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N° 3465

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2020.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021 (n° 3360)

 

TOME VII

 

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. Christophe LEJEUNE

Député

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 3399 (annexe 13)



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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

Première partie : les crédits d’armement inscrits en projet de loi de finances pour 2021

I. 2020 : entre incertitudes et poursuite de la remontée en puissance des forces

A. Malgré un brutal coup d’arrêt, la conduite des programmes d’armement a globalement été maîtrisée

1. La crise sanitaire a brutalement et durablement affecté l’industrie de défense

2. Le ministère des Armées s’est mis en ordre de bataille pour limiter les effets délétères de la crise

B. En définitive, un programme de réarmement conforme à la LPM

1. Les principales livraisons effectuées en 2020

2. Les principales commandes passées en 2020

II. Les crédits ouverts en PLF 2021 : la continuation d’un ambitieux plan de réarmement

A. 2021 : une année charnière pour la remontée en puissance des armées

1. Les principales commandes et livraisons pour l’année 2021 s’inscrivent dans le cadre d’un vaste plan de réarmement

a. Les livraisons attendues pour 2021

b. Les commandes prévues en 2021

c. Un plan pluriannuel de rehaussement capacitaire

2. L’effort budgétaire porte sur l’ensemble des systèmes de force

a. Les crédits de la dissuasion

b. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

c. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

d. Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat

e. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

f. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

g. Les crédits issus de contributions étrangères et de programmes civils

B. Le budget de 2021 s’inscrit dans un plan de réarmement de long terme

1. La préparation des armements de demain : les crédits des études amont

a. L’avenir de la dissuasion

b. L’avenir des armements conventionnels

2. Face à l’intensification des désordres du monde : le jalon de l’actualisation de la programmation

a. Tous les milieux sont concernés par la désinhibition des puissances

b. L’actualisation de la programmation, étape essentielle pour consolider la remontée en puissance des forces

Seconde partie : Le soutien aux PME et PMI stratégiques

I. La crise de la Covid-19 a durement frappé les petites et moyennes entreprises

A. Les PME se trouvent au cœur de l’écosystème de la défense

1. La base industrielle et technologique de défense française rassemble de nombreuses PME et PMI

a. Ces entreprises sont les principales pourvoyeuses d’emplois stratégiques

b. Ces PME sont au cœur des chaînes de production des grands maîtres d’œuvre de la défense

2. Les PME jouent un rôle indispensable à l’exercice de la souveraineté

a. Ces entreprises maîtrisent des compétences de pointe

b. Ces compétences permettent à la France de conserver son rang de puissance de premier plan

B. Les PME ont été les premières à ressentir les conséquences de la crise sanitaire et économique

1. Les acteurs des chaînes de sous-traitance particulièrement touchés par la crise économique

a. Le confinement et l’interruption de l’activité ont lourdement affecté le résultat des entreprises de la défense

b. Les entreprises duales – particulièrement dans l’aéronautique – sont les plus affectées par les conséquences de la crise à l’échelle mondiale

2. Les craintes d’une crise économique et sanitaire au long cours

a. L’hiver 2020-2021 : l’heure de vérité pour les PME et PMI

b. L’ancrage dans la durée des difficultés à l’export

C. La crise sanitaire met en danger l’ensemble de la filière de la défense

1. Le risque de la perte de compétences

a. Les destructions d’emplois

b. La transmission intergénérationnelle des savoir-faire compromise par une panne dans le recrutement

2. Le risque de la perte de contrôle des entreprises stratégiques

a. Un intérêt renouvelé des compétiteurs pour nos PME critiques

b. L’encadrement des investissements étrangers en France

II. Le soutien aux PME est efficace mais gagnerait à être renforcé

A. L’action de l’État en faveur des PME a été globalement efficace et à la mesure des enjeux

1. La crise a poussé à l’approfondissement des dispositifs existants

a. De nombreux dispositifs avaient été mis en place par le ministère des Armées

b. Des outils efficaces en temps de crise

2. Face à l’urgence, des mesures complémentaires ont été prises pour soutenir les entreprises nationales

a. Un plan de soutien massif pour préserver l’activité des entreprises

b. Les entreprises stratégiques ont également bénéficié de nouvelles mesures du ministère des Armées

c. La BITD française s’est elle-même engagée en faveur des PME

B. La nécessaire poursuite des efforts pour accompagner les PME et PMI stratégiques

1. Approfondir la réponse immédiate à la crise

a. Accorder de nouveaux délais pour rembourser les PGE

b. Réapprovisionner les stocks d’équipements

c. Anticiper certaines commandes prévues par la loi de programmation

d. Apporter un soutien volontariste à la relance de l’export

2. Affermir la politique de soutien industriel sur le long terme

a. Revaloriser les filières de formation

b. Faciliter l’accès au financement des PME

c. Améliorer les dispositifs relatifs aux IEF

d. Accompagner de nouvelles consolidations

Travaux de la commission

I. Audition de M. Joël Barre, délégué général pour l’armement

II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions du rapporteur pour avis


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« La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même. »

Charles de Gaulle

Deuxième discours de Bayeux, 1952

   INTRODUCTION

Cette année encore, le projet de budget présenté par le Gouvernement pour la mission « Défense » est en hausse, et s’élève à 39,2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 4,5 %, à 1,7 milliard d’euros. Avec 21 milliards d’euros demandés en autorisations d’engagement et 13,6 milliards d’euros en crédits de paiement, le programme 146 « Équipement des forces » bénéficie de l’essentiel de la hausse, puisqu’il se voit affecté près de 65 % des nouveaux crédits.

L’effort consenti par la Nation en faveur de la défense est d’autant plus remarquable qu’il s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint, en raison de la crise sanitaire qui frappe le monde et de ses conséquences économiques. La base industrielle et technologique de défense (BITD) est brutalement et durablement affectée par le coup d’arrêt industriel du printemps dernier, ainsi que par l’éloignement des perspectives de reprise, en particulier dans le secteur aéronautique – nombre d’entreprises de la BITD ont en effet une activité duale – comme par l’assombrissement des perspectives en matière d’exportation d’armement.

Dès lors, comment ne pas relever que la loi de programmation militaire et ses déclinaisons annuelles constituent, comme le souligne régulièrement la ministre des Armées, « un plan de relance à part entière », irriguant la BITD et contribuant à préserver ses 200 000 emplois. C’est là tout l’intérêt des investissements dans le domaine de la défense : en plus de contribuer au rehaussement de nos forces, ils ont des effets directs sur l’économie nationale. Notons d’ailleurs que la Défense bénéficie des nouvelles mesures de relance décidées par le Gouvernement pour répondre à la crise : directement, d’une part, au travers du plan de soutien au secteur aéronautique, présenté le 9 juin dernier, qui prévoit l’anticipation de commandes dans le secteur de la défense – huit hélicoptères Caracal, un avion léger de surveillance et de reconnaissance, trois avions A330, accélération des travaux sur des drones destinés à la marine – ; indirectement, d’autre part, les entreprises de défense étant tout à fait fondées à répondre aux appels d’offres qui seront lancés dans le cadre du plan de relance de 100 milliards d’euros, annoncé le 3 septembre 2020. En outre, les mesures générales de soutien à l’économie française mises en place au plus fort de la crise – en particulier le dispositif renforcé d’activité partielle et les prêts garantis par l’État – ont pu concerner les entreprises de défense, au même titre que les autres.

La situation de la BITD demeure toutefois fragile, tant pour les grands groupes – qui disposent néanmoins des moyens de « passer » la crise – que pour les PME et ETI, dont certaines se trouvent dans une situation particulièrement inquiétante. Alors que le tissu industriel souverain est composé de plusieurs milliers de petites et moyennes structures, leur pérennité constitue un enjeu de premier ordre pour permettre à la France de conserver son indépendance industrielle, condition du maintien de sa souveraineté. La réaction de l’État à la crise a été à la hauteur des enjeux et le ministère des Armées s’est rapidement mis en ordre de bataille afin de limiter les effets délétères de la crise.

À court terme, cela s’est traduit par la capacité à assurer l’essentiel du plan de commandes et de livraisons prévues pour l’année 2020 et à limiter les retards constatés sur les programmes d’armement. De ce point de vue, les années 2020 et 2021 seront, malgré la crise, des années d’intense réarmement.

À moyen et plus long termes, la crise doit être l’occasion d’identifier les voies et moyens d’approfondir notre politique de soutien industriel à la BITD et en particulier aux PME et PMI.

C’est à ces questions que sera consacrée la deuxième partie du présent avis tandis que, de manière plus classique, sa première partie reviendra sur les événements saillants de l’année 2020, du point de vue de l’équipement des forces, et traitera des crédits inscrits en PLF pour l’année 2021, qui s’inscrivent dans un plan plus vaste de réarmement et que, selon le rapporteur pour avis, il convient évidemment d’adopter.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2020, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, la totalité des réponses lui étaient parvenues.


   Première partie : les crédits d’armement inscrits en projet de loi de finances pour 2021

I.   2020 : entre incertitudes et poursuite de la remontée en puissance des forces

A.   Malgré un brutal coup d’arrêt, la conduite des programmes d’armement a globalement été maîtrisée

1.   La crise sanitaire a brutalement et durablement affecté l’industrie de défense

 Depuis le début de la crise sanitaire, la commission de la Défense nationale et des forces armées a accordé une attention particulière à la situation de la base industrielle et technologique de défense. Cela s’est d’abord traduit par de nombreuses auditions, organisées au printemps par des moyens dématérialisés, afin de prendre le pouls de la situation des entreprises de défense auprès des représentants des groupements industriels et de la direction générale de l’armement ([1]).

En outre, une large part du rapport d’information ([2]) publié par la présidente de la commission, Mme Françoise Dumas, sur les conséquences de la crise sanitaire sur la Défense, traite de l’impact de cette dernière sur les industriels de défense, appelant à poursuivre de manière volontariste l’effort financier en faveur de la poursuite du réarmement de nos armées.

Enfin, la commission a confié à MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot une mission d’information flash sur le rôle de l’industrie de défense dans la relance ([3]), qui consacre d’importants développements à l’impact de la crise sur les entreprises.

Le rapporteur pour avis ne reviendra donc pas en détail sur des questions largement évoquées par ses collègues, et ce d’autant que la deuxième partie du présent rapport les évoquera s’agissant des PME. Tout juste faut-il rappeler que la BITD pâtit d’une double crise : une crise de l’offre, d’abord, car l’industrie de défense n’ayant étonnement pas été considérée comme « essentielle », son activité a subi un coup de frein brutal et, faute de productions à livrer, nombre d’acteurs ont vu leur trésorerie se dégrader ; une crise de la demande, ensuite, pour les entreprises exposées à la crise de l’aéronautique civile en particulier, et pour toutes celles dont les marchés à l’export sont frappés d’incertitudes.

Alors que les travaux parlementaires précités soulignaient le risque d’un « effet de falaise » à l’horizon de l’automne 2020, force est de constater que l’industrie de défense est plus profondément marquée, et que ses perspectives se sont assombries sous l’effet de deux facteurs :

– en premier lieu, la reprise du trafic aérien, espérée au sortir de l’été, n’a pas eu lieu. Ainsi que l’ont indiqué aux rapporteurs la plupart des industriels intervenant dans le secteur aéronautique, les projections initiales étaient fondées sur la constatation d’une forte reprise du trafic aérien en Asie, singulièrement en Chine. Or, les grands marchés européens et américains n’ont pas suivi la même tendance, en raison notamment d’un phénomène d’asynchronisme et d’asymétrie des stratégies de déconfinement et de reprise. Le trafic aérien ne reprend pas dans ces aires géographiques habituellement parmi les plus dynamiques, ce qui grève l’activité des compagnies aériennes et, ce faisant, plombe la situation des industriels de l’aéronautique. Comme l’ont confirmé au rapporteur pour avis les représentants des groupes industriels concernés, la crise a ainsi frappé de plein fouet les entreprises les plus exposées au marché commercial et, pour celles dont une large part de l’activité dépend du secteur aéronautique, les prévisions financières laissent craindre une baisse du chiffre d’affaires de l’ordre de 30 % à 40 %, tandis que les entreprises davantage centrées sur le secteur de défense parviendront sans doute à limiter la diminution de leur chiffre d’affaires à hauteur de 15 % à 20 % ;

– en deuxième lieu, la BITD pâtit de la faiblesse des marchés d’exportation. Si l’annonce des autorités grecques de leur intention de commander 18 avions Rafale, dont douze d’occasion, constitue une véritable bonne nouvelle – d’autant qu’elle s’accompagnera d’une commande française de douze appareils neufs – cette annonce ne doit pas masquer les difficultés rencontrées par les acteurs français en la matière. Selon eux, les seuls contrats qu’ils parviennent à signer portent sur des négociations engagées de longue date. En revanche, l’obtention de nouveaux contrats est rendue difficile en raison, d’une part, de la contraction économique d’un certain nombre de pays clients – en particulier parmi les pays du Golfe, qui subissent de surcroît une crise économique liée à la baisse du prix du pétrole – et, d’autre part, de l’annulation des rendez-vous physiques, qu’il s’agisse de grands salons internationaux ou de visites plus bilatérales et discrètes, rendues presque impossibles en raison des restrictions de déplacements. Dans ce contexte, la BITD française pâtit également de la concurrence de certains de ses premiers compétiteurs – parmi lesquels des industriels américains, russes ou chinois – moins contraints par les restrictions de déplacement que les acteurs européens, d’autant plus préjudiciable que, comme l’ont indiqué au rapporteur pour avis plusieurs de ses interlocuteurs, la France n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle agit en équipe, c’est-à-dire lorsque se mobilisent ensemble autorités politiques, responsables militaires et acteurs industriels. Or, dans le contexte actuel, les déplacements de « l’équipe France » sont inexistants.

La BITD française se trouve donc dans une situation délicate, mais peut compter sur le soutien sans faille du ministère des Armées pour l’accompagner et traverser cette période de turbulence. Il en va de notre capacité à armer nos forces et à conserver notre souveraineté.

2.   Le ministère des Armées s’est mis en ordre de bataille pour limiter les effets délétères de la crise

Dès le début de la crise, le ministère des Armées s’est mis en ordre de bataille, en lien avec les autres départements ministériels et les acteurs industriels, afin de limiter au maximum l’impact de la crise sur la conduite des programmes d’armement et de soutenir la BITD.

Ainsi, afin de suivre au plus près la situation des entreprises de la BITD, la ministre des Armées a confié à l’ingénieur général de l’armement de classe exceptionnelle Vincent Imbert la responsabilité de piloter une « task force » chargée d’établir une cartographie des entreprises stratégiques et d’accompagner les plus fragiles d’entre elles. Celle-ci poursuit aujourd’hui sa mission, comme le rapporteur pour avis l’exposera en deuxième partie du présent rapport, en parallèle des autres mesures de soutien mises en place par l’État et, de manière plus spécifique, le ministère des Armées.

Au-delà, la DGA a mené un travail de recensement des programmes prioritaires, et poursuivi les activités les plus essentielles, dans les domaines de la dissuasion, des missions permanentes conventionnelles, comme la posture permanente de sûreté aérienne, ou du maintien en condition opérationnelle. Ont ainsi pu être livrés aux forces des véhicules Griffon, un avion Atlantique 2 rénové ou encore le dix-septième A400M. De même, la DGA a été en mesure de poursuivre des essais, dont un tir du missile stratégique M51, le 12 juin, ainsi que la mise à l’eau pour essais en mer du premier sous-marin nucléaire d’attaque du programme Barracuda, le Suffren.

Toutefois, ainsi que l’a reconnu devant la commission M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, un certain nombre de programmes connaissent des retards qui ne pourront être résorbés d’ici la fin de l’année. C’est notamment le cas de quatre véhicules Jaguar, de pods Talios, de missiles SCALP rénovés ou du dix-huitième A400M et du dernier système Reaper.

De manière schématique, la plupart des programmes subissent des retards de deux à trois mois, conséquence du ralentissement de l’activité industrielle au printemps, et il a été décidé de reporter certaines livraisons jugées moins prioritaires. L’impact global sur le réarmement des forces restera toutefois limité dans le temps, la DGA estimant que l’intégralité des retards seront résorbés d’ici la fin de l’année 2021, la plupart devant l’être à l’été prochain.

Dans le même temps, d’autres programmes ont connu une véritable accélération, essentiellement dans les domaines naval et aérien en raison des mesures annoncées par le Gouvernement dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique, annoncé le 9 juin dernier. Celui-ci prévoit notamment 800 millions d’euros d’avance de commandes, dont 600 millions au profit du ministère des Armées. Ces commandes, prévues par la LPM mais anticipées afin de soutenir la BITD, portent ainsi sur trois avions A330, commandés en août, dont deux d’occasion et un neuf – ces appareils seront transformés en ravitailleurs MRTT dans un second temps – un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), huit hélicoptères H225 Caracal destinés à remplacer une partie du parc de Puma de l’armée de l’air et de l’espace, ainsi que de drones de surveillance navals – systèmes de drone aérien de la marine (SDAM) et de mini-drones embarqués (SMDM). En outre, le plan prévoit la commande d’hélicoptères de sécurité civile et de gendarmerie, pilotée par la DGA. Au total, selon le dossier de presse présenté par le Gouvernement, ces différentes commandes permettront de préserver 1 865 emplois sur une période de deux à trois ans.

S’agissant des questions capacitaires, d’importantes annonces doivent également être faites dans les prochaines semaines, en particulier dans le domaine naval. Le président de la République devra ainsi bientôt faire part de sa décision s’agissant du système de propulsion du futur porte-avions, tandis que la ministre vient d’annoncer l’option retenue s’agissant du sous-marin nucléaire d’attaque Perle, abîmé par un incendie survenu le 12 juin dernier à Toulon, où il était amarré pendant son arrêt technique, débuté six mois plus tôt : le sous-marin sera réparé !

Enfin, il convient de noter que la fin de gestion de l’année 2020 constitue un enjeu de premier ordre. Au-delà de la question annuelle du report de charge et de la levée de la réserve de précaution, il reste à la DGA à engager près de 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement. Il s’agit d’un montant considérable et, ainsi que l’a indiqué à la commission le délégué général pour l’armement lors de son audition, il s’agit d’une mission impossible à réussir. Ceci s’explique notamment par le montant exceptionnellement élevé des autorisations d’engagement prévu par la loi de finances initiale pour 2020, fixé à 24 milliards d’euros. Il est donc impératif qu’à l’issue des négociations interministérielles à venir, le ministère des Armées soit autorisé à reporter à l’an prochain la part des AE qui n’auraient pu être engagées cette année. Le délégué général s’est montré confiant devant la commission, et le rapporteur veillera à ce qu’il ne soit pas déçu.

B.   En définitive, un programme de réarmement conforme à la LPM

1.   Les principales livraisons effectuées en 2020

L’ambitieux programme d’armement prévu pour l’année 2020 a été globalement mené à son terme. Ainsi, ont été livrés, ou devraient l’être d’ici la fin de l’année, à titre principal :

–  pour l’armée de terre, 1 001 véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP), plus de 90 blindés Griffon, quatre hélicoptères NH90, 50 postes de missiles de moyenne portée et 10 000 fusils HK 416 ;

–  pour la marine nationale, deux avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés, deux hélicoptères NH90, un sous-marin nucléaire d’attaque du programme Barracuda – le Suffren, qui poursuit actuellement ses essais en mer – ainsi qu’un lot de missiles Aster ;

–  pour l’armée de l’air et de l’espace, deux avions de chasse Mirage 2000D rénové, un avion A400M, un avion multi-rôle de transport et de ravitaillement 1330 MRTT Phénix, un avion de transport et de ravitaillement C130-J – derniers appareils des quatre commandés pour équiper l’escadron bilatéral franco-allemand qui s’installera sur la base aérienne d’Évreux à la fin de l’année 2021 –, un système de drone Reaper et un satellite CSO/Musis.

2.   Les principales commandes passées en 2020

Dans le même temps, un ambitieux plan de commandes était prévu pour l’année 2020, concernant l’ensemble des systèmes de forces. Si certaines commandes ont dû être décalées dans le temps – ou devront l’être – en raison des effets de la crise, le bilan complet ne pourra être réalisé qu’au début de l’année 2021. Quoiqu’il en soit, le délégué général pour l’armement a confirmé à la commission que l’ensemble des commandes seraient passées d’ici le premier semestre 2021, et le tableau ci-dessous en retrace les différents éléments.

Système de forces

Commandes 2020

6 - Dissuasion

Pas de commande significative

7 - Commandement et maîtrise de l’information

1 radar fixe d’approche 2D SCCOA4.2

116 nouveaux kits de numérisation SI TERRE

32 modules projetables SIA

165 intégrations de CONTACT sur des véhicules

4 sites cœurs stratégiques de l’infrastructure Descartes

12 segments sol utilisateur de communication SYRACUSE IV

1 avion léger de surveillance et de renseignement ALSR (plan de soutien à l’aéronautique)

4 systèmes de drones MALE européen

8 systèmes d’aide à l’interprétation multicapteurs (Rénovation SAIM)

8 - Projection mobilité soutien

1 centre de formation franco-allemand pour C130

1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

4 hélicoptères H160 pour la flotte intérimaire

8 hélicoptères Caracal (plan de soutien à l’aéronautique)

3 avions A330 destinés à être convertis en MRTT (plan de soutien à l’aéronautique)

Des infrastructures de maintenance et de mise en œuvre et parkings MRTT

9 - Engagement et combat

Des infrastructures techniques et de surveillance de l’INBS Missiessy

12 000 fusils d’assaut de nouvelle génération HK416 F

271 véhicules blindés multirôles (VBMR) lourds Griffon

364 véhicules blindés multirôles (VBMR) légers Serval

42 engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar

50 chars Leclerc rénovés (XLR)

Des infrastructures Scorpion

120 régénérations de véhicule blindé léger (VBL)

14 postes de tir missiles moyenne portée (MMP)

10 - Protection et sauvegarde

2 modules de lutte contre les mines (MLCM) du programme SLAMF (système de lutte anti-mines du futur)

7 avions de surveillance et d’intervention maritime (AVSIMAR)

Source : ministère des Armées.

II.   Les crédits ouverts en PLF 2021 : la continuation d’un ambitieux plan de réarmement

A.   2021 : une année charnière pour la remontée en puissance des armées

1.   Les principales commandes et livraisons pour l’année 2021 s’inscrivent dans le cadre d’un vaste plan de réarmement

Le programme de réarmement fixé par la LPM se poursuit en 2021, année au cours de laquelle l’ensemble des systèmes de force bénéficieront d’un ambitieux plan de réarmement.

a.   Les livraisons attendues pour 2021

L’année 2021 sera marquée par d’importantes livraisons, dont les principales sont listées ci-dessous :

–  au profit de l’armée de terre, 10 systèmes de drones tactiques SDT, 75 postes de tir de missiles de moyenne portée MMP, 200 missiles de moyenne portée MMP, 10 000 fusils d’assaut HK 416, 157 blindés Griffon, 20 blindés Jaguar, cinq hélicoptères NH90 Caïman, 1 000 VLTP, 80 véhicules blindés légers (VBL) rénovés, 925 postes de radio de véhicule CONTACT, 850 radios portatives CONTACT ;

–  au profit de la marine, trois avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés, une frégate multi-missions FREMM, un hélicoptère NH90 Caïman, une frégate légère furtive rénovée, un lot de torpilles lourdes F21 Artemis, quatre missiles Exocet mer-mer 40 rénovés du Block 3c, un lot de missiles Aster 30 pour frégates ;

–  au profit de l’armée de l’air et de l’espace, un avion A400M, 14 Mirage 2000D rénovés, deux avions C130-H rénovés, trois A330 MRTT Phénix, 90 missiles air-sol SCALP rénovés, 14 pods de désignation laser Talios, six radars SCCOA 4.

En outre, l’armée de l’air et de l’espace réceptionnera un certain nombre de matériel spatial, qui profiteront à l’ensemble des forces. Seront ainsi livrés : un satellite CSO/Musis, un système de satellites CERES et 15 stations sol Syracuse IV.

b.   Les commandes prévues en 2021

L’année 2021 sera également riche en commandes, avec notamment :

–  au profit de l’armée de terre, les 21 premiers hélicoptères interarmées légers (HIL) Guépard, 14 Tigre standard 3, 12 000 fusils d’assaut HK 416, 120 véhicules blindés légers (VBL) rénovés, 7 300 équipements radio pour véhicules terrestres CONTACT, 2 900 radios portatives CONTACT ;

–  au profit de la marine, les huit premiers Guépard, une frégate de défense et d’intervention (FDI), 45 kits missiles Exocet mer-mer rénovés du Block 3c, le lancement de la troisième phase des travaux d’infrastructures d’accueil des sous-marins nucléaires d’attaque du programme Barracuda ;

–  au profit de l’armée de l’air et de l’espace, le premier hélicoptère Guépard, le lancement en réalisation du programme Mentor de modernisation de la formation des équipages de chasse, 367 missiles air-air MICA NG, 150 missiles d’entraînement MICA NG et, enfin, le lancement des travaux sur le démonstrateur du SCAF.

En matière spatiale, est attendue la livraison de 13 stations sol Syracuse IV.

c.   Un plan pluriannuel de rehaussement capacitaire

De manière plus globale, il convient de rappeler que la régénération organique et capacitaire des forces s’inscrit dans le temps long. La trajectoire de remontée en puissance des forces dépasse d’ailleurs largement le terme de la programmation en cours – 2025 – et a fortiori celui de ses dispositions les plus fermes – 2023. Elle s’inscrit dans une « Ambition 2030 » dont les principaux objectifs sont retracés par le rapport annexé à la LPM 2019-2025, et dont la réalisation suppose de franchir avec succès les ambitieux paliers d’investissement des années 2023 à 2025. Il n’y a là que logique, la conduite des programmes d’armement inscrits au programme 146 suivant le plus souvent des cycles pluriannuels, d’une part car le développement de systèmes d’armes toujours plus complexes prend du temps, d’autre part car l’effet de masse recherché impose, le plus souvent, de produire un nombre élevé d’équipements, et ainsi d’étaler dans le temps les calendriers de production. Du reste, cette inscription dans le temps concerne également les programmes pour lesquels peu d’unités sont produites, à l’instar des équipements de la marine nationale, qui compte un porte-avions, trois porte-hélicoptères amphibie, quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et six sous-marins nucléaires d’attaque. Dans tous les cas, les équipements militaires demeurent en service durant des décennies, qu’il s’agisse des bâtiments de la marine, des aéronefs de l’armée de l’air et de l’espace ou des véhicules terrestres et hélicoptères de l’armée de terre.

La modernisation des forces suit donc un calendrier fixé en LPM dont le respect des jalons est une condition de succès. À titre d’exemple, pour l’armée de terre, l’atteinte de la pleine capacité SCORPION est sujette au franchissement d’étapes bien identifiées, marquées par la projection d’un groupement tactique interarmes (GTIA) en 2021, d’une brigade interarmes en 2023 et de la livraison de 50 % de la cible des objets SCORPION en 2025. À ce stade, ainsi que l’a indiqué au rapporteur pour avis le général Hervé Gomart, major général de l’armée de terre, 6 % des livraisons auront été réalisées à la fin de l’année 2020, ce taux devant atteindre 12 % en fin d’année 2021.

Le tableau ci-après présente ainsi les investissements prévus par le présent projet de loi de finances pour les principales opérations d’armement relevant du programme 146.



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Suivi des programmes d’armement pluriannuel

(Crédits de paiement en millions d’euros)

Programme

 

Réalisation du programme d’armement

 

Commandes (C) / Livraisons (L)

 

Paiements

 

Début

Fin du stade de réalisation

Durée de vie

 

Version le cas échéant

C/L

Avant 2020

2020

2021

après 2021

Total

 

Avant 2020

2020

2021

après 2021

Total

A400M (avion de transport) *

 

2001

>2025

30 ans

 

 

C

50

 

 

 

*

 

4 429,32

323,12

312,44

4 180,79

9 245,67

L

16

1

1

*

*

AIF (arme individuelle future)

 

2016

>2025

20 ans

 

 

C

41 340

12 000

12 000

51 660

117 000

 

87,45

33,70

35,23

30,43

186,81

L

33 340

12 000

12 000

59 660

117 000

ALSR (avion léger de surveillance et de reconnaissance)

 

2016

>2025

20 ans

 

 

C

2

1

 

5

8

 

71,64

22,98

37,35

49,82

181,78

L

 

2

 

6

8

ATL2 - rénovation (avions de patrouille maritime)

 

2013

2025

15 ans

 

 

C

18

 

 

 

18

 

686,57

112,71

67,39

79,27

945,94

L

2

2

3

11

18

BARRACUDA (sous-marin nucléaire d’attaque)

 

2001

>2025

33 ans

 

 

C

6

 

 

 

6

 

6 923,92

647,79

552,70

2 243,23

10 367,64

L

 

1

 

5

6

BSAH (bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers)

 

2015

2019

25 ans

 

 

C

4

 

 

 

4

 

154,25

7,84

1,39

0,40

163,88

L

4

 

 

 

4

C-130 complément capacitaire

 

2016

2023

30 ans

 

 

C

4

 

 

 

4

 

517,95

43,99

35,05

59,64

656,63

L

3

1

 

 

4

CAESAR (camion équipé d’un système d’artillerie)

 

2004

2010

30 ans

 

 

C

77

 

 

32

109

 

325,61

-

38,96

113,05

477,62

L

77

 

 

32

109

CERES

(capacité spatiale de renseignements d’origine électromagnétique)

 

2015

2021

7 ans

 

 

C

1

 

 

 

1

 

389,81

22,60

25,90

23,40

461,71

L

 

 

1

 

1

CONTACT (communications numériques tactiques et de théâtre)

 

2012

2022 (pour étape 1)

 

Lancement étape 2 prévu en 2021

30 ans

 

Postes véhicules et portatifs

C

4 400

 

10 200

 

14 600

 

717,16

270,50

258,50

953,28

2 199,43

L

30

470

1 775

12 325

14 600

FLF RMV (rénovation à mi-vie des frégates de type La Fayette)

 

2017

2023

Sans objet

 

 

C

3

 

 

 

3

 

133,06

105,94

56,31

94,62

389,93

L

 

 

1

2

3

FLOTLOG (Flotte logistique, bâtiments ravitailleurs de force)

 

2018

>2025

40 ans

 

 

C

4

 

 

 

4

 

39,50

132,02

126,42

1 646,81

1 944,74

L

 

 

 

4

4

FREMM (frégates multi-missions)

 

2002

2022

30 ans

 

 

C

8

 

 

 

8

 

6 449,30

246,05

291,54

577,24

7 564,13

L

6

 

1

1

8

FTI (frégates de taille intermédiaire)

 

2017

>2025

30 ans

 

 

C

1

 

1

3

5

 

1 137,21

144,17

150,53

1 726,63

3 158,54

L

 

 

 

5

5

MIRAGE 2000 – rénovation

 

2015

2024

15 ans

 

 

C

55

 

 

 

55

 

297,03

55,39

86,00

77,50

515,91

L

 

2

14

39

55

MALE (drones de moyenne altitude, longue endurance)

 

2013

2022

12 ans

 

Reaper

C

4

 

 

 

4

 

705,46

36,99

23,99

120,89

887,33

L

3

1

 

 

4

MRTT (multi-role transport tanker - avion de ravitaillement et de transport)

 

2014

>2025

30 ans

 

 

C

12

 

 

3

15

 

1 148,25

706,48

498,14

1 241,55

3 594,42

L

2

1

3

9

15

MUSIS (multinational space-based imaging system pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation)

 

2010

2021

10 ans

 

Satellites

C

3

 

 

 

3

 

1 334,75

79,96

49,90

82,88

1 547,50

L

1

1

1

 

3

 

 

Segment sol

C

1

 

 

 

1

 

L

1

 

 

 

1

NH 90 (hélicoptères de transport et de surveillance)

 

1992

>2025

30 ans

 

 

C

101

 

 

 

101

 

4 790,89

569,53

219,70

734,27

6 314,39

L

67

6

6

22

101

PDL NG (pod de désignation laser nouvelle génération)

 

2011

2023

20 ans

 

 

C

46

 

 

 

46

 

264,24

109,00

43,00

51,50

467,75

L

3

11

14

18

46

RAFALE (avions d’armes)

 

1989

>2025

30 ans

 

 

C

 

L

180

 

152

 

 

 

 

 

 

**

 

**

**

 

**

 

28 148,44

957,52

604,61

3 327,46

33 038.03

 

 

 

 

 

 

SCORPION (synergie du contact renforcé par la polyvalence et l’infovalorisation)

 

2014

>2025

30 ans

 

VBMR lourd Griffon et MEPAC

C

339

271

 

1 262

1 872

 

997,50

641,00

792,90

1 832,05

4 263,45

L

92

90

157

1 533

1 872

 

 

VBMR léger Serval

C

 

364

 

614

978

 

L

 

 

 

978

978

 

 

EBRC Jaguar

C

20

42

 

238

300

 

L

 

 

20

280

300

 

 

Leclerc XLR

C

 

50

 

150

200

 

L

 

 

 

200

200

SDCA Rénovation (rénovation des systèmes de détection et de contrôle aéroporté)

 

2017

2024

Sans objet

 

 

C

4

 

 

 

4

 

623,07

46,51

38,90

140,35

848,83

L

 

 

 

4

4

SDT - étape 1 (système de drones tactiques)

 

2016

2022

15 ans

 

 

C

2

 

 

3

5

 

208,31

31,53

19,24

44,25

303,32

L

 

 

2

3

5

SIA - version 1 (système d’information des armées)

 

2012

2024

5 ans

 

modules projetables

C

130

32

32

35

229

 

619,76

101,49

41,99

42,24

805,48

L

112

25

30

62

229

SLAMF (système de lutte anti-mines marines futur)

 

 

 

 

 

 

C

***

***

***

***

***

 

89,60

75,00

108,42

174,53

447,55

L

 

 

 

 

 

SYRACUSE IV (satellite de communication)

 

2015

>2025

15 ans

 

segment spatial

C

2

 

 

1

3

 

839,18

274,00

386,00

1 187,87

2 687,05

L

 

 

 

3

3

 

 

Segments sol utilisateur

C

19

12

13

18

62

 

L

1

2

15

44

62

TIGRE (hélicoptère d’attaque)

 

1988

2024

40 ans

 

 

C

71

 

 

 

71

 

5 039,69

139,24

221,82

1 675,86

7 076,60

L

71

 

 

 

71

VBCI (véhicule blindé de combat d’infanterie)

 

2000

2015

30 ans

 

 

C

630

 

 

 

630

 

2 715,13

14,00

12,00

76,74

2 817,87

L

630

 

 

 

630

VFS (véhicules forces spéciales)

 

2015

>2025

15 ans (VLFS, PLFS)

10 ans (Fardier)

 

 

C

245

 

 

498

743

 

23,96

24,20

29,40

51,31

128,87

L

25

 

60

658

743

VLTP (véhicule léger tactique polyvalent)

 

2016

2023

15 ans

 

VLTP NP Commandement/liaison

C

4380

 

 

 

4 380

 

77,88

108,86

72,13

48,04

306,90

L

999

1001

1 000

1 380

4 380

Source : ministère des Armées


—  1  —

2.   L’effort budgétaire porte sur l’ensemble des systèmes de force

Le présent projet de loi de finances prévoit une évolution « en ciseau » des ressources du programme 146, qui passeraient ainsi :

‒ en autorisations d’engagement, de 25,3 milliards d’euros à 21 milliards d’euros, soit une diminution de 17,7 % ;

‒ en crédits de paiement, de 12,6 milliards d’euros à 13,6 milliards d’euros, soit une hausse d’environ 8 %.

Cette évolution appelle toutefois deux commentaires.

D’une part, la diminution du niveau d’engagement, simple traduction d’un effet de calendrier sur l’engagement des programmes, ne reflète pas exactement le niveau de ressources que la DGA aura à engager, du fait des reports à l’année 2021 des crédits qui n’auront pu être engagés en 2020 en raison de la crise.

D’autre part, l’évolution à la hausse des crédits de paiement – manifeste – traduit la poursuite de l’effort de réarmement engagé depuis 2017, conformément à la LPM de remontée en puissance adoptée par la majorité parlementaire.

a.   Les crédits de la dissuasion

Les crédits de l’action 6 « Dissuasion » connaissent une très forte baisse des autorisations d’engagement, à hauteur de 60 %, et une croissance conséquence des crédits de paiement, à hauteur de 7,18 %. La baisse des autorisations d’engagement s’explique par l’exceptionnelle dotation de l’année 2020, marquée par le passage en phase de réalisation du programme de SNLE 3G. Rappelons à ce titre que, l’an dernier, les autorisations d’engagement avaient connu une hausse de l’ordre de 86 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 6 « DISSUASION »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

6

Dissuasion

8 671,2

3 502,3

-59,6%

3 844,3

4 120,3

+7,18%

06.14

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ M51

1 187,3

293,5

-75,28%

803

788,4

-1,82%

06.15

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion SNLE NG – adaptation M51

 

 

 

 

 

 

06.17

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA)

15,3

22,5

+47,06%

120,9

112,9

-6,62%

06.18

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Simulation

557,1

637,6

+14,45%

561,6

651,1

+15,94%

06.19

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Autres opérations

1 180,7

1 265,9

+7,22% 

981,6

1 085,1

+10,54%

06.22

Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces ‒ toutes opérations

441,4

808,6

+83,19%

812,8

757,6

-6,79%

06.23

Assurer la crédibilité technique de la posture ‒ toutes opérations

189,3

474,3

+150,55%

327,4

359,7

+9,87%

06.24

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ SNLE 3G

5 100

 

 

237

365,3

+54,14%

Source : projet annuel de performances.

En 2021, la dotation inscrite en PLF permettra notamment de financer :

–  au titre de la sous-action 06.14, les travaux de développement et de production du missile M51.3, missile nucléaire stratégique à têtes multiples emporté sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Pour rappel, les SNLE emportent actuellement les versions M51.1 et M51.2 de ce missile, les travaux sur la troisième version du missile ayant débuté en 2014 ;

–  la poursuite des travaux de modernisation du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), dont les crédits sont inscrits à la sous-action 06.17 ;

–  la poursuite des travaux de préparation de son successeur, le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G), qui entrera en service dans les années 2030, dont les crédits sont inscrits à la sous-action 06.19 ;

–  s’agissant du programme Simulation, dont les crédits sont inscrits à la sous-action 06.18, la montée en puissance progressive du laser mégajoule (LMJ) ou encore la poursuite du programme d’infrastructures engagé dans le cadre de la coopération franco-britannique TEUTATES ;

–  les investissements de mise à niveau des installations du port de Cherbourg destinées aux sous-marins nucléaires, inscrits à la sous-action 06.19.


b.   Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

La dotation de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » s’élèvent à 4,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 17 %, tandis que les crédits de paiement progressent de 12,8 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7
« COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

7

Commandement et maîtrise de l’information

5 835

4 837,6

- 17,09%

2 142,4

2 417,4

+12,84%

07.23

Commander et conduire – ARTEMIS IA

 

36

 

 

940

 

07.24

Commander et conduire – Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA)

430

138,6

-67,77%

192

225,3

+17,34%

07.25

Commander et conduire – Système d’information « terre »

187,6

72,4

-61,41%

57,6

67,9

+17,88%

07.27

Commander et conduire ‒ Géographie numérique

 

150

 

77,4

71,8

-7,24%

07.28

Commander et conduire ‒ Autres opérations

18,5

20,1

+8,65%

50,4

52,5

+4,17%

07.29

Commander et conduire – Système d’information des armées (SIA)

224,3

56

-75,03%

105,4

101

-4,17%

07.30

Communiquer ‒ Cyber

107,9

102

-5,47%

68

84,4

+24,12%

07.35

Communiquer ‒ Autres opérations

177

199,2

+12,54%

168

157,3

-6,37%

07.36

Communiquer ‒ CONTACT

27

1 020

+3 677,78%

235,9

282,8

+19,88%

07.37 (1)

Communiquer ‒ Descartes

 

93

 

126,6

74,6

-41,07%

07.42

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM (5)

 

20

 

35,2

30,2

-14,20%

07.43 (2)

Espace ‒ Communiquer – Moyens de communication satellitaire

811,3

840

+3,54%

394,9

590,4

+49,51%

07.44 (3)

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROIM (6)

36

134,8

+274,44%

83,1

64,6

-22,26%

07.45

Espace ‒ Maîtrise de l’Espace

 

140

 

 

10,6

 

07.46

Espace ‒ Commander et conduire ‒ OMEGA (7)

 

 

 

37,1

47,7

+28,57%

07.50

Communiquer ‒ Transmission

 

 

 

12,8

15,7

+22,66%

07.60

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ALSR (8)

42

27

-35,71%

24

37,8

+57,50%

07.61

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ CUGE (9)

 

 

 

88,3

118,2

+33,86%

07.62

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Drones aériens

2 723,7

665,9

-75,55%

120,9

127,6

+5,54%

07.63

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Hawkeye

970

915

-5,67%

53,1

52,6

-0,94%

07.64

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM

28,8

82,2

+185,42%

101,7

82,2

-19,17%

07.67

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ SDCA (10)

20

21,6

+8,00%

42,3

61,9

+46,34%

07.68 (4)

Renseigner, surveiller, acquérir ‒ Autres opérations

71,8

103,9

+44,71%

67,5

59,1

-12,44%

(1) Anciennement sous-action 07.41. (2) Anciennement sous-action 07.32. (3) Anciennement sous-action 07.40 « Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – MUSIS ». (4) Anciennement sous-action 07.39. (5) Renseignement d’origine électromagnétique. (6) Renseignement d’origine « image ». (7) opération de modernisation des équipements de Global Navigation Satellite System (système de navigation satellitaire global) des armées. (8) Avion léger de surveillance et de reconnaissance. (9) Capacité universelle de guerre électronique. (10) Système de détection et de commandement aéroporté, plus connu sous le signe anglais d’AWACS (Airborne Warning and Control System).

Source : projet annuel de performances.

La maquette budgétaire de cette action connaît une légère évolution, avec la création d’une nouvelle sous-action 07.23 consacrée à l’opération ARTEMIS, dotée de 36 millions d’euros en autorisations d’engagement et 940 millions d’euros en crédits de paiement. Comme l’indique le projet annuel de performances, l’opération ARTEMIS vise à doter le ministère des Armées d’une infostructure sécurisée et souveraine adaptée aux besoins de la défense, au profit de l’ensemble des applications de traitement massif de données (big data) et d’intelligence artificielle (IA) du ministère. En 2021, les crédits inscrits en PLF permettront de couvrir la commande d’un premier incrément du socle d’infostructure industrialisé et le soutien associé, ainsi que la commande du développement de cas d’usage dans le domaine du renseignement.

Pour le reste, la maquette budgétaire maintient les nouvelles sous-actions créées l’an dernier afin d’offrir davantage de lisibilité au financement de la défense spatiale. Plusieurs sous-actions contribuent ainsi au financement de cette mission :

–  en premier lieu, la sous-action 07.42 retrace les crédits du programme CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) qui, selon la description qui en est faite par le projet annuel de performances comprend des fonctions d’interception, de caractérisation et de location des signaux électromagnétiques par des moyens satellitaires, leur programmation ainsi que les moyens sol de contrôle des satellites. Pour rappel, le système CERES repose sur une constellation des trois satellites, dont les caractéristiques permettent de cartographier et d’analyser le fonctionnement des émetteurs électromagnétiques. CERES sera remplacé, à l’horizon 2030, par le système CELESTE, lancé en 2019 ;

–  en deuxième lieu, les programmes de télécommunications satellitaires Syracuse III et son successeur Syracuse IV, sur lesquels portent la sous-action 07.43, offrent des moyens de communication satellitaire indispensables à la conduite des opérations, afin d’offrir aux forces des capacités de communication de longue distance, sécurisées et résistantes à la menace de guerre électronique. À l’heure actuelle, les deux satellites Syracuse 3A et 3B, lancés en 2005 et 2006, sont complétés par un satellite construit en coopération avec l’Italie, le Sicral 2. En 2021, seront poursuivis les travaux de réalisation du segment spatial de Syracuse IV ainsi que ceux portant sur sa composante sol.

En outre, cette sous-action retrace également les crédits relatifs au célèbre satellite Athena-Fidus ([4]), satellite franco-italien apportant des moyens de communication complémentaires des systèmes Syracuse, essentiellement pour des liaisons dites non-durcies ;

–  en troisième lieu, le programme de satellites de renseignement d’origine « image » (ROIM) constituant la composante spatiale optique (CSO) du programme de système multinational d’imagerie spatiale Multinational Space-Based Imaging System (MUSIS), financé au titre de la sous-action 07.44. Cette sous-action finance également les premiers travaux relatifs au successeur de CSO – IRIS – qui reposera alors essentiellement sur les moyens apportés par le programme MUSIS. En 2021, de premiers sous-ensembles dits critiques d’IRIS seront développés ;

–  en quatrième lieu, la sous-action 07.45 retrace les crédits relatifs à la future capacité militaire de maîtrise de l’espace, incarné par le programme à effet majeur ARES (action et résilience spatiale). Celui-ci reposera sur un triptyque composé de moyens de surveillance, de protection et d’action. Ainsi que l’indique le projet annuel de performances, la feuille de route du programme prévoit d’anticiper les travaux relatifs à la montée en maturité du système chargé d’agréger l’ensemble des données concourant à la surveillance de l’espace – la création d’un C2 spatial – et au futur véhicule d’action dans l’espace ;

–  enfin, en dernier lieu, la sous-action 07.46 retrace les crédits de l’opération OMEGA, dont l’objectif est de développer une capacité autonome de géolocalisation pour les systèmes d’armes prenant en compte les futurs systèmes de navigation par satellites, tels Galileo ou les nouvelles constellations GPS. En 2021 seront lancés les travaux de développement d’un prototype de récepteur bi-constellation pour aéronefs et la mise en production d’un récepteur multi-constellations non sécurisé pour les véhicules terrestres. À terme, de tels développements permettront d’intégrer des cartes (code M. et GPRS) dans les plates-formes MRTT standard 2, Atlantique 2, hélicoptère interarmées léger, MALE européen, Tigre standard 3, ARCHANGE et ALBATROS.

Une large part des sous-actions concerne également la fonction « renseignement, surveillance, acquisition et reconnaissance », hors domaine spatial. On retrouve ainsi, à titre principal :

–  la sous-action 07.60, qui concerne l’avion léger de reconnaissance et de surveillance (ALSR), dont la LPM prévoit la livraison de huit appareils à terme. En 2020, le plan de soutien au secteur aéronautique a prévu la commande anticipée d’un troisième appareil ;

–  la sous-action 07.61 concerne la capacité universelle de guerre électronique (CUGE), qui vise à remplacer les capacités ROEM aéroportées à l’horizon du remplacement des Transall Gabriel. À terme, chaque système ARCHANGE (avions de renseignement d’origine électromagnétique à charge utile de nouvelle génération) est constitué d’un segment aéroporté et d’un segment sol ;

–  la sous-action 07.62 retrace les crédits relatifs aux programmes de drones, c’est-à-dire les systèmes de drones tactiques (SDT), les systèmes de drones aériens pour la marine (SDAM), qui équiperont les frégates de défense et d’intervention, les frégates de défense aérienne, les frégates multi-missions et les porte-hélicoptères amphibie, les systèmes Reaper ainsi que le MALE européen. En 2021, les crédits inscrits en PLF permettront notamment de financer les travaux d’améliorations techniques des SDAM prévus par le plan de soutien au secteur aéronautique ;

–  la sous-action 07.63 retrace les crédits relatifs aux avions de guet embarqué Hawkeye acquis entre 1998 et 2004 et mis en œuvre par la marine nationale, la flotte actuelle, de type E-2c, ayant vocation à être remplacée par des appareils de type E-2d, opération dans le cadre de laquelle des simulateurs d’entraînement seront commandés en 2021.

Au-delà, on signalera, à titre d’exemples, d’autres opérations financées par les crédits de l’action 7 :

–  la modernisation du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), financée par la sous-action 07.24, au travers de la commande de travaux relatifs à la bascule des centres de commandement et de contrôle vers une structure intégrée de l’OTAN, dite ACCS (Air command and control system), celle de travaux complémentaires sur les radars et de modernisation des obsolescences des systèmes MARTHA (maillage des radars tactiques pour la lutte contre les hélicoptères et les aéronefs à voilure fixe), GIRAFFE et SATAM (système d’acquisition et de trajectographie des avions et des munitions), ainsi que de la réalisation de dispositifs de lutte anti-drones MILAD ;

–  la poursuite de la modernisation des centres d’entraînement représentatifs des espaces de bataille et de restitution des engagements (CERBERE), essentiels à l’entraînement des forces terrestres, dont les crédits sont inscrits à la sous-action 07.25 ;

–  dans le domaine cyber, qui fait l’objet de la sous-action 07.30, la poursuite des travaux sur les moyens de lutte informatique défensive (LID), ainsi que le lancement des premiers travaux d’un nouvel incrément du programme à effet majeur CYBER. Il y a là l’une des traductions de la montée en puissance de la composante cyber au sein des forces, trois ans après la création d’un commandement de la cyberdéfense ;

–  au titre de la sous-action 07.36, la poursuite des travaux sur le programme CONTACT, qui vise à doter les forces d’un réseau de radiocommunications tactiques à haut débit, sécurisé et interopérable avec l’OTAN. De manière plus concrète, il s’agit de fournir divers postes radio sécurisés qui équiperont aussi bien le fantassin que des véhicules blindés, des aéronefs de combat, de renseignement ou de transport comme des navires. La première étape du programme était centrée sur les forces terrestres et navales, les travaux relatifs au domaine aéronautique ayant été lancés en 2018, en cohérence avec le calendrier des travaux sur le standard F4 du Rafale.

Une nouvelle étape sera franchie en 2021 avec le lancement de la suite de la deuxième étape du programme, dont l’objet est d’accroître les capacités de communication aéroterrestre et aéronautique. Ainsi, le programme CONTACT sera notamment intégré dans les véhicules non SCORPION de l’armée de terre.

c.   Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

Les autorisations d’engagement de l’action 8 « Projection – mobilité – soutien » ‒ qui regroupe les programmes à effet majeur concourant à la capacité de projection des différentes armées – connaissent une hausse conséquente, augmentant ainsi de plus de 125 %, se fixant à hauteur de 4,5 milliards d’euros, en raison de la concrétisation du programme d’hélicoptère interarmées léger (HIL). Toutefois, comme le montre le tableau ci-après, les crédits de paiement augmentent quant à eux de 2,57 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 8 « PROJECTION – MOBILITÉ – SOUTIEN »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

8

Projection - mobilité - soutien

1 972,4

4 447,6

+125,49%

1 748,9

1 793,8

+2,57%

08.42

Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M)

373,6

10,3

-97,24%

239,8

330,6

+37,86%

08.43

Projeter les forces – Autres opérations

85

113,2

+33,18%

134,1

151,7

+13,12%

08.44

Assurer la mobilité - VLTP (1)

60

 

 

66,8

73

+9,28%

08.45

Assurer la mobilité - HIL (2)

 

2 185

 

41,6

51,5

+23,80%

08.46

Assurer la mobilité – Rénovation Cougar

 

 

 

4,4

 

 

08.47

Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90

325

19,1

-94,12%

423,6

242

-42,87%

08.48

Assurer la mobilité – Autres opérations

162

178,5

+10,19%

120,8

138,4

+14,57%

08.49

Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération (HM NG)

 

 

 

 

68,8

 

08.51

Maintenir le potentiel ami et autre - porteur polyvalent terrestre (PPT)

 

 

 

 

 

 

08.53

Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations

44,5

226,6

+409,21%

112,2

81,1

-27,72%

08.55

Maintenir le potentiel ami et autre -
MRTT (3)

922,2

1 151,3

+24,84%

517,7

528,7

+2,12%

08.56

Maintenir le potentiel ami et autre -
Flotte logistique

 

563,6

 

87,9

127,9

+45,51%

(1) Véhicule léger tactique polyvalent. (2) Hélicoptère interarmées léger.

Source : projet annuel de performances.

La maquette budgétaire connaît une évolution avec la création d’une nouvelle action, dotée de 68 millions d’euros, relative aux hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération (HMNG). Il s’agit simplement de transcrire les mesures du plan de soutien au secteur aéronautique relatives à la commande de huit hélicoptères H225 Caracal, afin d’apporter un soutien marqué à Airbus Helicopters et d’engager le renouvellement de la flotte Puma de l’armée de l’air. Ainsi, il ne s’agit pas à proprement parler de financer des travaux relatifs au HMNG, dont le projet annuel de performances indique que l’industriel se trouve dans « l’incapacité […] à produire cette nouvelle plateforme avant l’horizon 2040 ».

Les crédits de la sous-action 08.45, relatifs au programme HIL, représentent l’essentiel de la croissance exponentielle des autorisations d’engagement par rapport à l’année 2020, avec 2,2 milliards d’euros. Pour rappel, le Guépard a vocation à remplacer les hélicoptères légers de l’ensemble des armées : Alouette III, Gazelle, Dauphin Super Pedro, Panther et Fennec, les premiers exemplaires devant être livrés à l’armée de terre à l’horizon 2026.

S’agissant de la composante héliportée, les sous-actions 08.46 et 08.47 concernent respectivement les hélicoptères Cougar et les NH90. Les premiers, employés sur les théâtres dans des missions de transport tactique, sont en cours de rénovation, afin d’allonger d’une vingtaine d’années leur potentiel, à un coût relativement maîtrisé – 30 % du coût d’un appareil neuf. Les seconds, construits en coopération avec dix autres pays, doivent à terme remplacer l’ensemble des flottes de transport tactique de l’armée de terre et de la marine ainsi que des moyens héliportés de lutte anti-sous-marine.

Parallèlement, le programme A400M, financé par la sous-action 08.42, continue de monter en puissance, notamment des opérations d’infrastructure d’accueil des appareils sur la base aérienne d’Orléans. Il en va de même de la modernisation de la flotte intermédiaire de C130H, dont certains appareils seront adaptés aux normes de navigation définies par l’Organisation internationale de l’aviation civile ou verront leur système d’autoprotection renforcé, tandis que deux Falcon 900 d’occasion seront commandés afin d’homogénéiser les capacités d’évacuation médicale de l’escadron de transport 60 de la base aérienne de Villacoublay. Les crédits de ces opérations sont inscrits à la sous-action 08.43.

Dans le domaine terrestre, les véhicules légers tactiques polyvalents (VLTP) poursuivront leur modernisation, financée par la sous-action 08.44.

d.   Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat

Les ressources de l’action 9 « Engagement et combat » ‒ qui regroupe des programmes permettant l’engagement des forces, dans le but d’altérer le potentiel adverse, de contrôler et de maîtriser le théâtre dans toutes ses dimensions ‒ connaissent une baisse de 10,53 % en autorisations d’engagement – après une hausse de 153 % l’an passé – et une hausse de 8,1% des crédits de paiement.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 9 « ENGAGEMENT ET COMBAT »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

9

Engagement et combat

7 246,9

6 483,6

- 10,53%

4 250,1

4 594,5

+8,1%

09.56

Frapper à distance ‒ Missile de croisière naval (MDCN)

 

 

 

42

41,5

-1,19%

09.59

Frapper à distance ‒ Rafale

466,7

1 445,8

+209,79%

742,7

698,8

-5,91%

09.61

Frapper à distance – Autres opérations

141,5

111,3

-21,34%

217,1

216,2

-0,41%

09.62

Frapper à distance ‒ SCAF (1)

1 400

3 000

+114,29%

62,4

155,8

+149,68%

09.63

Frapper à distance ‒ Porte-avions

10

442,4

+4 324,00%

15,3

137,9

+801,31%

09.66

Opérer en milieu hostile – Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI)

 

 

 

18,9

12,1

-35,98%

09.68

Opérer en milieu hostile ‒ Hélicoptère HAP (2) / HAD (3) Tigre

1 532,9

 

 

137,8

224,4

+62,84%

09.69

Opérer en milieu hostile – Future torpille lourde (FTL)

 

 

 

15

36,7

+144,67%

09.71

Opérer en milieu hostile – Évolution Exocet

 

 

 

45,4

59,4

+30,84%

09.73

Opérer en milieu hostile – Frégates multi-missions (FREMM)

0,6

0,2

-66,67%

180,8

300

+65,93%

09.74

Opérer en milieu hostile – sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda

40,4

431,8

+968,81%

819,5

718,9

-12,28%

09.75

Opérer en milieu hostile – Autres opérations et conduire des opérations spéciales

361

341,7

-5,35%

421,7

407,6

-3,34%

09.77

Opérer en milieu hostile ‒ SCORPION (4)

1 958

15

-99,23%

824,2

836,9

+1,54%

09.78

Frapper à distance ‒ Mirage 2000

121

59,6

-50,74%

107,9

118,9

+10,19%

09.79

Opérer en milieu hostile ‒ Plateformes

259,9

101,6

-60,91%

177,6

189,6

+6,76%

09.80

Opérer en milieu hostile – MGCS Système de combat terrestre principal

 

200

 

 

36,4

 

09.84

Opérer en milieu hostile ‒ MAST-F (5)

 

318

 

17,9

1

-94,41%

09.85

Opérer en milieu hostile ‒ SLAMF (6)

305

 

 

47,4

109,7

+131,43%

09.86

Opérer en milieu hostile – ATL 2 (7)

108

15,3

-85,83%

116,9

83,6

-28,49%

09.88

Opérer en milieu hostile ‒ missile moyenne portée (MMP)

 

 

 

95,3

56,9

-40,29%

09.89

Opérer en milieu hostile ‒ Frégates de défense et d’intervention (8)

542

700

+29,15%

144,4

152,3

+5,47%

(1) Système de combat aérien futur. (2) Hélicoptère d’appui-protection. (3) Hélicoptère d’appui-destruction. (4) Synergie du contact renforcé par la polyvalence et l’infovalorisation. (5) Missile air-sol terrestre futur. (6) Système de lutte anti-mines du futur. (7) Avion de patrouille maritime Atlantique 2. (8) Précédemment appelées « frégates de taille intermédiaire ».

Source : projet annuel de performances.

L’année 2021 voit la création d’une nouvelle sous-action 09.80 relatif au programme MGCS, c’est-à-dire le programme de char du futur conduit en coopération avec l’Allemagne. Ainsi que le rappelle le projet annuel de performances, le programme MGCS a franchi une étape importante en 2020, avec la signature de l’arrangement-cadre de coopération et d’un premier arrangement d’application, le 3 avril dernier, qui a conduit à l’attribution d’un marché portant sur la première étape d’étude d’architecture système à un acteur industriel ad hoc regroupant Krauss-Maffei-Wegman, Nexter Systems et Rheinmettal Land System. L’année 2021 devrait être celle d’une première concrétisation avec le lancement de plusieurs démonstrateurs technologiques ainsi que d’études d’architecture du système.

La conduite du programme MGCS est à rapprocher de celle du SCAF, dont les crédits sont inscrits à la sous-action 09.62, dans la mesure où 2021 devrait être l’année du lancement du programme de démonstration, en vue de l’expérimentation d’un premier démonstrateur en 2026.

Qu’il s’agisse du MGCS ou du SCAF, il importe de franchir les prochains jalons rapidement, et dans tous les cas suffisamment en amont des élections fédérales allemandes de septembre 2021. En effet, la proximité des échéances électorales allemandes et françaises pourraient paralyser la conduite de ces programmes si des décisions fortes n’étaient pas prises rapidement pour, d’une part, lancer les études d’architecture du MGCS et, d’autre part, s’accorder sur le financement du programme de démonstrateur pour le SCAF.

Par ailleurs, l’action 9 retrace également les crédits relatifs aux avions de combat actuels. C’est d’abord le cas de la sous-action 09.59, relative au Rafale et dotée de 700 millions pour, notamment, la commande d’équipements de mission et la poursuite des travaux sur le standard F4, mais également de la sous-action 09.78, qui porte sur le Mirage 2000. En 2021, les crédits sont essentiellement destinés à la poursuite des travaux de rénovation, conduits à présent par le service industriel de l’aéronautique (SIAé).

S’agissant du Rafale, il convient de souligner que, le 6 octobre 2020, la ministre des Armées a annoncé, devant la commission de la Défense, la commande de douze Rafale d’ici la fin de l’année afin de compenser le prélèvement, au sein de l’armée de l’air, de douze appareils d’occasion dont les autorités grecques devraient confirmer l’acquisition dans les prochaines semaines. Cette opération s’inscrit dans le cadre plus large de la commande de 18 appareils, dont six neufs uniquement. Il s’agit d’une excellente nouvelle puisque, pour la première fois, un État membre de l’Union européenne décide de franchir le pas. Une telle commande donne par ailleurs une certaine visibilité à l’industriel, des plus essentielles au regard du contexte économique dégradé par la crise sanitaire et ses conséquences.

Les attentes autour du choix du président de la République sur la propulsion du futur porte-avions éclipsent partiellement les enjeux qui pèsent sur le porte-avions actuel, objet de la sous-action 09.63. Ainsi, les crédits inscrits en PLF permettront notamment de poursuivre les travaux de sûreté nucléaire menés sur le Charles-de-Gaulle, consistant en particulier à réexaminer les chaufferies K15. S’agissant toujours de la marine, les crédits de la sous-action 09.73, qui concerne les FREMM, serviront à acquérir, par exemple, des équipements cryptographiques ou des matériels mobiles d’armement. Le programme Barracuda, qui a connu un franc succès cette année avec la mise à l’eau pour essais en mer du Suffren, se poursuivra en 2021 selon la trajectoire prévue, déclinée budgétairement à la sous-action 09.74. En outre, portée par la sous-action 09.85, le système de lutte anti-mines marines futur (SLAMF) devrait connaître une année 2021 faste, sous réserve de son lancement en réalisation d’ici la fin de l’année. À l’heure de l’élaboration du présent avis, un système de drones devrait être commandé, et les études préparatoires des étapes ultérieures lancées. Enfin, la sous-action 09.86 retrace les crédits de la rénovation de l’Atlantique 2, et la 09.89 le programme de frégates de défense et d’intervention (FDI), dont le deuxième exemplaire sera commandé en 2021, parallèlement à la commande du cinquième radar multifonctions.

Concernant les matériels terrestres, la sous-action 09.66 regroupe les crédits relatifs au véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI), dont certaines obsolescences seront traitées en 2021. Le financement de la modernisation de l’hélicoptère Tigre et son évolution vers le standard 3 sont prévus à la sous-action 09.68. Surtout, le programme SCORPION se poursuit avec notamment, inscrits à la sous-action 09.77, les commandes d’une tranche de soutien initial pour le Griffon, de l’intégration de Syracuse IV sur Griffon, de travaux de développement complémentaires sur le Serval. En outre, une part des crédits est réservée aux opérations d’infrastructures, avec les commandes des marchés de travaux pour le 27e bataillon de chasseurs alpins de Cran Gevrier, le 2e régiment de Dragons de Fontevraud, du 3e régiment parachutiste d’infanterie de marine de Carcassonne et du 7e régiment du matériel de Lyon. La sous-action 09.79 concerne en grande partie l’armée de terre, ses crédits permettant notamment d’opérer, en 2021, la commande de la régénération de 120 véhicules blindés légers.

En outre, un certain nombre de sous-actions concernent des missiles et torpilles ou autres munitions et canons :

–  la sous-action 09.56, relative au missile de croisière naval (MdCN), qui équipe les FREMM et équipera les SNA du programme Barracuda, leur offrant ainsi une nouvelle capacité de frappe dans la profondeur depuis la mer ;

–  la sous-action 09.61 qui, outre des équipements missionnels tels les pods, retrace les crédits relatifs à l’armement air-sol modulaire (AASM), à la rénovation à mi-vie du SCALP et au canon Caesar. En 2021, seront conduits des travaux préparatoires à l’acquisition de 32 Caesar complément et l’acquisition de 40 kits 11SM de mille kilogrammes ;

–  la sous-action 09.69 traite de la future torpille lourde (FTL) F21, qui sera intégrée sur les sous-marins afin de détruire ou de neutraliser des bâtiments de surface comme des sous-marins, et dont 15 exemplaires devraient être commandés en 2021 ;

–  la sous-action 09.71, dont les crédits permettront de moderniser les missiles Exocet mer-mer 40 avec la transformation de 45 missiles du Block 3 au Block 3c ;

–  la sous-action 09.84 concerne le missile air-sol terrestre futur (MAST- F), destiné initialement à remplacer le missile Hellfire 2 sur le Tigre. Si le lancement de la réalisation de cette opération est prévu d’ici la fin de l’année 2020, des incertitudes demeurent, notamment au sujet de la capacité du produit proposé à équiper le MALE européen. Lors de son audition devant la commission, le délégué général pour l’armement a reconnu que les discussions conduites avec l’industriel pouvaient se révéler tendues ;

–  enfin, la sous-action 09.88 retrace les crédits nécessaires à l’intégration aux véhicules concernés du missile moyenne portée (MMP), dont 150 exemplaires ont été livrés aux forces en 2017 et 2018.

On retiendra également, en matière de petits équipements, que la sous-action 09.75 prévoit notamment l’acquisition de 12 000 fusils HK 416.

e.   Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

Les crédits de de l’action 10 « Protection et sauvegarde » sont en hausse, à hauteur de 7,86 % en autorisations d’engagement, et de 33,5 % en crédits de paiement.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 10 « PROTECTION ET SAUVEGARDE »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

10

Protection et sauvegarde

1 402,6

1 512,9

+7,86%

390,4

521,2

+33,50%

10.74

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – SECOIA (1)

15

 

 

14,3

28

+95,80%

10.75

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Patrouilleur futur

 

 

 

14,5

39,5

+172,41%

10.76

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Missiles

 

777,2

 

111,3

112,2

+0,81%

10.77

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – AVSIMAR (2)

790

 

 

30,6

50,2

+64,05%

10.79

Assurer la sûreté des approches – Autres opérations et assurer la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens

9,4

79,1

+741,49%

34,3

43,3

+26,24%

10.80

Assurer la sûreté des approches – Alerte avancée

 

 

 

 

 

 

10.82

Assurer la protection des forces et des sites – Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

500

546,4

+9,28%

108,7

164

+50,87%

10.86

Assurer la protection des forces et des sites – Autres opérations et assurer la protection de l’homme

84,9

107

+26,03%

75

82,5

+10,00%

10.87

Assurer la protection de l’homme –
e-SAN

3,3

3,2

-3,03%

1,6

1,5

-6,25%

(1) Site d’élimination de chargements d’objets identifiés anciens. (2) Avion de surveillance et d’intervention maritimes.

Source : projet annuel de performances.

Depuis l’an dernier, cette action comporte neuf sous-actions :

–  la sous-action 10.74, relative au site d’élimination de chargement d’objets identifiés anciens (SECOIA), c’est-à-dire la destruction des munitions chimiques, retrouvés de temps à autres ;

–  la sous-action 10.75 relative au programme de patrouilleur futur, programme qui prévoit le remplacement des bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer, des patrouilleurs Antilles-Guyane acquis en 2014, des patrouilleurs outre-mer et des patrouilleurs océaniques dans le cadre du programme BATSIMAR ;

–  la sous-action 10.76, qui prévoit le financement des programmes à effet majeur de missile d’interception à domaine élargi (MIDE) appelé Meteor, intégré au standard F3-R du Rafale et devant faire l’objet d’une rénovation « à mi-vie », ainsi que le programme de missile d’interception de combat d’autodéfense de nouvelle génération (MICA NG). Ce missile doit entrer en service avec le standard F4 du Rafale ;

–  la sous-action 10.77, dont les crédits portent le programme d’avion de surveillance et d’intervention maritimes (AVSIMAR), qui vise au remplacement de certains Falcon 50 de surveillance maritime à partir de 2024 ainsi qu’à l’adaptation d’autres Falcon 50 à ces missions, par l’intégration à ces appareils d’une trappe de largage de « chaîne » de Search and Rescue (sauvetage en mer). La programmation initiale prévoit le lancement du renouvellement de la flotte cette année ;

–  la sous-action 10.79 regroupe les crédits des programmes à effets majeurs BSAH (bâtiment de soutien et d’assurance hauturier) et CHOF (capacité hydrographique et océanographique future), l’année 2021 devant voir s’exécuter quelques aménagements des premiers bâtiments et une phase d’évaluation de drones pour les seconds ;

– comme l’an passé, l’action 10.80 est intitulée « Alerte avancée » et aucun crédit n’y est inscrit. Peut-être faut-il y voir le signe d’une reprise, à terme, du projet Spirale, ou du lancement d’un nouveau dispositif d’alerte avancée ;

–  le programme e-SAN, financé par la sous-action 10.87, qui prévoit l’optimisation du soutien santé des forces projetées en opération extérieure et à la mer via la numérisation des processus du service de santé des armées.

Les autres sous-actions financent des moyens nécessaires aux postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, ainsi qu’à la posture de protection terrestre. Il s’agit notamment de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF), qui se compose de divers missiles ASTER, mais également des systèmes MISTRAL, dont la rénovation se poursuit

f.   Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

Les ressources de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement », qui vise à assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes et des opérations d’armement, sont globalement stables, avec une baisse de 3,7 % en autorisations d’engagement et de 7,8 % en crédits de paiement, soit respectivement une diminution de 9 et de 16 millions d’euros.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 11 « PRÉPARATION ET CONDUITE DES OPÉRATIONS D’ARMEMENT »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2020

PLF 2021

Évolutions

LFI 2020

PLF 2021

Évolutions

11

Préparation et conduite des opérations
d’armement

224,2

215,9

-3,70%

211,7

195

-7,89%

11.89

Fonctionnement et soutien DGA

61,8

71,2

+15,21%

62,8

66

+5,10%

11.90

Investissements pour les opérations d’armement

162,4

144,7

-10,90%

148,9

129,7

-12,89%

Source : projet annuel de performances.

L’action 11, constituée de ressources budgétaires et extrabudgétaires, regroupe deux sous-actions auxquelles sont inscrits :

–  les crédits de fonctionnement et de soutien de la DGA et des services qui lui sont rattachés, inscrits à la sous-action 11.89. Ces crédits sont en augmentation cette année ;

–  les crédits de fonctionnement et d’investissement des infrastructures d’expertise technique, d’évaluation et d’essais de la DGA, retracés à la sous-action 11.90, et qui connaissent une baisse.

g.   Les crédits issus de contributions étrangères et de programmes civils

Comme chaque année, l’action 12 « Parts étrangères et programmes civils » se compose des lignes de crédits au sein desquelles, en cours d’exécution budgétaire, sont inscrites les contributions internationales ou interministérielles à des opérations menées par la DGA soit en coopération, soit pour le compte d’un tiers.

Par nature, cette action, comportant deux sous-actions, ne compte pas de crédits inscriptibles dès la date de dépôt du projet de loi de finances.

B.   Le budget de 2021 s’inscrit dans un plan de réarmement de long terme

1.   La préparation des armements de demain : les crédits des études amont

Au-delà de la conduite des programmes actuels, la DGA participe activement à la préparation de l’avenir au travers, d’une part, des études amont, dont les crédits sont inscrits à la sous-action éponyme 07.03 de l’action 7 « Prospective de défense ». Au-delà, elle est évidemment motrice dans la définition des armements de l’après. Comme l’indique le projet annuel de performance, la programmation 2021 des études amont s’appuie sur le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DROID) 2020 élaboré par l’agence de l’innovation de défense (AID) et validé par la ministre des Armées lors du comité exécutif (COMEX) consacré à l’innovation du 20 mai 2020.

La préparation de l’avenir constitue, par ailleurs, un outil efficace de relance de l’activité et de soutien à la BITD en ce qu’elle permet de « charger les bureaux d’études ». Les ressources inscrites en PLF 2021 s’élèvent à 1,2 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 900 millions d’euros en crédits de paiement, conformément à la trajectoire d’accroissement du niveau des études amont que se sont assignés le Gouvernement et sa majorité. On constate ainsi une augmentation des montants d’autorisations d’engagement de 169,7 millions d’euros et des crédits de paiement de 74 millions d’euros, hors dissuasion. Comme le souligne le projet annuel de performances, « ces crédits permettront d’investir dans des technologies de rupture, de lancer des démonstrateurs innovants et de faire face aux enjeux de préparation des futurs systèmes d’armes face aux menaces émergentes ».

a.   L’avenir de la dissuasion

Le renouvellement des deux composantes de la dissuasion s’inscrit dans le temps long et, chaque année, des travaux de recherche comme de développement participent au renforcement de leur robustesse et de leur crédibilité.

L’année 2021 revêt toutefois une importance particulière pour la composante aéroportée, car elle est celle de la présentation au chef de l’État des options capacitaires pour le remplacement du missile ASMP-A et de son porteur, qui la soutiendront au cours des trente prochaines années. Elles sont issues de travaux conduits de longue date par l’état-major des armées, la DGA, la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et des forces. Il s’agira par ailleurs d’un choix structurant pour l’armée de l’air et de l’espace dans son ensemble, en raison de la dualité de la composante aéroportée. En effet, contrairement à la force océanique stratégique, les éléments des forces aériennes stratégiques contribuent quasi-quotidiennement aux opérations conventionnelles de l’armée de l’air, en opérations ou sur le territoire national, dans le cadre de la posture permanente de sûreté aérienne.

S’agissant de la composante océanique, le principal enjeu est le lancement en phase de réalisation du SNLE 3G, successeur des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de classe Le Triomphant ‒ dits aussi SNLE NG.

b.   L’avenir des armements conventionnels

Il n’appartient pas au rapporteur pour avis de commenter en détail les crédits inscrits au programme 144, qui fera l’objet d’un avis spécifique de M. Fabien Gouttefarde. En revanche, il a souhaité exposé brièvement certains projets devant faire l’objet d’études amont en 2021.

Dans le domaine de l’aéronautique et des missiles, au-delà de la poursuite des travaux sur le SCAF, une large part des travaux concernera l’autoprotection et la coordination avec les drones aériens. Les travaux concernant le démonstrateur de planeur hypersonique seront renforcés, et les études architecture du programme FMAN/FMC lancées.

S’agissant de l’espace, les principaux engagements porteront sur des études et des démonstrateurs de moyens d’action dans l’espace, et la surveillance de l’espace, tandis que des études sur la guerre de la navigabilité seront poursuivies.

Dans le secteur naval, des travaux complémentaires seront lancés pour préparer le futur avion de patrouille maritime en coopération avec l’Allemagne, et le porte-avions de nouvelle génération entrera dans une nouvelle phase une fois le choix de sa propulsion formulé.

Dans le champ terrestre, les engagements porteront, sans surprise, principalement sur les technologies nécessaires à la préparation du futur système de combat terrestre franco-allemand MGCS, ainsi que sur les technologies avancées de protection.

2.   Face à l’intensification des désordres du monde : le jalon de l’actualisation de la programmation

a.   Tous les milieux sont concernés par la désinhibition des puissances

Les constats et scénarios établis par la Revue stratégique ont été confortés par l’évolution du contexte stratégique, ainsi que l’ont confirmé les récents travaux de la commission ([5]). Devant la commission de la Défense, l’ensemble des chefs d’état-major ont dressé le constat d’un monde de plus en plus bousculé, marqué par la désinhibition des puissances. L’actualisation de la Revue stratégique actuellement conduite par la direction générale des relations internationales et de la stratégie, dont la publication devrait intervenir au début de l’année 2021, confirmera sans doute cette accélération des désordres du monde.

● Dans le milieu naval, l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine, concède ainsi qu’un affrontement de haute intensité en mer constitue dorénavant une « hypothèse de travail ». D’après lui, le « grand retour de l’usage stratégique de la mer » est à l’origine d’un « nouveau cycle géopolitique qui fait à nouveau de la mer une zone de « friction » et de démonstration de puissance et peut-être demain d’affrontements » ([6]). La remilitarisation à l’œuvre dans les espaces maritimes est notamment le fait de la Chine, qui dispose à présent de davantage de plateformes navales que les États-Unis, mais aussi de la Russie, qui déploie une nouvelle génération de sous-marins nucléaires d’attaque de haute performance et développe des armes navales de haut niveau ou encore, plus modestement à ce stade, de la Turquie qui dispose de douze sous-marins et d’une trentaine de bâtiments de surface performants.

Cette évolution n’est pas sans conséquence pour la marine française. D’abord, elle lui impose de diversifier et de multiplier ses zones de présence, les bâtiments de la marine nationale se devant d’être présents en Atlantique, en Manche, en Mer du Nord ou en Méditerranée, y compris orientale, mais également dans les océans Indien et Pacifique, dans le Golfe Persique comme en Arctique. Ensuite, elle la place face à des compétiteurs mieux armés ; d’une certaine manière, c’est la supériorité maritime des flottes occidentales qui est aujourd’hui remise en cause. Plus nombreux, plus performants, les bâtiments rencontrés en mer sont plus dangereux. Au-delà de la triple illumination de la frégate Courbet par les forces turques, en juin dernier, l’amiral Vandier a indiqué devant la commission que les sous-marins de la marine algérienne étaient déjà équipés de missiles de croisière, alors que le premier tir d’essai d’un missile de croisière à partir d’un sous-marin français vient tout juste d’avoir tout lieu. Dans ce contexte, le chef d’état-major de la marine a souligné l’importance, pour la marine, d’intensifier sa remontée en puissance capacitaire, de renforcer la préparation opérationnelle des marins et de conforter la trajectoire de ressources humaines.

● Une dynamique similaire s’observe dans le milieu aérien, où le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, fait état d’une remise en cause progressive de la supériorité aérienne des armées occidentales. Selon lui, on constate ainsi « un niveau de désinhibition inédit dans l’usage de la force, notamment de la force aérienne et spatiale, qui vise à limiter la liberté d’action par le recours à des outils de déni d’accès ou de démonstrations de puissance stratégique ». Au Levant, l’irruption sur le théâtre d’avions de combat russes et turcs performants et le déploiement de dispositifs de déni d’accès de premier rang, tels les systèmes russes S-400, avaient déjà conduit la France à substituer des Rafale aux Mirage 2000D déployés sur la base aérienne projetée en Jordanie. Plus récemment, le déploiement en Libye de quatre avions russes MiG-29, d’apparence anodin, constitue un changement stratégique majeur : ces avions étant équipés de capacités de combat air-air de haut niveau, le théâtre d’opérations change de statut et l’on passe d’un milieu permissif à un milieu semi voire non-permissif. La persistance de vols d’avions russes à long rayon d’action au large des côtes françaises va également dans le sens d’un renforcement des outils de la posture permanente de sûreté aérienne, alors que le réseau de détection et d’identification radar vieillit et qu’en 2025, un quart des avions de combat français seront dépourvus de capacités de combat air-air.

● Le milieu terrestre, enfin, n’échappe pas à l’accroissement des tensions, le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Thierry Burkhard, élevant d’ailleurs au rang de première priorité, dès sa nomination, le « durcissement » de l’armée de terre. La nouvelle vision stratégique de l’armée de terre ([7]) fait ainsi le constat d’un environnement sécuritaire dégradé, qui rend probable l’hypothèse d’un engagement majeur, y compris aux portes de l’Europe. Lors de son audition devant la commission de la défense, le 17 juin 2020, le général Burkhard relevait ainsi que « les pays aux portes mêmes de l’Europe se militarisent à grande vitesse. Ainsi, la France déploie actuellement un peu plus de 5 000 hommes engagés au Mali, à la demande de l’État malien. En comparaison, en octobre 2019, la Turquie a conduit une opération en Syrie, sur un front de 300 km pendant une vingtaine de jours. L’objectif était de constituer un glacis. Elle a déployé 80 000 hommes avec du matériel moderne comme des chars Léopard et des drones de combat. »

D’après lui, « le risque, c’est la tentation du possible. La puissance militaire rend possible l’ambition de dominer politiquement et militairement son environnement. Et en particulier si, en face, la capacité de riposte est faible. »

Dans ce contexte, il est indispensable d’assurer la modernisation constante de nos forces, ce qui dépasse largement le cadre de l’annualité budgétaire.

b.   L’actualisation de la programmation, étape essentielle pour consolider la remontée en puissance des forces

Prévue par l’article 7 de la LPM, l’actualisation de la programmation doit intervenir d’ici la fin de l’année 2021. Si des incertitudes demeurent quant aux modalités de cette actualisation, celle-ci est indispensable pour tenir compte de l’évolution du contexte stratégique et, ce faisant, des nouveaux besoins exprimés par les forces, et avant tout pour confirmer la trajectoire de la LPM. Il s’agit ainsi de conforter la trajectoire vers l’Ambition 2030 décrite dans le rapport annexé à la LPM. Celle-ci constitue bel et bien l’objectif ultime à atteindre, après une LPM qui, malgré son ampleur inédite, demeure « de réparation et de consolidation », selon les mots du chef d’état-major des armées ([8]).

À l’heure de l’élaboration du présent rapport, les discussions intra et interministérielles ont à peine débuté. Si leurs premières orientations sont donc inconnues du rapporteur, force est de constater que certaines fragilités capacitaires et organiques sont d’ores et déjà connues. Certaines d’entre elles dépassent le cadre de l’actualisation, mais pourraient utilement être palliées dans le cadre de la prochaine LPM.

● En premier lieu, la priorité est bien d’assurer le strict respect de la programmation, et ce jusqu’à son échéance. Ceci est d’autant plus nécessaire que comme le soulignaient, dans leur rapport ([9]), Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot, « l’une des spécificités de l’industrie de défense tient à la longueur de ses cycles économiques, bien supérieure à ce qui a cours dans la plupart des autres industries. Ainsi, les heurts dans les commandes ‒ y compris à l’export ‒ produisent leurs effets dans le long terme sur l’activité. » Si les forces appellent l’attention sur les effets délétères d’une politique d’à-coups, parmi les acteurs industriels, nombreux craignent également un recul des ambitions en raison de l’inévitable contraction des dépenses publiques à l’horizon 2021 ou 2022. Alors que la LPM constitue, à elle seule, un facteur de relance de l’économie, il serait de toute façon paradoxal de concéder un recul au moment de l’actualisation de ses dispositions. Par ailleurs, à l’heure où la France agit comme puissance motrice dans la construction de l’Europe de la défense, le rapporteur pour avis souligne que les nombreuses coopérations initiées dans le domaine capacitaire participent pleinement de l’approfondissement de la solidarité opérationnelle. La poursuite des grands programmes conduits en coopération, qu’il s’agisse du système de combat aérien du futur (SCAF), du char du futur (MGCS), conduits avec l’Allemagne ainsi que, pour le premier d’entre eux, l’Espagne, ou des différents programmes franco-britanniques, ne saurait être remise en question. De même, la mise en œuvre du partenariat franco-belge de capacité motorisée (CaMo) contribue au rapprochement opérationnel entre les forces françaises et belges, comme l’a d’ailleurs illustré la dernière présentation des capacités de l’armée de terre ([10]).

● En deuxième lieu, l’actualisation de la programmation pourrait permettre de confirmer la modernisation engagée, voire de traiter un certain nombre de fragilités d’ordre capacitaire. Si, pour le rapporteur, il ne s’agit pas ici de fournir une liste à la Prévert des tensions portées à sa connaissance, quelques exemples saillants permettent d’illustrer tant la diversité que l’ampleur des enjeux :

– dans le domaine aérien, il sera ainsi nécessaire de poursuivre la modernisation du réseau de détection et d’identification, ce qui passe par l’aboutissement du programme ACCS (Air Command and Control System), sur lequel les retards n’ont eu de cesse de s’accumuler. En conséquence, le système actuel STRIDA devra être maintenu et soutenu jusqu’en 2030, alors qu’il aurait théoriquement dû être retiré du service en 2018. On pourrait aussi évoquer les spécifications de l’hélicoptère Guépard soit, pour l’armée de l’air et de l’espace, la perche de ravitaillement en vol et la liaison de données tactiques L16, ainsi que du renouvellement de la composante sol-air, soit le Crotale de nouvelle génération.

Enfin, l’actualisation pourrait être l’occasion de franchir une étape dans la préparation de l’avenir, en intensifiant la modernisation de l’avion de combat – plus que le nombre d’avions, il est indispensable d’accroître le nombre d’équipements missionnels, en particulier les pods Talios, afin de pleinement exploiter les potentialités du Rafale – en définissant les contours du futur cargo de transport médian (FCTM) ou encore en lançant les travaux de modernisation du Caracal.

S’agissant de l’aviation de combat, l’un des principaux enjeux porte sur les conséquences de la décision des autorités grecques d’acquérir 18 Rafale, dont douze appareils d’occasion qui seront prélevés au sein des forces françaises. Lors de son audition du 6 octobre dernier, la ministre des Armées a annoncé la commande, d’ici la fin de l’année, de douze appareils neufs destinés à les remplacer. Une incertitude demeure quant aux modalités de financement de cette acquisition, d’autant que le produit de la cession des appareils d’occasion n’abondera pas automatiquement le ministère des Armées. En outre, il conviendra de veiller à mener à son terme le programme MENTOR de modernisation de la formation des équipages de chasse, qui suppose l’acquisition de nouveaux appareils PC-21.

Ces travaux devront s’accompagner de la poursuite de la remontée en puissance de nos capacités dans le domaine du spatial de défense, avec notamment la définition de moyens d’action renforcés dans le champ de la maîtrise de l’espace. La concrétisation du programme ARES au travers du démonstrateur YODA constitue, de ce point de vue, un marqueur important.

–  dans le domaine terrestre, au-delà de la poursuite du programme structurant du char du futur (MGCS) et de la « scorpionisation » de l’armée de terre, plusieurs équipements terrestres pourraient utilement être pris en compte. Il s’agit d’abord de matériels dont le besoin opérationnel est connu mais qui ne font, pour l’heure, l’objet d’aucun financement. C’est notamment le cas d’équipements attendus dans le cadre de la deuxième phase de SCORPION, dont le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE), successeur du véhicule blindé léger, ou du moyen d’appui au contact (MAC), remplaçant de l’engin blindé du génie. Pourrait également être étudiée l’inscription d’objets correspondants à de nouveaux besoins, tels l’armement collectif des véhicules Griffon et Serval, l’homogénéisation du parc d’hélicoptères de manœuvre et d’assaut autour du NH90 TTH, 18 appareils étant nécessaires pour le remplacement de trois appareils détruits en opération ou à l’entraînement, des sept Puma vieillissants et des huit Caracal voués à rejoindre l’armée de l’air et de l’espace. En outre, la satisfaction des spécifications demandées sur le Guépard constitue également un enjeu de premier ordre.

–  dans le milieu naval, enfin, si les grands programmes d’armement initiés dans les années 2000 ont renouvelé les moyens hauturiers de la marine nationale – mises en service du porte-avions Charles de Gaulle, des trois porte-hélicoptères amphibies (PHA), des frégates de défense aérienne (FDA) puis des frégates multi-missions (FREMM), ainsi que passage au tout Rafale pour l’aéronautique navale de combat – un certain nombre de fragilités demeurent.

C’est notamment le cas des moyens de surveillance de nos approches maritimes, qui connaissent des ruptures temporaires de capacité préoccupantes, car les patrouilleurs de haute mer (PHM) sont progressivement retirés du service depuis 2018 sans être remplacés. Il est donc indispensable de respecter les échéances du programme de patrouilleur océanique (PO), afin de remédier aux fragilités constatées dans ce domaine. De même, face à l’obsolescence de nos capacités de guerre des mines, pourrait être étudiée l’opportunité d’une accélération de leur remplacement, prévu sous la forme d’une association de drones et de bâtiments chargés de les projeter.

Enfin, il convient de veiller à l’évolution de la situation des sous-marins nucléaires d’attaque, après l’annonce de la réparation du sous-marine Perle, et de conforter le programme AVSIMAR (avion de surveillance et d’intervention maritime), destiné à renouveler le segment aérien de la sauvegarde maritime, constitué actuellement des Falcon 200 Gardian et Falcon 50M. Enfin, s’agissant de la composante héliportée, la marine souffre toujours du manque de quelques appareils NH90. Comme l’indiquaient dans leur rapport sur les hélicoptères des armées MM. Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara ([11]), l’augmentation du parc à hauteur de dix appareils NH90NFH permettrait de donner à la marine les moyens de satisfaire le contrat opérationnel à l’horizon 2035, de renforcer notamment les moyens logistiques du groupe aéronaval, aujourd’hui sous dimensionnés, d’assurer les alertes de contre-terrorisme maritime et le besoin des forces spéciales mer. Enfin, l’obtention des spécifications demandées sur le Guépard est également indispensable.

● En troisième lieu, de manière commune à l’ensemble des forces, pour faire face aux nouvelles menaces et encaisser les chocs les plus rudes, la montée en gamme de la préparation opérationnelle impose d’augmenter les stocks de munitions et de pièces de rechange. De larges stocks de munitions conditionnent le renforcement de l’entraînement et la préparation au combat de haute intensité. À titre d’exemple, en raison du durcissement des opérations en mer, il est nécessaire de retrouver un niveau de préparation de haut du spectre, permettant aux équipages de s’entraîner au tir à la mer, quantitativement et qualitativement. Alors que l’objectif affiché est de tirer une munition complexe – missile ou torpille – par bâtiment au moins tous les deux ans, le principal frein à la mise en œuvre de cette politique volontariste demeure le manque de munitions d’entraînement. Pour améliorer la régénération organique des forces, il est aussi essentiel de donner aux militaires les moyens de s’entraîner dans des conditions satisfaisantes, aussi proches du réel. De manière complémentaire l’actualisation pourrait être l’occasion d’étudier un renforcement des outils de simulation. À titre d’exemple, il semble indispensable de disposer d’un simulateur à terre pour les frégates multi-missions, désormais armées en double-équipage.

Il y a également là un enjeu de résilience, alors que la crise sanitaire a souligné la fragilité inhérente à de faibles stocks en cas de perturbation des flux logistiques ou de suspension des activités de production.

● Enfin, en dernier lieu, la constitution d’un modèle d’armée complet ne pourra se faire sans un effort conséquent en matière de ressources humaines. Après les fortes déflations engagées par la funeste revue générale des politiques publiques, les armées doivent retrouver un effet de masse qui ne peut se limiter au champ capacitaire. La LPM confirme ainsi la remontée en puissance des effectifs, après l’interruption du processus de déflation intervenue en 2015, et rompt ainsi avec des années de réductions du format des armées. Afin de répondre à l’ambition opérationnelle et aux priorités de renforcement des services de renseignement et du domaine de la cyberdéfense, une trajectoire de 6 000 emplois supplémentaires est prévue sur la période 2019‑2025 à raison de :

–  1 500 créations d’emplois entre 2019 et 2022, conformément à la trajectoire de la LPFP 2018-2022 ;

–  4 500 créations d’emplois entre 2023 et 2025, à raison de 1 500 équivalents temps plein emploi (ETPE) supplémentaires par an.

Cette trajectoire ambitieuse doit être confortée en LPM, en même temps que pourrait être étudiée la possibilité d’intensifier les recrutements au profit des armées, et ce afin de répondre aux nouveaux besoins issus de l’accroissement des désordres du monde.


—  1  —

   Seconde partie :
Le soutien aux PME et PMI stratégiques

Annoncé par le président de la République lors de son allocution du 16 mars 2020, le confinement de la population au printemps a été décidé dans un objectif de santé publique : ralentir la propagation du nouveau coronavirus SARS-CoV-2, découvert seulement quelques semaines plus tôt en Chine. En application de cette décision, des entreprises de toutes tailles ont été contraintes à la suspension de leurs activités, au moins temporairement, ce qui les a plongées ainsi dans la plus grave crise économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour en limiter les répercussions, l’État a lancé un conséquent plan de soutien, comprenant notamment un dispositif d’activité partielle, qui doit permettre aux entreprises de tenir face à la crise et aux emplois d’être préservés.

Si certains secteurs d’activité ont été particulièrement affectés, à l’image de la restauration, des transports ou de la construction, les entreprises de la défense – en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et industries (PMI) – n’ont pas été épargnées. Le choc est d’autant plus rude pour les entreprises duales, dont l’activité dépend des marchés militaires comme civils. Ces entreprises ont néanmoins pu bénéficier des mesures mises en place pour soutenir l’activité et l’emploi durant la crise, ainsi que de dispositifs spécifiques, plus adaptés à ce secteur particulier, d’importance stratégique pour l’économie française. Les PME occupent en effet une place essentielle dans l’écosystème de la défense, par leur nombre et par les compétences qu’elles maîtrisent.

Malgré le soutien des pouvoirs publics, la crise de la Covid-19 a mis en exergue les fragilités de la base industrielle et technologique de défense française. L’effort en faveur de ces PME leur a, certes, permis de traverser les premiers mois de la crise, mais il gagnerait à être poursuivi, voire approfondi, pour affronter de nombreux défis émergents : l’enjeu de la reprise économique durant l’hiver 2020-2021, le risque de prise de contrôle des entreprises critiques par des intérêts étrangers ou bien la nécessaire préservation d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) souveraine pour répondre à l’intensification de la conflictualité dans le monde.

I.   La crise de la Covid-19 a durement frappé les petites et moyennes entreprises

Moins armées que les grands groupes industriels de la défense, ne serait-ce qu’en raison d’une trésorerie moins robuste, les PME et PMI ont été particulièrement touchées, par leur fermeture sur plusieurs semaines, la contraction de leur carnet de commandes et, plus globalement, le ralentissement général de l’activité économique.

A.   Les PME se trouvent au cœur de l’écosystème de la défense

Les auditions du rapporteur pour avis ont été l’occasion de souligner la place particulière qu’occupent les nombreuses petites et moyennes entreprises et industries dans l’écosystème de la défense. Si les regards sont le plus souvent tournés vers les plus grandes entre d’entre elles, chargées des programmes d’armement les plus structurants du ministère des Armées et titulaires des principaux contrats avec les partenaires commerciaux de la France, celles-ci s’appuient au quotidien sur une myriade de PME/PMI de la base industrielle et technologique de défense française. Ce tissu industriel dispersé et, à certains égards, peu visible, constitue ainsi un élément fondamental de la souveraineté militaire, dont la Revue stratégique de 2017 rappelle qu’elle est en partie conditionnée par une industrie de défense autonome et robuste. Maîtrisant des compétences critiques, les PME/PMI participent pleinement aux intérêts stratégiques français.

1.   La base industrielle et technologique de défense française rassemble de nombreuses PME et PMI

a.   Ces entreprises sont les principales pourvoyeuses d’emplois stratégiques

D’après les données transmises au rapporteur pour avis par l’ingénieur général de l’armement de classe exceptionnel Vincent Imbert, la BITD française rassemble actuellement plus de 4 000 entreprises, de toutes tailles, représentant 200 000 emplois directs et autant d’emplois indirects, soit 13 % de l’emploi industriel en France. À l’exception d’une dizaine de grands maîtres d’œuvre – comme Airbus, Arquus, Dassault, MBDA, Naval Group, Nexter, Safran ou Thales – ce sont toutes des petites et moyennes entreprises ou des entreprises de taille intermédiaire.

En moyenne, les PME de la défense emploient 31 personnes, pour un chiffre d’affaires de 4,9 millions d’euros ([12]).

b.   Ces PME sont au cœur des chaînes de production des grands maîtres d’œuvre de la défense

Si la réalisation et l’intégration des grands programmes d’armement sont confiées aux acteurs industriels les plus importants, ceux-ci s’appuient sur des centaines d’entreprises de plus petite taille, impliquées elles aussi dans la production des équipements destinés aux forces françaises. Ensemble, elles forment les chaînes d’approvisionnement de ces grands maîtres d’œuvre de la défense.

La supply chain des principaux industriels français étant presque exclusivement française, l’argent investi par l’État (commandes, aides, subventions…) dans les grands maîtres d’œuvre est progressivement répercuté sur l’ensemble de leurs chaînes de production, selon un effet de ruissellement. Par exemple, dans le cas du programme Barracuda, la construction des sous-marins ne mobilise pas uniquement Naval Group, mais bien des dizaines de sociétés engagées dans leur production, en tant que fournisseurs directs ou indirects. Dans une étude publiée pour le compte de la Fondation pour la recherche stratégique en janvier 2017, Mme Hélène Masson et M. Bruno Tertrais relevaient ainsi que Naval Group – à l’époque DCNS – pilotait une chaîne de sous-traitants composée d’industriels des secteurs mécanique, électrique et électronique, parmi lesquels figurent notamment Thales, Safran, CNIM, Aubert & Duval, Creusot Forges, Valinox, ECA, Techlam, GE Thermodyn ou encore Jeumont, mais aussi plusieurs centaines de PME ([13]).

Ces chaînes de plusieurs centaines voire milliers d’entreprises – pour un groupe comme Airbus, on compte près de 12 000 sous-traitants, dont une large part intervient sur le segment civil du groupe – ne sont pas pour autant homogènes : il existe une différence entre les entreprises de premier ou de deuxième rang par rapport à celles arrivant en quatrième ou cinquième position dans les processus d’approvisionnement, ces dernières étant, en général, des structures de très petites taille. Ainsi, si Dassault Aviation assure l’assemblage des Rafale sur son site de Mérignac, près de 500 entreprises contribuent en amont à sa réalisation.

2.   Les PME jouent un rôle indispensable à l’exercice de la souveraineté

a.   Ces entreprises maîtrisent des compétences de pointe

La construction de programmes d’armement fait appel à des compétences spécifiques, rarement maîtrisées par l’industrie civile, d’autant plus lorsqu’elles sont liées à des domaines spécifiques comme la dissuasion. Dans certains cas, des compétences particulièrement critiques sont détenues par un nombre extrêmement réduit de personnes physiques, de l’ordre de deux ou trois techniciens. C’est pour cette raison que selon la plupart des interlocuteurs du rapporteur pour avis, les ressources humaines constituent l’une des principales sources de vulnérabilités de notre BITD, d’autant plus en période de crise où les risques de licenciements, de départs anticipés à la retraite ou de fermetures d’entreprises sont particulièrement criants.

Les compétences nécessaires à la conduite d’un programme d’armement complexe sont donc souvent rares, car maîtrisées par un très faible nombre d’individus, complexes, car elles prennent du temps à être obtenues, et fragiles, car elles peuvent disparaître très rapidement. Dans les cas les plus stratégiques, certaines compétences sont même qualifiées d’« orphelines », c’est-à-dire qu’elles ne sont utilisées que dans le cadre d’un unique projet. Celles-ci doivent faire l’objet d’une vigilance accrue, dans la mesure où leur perte pourrait avoir de graves conséquences sur les intérêts stratégiques français. Sous la précédente législature, un rapport d’information de la commission indiquait ainsi que « s’agissant ainsi de la construction des sous-marins, on identifie trente compétences rares, dont douze orphelines (navigation inertielle, sûreté nucléaire des armes, sûretés réciproques des armes, pyrotechnie, furtivité par l’invulnérabilité, transmission de l’acte de commandement, etc.). » ([14]) Au niveau de l’ensemble de l’activité de Naval Group, 400 compétences spécifiques avaient été identifiées.

Ces compétences font l’objet d’un suivi attentif, puisqu’elles ne sont pas centralisées uniquement chez les grandes entreprises. Les grands maîtres d’œuvre disposent ainsi tous d’outils de veille de leur supply chain, de même que la direction générale de l’armement ou la direction générale des entreprises.

En outre, ces compétences doivent être entretenues, ce qui constitue un enjeu dans les domaines où les produits sont commandés en faible quantité et avec un degré élevé de spécificité. Il s’agit par exemple des programmes navals : la sûreté nucléaire, la chaufferie nucléaire ou le transfert des éléments de navigation aux armes sont autant de savoir-faire indispensables à la construction des sous-marins nucléaires de la marine nationale mais qui, sans un renouvellement suffisamment régulier des programmes d’armement, sont susceptibles de disparaître.

b.   Ces compétences permettent à la France de conserver son rang de puissance de premier plan

La place de la France sur la scène internationale et sa reconnaissance parmi les grandes puissances militaires reposent, en partie, sur ses capacités industrielles dans l’armement.

Grâce à sa maîtrise des savoir-faire stratégiques, la France occupe également une place notable sur les marchés d’exportation, comme le montrent les récents succès du Rafale – acheté par l’Égypte, l’Inde et le Qatar, et bientôt par la Grèce, et qui représente à lui seul un quart des exportations françaises – ou le contrat de construction de douze sous-marins remporté par Naval Group auprès des autorités australiennes, pour la somme de 50 milliards de dollars australiens (soit un peu plus de 30 milliards d’euros) – le « contrat du siècle ». Sur l’ensemble du chiffre d’affaires de la BITD française, 30 % sont dus à l’export. Selon le dernier classement annuel des pays exportateurs d’armes dans le monde publié par l’institut international de recherche sur la paix (Sipri) en mars 2020, la France occupe la troisième place, derrière les États-Unis et la Russie.

Les exportations d’armes sont d’intérêt stratégique pour la France, puisque les entreprises de sa BITD apportent une contribution positive au solde de sa balance commerciale.


 

B.   Les PME ont été les premières à ressentir les conséquences de la crise sanitaire et économique

1.   Les acteurs des chaînes de sous-traitance particulièrement touchés par la crise économique

a.   Le confinement et l’interruption de l’activité ont lourdement affecté le résultat des entreprises de la défense

Lors d’une table-ronde réunissant les représentants des groupements de l’industrie de la défense ([15]), ces derniers ont confirmé au rapporteur pour avis qu’ils anticipaient de lourdes pertes de chiffre d’affaires pour les PME et ETI de leur secteur. Le GICAT estime notamment que l’industrie du terrestre enregistrera une perte autour de 15 % par rapport à 2019. La chute est cependant beaucoup plus prononcée pour les entreprises de l’aéronautique, pour la plupart duales et donc exposées aux marchés civils : en moyenne, elles redoutent une chute de 40 %, pouvant aller jusqu’à 70 % dans le cas de certaines PME. Cet impact s’explique par la conjugaison de deux facteurs : la contraction de la demande nationale, les individus voyageant moins qu’auparavant, ainsi que la forte réduction des marchés d’exportation, en raison de la fermeture des frontières et de l’absence de commande par les compagnies aériennes.

Les plus petites entreprises, à savoir celles qui, en général, se trouvent en quatrième ou cinquième position dans les chaînes de sous-traitance, sont dans les situations de trésorerie les plus délicates. Pour les TPE de l’aéronautique, le GIFAS indique qu’un quart d’entre elles présentent déjà un bilan négatif depuis deux ans, ce que n’a naturellement pas arrangé la crise. Comme l’a rappelé Mme Françoise Dumas, présidente de la commission de la Défense nationale et des forces armées, dans le rapport précité sur l’impact, la gestion et les conséquences de la pandémie de Covid-19, les tensions sur la trésorerie des entreprises de la BITD sont un danger pour les PME, qui n’ont pas toujours une structure financière assez solide pour compenser plusieurs mois de pertes de revenus ou se faire allouer des lignes de crédit.

La crise a également renforcé les difficultés rencontrées de longue date par les entreprises du secteur de la défense en matière d’accès au financement. Elles dénoncent un « defence bashing » croissant de la part de certaines banques qui refuseraient de plus en plus fréquemment de financer les activités à l’export – malgré son importante part dans le chiffre d’affaires du secteur – et se montrent réticentes au développement de jeunes entreprises. Les start-up sont particulièrement concernées, puisqu’elles font face à des besoins de financements rapides, qu’elles peinent à obtenir. À titre d’illustration, le GICAT lui-même a confié au rapporteur pour avis s’être vu refuser l’ouverture d’un compte par une grande banque française, au motif qu’il s’agissait d’un groupement dans la défense.

b.   Les entreprises duales – particulièrement dans l’aéronautique – sont les plus affectées par les conséquences de la crise à l’échelle mondiale

Au sein même du secteur de la défense, les PME et ETI n’ont pas toutes été touchées par la crise avec la même intensité. D’autres facteurs ont pu jouer, comme la part du civil dans leurs activités : les entreprises duales, c’est-à-dire présentes sur les marchés militaires comme civils, ont été beaucoup plus affectées que les entreprises concentrées uniquement sur les questions de défense et de sécurité. En somme, ce qui pouvait habituellement faire leur force s’est retourné contre elles. Ce constat vaut d’ailleurs également pour les grands groupes, Airbus étant particulièrement touché par la crise du secteur aéronautique. De nombreux commentateurs spécialisés ont d’ailleurs souligné que le groupe Boeing, qui a conservé davantage d’activités dans le secteur de la défense, pouvait sembler mieux armé pour résister à la crise que son rival européen en pouvant compter sur la permanence de commandes militaires, alors qu’Airbus, mieux armé d’un point de vue commercial, avait vu la part de son activité dans le secteur de la défense progressivement se réduire.

De même, le GICAN a indiqué au rapporteur pour avis qu’une part de l’industrie navale militaire est tributaire du marché des croisières, brutalement interrompu par la crise de la Covid-19, et dont l’image a été écornée par les épisodes épidémiques à bord de plusieurs navires de tourisme à l’hiver et au printemps. L’exemple le plus emblématique est le Diamond Princess, bloqué plusieurs semaines au large du Japon avec plus de 700 cas avérés de personnes atteintes de la Covid-19, soit un cinquième des passagers. Ces événements pourraient bouleverser le modèle économique même de la croisière.

Les entreprises de l’aéronautique sont toutefois les plus exposées aux marchés civils. À l’image de l’ensemble du secteur des transports, les confinements nationaux et la limitation des déplacements ont entraîné une chute vertigineuse de la demande dans l’aérien, qu’il s’agisse des petits, moyens ou longs courriers. En France, la quasi-disparition de la demande a été illustrée par la fermeture de l’aéroport de Paris-Orly du 31 mars au 26 juin 2020. Si le secteur a pu redécoller dans la foulée des déconfinements, il n’en était à l’été qu’à la moitié du trafic aérien par rapport à la précédente période estivale. En outre, la reprise du trafic se fait principalement en Asie, tandis que l’Europe et les Amériques stagnent.

Airbus et Boeing, fournisseurs de la quasi-totalité des compagnies aériennes dans le monde, sont donc lourdement affectés par la crise de la Covid-19. Selon Philippe Coq, directeur des affaires publiques d’Airbus pour la France, le groupe a perdu 40 % de son activité par rapport à 2019, principalement en raison de la chute de l’activité commerciale et l’absence de commande de la part des compagnies aériennes. Alexandre Ziegler, directeur groupe international et relations institutionnelles de Safran, effectue le même constat : une chute de 35 à 40 % du chiffre d’affaires, mais une perte limitée de 10 % dans les activités militaires de l’entreprise. En effet, malgré la crise, les armées ont maintenu leur demande, voire l’ont accentuée. Cependant, la branche défense ne pourra jamais à elle seule maintenir les chaînes de production – qui sont les mêmes pour le civil et pour le militaire – intactes.

Derrière ces grands groupes, se trouvent des centaines de PME et de PMI qui enregistrent des pertes dans leurs résultats tout autant importantes. Il s’agit du revers de la médaille du « ruissellement » : lorsque les affaires des grands maîtres d’œuvre vont mal, les répercussions négatives sur les entreprises de leur supply chain sont immédiates. Ces nombreuses PME à l’activité duale ne peuvent, de surcroît, pas agir uniquement sur le plan militaire, car elles sont de trop petites. Elles souffrent donc d’une double faiblesse : la fragilité d’une petite structure et la dépendance aux marchés civils.

2.   Les craintes d’une crise économique et sanitaire au long cours

a.   L’hiver 2020-2021 : l’heure de vérité pour les PME et PMI

Il ressort des auditions menées par le rapporteur pour avis que le pire pourrait encore être à venir pour les entreprises du secteur de la défense, qui souffrent d’une double crise : une crise de l’offre, l’industrie ayant été brutalement interrompue pendant le confinement, et une crise de la demande, avant tout pour les entreprises aux activités duales fortement dépendantes des marchés civils.

Bien que les entreprises aient eu accès aux aides de l’État dès le début de la crise, les plus petites structures ont tout de même rencontré d’importantes difficultés. Leur reprise de l’activité a été plus compliquée que pour les grandes entreprises : la mise en place des protocoles sanitaires, l’approvisionnement en masques et en gel hydroalcoolique ou les décisions de réorganisation des tâches par les maîtres d’œuvre ont pu repousser le retour aux usines, et creuser les difficultés économiques. La direction générale de l’armement a mis en place une équipe de travail pour s’assurer qu’elles puissent résister à la crise : elle a effectué une revue du secteur, avec des audits et des visites sur le terrain. Les groupements des industriels de la défense redoutent toutefois que les plus grandes tensions ne se soient pas encore faites jour.

Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. En premier lieu, la reprise économique, qui ne correspond pas aux prévisions les plus optimistes qui avaient été faites à la fin du printemps. En effet, la reprise épidémique et les nouvelles restrictions qui l’accompagnent ne permettent pas un retour serein aux affaires. Les entreprises doivent également prévoir une sortie des dispositifs d’urgence mis en place par l’État, et procéder au remboursement des prêts souscrits. Ces mesures de soutien ont permis aux entreprises de « tenir le choc » durant la première vague de la crise, comme si l’économie était sous anesthésie. Dans ce contexte inquiétant, les ressources humaines pourraient servir de variable d’ajustement, et les plans sociaux risquent de se multiplier à la fin de l’année, faisant craindre une perte de compétences critiques pour la France.

En deuxième lieu, la plupart des entreprises ayant des activités majoritairement voire exclusivement dans le secteur de la défense restent, pour le moment, relativement épargnées par les répercussions de la crise, puisque la plupart des commandes et des livraisons ont été maintenues. Un contrecoup pourrait donc être ressenti à l’hiver 2020-2021, avec une plus forte propagation des conséquences économiques des marchés civils vers les marchés militaires.

Depuis le début de la crise, les PME et PMI n’ont qu’une visibilité à très court terme, en raison d’un carnet de commandes rempli pour seulement quelques semaines. Il convient de rappeler que les sous-traitants ont des cycles de production plus courts et subissent par conséquent un décalage avec les grands maîtres d’œuvre, d’autant plus lorsqu’ils sont le quatrième ou cinquième maillon de la chaîne. À titre d’exemple, pour un Rafale livré par Dassault en 2024, cela signifie que pour une grande partie de ses fournisseurs, l’activité industrielle se termine en 2021. Cela illustre l’importance que revêtent l’anticipation et le renouvellement de programmes d’armement pour les petites entreprises.

En troisième lieu, les enjeux sanitaires constituent un point d’attention supplémentaire. À chaque découverte de cas de Covid-19, les entreprises sont contraintes de se séparer un temps de l’employé malade, mais également de tous ceux ayant été en contact avec lui : des chantiers peuvent alors accumuler les retards, et éloigner davantage les perspectives de reprise. De même, le passage d’une partie des activités en télétravail engendre une perte de productivité, tandis que les employeurs doivent maintenir des salaires qui, proportionnellement, seront plus lourds à supporter.

b.   L’ancrage dans la durée des difficultés à l’export

Si, à l’échelle nationale, les premiers signes d’un frémissement économique sont observés, à l’international, le retour au niveau d’avant crise semble encore très loin. Certaines entreprises restent confrontées aux difficultés persistantes de l’export. Tout d’abord, certains États clients sont eux-mêmes secoués par la crise, comme les pays du Golfe qui, confrontés à une forte baisse du prix du pétrole, ont décidé de réduire leur demande et leurs investissements. Des marchés sont donc susceptibles de disparaître. En outre, il est devenu aujourd’hui impossible de faire se rencontrer l’offre et la demande : d’une part, à cause de l’annulation de nombreux salons et événements, empêchant les clients de venir vers les entreprises ; d’autre part, en raison de la fermeture prolongée de certaines frontières, rendant d’importants partenaires commerciaux de la France dans le domaine de l’armement inaccessibles aux industriels de la défense, à l’image de l’Inde. Ces perspectives ne malheureusement sont pas en voie d’amélioration.

Des contraintes existent aussi au niveau de l’Union européenne : avec le placement de la région Île-de-France en zone à risque par Berlin fin août, les voyages d’affaires entre la France et l’Allemagne ont été particulièrement pénalisés. Les industriels rencontrés par le rapporteur pour avis lui ont pourtant tous indiqué que de tels voyages permettant des rencontres physiques étaient indispensables à la conclusion des contrats. La conclusion d’un contrat à l’export repose en effet sur un ensemble de facteurs et, au-delà de la solidité d’une offre, la confiance susceptible d’être nouées lors d’échanges directs est déterminante. Pour preuve, les seuls contrats signés à distance pendant le confinement concernaient des dossiers quasiment finalisés.

Comme le rapporteur pour avis l’a déjà souligné, la situation est particulièrement pénalisante pour la France, car elle est forte en avançant en équipe : les autorités politiques, les grandes entreprises, les ETI et les PME. Pour ces dernières, cela a une double conséquence : les maîtres d’œuvre ne signent plus de contrat et le ruissellement ne se fait plus. Quant aux PME déjà présentes seules sur les marchés à l’export, elles n’ont plus les moyens de se déplacer et de répondre aux appels d’offres.

Dans le même temps, les concurrents industriels des entreprises françaises, qu’ils soient européens ou non, n’ont pas arrêté leurs activités pendant la crise, du moins pas dans les mêmes proportions que la majorité des entreprises en France, confrontées à un confinement plus sévère. Dans certaines parties du monde, les activités se sont même intensifiées, et on constate un intérêt de nos concurrents pour l’affermissement stratégique de leurs BITD. Selon les représentants du GIFAS, certaines entreprises aéronautiques présentes au Brésil – pays ayant par ailleurs réagi à la crise sanitaire d’une toute autre manière – ont vu leur chiffre d’affaires bondir de 40 % à cause de l’absence des Européens. Cette baisse d’activité que n’a pas connue l’étranger – du moins pas dans une telle ampleur – pourrait in fine déboucher sur l’éviction des PME françaises des marchés internationaux.

Sans l’export, une partie des chaînes de production restera à l’arrêt ou tournera au ralenti, tandis que les entreprises devront toujours faire face aux mêmes coûts fixes. La loi de programmation militaire s’appuie d’ailleurs, en partie, sur les exportations qui permettent de maintenir les importantes capacités industrielles des principaux fournisseurs des armées. Ces capacités seraient tout simplement inaccessibles avec la seule demande française. La reconquête rapide de l’export est donc essentielle pour que les chaînes de production ne se défassent pas.

C.   La crise sanitaire met en danger l’ensemble de la filière de la défense

1.   Le risque de la perte de compétences

a.   Les destructions d’emplois

Ce risque pèse sur l’ensemble des entreprises, tous secteurs confondus de l’économie française. Avec la chute de l’activité au mois de mars et la faible reprise depuis le mois de mai, il est à craindre que les employeurs optent pour les licenciements dans l’espoir de réduire leurs coûts et de sauver leur entreprise. C’est pourquoi les mesures mises en place par le Gouvernement visent notamment à éviter une augmentation massive du nombre de demandeurs d’emplois.

Au-delà des conséquences sociales, les destructions d’emplois dans le secteur de la défense constituent un danger supplémentaire, puisqu’elles peuvent mener à une disparition des compétences critiques, indispensables à la souveraineté et à la compétitivité de la France. Comme le rapporteur pour avis l’a déjà souligné, la dissuasion nucléaire requiert par exemple des maîtrises spécifiques en furtivité, en pyrotechnie ou en navigation inertielle qui sont considérées comme des compétences « orphelines ». Sans elles, notre pays se retrouverait en difficulté pour l’entretien et le renouvellement de ses sous-marins nucléaires.

Si l’acquisition de ces savoir-faire se fait sur le temps long, leur perte peut intervenir très rapidement, tandis que leur remplacement devra à nouveau s’effectuer sur le long terme. Dans les petites entreprises, les compétences critiques ne sont maîtrisées que par très peu d’individus, et parfois même par une unique personne. Une vulnérabilité de l’emploi signifie donc une vulnérabilité des savoir-faire.

L’expérience britannique illustre cette fragilité. Après dix années de mise en sommeil consécutives au désarmement de leur dernier porte-aéronefs, le Royaume-Uni avait perdu la maîtrise de compétences clés pour leurs capacités aéronavales. Cette négligence s’est « payée au prix fort » par un effort d’une durée équivalente pour récupérer leur savoir-faire.

b.   La transmission intergénérationnelle des savoir-faire compromise par une panne dans le recrutement

Éviter les licenciements est, certes, une priorité, mais elle ne doit pas pour autant éclipser un second impératif : la transmission des compétences entre les générations. Pour satisfaire cet objectif, le recrutement est le seul levier d’action. Les éventuels départs à la retraite doivent être anticipés et compensés par l’accueil des jeunes générations qui devront prendre la relève et pérenniser la maîtrise des compétences stratégiques pour la France, auxquelles elle doit son rang mondial.

La plupart des représentants des groupes industriels auditionnés par le rapporteur pour avis ont naturellement conscience du rôle primordial de cette transmission intergénérationnelle des compétences, et leurs membres ont, pour cette raison, pris la décision de maintenir les recrutements malgré la crise et les difficultés économiques. Dans plusieurs entreprises, la période coïncide avec la préparation de nombreux départs à la retraite, comme à MBDA, où la moitié de la masse salariale a été renouvelée ces cinq dernières années, à hauteur de 10 % par an, dynamique devant aussi se poursuivre en 2020. M. Éric Béranger, président-directeur général de l’entreprise, rappelle que la crise de 2008 avait engendré une carence dans le recrutement qui, si elle se reproduit aujourd’hui, pourrait poser la question de la transmission de compétences essentielles, comme, à titre d’exemple, la maîtrise des phénomènes électromagnétiques.

Ces dernières années, des difficultés ont effectivement pu être rencontrées par les industriels pour recruter des techniciens qualifiés. Actuellement, le GICAN estime qu’entre 5 % et 15 % des recrutements prévus sont suspendus. En revanche, ces difficultés ne touchent pas les ingénieurs, dont le niveau de compétence demeure satisfaisant. Il ne faut pas non plus négliger les savoir-faire n’entrant pas dans le champ technique, mais restant tout autant indispensables. Les compétences opérationnelles de coordination ou de planification sont en effet nécessaires au bon déroulement des projets : organisation des cycles de maintenance, collecte des données ou encore anticipation des pannes.

2.   Le risque de la perte de contrôle des entreprises stratégiques

a.   Un intérêt renouvelé des compétiteurs pour nos PME critiques

En raison de la crise sanitaire et économique, les entreprises subissent une forte baisse de leurs commandes et de leurs activités, ce qui les place dans une situation de grande vulnérabilité face aux investisseurs étrangers. Depuis le début de la crise, ces derniers ont intensifié leurs actions pour prendre le contrôle d’entreprises dévalorisées, en espérant bénéficier au plus vite des plans de relance nationaux et européen annoncés : certaines structures reçoivent jusqu’à dix offres de reprise par semaine, émanant tant de fonds d’investissement reconnus que d’officines plus suspectes.

Une prise de contrôle par un acteur étranger ferait peser un danger sur la souveraineté de nos forces armées : nombre de ces entreprises possèdent un savoir-faire unique, sans équivalent en France, voire en Europe. L’enjeu est donc de ne pas entrer dans un lien de dépendance avec une puissance étrangère. Aux yeux des représentants industriels auditionnés par le rapporteur pour avis, les mécanismes d’alerte et de décision existant ne sont sûrement plus suffisants. À plusieurs reprises, ils ont pu exprimer leur inquiétude quant à la protection d’entreprises hautement stratégiques comme Aubert et Duval ou CNIM - Constructions navales et industrielles de la Méditerranée.

Dans le premier cas, la DGA a indiqué qu’en cas de vente par la maison mère Eramet, elle encouragerait vivement les grands maîtres d’œuvre ayant recours aux produits d’Aubert et Duval à se réunir, afin de considérer une éventuelle acquisition groupée visant à conserver en France la technologie de cette entreprise critique. Dans le second cas, CNIM est un cas particulier d’entreprise duale, dont les activités défense sont effectivement jugées critiques par la DGA, comme la fabrication de tubes de lance-missiles de sous-marins. Les difficultés portant uniquement sur sa branche civile, notamment dans le domaine des déchets, il faut désormais veiller à ce qu’il n’y ait pas de contagion vers les activités militaires.

Interrogé devant la commission de la défense sur le projet de loi de finances pour 2021, le délégué général pour l’armement est aussi revenu sur le cas de l’entreprise Photonis, dont la technologie d’intensification de lumière était une compétence critique à protéger selon le ministère des Armées. Ce message a été transmis au Gouvernement qui a posé ses propres conditions d’acceptation d’une éventuelle offre d’achat, alors que les discussions étaient déjà engagées entre le fonds Ardian – propriétaire – et Teledyne – potentiel acquéreur. À la suite de cette décision, Teledyne a préféré suspendre les discussions ; en raison du secret des négociations, la DGA ne sait pas si celles-ci ont pu reprendre et, le cas échéant, dans quelles conditions.

b.   L’encadrement des investissements étrangers en France

Cette crainte entourant les investissements étrangers en France (IEF) était déjà présente pendant le précédent quinquennat présidentiel. En mai 2014, un décret ([16]) du ministre de l’Économie a ainsi actualisé le champ des secteurs où les investissements étrangers sont soumis à un régime d’autorisation préalable, afin de prendre en compte les activités essentielles à la garantie des intérêts du pays, en matière d’ordre public, de sécurité publique ou de défense nationale.

Ce décret a instauré un dispositif interministériel de vigilance, réunissant la DGA, la direction générale des entreprises (DGE) et le Trésor. En application de ses dispositions, le service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE) de la DGA est saisi par le ministère de l’Économie afin qu’il émette un avis sur les demandes d’autorisation d’IEF dans des entreprises travaillant, soit directement, soit par sous-traitance, à la réalisation de biens ou de services intéressant la défense nationale. Face aux risques supplémentaires que présente la crise actuelle, un décret du 22 juillet 2020 ([17]) a abaissé temporairement le seuil de contrôle des IEF de 25 % à 10 % jusqu’au 31 décembre 2020.

Dans son analyse des repreneurs, la DGA attache une importance particulière à la pérennité des compétences industrielles, des capacités de recherche et de développement et des savoir-faire des entreprises concernées. Son objectif premier est de garantir sur le long terme la sécurité d’approvisionnement et d’utilisation des composants et équipements fournis au ministère des Armées.

II.   Le soutien aux PME est efficace mais gagnerait à être renforcé

Dans la crise économique sans précédent que nous vivons depuis la fin de l’hiver, les petites et moyennes entreprises ont pu s’appuyer sur d’importantes mesures de soutien mises en place par l’État. Dès l’annonce du confinement, le président de la République a voulu un effort financier inédit, démontrant l’attention que porte l’État à la sauvegarde de notre tissu socio-économique. Cet engagement a permis de traverser les premiers mois de la crise et est aujourd’hui salué unanimement par les industriels de la défense. Mais en dépit de ces initiatives, les entreprises sont aujourd’hui encore affaiblies, et restent traversées par les craintes détaillées précédemment. La pandémie va s’inscrire dans la durée, et pour pallier ces effets, les dispositifs de soutien doivent eux aussi s’inscrire dans la durée. La crise a mis en lumière les fragilités du secteur de l’industrie de défense qui, pour beaucoup d’entre elles, sont antérieures à la Covid-19, et auxquelles l’État devra désormais apporter une réponse.

A.   L’action de l’État en faveur des PME a été globalement efficace et à la mesure des enjeux

1.   La crise a poussé à l’approfondissement des dispositifs existants

a.   De nombreux dispositifs avaient été mis en place par le ministère des Armées

Étant donné leur rôle dans les chaînes de production critiques, le ministère des Armées suit attentivement la situation des PME et ETI depuis bien avant le déclenchement de la crise sanitaire. Leur soutien constitue par conséquent un point de préoccupation majeure, illustré par les dispositifs suivants.

Mis en place en mai 2009 par la DGA, le dispositif RApID accorde des subventions pour des projets d’innovation duale, ayant des retombées économiques sur les marchés civils et militaires. Pour être éligible, une entreprise doit avoir des effectifs consolidés de moins de 2 000 salariés, qu’elle soit seule ou en consortium.

En dix ans, près de 1 600 projets ont été soumis, parmi lesquels 580 ont été sélectionnés. Les deux tiers de ces projets étaient menés en partenariat avec la recherche. Au total, ce sont 410 millions d’euros de subventions qui ont été accordés, 86 % des bénéficiaires étant des PME.

Présenté en novembre 2012 par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ce pacte est destiné aux PME et ETI actives dans l’armement, l’achats de fournitures, les travaux ou les services indispensables au fonctionnement des forces armées. Le pacte vise ainsi à mieux prendre en compte les PME, aussi bien dans la stratégie d’achat du ministère que dans l’activité des grands maîtres d’œuvre.

Il propose un ensemble de 40 mesures, axées autour de cinq enjeux majeurs pour ces entreprises : l’accès à la commande publique, le soutien à l’innovation, le financement, l’accompagnement à l’exportation et la sous-traitance. Face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, ces problématiques trouvent une résonnance particulière aujourd’hui.

Des pôles régionaux à l’économie de défense (PRED) ont été mis en place par ce pacte pour accompagner au plus près l’action des PME. Ceux-ci rassemblent les représentants en région de chaque service du ministère : ils sont donc des interlocuteurs privilégiés pour les entreprises locales.

« Definvest » est un fonds d’investissement dédié au développement des entreprises stratégiques de la défense, lancé conjointement par le ministère des Armées et Bpifrance en novembre 2017. Initialement doté de 50 millions d’euros, il vise à prendre des participations au capital des PME et ETI technologiques clés qui détiennent des connaissances essentielles à la performance des systèmes de défense, et donc qui participent pleinement à la souveraineté de la France en la matière.

En entrant au capital de ces entreprises, parfois très petites par leur taille mais très précieuses par leur savoir-faire, le ministère des Armées entend renforcer leur bilan, stabiliser leur capital et permettre leur développement par l’augmentation de leurs fonds propres. L’État espère ainsi attirer d’autres investisseurs et créer un effet de levier au profit de ces sociétés. Plus globalement, l’objectif est de contribuer à la consolidation de la filière sur le long terme.

À ce jour, le fonds d’investissement a soutenu des projets à hauteur de 13 millions d’euros, en s’entourant toujours de co-investisseurs industriels ou financiers, ce qui démontre une forte attractivité, à la fois du dispositif et des PME choisies. Huit entreprises sont concernées :

       Kalray, dans le secteur des micro-processeurs ;

       Fichou, fabricant de composants optiques de haute précision ;

       Unseenlabs, start-up développant des services de renseignement électromagnétique depuis l’espace ;

       Sintermat, start-up de la métallurgie des poudres ;

       Glémot, dans l’usinage de précision et les capteurs infrasons ;

       CaiLabs, pour la manipulation des formes de la lumière ;

       Tethys, producteur d’équipements et de systèmes de pyrotechnie ;

       Fabentech, dans le secteur de l’immunothérapie.

La création de l’Agence de l’innovation de défense (AID), par la ministre des Armées en septembre 2018, s’inscrit d’ailleurs dans cette démarche en faveur de l’investissement dans les projets innovants des PME. À cette même époque, des « clusters d’innovation » ont également été créés autour de centres d’expertise et d’essais, afin de fédérer les tissus économiques locaux.

En 2018, la ministre des Armées, Mme Florence Parly, a présenté le « plan Action PME », lequel comprend 21 mesures de soutien aux PME et ETI. Chaque année, le ministère consacre environ 14 % de son budget à des achats directs auprès de 26 000 PME et ETI. Sur l’ensemble de la loi de programmation militaire, cela doit correspondre à près de 40 milliards d’euros. Parmi ces mesures, on retrouve :

       un meilleur accès des PME et ETI aux marchés du ministère ;

       la réduction des délais de paiement du ministère et l’optimisation des avances ;

       le soutien aux PME innovantes et stratégiques ;

       la facilitation de l’accès au Fonds européen de défense (FEDef) ;

       le renforcement du soutien à l’exportation.

Les premiers bilans du plan font état de 22 rencontres organisées entre PME, ETI et responsables du ministère. Les problématiques évoquées portent principalement sur l’accès des start-up et des PME aux appels d’offres du ministère, l’innovation, le financement, l’exportation et les relations avec les grands groupes.

En outre, des « PME Tour » ont été organisés tous les trimestres depuis début 2019 dans un centre régional de la DGA, où les PME locales sont sensibilisées aux dispositifs d’accompagnement (développement économique, renforcement de la sécurité économique, soutien à l’export, etc.).

La LPM constitue la colonne vertébrale de la stratégie de remontée en puissance des armées. Après des années de contraintes budgétaires, les forces françaises se voient dotées d’une loi « de réparation », qui prévoit 295 milliards d’euros de dépenses dans des programmes d’armement de grande ampleur, comme le sous-marin nucléaire Suffren, l’avion ravitailleur MRTT ou le la mise en œuvre du programme SCORPION, mais aussi 110 milliards d’euros d’investissement entre 2019 et 2023 dans les équipements, les infrastructures et le maintien en condition opérationnel (MCO).

Ces crédits alimentent les grandes entreprises de la défense et ont, in fine, vocation à rejaillir sur l’ensemble des PME et ETI de la BITD française. L’intérêt de la LPM est donc de donner une visibilité sur les carnets de commandes pour une période de six ans, visibilité renforcée par la définition d’une « Ambition 2030 ».

En 2019, la DGA avait des liens contractuels avec 225 microentreprises, 376 PME et 266 ETI, pour des montants respectifs de 34, 265 et 1 049 millions d’euros. Une grande partie de ces contrats a pour objectif d’équiper les centres d’expertise en moyens d’essais. La part de crédits consacrés aux programmes d’armement revenant aux PME et ETI à titre de sous-traitance, suivant les déclarations des principaux maîtres d’œuvre de l’armement, s’étend de 12 % à 73 %, pour un montant cumulé de 5 milliards d’euros.

b.   Des outils efficaces en temps de crise

Avec le projet de loi de finances pour 2021, la trajectoire de la LPM est respectée pour la troisième année consécutive, ce que chacun salue dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Un tel engagement de la Nation en faveur de la remontée en puissance rapide de ses armées mérite d’être souligné, tant il est inédit au regard de la décennie écoulée. La LPM joue ainsi pleinement son rôle de « plan de relance » pour les armées, en donnant de la visibilité, y compris en période de grave crise économique.

En outre, les dispositifs institués ces dernières années en faveur des PME ont joué à plein pendant la crise, permettant d’abord de mettre en place rapidement un dispositif de veille d’acteurs mieux connus, en particulier vers les acteurs les plus innovants qui, jusqu’à peu, auraient pu échapper à la vigilance du ministère, mais également de conforter les dispositifs existants. Ainsi, du doublement du fonds Definvest.

2.   Face à l’urgence, des mesures complémentaires ont été prises pour soutenir les entreprises nationales

La crise économique de la Covid-19 se traduira, selon les prévisions du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, par une chute du produit intérieur brut de 10 % en 2020. Pour rappel, la récession enregistrée en 2009 était de 3 %. L’ampleur inédite de cette crise économique justifie donc la mise en place par l’État de mesures exceptionnelles pour soutenir l’économie. Dans cet esprit, les entreprises stratégiques ont bénéficié de ces dispositifs généraux, mais également d’instruments spécifiques, destinés à sauvegarder les chaînes de souveraineté.

a.   Un plan de soutien massif pour préserver l’activité des entreprises

Dès le mois de mars 2020, des mesures exceptionnelles ont été décidées par l’exécutif pour soutenir les entreprises contraintes à arrêter leurs activités durant le confinement et pour préserver les emplois associés. L’activité partielle de longue durée et les prêts garantis par l’État sont deux mesures phares, reprises dans le plan « France Relance » présenté par le Gouvernement le 3 septembre 2020. Lors des auditions, les entreprises de la défense ont toutes salué ces dispositifs, sans lesquels elles auraient été contraintes à licencier massivement.

Cette mesure a été conçue pour les entreprises confrontées à une réduction durable d’activité. Elle leur permet de diminuer l’horaire de travail de leurs salariés tout en recevant une allocation pour les heures non travaillées en contrepartie d’engagements, portant notamment sur la préservation des emplois. Cofinancé par l’État et l’Unédic, le dispositif a donc un double objectif : sécuriser les salariés d’une part et l’activité des entreprises d’autre part.

L’activité partielle de longue durée peut être mise en place dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de trois années consécutives. Elle est accessible à l’ensemble des entreprises sur le territoire national, sans distinction de taille ni de secteur d’activité. Son accès est conditionné à la signature d’un accord collectif, devant être transmis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRRECTE), qui dispose d’un délai de 15 jours pour le valider.

Le salarié perçoit une indemnité horaire versée par son employeur, à hauteur de 70 % de sa rémunération brute servant d’assiette de l’indemnité de congés payés, dans la limite de 4,5 Smic. L’employeur, quant à lui, perçoit une allocation équivalant à 56 ou 60 % de la rémunération horaire brute limitée à 4,5 fois le taux horaire Smic, en fonction de la date de transmission de l’accord à la DIRRECTE.

Les prêts garantis par l’État (PGE) sont un dispositif de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises. Il représente une somme globale de 300 milliards d’euros et est ouvert à toutes les entreprises jusqu’au 31 décembre 2020, sans condition restrictive portant sur leur nature. Ces prêts peuvent être souscrits auprès de l’établissement bancaire habituel ou bien auprès de plateformes de prêt ayant le statut d’intermédiaire en financement participatif.

L’entreprise peut décider d’amortir le prêt sur une durée maximale de cinq ans ; pour la première année cependant, aucun remboursement n’est exigé. Ces prêts peuvent atteindre un montant correspondant à trois mois de chiffre d’affaires de 2019 ou à deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019.

Dans ce contexte, les banques se sont engagées à distribuer massivement, à prix coûtant, les prêts garantis par l’État, dans le but de soulager la trésorerie des entreprises mise à mal par la crise. Par ailleurs, les institutions bancaires se sont engagées à reporter jusqu’à six mois le remboursement de crédits des entreprises, sans frais.


b.   Les entreprises stratégiques ont également bénéficié de nouvelles mesures du ministère des Armées

En raison des caractéristiques particulières de l’industrie de la défense et des marchés militaires, le ministère des Armées a décidé de plusieurs mesures spécifiques, devant répondre de manière plus adaptée aux préoccupations des entreprises du secteur. Les PME, cible essentielle des projets du ministère depuis plusieurs années, restent là aussi au cœur des dispositifs.

Il s’agit d’une action volontariste de la direction générale pour l’armement qui, dès le mois de mars et le début du confinement, a reçu des signaux inquiétants en provenance de certaines PME. La principale crainte portait sur le retard dans les prestations. Cependant, même si la France a pris la décision de ne pas remettre en cause ses programmes d’armement, ce n’est pas nécessairement le cas ailleurs : il y avait un risque d’asynchronisme avec l’étranger, avec lequel peuvent commercer ces PME. Enfin, leur activité duale était un troisième facteur qui a suscité l’attention du ministère. Une centaine d’entreprises ont alors été contactées pour leur proposer des paiements rapides. Cependant, au vu de l’ampleur de la crise et des conséquences sur la production et l’export, ces efforts se sont avérés insuffisants. Dans le même temps, les inquiétudes ont été renforcées par les messages des grands maîtres d’œuvre, soucieux de l’état de leurs supply chain.

Au mois d’avril 2020, le délégué général pour l’armement évaluait devant la commission le nombre d’entreprises « stratégiques » à 1 400. À l’été, il avait indiqué aux co-rapporteurs de la mission « flash » sur la place de l’industrie de défense dans la politique de relance que 500 d’entre elles se trouvaient dans une situation « critique ». Ce constat a donc justifié la mise en place d’une politique de screening – c’est-à-dire de surveillance – de ces entreprises.

À la demande de la ministre des Armées, une task force conjointe avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance a été lancée au mois de mai pour dresser une cartographie des entreprises ayant vocation à être visitées par des équipes de la délégation générale de l’armement ou les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRRECTE), afin de faire le point sur leurs trésoreries, leurs carnets de commandes, leurs relations avec les banquiers. Les grands maîtres d’œuvre sont également étroitement associés à ce suivi des entreprises en difficultés.

L’identification a été facilité par un rapprochement des informations déjà en possession de la DGA avec celles fournies par la chaîne de maintien en condition opérationnelle (MCO) : le service du soutien de la flotte (SSF), la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT). Les grands maîtres d’œuvre industriels et les groupements professionnels ont également été associés au processus de recensement. 1 236 entreprises – principalement des PME – ont été identifiées comme devant faire l’objet d’un audit, réalisé pour 900 d’entre elles. L’ingénieur général de l’armement de classe exceptionnel Vincent Imbert a établi une classification de ces entreprises devant le rapporteur pour avis :

– une dizaine de sociétés insauvables qui allaient déjà mal avant le déclenchement de la crise ;

– 117 entreprises en mauvaise posture devant bénéficier de mesures rapides ; 67 d’entre elles ont déjà bénéficié de mesures de remédiation, portant sur quatre axes principaux (accès facilité aux PGE, accélération des commandes, avancement des paiements et dialogue avec les régions) ;

– une centaine de structures dont les dirigeants semblaient excessivement optimistes et qui devraient faire l’objet d’une seconde visite ;

– environ 25 entreprises en bonne santé avec des perspectives de croissance, aptes à survivre à la crise et à même de constituer des éléments pivots pour la consolidation de la BITD française.

Les visites in situ par des agents du ministère ont été particulièrement bien accueillies par les dirigeants. Ces derniers ont salué la démarche en elle-même, mais aussi la qualité des échanges avec les personnels venus à leur rencontre. Vincent Imbert tire un bilan positif de cette politique de suivi, un outil intéressant qui mériterait d’être pérennisé, avec des agents spécialisés permanents.

Réponse aux conséquences de la crise dans la filière aéronautique militaire, lourdement affectée par l’interruption du trafic aérien international, ce plan s’organise autour de deux leviers : les commandes et l’investissement.

Le plan de soutien aéronautique

Le 9 juin 2020, la ministre des Armées, la ministre de la Transition écologique et solidaire, le ministre de l’Économie et des Finances, le secrétaire d’État chargé des Transports et la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, ont présenté le plan de soutien à la filière aéronautique.

Élaboré en coordination avec le GIFAS, celui-ci comprend plus de 15 milliards d’euros d’aides, d’investissements et de prêts et garanties, pour répondre aux conséquences de la Covid-19 sur le transport aérien international.

Le plan prend trois directions principales :

- répondre à l’urgence de la crise par le soutien aux entreprises et aux salariés ;

- investir dans les PME et ETI en voie de transformation, grâce à un milliard d’euros de capacité de financement pour intervenir en fonds propres et aider à la consolidation des entreprises, et 300 millions d’euros pour favoriser la montée en gamme des entreprises sous-traitantes ;

- encourager la conception et la production en France des futurs appareils, avec 1,5 milliard d’euros d’aides publiques sur les trois prochaines années pour la recherche, le développement et l’innovation.

Sur son volet militaire, le plan a deux leviers d’action.

Premier levier du plan de soutien : l’avancement de commandes militaires prévues par la loi de programmation et représentant une somme de 600 millions d’euros. Cela permettra un maintien des chaînes de production et la sauvegarde de nombreux emplois. Ainsi, le ministère des Armées procédera à l’acquisition de :

- trois avions A330 militaires, destinés à être transformés en MRTT pour renouveler les A310 et A340 de l’armée de l’air et de l’espace ;

- huit hélicoptères Caracal pour remplacer les Puma de l’armée de l’air et de l’espace à partir de 2023, alors qu’ils devaient rester en service jusqu’en 2028.

Plus de 100 millions d’euros seront par ailleurs réservés à la réalisation d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance et de drones pour la marine nationale. Les PME seront les fournisseurs directs du ministère pour les drones.

Second levier du plan : le doublement du fonds d’investissement « Definvest » sur les cinq prochaines années, passant de 50 à 100 millions d’euros. Cette somme a pour objectif la sauvegarde des PME d’intérêt stratégique pour la défense française. Grâce à ce doublement, le ministère des Armées a pu accélérer l’examen de nouvelles prises de participation : des dossiers équivalant à 10 millions d’euros sont actuellement en cours d’instruction.

Ce plan est fondamental pour les entreprises de l’aéronautique à l’activité principalement duale, comme Airbus mais aussi l’ensemble de sa chaîne de sous-traitance.

Source : ministère des Armées

Par ailleurs, comme le prévoit le plan de relance gouvernemental, l’ensemble du secteur pourra profiter d’une réduction sur les impôts de production, à hauteur de 20 milliards d’euros. Selon le Gouvernement, ces mesures permettront, in fine¸ de sauvegarder 1 200 emplois dans cet écosystème stratégique.

Dans la lignée de « Definvest », le ministère des Armées a annoncé, en septembre 2020, la prochaine mise en place d’un nouveau fonds d’investissement : « Definnov », une initiative dédiée à l’innovation, axe primordial dans la remontée en puissance des armées telle que formulée par la LPM. Créé en coopération avec Bpifrance, il sera doté de 200 millions d’euros et dédié au développement de technologies duales et transversales, par le financement en fonds propres d’entreprises innovantes. Il a vocation à concerner les axes prioritaires du ministère, à savoir l’hypersonique, la lutte anti-drone ou bien encore les technologies quantiques.

Les groupements de l’industrie de la défense insistent d’ailleurs sur l’importance du maintien des dispositifs destinés à la recherche et au développement en cette période de crise. En effet, ces crédits conditionnent l’aptitude de la BITD à maintenir son avance technologique, seule capable de donner une supériorité opérationnelle aux forces armées et de conférer à la France un avantage compétitif à l’export. Enfin, ils conditionnent également l’aptitude française à peser dans les programmes européens, susceptibles d’être financés par le fonds européen de défense.

c.   La BITD française s’est elle-même engagée en faveur des PME

Conscientes de l’intérêt stratégique des PME et ETI et de leur place dans les chaînes de production, les plus grandes entreprises de la BITD française se sont elles-mêmes organisées pour participer à l’effort de soutien. Les représentants des grands maîtres d’œuvre ont précisé au rapporteur pour avis avoir décider de plusieurs mesures d’accompagnement pour les entreprises critiques de leurs supply chain.

Tout d’abord, les grandes entreprises ont été associées de près au groupe de travail de la direction générale de l’armement visant à recenser les entreprises les plus en difficultés pour leur apporter une aide individualisée. Encouragés par la DGA qui en a fait de même avec ses propres fournisseurs, nombre de maîtres d’œuvre ont pris la décision d’avancer certaines commandes et certains paiements auprès de leurs sous-traitants, afin de continuer à les alimenter malgré le confinement et l’interruption de l’activité. Certains ont même créé leur propre ligne de contact direct avec les PME en situation délicate, sur le modèle du travail mené par la DGA.

Ces mesures répondent aux besoins exprimés par les PME. Certaines d’entre elles craignent malgré tout que les mesures de relance pour la défense ne soient pas suffisamment répercutées par les grandes entreprises sur les chaînes de sous-production. Le comité Richelieu attend une vigilance accrue de la part de la DGA quant au « ruissellement » de l’argent investi dans les programmes d’armement prévus par la loi de programmation militaire pour les prochains mois. Interrogés à ce sujet lors des auditions, les représentants de la DGA rencontrés par le rapporteur pour avis l’ont assuré de leur détermination pour garantir que les grands groupes jouent le jeu du ruissellement, et répercutent sur leur supply chain les paiements qu’ils ont eux-mêmes reçu en avance de la part de la DGA.

B.   La nécessaire poursuite des efforts pour accompagner les PME et PMI stratégiques

1.   Approfondir la réponse immédiate à la crise

a.   Accorder de nouveaux délais pour rembourser les PGE

Les actuelles conditions de remboursement des prêts garantis par l’État prévoient un échelonnage sur cinq années au maximum. Si l’objectif du plan « France Relance » est de retrouver le niveau d’activité d’avant crise à l’horizon 2022, il est pour le moment difficile d’affirmer que cela sera possible pour les petites et moyennes entreprises et industries de la défense, notamment celles ayant une activité duale.

Du côté de l’industrie aéronautique, représentée par le GIFAS devant le rapporteur pour avis, beaucoup d’espoirs étaient placés dans la rentrée et la reprise du trafic aérien international qui, de toute évidence, n’a pas eu lieu : les frontières restent en grande partie closes, et se referment même à nouveau au sein de l’Union européenne, où se multiplient les restrictions de déplacement à mesure que le nouveau coronavirus reprend sa propagation.

Sur la base de ce constat, de nombreuses PME et PMI sont inquiètes, et estiment qu’il leur sera impossible de rembourser les PGE souscrits au terme des cinq prochaines années. Il serait donc sans doute utile d’étudier la faisabilité d’une nouvelle prolongation des délais de remboursement, voire de ré-examiner le taux de ces prêts.

b.   Réapprovisionner les stocks d’équipements

Dans leur rapport d’information ([18]) sur la politique d’achat du ministère des Armées en petits équipements MM. André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon ont regretté les faiblesses d’approvisionnement en petits équipements (pièces, munitions, vêtements…).

Pendant la crise, les forces armées ont été contraintes de puiser dans la plupart de leurs stocks. Désormais, l’heure est à la reconstitution des approvisionnements, mais aussi à leur renforcement. Il serait sans doute pertinent d’identifier les pièces pour lesquelles le niveau des stocks mériterait d’être rehaussé, en raison de leur importance pour la résilience de nos soldats.

Ces petits équipements sont pour la plupart d’entre eux fabriqués en France, par les PME françaises, qui bénéficieraient rapidement d’un plan d’achat du ministère établi dans le cadre de la relance. Les rapporteurs ont de ce fait proposé d’étendre les dispositifs comme « Definvest » aux entreprises productrices de petits équipements, qui n’en sont pas la cible prioritaire pour le moment puisqu’ils visent avant tout la chaîne de souveraineté. Une solution serait donc d’intégrer, dans la conception du ministère, ces entreprises comme partie intégrante d’une chaîne de souveraineté au sens large, qui comprendrait l’ensemble des fournisseurs de nos forces armées. Le rapporteur pour avis y est favorable.

c.   Anticiper certaines commandes prévues par la loi de programmation

D’un point de vue pragmatique, l’État ne pourra pas multiplier les nouvelles commandes pour remettre à flot l’industrie de défense. Cela ne pourrait se justifier d’un point de vue budgétaire et, en temps de pandémie, d’autres secteurs peuvent apparaître tout aussi prioritaires que la défense. Cependant, l’État dispose d’un moyen d’action qui lui permettrait d’atténuer les conséquences de la crise : l’anticipation de commandes prévues par la loi de programmation militaire pour la période 2019-2025. La commande publique pourrait alors faire office d’amortisseur pour les secteurs les plus sinistrés. C’est d’ailleurs la logique du plan de soutien aéronautique militaire présenté le 9 juin 2020.

Mais le ministère des Armées pourrait aller encore plus loin dans ces anticipations car, pour le moment, les commandes avancées par le Gouvernement concernent surtout le secteur de l’aéronautique. Cela se justifie en raison de son exposition aux marchés civils, et donc à une perte globale de chiffre d’affaires estimée entre 40 et 70 % par rapport à 2019 selon les représentants du GIFAS, soit de plus lourdes conséquences que les industries navale et terrestre. Néanmoins, ces deux dernières paient également un lourd tribut à la crise, et se trouvent dans une situation difficile que la LPM n’aurait pu anticiper.

À l’occasion de l’actualisation de la programmation, il serait judicieux de recenser les commandes prévues d’ici 2025 susceptibles de faire l’objet d’anticipations, et ce pour répondre aux besoins évolutifs de nos Armées. Ainsi, les efforts seraient poursuivis pour l’aéronautique, mais aussi étendus vers les secteurs naval et terrestre.

En ce sens, le rapporteur pour avis souscrit pleinement aux recommandations de MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot qui, dans leur rapport précité, ont proposé d’avancer plusieurs programmes prévus par la loi de programmation militaire, notamment le renouvellement de l’ensemble de la flotte d’hélicoptères Puma, déjà évoqué par le rapporteur pour avis en première partie du présent rapport. Pourraient également être concernés les camions GBC de l’armée de terre, vieux quant à eux de presque 60 ans, mais dont le remplacement ne doit commencer qu’en 2025. Enfin, pour la marine nationale, une anticipation du programme SLAMF (système de lutte anti-mines du futur) pourrait être la bienvenue.

d.   Apporter un soutien volontariste à la relance de l’export

Comme l’a indiqué M. Vincent Imbert au rapporteur pour avis, la reprise des activités d’exportation conditionne en partie la sortie de crise. En l’absence de nouveaux marchés d’exportation, c’est tout un pan de notre industrie de défense qui risque de disparaître. L’accent doit donc être porté sur le soutien à l’export, notamment par la procédure dite de « l’article 90 », faisant référence à un article de la loi de finances pour 1968. Celle-ci vise à encourager l’exportation de matériels d’armement avec un financement public, partiel et remboursable : le risque supporté par l’industriel est donc réduit.

Pour relancer l’export, l’État peut aussi tenter de capitaliser sur l’effet d’aubaine suscité par certaines nouvelles commandes. Face au regain de tensions en Méditerranée orientale entre la Grèce et la Turquie depuis l’été, les autorités grecques ont fait part, le 12 septembre 2020, de leur intention de procéder à l’acquisition de 18 avions de chasse Rafale, dont douze d’occasion prélevés sur les appareils de l’armée de l’air et de l’espace. Afin de limiter l’impact d’un tel prélèvement, la ministre des Armées a annoncé, le 6 octobre 2020, devant la commission, que la France commanderait d’ici la fin de l’année douze avions Rafale supplémentaires. Cette commande est complétée par une mise en production de 28 avions livrés entre 2022 et 2024.

En outre, après cette toute première commande européenne venue de Grèce, de nouvelles perspectives semblent apparaître pour le Rafale. À l’occasion d’une votation tenue le 27 septembre 2020, les Suisses ont adopté d’une courte – trop courte ? – majorité l’achat d’avions de combat pour 6 milliards de francs suisses, c’est-à-dire près de 5,6 milliards d’euros. Le Rafale semble bien armé, même s’il se trouve en concurrence avec l’Eurofighter d’Airbus, le F18 américain et le Gripen suédois. Les autorités suisses devraient se prononcer en 2021, pour un contrat en 2023. La DGA a également proposé à l’armée de l’air croate d’acquérir une douzaine de Rafale d’occasion, alors que le Gouvernement croate cherche à remplacer ses MiG-21 soviétiques vieillissants. En cas de réponse positive, la France pourrait être amenée à commander de nouveaux appareils pour remplacer ceux prélevés au sein des forces. La décision croate ne devrait néanmoins pas être prise avant 2021.

L’annonce des commandes grecque et française sont une bonne nouvelle pour notre BITD, et en particulier pour le secteur de l’aéronautique, durement frappé par la pandémie et l’arrêt du trafic aérien international. Dassault Aviation n’est pas l’unique entreprise concernée par ces annonces : les commandes auront une répercussion directe sur l’ensemble de la chaîne de sous-traitance du Rafale, constituée de 500 PME, employant 7 000 salariés. L’enjeu est donc de tirer profit de cet effet d’aubaine qui permettra de remettre en route et de maintenir les chaînes de production affectées par la chute de la demande sur les marchés civils de l’aviation.

 

2.   Affermir la politique de soutien industriel sur le long terme

a.   Revaloriser les filières de formation

Les filières des métiers techniques peuvent parfois souffrir d’une mauvaise réputation, et sont encore perçues par les enseignants et les parents comme une voie réservée à des élèves en situation d’échec scolaire. Cette vision stéréotypée doit être combattue, en faisant valoir l’excellence de nombreuses formations avec un haut niveau d’exigence. En ces temps de chômage élevé chez les jeunes, ces métiers ouvrent d’innombrables perspectives, et assurent l’obtention rapide d’un emploi.

Il faut donc faciliter les écosystèmes : la redynamisation des filières est d’ailleurs tout le sens d’initiatives comme Aérocampus ou bien le campus des industries navales, lancés respectivement en 2013 et 2017 par l’État, les collectivités territoriales et les grands industriels – Dassault Aviation, Naval Group, Safran, Thales, etc. – pour redonner de l’attractivité aux emplois proposés. Sur le territoire de sa circonscription, autour de Luxeuil en Haute-Saône, le rapporteur pour avis a pu mesurer combien serait structurant la création d’une structure de formation aux métiers de l’aéronautique proche de celle d’Aérocampus, alors que la base aérienne de Luxeuil, qui accueille des avions de combat depuis plusieurs décennies, a vu son horizon se dégager avec l’annonce par la ministre des Armées, en juin 2019, de l’arrivée d’un escadron de Rafale F5 vers 2032. D’ici là, il conviendra d’ailleurs de mener sur la base des travaux de remise à niveau des infrastructures, créateurs dès à présent d’emplois.

La revalorisation de la formation passe également par la préparation de l’avenir. Il est indispensable d’anticiper les besoins de nos soldats pour les décennies à venir, afin de proposer dès maintenant des filières de formation adaptées. C’est notamment le cas des métiers de l’espace ou de la cyberdéfense, qui requièrent des travailleurs hautement qualifiés, dans lesquels il convient d’investir dès le plus jeune âge.

En ce sens, le développement de l’apprentissage, sur lequel le Gouvernement a décidé de mettre l’accent, doit être poursuivi : il présente des avantages certains ; à la fois pour les futurs employés qui bénéficient d’une formation, mais aussi pour les employeurs qui ont la chance d’investir dans une jeunesse pouvant pérenniser les savoir-faire.

b.   Faciliter l’accès au financement des PME

Comme indiqué précédemment, les difficultés d’accès au financement bancaire concernent de plus en plus de PME, ce qui pèse dans leurs rapports de compétitivité vis-à-vis des entreprises européennes comme extra-européennes. Les entreprises, quelle que soit leur taille, notent une certaine réticence des banques à financer les activités dans les pays en dehors de l’Union européenne, de l’OTAN ou de l’OCDE.

Serait ainsi à l’œuvre un phénomène de « sur-conformité » (over compliance) de la part de certaines banques, qui refusent désormais les transactions vers certains pays, y compris des partenaires commerciaux traditionnels de la France. Dans le même temps, les entreprises concurrentes – y compris allemandes – progressent sur ces marchés et font courir le risque, à terme, d’une marginalisation des entreprises françaises à l’international.

Les interlocuteurs du rapporteur pour avis ont également souligné l’apparition de nouvelles formes de pression, exercée par des organisations non gouvernementales de plus en plus attentives aux activités bancaires dans le domaine de la défense. Les banques sont aujourd’hui soumises à une surveillance permanente d’une partie de la société civile, qui recherche leur responsabilité directe ou indirecte dans le financement de potentiels crimes de guerre. Craignant pour leur image, les banques préfèrent par conséquent s’abstenir. Pour le rapporteur pour avis, il ne s’agit évidemment pas de revenir sur les critères établis afin de rendre plus vertueuse l’industrie de défense, bien au contraire. Les organisations non gouvernementales et, plus largement la société civile, ont d’ailleurs un rôle éminent pour favoriser les bonnes pratiques. Le rapporteur pour avis y est d’autant plus favorable que la BITD française pourrait utilement profiter de cette évolution, au regard des engagements que ses membres ont déjà pris par rapport à leurs concurrents. Toutefois, les difficultés actuelles sont préoccupantes, notamment car elles traduisent une certaine méconnaissance de l’industrie de défense par certains acteurs bancaires.

Il revient donc à l’État d’identifier des solutions pour surmonter la réticence des institutions bancaires françaises à financer des activités de défense, en particulier lorsqu’elles sont liées à des opérations d’exportations d’armements.

c.   Améliorer les dispositifs relatifs aux IEF

Les appétits de nos compétiteurs étant de plus en plus voraces à l’encontre de nos entreprises stratégiques, les dispositifs relatifs aux investissements étrangers en France pourraient être perfectionnés. C’est du moins le vœu exprimé devant le rapporteur pour avis par certains responsables industriels, lesquels ont pu formuler plusieurs pistes d’amélioration de la prévention des prises de contrôle par des intérêts étrangers des PME et ETI stratégiques.

Tout d’abord, une augmentation des capacités d’intervention de Bpifrance dans le fonds d’investissement « Definvest » permettrait de renforcer les capitaux propres des PME et ETI stratégiques de façon préventive, mais aussi de proposer des contre-offres crédibles en cas de besoin.

À ce jour, une fois qu’un défaut de paiement est avéré et qu’une PME ou start-up stratégique a été placée sous un régime de redressement et de liquidation judiciaire, il semble que Bpifrance ne soit pas en mesure d’intervenir par des prises de participation. Un nouveau cadre légal pourrait donc être élaboré pour autoriser Bpifrance et « Definvest » à sauver ces sociétés.

Pour améliorer l’encadrement des investissements étrangers en France, les dispositifs américains – notamment le CFIUS détaillé ci-après – peuvent être une source d’inspiration. Aux États-Unis, la réglementation en vigueur permet d’éviter le contrôle managérial et technologique par un éventuel repreneur des sociétés considérées comme stratégiques par le département de la Défense.

Le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis (CFIUS)

Créé en 1975 par le président des États-Unis Gerald Ford, le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States) est l’organisme de l’administration américaine en charge de la surveillance des investissements dans les entreprises américaines réalisés par des entreprises étrangères. Le comité est composé de onze agences fédérales, notamment les départements du Trésor, de la Défense, du Commerce et de la Sécurité intérieure.

Il vise à éviter le contrôle managérial et technologique par un éventuel repreneur des sociétés considérées comme stratégiques par le département de la Défense. Au début des années 2010, près de 20 % des affaires soumises au CFIUS concernaient des investissements chinois.

En 2018, le président Donald Trump a signé la loi sur la modernisation de l’examen des risques liés aux investissements étrangers (FIRRMA). Celle-ci accorde au CFIUS de nouveaux pouvoirs sur certains types d’investissement direct à l’étranger, notamment ceux en provenance de Chine. À cette occasion, le Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis a vu ses crédits et ses effectifs augmenter.

d.   Accompagner de nouvelles consolidations

Pour nombre d’interlocuteurs du rapporteur pour avis, le morcellement du tissu industriel stratégique français constitue une véritable source de fragilité.

Les secteurs où les PME semblent aujourd’hui les plus exposées au risque à l’échelon national sont justement ceux marqués par un tissu industriel fragmenté, soumis à une forte concurrence internationale. Il s’agit par exemple des domaines de la cyberdéfense, du traitement de surface, des pièces mécaniques aéronautiques, des petits drones aériens, du numérique ou de l’électronique. Alors que, par le passé, les consolidations sont souvent intervenues après une crise, pour permettre aux entreprises d’être plus robustes face aux défis économiques, l’accompagnement de nouvelles consolidations pourrait permettre de renforcer la BITD française. De ce point de vue, deux exemples peuvent être sources d’inspiration : la consolidation intervenue dans le secteur de l’équipementerie automobile à la fin des années 2000, à la suite de la crise financière de 2008, ainsi que la consolidation intervenue aux États-Unis dans le secteur de l’électronique de défense.

Il ressort d’ailleurs des auditions conduites par le rapporteur pour avis que, dans certains secteurs, un mouvement de consolidations serait accueilli favorablement par la DGA, qui considère une telle évolution comme un « axe d’effort » pour lequel la crise peut constituer une opportunité. Dans ce contexte, le fonds Definvest comme Aerofund IV – fonds doté d’un milliard d’euros pour soutenir le secteur aéronautique – pourraient constituer d’utiles outils capitalistiques pour accélérer certains rapprochements. Pour rappel, Aerofund IV permettra d’apporter deux types de réponse : d’une part, une réaction d’urgence qui permet d’injecter rapidement de l’argent dans les entreprises les plus sévèrement touchées afin d’éviter les défaillances ; d’autre part, un soutien de l’investissement sur le long terme visant à restructurer la filière par de nouvelles concentrations et à encourager la montée en puissance de groupements plus importants.

L’industrie de la défense verrait alors l’émergence de nouvelles entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour le moment assez peu représentées dans le paysage français. Nos nouvelles entreprises seraient alors comparables aux sociétés de type Mittelstand en Allemagne, beaucoup mieux armées pour résister aux chocs économiques.

Si le ministère des Armées semble prêt à accompagner un tel mouvement, en favorisant notamment, de manière neutre, les discussions entre entreprises susceptibles de se rapprocher, l’un des principaux défis consiste à faire accepter une telle évolution à des chefs d’entreprise ayant parfois le sentiment d’être des proies fragilisées, contraintes de vendre. Les PME étant la plupart du temps la propriété d’actionnaires privés – souvent dans un format très familial – le rôle de l’État doit être de les rapprocher et de les rassurer. Nombre d’entre eux ne sont, effectivement, pas toujours disposés à l’ouverture du capital de leurs entreprises. En outre, la dévalorisation des entreprises résultant de la crise constitue un frein aux consolidations : il sera considéré comme plus risqué d’acquérir les entreprises affaiblies.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de M. Joël Barre,
délégué général pour l’armement

La commission a entendu M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2021 (n° 3465), au cours de sa réunion du jeudi 15 octobre 2020.

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous auditionnons M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2021, et plus particulièrement sur le programme 146 « Équipement des forces » dont il partage la responsabilité avec le chef d’état-major des armées (CEMA). Son examen revêt un caractère singulier, en raison de la crise sanitaire qui frappe le monde et de son impact économique.

Notre base industrielle et technologique de défense (BITD) est fortement touchée par cette crise, en particulier les entreprises duales du secteur aéronautique, les PME et les PMI. Dans ce contexte, il faut saluer les efforts consentis par le Gouvernement ainsi que l’action de la ministre pour assurer le respect de la loi de programmation (LPM). Comme elle l’a souligné, le projet de loi de finances pour 2021 constitue à lui seul un plan de relance pour la défense, et ce d’autant plus que le plan de soutien au secteur aéronautique a apporté une réelle bouffée d’oxygène. Cela sera-t-il suffisant selon vous ?

Le PLF propose ainsi d’inscrire, au programme 146, 21 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 13,6 milliards d’euros en crédits de paiement. Quelles commandes et quelles livraisons ces crédits permettront-ils ?

Quel a été en outre l’impact de la crise sur l’avancement des différents programmes ainsi que sur l’exécution de la LPM pour l’année 2020 ? En cette période troublée pour nos forces et pour nos industries de défense, sa stricte exécution jusqu’à son terme constitue la première des priorités. Elle est vitale.

Nous sommes tous ici attentifs au bon déroulement des programmes, tant nationaux qu’européens. De ce point de vue, le calendrier électoral allemand nous interroge sur le bon déroulement de programmes aussi structurants que le Système de combat aérien du futur (SCAF) ou le Main Ground Combat System (MGCS). De même, le prochain anniversaire du traité de Lancaster House nous amène à questionner les modalités d’un approfondissement et d’une continuité dans la coopération franco-britannique.

 

M. Joël Barre, délégué général pour l’armement. Mesdames, messieurs les parlementaires, je dresserai un bilan à ce jour de l’exécution budgétaire 2020, puis de l’impact de la crise sanitaire avant de compléter la présentation du projet de loi de finances pour 2021 qui vient d’être faite, en insistant plus particulièrement sur le programme 146 « Équipement des forces » et sans oublier le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » dont je dirai quelques mots puisque la DGA est chargée de l’action « Études amont ».

S’agissant de l’exécution 2020, notre besoin de paiement actualisé pour la fin de l’année s’élève à 14,8 milliards d’euros, sachant que la loi de finances nous a alloué 12,6 milliards d’euros de crédits de paiement, avec une réserve actuellement gelée de 504 millions d’euros, ce qui représente 4 % des crédits du programme 146. Nous ajustons cette réserve au fur et à mesure de l’exécution du budget, c’est-à-dire de l’évolution des besoins de paiement, afin de la gérer de façon dynamique. Nous en attendons un dégel partiel ou total – pourquoi pas ? – d’ici à la fin de l’année. En tout cas, nous sommes prêts à faire face.

Le report de charges du programme 146 en paiements sera conforme à la valeur de la trajectoire définie par la LPM, soit 2,4 milliards d’euros, malgré les retards tant en développement qu’en livraison entraînés par la crise de la Covid-19. La baisse des besoins de paiements liée à ces retards est compensée par les mesures de soutien à l’industrie à destination notamment aux PME et ETI que nous avons prises au travers du plan de soutien à l’aéronautique lancé en juin dernier et des facilités de trésorerie ou d’accélération de paiements et de commandes. La loi de finances et la trajectoire de la LPM seront ainsi respectées. Il en ira de même pour l’action « Études amont ». Nous sommes sur la courbe prévue d’augmentation des ressources, jusqu’au milliard d’euros de dépenses en 2022. Le besoin de paiement est estimé pour 2020 à 901 millions d’euros, avec une réserve de 33,5 millions d’euros.

Nous consommerons donc cette année la totalité des crédits de paiement du programme 144 et de l’action « Études amont » avec un report de charges estimé à fin 2020 à 90 millions d’euros. Je rappelle que figurent dans cette action l’engagement ou la poursuite des études de préparation des programmes de coopération avec l’Allemagne portant sur l’avion de combat et le char de combat du futur, ainsi que l’avant-projet du porte-avions de nouvelle génération.

J’en viens à la crise sanitaire. Pendant la première phase, nous avons poursuivi une grande partie nos activités avec les mêmes priorités : la dissuasion, la posture de sécurité et le maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels. Nous avons pu poursuivre un certain nombre de livraisons, véhicules terrestres Griffon, A400-M et ATL2 rénovés. Nous avons également poursuivi nos essais : je pense en particulier à ceux relatifs au premier sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de nouvelle génération, le Suffren, qui se passent très bien. Ses performances sont à la hauteur de ce que nous attendions. Il doit à l’heure actuelle naviguer entre la Méditerranée et l’Atlantique puisqu’il doit faire la semaine prochaine son dernier essai d’armement qualification de lancement d’un missile de croisière naval, avant sa réception.

Nous avons également reçu les premiers systèmes de mini-drones de renseignement fournis par Thales qui sont destinés à une phase d’expérimentation au sein de l’armée de terre. Notre centre de Bourges a par ailleurs engagé les essais de qualification du Jaguar, deuxième véhicule du programme Scorpion de l’armée de terre.

Cela étant, nous avons enregistré un certain nombre de retards industriels ou affectant le développement de certains des matériels à livrer à nos armées. Ils sont de l’ordre de deux à trois mois : notre objectif est de les rattraper d’ici à la fin de 2021 au plus tard.

Au-delà de cette activité, qui fait partie de notre mission de base, nous avons participé à la lutte contre l’épidémie de Covid-19, en assurant l’évaluation des masques grand public, et en contribuant notamment au développement de solutions de transport et d’évacuation sanitaire qui ont permis de soulager le tissu hospitalier.

Nous avons par ailleurs lancé au mois de juin dernier le plan de soutien à l’aéronautique qui représente 800 millions d’euros de commandes, dont 600 millions d’euros pour notre ministère : notamment trois avions A330, qui ont été commandés au mois d’août, des hélicoptères, un avion léger de surveillance et de reconnaissance ainsi que des drones destinés à notre marine.

Nous avons également soutenu notre BITD en menant depuis le printemps dernier un exercice d’analyse et de cartographie portant sur 1 200 entreprises dont l’exposition à la crise nous a paru la plus importante. Nous avons décidé de rendre visite à chacune d’entre elles afin d’identifier celles qui se trouvaient en situation délicate. À ce jour, et en mobilisant environ une centaine de personnels sur l’ensemble du territoire, nous en avons vu un millier environ. Parmi celles-ci, 120 ont été recensées comme nécessitant des actions de remédiation telles des facilités de trésorerie, des accélérations de paiements, l’anticipation ou la passation de nouvelles commandes ou encore l’aide à l’obtention de prêts.

Nous avons également œuvré à la mise en place d’outils de soutien capitalistique, en doublant l’encours du fonds Definvest créé fin 2017. Nous allons ainsi le porter sur cinq ans de 50 millions d’euros à 100 millions d’euros. Ce fonds a d’ores et déjà investi un peu moins de 15 millions d’euros dans huit entreprises, son intervention générant un effet de levier de l’ordre de six.

La ministre va en outre préciser, dans les semaines à venir, les modalités de création d’un autre fonds, intitulé Definnov, doté de 200 millions d’euros et qui aura vocation à soutenir des entreprises innovantes plutôt transverses et duales. Bpifrance joue le rôle d’opérateur-investisseur pour ces deux fonds.

 

Je termine par le projet de loi de finances pour 2021. S’agissant du programme 146, les engagements de la LPM sont tenus et la ressource de crédits de paiement augmente de 1,1 milliard d’euros, principalement au profit des programmes à effet majeur, c’est-à-dire de tous les grands programmes autres que la dissuasion, qui bénéficieront par rapport à 2020 d’une hausse de crédits de 700 millions d’euros.

Une telle augmentation permettra de réduire de 300 millions d’euros le report de charges, qui s’élèvera à la fin de 2021 à 2,1 milliards d’euros, et de lancer certaines commandes. Je citerai les plus nouvelles : les équipements radio Contact qui vont apparaître dans leur version portative – 2 900 sont prévus en 2021 –, les premiers hélicoptères interarmées légers Guépard dont prédéveloppement a été engagé il y a déjà deux ans, ainsi que la deuxième.

Nos besoins de paiement s’élèvent à 13,7 milliards d’euros, dont 9,8 milliards d’euros pour les programmes à effet majeur.

Les livraisons prévues en 2021 comprennent d’abord, vingt blindés Jaguar, quatre unités ayant été reportée d’une année. Nous poursuivrons celles des Griffon et des ATL2 rénovés. Nous livrerons à la marine les torpilles lourdes F21 Artémis destinées à ses bâtiments ainsi qu’une frégate multimissions, l’Alsace (qui a débuté ses essais en mer), la Normandie ayant par ailleurs déjà été mise en service il y a quelques semaines.

S’agissant de l’armée de l’air, 2021 verra surtout la poursuite, avec une unité supplémentaire, des livraisons d’A400-M. En outre, la livraison de trois avions A330-Multi Role Tanker Transport (MRTT) Phénix est également prévue. Le deuxième satellite CSO-2, dont le lancement aurait dû intervenir en 2020 mais qui a été reporté en raison de l’indisponibilité du lanceur Soyouz, seront lancés. Nous devons également lancer en 2021, grâce au lanceur Vega, les trois satellites du programme de Capacité d’écoute et de renseignement électromagnétique spatiale (CERES).

S’agissant du programme 144 et plus particulièrement de l’action « Études amont », les paiements s’élèveront en 2021, je le rappelle, à 901 millions d’euros, ce qui représente une augmentation d’à peu près 10 % par à 2020.

Outre les programmes de coopération avec l’Allemagne que j’ai évoqués, nous aurons en outre quelques rendez-vous avec nos amis britanniques sur les futurs missiles de croisière et anti-navire.

M. Christophe Lejeune. Pour la troisième année consécutive, le projet de loi de finances traduit fidèlement l’ambitieuse trajectoire de remontée en puissance de nos armées, prévue par la LPM, ce dont nous nous réjouissons. Mais si les parlementaires se félicitent de débattre de budgets en hausse, ils sont surtout attentifs à leur exécution.

 

S’agissant de l’exécution budgétaire pour 2020 et de la fin de gestion, pourriez-vous revenir sur le montant des crédits à engager et à décaisser d’ici à la fin de l’année ? J’ai cru comprendre qu’il vous restait 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement à engager. Dans quelle mesure la DGA peut-elle relever ce défi ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ? Quel est l’état de vos discussions avec Bercy à propos d’un éventuel report d’autorisations d’engagement ?

J’en viens au risque de prise de contrôle de nos entreprises par nos compétiteurs stratégiques. Au cours de mes auditions, certains interlocuteurs m’ont fait part de leurs craintes de voir des pépites françaises, qu’il s’agisse de PME ou d’ETI, basculer dans l’escarcelle d’investisseurs étrangers : Eramet serait ainsi prêt à vendre Aubert & Duval, et CNIM (Constructions navales et industrielles de la Méditerranée) fait l’objet de nombre de convoitises. Comment la DGA agit-elle, de concert avec d’autres départements ministériels, pour limiter de tels risques ? Pourriez-vous par ailleurs faire le point sur le dossier Photonis ?

En outre, comme le chef d’état-major des armées nous l’a rappelé ce matin, la LPM est avant tout une LPM de réparation et de consolidation. Il nous faut donc aller encore plus loin dans le sens de la remontée en puissance de nos forces, comme nous y invitent les différents chefs d’état-major en nous alertant sur l’accélération des désordres du monde.

Je pense en particulier à la nouvelle vision du chef d’état-major de l’armée de terre, mais aussi aux alertes du chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace relatives à l’effritement de notre supériorité aérienne ou à celles du chef d’état-major de la marine quant à la probabilité d’un affrontement naval de haute intensité, qui constitue aujourd’hui une « hypothèse de travail ». À votre poste, pensez-vous que l’actualisation de la programmation offrira une occasion de franchir un palier supplémentaire dans la remontée en puissance de nos armées ?

M. Jean-Louis Thiériot. Si je me félicite des précisions que vous nous avez apportées, Monsieur le délégué général, je regrette qu’en dépit des conclusions de la mission flash que nous avions conduite avec Benjamin Griveaux, l’armée de terre et la marine n’aient pas été aussi bien servies que la filière aéronautique.

Sur les investissements étrangers, j’attends votre réponse à la question posée par notre collègue Christophe Lejeune.

Pouvez-vous par ailleurs faire le point sur l’état d’avancement des programmes SCAF et MGCS, car nous nourrissons effectivement quelque inquiétude à leur sujet en raison des échéances électorales en Allemagne dans la mesure où chaque étape doit donner lieu à un vote du Parlement ? Si le CEMAT nous a certes rassurés sur le plan opérationnel grâce à la présence de deux officiers de l’armée de terre à Coblence, qu’en est-il de l’aspect juridique et du calendrier politique ?

 

Comment évaluez-vous les conséquences de l’incendie du Perle, qui serait stationné à Cherbourg, entre les mains des équipes de la DGA ? Où en sont vos analyses et pensez-vous que ce sous-marin pourra être sauvé ?

Le directeur général de la gendarmerie nationale a annoncé devant notre commission la commande de quarante-cinq blindés : a-t-elle été pilotée par la DGA, par le service de l’achat, de l’équipement et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), ou bien est-elle le fruit d’un travail commun, ce qui permettrait de l’optimiser ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. L’armement léger de nos armées et les petits calibres, sur lesquels j’ai récemment remis avec notre collègue André Chassaigne un rapport d’information, pourraient fortement évoluer compte tenu du développement aux États-Unis de nouveaux calibres de 6,8 millimètres destinés à remplacer l’actuel calibre de 5,56 millimètres.

Les États-Unis étant par excellence la nation cadre de l’OTAN, leur nouveau calibre deviendrait quasi-nécessairement la norme OTAN, ce qui impliquerait à terme un changement d’armements tant en France qu’en Europe et l’adoption de ce nouveau calibre alors qu’aucune usine européenne ne le produit actuellement. Si nous ne le faisions pas, nous serions totalement dépendants d’eux.

Une autre solution consisterait à conserver le calibre de 5,56 millimètres ou à développer notre propre calibre, ce qui nous ferait courir le risque de ne plus être interopérables avec nos alliés américains et otaniens, et d’être en retard d’une guerre d’un point de vue technologique.

Quel est l’état de la réflexion de la DGA sur le sujet ? Quelles pistes sont envisagées afin d’anticiper une telle évolution ?

Nous connaissons les réserves que soulève une éventuelle relance d’une filière en 5,56 millimètres d’un point de vue strictement économique. Toutefois, au regard d’un tel changement de paradigme stratégique, la relance d’une filière du petit calibre souveraine, en partenariat avec nos amis européens, vous paraît-elle une solution pertinente ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Je vous félicite, Monsieur le délégué général, ainsi que tous les agents de la DGA, de continuer d’assurer vos missions dans le contexte sanitaire que nous connaissons.

Je salue s’agissant de la marine la livraison de l’Alsace, première frégate de défense aérienne ainsi que le lancement à partir du mois de décembre de la réalisation de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de troisième génération, en attendant de bonnes nouvelles concernant le futur porte-avions.

 

Les actifs stratégiques me tenant également à cœur, je reviens tout d’abord sur le programme de rénovation des chars Leclerc, évaluée à 350 millions d’euros environ pour 122 unités rénovées en 2025 et 200 à horizon de 2030, qui consistera en une « scorpionisation » des véhicules existants. N’existe-t-il pas dans cette perspective un angle mort, et donc un risque d’obsolescence concernant notamment les moteurs, c’est-à-dire les turbomachines, ainsi que les viseurs ? Pouvez-vous nous éclairer sur la conduite de ce programme ainsi que sur ce qui est prévu concernant cette obsolescence qui pourrait représenter plusieurs centaines de millions d’euros non budgétés à ma connaissance dans la LPM ?

Les livraisons à l’armée de terre du drone tactique Patroller de Safran ont été reportées en 2021 à la suite de l’accident survenu en décembre 2019. Au total, les armées devraient en réceptionner dix, et une suite de vingt-huit unités est envisagée par la LPM. Pourriez-vous nous éclairer sur le cadencement ainsi que sur le calendrier de ce programme ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Je vous félicite, Monsieur le délégué général de l’armement, pour la réactivité avec laquelle vos services ont soutenu notre industrie de défense.

Je voudrais évoquer les missiles air-surface tactiques du futur, qui pourraient équiper nos hélicoptères Tigre de standard 3. Les auditions que nous avons eues – en particulier celles du CEMA et du CEMAT, ce matin – ont mis en évidence la montée en puissance militaire et stratégique d’États comme la Russie, la Turquie ou l’Iran, qui rend plausible le déclenchement d’un conflit symétrique de forte ampleur. Cela explique la prolifération de matériels lourds : blindés, chars, pièces d’artillerie. Comme l’a expliqué le CEMAT, le programme de coopération Tigre standard 3 ou le Main Ground Combat System répondent à l’ambition de la France de faire face à de telles menaces. Le missile air-surface tactique futur (MAST-F) doit apporter à l’hélicoptère Tigre, dans le cadre de son évolution, la capacité de destruction et de neutralisation de ces menaces. Dans le contexte de la relance économique et de la réindustrialisation de notre pays, le consortium « européen » – si on peut qualifier ainsi cette entreprise essentiellement franco-britannique – MBDA propose un missile, fabriqué à Bourges, qui est en concurrence avec une autre version, anglaise, de cette arme ainsi que, notamment, avec les missiles américains. Avez-vous envisagé de démarrer ce programme et comptez-vous affirmer une préférence pour l’industrie française, en l’occurrence dans la région Centre-Val de Loire ?

M. Fabien Gouttefarde. Si on met de côté la dissuasion nucléaire et la préparation du futur missile anti-navire, peu de secteurs ont fait l’objet d’études amont significatives ces dernières années dans le domaine des systèmes de missiles. Nous confirmez-vous qu’un plan technologique de défense, succédant au programme d’études amont, relatif aux vecteurs sol-air basse couche, est prévu pour 2021 ? Cette industrie a besoin, comme les autres, d’un lien contractuel régulier avec le ministère pour maintenir ses compétences. Par ailleurs, est-il envisagé de lancer dès que possible des études sur les systèmes d’armes laser ?

 

M. Gwendal Rouillard. Où en est la collaboration que vous entretenez avec votre homologue italien ? S’agissant de la patrouille maritime, quel regard portez-vous sur les bouées acoustiques et sur le programme franco-allemand ? Je vous remercie de la confirmation que vous avez apportée au sujet des FDI. Nous sommes quelques-uns, à vos côtés, à être attentifs, à travers le calendrier de commande de ces navires, au maintien de la compétence et des savoir-faire à Lorient.

Mme Françoise Ballet-Blu. Je voudrais recueillir votre avis sur un sujet que j’ai abordé lors de l’audition du général Lavigne, il y a deux jours. L’enjeu est de taille, et j’espère que vous me pardonnerez cette redondance en tenant compte non seulement de ma double nationalité franco-suisse mais, surtout, de mon attachement à l’armée française et à son industrie. Force est de constater que les bonnes nouvelles se multiplient pour notre industrie, entre les ventes effectives à la Grèce et à l’Inde, et l’intérêt que portent les armées finlandaise et suisse au Rafale. Les 16 et 17 août 2019, le Zigermeet Airshow de Mollis, en Suisse, dans le canton de Glaris, a été le cadre d’une démonstration des meilleurs avions de chasse du monde. Le Rafale y aurait fait forte impression, en raison de sa puissance alliée à une grande maniabilité. À la suite de la votation du 27 septembre dernier, la Suisse a décidé de renouveler sa flotte. Pouvez-vous nous dire, Monsieur le délégué général, ce que vous savez de l’état des négociations et de l’évaluation des quatre avions en concurrence ?

M. Joël Barre, délégué général pour l’armement. Nous avions prévu un niveau d’engagements élevé pour 2020, de l’ordre de 24 milliards d’euros. Il est certain que nous ne les tiendrons pas, car ce chiffre était ambitieux, et à cela s’est ajoutée la crise du covid. Nous rattraperons ce retard au plus tard dans le courant de l’année 2021. Nous avons un débat avec Bercy sur les reports d’autorisations d’engagement, qui sera soumis à l’arbitrage de Matignon. Nous devrons continuer à y travailler mais je reste confiant.

Nous appliquons à toute demande d’investissements en provenance de pays étrangers la réglementation relative aux investissements étrangers en France (IEF) avec toute la rigueur et la précision nécessaires. Les équipes de Bercy, où débute le processus, nous apportent leur concours. Nous avons suivi cette procédure s’agissant de la pépite Photonis.Eramet se décidera peut-être à vendre Aubert et Duval, qui représente aussi un atout critique et stratégique pour nos matériels. Nous encourageons un tour de table de reprise avec, en particulier, les grands maîtres d’œuvre, utilisateurs des produits d’Aubert et Duval, que sont Safran, Airbus, Dassault etc. J’espère que ce montage émergera dans les semaines à venir.

La société CNIM est aussi un cas un peu particulier, car elle est active dans plusieurs domaines. Elle exerce une activité de défense et d’innovation technologique, que nous utilisons, parfois dans des domaines critiques – je pense aux tubes lance-missiles de nos sous-marins –, qui se porte bien économiquement. Malheureusement, ses comptes sont plombés par l’activité qu’elle conduit dans d’autres domaines, notamment la gestion des déchets. Je ne sais comment la situation évoluera mais nous veillerons à ce que les activités qui relèvent de nos intérêts de défense soient préservées et reprises dans des conditions qui protègent notre souveraineté sur ces technologies critiques.

Nous entrons dans l’exercice d’actualisation de la loi de programmation militaire 2019-2025, tel qu’il est prévu depuis l’origine. Nous n’en sommes donc qu’au début. Depuis 2018, nous avons tenu nos engagements en matière de gestion budgétaire, de développement et livraison – nous rattraperons en 2021 les effets du covid –, d’approfondissement de la coopération européenne et de transformation. Nous avons créé l’Agence de l’innovation de défense pour stimuler l’innovation, nous avons rapproché nos équipes de celles des armées pour mener à bien la démarche capacitaire qui doit présider à la naissance de tous les nouveaux programmes, nous avons revu le processus de programmation et de conduite de ces programmes, nous avons généralisé la démarche incrémentale pour gagner en réactivité et en efficacité. Nous pouvons, me semble-t-il, être satisfaits de ce qui a été fait – sans verser, bien sûr, dans l’autosatisfaction.

Depuis l’élaboration de la LPM 2019-2025, il me semble que le contexte géostratégique ne s’est ni allégé, ni adouci – une actualisation de la Revue stratégique est en cours, sous l’animation de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère de la défense. Le modèle d’armée qui répond à « l’Ambition opérationnelle 2030 » est plutôt à conforter qu’à remettre en cause – je ne fais que répéter l’analyse des chefs d’état-major.

Sur le plan économique, la LPM est, en soi, un facteur de relance important dans les circonstances que nous traversons. Il me semblerait paradoxal de revenir sur les trajectoires budgétaires qui ont été prévues.

La dernière raison plaidant pour l’actualisation de la LPM tient au fait que nous avons franchi, ces dernières années, des pas significatifs dans la construction de l’Europe de la défense. Les programmes de coopération capacitaires ont apporté leur pierre à l’édifice : il faut continuer dans cette voie. En dehors des accords franco-allemands, que j’évoquerai dans un instant, je citerai le programme « capacité motorisée » (CaMo) de livraison à la Belgique de véhicules Scorpion, Jaguar et Griffon. Ce partenariat franco-belge entraîne un rapprochement significatif de nos armées de terre, y compris dans les opérations extérieures – les chefs d’état-major ont dû vous le dire. La coopération capacitaire se traduit par un rapprochement opérationnel, donc par un renforcement de l’Europe de la défense. Pour toutes ces raisons, je plaide pour une actualisation conforme à la trajectoire prévue initialement.

Les programmes franco-allemands ont démarré, tant pour ce qui concerne l’aviation de combat du futur que le char de combat de nouvelle génération dit « système de combat terrestre principal » (MGCS). Compte tenu de l’échéance électorale allemande de septembre, nous voulons finaliser, au cours du premier trimestre 2021, un accord permettant de lancer une phase de démonstration de l’aviation de combat du futur, qui aboutira, en 2026, à mettre en vol une démonstration de toutes les technologies de cette aviation. Le montant de notre investissement, qui était de 100 à 200 millions d’euros, passera à plusieurs milliards – somme que nous partagerons avec les Allemands et les Espagnols. Notre objectif est d’entrer dans une phase qui commencera à être quasiment irréversible. S’agissant du char de combat du futur, nous devrons engager, au premier trimestre 2021, les travaux de prédéveloppement technologique qui, eux, n’ont pas encore démarré.

Le sous-marin Perle a été victime d’un regrettable accident lors de son chantier d’indisponibilité périodique pour entretien et réparations (IPER) à Toulon. Nous avons, dans un premier temps, cherché à en comprendre les raisons puis à en tirer des enseignements – travail que nous sommes en train de finaliser – pour les chantiers à venir, à Toulon, Brest ou ailleurs. Nous avons étudié les scénarios possibles pour pallier l’indisponibilité d’un SNA. Nous avons proposé des solutions à Mme la ministre des Armées, qui devrait annoncer prochainement le remède choisi, peut-être à l’occasion du salon aéronaval virtuel Euronaval qui se tiendra la semaine prochaine. Je pense que la solution adoptée répondra aux préoccupations opérationnelles que vous avez exprimées.

Les blindés de la gendarmerie nationale ne relèvent pas de notre champ de compétences. Il s’agit de véhicules de maintien de l’ordre, très légers, que la gendarmerie achète directement. Nous n’avons pas identifié de synergie entre ces blindés et les véhicules de l’armée de terre.

Monsieur Cubertafon, nous avions étudié, en 2018, la possibilité de relancer la filière des petits calibres quelque part en France. Nous avions constaté que cela représenterait un coût économique significatif et que nous n’avions pas de difficultés à nous approvisionner sur le marché européen et international. Nous avions suggéré de garder la question ouverte, tout en concluant un contrat de recherche et développement avec la société Nobel Sport visant à développer une catégorie de poudre à la performance améliorée et un processus industriel permettant d’être économiquement plus efficace. Ces travaux sont en cours et devraient franchir une première étape à la fin de l’année prochaine. Ce sera l’occasion de reconsidérer le dossier du petit calibre. Au regard du volet industriel du plan de relance, nous devrons, au plus tard en 2021, nous reposer la question qui a été soulevée sur ce nouveau calibre. Si le calibre employé au sein de l’OTAN devait changer, nous prendrions évidemment en considération ce paramètre dans la réflexion et les propositions de décisions.

Nous avons pris conscience qu’il fallait ajouter aux objectifs initiaux de rénovation du char Leclerc, qui s’inscrit dans le cadre du programme Scorpion, la nécessité de revoir les questions d’obsolescence que vous avez évoquées, en particulier concernant la turbomachine du char. Nous avons introduit ce paramètre dans l’exercice et sommes en train de l’analyser avant de lancer l’opération de rénovation du Leclerc dans les mois qui viennent.

 

Nous subissons hélas les conséquences du crash de l’aéronef relevant du système de drones tactiques (SDT) Patroller à Istres, en 2019. Nous avons remis à plat la conception, mais aussi les conditions de sécurité et de navigabilité de l’appareil. Nous devrons arriver, en 2021, à une reprise des essais avec l’armée de terre, ce qui marquera, il est vrai, un retard significatif par rapport au calendrier initial.

Il nous faut en effet intégrer un missile air-sol sur le Tigre standard 3. La solution française reste mon scénario de référence privilégié, mais encore faut-il que nous nous mettions d’accord avec MBDA sur le prix de l’opération. J’espère que, dans les heures qui viennent – car ne c’est plus qu’une question d’heures – nous convergerons sur la facture qui nous a été proposée.

Nous avons, comme vous l’avez dit, une activité soutenue sur la composante nucléaire aéroportée. Nous en parlons peu sur la place publique, mais le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G) est un programme très significatif en termes de recherche et développement. Le renouvellement de la composante de défense antiaérienne sol-air de moyenne portée (SAMP/T) est en cours, dans le cadre du programme SAMP/T NG, mené en coopération avec l’Italie. Nous conduisons avec les Britanniques le programme du futur missile antinavire-futur missile de croisière (FMAN-FMC), dont la phase de conception doit démarrer au début de l’année prochaine. Ce n’est pas simple, on doit encore y travailler, mais je ne suis pas inquiet concernant le plan de charge de MBDA, tant en recherche et développement qu’en production.

Les lasers font effectivement l’objet de travaux d’études amont, en particulier avec la Compagnie industrielle des lasers (CILAS). Des contrats relatifs à ces études ont déjà été conclus ; d’autres sont attendus.

Au titre de la coopération franco-italienne – je ne reviens pas sur le SAMP/T NG – nous avons fait un pas en avant, en 2019 et en 2020, dans le domaine naval, grâce à la conclusion de la joint-venture entre Fincantieri et Naval Group. De premiers contrats de recherche et technologie ont été signés en milieu d’année, portant sur la rénovation à mi-vie des frégates du type Horizon ou d’activités plus en amont. Nous notifierons, d’ici à la fin de l’année, le premier contrat de faisabilité de l’aviation de patrouille maritime du futur avec nos amis allemands. Nous avons mis un peu de temps, car il a fallu les convaincre que la plateforme du système devait être réellement européenne.

Nous avons pleinement à l’esprit les questions posées par la frégate de défense et d’intervention et le plan de charge de Lorient. Nous avons d’ores et déjà prévu dans le contrat des ajustements de prix en fonction du plan de charge et de la cadence de fabrication des frégates.

 

Madame Ballet-Blu, en effet, le Rafale s’est très bien sorti de sa phase d’évaluation en Suisse, face à ses concurrents et les travaux se poursuivent pour optimiser l’offre française. Le résultat de la votation a été serré et nous suivrons avec attention les prochaines étapes. J’espère que le processus ira à son terme. Dassault comme nous-mêmes comptons sur ce prospect et essayons de le mener de la manière la plus efficace possible.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, Monsieur le délégué général, pour vos réponses précises. Nous suivons de très près l’évolution des programmes, qui continuent à avancer malgré les conséquences de la crise sanitaire sur vos personnels et vos travaux. Nous avons assuré un suivi, au cours de la crise, de la BITD – nous connaissons tous, dans nos circonscriptions, des entreprises concernées. Comme nous avons pu le constater – je pense pouvoir m’exprimer au nom des commissaires –, les entreprises et les partenaires industriels de la défense ont apprécié l’accompagnement que vous leur avez apporté et la volonté que vous avez manifestée d’éviter des chutes parfois mortelles pour les petites sociétés. Ces dernières sont notre richesse, mais aussi la proie potentielle de prédateurs internationaux, en quête de nos compétences et de nos talents. Je voudrais donc saluer vos services et vous remercier pour le travail que vous avez accompli. Vous regrettiez de ne pas avoir mené cette tâche à son terme, mais le fait d’avoir rencontré 1 000 entreprises sur un total de 1 200, malgré les difficultés, relève de la prouesse et marque votre volonté de servir jusqu’au bout les engagements que nous avons souscrits dans le cadre de la LPM.

 

 

 


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II.   Examen des crédits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christophe Lejeune, les crédits inscrits au programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » pour 2021, au cours de sa réunion du mercredi 21 octobre 2020.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (programme 146 – Équipement des forces – dissuasion). À mon tour de m’exprimer pour rapporter devant vous les ressources inscrites au PLF pour 2021 au profit de l’équipement des forces et de la dissuasion. Je tenterai de me montrer à la hauteur de mon prédécesseur, Jean‑Charles Larsonneur.

Avec 21 milliards d’euros demandés en autorisations d’engagement et 13,6 milliards d’euros en crédits de paiement, le programme 146 « Équipement des forces » bénéficie de l’essentiel de la hausse du budget de la mission « Défense » : il se voit affecter près de 65 % des nouveaux crédits. L’effort consenti par la Nation en faveur de la défense est d’autant plus remarquable qu’il s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint, en raison de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques.

Avant d’évoquer les crédits inscrits pour l’année prochaine, permettez-moi de dire un mot de l’année en cours.

La base industrielle et technologique de défense (BITD) a été brutalement affectée par le coup d’arrêt porté à l’industrie au printemps dernier. Elle sera affectée durablement, aussi, en raison de l’absence de reprise, en particulier dans le secteur aéronautique, et de l’assombrissement des perspectives en matière d’exportation d’armement.

Dès le début de la crise, le ministère des armées s’est mis en ordre de bataille, en liaison avec les autres départements ministériels et les acteurs industriels, afin de limiter autant que possible l’impact de cette dernière sur la conduite des programmes d’armement. Il a ainsi été possible de livrer aux forces des véhicules Griffon, un avion Atlantique 2 rénové, ou encore le dix-septième A400M. De même, la DGA a été en mesure de poursuivre des essais, dont un tir du missile stratégique M51, le 12 juin, ainsi que la mise à l’eau pour essais en mer du premier sous-marin nucléaire d’attaque du programme Barracuda, le Suffren.

Toutefois, certains programmes connaissent des retards, dont la DGA estime qu’ils seront résorbés d’ici à la fin de l’année 2021, la plupart devant l’être l’été prochain.

Dans le même temps, d’autres programmes ont connu une véritable accélération, dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.

D’importantes annonces capacitaires devraient également intervenir prochainement concernant la propulsion du futur porte-avions, mais aussi l’option retenue s’agissant du SNA Perle, ou encore les modalités de financement des douze Rafale neufs dont la ministre a annoncé ici même la commande.

J’en viens à présent au PLF pour 2021.

Les crédits du programme 146 permettront de poursuivre la remontée en puissance capacitaire de nos armées – mes collègues rapporteurs en ont déjà dit un mot. Je signalerai simplement, au titre des commandes, celles des premiers hélicoptères Guépard, au profit des trois armées, et au titre des livraisons, celles de matériels lourds, de missiles ou encore de torpilles, là encore au profit des trois armées. Vous trouverez la liste complète de ces commandes et livraisons dans mon avis. Retenons simplement que 2021 sera une année faste pour l’ensemble des systèmes de forces.

J’aimerais également dire un mot de la préparation de l’avenir. Je ne reviendrai pas sur les études amont, évoquées par Fabien Gouttefarde, même si cette partie du programme 144 intéresse également le rapporteur des crédits de l’équipement des forces. Saluons simplement l’accroissement de leur financement, à hauteur de 900 millions d’euros en crédits de paiement.

En revanche, comment ne pas évoquer l’actualisation de la programmation militaire ? Les chefs d’état-major ont tous souligné devant nous l’exigence de se préparer à une intensification des tensions. Tous les milieux sont concernés et, après une LPM de réparation et de consolidation, il s’agit de poser les jalons de l’Ambition 2030, décrite par le rapport annexé.

Face à l’accélération des désordres du monde, nous devons poursuivre quatre objectifs.

Premièrement, garantir le respect des dispositions de la LPM, sans concéder le moindre recul.

Deuxièmement, continuer à amplifier notre effort, afin de remédier aux fragilités capacitaires identifiées.

Troisièmement, assurer la montée en gamme de la préparation opérationnelle, ce qui impose, par exemple, de compléter les stocks de munitions.

Quatrièmement, fournir un effort important en matière de ressources humaines, alors que l’essentiel des créations de postes prévues par la LPM doit avoir lieu entre 2023 et 2025.

J’en arrive à la partie thématique de mon avis, consacrée au soutien aux PME et PMI stratégiques. Celles-ci constituent l’essentiel du tissu industriel de la BITD, auquel nos collègues Jean-Louis Thiériot et Benjamin Griveaux ont consacré un rapport il y a quelques mois. Ce tissu industriel est composé de 4 000 entreprises environ, employant aux alentours de 200 000 personnes.

Les PME et PMI sont aussi la richesse de la BITD, car leurs personnels détiennent des compétences stratégiques des plus critiques, parfois même orphelines – comme on le dit de celles qui ne servent qu’à un type de projet, à l’instar de la construction d’un SNLE. Or elles ont été durement frappées par la crise. Nous le constatons tous, chaque jour, dans nos territoires.

De manière plus précise, le Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) estime que l’industrie du terrestre enregistrera une perte de 15 % environ de son chiffre d’affaires. La chute est beaucoup plus prononcée pour les entreprises de l’aéronautique, souvent duales : elles redoutent une diminution de 40 % en moyenne, pouvant aller jusqu’à 70 % dans le cas de certaines PME. N’oublions pas non plus les entreprises du secteur naval, fortement exposées elles aussi à la baisse du marché civil des croisières.

L’ampleur de la crise et son inscription dans la durée s’expliquent par la conjugaison de deux facteurs : d’une part, la contraction de la demande nationale et l’absence de reprise du trafic aérien, et, d’autre part, l’absence de reprise des marchés d’exportation. Au fond, il y va de la pérennité de nos PME et de nos PMI stratégiques, et donc du maintien de notre souveraineté.

La réponse apportée par l’État a été forte et efficace. La mise en place d’un dispositif renforcé d’activité partielle et les prêts garantis par l’État (PGE) ont été salutaires. De son côté, le ministère des armées a pris des mesures spécifiques : anticipation des paiements par la DGA, mise en place d’une task force chargée d’identifier et d’aider les structures les plus fragiles, plan de soutien, doublement de Definvest et création de Definnov, etc. N’oublions pas non plus que le plan de relance bénéficiera aux entreprises de la défense, qui sont légitimes et armées pour répondre aux futurs appels d’offres.

Mais, face à l’ampleur de la crise, il convient de s’interroger sur les moyens d’affermir notre politique de soutien en faveur des PME et des PMI stratégiques. À mon sens, plusieurs axes d’action méritent d’être poursuivis.

Premièrement, allonger les délais de remboursement des PGE.

Deuxièmement, réapprovisionner les stocks de petits équipements et de pièces détachées, ce qui aurait un effet immédiat pour des entreprises dont le carnet de commandes paraît bien vide au-delà de quelques semaines.

Troisièmement, étudier la possibilité d’anticiper à nouveau des commandes prévues par la LPM, sur le modèle du volet militaire du plan de soutien au secteur aéronautique. On pourrait penser au remplacement des camions GBC de l’armée de terre ou au renouvellement de l’ensemble de la flotte Puma.

Quatrièmement, mener une politique volontariste en matière de relance de l’export, alors que certains de nos compétiteurs profitent de notre absence pour ravir des marchés. À court terme, je pense aux potentielles commandes croate ou suisse de Rafale. Il y a aussi là un enjeu de financement de l’industrie de défense, face à la timidité de certaines banques.

Cinquièmement, conforter notre arsenal juridique afin de protéger davantage encore les entreprises stratégiques face aux investissements étrangers en France. Il y a là un vrai risque de perte de contrôle face aux appétits voraces de nos compétiteurs.

Sixièmement, accompagner un mouvement de consolidations, afin de remédier au morcellement du tissu industriel stratégique.

Avant de conclure et de répondre à vos questions, je n’oublie pas l’essentiel : je recommande évidemment l’adoption des crédits proposés par le Gouvernement.

M. André Chassaigne. Je salue ce très bon rapport, tout en étant un peu dubitatif quant à l’emploi de certains termes – je veux parler de la protection des « PME et PMI stratégiques ». Soyons attentifs à ne pas viser seulement les PME et PMI ayant des marchés stratégiques avec la défense : il y a aussi toutes les petites entreprises qui fournissent en particulier le petit matériel de l’armée, auquel Jean-Pierre Cubertafon et moi-même avons consacré un rapport d’information. Si l’on parle uniquement des « entreprises stratégiques », cela peut vouloir dire que les autres peuvent passer à la trappe.

Je voulais vous interroger plus particulièrement sur un point qui n’entre peut-être pas dans le champ de votre rapport : notre participation à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Il ne s’agit pas de soulever la question politique du maintien dans l’organisation, mais celle du coût que cela représente.

D’abord, il y a des conséquences directes pour nos intérêts commerciaux et industriels. En effet, il ne faut pas se faire d’illusions : ce qui est important pour les États-Unis avec l’OTAN – dans la mesure où, d’ailleurs, ils se désengagent de nombreux conflits –, c’est essentiellement de vendre du matériel. De fait, la concurrence qu’ils nous font est terrible, notamment en Pologne, dans les pays Baltes, en Hongrie, en Roumanie et dans bien d’autres pays d’Europe centrale.

Mais ma question est plus précise : trouve-t-on indiqué quelque part le coût de ce que représente notre participation à l’OTAN ? Par exemple, nous assurons la permanence aérienne dans les pays baltes et nous mettons à disposition 400 personnes environ qui travaillent dans les services de l’OTAN. Tout cela a-t-il été chiffré ?

M. Jacques Marilossian. L’année dernière, votre très distingué prédécesseur soulignait que les capacités des industriels à honorer les commandes nécessitaient un suivi attentif de la part de la DGA. Or, sur le plan technologique et industriel, ces derniers ont dû faire face à des difficultés, notamment avec le nouvel autodirecteur des missiles Exocet et les problèmes de vétronique des véhicules SCORPION. Thales a proposé, à ce titre, un plan de confiance pour répondre à la nécessité de redresser certains programmes. Ce plan vise à résoudre les problèmes des industriels, qu’il s’agisse des insuffisances dans le management ou de l’inadéquation des organisations. On peut comprendre aussi que les industriels aient pâti de l’impact du covid-19.

La DGA, qui veille déjà au suivi des commandes, devrait intégrer les problèmes liés à la pandémie, ainsi que les nouveaux objectifs que le politique va devoir fixer dans le cadre de la révision de la LPM. Ma question est donc la suivante : quelles sont les commandes qui doivent encore être engagées par la DGA d’ici à la fin de l’année ?

Mme Françoise Ballet-Blu. Je passe mon tour : la présentation du rapporteur pour avis à propos de la stratégie des PME-PMI était très complète.

Mme Florence Morlighem. Jean-Jacques Ferrara a évoqué avant vous la commande grecque de Rafale pour l’armée de l’air : j’aimerais connaître votre point de vue sur l’impact qu’aurait la confirmation de cette commande.

M. Jean-Louis Thiériot. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous sais gré d’avoir souligné dans votre partie thématique l’importance qu’il y a à soutenir nos PME-PMI : c’est un enjeu essentiel. Vous avez également cité le rapport que j’ai consacré à la question avec notre collègue Benjamin Griveaux.

Parmi les points de vigilance que vous avez soulignés, il y a celui du financement de nos entreprises de défense. Le GICAT a produit une note, dont La Tribune s’est fait l’écho aujourd’hui, concernant les difficultés de financement rencontrées à la fois auprès de grandes banques de la place, en France, et de fonds d’investissement. Outre les risques purement juridiques, ce sont les règles de compliance qui sont en cause : elles sont fondées sur des interprétations extrêmement exigeantes en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), mais aussi sur l’extraterritorialité de certaines législations – je pense notamment au droit américain –, et tiennent compte des risques de poursuites, y compris pénales, sur le fondement du droit international humanitaire. Que peut-on faire pour éviter que, pour le financement de nos entreprises, ce soient les juristes qui prennent la main, et non plus les stratèges et les banquiers ?

M. Thomas Gassilloud. Le rapporteur pour avis a évoqué de nombreux points intéressants dans son propos introductif, de la très haute technologie aux GBC de l’armée de terre, lesquels sont tout aussi importants.

Mes deux questions concernent chacune des extrémités du spectre.

Tout en haut du spectre, il y a la dissuasion, à laquelle les Français sont très attachés. Le Président de la République devait d’ailleurs se rendre aujourd’hui même au Creusot, en Saône-et-Loire, sur le site de Framatome. La semaine dernière, pour ma part, j’ai eu l’occasion de constater une fois encore à quel point les liens sont étroits entre les filières nucléaires civile et militaire. Quand il est question du nucléaire militaire, on pense bien entendu aux armements, mais la propulsion est également fondamentale, notamment pour la furtivité des SNLE. Est-il possible d’estimer les économies associées à la mutualisation de ces deux filières ? Cela me semble particulièrement important au moment où l’on parle de l’avenir de la filière nucléaire civile.

Ma seconde question sera plus courte. Vous nous avez fait part de votre préoccupation à l’égard du stock de munitions ; je la partage. Pouvez-vous nous dire comment sont dimensionnés ces stocks, notamment pour le petit calibre – enjeu particulièrement sensible compte tenu de l’absence de production nationale ?

M. Jean Lassalle. Je suis tout à fait d’accord avec Dédé le Rouge (Sourires) au sujet de l’OTAN : pourquoi payer autant pour ouvrir la porte à ceux qui ne sont pas nos grands amis en ce moment ? J’ai aussi une question un peu iconoclaste : ne pourrions-nous pas trouver un système de dissuasion – y compris sur un plan intellectuel – dans le combat de rue qui s’ouvre et qui va perdurer plusieurs années dans nombre de nos cités ?

M. Jean-Charles Larsonneur. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, d’avoir repris le flambeau du programme 146, qui m’est cher, et dont Jean-Jacques Bridey est aussi un très fin connaisseur. Je souhaite vous interroger sur les patrouilleurs futurs, et c’est d’ailleurs l’occasion pour moi de rendre hommage à nos industries dans ce domaine : je pense notamment à CNN MCO et à Socarenam, que je salue.

Ces patrouilleurs sont stratégiques, notamment nos patrouilleurs outre-mer (POM), dans un contexte de montée des tensions en Chine méridionale ou en Nouvelle-Calédonie. Le premier POM doit être livré en 2022 et le programme doit s’étaler jusqu’en 2025. Je crois qu’il n’y a aucune autorisation d’engagement cette année, et seulement 39 millions de crédits de paiement : pouvez-vous le confirmer ? Ce programme bénéficie-t-il, selon vous, des crédits adéquats ? Pourra-t-il être accéléré, notamment pour les POM ?

Mme Patricia Mirallès. Dans la sous-action 08.46 relative à la rénovation des Cougar, je note un écart de disponibilité des hélicoptères de manœuvre, entre l’armée de terre – 37 % – et l’armée de l’air – 87 %. Ces rénovations sont-elles communes aux deux armées ?

M. Jean-Marie Fiévet. La France possède nombre d’entreprises innovantes et compétitives, dans des secteurs stratégiques essentiels ; elles nous sont enviées par d’autres nations et sont présentes dans le monde entier. Nous pouvons nous réjouir que le Gouvernement ait décidé de mieux les protéger en 2018, en étendant à de nouveaux secteurs, comme l’intelligence artificielle ou le stockage de données, l’obligation pour les investisseurs étrangers d’obtenir une autorisation préalable de Bercy. En matière de défense, considérez-vous que nos entreprises stratégiques sont suffisamment protégées face aux appétits de ces compétiteurs ?

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Monsieur le président Chassaigne, lorsque j’ai évoqué les PME et les PMI stratégiques, je voulais évidemment parler de toutes les entreprises de la BITD. Il nous faut les protéger toutes, particulièrement celles qui sont orphelines dans leur domaine de compétences.

Le coût de la présence française dans l’OTAN peut s’analyser à différents niveaux. Cela représente certes un engagement financier, mais il correspond à la volonté politique de la France de faire partie de cette organisation internationale et de respecter ses engagements. Son coût proprement dit ne figure pas dans le programme 146 : je vais donc me renseigner pour vous répondre. Le fait que la France utilise des armes de différents calibres est une bonne chose : même si l’uniformisation du matériel permettrait de réaliser des économies d’échelle, elle risquerait aussi de nous rendre dépendants de nos amis américains.

Monsieur Marilossian, le DGA, que nous avons interrogé à ce sujet il y a quelques jours, nous a indiqué qu’il restait 10 milliards d’autorisations d’engagement à utiliser d’ici à la fin de l’année et que les délais seraient trop courts pour le faire. La crise sanitaire y est pour quelque chose mais aussi, et surtout, le niveau extrêmement élevé, et même sans précédent, des autorisations d’engagement fixées en loi de finances pour 2020, à hauteur de 24 milliards. Ce qui paraît essentiel, c’est que les milliards d’euros qui ne seront pas engagés d’ici la fin de l’année puissent l’être au titre de l’exercice 2021. Le DGA est en discussion avec Bercy, mais surtout avec Matignon, et il pense qu’il y a de grandes chances que cela aboutisse. Je pense que nous pourrions, collectivement, adresser un courrier au Premier ministre pour lui rappeler la nécessité de maintenir ces autorisations d’engagement et de reporter en 2021 les crédits qui n’auront pas été consommés au cours de l’exercice 2020.

Monsieur Thiériot, vous avez évoqué le rapport du GICAT, qui pointe un sous-financement de nos entreprises de défense. Mme la présidente Françoise Dumas est attentive à cette question, vous le savez, et nous avons entendu les grandes entreprises d’armement. Il faut absolument que le Parlement agisse, mais je pense que c’est à l’échelle européenne que les choses doivent se faire. Peu de nos programmes sont strictement franco-français ; c’est donc avec nos alliés politiques et industriels que nous devrons trouver une réponse. Nous ne pouvons pas laisser partir certains projets parce que nos entreprises n’auront pas pu être financées. Il faut absolument agir sur ces questions.

Monsieur Gassilloud, vous avez posé la question de la mutualisation entre le civil et le militaire dans le domaine nucléaire. Je pense sincèrement que sans la recherche sur la dissuasion militaire, le nucléaire civil n’existerait pas. Le projet Laser Mégajoule est un investissement lourd. C’est Jacques Chirac qui a mis fin aux essais nucléaires et Manuel Valls, vingt ans plus tard, qui a inauguré le Laser Mégajoule : au-delà de la simple approche politico-politicienne, c’est la raison d’être de la France. Pour ma part, je ne parlerai pas de mutualisation, mais de complémentarité : nous avons besoin à la fois du volet militaire et du volet civil pour que les deux puissent avancer.

Vous avez également évoqué, à l’autre bout du spectre, les armes de petit calibre. Nous disposons de plusieurs rapports parlementaires, qui montrent que nous ne sommes pas indépendants pour la production d’armes de petit calibre. Nos différents chefs d’état-major nous ont indiqué que ce n’était pas une nécessité absolue, tant que nous étions capables de nous fournir auprès d’industriels européens. Nous devons tout de même veiller à accompagner celles de nos entreprises qui fabriquent des munitions de petit calibre ou supérieur, en leur passant commande, par exemple dans le cadre du plan de relance : ce serait une façon de les soutenir économiquement, tout en renouvelant nos stocks.

Monsieur Lassalle, vous avez parlé de dissuasion dans les rues : qu’il faille rétablir l’ordre républicain dans tous les quartiers et territoires de notre pays, c’est effectivement une bonne chose, mais de là à utiliser la dissuasion nucléaire, c’est un peu exagéré… (Sourires.)

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas ce que j’ai proposé !

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. En tout cas, cela ne figure pas dans le programme 146.

Monsieur Larsonneur, la première livraison de POM est prévue en 2022 et la dernière en 2025. Pour cette année, des crédits de paiement sont effectivement prévus, mais pas d’autorisations d’engagement. Peut-être pourrions-nous, lorsque nous réviserons la trajectoire de la LPM, anticiper l’arrivée des POM.

Monsieur Fiévet, accompagner nos PME et nos PMI à l’export est une façon de les protéger, y compris contre les compétiteurs étrangers : la crise sanitaire et économique les a fragilisées et, si le marché ne reprend pas à très court terme, elles risquent de rencontrer de vraies difficultés. Un décret dit Montebourg, en 2014, avait déjà inscrit les entreprises du secteur de la défense dans le périmètre des entreprises à protéger face à des investisseurs étrangers. Nous l’avons renforcé en ramenant la prise de participation maximale de 25 à 10 % jusqu’à la fin de l’année ; ce dispositif doit être prorogé. Le meilleur moyen qu’ont ces entreprises de se protéger, c’est de se consolider. La BITD, ce sont 4 200 entreprises en France. On a beaucoup parlé des Rafale et je rappelle que pour faire un Rafale, Dassault recourt à 500 entreprises sous-traitantes. La loi PACTE visait à faire évoluer nos PME et nos PMI vers le statut d’ETI. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de consolider nos entreprises.

Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, pour cet excellent travail.

 

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Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, après avoir examiné ce matin les huit avis budgétaires, nous en venons cet après-midi aux orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et aux votes sur les missions « Défense » et « Anciens combattants ».

M. Jean-Michel Jacques. Rien n’a fondamentalement changé depuis la revue stratégique faite en amont de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, mais la crise sanitaire a agi comme un accélérateur et un révélateur de tensions géopolitiques préexistantes.

Depuis plusieurs années, le contexte géostratégique s’est dégradé et il est hélas amené à se durcir encore.

Pour assurer sa mission essentielle, c’est-à-dire protéger les Français, notre pays doit être en capacité de projeter sous très faible préavis des forces dûment entraînées et équipées sur tous les champs de conflictualité, au plus loin comme au plus près.

Au plus près aussi car, depuis plusieurs années et pour des raisons différentes, nos forces armées ont été mobilisées sur le territoire national. À ce titre, notre armée a prouvé à différentes reprises qu’elle demeure un acteur essentiel de la résilience de notre pays.

Cependant, tous ces enjeux sécuritaires ne sont pas nouveaux, puisqu’en adoptant la LPM, nous nous sommes dotés des moyens nécessaires pour y faire face. Pour cela, nous avons collectivement reconnu qu’il était indispensable de remédier à un certain nombre de fragilités auxquelles était soumis notre modèle d’armée depuis des années et d’assurer sa remontée en puissance afin qu’il soit le plus complet et le plus équilibré possible.

Nous le savons tous, une LPM, aussi ambitieuse soit-elle, ne pourrait remplir pleinement sa mission si elle ne se traduisait pas en bonne et due forme en loi de finances. Aussi pouvons-nous nous réjouir, pour la troisième année consécutive, que le projet de budget pour 2021 poursuive les objectifs ambitieux que nous avons adoptés dans le cadre de la LPM.

Conformément à nos engagements, le projet de budget dédié à nos armées pour 2021 est un budget ambitieux, puisqu’il consacre 39,2 milliards d’euros à la mission « Défense », soit une augmentation de 1,7 milliard.

En plus d’être d’un budget ambitieux, c’est un budget sincère puisque, contrairement à ce qui était devenu une coutume jusqu’en 2017, il prévoit de nouveau d’augmenter l’enveloppe de la provision servant à financer les missions intérieures et les opérations extérieures (OPEX), portées respectivement à 100 millions et 1,1 milliard.

Non content d’être ambitieux et sincère, ce budget demeure plus que jamais à hauteur d’homme, puisqu’il veille à améliorer le quotidien du soldat et de sa famille. En 2021, des efforts seront notamment consentis en matière non seulement d’habillement et d’équipement, d’hébergement en enceinte militaire, mais également de rémunération, puisque 2021 sera l’année du premier bloc de la nouvelle politique de rémunération des militaires centrée sur l’harmonisation de la mobilité géographique.

Enfin, pour réussir leurs missions, les forces armées doivent être équipées. À ce titre, la troisième année de l’exécution de la loi de programmation militaire sera une année de concrétisation, marquée par la fourniture de nombreux équipements : 157 Griffon, 1 000 véhicules tactiques polyvalents, six hélicoptères Caïman, une frégate multimissions et bien d’autres équipements.

L’ambition de doter nos armées des meilleurs équipements, couplée à la volonté du ministère de soutenir et de préserver les entreprises de notre base industrielle et technologique de défense, se poursuivra en 2021 par différentes prises de commandes pour un montant total de près de 44,7 milliards d’euros d’engagements, auxquels il faut ajouter les commandes anticipées annoncées dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.

Ambitieux, sincère, à hauteur d’homme, assurant la souveraineté de notre pays et la pérennité de notre tissu économique, le projet de budget pour 2021 est également tourné vers les anciens combattants et à même de financer des politiques en faveur de la mémoire et du renforcement du lien armée-nation.

Comme l’an passé, il convient de rappeler, d’une part, que la légère baisse structurelle est essentiellement liée à la diminution du nombre de bénéficiaires ayants droit, d’autre part, que l’ensemble des dispositifs de reconnaissance et de réparation sont maintenus, voire améliorés, comme en atteste la reconnaissance des conjoints survivants des grands invalides de guerre prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

En conclusion, avec grande satisfaction, nous pouvons dire que, pour la troisième année consécutive, le budget dédié à la défense est au rendez-vous des engagements de la loi de programmation militaire. Ensemble, mes chers collègues, nous continuerons à être exigeants dans son suivi et sa bonne exécution. C’est donc en confiance que le groupe La République en Marche émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de ces missions.

Mme Marianne Dubois. Plusieurs sujets préoccupent les députés du groupe Les Républicains, auxquelles ils ne trouvent pas de réponse claire dans la présentation budgétaire pour 2021.

L’hypothèse de la survenue à plus ou moins court terme d’un conflit de haute intensité est largement évoquée. Lors de sa prise de fonctions en juillet 2019, le général Thierry Burkhard indiquait : « Le rapport de force redevient le mode de règlement des différends entre nationaux. Nous devons résolument nous y préparer en gardant à l’esprit que le combat de haute intensité devient une option très probable. La situation en Méditerranée occidentale paraît, à ce stade, la plus préoccupante. La concentration dans une zone réduite de nombreuses nations ou intérêts divergents présente un risque majeur ».

Le respect de la trajectoire budgétaire dont nous prenons acte avec satisfaction n’est pas une fin en soi, d’autant que 2021 doit être l’année de la clause de revoyure de la LPM. « Les hausses de crédit prévues par la loi de programmation militaire 2019-2025 sont nécessaires mais encore insuffisantes, car elles n’autorisent pas la montée en puissance qui nous permettrait de faire face à un conflit classique de grande intensité ni même à certaines situations dégradées », a estimé le général Lecointre. Aussi l’effort devra être poursuivi après 2025, a-t-il prévenu. Même avec la LPM 2019-2025, l’armée française demeurera en volume une armée de gestion de crise, pas une armée de temps de guerre, non plus sans doute une armée capable de faire face aux crises complexes, simultanées, de types différents qui se multiplient.

La question du format opérationnel face aux nouvelles menaces et des moyens nécessaires pour y répondre se pose donc de manière prégnante et ne doit pas être mise sous le tapis.

Nous estimons que le rendez-vous avec le plan de relance est manqué. Le rapport Thiériot et Griveaux a fait plusieurs propositions afin de permettre au secteur de participer au plan : aucune n’a été retenue.

Les députés du groupe Les Républicains se félicitent de l’effort de sincérisation du financement des OPEX. Ils rappellent que le financement de leur surcoût a été un véritable serpent de mer pendant des années au sein du budget de la défense. Si la provision pour 2021 doit permettre de couvrir une grande partie du financement des OPEX à venir, la situation du budget 2020, toujours en cours, qui avait prévu un financement de 1,1 milliard d’euros, doit d’ores et déjà nous interroger. Au 15 octobre, le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, a indiqué que, pour la seule opération Barkhane, les surcoûts sont de 911 millions d’euros – en raison d’une augmentation de 600 hommes liée à la montée en puissance de la task force Takuba –, soit une hausse de 10 %, dont plus de 30 millions consacrés, entre autres, à l’entretien des matériels. Il ne reste donc que 289 millions pour financer les autres OPEX et opérations intérieures (OPINT) ainsi que les deux derniers mois de Barkhane. Étant donné le niveau d’engagement des forces françaises, on peut sérieusement douter que la provision pour 2020 suffise.

Le principe de solidarité interministérielle ayant été battu en brèche, fin 2018, une inquiétude forte demeure. Nous demandons le respect de ce principe et réitérons la demande que le ministère de la défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX : il ne doit pas payer deux fois.

Par ailleurs, lors de son audition, la ministre des armées a indiqué qu’1 milliard de crédits était encore gelé au titre de la réserve de précaution. En 2019, 3,9 milliards de report de charges ont été constatés. La ministre ne dispose pas encore de chiffres pour 2020, sachant que la direction générale de l’armement (DGA) a indiqué, lors de son audition le 15 octobre, que le report de charges pour le programme 146 s’élevait à 2,4 milliards.

Considérer que la LPM votée en 2018, soit deux ans avant la crise sanitaire majeure que nous connaissons, est la contribution déterminante du ministère des armées à la relance n’est pas à la hauteur des enjeux pour un secteur qui compte 4 000 entreprises et plus de 200 000 emplois non délocalisables et qui contribue chaque année de manière positive à notre balance commerciale.

Concernant le budget alloué aux anciens combattants, le groupe Les Républicains dénonce, une fois de plus, le discours de la ministre qui consiste, année après année, à se réjouir du maintien des droits existants. À la fin du quinquennat de 2022, le budget consacré aux anciens combattants passera sous la barre symbolique des 2 milliards.

Le groupe Les Républicains poursuivra dans sa logique et demandera la reprise de l’augmentation de la retraite du combattant. Un amendement tendant à une majoration de deux points d’indice au 1er juillet 2021 sera proposé.

L’annonce de la création d’une mission État-Parlement-associations sur l’évolution du point d’indice de la pension militaire d’invalidité (PMI) suscite des interrogations. Une réflexion est en effet nécessaire et le groupe LR souhaite y être associé.

Les députés du groupe Les Républicains continueront à soutenir sans faille le monde combattant et ses justes revendications tout en regrettant la vision purement comptable de l’actuelle majorité. Nous rappelons que le budget est en constante baisse depuis 2017. Nous supposons que la retraite du combattant sera revalorisée de quatre points en 2021, comme cela avait été fait en 2017, année électorale.

Dans ce contexte, les trajectoires budgétaires, certes conformes à la LPM, nous paraissent insuffisantes. En attendant les réponses de Mme la ministre dans l’hémicycle, nous nous abstiendrons.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Le groupe MODEM et démocrates apparentés soutient un budget cette année encore conforme à la programmation budgétaire. Le cap tracé par le Gouvernement, que nous avons collectivement amendé et validé à la majorité pendant l’examen de la LPM, est clair et survit à la conjoncture.

Le projet de budget pour 2021 conforte l’ambition de régénération de nos forces après des années de coupes. Cette stratégie budgétaire reste la même et nous pouvons nous féliciter que sa consécration ne varie pas en fonction de l’actualité, alors que nous savons toutes les pressions qui peuvent être exercées sur le budget des armées et des anciens combattants. Rappelons toutefois que chaque euro investi, des investissements à effet majeur aux petits équipements en passant par l’amélioration des conditions de vie et d’hébergement, a une incidence dans nos territoires.

Cela a déjà été rappelé, mais réjouissons-nous encore, mes chers collègues, d’une croissance supplémentaire du budget de la défense de 1,7 milliard d’euros. Nous pouvons évidemment nous attarder sur tel ou tel point des arbitrages entre programmes, mais restons conscients des équilibres négociés et des efforts consentis depuis le début du quinquennat, c’est-à-dire un renfort de 6,8 milliards.

Quant aux Anciens combattants, notre collègue Michel-Kleisbauer l’a rappelé, la réduction structurelle ne s’oppose pas à des réponses à des demandes récurrentes d’associations d’anciens combattants et à la transmission de la mémoire vivante aux jeunes générations.

Nous serons particulièrement attentifs à la seconde phase du projet budgétaire de la LPM qui devrait s’ouvrir sur la revoyure en 2021. Dans l’exécution du budget et la préparation de la revoyure, je rappellerai combien nous sommes attachés au respect du rôle du Parlement, en particulier pour la veille et la prospective. Il en est ainsi des sujets que nous défendons depuis la LPM et qui trouvent leur application croissante dans le budget à venir. Citons le budget de 624 millions pour l’espace, en cohérence avec nos amendements au rapport annexé sur l’arsenalisation et la densité spatiale ou, plus récemment, l’achat de nouveaux hélicoptères Caracal, en cohérence avec notre mission flash sur le parc d’hélicoptères, ou encore, les 237 millions investis dans le logement à l’issue du rapport d’évaluation de Fabien Lainé et Laurent Furst, qui ont tous deux quitté la commission et que je salue.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés sera particulièrement vigilant à l’articulation entre nos travaux passés et leur concrétisation budgétaire.

En évoquant la prospective, au-delà du budget qui lui est alloué cette année au sein de nos administrations, je sais que notre commission prendra toute sa place dans l’accompagnement et le contrôle de l’action du Gouvernement. Je souhaitais notamment mettre en valeur le travail de nos collègues sur la seconde partie du rapport. Comment ne pas penser que les travaux sur le porte-avions de nouvelle génération ne participeront pas au débat public ? Comment ne pas penser que les travaux sur nos combattants issus des colonies ne pourront pas contribuer à des actions mémorielles à engager demain ?

De même, les travaux toujours plus conjoints entre notre commission et celle des affaires européennes sont des vecteurs forts de notre participation à la construction d’une Europe de la défense qui passe également par notre participation budgétaire.

Enfin, l’accroissement des budgets dans certains domaines comme le renseignement ne peut qu’inciter au renforcement de la fonction de contrôle du Parlement. Notre groupe prendra toute sa part dans la préparation de demain, en particulier dans le cadre croissant des énergies, des réserves et de la synergie interministérielle.

Pour toutes ces raisons, qui conduisent le Parlement à s’intéresser de près à la conduite de la politique de la défense nationale et à celle de la reconnaissance due aux anciens combattants, notre groupe donnera un avis favorable au projet de budget et s’associera à vous, mes chers collègues, pour le faire vivre dans le dialogue et le respect du débat parlementaire au service des armées de la France.

Mme Isabelle Santiago. La discussion budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2021 s’inscrit dans un contexte marqué par le covid-19 et par l’accroissement des menaces et des tensions au niveau international. Face à la montée de conflits au voisinage de l’Union européenne et à l’affirmation d’acteurs étatiques révisionnistes de plus en plus enclins à remettre en cause le statut hérité de l’ordre international libéral d’après 1945, les dépenses en matière de défense n’ont peut-être jamais autant trouvé leur importance pour assurer la sécurité des Français.

L’année 2021 est également importante et significative pour le budget de défense, car c’est celle de l’actualisation à mi-parcours de la loi de programmation militaire 2019-2025. Comme le souligne à juste titre le chef d’état-major des armées, le général Lecointre, jusqu’en 2021, la LPM permettait de réparer les armées après des années de sous-dotation. Après 2021, s’ouvrira le temps du renouvellement et de l’augmentation.

C’est donc une année charnière aux nombreux enjeux pour la conception et l’élaboration de nouveaux programmes d’armement, dont beaucoup sont conçus en coopération avec d’autres États européens. Il s’agit notamment du système de combat aérien du futur (SCAF), du système de patrouille maritime futur, du système de lutte antimines du futur. Cependant, hormis le programme SCAF, ces programmes sont financièrement sous-dotés.

On peut légitimement s’interroger sur la dynamique d’avancement différenciée de ces programmes d’armement et l’efficacité de l’actualisation de la loi de programmation militaire en vue des trois prochaines années. Certes, le rythme d’augmentation des crédits de la mission « Défense » par rapport aux objectifs de la loi est tenu ou presque. Au lieu du 1,7 milliard d’euros annoncé, le document budgétaire ne retrace que 1,61 milliard, soit une différence significative de 100 millions. Mais l’augmentation des crédits ne doit pas seulement être la seule boussole à laquelle évaluer la pertinence de ce projet de budget et ses conséquences pour les armées, elle doit également permettre de relever des défis plus structurels et récurrents auxquels font face les armées.

De ce point de vue, il convient de souligner que les armées restent soumises à de fortes tensions et fonctionnent parfois à la limite de leur capacité. Ainsi le renouvellement et l’amélioration de la préparation opérationnelle restent de forts enjeux.

Face aux engagements toujours plus intenses en opérations extérieures, au retard de certains programmes d’armement ou à la difficulté de fidéliser les personnels, les armées ne sont plus en mesure d’assurer l’entraînement et la préparation opérationnelle indispensables au maintien des compétences. La crise du covid n’a guère contribué au maintien d’un rythme de recrutement soutenu en 2020.

Je terminerai par le soin que l’on doit accorder aux personnels des armées, la fidélisation des personnels et l’amélioration de la condition des militaires, notamment par le plan « famille ». Il n’est pas encore pleinement satisfaisant. Le nombre des attributions et des dénonciations de contrats, tant par les officiers que par les sous-officiers, reste élevé.

En conclusion, même si, budgétairement, les engagements sont tenus, le budget « Défense » du PLF 2021 comporte encore un grand nombre d’hypothèques qui rendent l’actualisation de la loi de programmation militaire, le renouvellement et l’augmentation des armées encore incertains. C’est la raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre quatrième budget de ce mandat et le troisième dans le cadre de la LPM 2019-2025. Après avoir entendu les exposés complets de nos collègues rapporteurs, que je félicite de nouveau pour leur travail, j’ai été chargé de vous faire part de l’avis du groupe Agir ensemble.

Ce projet de budget représente une performance, puisqu’il a résisté à l’habituelle remise en question, toujours à la baisse, des LPM en cours de mandat, performance d’autant plus notable au regard de la conjoncture : crises des gilets jaunes, des retraites puis sanitaire.

Ce projet de budget respecte les engagements fixés dans la LPM. Il augmente de 1,7 milliard d’euros, soit 4,5 %. Il évite le piège de la marche en termes de pourcentage du PIB pour rester dans la trajectoire financière prévue par l’Ambition 2030 et permettra à nos armées de disposer d’un budget annuel d’environ 50 milliards. Les domaines critiques de l’espace, de la cyberdéfense et de la dissuasion sont bien pris en compte pour garantie notre autonomie stratégique nationale. Les capacités conventionnelles verront les livraisons d’une frégate multi-missions (FREMM), de trois MRTT Phénix, de 157 blindés Griffon et de nombreux autres équipements. Le quotidien du soldat, trop longtemps sacrifié au profit des grands programmes d’armement, est amplement valorisé grâce à 237 millions d’investissement dans les programmes d’hébergement, la poursuite du plan « famille » ou la livraison de petits équipements. Ce budget soutient l’activité industrielle de nos PME, TPE et start-up sur le territoire national et contribue activement à la relance économique.

Au-delà du prisme budgétaire, ce projet de budget est l’occasion d’une réflexion sur notre vision stratégique pour les années qui viennent. Les évolutions prévues par la revue stratégique se sont accélérées : risque terroriste, affrontement sino-américain, revanche des empires russe et ottoman. Une rupture stratégique s’est même opérée avec la crise covid dont les répercussions sur le long terme sont encore inconnues.

De nombreuses questions se posent. Dans ce monde instable, j’évoquerai la conciliation du dilemme entre masse et haute technologie, en gardant le modèle d’armée complet pour éviter toute impasse et des capacités prépositionnées ou déployées en OPEX. Malgré une LPM très ambitieuse, le sujet de la masse reste malheureusement d’actualité puisque, depuis la fin de la guerre froide, les armées ont souvent été dimensionnées, voire organisées, pour faire face à une moyenne d’engagement et non à des pics. Compte tenu du risque d’engagement majeur, il nous faut désormais mieux travailler notre capacité à faire face à des pics d’engagement, en termes matériels ou humains, c’est-à-dire, maintenir une logique de flux tout en prévoyant une logique de stock.

Les travaux préparatoires de la revoyure de la revue stratégique sont en cours du côté du ministère. L’enjeu des prochains mois me semble être désormais, individuellement et collectivement, au Parlement, de préparer ces travaux de revoyure qui interviendront au printemps prochain et auxquels notre groupe souhaite être associé. Là encore, nous rappelons notre attachement à ce que le Parlement soit associé à ces travaux.

Dans cette attente, le groupe Agir ensemble approuve sans réserve et avec conviction les crédits des missions « Défense » et « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

M. Grégory Labille. C’est pour moi un moment particulier et important puisque, député nouvellement arrivé sur les bancs de cette commission, c’est la première fois que je suis amené à émettre un avis et à voter les crédits des missions budgétaires. Enseignant de profession, avant d’intégrer la commission de la défense et de participer à la séance de ce matin, j’étais plutôt sensible aux sujets touchant l’éducation. Je remercie Mme la présidente pour la qualité de l’animation de la commission, les nombreux rapporteurs pour la qualité de leur travail et celles et ceux qui, ce matin, ont questionné les rapporteurs. Vous avez tous fait preuve de pédagogie et les sujets abordés ont aiguisé ma curiosité de jeune élu.

Avant de vous indiquer la position du groupe UDI et indépendants, je me dois de vous exposer nos remarques, nos constats, nos interrogations et nos points de vigilance.

Force est de constater que pour la mission « Défense », dotée d’un budget de 39,2 milliards d’euros, en hausse de 4,5 % par rapport à 2020, la tâche aurait pu être beaucoup plus difficile. Alors que notre pays connaît une violente crise sanitaire et économique, une réflexion court-termiste aurait pu conduire le Gouvernement, comme d’autres l’ont fait si souvent par le passé, à tailler dans le budget des armées. Cela n’a pas été le cas, et nous nous en réjouissons. À l’inverse, le choix a été fait de respecter la LPM votée en 2018 en augmentant le budget de la mission de 1,7 milliard.

Nous regrettons toutefois que la défense soit la grande oubliée du plan de relance, car l’industrie de défense constitue un des investissements les plus performants en matière d’emploi et de retour budgétaire pour l’État.

Face à un monde chaque jour plus instable et dangereux, où les conflits gagnent en complexité et où les crises se multiplient, face au retour du fait guerrier et à la politique du fait accompli, face à l’apparition de nouveaux champs de conflictualité, il est urgent de reconstruire une armée de guerre capable de répondre à l’ensemble des menaces.

S’il est indispensable d’intensifier les efforts, il faut néanmoins se rappeler l’état dans lequel se trouvaient nos armées il y a quelques années et le chemin parcouru.

Il s’agit d’un projet sérieux et satisfaisant dont notre groupe souhaite souligner quelques aspects.

Nous nous réjouissons que les armées deviennent le premier recruteur public de France par l’embauche de près de 27 000 personnes. Des domaines aussi essentiels que le renseignement, la cyberdéfense, la protection des emprises militaires et le soutien aux exportations doivent être renforcés. La création de 300 postes y contribuera.

De surcroît, ce budget concourra à l’amélioration des conditions de travail, de vie et d’équipement de nos soldats. Nous savons tous ici combien ces améliorations sont attendues.

Sur le plan capacitaire, la livraison de nombreux équipements, tels qu’une frégate multi-missions (FREMM) de défense aérienne, trois avions ravitailleurs MRTT Phénix, 157 blindés Griffon, 20 blindés Jaguar ou 6 hélicoptères NH90 Caïman, ainsi que les différentes commandes prévues en 2021, sont des signes visibles et concrets de cette remontée en puissance.

Alors que nos armées se doivent de garder un coup d’avance pour faire la différence sur les théâtres d’opération, le Gouvernement, en consacrant 901 millions pour soutenir l’innovation et concevoir les technologies de demain, prouve qu’il a conscience qu’innover demeure plus que jamais une question de survie.

Si nous sommes satisfaits du projet de budget pour 2021, notre groupe demeurera vigilant sur quatre points pouvant avoir de sérieuses répercussions : la conséquence de la vente de Rafale à la Grèce, l’incendie du sous-marin nucléaire Perle, les décisions prises quant au futur porte-avions de nouvelle génération et les surcoûts liés aux OPEX et aux missions intérieures (MISSINT).

Même si le budget de la mission « Anciens combattants » est en baisse, notre groupe considère qu’il demeure satisfaisant dans un contexte économique particulièrement difficile et compte tenu de l’éclaircissement malheureux des rangs au sein des combattants.

Les droits en faveur des anciens combattants et de leurs ayants droit sont maintenus et même, dans certains cas, étendus.

Nous nous réjouissons des 17,5 millions supplémentaires destinés à la politique de mémoire et des 2,5 millions consacrés à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pour l’entretien courant des lieux de mémoire. Il était important que cette fonction essentielle soit remise à niveau. Il nous paraît maintenant nécessaire de réfléchir à une structuration de la mémoire avec le monde enseignant. C’est l’enseignant d’un territoire durement touché lors des premières guerres mondiales qui le dit.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants votera ces missions budgétaires.

M. Bastien Lachaud. La publication de l’annexe budgétaire suscite de nombreuses questions et même un malaise, dans la mesure où de grandes décisions structurantes ont été prises avant ou seront prises après l’adoption de ce projet de budget et auront échappé à la représentation nationale.

Commençons par évoquer le cadre global dans lequel ce budget nous est proposé. Dans le contexte de crise sanitaire et économique engendré par l’épidémie de covid-19, chacun reconnaît que la relance s’impose. Vous revendiquez d’y participer mais en réalité, il n’en est rien. Suivre la trajectoire budgétaire même haussière d’une LPM définie il y a trois ans ne peut être considéré comme de la relance. Les PME de la base industrielle et technologique de défense (BITD), les sous-traitants des grands groupes ont besoin d’une action volontariste qui ne se limite pas à lancer des commandes qui figuraient déjà dans de nombreux plans de charge. J’ai déjà donné ici même l’exemple de Tarbes Industry, dont l’avenir est en jeu. Je renouvelle mon alerte au sujet de ce prestataire de Nexter, mais de nombreux autres sont en danger. Une ligne budgétaire spécifiquement dédiée aurait été souhaitable.

Le contexte militaire en tant que tel est marqué par les prises de position des différents chefs d’état-major en faveur d’une révision de l’état des menaces et des moyens d’y faire face. En 2021, une clause de revoyure de la LPM est prévue. Dans ces conditions, on aurait pu penser que le lancement des grandes commandes s’accompagnerait d’une sorte d’aggiornamento doctrinal, voire y serait subordonné. Cela n’est pas le cas.

Entrons dans le détail des mesures pour lesquelles nous ne possédons guère d’éléments suffisants pour voter.

Concernant les ressources humaines, la nouvelle politique de rémunération des militaires doit être mise en œuvre en 2021, mais nous ne savons que deux choses : elle s’appuiera sur le déploiement de sources soldes et elle commence par la création d’une prime dont le coût est estimé à 38 millions. Elle est pourtant présentée comme une profonde transformation du système. Par conséquent, on est prié de voter la mise en chantier d’une politique fondamentale dont nous ne possédons pas le dernier mot.

Venons-en au porte-avions de nouvelle génération pour lequel 7 millions de crédits de paiement et 330 millions d’autorisations d’engagement doivent être débloqués. Quand les données du problème ont-elles été exposées méthodiquement au public ou même à la représentation nationale ? Quand a-t-on pris le temps de construire ou d’essayer de construire un consensus éclairé à ce propos ? Jamais !

De même, concernant l’avenir de la flotte sous-marine, la décision de réfection du SNA Perle est certes tributaire d’analyses complexes, mais aucune des grandes pistes qui pourraient être suivies n’est mentionnée dans le document budgétaire. On compte deux mentions du SNA seulement et aucune ne précise combien il faudrait provisionner pour sa réfection. Le budget sera-t-il obsolète immédiatement après son adoption ?

La vente de 18 Rafale et le rachat de 12 appareils neufs ne figurent pas non plus dans notre annexe budgétaire. L’échéancier des commandes et livraisons ne présente pas cette opération, quasiment assurée. L’effet sur les capacités de l’armée de l’air demeure incertain et le bilan financier de l’opération tout autant. Il n’est pas certain que les produits de la vente reviennent de Bercy à Brienne. Les appareils d’occasion seraient vendus 400 millions, soit un rabais d’environ 60 %. L’achat de douze autres avions, pour environ 1 milliard, représenterait donc un trou d’environ 600 millions. La dépense n’est pas anticipée.

Venons-en à l’un des chiffres les plus originaux de cette année : 1 milliard en autorisations d’engagement supplémentaires au bénéfice de projets immobiliers du renseignement. On comprend sans peine que les projets des services du renseignement bénéficient d’une certaine discrétion. Nous soutenons également le principe de la hausse de ce budget, mais nous avons tout de même du mal à admettre que des opérations immobilières s’élevant à 1 milliard soient soumises à l’approbation des élus sans que quelques éléments techniques et juridiques soient présentés. Pour donner un ordre de grandeur, ce milliard représente à lui seul le tiers du coût initialement prévu pour Balard. De quoi nous laisser perplexes !

Enfin, parlons de la jeunesse et du service national universel (SNU). Le programme 212 transfère 461 000 euros au programme 163, mais cela ne signifie pas que les armées seront déchargées. La description de la sous-action « commandement et activités centralisées des forces aériennes » précise que son budget comprend la montée en puissance du SNU. Pour quel montant ? On l’ignore. Qu’en est-il des autres armées ? On l’ignore également.

Finissons par les OPEX. La LPM prévoyait une dépense de 1,1 milliard. Le projet est de 820 millions dans cette loi de finances initiale. Les 300 millions devront-ils être rattrapés pour boucler l’exercice ? En tout cas, cette provision contrevient au principe de financement interministériel des OPEX et acte le maintien d’un haut niveau d’engagement pour lequel nous n’avons toujours pas de bilan stratégique. C’est pour le moins ennuyeux.

Pour conclure, je suis tenté de dire que la communication hypnotique sur le thème de la remontée en puissance laisse transparaître, dans ce projet de budget, de nombreux impensés et en suspens de nombreuses questions.

M. André Chassaigne. Je laisserai le soin à Manuéla Kéclard-Mondésir de livrer en séance publique notre analyse sur les différents crédits et de préciser le vote des deux composantes du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : les députés communistes et les députés d’outre-mer. Pour ma part, j’évoquerai l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), la dissuasion nucléaire et les ventes d’armes.

Interrogé ce matin sur le coût de notre participation à l’OTAN pour notre budget, le rapporteur a indiqué qu’il me répondrait sur la mise à disposition d’environ 400 personnes et la permanence aérienne assurée par la France au-dessus des pays baltes. Pour ma part, je considère qu’il faut dégager le continent européen de l’OTAN en prônant sa dissolution. Elle pourrait commencer par le retrait de la France de cette alliance dépassée par l’histoire et que le Président de la République a définie comme étant « en état de mort cérébrale ». Chacun sait ce que cela représente pour les intérêts industriels et commerciaux des États-Unis. Nous constatons une forme de schizophrénie. Rappelons l’opération de l’OTAN au large des côtes de la Libye quand la frégate légère furtive française Courbet a été visée par une manœuvre hostile de deux frégates turques lance-missiles protégeant un navire turc pratiquant la contrebande d’armes en direction d’un pays sous embargo de l’ONU. C’est dire à quel point l’OTAN est effectivement en état de mort cérébrale.

Faut-il conserver une dissuasion nucléaire ? La question, aussi importante sur le plan éthique que sur celui de l’efficacité, doit faire l’objet d’un débat public. J’ai signé une proposition de loi visant à organiser un référendum en application de l’article 11 de la Constitution, alinéa 3, sur la participation de la France à l’abolition des armes nucléaires et radioactives, avec la question suivante : « Approuvez-vous que la France participe à l’abolition des armes nucléaires et radioactives et engage avec l’ensemble des États concernés des négociations visant à établir, ratifier et appliquer un traité d’interdiction et d’élimination complète des armes nucléaires et radioactives sous un contrôle mutuel et international strict et efficace ? ».

Sur le plan éthique, nous demandons que le Gouvernement, fort de l’autorité qui est celle de la France dans le monde, prenne l’initiative d’un processus de désarmement nucléaire complet, multilatéral, contrôlé, vérifiable et intégrant de façon contraignante tous les pays à capacité nucléaire. Certes, la lutte pour la paix ne peut se réduire à un simple désarmement unilatéral, ce qui conduirait au même échec que la bulle papale interdisant l’arbalète au Moyen Âge, mais notre budget comporte 4,12 milliards d’investissements, soit 25 milliards sur cinq ans, dont une partie pourrait être réorientée vers d’autres actions, comme je le proposerai par voie d’amendement.

Quant aux ventes d’armes, les entreprises du secteur de la défense n’exercent pas la diligence requise en matière de droits humains définie par les principes directeurs de l’ONU relatifs aux droits humains. Les États, dont la France, ont été incapables d’exercer une diligence raisonnable dans leurs activités internationales, tant pour leurs chaînes d’approvisionnement que pour l’utilisation de leurs produits et services. Pour ne citer que les deux plus importantes, Dassault Aviation et Thales sont des entreprises françaises qui fournissent des équipements et des services militaires à la coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, parties prenantes au conflit en cours au Yémen. Depuis le 27 mars 2017, une loi impose un devoir de vigilance aux sociétés mères et aux entreprises donneuses d’ordres. Les États, dont la France, on le devoir de jouer un rôle protecteur face à des abus commis par des acteurs non étatiques.

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*     *

Mme la présidente Françoise Dumas Nous en venons à l’examen des amendements et au vote sur les crédits de la mission « Défense ».

Article 33 : État B – Mission « Défense »

La commission est saisie de l’amendement II-DN4 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je suis intervenu ce matin sur la nécessaire augmentation des moyens du service de santé des armées (SSA). En cohérence, je propose d’y affecter une partie des moyens consacrés à la dissuasion nucléaire. M’appuyant sur les déclarations du général Lecointre et du médecin général des armées, Marilyne Gygax Généro, je propose de réfléchir à la création d’une structure médicale modulable plus importante, afin d’éviter de devoir monter rapidement un hôpital militaire, comme nous l’avons fait, sans avoir sous la main tous les matériels nécessaires.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Je partage votre intérêt pour le service de santé des armées. Lors de l’opération Résilience, nous avons vu que la mission de nos soignants avait une application civile, et nous avons tous à l’esprit le transfert des malades. Il faut soutenir ce service et nous le faisons. Permettez-moi de vous rappeler que jusqu’à cette LPM, le SSA avait perdu 10 % de ses effectifs au cours des quatre précédentes années. Ils ont, depuis, été stabilisés, voire légèrement augmentés. S’agissant des recettes budgétaires, nous allons faire un effort remarquable, que l’on estimera peut-être insuffisant, de 27 %. Je comprends votre impatience, mais on ne peut pas constituer et former une équipe médicale dans un délai aussi réduit. De surcroît, vous gagez votre amendement en retirant des crédits à la dissuasion, ce qui me semble particulier. J’émettrai donc un avis défavorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Ce matin, nous avons évoqué longuement les crédits du SSA. Ceux-ci passent de 30,9 millions d’euros en CP et 47,2 millions en AE en 2020 à 48,3 millions en CP et 147,8 millions en AE. Personne ne conteste cette augmentation, bien, au contraire. J’aurais voulu faire plaisir à notre collègue le président Chassaigne…

M. André Chassaigne. Je n’en suis pas vexé, je ne m’attendais pas à un miracle !

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. …mais, pour nous, la dissuasion est un élément important, un instrument de notre souveraineté et de notre indépendance. Malgré la pertinence et la qualité de votre intervention, nous considérons que les crédits consacrés à la dissuasion doivent être sanctuarisés.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Le débat est intéressant, parce qu’il pose la question de notre force de dissuasion. Nous l’avons vu dans le débat sur l’armement de petit calibre, la France a choisi de garder sa filière de souveraineté. Autant l’objet pour lequel vous souhaitez une augmentation est louable, autant puiser dans la défense nucléaire est un mauvais choix, parce que la France envisage la dissuasion en premier ou en ultime recours, la diplomatie opérant entre les deux. Si la France veut rester un bras armé dissuasif de la paix dans le monde, elle doit garder sa capacité de dissuasion. C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM soutient entièrement la préservation des ressources dévolues à la politique de dissuasion de la France.

M. Bastien Lachaud. Le débat apparaît d’emblée truqué, dans la mesure où la Constitution de la Vème République prive le Parlement d’une de ses attributions essentielles qui est de déterminer le budget de la nation. Le Parlement ne peut augmenter les dépenses, seul le gouvernement le peut. Nous avons affaire à un Parlement croupion, contraint de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le vrai débat sur l’amendement du président Chassaigne porte donc sur l’opportunité de l’augmentation du budget du SSA, pas sur le gage. Son exposé des motifs fixe pour objectif la réouverture de l’hôpital du Val-de-Grâce dont la crise sanitaire a montré que la fermeture avait été une erreur. Ce n’est que parce que nous sommes bridés par l’article 40 de la Constitution que nous ne devons pas approuver cet amendement. Il reviendra au Gouvernement de lever le gage pour garantir le maintien de la dissuasion nucléaire. Je voterai pour l’augmentation du budget du SSA.

M. André Chassaigne. Dans un cadre formaté, il faut, pour faire évoluer le budget, prendre l’argent quelque part. Il est plus facile de puiser dans les plus de 4 milliards d’euros consacrés à la dissuasion nucléaire que sur une autre ligne.

Mme la présidente Françoise Dumas. Certes, mais il s’agit tout de même de la clé de voûte de notre système de défense !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-DN3 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. En forme de clin d’œil à mon collègue Jean-Pierre Cubertafon, il s’agit d’un amendement d’appel faisant suite au rapport que nous avons rédigé sur le petit équipement de l’armée. Là encore, il faudrait dégager davantage de fonds. Là encore, il a fallu aller piocher là où il y avait un peu plus de moyens, en lien avec notre proposition de revenir sur la politique nucléaire de la France.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Les petits équipements sont nécessaires à nos armées. Nous étions tous d’accord avec le rapport proposé en ce sens par nos deux collègues. La LPM prévoit un budget en augmentation pour les acquisitions de petit équipement. On peut toujours penser que cela ne va pas assez vite, mais il augmente. Toutefois, je le répète, nous ne pouvons toucher au budget de la dissuasion, même si vous le trouvez important. Nous nous sommes rendus, avec la présidente Françoise Dumas, au PC de la dissuasion nucléaire. On ne peut pas tout dire dans cette salle mais j’invite certains de nos collègues à aller échanger directement avec ceux qui, au quotidien, font vivre notre dissuasion nucléaire, afin de comprendre les nécessités budgétaires de notre indépendance. Quelqu’un a demandé si des économies d’échelle entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire étaient envisageables. Ce n’est pas le cas mais il existe une complémentarité, l’un n’allant pas sans l’autre. La dissuasion est une clé de voûte, le petit matériel aussi : nous ne saurions financer son achat en réduisant le budget de la dissuasion. J’émets donc un avis défavorable.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Bien que je me sois exprimé défavorablement au sujet de la proposition de prélèvement sur le budget de la défense nucléaire, cette proposition figurant dans le rapport que vous avez présenté avec Jean-Pierre Cubertafon, le groupe MODEM s’abstiendra.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement II-DN18 de M. Larsonneur n’est pas défendu.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN10 de M. David Habib.

La commission examine l’amendement II-DN11 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Claude de Ganay. J’indique à notre jeune collègue que son groupe présente régulièrement cet amendement depuis deux à trois ans. Il est fait référence à l’évolution du prix du baril de pétrole. Je précise que le service des essences, rebaptisé cette année service de l’énergie opérationnelle, passe chaque année des contrats qui lui permettent de prendre des mesures d’ordre réglementaire afin de s’adapter aux fluctuations du marché.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette successivement les amendements II-DN6 et II-DN7 de M. David Habib.

Puis la commission examine l’amendement II-DN8 de M. David Habib.

Mme Isabelle Santiago. Il est défendu.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

M. Bastien Lachaud. Au moment où les différents chefs d’état-major font état de difficultés pour la préparation opérationnelle des forces, il serait utile que la représentation nationale soit éclairée par un rapport.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement IIDN9 de M. David Habib.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous allons maintenant procéder au vote sur les crédits de la mission « Défense », après avoir entendu l’avis des différents rapporteurs.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

 

 


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   Annexe :

Auditions du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 MBDA‒ M. Éric Béranger, président-directeur général, M. l’amiral Denys de Bonnaventure, conseiller défense, M. Jean-René Gourion, chef du département « évaluation des offres et des contrats », Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le parlement ;

 État-major de l’armée de l’air – M. le général Bruno Maigret, commandant des forces aériennes stratégiques, M. le lieutenant-colonel Olivier Salabert, assistant militaire et chef de cabinet ;

 Thales  M. Philippe Duhamel, directeur général adjoint, Mme Isabelle Caputo, vice-présidente en charge des relations institutionnelles ;

 État-major de l’armée de terre ‒ M. le général Hervé Gomart, major général de l’armée de terre ;

 Dassault Aviation  M. Bruno Giorgianni, directeur de cabinet et directeur des affaires publiques ;

 Arquus ‒ M. Emmanuel Levacher, président, M. Charles Maisonneuve, directeur des affaires publiques ;

 Direction générale de l’armement ‒ M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, Mme l’ingénieure générale de l’armement Eveline Spina, directrice de la direction des plans, des programmes et du budget, Mme Amandine Dessalles, conseillère du délégué ;

 Airbus ‒ M. Philippe Coq, directeur des Affaires publiques d’Airbus France, M. Patrick Oswald, directeur des affaires gouvernementales d’Airbus, M. Michel-Dominique Nicolaï, représentant affaires gouvernementales France d’Airbus Helicopters, M. le général (2S) Guy Girier, conseiller défense du président, Mme Annick Perrimond du Breuil, directrice des relations avec le Parlement ;

 Nexter ‒ M. Alexandre Dupuy, directeur des relations institutionnelles, de la communication et des ventes France, M. Alexandre Ferrer, chargé des relations avec le Parlement ;

 Naval Group ‒ M. Pierre-Éric Pommellet, président-directeur général, M. Guillaume Rochard, directeur stratégie, partenariats et fusions-acquisitions ;

 État-major de la marine ‒ M. le vice-amiral d’escadre Stanislas de la Motte, major général, M. le capitaine de vaisseau Riaz Akhoune, chargé des liaisons parlementaires au cabinet du chef d’état-major de la marine nationale ;

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace ‒ M. le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace (CEMAAE), Mme le colonel Anne-Laure Michel, assistante militaire du chef d’état-major ;

 Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique (CEA-DAM) ‒ M. Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires, M. Jean-Pierre Vigouroux, directeur des affaires publiques ;

 Safran ‒ M. Alexandre Ziegler, directeur groupe international et relations institutionnelles, M. le général William Kurtz, conseiller militaire et président-directeur général de Safran Martin-Baker France, M. Fabien Menant, directeur des affaires publiques ;

 Table-ronde réunissant des représentants du Comité Richelieu, du GICAN, du GICAT et du GIFAS :

– Comité Richelieu ‒ M. Thierry Gaiffe, président de la commission de la défense, M. Jean Delalandre, délégué général ;

GICAN – M. Yannick Vergez, président du comité PME/ETI, M. Raphaël Bourdon, directeur général de RTsys, M. Jean-Marie Dumon, délégué à la défense et à la sécurité, M. Jacques Orjubin, délégué communication et relations publiques ;

GICAT M. le général (2S) Jean-Marc Duquesne, délégué général, M. Jérôme Diacre, président de la commission PME, M. Patrick Gaillard, directeur général de Turgis & Gaillard, M. Arnaud Guérin, président-directeur général de Earthcube, M. François Mattens, directeur des affaires publiques et de l’innovation ;

GIFAS – M. Guillaume Muesser, directeur affaires économiques et défense, M. Bertrand Lucereau, président du comité Aéro-PME, M. Nicolas Voiriot, président-directeur général de la société Jacques Dubois, M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques ;

 État-major des armées – M. l’ingénieur général de classe exceptionnelle Vincent Imbert, inspecteur général des armées, M. l’ingénieur général de l’armement François Mestre.


([1]) On retrouvera notamment le compte-rendu de l’audition du délégué général pour l’armement, le 29 avril 2020, à partir de ce lien.

([2]) Rapport d’information n° 3088 de Mme Françoise Dumas portant restitution des travaux de la commission de la défense nationale et des forces armées sur l’impact, la gestion et les conséquences de la pandémie covid-19, 11 juin 2020. Accessible à partir de ce lien.

([3]) Rapport de MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot sur la place de l’industrie de défense dans la politique de relance. 21 juillet 2020. Accessible en version électronique à partir de ce lien.

([4]) Ces derniers mois, la ministre des Armées a régulièrement dénoncé les manœuvres du satellite butineur russe Louch-Olymp autour du satellite Athena-Fidus.

([5]) Rapport d’information n° 3283 de Mme Françoise Dumas, présidente de la commission de la Défense nationale et des forces armées, portant recueil d’auditions de la commission sur l’évolution de la conflictualité dans le monde. 28 juillet 2020. Accessible en version électronique à partir de ce lien.

([6]) Audition du chef d’état-major de la marine devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, 14 octobre 2020.

([7]) Le chef d’état-major de l’armée de terre a présenté à la commission la nouvelle vision stratégique de l’armée de terre lors de son audition du 17 juin 2020, dont le compte-rendu est accessible à partir de ce lien.

([8]) Audition du chef d’état-major des armées devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, 15 octobre 2020.

([9]) Rapport de MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot sur la place de l’industrie de défense dans la politique de relance. 21 juillet 2020. Accessible en version électronique à partir de ce lien.

([10]) Présentation des capacités de l’armée de terre 2020, Satory. 8 octobre 2020. Accessible en vidéo à partir de ce lien.

([11]) Rapport de MM. Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara sur les hélicoptères des armées. 15 juillet 2020. Accessible en version électronique à partir de ce lien.

([12]) Ministère des Armées.

([13]) Impact économique de la filière industrielle « Composante océanique de la Dissuasion » Volet 1-SNLE – Hélène Masson, avec la participation de Bruno Tertrais Fondation pour la recherche stratégique. Recherches et Documents, n° 01/2017, janvier 2017. Accessible à partir de ce lien.

([14]) Rapport d’information n° 4301 de MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin sur les enjeux technologiques et industriels du renouvellement des composantes de la dissuasion. 14 décembre 2016. Accessible à partir de ce lien.

([15])  Le groupement des industries de construction et activités navales (GICAN), le groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT), le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) et le comité Richelieu pour les petites et moyennes entreprises.

([16]) Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable.

([17]) Décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020 relatif à l'abaissement temporaire du seuil de contrôle des investissements étrangers dans les sociétés françaises dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé.

([18]) Rapport d’information n° 3346 de MM. André Chassaigne et Jean-Pierre Cubertafon sur la politique d’approvisionnement du ministère des Armées en « petits » équipements, 16 septembre 2020. Accessible à partir de ce lien.