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N° 3488

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021,

 

 

TOME I

 

 

SANTÉ

 

 

PAR Mme Jeanine DUBIÉ,

 

Députée.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale :  3360, 3399 (annexe n° 38).


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. la mission santé à l’épreuve de la crise sanitaire

A. la mission santé, un agrÉgat d’interventions dans le champ de la santé publique

1. Les programmes 183 et 204 contribuent à la politique de santé publique mais sont très loin de l’englober

a. La santé publique représente un agrégat très vaste, faisant intervenir de nombreux acteurs

b. Le programme 183 est centré sur l’aide médicale de l’État à destination des étrangers en situation irrégulière

c. Le programme 204 rassemble une multitude d’interventions parfois hétéroclites dans le champ de la santé publique

2. Le programme 204 a parmi ses objectifs la veille et la sécurité sanitaire, dont les acteurs et le financement sont multiples

a. La veille et la sécurité sanitaire en France : un dispositif constitué par strates successives, au gré des crises

b. L’État chef d’orchestre d’un dispositif faisant intervenir de nombreux acteurs

B. La mission santé, un support pour la gestion de la covid-19 en 2020

1. La gestion de la crise sanitaire a été financée massivement par l’assurance maladie

a. L’assurance maladie a été mobilisée à hauteur de 4,8 milliards d’euros

b. Santé publique France est un acteur central pour la mobilisation des ressources matérielles et humaines

2. Le programme 204 a vu son poids multiplié par 4,5 pour suppléer Santé publique France

C. la mission santé en 2021 : une apparente reconduction des crédits sur fond de crise sanitaire persistante

1. Le programme 183 prolonge la tendance de dépenses d’AME dynamiques

2. Le programme 204 reconduit les actions antérieures et finance deux nouvelles priorités dont la crise souligne l’urgence

a. Deux nouvelles priorités concentrent l’effort de la mission

b. Les maladies vectorielles à tiques, éternelles oubliées...

c. La gestion de la crise sanitaire continuera à être portée par les crédits de la sécurité sociale

II. Renforcer l’agence de santé de wallis-et-futuna, une priorité de santé publique pour un territoire de la république

A. l’agence de santé de wallis-et-futuna, un modèle original pour un territoire hors normes

1. Les origines de l’agence

a. Responsabilité de l’État en matière de santé et gratuité, les données initiales

b. La création d’une agence, acteur unique de la santé sur le territoire de la collectivité

2. Soigner les Wallisiens et Futuniens, un défi face à l’isolement géographique et au manque de ressources

a. Une offre médicale inéluctablement limitée

b. Les évacuations sanitaires, un recours indispensable et un poste de dépenses majeur

B. Une agence dans une situation fragile, une population vulnérable

1. Une agence longtemps sous-dotée, avec des besoins considérables en investissement

a. Sous-dotation et endettement, une spirale progressivement enrayée à partir de 2013

b. Des besoins considérables en investissement

2. Face à l’état de santé dégradé de la population, l’urgence d’une action forte dans le domaine de la santé publique

a. Obésité, addictions et pathologies associées sont le lot commun de nombreux Wallisiens et Futuniens

b. Les enjeux de santé publique ont pourtant été largement délaissés jusqu’à aujourd’hui

C. un engagement fort et salutaire de l’État pour wallis-et-futuna dans le plf 2021

1. L’augmentation de la dotation de l’agence devrait permettre de financer les actions jugées prioritaires

a. Le déploiement trop longtemps différé d’une véritable politique de santé publique

b. Le développement de l’offre médicale et de la télémédecine

c. La mise en place d’une action dans le domaine médico-social

2. L’octroi d’une dotation d’investissement de 45 millions d’euros pour reconstruire, rénover et étendre

a. Une dotation d’investissement de 45 millions d’euros dans le cadre du « Ségur de la santé »

b. Cette dotation permettra de mettre en œuvre les principaux projets de l’agence

conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE LA MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

Article 33 et état B Crédits du budget général

annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure


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   introduction

La mission Santé rassemble deux programmes du ministère de la santé, le 183 Protection maladie et le 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui concourent à la mise en œuvre d’une politique de santé publique dans notre pays. Dotée de 1 128 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2020, cette mission finance en réalité très majoritairement l’aide médicale de l’État (AME) aux étrangers en situation irrégulière, à hauteur de 919 millions d’euros.

Pour l’exercice 2021, le Gouvernement propose d’augmenter de 18 % les crédits de paiement de la mission Santé, pour atteindre 1 329 millions d’euros. Sans surprise, cette hausse porte principalement sur les crédits de l’aide médicale de l’État. Elle résulte en partie de décisions de politique de santé concernant les étrangers en fin de droits et les demandeurs d’asile, lesquelles entraînent un effet de report sur l’AME. Cette hausse traduit aussi une évolution structurellement dynamique de la demande d’AME.

L’augmentation des crédits de la mission Santé résulte par ailleurs d’un poste budgétaire largement méconnu en France métropolitaine, et sur lequel votre rapporteure a choisi de centrer son avis : il s’agit de la dotation de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, portée par la mission Santé depuis 2013. Cette agence bénéficie cette année d’une augmentation sans précédent de ses moyens (+ 49 millions d’euros), destinée à financer, entre autres priorités, des investissements trop longtemps différés, afin de mettre à niveau le système de santé des Wallisiens et Futuniens et de répondre à une urgence de santé publique dans cette collectivité d’outre-mer.

Pour le reste, la mission Santé reconduit largement les actions financées en 2020, les conséquences de la crise sanitaire étant assez peu visibles sur le programme 204, dont la surface est, au demeurant, assez limitée. Votre rapporteure appelle le Gouvernement à plus de volontarisme sur des problématiques de santé publique reléguées au second rang, telles que les maladies vectorielles à tiques. Elle donne un aperçu des coûts de gestion de la crise sanitaire qui ont transité par le programme 204 en 2020, sans être financés par lui.

 

 

 

 


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I.   la mission santé à l’épreuve de la crise sanitaire

La mission Santé a vocation à concentrer les crédits du ministère de la santé dédiés à la mise en œuvre de la politique de santé publique et à la modernisation de l’offre de soins.

Le financement de l’aide médicale de l’État, destinée aux étrangers en situation irrégulière, représente en réalité plus de 80 % des crédits de cette mission qui n’agrège plus, pour le reste, qu’une faible partie du financement de la politique de santé publique.

La mission Santé a néanmoins servi de support pour le financement de la gestion de la crise sanitaire en 2020, ce qui lui a conféré une importance renouvelée.

A.   la mission santé, un agrÉgat d’interventions dans le champ de la santé publique

1.   Les programmes 183 et 204 contribuent à la politique de santé publique mais sont très loin de l’englober

La cohérence d’ensemble de la mission Santé est qu’elle finance des politiques dans le champ de la santé publique. Elle a néanmoins vu son champ se rétrécir au fil des années sous l’effet de nombreux transferts à la sécurité sociale, au point qu’aujourd’hui, elle ne finance plus qu’une fraction infime de la politique de santé publique.

a.   La santé publique représente un agrégat très vaste, faisant intervenir de nombreux acteurs

La santé publique a été définie en 1952 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « la science et l’art de prévenir les maladies, de prolonger la vie et d’améliorer la santé physique et mentale à un niveau individuel et collectif ». À côté des soins médicaux dispensés individuellement, la politique de santé publique développe ainsi une approche collective visant à promouvoir la santé, prévenir les maladies et protéger la population face aux risques sanitaires.

L’effort financier réalisé par la France dans ce domaine est difficile à quantifier, dans la mesure où il relève de nombreux acteurs nationaux et territoriaux. Ne serait-ce qu’au sein du budget de l’État, la politique de santé publique est éclatée entre de nombreuses missions et programmes, les ministères étant appelés à la mettre en œuvre dans leur champ respectif. En octobre 2019, le Gouvernement a, pour la première fois, publié un document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2020, intitulé « Prévention en santé », qui retrace l’ensemble des crédits budgétaires concourant à cette politique. Il en ressort que pas moins de vingt-deux programmes budgétaires sont concernés, pour un effort global estimé à 3 milliards d’euros.

L’annexe 7 du projet de financement de la sécurité sociale présente dans sa deuxième partie, intitulée « ONDAM et besoins de santé publique », une estimation des dépenses de « prévention institutionnelle », définie comme la prévention « financée ou organisée par des fonds et des programmes de prévention nationaux ou départementaux ». Pour l’année 2018, ces dépenses sont estimées à 6,2 milliards d’euros (cf. tableau ci-après), dont 57 % sont financés par l’État et les collectivités locales, 16 % par la sécurité sociale et 27 % par le secteur privé.

Encore faut-il avoir en tête que cet agrégat ne comptabilise pas les actes préventifs réalisés lors de consultations médicales ordinaires. L’annexe 7 précise qu’une « estimation partielle de la prévention non institutionnelle sur les soins de ville a abouti à une dépense de 9,1 milliards d’euros pour 2016 ».

b.   Le programme 183 est centré sur l’aide médicale de l’État à destination des étrangers en situation irrégulière

La mission Santé n’agrège ainsi qu’une petite partie du financement étatique de la politique de santé publique. Elle comporte deux programmes, le programme 183 Protection maladie et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, dotés respectivement de 927 et 198 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2020.

Le programme 183 Protection maladie est placé sous la responsabilité du directeur de la sécurité sociale. Il est très majoritairement dédié (à hauteur de 99,3 % des crédits du programme, soit 919 millions d’euros en 2020) au financement de l’aide médicale de l’État (AME), dont la gestion est déléguée à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Cette action, qui exprime l’effort de solidarité nationale en faveur de l’accès aux soins des publics les plus défavorisés, a aussi une dimension sanitaire essentielle : il s’agit d’éviter la propagation, sur notre territoire, de maladies contagieuses non traitées, et également de prendre en charge ces personnes en amont du développement ou de l’aggravation de pathologies qui seraient alors plus coûteuses pour la collectivité.

L’aide médicale de l’État est ainsi ouverte aux personnes étrangères démunies, en situation irrégulière – ne pouvant donc être prises en charge par la protection maladie universelle, et présentes sur le territoire depuis au moins trois mois. Au 31 décembre 2019, on comptabilisait 334 546 bénéficiaires de l’AME, dont 70,5 % de moins de 40 ans et 56 % d’hommes. En 2019, 66 % des dépenses engagées au titre de l’AME l’ont été dans le cadre des établissements hospitaliers, ce qui atteste un état de santé plus dégradé que la moyenne de la population.

À côté de l’AME de droit commun, le programme 183 finance une prise en charge « soins urgents », prévue pour les cas dans lesquels la gravité de l’état de santé d’étrangers en situation irrégulière justifie leur prise en charge bien qu’ils ne remplissent pas les conditions de l’AME. À cette fin, l’État verse chaque année une dotation forfaitaire de 70 millions d’euros à la sécurité sociale. Il existe par ailleurs d’autres dispositifs d’ampleur limitée : l’AME humanitaire, pour des personnes ne résidant pas en France, l’AME pour les personnes gardées à vue ou encore l’évacuation sanitaire d’étrangers résidant à Mayotte.

Il convient de noter que le programme 183 comporte également une dotation au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), stabilisée à hauteur de 8 millions d’euros, visant à financer les frais de fonctionnement de cet organisme dont les interventions sont financées, à hauteur de 300 millions d’euros environ, par la sécurité sociale.

c.   Le programme 204 rassemble une multitude d’interventions parfois hétéroclites dans le champ de la santé publique

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins est piloté par le directeur général de la santé. Ses axes principaux épousent les priorités du plan national de santé publique 2018 : pilotage du réseau des opérateurs et agences sanitaires, promotion de la recherche en santé publique, amélioration de la gestion des crises sanitaires et modernisation de l’offre de soins.

Le programme 204 a néanmoins vu son périmètre se réduire continuellement, principalement sous l’effet du transfert à la sécurité sociale du financement des agences sanitaires et autres opérateurs de l’État : Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et Centre national de gestion (CNG) en 2015, Agence de la biomédecine et École des hautes études en santé publique (EHESP) en 2018, Santé publique France et Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) en 2019. De ce fait, les crédits du programme 204 ont été réduits de 73 % entre 2012 et 2020, année où ils s’élèvent à environ 200 millions d’euros.

Le programme 204 ne compte ainsi désormais plus que deux opérateurs, l’Institut national du cancer (INCa), financé à hauteur de 41 millions d’euros, et l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSéS), dont la subvention s’élève à 22 millions d’euros. À noter que l’ANSéS est financée à titre principal par le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, s’agissant notamment de sa masse salariale.

Par ailleurs, les principaux postes budgétaires du programme 204 sont les frais de justice dans le cadre des différents contentieux impliquant le ministère de la santé (57 millions d’euros en 2020) et le financement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna (42 millions d’euros en 2020) sur laquelle votre rapporteure reviendra plus longuement en seconde partie.

Pour le reste, le programme 204 finance la politique de santé mise en œuvre en administration centrale ainsi qu’une myriade de subventions à des associations ou programmes intervenant dans le champ de la santé publique. En 2020, la direction générale de la santé prévoyait un partenariat financier avec les associations à hauteur de 11,66 millions d’euros répartis entre 147 associations, soit une subvention moyenne de 80 000 euros. La liste des associations subventionnées en 2020 est présentée en annexe du présent avis.

2.   Le programme 204 a parmi ses objectifs la veille et la sécurité sanitaire, dont les acteurs et le financement sont multiples

L’action n° 16 du programme 204 est intitulée « Veille et sécurité sanitaire ». En réalité, elle ne comprend que quelques financements épars contribuant à cette politique, pour un montant stable de 1,6 million d’euros. Votre rapporteure a néanmoins souhaité saisir cette occasion pour revenir sur l’articulation du dispositif de veille et de sécurité sanitaire.

a.   La veille et la sécurité sanitaire en France : un dispositif constitué par strates successives, au gré des crises

La crise de la covid-19 focalise l’attention de nos concitoyens sur un risque en particulier, le risque infectieux. Pourtant les risques sanitaires sont extrêmement divers et prégnants : médicaments, maladies vectorielles, pollution environnementale, attentats... En réalité, toute crise est aujourd’hui susceptible d’impliquer la santé. Il importe que le système de veille et de sécurité sanitaire de notre pays soit à même de les appréhender dans leur ensemble et simultanément.

Jusqu’aux années 1990, le dispositif de veille sanitaire de la France était centré sur le risque infectieux et reposait sur la notification des maladies à déclaration obligatoire (MDO). Ce dispositif a ensuite été remodelé en étoffé par strates successives, souvent au gré des crises sanitaires.

La création du Réseau national de santé publique (RNSP), en 1992, visait à renforcer et coordonner la surveillance épidémiologique dans deux grands domaines : les maladies transmissibles et la santé environnementale, qui faisait l’objet d’une prise de conscience croissante. Ce réseau a été renforcé par la création, en 1994, des cellules interrégionales d’épidémiologie (CIRE) auprès des services déconcentrés de l’État.

À la fin des années 1990, les agences sanitaires ont commencé à voir le jour. Elles répondent au souci de développer une expertise publique indépendante sur les différents risques sanitaires et de professionnaliser le recueil et l’analyse des signaux émis par les différents acteurs. Ainsi l’Institut de veille sanitaire (InVS), l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation (Afssa) et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) voient le jour en 1998, tandis que l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail est créée en 1999 (Afsset). En 2007, à la suite de l’épidémie de chikungunya, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) est établi pour gérer les stocks pharmaceutiques stratégiques et la réserve sanitaire.

Au cours des années 2010, un effort de rationalisation de ce système d’agences est conduit : l’Afssa et Afsset fusionnent en 2010 pour donner naissance à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSéS), et l’Agence nationale de santé publique (ANSP) fusionne en 2016 l’EPRUS, l’InVS et l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (INPES), afin de rassembler dans une même structure les fonctions de veille sanitaire, d’établissement pharmaceutique et de promotion de la santé.

À l’échelon territorial, le système de veille et d’alerte sanitaire a été considérablement renforcé par la création des agences régionales de santé (ARS) en 2010, qui deviennent des relais territoriaux de la politique de santé publique. Le projet régional de santé de chaque ARS comprend un volet spécifique consacré à la veille, l’alerte et la gestion des situations d’urgence sanitaire.

b.   L’État chef d’orchestre d’un dispositif faisant intervenir de nombreux acteurs

À l’heure actuelle, l’État et, en son sein, la direction générale de la santé, est le chef d’orchestre d’un dispositif de veille et d’alerte sanitaire complexe, impliquant de nombreux acteurs aux échelles régionale et nationale.

Au sein de la direction générale de la santé, une sous-direction Veille et sécurité sanitaire a vu le jour en 2016, constituée par trois bureaux. Deux bureaux sont chargés de la veille et de la planification « à froid », le bureau des risques infectieux émergents et le bureau de préparation aux crises, tandis que le centre opérationnel de réponse aux urgences sanitaires et sociales (CORRUSS) est chargé d’analyser les signalements reçus par les différents acteurs et d’assurer le pilotage opérationnel des urgences sanitaires et des crises. En période de crise sanitaire, comme actuellement, le CORRUSS se transforme en centre de crise sanitaire (CSS). Une cellule de gestion de crise opérationnelle 7 jours sur 7 est alors activée, appuyée par des renforts en provenance d’autres directions d’administration centrale. Dans le cadre de la covid-19, à la fin du mois d’août, on recensait 250 agents venus en renfort au sein du centre de crise sanitaire.

L’État peut s’appuyer, pour l’expertise scientifique, sur le réseau des agences sanitaires, en particulier Santé publique France, l’ANSéS, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui a remplacé l’Affsaps, et l’Agence de la biomédecine (ABM), qui ont, chacune dans leur champ, la responsabilité du traitement des vigilances sanitaires – processus continu de recueil et d’investigation des événements sanitaires : pharmacovigilance, toxicovigilance, biovigilance, hémovigilance, matériovigilance, etc.

Une réunion de sécurité sanitaire se tient chaque semaine sous l’égide du ministre de la santé, qui rassemble tous les acteurs nationaux du champ de la veille et de la sécurité sanitaire : agences et ministère notamment.

Cette organisation est répliquée à l’échelle régionale. Les ARS ont en leur sein une plateforme régionale de veille et d’urgence sanitaire qui rassemble la CIRE (cellule interrégionale d’épidémiologie), chargée de l’évaluation scientifique des signaux en provenance des professionnels de santé, et la CVAGS (cellule de veille, d’alerte et de gestion sanitaire), sorte d’équivalent de la sous-direction Veille et sécurité sanitaire. Cette organisation permet d’analyser les signaux au plus près du terrain et d’adapter la réponse aux urgences sanitaires à la réalité du territoire.

Au total, le dispositif de veille et de sécurité sanitaire repose sur de nombreux acteurs – direction générale de la santé, agences sanitaires, agences régionales de santé – dont le budget n’est pas porté par le programme 204 de la mission Santé, mais par la sécurité sociale (agences sanitaires) et par le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances (personnel et fonctionnement de la direction générale de la santé et agences régionales de santé). Dès lors, les dépenses financées par l’action n° 16 du programme 204 ont un caractère résiduel :

Dépenses financées par l’action 16 du programme 204 Veille et sécurité sanitaire

Organisation de la veille et des vigilances sanitaires

Mise en œuvre de la réforme des vigilances sanitaires et le déploiement de dispositifs d’appui aux ARS en matière de qualité et de sécurité des soins.

Prévention des risques infectieux émergents (0,57 M€ en AE 0,56 M€ en CP)

Financement de la surveillance des moustiques vecteurs de maladies infectieuses assurée par les organismes publics de démoustication qui exercent cette surveillance pour le compte de l’État (ententes interdépartementales de démoustication, etc.) ;

Étude maladie de Lyme.

Préparation des crises sanitaires (0,92 M€ en AE et 0,91 M€ en CP)

Financement des missions relatives aux laboratoires biotox-eau notamment l’animation du réseau national des laboratoires biotox-eau et l’astreinte pour des prélèvements et des analyses ;

Financement du fonctionnement de la cellule d’intervention biologique d’urgence (CIBU) ainsi que l’association ARLoD ;

Financement de la politique de planification d’exercices de crise du ministère (élaboration de guides méthodologiques) et d’une partie du fonctionnement du centre national de formation civilo-militaire.

Gestion des alertes et des crises sanitaires (pas de dépense en 2019)

Maintien et poursuite du déploiement de la certification ISO9001, obtenue en 2015 sur les activités de réception et de traitement des alertes sanitaires et de gestion des situations sanitaires exceptionnelles ;

Financement de plusieurs numéros verts gérés par la plate-forme téléphonique SITEL de réponse aux alertes sanitaires d’ampleur nationale (pas de dépenses en 2019, mais prévu en 2020 et 2021).

Source : rapport annuel de performances pour 2019.

B.   La mission santé, un support pour la gestion de la covid-19 en 2020

En vertu de l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, la gestion budgétaire des crises sanitaires et des stocks de matériels nécessaires à la gestion de ces crises relève des missions de Santé publique France. Néanmoins, devant l’ampleur de la crise sanitaire, la direction générale de la santé a été amenée à effectuer de nombreux achats en renfort ou en subsidiarité des actions conduites par Santé publique France. Bien que l’immense majorité de ces achats n’aient pas été financés par des crédits budgétaires, mais par la sécurité sociale, ces dépenses ont été rattachées à l’action « Veille et sécurité sanitaire » (n° 16) de la mission Santé.

1.   La gestion de la crise sanitaire a été financée massivement par l’assurance maladie

a.   L’assurance maladie a été mobilisée à hauteur de 4,8 milliards d’euros

La gestion de la crise sanitaire a impliqué, en 2020, la mobilisation de moyens matériels et humains considérables. Santé publique France étant responsable de la gestion des stocks stratégiques et de la réserve sanitaire, cette mobilisation de moyens s’est traduite par un redimensionnement radical du budget de l’agence, financée par la sécurité sociale.

Avant l’impact de la crise sanitaire, le budget de l’agence s’élevait à environ 195 millions d’euros. Un arrêté du 8 juin 2020 ([1]) a octroyé à l’agence une dotation exceptionnelle de 4,8 milliards d’euros « au titre de la prévention épidémique et la constitution de stock stratégiques ».

b.   Santé publique France est un acteur central pour la mobilisation des ressources matérielles et humaines

Cette dotation exceptionnelle a été principalement mobilisée pour reconstituer le stock stratégique de l’État à la hauteur des besoins engendrés par la crise sanitaire. Santé publique France a ainsi massivement commandé, importé, stocké et distribué des masques, des équipements de protection individuelle et des médicaments, pour un montant engagé au 7 septembre 2020 de 4 milliards d’euros :

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Source : Santé publique France.

Santé publique France a aussi été mobilisée pour surveiller et comprendre l’épidémie, anticiper les différents scenarii et mettre en place des actions pour limiter et prévenir la transmission du virus sur le territoire. L’agence a par ailleurs assuré la mobilisation de la réserve sanitaire. Au total, environ 4 500 contrats ont été signés à ce titre, Santé publique France organisant le transport et le logement des personnels mobilisés dans ce cadre.

Pour mener à bien ces missions, Santé publique France a été forcée de réorienter massivement son activité ; tous ses programmes s’en sont trouvés fortement impactés, excepté le programme santé et environnement, considéré comme prioritaire. L’agence a bénéficié d’un renfort de 58 ETPT hors plafond, venant s’ajouter à un total de 586 ETPT.

2.   Le programme 204 a vu son poids multiplié par 4,5 pour suppléer Santé publique France

Santé publique France n’étant pas dimensionnée pour faire face seule aux impératifs de gestion de la crise sanitaire, la direction générale de la santé (DGS) est intervenue en renfort pour effectuer de nombreux achats.

À cette fin, un fonds de concours dédié a été mis en place en mars 2020, intitulé « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et offre de soins » et rattaché à l’action n° 16 « Veille et sécurité sanitaire » du programme 204. Ce fonds de concours a été alimenté par un versement de 700 millions d’euros, imputé sur la dotation exceptionnelle de 4,8 milliards d’euros de Santé publique France.

Ces crédits ont été dépensés principalement pour acheter du matériel médical (tests, respirateurs) et pour financer des ponts aériens et maritimes. Au 31 août 2020, 69 marchés avaient été passés par la DGS, et 404 millions d’euros consommés sur les crédits de ce fonds de concours.

Si l’essentiel de la gestion de crise n’a pas été financé par des crédits budgétaires, il convient tout de même de noter qu’un amendement gouvernemental en troisième loi de finances rectificative pour 2020 a abondé les crédits du programme 204 de 5 millions d’euros, au titre de l’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par le SARS-CoV2. Au 28 septembre 2020, la DGS ne connaissait pas encore l’état de la consommation de ces crédits complémentaires.

C.   la mission santé en 2021 : une apparente reconduction des crédits sur fond de crise sanitaire persistante

L’économie du budget proposé pour la mission Santé en 2021 ne paraît pas bouleversée par la crise de la covid-19. Abstraction faite de la dotation d’investissement exceptionnelle prévue pour l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna, à hauteur de 45 millions d’euros, sur laquelle votre rapporteure reviendra en seconde partie, les dépenses prévues dans le cadre de la mission Santé en 2020 sont, pour l’essentiel, reconduites en 2021. Comme en 2020, les dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire – qui continuera vraisemblablement à marquer l’année 2021 – n’ont pas vocation à être financées par des crédits budgétaires.

La mission santé dans le PLF 2021

 Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021.

1.   Le programme 183 prolonge la tendance de dépenses d’AME dynamiques

Le PLF 2021 prévoit une hausse de 15 % des crédits du programme 183 Protection maladie. Cette hausse porte entièrement sur les crédits de l’aide médicale de l’État, la dotation au FIVA étant stable, à 8 millions d’euros. Le budget de l’aide médicale de l’État est ainsi abondé de 142 millions d’euros.

Cette hausse porte, à hauteur de 112 millions d’euros, sur l’aide médicale de l’État de droit commun. Elle s’explique par plusieurs facteurs :

– la réduction du maintien au droit à l’assurance maladie d’un an à six mois, pour les assurés dont le titre de séjour a expiré. Cette mesure, mise en œuvre en 2020, induira mécaniquement un effet de report sur l’AME.

– la prolongation de l’évolution tendancielle observée au cours des années précédentes, notamment sur les prestations hospitalières ; cette évolution est structurellement dynamique, en dépit de l’effet des mesures prises en matière de lutte contre la fraude ;

– enfin, cette prévision prend en compte un effet rebond correspondant à la dépense non réalisée pendant le confinement.

La hausse du budget du programme porte aussi sur le dispositif « soins urgents », dont la dotation passe de 40 à 70 millions d’euros. Cette dotation a été révisée à la hausse pour tenir compte de la mesure instaurant un délai de carence de trois mois pour l’accès à la protection universelle maladie des demandeurs d’asile – délai pendant lequel ils pourront être pris en charge, en cas de nécessité, dans le cadre du dispositif « soins urgents ».

2.   Le programme 204 reconduit les actions antérieures et finance deux nouvelles priorités dont la crise souligne l’urgence

a.   Deux nouvelles priorités concentrent l’effort de la mission

Le budget proposé pour le programme 204 s’élève à 260 millions d’euros, contre 201 millions d’euros votés en loi de finances initiale pour 2020. Cette augmentation substantielle est principalement la traduction de la dotation d’investissement de 45 millions d’euros prévue pour l’agence de santé de Wallis-et-Futuna et de l’augmentation de 4 millions d’euros du budget de cette agence (action n° 19). Votre rapporteure reviendra sur cette question en seconde partie ; un effort en faveur de la santé des Wallisiens et Futuniens était nécessaire et urgent.

Pour le reste, c’est essentiellement l’action n° 11 « Pilotage de la politique de santé publique » qui porte cette augmentation, à hauteur de 10 millions d’euros. 4,4 millions d’euros supplémentaires sont mobilisés pour le développement et l’exploitation des systèmes d’information de santé publique, pour un budget total de 7,9 millions d’euros. La crise sanitaire a en effet montré l’urgence de renforcer ces systèmes d’information. Il s’agit de contribuer au développement de nouveaux outils de gestion de crise comme le système d’information de dépistage (SI-DEP), qui permet de centraliser les résultats d’examen biologique de dépistage de la covid-19 pour les mettre à disposition des organismes chargés de déterminer les cas contact et de casser les chaînes de contamination, mais aussi pour faciliter le suivi épidémiologique et la recherche sur le virus.

Il convient de noter que l’application « StopCovid » n’est pas financée par l’action n° 11 du programme 204, mais par le fonds de concours abondé par la sécurité sociale (cf. supra). Il en va de même de l’application « Tous unis contre le virus », qui a vocation à remplacer prochainement « StopCovid ».

Par ailleurs, 3,6 millions d’euros supplémentaires sont affectés aux actions juridiques et contentieuses du ministère. Il s’agit d’accroître la dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), afin de compenser un écart chronique constaté entre les dépenses réelles engagées par l’ONIAM dans le cadre du contentieux de la vaccination et des mesures sanitaires obligatoires et la dotation prévue à cet effet en loi de finances.

b.   Les maladies vectorielles à tiques, éternelles oubliées...

Votre rapporteure ne peut que déplorer la stagnation, à un niveau dérisoire, de l’effort de recherche sur les maladies vectorielles à tiques. Une « étude maladie de Lyme » est financée par l’action n° 16 du programme 204. Conjointement avec la surveillance des moustiques vecteurs de maladies infectieuses, cela représente un budget de 570 000 euros, très loin de ce qui serait nécessaire pour apporter une réponse aux milliers de patients actuellement en situation d’errance médicale. Notre système de santé n’est pas actuellement en mesure de leur proposer une prise en charge adaptée, en raison de l’insuffisance des connaissances scientifiques sur ces maladies. Il est temps d’y remédier.

C’est pourquoi votre rapporteure suggère de rehausser de 10 millions d’euros, via un amendement, l’enveloppe consacrée aux études sur les maladies vectorielles à tiques.

c.   La gestion de la crise sanitaire continuera à être portée par les crédits de la sécurité sociale

Les effets de la crise sanitaire ne sont perceptibles, dans le projet de budget de la mission Santé pour 2021, qu’à travers le réinvestissement des systèmes d’information en santé publique.

S’agissant de la prise en charge des dépenses exceptionnelles directement liées à la crise sanitaire, le Gouvernement précise que les crédits du fonds de concours « Participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et offre de soins » rattaché à l’action n° 16 du programme 204 qui n’ont pas été dépensés en 2020 ont vocation à être reportés sur l’exercice 2021. Pour mémoire, un peu moins de 300 millions d’euros restaient disponibles début septembre. De même, les crédits non dépensés sur les 5 millions destinés à l’indemnisation des professionnels de santé touchés par le covid-19 seront reportés sur l’exercice 2021.

 


—  1  —

II.   Renforcer l’agence de santé de wallis-et-futuna, une priorité de santé publique pour un territoire de la république

Sur les 59 millions d’euros supplémentaires alloués à la mission Santé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, 49 millions d’euros viennent renforcer les moyens de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Il s’agit, pour 45 millions d’euros, d’une dotation exceptionnelle allouée dans le cadre du « Ségur de la santé », et pour 4 millions d’euros, d’une hausse du budget de cette agence, établi à 42 millions d’euros en 2020.

Cet engagement de la part de l’État envers ce territoire de la République, le plus éloigné de tous, mérite d’être salué. Il était indispensable et attendu, alors que la population fait face à des problèmes de santé publique graves.

A.   l’agence de santé de wallis-et-futuna, un modèle original pour un territoire hors normes

La prise en charge par la solidarité nationale du système de santé de Wallis-et-Futuna se justifie au regard des caractéristiques particulières de cette collectivité et de son histoire. Soigner reste aujourd’hui un défi sur ce territoire.

1.   Les origines de l’agence

a.   Responsabilité de l’État en matière de santé et gratuité, les données initiales

Wallis et Futuna constituent un territoire unique au sein de la France, réparti en deux îles principales distantes de plus de 200 kilomètres l’une de l’autre, isolées et enclavées au milieu du Pacifique, à 22 000 kilomètres de la métropole. Ce territoire est petit – 142 km², à peine plus que la surface de Paris – et peu peuplé, avec une population en forte décroissance : moins de 12 000 habitants en 2020, contre 15 000 en 2003.

Wallis-et-Futuna est une collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution, régie par le principe de spécialité législative : les lois et décrets de la République ne s’y appliquent que si un article le prévoit explicitement, le cas échéant avec des adaptations.

Wallis-et-Futuna sont dans une situation d’avant-décentralisation : le préfet, représentant de l’État, administrateur supérieur du territoire, est l’exécutif de la communauté et des districts qui tiennent lieu de communes. La loi du 29 juillet 1961 ([2]) a explicitement prévu que la santé y était du ressort de l’État ; l’article 7 dispose ainsi que « la République [...] assure l’hygiène et la santé publique ». L’assemblée territoriale, instituée par l’article 11, n’a, en vertu de l’article 12, aucune compétence en la matière.

C’est sur le fondement de ces données initiales que s’est progressivement structuré le système de santé de Wallis-et-Futuna. Pendant quarante ans, c’est le service de santé des armées qui en a eu la charge, introduisant ainsi un principe de gratuité des soins, lequel s’imposait d’autant plus que la faiblesse de l’emploi salarié et les revenus très modestes d’une grande partie de la population rendaient complexe la création d’une caisse de sécurité sociale financée par des cotisations.

b.   La création d’une agence, acteur unique de la santé sur le territoire de la collectivité

L’ordonnance du 13 janvier 2000 ([3]) et le décret du 15 novembre 2001 ont constitué l’acte de naissance de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, établissement public national à caractère administratif, doté d’une autonomie administrative et financière, d’un conseil d’administration présidé par le préfet, et dirigé par un directeur. Opérant sous la triple tutelle des ministères de la santé, des outre-mer et de l’économie, cette agence se situe ainsi totalement en dehors du champ de la sécurité sociale. Elle est intégralement financée par l’État, sa dotation étant, depuis 2013, portée par le ministère de la santé, tandis que ses investissements sont traditionnellement financés par le ministère des outre-mer.

La mise en place de l’agence a ainsi acté la pérennisation du principe de gratuité des soins pour les habitants de Wallis-et-Futuna, ainsi que pour toutes les personnes de passage sur les îles : fonctionnaires ou agents en poste ou en mission, voire touristes de passage – au demeurant très rares. Cette gratuité s’applique aux soins de santé et à la dispensation des médicaments.

L’appellation d’« agence » ne doit pas conduire à rapprocher l’agence de santé de Wallis-et-Futuna des agences régionales de santé. Ses fonctions sont bien plus étendues dans le champ sanitaire, puisque l’agence a non seulement un rôle de prévention, de pilotage et de veille sanitaire, mais elle est aussi l’unique opérateur de santé sur le territoire, faisant tout à la fois office d’hôpital, de médecine de ville, de pharmacie et de protection maternelle et infantile (PMI). Seule exception au monopole de l’agence : la santé scolaire, qui constitue un service autonome, reposant sur cinq infirmiers sous la responsabilité d’un médecin.

Ces différentes missions sont mises en œuvre sur les cinq sites de l’agence de santé, dont un site « multifonctions » sur l’île de Futuna :

– l’hôpital de Sia à Wallis (42 lits) ;

– les trois dispensaires de Hahake, Hihifo et Mua, sur l’île de Wallis, qui dispensent les soins de premier recours ;

– l’hôpital de Kaleveleve à Futuna (9 lits).

2.   Soigner les Wallisiens et Futuniens, un défi face à l’isolement géographique et au manque de ressources

a.   Une offre médicale inéluctablement limitée

Pour mener à bien ses missions, l’agence dispose de 213 agents en équivalents temps plein, dont 23 personnels médicaux : 8 généralistes, 8 spécialistes (notamment 1 gynécologue-obstétricien, 1 chirurgien généraliste, 1 anesthésiste, 1 radiologue, 1 médecin interniste, 1 urgentiste), 1 biologiste, 1 pharmacien, 4 sages-femmes.

Personnels de l’agence de santé de wallis-et-futuna

Catégorie de personnel

WALLIS

FUTUNA

ETP 2019

 

Personnel administratif

22

7

29

 

Personnel médical

15

4

19

 

Personnel médico-technique et de rééducation

46

18

64

 

Personnel ouvrier et technique

17

6

23

 

Personnel soignant

61

17

78

 

TOTAL

161

52

213

 

 Source : DGS/DGOS.

Aucun médecin n’est issu de la collectivité, tandis que le personnel soignant, administratif et technique est généralement recruté localement. La communauté médicale était, jusqu’à récemment, caractérisée par un turn-over très important ; mais un effort particulier a été fait pour favoriser les contrats longs depuis deux ans.

Cette stabilisation de la communauté médicale est positive, mais ne permet pas de proposer aux Wallisiens et Futuniens une offre de soins complète sur le territoire, tant s’en faut. Ainsi l’agence ne compte aucun cardiologue, pédiatre, chirurgien orthopédique, cancérologue, ophtalmologiste... Autant de spécialités qui font gravement défaut au quotidien. Le directeur de l’agence est confronté à des difficultés de recrutement très importantes, alors que le territoire connaît un exode massif de ses jeunes vers la Nouvelle-Calédonie ou la métropole, et qu’il demeure peu attractif pour les médecins de la métropole, du fait de son isolement, de sa petitesse et de son manque d’infrastructures.

Pour pallier cette étroitesse de l’offre médicale, l’agence a développé des missions de médecins spécialistes, afin de permettre le suivi des patients dans des spécialités médicales non pourvues sur le territoire : cardiologie, pneumologie, gastro-entérologie, neurologie, dermatologie, algologie, rhumatologie, médecine physique et de réadaptation, psychiatrie, néphrologie, ophtalmologie, ORL, cancérologie...

Ces missions, d’une durée de quelques semaines, permettent d’organiser sur l’année le suivi des patients dans ces différentes spécialités, en l’absence d’urgence et de besoin d’examens complexes. Elles se sont beaucoup développées au cours des dernières années : 36 missions ont été réalisées en 2019, contre 18 en 2017.

Par ailleurs, le plateau technique a connu quelques améliorations significatives avec l’arrivée d’un scanner, d’un mammographe, d’un automate de biologie et d’une centrale de production d’oxygène. Ces avancées ne permettent toutefois pas d’assurer l’autonomie du territoire, et les évacuations sanitaires demeurent un complément indispensable pour assurer la prise en charge des patients.

b.   Les évacuations sanitaires, un recours indispensable et un poste de dépenses majeur

En raison des caractéristiques évoquées précédemment, les évacuations sanitaires représentent un poste de dépenses majeur pour l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Il convient d’avoir en tête que ces évacuations sont d’abord internes au territoire : plus de 200 kilomètres séparent Futuna de Wallis, et l’offre de soin sur Futuna, peuplée d’à peine plus de 3 000 habitants, est extrêmement réduite. Ainsi, par exemple, les femmes enceintes ne peuvent accoucher sur Futuna, et sont toutes évacuées sur Wallis un mois avant leur date de terme.

Au total, en 2019, l’agence de santé a conduit 853 évacuations sanitaires sans compter les évacuations de Futuna vers Wallis. En incluant ces dernières, cela représente 15,6 millions d’euros, c’est-à-dire plus du tiers du budget de l’agence.

Les évacuations de premier recours sont réalisées vers les établissements de santé public et privé de Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, à plus de 2 000 kilomètres. 743 transferts ont été réalisés à ce titre en 2019, principalement sur des spécialités de traumatologie, orthopédie, cardiologie, pédiatrie et neurologie.

Dans les situations où le plateau technique de la Nouvelle-Calédonie ne suffit pas, les évacuations peuvent être orientées vers la métropole, voire vers l’Australie en cas d’urgence vitale. En 2019, 23 patients ont été évacués vers la France métropolitaine, pour être pris en charge dans des centres de référence pour des pathologies complexes ou rares, pour la réalisation de bilans ne pouvant être assurés à Nouméa (IRM à hauts champs pour patients obèses, par exemple) ou pour des interventions chirurgicales complexes.

Des efforts ont été réalisés au cours des dernières années pour contenir le budget des évacuations sanitaires. Le développement du plateau technique et de l’offre de soins a été un premier axe de travail, avec des effets ambivalents, car l’amélioration des capacités de diagnostic sur place induit de nouvelles décisions de transfert. Une autre piste consiste à anticiper et programmer au mieux les évacuations sanitaires de façon à pouvoir profiter des vols commerciaux ; en effet, les évacuations sanitaires en urgence supposent d’affréter spécialement des avions à cette fin, avec des coûts beaucoup plus élevés.

Ces efforts ont permis de réduire de 10 % le budget des évacuations sanitaires en 2019. Mais ce poste de dépense va continuer de constituer un aléa important sur la gestion budgétaire de l’agence au cours de prochaines années.

Évolution du budget des Évacuations sanitaires À wallis-et-futuna*

 (*) Les budgets indiqués n’incluent pas les évacuations de Futuna vers Wallis.

Source : rapport de mission IGAS/CGefi, avril 2019.

B.   Une agence dans une situation fragile, une population vulnérable

Garantir le droit à la santé des Wallisiens et Futuniens n’est pas chose facile, eu égard aux caractéristiques de ce territoire. Votre rapporteure a cherché à en donner un aperçu en première partie. Néanmoins, l’effort de santé déployé par l’État dans cette collectivité a, jusqu’à aujourd’hui, été largement en deçà des enjeux, et notamment des enjeux de santé publique, majeurs sur ce territoire.

Votre rapporteure a obtenu communication d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Contrôle général économique et financier (CGefi) sur l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, remis au ministre de la santé en avril 2019, après une mission sur place entre septembre 2018 et mars 2019. Le constat dressé par ce rapport est plutôt alarmant, et la conclusion sans appel : « des décisions urgentes sont indispensables pour ne pas laisser cette population seule dans cette situation de santé problématique, alors que l’État en est directement responsable » ([4]).

1.   Une agence longtemps sous-dotée, avec des besoins considérables en investissement

Le rapport IGAS/CGefi précité souligne que la dépense courante de santé par habitant à Wallis-et-Futuna – environ 3 000 euros par an – est la plus basse des outre-mer français avec Mayotte. Et cela, alors même que le système de santé de Wallis-et-Futuna est structurellement contraint par des dépenses qui renchérissent considérablement le coût des soins : évacuations sanitaires, coût des interventions à Nouméa, Sydney ou Paris, coûts salariaux très élevés pour les personnels médicaux, etc.

L’insuffisance de l’effort de santé en faveur des Wallisiens et Futuniens s’est matérialisée, depuis le début des années 2000, par des dotations de fonctionnement structurellement sous-évaluées, et par un effort d’investissement largement insuffisant, qui n’a pas permis de réaliser au fil de l’eau les travaux nécessaires.

a.   Sous-dotation et endettement, une spirale progressivement enrayée à partir de 2013

De 2001 à 2013, la subvention de fonctionnement de l’agence de santé était versée par le ministère des outre-mer ; elle avait doublé sur la période, pour atteindre 24,4 millions d’euros en 2013.

En dépit de cette évolution positive, l’agence s’est trouvée dans une situation de sous-budgétisation chronique, qui l’a conduite à contracter une dette importante, notamment vis-à-vis du centre hospitalier de Nouméa, dans le cadre des évacuations sanitaires. Cette dette a été remboursée en 2015 par l’intermédiaire d’un prêt de 26,6 millions d’euros consenti par l’Agence française de développement, et dont la charge de remboursement est supportée directement par le ministère sur le programme 204.

À partir de 2013, la dotation de l’agence de santé a été transférée au budget du ministère de la santé. Des efforts importants ont alors été réalisés pour rebaser la dotation de l’agence, tant en loi de finances initiale qu’en gestion. L’amélioration de cette dotation a en effet souvent été permise par des redéploiements internes au niveau du programme 204 lors de l’exécution budgétaire, les budgets initiaux étant, ainsi que le souligne le rapport IGAS/CGefi, systématiquement insincères.

évolution de la dotation de l’agence de santé de wallis-et-futuna

(en millions d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

(en cours d’exécution- prévisions)

2021

Montant total dotation allouée à l’agence

25,97

28,97

30,16

31,45

36,90

38,91

41,32

42,4

(46,5 – taux réserve précaution 2021)

Dont crédits complémentaires alloués à l’agence par redéploiement interne

1,54

3,98

2,79

4,12

7,75

6,47

6,45

0,90

(surcoûts covid)

 

Source : DGS/DGOS.

À compter de 2020, un effort important a été accompli pour améliorer la sincérité du budget voté en loi de finances initiale, en tenant compte du coût des évacuations sanitaires, de l’évolution structurelle du coût des soins et des besoins tenant au développement de l’activité de l’agence et de l’offre médicale. Cet effort doit encore se poursuivre dans les années à venir, conformément à l’échéancier suivant, fourni par les services du ministère :

Trajectoire pluriannuelle du financement
de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna

(en euros)

LFI

2020

2021

2022

2023

AE

42 500 000

46 500 000

48 100 000

48 100 000

CP

43 800 000

47 800 000

49 400 000

49 400 000

Source : DGS/DGOS.

b.   Des besoins considérables en investissement

À la différence de sa dotation de fonctionnement, transférée au ministère de la santé à compter de 2013, les investissements de l’agence de santé de Wallis ont continué à être portés par le ministère des outre-mer, via le programme 123 Conditions de vie outre-mer. Ces investissements ont été adossés au contrat de développement 2012-2018 puis au contrat de convergence 2019-2022 conclus entre l’État et la collectivité. Sur la période 2012-2018, l’agence a bénéficié de 9,6 millions d’euros au titre du contrat de développement.

Le rapport IGAS/CGefi montre que ce niveau d’investissement a été bien trop limité pour répondre au besoin de modernisation des bâtiments et des équipements de l’agence ; il souligne le fait que l’enveloppe d’investissement déterminée dans le cadre des contrats de développement puis de convergence est largement déconnectée des besoins réels de l’agence.

À l’heure actuelle, la situation des bâtiments de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna est critique. Les bâtiments et locaux sont vétustes, les règles de sécurité élémentaires ne sont pas respectées, le bloc opératoire ne remplit aucune norme ISO, il n’y a pas de fluides médicaux ni d’appels malade dans les chambres des patients... En outre, deux dispensaires sont situés en zone inondable et peuvent être submergés à tout moment, risque qui n’est pas accessoire dans cette zone soumise à de forts aléas naturels. Et l’hôpital de Futuna est entièrement amianté, ce qui exclut tous travaux de rénovation et suppose une reconstruction intégrale du bâtiment.

Ainsi, le rapport IGAS/CGefi appelle à « des solutions radicales » pour moderniser, humaniser, mettre aux normes et adapter le bâti de l’agence de santé. Le rapport souligne que ce constat est ancien, les rapports de l’IGAS de 2010 et 2014 faisant déjà état d’un « cadre bâti à la fois surdimensionné, obsolète et inadapté », et la vétusté n’ayant fait que s’accroître depuis.

2.   Face à l’état de santé dégradé de la population, l’urgence d’une action forte dans le domaine de la santé publique

La forte contrainte ayant longtemps pesé sur les moyens de l’agence, en fonctionnement et en investissement, doit être rapportée à l’évolution qu’a connu l’état de santé global des Wallisiens et Futuniens depuis le début des années 2000. Sur cette question également, les éléments livrés par le rapport de l’IGAS/CGefi sont préoccupants. Il décrit « une situation sanitaire alarmante et qui s’aggrave, produit d’un manque d’attention collective locale et nationale ».

a.   Obésité, addictions et pathologies associées sont le lot commun de nombreux Wallisiens et Futuniens

L’espérance de vie à la naissance est en moyenne de 76,9 ans à Wallis-et-Futuna, au même niveau qu’à Mayotte, soit 6,5 ans de moins qu’en métropole. Cet écart est appelé à s’accroître du fait de l’évolution constatée de la santé de la population, et notamment des plus jeunes.

Des problématiques d’hygiène sont en cause : absence de réseau d’eau potable à Futuna, présence de nombreux parcs à cochon à l’origine d’une pollution très importante, absence d’assainissement collectif... Mais le principal problème semble résider dans les comportements alimentaires inadaptés d’une grande partie de la population. Un bouleversement des traditions alimentaires s’est opéré en un demi-siècle, à compter de l’arrivée des troupes américaines lors de la Seconde Guerre mondiale. C’est au point que les Wallisiens et Futuniens ne consomment pratiquement plus aujourd’hui de produits locaux, mais uniquement des produits d’importation très riches en protéines (poulets), en graisses et en sucres (sodas). Cette difficulté est renforcée par la situation de monopole dans lequel se trouve le principal distributeur alimentaire, qui induit un faible choix de produits. S’y ajoutent des problèmes de pratiques addictives (tabac, alcool, jeux) avec une prégnance nettement plus marquée qu’en métropole.

Les effets en termes de santé publique sont d’ores et déjà très visibles et d’une gravité extrême. 70 % de la population adulte de Wallis-et-Futuna est aujourd’hui obèse, 90 % est en surpoids, comme l’illustre le graphique suivant :

Plus préoccupant encore, l’obésité est de plus en plus précoce. Actuellement, environ 1 enfant sur 3 est obèse :

Cette situation a des effets très concrets sur la prévalence des maladies non transmissibles à Wallis-et-Futuna : diabète, hypertension, insuffisance rénale. Le territoire compte ainsi près de 20 % de diabétiques diagnostiqués (chiffre sans doute très sous-estimé) et 34 % d’hypertendus, des proportions qui augmentent considérablement avec l’âge.

Outre le coût de prise en charge de ces pathologies par le système de santé, cette situation entraîne un coût humain très important : amputations, paralysie, cécité, dialyses à répétition, accidents vasculaires cérébraux, cancers... Un coût appelé à s’accroître, étant donné la dégradation de l’état de santé des enfants.

b.   Les enjeux de santé publique ont pourtant été largement délaissés jusqu’à aujourd’hui

Cette situation sanitaire dégradée s’est installée progressivement, avec une accélération notable depuis le début des années 2000. Pourtant, elle ne s’est pas accompagnée, jusqu’à très récemment, d’une prise de conscience des enjeux de santé publique. La dernière conférence territoriale de santé s’est réunie en 2005, alors qu’elle doit normalement se tenir tous les trois ans. L’agence de santé ne s’est quant à elle jamais réellement emparée de sa mission dans le domaine de la prévention et de la santé publique. Le rapport de l’IGAS/CGefi souligne que les directions successives se sont focalisées sur le développement de l’offre de soins – autre enjeu de taille – dans un contexte où les ministères de tutelle ne donnaient ni moyens, ni instructions (dans le cadre des lettres de mission des directeurs) pour développer la prévention.

Ainsi, le service de prévention de l’agence est longtemps resté embryonnaire, dépourvu de budget propre, et peu coordonné avec le service de santé scolaire, qui constitue pourtant un levier important dans le domaine de la prévention. La conclusion du rapport est la suivante : il faut « agir vite et fort pour stopper puis inverser les tendances, pour que les Wallisiens et Futuniens retrouvent de l’espérance de vie ».

C.   un engagement fort et salutaire de l’État pour wallis-et-futuna dans le plf 2021

Le ministère de la santé s’est déjà engagé, depuis plusieurs années, dans une trajectoire de rebasage progressif du budget de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, pour tenir compte des besoins du territoire. Cette trajectoire ascendante est confirmée par le projet de budget pour 2021, qui abonde de 4 millions d’euros la dotation de l’agence.

Le « Ségur de la santé » apporte en outre, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, une dotation d’investissement de 45 millions d’euros qui correspond au budget des travaux à entreprendre pour rénover, reconstruire et mettre à niveau les bâtiments et équipements.

Votre rapporteure se réjouit que ces moyens soient enfin mis sur la table. L’épidémie de covid-19 n’a fait que souligner la très grande vulnérabilité des Wallisiens et Futuniens face aux risques sanitaires. La population cumule en effet les facteurs de risque face à cette épidémie. Si elle venait à être touchée par le virus – des mesures sanitaires drastiques aux frontières l’ont jusqu’ici préservée de toute contamination – la situation pourrait être dramatique, l’agence de santé n’ayant pas la ressource en personnel médical et soignant pour faire face. Il est temps de réduire cette vulnérabilité.

1.   L’augmentation de la dotation de l’agence devrait permettre de financer les actions jugées prioritaires

a.   Le déploiement trop longtemps différé d’une véritable politique de santé publique

Pour la première fois, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, des moyens spécifiques ont été dégagés pour mettre en place une véritable politique de santé publique, avec des moyens humains et matériels dédiés. 2,1 millions d’euros ont ainsi été fléchés vers la mise en place d’un pôle de prévention et de santé publique, créé le 15 janvier 2020, et dirigé par un directeur-adjoint, médecin de santé publique, recruté fin 2019. L’équipe existante a en outre été renforcée par le recrutement d’une diététicienne, un psychologue et un éducateur en santé.

Ce pôle a, parmi ses missions, le contrôle sanitaire dans le contexte de l’épidémie de covid-19, la prévention contre les maladies non transmissibles, la lutte anti-vectorielle, la PMI, la santé scolaire, le développement de la santé au travail (inexistante à ce jour)... Il doit bénéficier du soutien de Santé publique France pour mettre en place un observatoire en santé afin de développer la connaissance épidémiologique sur le territoire. À cette fin, Santé publique France devrait mobiliser sur site, pendant deux ans, une équipe pluri-professionnelle comprenant un épidémiologiste, un nutritionniste et un interne de santé publique.

Pour l’année 2021, 3 millions d’euros de moyens nouveaux, en plus des 2,1 millions d’euros fléchés en 2020 qui doivent être reconduits, doivent permettre la montée en charge de ce pôle. L’essentiel de la hausse de la dotation prévue en 2021 sera donc consacré à ce pôle de prévention et de santé publique, pour lequel devront être aménagés des locaux adaptés, ce qui pourra être pris en charge dans le cadre de la dotation d’investissement (cf. supra). Ces moyens nouveaux doivent permettre de financer au total quatorze créations de postes (1,6 million d’euros), ainsi que la politique de santé publique et les programmes d’action (1,25 million d’euros) et l’organisation de la prochaine conférence territoriale de santé rassemblant tous les acteurs de la collectivité, au premier semestre 2021 (0,12 million d’euros).

b.   Le développement de l’offre médicale et de la télémédecine

Les moyens supplémentaires octroyés à l’agence devraient également permettre de poursuivre le projet de développement de la télémédecine, qui constitue un axe prioritaire pour élargir l’offre de soins et limiter les évacuations sanitaires. En 2019, Wallis et Futuna ont été raccordées au câble sous-marin en provenance des îles Fidji, accédant ainsi au haut débit, ce qui ouvre de nouvelles perspectives dans ce domaine.

Comme le souligne M. Montserrat, directeur de l’agence de santé, le décalage horaire avec la métropole devient un atout s’agissant de la télémédecine, car il va permettre de tirer parti des heures de garde nocturnes dans les centres hospitaliers de France métropolitaine, pendant lesquelles les spécialistes médicaux sont souvent moins occupés que la journée.

Le projet de télémédecine de l’agence s’appuie sur des conventions de partenariat avec des établissements métropolitains, en particulier avec le CHU de Rennes, avec lequel la dynamique partenariale est très forte, mais aussi avec celui de Tours, pour la dermatologie, et avec le centre anti-cancer de Rennes. Les axes prioritaires de ce projet sont le développement d’une expertise spécialisée en matière d’imagerie, d’accidents vasculaires cérébraux, de cancérologie, de dermatologie, de psychiatrie ou encore d’orthophonie. Il devrait être finalisé au premier semestre 2021 et ainsi commencer à produire ses effets dès l’année 2021.

D’après M. Montserrat, ce projet constitue une petite « révolution » pour le système de santé de la collectivité. Son coût global est de 4,7 millions d’euros, investissements et fonctionnement inclus. Mais le gros des investissements ayant déjà été financés sur les exercices précédents, le budget 2021 consacrera essentiellement 200 000 euros à la mise en œuvre du dossier patient informatisé (DPI) permettant le développement de la télémédecine avec les hôpitaux partenaires, dans le respect de la confidentialité des dossiers patients.

Dans le même temps, l’agence devra continuer à élargir le recrutement médical sur place afin de combler des besoins urgents pour la sécurité de la population de Wallis et Futuna et pour la maîtrise des évacuations sanitaires. À cet égard, il convient de noter que l’agence reste dans l’attente, pour l’exercice 2020, d’une autorisation budgétaire de la part des tutelles pour recruter un pédiatre et un cardiologue – spécialités non représentées sur le territoire jusqu’à présent, malgré des besoins très importants – ainsi qu’un généraliste supplémentaire.

c.   La mise en place d’une action dans le domaine médico-social

Il n’existe actuellement aucune structure médico-sociale sur le territoire de Wallis-et-Futuna. Les personnes âgées sont traditionnellement prises en charge dans le cadre familial et il n’y a pas de service dédié pour la prise en charge des soins à domicile. Cette situation devient problématique, alors que la société wallisienne et futunienne est vieillissante, que les jeunes émigrent massivement et que les personnes âgées sont affectées de multiples pathologies qui les rendent précocement dépendantes.

Même si l’environnement familial est, comme le souligne le rapport IGAS/CGefi, bien plus inclusif pour les personnes âgées ou en situation de handicap qu’en métropole, le projet de l’agence est donc de prévoir, dans le cadre des hôpitaux rénovés et reconstruits de Wallis et Futuna, des lits de soins de longue durée et de soins palliatifs pour les personnes pour lesquelles le maintien à domicile n’est plus possible. Le besoin à l’horizon d’une quinzaine d’années est estimé à vingt lits pour Futuna et trente lits pour Wallis.

En parallèle, il importe de mettre en place un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) pour favoriser le maintien à la maison des personnes âgées ou en situation de handicap et soulager les familles. M. Montserrat souligne que ce projet, qui aurait une valeur ajoutée importante, est facilement réalisable, dans la mesure où son coût est modeste, et où les ressources humaines nécessaires pour le mettre en œuvre sont disponibles localement. Dans le cadre de l’enveloppe nouvelle consentie en 2021, 300 000 seront ainsi consacrés à la mise en œuvre d’un SSIAD d’une capacité de trente places à Wallis et quinze places à Futuna.

2.   L’octroi d’une dotation d’investissement de 45 millions d’euros pour reconstruire, rénover et étendre

a.   Une dotation d’investissement de 45 millions d’euros dans le cadre du « Ségur de la santé »

Le rapport de mission de l’IGAS/CGefi recense les investissements à entreprendre prioritairement pour l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Il parvient à un montant global de 45 millions d’euros à dégager sur la période 2019-2024 (cf. tableau ci-dessous).

Source : rapport de mission IGAS/CGefi, avril 2019.

Le rapport préconise que ces crédits d’investissement soient directement intégrés à la dotation de l’agence de santé, sans transiter par le plan de convergence du ministère de l’outre-mer. Le rapport suggère que les crédits d’investissement dédiés à Wallis-et-Futuna dans le cadre du plan de convergence entre l’État et la collectivité soient affectés à la mise en place d’un assainissement collectif et d’un réseau d’eau potable sur l’île de Futuna.

Le Gouvernement a fait le choix d’utiliser l’enveloppe du « Ségur de la santé » pour mener à bien ces investissements urgents et prioritaires pour la santé des Wallisiens et Futuniens. Ainsi, la dotation de l’agence de santé est, dans le cadre du projet de budget pour 2021, rehaussée de 45 millions d’euros au titre de cette dotation d’investissement exceptionnelle du Ségur de la santé. C’est incontestablement une bonne nouvelle pour la collectivité.

b.   Cette dotation permettra de mettre en œuvre les principaux projets de l’agence

L’agence de santé va être amenée à redimensionner son plan d’investissement en prenant acte de ces nouveaux moyens, sans commune mesure avec ceux dont elle a bénéficié depuis sa création.

D’après le directeur de l’agence, M. Montserrat, « un nouveau schéma directeur immobilier 2021-2025 sera élaboré dès la notification du financement, avec le concours d’une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO). Celle-ci aura pour mission d’aider l’Agence de santé à élaborer et piloter le nouveau plan d’investissement de 45 millions. Par ailleurs, dans une dynamique participative, un Comité de pilotage du plan directeur immobilier de l’agence de santé sera créé, associant la communauté médicale, les représentants du personnel et les représentants des usagers à la mise en œuvre du plan d’investissement. »

Les chantiers prioritaires de ce plan d’investissement devraient correspondre grosso modo à ceux listés par le rapport de l’IGAS/CGefi (cf. tableau ci-dessous). L’unité d’hémodialyse de Futuna et les investissements en matière de télémédecine et d’information n’y figurent plus, ayant déjà été financés au cours des exercices précédents. Le coût de plusieurs projets a été révisé à la hausse, et la capacité de l’unité de soins de longue durée réévaluée à la hausse.

Globalement, ces investissements permettront de reconstruire, moderniser, humaniser, mettre aux normes et mettre en sécurité les bâtiments de l’agence de santé, de les étendre pour héberger de nouvelles activités (pôle prévention et santé publique, unité d’hémodialyse de Futuna, soins de longue durée), enfin de moderniser l’équipement pour accompagner le développement de l’offre de soin (télémédecine notamment).

(en millions d’euros)

Opérations d’investissement prévues par l’agence

Coût estimé

Reconstruction des dispensaires de Mua et Hihifo à Wallis

5,6

Modernisation de l’Hôpital de Sia à Wallis : création d’un nouveau plateau technique bloc opératoire/réanimation/ stérilisation aux normes d’hygiène et de sécurité ;

Modernisation, humanisation et mise en sécurité incendie des bâtiments d’hospitalisation

7,3

Reconstruction de l’Hôpital de Kaleveleve à Futuna

12,5

Équipements biomédicaux et logiciels de gestion

4,7

Construction du Pôle de santé publique, y compris dispensaire de Hahaké

6,7

Création de 30 lits de soins de longue durée et de soin palliatifs à Sia

3,8

Création de 20 lits de soins de longue durée et de soins palliatifs à l’Hôpital de Kaleveleve à Futuna

2,5

Équipement administratif et technique

1

Ingénierie d’appui à la mise en œuvre du schéma directeur immobilier

0,9

Total

45

Source : Agence de santé de Wallis-et-Futuna.

Contacté par votre rapporteure, le directeur de l’agence souligne que « l’effort important consenti en faveur de l’agence de santé est ressenti, après une longue attente, comme la reconnaissance par l’État de la spécificité des besoins de santé de la population de Wallis et Futuna. Ce territoire ultramarin, profondément attaché à la France, y voit une action significative d’engagement de l’État au côté des citoyens pour préserver leur santé et celle de leurs enfants. »

 


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   conclusion

 

La crise sanitaire que nous vivons actuellement est source de beaucoup de difficultés, de souffrances, d’inquiétudes pour nombre de concitoyens, en métropole et outre-mer. Des éléments positifs peuvent en sortir en termes de conduite de l’action publique. La pandémie de covid-19 engendre une prise de conscience renouvelée des enjeux de santé publique, que les précédentes crises sanitaires avaient déjà esquissée, mais à un niveau trop faible pour qu’elle devienne une priorité de nos politiques publiques. Désormais, les enjeux sanitaires ne peuvent plus être relégués au second plan.

Le projet de budget pour la mission Santé en 2021 ne traduit aucune grande restructuration de l’action publique dans le périmètre qui est le sien : celui de l’aide médicale de l’État aux étrangers en situation irrégulière (programme 183) et des politiques de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre de soins (programme 204). Cela s’explique, d’une part, par le fait que les actions financées par le programme 204 sont en réalité très parcellaires et modestes dans le champ qui est le sien. Trop parcellaires et modestes parfois : votre rapporteure a souhaité attirer l’attention de la commission sur la nécessité de renforcer la recherche sur la maladie de Lyme, réduite à peu de choses. Mais, plus généralement, la prévention et la sécurité sanitaire ne sont pas l’apanage du ministère de la santé, non plus qu’elles ne sont l’apanage de l’État, ce qui réduit d’autant le contenu de la mission examinée.

L’autre raison de cette relative stabilité de la mission Santé est que nous sommes encore plongés dans la crise sanitaire, et qu’il est sans doute encore trop tôt pour en tirer tous les enseignements. Les différentes missions et commissions d’enquête feront des propositions en ce sens en temps voulu.

Mais l’on peut tout de même reconnaître un mérite au projet de budget qui nous est proposé pour la mission Santé. Il dégage 45 millions d’euros sur l’enveloppe du « Ségur de la santé » et 4 millions d’euros de crédits budgétaires pour renforcer le système de santé des Wallisiens et Futuniens. Il y a là un enjeu sanitaire majeur pour ce territoire, tant la disproportion est grande entre l’état de santé global de la population et les moyens matériels et humains pour y faire face. À l’heure où la Nouvelle-Calédonie se questionne sur son indépendance, il est important de rappeler, par des gestes concrets, l’unité profonde de la République française.

Pour cette raison, et par solidarité avec nos lointains concitoyens de Wallis-et-Futuna, votre rapporteure encourage la commission à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits proposés pour la mission Santé en 2021.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   AUDITION DE LA MINISTRE

Au cours de sa dernière réunion du mercredi 28 octobre 2020, la commission des affaires sociales procède, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 (seconde partie), à l’audition de Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie, sur les crédits de la mission Santé (Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis) ([5]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Mes chers collègues, nous poursuivons ce soir l’examen, pour avis, de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, après une journée marathon. Je remercie chaleureusement Mme la ministre de nous venir présenter les crédits de la mission Santé et d’avoir accepté de décaler, au dernier moment, l’horaire de cette audition.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. L’exercice 2020 a été, vous l’imaginez, fortement marqué par la gestion de la crise sanitaire et je crois pouvoir vous dire, sans me tromper, qu’elle sera encore, en 2021, au cœur des sujets de préoccupation dans le domaine de la sécurité sanitaire.

Dans ce bref exposé liminaire, je vous propose de dresser les traits saillants de deux programmes de la mission Santé : le programme 183 Protection maladie et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins.

S’agissant du programme 183, le Gouvernement a mis en place en 2020 des mesures destinées à accentuer les efforts sur la gestion des dispositifs, la régulation des dépenses associées et renforcer les contrôles dans le cadre de programmes d’action ambitieux. Ainsi, les projets de centralisation de l’instruction des demandes d’aide médicale de l’État (AME) et de traitement de factures de soins urgents permettront de renforcer l’efficacité de la gestion des dispositifs. Afin de mieux garantir l’accès aux droits, pour ceux qui en ont besoin, les actions de lutte contre les abus, les détournements, ont également été renforcées, notamment à travers l’introduction d’un délai de trois mois de séjour irrégulier avant de demander l’AME, l’obligation de déposer une primo-demande d’AME en personne à la caisse d’assurance maladie, la détection des dissimulations de visa, grâce à l’outil Visabio, qui permet de vérifier que le demandeur ne dispose pas d’un visa, ce qui le rendrait inéligible à l’AME – puisqu’en situation régulière.

Un décret en cours de signature prévoit par ailleurs d’appliquer un délai d’ancienneté à l’AME de neuf mois pour la délivrance de certaines prestations programmées ou d’exiger un accord préalable du service de contrôle médical de la caisse primaire d’assurance maladie pour les cas qui ne peuvent attendre ce délai. L’année 2021 sera consacrée à la pleine mise en œuvre et au suivi de ces mesures. Les prévisions de dépenses, vous le comprenez aisément, sont néanmoins supérieures aux prévisions de 2020 dans la mesure où les dépenses, au cours de l’année écoulée, ont été exceptionnellement faibles en raison de la crise sanitaire.

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins se voit assigner trois objectifs : prévenir le développement de pathologies le plus tôt possible ; assurer à toute la population un égal accès aux soins dans l’ensemble du territoire ; préparer, coordonner et piloter les opérations de gestion de crise sanitaire. La prévention et l’éducation pour la santé sont aussi au cœur des politiques du programme. Leur efficacité se mesure à court, moyen et long terme. De fait, les indicateurs réunis pour l’objectif n° 1, « Améliorer l’état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé », permettent notamment de mesurer l’efficacité de la politique de prévention par le dépistage des cancers, la prévention et la lutte contre le tabagisme, tout comme la priorité donnée à la couverture vaccinale.

Par ailleurs, un plan national de santé publique a été élaboré pour la première fois dans une configuration interministérielle en 2018, dans le cadre du comité interministériel pour la santé. Présenté le 26 mars 2018par le Premier ministre Édouard Philippe, ce plan est l’outil indispensable pour rendre opérationnel le premier axe de la stratégie nationale de santé. Il fait de la prévention la pierre angulaire de la transformation de notre système de santé et marque le renforcement de la promotion de la santé, de l’éducation à la santé chez les plus jeunes et l’intervention du service sanitaire. La richesse de ce plan se trouve dans son approche chronologique, en fonction des âges de la vie, et populationnelle, mais aussi dans son approche transversale des actions de prévention, pour leur financement et la mobilisation des moyens nécessaires à leur mise en œuvre, qui relève de multiples financeurs – l’assurance maladie, le ministère, les agences sanitaires, les agences régionales de santé (ARS).

Le plan national de santé publique 2020, qui devait être dévoilé en mars 2020, à l’occasion d’un comité interministériel, n’a pas vu le jour, en raison de l’impact de la gestion de l’épidémie. La priorité devait être donnée à la prévention de la perte d’autonomie – thématique qui m’est chère en raison de mes attributions ministérielles – et aux enjeux de santé environnementale, en lien avec le quatrième plan national santé-environnement. Présenté la semaine dernière aux parties prenantes et intitulé « Mon environnement, ma santé », il est soumis, depuis lundi dernier, et jusqu’au 9 décembre prochain, à la consultation publique, sur la plateforme mise en ligne par le ministère de la transition écologique. Ce plan doit permettre à chacun, citoyen, élu, professionnel de santé, chercheur, d’agir pour un environnement favorable à notre santé.

L’année 2021 sera par ailleurs une année riche dans le domaine de la santé publique, car nous aurons l’occasion de traduire les engagements du Gouvernement en faveur de la lutte contre le cancer, à l’occasion de la présentation de la stratégie décennale, mais également, et plus largement, de renforcer les actions de santé publique, dans le cadre de la mise en œuvre du Ségur de la santé.

Une attention particulière sera également prêtée aux spécificités des outre‑mer, notamment pour améliorer la performance de l’offre de soins et adapter les outils aux besoins de la population ultramarine.

Dans ce contexte, le Ségur de la santé offre de nouvelles perspectives au travers du développement de l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital et du soutien à l’investissement.

Enfin, la mission Santé permet d’assurer l’indemnisation à l’amiable des victimes du Mediator et de la Dépakine. S’agissant des victimes de la Dépakine, la simplification du dispositif prévu par la loi de finances pour 2020 est désormais effective et permettra d’accélérer le traitement des demandes au bénéfice des victimes.

Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis des crédits de la mission Santé. Vous m’avez chargée d’examiner les crédits de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2021 ; je commencerai par vous en préciser le périmètre car l’intitulé peut laisser planer le doute. En effet, on pourrait s’attendre à ce que les politiques de santé publique soient massivement financées par cette mission, étant donné qu’il s’agit de politiques régaliennes qui ne relèvent pas d’une logique assurantielle. Mais notre pays a choisi, depuis plusieurs années, de rapprocher la prévention et la promotion de la santé de l’offre de soins. Le Gouvernement invoque, à l’appui de ce choix, la nécessaire continuité entre ces missions et le fait que les acteurs soient souvent les mêmes. De ce fait, la santé publique est désormais largement financée par la sécurité sociale, à commencer par l’agence que nous connaissons tous et qui joue un rôle de premier plan dans la crise sanitaire que nous traversons : Santé publique France.

Pour vous en donner une idée, l’annexe 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) estime le montant global des dépenses annuelles de santé publique à 9 milliards d’euros alors que le budget de la mission que nous examinons ce soir s’élève à 1,3 milliard et seulement 260 millions d’euros si l’on retire l’AME.

Je ne reviendrai pas sur l’AME, qui représente une dépense indispensable dans une perspective humanitaire et sanitaire. En dehors de l’AME, les politiques financées par la mission Santé sont d’une ampleur réduite, parfois trop au regard des enjeux de santé publique.

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit de reconduire le financement d’une étude sur la maladie de Lyme pour des montants dérisoires : pourriez-vous préciser le contenu et le budget pluriannuel de cette étude ? En février 2020, le comité de pilotage du plan national de lutte contre les maladies vectorielles à tiques recensait un effort de recherche pluriannuel global de 6 millions d’euros, saupoudré entre quarante-six projets différents. Dans ces conditions, il est légitime de douter de la vision d’ensemble et des effets de ces 6 millions d’euros, au demeurant très insuffisants. Comment comptez-vous, à l’avenir, madame la ministre, piloter, concentrer, renforcer l’effort en faveur des maladies vectorielles à tiques ? C’est, pour beaucoup d’entre nous, une priorité de santé publique. La commission des affaires sociales l’a constaté à l’occasion de tables rondes organisées le mois dernier : le moins que l’on puisse dire, c’est que le besoin de connaissances scientifiques dans ce domaine est criant. C’est le seul moyen de dépasser les politiques stériles dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui. Je présenterai donc un amendement pour financer un programme de recherche digne de ce nom.

Signalons au passage que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le financement de crise sanitaire ne repose pas sur la mission Santé, mais sur la sécurité sociale. Néanmoins, en 2020, la direction générale de la santé est intervenue en soutien à Santé publique France pour financer l’achat de matériels médicaux. Ainsi, 700 millions d’euros ont été transférés à cette fin sur le programme 204 de la mission Santé. Madame la ministre, que reste-t-il aujourd’hui de ces 700 millions ? Quels seront les besoins de votre ministère pour financer les matériels médicaux, médicaments, vaccins, en 2021 ? Les budgets nécessaires ont-ils été sanctuarisés ?

Venons-en au cœur de mon rapport, un sujet que l’on ne découvre qu’en se penchant sur cette mission alors qu’il s’agit d’une dépense structurante pour un territoire de la République française certes bien éloignée : l’agence de santé de Wallis-et-Futuna.

J’aurai une pensée pour mon collègue Sylvain Brial à qui je souhaite beaucoup de courage pour mener son travail de rééducation.

Cette agence de santé intervient depuis 2001 comme acteur unique de la santé dans le territoire de cette collectivité d’outre-mer. Elle est intégralement financée par la solidarité nationale, pour des raisons historiques et pour d’autres, liées aux caractéristiques très particulières de ce territoire, à la fois petit, peu peuplé et perdu au milieu du Pacifique, dont la population a des ressources très modestes.

Lorsque j’ai choisi de m’intéresser à cette agence, j’ai buté sur le manque d’informations. J’ai donc demandé au ministre de la santé que l’on me communique un rapport de mission réalisé en 2019 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEF). L’obtenir ne fut pas chose facile et ce fut finalement par l’intermédiaire de la rapporteure spéciale de la commission des finances, Mme Louwagie, que j’ai pu y accéder. Je l’en remercie.

Ce document dresse un constat pour le moins sévère de l’état de santé de la population de Wallis-et-Futuna et les moyens mis en œuvre par l’État. En résumé, les habitants sont massivement affectés par les maladies non transmissibles
– diabète, hypertension, pathologies cardiaques associées, cancers – qui résultent principalement d’un mode de vie inadapté et d’une alimentation bien trop riche, grasse et sucrée. Ce fléau, qui frappe toutes les populations du Pacifique, atteint Wallis-et-Futuna dans des proportions inquiétantes : 70 % des habitants sont obèses et 90 % en surpoids. Surtout, de plus en plus d’enfants sont obèses. D’autres problèmes s’ajoutent à cette situation : addictions, problèmes de santé mentale, problèmes d’assainissement et d’accès à l’eau potable.

Pour faire face, l’agence de Wallis-et-Futuna a longtemps eu des moyens inadaptés. Il faut dire qu’il existe dans ce territoire isolé un problème structurel de développement de l’offre de soins. Il n’y a toujours pas de cardiologue alors que la prévalence des maladies cardiaques y est très élevée. Il n’y a pas non plus de pédiatre, ni de psychiatre, ni d’ophtalmologue.

Pour cette raison, l’agence doit très souvent recourir aux évacuations sanitaires, qui représentent plus du tiers des dépenses de santé dans les îles – environ 15 millions d’euros. Les patients sont évacués en priorité à Nouméa, qui se trouve tout de même à 2 000 kilomètres de distance. Et lorsque le plateau technique de la Nouvelle-Calédonie ne suffit pas, ils sont évacués vers la métropole ou vers Sydney, en cas d’urgence vitale.

Le budget de l’agence de santé a été progressivement rehaussé depuis plusieurs années pour prendre en compte les besoins en santé du territoire. En 2020, pour la première fois, ce budget a fait l’objet d’une estimation sincère mais il faut à présent compenser les conséquences négatives de toutes ces années de sous-financement.

Pour ce qui est des investissements, la situation est aujourd’hui difficilement concevable pour un territoire de la République. Les bâtiments de l’agence sont vétustes et amiantés, aucune norme de sécurité n’est appliquée. Il n’y a dans les chambres ni système d’appel malade ni fluides médicaux. Le bloc opératoire ne répond à aucune norme ISO.

Par ailleurs, l’agence n’a jamais exercé sa mission en matière de santé publique, faute de moyens. Quand on voit l’état de santé de la population, on mesure à quel point cette abstention a été dommageable et même coupable.

Le constat est sévère et l’État est directement en cause puisque la santé relève de sa compétence, en application de la loi de 1961 qui fonde la collectivité d’outre-mer.

La bonne nouvelle, c’est que l’État se décide enfin à réagir. Il faut signaler le réel effort de votre ministère, madame la ministre, depuis 2013, pour rebaser la dotation de l’agence. Pour 2021, cette dotation doit être portée à 46,5 millions d’euros, en hausse de 4 millions par rapport à 2020. Qui plus est, et c’est une bonne surprise, vous avez réservé à l’agence une dotation d’investissement de 45 millions d’euros au titre du Ségur de la santé.

Ces nouveaux moyens étaient indispensables et attendus. Ils permettront de développer l’offre médicale dans le territoire, de mener un projet de télémédecine, de conduire de véritables programmes de santé publique, de reconstruire, humaniser, rénover, étendre les bâtiments de l’agence – signalons que l’hôpital dépend de l’agence.

En somme, ils permettront de faire face à une urgence de santé publique dans ce territoire. Fort heureusement, les Wallisiens et Futuniens ont été, jusqu’ici, préservés de la covid-19, au prix de mesures sanitaires drastiques aux frontières. Vous imaginez sans peine les dégâts que pourrait y causer une telle pandémie, étant donné l’état de santé de la population et les capacités limitées du système de soins.

Je salue le réengagement de l’État en faveur des Wallisiens et Futuniens, qui constitue le fait marquant du budget de la mission Santé  pour 2021. Pour cette raison, je vous encourage à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

M. Jean-Louis Touraine. Le champ de la mission Santé du PLF 2021 est naturellement plus limité que celui des lois de financement de la sécurité sociale, mais celle-ci comprend des actions importantes, qui sont bien prises en compte : premièrement, les crédits l’AME dont les crédits représentent 80 % des budgets de cette mission, soit 1,61 milliard d’euros, ce qui est essentiel pour la santé de populations très précaires ; deuxièmement, le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, évidemment marqué par la gestion de la crise de la covid19.

Je souhaite m’arrêter plus particulièrement sur l’action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », dotée d’une enveloppe de 50,6 millions d’euros, qui permet notamment de coordonner des actions comme la lutte contre le cancer à travers l’Institut national du cancer et de soutenir l’important travail des acteurs de la prévention des maladies chroniques.

La crise sanitaire bouleverse profondément les protocoles de soins des cancéreux et des autres malades souffrant d’affections chroniques : retards de diagnostic, prises en charge différées, traitements suspendus. Des actions spécifiques sont-elles envisagées pour corriger et compenser le mieux possible ces retards de soins ?

Un second point, toujours dans l’action n° 14, concerne la légère baisse des budgets dévolus à la santé sexuelle. Sera-t-il possible, ultérieurement, de la compenser pour ce secteur qui se révèle fragile ? Nous connaissons tous les difficultés que rencontrent aujourd’hui les acteurs de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles. Ainsi, la délivrance du traitement prophylactique PrEP, qui permet de réduire la contamination par le VIH, a baissé de 36 % depuis le début de la crise sanitaire ; il faut impérativement revenir au niveau antérieur.

Globalement, le groupe La République en Marche exprime un avis très favorable sur les crédits de cette mission et les votera sans hésitation.

Mme Josiane Corneloup. La mission Santé du projet de loi de finances revêt cette année une dimension particulière et inédite en raison de la terrible crise sanitaire qui frappe notre pays et des mesures d’urgence qui ont été prises.

Elle se démarque des deux textes essentiels relatifs à la santé, les lois dites « santé » et le PLFSS, puisqu’elle est exclusivement financée par le budget de l’État et non par celui de la sécurité sociale.

Son objet est triple : le financement de certains opérateurs de la prévention, l’indemnisation des victimes de l’amiante et l’AME.

Cette année, les crédits au titre de la mission Santé s’établissent à 1,32 milliard d’euros, soit une hausse de 200 millions par rapport à 2020.

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins rassemble 18 % des crédits de la mission. Sa dotation s’établit à 260 millions d’euros, ce qui représente une progression d’environ 60 millions, cette hausse n’étant due qu’au plan d’investissement pour l’Agence de santé de Wallis‑et‑Futuna. Ce poste budgétaire, largement méconnu en France métropolitaine, bénéficie cette année d’une augmentation sans précédent de ses moyens, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir compte tenu du contexte. Le rapport de l’IGAS et du CGEF d’avril 2019 faisait en effet état de difficultés particulières rencontrées par la population wallisienne et futunienne. Cette augmentation de crédits permettra de moderniser l’offre de soins et de la mettre en adéquation avec les besoins de la population tout en recherchant une plus grande efficience.

La question de la taille critique nécessaire pour permettre à l’État de disposer d’une réelle capacité de pilotage de la politique de santé publique se pose toujours car les crédits restants sur ce programme sont toujours très réduits : entre 2013 et 2017, les crédits du programme 204 ont baissé de 38,2 %.

L’année dernière, une réforme du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine demandée par ma collègue rapporteure spéciale Véronique Louwagie a été adoptée. Elle permettait notamment de réduire de trois à un mois le délai d’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. Toutefois, l’application de la réforme a été retardée en raison de la crise sanitaire et il est donc difficile d’en établir un bilan complet. La trajectoire du dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine demeure toujours très éloignée des objectifs initiaux.

Enfin, le programme 204 ne comporte qu’une dépense minime de 7 millions d’euros liée à la crise sanitaire et consacrée aux systèmes d’information. Il aurait été pourtant pertinent de budgéter dès à présent certaines dépenses, notamment en prévision d’éventuelles procédures judiciaires mettant en cause la responsabilité de l’État ou de ses opérateurs dans la crise sanitaire.

Les crédits du programme 183 Protection maladie s’établissent à 1,07 milliard d’euros, en hausse d’environ 140 millions par rapport à 2020. Ils financent quasi‑exclusivement l’AME, c’est-à-dire, l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, et représentent 85 % des crédits de la mission.

Les dépenses restantes couvrent la participation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), essentiellement financé par une contribution du régime général de la sécurité sociale.

L’année dernière, lors du vote du budget, le Gouvernement anticipait une stabilisation de la dépense d’AME dès 2020 grâce à une gestion plus efficiente des dispositifs et à un renforcement des contrôles de la dépense. Force est de constater qu’« à défaut d’être un échec, cela n’a pas marché », pour reprendre la formule du Président de la République. Si la stagnation du nombre de moyens et de bénéficiaires entre 2016 et 2018 pouvait plaider en ce sens, le regain de 5 % observé en 2019, puis de 4,5 % en 2020, ainsi que le dynamisme du coût moyen par bénéficiaire doivent inciter à la plus grande prudence. Surtout, l’évolution de la dépense, en hausse de 46 % entre 2011 et 2020, conduit à s’interroger sur la soutenabilité du dispositif.

Le groupe Les Républicains considère que le débat de fond concerne principalement l’efficacité de la politique migratoire du Gouvernement, l’AME n’étant que le corollaire de la gestion des flux d’entrées illégales sur le territoire.

Des propositions sont formulées depuis près de dix ans en termes de centralisation des demandes ou de renforcement des contrôles des dossiers a priori et a posteriori. Le problème de l’explosion des coûts semble donc plus s’expliquer par l’augmentation du nombre de bénéficiaires, qui usent de l’ensemble de leurs droits dans des conditions légales, que par la fraude, la surconsommation de soins n’étant pas répréhensible en tant que telle.

Nous disposons en fait de très peu de données. Par exemple, la donnée relative aux pays d’origine des bénéficiaires de l’AME n’est pas conservée par l’assurance maladie alors qu’elle permettrait d’en savoir plus sur le lien entre flux migratoires et évolution du nombre de bénéficiaires. Avez-vous envisagé qu’une étude complète soit menée sur l’ensemble des dispositifs prenant en charge des personnes en situation irrégulière ?

M. Philippe Vigier. Le financement de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna était attendu depuis de longues années. Comme Jeanine Dubié, j’ai une pensée particulière pour notre collègue Sylvain Brial, député de Wallis-et-Futuna, qui se remet avec courage d’un grave accident. Son combat laisse espérer une issue heureuse.

Les années 2020 et 2021 seront en effet particulières. Le Président de la République vient d’annoncer un nouveau confinement suite aux conséquences de l’explosion virale. Je pense, comme d’autres, que cette mission Santé devrait avoir un rôle de pilotage stratégique. Toutefois, une dichotomie s’est installée au fil du temps : une direction suppose que lui soit adossée une stratégie de financement ; or le financement direct par l’État à travers les missions, sur lesquelles nous, parlementaires, exerçons notre contrôle, est toujours plus faible que ce que finance l’assurance maladie. Un problème de cohérence se pose donc et je gage que cette question vous intéresse particulièrement, madame la ministre, vous qui avez présidé cette commission.

Présidente de la mission d’information parlementaire sur l’impact, la gestion et les conséquences de l’épidémie de covid-19, vous savez également que l’assurance maladie a dû répondre aux demandes formulées par la direction générale de la santé afin de suppléer les carences de Santé publique France. Je ne porte pas un jugement de valeur : c’est ainsi que les choses se sont passées au printemps. Avec la terrible pandémie que nous connaissons, le Parlement s’honorerait de se saisir de ces problèmes.

Depuis les années 1990, de nombreuses agences ont été créées ou se sont regroupées : l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est arrivée, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) est là, les ARS sont montées en puissance. Là encore, un problème d’articulation, le mot n’est pas trop faible, se pose entre les décisions stratégiques nationales prises sur le plan ministériel – je songe aux fameuses réunions du lundi en présence, normalement, de tous les opérateurs – et leurs déclinaisons sur le terrain.

Il en est de même en matière de prévention, qui est au cœur de tout, où un peu plus de 50 % des financements sont assurés par l’État ou l’assurance maladie et le reste par les conseils départementaux et les organismes privés.

Des enseignements doivent être tirés, car la terminologie même de cette mission exige un résultat plus affirmé que celui que nous connaissons.

Il est vrai que la croissance de l’AME est exponentielle depuis de longues années. Certes, une obligation de résidence ininterrompue de plus de trois mois sur le territoire a été instaurée mais lorsque plus des deux tiers des enveloppes sont consommés par des personnes hospitalisées, il n’y a pas lieu de l’imputer à surconsommation particulière, Josiane Corneloup l’a très bien dit, mais au plus grand nombre de consommateurs.

Jeanine Dubié, avec beaucoup d’autres, se bat contre la maladie de Lyme et les désastres qu’elle provoque, combat qui dépasse les considérations partisanes. Nous auditionnions voilà quelques semaines encore différentes personnalités, mais quel spectacle offrons-nous à ceux qui en sont atteints ? Les avis des scientifiques et des écoles de pensée sont souvent divergents et leurs querelles peu constructives ; j’espère que cette mission tant attendue arrivera dans les meilleurs délais. Ce serait un apport précieux de l’Assemblée nationale et du Parlement pour faire en sorte que cette maladie soit éradiquée. Il n’y a pas de raison que l’on n’y arrive pas.

Mme Gisèle Biémouret. L’examen des crédits de la mission Santé pour 2021, répartis entre le programme 204, consacré à la prévention, et le programme 183, consacré à l’AME, se voit bousculé par le contexte sanitaire, même si nous partageons l’avis de la rapporteure quant au rétrécissement du périmètre de la mission au fil du temps et au caractère hétéroclite des actions qui y sont rattachées.

Je commencerai par le programme 183, dont la hausse de 15,41 % résulte en grande partie de la prise en compte des mesures de restriction d’accès à la protection universelle maladie (PUMA), qui induiront un report sur l’AME.

Pour rappel, l’an dernier, la majorité avait déjà voté la diminution de 15 millions du budget de l’AME et l’exclusion, sauf dérogation, de certains soins non urgents. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, dans son avis du 28 septembre, demande que les délais de carence introduits en 2019 pour l’accès à l’AME et à l’assurance maladie soient supprimés, en particulier pour les actes de prévention et les actes médicaux liés à l’épidémie de covid-19. Dans son récent rapport, Médecins du monde dresse un constat bien sombre de l’accès inconditionnel aux soins et au droit universel à la santé, qui n’ont fait que s’amenuiser ces dernières années pour la population migrante.

La fusion de l’AME avec la PUMA serait une réponse pragmatique qui permettrait un accès précoce aux soins et, comme le note Médecins du monde, aurait des conséquences moins coûteuses pour notre système de santé. Avez-vous évalué les coûts positifs ou négatifs d’une telle mesure, que vous refusez de prendre malgré les nombreux amendements qui ont été déposés les années précédentes ?

L’augmentation de 16 % du programme 204 est essentiellement due aux 45 millions affectés à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna, ce que nous saluons compte tenu des enjeux qui se posent sur ce territoire. Nous nous interrogeons néanmoins sur le saupoudrage du reste du programme. Manque en effet, comme au PLFSS, le financement d’une politique volontariste en matière de prévention et de promotion de la santé, alors que le plan national de santé publique 2020 a été finalement abandonné en raison de la crise du covid-19.

Ainsi, nous regrettons par exemple la faible augmentation de 2,66 % des crédits de prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation, qui financent notamment l’application du programme national nutrition santé et le fonctionnement de l’ANSES. Nous devrions en effet investir massivement pour améliorer les dispositifs d’information et de sensibilisation aux questions d’alimentation, notamment à destination des enfants, et renforcer considérablement les moyens de l’ANSES, dont le rôle est essentiel dans l’élaboration des politiques publiques environnementales – la réautorisation de l’usage des néonicotinoïdes, qui doit faire l’objet d’une étude de sa part, en est un exemple.

De même, nous pouvons être surpris que l’action n° 16 relatives aux crédits de veille et de sécurité sanitaires, incluant notamment l’anticipation des crises sanitaires ou la prévention des risques infections émergents, demeure identique alors que la situation sanitaire aurait pu justifier à tout le moins une augmentation.

Enfin, lors des travaux de suivi dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire au printemps dernier, ma collègue Audrey Dufeu et moi-même avions établi que la quasi‑absence de dépistage pendant cette période pouvait faire craindre des retards délétères de diagnostics qui auraient des répercussions dans les mois et les années à venir. Ces retards de prise en charge ou l’absence de soins ont été particulièrement inquiétants en ce qui concerne les cancers, ou s’agissant du risque de réactivation de certaines pathologies comme les accidents vasculaires cérébraux et les diabètes. Nous avions établi que le diagnostic et le dépistage des maladies devraient faire l’objet de tous nos efforts dans les semaines et les mois suivants le déconfinement. En ce sens, les crédits de l’action n° 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » nous semblent insuffisants et contre-productifs. La baisse des crédits consacrés à la santé mentale est quant à elle inopportune face aux risques de fragilisation psychologique de la population pendant la crise sanitaire. Quelles mesures le Gouvernement a-t-il pris pour relancer les politiques de dépistage, alors qu’un reconfinement a été annoncé ?

Mme Valérie Six. Nous partageons les objectifs du Gouvernement concernant l’amélioration de l’état de santé de la population et la réduction des inégalités sanitaires territoriales et sociales.

Le texte prévoit d’augmenter les crédits de la mission Santé de 18 % pour atteindre 1,3 milliard d’euros. Il faut noter toutefois que cette mission ne contient qu’une partie des dépenses publiques consacrées à la santé car les questions budgétaires liées aux politiques de santé publique, à l’offre de soins et à l’assurance maladie relèvent du PLFSS, examiné la semaine dernière.

Cette mission s’inscrit cependant dans un contexte très particulier cette année. Même si, a priori, elle n’est que peu concernée par la pandémie, il ne faut pas négliger le rôle des mesures de prévention sur les conséquences sanitaires en termes de nombre de malades et de décès. Ainsi, une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques a croisé données sociales et épidémiologiques et a montré que les premières personnes touchées par le virus sont les populations les plus fragiles.

Au-delà du facteur lié à l’âge, certaines pathologies aggravent les symptômes liés au covid-19 – obésité, hypertension artérielle ou diabète – et sont inégalement réparties sur le territoire. Vous le savez, le département du Nord n’est pas épargné par leur cumul et la situation sanitaire actuelle en est un nouveau révélateur.

Mon prédécesseur, Francis Vercamer, ne cessait de le répéter : les moyens déployés pour compenser ces inégalités sont insuffisants, alors que le « bleu » budgétaire consacré à cette mission affiche l’ambitieux objectif de réduire les inégalités sanitaires territoriales et sociales.

À cet effet, un « jaune » budgétaire consacré à la prévention et à la promotion de la santé annexée à la mission Santé a été ajouté l’année dernière. Si complet qu’il puisse être, ce document ne contient pas d’informations quant à la répartition territoriale des mesures ou aux indicateurs locaux concernant leur efficience. Dans ces conditions, comment pouvons-nous être éclairés sur la lutte réelle contre les inégalités territoriales en matière de santé ? Comment les départements qui en ont le plus besoin pourraient-ils être prioritaires ?

Par ailleurs, les débats sur le projet de loi relatif à la bioéthique et sur la proposition de loi visant à allonger le délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse ont révélé l’importance de développer des campagnes d’informations sur l’infertilité et la contraception : 10 % à 15 % des couples, en France, rencontrent des difficultés à concevoir un enfant et consultent pour infertilité. Chaque année, 20 000 enfants naissent grâce aux techniques d’assistance médicale à la procréation : 70 % par fécondation in vitro, 30 % par insémination. Si la procréation médicalement assistée donne un véritable espoir aux couples stériles, le parcours est néanmoins contraignant et de nombreux échecs sont à déplorer.

Au-delà des efforts à faire pour soutenir la recherche, la prévention sur ces questions ne doit pas se réduire à l’éducation à la sexualité dans les écoles. Quelles actions seront-elles engagées ?

Enfin, les sommes affectées à l’AME représentent 80 % des crédits de la mission. Ces crédits poursuivent une dynamique d’augmentation, soit, une hausse de 15 % par rapport à l’exercice précédent, et dépassent pour la première fois le milliard d’euros. Nous ne sommes pas favorables à la restriction du périmètre de l’AME, ni à la suppression pure et simple d’un dispositif répondant à un devoir d’humanité, ce qui reviendrait à transférer la prise en charge des personnes en situation irrégulière aux services d’urgence, donc, aux hôpitaux.

C’est contre les détournements qu’il faut lutter ! Nous notons le renforcement des contrôles et le projet de centralisation de l’instruction des dossiers en métropole, novation indispensable pour lutter contre le dévoiement du dispositif dans le cadre du tourisme médical. Toutefois, l’objectif affiché d’une augmentation des contrôles des dossiers de 11,4 % en 2019 à 12 % en 2021 nous semble bien insuffisant.

À la lumière du rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, d’autres moyens de contrôle peuvent être encore développés et le groupe UDI et Indépendants a des propositions à formuler. Ainsi, par quel biais pensez‑vous pouvoir faire progresser l’efficience et la qualité des contrôles susceptibles d’être opérés sur le dispositif de l’AME ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. L’épidémie de coronavirus n’est pas terminée. Elle est même de grande ampleur, ce qui nous oblige à consentir de gros efforts, des sacrifices, et à prendre des mesures que nous ne pensions pas devoir appliquer un jour. Elle nous rappelle aussi combien la santé est un bien précieux, ce que nous avons parfois oublié, nous laissant aller à une foi en la science et à une confiance aveugle dans les progrès de la médecine. Nous ramenant à notre statut de mortels, elle nous fait prendre conscience que c’est un bien précieux et fragile et que les efforts de la nation pour accompagner les progrès médicaux doivent être poursuivis.

Cela, bien sûr, a un coût et c’est l’objet du texte que nous examinons aujourd’hui, même si le périmètre de la mission Santé est limité, puisque l’essentiel des actions sanitaires relève du PLFSS.

Pour 2021, ses crédits augmentent de 17,81 %, passant de 1,12 milliard d’euros en 2020 à 1,32 milliard, principalement en raison de la hausse des crédits de l’AME, qui représentent 80 % des crédits de la mission – environ 990 millions.

Cette mission est divisée en deux programmes, l’un sur la prévention, le 204, l’autre sur l’effort de solidarité nationale envers les plus démunis, le 183. Ce dernier concerne l’AME ainsi que le remboursement des frais induits par pathologies liées à l’amiante.

Les crédits du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, marqués par la crise sanitaire, augmentent de 29 % entre 2020 et 2021 pour atteindre 260,2 millions d’euros, principalement en raison d’une hausse de 45 millions de crédits en raison de la modernisation de l’Agence de santé de Wallis‑et-Futuna, financée par une dotation du Ségur de la santé.

Face à la crise sanitaire que nous traversons, les politiques de prévention doivent plus que jamais être soutenues. Ainsi, l’amélioration des taux de couverture vaccinale est une priorité, tout comme l’augmentation du taux de participation au dépistage du cancer colorectal pour les personnes de 50 ans et plus.

Cependant, la rupture prématurée des stocks de vaccins antigrippaux dans les pharmacies doit nous alerter sur l’anticipation de l’organisation de la prochaine campagne vaccinale. Pour ce qui est du taux de couverture vaccinal de la grippe, nous avons bien conscience que la crise actuelle met en évidence une anticipation difficile mais indispensable. Les tensions actuelles devront nous amener à réfléchir à une organisation différente.

Les crédits du programme 183 Protection maladie augmentent de 15 %, à hauteur de 1 milliard d’euros, contre 927 millions prévus en 2020. La hausse est due essentiellement aux crédits fléchés vers l’AME, qui augmentent de 15 %. Nous sommes favorables à une approche mesurée de ce sujet sensible et propice aux caricatures.

J’en viens aux dotations du FIVA. Au-delà des 8 millions d’euros figurant dans la mission Santé, le PLFSS 2021 fixe la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général au FIVA à 220 millions d’euros alors que le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale préconisait un maintien de la dotation au même niveau qu’en 2020, c’est‑à‑dire 260 millions. La crise sanitaire a eu des conséquences importantes sur le fonctionnement du Fonds. Il est urgent de réduire les délais de traitement des dossiers en instance.

Au-delà de ces points de vigilance, le groupe Agir ensemble votera les crédits de la mission Santé.

M. Bernard Perrut. Je ne reviendrai pas sur les points qui ont été déjà évoqués, sur les crédits pour les actions de prévention et de promotion de la santé et de soutien au développement de la démocratie en santé : beaucoup a été dit.

Je souhaite en revanche revenir sur la santé des populations en difficulté. Ses crédits augmentent mais je m’interroge sur votre choix de ramener les crédits consacrés à la santé de la mère et de l’enfant à l’action n° 12, à un montant inférieur à celui de l’année dernière. Quelle en est la raison, alors que nous avons examiné il y a quelques jours ici même le rapport de la commission dite des « 1 000 premiers jours » et que nous nous attendions à des engagements plus importants ?

Il en est de même à propos des crédits de l’action n° 16 « Veille et sécurité sanitaire » du programme 204 : pourquoi n’ont-ils pas augmenté alors que la période que nous traversons impliquerait des moyens supplémentaires, ne serait-ce que pour budgéter dès à présent certaines dépenses en prévision d’éventuelles procédures qui pourraient mettre en cause la responsabilité de l’État ou de ses opérateurs dans la crise sanitaire ?

Enfin, je m’intéresse beaucoup à la lutte contre la maladie de Lyme, financée par cette action n° 16 conjointement avec la surveillance des moustiques vecteurs de maladies infectieuses. Le budget prévu de 570 000 euros est très loin de ce qui serait nécessaire pour apporter une réponse aux milliers de patients en errance médicale. Nous avons organisé des tables rondes au sein même de cette commission et nous sommes tous d’accord pour souligner l’importance de cette question, tant les malades ont besoin d’une aide qui nécessite des moyens en conséquence. Notre système de santé n’est pas en mesure de leur proposer une prise en charge adaptée en raison de l’insuffisance des connaissances scientifiques sur ces maladies. Il est temps de pallier ces lacunes. Que proposez-vous, madame la ministre, et que pensez-vous de la proposition de notre collègue rapporteure visant à augmenter de 10 millions d’euros l’enveloppe consacrée aux études sur ces maladies vectorielles à tiques, en écho aux propositions faites lors de l’examen des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur ?

M. Thierry Michels. J’ai bien écouté votre intervention, madame la ministre, à propos de la prévention et des efforts nécessaires à accomplir dans le dépistage des cancers. Avec la crise du covid-19, nous avons perdu beaucoup de temps pour dépister les plus courants d’entre eux, ce qui renforce en la matière une stagnation et même un recul que nous constatons depuis plusieurs années. En ce mois d’« octobre rose », je pense à la baisse du taux de participation au dépistage organisé du cancer du sein, qui stagne autour de 50 %, et à celui du cancer colorectal, qui est de 30 %, loin du repère acceptable recommandé par l’Union européenne, qui est de 45 %. Quelles approches novatrices pourraient-elles voir le jour pour convaincre et motiver nos concitoyens, sachant que le dépistage anticipé, pour ces cancers, est la meilleure garantie de guérison ?

Dans le même ordre d’idée, pourriez-vous dire un mot sur les actions prévues pour la prévention de l’obésité, qui touche 17 % de nos concitoyens ? C’est un des maux du siècle, avec sa cohorte de maladies chroniques, de handicaps et de cancers.

M. Thibault Bazin. Ce programme 183 Protection maladie, qui finance quasi‑exclusivement l’AME, c’est-à-dire l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, augmente de 15 %, soit 141,5 millions d’euros. De 2013 à 2021, son augmentation, continue, atteint 90 %, avec un nombre de bénéficiaires équivalent à la population de la ville de Nice...

Avec mes collègues Les Républicains, nous avons des propositions.

Le Gouvernement doit engager une étude complète de l’ensemble des dispositifs, avec un état des lieux complet du coût de chacun d’eux.

Deuxièmement, il convient de renforcer le contrôle des bénéficiaires et des facturations afin d’obtenir des informations claires sur les soins prodigués.

Troisièmement, il convient d’instaurer des mesures permettant de limiter l’explosion des dépenses, par exemple en s’adjoignant les services d’interprètes bénévoles ou professionnels, assermentés par le tribunal de grande instance ou la préfecture, afin de limiter le tourisme médical et l’absence de facturations de certains patients.

Quatrièmement, il convient de réduire le panier de soins et d’instaurer une procédure d’agrément pour les soins non urgents dépassant un certain montant.

Il faut bien entendu prendre en charge les soins à caractère vital et urgent, en cas de souffrance physique, les soins destinés aux femmes enceintes et relatifs à l’accouchement, les soins contre les infections, les soins aux victimes d’accidents du travail ou d’une agression physique – ce que permet d’ailleurs la visite gratuite de prévention. Mais il faut également faire en sorte que l’accès aux soins ni urgents ni prioritaires soit soumis au paiement d’un droit de timbre, modulé en fonction des revenus du foyer, et à une procédure d’agrément.

Enfin, il faut se rendre à l’évidence : une limitation substantielle des dépenses relatives à l’AME ne sera possible qu’en luttant vraiment contre l’immigration illégale.

Madame la ministre, allez-vous enfin reprendre nos propositions ?

Mme la ministre déléguée. Madame la rapporteure, vous voudrez bien saluer de notre part Sylvain Brial, pour qui j’ai également une pensée.

L’agence de santé de Wallis-et-Futuna va effectivement bénéficier d’une dotation de 46,5 millions d’euros, en hausse de 4 millions par rapport à 2020, dans le cadre d’une dynamique de rebasage et de renforcement de la prévention. La progression de 9,41 % de cette dotation atteste la volonté des pouvoirs publics de conforter l’action et les moyens de l’agence : c’était une nécessité vitale pour ce territoire français, le plus éloigné de la métropole. Nous y avons été attentifs, comme vous l’avez rappelé.

Pour ce qui concerne la maladie de Lyme, sujet qui vous est cher, des moyens lui ont été consacrés dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique et des dotations de recherche des établissements. La question qui se pose est avant tout celle de la mise en place d’un programme efficace, assorti d’un suivi pertinent. Je rappelle qu’il existe une nouvelle organisation des soins – du médecin généraliste jusqu’au centre de référence, pour une expertise de haut niveau – et que toutes les équipes peuvent demander la prise en charge de leurs recherches. Nous avons besoin d’une approche globale : la recherche est un élément de la réponse, mais celle-ci est intrinsèquement liée à l’amélioration de la prise en charge globale – ce à quoi nous œuvrons depuis 2017.

La problématique du renoncement aux soins, évoquée par plusieurs d’entre vous, resurgit avec le confinement et la déprogrammation de soins ou d’interventions qui va de nouveau se produire. Le dépistage des cancers a été maintenu, pendant le précédent confinement, pour les personnes symptomatiques, mais les invitations au dépistage des personnes asymptomatiques ont été suspendues pendant quelques semaines. Le ministère a fait de la reprise des invitations et des activités de dépistage des cancers colorectal, du sein et du col de l’utérus une priorité dès l’annonce du déconfinement. Les forces restent mobilisées, bien sûr, pour atteindre un double objectif : éviter un renoncement d’ampleur aux soins et identifier les profils concernés. Forts de notre expérience, nous serons très vigilants sur ce sujet, qui fait partie des préoccupations remontées du terrain. Nous savons les conséquences auxquelles nous pourrions être exposés ultérieurement.

S’agissant de l’AME, les questions qui m’ont été posées, notamment par Mme Corneloup, portaient non sur les dispositifs d’accès aux soins mais sur l’ampleur des flux d’immigration irrégulière, question qui ne relève pas de la mission Santé. Notre objectif est de garantir l’accès aux soins pour tous, pour des raisons d’humanité mais aussi de santé publique, notamment face à la pandémie actuelle. Vous pourrez en parler avec le ministre de l’intérieur, si vous le souhaitez, au besoin dans le cadre d’un débat sur l’immigration, mais pas dans celui de cette mission. J’ajoute que nous avons ajusté les moyens de régulation et de contrôle au cours des dernières années. En tout état de cause, évitons de mélanger les débats, surtout lorsqu’on traverse une telle crise.

La mission Santé ne concerne qu’une très faible partie des dépenses de soins, monsieur Vigier. Elles sont principalement financées par l’assurance maladie et donc discutées dans le cadre du PLFSS. Les dépenses figurant dans la présente mission sont liées à la prévention. Il ne m’appartient pas de changer les règles du jeu.

M. Perrut a évoqué la ligne budgétaire consacrée à la santé de la mère et de l’enfant. Parmi les mesures annoncées à la suite du rapport de Boris Cyrulnik figure la création d’un parcours pendant les 1 000 premiers jours de l’enfant. Ce parcours aura trois points d’ancrage pour toutes les femmes, en dehors des soins nécessaires : l’entretien prénatal précoce, le passage à la maternité et un accompagnement postnatal, à domicile, renforcé. C’est la feuille de route que s’est fixée le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles. Il n’est pas du tout question de mettre de côté cette politique, mais au contraire de l’intensifier dans le cadre des mille premiers jours, au moyen d’un suivi précoce, d’éventuels diagnostics et surtout d’un accompagnement, afin d’éviter des situations plus délicates par la suite.

M. Bazin m’a interrogée sur le panier de soins applicable dans le cadre de l’AME. La loi de finances pour 2008 a subordonné la délivrance des médicaments à l’acceptation d’un générique et la loi de finances pour 2011 a exclu de la prise en charge les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n’a pas été qualifié de moyen ou d’important, lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention de maladies. En 2015, les médicaments à faible service médical rendu, remboursés à 15 %, ont été exclus de la prise en charge. Par ailleurs, la loi de finances pour 2020 a prévu un délai d’ancienneté du bénéfice de l’AME, de neuf mois, pour certains soins programmés, sauf en cas d’urgence ou d’entente préalable. Le décret fixant la liste des soins concernés est en cours de publication. On doit éviter de faire preuve de démagogie sur cette question, tout en veillant à l’efficience de nos dispositifs, qui ne doivent pas être dévoyés. Ce qui, du même coup, répond à la question de Mme Biémouret.

S’agissant du non-recours aux soins, du dépistage des cancers et du suivi, je répète, monsieur Michels, ce que j’ai dit au sujet de notre préoccupation et de notre vigilance en la matière. Beaucoup d’interventions ont été déprogrammées ou reportées : on ne doit pas le faire trop longtemps. Il est question d’une déprogrammation provisoire, d’une durée plus courte, mais le contexte reste spécial. Nous sommes conscients de ce qu’il en coûterait – pour la santé de nos concitoyens s’entend : je ne parle pas d’économie. Le report est parfois venu des patients eux-mêmes, qui n’ont pas souhaité se faire suivre : il faut les y inciter dans la mesure du possible. Nous comptons beaucoup nous appuyer pour ce faire sur la médecine de ville, qui s’est trop souvent sentie écartée ou mise de côté. Le Président de la République en a parlé dans son allocution. Nous avons besoin d’une symbiose entre la médecine de ville et les hôpitaux, qui seront surchargés, afin que les diagnostics et les suivis ne soient pas mis de côté – c’est vital.

Mme Six a évoqué la question de la prévention en matière de santé sexuelle. Un amendement adopté dans le cadre du PLFSS, à l’initiative du groupe La République en Marche, prévoit une expérimentation de consultations longues pour tout ce qui touche aux infections sexuellement transmissibles et à la contraception pour les jeunes filles de 15 à 18 ans, réalisées par des médecins généralistes, des gynécologues ou des sages-femmes. La préservation de la santé sexuelle des plus jeunes est une nécessité vitale. Cette question fait partie des priorités mises en avant dans la stratégie nationale de santé 2018-2022.

La lutte contre les inégalités sociales en matière d’accès aux soins est également une priorité. Il faut notamment veiller à la bonne information des publics. La covid frappant plus durement les personnes les plus précaires et les plus vulnérables, un des piliers du Ségur de la santé est consacré aux inégalités dans l’accès aux soins. Au total, 100 millions d’euros seront consacrés à cette question, notamment dans le cadre des permanences d’accès aux soins, l’action « aller-vers », grâce à des équipes mobiles, et la création de centres de santé dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il ne me reste plus qu’à vous remercier, madame la ministre déléguée – notamment d’avoir accepté de bousculer votre agenda. Nous avons toujours beaucoup de plaisir à vous retrouver.

 

 


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II.   EXAMEN DES CRÉDITS

Puis la commission examine, pour avis, les crédits de la mission Santé (Mme Jeanine Dubié, rapporteure pour avis) ([6]).

Article 33 et état B
Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-AS30 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement, qui ne devrait pas vous étonner, propose de consacrer 10 millions d’euros supplémentaires à la recherche sur la maladie de Lyme.

Vous savez que 67 000 cas nouveaux ont été recensés en 2018 par Santé publique France et que la communauté scientifique est profondément divisée quant aux méthodes de diagnostic, à la prise en charge et au traitement de la forme persistante de cette maladie – nous avons pu le constater lors des auditions. Les malades restent donc dans une situation d’errance thérapeutique.

Jusqu’à présent, aucun programme de recherche d’ampleur n’a été lancé pour améliorer les connaissances scientifiques sur cette maladie ni, plus généralement, sur les maladies vectorielles à tiques. Il existe une multitude de programmes, mais sans aucune coordination. Le professeur Yazdanpanah, directeur de l’institut thématique Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, a souligné en février 2020, lors d’une réunion du comité de pilotage du plan national de prévention et de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques, qu’il n’y avait que des projets disparates et hétérogènes, sans aucune ligne directrice, et que le niveau de financement était très faible – il est d’environ 500 000 euros cette année.

L’action 16 du programme 204 finance une étude, mais pour un montant très faible. Le présent amendement vise à abonder les crédits disponibles pour permettre un véritable programme de recherche sur les maladies vectorielles à tiques. Afin de tenir compte de l’article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances, ces 10 millions d’euros seraient prélevés sur le budget de l’AME, mais il n’est pas dans mes intentions de réduire ces crédits : j’appellerai le Gouvernement à lever le « gage » et à apporter un financement pérenne à la recherche sur la maladie de Lyme et les maladies vectorielles à tiques.

M. Jean-Louis Touraine. Il s’agit à l’évidence d’un amendement d’appel, adressé au Gouvernement. Du reste, la ministre déléguée a apporté tout à l’heure des éléments de réponse sur ce qui est entrepris, ou va l’être, dans le cadre d’une prise en charge totale de la maladie de Lyme, au-delà de la recherche. Il serait plus logique d’en débattre en séance publique. Je suggère donc à notre rapporteure de le retirer pour le redéposer en séance, d’autant que, tout comme elle, je trouve qu’il serait dommageable de diminuer les crédits du programme 183 : il faut trouver un autre moyen de favoriser la recherche et la prise en charge. Le Gouvernement pourra le faire sans qu’il y ait d’effet collatéral, ce qui nous satisferait tous.

M. Philippe Vigier. Je ne partage pas l’analyse de M. Touraine. Lui-même avait d’ailleurs déposé, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, des amendements qui ne visaient pas seulement à engager des débats. La proposition de la rapporteure pour avis tend à apporter une réponse au sujet de cette pathologie, sur laquelle nous travaillons depuis des années, d’une façon transpartisane. La ministre, qui vient de faire une ouverture, ne pourra aller que dans le sens de cet amendement. Tout le monde le réclame, notamment les personnes que nous avons auditionnées : elles nous ont demandé de les accompagner et de les aider, pour mettre un terme aux errements que nous connaissons. C’est notre travail : il appartient au Parlement d’être force de proposition, d’initiative, d’inventivité, de créativité. Sinon, de quoi aurons-nous l’air ? Ce ne serait pas rendre service aux patients et aux acteurs que nous avons entendus. Ayons au moins une pensée pour eux.

Mme la rapporteure. Nous avons débattu de cette question lundi dans l’hémicycle, lors de l’examen de la mission Recherche et enseignement supérieur. J’avais déposé des amendements avec M. Descoeur et Mme Trisse prévoyant des crédits en matière de recherche fondamentale. Nous avons eu la même réponse que l’année dernière : cela ne concerne pas seulement la recherche fondamentale, et il faut donc agir aussi en matière de recherche clinique... C’est précisément la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement dans le cadre de la mission Santé – et je le redéposerai en séance.

Je crois que nous sommes tous convaincus que des efforts importants restent à faire dans ce domaine. Tout comme vous, je pense, je suis persuadée que c’est seulement par des travaux de recherche, fondamentale ou clinique, que nous arriverons à dépasser la controverse qui existe au sein de la communauté médicale – cela ressort très nettement de nos auditions. Il existe des perceptions et des conceptions différentes, à tel point qu’on a l’impression que diverses écoles s’affrontent. On ne pourra sortir de cette situation que s’il y a des avancées en ce qui concerne les connaissances, le diagnostic et l’utilisation des tests sérologiques, un accord sur les traitements à prodiguer et une reconnaissance de ce qu’on appelle le syndrome persistant polymorphe après une possible piqûre de tique.

Il est important d’insister sur cette question, et je tiens à remercier la présidente de la commission, qui a été très attentive aux conclusions que nous avons tirées, Stéphane Viry et moi-même, de nos trois tables rondes. Il me semble que l’ensemble de nos collègues ont pris conscience de la nécessité d’aller plus loin en la matière.

Mme la présidente Fadila Khattabi. La maladie de Lyme est, effectivement, une véritable plaie pour ceux qui en souffrent.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je soutiens l’idée qu’il faut sans doute augmenter le montant consacré aux études à réaliser dans ce domaine. Néanmoins, le montant que vous proposez me paraît vraiment très élevé par rapport à d’autres priorités du programme : en ce qui concerne la santé mentale, par exemple, 900 000 euros sont prévus pour des actions de promotion et de prévention, dont la formation aux premiers secours, le repérage et la prise en charge de la souffrance psychique chez les jeunes – de 11 à 21 ans – et un ensemble d’actions de prévention du suicide. J’attends le débat que nous aurons en séance, avec le Gouvernement, pour savoir quel montant il faudrait retenir.

Mme la rapporteure. Peut-être faut-il revoir le calibrage ; je n’y suis pas du tout opposée. En tout cas, cela fait des années que la question se pose : il faut vraiment que le ministère de la santé la prenne en considération très sérieusement. Nous en reparlerons en séance.

La commission rejette l’amendement.

 

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Santé sans modification.

 

 

 

 


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   annexe :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

(par ordre chronologique)

 

 Ministère des solidarités et de la santé

 Mission outre-mer – Direction générale de la santé – Mme Roseline Duboc, conseillère pour le droit des outre-mer ;

 Direction générale de l’offre de soins – Mme Martine Laborde-Chiocchia, sous-directrice de la stratégie et des ressources

 Assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna  M. Atoloto Kolokilagi, président, et M. André Vaitootai, président de la commission des affaires sociales

 Santé publique France  Pr Geneviève Chêne, directrice générale, et Mme Marie-Anne Jacquet, directrice générale adjointe

 Agence de santé de Wallis-et-Futuna – M. Xavier Montserrat, directeur

 Direction générale de la santé (DGS) – Mme Véronique Deffrasnes, secrétaire générale, M. Olivier Brahic, sous-directeur veille et sécurité sanitaire, Mme Sophie Chaumien-Czuwak, adjointe au sous-directeur veille et sécurité sanitaire, M. Grégoire Rullier, chef du bureau budget, et M. Nicolas Morizot, responsable de la fonction « achats » au sein du bureau budget

 

 


([1]) Arrêté du 8 juin 2020 fixant le montant pour l’exercice 2020 du financement de l’Agence nationale de santé publique.

NOR : SSAS2014035A ; ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2020/6/8/SSAS2014035A/jo/texte

JORF n°0192 du 6 août 2020

([2]) Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer.

([3]) Ordonnance n° 2000-29 du 13 janvier 2000 portant création d’une agence de santé et extension ou adaptation de certaines dispositions du code de la santé publique aux îles Wallis et Futuna.

([4]) « Situation de l’agence de santé du territoire des îles de Wallis-et-Futuna », IGAS/CGefi, avril 2019.

([5]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9770888_5f99cbe846a55.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2021-seconde-partie-suite-28-octobre-2020

([6]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9770888_5f99cbe846a55.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2021-seconde-partie-suite-28-octobre-2020