N° 3465

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 octobre 2020.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021 (n° 3360)

 

TOME VI

 

 

DÉFENSE

 

préparation et emploi des FORCES :

AIR

PAR M. Jean-Jacques FERRARA

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 3399 (annexe 14)

 

 

 


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SOMMAIRE 

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Pages

Introduction

Première partie : les crédits de l’armée de l’air proposés par le projet de loi de finances pour 2021

I. 2020, une année singulière pour l’armée de l’air

A. l’armée de l’air et la crise sanitaire

1. Une contribution décisive à la lutte contre la propagation de l’épidémie

a. Le rôle de l’armée de l’air en matière d’évacuation sanitaire

b. Les bases aériennes, « outils de combat » à l’échelle des territoires

2. Le maintien d’un haut niveau d’engagement en opérations

a. Sur le territoire national

b. En opérations extérieures

c. En Europe

3. Un impact sur la régénération organique de l’armée de l’air et de l’espace

B. Une armée de l’air en mutations

1. La poursuite de la remontée en puissance capacitaire

a. Le renouvellement des capacités se poursuit

b. Des inquiétudes sur le maintien en condition opérationnelle du fait de la crise

2. Une nouvelle dimension : la création de l’armée de l’air et de l’espace

II. Les crédits ouverts en PLF 2021 : une remontée en puissance qui ne résout pas toutes les questions

A. Les crédits de la mission « Défense », une traduction fidèle de la LPM

1. Présentation générale des crédits du programme 178 dévolus à l’armée de l’air

2. Présentation par nature et par opération stratégique

a. Les dépenses de fonctionnement

b. Les dépenses d’investissement

3. Les autres crédits de la mission « Défense » consacrés à l’armée de l’air

B. 2021, une année charnière

1. À l’approche de l’actualisation de la programmation, la persistance de fragilités capacitaires ne doit pas être occultée

2. L’heure de vérité pour les programmes conduits en coopération

a. Le système de combat aérien du futur

b. Le successeur du SCALP

Seconde partie : le commandement de l’espace au cœur de la nouvelle stratégie spatiale de défense

I. Jadis pionnière, la France a renouvelé sa stratégie de défense spatiale face à l’émergence de nouvelles menaces

A. L’espace constitue de longue de date un enjeu de premier ordre pour les armées

1. Les opérations militaires sont toujours plus dépendantes des moyens spatiaux

2. La France dispose de capacités spatiales militaires de premier plan

a. Une large gamme de satellites militaires

b. Les moyens souverains de surveillance de l’espace.

B. L’accroissement des démonstrations de puissance a conduit à l’adoption d’une stratégie ambitieuse dans le domaine de la défense spatiale

1. L’espace est plus que jamais devenu le théâtre d’affrontements de puissances, sources de nouvelles vulnérabilités

a. L’espace, nouvelle terre de conflictualité

b. La diversification des sources de vulnérabilité

2. La stratégie adoptée par le Gouvernement entend consolider le statut de la France parmi les puissances spatiales

II. L’armée de l’air et de l’espace, une mutation à concrétiser

A. Le commandement de l’espace, un « grand » commandement à construire

1. L’incarnation organique et opérationnelle de la défense spatiale

2. Le défi de la montée en puissance

a. La montée en puissance organique

b. La coordination avec les autres acteurs du spatial

c. La coopération avec les autres puissances spatiales

B. L’intensification du rehaussement de nos capacités militaires spatiales

1. Les capacités actuelles sont en cours de renouvellement

a. Les moyens de surveillance

b. Les satellites

2. Mettre en œuvre des moyens performants d’action dans l’espace

3. Anticiper les futures ruptures technologiques

Travaux de la commission

I. Audition du Général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace

II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions du rapporteur pour avis


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« Ce qui est admirable, ce n’est pas que le champ des étoiles soit si vaste,

c’est que l’homme l’ait mesuré. »

       Anatole France, Le Jardin d’Épicure.

   Introduction

L’armée de l’air a été la première armée mobilisée dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie de coronavirus, et ce bien avant son expansion au-delà des frontières chinoises. Ainsi, dès le 31 janvier, un A340 de l’escadron de transport 3/60 « Esterel » a rapatrié près de 200 ressortissants français depuis la ville chinoise de Wuhan, foyer originel de l’épidémie, vers la base aérienne 125 d’Istres-Le Tubé. Ces derniers ont ensuite été pris en charge par l’escale aérienne de la BA 125, transformée en véritable hub logistique, puis par la brigade des gendarmes de l’air ainsi que des personnels du service de santé des armées, avant d’être placés en quarantaine dans le centre de vacances de Carry-le-Rouet, près de Marseille. Des pompiers de l’air de la base 125, de la base aérienne 115 d’Orange-Caritat ainsi que les équipes du centre d’expertise en sécurité nucléaire et risques nucléaires, radiologique, bactériologiques et chimiques (NRBC) de l’escadron de sécurité incendie et de sauvetage de la base aérienne 120 de Cazaux ont ensuite décontaminé l’appareil et ses équipements.

Par la suite, et dès avant le lancement de l’opération Résilience par le président de la République, le 25 mars 2020, les moyens de l’armée de l’air ont assuré des évacuations sanitaires de patients atteints du Covid-19 depuis l’Alsace – essentiellement Colmar et Mulhouse – vers divers hôpitaux situés dans des zones moins touchées.

Les effets de la crise sanitaire sur l’armée de l’air ne se limitent toutefois pas à sa contribution à la lutte contre l’épidémie de Covid-19. À l’instar des autres armées, elle a vu sa capacité de régénération organique directement affectée par les mesures de confinement, qu’elles aient conduit à l’annulation d’activités d’entraînement, aux niveaux national et international, ou à des retards de livraisons de matériels. Dans le même temps, les mesures prises par le Gouvernement pour limiter l’impact économique de la crise, notamment dans le secteur aéronautique, contribueront au rehaussement capacitaire de l’armée de l’air. Ont ainsi été anticipées les commandes de huit hélicoptères H225 Caracal, de trois avions A330, voués à être militarisés et transformés en avions de transport et de ravitaillement MRTT Phénix, ainsi que d’un troisième avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR).

En ajoutant les commandes et livraisons prévues et intervenues au cours de l’année 2020, force est de constater que la remontée en puissance de l’armée de l’air se poursuit. Celle-ci est d’autant plus nécessaire que le monde apparaît toujours plus bousculé et que la « désinhibition de l’usage de la violence et de la force », régulièrement pointée par le chef d’état-major des armées, s’accompagne d’une remise en cause de la supériorité aérienne des armées occidentales. Les aviateurs le constatent quotidiennement en opérations, notamment au Levant, où ont été déployés des avions de combat et des dispositifs de déni d’accès performants.

Dans ce contexte, l’actualisation de la programmation militaire, prévue en 2021 par l’article 7 de la loi de programmation militaire 2019-2025, revêt une importance particulière. L’enjeu est double pour l’armée de l’air et, plus globalement, pour la Défense. Il s’agit, d’une part, de préserver les acquis, c’est-à-dire de confirmer la trajectoire définie au début de la législature sans concéder le moindre recul quant aux ambitions affichées ; et d’autre part, d’amplifier l’effort en faveur de la Défense, afin de tenir compte des nouveaux besoins et de l’accélération des désordres du monde. Pour l’armée de l’air, ceux-ci concernent notamment la concrétisation de son évolution vers une armée de l’air et de l’espace, transformation qui constitue pour elle un moment historique, son plafond d’action passant de 15 000 à 36 000 kilomètres d’altitude.

C’est à ces questions qu’est consacré le présent avis budgétaire sur les crédits proposés en projet de loi de finances pour l’armée de l’air et de l’espace. Centré sur le programme 178 « Préparation des forces », il ne peut faire l’économie d’une évocation plus large des crédits inscrits au sein de la mission « Défense », qui contient également les programmes 144 « Environnement et prospective de défense », 146 « Équipement des forces » et 212 « Soutien de la politique de défense ».

La première partie du présent avis s’intéressera à l’appréciation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2020 s’agissant de l’armée de l’air. Elle sera aussi l’occasion pour le rapporteur de revenir en détail sur la manière dont elle a été affectée par la crise sanitaire.

Sa seconde partie portera, cette année, sur la montée en puissance de l’armée de l’air et de l’espace, et sera ainsi l’occasion d’étudier si, en la matière, la France dispose des moyens de ses ambitions.

À l’heure de l’ouverture de son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021, le rapporteur souhaite rendre hommage au sergent Pierre Pougin, décédé le 28 avril lors d’un exercice d’hélitreuillage, ainsi qu’aux deux jeunes lycéens, scolarisés à l’École des Pupilles de l’air, qui ont perdu la vie le 12 septembre dans le crash de leur DR400.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2020, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 24 réponses sur 25 lui étaient parvenues, soit un taux de 95 %.


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   Première partie : les crédits de l’armée de l’air proposés par le projet de loi de finances pour 2021

I.   2020, une année singulière pour l’armée de l’air

A.   l’armée de l’air et la crise sanitaire

1.   Une contribution décisive à la lutte contre la propagation de l’épidémie

L’armée de l’air a été pleinement impliquée dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 en engageant, dès le début de la crise, des moyens humains et aériens en appui de l’action de l’État. Au-delà des opérations d’évacuation sanitaire, largement médiatisées, le maillage géographique et la diversité des bases aériennes sur le territoire national, en métropole comme outre-mer, ont permis à l’armée de l’air de répondre aux besoins exprimés localement par les autorités civiles.

a.   Le rôle de l’armée de l’air en matière d’évacuation sanitaire

● Les évacuations sanitaires ont constitué les contributions les plus visibles de l’armée de l’air à la lutte contre la propagation de l’épidémie. Dès le 31 janvier, un appareil A340 de l’escadron de transport ET/60 Esterel a été déployé pour assurer le rapatriement de 180 ressortissants français et européens de la ville chinoise de Wuhan.

Puis, à compter du 17 mars, date de mise en alerte des modules « Morphée » de réanimation pour patient à haute élongation d’évacuation, les moyens de l’armée de l’air ont assuré des évacuations sanitaires afin de soulager les régions métropolitaines les plus touchées. Dans un premier temps, ont donc d’abord été mobilisés les A330 MRTT Phénix et les ravitailleurs C135, équipés de ces modules destinés, en principe, aux évacuations sanitaires de soldats blessés en opérations extérieures nécessitant des soins de réanimation. Par la suite, grâce à l’expertise du centre d’expertise aérienne militaire (CEAM) de la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan et les efforts de l’industrie, les A400M ont pu être équipés de leurs propres modules de réanimation – baptisés « Mérope » –, tandis que les hélicoptères de manœuvre – Puma et Caracal – ont été adaptés pour permettre le transport de patients lourdement médicalisés, le plus souvent intubés.

● Le dispositif mis en place par l’armée de l’air s’est étoffé à la suite du lancement de l’opération Résilience, le 25 mars, avec notamment la mise en place d’un plot d’alerte sur la base aérienne 107 de Villacoublay, qui a regroupé, au plus fort de la crise, un A400M, un Casa CN235, trois hélicoptères Caracal, deux hélicoptères Puma et deux Falcon.

L’armée de l’air a ainsi offert une capacité de transport sanitaire pouvant atteindre 25 patients par jour en métropole, outre-mer ([1]) et à l’étranger, les aéronefs de l’armée de l’air contribuant également à l’acheminement de personnels soignants vers les zones les plus touchées. En outre, elle a été chargée de la coordination de l’ensemble des opérations aériennes conduites par les différents moyens des armées et des forces de sécurité civile, à partir du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) implanté sur la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun.

Au total, entre le 18 mars et le 10 juillet 2020, les appareils de l’armée de l’air ont effectué 104 rotations aériennes, ventilées de la manière suivante.

Heures de vols rÉALISÉes par l’armÉe de l’air au titre de l’opÉration RÉsilience

A400M

Hélicoptères

MRTT

Divers (Casa, Falcon, Wingu, TBM, A330, C160, C130-J)

261

76

18

389

● Ces rotations ont permis le transport de 103 patients et de 615 personnels soignants :

– 83 patients et 232 personnels soignants en 44 rotations en métropole ;

– 20 patients et 31 personnels soignants en 15 rotations outre-mer ;

– 222 personnels soignants seuls en 26 rotations en métropole ;

– 130 personnels soignants seuls en 19 rotations outre-mer.

b.   Les bases aériennes, « outils de combat » à l’échelle des territoires

De manière complémentaire, et souvent moins médiatique, l’armée de l’air a contribué à la lutte contre la propagation de l’épidémie depuis ses bases aériennes. Organisées en outil de combat aux services des opérations aériennes, les bases aériennes ont naturellement été en mesure de proposer un appui logistique et technique aux autorités civiles compétentes.

À l’instar des autres armées, l’armée de l’air a ainsi contribué au volet logistique de l’opération Résilience, en participant à des opérations de distribution de moyens de prévention – masques, gel, équipements de protection individuelle – à la population comme aux hôpitaux, en appuyant l’action des agences régionales de santé pour le stockage et l’acheminement de masques ou encore en assurant le montage de tentes autour d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), voire un centre pénitencier, pour offrir un sas de décontamination protégeant ces lieux particulièrement sensibles au fait épidémique. Des opérations de filtrage ont également été conduites à l’entrée de centres des SAMU.

De manière plus innovante, sur certaines bases, les personnels ont reprogrammé les imprimantes 3D à leur disposition pour fabriquer des visières de protection ou encore des pièces détachées de respirateurs artificiels distribuées, par la suite, aux établissements de santé en manque de matériels de protection.

Enfin, les experts en risques NRBC de l’armée de l’air ont effectué des actions de formation et d’instruction au bénéfice des militaires engagés dans l’opération Sentinelle.

La mobilisation des aviateurs a été telle qu’entre le 18 mars et le début du mois de juillet 2020, les bases aériennes ont généré l’équivalent de 7 000 journées de travail pour contribuer à la lutte contre l’épidémie sanitaire sur le territoire national.

2.   Le maintien d’un haut niveau d’engagement en opérations

Lors de son audition devant la commission de la Défense, le 6 mai 2020, le général d’armée aérienne Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air, a rappelé que tout au long de la crise, les personnels de l’armée de l’air sont « restés très engagés pour assurer la pérennité de nos postures permanentes et d’engagement en opération », ajoutant que « la menace, liée à un contexte géopolitique et militaire instable, à de nouveaux champs de confrontation, n’a pas faibli. La désorganisation engendrée par la crise sanitaire pourrait au contraire constituer une opportunité pour les groupes terroristes. » De ce point de vue, l’armée de l’air a maintenu un haut niveau d’engagement, sur l’ensemble de ces théâtres d’intervention.

a.   Sur le territoire national

En premier lieu, l’armée de l’air a continué à assurer ses missions permanentes de protection de territoire, au travers de la permanence de la composante aéroportée de la dissuasion – dont la crédibilité est régulièrement confirmée au travers d’exercices Poker simulant un raid nucléaire et mettant en jeu une cinquantaine d’aéronefs – ainsi que de la tenue de la posture permanente de sûreté aérienne.

De ce point de vue, il convient de souligner que l’arrêt quasi-total du trafic aérien ne s’est pas accompagné d’une diminution proportionnelle de l’activité de police du ciel. Ainsi que le relevait le chef d’état-major de l’armée de l’air le 6 mai 2020, « si le trafic aérien dans le ciel de France a réduit de près de 90 %, le nombre de décollages sur alerte des chasseurs a augmenté, pour des pertes de communication, des vérifications de dérogation pour les quelques aéronefs de tourisme autorisés à voler, mais aussi pour l’entraînement de nos chasseurs sur des plateformes aéronautiques comme Roissy, habituellement surchargées. Nombreux sont par ailleurs les avions à long rayon d’action russes continuant de longer les côtes nordiques en direction des nôtres ; l’armée de l’air participe à la manœuvre pour les contrer. »

En la matière, la menace n’a pas non plus faibli.

À l’heure de l’élaboration du présent avis, les aéronefs de l’armée de l’air ont décollé, sur alerte, à 305 reprises depuis le début de l’année 2020. Ces dernières semaines, malgré l’absence de reprise du trafic aérien, la permanence opérationnelle a d’ailleurs connu un regain de médiatisation à la suite du franchissement du mur du son, à proximité de Paris, par un Rafale de la base aérienne de Saint-Dizier engagé dans une mission de police du ciel.

En outre, les aéronefs de l’armée de l’air ont également été mobilisés dans le cadre de l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal, et assurent des missions de recherche et de sauvetage, en métropole comme outre-mer.

Au-delà, l’armée de l’air est demeurée engagée sur le territoire national au travers de sa participation à l’opération Sentinelle au sein des aéroports d’Orly, de Bordeaux et de Nice, la moindre fréquentation des aéroports ayant conduit à redéployer les aviateurs en centre-ville.

b.   En opérations extérieures

En deuxième lieu, l’engagement de l’armée de l’air en opérations extérieures est demeuré intense.

● Au Levant, si les activités de formation en Irak ont temporairement pris fin en raison de la crise sanitaire, la base aérienne projetée H5 a poursuivi son activité opérationnelle sans interruption. Les Rafale déployés en Jordanie et aux Émirats arabes unis poursuivent leurs missions de surveillance et d’appui aérien contre Daech. Le déploiement du Rafale se justifie en raison de la densification de l’espace aérien, qui s’accompagne d’une recrudescence des tensions du fait de la présence d’avions de combats russes et turcs et de la dissémination de systèmes de déni d’accès toujours plus performants. Il est donc indispensable de pouvoir compter sur un appareil polyvalent disposant notamment de capacités de combat air-air, dont sont dépourvus les Mirage 2000-D initialement engagés depuis la Jordanie.

En outre, un A330 MRTT Phénix a été déployé au profit de la coalition internationale sur la base d’Al Udeid, au Qatar, et a effectué sa première mission de ravitaillement, le 6 octobre, au profit des aéronefs de la coalition, dont les Rafale de la BAP H5. Au total, entre le 30 septembre et le 6 octobre 2020, les aéronefs de l’armée de l’air déployés au Levant ont effectué 14 sorties aériennes.

● Dans la bande sahélo-saharienne, l’activité de l’armée de l’air et de l’espace est toujours aussi intense, avec 104 sorties au cours de la première semaine d’octobre 2020, parmi lesquelles 32 sorties d’avions de chasse, 33 sorties pour des missions de renseignement et 39 missions de transport ou de ravitaillement, depuis les bases aériennes projetées de Niamey et N’Djamena ou les divers postes avancés. L’armée de l’air y exerce donc un large panel de missions, d’autant plus que la forte élongation des théâtres rend les moyens aériens incontournables. Depuis la fin de l’année 2019, l’armée de l’air et de l’espace dispose d’une capacité supplémentaire avec l’armement des drones Reaper. Cette nouvelle capacité a été fortement utilisée, en complément de l’action des Mirage 2000-D. Lors de son audition devant la commission de la Défense, le 13 octobre 2020, le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace a indiqué que près de 40 frappes avaient été effectuées par les drones Reaper déployés au Sahel.

c.   En Europe

Enfin, en troisième lieu, l’armée de l’air et de l’espace a pris sa part dans les actions de réassurance mises en œuvre dans le cadre de l’OTAN au profit des États baltes. Du 30 avril au 31 août 2020, quatre Mirage 2000-5 de la base aérienne 116 de Luxeuil ont été déployés sur la base aérienne d’Amari, en Estonie, pour assurer la mission de police du ciel. Ainsi que l’indique le ministère des Armées, l’opération enhanced Air Policing (eAP) a mobilisé autour de 200 personnels, comprenant du personnel du service des essences des armées (SEA), de la brigade de gendarmerie de l’air (BGA), de l’escadre aérienne de commandement et conduite projetable (EAC2P), ainsi que des mécaniciens, des médecins et des pompiers, entre autres. Des personnels issus du commando parachutiste de l’air n° 20 (CPA20) ont également été déployés afin d’assurer la sécurité du détachement et de s’entraîner avec les forces estoniennes.

3.   Un impact sur la régénération organique de l’armée de l’air et de l’espace

La conjugaison de la crise sanitaire et du maintien d’un haut niveau d’engagement opérationnel a logiquement pesé sur la capacité de régénération organique de l’armée de l’air et de l’espace.

● De manière générale, l’activité semble avoir globalement été maîtrisée, en partie grâce à un plan de reprise progressive d’activité mis en place à compter du 11 mai, date de levée des mesures de confinement. Au total, le volume d’heures non réalisées en 2020 s’élèvera à 21 000 heures, soit 12 % des 183 000 heures prévues en loi de finances initiale. Ce déficit concerne avant tout les flottes d’avions de transport, hors A400M.

La sacralisation des missions opérationnelles et des opérations extérieures s’est toutefois faite au détriment de la formation des jeunes équipages et de l’entraînement aux missions les plus pointues, dites de « haut du spectre ». Selon les éléments fournis au rapporteur par le ministère des Armées, il en ressort une « érosion de l’aisance aéronautique et une fragilisation de la sécurité des vols » ([2]) dont nul ne peut satisfaire. De manière plus précise, la formation des jeunes pilotes de chasse a pris plusieurs mois de retard, rendant difficile la maîtrise de certaines compétences opérationnelles. S’agissant des équipes d’avions de transport et d’hélicoptères, les informations communiquées au rapporteur soulignent que la diminution de l’activité d’entraînement a causé une perte de savoir-faire opérationnel qui ne pourra être résorbée avant une à deux années.

● Ce phénomène d’éviction a été renforcé par le report ou l’annulation de nombreux exercices interalliés de préparation opérationnelle, nationaux et interalliés, dont la tenue est essentielle pour garantir la robustesse des forces aux missions de « haut du spectre ». D’après les informations recueillies par le rapporteur, 18 entraînements ont ainsi été annulés en France, soit 65 % des activités initialement prévues, à l’instar de l’exercice Atlantic Trident réunissant habituellement des éléments des forces aériennes américaines, britanniques et françaises. Ce taux atteint 95 % dès lors qu’il est question des exercices qui auraient dû se tenir à l’étranger. En outre, les mesures de confinement et les limitations des voyages internationaux ont eu pour conséquence l’annulation de formations devant se dérouler à l’étranger, particulièrement handicapante pour l’accès au simulateur d’Airbus situé en Espagne ou l’approfondissement de la formation des équipages de drones Reaper aux États-Unis.

Si la « dette organique » ainsi évoquée par le chef d’état-major de l’armée de l’air en mai dernier, lors de son audition devant la commission, a pu en partie être résorbée grâce à la reprogrammation d’une partie des entraînements annulés au second semestre de l’année 2020, il n’en demeure pas moins qu’il y a là un sujet de vigilance.

B.   Une armée de l’air en mutations

1.   La poursuite de la remontée en puissance capacitaire

Malgré la crise sanitaire et son impact sur l’activité de l’industrie de défense, l’année 2020 a aussi été celle, pour l’armée de l’air, de la poursuite de sa remontée en puissance.

a.   Le renouvellement des capacités se poursuit

Bien que membre de l’opposition, le rapporteur ne peut que saluer la continuité de l’effort fourni en faveur du renouvellement des capacités de l’armée de l’air et de l’espace, qu’il s’agit à présent d’illustrer par quelques exemples saillants.

● Premièrement, les capacités de surveillance et de reconnaissance ont été renforcées par la réception, dès le mois de janvier 2020, d’un premier système de drone Reaper au standard Block 5, une seconde livraison devant intervenir d’ici la fin de l’année 2020. En outre, le rétrofit des deux systèmes Reaper Block 1 actuellement en service vers le nouveau standard Block 5 ([3])  a été engagé. Depuis la livraison de deux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), la France dispose également d’une capacité patrimoniale en la matière. Cette dernière sera renforcée prochainement puisque la commande d’un troisième ALSR, d’ici la fin de l’année, est inscrite au plan de soutien au secteur aéronautique. Cet appareil devrait donc rejoindre les forces de manière anticipée, vers 2023. Enfin, la commande de quatre systèmes de drones MALE européen devrait également intervenir d’ici la fin de l’année.

● Deuxièmement, la modernisation de l’aviation de combat se poursuit. D’abord, s’agissant du Rafale, le standard F-3R est dorénavant pleinement opérationnel, les travaux de développement, d’intégration et d’industrialisation du standard F4 ont été lancés de même que les études de levée de risque pour la définition matérielle de la cinquième tranche de Rafale. S’agissant du Mirage 2000-D, un premier appareil rénové devrait être livré d’ici la fin de l’année. Enfin, s’agissant des équipements missionnels, l’armée de l’air et de l’espace devrait recevoir, d’ici la fin de l’année, six pods de désignation laser de nouvelle génération Talios et 55 missiles SCALP rénovés, contre 70 attendus initialement.

● Troisièmement, les capacités de transport tactique et de ravitaillement en vol ont également été confortées, avec la livraison du troisième A330 MRTT Phénix, auquel s’ajouteront d’ici la fin de l’année la livraison de deux des trois A330-200 de transport stratégique commandés dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique – d’occasion, ces deux appareils seront à termes convertis en MRTT. Le dix-septième A400M a été livré – ainsi qu’un hangar de maintenance dédié sur la base aérienne 123 d’Orléans –, de même qu’un premier C130H modernisé, auquel ont été adjoints des spécifications propres à la conduite d’opérations spéciales, ainsi que le quatrième et dernier avion de transport C130J, voué à rejoindre l’escadron bilatéral franco-allemand qui s’installera sur la base aérienne 105 d’Évreux d’ici la fin de l’année 2021.

● Quatrièmement, la composante héliportée de l’armée de l’air bénéficiera des mesures du plan de soutien au secteur aéronautique, puisque la commande de huit hélicoptères H225 Caracal devrait intervenir d’ici la fin de l’année, en vue d’une livraison à l’horizon 2023. Cette commande appelle deux commentaires. D’une part, il conviendra de s’assurer que les appareils seront dotés de l’ensemble des équipements missionnels leur permettant de remplir l’ensemble des missions qui pourraient leur être assignés. D’autre part, tout en saluant cette décision, qui permettra d’engager le renouvellement de la flotte vieillissante de Puma, le rapporteur souligne que douze appareils resteront à être remplacés, selon des modalités qu’il reste à définir. À ses yeux, il serait regrettable de ne pas saisir l’opportunité des mesures de relance pour remplacer en une fois l’ensemble de la flotte, ce qui permettrait de disposer, à terme, d’une flotte homogène. Ainsi qu’il l’avait relevé, avec son collègue Jean-Pierre Cubertafon, dans le cadre d’un récent rapport sur les hélicoptères des armées ([4]) , une solution de location-acquisition de douze appareils complémentaires, séduisante en théorie, ne correspond guère à une gestion de bon père de famille. Au-delà des hélicoptères de manœuvre, il convient également de noter que devrait intervenir, d’ici la fin de l’année, la commande du remplacement des caméras thermiques des hélicoptères Fennec, essentielle au renforcement de la posture permanente de sûreté aérienne, en vue d’une livraison en 2022.

● Enfin, cinquièmement, les capacités de commandement et de conduite des opérations aérospatiales continuent d’être modernisées, au travers du traitement des obsolescences majeures des systèmes projetables MARTHA et GIRAFFE et de la livraison de deux radars de haute et moyenne altitude rénovés e d’un radar tactique 3D.

● Si la crise sanitaire et les mesures de relance décidées pour juguler ses effets économiques ont, de manière imprévue, contribué à accélérer certaines actions de modernisation prévue par la programmation 2019-2025, l’arrêt brutal de l’activité industrielle au printemps 2020 et ses conséquences ont également eu pour effet de reporter certaines commandes ou livraisons.

Une partie des retards constatés au plus fort de la crise ont d’ores et déjà été résorbés, à l’instar de la livraison du dernier système Reaper. Toutefois, au titre des retards, il convient notamment de noter que l’ensemble des opérations de modernisation du système SCCOA ont été reportées, alors qu’auraient dû être livrés un radar GM406 sur la base aérienne 742 de Lyon Mont-Verdun ainsi que les premiers radars GM200.

b.   Des inquiétudes sur le maintien en condition opérationnelle du fait de la crise

● Comme chaque année, une rapide lecture des objectifs et indicateurs mentionnés par le projet annuel de performance de la mission « Défense » met en lumière les fragilités de nos forces en raison d’une trop faible disponibilité des équipements. Ainsi, s’agissant de la fonction « protection », pour laquelle l’armée de l’air doit être apte à réaliser un engagement majeur sous six mois, la prévision de satisfaction du contrat opérationnel est fixée à 75 %, soit 15 points de moins que pour l’armée de terre et 19 points de moins que pour la marine. Si, selon l’adage, comparaison n’est pas raison, il convient de noter que l’amélioration des taux constatée pour les autres armées s’explique notamment par l’accroissement de la disponibilité des équipements alors que, s’agissant de l’armée de l’air, si le taux gagne dix points d’une année sur l’autre, « la faible disponibilité de plusieurs équipements de missions majeurs et nécessaires dans le cadre d’une intervention continue de limiter la progression de l’indicateur » ([5]) .

Toutefois, de manière globale, la tendance est à l’amélioration des niveaux de disponibilité. Ainsi, les taux de disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels présentés dans le PAP apparaissent plutôt satisfaisants, mis à part sur les flottes d’avions de transport tactique, qui constituent un point de vigilance. D’après le PAP, la moindre disponibilité de ces appareils s’explique par la conjugaison d’un manque de maturité des nouvelles flottes et de complications liées aux flottes vieillissantes (alourdissement de la charge d’entretien du C130H), auxquelles s’ajoute désormais la problématique logistique (attente de pièces).

La situation devrait donc s’améliorer, à l’avenir, à mesure de la concrétisation de la nouvelle démarche de verticalisation et de globalisation des contrats mise en place par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Les ressorts comme les attentes de la réforme du MCO aéronautique ont longuement été exposés par le rapporteur l’an dernier, ce qui explique qu’il n’y revienne pas en détail dans le présent avis.

● En revanche, si l’avenir est plein de promesses, la crise sanitaire n’a pas été sans effet sur le MCO aéronautique et la disponibilité des matériels. Si les difficultés rencontrées par les industriels pour maintenir leur activité de soutien ont été masquées par la capacité d’adaptation des forces et leur gestion des stocks existants, toutes les inquiétudes n’ont pas, à ce stade, été levées.

Dans un premier temps, la révision des rythmes d’activité des mécaniciens de l’armée de l’air, couplée à une réduction du nombre de vols et au ralentissement de certains chantiers a permis de maintenir un niveau de disponibilité satisfaisant. C’est à la réactivité du niveau de soutien opérationnel (NSO) et à la capacité des personnels à basculer d’un fonctionnement de temps de paix à un temps de crise que l’on le doit. En outre, la paralysie temporaire des acteurs industriels a souligné toute la pertinence de disposer d’un stock de pièces détachées suffisant.

Dans un second temps, les acteurs industriels ont pu rouvrir les usines et relancer l’activité, dans des conditions adaptées et négociées avec les partenaires sociaux. De manière schématique, l’interruption d’activité a ainsi porté sur une période d’une à deux semaines. Fort logiquement, leur capacité de production résiduelle s’est alors concentrée sur les chantiers à courte échéance, entraînant une profonde désorganisation des plannings d’entretien des autres chantiers.

● S’il convient de saluer la réactivité des acteurs industriels et la forte mobilisation de leurs personnels pour que les missions permanentes ne souffrent d’aucune interruption et garantir la continuité de l’activité opérationnelle, cette situation appelle plusieurs commentaires.

D’abord, le rapporteur s’étonne qu’à aucun moment il n’ait été question de ne pas faire peser sur l’industrie de défense les mêmes mesures de confinement que celles appliquées à l’ensemble du pays. Il s’agit pourtant d’activités stratégiques, et plusieurs de leurs représentants ont indiqué au rapporteur que la France était le seul pays où leur activité avait dû s’interrompre totalement.

Ensuite, la désorganisation issue de la crise sanitaire n’est pas sans impact sur les chantiers de rénovation des équipements et, en l’espèce, selon les informations recueillies par le rapporteur, la flotte d’avions de combat pourrait être la plus affectée.

Enfin, la remise à niveau des stocks fortement entamés pendant la crise sanitaire constitue un véritable point d’attention, alors que la persistance de fragilités d’ordre logistique pourrait perturber l’acheminement de pièces manquantes sur les aéronefs déjà immobilisés.

2.   Une nouvelle dimension : la création de l’armée de l’air et de l’espace

L’année 2020 a aussi été celle d’une évolution historique pour l’armée de l’air, devenue officiellement l’armée de l’air et de l’espace. Annoncée par le président de la République, le 13 juillet 2019, à l’occasion de son discours aux Armées, cette transformation historique s’est concrétisée le 24 juillet 2020.

La seconde partie du présent avis est consacrée à la montée en puissance de l’armée de l’air et de l’espace.

II.   Les crédits ouverts en PLF 2021 : une remontée en puissance qui ne résout pas toutes les questions

A.   Les crédits de la mission « Défense », une traduction fidèle de la LPM

1.   Présentation générale des crédits du programme 178 dévolus à l’armée de l’air

● Au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », les crédits alloués à l’armée de l’air sont inscrits à l’action 4 « Préparation des forces aériennes ». Ces crédits doivent permettent aux forces aériennes de conduire les missions qui leur sont assignées par la loi de programmation militaire et des contrats opérationnels définis par l’état-major des armées :

– la protection aérienne du territoire national et des populations grâce à leurs moyens de détection, d’identification et d’intervention dans son espace aérien et dans ses approches, sous la responsabilité du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes ;

– la dissuasion nucléaire au travers de la mise en œuvre de la composante aéroportée, sous la responsabilité du commandement des forces aériennes stratégiques ;

– l’intervention visant à protéger nos ressortissants, à défendre les intérêts de la France, à honorer nos alliances et à respecter nos engagements internationaux ;

– la prévention, mission pour laquelle l’armée de l’air doit être en mesure de fournir une capacité d’intervention rapide et à longue distance à partir de la métropole, mais aussi des territoires d’outre-mer et de l’étranger ;

– la connaissance et l’anticipation, fonction stratégique dans le cadre de laquelle l’armée de l’air assure au profit de la direction du renseignement militaire (DRM) et des autres armées, directions et services de nombreuses missions de recueil d’imagerie et d’écoute électronique. Elle apporte également le soutien de ses spécialistes dans les missions interarmées de renseignement, et intervient dans le domaine spatial.

● Les crédits de l’action 4 se répartissent en plusieurs sous-actions :

– la sous-action 2 « commandement et activités centralisées des forces aériennes », qui couvre le périmètre des organismes du niveau d’état-major d’armée dont le centre d’expertise aérienne militaire (CEAM) et toutes ses unités rattachées ou encore le service d’information et de relation publique de l’armée de l’air (SIRPA-Air). Ses crédits sont augmentations afin de poursuivre les efforts d’amélioration des conditions de travail des personnels et de répondre aux besoins en recrutement et formation ;

– la sous-action 3 « activités des forces aériennes », qui regroupe les unités du commandement des forces aériennes (CFA) et du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), implantés respectivement sur les bases aériennes 106 de Bordeaux-Mérignac et 942 de Lyon-Mont-Verdun ;

– la sous-action 4 « activités des forces aériennes stratégiques », qui regroupe l’ensemble des unités des forces aériennes stratégiques (FAS), c’est‑à‑dire la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire ;

– la sous-action 5 « ressources humaines des forces aériennes », qui regroupe la direction des ressources humaines de l’armée de l’air ainsi que les écoles et établissements ou centres d’enseignement ;

– la sous-action 6 « entretiens et équipements des forces aériennes », qui regroupe l’ensemble des moyens destinés à assurer la mise en œuvre et le soutien techniques des forces aériennes en optimisant la disponibilité des aéronefs et des moyens aéronautiques associés. Cette sous-action couvre ainsi une partie des activités du CFA, qui assure le niveau de soutien opérationnel des équipements aériens, et de la direction de la maintenance aéronautique. Elle concentre l’essentiel des augmentations en autorisations d’engagement (AE) ;

– la sous-action 11 « infrastructures aériennes », qui recouvre les dépenses pour la construction, la modernisation et le maintien en condition des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air, auparavant en partie inscrites au programme 212 ;

– la sous-action 12 « activités spatiales », qui retrace les crédits nécessaires à la montée en puissance du commandement de l’espace (CDE), créé le 3 septembre 2019 en remplacement du commandement interarmées de l’espace (CIE). Le CDE réunit à présent le centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS), situé sur la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun, le centre militaire d’observation par satellites (CMOS) et l’équipe de marque des programmes spatiaux, tous deux situés sur la base aérienne 110 de Creil. Dans le cadre du renforcement des synergies du ministère avec le CNES, ces formations ont vocation à rejoindre le centre spatial de Toulouse, l’échelon de direction-conception du CDE restant à Paris.

Il convient de noter la suppression, cette année, de la sous-action 9 « service industriel aéronautique », qui ne bénéficiait d’aucune dotation budgétaire, le paiement des factures correspondantes à l’entretien du matériel étant imputé sur la sous-action 6.

En PLF 2021, les crédits destinés à l’armée de l’air s’élèvent à 9 milliards d’euros en AE, contre 5 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2020, et 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Le montant proposé en CP est conforme à la programmation et globalement comparable au niveau de 2019, des crédits supplémentaires ayant été intégrés pour assurer le financement des besoins du commandement de l’espace. S’agissant des AE, leur forte augmentation s’explique par la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de MCO aéronautique, avec notamment l’engagement du contrat Ravel 2 pour l’entretien du moteur M88 du Rafale ou encore des contrats de maintenance du SCCOA et de la flotte de MRTT. Enfin, s’ajoutent 48 millions d’euros de ressources extrabudgétaires, provenant de cessions de moteurs Larzac des Alphajet ainsi que de cellules de mirage F1 et de C135.

 

 

 

 

CrÉdits de l’action 4 « PrÉparation des forces aÉriennes » du programme 178 pour 2021 par sous-action (en millions d’euros)

S/Action

Rubrique

AE
LFI 2020

AE
PLF 2021

CP
LFI 2020

CP
PLF 2021

SA 04-02

Commandement et activités centralisées des forces aériennes

18,6

20,6

(+ 11%)

15,5

20,2

(+ 30%)

SA 04-03

Activités des forces aériennes

282,6

262,5

(- 7%)

272,3

260,7

(- 4%)

SA 04-04

Activités des forces aériennes stratégiques

123,5

935,2

(+ 657%)

156,7

158,8

(+ 1%)

SA 04-05

Ressources humaines des forces aériennes

113,3

127,2

(+ 12%)

104,5

125,8

(+ 20%)

SA 04-06

Entretien et équipements des forces aériennes

4 344,5

7 550,4

(+ 74%)

1 693,0

1 784,3

(+ 5%)

SA 04-11

Infrastructures aériennes

158,9

84,4

(- 47%)

34,1

82,8

(+ 143%)

SA 04-12

Activités spatiales

5,3

26,2

(+395%)

5,2

25,7

(+ 395%)

TOTAL

5 046,6

9 006,5

(+ 78%)

2 281 ,3

2 458,3

(+ 8%)

Source : ministère des Armées.

2.   Présentation par nature et par opération stratégique

L’analyse de l’évolution des crédits par nature et par opération stratégique permet de suivre de manière plus fine l’évolution des ressources affectées à l’armée de l’air.

a.   Les dépenses de fonctionnement

L’agrégat budgétaire « fonctionnement » retrace les crédits affectés à deux opérations stratégiques : une opération « activités opérationnelles » et une activité « fonctionnement et activités spécifiques ». En PLF 2021, le montant de la dotation est de 462,27 millions d’euros en AE et 458,1 millions d’euros en CP.

● Premièrement, l’opération stratégique « activités opérationnelles » est dotée de 387,67 millions d’euros en AE et de 384,44 millions d’euros en CP, ce qui représente une hausse de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Cette relative stabilité ne reflète néanmoins pas les importants mouvements qui affectent les différentes opérations budgétaires.

Ainsi, l’opération budgétaire « activité et entraînement des forces » connaît une hausse de près de 50 % en CP, à hauteur de 119,44 millions d’euros, tandis que le niveau d’AE augmente également fortement, pour s’établir à 121,83 millions d’euros. Cette hausse s’explique avant tout par la poursuite de la montée en puissance du commandement de l’espace, qui s’accompagne d’un recours accru aux liaisons satellitaires, ainsi que par l’accroissement des besoins d’instruction et de formation externalisées sur de nouvelles flottes, à l’instar des MRTT et des C130J, ou la location d’heures de vol d’hélicoptères EC 225 civils destinée à compenser la faible disponibilité technique des EC 725 Caracal et à maintenir a minima les qualifications de base des équipages.

L’opération budgétaire « déplacements et transports », dotée d’environ 40 millions d’euros en AE comme en CP, connaît également une forte hausse, proportionnel à l’accroissement des missions du personnel, hors activités de formation, réalisées principalement dans le cadre des activités de préparation opérationnelle, ainsi que celles générées par les déménagements des unités et le transport opérationnel.

Par ailleurs, cette opération stratégique retrace également les crédits affectés aux opérations budgétaires relatives aux carburants opérationnels, en diminution constante en raison de la baisse de prix des carburants, estimé à 551 euros par mètre cube contre 628 euros en 2020.

● Deuxièmement, l’opération stratégique « fonctionnement et activités spécifiques » est dotée, en PLF 2021, de 74,61 millions d’euros en AE et de 73,66 millions d’euros en CP, ce qui correspond à une hausse de 36 % par rapport à l’année précédente. Celle-ci s’explique par l’évolution de la subvention pour charges de service public au profit de l’école de l’air, et des dépenses de recrutement et de formation.

De manière plus précise, cette opération stratégique est composée de trois opérations budgétaires :

– l’opération budgétaire « mobilité des personnels », globalement stable, avec 15,52 millions d’euros en AE et de 15,20 millions d’euros en CP, comporte les crédits destinés à financer les dépenses de transport de personnes et de mobilier dans le cadre des mutations de personnels civils et militaires de l’armée de l’air en métropole, outre-mer et à l’étranger ;

– l’opération budgétaire « soutien des ressources humaines » est en nette augmentation par rapport à l’an dernier, à hauteur de 29 % en AE et de 87 % en CP, soit respectivement 16,80 millions d’euros et 16,47 millions d’euros, afin d’accompagner la montée en puissance du commandement de l’espace. Cette opération budgétaire couvre en effet les dépenses de formation et d’instruction, ainsi que les divers frais de recrutement des personnels ;

– enfin, l’opération budgétaire « subventions et transferts », dotée de 26,23 millions d’euros en AE et en CP, retrace désormais les crédits de fonctionnement et d’investissement de l’école de l’air, ainsi que sa masse salariale. Cette évolution découle du changement de statut de l’établissement, devenu, le 1er janvier 2019, un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

b.   Les dépenses d’investissement

Les dépenses d’investissement se répartissent en quatre opérations stratégiques.

● Premièrement, l’opération stratégique « dissuasion », qui retrace les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels des forces aériennes stratégiques, c’est-à-dire les Rafale affectés à la mission de dissuasion, les ravitailleurs C135 et les avions de transport et de ravitaillement MRTT Phénix. Sa dotation prévisionnelle s’élève à 914,55 millions d’euros en AE et 138,1 millions d’euros en CP pour l’année 2021. L’évolution marquée des AE reflète les engagements pluriannuels prévus en 2021 s’agissant de la maintenance des A330 MRTT (800 millions d’euros) et des moteurs M88 du Rafale (2,4 milliards d’euros), dont une partie est imputée sur cette opération.

● Deuxièmement, l’opération stratégique « entretien programmé des matériels », qui regroupe les ressources affectées à l’entretien programmé des matériels conventionnels. Sa dotation prévisionnelle s’élève à 7,38 milliards d’euros en AE et 1,62 milliard d’euros en CP. De nouveau, la disproportion manifeste entre les crédits ouverts en AE et en CP s’explique par la mise en œuvre des nouveaux contrats de maintenance verticaux, globalisés et pluriannuels. Parmi les principaux contrats, citons notamment, outre le contrat Ravel 2 évoqué ci-dessus, le contrat de maintenance du SCCOA, pour un montant d’1,62 milliards d’euros, un complément pour le contrat d’entretien de la flotte de Mirage 2000, à hauteur de 726 millions d’euros, le contrat d’entretien de la flotte Reaper, à hauteur de 270 millions d’euros ou encore un contrat relatif à l’A400M, comprenant notamment les opérations de soutien du moteur, pour un montant de 360 millions d’euros.

De manière plus précise, l’essentiel des ressources est affecté à l’opération budgétaire « entretien programmé des matériels des flottes aériennes », dotée de 7,224 milliards d’euros en AE et 1,462 milliard d’euros en CP. On notera notamment, pour les AE, les lignes suivantes : 512,40 millions d’euros pour les avions de combat, 293,54 millions d’euros pour la flotte d’avions de transport tactique, 166,87 millions d’euros pour la flotte d’avions d’appui opérationnel et à usage gouvernemental, 151,98 millions d’euros pour les systèmes d’information, 119,11 millions d’euros pour les hélicoptères, 116,36 millions d’euros pour la flotte d’avions‑écoles, 61,04 millions d’euros pour les flottes externalisées, 38,12 millions d’euros pour des opérations de soutien transverse, 3,21 millions d’euros pour les systèmes de drones.

Les autres opérations budgétaires bénéficient de dotations plus modestes :

– l’opération budgétaire « EPM des munitions aériennes », est dotée de 104,25 millions d’euros en AE et de 120,91 millions d’euros en CP ;

– l’opération budgétaire « EPM du matériel terrestre », qui concerne l’entretien du matériel terrestre de l’armée de l’air, est dotée de 46,93 millions d’euros en AE et 30,33 millions d’euros en CP ;

– l’opération budgétaire « démantèlement milieu aérien », qui couvre le financement des activités de démantèlement sur le site de Châteaudun, est dotée de 11,6 millions d’euros en AE et de 10,94 millions d’euros en CP, en augmentation afin de finaliser les opérations de fermeture du site ;

● Troisièmement, l’opération stratégique « équipements d’accompagnement », qui regroupe l’ensemble des ressources destinées à l’acquisition et au suivi des petits équipements, des matériels de maintenance, des véhicules spécialisés ou au financement du renouvellement des munitions. En PLF 2021, elle est dotée de 159,4 millions d’euros en AE et de 156,27 millions d’euros en CP, ce qui représente une hausse de l’ordre de 16 %, évolution conforme à la trajectoire inscrite en LPM.

● Quatrièmement, enfin, l’opération stratégique « infrastructures » retrace les crédits nécessaires à la construction et à l’entretien des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air, portés jusqu’en 2019 par le programme 212. Cette opération est dotée de près de 82,3 millions d’euros en AE et 80 millions d’euros en CP et permettra de financer la construction d’un bâtiment au profit de l’escadron de protection à Istres, la poursuite de la réhabilitation et de l’adaptation des aires aéronautiques de la base aérienne d’Avord, l’accueil de la permanence opérationnelle à Évreux et la mise à niveau et l’extension du système incendie et de sécurité et de protection à Lyon Mont-Verdun.

3.   Les autres crédits de la mission « Défense » consacrés à l’armée de l’air

Si le présent avis porte essentiellement sur les ressources inscrites au sein du programme 178, il a semblé utile au rapporteur de présenter à grands traits l’ensemble de l’effort budgétaire au profit des forces aériennes. Afin de ne pas outrepasser la mission qui lui a été confiée, il se propose de simplement évoquer quelques points saillants permettant d’illustrer la diversité des actions concernées.

● Premièrement, concernant le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », une part des ressources affectées aux études amont, dont les crédits sont retracés au sein de la sous-action 3 de l’action 7, se rapporte directement aux forces aériennes. De manière plus précise, l’opération budgétaire « aéronautique et missiles », dotée de 328,5 millions d’euros en AE et de 229 millions d’euros en CP, permettra de continuer à financer les études de maturation des différentes briques technologiques qui seront utilisées par les aéronefs qui composeront le SCAF. De même, des travaux concernent l’amélioration de la survivabilité des hélicoptères et aéronefs de transport. S’agissant des missiles, outre la poursuite des études sur le successeur du SCALP dans le cadre du programme franco-britannique Futur missile anti-navire/Futur missile de croisière, l’année 2020 verra également la poursuite de travaux en matière de combat aérien. Quant à elle, l’opération budgétaire « spatial », dotée de 63,5 millions d’euros en AE et de 42 millions d’euros en CP, portera le financement d’études relatives à l’amélioration des capacités de surveillance depuis le sol et l’espace, centrée sur la connaissance de la situation spatiale, qui faciliteront l’émergence d’une capacité de défense active dans l’espace.

● Deuxièmement, le programme 146 « Équipement des forces » retrace les financements liés à l’acquisition de nouvelles capacités. Pour l’armée de l’air, l’année 2021 devrait ainsi être marquée par la mise en service de la panoplie complète d’armement du Reaper Block 5, armé de la GBU49 et du missile Hellfire, la livraison de dix Mirage 2000D rénovés, la livraison de 14 pods Talios et la commande de dix antennes radar AESA pour le Rafale, ainsi que de 367 missiles MICA NG, la livraison d’un A400M, de deux C130H modernisés et de trois MRTT Phénix, mais également par une profonde modernisation du SCCOA et un grand nombre de capacités spatiales.

● Troisièmement, le programme 212 « Soutien de la politique de défense » retrace un certain nombre de crédits intéressant directement l’armée de l’air. C’est notamment le cas de l’opération budgétaire « restructurations des sites ». Les principaux investissements prévus en 2021 concernent la base aérienne 133 de Nancy-Ochey, où seront conduits des travaux relatifs à l’accueil du Mirage 2000B et d’un simulateur, pour 7 millions d’euros, et la base aérienne 120 de Cazaux pour 1,01 millions d’euros, afin d’achever l’installation de l’escadron d’entraînement 2/2 Côte d’Or en provenance la base aérienne de Dijon, qui a été dissoute. Ainsi qu’il l’a été indiqué précédemment, les crédits relatifs au financement des infrastructures d’accueil des nouveaux équipements sont dorénavant inscrits au programme 178.

B.   2021, une année charnière

1.   À l’approche de l’actualisation de la programmation, la persistance de fragilités capacitaires ne doit pas être occultée

Si la remontée en puissance des capacités de l’armée de l’air et de l’espace est manifeste, elle ne doit pas masquer la persistance de fragilités auxquelles il pourrait en partie être remédié dans le cadre de l’actualisation de la programmation militaire, prévue par l’article 7 de la LPM d’ici la fin de l’année 2021. Alors que les mesures de sauvegarde et de relance mises en œuvre en réponse à la crise sanitaire sont autant de contraintes financières, il ne s’agit pas de dresser une liste de programmes à la Prévert, mais de pointer les manques qui, au regard de l’évolution du contexte stratégique, pourraient se révéler préjudiciables au maintien de notre liberté d’action comme de notre place sur la scène internationale. Du reste, le rapporteur se montrera avant tout vigilant quant à la bonne exécution de la LPM.

● Premièrement, l’actualisation de la programmation pourrait permettre de poursuivre la modernisation capacitaire de l’armée de l’air et de l’espace. Cinq grands domaines apparaissent prioritaires au rapporteur :

– en premier lieu, alors qu’à l’horizon 2025, un quart de la flotte d’avions de combat sera dépourvu de capacité de combat air-air, il est indispensable d’intensifier la modernisation de l’aviation de chasse, au travers de la commande d’équipements missionnels supplémentaires, en particulier les pods Talios, de la poursuite des travaux sur les futurs standards du Rafale et, au-delà, du SCAF, ainsi que de l’installation d’un centre de simulation de Rafale sur la base aérienne d’Orange. Au-delà, il convient également de mener à son terme le programme MENTOR de modernisation de la formation des équipages de l’armée de l’air, ce qui suppose d’acquérir des avions de formation PC-21 supplémentaire pour la base aérienne de Cognac.

En outre, il conviendra de préciser les modalités de recomplètement de la flotte Rafale, afin de compenser le prélèvement de douze appareils au profit de la Grèce. En effet, s’il convient de se réjouir de la décision des autorités grecques de commander 18 Rafale – dont douze d’occasion – il est tout autant indispensable de veiller à ce que l’armée de l’air et de l’espace ne pâtisse pas de la réduction du nombre de ses appareils en parc. Certes, la ministre des Armées a annoncé, devant la commission, la commande de douze appareils neufs, et ce d’ici la fin de l’année. Toutefois, incertitudes demeurent quant aux modalités de financement de cette commande – non prévue en PLF – d’autant que rien ne garantit, à ce stade, que les 400 millions d’euros issus de la cession de ces appareils d’occasion abondent le budget du ministère des Armées. Il y a là un sujet d’attention majeur ;

– en deuxième lieu, le renouvellement et l’homogénéisation de la flotte d’avion de transport doivent être poursuivis, en travaillant à l’unification de la flotte d’avion Falcon, en adaptant l’avionique des Casa aux normes du ciel unique européen et en lançant les travaux sur le futur cargo tactique médian (FCTM) destiné à remplacer à la fois les Casa et les C130H à l’horizon 2030-2035 ;

– en troisième lieu, la composante héliportée de l’armée de l’air fait face à plusieurs défis : achèvement du remplacement de la flotte vieillissante de Puma, lancement des travaux sur le standard 2 du Caracal, définition des spécifications propres à l’armée de l’air pour l’hélicoptère Guépard – adjonction d’une perche de ravitaillement en vol et liaison 16 ;

– en quatrième lieu, la modernisation du SCCOA et, de manière complémentaire, la constitution d’une capacité de lutte anti-drones robuste ;

– en cinquième lieu, enfin, la reconstitution des stocks de munitions au « juste niveau » ainsi que la définition des armements futurs.

● Deuxièmement, l’actualisation de la programmation devra être l’occasion de s’assurer de la cohérence entre les programmes capacitaires et les besoins d’infrastructures associés. À titre d’exemple, le renouveau des flottes de transport et l’entrée en service des A400M et des C130J doit s’accompagner d’importants travaux de modernisation et de construction de hangars de maintenance sur les bases aériennes d’Orléans et d’Évreux. De même, la base aérienne de Cognac doit poursuivre sa transformation afin d’accompagner son expansion du fait de la réforme de la formation des pilotes et de la montée en puissance des drones et autres appareils de surveillance et de reconnaissance.

● Troisièmement, l’amélioration des conditions d’exercice de leur métier par les personnels, gage d’attractivité et de fidélisation, doit constituer un axe fort de l’actualisation. Plus largement, il s’agit de veiller à ce que la trajectoire des ressources humaines prévue par la LPM soit respectée. Pour l’armée de l’air et de l’espace, 1 246 postes supplémentaires sont prévus sur la période de la programmation, dont les trois-quarts en 2024 et 2025. Alors même que l’exercice d’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) a prévu de rehausser la cible de recrutements à hauteur de 341 postes supplémentaires, dont 192 au profit du commandement de l’espace et 165 dans le domaine du MCO, il est indispensable de conforter cette trajectoire.

2.   L’heure de vérité pour les programmes conduits en coopération

Si le programme de drone MALE européen arrive à son terme et que chacun en salue le succès, deux programmes structurants pour l’armée de l’air et de l’espace devront franchir d’importants jalons au cours de l’année 2021.

a.   Le système de combat aérien du futur

Initiée lors du conseil des ministres franco-allemand de 2017, élargie puis renforcée à la suite de la signature de d’un accord-cadre par la France, l’Allemagne et l’Espagne lors du salon du Bourget 2019, le système de combat aérien du futur s’articule autour d’un aéronef de nouvelle génération, autour duquel évolueront différents objets aériens plus ou moins autonomes – les remote carriers – susceptibles de remplir différentes missions, allant de l’entrée en premier et de la destruction des défense aérienne à la protection de l’appareil principal. Système de systèmes, le SCAF reposera sur un ensemble d’équipements interconnectés au sein d’un cloud de combat, et remplacera, à l’horizon 2040, les Rafale français et les Eurofighter espagnols et allemands. L’accord-cadre évoqué ci-dessus fixe une feuille de route pour la conduite d’activités de recherche et technologie et de démonstrateur, selon un calendrier s’étalant jusqu’en 2030.

À ce jour, l’avancement du programme apparaît plutôt satisfaisant, en particulier sur le plan opérationnel grâce à des échanges réguliers entre les chefs d’état-major et leurs équipes. Sur le plan industriel, des premières études d’architecture ont été engagées au début de l’année 2019, et se poursuivent de manière fructueuse. De même, des travaux de recherche et technologie ont été lancés en février 2020, pour une période de 18 mois sur cinq des sept piliers technologiques identifiés, à savoir l’avion de nouvelle génération, le moteur, le cloud de combat, les remote carriers et les démonstrations des architectures en laboratoire. Le lancement des travaux sur les deux autres piliers – capteurs et haute furtivité – est, à l’heure de la rédaction du présent rapport, encore en attente.

Dans ce contexte, il est urgent de finaliser la signature d’un contrat tripartite permettant de lancer dès 2021 les travaux de réalisation d’un démonstrateur à l’horizon de 2026, sans quoi cette échéance ne pourrait être respectée. Or, la proximité des élections générales allemandes, prévues en septembre 2021, puis des élections présidentielle et législatives françaises de 2022, impose d’avancer rapidement, d’autant que cet accord intergouvernemental devra faire l’objet d’une ratification du Bundestag. Pour l’heure, il semble que les discussions entre les trois parties prenantes achoppent sur l’écueil du financement de ces travaux. La rencontre bilatérale entre Mme Florence Parly, ministre des Armées, et son homologue allemande Annegret Kramp-Karrenbauer, le 17 septembre dernier, donne l’espoir d’un achèvement rapide des discussions. Il convient de s’en assurer, au risque de mettre en péril l’ensemble du programme.

b.   Le successeur du SCALP

Lancé dans le cadre des accords de Lancaster House, le programme de futur missile anti-navires/futur missile de croisière (FMAN/FMC), s’inscrit dans le cadre de la coopération bilatérale engagée dans le secteur des missiles dès les années 1990, avec le lancement du programme SCALP/Storm Shadow. Pour l’armée de l’air et de l’espace, ce programme vise à disposer d’une capacité de frappe permettant d’atteindre les défenses aériennes ainsi que des objectifs durcis dans la profondeur du dispositif adverse, capacité prenant ainsi la suite des missiles SCALP à l’horizon 2030.

Comme l’indiquait dans un rapport parlementaire conjoint avec la Chambre des communes Mme Natalia Pouzyreff et M. Charles de la Verpillière, « afin d’assurer un haut niveau de performance des futurs missiles, de nombreuses améliorations touchant la portée, la vitesse, la furtivité, la manœuvrabilité ou encore la connectivité sont actuellement à l’étude, dans le cadre d’une phase de concept conduite par MBDA » ([6]). Lancés en 2017, ces travaux devaient initialement déboucher sur une phase de conception, de développement et de production du futur missile, qui devait débuter en 2020.

Or, il semblerait que les discussions achoppent sur le choix entre une arme subsonique furtive, option privilégiée par les Britanniques, et une arme supersonique manœuvrante, option ayant les faveurs de la France. D’aucuns estiment d’ailleurs que deux missiles distincts seront construits. Cette tension n’est pas surprenante, la capacité de nos pays à s’accorder sur l’option technologique à retenir pour ces futurs missiles avait déjà été identifiée comme l’un des principaux défis pour la réussite du programme.

Quoiqu’il en soit, il est indispensable d’avancer et de respecter les jalons actuellement définis, c’est-à-dire de lancer la phase de conception l’an prochain, afin de débuter le développement de ces capacités en 2024, condition sine qua non d’une mise en service à l’horizon 2030. Dans ce contexte, le dixième anniversaire des accords de Lancaster House pourrait être l’occasion de donner une nouvelle impulsion à ce programme.

 


 

   Seconde partie : le commandement de l’espace au cœur de la nouvelle stratégie spatiale de défense

Le 24 juillet 2020, l’armée de l’air est officiellement devenue l’armée de l’air et de l’espace. Cette évolution historique vient concrétiser l’annonce formulée par le président de la République un an auparavant, à l’occasion de son discours aux armées prononcé le 13 juillet 2019. Dans le même temps, le chef de l’État annonçait la création d’un « grand commandement de l’espace », au sein de l’armée de l’air, chargé de donner corps à la nouvelle stratégie spatiale de défense et d’assurer « le développement et le renforcement de nos capacités spatiale » ([7]).

Créé par arrêté le 3 septembre 2019 ([8]), le commandement de l’espace (CDE) se trouve ainsi au cœur de la nouvelle stratégie spatiale de défense, dont les grandes orientations ont été présentées par la ministre des Armées le 25 juillet de la même année ([9]). Prenant la suite du commandement interarmées de l’espace (CIE), créé par arrêté en 2010 ([10]), dans la foulée de la publication du Livre blanc de 2008 ([11]), le CDE a ainsi pour mission de proposer et de mettre en œuvre la politique militaire spatiale, dans un contexte de bouleversement du paysage spatial.

Celui-ci est le fait de deux grandes évolutions.

D’une part, la progressive démocratisation de l’accès et de l’utilisation de l’espace, engagée au début du siècle : des sociétés commerciales sont devenues des acteurs majeurs, à l’instar de la société américaine SpaceX, incarnation du new space, tandis qu’un nombre croissant de pays développent des capacités militaires spatiales.

D’autre part, l’accroissement de la militarisation de l’espace, devenu un nouvel espace de conflictualité. Lors de son audition par le rapporteur pour avis, M. Jean-Yves Le Gall, président de Centre national d’études spatiales (CNES), a ainsi fait état d’un nombre conséquent d’événements survenus ces derniers mois en attestant. Le 15 avril, la Russie a procédé à un tir antisatellite depuis le sol. Une semaine plus tard, l’Iran a mis en orbite son premier satellite militaire. Puis, le 17 mai, la Space Force américaine a procédé au sixième lancement du mystérieux avion spatial militaire, connu sous le nom d’X 37B. Puis, en juillet, Kosmos 2542, un satellite russe en orbite basse, aurait libéré un objet animé d’une forte vitesse, présenté par les commentateurs spécialisés comme un projectile anti-satellite. Plus tôt dans l’année, en février, le même satellite avait déjà libéré un objet qui, selon le Pentagone, aurait manœuvré pour gêner un de ses satellites de renseignement. Enfin, au sortir de l’été, tout indique que la Chine aurait procédé à un vol d’essai d’un avion spatial proche du X 37B, qui serait resté en orbite basse deux jours, y aurait largué un objet et serait revenu se poser. Rappelons en outre que tout au long de cette période, le satellite butineur russe Luch-Olymp a poursuivi son activité sur l’orbite géostationnaire. C’est ce type d’événements, qualifiés par le général Michel Friedling, commandant de l’espace, de « préoccupants » lors de son audition devant la commission ([12]), qui a conduit la France à se doter d’une nouvelle stratégie spatiale.

Le présent avis ne porte pas sur la politique spatiale de défense dans son ensemble et n’a pas vocation à exposer les grands déterminants de la politique spatiale française. Ceux-ci ont été étudiés de manière approfondie par MM. Olivier Becht et Stéphane Trompille dans leur rapport sur le secteur spatial de défense ([13]). En revanche, le rapporteur pour avis se propose de rappeler les motivations de l’établissement d’une nouvelle stratégie spatiale, postérieure au rapport précité, de souligner la place centrale de l’armée de l’air et de l’espace et, en son sein, du CDE. De manière plus prospective, il s’agit également d’identifier les principaux enjeux de la montée en puissance du commandement de l’espace, tant d’un point de vue organique que d’un point de vue capacitaire.

I.   Jadis pionnière, la France a renouvelé sa stratégie de défense spatiale face à l’émergence de nouvelles menaces

A.   L’espace constitue de longue de date un enjeu de premier ordre pour les armées

1.   Les opérations militaires sont toujours plus dépendantes des moyens spatiaux

La militarisation de l’espace est ancienne, et la conduite des opérations militaires est chaque jour davantage dépendante des moyens spatiaux. Ainsi que l’a indiqué au rapporteur pour avis M. Jean-Yves Le Gall, la défense a bénéficié de la recherche spatiale et du développement des premiers moyens spatiaux dès la fin des années 1950, ne serait-ce qu’en raison de la dualité entre le programme d’accès à l’espace et la réalisation du missile balistique pour la composante océanique de la dissuasion. Aujourd’hui encore, la visite des chaînes d’assemblage des lanceurs Ariane et du missile balistique M51 sur le site d’ArianeGroup des Mureaux atteste de cette parfaite complémentarité.

Au-delà, les armées ont accédé aux télécommunications spatiales et le renseignement militaire bénéficie à plein de l’imagerie spatiale, tandis que les moyens spatiaux sont essentiels pour assurer l’efficacité des systèmes d’armes. Les armées utilisent ainsi l’espace à des fins de veille stratégique et d’appui opérationnel dans les domaines de l’observation de la Terre, de l’écoute spatiale et des télécommunications, auxquels s’ajoutent aujourd’hui le positionnement, la navigation et la datation par satellite.

S’étant rendu à plusieurs reprises à la rencontre des personnels du centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS), le rapporteur pour avis s’est ainsi fait expliquer que celui-ci pouvait ainsi évaluer la fiabilité du signal GPS et, ce faisant, conseiller le commandement sur le tempo d’une opération. De même, le COSMOS a développé des outils d’analyse de la météorologie de l’espace, lui permettant d’identifier ses éventuels effets perturbateurs sur la dynamique des satellites et la disponibilité des plages de fréquences.

De même, ainsi que le souligne la Stratégie spatiale de défense, les moyens spatiaux répondront également à d’autres besoins dans les domaines de la prévention et de la protection du territoire et des intérêts nationaux, notamment au travers des dispositifs d’alerte avancée et de la surveillance maritime ([14]) .

La contribution des moyens spatiaux aux opérations continuera de s’intensifier à l’avenir en raison de la constante numérisation du champ de bataille, qui s’accompagnera d’une demande croissante des besoins en bande passante.

2.   La France dispose de capacités spatiales militaires de premier plan

Au-delà des capacités de lancement souveraines qui octroient à la France un accès indépendant à l’espace – centre spatial guyanais (CSG) et programmes Ariane successifs –, les armées bénéficient de deux grands types de capacités spatiales.

a.   Une large gamme de satellites militaires

Les satellites militaires auxquels les armées ont accès participent activement à la fonction stratégique « connaissance et anticipation ». Lors de son déplacement au Centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales (C3OS), situé à Balard, le rapporteur pour avis s’est fait expliquer par le général Michel Friedling que les capacités satellitaires s’organisaient en cercles concentriques, dans lesquels on distingue :

‒ un « cœur souverain », avec les satellites Hélios et Syracuse et, dès à présent, les premiers systèmes CSO ;

‒ un « noyau élargi » développé et exploité en coopération ;

‒ un « noyau étendu », pour des applications dont le niveau de criticité n’est pas incompatible avec une ouverture au secteur commercial.

L’ensemble des moyens satellitaires auxquels ont accès les armées est présenté dans le tableau suivant.

 

 

 

 

 

 

 


—  1  —

 

Systèmes actuels de satellites utilisés par les Armées

Dénomination

Usage

Caractéristiques

Dates

de lancement

Durée de service initialement prévue

et fin de service (si fixée)

Enjeux de renouvellement

Systèmes patrimoniaux

HELIOS 2A et 2B

Observation

Satellites LEO([15]) optiques en THR([16]) (visible et infra-rouge) opéré par le CNES, le CDE et la DRM

2004

2009

10 ans

Décembre 2021

En cours de remplacement par le système CSO

CSO 1, 2 et 3

Observation

Satellites LEO optiques (visible et infra-rouge)

en mode THR (CSO 1 et 3) et EHR([17]) (CSO 2) opéré par le CNES, le CDE et la DRM

2018

2020

2021

10 ans

Remplacé par le système IRIS à l’horizon 2028

ELISA([18])

Écoute

Constellation de démonstration pré-opérationnelle LEO de 4 satellites ELINT([19]) opérée par la DGA et la DRM

2011

3 ans

mi-2021

Remplacé par le système CERES à l’horizon 2022

SYRACUSE([20]) III (Satellites 3A et 3B)

Télécommunications

Satellites militaires GEO[21] en bande X et EHF opérés par Telespazio et la DIRISI. Capacité constituant le noyau dur SATCOM (souverain, robuste, résilient et à accès garanti).

2005

2006

12 à 15 ans

2020 et 2021

La durée de vie des satellites 3A et 3B sera étendue pour attendre leur remplacement par les satellites 4A et 4B du système SYRACUSE IV.

ATHENA-FIDUS

Télécommunications

Satellite dual GEO en bande Ka franco-italien opérée par Telespazio et la DIRISI. Capacité constituant le noyau étendu SATCOM (souverain et à accès garanti).

2014

15 ans

2029

Les options de remplacement de cette capacité noyau étendu sont étudiées dans le cadre du programme fédérateur SYRACUSE IV.

 

Systèmes duaux (capacité commerciale et accès défense)

PLEIADES 1A et 1B (Airbus DS)

 

Observation

2 satellites de haute résolution (HR) opérés par le CNES par délégation de service public

2011

2012

5 ans

Fin 2024

Certainement compensé par des accès aux capacités PLEIADES Néo et CO3D

Systèmes étrangers accessibles à la France

SAR-Lupe (Allemagne)

 

Observation

5 satellites radar militaires

2006-2008

10 ans

Remplacé par le système SARah à l’horizon 2022.

Négociations en cours pour prolonger l’accès au-delà de fin 2020([22])

COSMO([23])-SkyMed (Italie)

 

Observation

4 satellites radar à usage dual

2007 à 2010

5 ans

Remplacé par le système CSG à l’horizon 2023. Recherche de solution pour disposer de l’imagerie radar italienne au-delà de 2020([24])

SICRAL (Sistema Italiana di Comunicazione Riservente ALlarmi) 2 (Italie)

Télécommunications

Capacité gouvernementale en bande X et UHF, embarquant une charge utile française en bande X (participant à la capacité noyau dur SATCOM) et permettant également l’accès permanent à un canal UHF italien.

2015

15 ans

 

Autres services spatiaux accessibles à la France

TRIMARAN 2 (Airbus &Telespazio)

Observation

Contrat de service de la Marine via un consortium

2016

2020

 

Imagerie commerciale

Observation

Accès via un Point de Contact Défense au CDE/CMOS

/

Structure permanente

 

COPERNICUS (UE)

Observation

Capacité reposant sur les satellites Sentinel

1998([25])

2055

 

OER([26]) puis service

Écoute

Expérimentation puis probable contrat de service de la Marine nationale

2019

(1 satellite)

2020

(3 satellites)

 

Réduire partiellement le trou capacitaire entre ELISA (retrait mi-2021) et CERES (courant 2022)

ASTEL S (opérateurs commerciaux)

Télécommunications

Accord cadre interministériel (géré par la DIRISI pour le MINARM) découpé en différents lots permettant l’acquisition de ressources et de services SATCOM commerciaux. Capacité constituant le noyau augmenté SATCOM (capacité commerciale apportant un complément de débit et de couverture) en complément des ressources patrimoniales du noyau dur et du noyau étendu.

ASTEL S4

2018

4 ans renouvelables

Renouvellement portant à la fois sur la nature et les titulaires des lots.

Ressources SATCOM OTAN (opérateurs militaires).

Télécommunications

Dans le cadre de missions ou exercices OTAN, l’organisation met à disposition de ses États membres de la  ressource SATCOM acquise auprès de certains États membres fournisseurs (via le CP130 auquel la France participe en vendant de la capacité SYRACUSE).

CP130

2020

15 ans

Le CP130 a remplacé au 1er janvier 2020 le précédent contrat NSP2K.

GOVSATCOM Agence européenne de la défense (AED - ressources gouvernementales).

Télécommunications

Dans le cadre d’activités de défense et de sécurité au profit de l’UE ou à des fins nationales, l’AED met en œuvre un guichet de Pooling & Sharing de ressource spatiale gouvernementale. Ce guichet formalise la relation client / prestataire entre des États membres demandeurs achetant de la ressource spatiale à des États membres fournisseurs (dont fait partie la France avec de la ressource ATHENA FIDUS).

2019

2 ans

Le guichet de Pooling & Sharing de l’AED constitue un démonstrateur au profit de l’Union Européenne qui mettra en place son propre guichet dans le cadre du Programme Spatial Européen à compter de 2021.

EU SATCOM MARKET (AED) (ressources commerciales).

Télécommunications

Contrat-cadre entre l’AED et un opérateur SATCOM mettant en place un guichet permettant aux États membres d’acquérir de la ressource SATCOM commerciale (capacité et services) pour des activités au profit de l’Europe ou à des fins nationales, tout en bénéficiant de tarifs optimisés et de conseils technico-opérationnels.

2012

4 ans renouvelables (titulaire actuel : ADS-MARLINK renouvelé en janvier 2020).

 


—  1  —

 

b.   Les moyens souverains de surveillance de l’espace.

La France fait partie des rares puissances à être capables d’établir une « situation spatiale » au moins partielle, c’est-à-dire un état des lieux de l’espace à un moment donné. La surveillance des objets spatiaux, définis comme des corps artificiels ayant au moins fait une fois le tour de la Terre – ce qui écarte les objets balistiques – revêt un enjeu particulier du fait de leur vitesse de déplacement, qui peut atteindre jusqu’à plusieurs kilomètres par seconde selon l’orbite. De plus, de nouveaux objets à propulsion électrique peuvent suivre des orbites différentes au fil du temps, complexifiant leur suivi.

La surveillance de l’espace fait appel à différents types de moyens visant, d’une part, à observer l’espace et, d’autre part, à cataloguer les objets spatiaux. De manière plus générale, il s’agit ainsi de détecter des objets, de déterminer leur trajectoire et leur but opérationnel.

La mission de surveillance de l’espace est mise en œuvre, pour le compte des armées, par le COSMOS, qui constitue ainsi, selon son commandant, le lieutenant-colonel Thierry Cattaneo ([27]), le « C2 » – commandement et contrôle – des opérations de surveillance de l’espace ([28]).

Les opérations de surveillance permettent d’identifier certains objets pour lesquels les opérateurs souhaiteraient conserver une certaine discrétion, ainsi que d’anticiper des actions de type militaire, un rapprochement de satellite pouvant avoir pour but de perturber son altitude ou son attitude, ou d’effectuer des opérations de renseignements.

À titre d’exemple, la révélation par la ministre des Armées lors de sa visite du centre du CNES de Toulouse, le 7 septembre 2018, des manœuvres d’espionnage du satellite russe Luch-Olymp à l’encontre du satellite franco-italien Athena-Fidus en 2017, découlent des observations du COSMOS. Ses personnels ont en effet remarqué que ce satellite, initialement et censément déployé afin d’assurer les transmissions au profit d’un groupe aéronaval russe, avait tendance à ralentir, voire à s’arrêter, dès lors qu’il approchait des satellites occidentaux. Ce comportement pouvait s’expliquer de deux manières : ou bien il s’agissait de « mettre à l’abri » le satellite de tout acte de guerre électronique en se mettant dans l’ombre d’un autre objet, ou bien ce satellite était équipé d’une charge utile de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) à des fins d’espionnage.

Les principaux moyens de surveillance de l’espace sont donc :

– un radar de détection et des radars de trajectographie de l’armée de l’air pour la surveillance des orbites basses ;

‒ les télescopes TAROT du CNRS, sur lesquels le CNES possède un droit de tirage, ainsi que les services acquis auprès d’Ariane Group, qui a développé son propre système de télescopes sous le nom de Geotracker ([29]). Ces moyens optroniques viennent utilement compléter les moyens radars, dans la mesure où les hauteurs auxquelles évoluent les satellites géostationnaires – 36 000 kilomètres – et les satellites de navigation – 20 000 kilomètres – ne permettant pas l’emploi de moyens radar ;

‒ des moyens encore limités d’analyse des données.

Le rapporteur pour avis concentrera ses développements sur les moyens radars mis en œuvre par l’armée de l’air, et en premier lieu sur le système GRAVES – grand réseau appliqué à la veille spatiale – développé par l’ONERA, faute, selon M. Bruno Sainjon, son président-directeur général, d’industriel intéressé. Ainsi que l’a expliqué au rapporteur M. Sainjon, le système GRAVES combine un radar de veille et des outils de traitement de pistage, de catalogage et d’analyse. Opérationnel depuis 2005, il apporte aux armées une capacité autonome d’élaboration de la situation spatiale en orbite basse pour les objets de la gamme du mini-satellite à 1 000 kilomètres d’altitude. Au cours des 15 dernières années, plus de 2 200 objets spatiaux ont été répertoriés à partir du système GRAVES, qui assure par ailleurs leur catalogage grâce à une fonction de veille et de traitement des données. Ainsi que l’a relevé M. Sainjon devant le rapporteur pour avis, l’existence de cette capacité offre à la France des bénéfices diplomatiques immédiats, les États-Unis ayant supprimé de la base de données publique du Space Command, dès la mise en service de GRAVES, les données relatives aux satellites militaires français, en contrepartie de la même discrétion française à l’égard des satellites militaires américains. Relevons, à ce propos, que la France s’est dotée, avec Graves, d’une capacité stratégique pour un coût modeste, le développement du système ayant coûté 30 millions d’euros.

Le système GRAVES fait l’objet d’un marché de rénovation à mi-vie engagé en novembre 2016, qui doit permettre de prolonger sa durée de vie jusqu’en 2030. Cette rénovation, consistant à remplacer certains composants et sous-systèmes, permettra aussi d’accroître certaines de ses performances, grâce à la modernisation du calculateur et des améliorations du bilan de liaison par densification des antennes de réception. Enfin, le système sera doté de nouvelles fonctions en matière d’analyse orbitale.

En deuxième lieu, l’armée de l’air opère trois radars de trajectographie appelés SATAM ‒ système automatique de trajectographie des avions et munitions – offrant une capacité de suivi de la trajectoire d’un objet en orbite basse avec encore davantage de précision que le système GRAVES. Ainsi que l’exposait le rapport d’information précité, les radars SATAM sont donc utilisés en complément du système GRAVES pour :

‒ affiner l’évaluation d’un risque de collision détecté par le système GRAVES et, si le risque est avéré, minimiser l’ampleur des manœuvres d’évitement, afin de préserver les ressources énergétiques des satellites ;

‒ trajectographier les objets en phase orbitale proche de la rentrée, à des fins de connaissance de la trajectoire dans un domaine où les logiques de traitement du GRAVES ne s’appliquent plus.

B.   L’accroissement des démonstrations de puissance a conduit à l’adoption d’une stratégie ambitieuse dans le domaine de la défense spatiale

1.   L’espace est plus que jamais devenu le théâtre d’affrontements de puissances, sources de nouvelles vulnérabilités

Lors de son audition par le rapporteur pour avis, M. Bruno Sainjon a relevé qu’au moment de la médiatisation, sous le nom de « guerre des étoiles », de l’initiative de défense stratégique américaine ([30]), nul n’estimait que l’état de la recherche et des moyens spatiaux pouvait laisser envisager l’éclatement d’une telle « guerre des étoiles ». Aujourd’hui, à l’inverse, nul ne contesterait que l’espace est devenu une nouvelle terre de conflictualité.

a.   L’espace, nouvelle terre de conflictualité

Avant même d’évoquer une éventuelle « arsenalisation » de l’espace, pas que certains commentateurs se refusent encore à franchir, force est de constater que l’espace est de plus en plus occupé, par un nombre croissant d’acteurs, tant publics que privés. Devant le rapporteur pour avis, M. Jean-Yves Le Gall a rappelé que l’on comptait aujourd’hui près de 70 agences spatiales, contre une quarantaine il y a dix ans, tandis que sur la même période, le nombre de satellites opérationnels avait doublé, celui de start-up du secteur étant multiplié par quinze. Le présent avis ne portant pas sur le secteur spatial en son ensemble, le rapporteur pour avis ne détaillera pas ce mouvement. Il convient toutefois de noter que l’émergence de nouveaux acteurs spatiaux n’est pas déconnectée du renforcement des tensions dans l’espace ou de sa militarisation. C’est ainsi que l’entreprise SpaceX a été retenue par les autorités américaines pour la conception, le développement et le lancement, à l’horizon de 2022, de quatre satellites capables de détecter des missiles, dont des missiles intercontinentaux ([31]) .

De manière plus générale, ainsi que l’a exposé au rapporteur M. Bruno Sainjon, l’évolution de la situation est à lire comme « la réaffirmation de l’espace comme milieu d’exercice de la puissance et symbole de souveraineté ». Il apparaît ainsi de plus en plus clairement que l’arsenalisation de l’espace ne relève plus de la science-fiction. Celle-ci désigne le placement sur orbite de systèmes susceptibles d’atteindre des objectifs sur la Terre ou en orbite, et non plus, comme au stade de la militarisation, de simples systèmes de soutien des opérations militaires.

Il ne fait plus guère de doute que diverses puissances spatiales développent des systèmes en mesure d’espionner, de neutraliser, de brouiller ou de détruire des systèmes spatiaux adverses. Les actions hostiles dans l’espace peuvent prendre différentes formes, avec des effets réversibles ou non, partiels ou complets, et peuvent s’appliquer sur les segments sol, les segments spatiaux, les moyens de communication, les systèmes embarqués ou les liaisons entre les segments sol et spatiaux. Elles peuvent se manifester par des attaques cybernétiques, par des actions de renseignement ou d’interception, par du brouillage électromagnétique, par la neutralisation voire la destruction à l’aide d’armes à énergie dirigée, de satellites saboteurs, kamikazes ou inspecteurs, ou des missiles antisatellites.

Ces développements technologiques et opérationnels méritent d’autant plus d’attention qu’en raison de la dualité des technologies spatiales, de telles actions pourraient être effectuées par des satellites ayant une apparence civile, rendant extrêmement difficile la caractérisation et l’attribution de l’acte hostile.

Dans ce contexte, le tableau ci-dessous retrace, à grands traits, l’état d’avancement des principales puissances spatiales partenaires ou compétitrices de la France, à partir des informations transmises au rapporteur pour avis.

Allemagne

Le prochain lancement des trois satellites de la constellation de renseignement spatial militaire SARah augmentera les capacités de l’Allemagne en matière d’observation radar, leur exploitation faisant déjà l’objet d’un accord d’échange avec les données issues de CSO 1, sur le fondement des accords de Schwerin ([32]) . Au-delà de cet accord, les autorités allemandes ont fait part de leur volonté de développer deux satellites optiques de haute résolution, pour un coût de 800 millions d’euros – lancements compris.

Pour rappel, le ministère de la défense allemand est responsable des programmes d’observation radar (SAR-Lupe et, demain, SARah) et optique (CSO, en partenariat avec la France), de communication sécurisée et de surveillance de l’espace.

L’armée de l’air allemande partage la tutelle du GSSAC (German space situational awareness centre) équivalent du COSMOS

Chine

Il est difficile de connaître avec précision l’état des capacités de surveillance de l’espace dont dispose la Chine, dont les investissements en la matière sont massifs. La Chine déploie également une diplomatie spatiale affirmée, afin de nouer de multiples partenariats à travers le monde pour l’exploitation ou l’installation d’antennes de surveillance.

Malgré tout, la Chine paraît disposer de capacités antisatellites multiples : missiles antisatellites pour les orbites basses, probable programme de développement d’un missile antisatellite sur l’orbite géostationnaire, développement de capacités lasers et de brouillage, moyens d’actions co-orbitales en orbites basses et probables en orbite géostationnaire.

La dimension spatiale est désormais intégrée au sein des forces armées chinoises, avec la création d’un département des systèmes spatiaux au sein de la PLASSF (Popular liberation army strategic support force).

La Chine a pour ambition de contester la suprématie américaine dans le domaine spatial et se fixe pour objectif d’être la première puissance spatiale du monde. Sa flotte de satellites militaires tend à égaler progressivement en quantité et en qualité la flotte américaine, dans tous les domaines (renseignement image et électromagnétique, navigation, télécommunications). La capacité d’alerte avancée est probablement en cours de développement. Récemment, la Chine a conduit des expérimentations en termes de rapprochements, y compris non coopératifs.

États-Unis

Les États-Unis disposent de capacités de surveillance de l’espace abouties. En outre, les capacités antisatellites américaines sont multiples : missiles antisatellites, développement de lasers et moyens co-orbitaux, autant sur l’orbite géostationnaires que sur les orbites basses. Les États-Unis semblent vouloir coopérer avec d’autres pays occidentaux pour fédérer les capacités spatiales alliés, dans la continuité de l’élargissement à des pays européens, dont la France et l’Allemagne, de l’initiative « Combined Space Operations » (CSpO).

L’année 2019 a été marquée par la création, en août, du commandement de l’espace – onzième commandement militaire – puis, en décembre, des forces spatiales américaines – US Space force – sixième branche des forces américaines, entièrement émancipée de l’US Air force. À terme, 16 000 militaires issus de l’armée de l’air américaine devraient rejoindre les forces spatiales. En 2020, ces dernières bénéficiaient d’un budget de 40 millions de dollars, correspondant au financement de la phase de montée en puissance, avant l’acquisition d’une pleine capacité mi-2021.

Inde

L’Inde est une nation spatiale dynamique qui investit dans tous les segments civils et militaires : lancement, développement de capacités spatiales – dont des capacités antisatellites – recherche d’autonomie pour le développement de ses technologies. L’Inde a démontré son savoir-faire par le tir réussi ayant conduit à la destruction d’un de ses satellites, le 27 mars 2019. Si leur usage du spatial était jusqu’à récemment centré sur des applications civiles, les forces armées indiennes se dotent ainsi progressivement de capacités spatiales militaires, notamment avec le développement de capacités d’imagerie depuis l’espace, les débuts d’une capacité d’écoute électronique, l’emploi de satellites de télécommunications et le renforcement de ses moyens de navigations satellitaires.

Japon

Puissance spatiale de premier plan – essentiellement en matière de renseignement image et de navigation – le Japon ne cache pas sa volonté de développer ses capacités spatiales. De nombreux projets sont en cours, notamment en matière de surveillance de l’espace et de moyens d’actions antisatellites. La coopération avec les États-Unis est très forte. Le milieu spatial a été pris en compte par la création d’une force spatiale, baptisée « force de défense multi-domaines », qui inclut le spatial et le cyberespace.

Russie

Les capacités de surveillance spatiale russes sont issues d’une politique d’investissement menée durant la Guerre froide. La Russie maîtrise l’ensemble du spectre des capacités spatiales, et figure donc parmi les puissances spatiales.

Si un certain retard technologique semble perceptible depuis la chute de l’URSS, la Russie affiche ses intentions d’investir dans des dispositifs antisatellites co-orbital, avec une doctrine de réponse graduelle sur l’ensemble des tranches d’altitude, du sol aux satellites situés en orbite géostationnaire. En outre, de nombreuses manœuvres de rapprochement en orbite ont pu être constatées en 2019 et 2020.

b.   La diversification des sources de vulnérabilité

La dépendance croissante de la vie quotidienne civile comme des opérations militaires aux moyens spatiaux rend leur vulnérabilité particulièrement préoccupante.

L’espace est naturellement un milieu hostile, en raison des rayonnements ionisants. Plus récemment, l’activité humaine et l’accroissement du nombre d’objets spatiaux en orbite sont à l’origine d’une multiplication du nombre de débris, qui se comptent en dizaines de milliers pour les objets de plus de dix centimètres de diamètre, et en centaines de milliers pour les objets de plus d’un centimètre. Ces débris sont tous susceptibles de provoquer des dégâts irréversibles, « létaux », à nos satellites, voire de provoquer des collisions catastrophiques, potentiellement génératrices de débris par réaction en chaîne. Le risque de voir le nombre de débris augmenter est fort en raison de la congestion croissante de l’espace, du fait de l’accroissement du nombre d’objets spatiaux et, notamment, de l’apparition de méga-constellations. Si, pour l’heure, la destruction de satellites apparaît bien lointaine – ne serait-ce qu’en raison de la crainte de voir ses propres satellites endommagés par les débris ainsi créés – un scénario à l’image de celui du film grand public Gravity ([33]) ne doit pas être considéré comme relevant de la seule science-fiction.

Sans évoquer le risque accidentogène, les menaces qui pèsent sur les capacités spatiales ont différents points d’application :

depuis l’espace, l’usage d’un satellite à des fins inamicales, voire hostiles, peut revêtir diverses formes. Les « inspecteurs de proximité », ou satellites butineurs, sont dotés une charge utile leur permettant de recueillir des données et informations à des fins de renseignement sur un objet en orbite en manœuvrant à des distances réduites vis-à-vis de leur cible. En outre, un satellite, ou plus généralement tout objet spatial, peut constituer une arme par destination, en effectuant une attaque cinétique physique visant à frapper directement sa cible, ou à faire détonner une charge explosive ou à ondes de forte puissance, à proximité de sa cible. Pourvu de tels systèmes – bras articulé, grappin, filet – un satellite est capable d’endommager un satellite cible par effet physique, de se lier à sa cible afin d’entraver ses opérations, voire de la désorbiter ;

au sol, le sabotage demeure possible à partir des stations sol en détériorant ou en détruisant intentionnellement du matériel ou des installations. Le brouillage électronique au sol est un mode d’action couramment utilisé contre les communications ou les récepteurs de navigation de type GPS. En outre, des missiles anti-satellite peuvent être tirés afin de détruire des satellites en orbites basses. Une telle capacité antisatellite a déjà été testée par la Chine, l’Inde et les États-Unis et, au terme des auditions conduites par le rapporteur pour avis, il ne fait guère de doute que la France serait tout à fait en mesure de procéder à un tel tir de destruction. Enfin, des armes à énergie dirigée, de type laser – impulsionnel basse énergie ou à haute énergie – sont en développement et pourraient être installées au sol ou intégrées sur un navire ou un aéronef ;

depuis le cyberespace, car les systèmes informatiques embarqués dans les segments spatiaux ou équipant les dispositifs terrestres terminaux présentent des risques dans le domaine cyber. Ces risques peuvent prendre des formes différentes : compromission par le renseignement ou la surveillance ; neutralisation entraînant un déni de service plus ou moins limité dans le temps voire destruction physique. On distingue ainsi les menaces de bas niveau – qui entrent dans le cadre d’actions criminelles –, les tentatives de pénétration des systèmes d’information ou des entreprises à des fins d’espionnage, la destruction, la perturbation ou la prise de contrôle à distance du fonctionnement d’infrastructures ou la modification d’informations à des fins de manipulation.

Ces menaces peuvent être combinées en dissimulant plusieurs effecteurs de même nature ou de nature différente sur un même satellite porteur. Par exemple, un inspecteur de proximité dédié au renseignement peut également être doté de dispositifs agresseurs par nature – arme cinétique – ou par destination – bras articulé.

2.   La stratégie adoptée par le Gouvernement entend consolider le statut de la France parmi les puissances spatiales

Pour le général Michel Friedling, le tir par la Chine d’un missile antisatellite, en janvier 2007, ainsi que celui réalisé par les États-Unis un an plus tard, en février 2008, ont agi comme révélateurs de la nécessité de considérer l’espace exo-atmosphérique comme un espace opérationnel à part entière. Le Livre blanc de 2008 souligne ainsi la nécessité, pour la France, de se doter d’une nouvelle ambition spatiale ([34]).

Pour autant, M. Bruno Sainjon estime quant à lui que la France a fait preuve, au cours des vingt dernières années, d’une forme d’« angélisme » en matière spatiale, alors que la plupart des grandes puissances affichaient, parallèlement, leurs ambitions pour contrôler ce nouveau milieu et maîtriser cette nouvelle frontière ([35]).

Quoiqu’il en soit, si les deux dernières décennies ont pu être caractérisées par une faible vision stratégique de la France dans le domaine spatial, le constat d’une forme d’arsenalisation du milieu spatial a motivé la nouvelle stratégie de défense spatiale française.

Le rapporteur pour avis ne résumera pas en détail ici un document aisément consultable en ligne ([36]), et dont une courte synthèse a été proposée par le Gouvernement ([37]). Il en donnera néanmoins les principaux éléments, notant qu’un travail parlementaire consistant l’a amplement nourrie.

La nouvelle stratégie de défense spatiale reconnait l’espace extra-atmosphérique comme un milieu à part entière, avec ses enjeux propres, mais également comme un domaine de confrontation. Elle marque ainsi un tournant pour les armées en fixant comme ambition la protection et la défense de nos satellites d’intérêt, la préservation de l’autonomie stratégique française en matière d’appréciation de situation, de décision, d’accès à l’espace et d’action dans l’espace.

Cette préservation de notre autonomie stratégique repose sur un équilibre entre capacités patrimoniales et achats de services, en saisissant les opportunités offertes par le new space et en revisitant notre modèle industriel. Elle s’appuie sur des coopérations élargies au domaine des opérations dans l’espace et une ouverture à de nouveaux partenaires.

Sur le plan diplomatique, elle indique que la France privilégiera des propositions pragmatiques, concrètes et immédiatement applicables, avec un effort particulier sur des normes de comportement pour garantir la stabilité stratégique et éviter les possibilités de malentendus ou d’escalades.

En définitive, l’espace exo-atmosphérique doit ainsi être considéré comme le cinquième domaine d’action dans lequel se déploie notre stratégie militaire avec une doctrine renouvelée en matière d’opérations spatiales militaires, le développement de capacités pour répondre à cette ambition et la constitution d’une composante dédiée.

Bien que membre de l’opposition, le rapporteur pour avis ne peut que saluer l’élaboration d’une telle stratégie, dont il convient à présent de mesurer la mise en œuvre.

L’armée de l’air et de l’espace nouvellement créée a été chargée par la ministre d’assumer la responsabilité du commandement de l’espace créé le 3 septembre 2019. L’armée de l’air et de l’espace se trouve donc bien au cœur de la nouvelle stratégie spatiale de défense et, pour le rapporteur chargé des crédits qui lui sont attribués par la loi de finances, il est indispensable de s’assurer qu’elle soit dotée des moyens nécessaires pour remplir cette nouvelle mission.


II.   L’armée de l’air et de l’espace, une mutation à concrétiser

A.   Le commandement de l’espace, un « grand » commandement à construire

1.   L’incarnation organique et opérationnelle de la défense spatiale

Créé par l’arrêté du 3 septembre 2019 précité, le Commandement de l’espace (CDE) prend la suite du Commandement interarmées de l’espace (CIE) qui, selon les commentateurs spécialisés, n’était au fond que le bureau « espace » de l’état-major des armées auquel avait été « pompeusement » attribué le titre de commandement. Son rattachement à l’armée de l’air n’est que logique, celle-ci réunissant en son sein l’essentiel des personnels compétents en matière spatiale.

La création du CDE a ainsi pour objectif d’apporter davantage de visibilité et de lisibilité à l’action spatiale du ministère des Armées, et de renforcer la cohérence d’une mission à laquelle participent également la direction générale de l’armement (DGA), la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’informations (DIRISI) ainsi que la direction du renseignement militaire (DRM).

D’un point de vue administratif, le CDE est un organisme à vocation interarmées (OVIA), recevant des directives fonctionnelles du chef d’état-major des armées et dont le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace exerce le commandement organique.

Selon son chef, le général Michel Friedling, les missions du CDE s’articulent en quatre volets : le soutien aux capacités spatiales – déplacement, mise en œuvre et soutien ; l’appui aux opérations – observation, navigation, etc. ; l’établissement de la connaissance de la situation spatiale, qui constitue la première brique de la réponse aux menaces, à partir de GRAVES et de COSMOS ; la capacité à agir dans l’espace afin de décourager tout acte hostile ou de répliquer si nécessaire. En somme, il a pour mission de fédérer et coordonner les moyens du spatial de défense, conduire les opérations spatiales militaires et contribuer à la définition de la politique spatiale militaire.

De manière plus précise, le CDE participe, au profit du chef d’état-major des armées, à l’élaboration de la politique spatiale militaire, et est chargé de sa mise en œuvre. Il prend ainsi les mesures concourant à la préservation de la liberté d’accès et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique et, dans ce cadre, exerce le contrôle opérationnel des plateformes spatiales militaires et des capacités concourant à ces mesures, met en œuvre le centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales – capacité permanente de commandement et de contrôle des opérations spatiales menées dans un cadre national, interallié ou international – sur lequel il a autorité.

En outre, il recueille les besoins des armées en matière de capacités spatiales de défense et propose au chef d’état-major des armées les arbitrages en ce domaine, propose « l’expression de besoin » des armées en capacités de maîtrise de l’espace et, plus largement, apporte son expertise sur les questions spatiales militaires. À cet égard, il contribue au respect par l’État français de ses engagements internationaux dans le domaine spatial et contribue, dans le domaine de la maîtrise des armements, à la préservation des intérêts de la défense en matière de capacités spatiales de défense et de liberté d’exploration ainsi que d’utilisation de l’espace exo-atmosphérique.

En matière organique, le CDE est responsable de la mise en condition opérationnelle des unités et formations qui lui sont subordonnées.

Pour mener à bien sa mission, le CDE compte, à l’heure de l’élaboration du présent avis, environ 220 personnes localisées à Paris, Creil et Lyon – ce nombre devant atteindre un peu plus de 240 personnes, d’ici la fin de l’année 2020 –, dont 30 à Toulouse depuis le mois de septembre.

Le CDE a autorité sur deux unités opérationnelles rattachées de longue date à l’armée de l’air :

– le centre militaire d’observation par satellites (CMOS), qui regroupe environ 130 personnes sur la base aérienne 110 de Creil, et dont la mission principale est de garantir l’accès permanent du ministère des Armées à l’imagerie spatiale. Ce centre dispose du plus haut niveau d’expertise des armées concernant les opérations en orbite basse ;

– le centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS), déjà évoqué, qui réunit environ 40 personnes sur la base aérienne 942 de Lyon-Mont-Verdun, chargé de surveiller en permanence l’espace et d’établir ainsi la situation spatiale nationale (détection, identification, caractérisation).

2.   Le défi de la montée en puissance

C’est en partie à l’aune de la réussite de la montée en puissance du CDE que pourra être mesurée l’ambition spatiale de la France. Celle-ci semble en bonne voie. Ainsi, en septembre 2020, 30 premiers personnels ont été accueillis au sein du centre spatial toulousain du CNES et deux premiers pilotes de satellites ont été formés sur les capacités Helios 2 et CSO. Dans le champ des opérations, le CDE a participé, à la demande des autorités américaines, à la surveillance du lancement par SpaceX de la capsule Crew dragon. Enfin, dans le domaine de la préparation opérationnelle, le CDE travaille à l’organisation d’un premier exercice militaire spatial européen, dénommé AsterX, qui devrait se tenir en mars 2021.

Si, lors de son audition, le général Michel Friedling a souligné que l’un des principaux enjeux serait la bonne appropriation de la question spatiale par l’armée de l’air, d’autres défis devront être relevés afin de concrétiser la mutation de l’armée de l’air vers l’espace.

a.   La montée en puissance organique

Le CDE devra d’abord gagner en masse et, pour ce faire, il importe que la feuille de route arrêtée par le Gouvernement soit respectée. Si le rapporteur pour avis n’a pas de raison, a priori, de douter de la volonté du Gouvernement de respecter ses engagements, la trajectoire fixée est ambitieuse et, à l’approche de l’actualisation de la programmation militaire, mérite d’être confortée.

Pour rappel, le CDE devrait compter 470 personnels en 2025, conformément aux décisions arrêtées en comité exécutif restreint et confirmées par l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) de l’année 2020. Ces 192 postes supplémentaires sont identifiés en gris dans le tableau ci-dessous, les créations résultant de la LPM l’étant en bleu ciel. Pour le général Michel Friedling, il s’agit toutefois d’un « challenge permanent ».

Trajectoire de montée en puissance des effectifs du CDE

Source : ministère des Armées.

En outre, les effectifs du CDE pourraient être renforcés de 50 postes supplémentaires si la candidature française est retenue par l’OTAN afin d’accueillir, à Toulouse, le centre d’excellence otanien dans le domaine spatial. Pour rappel, l’accueil de ce centre d’excellence fait l’objet d’une vive concurrence entre l’Allemagne et la France. Pourtant, aux yeux du rapporteur pour avis, il ne fait guère de doute qu’un tel centre devrait être installé à Toulouse, épicentre de la recherche et des développements spatiaux en Europe. La France a remis à l’OTAN son document de « concept initial détaillé » le 3 avril 2020.

Une fois la trajectoire affirmée, le CDE sera confronté au défi du recrutement. Il faudra attirer et fidéliser les talents, en proposant des parcours attractifs et valorisants, à même de concurrencer les acteurs publics et privés, capables de mettre en avant des projets tout aussi stimulants et des rémunérations bien plus confortables. L’armée de l’air et de l’espace devra notamment miser sur le recrutement interne, une formation initiale adaptée – à l’école de l’air de Salon-de-Provence comme à l’école des sous-officiers de l’armée de l’air de Rochefort – et des modules de formation continue – professionnelle et professionnalisante – performants, qui s’adresseront à l’ensemble des acteurs du domaine spatial de défense.

La formation constitue en effet un enjeu de premier ordre. Une première version du référentiel des métiers, des activités et des compétences du domaine spatial de défense a été élaborée au premier semestre 2020. L’outil de formation qui permettra de répondre à l’ensemble des besoins, est en cours de définition. Un rapport d’étape établi conjointement par le CDE et la direction des ressources humaines de l’armée de l’air a été élaboré. Diffusé à l’ensemble des acteurs concernés – direction des ressources humaines, direction générale de l’armement, CNES –, il permettra, après recueil de leurs observations, de travailler sur des options d’organisation durant le dernier trimestre 2020.

Deux volets peuvent d’ores et déjà être mis en évidence dans la répartition des connaissances : le volet « académique » et le volet « spatial de défense », dit technico-opérationnel. Pour ce qui concerne le volet académique, l’école de l’air et SupAéro tiendront une place de choix.

Sans attendre l’achèvement des travaux, des parcours de formation ont été lancés, avec une rénovation de la formation initiale « espace », initiée en 2018, qui a permis de déléguer au CNES la formation de deux jeunes officiers dans les centres de maintien à poste CSO et Hélios. 15 autres militaires ont intégré le même cycle de formation en septembre 2020, ainsi que la refonte des outils de formation continue.

Selon M. Jean-Yves Le Gall, le CNES joue ainsi un « rôle déterminant dans l’acquisition par les armées des compétences qui leur seront nécessaires pour mener des opérations dans l’espace ». Au-delà des actions de formation évoquées ci-dessus, c’est sur le site toulousain du CNES que sont progressivement accueillis les personnels du CDE. Il y a donc un enjeu d’infrastructures. Le déploiement de 2021 à 2023 d’installations modulaires temporaires et la livraison en 2023 d’une première tranche de l’infrastructure pérenne du CDE sont inscrits en programmation ([38]) . La livraison d’une seconde tranche comportant notamment le centre d’opérations est actuellement prévue en 2025. Le respect de ce jalon est essentiel.

À ce propos, le rapporteur pour avis souligne que, lors de son déplacement à Balard auprès des personnels du CDE, il a été frappé de voir certains d’entre eux occuper, à trois, quatre ou cinq, des bureaux prévus pour moitié moins de personnes. Interrogé à ce sujet, le commandant de l’espace a admis qu’une partie des personnels se trouvait en télétravail contraint, afin de « tourner » sur les différents postes, cette situation ayant été amplifiée par la crise sanitaire et la mise en place des mesures de distanciation sociale.

Si un tel constat peut paraître banal pour celui qui connaît l’état du patrimoine immobilier du ministère des Armées, il est étonnant de la formuler à Balard, qui plus est pour un commandement censé incarner l’une des priorités du ministère.

Il y a là un décalage entre le discours des plus hautes autorités de l’État – le président de la République évoquait ainsi la constitution d’un « grand commandement » – et la réalité, mettant en lumière le fait que la reconnaissance du CDE est encore à parfaire.

De même, le rapporteur pour avis estime anormal que l’officier général à la tête du commandement ne se soit pas vu attribuer une quatrième étoile, évolution préconisée à plusieurs reprises par des parlementaires de la majorité ([39]). Il y a en effet là une dichotomie difficilement justifiable, également regrettable s’agissant des officiers généraux à la tête des opérations spéciales et du commandement de la cyberdéfense. Le rapporteur pour avis préconise donc d’y remédier rapidement, au regard de l’importance de ces trois domaines dans le quotidien des opérations. En outre, il y a là un enjeu de visibilité, tant sur la scène nationale que sur la scène internationale.

b.   La coordination avec les autres acteurs du spatial

L’un des principaux enjeux du CDE tient également à la mise en place de circuits de coordination efficients avec les autres acteurs du domaine spatial. Selon le rapporteur pour avis, certains ajustements de compétence pourraient d’ailleurs être opérés, dans un objectif de cohérence et d’efficacité.

C’est surtout le cas en interarmées, où interviennent un grand nombre d’acteurs. Ainsi, en matière de préparation de l’avenir, la DGA et l’EMA jouent un rôle majeur dans la définition et l’élaboration des grands programmes spatiaux. La division « cohérence capacitaire » de l’EMA s’appuie toutefois sur l’officier de cohérence espace du CDE ainsi que sur ses officiers programmes en charge des programmes spatiaux.

En matière opérationnelle, l’EMA dispose d’un bureau « espace » au sein du centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), qui a vocation à s’appuyer sur le centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales militaires du CDE.

En matière de contrôle opérationnel des satellites militaires français, le CDE exerce le contrôle opérationnel des plateformes satellitaires, la DIRISI le contrôle opérationnel de la charge utile embarquée des satellites de communications, la DRM celui de la charge utile embarquée des satellites d’observation et d’écoute. Il y a peut-être là une voie de clarification des compétences : pour le rapporteur pour avis, la création du CDE aurait pu s’accompagner d’une redéfinition des compétences d’autres directions, et une telle option mériterait d’être davantage étudiée. De premières décisions ont été prises, puisque la DRM abandonnera au profit du CDE, en 2021, le contrat la liant avec ArianeGroup pour le bénéfice du service Geotracker.

En matière de relations internationales et de stratégie, la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) pilote l’action internationale et les travaux de prospective stratégique du ministère des Armées dans le domaine spatial. Par ailleurs cette direction pilote et coordonne l’action internationale du ministère en matière de relations bilatérales avec les États étrangers en lien avec le pôle relations internationales militaires de l’EMA et les experts du CDE. Enfin, la DGRIS pilote l’action du ministère dans le domaine de la maîtrise des armements, et se repose, pour le volet opérationnel, sur la division maîtrise des armements de l’EMA et les experts du CDE.

La direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère, enfin, travaille à la refonte des dispositions relatives aux opérations spatiales. Dans ce cadre, notons que le II. bis de l’article 22 du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, actuellement en navette, habilite le Gouvernement à moderniser, par ordonnance, le régime applicable aux activités et aux opérations spatiales, essentiellement défini par la loi n°2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.

LE CDE doit donc trouver sa place dans cet écosystème.

Au-delà, le CDE a également noué des relations fructueuses avec des acteurs publics ne relevant pas du ministère des Armées, au premier rang desquels le CNES, ou simplement partiellement, à l’instar de l’ONERA. Tous deux constituent des partenaires incontournables pour les armées dans le domaine spatial, d’autant qu’ainsi que l’a indiqué au rapporteur M. Jean-Yves Le Gall, l’enjeu n’est sans doute pas de rechercher « l’autonomie, qui conduirait à mobiliser de très importantes ressources et à dupliquer des capacités ».

Enfin, le CDE est à présent bien identifié par les industriels du domaine spatial, comme ont pu le confirmer au rapporteur pour avis les représentants d’ArianeGroup, d’Airbus Defense and Space et de Thales Alenia Space.

c.   La coopération avec les autres puissances spatiales

Le CDE devra prendre toute sa place dans redynamisation des coopérations spatiales qu’appelle de ses vœux la Stratégie spatiale de défense. C’est en particulier le cas dans le cadre de l’initiative de la Combined space operations (CSpO), à laquelle la France a formellement adhéré en février 2020.

Au niveau européen, des officiers du CDE représentent le ministère des Armées au sein de différents groupes de travail de la Commission européenne dans le cadre du programme spatial de l’Union européenne pour 2021‐2027. Un officier du CDE fait de même au sein du comité de pilotage du consortium EUSST ([40]).

À l’avenir, l’un des principaux enjeux du CDE pourrait consister à établir des relations avec nos premiers compétiteurs stratégiques, en particulier la Russie – avec laquelle des relations existent déjà du fait, notamment, des coopérations engagées sur le site du Centre spatial Guyanais – et la Chine.

B.   L’intensification du rehaussement de nos capacités militaires spatiales

Le rehaussement des capacités militaires spatiales est engagé.

La feuille de route capacitaire présentée au comité exécutif restreint, en décembre 2019, comprend ainsi un objectif d’état-major pour le programme CELESTE ([41]), la préparation de la phase d’études de définition poussée des programmes IRIS ([42]) et CELESTE, la définition du besoin concernant Syracuse IVc et la poursuite des travaux dans le champ de la maîtrise spatiale, notamment le lancement de la première phase du programme ARES ([43]). Ainsi, c’est l’ensemble des capacités spatiales françaises qui seront renouvelées d’ici la fin de la décennie. Dans l’attente, la modernisation des capacités actuelles se poursuit. Le tableau présenté ci-dessous fait état des capacités satellitaires attendues à l’avenir.

Au total, 5,3 milliards d’euros sont inscrits en LPM pour la modernisation de nos capacités spatiales, dont 3,6 milliards au titre du programme 146 « Équipement de forces » de la mission « Défense ». Cet effort, notable, était indispensable compte tenu des niveaux d’investissements de nos partenaires et compétiteurs stratégiques : selon les informations communiquées au rapporteur pour avis, les dépenses spatiales militaires mondiales devraient connaître une hausse de près de 47 % entre 2015 et 2025, atteignant 34,3 milliards de dollars à cette échéance. Une telle évolution s’explique notamment par l’ampleur des investissements consentis par la Chine, qui devrait représenter près de 10 % des dépenses spatiales militaires mondiales en 2025, la part des États-Unis devant passer, quant à elle, de 83 % en 2015 à 71 % en 2025. En comparaison, les dépenses cumulées européennes ne devraient représenter que 5 % de l’ensemble.


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Systèmes futurs de satellites utilisés par les Armées

Dénomination

Usage

Caractéristiques

Dates

de lancement

Durée de service initialement prévue

et fin de service (si fixée)

Enjeux de renouvellement

Systèmes patrimoniaux

IRIS

Observation

Capacité optique en cours de définition

2028

10 ans

 

CERES

Écoute

Constellation LEO de 3 satellites ELINT et COMINT

2021

7 ans

Remplacé par le système CELESTE à l’horizon 2028

CELESTE

Écoute

Capacité ELINT et COMINT([44]) en cours de définition

2028

Au moins 10 ans

Remplacement du système CERES

SYRACUSE IV (Satellites 4A, 4B et 4C)

Télécommunications

2 satellites militaires GEO 4A et 4B.

L’architecture de la solution 4C n’est pas encore définie.

4A : 2021

4B : 2022

4C : 2028

15 ans

 

YODA

Action dans l’espace

Patrouilleur / guetteur / Défense active en orbite GEO

2023

(Démonstrateur)

2028 ou 2029

(Capacité opérationnelle)

5 à 10 ans

2028 correspond à une année de référence objectif pour les lancements des satellites CELESTE, IRIS et SYRACUSE IV C

Systèmes duaux (capacité commerciale et accès défense) ([45])

PLEIADES Néo (Airbus DS)

Observation

4 satellites LEO THR

2020-2022

12 ans

 

CO3D (CNES & Airbus DS)

Observation

4 Satellites LEO THR

2022

6 ans

 

Systèmes étrangers accessibles à la France

SARah (Allemagne)

Observation

3 satellites LEO radar militaires

2021-2022([46])

10 ans

 

CSG([47]) (Italie)

Observation

2 satellites LEO radar à usage dual

2019-2020(5)

7 ans

 

Autres services spatiaux accessibles à la France

GOVSATCOM (UE)

Télécommunications

Phase 1 : guichet de mise en relation entre des États-membres demandeurs de ressource spatiale avec les États membres fournisseurs.

Phase 2 : acquisition par l’UE de capacités spatiales en propre pour les mettre à disposition des États membres.

Phase 1 : A/C 2021

 

Phase 2 :

À déterminer

 

 


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1.   Les capacités actuelles sont en cours de renouvellement

a.   Les moyens de surveillance

Lors de son audition, le général Michel Friedling a souligné que la question de la surveillance spatiale animait la plupart des puissances spatiales. Le premier enjeu consistera à assurer la juste répartition des tâches entre le CNES et le CDE. S’agissant du CDE, il s’agira d’abord de procéder à la modernisation de nos moyens de surveillance radar. Comme l’a indiqué au rapporteur pour avis M. Bruno Sainjon, il conviendra, pour les satellites en orbites basse, de disposer d’un système surveillance et de « catalogage » allant très au-delà des capacités actuelles, afin d’être capable de voir plus loin des objets plus petits que ceux qui sont accessibles au système GRAVES.

Ce futur système, identifié comme prioritaire, pourrait s’adapter à la dynamique des nouveaux objets en orbite, afin de surveiller des objets plus manoeuvrants, mais devra également permettre de détecter des satellites de plus petites tailles. Pour ce faire, il faudra augmenter la fréquence de détection, c’est-à-dire diminuer la longueur d’ondes : alors que GRAVES fonctionne dans le bande VHF (30 à 300 MHz), son successeur utiliserait la bande UHF (300 MHz à 3GHz) et serait à même d’utiliser les deux bandes. Ainsi, il lui serait possible de détecter des nano satellites de dix centimètres.

Ce système pourrait utilement s’accompagner de radars de trajectographie précise, dont certains pourraient être outre-mer : implanté en Guyane, un tel radar permettrait de surveiller des orbites faiblement inclinées sur l’équateur, complétant ainsi les observations effectuées depuis le territoire métropolitain.

Enfin, s’ajouteraient des capacités de surveillance et d’imagerie utilisant l’optronique, sur le modèle de l’outil Geotracker ou du télescope Tarot. Pour ce faire, le CDE pourrait utilement s’appuyer sur l’expertise de l’ONERA dans le domaine de l’optique adaptative, notamment dans le cadre du programme ARES, dont l’un des principaux axes concerne la surveillance de l’espace.

En outre, la question de la surveillance spatiale ne se limite pas à l’acquisition de données d’origine spatiale, issues tant de moyens patrimoniaux que de l’acquisition de données auprès de tiers, mais de les certifier puis de les exploiter, grâce à des outils de big data, des algorithmes d’intelligence artificielle et des bases de données aboutis. Ce n’est pas hors de portée mais nécessite des investissements conséquents.

b.   Les satellites

La modernisation des satellites militaires patrimoniaux est en cours et ce sont sur ces programmes que se concentrent les prochains développements, dont la plupart sont issus du projet annuel de performances de la mission « Défense » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

● Les programmes de renseignement optique CSO et IRIS

Le premier satellite CSO a été lancé en 2018 et le deuxième, prévu en 2020, le sera l’an prochain en raison des effets de la crise sanitaire. Deux des trois satellites seront placés à une orbite de 800 kilomètres d’altitude et le troisième à une orbite de 480 kilomètres. Doté de capteurs optiques classiques comme infrarouges, le système CSO sera autant performant de jour comme de nuit. Lancé en 2019, le programme IRIS lui succédera, à l’horizon 2030.

Dans cette perspective, l’attention du rapporteur pour avis a été portée sur   l’importance de maîtriser les technologies de fabrication de miroir de grande taille, qui soit fortement allégé pour conserver une masse raisonnable, ainsi que de développer les moyens de test associés.

L’origine du programme CSO

Dans une logique européenne, et afin de remplacer les systèmes existants (systèmes optiques français Helios et Pléïades, systèmes radar allemand SAR-Lupe et italien COSMO-SkyMed), l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et la France ont lancé, au milieu des années 2000, une initiative appelée multinational space-based imaging system (MUSIS), visant à se doter de moyens d’observation spatiale communs. En l’absence de décision européenne et afin d’assurer la permanence de la composante optique Helios, la France avait lancé en 2010 l’opération MUSIS/CSO (composante spatiale optique), c’est-à-dire :

- la réalisation d’une composante spatiale optique, dite « CSO », sur la base de deux satellites d’observation identiques. Le premier assure la mission de reconnaissance (THR : très haute résolution), le deuxième, en orbite plus basse, assure la mission d’identification en réalisant des images de plus haute résolution (EHR : extrêmement haute résolution) ;

- la conception et l’acquisition d’un segment sol utilisateurs (SSU) comprenant les fonctions de programmation, de réception et de production des images et d’un segment sol mission (SSM), chargé des opérations d’exploitation et de contrôle des satellites.

À la suite de la mise en place d’une coopération avec l’Allemagne en 2015, le périmètre du programme est élargi à un troisième satellite CSO d’observation, à un segment sol utilisateurs permettant d’accéder aux satellites radar allemands SARah et aux adaptations du système CSO requises en conséquence. En 2018, le périmètre intègre la coopération avec l’Italie, via la réalisation d’une couche d’interopérabilité permettant à la France d’accéder au système italien CSG (COSMO-SkyMed Seconda Generazione).

Source : Projet annuel de performances. PLF 2021

● Les programmes de renseignement électromagnétique CERES et CELESTE

Le programme CERES, pour capacité de renseignement électromagnétique spatiale, apporte un complément aux moyens nationaux de recherche et d’interception des émissions électromagnétiques. Il comprend des fonctions d’interception, de caractérisation et de localisation des signaux électromagnétiques par des moyens satellitaires, leur programmation ainsi que les moyens sol de contrôle des satellites.

Le système CERES repose sur une constellation de trois satellites, permettant de recueillir régulièrement sur l’ensemble du globe les informations permettant de cartographier et d’analyser le fonctionnement des émetteurs électromagnétiques dans les bandes de fréquences d’intérêt radar et télécom. Les deux premiers seront lancés au cours de l’année 2021.

Le système CELESTE, dont les travaux préparatoires ont été lancés l’an dernier, a pour objectif le remplacement de la capacité offerte par CERES à l’horizon 2028-2030.

● Le programme Syracuse IV de communication satellitaire

Successeur de Syracuse III, le programme Syracuse IV vise à renouveler les satellites Syracuse 3A et 3B, lancés en 2005 et 2006, tout en modernisant et complétant les moyens de communications satellitaires existants au sol. Il répond aux besoins des forces en capacités de télécommunications par satellite nécessaires à l’engagement des armées et au commandement des forces déployées, sur le territoire national et dans les zones prioritaires d’intérêt. Il assurera la cohérence avec l’existant et répondra à l’évolution du besoin et de la menace, en particulier en termes de débits, d’utilisations tactiques des stations – encombrement réduit, robustesse, facilité d’emploi, etc. –, de capacité à communiquer en mouvement – drones, porteurs terrestres et aéronautiques, etc.– et d’interopérabilité avec l’OTAN.

Les satellites Syracuse 4A et B seront lancés fin 2021 et mi-2022.

Le successeur du programme Syracuse, à l’horizon 2028, fait déjà l’objet de travaux dans le cadre du programme d’études amont Castor.

Ce programme permettra notamment d’envisager la mise en œuvre de nouvelles technologies innovantes, en particulier la formation de faisceaux numérique (FFN) à bord du satellite, permettant de concilier flexibilité et hauts débits tout en répondant au besoin défense, notamment aéronautique. Cette rupture technologique consiste de passer, à bord du satellite, de la formation de faisceaux en analogique au niveau de l’antenne active de réception à une formation numérique au niveau du processeur. Elle rejoint, du reste, les besoins civils de hauts débits.

Il ressort toutefois des auditions du rapporteur pour avis que la conduite de ce programme souffrirait d’une forme de léthargie, et que son accélération serait la bienvenue, au risque d’un décrochage industriel en matière de reconfiguration en orbite. Il y a là un sujet d’attention.

2.   Mettre en œuvre des moyens performants d’action dans l’espace

L’un des principaux défis capacitaires concerne un programme de maîtrise de l’espace, baptisé ARES, dont l’objet est de renforcer les capacités nationales autour de trois composantes : la surveillance de l’espace, évoquée ci-dessus ; la protection et l’action dans l’espace.

En matière de protection, il s’agit de doter nos satellites de moyens d’autoprotection, comme des caméras de surveillance de rapprochement, des nano satellites « guetteurs », des outils de protection active par des moyens d’auto-défense. S’agissant de l’action dans l’espace, il s’agit de concevoir des moyens depuis le sol ou l’espace, qui pourront assurer des missions de surveillance et intégrer une capacité d’action.

Ainsi que l’a exposé au rapporteur pour avis le général Michel Friedling, la France a pour ambition de répondre aux menaces émergentes avec des moyens de défense appropriés et proportionnés, dans une logique de dissuasion ou de découragement. Au fond, il s’agit de s’inscrire dans un concept de légitime défense, fondé sur l’article 51 de la Charte des Nations unies.

Le CNES est particulièrement mobilisé sur ce programme, en tant que maître d’ouvrage délégué et maître d’œuvre système dans le développement d’un démonstrateur, baptisé Yoda – des yeux en orbite pour une démonstration agile –, de surveillance de l’espace depuis l’espace.

Le système Yoda sera constitué de deux nanosatellites d’un poids de dix à vingt kilogrammes, qui évolueront en orbite géostationnaire afin de : valider les technologies de rapprochement d’un satellite ; dimensionner les charges utiles d’opération de proximité ; entraîner les opérateurs du CDE aux opérations dans l’espace.

Sur la base des résultats obtenus par Yoda un satellite patrouilleur plus lourd – d’une centaine de kilogrammes – et véritablement opérationnel pourra ensuite être lancé vers 2030.

Lors de son audition, M. Jean-Yves Le Gall a souligné que ce démonstrateur s’appuyait fortement sur les acquis du programme Angels, développé à l’initiative du CNES en moins de trois ans, en orbite depuis le mois de décembre 2019.

Plusieurs facteurs conditionnent la réussite de ce programme.

D’abord, le respect du calendrier, c’est-à-dire du lancement du démonstrateur en 2023. En effet, il ressort des auditions menées par le rapporteur pour avis que, malgré la détermination de la ministre et des acteurs concernés, certains commentateurs spécialisés craignent un décalage dans le temps en raison d’un calendrier trop ambitieux.

Ensuite, le financement de l’ensemble des pans du programme. Il est en particulier indispensable d’engager, dès 2021, la construction du système de commandement et de contrôle spatial.

Enfin, la clarification de la place de l’ONERA dans le programme ARES. L’ONERA dispose en effet d’une véritable expertise dans les domaines de l’action depuis le sol, qu’il s’agisse par exemple des armes à énergie dirigée de forte puissance basées au sol, puisqu’il a mené des essais en grandeur nature dans le domaine de l’éblouissement temporaire des capteurs d’un satellite d’observation de la Terre. Concrètement, profitant de la fin de vie programmée d’un satellite SPOT, les équipes de l’ONERA ont mis en œuvre un système d’éblouissement par un laser ionique des capteurs qui équipaient les voies « haute résolution visible » du satellite. Ce système, qui a dû être constitué très rapidement, fut réalisé à partir de composants principalement issus du commerce. Il fut implanté sur un télescope de poursuite de satellites de l’Observatoire de la Côte-d’Azur sur le plateau de Calern près de Grasse. Selon M. Bruno Sainjon, « les progrès réalisés depuis dans les domaines du pointage et de l’optique adaptative permettraient de renouveler ce type d’expérience, ou de mission, avec des gains en précision et/ou en puissance ».

3.   Anticiper les futures ruptures technologiques

Enfin, le maintien de la France parmi les puissances spatiales de premier rang dépendra de notre capacité à identifier les futures ruptures technologiques. Avec le CNES et l’ONERA, la France dispose de deux instituts de recherche reconnus mondialement ; elle bénéficie également de l’expertise des trois grands industriels du secteur – ArianeGroup, Airbus Defense and Space, Thales Alenia Space – qui occupent des positions leader à l’international. En somme, elle possède les moyens de demeurer au premier plan.

Au cours de ses auditions, le rapporteur pour avis s’est fait expliquer les principales mutations technologiques prévisibles dans le secteur spatial, à l’instar du développement de services en orbites – réparation, ravitaillement – voire de reconfiguration de constellations, l’accroissement de la polyvalence des objets spatiaux ou encore le développement de générateurs d’énergie. Ne prétendant pas à l’exhaustivité, il a choisi de mettre l’accent sur trois domaines qui lui sont apparus particulièrement déterminants.

● Les communications optiques

Lors de son audition, M. Bruno Sainjon a souligné le rôle « tracteur », pour les technologies spatiales, des recherches en matière de communication optique. Les télécommunications spatiales optiques se situent à la croisée de sujets particulièrement ardus comme le pointage très précis de faisceaux lasers et la correction en temps réel des turbulences atmosphériques. L’emploi de faisceaux lasers a comme avantage d’autoriser des débits très importants de données et de ne nécessiter qu’une puissance électrique réduite en raison de la faible divergence d’un faisceau laser. Ce mode de transmission de données concerne toutes les configurations imaginables telles que les liaisons entre satellite et station au sol, les liaisons entre satellite en orbite basse et satellite géostationnaire, les liaisons entre satellites en orbite basse au sein d’une constellation de satellites, les liaisons entre sondes spatiales circulant dans le système solaire et la Terre. Dans le domaine opérationnel, la maîtrise des communications optiques semble essentielle pour assurer au SCAF son plus haut niveau de performance, en même temps qu’elle rend de nouveau attractive l’option d’un aéronef furtif.

Or la France dispose d’une avance et d’une position de leader mondial dans les technologies critiques pour ces applications : l’optique adaptative et le pointage ultra-précis.

● Le développement de lanceurs réactifs

L’irruption des nouvelles méga-constellations et le lancement de milliers de satellites – 2 620 satellites de 200 kilogrammes pour OneWeb, 12 000 satellites de 100 à 500 kilogrammes pour la constellation de SpaceX – comme l’évolution des technologies ont donné naissance à de nouveaux besoins de lancement. Au-delà pourrait apparaître un nouveau besoin de « lancement à la demande » pour remplacer rapidement un satellite en panne ou détruit. La satisfaction de ces nouveaux besoins de façon compétitive constitue désormais un enjeu majeur. Sur la base des travaux engagés par l’ONERA à partir de financements du CNES et de l’Union européenne, pourrait ainsi être imaginé un lanceur réutilisable aéroporté, navette ou drone.

● Le déploiement d’une constellation européenne

Divers projets de constellations ont vu le jour ces dernières années. Pour les forces, de tels objets présentent un indéniable intérêt en ce qu’elles sont reconfigurables, évolutives et résilientes : la perte d’un satellite n’affecte pas le fonctionnement d’une constellation et un satellite défectueux peut facilement être remplacé. Par ailleurs, les constellations permettent de traiter la problématique combinée du taux de revisite et de la zone d’effort, en offrant des capacités d’observation de tout temps et en tous lieux. Leurs données peuvent être recueillies, exploitées et transmises aux utilisateurs avec des délais courts, tendant vers l’information en « temps réel ».

Au début de l’été, avant que ne soient définitivement arrêtés les montants des financements pluriannuels européens pour le secteur spatial et la défense, M. Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, a appelé de ses vœux le déploiement, à l’horizon 2027, d’une constellation spatiale européenne. Pour les représentants d’Airbus defense and space entendus par le rapporteur pour avis, il s’agit là d’un « changement de paradigme » dans lequel s’engager. M. Hervé Derrey, président-directeur général de Thales Alenia Space, a quant à lui fait part de sa conviction selon laquelle des constellations déployées en orbite basse pouvait offrir des capacités de communications complémentaires de celles proposées par les systèmes Syracuse. D’après lui, un tel projet représenterait un coût de six milliards d’euros, dont un tiers pourrait être supporté par la Commission européenne, un tiers par les États membres et un tiers par les industriels. En cas de succès, il constituerait indéniablemement le « troisième vaisseau amiral de l’Europe spatiale, après Copernicus et Galileo. »

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En guise de conclusion, le rapporteur pour avis souligne que la plupart des mutations identifiées dans le domaine spatial sont dépendantes des outils informatiques, laissant présager une forte interdépendance entre les domaines « espace exo-atmosphérique » et « cyberespace ». Dès lors, il est indispensable de poursuivre en parallèle les recherches de rupture dans le domaine des capacités de traitement, de sécurisation et d’échanges de données, grâce à des outils d’informatique quantique. Ceci est une exigence d’autant plus grande que les futurs systèmes d’armes et les opérations à venir seront toujours plus dépendantes de moyens spatiaux et des données spatiales. Pour être diffusées au plus près des théâtres d’opérations, les données spatiales acquises devront être rapidement exploitables, directement par l’utilisateur final, et ce malgré l’explosion du volume de données disponibles à traiter.

Dans ce contexte, la conception d’outils de traitement des informations embarqués à bord des satellites contribuera à la supériorité opérationnelle.


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   Travaux de la commission

I.   Audition du Général Philippe Lavigne,
chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace

La Commission a entendu le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, sur le projet de loi de finances pour 2021 (n° 3465), au cours de sa réunion du mardi 13 octobre 2020.

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, nous vous saluons à distance, le contexte sanitaire nous conduisant en effet à procéder à cette audition en visioconférence. Il en sera de même demain, pour l’audition du chef d’état-major de la marine, et jeudi, pour l’audition du chef d’état-major de l’armée de terre. L’audition du chef d’état-major des armées, est, quant à elle, toujours prévue en présentiel.

Désormais, afin de respecter les consignes de la Conférence des présidents, les groupes ne pourront être représentés que par la moitié du nombre de leurs commissaires. Les auditions se dérouleront de manière mixte, sauf pour les activités législatives, où il n’est prévu que du présentiel pour permettre le bon déroulement des votes, par exemple au moment de l’examen des avis budgétaires.

J’adresse un salut particulier à deux nouveaux députés qui viennent de rejoindre notre commission : Mme Muriel Roques-Étienne, pour le groupe LaREM, ancienne suppléante de notre cher collègue Philippe Folliot, devenu sénateur, et M. Grégory Labille, pour le groupe UDI et Indépendants.

Général, c’est un réel plaisir pour notre commission de vous accueillir pour la première fois avec votre nouveau titre de chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, ce que met en évidence le logo affiché derrière vous.

Notre commission s’intéresse de longue date aux questions spatiales. J’ai moi-même conduit à Toulouse une délégation parlementaire, il y a peu, sur cette thématique. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir se concrétiser cette évolution proposée en son temps par nos collègues Stéphane Trompille et Olivier Becht, dans leur rapport sur le secteur spatial de la défense.

Si, pour l’armée de l’air, la création du commandement de l’espace (CDE) a constitué un moment fort de l’année 2020, celle-ci a d’abord été marquée par la crise sanitaire et ses conséquences. À travers vous, général, et au nom de mes collègues, je tiens d’abord à saluer toutes les aviatrices et tous les aviateurs pour leur action déterminante au plus fort de la crise. Je pense évidemment aux nombreuses évacuations sanitaires réalisées depuis l’étranger, la métropole ou les outre-mer, mais aussi aux initiatives de vos commandants de base, sur tout le territoire.

L’année 2020 a aussi été celle de la remontée en puissance capacitaire de l’armée de l’air, avec de nombreuses commandes et livraisons. La ministre des armées, Florence Parly, a d’ailleurs annoncé ici même, lors de son audition budgétaire de mardi dernier, une commande supplémentaire de douze Rafale, pour compenser le prélèvement identique réalisé sur les appareils de nos armées afin de satisfaire la commande grecque. Cette réelle remontée en puissance se poursuivra en 2021, notamment dans le domaine spatial. Nous attendons que vous nous indiquiez si, en la matière, les besoins vous semblent satisfaits.

Pour ma part, je souhaiterais connaître votre sentiment sur deux points. Premièrement, alors que la supériorité aérienne des armées occidentales semble de plus en plus contestée, quels sont les principaux défis de modernisation que rencontre l’aviation de combat ? Deuxièmement, alors que nous avons récemment pu constater – et même entendre – que la police du ciel constituait une mission de tous les instants, en visioconférence ou dans cette salle, auront tout le loisir de vous qu’en est-il de notre dispositif de lutte anti-drones ? Sans plus tarder, général, je vous cède la parole. Nos nombreux collègues, présents poser les questions qu’ils jugeront utiles et nécessaires pour compléter vos propos liminaires.

Général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous confirme qu’étant donné l’environnement de cette deuxième vague et les dispositions que nous prenons au sein du ministère des Armées pour minimiser les risques sanitaires, je préférais utiliser les moyens modernes de communication, que nous avons employés tout au long de cette année.

Je vous remercie de m’accueillir, une nouvelle fois, au sein de votre commission, pour dresser avec vous le bilan d’une année 2020 très singulière – vous l’avez dit, Madame la présidente – et pour dessiner les perspectives de remontée en puissance qu’offre le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, dans le prolongement de la loi de programmation militaire (LPM).

Tout d’abord, 2020 est l’année de naissance de l’armée de l’air et de l’espace, sur laquelle je reviendrai, bien évidemment. Cette année a aussi été marquée par la pandémie de la Covid-19, qui a transformé nos méthodes de travail et a montré toute la résilience des armées, mobilisées aux côtés du personnel de santé au service de la Nation.

Elle a également été tragiquement endeuillée par la perte du sergent-chef Pierre Pougin, le 28 avril dernier, dans un accident d’hélitreuillage, et de Florian et Noémie, deux jeunes lycéens scolarisés à l’École des pupilles de l’air, le 12 septembre dernier, dans le crash de leur avion DR400.

 

Les menaces n’ont pas faibli, bien au contraire. Je voudrais tout d’abord vous exposer la vision que j’ai du monde aujourd’hui, décomplexé, imprévisible et fortement évolutif, ainsi que la manière dont l’armée de l’air et de l’espace y répond : au cours de cette année, les aviateurs sont en effet restés très engagés, sur tous les théâtres, extérieurs et national, et dans un spectre encore plus large de missions, du renseignement à la haute intensité en passant par la gestion de crise sanitaire et humanitaire.

Grâce à la LPM, l’armée de l’air et de l’espace s’est vue délivrer des capacités supplémentaires déterminantes pour nos succès en opérations. Cependant, face à la dégradation rapide et durable du contexte géopolitique et à l’émergence de formes de conflictualité inédites, de nouveaux défis se dessinent, et certains perdurent ; je les aborderai dans la dernière partie de mon propos.

Que vois-je dans le monde d’aujourd’hui, avec des yeux d’aviateur ? Je vois tout d’abord un niveau de désinhibition inédit dans l’usage de la force, notamment de la force aérienne et spatiale, qui vise à limiter notre liberté d’action par le recours à des outils de déni d’accès ou des démonstrations de puissance stratégique. En Libye, le déploiement d’avions MiG-29 russes et de systèmes sol-air, rend le théâtre non permissif et entrave toute liberté d’action. Au Levant, face à un regain de tensions, les États-Unis exigent de leurs alliés de ne disposer que d’avions polyvalents pour combattre le terrorisme, tout en garantissant la supériorité aérienne nécessaire à la manœuvre terrestre. La Méditerranée est aujourd’hui le théâtre d’une escalade de tensions. Elle est devenue pour la France une priorité politique, au même titre que le G5 Sahel, en proie à une instabilité accentuée par la situation politique, où l’emploi de l’arme aérienne est encore plus déterminant. Je n’oublie pas la zone indopacifique, qui fait l’objet de rivalités entre grandes puissances. Comme le rappelait le Président de la République, il s’agit d’un axe stratégique pour garantir à la fois nos intérêts économiques et de sécurité. Alors que la France est le seul pays de l’Union européenne géographiquement présent dans la zone, je vous assure que l’attente est forte de la part de nos partenaires, australien, japonais ou indien. Les sujets sécuritaires, humanitaires ou climatiques exigent présence et puissance. L’Airbus A400M est d’ailleurs actuellement déployé en renfort en Polynésie française, bel outil politique de coopération et d’assistance, grâce à ses capacités d’aérotransport et d’évacuation sanitaire.

Dans cette désinhibition, nous assistons aussi – ce point est important – à une démonstration stratégique des grandes puissances : les États-Unis déploient des Bomber Task Force de B-2 et B-52, en Grande-Bretagne ou aux Açores ; des bombardiers russes de type Tu-160 ou Tu-142 s’approchent de l’espace aérien de l’OTAN en mer Baltique et en mer du Nord. Notre espace aérien national est certes moins saturé depuis le début de la crise covid, mais il fait l’objet d’une surveillance accrue : outre ces aéronefs russes, à long rayon d’action, qui approchent nos côtes et sont surveillés, voire interceptés en coopération avec les pays européens, nous intervenons sur des avions de tourisme en infraction ou en détresse ; le drone peut également constituer une menace qu’il faut savoir traiter, comme l’ont démontré les incursions sur des aéroports, au Royaume‑Uni ou à Singapour, ou l’attaque du site pétrolier de Saudi Aramco, le 14 septembre 2019.

La menace dans la troisième dimension est désormais élargie à l’espace. Nous couvrions une bulle de quinze kilomètres d’altitude. Désormais, notre plafond s’élève à 36 000 kilomètres.

Nous assistons à une démocratisation des pays mettant en œuvre des satellites, dont le nombre est passé de 30 à 70 dans le monde en quelques années. Des objets non prédictifs changent d’orbite et se rapprochent. Le commandement de l’espace (CDE) observe depuis quelques mois la manœuvre de deux satellites militaires russes détectés pendant plusieurs semaines à moins de dix mètres l’un de l’autre, et dont l’un aurait libéré un objet propulsé.

Face à ces constats, l’utilisation de la troisième dimension produit des effets à plusieurs niveaux : au niveau politique – opération Hamilton en 2018, envoi de Rafale en Méditerranée en août dernier –, au niveau stratégique – dissuasion nucléaire aéroportée, capacité à projeter de la puissance, capacités spatiales – et au niveau opérationnel, dans tout le spectre des fonctions stratégiques, comme le montre l’exemple du drone Reaper armé dans la bande sahélo-saharienne (BSS).

Le CDE, créé le 3 septembre 2019, est une belle illustration de cette LPM de remontée en puissance, adaptée aux nouveaux enjeux : 3,6 milliards d’euros sont prévus pour l’espace ; s’ajoute un programme à effet majeur (PEM) de 700 millions d’euros sur la maîtrise de l’espace ; de plus, l’année 2021 sera marquée par des avancées capacitaires concrètes : lancement de la construction des infrastructures du CDE à Toulouse, livraison du satellite d’observation CSO-2, d’une constellation de trois satellites d’écoute CERES et d’un satellite de communication Syracuse IV. À l’image de la montée en puissance du CDE, je tiens à saluer la trajectoire de la LPM qui, après dix ans de baisse continue, présente pour la troisième année consécutive une augmentation des crédits, de 1,7 milliard d’euros en 2021, pour un budget de 39,2 milliards d’euros, dont 22 milliards d’euros pour les investissements en équipements et en infrastructures.

La LPM offre également une trajectoire croissante pour les ressources humaines des armées, et des mesures comme le plan Famille et le plan Hébergement, mesures décidées par la ministre des armées, qui participent à la fidélisation de nos aviateurs, moteurs de nos réussites opérationnelles.

Cette LPM consolide les leviers dont dispose l’armée de l’air et de l’espace pour répondre aux objectifs politiques de manière réactive, crédible et réversible, en tout point du globe avec une faible empreinte au sol. Nous détenons ainsi trois capacités clés : premièrement, protéger la France et ses intérêts ; deuxièmement, dissuader et permettre la liberté d’action interarmées ; troisièmement, intervenir vite et loin.

Nous protégeons la France et ses intérêts – comme vous l’avez évoqué, Madame la présidente – grâce à la posture permanente de sûreté aérienne. La police du ciel, tenue par l’armée de l’air et de l’espace, veille, décolle sous très court préavis, intercepte, identifie et agit pour la protection de notre territoire et de nos concitoyens. En 2020, 305 décollages sur alerte de nos chasseurs et hélicoptères Fennec ont déjà été réalisés pour des pertes de contact radio, des confirmations d’identité, des pénétrations de zones interdites et des assistances en vol. Quatre Mirage 2000-5 de la base de Luxeuil ont également assuré la police du ciel pendant quatre mois dans le cadre des mesures de réassurance de l’OTAN dans les pays baltes.

L’armée de l’air participe également aux missions de recherche et sauvetage – 53 vies ont été sauvées en 2019 – grâce à une flotte d’hélicoptère Puma fortement sollicitée et vieillissante. J’en profite pour saluer la commande dans le cadre du plan de soutien aéronautique de huit hélicoptères H225, qui contribueront au renouvellement des Puma, en attendant les douze appareils supplémentaires espérés. Je salue également la modernisation du Rafale F3-R, avec son missile Meteor, garant de notre supériorité aérienne, qui contribue non seulement à la protection des intérêts français, mais aussi aux missions d’intervention, notamment dans le domaine du haut du spectre.

C’est donc désormais jusqu’à une altitude de 36 000 kilomètres que nous est confiée la responsabilité de détecter, identifier et agir. Comme je l’ai évoqué, le CDE monte en puissance pour opérer dans, vers et depuis l’espace. Il contribue d’ores et déjà à l’appui aux opérations – le satellite CSO-2 sera lancé en décembre 2020 –, au soutien aux opérations spatiales – le CDE a participé à la surveillance du lancement, en mai 2020, de la capsule américaine Crew Dragon –, à la surveillance spatiale, notamment grâce aux radars GRAVES et SATAM qui ont, par exemple, permis l’évitement d’une collision entre la sonde Helios 2 et un objet spatial, le 22 septembre dernier. À terme, une défense active de l’espace sera mise en place. Un démonstrateur patrouilleur-guetteur dénommé Yoda est ainsi en cours de développement.

Au-delà des annonces, la stratégie de défense spatiale française, qui est parue avant celle des États-Unis, a apporté rapidement une grande crédibilité à notre pays. Au-delà des annonces, nous agissons et investissons. J’ai évoqué les nombreuses livraisons capacitaires attendues en 2021. Pour les ressources humaines, l’objectif est de 450 à 500 personnels supplémentaires en 2025. L’infrastructure du CDE à Toulouse, modulaire en 2021, sera définitive entre 2023 et 2025, pour accueillir notamment un centre opérationnel dédié. Toulouse accueillera, en mars 2021, le premier exercice spatial militaire européen, AstérX.

Ensuite, l’armée de l’air et de l’espace a la capacité de dissuader et garantit la liberté d’action interarmées. D’abord, elle met en œuvre la composante nucléaire aéroportée, en permanence, depuis 1964. Il y a une semaine, le 6 octobre dernier, nous retirions du service le premier avion C-135, entré en service le 20 janvier 1964 et totalisant plus de 36 000 heures de vol. Il avait servi dès les premières heures de la dissuasion nucléaire française, pendant la guerre du Golfe, et jusqu’à récemment dans l’opération Barkhane.

Comme vous avez pu récemment le constater, Madame la présidente, les forces aériennes stratégiques réalisent tout au long de l’année des manœuvres de montée en puissance et de démonstration de grande envergure de la composante nucléaire aéroportée. L’armée de l’air, plus largement, y entraîne ses moyens aériens, de commandement et de contrôle, de défense sol-air, à des scenarii de très haute intensité, qui paraissent de plus en plus envisageables.

Une page se tourne, l’avenir se construit, aujourd’hui avec la triade modernisée « missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) – Rafale – avion Multi Role Tanker Transport (MRTT) ». Le troisième MRTT a été livré en juillet 2020 et je salue l’arrivée, fin 2020, des deux premiers A330 que le plan de soutien aéronautique nous octroie. Un troisième A330 sera livré en 2022, puis ils seront convertis en MRTT. Des choix structurants seront également faits à partir de 2021 sur le futur missile ASN4G et le standard F5 du Rafale, qui prédominera.

Ces moyens répondent à une logique d’emploi dual, à l’image du MRTT Phénix, qui projette de la puissance, mais qui sauve aussi des vies, dans sa configuration médicalisée Morphée, et projette des forces, jusqu’à près de 260 passagers. Plus largement, les avions de transport de l’armée de l’air permettent le déploiement de personnels et d’équipements, pour de la gestion de crise, comme lors de l’opération Amitié, qui a mobilisé en août les A400M, C-130J, A310, C-160 et MRTT, mais aussi pour des projections de commandos ou de matériel au cœur d’un dispositif ennemi. Un A400M parti de France a ainsi largué 17 tonnes de fret par air au Mali avant de se poser sur la base aérienne projetée de Niamey.

Les aviateurs peuvent enfin apprécier en permanence et de manière autonome la situation dans la troisième dimension élargie. Au-delà des capacités spatiales que j’ai abordées, nos moyens dans le domaine de l’intelligence, de la surveillance et de la reconnaissance (ISR) ont été significativement améliorés en 2020 un système Reaper Block 5 a déjà été livré à Cognac et le deuxième système Block 5 est attendu en bande sahélo-saharienne ce mois-ci. Cette nouvelle version disposera de moyens de renseignement optiques et électromagnétiques, en plus de sa capacité armée.

Les deux premiers avions légers de surveillance et de reconnaissance patrimoniaux auront été livrés en 2020 et un troisième sera commandé dans le cadre du plan de soutien pour une livraison en 2023, avancée de trois ans. Ces moyens ISR sont particulièrement utilisés aujourd’hui en Afrique et en Méditerranée.

 

Enfin, pour intervenir vite et loin, le couple MRTT-Rafale est une belle illustration de la capacité d’intervention vite et loin de l’armée de l’air, capable en 2023 de projeter dix MRTT et vingt Rafale en quarante-huit heures à 20 000 kilomètres, de manière autonome et pour conduire dans la durée une campagne aérienne. Plus généralement, l’arme aérienne est particulièrement adaptée aux espaces lacunaires à forte élongation, comme la BSS. En témoigne le recours accru à la capacité combinée ISR-frappe, offerte par le Reaper armé depuis décembre 2019, en complément du Mirage 2000D : à ce stade, en 2020, près de 40 frappes ont été menées par ce drone Reaper.

Au Levant, où le terrorisme se réactive, tandis que l’Iran et la Turquie déploient des drones dans le Nord de l’Irak et que les chasseurs russes patrouillent en Syrie, le Rafale F3-R nouvellement déployé offre de nouvelles fonctionnalités indispensables pour agir dans un environnement complexe et peu permissif. Il a d’ailleurs effectué son premier tir dans l’opération Chammal le 12 septembre dernier, détruisant une cache d’armes et neutralisant plusieurs terroristes.

J’ouvre une courte parenthèse sur la préparation opérationnelle. Dans la troisième dimension, l’entraînement est nécessaire pour préparer les corps et les cerveaux de nos équipages à gérer des situations de combat éminemment complexes, dans un milieu qui n’a rien de naturel pour l’homme, et dans lequel tout va très vite. Des décisions vitales s’y prennent sous fort facteur de charge, à proximité du sol, en patrouille rapprochée et dans des conditions météorologiques parfois hostiles. L’unité de temps décisionnelle là-haut est inférieure à cinq secondes. Tout cela ne s’improvise pas et exige d’entraîner nos hommes et nos machines. La préparation opérationnelle des aviateurs est de ma responsabilité devant le chef d’état-major des armées. Je suis attentif aux moyens qui y sont consacrés : activité, équipement, petits et gros, environnement. En ce sens, la LPM offre une trajectoire favorable ; c’était une nécessité.

Demain, nous nous apprêtons à faire face à des engagements plus durs, avec la résurgence des risques de conflits de haute intensité.

Le premier défi qu’il me semble important d’anticiper, pour conserver notre capacité à protéger la Nation et ses intérêts, est de disposer d’une aviation de combat dimensionnée en quantité et qualité pour pouvoir répondre aux contrats opérationnels. Le point de passage en 2025 à 129 Rafale est pour cela très important, et les équipements qui l’accompagnent – radars, lance-missiles, pods de désignation, armements – sont tout aussi dimensionnants. Dans un environnement complexe doté de moyens de déni d’accès, l’attrition est en effet à reconsidérer, ce qui justifie d’une masse globale suffisante.

Aujourd’hui la masse nécessaire à toute opération d’ampleur est aussi obtenue par le biais d’opérations conjointes, interarmées et interalliées. L’armée de l’air et de l’espace est d’ailleurs au cœur de ces coopérations. La pose de la première pierre, il y a quelques jours, de l’escadron franco-allemand de C-130J à Évreux, par les deux ministres des armées, est un exemple concret de coopération capacitaire et opérationnelle, qui débutera dès l’été 2021, alors que le quatrième et dernier C-130J français a été livré en février dernier.

Le commandement européen du transport aérien (EATC), basé à Eindhoven, constitue un second exemple. Il a fêté ses dix ans d’existence le 24 septembre dernier à l’occasion de la passation de commandement entre la France et l’Allemagne. Ce commandement rassemble plus de 200 avions, de 18 types différents et appartenant à sept nations, qui assurent des missions de transport stratégique et tactique, de ravitaillement en vol et d’évacuation sanitaire. Ce commandement est un succès notable de coopération européenne en matière de défense.

En Afrique, dans la dynamique du sommet de Pau, l’armée de l’air travaille à renforcer le partenariat militaire opérationnel avec les pays du G5 Sahel, sur les volets de la formation, du renseignement et de la coordination des moyens aériens. Je participerai, à ce titre, en novembre à l’inauguration de l’escale aérienne militaire à l’aéroport de Dakar.

Dans le domaine spatial également, la France est engagée depuis 2020 dans la démarche Combined Space Operations, visant l’interopérabilité entre les « Five Eyes », les États‑Unis, le Royaume‑Uni, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande et le Canada, ainsi que l’Allemagne, dans le domaine des opérations spatiales.

Demain, cette masse sera décuplée par le combat collaboratif. La connectivité entre les effecteurs de tous les milieux sera nécessaire pour démultiplier les forces et produire un effet de saturation face aux systèmes de déni d’accès avancés. Les travaux en cours sur le système de combat aérien futur s’inscrivent parfaitement dans cette dynamique de combat collaboratif connecté grâce à son architecture de type « système de systèmes ». Il doit permettre à la fois de contrer le nombre et la puissance adverses, tout en défendant ses propres moyens. Il devra également contribuer à la crédibilité de notre composante nucléaire aéroportée. Enfin, il devra évidemment offrir des capacités de décision pour agir plus vite que l’ennemi.

La volonté politique très forte qui soutient ce programme a été, je crois, rappelée par la madame la ministre devant vous, il y a quelques jours. La signature d’un contrat entre les trois nations en 2021 sera primordiale pour respecter l’échéance d’un démonstrateur en 2026. Avec mes homologues allemands et espagnols, nous nous rencontrons régulièrement pour converger vers une architecture répondant aux attentes opérationnelles.

Mon deuxième défi porte sur le rôle confié à l’armée de l’air et de l’espace, dans une démarche interministérielle, en matière de coordination dans la troisième dimension. Ce rôle est légitimé en particulier par son expertise dans le domaine de la lutte anti-drones, exercée lors des différents dispositifs particuliers de sûreté aérienne. Le caractère résolument interministériel de la mission de sûreté aérienne et les délais très courts des processus décisionnels positionnent naturellement le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) au cœur de cette coordination interministérielle pour la lutte anti-drones. Le retour d’expérience sur la crise covid a d’ailleurs démontré toute la légitimité de ce commandement pour coordonner en situation de crise la manœuvre initiale interzonale des moyens aériens. Pour la lutte anti-drones, nous disposons d’équipements spécifiques de détection et de brouillage, les moyens mobiles de lutte anti-drones (MILAD), acquis et expérimentés en 2019 et encore aujourd’hui ; nous nous employons à compléter cette expertise grâce à un partenariat avec Aéroport de Paris (ADP) et l’Agence de l’innovation de défense (AID), et nous montons en puissance, dans la perspective de la Coupe du monde de rugby en 2023 et surtout des Jeux olympiques de 2024.

Un autre enjeu capacitaire majeur dans la coordination 3D est le système de commandement et de conduite des opérations aérospatiales (SCCOA), constitué de radars fixes et mobiles, de radios, de centres de contrôle et de conduite des opérations et du système qui les relie. Le programme Air command and control system (ACCS) de l’Otan, confié à Thales Raytheon Systems, est un enjeu majeur pour la coordination des opérations aériennes à l’échelle de l’OTAN. Des progrès notables et de bon augure ont été enregistrés en 2020, à la suite d’un travail en équipe entre les industriels, les armées et la direction générale de l’armement (DGA). Ils permettent d’envisager une mise en service opérationnelle (MSO) avant 2030, si la notification est prononcée en 2021. D’ici là, le système de traitement et de représentation des informations de défense aérienne (STRIDA) devra être prolongé et mis à niveau, afin de poursuivre les missions permanentes de sûreté aérienne et la conduite des opérations depuis le centre de Lyon-Mont Verdun.

Mon dernier défi, qui ne vous surprendra pas, ce sont les aviatrices et les aviateurs. Je ne les oublie surtout pas, ils sont au cœur de mes priorités. La covid a démontré encore une fois leur engagement, leur réactivité et leur efficacité. Je remercie en particulier les mécaniciens qui ont œuvré pendant toute la crise sanitaire pour que les avions volent et que les opérations continuent.

L’année 2020 a été très particulière pour les ressources humaines. La conjoncture, temporaire, a induit un nombre moindre de départs, alors que les recrutements ont été finalement peu impactés par la crise, au bénéfice d’un plan de communication actif et une image dynamisante de l’armée de l’air et de l’espace. Le moral des aviateurs est bon, malgré une fatigue légitime liée à la suractivité. En effet, même si l’ajustement annuel de la programmation militaire (A2PM) a octroyé quelques droits supplémentaires en mécaniciens et opérateurs spatiaux, il manque encore des ressources dans certains domaines – protection des emprises, contrôleurs, informaticiens –, ce qui pèse encore sur les personnels. Je dois aussi maintenir les efforts sur la fidélisation, pour ne pas laisser partir des personnels très qualifiés. C’est tout l’enjeu de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) : mon attention se porte sur la valorisation des compétences spécifiques des aviateurs et sur l’absence répétées de ces compétences.

 

La modernisation des formations constitue un levier important : modernisation, d’une part, des formations initiales, comme la Smart school, et, d’autre part, des formations professionnelles, comme le recours au simulateur de missions PC-21, à Cognac, formidable vecteur de préparation à l’aviation de combat. Le maintien d’une activité satisfaisante contribue également à la fidélisation, ce qui nous ramène à l’effort réalisé sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques. Je ne développerai pas ce point, faute de temps, mais l’armée de l’air et de l’espace travaille en étroite coopération avec la direction de la maintenant aéronautique (DMAé), la DGA et tous les acteurs du domaine, dont les industriels, pour dynamiser les processus et les effets de la réforme. J’y suis très attaché.

Enfin, l’accent mis par Madame la ministre sur les plans Famille et Hébergement porte ses fruits. Près de 2500 places de crèches supplémentaires ont été attribuées, un dispositif de prestation de soutien en cas d’absence prolongée du domicile a été mis en place, et l’armée de l’air disposera de près de 8 600 lits supplémentaires sur ses emprises entre 2019 et 2025.

En conclusion, l’armée de l’air vient de vivre un moment historique en devenant l’armée de l’air et de l’espace. Forte des capacités que lui offre la LPM, forte de ses aviatrices et aviateurs tournés vers l’avenir et forte de ses succès en opérations, elle s’apprête désormais à relever de nouveaux défis : « voir de plus haut, décider plus vite et être plus fort ».

Vous êtes, Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, toujours les bienvenus sur nos bases aériennes pour le constater. Je crois malheureusement que le calendrier des auditions ne vous permettra pas d’assister à la présentation des capacités de l’armée de l’air et de l’espace, ce jeudi 15 octobre, sur la base aérienne d’Évreux, mais je vous invite d’ores et déjà, au colloque sur la puissance aérienne et la maîtrise de l’espace, le 24 novembre prochain, à l’École militaire, au cours duquel j’exposerai plus en détail ma vision stratégique pour l’armée de l’air et de l’espace.

Avant de répondre à vos questions, je tenais à vous signaler, comme le veut la tradition, qu’un court film vient de vous être adressé, reprenant le tour de piste que je viens de vous dresser. Vous le recevrez très prochainement.

Je vous remercie.

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, je vous remercie pour l’ensemble de ces explications. Vos aviateurs et aviatrices sont certes fatigués, mais ils gardent le moral et sont prêts à continuer à assumer toutes leurs responsabilités, dans les meilleures conditions possibles. Je passe immédiatement la parole à nos collègues Christophe Lejeune et Jean-Jacques Ferrara, respectivement rapporteurs pour avis des crédits de l’équipement des forces et de la dissuasion et des crédits de l’armée de l’air et de l’espace.

 

M. Christophe Lejeune. Mon général, nous vous remercions pour votre exposé et ce tour de piste de l’air et de l’espace. J’ai bien compris que l’armée de l’air ne botterait pas en touche en 2023 : vous serez en première ligne, fidèle à votre poste, pour la Coupe du monde de rugby. Nous en étions convaincus ! Mon général, je souhaiterais vous poser trois questions.

Concernant les programmes menés en coopération avec d’autres pays, quel est l’état d’avancement des programmes sur l’Eurodrone, sur le SCAF, sur le futur missile anti-navire (FMAN) et sur le futur missile de croisière (FMC) ?

Concernant l’aviation de chasse, vous connaissez mon attachement à la base aérienne de Luxeuil et aux cigognes. Ce faisant, vous pouvez imaginer mon impatience quant à l’arrivée, à l’horizon des années 2030, d’un escadron de Rafale F5. Les perspectives de modernisation de l’avion de combat vous paraissent-elles correspondre aux besoins, alors que la supériorité aérienne des armées occidentales ne cessera d’être de plus en plus contestée ?

J’en viens à l’actualisation de la LMP, qui devrait intervenir en 2021. Qu’en attendez-vous ?

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Mon général, permettez-moi de vous dire combien c’est un honneur pour moi d’être à nouveau rapporteur pour avis pour le budget de l’armée de l’air. La forte augmentation des crédits alloués à l’action 4 du programme 178 s’explique par la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintenance aéronautique. Environ 7 milliards d’euros sont inscrits en autorisations d’engagement (AE), notamment pour engager le contrat Ravel 2 pour l’entretien du moteur M88 du Rafale ou encore le contrat d’entretien du SCCOA. Voilà qui va dans le bon sens. Toutefois, nous savons qu’il nous faudra attendre encore avant de percevoir les premiers effets de cette nouvelle organisation du MCO aéronautique.

Ma première question porte sur la disponibilité des équipements de l’armée de l’air. Quelles sont les principales fragilités, voire vos sources d’inquiétude ? Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur le MCO ? Vous avez mentionné le travail remarquable effectué par les mécaniciens durant cette période. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Par ailleurs, comme vous le savez, j’ai décidé de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire à la montée en puissance de l’armée de l’air et de l’espace. Pourriez-vous nous faire part de vos perspectives concernant les coopérations que nous pourrions mettre en place dans le domaine spatial ? Quels pays seront nos principaux partenaires, et, à l’inverse, lesquels se révéleront être nos premiers compétiteurs ?

 

M. Jean-Pierre Cubertafon. Madame la présidente, je vous prie d’excuser ce retard, indépendant de ma volonté. Mon général, je n’ai pas pu suivre l’ensemble de votre exposé, peut-être avez-vous abordé le sujet que je vais traiter. Avec mon collègue Jean-Jacques Ferrara, nous avons présenté au mois de juillet les résultats d’une mission flash relative aux hélicoptères des forces françaises. Véritable couteau suisse des forces armées, les hélicoptères sont au cœur de toutes les opérations, tant sur le territoire national qu’en opérations extérieures.

Un élément a particulièrement retenu notre attention, à savoir la constance dans l’indisponibilité d’une partie très importante de notre parc d’appareils. Seul un appareil sur trois est disponible. Pourriez-vous nous apporter des précisions ? L’une des raisons avancées est le manque de mécaniciens pour entretenir ces appareils ; ce manque s’élève à plusieurs dizaines de professionnels. Je souhaiterais avoir votre avis sur les mesures relatives à l’attractivité et la fidélisation de ces personnels dans nos armées. Quelles actions pouvons-nous mettre en place pour recruter plus de mécaniciens, et surtout les conserver au sein de nos forces ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Général, je vous remercie pour vos propos liminaires. Permettez-moi d’avoir tout d’abord une pensée pour nos pupilles de l’air qui ont récemment perdu la vie en Isère. La permanence opérationnelle de l’armée de l’air est intervenue récemment dans le ciel parisien. À cette occasion, je tiens à rendre hommage à vos aviateurs, même si nous avons constaté, avec regret, que les missions de police aérienne de nos armées sont encore relativement méconnues de nos concitoyens.

En observant le conflit au Haut-Karabakh, mon attention s’est portée sur les drones suicides ou munitions rôdeuses capables d’attaques saturantes. Je souhaite vous interroger sur nos capacités dans le domaine de la défense sol-air de courte et moyenne portée et de surveillance de la situation aérienne, sur le territoire national comme en opérations extérieures. Comment appréhendez-vous aujourd’hui cette menace ? Par ailleurs, un axe fort de la LPM 2019-2025 est la modernisation du SCCOA, que vous avez évoquée. Les crédits sont en phase avec la programmation. Une nouvelle génération de capteurs est en cours de déploiement et, cette année, dans le programme 146, j’ai notamment observé la livraison de plusieurs radars, la commande du système ACCS, sur lequel vous avez bien voulu nous faire un point de situation, et du système MILAD. Comme vous avez déjà fait un point d’étape sur le système ACCS ainsi que sur l’évolution du SCCOA, je souhaiterais vous interroger sur les effecteurs visant à protéger nos bâtiments et nos bases, sur l’avenir des programmes de système sol-air futurs et la perception que vous avez de nos réponses à moyen et long terme.

M. Alexis Corbière. Mon général, je souhaite m’associer à l’hommage rendu par mon collègue Jean-Charles Larsonneur à ces deux jeunes qui ont perdu la vie, alors qu’ils se formaient comme pupilles de l’air à Grenoble.

 

Ma question porte sur le SCCOA. Mon général, vous nous aviez rendu visite le 15 mai 2020. Vous aviez alors admis que nos radars connaissaient quelques fragilités, notamment quant à nos capacités en détection à basse altitude pour les objets lents et de petite taille, comme les drones. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions ? Quelles sont nos capacités réelles de détection ? Pourriez-vous nous donner des précisions sur la mise en service de la nouvelle génération de radars ?

M. André Chassaigne. Général, je souhaiterais revenir sur le MCO aéronautique, à la suite des propos de notre collègue Jean-Jacques Ferrara. La barre de disponibilité est à hauteur de 75 % : elle est fort haute. Sera-t-elle tenable, notamment pour les Rafale, après la vente de douze avions d’occasion à la Grèce ? De plus, la mise en concurrence avec les secteurs marchands contraint la DMAé à imposer au Service industriel de l’aéronautique (SIAé) des engagements difficiles à tenir, sans que lui soient donnés les moyens de mener à bien son indispensable révolution technologique, combinée à la révolution numérique.

Je vous livre un exemple que je connais bien – la ministre sera en visite, jeudi prochain, sur le site de l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Clermont‑Ferrand. Le contrat C-130 prévoit une disponibilité de 75 % sur quatorze appareils, ce qui représente moins de quatre appareils immobilisés. Les ateliers ne peuvent travailler que sur deux appareils dans le cadre du niveau de soutien opérationnel. Ainsi, des exigences très élevées peuvent venir mettre en difficulté les AIA. Il en va de même pour l’AIA de Bordeaux, mis en concurrence avec Safran pour les contrats relatifs au M88, le moteur du Rafale, tout comme les antennes de Toul et Phalsbourg, qui sont toujours en attente des contrats pour les hélicoptères NH90. Ne courrons-nous pas le risque d’affaiblir la base industrielle et technologique de défense (BITD) publique dans le domaine du MCO aéronautique ?

Ma seconde question porte sur les difficultés à recruter, à la suite de la fermeture des écoles de la DGA, des jeunes formés aux métiers de l’aéronautique. Certes, des lycées des métiers, avec des formations aéronautiques, forment des opérateurs. Mais comment former correctement des opérateurs, quand ces établissements ne peuvent pas disposer des aéronefs retirés du service ? La priorité est en effet donnée à la vente des aéronefs d’occasion à l’exportation. Pour citer un cas concret, au sujet duquel je vous ai écrit hier, il est impossible pour le lycée Roger Claustres de Clermont‑Ferrand de se voir mis à disposition des hélicoptères Puma ou Gazelle réservés à la vente, ou fournis sans moteur ou équipements électriques après déconstruction partielle à Châteaudun.

M. Yannick Favennec Becot. Mon général, je souhaitais profiter de cet exercice budgétaire, qui consacre l’extension de vos missions à l’espace, pour vous interroger sur les moyens alloués à la problématique de l’occupation croissante de l’espace exo-atmosphérique. Nous avions mis en avant le risque de la densité croissante de l’occupation de cet espace pendant l’examen de la LPM, en amendant le rapport annexé. En effet, la pollution de l’espace exo-atmosphérique est un danger de tous les instants pour nos matériels, pollution que les nuées de satellites, d’une taille miniature, ne vont pas améliorer. Il nous semble que la stratégie de verdissement du ministère peut s’attacher utilement à cette question. Par ailleurs, l’occupation croissante des orbites exploitées et la préséance du primo-arrivant poseront de plus en plus de problèmes quant à notre accès à des positions stratégiques. Dès lors, pourriez-vous nous faire un point sur les moyens supplémentaires et l’état de votre réflexion pour assurer le suivi des objets dans l’espace exo-atmosphérique et limiter, voire réduire, la pollution de celui-ci ?

Mme Anissa Khedher. Général, comme mes collègues, je tiens à vous remercier pour vos propos, et, par votre intermédiaire, je souhaite féliciter l’ensemble de vos militaires, qui chaque jour protègent notre espace aérien et interviennent en opérations extérieures. Je souhaitais signaler ici la participation de l’armée de l’air pour évacuer les malades au plus fort de la crise sanitaire au printemps dernier. Ces évacuations sur le territoire national ont demandé, dans l’urgence, de créer de nouvelles passerelles entre les militaires et les civils, dont le Samu, ou encore des entreprises de transport aérien d’urgence comme Oyonnair. Ces passerelles ont nécessité une grande coordination et l’adaptation de chaque organisation aux équipements et aux protocoles des autres, sans doute non sans difficulté. En retour d’expérience, je souhaiterais savoir si cette crise vous a permis de retravailler vos protocoles et de développer de nouveaux modèles de coordination avec vos partenaires civils pour gagner en efficacité, et, le cas échéant, si ces acquis d’expérience ont eu un impact sur le budget 2021 de l’armée de l’air.

Général Philippe Lavigne. Monsieur Lejeune, je vous remercie de votre question sur les programmes européens.

Le SCAF fait face à deux enjeux, un enjeu opérationnel et un enjeu industriel de construction du système. Une étude conjointe de concept, Joint Concept Study, a été mise en place en 2019. Elle travaille à la définition des architectures envisageables pour répondre aux menaces au-delà de l’horizon 2040 : quel type d’avions, quel type de drone. L’Espagne est pleinement intégrée aux côtés de la France et de l’Allemagne dans cette étude, de manière effective depuis juillet 2020.

Nous menons par ailleurs des travaux de nature opérationnelle sur différents piliers : le pilier moteur, le pilier avions, le pilier furtivité, le pilier capteur, notamment. Ces travaux ont été lancés en février 2020, en coopération avec les principaux industriels impliqués. Je suis en liaison permanente avec mes deux autres homologues. La Combined Project Team est active, elle rassemble les Allemands, les Espagnols et les Français, de l’armée de l’air et de l’aéronavale, en lien avec la DGA et les industriels.

 

Enfin, je souligne la nécessite de disposer de démonstrateurs, pour conforter les choix architecturaux et technologiques. Le développement de ces démonstrateurs s’étalera sur toute la période 2021-2026. Afin de respecter les objectifs calendaires, un accord plus engageant doit être signé entre les trois pays au plus tard au printemps 2021.

S’agissant de l’EuroMale, projet qui regroupe Espagne, Italie, France et Allemagne, le besoin unanimement affiché est celui d’une capacité drone de moyenne altitude et longue endurance européenne autonome. Ce drone devra pouvoir emporter un nombre conséquent d’effecteurs, qu’il s’agisse de capteurs ou d’armements, pour avoir la capacité, en toute sécurité, d’évoluer dans un espace aérien non ségrégué. Ce projet évolue très favorablement et devrait aboutir prochainement.

Le futur missile de croisière FMC remplacera nos missiles SCALP, qui ont par exemple servi lors de l’opération Hamilton en 2018. L’enjeu est la modernisation de notre capacité de frappe dans la profondeur. Le programme FMAN/FMC, qui porte également sur une capacité de frappe anti-navire mise en œuvre par la marine nationale, est conduit de manière bilatérale avec les Britanniques. Après une étude de concept qui a été notifiée en 2017, nous mènerons en 2021 une évaluation conjointe pour définir si nous choisirons un modèle subsonique et furtif ou un autre modèle. Afin de ne pas faire face à une rupture capacitaire, l’armée de l’air et de l’espace souhaite disposer des premiers FMC en 2030, date à laquelle les SCALP rénovés seront retirés du service.

S’agissant de l’aviation de chasse et de sa modernisation – ce qui rejoint aussi votre question, Madame la présidente – je rappelle que l’aviation de combat est constituée des avions porteurs, mais aussi de tous les équipements et munitions. Nous avons commandé, depuis le début du programme, 180 Rafale. L’armée de l’air et la marine en disposent actuellement de 152. Nous prévoyons de disposer de la tranche 4T2, qui compte 28 appareils, avant 2025. Comme je l’ai dit, ainsi que Mme la ministre dans son discours devant votre Commission, 129 Rafale sont attendus au sein de l’armée de l’air en 2025, et ce point de passage n’est pas remis en cause. Il est important car parallèlement, douze Mirage 2000C vont être retirés du service à l’horizon 2022. Et 55 Mirage 2000D sur les 70 dont nous disposons, seront rénovés. Nous sommes ainsi engagés dans un mouvement de réduction progressive du nombre de Mirage 2000 qui doivent être compensés par l’augmentation du nombre du Rafale. Nous avons construit un « biseau », pour accueillir la livraison de la cinquième tranche de 30 Rafale entre 2027 et 2030, et permettre la création d’un escadron Rafale sur la base aérienne de Luxeuil, que vous connaissez bien Monsieur Lejeune. Un grand effort est aussi porté sur les équipements plus petits : radars à antenne active (AESA), jumelles de vision nocturne, gilets de combat et radios dont La LPM prévoit l’augmentation.

 

L’aviation de combat connaît une perpétuelle modernisation. En effet, le Rafale F3-R est cours de livraison. Cet avion nous permet de déployer le missile METEOR, arme de supériorité aérienne, et de disposer d’un nouveau pod de désignation et d’observation, TALIOS, lui aussi en cours de livraison.

Monsieur Chassaigne a également posé une question sur les douze avions vendus à la Grèce. Cette perspective d’export vers nos partenaires grecs constitue une formidable opportunité, qui plus est indispensable pour notre base industrielle et technologique de défense, car les seules commandes de la France ne suffiraient pas. Ce sera la première fois que nous vendrons des Rafale en Europe, ce qui est très positif. La commande, annoncée par Mme la ministre, de douze nouveaux avions Rafale en remplacement de ces douze avions d’occasion cédés à la Grèce, vient limiter cet impact opérationnel.

L’actualisation de la LPM, qui aura lieu en 2021, portera sur la période 2023-2025. Tout ce qui n’est pas encore engagé fait l’objet de mon attention. Je pense naturellement à la maîtrise de l’espace et au programme à effet majeur (PEM) « Action et résilience dans l’espace » (ARES). Plusieurs millions d’euros sont prévus. Nous suivrons de près ces financements, notamment pour construire le commandement de l’espace.

S’agissant des ressources humaines, j’attends la consolidation des 900 postes prévus pour l’armée de l’air entre 2023 et 2025, sur les 1 246 prévus par la LPM. Ces 900 postes sont absolument nécessaires dans différents domaines d’expertise, nous y reviendrons.

Concernant la poursuite de la modernisation de la formation aéronautique, l’armée de l’air et de l’espace dispose de 17 PC‑21. Mon objectif est de voir leur nombre augmenter, afin d’effectuer la transition du PC-21 vers le Rafale, et ainsi retirer du service un certain nombre d’Alphajet qui assurent encore cette mission. Dans le cadre du projet « MENTOR », nous souhaitons poursuivre la moderniser de la formation initiale des jeunes pilotes à Salon-de-Provence en optimisant la durée et le nombre d’aéronefs utilisés. Voilà les points principaux de l’actualisation de la LPM.

Monsieur Ferrara, je vous remercie pour vos deux questions, sur le MCO et sur les coopérations dans le domaine spatial. Concernant le MCO, plusieurs leviers existent pour augmenter la disponibilité. La DMAé a mis en place des contrats verticalisés : contrat Ravel, pour le Rafale, ou encore Chelem, signé fin 2019 pour nos hélicoptères Caracal, par exemple.

Outre le levier industriel, nous améliorons les performances du niveau de soutien opérationnel (NSO), qui concerne les mécaniciens de l’armée de l’air et de l’espace. À Orléans par exemple, nous avons mis en place un plateau technique réunissant, outre les personnels de l’armée de l’Air et de l’Espace, la DMAé et les industriels. Les équipes techniques sont organisées en frontline et en baseline, avec une équipe que je qualifierais de « chirurgiens d’urgence » et une équipe qui traite dans la durée les problèmes rencontrés par nos avions, selon des horaires adaptés, notamment dans le contexte de la covid, mais surtout afin d’augmenter le temps de travail disponible sur nos appareils. La disponibilité est meilleure. La maintenance de l’A400M connaît une dynamique positive, grâce au NSO et à une meilleure coordination entre l’ensemble des intervenants.

Pour le Caracal, le contrat Chelem, signé en novembre 2019, prévoit une amélioration de la disponibilité sur une période de dix‑huit mois.

Pour le Rafale, nous commençons à ressentir les premiers effets positifs du contrat Ravel, signé mi-2019, notamment dans la résolution des faits techniques.

Enfin, s’agissant des Mirage 2000D, leur rénovation limite forcément leur disponibilité, dans la mesure où une partie de la flotte est immobilisée chez l’industriel. Je tiens toutefois à souligner l’extraordinaire travail de nos mécaniciens sur Mirage 2000D et 2000-5, pour être au rendez-vous des opérations et de la préparation opérationnelle.

J’en viens aux impacts de la crise sanitaire. Grâce à un travail d’équipe – je pense aux industriels, aux mécaniciens, à la DMAé, à la DGA –, nous avons réussi à réaliser toutes nos missions en opérations, avec un taux de réalisation de 88 % d’heures de vol réalisées par rapport aux prévisions : 95 % pour la chasse, 95 % pour les hélicoptères. Le transport aérien a moins volé, car les frontières d’un nombre important de pays étaient fermées. Nous allons quand même réaliser 95 % de l’activité prévue pour l’A400M. Nous rencontrons en revanche un problème sur le C-130, dont je parlerai ultérieurement.

Concernant l’espace, la coopération est très riche. La France dispose d’une crédibilité, industrielle, scientifique – je pense au Centre national des études spatiales (CNES) et à l’Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA) – et surtout stratégique grâce à la stratégie spatiale de défense française. Nous avons adhéré au programme Combined Space Operations, qui regroupe les « Five Eyes » et l’Allemagne, en février 2020. L’objectif est de partager une vision commune sur la détection, l’identification et les opérations spatiales à l’horizon de 2030.

Avec l’Allemagne, nous visons in fine une surveillance de l’espace élargie, grâce à une complémentarité des capacités. Les deux ministres ont signé une lettre d’intention, et nous avons mis en place des groupes de travail sur les questions opérationnelles et capacitaires. Nous travaillons beaucoup sur l’échange d’informations.

Notre partenariat avec les États-Unis est opérationnel. Nous échangeons beaucoup avec le nouveau commandement de l’espace américain que dirige le général Raymond. Notre coopération est permanente, sur les normes de comportement et sur la communication stratégique.

 

Nous avons aussi un partenariat d’exception avec le Japon, qui offre un important volet civil et souhaite développer un volet militaire, tant dans le domaine de la surveillance que de l’information. Il en va de même pour l’Inde, avec laquelle nous avons conclu un partenariat stratégique, et qui nous sollicite beaucoup pour coopérer dans les mêmes domaines.

Monsieur Cubertafon, j’ai déjà répondu sur le MCO, mais vous avez très justement pointé du doigt l’un des leviers de la disponibilité : pour faire voler les appareils, nous avons besoin de mécaniciens, au sein de notre armée de l’air et des autres armées. La modernisation participe de la fidélisation : le Rafale, l’A400M, la montée en puissance du MRTT ou des autres flottes y contribuent. Les formations elles-mêmes doivent être modernes. Nous travaillons actuellement sur le hangar du futur, sur les formations initiales sur le site de Rochefort, dans le cadre de notre projet Smart school, mais aussi sur l’impression 3D. Monsieur Chassaigne évoquait l’AIA de Bordeaux : à proximité, nous disposons d’un site – l’atelier de réparation de l’armée de l’air (ARAA) de Beauséjour – qui pourrait devenir une sorte de ferme d’impression 3D. La fidélisation intègre également des leviers financiers : les compétences spécifiques de nos mécaniciens doivent être reconnues. Cet axe de réflexion est inclus dans la NPRM. Le recrutement est également un facteur à considérer. Nous devons augmenter notre capacité de recrutement : depuis 2019, nous poursuivons un objectif de plus 3 000 recrutements par an, dont un certain nombre de mécaniciens – de toutes spécialités – contre moins de 2 000 recrutements en 2014. Pour fidéliser il nous faut aussi faire évoluer l’activité : un mécanicien est heureux, tout autant qu’un pilote, lorsque les avions volent.

Monsieur Larsonneur, vous m’interrogez sur la posture permanente de sûreté aérienne et sur les enjeux de la défense sol-air. Vous avez cité les drones employés dans le conflit au Haut‑Karabakh. Avant tout, il me paraît nécessaire de rappeler l’état des menaces existantes et d’évoquer celles à venir : les drones constituent des menaces furtives ; des menaces hypervéloces existent aussi. Les contrer constitue un enjeu crucial pour aujourd’hui et pour demain. S’ajoutent des menaces manoeuvrantes. Comment les contrer ? Il nous faut jouer en équipe, à l’image de ce que fera le SCAF, en tant que système de systèmes.

La première étape consiste à détecter et identifier. La détection rejoint votre question sur la modernisation des capteurs. Nous pouvons disposer de radars en propre, comme la LPM le prévoit, avec seize rénovations de radars haute et moyenne altitude, des radars en basse et moyenne altitude, des contrôles locaux d’aérodromes, des radios et des systèmes pour relier d’autres systèmes. Entre 2020 et 2025, cette partie de la détection sera donc modernisée. La détection se fait également avec les pays transfrontaliers : le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne, la Suisse, l’Italie et l’Espagne. Nous échangeons nos données, et disposons ainsi d’une couverture et d’une profondeur stratégique supérieure.

 

Il nous faut enfin être capables de traiter toutes ces menaces, de la lutte anti-drones jusqu’à la lutte antimissiles, et ainsi d’intervenir dans toutes les couches d’altitude. L’armée de terre met en œuvre des radars de très courte portée et l’armée de l’air et de l’espace des systèmes sol-air de courte et moyenne portées. Le retrait de service du système Crotale NG est prévu d’être prolongé au plus tard en 2027. Il permet une détection en très basse altitude, inférieure à 150 mètres, pour défendre des zones d’intérêt temporaire, des « bulles », comme au G7, des bases aériennes ou des centrales nucléaires. La prolongation de cette capacité à horizon 2030 n’est aujourd’hui pas pris en compte dans la LPM ; il est important de l’inscrire dans son actualisation. Enfin, nous disposons du système sol-air de moyenne portée (MAMBA). Une augmentation de ses capacités est prévue, avec une signature de contrat espérée pour la fin de l’année 2020, des premières livraisons en 2027 et une livraison de huit SAMP/T NG en 2030. Son radar sera plus puissant, il discriminera de plus loin. Le missile ASTER va disposera d’une portée et d’un plafond en altitude accrus, et l’engagement sera beaucoup plus autonome. Voilà qui répond en grande partie à vos questions. L’échéance des JO 2024 est importante, mais j’ai aussi pris un engagement vis-à-vis de l’Otan et de la force de réaction de l’OTAN (NATO response force) en 2022.

Monsieur Corbière, concernant la capacité de détection en basse altitude, j’ai en partie répondu. La LPM inclut les acquisitions de radars en basse altitude, fixes ou mobiles, et nous disposons d’une feuille de route pour la détection basse couche, dans le cadre de la sûreté aérienne, qui nous permettra de prendre en compte ce type de détection. Nous en sommes aujourd’hui à la quatrième version du SCCOA, et le SCCOA 5 prévoit le renforcement de cette capacité de détection en basse altitude. Nous attendons l’évolution du radar Giraffe, que nous avions déployé en Arabie Saoudite. Il est nécessaire de jouer en équipe, entre aviation civile et aviation militaire ; en effet, l’aviation civile et les grands aéroports disposent de capacités de détection. L’enjeu est de coordonner l’ensemble de ces radars. Nous y travaillons, notamment avec le CDAOA.

Monsieur Chassaigne, nous avons déjà abordé le MCO aéronautique et la question de la disponibilité, avec la vente des douze avions à la Grèce. Nous limitons l’impact opérationnel avec la commande de douze nouveaux avions annoncée par Mme la ministre. Le SIAé est essentiel. Je me suis rendu à Clermont‑Ferrand il y a peu ; Mme la ministre va également s’y rendre. Un nouveau directeur central du SIAé a été nommé. Nous travaillons tous ensemble, DMAé, DGA, SIAé et armée de l’air et de l’espace pour répondre à l’enjeu de disponibilité des matériels aéronautiques. Le C-130H constitue bien un problème qui est pris en compte. Il s’agit d’un vieil avion, qui, comme tout vieil avion, ne disposait pas de système de navigabilité. Le SIAé a récupéré la charge de la maintenance de cette flotte en juillet 2018. Nous avons établi un diagnostic et mené des opérations de maintenance qualifiées en termes de navigabilité. Cela a pris du temps. Le SIAé a cependant réussi à intervenir sur le C-130, avec des moyens et des organisations très modernes.

 

Le SIAé ne peut pas travailler seul. Outre le site de Clermont‑Ferrand, il va s’adosser au site d’Orléans : une équipe du SIAé viendra travailler avec nos mécaniciens sur les C-130. Nous mettons en place un véritable travail d’équipe. Quant à la mise à disposition des matériels, nous y travaillons et avons notamment pu mettre des matériels à disposition de l’École des pupilles de l’air et du site de Rochefort ; nous allons continuer à le faire pour l’ensemble des écoles de formation, et nous solliciterons les industriels.

Monsieur Favennec Bécot, vous m’avez interrogé sur la densité croissante et sur le suivi des objets dans l’espace. Le suivi des objets spatiaux est assuré par notre système radar GRAVES, les retombées à risque par notre système SATAM, dont la rénovation est prévue en 2023, et également par certains télescopes, par le biais de coopérations avec les États‑Unis ou l’Allemagne. Actuellement, nous ne menons pas de travaux, au sein de la Défense, sur la gestion des débris, mais nous suivons la question par le biais du suivi des objets spatiaux.

Madame Khedher, je vous remercie pour les félicitations que vous avez adressées à nos militaires. La crise sanitaire nous a permis de travailler encore plus étroitement avec nos partenaires, que nous connaissons déjà bien. Le CDAOA met en œuvre une cellule de coordination et de sauvetage. Elle a permis notamment pendant la crise sanitaire de coordonner la manœuvre aérienne des différents organismes, de garantir la sécurité aérienne en particulier lors de multiples arrivées sur des hôpitaux engorgés. Les retours d’expérience ont permis de fluidifier la manœuvre globale et de développer des protocoles pérennes en interministériel.

Mme Sereine Mauborgne. Général, au-delà de vos personnels, je souhaite tout d’abord renforcer les remerciements de Mme Khedher à l’ensemble des militaires ayant contribué à l’opération Résilience. Je me suis déplacée à la 36 F, où j’ai pu observer les modifications opérées, notamment sur les hélicoptères, pour procéder à l’électrification des soutes et permettre une bonne ventilation des malades au cours des transports, puisque les batteries d’autonomie étaient jusqu’alors assez peu fiables à cause des différences d’altitude. J’ai très chaleureusement remercié les personnels ; la coopération a été excellente entre le service de santé des armées (SSA), la base et les civils.

Je souhaitais évoquer les enjeux sol-air et la lutte anti-drones. Quelle est votre vision en la matière, en tant que responsable de la sécurité de l’espace et des airs ? Cet espace aérien est aussi celui des soldats à terre, puisque la protection de l’espace aérien à Kourou est assurée par l’armée de terre. Est en jeu la commande de nouveaux radars, qui rentreraient dans la bulle connectée, pour notamment compléter cette artillerie sol-air, et éventuellement dans la lutte anti-drones, en tant qu’elle protège les soldats au sol.

 

Mme Patricia Mirallès. Général, je vous remercie pour vos propos, qui mettent en lumière les enjeux et les attentes de l’armée de l’air et de l’espace. Je salue tous nos aviateurs engagés dans les opérations extérieures. Nous évoquons souvent l’opération Barkhane, à juste titre, mais n’oublions pas nos soldats engagés dans l’opération Chammal, qui effectuent des actions d’une très grande importance pour neutraliser les groupes terroristes au Levant.

Concernant le programme 146 sur l’équipement des forces, la ligne 6 consacrée à la dissuasion révèle une augmentation de 7,18 % des crédits de paiement (CP) en 2021, passant de 3,8 milliards d’euros à 4,1 milliards d’euros. Pouvez-vous nous indiquer, général, comment seront répartis cette augmentation et les crédits alloués à la dissuasion, entre les forces navales et aériennes. Dans le même temps, la nette baisse des autorisations d’engagement (AE) sur le long terme n’entre-t-elle pas en contradiction avec l’intention du chef de l’État de renouveler les deux composantes, navale et aérienne, de la force de dissuasion à l’horizon 2035 ? Comme annoncé dans son discours à l’École militaire en février dernier, quel rôle notre armée occupera‑t‑elle à long terme dans le domaine nucléaire ?

M. Jean-Louis Thiériot. Mon général, je souhaiterais vous interroger sur la commande de dix-huit Rafale passée par la Grèce à la France. Il s’agit d’une très bonne nouvelle, sur le plan symbolique, car l’excellence de la BITD et de la production française est reconnue en Europe, à la suite de l’annonce de la commande de douze nouveaux appareils, et sur le plan stratégique, car la présence française est ainsi renforcée au cœur de l’arc de crise de la Méditerranée orientale. Sur les dix-huit appareils commandés, douze sont d’occasion, et donc retirés de nos effectifs. À quelle échéance comptez-vous les retirer de la mise en ligne ? Quand la commande des douze appareils est-elle censée être passée ? Quand ces nouveaux appareils seront‑ils en ligne ? J’ai entendu dire que ce serait le cas en 2025. Comment allez‑vous gérer la période intermédiaire ? Des Mirage vont-ils rester plus longtemps en escadrille ?

Ma question suivante est plus générale et n’est pas liée à cette vente de Rafale. En 2019, vous aviez dit que l’armée de l’air avait besoin de reprendre de la « masse », si je me rappelle bien votre expression. Au-delà du contrat opérationnel – il revient à l’autorité politique de le fixer –, face à la désinhibition que vous évoquiez dans vos propos liminaires, pensez-vous que notre format d’armée de l’air soit suffisant et que des ajustements pourraient être réalisés ? Ce dans les limites, évidemment, des prérogatives de l’autorité politique qui prend les décisions qui s’imposent.

Mme Françoise Ballet-Blu. Général, je vous remercie pour vos propos liminaires fort complets et précis. Ma question rejoint celle de mon précédent collègue. Dans le contexte sanitaire actuel, nous serions en droit de nous inquiéter pour l’avenir de notre industrie en général, et pour l’industrie militaire en particulier. Cependant, il y a lieu de se réjouir de la vente récente de Rafale en Inde, ainsi qu’en Grèce, premier pays européen à acheter cet avion de chasse. La Finlande, la Croatie, ou bien encore la Suisse, à des horizons différents, s’intéressent de très près à ce fleuron de Dassault Aviation. Même si vous avez déjà répondu partiellement à cette question, quelles sont selon vous, général, les conséquences opérationnelles attendues à la suite de l’achat des Rafale par la Grèce, et quelles sont vos attentes en termes d’interopérabilité ?

Par ailleurs – voyez-y un tropisme lié à ma double nationalité franco-suisse –, pourriez-vous nous dire comment se sont passées les démonstrations dans les Alpes suisses, lors du meeting aérien de Mollis, l’été dernier : qu’est-ce qu’a démontré l’armée de l’air et de l’espace et que permet le Rafale dans le relief particulier de la Suisse ?

Mme la présidente Françoise Dumas. N’oublions pas que nous sommes voisins !

Mme Natalia Pouzyreff. Général, permettez-moi de vous interroger sur la manière dont vous considérez la future intégration d’armes hypersoniques ou hypervéloces au titre des équipements des forces aériennes, que ce soit en vecteur de charge nucléaire ou conventionnelle. Quel serait le meilleur compromis entre allonge et vélocité ? À ce stade, que pouvez‑vous nous dévoiler sur les options retenues pour l’ASN4G, dont l’entrée en service est prévue à l’horizon 2030 ? Enfin, auriez-vous des informations à nous communiquer à titre comparatif sur les armes hypersoniques développées par d’autres pays, la Chine, la Russie et les États‑Unis ?

M. Bastien Lachaud. Général, un grand nombre des questions de mes collègues ont porté sur l’espace, sur les Rafale et les drones. Je ne vous réinterrogerai pas sur ces éléments qui sont fondamentaux pour l’armée de l’air. Je me contenterai d’une question technique. Nous constatons une forte hausse des AE, de 800 millions d’euros pour l’activité des forces aériennes stratégiques. En quoi ces 800 millions d’euros consistent-ils exactement ? Simultanément, nous constatons, à l’action « Dissuasion » du programme 146, une très nette baisse de ces AE, mais non des CP. S’agit-il d’un transfert du programme 146 vers votre budget de l’activité des forces aériennes stratégiques ? Pourriez-vous nous expliquer précisément les liens entre ces deux lignes budgétaires et leurs évolutions ?

M. Jacques Marilossian. Général, récemment, dans un article de DSI magazine que le général de brigade Péna a consacré à la rénovation de notre CDAOA, ce général appelait à la nécessité de s’intéresser au multi-domaines. D’après lui, nous faisons face au retour de puissances étatiques agressives et jalouses de leur souveraineté, qui sont capables de mettre en place des systèmes de défense intégrés de haute technicité, aussi bien défensifs qu’offensifs. Ces systèmes peuvent menacer nos territoires nationaux, notamment notre zone économique exclusive. Notre engagement dans le SCAF, avec notre partenaire allemand, constitue une occasion, pour l’armée de l’air, de repenser ses structures de commandement et de contrôle. Le général Péna estime qu’il faut dépasser la composante aérienne d’un simple C2 « air » multi-domaines, en intégrant en même temps les autres milieux – terre, air, mer, espace, voire cyberespace. Un C2 « air » multi-domaines renforcerait l’efficacité de la chaîne de commandement face aux menaces précédemment évoquées. Dans le cadre du PLF pour 2021, les premiers éléments d’un C2 « air » multi-domaines sont-ils déjà en préparation ?

Mme Séverine Gipson. Général, comme vous l’avez évoqué lors de votre présentation, l’arrivée de l’unité franco-allemande devient chaque jour une réalité plus concrète à la base aérienne d’Évreux-Fauville. Je peux en témoigner par l’activité de construction sur la base et la fierté affichée des militaires qui préparent son accueil. L’installation de l’unité débutera progressivement, à partir de l’été 2021 ; en plus de la mutualisation des C-130, il est prévu pour ce projet unique un simulateur de vol dédié à ce nouvel avion. Quel est l’avancement de ce projet ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. Général, ma question concerne le recrutement des jeunes. La marine va recruter 3 600 jeunes, l’aviation sensiblement le même nombre, et l’armée de terre environ 17 000. Toutes les armées sont confrontées au même problème, celui de l’attractivité des métiers, dont certains sont en tension. Par exemple, le chef d’état-major de l’armée de terre réfléchit à la création d’une école technique pour les sous-officiers. Cette question du recrutement des jeunes, et plus particulièrement pour les métiers en tension, est prégnante. Nous constatons que certaines spécialités sont déficitaires chaque année. Pour corriger ce manque d’attractivité et la concurrence pour attirer les profils recherchés, quelle stratégie pourrait être mise en place pour mieux orienter nos jeunes ?

Général Philippe Lavigne. Madame Bureau-Bonnard, l’armée de l’air dispose d’une école destinée aux sous-officiers, l’École de formation des sous-officiers de l’armée de l’air de Rochefort, qui forme de nombreux jeunes dans différentes spécialités du domaine aéronautique. L’école de Rochefort forme d’ailleurs également les sous-officiers traitant du milieu aéronautique dans l’armée de terre et l’aéronavale. 3 650 jeunes aviateurs ont été recrutés en 2019. La cible pour 2020, crise covid oblige, est de l’ordre de 3000.

Selon une étude récemment publiée, l’armée de l’Air et de l’Espace est l’entreprise préférée des étudiants et jeunes diplômés, dans la catégorie « institutions et établissements publics ». Au classement final des 14 000 jeunes sondés, nous terminons à la trente-troisième place sur 179 entreprises françaises et internationales. L’armée de l’air et de l’espace jouit d’une très grande attractivité.

Pour recruter parmi les jeunes générations, il faut proposer des formations attractives, mais aussi des métiers attractifs. Le fait de disposer d’une armée de l’air et de l’espace qui se modernise et est toujours en action, participe de cette attractivité.

 

Madame Gipson, vous connaissez parfaitement la base aérienne d’Évreux qui accueille l’escadron franco-allemand. La première pierre de cet escadron a été posée le 17 septembre dernier, en présence de mesdames les ministres française et allemande. À terme, dix C130-J, six avions allemands et quatre avions français, ainsi que 260 personnels dont 130 Français et 43 Allemands, composeront ce nouvel escadron en juillet 2021. Le centre de formation devrait être opérationnel en 2023, pour participer à la formation des pilotes et des personnels non navigants. Voilà un superbe exemple de programme européen. Il s’agit de la première unité qui connaîtra une réelle intégration des personnels allemands et français.

Monsieur Marilossian, le « multi-domaines » désigne notre capacité à unir les trois grands milieux, mais également le domaine spatial et le domaine cyber. Comme pour le SCAF, il faut agir et penser ensemble, pour gagner en vitesse et en supériorité opérationnelle dans tous les domaines. Des études sont en cours au sein de nos armées. Aux États-Unis, il a été confié à l’US Air Force, le soin de mener les études sur le multi-domaines, notamment en ce qui concerne le commandement et contrôle, que nous appelons le « C2 ». Pour la France, le C2 est assuré par le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), sous la responsabilité du chef d’état-major des armées. Le budget 2021 ne prévoit pas de crédits explicitement dédiés à ces études, mais les crédits alloués aux études pour le CDE ou le Commandement pour les opérations interarmées (CPOIA) participent à cette démarche. L’état-major des armées participe à cette réflexion sur l’intégration du multi-domaines.

Madame Mauborgne, vous m’avez interrogé sur la lutte anti-drones et les radars sol-air, que nous partageons avec l’armée de terre. Le sol-air très courte portée, comme le Mistral, est mis en œuvre par l’armée de terre. Le sol-air courte portée et moyenne portée est confié à l’armée de l’air et de l’espace, pour sa capacité à être intégré à la troisième dimension. Lorsqu’un dispositif particulier de sûreté aérienne est mis en œuvre, le CDAOA a la responsabilité de gérer la lutte anti-drones, grâce à un ensemble de capacités de très courte, courte et moyenne portées. Comme déjà abordé, la modernisation de ces radars est un réel enjeu opérationnel. La LPM en cours prévoit douze nouveaux radars de basse et moyenne altitude, trois radars d’approche et quatre radars tactiques, les GM 200. L’année 2021 verra le traitement de l’obsolescence du radar Giraffe, radar basse altitude que nous avons déployé en Arabie-Saoudite. La modernisation est réalisée dans une démarche interarmées, au profit du domaine interarmées.

Madame Mirallès et Monsieur Lachaud, concernant les crédits de la dissuasion, le PLF 2021 porte le budget à 4,97 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 5 % par rapport à 2020 et correspond à l’augmentation globale du budget de la défense, qui augmente de 1,7 milliard d’euros. La dissuasion représentera 12,6 % des crédits de la mission « Défense » en 2021, contre 12,7 % en 2020. Il s’agit d’une stabilité voulue, maîtrisée sur l’ensemble de la LPM, car nous ne souhaitions pas créer d’effets d’éviction financière sur les moyens conventionnels des armées, qui eux aussi bénéficient d’une certaine stabilité. Le domaine conventionnel représente environ 78 % de l’agrégat « Équipement » et reste donc stable par rapport au volume global du budget. Pour la composante nucléaire aéroportée, l’enjeu est la poursuite de la rénovation à mi-vie du missile ASMPA, et, bien évidemment, la préparation de son successeur l’ASN4G. Des crédits sont aussi dédiés à la poursuite de l’adaptation des moyens de transmission qui représente un réel enjeu, et au MCO des moyens de dissuasion et des infrastructures, soit environ 650 millions d’euros, incluant les moyens de la composante océanique ou aéroportée.

Monsieur Thiériot, j’ai déjà évoqué la question des Rafale vendus à la Grèce en réponse aux questions sur l’aviation du combat et à la question de M. Chassaigne. Vous avez rappelé l’opportunité que représente la vente de ces dix-huit Rafale en Europe. Douze seront d’occasion. L’État français travaille actuellement avec la Grèce, son armée de l’air et Dassault Aviation. J’ai reçu mon homologue il y a une petite dizaine de jours ; nous avons examiné ses besoins, eu égard au contexte actuel et au fait que nous connaissons ce partenaire depuis longtemps, partenaire qui détient des Mirage, qui connaît les avions de Dassault Aviation et les moteurs produits par Safran, et dispose d’un très bon niveau opérationnel. Les négociations sont en cours. Nous pourrions suivre la démarche suivante : une première livraison d’appareils d’occasion en 2021, une deuxième en 2022 et une troisième en 2023, et une commande à réaliser au plus tôt pour que la France dispose des douze nouveaux avions en compensation. Les Mirage 2000 sont, pour certains, en bout de potentiel et ne pourront être maintenus. En revanche, nous travaillons de manière active sur la disponibilité des Rafale, qui nous permettra de minimiser cette réduction temporaire de capacité.

Monsieur Thiériot, vous avez aussi parlé de masse et de format. Je souhaite que notre aviation de combat soit effectivement modernisée, grâce aux commandes et aux livraisons de Rafale. Mme la ministre a confirmé le jalon de 2025, avec 129 Rafale pour l’armée de l’air, qui verra la livraison de cette tranche dite 4T2 de 28 appareils. L’ambition 2027-2030 inclut 30 Rafale, mais aussi la modernisation du Rafale avec un standard F4 qui apportera des capacités majeures d’engagement (armement), de survivabilité (protection), de connectivité (communications satellitaires), essentiels au maintien de la supériorité opérationnelle. La masse, à terme, sera décuplée par le combat collaboratif connecté qui fonde le principe du SCAF.

Madame Ballet-Blu, la question de l’interopérabilité est tout à fait pertinente. Je distinguerai l’interopérabilité technique et l’interopérabilité opérationnelle. Concernant la première, nous travaillons par exemple sur une feuille de route sur la connectivité entre l’Allemagne, l’Espagne et la France. Nous n’attendons pas le déploiement du SCAF. La France disposera ainsi de versions améliorées de son Rafale, comme l’Allemagne et l’Espagne de leurs Eurofighters. Nous essayons de faire converger les feuilles de route pour la connectivité de ces avions de combat, pour que nos appareils puissent discuter plus facilement ensemble, et pour que nous puissions nous rejoindre à l’horizon 2040.

 

L’interopérabilité est également opérationnelle ; outre les opérations menées en coalition, nous menons régulièrement des entraînements de manière conjointe.

S’agissant de la Suisse, le Rafale présente des capacités de protection de l’espace aérien adaptées à un pays montagneux, comme l’est également la France. La Suisse recherche également des capacités de souveraineté aérienne, que le Rafale peut offrir grâce à son radar, qui détecte en basse comme en haute altitude, et à son missile, qui assure une supériorité aérienne. Par ailleurs le pod TALIOS permet d’identifier tout ce qui se passe au sol. Le Rafale peut aussi intervenir très rapidement.

Madame Pouzyreff, votre question, très pertinente, porte sur l’hypersonique, ou hypervélocité. Il va falloir faire face à cette nouvelle capacité, et en disposer. Tel est l’enjeu des études et travaux en cours sur le remplaçant de notre ASMPA, l’ASN4G, qui vise un équilibre entre allonge et vélocité. Nos missiles doivent aussi être manœuvrables et furtifs. Nos institutions, comme l’ONERA, et les industriels mènent des études poussées sur le sujet. Des expérimentations sont déjà en cours dans des grands pays comme la Chine, la Russie et les États-Unis.

Madame la présidente, je crois avoir répondu à l’ensemble des questions.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, mon général, mais elles ont suscité d’autres questions !

M. Jean Lassalle. Mon général, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, cher Philippe Lavigne, je suis réellement désolé de ne pas avoir pu participer à l’ensemble de votre exposé ; cependant, ce que j’en ai entendu m’a beaucoup touché. J’étais en retard car je me suis retrouvé au milieu de la manifestation sur le Haut-Karabakh, que je n’ai pu éviter. J’y ai même dit un mot.

Les généraux, jusqu’à votre chef d’état-major, ont toujours répondu à nos questions, notamment pour savoir si vous disposiez des moyens nécessaires pour prolonger notre politique au niveau de l’espace et pour lutter contre la cybercriminalité.

À l’issue de cette manifestation, aussi encourageante qu’effrayante, je me suis dit que la France était peut-être l’un des seuls pays au monde capable d’éviter le grand embrasement. C’est la raison pour laquelle notre capacité militaire – voyez comme nos frères européens, hélas, se reposent totalement sur nous – est cruciale pour lutter contre la cybercriminalité et encourager une meilleure conquête de l’espace.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Général, lors de l’une de vos précédentes auditions, vous aviez évoqué la possibilité de constituer un escadron bilatéral franco-allemand d’hélicoptères de transport lourd. Un tel projet est-il toujours d’actualité ? Le cas échéant, quel pourrait être l’impact des décisions des autorités allemandes de reporter le remplacement de cette flotte d’hélicoptères de transport lourd ? En cas d’abandon de la piste allemande, pourrions-nous envisager un partenariat avec le Royaume-Uni ?

Général Philippe Lavigne. Monsieur Lassalle, la France souhaite, à travers sa LPM, maintenir un modèle complet et cohérent. Il est crucial de maintenir un modèle capacitaire, mais aussi son emploi opérationnel. Nous sommes l’une des rares nations à pouvoir le faire, non pas seulement sur le territoire national ou européen, mais à l’échelle mondiale.

Comme je l’ai dit pour l’espace avec l’Allemagne, il est important que les Européens partagent leurs capacités. Dans le domaine de la surveillance de l’espace, nous ne pouvons pas disposer de toutes les capacités en propre ; il faut fédérer une équipe européenne. Dans le domaine de l’observation de la terre par des moyens spatiaux, la France s’est concentrée sur l’optique, et l’Allemagne s’attache à développer les systèmes radar. Cette complémentarité nous permet de couvrir l’ensemble du domaine, en partageant les capacités.

Madame Trastour-Isnart, nous ne possédons pas en propre de capacités dans le domaine des hélicoptères lourds. Un pays comme le Royaume-Uni a mis en place, à Barkhane, des hélicoptères Chinook d’une capacité importante, au profit de notre engagement, équipements qui seront prolongés jusqu’à l’été 2021. Les Danois ont acheminé des hélicoptères Merlin, qui resteront jusqu’à la fin du mois de décembre 2020. C’est ainsi que nous pourrons répondre à des sollicitations de plus en plus importantes à travers le globe. La création de l’escadron franco-allemand est bien une réponse d’équipe, pour partager les capacités : les Allemands mettent à disposition six C-130J, et nous quatre. Nous partageons ces équipements avec du personnel français et allemands.

En effet, les Allemands ont décidé de reporter la modernisation de leur flotte d’hélicoptères lourds, ce qui constitue un frein à notre projet. Nous étudions comment agir avec nos voisins britanniques. La LPM connaît une très belle exécution : d’autres projets sont en cours, et d’autres priorités existent à ce stade.

Mme la présidente Françoise Dumas. Général, je vous remercie pour la précision de votre intervention et de vos réponses, qui nous ont permis de faire le tour de la question. Nous pouvons avoir confiance dans la façon dont l’ensemble de vos personnels et militaires participent à ce modèle français, complet et cohérent, dans tous les domaines.

Chers collègues, je vous remercie, nous nous retrouverons demain à neuf heures pour auditionner l’amiral Vandier, le nouveau chef d’état-major de la marine. La journée sera dense, nous enchaînerons quatre auditions, qui vous demanderont un niveau d’attention important. Prenez des forces ce soir, pour reprendre nos réflexions et nos travaux demain matin dans les meilleures conditions qui soient !


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II.   Examen des crédits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Ferrara, les crédits relatifs à « Préparation et emploi des forces : Air » de la mission « Défense », pour 2020, au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation des forces – Air). C’est un réel plaisir pour moi de me trouver de nouveau devant vous cette année, d’autant que je ne m’exprime plus simplement comme rapporteur des crédits de l’armée de l’air : il me revient l’honneur de rapporter également les crédits de l’espace. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai décidé de consacrer la partie thématique de mon rapport à la montée en puissance de l’armée de l’air et de l’espace et, plus spécifiquement, à celle du commandement de l’espace.

Avant cela, je dirai quelques mots sur le projet de budget proposé par le Gouvernement pour l’année 2021, et d’abord sur les crédits inscrits à l’action 04 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 de la mission « Défense ». En PLF 2021, les crédits de cette action s’élèvent à 9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement. D’une année sur l’autre, cela représente une augmentation de 78 % des AE et de 8 % des CP.

La très forte hausse des autorisations d’engagement s’explique par la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintien en condition opérationnelle aéronautique. Seront notamment engagés l’an prochain : le contrat Ravel 2 pour l’entretien du moteur M88 du Rafale, pour un montant de 2,4 milliards d’euros ; le contrat de maintenance du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), provisionné à hauteur de 1,62 milliard d’euros. Au total, les ressources affectées à l’entretien programmé des flottes aériennes s’élèvent à 7,2 milliards d’euros en AE et à 1,5 milliard d’euros en CP. Il s’agit d’une somme considérable.

Néanmoins, année après année, nous constatons que la disponibilité des matériels demeure en deçà des attentes. En déplacement, jeudi dernier, à l’atelier industriel aéronautique de Clermont-Ferrand, cher au président Chassaigne…

M. André Chassaigne. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. …la ministre notait des premiers effets positifs. D’un naturel optimiste, je reste également confiant dans la capacité de la direction de la maintenance aéronautique à bousculer les choses et à responsabiliser toujours davantage les industriels. Mais il nous faudra rester vigilants.

De même, il nous faudra demeurer attentifs à la poursuite de la modernisation de l’armée de l’air. Je ne prendrai qu’un exemple – le plus parlant : la modernisation de l’aviation de combat. Lors de son audition, le général Lavigne a fait état de la contestation croissante de la supériorité aérienne des armées occidentales. Il a ainsi suffi à la Russie de déployer quatre MiG-29 sur le théâtre libyen pour en perturber l’accès.

Au Levant, nous ne pouvons déployer que nos Rafale, en raison de la présence d’avions de combat russes et turcs performants et de la dissémination de systèmes de défense sol-air de haut niveau. Des avions russes à long rayon d’action continuent de longer les côtes européennes, dans le cadre d’opérations de démonstration de puissance. Pourtant, d’ici à 2025, un quart des avions de combat de l’armée de l’air seront dépourvus de capacités de combat air-air.

Dans ce contexte, quatre points me semblent devoir mériter une attention particulière : en premier lieu, la poursuite du programme MENTOR de modernisation de la formation des équipages de chasse, avec sa phase amont, à Salon‑de‑Provence, et sa phase aval, à Cognac, où des avions PC-21 supplémentaires sont nécessaires ; en deuxième lieu, la remise à niveau des équipements missionnels des Rafale, en particulier les pods de désignation laser Talios et les munitions ; en troisième lieu, le recomplètement de la flotte Rafale, afin de compenser le prélèvement de douze appareils au profit de la Grèce.

Je me réjouis évidemment du choix des autorités grecques d’acquérir dix-huit Rafale, dont douze d’occasion prélevés au sein des forces. Mais j’appelle votre attention sur le fait que nous ne savons pas encore comment seront financés les douze Rafale neufs de compensation, dont la commande a été annoncée ici même par la ministre, d’autant que rien ne garantit que les 400 millions d’euros issus de la vente grecque ne viennent abonder le ministère des armées, alors que l’acquisition de douze Rafale neufs coûterait autour de 1 milliard d’euros. Le combat avec Bercy sera rude. Je reste vigilant, et je crois que nous devrions tous l’être.

En quatrième et dernier lieu, le SCAF. Après les premiers travaux d’architecture lancés en 2018, il nous faut franchir une nouvelle étape et initier, dès 2021, la réalisation d’un démonstrateur. Les discussions entre les trois parties prenantes semblent achopper sur l’écueil du financement de ces travaux et pourtant la proximité des élections générales allemandes, prévues en septembre 2021, impose d’aller vite. Là aussi, il y a un point de vigilance.

J’en viens à présent à ma partie thématique, consacrée à la montée en puissance de l’armée de l’air et de l’espace. Je ne reviendrai pas sur les grands déterminants de la politique spatiale de défense, parfaitement décrits par nos collègues Olivier Becht et Stéphane Trompille, dont les travaux ont nourri la stratégie spatiale du ministère des armées. Nous savons tous ici que l’espace militaire demeure un domaine très actif, comme en atteste une série d’événements observés ces derniers mois. Le 15 avril dernier, la Russie a procédé à un tir antisatellite depuis le sol ; une semaine plus tard, l’Iran a mis en orbite son premier satellite militaire ; le 17 mai, la Space Force américaine a procédé au sixième lancement du mystérieux avion spatial militaire X‑37B ; en juillet, Kosmos‑2542, un satellite russe en orbite basse, aurait libéré un objet présenté comme un projectile antisatellite. Au sortir de l’été, la Chine semble avoir procédé à un vol d’essai d’un avion spatial proche du X‑37B, qui serait resté en orbite basse deux jours, y aurait largué un objet et serait revenu se poser. Et pendant tout ce temps le fidèle satellite butineur russe Luch-Olymp a maintenu son activité sur l’orbite géostationnaire… Le domaine spatial est peu à peu devenu un domaine opérationnel militaire à part entière.

C’est dans ce contexte qu’a été créé, en septembre 2019, le commandement de l’espace (CDE), venu prendre la suite du commandement interarmées de l’espace, et qu’un an plus tard, le 11 septembre 2020, l’armée de l’air est officiellement devenue l’armée de l’air et de l’espace. La montée en puissance du commandement de l’espace devra suivre deux axes. Premièrement, sur le plan organique, le CDE réunit aujourd’hui autour de deux cent vingt personnes issues des différents services impliqués dans le domaine spatial. Dispersés sur plusieurs sites, ces personnels seront renforcés pour atteindre jusqu’à cinq cents personnes à l’horizon 2025 dont quatre cents réunis à Toulouse, auprès du Centre national d’études spatiales (CNES). Aujourd’hui, une trentaine de personnes ont déjà été accueillies au sein des équipes du CNES. Il me semble aussi que cette montée en puissance organique pourrait s’accompagner d’une meilleure reconnaissance. Le président de la République annonçait ainsi un « grand commandement », tandis que le spatial était identifié comme l’une des priorités du ministère des armées.

Pour traduire cette priorité, Olivier Becht et Stéphane Trompille préconisaient notamment de nommer à la tête de ce grand commandement un général quatre étoiles. Vous-même, Madame la présidente, souhaitiez pareil destin au général Friedling, lorsqu’il s’était présenté devant nous en juillet. Les représentants de la majorité n’ayant pas été entendus, je doute d’avoir plus de poids auprès du Gouvernement, mais sachez qu’il s’agit également de l’une de mes recommandations. Il est difficilement concevable, d’après moi, que le commandant de l’espace comme, du reste, le commandant du cyber ou celui des opérations spéciales, restent cantonnés à la troisième étoile.

Deuxièmement, sur le plan capacitaire, environ 5 milliards d’euros sont prévus pour le domaine de l’espace, tous programmes confondus, permettant la mise en service de plusieurs capacités spatiales majeures durant la période de la LPM. Faute de temps, je ne reviendrai pas ici sur l’ensemble des programmes concernés. Je me focaliserai sur le nouveau programme à effet majeur ARES, qui couvre l’ensemble des moyens de surveillance de l’espace et d’action dans l’espace.

De manière plus spécifique, un démonstrateur de nanosatellites guetteur‑patrouilleur, baptisé Yoda, sera mis en orbite en 2023, avec pour objectif de prouver notre capacité à mener des opérations en orbite géostationnaire. Sur la base des résultats obtenus par Yoda, un satellite patrouilleur plus lourd et véritablement opérationnel pourra ensuite être lancé vers 2030. Dans cette perspective, il nous faudra nous assurer que la maîtrise de l’espace figure au rang des priorités de l’actualisation de la programmation.

Mme Marianne Dubois. L’Italie et l’Allemagne, pays tout à la fois rivaux et partenaires, ont choisi d’investir des sommes considérables sur des filières d’avenir et particulièrement sur des programmes d’observation de la Terre et de télécommunication. Le changement de tutelle de la filière spatiale, qui passe du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche à celui de l’économie, a permis d’obtenir des marges financières, mais cela suffira-t-il à garder les moyens de nos ambitions ? La France n’est-elle pas en train de perdre son leadership ?

M. Jean-Louis Thiériot. La commande de Rafale par nos amis grecs – douze appareils d’occasion et six appareils neufs – est évidemment une bonne nouvelle, à la fois pour notre industrie de défense, Dassault en première ligne, et pour tous les sous-traitants : je pense aux sourires que j’ai vus sur les visages des salariés de Safran, ex-SNECMA, sur le site de Villaroche, en Seine-et-Marne, quand je leur ai annoncé qu’un appareil français s’exportait en Europe.

Pourriez-vous nous préciser quelles conséquences aura cette commande sur le format de notre aviation de combat : est-il possible de mesurer dès maintenant les effets du retrait, à terme, de ces douze appareils ? Quelles sont les compensations prévues ? Cela va-t-il entraîner des coûts supplémentaires ? Y a-t-il lieu de craindre que ce qui est une vraie bonne nouvelle pour notre industrie soit une mauvaise nouvelle en termes opérationnels ?

M. Yannick Favennec Becot. La pollution de l’espace exo-atmosphérique est un danger de tous les instants pour nos matériels, et la nuée de minisatellites qui se répand ne va pas améliorer la situation dans les années qui viennent. Sur les 5 milliards d’euros dévolus à l’espace, quelle part sera consacrée au suivi des objets dans l’espace exo-atmosphérique ? Quelle est notre capacité à limiter et même à réduire cette pollution ?

M. André Chassaigne. Je souhaiterais avoir un peu plus de précisions sur les conséquences du choix de verticalisation de la maintenance. Vous avez signalé que le Service industriel de l’aéronautique (SIAÉ) – je pense notamment à l’atelier industriel aéronautique (AIA) de Clermont-Ferrand – avait beaucoup progressé. C’est vrai du niveau de soutien industriel, qui concerne deux C-130. Une intervention de soutien opérationnel d’un C-130 a également lieu dans l’antenne d’Orléans. Avez-vous fait le bilan des externalisations ? Quel est le niveau d’intervention du SIAÉ dans le maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs ? Cette maintenance comporte-t-elle une part d’externalisation ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Le contrat pour les Rafale est une excellente nouvelle, mais qui appelle notre vigilance. Ma question, d’ordre opérationnel, sur le format de nos armées, qui rejoint la préoccupation de M. Thiériot : n’est-on pas en train de réserver, durant une période qu’on pourrait qualifier d’intermédiaire, l’emploi des Mirage rénovés aux théâtres du type OPEX de moindre intensité, dans la bande sahélo-saharienne – et de recentrer nos Rafale sur des missions très souveraines, de plus haute intensité, comme celle des forces aériennes stratégiques (FAS) ?

Par ailleurs, l’Eurodrone doit être livré en 2025. Pour 2021, 650 millions d’autorisations d’engagement et 36 millions en CP sont inscrits. Le programme est-il en bonne voie ?

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas le rapport le plus facile… Quoi qu’il en soit, je me réjouis de ce que je vous ai entendu dire, Monsieur le rapporteur pour avis. C’est certainement un des points sur lesquels notre pays doit porter un effort important pour rattraper un peu du retard que nous avons pris – alors qu’à une époque nous avions de l’avance. Et si la dissuasion devait se jouer là ? John Fitzgerald Kennedy l’avait bien senti, dès 1961, dans le discours célèbre où il en appelait à un nouvel esprit chez l’homme, qui avait fait diversion à un moment où le monde était au bord de la troisième guerre mondiale – nous pourrions bien y arriver. Cela nous permettrait peut-être aussi de suivre les 206 individus qui ont été relâchés au Mali, en même temps que notre si chère détenue, qu’il faudrait peut-être surveiller elle aussi, d’ailleurs.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je ne sais pas si on peut les voir de si haut… (Sourires.)

Mme Sabine Thillaye. Vous nous avez fait part de vos inquiétudes à propos du SCAF. Si ma mémoire est bonne, l’étude de concept avec nos amis Allemands avait coûté 65 millions d’euros, et dès cette étape le processus avait été laborieux. On achoppait particulièrement sur des questions de propriété industrielle. Un deuxième contrat doit suivre – de 155 millions d’euros, me semble-t-il – pour lancer le démonstrateur. Qu’est-ce qui bloque à nouveau : s’agit-il des mêmes problèmes, ou bien des éléments supplémentaires doivent-ils être pris en compte ? Plus on prend du retard, plus le projet est susceptible d’être remis en cause. Il faut en arriver à une phase où tout retour en arrière serait impossible.

Mme Patricia Mirallès. Dans le bleu budgétaire de la mission pour 2021, page 242, à l’action 57 « Préparation des forces aériennes – Personnel travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces » », je constate la création de nouveaux services, dans le cadre de la mise en œuvre de l’armée de l’air et de l’espace. Pourtant, les forces aériennes perdent globalement 215 ETP en 2021. Comment les nouveaux services vont-ils être dotés en ressources humaines ?

Enfin, permettez-moi de sortir un instant des questions purement budgétaires : dans quelle mesure pouvons-nous envisager des sanctions à l’encontre des aéronefs enfreignant les règles de l’espace aérien et entraînant une intervention de nos forces dans le cadre de la police de l’air ?

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Madame Dubois, pendant fort longtemps nous avons été leaders, comme l’a rappelé M. Lassalle, puis nous nous sommes un peu reposés sur nos lauriers. Nous sommes à un moment charnière : malgré les sommes considérables engagées par nos rivaux et alliés, nous disposons encore de grandes ressources, en particulier de techniciens et d’ingénieurs de qualité. Cela m’a été confirmé par le CNES, par l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) et par l’ensemble de mes interlocuteurs. Nous avons de grands talents et une capacité importante. L’ambition du Gouvernement, qui a décidé d’allouer des crédits à l’espace, arrive à point nommé, mais il ne faudra pas que cette courbe ascendante connaisse d’inflexion, car nous prendrions très vite du retard. Nous n’avons plus le droit de stagner et encore moins de faire machine arrière : dans ce cas, effectivement, nous ne serions plus à la hauteur des enjeux.

Concernant nos partenaires européens, je ne crois pas qu’il y ait de grandes rivalités : chacun a ses spécificités, dans ses domaines de compétence respectifs. Certains sont plus forts dans les radars ; nous, ce sont les images. La plupart du temps, cela se passe en bonne intelligence, de manière harmonieuse. Je ne vois pas de difficulté insurmontable avec nos alliés européens : il y a une volonté commune de rester présents dans le domaine spatial.

Monsieur Thiériot, nous nous réjouissons tous de la commande grecque : c’est la première fois qu’un pays européen commande des Rafale. Ce n’est donc pas anodin. Cela dit, cette commande aura effectivement des conséquences sur le format de notre aviation de chasse. La ministre nous a rassurés : douze appareils neufs seront commandés d’ici à la fin de l’année. Mais, entre-temps, l’armée de l’air connaîtra une réduction temporaire de sa capacité. Le recomplètement doit donc se faire le plus rapidement possible. Il ressort de mes échanges avec l’état-major de l’armée de l’air qu’il faut aussi faire monter en gamme les appareils restants par l’acquisition d’équipements qui font actuellement défaut, comme les pods ou les radars à antenne active. Dans tous les cas, il est impératif de tenir l’objectif de 129 Rafale au sein du parc à l’horizon 2025. Cet objectif a été rappelé par la ministre.

Il faut également avoir présent à l’esprit le fait que d’autres commandes pourraient intervenir à la suite de celle de la Grèce, en particulier de la part des autorités croates, a priori pour des appareils d’occasion. Les Suisses, quant à eux, se sont prononcés lors d’une votation pour l’acquisition d’appareils neufs. S’ils n’ont pas encore tranché en faveur du Rafale, il semblerait que nous soyons bien placés. J’appelle évidemment ces commandes de mes vœux, mais si d’autres appareils devaient être prélevés dans l’armée de l’air, la situation pourrait se tendre. Il est indispensable, dans un contexte où notre supériorité aérienne fait l’objet d’une contestation croissante, d’intensifier la modernisation de l’aviation de combat en rehaussant les capacités actuelles, en poursuivant les travaux sur les standards F4 puis F5 du Rafale et en continuant d’avancer sur le SCAF – j’y reviendrai.

Monsieur Favennec Becot, vous soulignez un problème que tous ceux qui s’intéressent au domaine spatial ont présent à l’esprit : celui des débris. Il est notamment traité dans le cadre du programme de surveillance spatiale, mais je ne saurais vous indiquer le détail des financements. Je vous ferai parvenir les renseignements lorsque je les aurai. Sachez que le Centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS), à Lyon-Mont Verdun, participe à la mission d’anticipation de la trajectoire de retombée d’objets sur la Terre.

Monsieur Chassaigne, concernant la verticalisation, les résultats commencent à se faire sentir, mais cela prend du temps, et les choses ne vont jamais assez vite. Nous avons des gens très compétents dans nos armées, notamment parmi les mécaniciens et tout le monde, y compris les industriels, veut aller vite et faire mieux. Je ne perçois aucun frein. Je salue également la volonté de la ministre, qui ne lâche rien dans cette affaire. Je suis donc plutôt optimiste, mais il est vrai qu’il faut faire vite. Cela dit, nous sommes face à une problématique particulière : il y a d’un côté une flotte vieillissante et de l’autre de nouvelles flottes qui ne sont pas encore matures. En outre, l’arrivée de nouvelles flottes entraînera certes une amélioration du service, mais aussi, forcément, une explosion des coûts. Cela fait partie des enjeux à venir. C’est compliqué, mais nous ferons tout pour que cela fonctionne – les gens sont motivés pour que ce soit le cas.

Monsieur Larsonneur, je l’ai dit dans mon propos introductif : au Levant, on est obligé d’engager des Rafale compte tenu compte tenu des équipements au sol et de la densification de l’espace aérien. On est ainsi déjà passé des Mirage aux Rafale sur le théâtre de l’opération Chammal. Les Mirage 2000-D sont plutôt destinés au théâtre sahélien, car ils sont dépourvus de capacités air-air. Les Mirage 2000-5, chers à mon ami Christophe Lejeune, sont plutôt affectés à la défense aérienne, y compris dans les missions de réassurance au profit des pays baltes. Les Rafale sont évidemment destinés aux missions de haute intensité. Il n’y a pas de doute sur cette répartition des rôles dans l’aviation de chasse.

Selon les informations dont je dispose, l’Eurodrone est en bonne voie. Le programme suit son cours, sans difficulté particulière.

Monsieur Lassalle, la dissuasion repose largement sur le spatial, en effet. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de visiter les chaînes d’assemblage aux Mureaux, mais cela permet de percevoir la dualité de l’industrie aérospatiale : il y a d’un côté la chaîne d’assemblage d’Ariane, et de l’autre celle des M51. Pour dire les choses simplement, c’est juste une différence de diamètre.

Concernant le suivi des terroristes libérés, vous n’avez pas tort, mais on dispose de moyens de surveillance de très haut niveau, qui sont mis au service des opérations extérieures en cours.

Madame Thillaye, je ne suis pas inquiet à propos du SCAF, mais il faut être vigilant. Un accord sur les aspects opérationnels a été conclu, au moins pour les grandes lignes, entre l’Allemagne, l’Espagne et la France. Ce qui freine, ce sont les aspects d’ordre financier. J’ai lu récemment des articles dans la presse à ce propos, tout comme vous certainement : la volonté y est, le tout est de savoir qui met combien. C’est une question complexe. La rencontre bilatérale, il y a quelques semaines, entre Mme Parly et son homologue allemande est plutôt encourageante. Les discussions vont se poursuivre. J’espère qu’elles iront dans le bon sens.

Vous m’avez interrogée, comme Mme Mirallès, sur les ressources humaines et le recrutement. La crise sanitaire a eu un faible impact sur l’armée de l’air. L’implication de ses forces, dès le début, a donné d’elle une image dynamique. Le 31 janvier, le premier rapatriement de ressortissants français et européens en provenance de Chine a été réalisé par l’escadron Estérel, qui les a ramenés en Provence. L’engagement de l’armée de l’air s’est poursuivi avec le transport de malades et de soignants par A400M et MRTT médicalisés, équipés du module de réanimation pour patients à haute élongation d’évacuation (MORPHÉE). La crise a ainsi constitué une belle phase de communication, ce qui est toujours bénéfique en termes de recrutement.

Par ailleurs, du fait de la crise du secteur aéronautique, l’armée de l’air a enregistré moins de départs : l’attractivité du privé ne joue plus du tout. Cela ne va pas durer, car le secteur aéronautique civil reprendra bien un jour – en tout cas, c’est ce que nous souhaitons tous. Quoi qu’il en soit, le recrutement reste un défi : il faut y être vigilant. De nouveaux besoins apparaissent, notamment dans le domaine spatial, mais aussi pour la mise en œuvre des drones. Les marges de manœuvre les plus importantes sont prévues entre 2024 et 2025, avec la création de 900 postes. En outre, certaines catégories d’emploi de l’armée de l’air sont fragiles : les mécaniciens, par exemple, ou encore, même si l’on en parle moins souvent, les fusiliers commandos de l’air. Si la crise sanitaire n’a donc pas eu, contre toute attente, d’effet catastrophique, il faut rester vigilant, car elle se terminera un jour ou l’autre.

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*     *

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, après avoir examiné ce matin les huit avis budgétaires, nous en venons cet après-midi aux orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et aux votes sur les missions « Défense » et « Anciens combattants ».

M. Jean-Michel Jacques. Rien n’a fondamentalement changé depuis la revue stratégique faite en amont de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, mais la crise sanitaire a agi comme un accélérateur et un révélateur de tensions géopolitiques préexistantes.

Depuis plusieurs années, le contexte géostratégique s’est dégradé et il est hélas amené à se durcir encore.

Pour assurer sa mission essentielle, c’est-à-dire protéger les Français, notre pays doit être en capacité de projeter sous très faible préavis des forces dûment entraînées et équipées sur tous les champs de conflictualité, au plus loin comme au plus près.

Au plus près aussi car, depuis plusieurs années et pour des raisons différentes, nos forces armées ont été mobilisées sur le territoire national. À ce titre, notre armée a prouvé à différentes reprises qu’elle demeure un acteur essentiel de la résilience de notre pays.

Cependant, tous ces enjeux sécuritaires ne sont pas nouveaux, puisqu’en adoptant la LPM, nous nous sommes dotés des moyens nécessaires pour y faire face. Pour cela, nous avons collectivement reconnu qu’il était indispensable de remédier à un certain nombre de fragilités auxquelles était soumis notre modèle d’armée depuis des années et d’assurer sa remontée en puissance afin qu’il soit le plus complet et le plus équilibré possible.

Nous le savons tous, une LPM, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourrait remplir pleinement sa mission si elle ne se traduisait pas en bonne et due forme en loi de finances. Aussi pouvons-nous nous réjouir, pour la troisième année consécutive, que le projet de budget pour 2021 poursuive les objectifs ambitieux que nous avons adoptés dans le cadre de la LPM.

Conformément à nos engagements, le projet de budget dédié à nos armées pour 2021 est un budget ambitieux, puisqu’il consacre 39,2 milliards d’euros à la mission « Défense », soit une augmentation de 1,7 milliard.

En plus d’être d’un budget ambitieux, c’est un budget sincère puisque, contrairement à ce qui était devenu une coutume jusqu’en 2017, il prévoit de nouveau d’augmenter l’enveloppe de la provision servant à financer les missions intérieures et les opérations extérieures (OPEX), portées respectivement à 100 millions et 1,1 milliard.

Non content d’être ambitieux et sincère, ce budget demeure plus que jamais à hauteur d’homme, puisqu’il veille à améliorer le quotidien du soldat et de sa famille. En 2021, des efforts seront notamment consentis en matière non seulement d’habillement et d’équipement, d’hébergement en enceinte militaire, mais également de rémunération, puisque 2021 sera l’année du premier bloc de la nouvelle politique de rémunération des militaires centrée sur l’harmonisation de la mobilité géographique.

Enfin, pour réussir leurs missions, les forces armées doivent être équipées. À ce titre, la troisième année de l’exécution de la loi de programmation militaire sera une année de concrétisation, marquée par la fourniture de nombreux équipements : 157 Griffon, 1 000 véhicules tactiques polyvalents, six hélicoptères Caïman, une frégate multimissions et bien d’autres équipements.

L’ambition de doter nos armées des meilleurs équipements, couplée à la volonté du ministère de soutenir et de préserver les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense, se poursuivra en 2021 par différentes prises de commandes pour un montant total de près de 44,7 milliards d’euros d’engagements, auxquels il faut ajouter les commandes anticipées annoncées dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.

Ambitieux, sincère, à hauteur d’homme, assurant la souveraineté de notre pays et la pérennité de notre tissu économique, le projet de budget pour 2021 est également tourné vers les anciens combattants et à même de financer des politiques en faveur de la mémoire et du renforcement du lien armée-nation.

Comme l’an passé, il convient de rappeler, d’une part, que la légère baisse structurelle est essentiellement liée à la diminution du nombre de bénéficiaires ayants droit, d’autre part, que l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation sont maintenus, voire améliorés, comme en atteste la reconnaissance des conjoints survivants des grands invalides de guerre prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

En conclusion, avec grande satisfaction, nous pouvons dire que, pour la troisième année consécutive, le budget dédié à la défense est au rendez-vous des engagements de la loi de programmation militaire. Ensemble, mes chers collègues, nous continuerons à être exigeants dans son suivi et sa bonne exécution. C’est donc en confiance que le groupe La République en Marche émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de ces missions.

Mme Marianne Dubois. Plusieurs sujets préoccupent les députés du groupe Les Républicains, auxquelles ils ne trouvent pas de réponse claire dans la présentation budgétaire pour 2021.

L’hypothèse de la survenue à plus ou moins court terme d’un conflit de haute intensité est largement évoquée. Lors de sa prise de fonctions en juillet 2019, le général Thierry Burkhard indiquait : « Le rapport de force redevient le mode de règlement des différends entre nationaux. Nous devons résolument nous y préparer en gardant à l’esprit que le combat de haute intensité devient une option très probable. La situation en Méditerranée occidentale paraît, à ce stade, la plus préoccupante. La concentration dans une zone réduite de nombreuses nations ou intérêts divergents présente un risque majeur ».

Le respect de la trajectoire budgétaire dont nous prenons acte avec satisfaction n’est pas une fin en soi, d’autant que 2021 doit être l’année de la clause de revoyure de la LPM. « Les hausses de crédit prévues par la loi de programmation militaire 2019-2025 sont nécessaires mais encore insuffisantes, car elles n’autorisent pas la montée en puissance qui nous permettrait de faire face à un conflit classique de grande intensité ni même à certaines situations dégradées », a estimé le général Lecointre. Aussi l’effort devra être poursuivi après 2025, a-t-il prévenu. Même avec la LPM 2019-2025, l’armée française demeurera en volume une armée de gestion de crise, pas une armée de temps de guerre, non plus sans doute une armée capable de faire face aux crises complexes, simultanées, de types différents qui se multiplient.

La question du format opérationnel face aux nouvelles menaces et des moyens nécessaires pour y répondre se pose donc de manière prégnante et ne doit pas être mise sous le tapis.

Nous estimons que le rendez-vous avec le plan de relance est manqué. Le rapport Thiériot et Griveaux a fait plusieurs propositions afin de permettre au secteur de participer au plan : aucune n’a été retenue.

Les députés du groupe Les Républicains se félicitent de l’effort de sincérisation du financement des OPEX. Ils rappellent que le financement de leur surcoût a été un véritable serpent de mer pendant des années au sein du budget de la défense. Si la provision pour 2021 doit permettre de couvrir une grande partie du financement des OPEX à venir, la situation du budget 2020, toujours en cours, qui avait prévu un financement de 1,1 milliard d’euros, doit d’ores et déjà nous interroger. Au 15 octobre, le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, a indiqué que, pour la seule opération Barkhane, les surcoûts sont de 911 millions d’euros – en raison d’une augmentation de 600 hommes liée à la montée en puissance de la task force Takuba –, soit une hausse de 10 %, dont plus de 30 millions consacrés, entre autres, à l’entretien des matériels. Il ne reste donc que 289 millions pour financer les autres OPEX et opérations intérieures (OPINT) ainsi que les deux derniers mois de Barkhane. Étant donné le niveau d’engagement des forces françaises, on peut sérieusement douter que la provision pour 2020 suffise.

Le principe de solidarité interministérielle ayant été battu en brèche, fin 2018, une inquiétude forte demeure. Nous demandons le respect de ce principe et réitérons la demande que le ministère de la défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX : il ne doit pas payer deux fois.

Par ailleurs, lors de son audition, la ministre des armées a indiqué qu’1 milliard de crédits était encore gelé au titre de la réserve de précaution. En 2019, 3,9 milliards de report de charges ont été constatés. La ministre ne dispose pas encore de chiffres pour 2020, sachant que la direction générale de l’armement (DGA) a indiqué, lors de son audition le 15 octobre, que le report de charges pour le programme 146 s’élevait à 2,4 milliards.

Considérer que la LPM votée en 2018, soit deux ans avant la crise sanitaire majeure que nous connaissons, est la contribution déterminante du ministère des armées à la relance n’est pas à la hauteur des enjeux pour un secteur qui compte 4 000 entreprises et plus de 200 000 emplois non délocalisables et qui contribue chaque année de manière positive à notre balance commerciale.

Concernant le budget alloué aux anciens combattants, le groupe Les Républicains dénonce, une fois de plus, le discours de la ministre qui consiste, année après année, à se réjouir du maintien des droits existants. À la fin du quinquennat de 2022, le budget consacré aux anciens combattants passera sous la barre symbolique des 2 milliards.

Le groupe Les Républicains poursuivra dans sa logique et demandera la reprise de l’augmentation de la retraite du combattant. Un amendement tendant à une majoration de deux points d’indice au 1er juillet 2021 sera proposé.

L’annonce de la création d’une mission État-Parlement-associations sur l’évolution du point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI) suscite des interrogations. Une réflexion est en effet nécessaire et le groupe LR souhaite y être associé.

Les députés du groupe Les Républicains continueront à soutenir sans faille le monde combattant et ses justes revendications tout en regrettant la vision purement comptable de l’actuelle majorité. Nous rappelons que le budget est en constante baisse depuis 2017. Nous supposons que la retraite du combattant sera revalorisée de quatre points en 2021, comme cela avait été fait en 2017, année électorale.

Dans ce contexte, les trajectoires budgétaires, certes conformes à la LPM, nous paraissent insuffisantes. En attendant les réponses de Mme la ministre dans l’hémicycle, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Le groupe MODEM et démocrates apparentés soutient un budget cette année encore conforme à la programmation budgétaire. Le cap tracé par le Gouvernement, que nous avons collectivement amendé et validé à la majorité pendant l’examen de la LPM, est clair et survit à la conjoncture.

Le projet de budget pour 2021 conforte l’ambition de régénération de nos forces après des années de coupes. Cette stratégie budgétaire reste la même et nous pouvons nous féliciter que sa consécration ne varie pas en fonction de l’actualité, alors que nous savons toutes les pressions qui peuvent être exercées sur le budget des armées et des anciens combattants. Rappelons toutefois que chaque euro investi, des investissements à effet majeur aux petits équipements en passant par l’amélioration des conditions de vie et d’hébergement, a une incidence dans nos territoires.

Cela a déjà été rappelé, mais réjouissons-nous encore, mes chers collègues, d’une croissance supplémentaire du budget de la défense de 1,7 milliard d’euros. Nous pouvons évidemment nous attarder sur tel ou tel point des arbitrages entre programmes, mais restons conscients des équilibres négociés et des efforts consentis depuis le début du quinquennat, c’est-à-dire un renfort de 6,8 milliards.

Quant aux Anciens combattants, notre collègue Michel-Kleisbauer l’a rappelé, la réduction structurelle ne s’oppose pas à des réponses à des demandes récurrentes d’associations d’anciens combattants et à la transmission de la mémoire vivante aux jeunes générations.

Nous serons particulièrement attentifs à la seconde phase du projet budgétaire de la LPM qui devrait s’ouvrir sur la revoyure en 2021. Dans l’exécution du budget et la préparation de la revoyure, je rappellerai combien nous sommes attachés au respect du rôle du Parlement, en particulier pour la veille et la prospective. Il en est ainsi des sujets que nous défendons depuis la LPM et qui trouvent leur application croissante dans le budget à venir. Citons le budget de 624 millions pour l’espace, en cohérence avec nos amendements au rapport annexé sur l’arsenalisation et la densité spatiale ou, plus récemment, l’achat de nouveaux hélicoptères Caracal, en cohérence avec notre mission flash sur le parc d’hélicoptères, ou encore, les 237 millions investis dans le logement à l’issue du rapport d’évaluation de Fabien Lainé et Laurent Furst, qui ont tous deux quitté la commission et que je salue.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés sera particulièrement vigilant à l’articulation entre nos travaux passés et leur concrétisation budgétaire.

En évoquant la prospective, au-delà du budget qui lui est alloué cette année au sein de nos administrations, je sais que notre commission prendra toute sa place dans l’accompagnement et le contrôle de l’action du Gouvernement. Je souhaitais notamment mettre en valeur le travail de nos collègues sur la seconde partie du rapport. Comment ne pas penser que les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération ne participeront pas au débat public ? Comment ne pas penser que les travaux sur nos combattants issus des colonies ne pourront pas contribuer à des actions mémorielles à engager demain ?

De même, les travaux toujours plus conjoints entre notre commission et celle des affaires européennes sont des vecteurs forts de notre participation à la construction d’une Europe de la défense qui passe également par notre participation budgétaire.

Enfin, l’accroissement des budgets dans certains domaines comme le renseignement ne peut qu’inciter au renforcement de la fonction de contrôle du Parlement. Notre groupe prendra toute sa part dans la préparation de demain, en particulier dans le cadre croissant des énergies, des réserves et de la synergie interministérielle.

Pour toutes ces raisons, qui conduisent le Parlement à s’intéresser de près à la conduite de la politique de la défense nationale et à celle de la reconnaissance due aux anciens combattants, notre groupe donnera un avis favorable au projet de budget et s’associera à vous, mes chers collègues, pour le faire vivre dans le dialogue et le respect du débat parlementaire au service des armées de la France.

Mme Isabelle Santiago. La discussion budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans un contexte marqué par le covid-19 et par l’accroissement des menaces et des tensions au niveau international. Face à la montée de conflits au voisinage de l’Union européenne et à l’affirmation d’acteurs étatiques révisionnistes de plus en plus enclins à remettre en cause le statut hérité de l’ordre international libéral d’après 1945, les dépenses en matière de défense n’ont peut-être jamais autant trouvé leur importance pour assurer la sécurité des Français.

L’année 2021 est également importante et significative pour le budget de défense, car c’est celle de l’actualisation à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2019-2025. Comme le souligne à juste titre le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, jusqu’en 2021, la LPM permettait de réparer les armées après des années de sous-dotation. Après 2021, s’ouvrira le temps du renouvellement et de l’augmentation.

C’est donc une année charnière aux nombreux enjeux pour la conception et l’élaboration de nouveaux programmes d’armement, dont beaucoup sont conçus en coopération avec d’autres États européens. Il s’agit notamment du système de combat aérien du futur (SCAF), du système de patrouille maritime futur, du système de lutte antimines du futur. Cependant, hormis le programme SCAF, ces programmes sont financièrement sous-dotés.

On peut légitimement s’interroger sur la dynamique d’avancement différenciée de ces programmes d’armement et l’efficacité de l’actualisation de la loi de programmation militaire en vue des trois prochaines années. Certes, le rythme d’augmentation des crédits de la mission « Défense » par rapport aux objectifs de la loi est tenu ou presque. Au lieu du 1,7 milliard d’euros annoncé, le document budgétaire ne retrace que 1,61 milliard, soit une différence significative de 100 millions. Mais l’augmentation des crédits ne doit pas seulement être la seule boussole à laquelle évaluer la pertinence de ce projet de budget et ses conséquences pour les armées, elle doit également permettre de relever des défis plus structurels et récurrents auxquels font face les armées.

De ce point de vue, il convient de souligner que les armées restent soumises à de fortes tensions et fonctionnent parfois à la limite de leur capacité. Ainsi le renouvellement et l’amélioration de la préparation opérationnelle restent de forts enjeux.

Face aux engagements toujours plus intenses en opérations extérieures, au retard de certains programmes d’armement ou à la difficulté de fidéliser les personnels, les armées ne sont plus en mesure d’assurer l’entraînement et la préparation opérationnelle indispensables au maintien des compétences. La crise du covid n’a guère contribué au maintien d’un rythme de recrutement soutenu en 2020.

Je terminerai par le soin que l’on doit accorder aux personnels des armées, la fidélisation des personnels et l’amélioration de la condition des militaires, notamment par le plan « famille ». Il n’est pas encore pleinement satisfaisant. Le nombre des attributions et des dénonciations de contrats, tant par les officiers que par les sous-officiers, reste élevé.

En conclusion, même si, budgétairement, les engagements sont tenus, le budget « Défense » du PLF 2021 comporte encore un grand nombre d’hypothèques qui rendent l’actualisation de la loi de programmation militaire, le renouvellement et l’augmentation des armées encore incertains. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre quatrième budget de ce mandat et le troisième dans le cadre de la LPM 2019-2025. Après avoir entendu les exposés complets de nos collègues rapporteurs, que je félicite de nouveau pour leur travail, j’ai été chargé de vous faire part de l’avis du groupe Agir ensemble.

Ce projet de budget représente une performance, puisqu’il a résisté à l’habituelle remise en question, toujours à la baisse, des LPM en cours de mandat, performance d’autant plus notable au regard de la conjoncture : crises des gilets jaunes, des retraites puis sanitaire.

Ce projet de budget respecte les engagements fixés dans la LPM. Il augmente de 1,7 milliard d’euros, soit 4,5 %. Il évite le piège de la marche en termes de pourcentage du PIB pour rester dans la trajectoire financière prévue par l’Ambition 2030 et permettra à nos armées de disposer d’un budget annuel d’environ 50 milliards. Les domaines critiques de l’espace, de la cyberdéfense et de la dissuasion sont bien pris en compte pour garantie notre autonomie stratégique nationale. Les capacités conventionnelles verront les livraisons d’une frégate multi-missions (FREMM), de trois MRTT Phénix, de 157 blindés Griffon et de nombreux autres équipements. Le quotidien du soldat, trop longtemps sacrifié au profit des grands programmes d’armement, est amplement valorisé grâce à 237 millions d’investissement dans les programmes d’hébergement, la poursuite du plan « famille » ou la livraison de petits équipements. Ce budget soutient l’activité industrielle de nos PME, TPE et start-up sur le territoire national et contribue activement à la relance économique.

Au-delà du prisme budgétaire, ce projet de budget est l’occasion d’une réflexion sur notre vision stratégique pour les années qui viennent. Les évolutions prévues par la revue stratégique se sont accélérées : risque terroriste, affrontement sino-américain, revanche des empires russe et ottoman. Une rupture stratégique s’est même opérée avec la crise covid dont les répercussions sur le long terme sont encore inconnues.

De nombreuses questions se posent. Dans ce monde instable, j’évoquerai la conciliation du dilemme entre masse et haute technologie, en gardant le modèle d’armée complet pour éviter toute impasse et des capacités prépositionnées ou déployées en OPEX. Malgré une LPM très ambitieuse, le sujet de la masse reste malheureusement d’actualité puisque, depuis la fin de la guerre froide, les armées ont souvent été dimensionnées, voire organisées, pour faire face à une moyenne d’engagement et non à des pics. Compte tenu du risque d’engagement majeur, il nous faut désormais mieux travailler notre capacité à faire face à des pics d’engagement, en termes matériels ou humains, c’est-à-dire, maintenir une logique de flux tout en prévoyant une logique de stock.

Les travaux préparatoires de la revoyure de la revue stratégique sont en cours du côté du ministère. L’enjeu des prochains mois me semble être désormais, individuellement et collectivement, au Parlement, de préparer ces travaux de revoyure qui interviendront au printemps prochain et auxquels notre groupe souhaite être associé. Là encore, nous rappelons notre attachement à ce que le Parlement soit associé à ces travaux.

Dans cette attente, le groupe Agir ensemble approuve sans réserve et avec conviction les crédits des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

M. Grégory Labille. C’est pour moi un moment particulier et important puisque, député nouvellement arrivé sur les bancs de cette commission, c’est la première fois que je suis amené à émettre un avis et à voter les crédits des missions budgétaires. Enseignant de profession, avant d’intégrer la commission de la défense et de participer à la séance de ce matin, j’étais plutôt sensible aux sujets touchant l’éducation. Je remercie Mme la présidente pour la qualité de l’animation de la commission, les nombreux rapporteurs pour la qualité de leur travail et celles et ceux qui, ce matin, ont questionné les rapporteurs. Vous avez tous fait preuve de pédagogie et les sujets abordés ont aiguisé ma curiosité de jeune élu.

Avant de vous indiquer la position du groupe UDI et indépendants, je me dois de vous exposer nos remarques, nos constats, nos interrogations et nos points de vigilance.

Force est de constater que pour la mission « Défense », dotée d’un budget de 39,2 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2020, la tâche aurait pu être beaucoup plus difficile. Alors que notre pays connaît une violente crise sanitaire et économique, une réflexion court-termiste aurait pu conduire le Gouvernement, comme d’autres l’ont fait si souvent par le passé, à tailler dans le budget des armées. Cela n’a pas été le cas, et nous nous en réjouissons. À l’inverse, le choix a été fait de respecter la LPM votée en 2018 en augmentant le budget de la mission de 1,7 milliard.

Nous regrettons toutefois que la défense soit la grande oubliée du plan de relance, car l’industrie de défense constitue un des investissements les plus performants en matière d’emploi et de retour budgétaire pour l’État.

Face à un monde chaque jour plus instable et dangereux, où les conflits gagnent en complexité et où les crises se multiplient, face au retour du fait guerrier et à la politique du fait accompli, face à l’apparition de nouveaux champs de conflictualité, il est urgent de reconstruire une armée de guerre capable de répondre à l’ensemble des menaces.

S’il est indispensable d’intensifier les efforts, il faut néanmoins se rappeler l’état dans lequel se trouvaient nos armées il y a quelques années et le chemin parcouru.

Il s’agit d’un projet sérieux et satisfaisant dont notre groupe souhaite souligner quelques aspects.

Nous nous réjouissons que les armées deviennent le premier recruteur public de France par l’embauche de près de 27 000 personnes. Des domaines aussi essentiels que le renseignement, la cyberdéfense, la protection des emprises militaires et le soutien aux exportations doivent être renforcés. La création de 300 postes y contribuera.

De surcroît, ce budget concourra à l’amélioration des conditions de travail, de vie et d’équipement de nos soldats. Nous savons tous ici combien ces améliorations sont attendues.

Sur le plan capacitaire, la livraison de nombreux équipements, tels qu’une frégate multi-missions (FREMM) de défense aérienne, trois avions ravitailleurs MRTT Phénix, 157 blindés Griffon, 20 blindés Jaguar ou 6 hélicoptères NH90 Caïman, ainsi que les différentes commandes prévues en 2021, sont des signes visibles et concrets de cette remontée en puissance.

Alors que nos armées se doivent de garder un coup d’avance pour faire la différence sur les théâtres d’opérations, le Gouvernement, en consacrant 901 millions pour soutenir l’innovation et concevoir les technologies de demain, prouve qu’il a conscience qu’innover demeure plus que jamais une question de survie.

Si nous sommes satisfaits du projet de budget pour 2021, notre groupe demeurera vigilant sur quatre points pouvant avoir de sérieuses répercussions : la conséquence de la vente de Rafale à la Grèce, l’incendie du sous-marin nucléaire Perle, les décisions prises quant au futur porte-avions de nouvelle génération et les surcoûts liés aux OPEX et aux missions intérieures (MISSINT).

Même si le budget de la mission « Anciens combattants » est en baisse, notre groupe considère qu’il demeure satisfaisant dans un contexte économique particulièrement difficile et compte tenu de l’éclaircissement malheureux des rangs au sein des combattants.

Les droits en faveur des anciens combattants et de leurs ayants droit sont maintenus et même, dans certains cas, étendus.

Nous nous réjouissons des 17,5 millions supplémentaires destinés à la politique de mémoire et des 2,5 millions consacrés à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pour l’entretien courant des lieux de mémoire. Il était important que cette fonction essentielle soit remise à niveau. Il nous paraît maintenant nécessaire de réfléchir à une structuration de la mémoire avec le monde enseignant. C’est l’enseignant d’un territoire durement touché lors des premières guerres mondiales qui le dit.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants votera ces missions budgétaires.

M. Bastien Lachaud. La publication de l’annexe budgétaire suscite de nombreuses questions et même un malaise, dans la mesure où de grandes décisions structurantes ont été prises avant ou seront prises après l’adoption de ce projet de budget et auront échappé à la représentation nationale.

Commençons par évoquer le cadre global dans lequel ce budget nous est proposé. Dans le contexte de crise sanitaire et économique engendré par l’épidémie de covid-19, chacun reconnaît que la relance s’impose. Vous revendiquez d’y participer mais en réalité, il n’en est rien. Suivre la trajectoire budgétaire même haussière d’une LPM définie il y a trois ans ne peut être considéré comme de la relance. Les PME de la base industrielle et technologique de défense (BITD), les sous-traitants des grands groupes ont besoin d’une action volontariste qui ne se limite pas à lancer des commandes qui figuraient déjà dans de nombreux plans de charge. J’ai déjà donné ici même l’exemple de Tarbes Industry, dont l’avenir est en jeu. Je renouvelle mon alerte au sujet de ce prestataire de Nexter, mais de nombreux autres sont en danger. Une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aurait été souhaitable.

Le contexte militaire en tant que tel est marqué par les prises de position des différents chefs d’état-major en faveur d’une révision de l’état des menaces et des moyens d’y faire face. En 2021, une clause de revoyure de la LPM est prévue. Dans ces conditions, on aurait pu penser que le lancement des grandes commandes s’accompagnerait d’une sorte d’aggiornamento doctrinal, voire y serait subordonné. Cela n’est pas le cas.

Entrons dans le détail des mesures pour lesquelles nous ne possédons guère d’éléments suffisants pour voter.

Concernant les ressources humaines, la nouvelle politique de rémunération des militaires doit être mise en œuvre en 2021, mais nous ne savons que deux choses : elle s’appuiera sur le déploiement de sources soldes et elle commence par la création d’une prime dont le coût est estimé à 38 millions. Elle est pourtant présentée comme une profonde transformation du système. Par conséquent, on est prié de voter la mise en chantier d’une politique fondamentale dont nous ne possédons pas le dernier mot.

Venons-en au porte-avions de nouvelle génération pour lequel 7 millions de crédits de paiement et 330 millions d’autorisations d’engagement doivent être débloqués. Quand les données du problème ont-elles été exposées méthodiquement au public ou même à la représentation nationale ? Quand a-t-on pris le temps de construire ou d’essayer de construire un consensus éclairé à ce propos ? Jamais !

De même, concernant l’avenir de la flotte sous-marine, la décision de réfection du SNA Perle est certes tributaire d’analyses complexes, mais aucune des grandes pistes qui pourraient être suivies n’est mentionnée dans le document budgétaire. On compte deux mentions du SNA seulement et aucune ne précise combien il faudrait provisionner pour sa réfection. Le budget sera-t-il obsolète immédiatement après son adoption ?

La vente de 18 Rafale et le rachat de 12 appareils neufs ne figurent pas non plus dans notre annexe budgétaire. L’échéancier des commandes et livraisons ne présente pas cette opération, quasiment assurée. L’effet sur les capacités de l’armée de l’air demeure incertain et le bilan financier de l’opération tout autant. Il n’est pas certain que les produits de la vente reviennent de Bercy à Brienne. Les appareils d’occasion seraient vendus 400 millions, soit un rabais d’environ 60 %. L’achat de douze autres avions, pour environ 1 milliard, représenterait donc un trou d’environ 600 millions. La dépense n’est pas anticipée.

Venons-en à l’un des chiffres les plus originaux de cette année : 1 milliard en autorisations d’engagement supplémentaires au bénéfice de projets immobiliers du renseignement. On comprend sans peine que les projets des services du renseignement bénéficient d’une certaine discrétion. Nous soutenons également le principe de la hausse de ce budget, mais nous avons tout de même du mal à admettre que des opérations immobilières s’élevant à 1 milliard soient soumises à l’approbation des élus sans que quelques éléments techniques et juridiques soient présentés. Pour donner un ordre de grandeur, ce milliard représente à lui seul le tiers du coût initialement prévu pour Balard. De quoi nous laisser perplexes !

Enfin, parlons de la jeunesse et du service national universel (SNU). Le programme 212 transfère 461 000 euros au programme 163, mais cela ne signifie pas que les armées seront déchargées. La description de la sous-action « commandement et activités centralisées des forces aériennes » précise que son budget comprend la montée en puissance du SNU. Pour quel montant ? On l’ignore. Qu’en est-il des autres armées ? On l’ignore également.

Finissons par les OPEX. La LPM prévoyait une dépense de 1,1 milliard. Le projet est de 820 millions dans cette loi de finances initiale. Les 300 millions devront-ils être rattrapés pour boucler l’exercice ? En tout cas, cette provision contrevient au principe de financement interministériel des OPEX et acte le maintien d’un haut niveau d’engagement pour lequel nous n’avons toujours pas de bilan stratégique. C’est pour le moins ennuyeux.

Pour conclure, je suis tenté de dire que la communication hypnotique sur le thème de la remontée en puissance laisse transparaître, dans ce projet de budget, de nombreux impensés et en suspens de nombreuses questions.

M. André Chassaigne. Je laisserai le soin à Manuéla Kéclard-Mondésir de livrer en séance publique notre analyse sur les différents crédits et de préciser le vote des deux composantes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : les députés communistes et les députés d’outre-mer. Pour ma part, j’évoquerai l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), la dissuasion nucléaire et les ventes d’armes.

Interrogé ce matin sur le coût de notre participation à l’OTAN pour notre budget, le rapporteur a indiqué qu’il me répondrait sur la mise à disposition d’environ 400 personnes et la permanence aérienne assurée par la France au-dessus des pays baltes. Pour ma part, je considère qu’il faut dégager le continent européen de l’OTAN en prônant sa dissolution. Elle pourrait commencer par le retrait de la France de cette alliance dépassée par l’histoire et que le Président de la République a définie comme étant « en état de mort cérébrale ». Chacun sait ce que cela représente pour les intérêts industriels et commerciaux des États-Unis. Nous constatons une forme de schizophrénie. Rappelons l’opération de l’OTAN au large des côtes de la Libye quand la frégate légère furtive française Courbet a été visée par une manœuvre hostile de deux frégates turques lance-missiles protégeant un navire turc pratiquant la contrebande d’armes en direction d’un pays sous embargo de l’ONU. C’est dire à quel point l’OTAN est effectivement en état de mort cérébrale.

Faut-il conserver une dissuasion nucléaire ? La question, aussi importante sur le plan éthique que sur celui de l’efficacité, doit faire l’objet d’un débat public. J’ai signé une proposition de loi visant à organiser un référendum en application de l’article 11 de la Constitution, alinéa 3, sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, avec la question suivante : « Approuvez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des États concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? ».

Sur le plan éthique, nous demandons que le Gouvernement, fort de l’autorité qui est celle de la France dans le monde, prenne l’initiative d’un processus de désarmement nucléaire complet, multilatéral, contrôlé, vérifiable et intégrant de façon contraignante tous les pays à capacité nucléaire. Certes, la lutte pour la paix ne peut se réduire à un simple désarmement unilatéral, ce qui conduirait au même échec que la bulle papale interdisant l’arbalète au Moyen Âge, mais notre budget comporte 4,12 milliards d’investissements, soit 25 milliards sur cinq ans, dont une partie pourrait être réorientée vers d’autres actions, comme je le proposerai par voie d’amendement.

Quant aux ventes d’armes, les entreprises du secteur de la défense n’exercent pas la diligence requise en matière de droits humains définie par les principes directeurs de l’ONU relatifs aux droits humains. Les États, dont la France, ont été incapables d’exercer une diligence raisonnable dans leurs activités internationales, tant pour leurs chaînes d’approvisionnement que pour l’utilisation de leurs produits et services. Pour ne citer que les deux plus importantes, Dassault Aviation et Thales sont des entreprises françaises qui fournissent des équipements et des services militaires à la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, parties prenantes au conflit en cours au Yémen. Depuis le 27 mars 2017, une loi impose un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordres. Les États, dont la France, on le devoir de jouer un rôle protecteur face à des abus commis par des acteurs non étatiques.

 

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La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

Mme la présidente Françoise Dumas Nous en venons à l’examen des amendements et au vote sur les crédits de la mission « Défense ».

Article 33 : État B – Mission « Défense »

La commission est saisie de l’amendement II-DN4 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis intervenu ce matin sur la nécessaire augmentation des moyens du service de santé des armées (SSA). En cohérence, je propose d’y affecter une partie des moyens consacrés à la dissuasion nucléaire. M’appuyant sur les déclarations du général Lecointre et du médecin général des armées, Marilyne Gygax Généro, je propose de réfléchir à la création d’une structure médicale modulable plus importante, afin d’éviter de devoir monter rapidement un hôpital militaire, comme nous l’avons fait, sans avoir sous la main tous les matériels nécessaires.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Je partage votre intérêt pour le service de santé des armées. Lors de l’opération Résilience, nous avons vu que la mission de nos soignants avait une application civile, et nous avons tous à l’esprit le transfert des malades. Il faut soutenir ce service et nous le faisons. Permettez-moi de vous rappeler que jusqu’à cette LPM, le SSA avait perdu 10 % de ses effectifs au cours des quatre précédentes années. Ils ont, depuis, été stabilisés, voire légèrement augmentés. S’agissant des recettes budgétaires, nous allons faire un effort remarquable, que l’on estimera peut-être insuffisant, de 27 %. Je comprends votre impatience, mais on ne peut pas constituer et former une équipe médicale dans un délai aussi réduit. De surcroît, vous gagez votre amendement en retirant des crédits à la dissuasion, ce qui me semble particulier. J’émettrai donc un avis défavorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Ce matin, nous avons évoqué longuement les crédits du SSA. Ceux-ci passent de 30,9 millions d’euros en CP et 47,2 millions en AE en 2020 à 48,3 millions en CP et 147,8 millions en AE. Personne ne conteste cette augmentation, bien, au contraire. J’aurais voulu faire plaisir à notre collègue le président Chassaigne…

M. André Chassaigne. Je n’en suis pas vexé, je ne m’attendais pas à un miracle !

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. …mais, pour nous, la dissuasion est un élément important, un instrument de notre souveraineté et de notre indépendance. Malgré la pertinence et la qualité de votre intervention, nous considérons que les crédits consacrés à la dissuasion doivent être sanctuarisés.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Le débat est intéressant, parce qu’il pose la question de notre force de dissuasion. Nous l’avons vu dans le débat sur l’armement de petit calibre, la France a choisi de garder sa filière de souveraineté. Autant l’objet pour lequel vous souhaitez une augmentation est louable, autant puiser dans la défense nucléaire est un mauvais choix, parce que la France envisage la dissuasion en premier ou en ultime recours, la diplomatie opérant entre les deux. Si la France veut rester un bras armé dissuasif de la paix dans le monde, elle doit garder sa capacité de dissuasion. C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM soutient entièrement la préservation des ressources dévolues à la politique de dissuasion de la France.

M. Bastien Lachaud. Le débat apparaît d’emblée truqué, dans la mesure où la Constitution de la Ve République prive le Parlement d’une de ses attributions essentielles qui est de déterminer le budget de la nation. Le Parlement ne peut augmenter les dépenses, seul le gouvernement le peut. Nous avons affaire à un Parlement croupion, contraint de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le vrai débat sur l’amendement du président Chassaigne porte donc sur l’opportunité de l’augmentation du budget du SSA, pas sur le gage. Son exposé des motifs fixe pour objectif la réouverture de l’hôpital du Val-de-Grâce dont la crise sanitaire a montré que la fermeture avait été une erreur. Ce n’est que parce que nous sommes bridés par l’article 40 de la Constitution que nous ne devons pas approuver cet amendement. Il reviendra au Gouvernement de lever le gage pour garantir le maintien de la dissuasion nucléaire. Je voterai pour l’augmentation du budget du SSA.

M. André Chassaigne. Dans un cadre formaté, il faut, pour faire évoluer le budget, prendre l’argent quelque part. Il est plus facile de puiser dans les plus de 4 milliards d’euros consacrés à la dissuasion nucléaire que sur une autre ligne.

Mme la présidente Françoise Dumas. Certes, mais il s’agit tout de même de la clé de voûte de notre système de défense !

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle examine l’amendement II-DN3 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. En forme de clin d’œil à mon collègue Jean-Pierre Cubertafon, il s’agit d’un amendement d’appel faisant suite au rapport que nous avons rédigé sur le petit équipement de l’armée. Là encore, il faudrait dégager davantage de fonds. Là encore, il a fallu aller piocher là où il y avait un peu plus de moyens, en lien avec notre proposition de revenir sur la politique nucléaire de la France.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Les petits équipements sont nécessaires à nos armées. Nous étions tous d’accord avec le rapport proposé en ce sens par nos deux collègues. La LPM prévoit un budget en augmentation pour les acquisitions de petit équipement. On peut toujours penser que cela ne va pas assez vite, mais il augmente. Toutefois, je le répète, nous ne pouvons toucher au budget de la dissuasion, même si vous le trouvez important. Nous nous sommes rendus, avec la présidente Françoise Dumas, au PC de la dissuasion nucléaire. On ne peut pas tout dire dans cette salle mais j’invite certains de nos collègues à aller échanger directement avec ceux qui, au quotidien, font vivre notre dissuasion nucléaire, afin de comprendre les nécessités budgétaires de notre indépendance. Quelqu’un a demandé si des économies d’échelle entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire étaient envisageables. Ce n’est pas le cas mais il existe une complémentarité, l’un n’allant pas sans l’autre. La dissuasion est une clé de voûte, le petit matériel aussi : nous ne saurions financer son achat en réduisant le budget de la dissuasion. J’émets donc un avis défavorable.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Bien que je me sois exprimé défavorablement au sujet de la proposition de prélèvement sur le budget de la défense nucléaire, cette proposition figurant dans le rapport que vous avez présenté avec Jean-Pierre Cubertafon, le groupe MODEM s’abstiendra.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement II-DN18 de M. Larsonneur n’est pas défendu.

 

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN10 de M. David Habib.

 

La commission examine l’amendement II-DN11 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Claude de Ganay. J’indique à notre jeune collègue que son groupe présente régulièrement cet amendement depuis deux à trois ans. Il est fait référence à l’évolution du prix du baril de pétrole. Je précise que le service des essences, rebaptisé cette année service de l’énergie opérationnelle, passe chaque année des contrats qui lui permettent de prendre des mesures d’ordre réglementaire afin de s’adapter aux fluctuations du marché.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-DN6 et II-DN7 de M. David Habib.

 

Puis la commission examine l’amendement II-DN8 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Au moment où les différents chefs d’état-major font état de difficultés pour la préparation opérationnelle des forces, il serait utile que la représentation nationale soit éclairée par un rapport.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement IIDN9 de M. David Habib.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous allons maintenant procéder au vote sur les crédits de la mission « Défense », après avoir entendu l’avis des différents rapporteurs.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».


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   Annexe :

Auditions du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

 Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) ‒ M. Bruno Sainjon, président-directeur général et M. Jacques Lafaye, chargé de mission auprès du président ;

 Airbus – M. Philippe Coq, secrétaire général permanent pour les affaires publiques, M. le général (2S) Guy Girier, conseiller défense du président d’Airbus, Mme Annick Perrimond-du Breuil, directrice des relations avec le Parlement, M. Jean-Pierre Serra, vice-président défense et sécurité ;

 Commandement de l’espace ‒ M. le général de division aérienne Michel Friedling, commandant, M. le colonel Christophe Michel, chef de la brigade aérienne des opérations spatiales, M. le capitaine de vaisseau Louis Tillier, chef du bureau des coopérations européennes et internationales ;

 État-major de l’armée de l’air ‒ M. le général d’armée aérienne Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air, Mme la colonel Anne-Laure Michel, assistant militaire du chef d’état-major.

 Direction générale de l’armement ‒ Mme l’ingénieure générale de l’armement Evelyne Spina, directrice des plans, des programmes et du budget, M. Jean-Baptiste Paing, conseiller technique ;

 Centre national d’études spatiales (CNES) ‒ M. Jean-Yves Le Gall, président ; M. Pierre Trefouret, directeur de cabinet, M. Philippe Steininger, conseiller militaire ;

 Thales Alenia Space – M. Hervé Derrey, président-directeur général, M. Riadh Cammoun, vice-président chargé des affaires publiques et réglementaires et Mme Isabelle Caputo, directrice des relations parlementaires et politiques ;

 ArianeGroup – M. l’amiral (2S) Charles Henri Du-Ché, conseiller défense, et M. Hugo Richard, directeur des affaires publiques.

2. Déplacement

 Commandement de l’espace – rencontre avec M. le général Michel Friedling, commandant de l’espace, et ses équipes, 6 octobre 2020.


([1]) Des A400M médicalisés ont été projetés en Polynésie française et en Guyane.

([2]) Réponse à la question n° 11 adressée au ministère des Armées par le rapporteur.

([3]) Le Block 1 peut emporter jusqu’à deux bombes guidées laser GBU12 de 250 kg. Le standard Block 5, quant à lui, pourra être armé de GBU12, de GBU49 (guidage laser et GPS) et du missile air-sol Hellfire.

([4]) Rapport de la mission « flash » sur les hélicoptères des armées de MM. Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara, présenté devant la commission de la Défense nationale et des forces armées le 15 juillet 2020. Accessible en suivant ce lien.

([5]) Projet annuel de performance de la mission « Défense » annexé au projet de loi de finances pour 2021.

([6]) Rapport d’information conjoint des commissions chargées de la défense de l’Assemblée nationale de la République française et de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Mme Natalia Pouzyreff, M. Charles de la Verpillière et M. Julien Lewis, 12 décembre 2018. Accessible à partir de ce lien.

([7]) Des A400M médicalisés ont été projetés en Polynésie française et en Guyane.

([8]) Arrêté du 3 septembre 2019 portant création et organisation du commandement de l’espace.

([9]) Stratégie spatiale de défense. Rapport du groupe de travail « Espace ». 2019. Accessible à partir de ce lien.

([10]) Arrêté du 7 juillet 2010 portant création du commandement interarmées de l’espace et modifiant l’arrêté du 16 février 2010 portant organisation de l’état-major des armées et fixant la liste des autorités et organismes directement subordonnés au chef d’état-major des armées.

([11]) Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. 17 juin 2008. Accessible à partir de ce lien.

([12]) Audition de M. le général Michel Friedling, commandant de l’espace, 8 juillet 2020. Compte-rendu accessible à partir de ce lien.

([13]) Rapport d’information n° 1574 sur le secteur spatial de défense. MM. Olivier Becht et Stéphane Trompille. 15 janvier 2019.

([14]) Stratégie spatiale de défense. Document précité, p. 20.

([15]) Low Earth Orbit.

([16]) Très Haute Résolution.

([17]) Extrême Haute Résolution.

([18]) ELectronic Intelligence Satellitaire.

([19]) ELectronic INTelligence.

([20]) SYstème de RAdioCommunication Utilisant un SatellitE.

([21]) Geostationary Earth Orbit.

([22]) Avec le retrait de l’Allemagne du système Hélios 2 fin 2020, l’accord d’échange Hélios/SAR-Lupe devient caduque.

([23]) COnstellation of small Satellites for Mediteranean basin Observation.

([24]) Avec le retrait de l’Italie du système Hélios 2 fin 2020, l’accord d’échange Hélios/COSMO-SkyMed devient caduque.

([25]) Global Monitoring for Environment and Security (GMES).

([26]) OER : Opération d’Expérimentation Réactive. Le service commercial existe, les armées évaluent la qualité de la réponse au besoin opérationnelle.

([27]) Le rapporteur pour avis ne s’est pas déplacé auprès du COSMOS pour le compte du présent avis, et ce en raison de la situation sanitaire. En revanche, il avait rencontré ses personnels à deux reprises dans le cadre de ses fonctions de rapporteur pour avis des crédits de l’armée de l’air, en septembre 2017, ainsi que de co-rapporteur de la mission d’information sur l’action aérospatiale de l’État, en février 2019.

([28]) Pour les satellites français, le C2 des opérations spatiales est le centre de maintien à poste du CNES.

([29]) L’observation des satellites est une mission secondaire pour le télescope automatisé TAROT essentiellement dédié à la recherche astronomique. Le réseau GEOTracker est constitué de petits télescopes afin d’assurer une couverture d’une partie de l’arc géostationnaire, ArianeGroup étant sous contrat avec le ministère des armées pour la fourniture des données. Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, c’est GeoTracker qui a notamment permis de détecter les évolutions du satellite russe Luch-Olymp vers le satellite franco-italien Athena-Fidus.

([30]) Projet de défense anti-missiles balistiques présentée par l’Administration de Donald Reagan le 23 mars 1983

([31]) Annonce de l’Agence américaine de développement spatial (SDA), 5 octobre 2020.

([32])  Accord d’échanges de données spatiales signé le 30 juillet 2002.

([33]) Gravity, film de M. Alfonso Cuarón. 2013.

([34]) Document précité, p.141.

([35]) « A new frontier », termes employés par John F. Kennedy lors de son discours d’acceptation de l’investiture à la Convention du Parti démocrate, le 15 juillet 1960 au Los Angeles Memorial Coliseum

([36]) Document précité, accessible à partir de ce lien.

([37]) Synthèse de la Stratégie spatiale de défense, accessible à partir de ce lien.

([38]) Une convention de transfert de maîtrise d’ouvrage vers le CNES a été élaborée pour la réalisation de ces travaux d’infrastructure.

([39]) Préconisation du rapport d’information précité de MM. Becht et Trompille et propos de la présidente de la commission de la Défense nationale et des forces armées, Mme Françoise Dumas, lors de l’audition du général Michel Friedling, également précitée.

([40])  European space surveillance and tracking..

([41]) Composante électromagnétique spatiale.

([42]) Instruments de renseignement et d’imagerie spatiale.

([43]) Action et résilience spatiale.

([44]) COMmunications INTelligence.

([45]) Modalités d’accès à l’étude et restant à formaliser.

([46]) L’accès de la France à l’imagerie SARah ne pourra se faire qu’à partir de la mise en service opérationnel de son segment sol lui permettant de faire les programmations. Prévu au 1er semestre 2022.

([47]) COSMO-SkyMed Seconda Generazione.

(5) L’accès nominal de la France à l’imagerie CSG doit intervenir avec la livraison de l’interface CIL (Common Interoperability Layer) prévue dans le courant du 1er semestre 2023. Recherche d’une solution d’attente en cours.