensible aux sujets touchant l’éducation. Je remercie Mme la présidente pour la qualité de l’animation de la commission, les nombreux rapporteurs pour la qualité de leur travail et celles et ceux qui, ce matin, ont questionné les rapporteurs. Vous avez tous fait preuve de pédagogie et les sujets abordés ont aiguisé ma curiosité de jeune élu.

Avant de vous indiquer la position du groupe UDI et indépendants, je me dois de vous exposer nos remarques, nos constats, nos interrogations et nos points de vigilance.

Force est de constater que pour la mission « Défense », dotée d’un budget de 39,2 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2020, la tâche aurait pu être beaucoup plus difficile. Alors que notre pays connaît une violente crise sanitaire et économique, une réflexion court-termiste aurait pu conduire le Gouvernement, comme d’autres l’ont fait si souvent par le passé, à tailler dans le budget des armées. Cela n’a pas été le cas, et nous nous en réjouissons. À l’inverse, le choix a été fait de respecter la LPM votée en 2018 en augmentant le budget de la mission de 1,7 milliard.

Nous regrettons toutefois que la défense soit la grande oubliée du plan de relance, car l’industrie de défense constitue un des investissements les plus performants en matière d’emploi et de retour budgétaire pour l’État.

Face à un monde chaque jour plus instable et dangereux, où les conflits gagnent en complexité et où les crises se multiplient, face au retour du fait guerrier et à la politique du fait accompli, face à l’apparition de nouveaux champs de conflictualité, il est urgent de reconstruire une armée de guerre capable de répondre à l’ensemble des menaces.

S’il est indispensable d’intensifier les efforts, il faut néanmoins se rappeler l’état dans lequel se trouvaient nos armées il y a quelques années et le chemin parcouru.

Il s’agit d’un projet sérieux et satisfaisant dont notre groupe souhaite souligner quelques aspects.

Nous nous réjouissons que les armées deviennent le premier recruteur public de France par l’embauche de près de 27 000 personnes. Des domaines aussi essentiels que le renseignement, la cyberdéfense, la protection des emprises militaires et le soutien aux exportations doivent être renforcés. La création de 300 postes y contribuera.

De surcroît, ce budget concourra à l’amélioration des conditions de travail, de vie et d’équipement de nos soldats. Nous savons tous ici combien ces améliorations sont attendues.

Sur le plan capacitaire, la livraison de nombreux équipements, tels qu’une frégate multi-missions (FREMM) de défense aérienne, trois avions ravitailleurs MRTT Phénix, 157 blindés Griffon, 20 blindés Jaguar ou 6 hélicoptères NH90 Caïman, ainsi que les différentes commandes prévues en 2021, sont des signes visibles et concrets de cette remontée en puissance.

Alors que nos armées se doivent de garder un coup d’avance pour faire la différence sur les théâtres d’opération, le Gouvernement, en consacrant 901 millions pour soutenir l’innovation et concevoir les technologies de demain, prouve qu’il a conscience qu’innover demeure plus que jamais une question de survie.

Si nous sommes satisfaits du projet de budget pour 2021, notre groupe demeurera vigilant sur quatre points pouvant avoir de sérieuses répercussions : la conséquence de la vente de Rafale à la Grèce, l’incendie du sous-marin nucléaire Perle, les décisions prises quant au futur porte-avions de nouvelle génération et les surcoûts liés aux OPEX et aux missions intérieures (MISSINT).

Même si le budget de la mission « Anciens combattants » est en baisse, notre groupe considère qu’il demeure satisfaisant dans un contexte économique particulièrement difficile et compte tenu de l’éclaircissement malheureux des rangs au sein des combattants.

Les droits en faveur des anciens combattants et de leurs ayants droit sont maintenus et même, dans certains cas, étendus.

Nous nous réjouissons des 17,5 millions supplémentaires destinés à la politique de mémoire et des 2,5 millions consacrés à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pour l’entretien courant des lieux de mémoire. Il était important que cette fonction essentielle soit remise à niveau. Il nous paraît maintenant nécessaire de réfléchir à une structuration de la mémoire avec le monde enseignant. C’est l’enseignant d’un territoire durement touché lors des premières guerres mondiales qui le dit.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants votera ces missions budgétaires.

M. Bastien Lachaud. La publication de l’annexe budgétaire suscite de nombreuses questions et même un malaise, dans la mesure où de grandes décisions structurantes ont été prises avant ou seront prises après l’adoption de ce projet de budget et auront échappé à la représentation nationale.

Commençons par évoquer le cadre global dans lequel ce budget nous est proposé. Dans le contexte de crise sanitaire et économique engendré par l’épidémie de covid-19, chacun reconnaît que la relance s’impose. Vous revendiquez d’y participer mais en réalité, il n’en est rien. Suivre la trajectoire budgétaire même haussière d’une LPM définie il y a trois ans ne peut être considéré comme de la relance. Les PME de la base industrielle et technologique de défense (BITD), les sous-traitants des grands groupes ont besoin d’une action volontariste qui ne se limite pas à lancer des commandes qui figuraient déjà dans de nombreux plans de charge. J’ai déjà donné ici même l’exemple de Tarbes Industry, dont l’avenir est en jeu. Je renouvelle mon alerte au sujet de ce prestataire de Nexter, mais de nombreux autres sont en danger. Une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aurait été souhaitable.

Le contexte militaire en tant que tel est marqué par les prises de position des différents chefs d’état-major en faveur d’une révision de l’état des menaces et des moyens d’y faire face. En 2021, une clause de revoyure de la LPM est prévue. Dans ces conditions, on aurait pu penser que le lancement des grandes commandes s’accompagnerait d’une sorte d’aggiornamento doctrinal, voire y serait subordonné. Cela n’est pas le cas.

Entrons dans le détail des mesures pour lesquelles nous ne possédons guère d’éléments suffisants pour voter.

Concernant les ressources humaines, la nouvelle politique de rémunération des militaires doit être mise en œuvre en 2021, mais nous ne savons que deux choses : elle s’appuiera sur le déploiement de sources soldes et elle commence par la création d’une prime dont le coût est estimé à 38 millions. Elle est pourtant présentée comme une profonde transformation du système. Par conséquent, on est prié de voter la mise en chantier d’une politique fondamentale dont nous ne possédons pas le dernier mot.

Venons-en au porte-avions de nouvelle génération pour lequel 7 millions de crédits de paiement et 330 millions d’autorisations d’engagement doivent être débloqués. Quand les données du problème ont-elles été exposées méthodiquement au public ou même à la représentation nationale ? Quand a-t-on pris le temps de construire ou d’essayer de construire un consensus éclairé à ce propos ? Jamais !

De même, concernant l’avenir de la flotte sous-marine, la décision de réfection du SNA Perle est certes tributaire d’analyses complexes, mais aucune des grandes pistes qui pourraient être suivies n’est mentionnée dans le document budgétaire. On compte deux mentions du SNA seulement et aucune ne précise combien il faudrait provisionner pour sa réfection. Le budget sera-t-il obsolète immédiatement après son adoption ?

La vente de 18 Rafale et le rachat de 12 appareils neufs ne figurent pas non plus dans notre annexe budgétaire. L’échéancier des commandes et livraisons ne présente pas cette opération, quasiment assurée. L’effet sur les capacités de l’armée de l’air demeure incertain et le bilan financier de l’opération tout autant. Il n’est pas certain que les produits de la vente reviennent de Bercy à Brienne. Les appareils d’occasion seraient vendus 400 millions, soit un rabais d’environ 60 %. L’achat de douze autres avions, pour environ 1 milliard, représenterait donc un trou d’environ 600 millions. La dépense n’est pas anticipée.

Venons-en à l’un des chiffres les plus originaux de cette année : 1 milliard en autorisations d’engagement supplémentaires au bénéfice de projets immobiliers du renseignement. On comprend sans peine que les projets des services du renseignement bénéficient d’une certaine discrétion. Nous soutenons également le principe de la hausse de ce budget, mais nous avons tout de même du mal à admettre que des opérations immobilières s’élevant à 1 milliard soient soumises à l’approbation des élus sans que quelques éléments techniques et juridiques soient présentés. Pour donner un ordre de grandeur, ce milliard représente à lui seul le tiers du coût initialement prévu pour Balard. De quoi nous laisser perplexes !

Enfin, parlons de la jeunesse et du service national universel (SNU). Le programme 212 transfère 461 000 euros au programme 163, mais cela ne signifie pas que les armées seront déchargées. La description de la sous-action « commandement et activités centralisées des forces aériennes » précise que son budget comprend la montée en puissance du SNU. Pour quel montant ? On l’ignore. Qu’en est-il des autres armées ? On l’ignore également.

Finissons par les OPEX. La LPM prévoyait une dépense de 1,1 milliard. Le projet est de 820 millions dans cette loi de finances initiale. Les 300 millions devront-ils être rattrapés pour boucler l’exercice ? En tout cas, cette provision contrevient au principe de financement interministériel des OPEX et acte le maintien d’un haut niveau d’engagement pour lequel nous n’avons toujours pas de bilan stratégique. C’est pour le moins ennuyeux.

Pour conclure, je suis tenté de dire que la communication hypnotique sur le thème de la remontée en puissance laisse transparaître, dans ce projet de budget, de nombreux impensés et en suspens de nombreuses questions.

M. André Chassaigne. Je laisserai le soin à Manuéla Kéclard-Mondésir de livrer en séance publique notre analyse sur les différents crédits et de préciser le vote des deux composantes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : les députés communistes et les députés d’outre-mer. Pour ma part, j’évoquerai l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), la dissuasion nucléaire et les ventes d’armes.

Interrogé ce matin sur le coût de notre participation à l’OTAN pour notre budget, le rapporteur a indiqué qu’il me répondrait sur la mise à disposition d’environ 400 personnes et la permanence aérienne assurée par la France au-dessus des pays baltes. Pour ma part, je considère qu’il faut dégager le continent européen de l’OTAN en prônant sa dissolution. Elle pourrait commencer par le retrait de la France de cette alliance dépassée par l’histoire et que le Président de la République a définie comme étant « en état de mort cérébrale ». Chacun sait ce que cela représente pour les intérêts industriels et commerciaux des États-Unis. Nous constatons une forme de schizophrénie. Rappelons l’opération de l’OTAN au large des côtes de la Libye quand la frégate légère furtive française Courbet a été visée par une manœuvre hostile de deux frégates turques lance-missiles protégeant un navire turc pratiquant la contrebande d’armes en direction d’un pays sous embargo de l’ONU. C’est dire à quel point l’OTAN est effectivement en état de mort cérébrale.

Faut-il conserver une dissuasion nucléaire ? La question, aussi importante sur le plan éthique que sur celui de l’efficacité, doit faire l’objet d’un débat public. J’ai signé une proposition de loi visant à organiser un référendum en application de l’article 11 de la Constitution, alinéa 3, sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, avec la question suivante : « Approuvez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des États concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? ».

Sur le plan éthique, nous demandons que le Gouvernement, fort de l’autorité qui est celle de la France dans le monde, prenne l’initiative d’un processus de désarmement nucléaire complet, multilatéral, contrôlé, vérifiable et intégrant de façon contraignante tous les pays à capacité nucléaire. Certes, la lutte pour la paix ne peut se réduire à un simple désarmement unilatéral, ce qui conduirait au même échec que la bulle papale interdisant l’arbalète au Moyen Âge, mais notre budget comporte 4,12 milliards d’investissements, soit 25 milliards sur cinq ans, dont une partie pourrait être réorientée vers d’autres actions, comme je le proposerai par voie d’amendement.

Quant aux ventes d’armes, les entreprises du secteur de la défense n’exercent pas la diligence requise en matière de droits humains définie par les principes directeurs de l’ONU relatifs aux droits humains. Les États, dont la France, ont été incapables d’exercer une diligence raisonnable dans leurs activités internationales, tant pour leurs chaînes d’approvisionnement que pour l’utilisation de leurs produits et services. Pour ne citer que les deux plus importantes, Dassault Aviation et Thales sont des entreprises françaises qui fournissent des équipements et des services militaires à la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, parties prenantes au conflit en cours au Yémen. Depuis le 27 mars 2017, une loi impose un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordres. Les États, dont la France, on le devoir de jouer un rôle protecteur face à des abus commis par des acteurs non étatiques.

*

*     *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

Mme la présidente Françoise Dumas Nous en venons à l’examen des amendements et au vote sur les crédits de la mission « Défense ».

Article 33 : État B – Mission « Défense »

La commission est saisie de l’amendement II-DN4 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis intervenu ce matin sur la nécessaire augmentation des moyens du service de santé des armées (SSA). En cohérence, je propose d’y affecter une partie des moyens consacrés à la dissuasion nucléaire. M’appuyant sur les déclarations du général Lecointre et du médecin général des armées, Marilyne Gygax Généro, je propose de réfléchir à la création d’une structure médicale modulable plus importante, afin d’éviter de devoir monter rapidement un hôpital militaire, comme nous l’avons fait, sans avoir sous la main tous les matériels nécessaires.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Je partage votre intérêt pour le service de santé des armées. Lors de l’opération Résilience, nous avons vu que la mission de nos soignants avait une application civile, et nous avons tous à l’esprit le transfert des malades. Il faut soutenir ce service et nous le faisons. Permettez-moi de vous rappeler que jusqu’à cette LPM, le SSA avait perdu 10 % de ses effectifs au cours des quatre précédentes années. Ils ont, depuis, été stabilisés, voire légèrement augmentés. S’agissant des recettes budgétaires, nous allons faire un effort remarquable, que l’on estimera peut-être insuffisant, de 27 %. Je comprends votre impatience, mais on ne peut pas constituer et former une équipe médicale dans un délai aussi réduit. De surcroît, vous gagez votre amendement en retirant des crédits à la dissuasion, ce qui me semble particulier. J’émettrai donc un avis défavorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Ce matin, nous avons évoqué longuement les crédits du SSA. Ceux-ci passent de 30,9 millions d’euros en CP et 47,2 millions en AE en 2020 à 48,3 millions en CP et 147,8 millions en AE. Personne ne conteste cette augmentation, bien, au contraire. J’aurais voulu faire plaisir à notre collègue le président Chassaigne…

M. André Chassaigne. Je n’en suis pas vexé, je ne m’attendais pas à un miracle !

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. …mais, pour nous, la dissuasion est un élément important, un instrument de notre souveraineté et de notre indépendance. Malgré la pertinence et la qualité de votre intervention, nous considérons que les crédits consacrés à la dissuasion doivent être sanctuarisés.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Le débat est intéressant, parce qu’il pose la question de notre force de dissuasion. Nous l’avons vu dans le débat sur l’armement de petit calibre, la France a choisi de garder sa filière de souveraineté. Autant l’objet pour lequel vous souhaitez une augmentation est louable, autant puiser dans la défense nucléaire est un mauvais choix, parce que la France envisage la dissuasion en premier ou en ultime recours, la diplomatie opérant entre les deux. Si la France veut rester un bras armé dissuasif de la paix dans le monde, elle doit garder sa capacité de dissuasion. C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM soutient entièrement la préservation des ressources dévolues à la politique de dissuasion de la France.

M. Bastien Lachaud. Le débat apparaît d’emblée truqué, dans la mesure où la Constitution de la Ve République prive le Parlement d’une de ses attributions essentielles qui est de déterminer le budget de la nation. Le Parlement ne peut augmenter les dépenses, seul le gouvernement le peut. Nous avons affaire à un Parlement croupion, contraint de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le vrai débat sur l’amendement du président Chassaigne porte donc sur l’opportunité de l’augmentation du budget du SSA, pas sur le gage. Son exposé des motifs fixe pour objectif la réouverture de l’hôpital du Val-de-Grâce dont la crise sanitaire a montré que la fermeture avait été une erreur. Ce n’est que parce que nous sommes bridés par l’article 40 de la Constitution que nous ne devons pas approuver cet amendement. Il reviendra au Gouvernement de lever le gage pour garantir le maintien de la dissuasion nucléaire. Je voterai pour l’augmentation du budget du SSA.

M. André Chassaigne. Dans un cadre formaté, il faut, pour faire évoluer le budget, prendre l’argent quelque part. Il est plus facile de puiser dans les plus de 4 milliards d’euros consacrés à la dissuasion nucléaire que sur une autre ligne.

Mme la présidente Françoise Dumas. Certes, mais il s’agit tout de même de la clé de voûte de notre système de défense !

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement II-DN3 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. En forme de clin d’œil à mon collègue Jean-Pierre Cubertafon, il s’agit d’un amendement d’appel faisant suite au rapport que nous avons rédigé sur le petit équipement de l’armée. Là encore, il faudrait dégager davantage de fonds. Là encore, il a fallu aller piocher là où il y avait un peu plus de moyens, en lien avec notre proposition de revenir sur la politique nucléaire de la France.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Les petits équipements sont nécessaires à nos armées. Nous étions tous d’accord avec le rapport proposé en ce sens par nos deux collègues. La LPM prévoit un budget en augmentation pour les acquisitions de petit équipement. On peut toujours penser que cela ne va pas assez vite, mais il augmente. Toutefois, je le répète, nous ne pouvons toucher au budget de la dissuasion, même si vous le trouvez important. Nous nous sommes rendus, avec la présidente Françoise Dumas, au PC de la dissuasion nucléaire. On ne peut pas tout dire dans cette salle mais j’invite certains de nos collègues à aller échanger directement avec ceux qui, au quotidien, font vivre notre dissuasion nucléaire, afin de comprendre les nécessités budgétaires de notre indépendance. Quelqu’un a demandé si des économies d’échelle entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire étaient envisageables. Ce n’est pas le cas mais il existe une complémentarité, l’un n’allant pas sans l’autre. La dissuasion est une clé de voûte, le petit matériel aussi : nous ne saurions financer son achat en réduisant le budget de la dissuasion. J’émets donc un avis défavorable.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Bien que je me sois exprimé défavorablement au sujet de la proposition de prélèvement sur le budget de la défense nucléaire, cette proposition figurant dans le rapport que vous avez présenté avec Jean-Pierre Cubertafon, le groupe MODEM s’abstiendra.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN18 de M. Larsonneur n’est pas défendu.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN10 de M. David Habib.

 

La commission examine l’amendement II-DN11 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Claude de Ganay. J’indique à notre jeune collègue que son groupe présente régulièrement cet amendement depuis deux à trois ans. Il est fait référence à l’évolution du prix du baril de pétrole. Je précise que le service des essences, rebaptisé cette année service de l’énergie opérationnelle, passe chaque année des contrats qui lui permettent de prendre des mesures d’ordre réglementaire afin de s’adapter aux fluctuations du marché.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-DN6 et II-DN7 de M. David Habib.

 

Puis la commission examine l’amendement II-DN8 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Au moment où les différents chefs d’état-major font état de difficultés pour la préparation opérationnelle des forces, il serait utile que la représentation nationale soit éclairée par un rapport.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement IIDN9 de M. David Habib.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous allons maintenant procéder au vote sur les crédits de la mission « Défense », après avoir entendu l’avis des différents rapporteurs.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

 

 


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Annexe 1 :
auditions et déplacements de la rapporteure pour avis

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

M. le général d’armée Thierry Burkhard, chef d'état-major de l’armée de Terre ;

M. le général de division Bertrand Vallette d’Osia, commandant de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) ;

M. le général de division Charles Palu, sous-chef d'état-major « plans et programmes » de l’état-major de l’armée de Terre et M. le colonel Jérôme de Roquefeuil, chef du bureau « MCO » ;

M. le général de division Patrice Quevilly, sous-chef d’état-major « performance et synthèse » de l’état-major de l’armée de Terre, et M. le colonel Ronan Haicault de la Regontais, chef du bureau « finances » ;

 Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) ‒ M. Marc Darmon, président, M. Jean-Marc Duquesne, délégué général, M. François Mattens, directeur des affaires publiques et de l’innovation ;

 Airbus – M. Philippe Coq, secrétaire général permanent pour les affaires publiques et M. Olivier Thillier, directeur du soutien militaire français d’Airbus hélicoptères.

2. Déplacements

 21 septembre – Moulins – Visite du détachement de Moulins de la 13e base de soutien du Matériel (13e BSMAT) ;

 24 septembre – Gien – Visite du détachement de Gien de la 12e base de soutien du Matériel (12e BSMAT) ;

 25 septembre – Angoulême – Visite au 1er régiment d’infanterie de Marine (1er RIMa) ;

 1er octobre – Satory – Visite de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), en présence du général de corps d’armée Christian Jouslin de Noray, directeur central.

 7 octobre – Mourmelon – Visite du 8e régiment du Matériel (8e RMAT).

Annexe 2 : la politique de fidélisation pour l’armée de Terre

1.   Une fidélisation globale

Au regard des évolutions sociétales, l’amélioration de l’environnement professionnel est nécessaire pour renforcer la fidélisation. À cet égard, les mesures adoptées par le Plan famille apportent une solide contribution à la fidélisation.

À ce titre, les mesures « structurelles » associées à cette fidélisation « globale » sur la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 se traduisent par :

– une amélioration des modalités générales d’exécution du service (dotation en équipements individuels, disponibilité des matériels, soutien de proximité, ...) ;

– une amélioration des conditions de vie (infrastructures et offres d’hébergement, de restauration et de loisirs, …) ;

– une meilleure conciliation de la vie personnelle et professionnelle via, notamment, de nouvelles pratiques structurantes (manœuvre des bâtiments à double équipage de la Marine nationale) ou les mesures de l’action sociale (prestations individuelles) et du plan famille.

Compte tenu des attentes des militaires, l’évolution des pratiques RH constitue également une réponse au défi de la fidélisation. Il s’agit notamment :

– de rendre accessibles les parcours professionnels à tous les militaires afin de leur permettre de se projeter. Pour l’armée de Terre, il s’agit par exemple de la rénovation du système de qualification (brevet supérieur technique de l’armée de terre ou BSTAT) et de la bourse aux emplois pour les sous-officiers titulaires des épreuves de sélection professionnelle (ESP) ;

– de faciliter le développement d’un dialogue de gestion individualisé ;

– de favoriser le renouvellement des contrats et de déléguer certains actes de gestion aux commandants de formations administratives (renouvellement des contrats des militaires du rang pour l’armée de Terre).

La construction de parcours professionnels attractifs, diversifiés et personnalisés s’inscrit dans cette dynamique. Ces parcours développés par l’ensemble des armées, directions et services permettent d’assurer une plus grande maîtrise des départs subis en favorisant la promotion interne, en adaptant la durée et le contenu des formations et en valorisant les compétences acquises (projet d’espace personnalisé de gestion des compétences – EPGC - relatif au suivi individualisé des compétences pour l’armée de Terre) ou encore les aides à la reconversion ([13])

Ces évolutions des procédures et pratiques de gestion sont déclinées dans des politiques ([14])  et des plans d’action propres à chaque armée.

2.   Les spécificités de l’armée de Terre en matière de fidélisation

Afin de retirer pleinement les bénéfices des efforts importants consentis au titre du recrutement, et ainsi atteindre les objectifs en volume d’effectifs qu’elle se fixe, l’armée de Terre a pris un certain nombre de mesures dans le cadre d’une politique dédiée.

La fidélisation du personnel formé et expérimenté permettra en effet de limiter les volumes de recrutement et de réduire sensiblement les charges de formation. Les populations de militaires du rang et de jeunes sous-officiers sont au cœur de cet enjeu, tout comme les officiers sous contrat pour lesquels l’armée de Terre s’est mise en « ordre de bataille » en créant notamment une « Task Force officiers » dédiée.

Cette politique de fidélisation repose sur cinq piliers :

  1. l’accroissement des perspectives de parcours jusqu’à 11 ans, voire 17 ans, au travers de durées de contrat pouvant varier de 2 à 10 ans. Cette mesure a pour but de limiter la précarité associée au statut de contractuel qui concerne 74 % du personnel militaire et 100 % des militaires du rang ;
  2. l’élargissement des perspectives professionnelles afin de favoriser la promotion interne ;
  3. l’ouverture des perspectives fonctionnelles permettant des réorientations vers des métiers propices à une future reconversion ;
  4. une formation continue accessible et efficace qui offre des perspectives de carrière longue adaptée aux candidats ;
  5. la mise en place de régimes indemnitaires adaptés ciblant les métiers exigeants dont les formations sont à très forte valeur ajoutée et transposables dans le civil.

Elle a été diffusée en 2019 à l’ensemble de l’armée de Terre dans un document de politique générale ([15]) . En complément, il convient de mettre en exergue l’accompagnement de cette politique au plus près, par la délégation des actes de gestion RH aux chefs de corps, acteurs principaux dans la fidélisation de leur personnel.

3.   Mesures et enjeux propres à l’armée de Terre

Les mesures « ciblées » de fidélisation, quand elles prennent la forme d’incitations financières ([16]) , s’inscrivent principalement dans une logique de reconnaissance ([17]) des sujétions et des compétences.

Ainsi, les mesures financières spécifiques suivantes ont été mises en œuvre lors des dernières LPM :

– la prime de haute technicité (PHT ([18]) ) : attribution d’une prime de qualification mensuelle de 200 euros par mois à certains sous-officiers supérieurs comptant au moins quinze ans de service au profit de métiers émergents ou sous tension, tels que le renseignement, la cyberdéfense ou les systèmes d’information et de communication (SIC) ;

– la prime réversible des compétences à fidéliser (PRCF) d’un montant de 2 400 à 7 200 euros qui peut être allouée aux militaires détenant une compétence particulière. Le bénéfice du versement est lié à l’exercice effectif de la compétence et à la durée du lien au service associé. La prime de lien au service (PLS) se subsistera à ce dispositif en 2022 comme abordé dans la partie 4 ci-dessous.

Ces dernières années, les plans catégoriels ont par ailleurs intégré des mesures de fidélisation destinées à revaloriser la condition militaire en compensant, notamment, les sujétions spécifiques ou en valorisant les compétences spécifiques. À cet effet, les premiers retours de la prime de qualification de haute montagne (notamment concernant la reconnaissance de cette spécificité au regard des risques et qualifications requises) mise en place en 2019 sont très positifs.

4.   Les évolutions nécessaires : la prime de lien au service au sein des armées

Face aux enjeux de la fidélisation, les mesures actuelles nécessitent des évolutions. La mise en œuvre de la prime de lien au service (PLS), un dispositif ayant vocation à se substituer notamment à la PRCF qui s’éteindra en 2022, au profit des militaires sous contrat ou de carrière, toutes catégories d’emploi confondues, est une réponse à ce besoin d’évolution. Mise en place dans le cadre de la manœuvre RH prévue par la LPM 2019-2025, la PLS est un dispositif RH innovant visant à améliorer la fidélisation du personnel militaire et à faciliter le recrutement, en particulier, dans les familles professionnelles sous tension pour toute catégorie d’emploi et de grade.

En 2019, la ressource allouée a été consommée (exécution 2019 : 8,50 millions d’euros). Ce niveau de consommation doit également être replacé dans le contexte plus général des dépenses liées aux anciens dispositifs de primes ([19]) encore applicables en 2019. L’enveloppe globale définie au début de l’exécution 2019 pour l’ensemble des primes d’attractivité et de fidélisation a été respectée. Compte tenu du montant alloué et de la mise en place du dispositif en milieu d’année, la campagne PLS 2019 doit être considérée comme un exercice de transition.

En volume, le nombre de primes allouées est significatif (6 974). Si celui-ci est sensiblement inférieur à celui programmé (9 508), la différence s’explique par la moindre attractivité de certaines primes à faible montant (primes de fidélisation protection défense) ou par une surestimation du taux d’acceptation de certains viviers (maintenanciers aéronautiques...).

Même s’il semble prématuré à ce stade de tirer des enseignements définitifs de ce dispositif, le bilan 2019 apparaît positif, et ce quelles que soient les catégories d’emploi.

La PLS s’est avérée un dispositif efficace en matière de fidélisation des militaires du rang. Dans l’armée de Terre, la PLS a favorisé une augmentation de 17 % de renouvellement des primo-contrats, permettant ainsi d’améliorer la fidélisation des cohortes importantes de soldats recrutés en 2015 dans le contexte post-attentat (augmentation du recrutement lors du renforcement de la force opérationnelle – FOT - à hauteur de 77 000 hommes).

La Marine, quant à elle, a attribué 226 PLS à des fins de fidélisation et de promotion des quartiers-maîtres de la flotte (QMF) ayant obtenu le brevet d’aptitude technique (BAT).

Pour les sous-officiers, l’efficacité du dispositif reste inégale selon les métiers et les profils des candidats. Si le dispositif s’est montré attractif pour le renouvellement de primo-contrat, son efficacité pour la fidélisation des sous-officiers au-delà de 17 ans de service dépend directement de la filière professionnelle. Les objectifs fixés par la Direction des Ressources Humaines de l’armée de Terre (DRHAT) ont été atteints (144 contrats renouvelés sur un objectif révisé de 141).

L’armée de l’Air constate aussi une tendance très positive avec une augmentation des taux de renouvellement des primo-contrats dans les métiers sous tension ciblés par la PLS (entre 5 et 23 % d’augmentation du taux de renouvellement selon les spécialités).

La PLS a également permis à la Marine de fidéliser des officiers mariniers titulaires du brevet supérieur ou du brevet de maîtrise servant dans les forces sous-marines, contribuant ainsi directement à la sécurisation de ce vivier critique.

Pour les officiers, la PLS est le tout premier outil à la main des gestionnaires RH pour fidéliser dans cette catégorie d’emploi. Cette prime a contribué directement à la fidélisation de 22 médecins spécialistes (chirurgiens, urgentistes) et de 17 officiers sous contrats (OSC) pilotes en 2019.

En 2020, la montée en puissance de la PLS s’est poursuivie grâce à une mesure catégorielle (+ 12,70 millions d’euros en LFI 2020) et le transfert progressif des ressources consacrées antérieurement aux primes d’attractivité et de fidélisation ([20]) , permettant un affermissement significatif de ce levier RH. Doté ainsi en 2020 d’une enveloppe de 33,80 millions d’euros, ce dispositif va pouvoir donner la pleine mesure de son potentiel avec un objectif de 15 011 primes à attribuer, soit 58 % de plus qu’en 2019.

5.   La prime de lien au service au sein de l’armée de Terre

La campagne 2020 actuellement en cours est encourageante malgré des décalages dans la mise en place effective des PLS. Ses premiers enseignements sont cependant instructifs et permettent d’ores et déjà d’ébaucher une politique PLS 2021 adaptée aux enjeux de l’armée de Terre.

La politique 2021, dans la continuité des politiques précédentes, aura pour objectif de soutenir, au travers d’un dispositif stable, cohérent et lisible, l’accroissement de la durée moyenne des services avec un effort accru sur la fidélisation des spécialistes expérimentés de l’armée de Terre, en particulier au sein de la population des sous-officiers et des officiers.

Ainsi, la PLS 2021 permettra :

–  d’optimiser le rapport jeunesse/expérience pour tenir le contrat opérationnel dans un contexte de suractivité durable, de durcissement des opérations et de préparation aux conflits majeurs, lesquels imposent de disposer de combattants aguerris ;

– de consolider le vivier de personnels formés et sélectionnés pour tenir des postes de techniciens supérieurs et de chefs tactiques (sous-officiers titulaires du BSTAT), ainsi que de spécialistes du combat interarmes (militaires du rang détenant le certificat de qualification technique supérieur). Cela permet notamment de réduire les coûts liés au recrutement et à la formation qui immobilisent une fraction importante des forces terrestres ;de préparer l’arrivée de SCORPION ([21]) , qui ancre définitivement l’armée de Terre dans la haute technologie, en faisant du combattant Scorpion le soldat alliant rusticité et technologie, capable de mettre en œuvre des matériels sophistiqués dans des conditions dégradées (Afghanistan, Mali, Irak par exemple) ;

– d’armer au mieux les domaines ministériels prioritaires avec la valorisation des parcours du diplôme technique associé ;

– conjoncturellement, de combler partiellement le déficit de recrutement lié à l’épidémie de la COVID-19.

L’année 2021 sera ainsi une année cruciale pour la mise en place pérenne d’un dispositif PLS cohérent et adapté aux objectifs RH de l’armée de Terre, avec une enveloppe désormais stabilisée.

6.   La fidélisation pour le personnel civil

En ce qui concerne le personnel civil, le Ministère des Armées, à compter de 2018, a engagé des revalorisations salariales du personnel civil non titulaire relevant de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 pour garantir l’attractivité au recrutement et fidéliser les compétences. Ces revalorisations ont porté sur les compétences qui concourent directement aux priorités de la LPM (renseignement et SIC) et s’inscrivent dans un environnement concurrentiel avec les secteurs publics et privés.

En 2018, les niveaux de rémunération ont été réévalués pour les métiers du renseignement, puis en 2019 et 2020 pour les métiers des SIC et du Cyber (en 2019 pour les primo-recrutements et en 2020 pour le personnel recruté avant 2019). En 2020, ces revalorisations sont poursuivies pour les primo-recrutements dans les métiers techniques, notamment l’infrastructure et le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires. En 2021, l’objectif est d’actualiser ces niveaux pour fidéliser les contractuels civils recrutés avant 2020.

Les contractuels 84-16 du Service des ressources humaines civiles (SRHC) et du SSA ainsi que les contractuels de la DGSE ont bénéficié d’une revalorisation de l’ordre de 6,60 millions d’euros en 2020, ce qui contribue à leur fidélisation.

Par ailleurs, la DGA a mis en place une politique sectorielle d’amélioration de la condition des ingénieurs et cadres technico-commerciaux, et techniciens et cadres technico-commerciaux (ICT/TCT), via l’instauration d’une politique volontariste en matière salariale et de parcours professionnels (revalorisation des agents sous contrat – ASC – en 2020 pour 5,79 millions d’euros). Cette politique revêt aujourd’hui un caractère stratégique pour réussir la montée en puissance des services de soutien qui font appel aux compétences détenues par les ICT de la DGA.

Le vecteur principal d’attractivité et de fidélisation repose pour les fonctionnaires sur la revalorisation du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) et le complément indemnitaire annuel (CIA). L’abondement de l’enveloppe budgétaire associée au RIFSEEP entre 2017 et 2020 (51 millions d’euros au total) vise à servir aux agents du ministère des montants comparables aux niveaux pratiqués en interministériel et ainsi préserver les compétences nécessaires pour la réalisation des missions dans un contexte où le Ministère des Armées mobilise largement les détachements entrants et les mobilités interministérielles pour atteindre ses trajectoires d’effectifs.

Des mesures spécifiques ont par ailleurs été mises en œuvre au profit des agents non soumis au RIFSEEP (la Direction générale de l’armement – DGA- pour 1,50 million d’euros, le Service de santé des armées – SSA- pour 2,30 millions d’euros et la direction générale de sécurité extérieure – DGSE) et dont les métiers sont soumis à une forte concurrence avec le secteur privé.

 

Source : réponses du ministère des Armées au questionnaire de la rapporteure pour avis, octobre 2020.


([1]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([2]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, rapport annexé, point « 3.1.1.2. Garantir un niveau de disponibilité des matériels des armées et d'activité opérationnelle compatible avec la préparation et la réalisation des missions ».

([3]) M. Olivier Gaillard, annexe n° 14 sur le budget opérationnel de la défense du rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2020, Assemblée nationale, XVe législature, n° 2301, 10 octobre 2019, page 13.

([4]) Voir l’indicateur 5.1. du projet annuel de performance (page 110) annexé au projet de loi de finances pour 2021.

([5]) MM. François André et Joaquim Pueyo rapport d’information déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l'exécution de la loi de programmation militaire 2014-2019, n° 718, Assemblée nationale, XVe législature, 22 février 2018.

([6]) MM. André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon, rapport d’information sur la politique d’approvisionnement du ministère des armées en « petits » équipements, Assemblée nationale, XVe législature, n° 3346, 16 septembre 2020.

([7]) Décret n° 2016-1993 du 30 décembre 2016.

([8])  Rapport d’activité 2019 du MCO terrestre, SIMMT, mars 2020, page 37.

([9])  Rapport d’activité 2019 du MCO terrestre, SIMMT, mars 2020, page 39.

([10])  Rapport d’activité 2019 du MCO terrestre, SIMMT, mars 2020, page 25.

([11]) Idem.

([12])  M. Thomas Gassilloud, rapport pour avis fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2021, tome IV, « Préparation et emploi des forces terrestres », n° 277, 12 octobre 2017.

([13]) La reconversion est une part intégrante des parcours professionnels des militaires. Elle contribue notamment à l’attractivité des emplois proposés par le ministère (opportunité d’une seconde carrière) mais aussi à la fidélisation des compétences (reconnaissance des savoir-faire acquis par la validation des acquis et de l’expérience (VAE) et de la certification professionnelle).

([14])  Par exemple : la politique d’accompagnement de l’aviateur et de sa famille du 3 décembre 2018 – Air, ou la politique générale de fidélisation de l’armée de Terre de mai 2019.

([15])  Politique générale de fidélisation de l’armée de Terre, mai 2019.

([16])  La fidélisation « ciblée » ne se limite pas à des mesures d’incitation. La mise en œuvre de liens au service en fonction des formations reçues par le personnel militaire constitue aussi un moyen de fidélisation sous la forme d’une mesure « dissuasive ». La liste des formations spécialisées et les durées des liens au service associés est fixé par arrêté (arrêté du 6 août 2018).

([17])  La reconnaissance n’est pas uniquement financière, elle peut également être symbolique (décorations, récompenses…).

([18])  La PHT est également servie aux sous-officiers ayant réussi les épreuves de sélection professionnelle (ESP), quelle que soit leur filière.

([19])  Prime engagement initial et supplémentaire (PEI et prime supplémentaire (PS)), prime d’attractivité modulable (PAM), prime réversible des compétences à fidéliser (PRCF) et prime de volontariat en faveur des militaires non officiers servant dans les forces sous-marines (VOSM).

([20])  PEI/PS, PAM, PRCF

([21])  Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l'infovalorisation (Scorpion).