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N° 3488

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020.

 

 

AVIS

 

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021,

 

 

 

TOME III

 

TRAVAIL ET EMPLOI

 

 

 

PAR M. Gérard CHERPION,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  3360, 3399 (annexe n° 43).


 


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SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propos

PremiÈre partie : Une augmentation des crÉdits en faveur du Travail et de l’emploi en 2021

I. Une hausse de 3 % des crÉdits de la mission Travail et emploi pour atteindre 13,38 milliards d’euros en 2021

A. Le programme 102 accès et retour à l’emploi

B. Le programme 103 Accompagnement des mutations Économiques et dÉveloppement de l’emploi

C. Le programme 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

D. Le programme 155 Conception, gestion et Évaluation des politiques de l’emploi et du travail

II. 10,5 milliards d’euros du plan de relance destinÉs À la sauvegarde des emplois et aux aides aux embauches

A. 5 milliards d’euros pour financer les allocations et les formations des salariés en activitÉ partielle

B. 1,64 milliard pour favoriser temporairement l’embauche des jeunes et des personnes handicapÉes

1. Une prime pour favoriser l’apprentissage et les contrats de professionnalisation

2. Une aide à l’embauche pour les salariés de moins de 26 ans

3. Une aide à l’embauche des travailleurs handicapés

C. Les autres mesures en faveur de l’insertion professionnelle À hauteur de 2,95 milliards d’euros

D. 1,17 milliard d’euros pour aider les opÉrateurs À faire face À l’afflux de demandeurs d’emploi

1. Une subvention conditionnelle de 750 millions pour France compétences

2. Des dotations de 319 millions d’euros pour permettre à Pôle emploi de recruter

3. Un soutien de 100 millions d’euros aux missions locales

Seconde partie : la rÉforme de la formation professionnelle et de ses acteurs face aux dÉfis liÉs À la pandÉmie et À la rÉcession

I. Un bilan globalement positif de l’entrÉe en vigueur de la rÉforme

A. Une montÉe en puissance de l’apprentissage et de l’alternance malgrÉ des craintes pour 2021

1. Une progression du nombre de contrats d’apprentissage, s’expliquant en partie par le report depuis d’autres dispositifs

2. Le recentrage vers les formations qualifiantes et certifiantes

3. Des craintes persistantes sur le développement de l’apprentissage, notamment pour les mois prochains et la rentrée 2021

4. Des Opco dont la mise en place n’est pas toujours aboutie

B. Une place des régions à affermir

1. Des investissements en matière d’apprentissage à maintenir

2. Une augmentation envisagée de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle à compenser

3. Un rôle dans le pilotage de Pôle emploi à généraliser

II. Des mesures prises pour limiter l’impact de la pandÉmie nÉcessitent d’Être adaptÉes À la rÉcession Économique

A. Un financement de la formation professionnelle trop dÉpendant de l’Évolution de la masse salariale

B. Des structures de formation obligÉes de remettre en cause leur fonctionnement

C. Une multiplication des dispositifs risquant de dÉboucher sur des effets d’aubaine

D. Des opÉrateurs À conforter face aux consÉquences de la pandÉmie et de la crise Économique

1. France compétences, un opérateur dont l’équilibre budgétaire n’est pas atteint par la subvention prévue par le projet de loi de finances

a. Un déséquilibre financier structurel traité comme un besoin ponctuel de trésorerie

b. La bombe à retardement de la conversion du droit individuel à la formation et de l’utilisation du compte personnel de formation

c. Des moyens humains insuffisants

2. Des moyens humains supplémentaires limités pour Pôle emploi

III. La nÉcessitÉ de prendre des mesures pour favoriser l’emploi

A. Repenser l’accompagnement des demandeurs d’emploi

1. Différencier le suivi des demandeurs d’emploi et recourir à des opérateurs privés

2. Travailler sur les pratiques inclusives des entreprises

B. Lever certains verrous pesant encore sur la formation professionnelle

1. Définir les secteurs en tension et favoriser les reconversions vers ces secteurs pour les personnes encore en emploi

2. Développer les potentialités de la formation à distance

3. Encourager l’ouverture de formations tout au long de l’année

4. Développer la préparation opérationnelle à l’emploi

5. Développer l’accompagnement à l’entreprenariat

6. Développer le recours à des formations en dehors du temps de travail

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE LA MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

Article 33 et état B

Après l’article 58

Annexe : personnes auditionnÉes par le rapporteur pour avis


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   Avant-propos

● La discussion du projet de loi de finances pour 2021 intervient dans une période de grande tension : la France va connaître la plus forte récession (– 9 %) depuis la mise en place de comptes nationaux. Après le vif rebond associé au déconfinement (+ 16 %) prévu au troisième trimestre, l’activité économique pourrait ainsi marquer le pas en fin d’année sous l’effet de la résurgence de l’épidémie.

Selon les estimations de l’Unedic, les destructions d’emplois salariés atteindraient environ 670 000 fin 2020, tandis que 300 000 emplois salariés pourraient être créés en 2021 ([1]).

Face à cette situation et à la nécessité pour le Gouvernement de prendre des mesures sous le sceau de l’urgence, l’exercice annuel d’autorisation d’engagements des dépenses par le Parlement perd de son sens : les annonces de nouvelles dépenses engagées par le Gouvernement, exprimées en milliards, ne sont plus conditionnées à une approbation parlementaire préalable. Le budget 2020 va ainsi faire l’objet d’une quatrième loi de finances rectificative.

Pourtant, il est nécessaire que par la dépense publique, l’État pare au plus pressé et s’efforce de limiter l’impact de la crise sur le niveau de l’emploi. Les différents instituts de prévision retiennent – avec toutes les précautions nécessaires dans un contexte inédit – une hypothèse de taux de chômage comprise entre 9,8 et 11 % dans les prochains mois.

● Dans ce cadre, les crédits de la mission Travail et emploi progressent de manière significative de 600 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2020 et le présent projet de loi de finances, pour atteindre 13,38 milliards d’euros. Mais l’étude de ces seuls montants ne reflète pas l’effort consenti pour financer l’activité partielle, favoriser les embauches et développer la formation professionnelle : en additionnant les 10,5 milliards d’euros prévus dans le cadre du plan de relance, c’est 23,8 milliards qui seront consacrés par l’État en 2021 à la défense et au développement de l’emploi.

Cependant, le choix fait de répartir ces crédits entre plusieurs missions budgétaires, sans que les crédits portés par la mission Travail et emploi constituent des dépenses pérennes et ceux de la mission Plan de relance correspondent à des dépenses supplémentaires transitoires, rend difficile de suivre dans le temps les moyens destinés à ces politiques publiques.

● La nouvelle conjoncture met ainsi sous pression la nouvelle architecture institutionnelle et financière issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Malgré les mesures prises pour assurer la continuité des formations et les primes à l’embauche d’apprentis et d’alternants, le rapporteur ne peut que relayer les craintes sur la soutenabilité d’un financement de la formation professionnelle assis sur une masse salariale en contraction et devant faire face à des engagements financiers non maîtrisables.

Malheureusement, les mesures prises dans le cadre du plan de relance traitent comme un besoin de financement temporaire ce qui pourrait être un déséquilibre financier majeur, obligeant les organismes en charge ou l’État à prendre des mesures pour garantir l’équilibre adopté de manière un peu optimiste en 2018.

Dans ce cadre, la puissance publique va devoir aider les opérateurs à redresser leurs comptes, en leur donnant les moyens d’accomplir les missions confiées par le législateur.

● La récession actuelle va conduire à un afflux de demandeurs d’emploi vers les structures en charge de l’accompagnement et de la réinsertion professionnelle. Aussi plus que d’étendre les services existants, il conviendrait de repenser l’accompagnement des demandeurs d’emploi et de lever certains verrous pour faire de la formation professionnelle et du développement des compétences une voie vers la reconversion et l’emploi.

 

*

*     *

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2020.

À cette date, 55 réponses aux 82 questions posées étaient parvenues au rapporteur pour avis, soit un taux de réponse de 67,1 % (contre 82,6 % l’année précédente). Entre cette date et l’achèvement de la rédaction du présent rapport, 18 réponses supplémentaires ont été reçues, portant ce taux à 89 %.

Le rapporteur remercie de leur coopération les services du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, du ministère des solidarités et de la santé et du ministère de l’économie, des finances et de la relance.

 

 


—  1  —

   PremiÈre partie : Une augmentation des crÉdits en faveur du Travail et de l’emploi en 2021

Les crédits de la mission Travail et emploi vont progresser de 600 millions d’euros en crédits de paiement entre la loi de finances initiale pour 2020 et le présent projet de loi de finances. Cependant, les crédits engagés en cours d’année rendent cette comparaison obsolète.

Par ailleurs, les crédits portés au sein de la mission Plan de relance et consacrés à la sauvegarde des emplois, aux aides à l’embauche et au développement de la formation professionnelle, représentant 10,5 milliards d’euros en crédits de paiement, ont vocation à être ajoutés à ceux de la présente mission pour pouvoir évaluer l’effort de l’État en faveur du travail et de l’emploi.

I.   Une hausse de 3 % des crÉdits de la mission Travail et emploi pour atteindre 13,38 milliards d’euros en 2021

Les crédits de la mission Travail et emploi connaissent une significative augmentation dans le projet de loi de finances pour 2021, en croissance de + 3,05 % en crédits de paiement par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2020.

Cependant, la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (loi n° 2020‑935 du 30 juillet 2020) a procédé à deux abondements significatifs :

– le programme 102 a été abondé de 744 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 160 millions en crédits de paiement (CP), afin de financer l’aide exceptionnelle aux contrats de professionnalisation ;

– le programme 103 a été abondé de 1 407 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 307 millions d’euros en crédits de paiement afin de financer l’aide à l’embauche des jeunes, l’aide exceptionnelle aux contrats et la protection sociale des candidats à l’apprentissage qui auront commencé une formation en centre de formation qui n’auront pas signé un contrat d’apprentissage entre 3 et 6 mois après le début de leur formation.

Aussi, par rapport à l’ensemble des crédits ouverts en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative pour 2020, les crédits de paiement sont en hausse de seulement + 1 % et les autorisations d’engagement en baisse de – 11 % pour 2021.

Cette baisse s’explique notamment par la reprise par la mission budgétaire Plan de relance de certains crédits, mais elle montre la difficulté à juger de l’évolution des crédits, les mesures exceptionnelles liées à la pandémie et à la crise étant réparties entre plusieurs missions.

 

 

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS DE LA MISSION tRAVAIL ET EMPLOI PAR PROGRAMME

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes

LFI
2020

LFR3
2020

LFI
+LFR3

PLF 2021

LFI
2020

LFR3 2020

LFI
+LFR3

PLF
2021

102 – Accès et retour à l’emploi

6 344,78

744,00

7 088,78

6 638,20

6 312,51

166,00

6 472,51

6 553,80

103 – Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

6 648,45

1 407,00

8 055,45

6 718,86

5 904,99

307,00

6 211,99

6 109,73

111 – Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

69,45

 

69,45

69,45

99,09

 

99,09

88,71

155 – Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

668,95

 

668,95

668,95

667,91

 

667,91

628,69

TOTAL

13 731,63

2 151,00

15 882,63

14 140,44

12 771,59

473,00

13 244,59

13 380,93

Source : Projet annuel de performances pour 2021 de la mission Travail et emploi – Annexe au projet de loi de finances.

Enfin, en portant ces crédits à 13,38 milliards d’euros en 2021, le montant retenu pour la mission budgétaire reste toujours inférieur au montant atteint par la loi de finances pour 2018 (15,36 milliards d’euros).

A.   Le programme 102 accès et retour à l’emploi

Le programme 102 a pour objectif de favoriser l’accès et le retour à l’emploi des demandeurs d’emploi, et en particulier de ceux qui sont le plus éloignés du marché de l’emploi. Ses crédits de paiement seront en hausse de 241 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2020.

Au sein de ce programme, l’évolution des dotations traduit l’évolution des choix de politiques publiques en faveur de l’emploi.

● L’action 1 Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi voit ses crédits diminuer de 57 millions d’euros.

La réalité de la diminution du financement de Pôle emploi par l’État est en fait plus importante, en distinguant :

– la poursuite de la forte réduction de la subvention pour charges de service public à Pôle emploi, à 1 150 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour 2021, de nouveau pour « tenir compte de la poursuite des efforts de productivité engagés par l’opérateur » ([2]) et conformément à la convention tripartite 2019-2022 signée avec les partenaires sociaux le 20 décembre 2019. Cette réduction de plus de 130 millions d’euros devrait se reproduire au même rythme en 2022, la contribution de l’Unedic au financement de Pôle emploi augmentant quant à elle de 10 à 11 % de ses ressources ([3]). Cette décision fait partie de la « reprise en main » de l’assurance chômage par le Gouvernement. Comme le rapporteur pour avis mettait en garde l’année précédente, « Rendre Pôle emploi encore plus dépendant des ressources de l’assurance chômage, par définition les plus sensibles à la conjoncture, ne manquera pas de poser de nouvelles difficultés à l’opérateur historique en cas de retournement de l’activité : la baisse de ses ressources coexistera alors avec la hausse des demandeurs d’emploi à accompagner » ([4]). Cependant cette ligne budgétaire ne porte pas tout l’effort de l’État en faveur de Pôle emploi, la mission Plan de relance portant une subvention exceptionnelle de 250 millions d’euros (cf. infra) ;

 l’augmentation de la participation de l’État au financement du régime de solidarité d’indemnisation du chômage, pour un montant de 2 335,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour 2021 ([5]) contre 2 301,2 millions d’euros en 2020 (+ 1,5 %).

Le projet de loi de finances ne prévoit pas de crédits pour subventionner le fonctionnement des maisons de l’emploi, comme c’était déjà le cas dans le projet de loi de finances pour 2020.

Créé par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, ce dispositif devait initialement fédérer l’action locale en faveur de l’emploi, de la formation, de l’insertion et du développement économique et contribuer à mieux ancrer le service public de l’emploi dans les territoires. Depuis la création de Pôle Emploi en 2008, les maisons de l’emploi ne constituent plus le guichet unique de l’emploi. Les missions ouvrant droit à un financement de l’État ont été progressivement concentrées sur deux axes, excluant l’accompagnement des demandeurs d’emploi : l’anticipation et l’accompagnement des mutations économiques et l’appui aux actions de développement local de l’emploi.

Leurs quinze années d’activité ont toutefois fait émerger une grande disparité selon les territoires : certaines maisons de l’emploi sont de véritables tremplins locaux d’accès à l’emploi ; d’autres peinent à se structurer et à pérenniser leur activité.

La labellisation des maisons de l’emploi a en conséquence été arrêtée en 2009 ; leur nombre est passé de 116 en 2017 à 80 en 2020 ([6]).

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, des amendements parlementaires ont rétabli un financement des maisons de l’emploi à hauteur de 4,85 millions d’euros. Depuis, aucun travail d’évaluation de leur utilité ou de leur viabilité n’a été mené.

● L’action 2 Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes voit également ses crédits augmenter de 181 millions d’euros, pour atteindre 2 360,6 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8,3 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2020.

Ces crédits sont notamment orientés vers le Fonds d’inclusion dans l’emploi, finançant les parcours emploi compétences (PEC) – qui prennent le relais des contrats aidés du secteur non-marchand ([7]) – et l’insertion par l’activité économique (IAE).

Le présent programme prévoit comme en 2020 le financement sur l’année de 100 000 nouvelles entrées en contrats aidés dans le secteur non marchand. Ce volume, comme l’an passé, ne tient plus compte des parcours emplois compétences prescrits pour l’accompagnement des élèves en situation de handicap, dont le financement est porté par le ministère de l’Éducation nationale. Cette enveloppe est complétée, dans le cadre de la mission Plan de relance, de 60 000 PEC supplémentaires et de 50 000 contrats initiative emploi dans le secteur marchand pour les jeunes en 2021.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis salue la forte augmentation des solutions d’insertion par l’activité économique (IAE), pour un montant de 1 149,52 millions d’euros.

Cette enveloppe est complétée par un financement de 62 millions d’euros prévus par la mission Plan de relance permettant notamment l’accompagnement à la création d’entreprise de 15 000 personnes issues du public-cible de l’IAE.

On rappellera que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018 fixe un objectif de 100 000 personnes supplémentaires accompagnées par les structures de l’IAE en 2022 par rapport à 2017.

Le présent programme prévoit de ce fait le financement de 104 500 ETP sur l’année 2020, soit une progression de 20 000 aides par rapport à la programmation 2019. La mission Plan de relance contribuera en outre au financement de l’embauche de 35 000 jeunes en 2021 dans les structures de l’IAE.

ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DES MESURES EN FAVEUR DE L’INSERTION PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ENTRE 2020 et 2021

(en millions d’euros)

 

LFI 2020

(en AE et CP)

PLF 2021

(en AE et CP)

Progression

(en %)

Associations intermédiaires (AI)

25,55

29,97

+ 17,3%

Ateliers et chantiers d’insertion (ACI)

690,19

773,68

+ 12,1%

Entreprises d’insertion (EI)

179,74

202,6

+ 12,7%

Entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI)

55,86

68,9

+ 23,3%

Entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI)

2,82

8,48

+ 200,7%

Contrats de professionnalisation

6,00

8,00

+ 33,3%

CDI Senior

8,93

8,89

– 0,4 %

Expérimentations

10

15,00

+ 50,0%

Aides à la création d’entreprise

-

10,00

-

Fonds départemental d’insertion

23,29

24,00

+ 3,0%

TOTAL

1 021,06

1 149,52

+ 12,6%

Source : Projets annuels de performances de la mission Travail et emploi pour 2020 et 2021 – Annexes au projet de loi de finances.

En outre, les exonérations de cotisations sociales en faveur des ateliers et chantiers d’insertion (ACI) sont de l’ordre de 16,01 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

De plus, le plan d’investissement dans les compétences (PIC) permettra d’augmenter très significativement la formation des salariés en IAE, dont seul un tiers aujourd’hui bénéficie d’au moins une action de formation au cours de son parcours. 60 millions d’euros en autorisations d’engagement par an sont prévus à ce titre par le PIC (cf. supra).

Trois axes supplémentaires complètent cette action :

– les aides pour les travailleurs handicapés – en particulier l’aide au poste dans les entreprises adaptées (EA) et les programmes régionaux pour l’insertion des travailleurs handicapés (PRITH). Leur enveloppe s’élève à 430 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une progression de + 5,3 % ;

– le financement des missions locales au titre de l’accompagnement des publics en difficulté pour 211,83 millions d’euros et de l’accompagnement au titre de la Garantie Jeunes, à hauteur de 160 millions d’euros. Ce montant reste identique à celui de la loi de finances pour 2020, alors qu’il doit intégrer un financement de 20 millions d’euros dédié à la mise en œuvre de l’obligation de formation instaurée par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ;

– le financement de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », instaurée par la loi du 29 février 2016 ([8]). Cependant, l’extension du dispositif à plusieurs territoires, actuellement débattue par le Parlement dans le cadre d’une proposition de loi ([9]) va conduire à une progression du nombre d’emplois aidés dans ce cadre. Dans les textes adoptés par l’Assemblée nationale et le Sénat, l’extension de l’expérimentation vise un objectif d’au moins 60 territoires pour 2022. Cependant, la participation de l’État prévue en 2021 s’établira à 22,61 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour financer 1 519 emplois (soit 14 885 euros par emploi) contre 28,5 millions finançant 1 750 emplois en 2020 (soit 16 285 euros par emploi), soit une baisse de 8,6 % par emploi aidé, le projet annuel de performances indiquant que « ce montant sera complété par la contribution des conseils départementaux » ([10]). Dans les faits aujourd’hui, si tous les départements concernés participent financièrement, notamment au titre de la contribution au développement de l’emploi (CDE), le montant de leur contribution demeure en règle générale relativement faible, à hauteur de 7,8 % du Smic en moyenne et est compris entre 2 % et 16 % du Smic en 2016, soit un peu moins de 1 500 euros par an et par emploi en moyenne ([11]). Ainsi tout en organisant l’extension de ce dispositif, l’État organise son désengagement financier au détriment des départements, alors que leurs dépenses sociales vont être amenées à fortement augmenter, obérant leurs marges de manœuvre ;

– le soutien aux structures agréées au titre de l’aide sociale, enfin, qui se traduit par une enveloppe de 8,43 millions d’euros, sous la forme d’une exonération de cotisations sociales patronales, en baisse de 2 millions d’euros par rapport à 2020.

● L’action 3, consacrée au Plan d’investissement dans les compétences, regroupe les crédits finançant le parcours d’accompagnement contractualisé vers l’emploi et l’autonomie (PACEA), son allocation, et sa modalité la plus significative – la Garantie jeunes.

Ne représentant qu’une fraction du PIC, dont l’essentiel est concentré dans le programme 103, ces crédits sont en forte hausse, de 116 millions d’euros par rapport à 2020, pour s’établir à 706,3 millions en crédits de paiement (+ 19,6 %).

Les missions locales se sont engagées pour l’accompagnement de 100 000 jeunes bénéficiaires par an sur la période 2019-2021. Les crédits prévus permettront le maintien de cet objectif ambitieux de 100 000 nouveaux jeunes accompagnés. Dans le cadre du plan de relance, un objectif de 50 000 jeunes supplémentaires, financé par la mission budgétaire dédiée, est fixé aux missions locales, portant le total à 150 000 jeunes accompagnés en 2021.

Dans le détail, la part « accompagnement » du PACEA – Garantie jeunes représentera 371,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement et la part « allocations » 461,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Ces sommes seront complétées par un cofinancement du Fonds social européen et de l’Initiative pour l’emploi des jeunes, représentant 39,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Enfin, 82 millions seront dédiés à l’allocation PACEA « classique », versée aux jeunes s’engageant dans un PACEA, en fonction de l’appréciation au cas par cas de leurs besoins et objectifs.

● L’action 4, consacrée à l’Aide exceptionnelle aux contrats de professionnalisation, a été créée par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 afin de financer à hauteur de 744 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 160 millions en crédits de paiement l’aide exceptionnelle aux contrats de professionnalisation.

Cependant, le projet de loi de finances pour 2021 transfère cette dépense dans la mission Plan de relance, rendant difficile le suivi de l’évolution des dépenses consacrées au même objet.

B.   Le programme 103 Accompagnement des mutations Économiques et dÉveloppement de l’emploi

Le programme 103 connaît une croissance substantielle de son enveloppe, ses crédits de paiement augmentant de 205 millions en 2020 (+ 3,47 %), masquant cependant des disparités entre actions.

Fer de lance du PIC, ce programme doit donner l’élan financier à l’application de la loi du 5 septembre 2018 pour favoriser la montée en compétences et l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi.

● Exception à cette augmentation, l’action 1 Anticipation et accompagnement des mutations économiques sur l’emploi voit ses crédits diminuer de près de 100 millions d’euros (– 34,3 %).

Ces diminutions traduisent la poursuite de la mise en sommeil de l’aide embauche TPE et du contrat de génération, fermés depuis le 1er janvier 2018.

Les crédits d’intervention destinés permettent le financement d’un appui aux filières, aux branches et aux entreprises pour un montant de 55,46 millions d’euros en crédits de paiement, dont 14 millions au titre des contrats de plan État-régions.

Cette action assure également le financement de 30 000 emplois francs, pour des montants de 317,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 107,2 millions d’euros en crédits de paiement.

Les emplois francs consistent en une aide financière versée à tout employeur privé (entreprise, association) qui recrute un demandeur d’emploi ou un jeune suivi par une mission locale résidant dans un quartier de politique de la ville, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée (CDI) ou d’un contrat à durée déterminée (CDD) d’au moins six mois. Le montant de l’aide financière accordée pour un emploi franc à temps plein s’élève pour un CDI à 5 000 euros par an, pour une durée maximale de trois ans et à 2 500 euros par an, pour une durée maximale de deux ans, pour un recrutement en CDD d’au moins six mois.

Généralisé à compter du 1er janvier 2020 après une phase d’expérimentation, ce dispositif n’a pas rencontré son public.

En 2020, un objectif de 21 500 emplois francs avait été fixé : or « après une dynamique élevée en début d’année, la crise sanitaire a cependant fortement diminué les entrées » ([12]). 10 486 emplois francs ont été signés entre le 1er janvier et le 9 août 2020.

Dans le cadre du plan de relance, est prévu le renforcement du dispositif via la mise en œuvre des « emplois francs + ». Ils consistent en une revalorisation du montant de l’aide versée, lorsque le recrutement concerne un jeune de moins de 26 ans. L’aide s’élève alors à 17 000 euros sur trois ans pour un recrutement en CDI (7 000 euros la première année, puis 5 000 euros les deux années suivantes) et 8 000 euros sur deux ans pour un recrutement en CDD d’au moins 6 mois (5 500 euros la première année, puis 2 500 euros l’année suivante). Cette aide complémentaire sera versée pour les contrats signés entre le 15 octobre 2020 et le 31 janvier 2021 et fera l’objet d’accompagnement spécifique afin d’accroître la chance de réussite des bénéficiaires ([13]). Le financement de la mesure est porté par la mission Plan de relance.

Le rapporteur pour avis s’interroge sur le bien-fondé du soutien budgétaire ainsi apporté à un instrument de politique de l’emploi qui ne semble pas avoir rencontré son public, notamment du fait du manque de connaissance et d’appétence par les recruteurs locaux.

Cette action porte également des mesures d’âge (allocations spéciales du fonds national de l’emploi – FNE, contrat de professionnalisation senior) pour un montant de 3,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, et des actions en faveur du reclassement des salariés pour un montant de 20,22 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Elle porte habituellement les crédits dédiés à l’activité partielle (91 millions d’euros en 2020) ; cependant ceux-ci sont imputés intégralement pour 2021 sur la mission Plan de relance, limitant encore une fois la lisibilité des actions au sein du budget.

● L’action 2 Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences atteint 1 544,8 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de + 10,6 % par rapport à l’année précédente.

Les crédits de cette action visent principalement à soutenir le développement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation en portant le financement :

– de l’exonération pour les contrats d’apprentissage, pour un montant de 594,90 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ;

– de l’aide unique pour les employeurs des apprentis (AUEA), pour un montant de 1 008,83 millions d’euros en autorisations d’engagement et 809,17 millions d’euros en crédits de paiement, visant à financier 180 000 nouveaux contrats ([14]) ;

– de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle reconnus comme travailleurs handicapés et non suivis dans un centre de rééducation professionnelle, pour un montant de 2,32 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ([15]) ;

– des organismes de formation qualifiante dans le cadre des contrats de plan État-régions (CPER), pour un montant de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ;

– de l’aide à la mobilité des jeunes dans le cadre du programme franco-allemand d’échanges de jeunes et d’adultes en formation professionnelle initiale et continue, pour un montant de 0,67 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Par ailleurs, elle porte le financement de dispositifs de formation relevant :

– des dispositifs de validation des acquis de l’expérience (VAE), conjointement avec les conseils régionaux ;

– du secteur de la formation professionnelle, principalement à travers des subventions à des organismes nationaux (dont la subvention pour charges de service public de l’État à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui s’élève pour 2021 à 110 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit le même montant que pour 2020).

● L’enveloppe de l’action 3 Développement de l’emploi est fixée à 3 672,2 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse de 1,5 %.

Les crédits de cette action financent les dispositifs d’exonérations de cotisations sociales accordées à certains secteurs (services à la personne) et à certains territoires, ainsi que des aides à la création et à la reprise d’entreprises, au développement des nouvelles formes d’emploi ou à des dispositifs propres à l’outre-mer.

Ces crédits prévoient :

– un renforcement des exonérations en faveur des services d’aide à domicile employée par un particulier en situation de dépendance : une dotation de 850,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est prévue, en hausse de 11,1 % ;

 l’anticipation d’un recours supplémentaire à la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA) : ce dispositif de déduction forfaitaire des cotisations sociales patronales au titre des rémunérations relatives aux heures supplémentaires (1,50 euro par heure supplémentaire) est réservé aux employeurs dont l’effectif est inférieur à 20 salariés. Une dotation de 616,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est prévue, en hausse de 10,1 % ;

– une division par deux de l’aide aux créateurs ou repreneurs d’entreprise (ACRE) qui consiste en une exonération de cotisations sociales (communément dénommée « année blanche ») à destination des créateurs ou repreneurs d’entreprises. L’article 274 de la loi de finances initiale pour 2020 et le décret n° 2019-1215 du 20 novembre 2019 ont en effet recentré le bénéfice de cette exonération sur les créateurs et repreneurs d’entreprise dont la micro-entreprise constitue réellement une activité économique nouvelle (en cas de création) ou susceptible de disparaître (en cas de reprise). Une dotation de 409,68 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en baisse de – 48,4 %, est prévue au titre de la compensation à la sécurité sociale de cette exonération.

● L’action 4 Plan d’investissement dans les compétences, enfin, voit ses crédits augmenter de plus de 210 millions d’euros pour atteindre 706,1 millions d’euros en crédits de paiement, traduisant la montée en charge du PIC depuis 2018. Suivant la trajectoire de 13,8 milliards d’euros sur la période 2018-2022, les crédits consacrés en 2021 sont précisés dans le tableau infra.

Des crédits supplémentaires, portés par la mission Plan de relance, sont également prévus en faveur du PIC afin de financer notamment 100 000 entrées de jeunes en parcours qualifiants, ainsi que la nouvelle prestation d’accompagnement pour les jeunes décrocheurs de 16 à 18 ans (dans le cadre de l’obligation de formation).

Le fonds de concours provient des financements européens en faveur du PACEA – Garantie jeunes, mais essentiellement de la part de la contribution formation professionnelle affectée par France compétences au PIC en application de l’article L. 6123-5 du code du travail. L’effort des entreprises à destination de la formation des demandeurs d’emploi atteint donc 1 632 millions d’euros en 2021.

Au total, les ressources mises à la disposition du PIC vont atteindre les 4 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 3,25 milliards en crédits de paiement. Les crédits de paiement vont progresser de 522 millions d’euros, soit une hausse de 19,2 %.

RESSOURCES DU PLAN D’INVESTISSEMENT DANS LES COMPÉTENCES EN 2021

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Crédits budgétaires

1 650,4

1 421,4

dont programme 102

732,7

706,3

dont allocation PACEA (102)

82,0

65

dont garantie jeunes (102)

581,4

524,5

dont programmes nationaux (102)

69,3

42,9

dont programme 103

906,1

703,6

dont programme 155

11,5

11,5

dont programme 364

717,5

192,5

Fonds de concours

1 632,0

1 632,0

Total

3 999,9

3 245,90

Source : Réponses au questionnaire budgétaire et projets annuels de performances de la mission Travail et emploi et de la mission Plan de relance pour 2021 – Annexes au projet de loi de finances.

Ces sommes sont destinées à :

– financer des actions visant à développer les compétences des demandeurs d’emploi faiblement qualifiés et des jeunes sans qualification, dont notamment les personnes en situation de handicap et les personnes issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et des zones de revitalisation rurale (ZRR) ; il serait souhaitable d’accompagner aussi les bassins d’emploi dont le taux de chômage était supérieur à la moyenne nationale avant la crise de la Covid-19 ;

– répondre aux besoins de recrutement des entreprises, notamment pour des métiers en tension ;

– contribuer à la transformation des compétences : qualification de la main d’œuvre pour répondre aux évolutions de compétences, en lien notamment avec la transformation numérique et la transition écologique.

Dans ce cadre, plusieurs appels à projets ont été lancés :

 Intégration professionnelle des réfugiés : insertion des réfugiés par l’emploi ;

– 100 % inclusion : un appel à projets au bénéfice des jeunes et demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés ;

– Prépa-Apprentissage : un appel à projets pour mieux préparer l’entrée des jeunes en apprentissage ;

– soutien aux démarches prospectives compétences.

Le premier rapport du comité scientifique du Plan d’investissement dans les compétences ([16]) présente plusieurs éléments statistiques permettant de mieux cerner l’évolution de la formation professionnelle des personnes en recherche d’emploi :

– le PIC a permis de retrouver en 2019 un niveau d’entrées en formation des personnes en recherche d’emploi proche de celui de 2016 (Plan 500 000 formations supplémentaires) : 964 000 personnes en recherche d’emploi sont entrées en formation en 2019, et plus d’un million si l’on y ajoute les salariés en insertion ;

– le taux d’accès des demandeurs d’emploi les moins qualifiés à la formation renoue avec la croissance en 2019 (10 % contre 8,4 % en 2018). Pour favoriser l’entrée des moins qualifiés, le PIC a introduit en particulier de nouveaux programmes nationaux, préparatoires à l’entrée en formation qualifiante. Après avoir diminué ces dernières années, la part de ces formations préparatoires est ainsi revenue à son niveau de 2015 ;

– l’effort de formation public déployé a essentiellement profité aux demandeurs d’emploi seniors et aux adultes (26-44 ans). Leur taux d’accès a fortement crû en 2019 notamment. Le taux d’accès des jeunes en recherche d’emploi (inscrits ou non à Pôle emploi) est pour sa part resté globalement stable sur la période 2015-2019 autour de 16-17 %. La moindre représentation des jeunes parmi les bénéficiaires de formations s’explique d’abord par le fait que nombre de jeunes en recherche d’emploi (inscrits ou non à Pôle emploi) a diminué entre 2015 et 2019, mais aussi par une offre d’accompagnement et d’insertion dans son ensemble qui s’est renforcée : des dispositifs comme la Garantie jeunes ou le service civique se sont fortement développés entre 2015 et 2019 et ont constitué des solutions alternatives à la formation.

● L’action 4, consacrée à l’Aide exceptionnelle à l’apprentissage, a été créée par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, et a été abondée de 1 407 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 307 millions d’euros en crédits de paiement afin de financer l’aide à l’embauche des jeunes, l’aide exceptionnelle aux contrats et la protection sociale des candidats à l’apprentissage qui auront commencé une formation en centres de formation (CFA) qui n’auront pas signé un contrat d’apprentissage entre 3 et 6 mois après le début de leur formation.

Cependant, le projet de loi de finances pour 2021 transfère cette dépense dans la mission Plan de relance, rendant difficile le suivi de l’évolution des dépenses consacrées au même objet.

C.   Le programme 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

Le programme 111, dont l’objectif est l’amélioration des conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel, connaît une évolution contrastée en 2021, avec un doublement des autorisations d’engagement (+ 114,7 %) pour atteindre 149,2 millions d’euros, alors que les crédits de paiement vont baisser de – 10,7 % pour être fixés à 88,7 millions d’euros.

Ce programme connaît en effet des cycles dans ses besoins de crédits, correspondant au renouvellement des conventions pluriannuelles et des besoins de financement pour les projets de mesure d’audience des représentants syndicaux (MARS), d’organisation des élections professionnelles pour les très petites entreprises (TPE) et de mesure de la représentativité patronale (RP).

● L’action 1 Santé et sécurité au travail voit ses crédits de paiement baisser de 0,5 % pour atteindre 24,2 millions d’euros, essentiellement consacrés à subventionner les programmes de recherche de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT).

● L’action 2 Qualité et effectivité du droit est dotée de 17,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, en hausse de 2,9 %, pour financer la formation et le renouvellement des conseillers prud’hommes, ainsi que les dépenses liées aux fonctions exercées par les conseillers du salarié et défenseurs syndicaux.

● L’action 3 Dialogue social et démocratie sociale est celle qui voit ses crédits évoluer le plus fortement, avec une augmentation de 80 millions euros en autorisations d’engagement, pour atteindre 107,7 millions d’euros, et une baisse de ses crédits de paiement de 10,7 millions d’euros, pour atteindre 46,7 millions d’euros. Comme le précise le ministère dans sa réponse au questionnaire budgétaire, « la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, institue un dispositif de financement des organisations syndicales et patronales qui repose sur le fonds paritaire auquel l’État participe à hauteur de 32,60 M€ par an pendant trois ans. L’année 2021 correspond au renouvellement de la convention triennale entre l’État et le fonds paritaire, à cet effet la totalité des AE pour l’ensemble de la période 2021-23 sera engagée à hauteur de 97,80 M€. Par ailleurs, l’État finance aussi la formation syndicale en finançant 12 organismes agréés par l’État pour 1,40 M€ par an en CP. Le mode de financement est calqué sur celui du fonds paritaire, ainsi le P 111 engagera en 2021 4,20 M€ qui couvriront l’ensemble de la période 2021-23 ».

Par ailleurs, les crédits de fonctionnement de l’action 3, à hauteur de 3,11 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 10,37 millions d’euros en crédits de paiement, serviront à financer en 2021 les projets liés à la mesure de la représentativité patronale et syndicale.

● Comme dans le projet de loi de finances pour 2020, l’action 4 Lutte contre le travail illégal ne porte pas de crédits. L’ensemble de cette activité est assuré par l’inspection du travail, dont les crédits de rémunération et les moyens de fonctionnement sont désormais inscrits dans le programme 155.

D.   Le programme 155 Conception, gestion et Évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Le programme n° 155 constitue le support des politiques publiques de la mission Travail et emploi. Il prévoit, par treize actions distinctes, les dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère et de ses services déconcentrés, pour un total de 628,7 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse de – 5,9 % par rapport à 2020.

Il finance, pour 90 % de ses crédits, les dépenses de personnel – le plafond d’emplois de la mission étant fixé à 7 804 ETPT, en baisse de 795 par rapport à 2020, soit – 9,2 %.

Cependant, cette baisse est moins la conséquence de suppressions d’emplois (– 210 ETPT) que de transferts d’emploi (– 585 emplois), en particulier :

– la création des secrétariats généraux communs destinés à porter les fonctions de soutien mutualisées des services déconcentrés à l’échelle départementale (– 408 ETPT transférés au ministère de l’Intérieur) ;

– le transfert au ministère de l’Intérieur des services de la main d’œuvre étrangère (– 100 ETPT) ;

– la création des directions départementales de l’économie, du travail, de l’emploi et des solidarités au 1er avril 2021 (– 63 ETPT au prorata temporis).

À périmètre constant, les crédits destinés aux dépenses de personnel atteignent 597,9 millions d’euros en crédits de paiement, en baisse d’un million d’euros par rapport à 2020 ([17]).

S’y ajoute le financement des dépenses liées aux études, à la recherche, aux évaluations, à la communication et aux systèmes d’information, représentant 70 millions d’euros en crédits de paiement en 2021.

II.   10,5 milliards d’euros du plan de relance destinÉs À la sauvegarde des emplois et aux aides aux embauches

La mission Travail et emploi ne reflète cependant pas la totalité des crédits d’État dédiés à la défense et à la promotion de l’emploi. Le Premier ministre a présenté le 3 septembre 2020 le plan « France Relance » qui mobilisera 100 milliards d’euros, dont près de 40 milliards devraient donner lieu à un versement par l’Union européenne à partir de 2021 à titre principal de la Facilité de relance et de résilience. Au sein de ces 100 milliards d’euros, l’effort de l’État est évalué à 86 milliards sur la durée du plan.

Cependant, le choix de créer une mission budgétaire spécifique interroge. L’article 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances définit la mission budgétaire comme « un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie ».

Selon le projet annuel de performances de la mission Plan de relance, « le choix a été fait de concentrer les moyens nouveaux à partir de 2021 sur une mission dédiée, sous la responsabilité du ministre de l’Économie, des finances et de la relance : ce choix résulte d’une double volonté de lisibilité et de facilitation du suivi, mais aussi de cloisonnement de ces crédits par rapport aux moyens classiques et récurrents dédiés aux autres politiques publiques […] Ainsi la mission Plan de relance a-t-elle vocation à être temporaire, ciblée sur des mesures ponctuelles dont l’effet d’entraînement sera suivi et évalué ».

Cependant, comme il a été détaillé supra, certaines lignes budgétaires ont été transférées intégralement au sein de cette mission, alors qu’elles comportent à la fois des dépenses exceptionnelles et des dépenses pérennes – ainsi tout le financement de l’activité partielle, y compris de droit commun, est transféré dans la mission Plan de relance – tandis que certaines politiques publiques seront réparties entre plusieurs programmes budgétaires, rendant difficile le suivi pluriannuel de leurs objectifs et de leurs résultats.

Aussi le rapporteur pour avis ne peut-il que prendre acte du choix contestable de l’institution d’une mission budgétaire spécifique pour abonder des lignes budgétaires d’ores et déjà existantes et présenter les crédits du nouveau programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance qui auraient vocation à relever du champ de la mission Travail et emploi.

A.   5 milliards d’euros pour financer les allocations et les formations des salariés en activitÉ partielle

À la suite du dispositif exceptionnel d’activité partielle mobilisé dès le début de la crise et financé sur la mission Plan d’urgence en 2020, le plan de relance permet de continuer à mobiliser l’activité partielle, sous une nouvelle forme et assorti d’un plan de formation, afin de sauvegarder l’emploi.

L’action 1 Sauvegarde de l’emploi du programme 364 finance ainsi la totalité des dépenses de l’État relative à l’activité partielle, qui relevait précédemment du programme 103 et comportait en 2020 99 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Cette action prévoit dorénavant un montant de 4 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour le financement de l’activité partielle de longue durée ou « classique » en 2021.

L’activité partielle de longue durée (APLD) est ouverte à tous les secteurs qui font face à une baisse durable de leur activité sous condition de la signature d’un accord d’entreprise ou de branche. L’indemnisation pour les salariés demeure fixée à 70 % du salaire brut mais la quotité d’heures chômées ne peut être supérieure à 40 % du temps de travail. Les autorisations sont délivrées pour une durée de 6 mois renouvelables, avec un maximum de 24 mois sur une période de 36 mois. Avant chaque renouvellement, l’employeur doit transmettre un bilan des engagements pris et du diagnostic actualisé de la situation de l’entreprise. La prise en charge publique est de 60 % de la rémunération brute antérieure jusqu’à 4,5 Smic, avec un plancher 7,23 euros par heure, avec un reste à charge de 15 % pour l’employeur. Jusqu’au 31 décembre 2020, les secteurs protégés, les plus touchés par la crise, listés en annexes du décret du 29 juin 2020, vont bénéficier d’un taux d’allocation d’activité partielle plus favorable de 70 % de la rémunération horaire brute (100 % de l’indemnité versée).

En cas de fermeture administrative, la prise en charge à hauteur de 70 % du salaire brut (ou 84 % du salaire net) se fait sans reste à charge zéro pour l’employeur (remboursement à 100 %).

L’activité partielle de droit commun vise à faire face aux besoins conjoncturels avec l’objectif de préserver l’emploi au sein des entreprises subissant une baisse d’activité ponctuelle (3 mois de recours renouvelable une fois). L’indemnité versée aux salariés s’élève à 60 % du salaire brut (72 % du salaire net), avec un reste à charge de 40 % pour l’employeur. La prise en charge publique de celle-ci est de 36 % de la rémunération brute antérieure, jusqu’à 4,5 Smic.

L’activité partielle étant prise en charge aux deux tiers par l’État et pour un tiers par l’Unedic, le montant de 6,6 milliards d’euros permettrait le placement en activité partielle d’environ un million de salariés sur 45 % du nombre d’heures habituellement travaillées pendant un an (soit 450 000 équivalents temps plein) pour une prise en charge publique d’environ 8 euros par heure chômée ([18]).

En outre, un montant de 588 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement est prévu dans le cadre de cette mission pour financer le FNE-Formation qui prend en charge une partie des coûts pédagogiques du projet de formation afin de faciliter la continuité de l’activité des salariés, en particulier ceux placés en activité partielle ou en activité partielle de longue durée, face aux transformations liées aux mutations économiques, et de favoriser leur adaptation à de nouveaux emplois en cas de changements professionnels dus à l’évolution technique ou à la modification des conditions de production. Il est prévu environ 115 000 bénéficiaires au titre de l’activité partielle de droit commun (pour un coût unitaire moyen de 800 euros) et environ 110 000 bénéficiaires au titre de l’activité partielle de longue durée (pour un coût unitaire moyen de 6 000 euros).

B.   1,64 milliard pour favoriser temporairement l’embauche des jeunes et des personnes handicapÉes

Intégrées au plan de relance, trois aides à l’embauche ont été mises en place, pour une durée limitée entre l’été 2020 et le printemps 2021 :

– l’aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans devrait permettre 580 000 embauches et représenter 100 millions d’euros en autorisations d’engagements et 900 millions d’euros en crédits de paiements en 2021 ;

– des aides à l’embauche d’apprentis et d’alternants pour un montant de 1 441 millions d’euros en crédits de paiement sur le budget 2021. Ce montant correspond à l’embauche de 283 000 apprentis et 110 000 alternants en contrats de professionnalisation ;

– une aide à l’embauche de 30 000 travailleurs handicapés, représentant 1 000 millions d’euros en crédits de paiement.

1.   Une prime pour favoriser l’apprentissage et les contrats de professionnalisation

Dans le cadre du plan « Un jeune, une solution », une prime exceptionnelle à l’apprentissage a été instaurée par la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020, pour tous les nouveaux contrats d’apprentissage signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Elle s’adresse aux employeurs d’apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle jusqu’au niveau 7 du cadre national des certifications professionnelles (c’est-à-dire au niveau master).

Toutes les entreprises de moins de 250 salariés du secteur privé ou public industriel sont éligibles à l’aide, ainsi que les collectivités territoriales. Les entreprises de plus de 250 salariés peuvent également l’être, à condition de compter soit au moins 5 % de contrats favorisant l’insertion professionnelle à la fin de l’année 2021, soit au moins 3 % d’alternants dans leur effectif en 2021 et avoir connu une progression de 10 % par rapport à 2020.

La prime exceptionnelle à l’apprentissage se substitue durant la première année à l’aide unique aux employeurs d’apprentis. Versée mensuellement, elle s’élève à 5 000 euros par an pour un apprenti mineur et 8 000 euros par an pour un apprenti majeur.

Au total, environ 283 000 contrats pourraient être concernés par la mesure, avec en 2021 un financement de 57 millions d’euros en autorisations d’engagement (pour la prise en compte des nouveaux contrats éligibles signés en janvier et février 2021) et 801 millions d’euros en crédits de paiement.

De manière parallèle, une prime exceptionnelle a été instaurée visant à soutenir les entreprises embauchant un alternant de moins de 30 ans dans le cadre d’un contrat de professionnalisation, selon les mêmes critères.

Cette prime concerne les nouveaux contrats signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021, soit environ 110 000 contrats, et son montant s’élève, pour la première année, à 5 000 euros pour un alternant mineur et 8 000 euros pour un alternant majeur.

Pour 2020, les crédits dédiés à cette prime exceptionnelle ont été ouverts sur la mission Travail et emploi par la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 à hauteur de 744 millions d’euros en autorisations d’engagement et 160 millions d’euros en crédits de paiement. Pour 2021, ces crédits sont portés par la mission Plan de relance et s’élèvent à 56 millions d’euros en autorisations d’engagement et 640 millions d’euros en crédits de paiement.

2.   Une aide à l’embauche pour les salariés de moins de 26 ans

Cette aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans a été instaurée par le décret n° 2020-982 du 5 août 2020. Elle consiste en une prime d’un montant maximal de 4 000 euros (pour un contrat à temps plein d’une durée minimale d’un an) accordée aux employeurs pour l’embauche d’un jeune de moins de 26 ans entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021. Cette aide s’applique aux CDD et CDI d’une durée minimale de 3 mois, d’un montant allant jusqu’à deux Smic. Le montant de l’aide est proratisé en fonction de la quotité de travail et de la durée du contrat. Le coût total de cette aide est évalué à 1,1 milliard pour près de 660 000 bénéficiaires. Pour 2020, les crédits au titre de cette aide exceptionnelle ont été ouverts par la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 sur la mission Travail et emploi, à hauteur d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement et 100 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, les crédits sont inscrits dans la mission Plan de relance pour 100 millions d’euros en autorisations d’engagements et 900 millions d’euros en crédits de paiement.

3.   Une aide à l’embauche des travailleurs handicapés

Le programme 364 prévoit également 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 93,4 millions d’euros en crédits de paiement consacrés à la création d’une prime à l’embauche des travailleurs handicapés et au renforcement des dispositifs d’accompagnement vers et dans l’emploi de ces personnes.

Cette aide de 4 000 euros pour le recrutement, sans limite d’âge, de près de 30 000 personnes en situation de handicap entre le 1er septembre 2020 et le 28 février 2021, est attribuable aux structures des secteurs marchands et non marchands, quels que soient leur taille et leur secteur, qui embauchent un salarié ayant une reconnaissance de la qualité du travailleur handicapé (RQTH), en CDI ou CDD de 3 mois et plus pour un salaire jusqu’à 2 fois le Smic.

L’aide présentée est cumulable avec l’offre de services et d’aides financières de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) visant à sécuriser les parcours professionnels des personnes handicapées et à compenser le handicap dans l’emploi.

Pour 2021, le coût de ce dispositif est de 85 millions d’euros en autorisations d’engagement et 78 millions d’euros en crédits de paiement.

Par ailleurs, 7,5 millions d’euros de crédits de paiement seront consacrés au dispositif d’emploi accompagné des travailleurs en situation de handicap dans le cadre du plan de relance. Cette enveloppe s’ajoute aux 15 millions d’euros de crédits intégrés au programme 157 Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

C.   Les autres mesures en faveur de l’insertion professionnelle À hauteur de 2,95 milliards d’euros

Par ailleurs, le programme 364 porte trois types de mesures en faveur de la formation et de l’insertion professionnelle, annoncées dans le cadre du plan de relance, pour un coût total de 2 953,4 millions d’euros en 2021 :

● Des mesures pour accompagner des jeunes éloignés de l’emploi en construisant des parcours d’insertion sur mesure :

– des « emplois francs + » pour les jeunes de moins de 26 ans résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville, portant la prime à 7 000 euros la première année, puis 5 000 euros les années suivantes, dans la limite totale de trois ans, pour un recrutement en contrat à durée indéterminée ; et à 5 500 euros la première année, puis 2 500 euros l’année suivante, dans la limite totale de deux ans, pour un recrutement en contrat à durée déterminée d’au moins six mois (3,8 millions d’euros en crédits de paiement) ;

– 100 000 missions de service civique supplémentaires (363 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– 1 000 recrutements de jeunes dans les TPE et PME sur des métiers centrés autour de la transformation écologique (« VTE verts » ou Volontariats territoriaux en entreprise verts) ;

● L’accompagnement des jeunes éloignés de l’emploi en construisant des parcours d’insertion sur mesure :

– 60 000 parcours emplois compétences supplémentaires (239,6 millions d’euros en crédits de paiement) et 50 000 contrats initiative emploi nouveaux (172 millions d’euros en crédits de paiement) ;

– une augmentation de 50 % des places en Garantie jeunes, soit 50 000 accompagnements complémentaires : les crédits prévus pour l’allocation Garantie jeunes au titre du plan de relance sont de 211 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 95 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires, qui portent le total des crédits de l’allocation Garantie jeunes à 516,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, dont 421,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur le programme 102, doivent permettre d’accompagner la hausse du nombre de jeunes en Garantie jeunes, lequel passe de 100 000 jeunes suivis en 2020 à 150 000 jeunes suivis en 2021 ;

– 80 000 parcours contractualisés d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) supplémentaires : les crédits prévus par le plan de relance à ce titre sont de 22 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires portent le total de crédits de l’allocation PACEA à 104 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, dont 82 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur le programme 102 de la mission Travail et emploi ;

– un doublement de l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ) mis en place au sein de Pôle emploi, soit un total de 240 000 bénéficiaires ;

– le ciblage de 35 000 jeunes dans les structures de l’insertion par l’activité économique (IAE) (47 millions d’euros en autorisations d’engagements et crédits de paiement) ;

– l’accompagnement de 15 000 jeunes en difficulté qui souhaitent créer leur entreprise ;

 3 000 places supplémentaires dans le dispositif Sésame d’accompagnement sur mesure vers les métiers du sport et de l’animation.

● Des financements complémentaires du plan « un jeune, une solution » destinés à orienter et former les jeunes vers les secteurs et les métiers d’avenir :

– 100 000 nouvelles formations qualifiantes ou pré-qualifiantes qui seront proposées aux jeunes sans qualification ou en échec dans l’enseignement supérieur, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (700 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 175 millions d’euros de crédits de paiement) ;

– 16 000 formations supplémentaires d’infirmiers, d’aides-soignants et d’auxiliaires de vie pour accompagner la mise en œuvre du Ségur de la Santé et du Plan Grand âge : ces formations seront financées par les régions et le coût sera compensé par l’État aux régions en 2021 et 2022 dans le cadre de la dotation de décentralisation ;

 35 000 formations numériques pour les jeunes non-qualifiés en 2020 et 2021 ;

– des parcours individualisés pour 35 000 décrocheurs entre 16 et 18 ans (122,5 millions d’euros en crédits de paiement) ;

– 26 500 places supplémentaires pour poursuivre des formations en études supérieures, en CAP et BTS à la rentrée 2020 ;

– le doublement du nombre d’élèves bénéficiaires des cordées de la réussite et des parcours d’excellence pour atteindre 180 000 élèves.

● Des mesures pour assurer la reconversion sur des métiers d’avenir :

– le compte personnel de formation (CPF) sera abondé dès lors que la personne choisira de se former sur l’un des trois secteurs stratégiques que sont la santé, le numérique ou la transition écologique (22,5 millions d’euros de crédits de paiement) ;

 les projets de transition professionnelle des salariés, qui bénéficient déjà d’une enveloppe de 496 millions d’euros en 2020 (financée par France compétences), verront leurs financements accrus de 100 millions d’euros, également pour les métiers des secteurs stratégiques du plan de relance, à fortes perspectives d’emploi ;

– la reconversion par l’alternance (dit « pro-A ») sera également renforcée par un soutien de 108 millions d’euros. Son objectif est de redynamiser les modalités des formations ouvertes aux salariés dans un contexte de fortes évolutions du marché du travail.

D.   1,17 milliard d’euros pour aider les opÉrateurs À faire face À l’afflux de demandeurs d’emploi

Par ailleurs, la mission Plan de relance prévoit un renforcement des moyens de trois catégories d’opérateurs pour faire face à l’afflux de nouveaux demandeurs d’emploi, d’une ampleur cependant limitée au vu des besoins.

1.   Une subvention conditionnelle de 750 millions pour France compétences

L’opérateur France compétences a été créé par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et a été mis en place le 1er janvier 2019. Il gère, avec les opérateurs de compétences, un montant total de 10 milliards d’euros de dépenses publiques dédiées à l’alternance et à la formation professionnelle.

Établissement public sui generis à gouvernance quadripartite, France compétences est notamment en charge de :

– répartir les fonds de l’alternance et de la formation professionnelle auprès des opérateurs de compétence (Opco) et des régions, y compris les fonds dédiés au compte personnel de formation (CPF) gérés par la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que la formation des demandeurs d’emploi par le biais d’un fonds de concours ;

– financer les opérateurs du conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les actifs occupés hors agents publics ;

– établir et actualiser le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique, dans le cadre de l’obligation de certification des organismes de formation souhaitant bénéficier de fonds publics à partir du 1er janvier 2021 ;

– émettre des recommandations aux autorités publiques chargées de l’alternance.

Les ressources de France compétences étant assises sur la masse salariale soumise à prélèvements obligatoires, elles baissent dans le cadre de la réduction du travail salarié. Parallèlement, le montant des interventions de France compétences, par le biais des Opco, ne décroît pas du fait du soutien à l’apprentissage, aux contrats de professionnalisation et au dispositif Pro-A, prévu dans le plan de relance.

Afin de garantir les versements de France compétences aux Opco qui prennent en charge notamment les frais de formation des apprentis dans les centres de formation d’apprentis (CFA), une dotation exceptionnelle de 750 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement est prévue au sein de la mission Plan de relance.

Cette subvention est accompagnée de conditions prévues par l’article 56 du présent projet de loi de finances : le versement de cette subvention exceptionnelle sera conditionné au vote, par le conseil d’administration d’ici au 30 novembre 2021, des mesures permettant de disposer d’un budget à l’équilibre pour 2022.

Cependant, cette aide ponctuelle ne saurait suffire à résoudre un problème de financement structurel, détaillé en seconde partie du présent rapport.

2.   Des dotations de 319 millions d’euros pour permettre à Pôle emploi de recruter

Pour faire face à l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi, Pôle emploi est autorisé à recruter 1 500 ETP au titre de la hausse de la demande d’emploi hors accompagnement intensif des jeunes. Afin de renforcer les moyens (en effectifs et en intervention) dont Pôle emploi a besoin pour accompagner les demandeurs d’emploi dans le contexte de la crise, l’action 6 Formation professionnelle du programme 364 prévoit 250 millions d’euros de dotation supplémentaire de l’État en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

En outre, au titre de l’accompagnement intensif des jeunes, il est prévu 69 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour permettre le recrutement de 650 ETP supplémentaires.

3.   Un soutien de 100 millions d’euros aux missions locales

Enfin, un montant de 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement supplémentaires est prévu par le programme 364 de la mission Plan de relance pour financer un surcroît d’activité des missions locales afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Ce montant doit permettre aux missions locales d’accueillir 50 000 jeunes supplémentaires en Garantie jeunes, pour un total de 150 000 jeunes accompagnés en 2021, et 80 000 jeunes supplémentaires en PACEA, pour un total de 420 000 jeunes accompagnés en 2021.

 


—  1  —

   Seconde partie : la rÉforme de la formation professionnelle et de ses acteurs face aux dÉfis liÉs À la pandÉmie et À la rÉcession

I.   Un bilan globalement positif de l’entrÉe en vigueur de la rÉforme

La loi du 5 septembre 2018 a opéré une transformation en profondeur de notre système de formation professionnelle et d’apprentissage. S’éloignant des préconisations des partenaires sociaux, formulées dans leur accord national interprofessionnel du 22 février 2018, cette réforme fait le pari d’une remise à plat des outils et du pilotage de la formation professionnelle et de l’apprentissage, aux côtés des deux autres volets de la loi consacrés à l’assurance chômage et aux politiques de l’emploi.

L’année dernière, le rapporteur pour avis a tiré un bilan de la mise en place des institutions nées de cette réforme ; en continuant ce processus, il s’interroge sur la soutenabilité d’une réforme face aux enjeux liés à la pandémie et appelle à libérer les énergies pour développer l’emploi.

Par ailleurs, la place des régions dans le nouveau dispositif reste à affermir, notamment en leur donnant un rôle dans le pilotage de la formation des demandeurs d’emploi.

A.   Une montÉe en puissance de l’apprentissage et de l’alternance malgrÉ des craintes pour 2021

1.   Une progression du nombre de contrats d’apprentissage, s’expliquant en partie par le report depuis d’autres dispositifs

Selon les derniers chiffres publiés ([19]), au 31 décembre 2019, il y avait 491 000 apprentis en France, soit une hausse de + 16 % par rapport à 2018, avec 368 000 contrats actifs. Cependant, aucun détail n’a été fourni au rapporteur pour avis dans ses réponses au questionnaire budgétaire.

Aussi ne peut-il que s’en remettre aux chiffres publiés par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) pour 2018 ([20]), où 317 300 nouveaux contrats ont été enregistrés, soit une hausse de 7,6 % par rapport à 2017. Pour la première fois depuis 2013, ce dynamisme est plus marqué dans le secteur privé (302 100 nouveaux contrats, + 7,7 % par rapport à 2017), que dans le public (15 200 nouveaux contrats, + 5,1 % par rapport à 2017). Les embauches reculent notamment dans la fonction publique de l’État (– 6,0 %). Concernant les collectivités territoriales, elles sont confrontées au problème du financement du contrat, pris en charge partiellement par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Dans le privé, le dynamisme est surtout porté par le secteur de la construction (+ 8,7 %) et les entreprises de plus de dix salariés (+ 11,8 %).

Le niveau de formation préparé en apprentissage ainsi que l’âge à l’entrée continuent d’augmenter. La part des nouveaux apprentis préparant une formation de niveau bac+2 ou plus augmente de deux points entre 2017 et 2018, passant de 35,9 % à 37,9 %. Les entrées en apprentissage des 26 ans et plus augmentent de 44,6 %, ceux-ci étant majoritairement recrutés dans le cadre de l’expérimentation, commencée en 2017 et poursuivie en 2018, élargissant l’accès des 26-30 ans à l’apprentissage.

Cependant, cette progression tend à s’effectuer par transfert de contrats de professionnalisation vers des contrats d’apprentissage. En 2019, 218 000 nouveaux contrats de professionnalisation ont été signés ([21]) : après des années de hausse, le nombre de nouveaux contrats s’est réduit de 7,1 % par rapport à 2018. Cette diminution des effectifs porte essentiellement sur les jeunes, éligibles à l’apprentissage (– 9,7 %), alors qu’il y a une légère hausse des contrats de professionnalisation conclus par les adultes (+ 0,3 %).

Au premier trimestre 2020, le nombre de nouveaux contrats de professionnalisation diminue de 38,7 % par rapport au premier trimestre 2019. La tendance à la baisse des embauches observée depuis septembre 2019 se poursuit au premier trimestre 2020 avec une diminution particulièrement marquée en mars (– 60,1 % par rapport à mars 2019). La crise sanitaire pourrait expliquer une partie de celle-ci ([22]).

Pour autant, entre 2017 et 2019, le nombre de personnes entrant dans les deux dispositifs a progressé de 5,2 % par an en moyenne.

Progression du nombre de contrats d’apprentissage et de professionnalisation dePuis 2017

Source : PoEm : tableau de bord des politiques de l’emploi, juillet 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapports-poem-juillet-2020.pdf

2.   Le recentrage vers les formations qualifiantes et certifiantes

L’apprentissage permet de préparer un diplôme professionnel de l’enseignement secondaire, un diplôme de l’enseignement supérieur ou un titre à finalité professionnelle enregistré au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Conséquence de la réforme, les diplômes de l’enseignement supérieur constituent dorénavant la majorité des formations préparées par les apprentis.

Selon les chiffres de la DARES, la hausse des recrutements en 2018 concerne tous les niveaux et types de certification préparés en apprentissage. Ce sont, en premier lieu, les diplômes de niveau bac+2 ou plus (I à III) qui soutiennent la hausse (+ 14,0 %), représentant 37,9 % des entrées. Les recrutements permettant de préparer des diplômes de niveau CAP (V) et baccalauréat (IV) sont également en hausse (+ 4,5 %) et continuent de représenter la majorité des entrées en apprentissage (59,5 %) mais leur dynamisme est inférieur à la moyenne. La hausse du niveau des diplômes préparés en apprentissage depuis une vingtaine d’années se poursuit.

Les bÉNÉficiaires des nouveaux contrats d’apprentissage dans le secteur privÉ

Source : Dares Résultats 2020-017, Les contrats d’apprentissage en 2018, mai 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares__resultats_contrats_apprentissage_2018.pdf

Le secteur tertiaire est surreprésenté parmi les embauches d’apprentis préparant un niveau de diplôme bac+2 ou plus (I à III) (65,1 %), tandis que les apprentis préparant un diplôme de niveau CAP (V) sont plus souvent embauchés dans le secteur du bâtiment (24 % des entrées en niveau CAP). La grande majorité des nouveaux contrats d’apprentissage permettent de préparer un diplôme professionnel de l’enseignement secondaire ou un diplôme de l’enseignement supérieur (89,1 %), mais la part des apprentis préparant un titre professionnel augmente à nouveau, passant de 10,2 % en 2017 à 10,9 % en 2018. Plus de la moitié des titres professionnels préparés par les apprentis (53,6 %) sont de niveau bac+2 ou plus (I à III).

3.   Des craintes persistantes sur le développement de l’apprentissage, notamment pour les mois prochains et la rentrée 2021

Depuis le 1er janvier 2020, la gestion des contrats d’apprentissage est transférée aux opérateurs de compétences (Opco) ; elle n’est plus exercée par les chambres consulaires, qui ne sont plus en mesure de fournir les statistiques. En l’absence d’outils, le ministère du Travail, de l’emploi et de l’insertion n’est pas en mesure de donner des chiffres actualisés mensuellement.

Cependant, l’évolution constatée sur le nombre d’entrées en contrats de professionnalisation en 2020 doit refléter l’évolution existante.

Durant le premier trimestre 2020, le nombre d’entrées en contrat de professionnalisation a diminué de 12 % en janvier et février et de 40 % en mars, soit 12 003 entrées, à comparer aux 20 166 entrées au premier trimestre 2019.

Aussi en effectifs, les alternants étaient 235 100 en mars 2020, en baisse de 9,6 % par rapport à mars 2019 ([23]).

Selon les acteurs auditionnés par le rapporteur pour avis, les primes à l’apprentissage et au contrat de professionnalisation ont permis de surmonter la tentation d’attentisme de certains employeurs et de reprendre les embauches dans le cadre de ces dispositifs.

Cependant, en prenant fin le 28 février 2021, ces dispositifs de primes à l’embauche d’un apprenti ou d’un alternant ne garantissent pas que lors de la rentrée 2021, où se concentre la moitié des entrées en apprentissage ou en alternance, les candidats trouvent un employeur.

Le présent projet de loi de finances ne prévoit aucun dispositif permettant de dissiper ces craintes.

4.   Des Opco dont la mise en place n’est pas toujours aboutie

Agréés depuis le 1er avril 2019, les onze opérateurs de compétences (Ocpo) ont été créés par regroupement des branches professionnelles selon des « critères de cohérence des métiers et des compétences, de filières, d’enjeux communs de compétences, de formation, de mobilité, de services de proximité et de besoins des entreprises » et selon les objectifs définis par le ministère du Travail, de l’emploi et de l’insertion. Ainsi, les Opco remplissent de nouvelles missions comme assurer le financement des contrats en alternance (apprentissage ou professionnalisation), selon les niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles, ou offrir un appui technique aux branches professionnelles pour établir la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Ils auront également pour rôle d’accompagner les branches dans leur mission de certification professionnelle et de favoriser la transition professionnelle des salariés, notamment par la mise en œuvre du compte personnel de formation. De plus, ils assureront un service de proximité avec les TPE et les PME dans la définition de leurs besoins en formation, le développement des compétences, l’analyse des besoins et l’évolution des certifications professionnelles.

Au 1er janvier prochain, les Opco perdront la charge de collecter les cotisations dédiées à la formation, qui seront directement collectées par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf).

Les auditions menées par le rapporteur pour avis ont montré que si certains Opco ont pris naturellement la place des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) qu’ils ont remplacés, certains sont encore en transition.

L’opérateur de compétences (Opco) du secteur de la construction et des travaux publics a vu en février 2020 ses statuts annulés par le tribunal judiciaire de Paris. Cette décision fait en effet suite à des dissensions entre représentants des organisations patronales et syndicales autour de l’apprentissage et des conventions collectives.

Le rapporteur pour avis s’étonne du retard pris dans la mise en place du nouveau dispositif, dans la mesure où un commissaire du Gouvernement représente l’État au sein du conseil d’administration des Opco.

B.   Une place des régions à affermir

Dans le cadre de la mise en place de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les régions conservent des compétences en matière de soutien à l’apprentissage.

1.   Des investissements en matière d’apprentissage à maintenir

En application de l’article L.6211-3 du code du travail, « la région peut contribuer au financement des centres de formation d’apprentis quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient. Elle peut en matière de dépenses de fonctionnement, majorer la prise en charge des contrats d’apprentissage assurée par les opérateurs de compétences, […] en matière de dépenses d’investissement, verser des subventions. […] Les dépenses mentionnées au II s’inscrivent dans les orientations du contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 214-13 du code de l’éducation. À ce titre, elles peuvent faire l’objet de conventions d’objectifs et de moyens avec les opérateurs de compétences agissant pour le compte des branches adhérentes. »

L’article 76 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a prévu un mécanisme de compensation au profit des régions dont la compétence en matière d’apprentissage par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été reformée, avec un prélèvement sur les recettes de l’État au profit des régions au titre de la neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage, d’un montant de 122,6 millions d’euros, un versement d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, d’un montant de 156,9 millions d’euros et à titre transitoire, pour financer les dépenses notamment liées au versement de la prime à l’apprentissage des contrats en cours, une majoration de 49,9 millions d’euros.

Seules trois régions (Centre-Val de Loire, Pays de la Loire, Guyane) se sont vues appliquer une reprise pour dépenses d’apprentissage constatées inférieures au montant de ressources compensatrices.

L’article 23 du présent projet de loi de finances prévoit une reconduction du prélèvement sur recettes d’un montant de 122,5 millions d’euros au titre de la neutralisation financière de la réforme de l’apprentissage.

Cependant, en examinant les comptes de gestion des régions, on constate que leur effort en matière d’apprentissage n’a pas diminué. Entre 2017 et 2018, leurs dépenses ont augmenté de 1 %, atteignant 1 814 millions d’euros. Entre 2018 et 2019 cependant, pour les 13 régions ayant déposé leurs comptes administratifs pour 2019, ces dépenses ont diminué de 3,2 %, ce qui s’explique essentiellement par une baisse de 44,8 millions d’euros des dépenses d’une région, les dépenses d’investissement augmentant quant à elles de 39 %.

Évolution des dÉpenses des rÉgions en matiÈre d’aide À l’apprentissage

(en milliers d’euros)

Régions

Compte de gestion 2017

Compte de gestion 2018

Compte de gestion 2019

Fonctionnement

Investissement

Fonctionnement

Investissement

Fonctionnement

Investissement

Auvergne-Rhône-Alpes

179 706

19 174

184 508

11 269

178 251

31 222

Bourgogne-Franche-Comté

76 114

9 624

80 704

11 059

81 578

15 197

Bretagne

72 564

3 536

73 658

11 800

71 902

15 987

Centre-Val de Loire

82 147

8 831

82 844

15 200

*

*

Corse

7 246

151

8 246

283

6 865

204

Grand Est

148 351

8 000

151 369

9 773

140 970

23 047

Hauts-de-France

149 855

29 892

154 871

14 287

154 945

12 715

Ile-de-France

238 088

26 170

234 382

19 755

181 862

27 529

Normandie

98 390

11 517

102 295

10 604

97 086

8 635

Nouvelle-Aquitaine

158 051

34 455

164 096

28 614

159 584

20 372

Occitanie

116 756

8 486

107 114

9 132

126 999

11 186

Pays de la Loire

129 231

13 372

135 549

20 600

*

*

Provence-Alpes-Côte d’Azur

91 508

3 292

95 964

3 704

90 732

8 536

Guadeloupe

12 332

4 010

15 883

5 944

*

*

Martinique

11 032

479

11 705

341

*

*

Guyane

5 622

72

5 808

195

3 077

1 177

La Réunion

35 334

1 686

31 627

910

26 208

7 520

TOTAL

1 612 327

182 747

1 640 623

173 470

-

-

(*) données non disponibles en raison de la crise de la Covid-19, qui a décalé l’adoption des comptes administratifs

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Le rapporteur pour avis souligne l’engagement des régions sur le niveau d’investissement des régions en matière d’aide à l’apprentissage et aux centres de formation d’apprentis, auparavant retracé par le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage supprimé par la loi de finances pour 2020.

2.   Une augmentation envisagée de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle à compenser

De manière concomitante à la hausse des parcours qualifiants pour les jeunes, est prévue une revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle.

La rémunération de ces stagiaires est aujourd’hui désincitative à l’entrée en formation. Elle est en effet caractérisée par de fortes disparités des conditions d’accès et des niveaux de rémunération, des démarches administratives lourdes et des pertes financières liées à l’entrée en formation qui peuvent avoir des effets d’éviction sur l’accès à la formation ([24]) :

 en 2018, pour les 40 % de stagiaires demandeurs d’emploi qui ne sont pas indemnisés par Pôle emploi, la rémunération est fixée par un barème qui n’a pas été revalorisé depuis 2002. En conséquence, la rémunération a connu un net décrochage par rapport à l’inflation (+ 26,4 % depuis 2002) ou au Smic (+ 46,8 % depuis 2002), ce qui place le niveau de vie de ces stagiaires en dessous du seuil de pauvreté monétaire ;

– les publics jeunes sont ceux qui se voient appliquer les taux de rémunération les plus bas (répartis selon l’âge, de 130 à 339 euros par mois) ;

– une perte de revenus liée à l’entrée en formation est notamment due à des surcoûts concentrés sur le premier mois de formation ;

– pour les personnes indemnisées par l’assurance chômage, le maintien en formation peut en outre être remis en cause si leur droit à indemnisation s’interrompt en cours de formation et s’ils ne sont pas éligibles à la rémunération de fin de formation (R2F).

Par conséquent, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a annoncé une revalorisation en 2021 de :

– 200 euros pour les jeunes de 16 à 18 ans,

– 500 euros pour les adultes de 18 à 25 ans,

– 685 euros pour les adultes de plus de 25 ans.

Il est également prévu l’instauration d’une prime de 150 euros à l’entrée en formation, pour les jeunes jusqu’à 25 ans.

Le coût de cette mesure est estimé à respectivement 85 millions d’euros (pour les jeunes de moins de 25 ans) et 106 millions d’euros (pour 217 000 stagiaires de plus de 25 ans), pour la mission Plan de relance.

Cependant, cette mesure va entraîner une hausse des dépenses de rémunération à la fois pour les régions et pour Pôle emploi.

Le Gouvernement précise que « pour les régions, la prise en charge de cette revalorisation sera prise en compte, à titre transitoire en 2021, dans les conventions financières signées au titre des Pactes régionaux d’investissement dans les compétences ».

Ce n’est pas aux pactes régionaux d’investissement, mais à la loi de finances de prévoir les conditions de compensation d’un tel transfert de charges. Le rapporteur pour avis souhaite que le Gouvernement prenne ses responsabilités en prévoyant en loi de finances le transfert des sommes concernées.

3.   Un rôle dans le pilotage de Pôle emploi à généraliser

L’article L. 5311-3 du code du travail, tel que modifié par la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, prévoit que « la région participe à la coordination des acteurs du service public de l’emploi sur son territoire », mais également que « l’État peut déléguer à la région […] la mission de veiller à la complémentarité et de coordonner l’action des différents intervenants, notamment les missions locales, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, Cap emploi et les maisons de l’emploi, ainsi que de mettre en œuvre la gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences ».

Dans son discours devant le 15ème congrès des régions de France le 1er octobre 2019, le Premier ministre d’alors M. Édouard Philippe, avait proposé d’ouvrir « la possibilité d’expérimenter dans quelques régions, un nouveau rôle pour les régions dans la gouvernance de l’action de Pôle emploi dans le domaine de la formation professionnelle ».

Six régions ont ainsi été sélectionnées pour expérimenter le pilotage régional de l’action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs, en articulant cette expérimentation avec la mise en place du service public de l’insertion (SPI) qui fait actuellement l’objet d’une concertation.

Cependant à ce jour, cette expérimentation est mal engagée : « À l’exception de la région Auvergne-Rhône-Alpes, rien ne serait engagé dans les autres régions sélectionnées en janvier 2020 pour expérimenter le pilotage régional de l’action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs » ([25]..

Alors que le PIC est appelé à devenir le véhicule de mise en œuvre d’une grande partie du volet « compétences » du plan de relance, les régions réaffirment leur souhait de piloter l’ensemble de ce volet, soit non seulement la formation des demandeurs d’emploi et des jeunes, mais aussi les salariés en chômage partiel et en reconversion, ce qui implique d’ouvrir les pactes régionaux d’investissement dans les compétences (Pric) à d’autres champs d’actions que ceux prévus dans les documents signés pour la période 2019-2022 et révisables chaque année ([26]).

Le rapporteur souhaite que ces expérimentations de pilotage de l’action de Pôle emploi en matière de formation des chômeurs puissent être menées à leur terme, dans l’attente qu’elles puissent s’étendre à l’ensemble de l’activité d’accompagnement des demandeurs d’emploi, hors indemnisation.

II.   Des mesures prises pour limiter l’impact de la pandÉmie nÉcessitent d’Être adaptÉes À la rÉcession Économique

Face à la présente situation, les équilibres prévus en 2018 ne permettront pas au circuit de financement de la formation professionnelle, assis sur une masse salariale en baisse et l’accumulation croissante de droits à formation. Seule une intervention de l’État pourra résoudre cet « effet de ciseaux ».

A.   Un financement de la formation professionnelle trop dÉpendant de l’Évolution de la masse salariale

La pandémie de Covid-19 a provoqué un arrêt brutal de l’activité économique de notre pays dont les impacts, s’ils ne sont pas encore totalement appréhendés, vont peser lourdement sur les ressources de la formation professionnelle et de l’apprentissage pour 2020 (activité partielle, licenciements, disparition d’entreprises) et donc sur le niveau des collectes au titre de l’exercice en cours.

Les difficultés économiques amenuisent en 2020 les ressources de France compétences assises sur la masse salariale (soumise à prélèvements obligatoires).

En 2019, le montant des recettes en matière d’apprentissage se décompose en deux parties : la collecte de la taxe d’apprentissage (TA) comprise désormais dans la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (CUFPA), ainsi que la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA). La TA se décompose ensuite en deux parties : le 87 % et le 13 %. Seul le 87 % fait l’objet d’une collecte, tandis que les 13 % restants (le solde) font l’objet de versements libératoires directs par les entreprises auprès des établissements en bénéficiant. En 2019, 3,4 milliards ont été collectés au titre de la TA assise sur la masse salariale de 2018. De manière identique, 246 millions ont été collectés au titre de la CSA. Le Gouvernement n’a pas fourni de chiffres au rapporteur pour 2020 ([27]).

Parallèlement, le montant des interventions de France compétences, par le biais des Opco, devrait croître en raison notamment du soutien à l’apprentissage, au recours aux contrats de professionnalisation ainsi qu’au dispositif Pro-A, prévus dans le plan de relance.

Selon une estimation fournie à votre rapporteur pour avis par France compétences, en juin 2020, il a été envisagé par la direction générale du Trésor l’hypothèse d’une baisse de la masse salariale du secteur privé pour 2020 de l’ordre de 9,7 %, ce qui aurait des impacts forts sur les ressources de la formation professionnelle et de l’apprentissage, estimés à environ 1,146 milliard d’euros pour la seule année 2020 ; l’impact pour France compétences avoisine les 1,020 milliard d’euros, dont 491 millions d’euros de pertes de ressources directes et 529 millions d’euros de moindres ressources OPCO pour le financement des dispositifs de l’alternance, et donc des dépenses supplémentaires au titre de la péréquation inter‑branches pour France compétences.

Dans ce cadre, le rapporteur pour avis ne peut que relayer les craintes sur la soutenabilité du financement de l’apprentissage et de la formation par alternance, promus par le Gouvernement au travers des dispositifs de primes au contrat, sans permettre de garantir que leur financement repose sur des ressources pérennes.

B.   Des structures de formation obligÉes de remettre en cause leur fonctionnement

L’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire et les mesures prises pour y faire face ont affecté de nombreux dispositifs du PIC, l’accueil physique des stagiaires dans les organismes de formation et les CFA ayant été suspendu à compter du 16 mars.

Selon les informations fournis par le Gouvernement, à la fin de la 11ème semaine de 2020, soit juste avant la crise de la Covid-19, le nombre d’entrées en formation de demandeurs d’emploi enregistrait une forte croissance par rapport à l’année précédente. Ce chiffre atteignait 152 495 à la fin de la semaine 11 en 2019 contre 183 361 à la fin de la semaine 11 en 2020 (ce qui représente une hausse de + 20 % en un an). Le taux de réalisation de l’objectif cadencé de réalisation du PIC en 2020 était donc élevé à cette date ([28]).

L’impact de la crise sanitaire s’est matérialisé par une chute brutale des (nouvelles) entrées en formation, dès la première semaine de confinement : au cours de la 12ème semaine de 2020, seules 7 230 entrées en formation sont en effet enregistrées, tous financeurs confondus, contre 22 742 la semaine précédente. Cette chute s’est poursuivie les semaines suivantes.

Des réponses de court terme ont été apportées dès le 1er jour du confinement, autour de trois objectifs :

– garantir la sécurité des stagiaires et des formateurs, en s’assurant du respect des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire ;

– prendre des mesures permettant de favoriser la pérennité économique des structures de formation ;

– assurer la continuité pédagogique et le maintien des parcours de formation, en basculant la formation à distance ou, a minima, en conservant un lien avec les stagiaires déjà entrés en formation.

Elles ont permis :

– un fort recours aux contenus pédagogiques mis à disposition à titre gratuit dès le démarrage de la crise sanitaire : pour illustration, la plateforme de l’AFPA a enregistré 4 200 inscriptions à ses modules en ligne et 110 000 personnes se sont connectées aux modules mis à disposition par OpenClassrooms ;

– un maintien en formation à distance pour de nombreuses formations, après une très courte période de sidération : les Régions ont en effet déclaré le maintien des formations dans une modalité à distance pour 50 à 70 % de leur programme régional de formation.

Il a été décidé de financer à hauteur de 30 millions d’euros une quinzaine de projets supplémentaires dans le cadre de l’appel à projets « 100 % inclusion ». Ces projets ont pour point commun d’être tous portés par des consortiums d’acteurs de la solidarité et de l’insertion et d’être en capacité de démarrer des parcours au bénéfice des publics les plus fragiles dès septembre.

C.   Une multiplication des dispositifs risquant de dÉboucher sur des effets d’aubaine

La multiplication des dispositifs prévus par le plan de relance risque de déboucher sur des effets d’aubaine.

Comme il a été montré infra, l’augmentation du nombre d’apprentis s’explique en partie par le report sur ce dispositif de personnes auparavant ciblées par les contrats de professionnalisation, dorénavant moins intéressants.

De la même manière, les primes à l’embauche mises en place pour des publics insuffisamment ciblés – jeunes de moins de 26 ans, emplois francs destinés aux habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) risquent de conduire à des embauches de circonstance, motivée par la quasi-disparition du coût de cette embauche, sans avoir d’effet sur le niveau général de l’emploi.

D.   Des opÉrateurs À conforter face aux consÉquences de la pandÉmie et de la crise Économique

1.   France compétences, un opérateur dont l’équilibre budgétaire n’est pas atteint par la subvention prévue par le projet de loi de finances

a.   Un déséquilibre financier structurel traité comme un besoin ponctuel de trésorerie

Avant la pandémie de la Covid-19, un rapport réalisé par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale des finances (IGF) ([29]) sur les conséquences financières de la réforme et la trajectoire d’équilibre de France compétences a mis en évidence, antérieurement à la crise, un déficit de l’opérateur, à court terme et à moyen terme.

À court terme, le déficit est notamment lié à la reprise du financement en 2020 par l’opérateur des contrats d’apprentissage conclus par les régions avant fin 2019. À plus long terme, celui-ci est lié à une dynamique différenciée entre les recettes de l’opérateur, assises sur la contribution des entreprises à l’apprentissage et à la formation professionnelle, et les dépenses, en hausse du fait de la dynamique positive de développement de l’apprentissage et du recours au compte personnel de formation, liés en grande partie à la réforme de 2018.

Avant la crise sanitaire, la mission IGF-Igas a estimé dans son scénario central le déficit de l’opérateur à – 1,5 milliard d’euros en 2020 et – 1,8 milliard d’euros en 2021. L’impasse de trésorerie en fin d’année s’élèverait respectivement à – 0,3 milliard en 2020, – 2 milliards en 2021 et – 2,8 milliards en 2022. Des inquiétudes sur la trésorerie des CFA en début d’année 2020 ont conduit les pouvoirs publics à attribuer la moitié de la valeur de ces contrats aux CFA dès le 1er février 2020. Pour honorer cette échéance, France compétences a pu recourir temporairement à une ligne de trésorerie auprès des banques, et mobiliser la trésorerie des Opco.

Selon les dernières estimations de France compétences qui tiennent compte de l’impact de la crise, le déficit à fin 2021 de l’opérateur s’établirait désormais à – 2,5 milliards d’euros (sans mesure de régulation).

En l’absence de mesures pour assurer le financement de l’opérateur, son rôle de régulateur et de financeur de l’alternance et de la formation professionnelle pourrait donc être remis en cause.

Pour résorber ce déficit, l’Igas et l’IGF formulent une série de propositions. Outre des recommandations en matière de gestion budgétaire et d’allocation de ressources, la mission appelle entre autres à réduire les coûts de l’alternance, en baissant par exemple de 3 % par an sur quatre ans les niveaux moyens de prise en charge des contrats d’apprentissage ou en plafonnant le niveau de remboursement des formations du supérieur.

Tout en reconnaissant que « le versement d’une subvention exceptionnelle à France compétences ne permettra pas de résorber le déficit de l’opérateur », le Gouvernement propose le versement, par la mission Plan de relance, d’une subvention de 750 millions, dont le versement est conditionné par l’article 56 du présent projet de loi de finances à la production d’un rapport annuel annexé à la loi de finances et à « l’adoption de mesures permettant l’équilibre budgétaire, en particulier la révision par France compétences des recommandations sur les niveaux de prise en charge qui doivent entraîner une baisse de leur coût moyen. Cette option doit donc permettre de réaliser les économies nécessaires afin d’atteindre l’équilibre financier du système, sans recourir à des ressources supplémentaires et tout en assurant le financement pérenne de l’alternance et de la formation professionnelle » d’ici l’exercice 2022.

Le rapporteur pour avis souscrit au constat fait mais juge que la situation financière n’est pas la conséquence de choix de gestion de France compétences, mais d’une diminution des ressources de la formation professionnelle et de l’apprentissage estimée à environ 1,146 milliard d’euros pour la seule année 2020. Dans ce cadre, la subvention prévue par le plan de relance pour garantir le retour à l’équilibre n’est pas à la mesure de son enjeu et devrait atteindre un milliard d’euros.

b.   La bombe à retardement de la conversion du droit individuel à la formation et de l’utilisation du compte personnel de formation

● La conversion des heures de Droit individuel à la formation est sujet qui n’a pas fait l’objet de l’attention nécessaire.

Le Droit individuel à la formation (DIF) était une modalité d’accès à la formation qui permettait aux salariés de cumuler, chaque année, un crédit d’heures de formation (20 heures par an, plafonné à 120 heures) à utiliser, à leur initiative, après accord de l’employeur sur le choix de l’action de formation.

La loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a supprimé le DIF à compter du 1er janvier 2015 et créé le compte personnel de formation (CPF) qui permet aussi bien au salarié du privé qu’au demandeur d’emploi d’acquérir des droits à la formation.

En application du V de l’article 1er de la loi précitée, les employeurs devaient informer par écrit avant le 31 janvier 2015 chaque salarié du nombre total d’heures acquises au 31 décembre 2014 au titre du DIF, afin que les heures non utilisées puissent être transférées dans le CPF et, le cas échéant, complétées dans la limite d’un plafond total de 150 heures.

En application de l’ordonnance n° 2019-861° du 21 août 2019 visant à assurer la cohérence de diverses dispositions législatives avec la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les « heures DIF » acquises et non utilisées peuvent être converties, sur la base de 15 euros par heure, avant le 31 décembre 2020.

Cependant, il semble que le nombre de salariés ayant procédé à cette conversion soit limité. Selon la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du CPF, « un titulaire sur quatre, soit environ 5 millions si l’on ne prend pas en compte les agents publics et les retraités, a renseigné son reliquat d’heures DIF qui, une fois converti, a donné un crédit de 1 257 euros en moyenne. Ils devraient être entre 6,5 et 7 millions à la fin de l’année. » ([30]). Selon un sondage effectué par Ipsos, seuls 17 % des actifs déclareraient avoir procédé à cette conversion, ce qui serait plus pessimiste que la CDC. Selon le même article, une campagne de communication à destination des retardataires était prévue, mais elle est restée dans les cartons à cause de la crise. Au total, sur le seul champ du secteur privé, « sur cette base, et si l’on reprend la moyenne de 1 257 euros, pas moins de 12,5 milliards n’auront pas à être provisionnés par le système de formation professionnelle » ([31]).

Dans le cadre de la discussion en première lecture du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, le Gouvernement a fait adopter le 24 octobre un amendement ([32]) repoussant au 30 juin 2021 l’échéance impartie aux salariés pour inscrire leurs droits acquis au titre du Droit individuel à la formation (DIF) dans le compte personnel de formation (CPF).

Face à ce manque d’information, le rapporteur pour avis soutient ce principe d’un report de la date limite de conversion des droits. Cependant, ce délai supplémentaire devrait être mis à profit pour mettre en place une campagne d’information, un nouvel envoi par les employeurs à leurs salariés des droits acquis avant 2015, voire un envoi automatisé des droits acquis au gestionnaire du CPF.

● si le CPF produit des premiers résultats prometteurs, la question des engagements financiers ainsi accumulés devrait faire l’objet d’une attention plus soutenue, en l’absence de mécanisme de régulation.

Les premiers résultats du CPF répondent aux attentes : entre le 21 novembre 2019, date d’initiation de la campagne de communication sur l’application dédiée, et le 24 février 2020, 1 270 000 personnes ont activé leur profil et 154 000 actions de formation ont été engagées pour un montant de 170,2 millions d’euros ([33]).

Dans son rapport, la mission Igas-IGF s’est également intéressé au financement du CPF, rappelant que « le gouvernement a avancé un objectif d’un million de formations financées par an alors que 383 000 salariés sont entrés en formation en 2018 et environ 200 000 demandeurs d’emploi ». Or le CPF est conçu comme un droit des salariés dont la valorisation et l’exercice sont peu régulés. Les dépenses dépendent par conséquent exclusivement du taux de recours au CPF, à la seule discrétion des personnes, compte tenu par ailleurs des critères d’acquisition des droits.

Aussi la mission appelle-t-elle à réguler le CPF, soit par l’instauration d’un ticket modérateur, soit par une baisse des montants crédités chaque année sur les comptes des actifs.

L’accumulation de ces droits à formation nécessite de provisionner les sommes destinées à leur mise en œuvre et donc de dégager les ressources nécessaires, car France compétences ne peut s’opposer à l’utilisation des droits acquis par les titulaires des CPF. Comme le remarque la mission, « revoir les modalités de financement du CPF reviendrait à modifier la philosophie du dispositif », car « la conception même du CPF empêche en pratique tout mécanisme de régulation qui ne remette pas en cause son principe même », tels que l’instauration d’un ticket modérateur, le plafonnement des montants pris en charge ou la baisse des montants abondés chaque année sur les comptes des actifs.

c.   Des moyens humains insuffisants

La loi de finances pour 2019 a fixé le plafond d’emplois de France compétences à 70 ETPT alors que la loi du 5 septembre 2018 venait d’être votée, avant même la publication des décrets d’application. On ne disposait alors pas des éléments nécessaires à une bonne estimation de la charge de travail correspondant à l’exercice des nouvelles missions confiées à France compétences.

Il apparaît que ce plafond a été déterminé en prenant en compte les effectifs des structures que France compétences était amené à fusionner (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, Commission nationale de la certification professionnelle, Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) sans réflexion sur les nouvelles missions de l’établissement public. Or, les missions de France compétences ne sont pas exactement les mêmes que celles des trois structures fusionnées : se sont ajoutées de nouvelles missions de régulation – hors enregistrement des certifications – (comme les recommandations sur les niveaux de prise en charge ou l’observation des coûts), ainsi que d’autres missions (comme la passation et le pilotage du marché de conseil en évolution professionnelle).

En outre, par rapport à la loi, les missions de France compétences ont été ultérieurement élargies, notamment en prévoyant le pilotage, le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre du conseil en évolution professionnelle.

Ainsi, pour assurer ses missions, au regard de l’insuffisance de ses ETP, France compétences a d’ores et déjà eu recours en 2019 à des solutions alternatives : prestataires externes et intérim.

Il apparaît ainsi naturel d’ajuster le plafond d’emplois pour permettre une meilleure adéquation entre les effectifs de France compétences et ses missions et mener à bien ses projets de développement informatique.

Le présent projet de loi de finances relève de 70 à 74 ETPT le plafond d’emplois de France compétences « pour faire face à la montée en charge des missions de France compétences » ([34]). Le rapporteur pour avis estime que ce plafond devrait atteindre au moins 80 ETPT pour permettre à France compétences de gérer près de 9 milliards d’euros par an et d’exercer correctement ses missions.

2.   Des moyens humains supplémentaires limités pour Pôle emploi

En termes d’évolution des inscriptions à Pôle emploi, si le confinement a entraîné une très forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi en catégories A et B, le déconfinement a permis une reprise de l’activité réduite longue et une diminution du nombre d’inscrits en catégories A et B. Toutefois, il est à noter que le nombre de ces derniers reste fin août 2020 supérieur de 355 000 au niveau de la fin décembre 2019.

D’ici la fin de l’année, il est à craindre que la crise économique inverse la décrue observée depuis la fin du confinement : les différents instituts de prévision retiennent – avec toutes les précautions nécessaires dans un contexte inédit – une hypothèse de taux de chômage comprise entre 9,8 et 11 % entre fin 2020 et mi‑2021. Au-delà, son évolution sera notamment liée à celle de la crise sanitaire mais également aux effets du plan de relance.

Pour renforcer l’accompagnement, en particulier des jeunes, dans ce contexte de forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi, le Gouvernement a autorisé Pôle emploi à recruter des effectifs supplémentaires en agence à compter de septembre 2020 :

– 1 300 ETP pour le renforcement de l’accompagnement intensif des jeunes (AIJ), dont 650 devraient être débloqués en octobre, ce qui représente un doublement des effectifs dédiés à cette modalité d’accompagnement (passage de 100 000 en 2019 à 240 000 en 2021) ;

– 1 500 ETP pour faire face à la hausse du nombre de demandeurs d’emploi à accompagner.

En outre, le financement complémentaire attendu de 250 millions d’euros prévu par la mission budgétaire Plan de relance, au titre du renforcement des moyens de Pôle emploi vise à permettre une augmentation des dépenses d’intervention de Pôle emploi, pour développer les formations sanitaires et sociales comme le prévoit le plan de relance et pour renforcer des prestations sous-traitées.

Au total, il est prévu de recruter 2 150 personnes, dont 650 seront affectées à l’accompagnement intensif des jeunes. Ces recrutements se feront pour la plupart en CDD et ne changent rien à l’objectif de plus long terme de réduction des effectifs au sein de Pôle emploi.

Cependant ce renforcement des effectifs semble limité face à l’afflux à venir de nouveaux demandeurs d’emploi, pour lesquels les besoins d’accompagnement devront être évalués avant de s’en remettre aux outils digitaux.

III.   La nÉcessitÉ de prendre des mesures pour favoriser l’emploi

A.   Repenser l’accompagnement des demandeurs d’emploi

1.   Différencier le suivi des demandeurs d’emploi et recourir à des opérateurs privés

Face à ces nouveaux demandeurs d’emploi, le seul renforcement des moyens humains de Pôle emploi ne suffira pas à assurer un suivi effectif de l’ensemble des personnes concernées. Aussi il importe que Pôle emploi développe deux axes d’ores et déjà pratiqués : une différentiation du suivi des demandeurs d’emploi et le recours à des opérateurs privés de placement.

Les demandeurs d’emploi nouvellement inscrits n’ont pas tous les mêmes besoins en matière d’accompagnement et d’usage des outils numériques : il convient donc que Pôle emploi effectue une évaluation des besoins.

Si, pour les publics les plus éloignés de l’emploi, les Parcours emploi compétences permettent de développer des compétences transférables, avec un recours facilité à la formation et un accompagnement tout au long du parcours tant par l’employeur que par le service public de l’emploi, pour les personnes les plus intégrées, un simple accès aux ressources numériques peut se révéler suffisant.

Dans la même démarche, il convient de développer le recours à des opérateurs privés de placement.

Pôle emploi s’appuie déjà sur des opérateurs privés pour compléter son offre de services à destination des demandeurs d’emploi les plus autonomes, à travers plusieurs prestations ([35]) :

– Accélèr’emploi, destinée aux demandeurs d’emploi au clair sur leur projet professionnel et qui ont un besoin d’appui méthodologique dans leur recherche d’emploi ;

– Activ’projet, destinée à accompagner le bénéficiaire dans l’élaboration ou la confirmation d’un ou plusieurs projets professionnels ;

– Activ’créa, destinée à tout demandeur d’emploi pour favoriser l’émergence d’une idée voire d’un projet de création ou de reprise d’activité ou d’entreprise, et d’en évaluer la faisabilité ;

– « Valoriser son image professionnelle », lancée en septembre 2018.

En juillet 2014, la Cour des comptes avait rendu un rapport sur le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés pour l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi. Entre 2009 et 2013, le recours à ces prestataires privés a baissé de 54 %. Entre 2012 et 2013 le budget est passé de 186 à 143 millions d’euros et ne représentait que 8 % de la somme allouée à l’accompagnement des bénéficiaires par Pôle emploi. L’action initialement dirigée vers les publics les plus éloignés de l’emploi s’est recentrée sur les profils les plus insérables. En dépit de ces recentrages, la Cour des comptes estimait décevants leurs résultats et déplorait que ce recours soit insuffisamment piloté par la performance. Les premières évaluations faisaient apparaître des résultats inférieurs à ceux obtenus par l’opérateur public. Constatant que les raisons du recours à la sous-traitance (contraintes d’effectifs notamment) demeuraient, la Cour proposait d’intégrer ce recours dans la stratégie d’ensemble de Pôle emploi. Elle recommandait également de prendre en compte le profil des chômeurs et les perspectives de reclassement local dans la rémunération des prestataires, de ne pas accepter les offres tarifaires anormalement basses ou encore d’adapter le contrôle qualité à chaque prestation, en utilisant un référentiel national.

Le rapporteur pour avis recommande que la crise actuelle soit l’occasion de réfléchir aux méthodes de travail de Pôle emploi, afin de proposer des approches innovantes et toujours plus diversifiées aux demandeurs d’emploi.

Ainsi, il pourrait être imaginé que les demandeurs d’emploi mobilisent leur CPF auprès d’opérateurs privés préalablement agréés par Pôle emploi, pour proposer des services d’accompagnement et de placement.

2.   Travailler sur les pratiques inclusives des entreprises

Dans la continuité de l’événement « La France, une chance pour chacun » du 17 juillet 2018 et dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et les exclusions, la démarche « 10 000 entreprises pour l’inclusion et l’insertion professionnelle » a été lancée en septembre 2019.

L’objectif est de créer les conditions d’une croissance inclusive, à même de concilier l’économique et le social.

Pour répondre à cet enjeu, le meilleur levier de l’inclusion est l’accès à l’emploi, pour lesquels la mobilisation des entreprises est essentielle. Les entreprises sont invitées à mettre en œuvre des engagements volontaires, non contraignants, innovants et concrets autour notamment de l’insertion des jeunes, des travailleurs handicapés, des réfugiés mais également le recours à l’apprentissage, à l’insertion par l’activité économique, et de favoriser les échanges de bonnes pratiques pour multiplier les actions concourant à une croissance inclusive. En réciprocité de l’engagement des entreprises, l’État et les partenaires du service public de l’emploi les accompagnent dans la réussite de leurs actions d’insertion.

Avec M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises ([36]) , le rapporteur souhaite que le plan de relance soit l’occasion de développer les pratiques inclusives des entreprises, en développant les achats inclusifs aux entreprises de l’inclusion par l’activité économique, afin de maximiser l’empreinte sociale et le nombre d’emplois créés. Ainsi, les crédits destinés à la rénovation énergétique pourraient fournir un cadre favorable au développement de l’emploi local.

B.   Lever certains verrous pesant encore sur la formation professionnelle

1.   Définir les secteurs en tension et favoriser les reconversions vers ces secteurs pour les personnes encore en emploi

En 2019, sur les 3,2 millions d’offres d’emploi déposées à Pôle emploi et clôturées, 157 000 ont été abandonnées faute de candidat. En extrapolant à l’ensemble des projets de recrutements (faisant l’objet d’un dépôt d’offre à Pôle emploi ou non), le ministère du Travail, de l’emploi et de l’insertion estime que 210 000 à 350 000 projets ont conduit à un abandon de recrutement faute de candidats. Ces chiffres ont peu évolué au cours des dernières années. En 2017 (première année de réalisation de l’enquête permettant cette mesure), 150 000 offres déposées à Pôle emploi, et au total entre 200 000 et 330 000 projets de recrutement étaient abandonnés faute de candidat. En 2019, la part des abandons de recrutement est plus élevée dans la construction (environ 8 % des offres déposées, contre 5 % dans l’industrie, les services ou le commerce) ([37]).

Le plan de relance a désigné trois secteurs considérés comme stratégiques et prévu l’abondement du CPF pour des formations dans le numérique, la transition écologique et les « secteurs industriels concernés par l’enjeu de souveraineté économique et de relocalisation de productions ».

Il existe donc des secteurs en tension et des postes pour lesquels les employeurs peinent à trouver des candidats qualifiés.

Dans le même temps, le dispositif de reconversion s’adresse trop aux seuls demandeurs d’emploi.

Créées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR) se sont substituées aux Fongecif (Fonds de gestion des congés individuels de formation) depuis le 1er janvier 2020. Elles ont été renommées associations « Transitions Pro » (ATpro). Ces structures sont notamment chargées de financer les projets de transition professionnelle des salariés (prise en charge des frais pédagogiques, des frais annexes, de la rémunération et des charges sociales légales et conventionnelles assises sur cette rémunération).

Les ressources dont disposent les CPIR pour le financement des projets de transition professionnelle des salariés sont attribuées par une décision du Conseil d’administration de France compétences. En raison du contexte économique et des fortes mutations attendues dans certains secteurs d’activité, les projets de transition pourraient être davantage mobilisés par les salariés. En 2019, les associations de transition professionnelle ont reçu 22 655 dossiers dont 19 465 financés ([38]).

Le plan de relance prévoit d’attribuer aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales, via France compétences, une dotation supplémentaire exceptionnelle de 100 millions d’euros correspondant à la prise en charge de 5 000 bénéficiaires supplémentaires. Cette démarche mériterait d’être amplifiée afin de favoriser ces reconversions.

Le congé de reclassement, proposé aux salariés concernés par un plan de sauvegarde de l’emploi dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, pourrait être développé : il doit aujourd’hui être compris entre 4 et 12 mois, 6 mois dans la plupart des cas, ce qui est le plus souvent très insuffisant pour assurer une véritable reconversion professionnelle. Ce congé pourrait, durant la crise, être porté à 12 mois au minimum et concerner toutes les entreprises de plus de 500 salariés.

Les accords d’établissement, d’entreprise ou de groupe mettant en place le congé de mobilité pourraient prévoir de mobiliser ce dispositif en vue d’organiser le reclassement interne ou externe des salariés qui y adhèrent. Dans ce cadre, le salarié en congé de mobilité serait rémunéré par l’entreprise dans laquelle il exerce ses périodes de travail. Lorsqu’il serait en formation, sa rémunération et les frais pédagogiques seraient financés par l’entreprise initiale.

Plus généralement, il paraît indispensable de mettre en place un « contrat de reconversion professionnelle », dispositif souple de portage qui serait proposé aux salariés dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou d’un accord de mobilité dès lors qu’ils auraient une promesse d’embauche dans une entreprise qui recrute à l’issue du parcours de formation nécessaire.

2.   Développer les potentialités de la formation à distance

Face à la pandémie, de nombreux acteurs de la formation professionnelle ont développé des dispositifs pour assurer une partie de leur programme de formation à distance.

Ainsi, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, 470 millions d’euros ont été débloqués pour l’adaptation à la pandémie, dont 160 millions d’euros pour le développement de formation à distance.

Auditionné par le rapporteur pour avis, M. Jean-Marie Marx, haut-commissaire aux compétences, a ainsi appelé à une diversification de l’offre d’apprentissage, combinant présentiel, virtuel et action de formation en situation de travail.

Il a également proposé d’investir dans des outils digitaux communs pour les différents organismes formateurs, et des lieux de formation communs mutualisés et agréés.

Cette démarche permet d’ouvrir l’offre de formation à de nouveaux publics tout en favorisant de nouvelles approches et en diminuant les coûts.

3.   Encourager l’ouverture de formations tout au long de l’année

Bon nombre de sessions de formations proposées dans le cadre de la formation professionnelle calquent leur calendrier sur le calendrier scolaire et universitaire : ainsi, la moitié des contrats d’apprentissage sont signés entre août et octobre.

Cependant, face aux besoins et aux moyens dégagés dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences ou dans le plan de relance, il conviendrait de revoir ces habitudes en incitant les organismes de formation à ouvrir des sessions en cours d’année.

Ainsi, le plan de relance prévoit 6 000 entrées en formation supplémentaires d’infirmiers et 10 000 formations d’aides-soignants en 2021, afin de former des jeunes éloignés de l’emploi aux compétences attendues sur le marché du travail, en coordination avec les régions.

Cependant, le nombre maximal de places est déterminé par arrêté ministériel, en application de l’article L. 4383-2 du code de la santé publique ; depuis 2019, les candidats à la formation au sein des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) parmi les lycéens doivent s’inscrire via Parcoursup et les candidats relevant de la formation professionnelle continue, telle que définie par l’article L. 6311-1 du code du travail, à des épreuves de sélection. Un tiers des places est réservé aux candidats relevant de la formation professionnelle ; les places non pourvues sont ensuite réattribuées aux candidats lycéens, via la deuxième vague de Parcoursup.

Ce dispositif interdit de facto à des candidats qui n’auraient pas entrepris les démarches en mai ou juin 2020 d’entreprendre une formation avant la rentrée 2021. Ces limitations expliquent en partie pourquoi de nombreuses entreprises ont mis en place leur propre CFA, adapté à leurs contraintes de calendrier.

Il convient ainsi de lever les obstacles réglementaires ou pratiques limitant les possibilités d’ouverture de sessions de formation en cours d’année, par exemple à l’occasion du second semestre de l’année universitaire.

4.   Développer la préparation opérationnelle à l’emploi

La préparation opérationnelle à l’emploi (POE) est une formation permettant d’acquérir, ou de développer, les compétences professionnelles nécessaires à la satisfaction d’un besoin de recrutement préalablement identifié. Lorsqu’il est identifié par une entreprise auprès de Pôle emploi, la POE peut être mise en œuvre dans un cadre individuel (POEI). Lorsque les besoins sont identifiés par une branche professionnelle, dans un accord ou à défaut par son Opco de rattachement, la POE collective (POEC) permet à plusieurs personnes de bénéficier de la formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper ces emplois.

La POE est co-construite par Pôle emploi et l’entreprise ou la branche. D’une durée de 400 heures maximum, elle comporte une période d’immersion en entreprise et ouvre droit au statut de stagiaire de la formation professionnelle, à une rémunération et à une aide complémentaire (mobilité, restauration, hébergement). À son issue, si le niveau requis pour occuper le(s) poste(s) à pourvoir est atteint, un contrat long est alors signé : CDI, CDD d’au moins 12 mois, contrat de professionnalisation en CDI ou en CDD d’au moins 12 mois ou contrat d’apprentissage d’au moins 12 mois.

Dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences, l’État finance l’intégralité des coûts pédagogiques des POE collectives initiées par les Opco, via des appels à projets annuels lancés par Pôle emploi. En complément, l’État soutient financièrement les POE individuelles en complétant les moyens budgétaires mobilisés par Pôle emploi.

Il conviendrait de soutenir cette réponse rapide et sur-mesure aux métiers en tension.

5.   Développer l’accompagnement à l’entreprenariat

Partout en France, des entrepreneurs ont des idées et des projets d’innovation mais butent dans leur concrétisation, faute de moyens humains affectés à leur mise en œuvre, les concepteurs ne disposant pas du temps ou des compétences dans leur environnement.

Le dispositif Ardan vise à faire émerger et à concrétiser des projets de nouvelles activités dans le tissu des entreprises artisanales, des TPME-PMI, des entreprises agricoles, des entreprises et associations de l’économie sociale et solidaire.

Cofinancé par les régions et l’entreprise bénéficiaire de l’aide, le programme Ardan permet à un demandeur d’emploi stagiaire de la formation professionnelle d’intégrer une entreprise pour y développer une nouvelle activité, un projet jusque-là dormant qu’elle souhaite structurer et rendre pérenne.

Ainsi, Ardan articule la conduite de projets d’entreprise et l’acquisition de compétences par le biais d’un programme de formation-développement, d’une durée de six mois avec la possibilité, à l’issue de la formation, d’une certification professionnelle pour le stagiaire, comme le titre RNCP de niveau III « Entrepreneur de petite entreprise », délivré par le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

Ardan est un tremplin pour l’emploi et la promotion sociale avec la perspective pour le demandeur d’emploi d’être embauché par l’entreprise à l’issue du stage : près de 90 % des demandeurs d’emploi sont recrutés en CDI ou en CDD supérieur à 6 mois.

Ardan s’adresse aux petites entreprises (TPE, PME-PMI, entreprises artisanales, agricoles) et associations, de moins de 50 salariés, créées depuis plus d’un an, indépendantes de grands groupes, financièrement et économiquement saines.

Ardan se propose de diffuser une culture entrepreneuriale dans les entreprises, notamment pour consolider les fonctions d’encadrement nécessaires au pilotage d’une activité et permettre, d’une part, au chef d’entreprise de ne plus être seul aux commandes et, d’autre part, aux salariés d’être autant d’entrepreneurs au sein de l’entreprise pour favoriser son développement et contribuer à la création d’emplois. Instiller cette culture, c’est être en quête permanente d’innovation technologique, commerciale, managériale, sociale. C’est le faire également par la nature de l’approche : « piloter par le projet et par la méthode plutôt que d’être piloté par la routine ou l’empirisme ». Enfin, l’enjeu de savoir passer d’une entreprise mature à une entreprise en développement, en cultivant des approches proactives au service de la faculté d’entreprendre tout au long de la vie de l’entreprise.

Du côté de l’entreprise, Ardan facilite la mise en œuvre d’un projet : le dispositif permet un amorçage de la nouvelle activité ainsi qu’une mise à l’étrier plus rapide du pilote de projet. Cet accompagnement de six mois présente l’avantage majeur de développer la confiance dans le potentiel du projet et entre les acteurs ; il offre ainsi des garanties supplémentaires de concrétisation et de pérennisation du projet et de l’emploi, en accroissant les compétences entrepreneuriales dans l’entreprise.

Du côté du demandeur d’emploi, ce dispositif offre la possibilité de développer des compétences de pilotage stratégique et opérationnel par la conduite d’un projet en situation réelle.

Selon Ardan France, 17 431 projets ont ainsi été détectés, 12 721 projets ont été accompagnés, aboutissant à 12 500 emplois induits ([39]).

Cependant, suite à la fusion des régions, le dispositif doit être redéveloppé au niveau national, en partenariat avec les nouvelles régions.

Il conviendrait qu’une évaluation de ces résultats permette de relancer ce dispositif sur l’ensemble du territoire.

6.   Développer le recours à des formations en dehors du temps de travail

En application de l’article L. 6321-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, une action de formation qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et règlementaires, constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération. Les autres actions de formation peuvent quant à elles se dérouler, en tout ou partie, hors du temps de travail.

Les entreprises peuvent organiser ces formations hors temps de travail, à certaines conditions :

– soit par voie d’accord collectif d’entreprise ou de branche ;

– soit par voie d’accord individuel avec chaque salarié concerné dans la limite de trente heures par an et par salarié. Pour les salariés dont la durée de travail est fixée par une convention de forfait en jours ou en heures sur l’année, cette limite est fixée à 2 % du forfait. Le décret n° 2018-1229 du 17 décembre 2018 précise les conditions dans lesquelles l’accord du salarié est requis lorsqu’une action de formation se déroule en tout ou partie hors temps de travail.

Or l’acquisition de compétences constitue une richesse pour l’entreprise mais également pour le salarié, qui pourra ainsi progresser dans sa carrière.

C’est pourquoi le salarié pourrait être incité à investir dans sa qualification en prévoyant que toute formation figurant sur le plan de développement des compétences de l’entreprise pourrait être effectuée en dehors du temps de travail du salarié avec l’accord de celui-ci, dans la limite d’un plafond horaire relevé par rapport au plafond actuel, dès lors que la formation en question n’est pas obligatoire (elle ne conditionne pas l’exercice de l’emploi considéré) et qu’elle peut être effectuée à distance par le salarié.

M. Bertrand Martinot, directeur du conseil en formation et développement des compétences de l’Institut Montaigne ([40]) propose de relever ce plafond à 10 % de la durée annuelle du travail.

Aussi bien les nouveaux outils de la formation professionnelle (le compte personnel formation) que les possibilités, décuplées pendant la crise sanitaire, de formation à distance, viennent brouiller les frontières entre temps de travail et hors temps de travail dans le domaine de la formation. Dès lors, une partie croissante des formations en entreprise pourrait être réalisée hors temps de travail, avec l’accord et au bénéfice du salarié.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   AUDITION DE LA MINISTRE

Au cours de sa deuxième réunion du mercredi 28 octobre 2020, la commission des affaires sociales procède, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 (seconde partie), à l’audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, sur les crédits de la mission Travail et emploi (M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis) ([41]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Après l’examen, ce matin, des crédits consacrés au logement dans la mission Cohésion des territoires et alors que la commission mixte paritaire (CMP) concernant la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » s’est avérée conclusive, nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 avec l’examen des crédits de la mission Travail et emploi, initialement inscrite à notre ordre du jour hier soir.

Je remercie la ministre Élisabeth Borne de venir nous les présenter. En forte hausse compte tenu de la crise économique et sociale que nous traversons, le budget consacré à l’emploi est en effet primordial pour lutter contre le chômage de masse, protéger les publics les plus vulnérables mais, aussi, pour accompagner les milliers de jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Les axes de cette mission, bien sûr, sont au centre de nos préoccupations.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion. Je remercie votre commission d’avoir accepté le report de cette audition. Je suis confuse que vous ayez été prévenus très tardivement mais nous avions une réunion avec les partenaires sociaux à propos du contexte sanitaire et des mesures qu’il implique. Après la conférence sociale de lundi dernier, le dialogue social est plus important que jamais afin de partager le diagnostic et d’échanger sur les réponses à y apporter dans ce contexte inédit. Je salue la très grande responsabilité dont les partenaires sociaux ont fait preuve hier. Chacun a conscience de la difficulté de la situation sur le plan sanitaire, de même que de la fragilisation de notre pays sur le plan économique et social. Nos échanges étaient donc empreints d’une grande gravité.

Je suis très heureuse de vous retrouver et de répondre à vos questions sur le projet de loi de finances pour 2021.

Le budget du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion est ambitieux ; il mobilise des moyens sans précédent, à la hauteur des circonstances, et doit nous permettre de traiter et de surmonter les conséquences économiques et sociales de la crise.

Ce budget de relance inclusive a été largement co-construit avec les collectivités, les partenaires sociaux et les acteurs de terrain, conformément à la volonté de concertation qui anime le Gouvernement.

Pour 2021, les crédits alloués au ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion reposent sur deux volets.

Tout d’abord, les crédits de la mission Travail et emploi, indépendamment de l’action de relance, augmentent de 400 millions d’euros car nous souhaitons intensifier l’effort d’inclusion de tous dans l’emploi, conformément aux trajectoires prévues avant la crise.

S’ajoutent ensuite à cet effort les crédits exceptionnels de la nouvelle mission Plan de relance : 10 milliards d’euros sont ainsi alloués à mon ministère sur les 22 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts pour 2021. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion est donc destinataire de près de la moitié des crédits de paiement de France Relance en 2021, ce qui montre à quel point les politiques de l’emploi et de l’insertion sont un pilier essentiel du plan de relance.

Ces politiques doivent permettre de surmonter les crises grâce à la formation, de renforcer la compétitivité de nos entreprises, de préserver et de développer les emplois et les compétences.

Le budget « socle » de mon ministère, hors relance, s’élève à 13,2 milliards d’euros et nous proposerons au vote du Parlement l’application ou le renforcement d’un certain nombre de mesures à la suite des récentes annonces du Président de la République et du Premier ministre dans le cadre du renforcement de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

Tous les dispositifs de formation et d’accompagnement vers l’emploi des jeunes et des salariés sont renforcés. Le plan d’investissement dans les compétences (PIC), doté de 14 milliards d’euros de crédits pour le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion sur l’ensemble du quinquennat, fait l’objet d’un nouvel engagement de 3,3 millions d’euros.

Les crédits de l’aide unique à l’apprentissage augmentent de près de 150 millions d’euros. La garantie jeunes et les parcours contractualisés d’accompagnement adapté vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) sont dotés de plus de 70 millions d’euros supplémentaires, hors plan de relance.

Les fonds destinés aux dispositifs d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi sont également renforcés. Nous augmentons de plus de 204 millions d’euros les crédits alloués aux dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE), dont 62 millions d’euros issus du plan de relance. L’ensemble de ces crédits permettra l’accueil de 35 000 jeunes supplémentaires dans l’IAE et de 25 000 dans la création d’entreprises.

En outre, conformément aux annonces récentes du Premier ministre, nous proposerons au Parlement de renforcer encore le dispositif de 30 000 places supplémentaires et d’augmenter en conséquence les crédits de la mission de 150 millions d’euros.

Nous augmentons également de 23 millions d’euros le budget alloué aux entreprises adaptées, qui incluent dans l’emploi des personnes en situation de handicap, en coordination avec les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et l’emploi accompagné.

Nous maintenons le nombre de contrats aidés, hors plan de relance, notamment les 100 000 parcours emploi compétences (PEC). Dans le cadre des récentes annonces du Premier ministre, nous vous proposerons également d’augmenter le budget de 120 millions d’euros afin de renforcer le dispositif dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les zones rurales, en faisant passer le taux de prise en charge à 80 % et en doublant la cible en termes de volume.

Nous attribuons aux emplois francs consacrés aux QPV 93 millions d’euros supplémentaires d’autorisations d’engagement, lesquels bénéficieront à plus de 33 000 nouvelles entrées en emplois francs.

Nous dotons d’un budget de 23 millions d’euros l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » afin d’en financer la deuxième phase et dont la CMP, en effet conclusive, vient de permettre l’adoption du principe.

Les enjeux de mobilité sont essentiels pour l’insertion : une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation en raison de ce problème. Le Gouvernement, en lien avec les collectivités locales, proposera donc au Parlement de voter une mesure nouvelle pour soutenir des plateformes mobilité et faciliter l’achat d’un véhicule pour les personnes en insertion.

Enfin, le service public de l’insertion et de l’emploi annoncé par le Président de la République à la fin de 2018 devrait se déployer dans trente territoires en 2021, puis dans trente-cinq nouveaux territoires en 2022. Nous proposerons au Parlement d’y consacrer 30 millions d’euros.

Ce budget « socle » de mon ministère est considérablement renforcé, quasiment doublé, grâce aux crédits de relance qui lui sont affectés et à ceux que nous allons proposer au vote du Parlement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté.

Avec 10 milliards d’euros de crédits de paiement ouverts en 2021, France Relance permet de conduire un effort d’investissement sans précédent pour développer les compétences de nos concitoyens.

Notre première priorité, c’est la sauvegarde et le développement des emplois : près de 8 milliards d’euros lui sont consacrés. Nous faisons un effort substantiel de 7,6 milliards d’euros, dont 2,2 milliards d’euros sont financés par l’UNEDIC, pour prendre en charge l’activité partielle et la formation des salariés pendant leur temps non travaillé, en activité partielle ou en activité partielle de longue durée.

Une partie de ces fonds doit également financer la reconversion des salariés dans le cadre des trois dispositifs conçus avec les partenaires sociaux et les entreprises qui ont été présentés ce lundi à la conférence du dialogue social.

Deuxièmement, notre urgence, c’est de donner à tous les jeunes, quelle que soit leur situation, des solutions d’insertion dans l’emploi. Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion pilote la plus grande partie des 6,7 milliards du plan « 1 jeune, 1 solution », répartis entre trois ministères, soit 5,7 milliards, dont 3,6 en 2021.

Comme vous le savez, nous créons des primes exceptionnelles pour encourager l’embauche des jeunes et la signature de contrats en alternance. Par ailleurs, la revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle a été votée avant-hier. Nous ouvrons également 300 000 parcours et contrats d’insertion sur mesure en renforçant les moyens qui leur sont déjà consacrés par le budget « socle ».

Pour accompagner tous les jeunes vers l’emploi, nous ouvrons 80 000 nouvelles places en PACEA et 50 000 nouvelles places en garantie jeunes, soit une augmentation de 50 %.

Pour insérer dans l’emploi les jeunes qui connaissent le plus de difficultés, nous ouvrons, au-delà des places dans l’IAE et dans l’accompagnement à la création d’entreprises, de nouveaux contrats aidés, notamment 60 000 contrats initiative emploi, 60 000 nouvelles places en PEC, en plus des 20 000 déjà prévues dans le « socle ». Enfin, nous renforçons fortement le budget des missions locales en leur allouant 100 millions supplémentaires, ce qui porte leur enveloppe à 472 millions d’euros.

Troisièmement, nous investissons plus de 1,7 milliard d’euros, dont 1 milliard d’euros dès 2021, dans les formations aux métiers d’avenir ou en tension. Notre objectif est de permettre l’accès à un emploi durable des jeunes, des demandeurs d’emplois et des salariés en reconversion.

Dans ce cadre, nous engageons tout d’abord 500 millions dès 2021 sur 1,2 milliard d’euros au total, pour ouvrir 200 000 formations aux métiers d’avenir s’adressant aux jeunes.

Ensuite, nous mobilisons près de 500 millions d’euros pour financer un vaste plan de digitalisation de l’offre de formation continue en France.

Par ailleurs, le budget 2021 présente de solides garanties de bonne exécution et d’efficacité des crédits alloués à mon ministère.

Tout d’abord, les conditions d’exécution du budget seront souples afin de garantir une efficacité maximale des dépenses. En effet, il sera possible de redéployer les crédits selon le niveau d’avancement des programmes grâce à un pilotage à la maille des territoires.

Ensuite, les dépenses de fonctionnement, notamment de personnels, participent à l’effort de maîtrise des finances publiques par l’État.

Le ministère est contributeur mais, compte tenu de la crise, j’ai veillé à ce que des ajustements en gestion soient consentis en fonction de la hausse de la charge de travail liée à la crise à travers des recrutements en contrat à durée déterminée (CDD) dans les services déconcentrés du ministère et à Pôle emploi.

Enfin, le projet de loi de finances comporte quelques évolutions législatives proposées par le Gouvernement.

Tout d’abord, pour rétablir la situation de l’opérateur France compétences, un plan d’action est en cours pour produire des effets à brève échéance. De manière plus structurelle, le Gouvernement propose de doter cet opérateur d’une règle d’or visant son retour à l’équilibre à compter de 2022.

Par ailleurs, comme vous avez pu le constater dans le cadre de l’examen de la mission Engagements financiers de l’État, le Gouvernement propose de relever le plafond de la garantie de l’UNEDIC d’un montant de 10 milliards d’euros supplémentaires.

Au-delà, en tant que ministre de l’emploi et de l’insertion, je m’assurerai que les secteurs bénéficiaires de France Relance s’engagent pour l’emploi, notamment à travers des clauses en faveur de l’apprentissage et de l’insertion, dans le cadre de marchés publics comme privés.

Déjà, des signaux de mobilisation nous remontent du terrain.

En août et septembre, les embauches ont un peu augmenté : + 1,3 % par rapport à 2019 pour les jeunes de moins de 26 ans recrutés en CDD de plus de trois mois ou en contrat à durée indéterminée (CDI) – près de 700 000 recrutements au total, ce qui est très rassurant.

Les primes à l’embauche des jeunes montent en charge. Les premiers chiffres montrent que le processus fonctionne bien – 43 000 demandes de primes entre le 1er et le 20 octobre – mais nous n’en sommes encore qu’au démarrage, moins de 10 % de réalisation de l’objectif ayant été réalisé.

La mobilisation de l’aide pourrait rapidement s’accélérer en raison des embauches qui ont eu lieu, ce que confirme une enquête menée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la part des entreprises de plus de dix salariés identifiant bien l’aide recouvrant 40 % des salariés du pays.

De la même manière, les perspectives de l’apprentissage sont positives, même si les demandes formelles de prime à l’apprentissage ne font que démarrer. Les derniers chiffres témoignent d’une dynamique très positive des conclusions de contrats, avec 314 000 contrats conclus. Si elle se poursuit, et nous ferons tout pour, nous aurons retrouvé le niveau de 2019, qui était une très belle année pour l’apprentissage. Là encore, l’enquête montre que la part des entreprises de plus de dix salariés ayant l’intention de recourir à l’aide représente un salarié sur deux.

Ce budget entend poursuivre la construction d’une « société des compétences », que la crise a rendue plus que jamais nécessaire. Elle repose sur l’idée, défendue dès le début du quinquennat par le Président de la République, que le travail est un facteur d’émancipation individuelle et de cohésion nationale, et que la formation constitue la meilleure des protections face aux crises.

Je suis prête à répondre à vos questions et à écouter les propositions d’enrichissement du texte que formulera votre commission.

M. Gérard Cherpion, rapporteur pour avis des crédits de la mission Travail et emploi. La discussion de ce PLF intervient dans des conditions particulièrement difficiles et je comprends, madame la ministre, votre indisponibilité d’hier soir. Je remercie Mme la présidente d’avoir pu reporter notre réunion.

Face à cette situation nécessitant de prendre des mesures d’urgence, l’exercice annuel d’autorisation d’engagements des dépenses par le Parlement perd un peu de son sens : vous venez d’ailleurs d’annoncer de nouvelles mesures complétant favorablement ce budget. Les dépenses nouvelles engagées par le Gouvernement, exprimées en milliards, ne sont plus conditionnées à une approbation parlementaire préalable et le budget 2020 fera l’objet d’une quatrième loi de finances rectificative.

L’équation consiste à limiter les conséquences de la crise sanitaire et à préserver l’emploi. Or, les prévisions du taux de chômage à court terme se situent entre 9,8 % et 11 % et les crédits de paiement progressent de 400 millions, portant ainsi le budget de la mission Travail et emploi à 13,38 milliards d’euros, inférieur de près de 2 milliards d’euros au budget de 2018.

Je m’interroge sur les conditions d’équilibre du budget et la continuité de l’effort pour les budgets à venir. Le budget du plan de relance s’ajoute à celui de la mission pour un montant de plus de 10 milliards d’euros ; or, l’activité partielle est intégralement financée par le premier, y compris l’activité partielle préexistante. Quid, dans les budgets à venir, de l’équilibre entre le plan de relance et le PLF ?

L’IAE progresse de 1,15 milliard d’euros au sein de la mission, budget complété par 62 millions d’euros issus du plan de relance, ce qui devrait assurer sa pérennité, comme vous vous y êtes engagée, et ce dont je me félicite.

Ma deuxième question porte sur l’UNEDIC. Le déficit, en 2020, devrait s’élever à 55,5 milliards d’euros, pour atteindre 65 milliards en 2021. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour répondre à cette situation en préservant, d’une part, l’indemnisation du chômage et, d’autre part, la recherche de l’équilibre budgétaire ? Dans mon rapport pour avis de 2020, j’avais appelé l’attention sur le risque engendré par la réforme rendant Pôle emploi très dépendant des ressources de l’assurance chômage en cas de retournement de conjoncture. Vous avez annoncé un report de l’application de cette réforme, mais qu’envisagez-vous ?

Ce rapport a été rédigé lorsque vous avez annoncé une revalorisation des aides pour les emplois francs. Malgré des aides déjà importantes, ce dispositif ne semble pas avoir trouvé son public. Quelles mesures concrètes votre ministère entend-il prendre pour mieux le faire connaître ?

Avec 314 000 entrées en apprentissage cette année, les chiffres sont excellents et les mesures prises par le Gouvernement ont montré leur utilité : augmentation du nombre d’apprentis en post-bac et diminution des contrats de professionnalisation. Il convient toutefois de prendre garde à ce que les formations infra-bac permettent également d’accéder à l’emploi et à la promotion sociale et professionnelle. Ne craignez-vous pas qu’un certain nombre de jeunes qui sont dans la voie générale se dirigent vers l’apprentissage alors que, globalement, les chances de trouver un emploi après des études supérieures sont sensiblement les mêmes ?

Une dotation de 750 millions d’euros, subordonnée à l’adoption d’un budget en équilibre, est inscrite au plan de relance pour France compétences. Or cela me semble relever de « mission impossible », sauf à diminuer le coût par apprenti et à obtenir une autorisation d’emprunt. Je proposerai d’ailleurs un amendement pour augmenter cette dotation.

Comment sensibiliser au compte personnel de formation (CPF) les trois quarts des salariés qui n’ont pas converti leur droit individuel à la formation (DIF) ? Ce sont 12,5 milliards d’euros cotisés qui risquent de disparaître le 1er juillet 2021, ce qui reviendrait à remettre en cause des droits acquis par les salariés. Est-il possible d’aller plus loin pour les inciter à en faire usage ?

Enfin, quand le Gouvernement inscrira-t-il à l’ordre du jour le texte de ratification des ordonnances du 3 novembre 2019 portant diverses mesures d’ordre social ?

Je vous prie, madame la ministre, de bien vouloir excuser cette présentation très condensée en raison des conditions dans lesquelles nous discutons. Je souhaite que vous apportiez un certain nombre de réponses aux questions qui se posent pour que chaque personne ait une vie professionnelle heureuse dans notre société.

M. Didier Baichère. Ce budget offensif et protecteur est à la hauteur de la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons.

La mission Travail et emploi s’inscrit dans un contexte exceptionnel. Depuis 2018, nous œuvrons pour consolider notre modèle social autour d’un triptyque : emploi, formation, et accompagnement des plus fragiles. Je pense par exemple à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel dont France compétences est issue, aux ordonnances prises sur le fondement de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui permettent un dialogue social rénové, à la stratégie de lutte contre la pauvreté, qui tend à mieux accompagner les jeunes et dont le déploiement se poursuit ou, encore, plus récemment, à la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique, la CMP ayant donc été conclusive ce midi.

Face à la crise sanitaire, nous voulons que la France tienne debout socialement et économiquement. C’est tout l’objectif de ce budget.

La mission Travail et emploi progresse significativement de 600 millions d’euros depuis la loi de finances initiale pour 2020, pour atteindre 13,38 milliards d’euros, les principales hausses concernant le PIC, l’aide à l’apprentissage et l’amélioration des dispositifs d’IAE.

Ce budget combine deux dimensions : assurer le développement des compétences de notre jeunesse et des salariés en transition professionnelle, laquelle s’accélère avec la crise sanitaire, et un soutien exceptionnel pour préserver l’emploi.

Ce sont 2,4 milliards d’euros qui sont consacrés au financement de l’accompagnement vers l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, ce qui représente une hausse de 9,4 %, hors l’enveloppe de la mission du plan de relance.

Citons également l’effort particulier pour les jeunes en direction des métiers d’avenir avec le plan « 1 jeune, 1 solution » et 100 000 contrats aidés supplémentaires, l’augmentation de l’allocation PACEA pour 82 millions d’euros et l’ouverture de 2 000 places supplémentaires financées d’ici à 2022 pour les écoles de la deuxième chance. Citons aussi les 80 000 PEC – avec un budget à hauteur de 217 millions d’euros – et les 35 000 parcours supplémentaires de l’IAE pour préparer le chemin vers l’emploi durable.

Le budget pour l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap est porté à 425 millions afin de mieux financer l’aide aux postes, avec l’objectif de permettre à 40 000 personnes d’être mieux accueillies dans le secteur adapté d’ici à 2022.

Enfin, soulignons le renforcement de notre action pour les habitants des QPV avec le dispositif des emplois francs. Pour la première année, les primes aux employeurs passeront de 2 500 à 5 500 euros pour un CDD et de 5 000 à 7 000 euros pour un CDI, le budget total, en forte croissance, s’élevant à 317 millions d’euros.

Nous pouvons également compter sur le plan de relance pour soutenir notre politique en faveur de l’emploi avec un dispositif d’activité partielle, habituellement inclus dans le programme 103, qui sera largement abondé. Près de 12 milliards d’euros seront consacrés à la cohésion sociale et à l’emploi, auxquels s’ajoutent donc les 13,38 milliards d’euros de cette mission. Il s’agit d’un effort dans précédent pour soutenir l’emploi.

Quelles seront les prochaines étapes pour faciliter et renforcer encore l’accès aux mesures du plan jeunes ? Comment appréciez-vous le dialogue social sur le plan national ? De mon point de vue, il a permis de réaliser des avancées importantes. Je songe à la place des comités sociaux et économiques dans l’analyse du financement reçu par les entreprises dans le cadre du plan de relance et aux dispositifs de transition collective présentés lundi afin de renforcer les reconversions professionnelles.

Le groupe La République en Marche votera les crédits de cette mission.

M. Stéphane Viry. Nous abordons cet après-midi une question complexe compte tenu de ce qui se passe depuis quelques mois mais aussi, peut-être, depuis quelques années, avec un chômage de masse durable.

Collectivement, nous avons posé voilà quelques décennies le principe du plein emploi, lequel devait guider nos choix et nos orientations pour que chaque homme et femme trouve sa place dans notre société grâce à l’emploi. Cette ambition est devenue problématique mais je considère qu’elle doit rester notre bel horizon, fût-il utopique. Peut-être doit‑elle être transformée en une ambition d’une activité professionnelle pour tous, même si elle ne relève pas d’un contrat de travail classique. Il faut être pragmatique : il serait déjà essentiel de donner à chaque homme et à chaque femme une activité.

Nous avons donc appréhendé le budget de la mission et le plan de relance pour l’année 2021 en tenant compte de la première vague de la crise sanitaire, économique et sociale. Celle-ci nous plaçait déjà en situation d’urgence, caractérisée notamment par un taux de chômage de 10 ou 11 % selon les prévisions des organismes. Notre point de vue sur votre budget n’était donc pas le même que les trois premières années : à nouvelle donne, nouvelles difficultés liées à l’emploi, avec leurs conséquences sur l’équilibre financier des organismes chargés du travail et de l’emploi.

La deuxième vague épidémique bouleverse déjà notre vision d’il y a quelques semaines. Nous serons suspendus aux lèvres du Président de la République ce soir, comme nous attendons le débat que nous aurons demain sur les choix qui seront faits, mais on sait déjà que la récession économique va être terrible et que le nombre de demandeurs d’emploi va augmenter en 2021.

D’où la nécessité d’une politique publique de l’emploi non seulement ambitieuse, comme cela vient d’être dit, mais aussi très novatrice. Osons casser certaines pratiques, faire fonctionner le logiciel qui nous aidera à trouver d’autres solutions ; surtout, restons à la fois exigeants et bienveillants envers les structures chargées de l’accompagnement et de la réinsertion professionnelle. Au-delà des chiffres, le travail est un sujet de fond : il y va de sa place dans notre société, de notre cohésion sociale, de la valeur travail – autant de questions qui méritent d’être soulevées en 2020 et 2021.

Gérard Cherpion a eu la grande honnêteté de relever l’augmentation des crédits de la mission. Il faut évidemment prendre des mesures favorisant l’emploi et, surtout, repenser l’accompagnement des demandeurs d’emploi, avoir d’autres exigences à leur endroit, d’autres réflexes pour les inciter à l’activité.

Ce matin, nous sommes parvenus à un accord en CMP sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». J’ai noté, madame la ministre, vos orientations et les mesures de votre budget en la matière.

S’agissant d’emploi, nous ne pouvons que vous inviter à envisager des solutions locales. Il y a dans chaque bassin de vie, dans chaque bassin d’emploi des ressources, des hommes et des femmes, des collectivités territoriales, des entreprises, des organismes de formation, au plus près des possibilités existantes, disposés à agir. Pourtant, cette année, il n’y a plus de crédits pour les maisons de l’emploi, alors que leur mission n’a fait l’objet d’aucune évaluation et qu’il n’existe aucun « plan B », et on ne fait pas grand-chose pour mobiliser les associations, qui disposeraient pourtant de leviers pour remettre les gens au travail et bénéficieraient ainsi de ressources humaines supplémentaires.

En matière d’IAE, vous avez récemment pris un virage après les débuts atones de votre majorité, mais la question de l’aide au poste se pose encore – nous y reviendrons.

S’agissant des jeunes, enfin, vous n’apportez qu’une réponse budgétaire concernant les dispositifs qui existent déjà, alors qu’il aurait fallu proposer des solutions innovantes.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Au nom du groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés, je salue l’engagement de l’État pour la préservation de l’emploi et des compétences ainsi que le renforcement des moyens destinés aux publics les plus exposés aux difficultés d’accès à l’emploi en raison de la crise économique résultant de la crise sanitaire. Je salue également l’analyse très précise des crédits par notre rapporteur pour avis et les questions qu’il soulève dans son rapport.

Pour faire face à la situation très dégradée du marché du travail, les moyens de la mission Travail et emploi sont portés à 14,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 13,38 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 2,98 % en AE et de 3,5 % en CP, auxquels il convient d’ajouter 13 milliards pour 2021 dans le cadre du plan de relance, ce qui représente au total un quasi-doublement des moyens affectés. À juste titre, les crédits du plan de relance iront principalement aux mesures d’activité partielle et à la formation des salariés et demandeurs d’emploi, 3,5 milliards étant spécifiquement alloués au soutien à l’emploi des jeunes et à leur accompagnement.

En effet, le recul du taux de retour à l’emploi pour 2021, de plus de 2 points au niveau global, touche plus durement les jeunes. Nous soutenons donc l’ensemble des mesures de la mission Plan de relance tendant à agir davantage en leur faveur : soutien aux contrats de professionnalisation et d’apprentissage, actions de formation à destination des jeunes, aide à l’embauche des moins de 26 ans, renforcement des dispositifs d’accompagnement des jeunes, création de parcours dédiés en IAE, ajout de 110 000 contrats aidés au bénéfice de la jeunesse.

Les principaux opérateurs – France compétences, Pôle emploi, les missions locales – seront également soutenus pour pouvoir faire face aux conséquences des pertes de recettes, pour l’un, et à la nécessité de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, pour les autres.

La préservation de la dynamique de l’apprentissage par le versement de subventions exceptionnelles aux employeurs était une véritable gageure. Elle a permis de maintenir les objectifs d’entrées en apprentissage. Nous devons toutefois redoubler d’efforts pour que les contrats bénéficient prioritairement aux niveaux bac et infra-bac, car ce public n’a pas bénéficié des recrutements liés à ces subventions exceptionnelles et représente moins de 60 % des signataires de contrats alors que l’objectif est de 71 %. De quelle manière le Gouvernement entend-il réaffirmer en 2021 la priorité accordée à ces niveaux bac et infra‑bac ?

Au sujet de la convention-cadre conclue le 4 septembre dernier sur le contenu de l’offre de services intégrée de Pôle emploi et Cap emploi, où en sont les discussions concernant la construction d’indicateurs d’accès à l’emploi des travailleurs handicapés ?

Quelles sont les prévisions de dépenses à engager au titre du programme 103 dans le cadre des contrats de plan État-région ? L’absence de tableau dédié à la contractualisation pluriannuelle 2021-2027 nuit à la lisibilité des financements.

Enfin, les crédits du PIC, de 5,5 millions d’euros en AE et de 2,52 millions d’euros en CP, initialement transférés en base dans le cadre du programme Interventions territoriales de l’État concernant la Guyane, ont été rapatriés au sein du programme 103 : pourquoi ?

Notre groupe votera bien évidemment pour les crédits de la mission.

M. Paul Christophe. Les crédits de la mission que nous examinons augmentent de plus de 3 % en 2021 ; le budget dédié à l’emploi, à l’insertion et à la formation professionnelle atteindra ainsi 13,2 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent les 13 milliards d’euros du plan de relance dédiés aux mêmes thématiques.

Ces crédits sont particulièrement importants : ils représentent l’effort consenti par la société pour ne laisser aucun de ses membres de côté, permettre à ceux qui sont le plus éloignés du travail de retrouver un emploi et, ainsi, être véritablement plus inclusive. Il est impératif de ne pas former dans ce domaine une société à deux vitesses. Je crois fortement en la valeur intégrative du travail et en sa capacité à construire une société du vivre-ensemble. Il est primordial de lutter contre les fractures qui favorisent les replis, nuisant considérablement à notre modèle social. Par ces crédits spécifiques, nous y contribuons.

Afin de faire face aux conséquences de la pandémie, l’État a mis en œuvre au printemps des moyens sans précédent pour accompagner nos entreprises et soutenir l’emploi en prenant presque intégralement en charge l’activité partielle. En addition des moyens prévus dans le plan de relance, la mission Travail et emploi disposera l’année prochaine de 434 millions d’euros supplémentaires destinés au PIC, à l’aide unique à l’apprentissage et aux dispositifs d’IAE.

Le groupe Agir ensemble souligne l’effort particulier consenti pour l’accompagnement des jeunes. Les parcours contractualisés d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, mis en œuvre par les missions locales, sont ainsi dotés de 82 millions d’euros, contre 65 millions d’euros en 2020. Le chômage des jeunes étant déjà fortement affecté par la crise, cet accompagnement adapté sera des plus bénéfiques.

De plus, les moyens dédiés à l’insertion des personnes handicapées sont portés à 430 millions d’euros, contre 407 millions en 2020. C’est très positif, car l’insertion professionnelle est essentielle pour elles : le travail est un lieu de vie, un instrument de lien social, mais aussi un opérateur de santé auquel il faut aider tout le monde à accéder.

Un budget de 23 millions d’euros est par ailleurs débloqué pour financer l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » prévue par une proposition de loi en cours d’examen qui vient de faire l’objet d’une CMP conclusive. Nous avons défendu ce dispositif au nom du principe selon lequel personne n’est inemployable. La création d’une entreprise à but d’emploi permet bel et bien de redonner une utilité sociale à ses bénéficiaires. Notre groupe partage entièrement la philosophie de cette expérimentation. Je me réjouis donc de la mobilisation de ce budget.

Le nombre d’allocataires du revenu de solidarité active (RSA) a considérablement augmenté depuis le début de la crise sanitaire. Dans le département du Nord, par exemple, il est passé de plus de 100 680 personnes en mars à plus de 108 000 en septembre, la dépense mensuelle afférente étant portée de 56 à 60 millions d’euros. Au-delà de la politique d’accompagnement financier des allocataires, quel est, madame la ministre, votre point de vue sur la hausse du nombre de bénéficiaires du RSA au cours des mois à venir et sur les politiques publiques qui pourraient être menées, en partenariat avec les départements, pour favoriser leur retour à l’emploi ?

Mme Valérie Six. Le contexte sanitaire et économique dans lequel nous sommes saisis des crédits de la mission Travail et emploi est inédit. Je m’étonne que le plan de relance soit examiné séparément de cette mission : ce choix de présentation complique l’appréhension du budget global destiné au travail et à l’emploi. J’aurais préféré que les mesures finançant l’activité partielle et favorisant les embauches ou le développement de la formation soient également soumises à la commission des affaires sociales, pour permettre une vision d’ensemble.

Quant au fond, il faut donner la priorité aux éléments suivants. D’abord, les conditions de travail et la santé au travail : la crise sanitaire a bouleversé notre manière de travailler et conforte la place essentielle de la protection de la santé et de la sécurité des salariés. Cependant, et malgré plusieurs rapports, dont celui de notre collègue Charlotte Lecocq, la réforme de la santé au travail, engagée depuis 2018, reste au point mort. De plus, les crédits de paiement alloués à l’action 01 « Santé et sécurité au travail » du programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail baissent de 0,5 %.

Notre seconde priorité doit être la protection des entreprises, des salariés les plus éloignés de l’emploi et de ceux dont l’emploi est menacé. Face à la crise, nous devons mobiliser tous les acteurs de l’emploi pour lutter contre le chômage : Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, l’Association pour l’emploi des cadres, les maisons de l’emploi.

Or le PLF ne prévoit pas de crédits pour subventionner le fonctionnement de ces dernières, pourtant essentielles à la politique de l’emploi au niveau territorial, véritables tremplins locaux pour l’accès à l’emploi. J’ai déposé un amendement visant à stabiliser le niveau des financements dont elles bénéficiaient de la part de l’État dans le PLF 2020, malheureusement déclaré irrecevable alors que, lors de l’examen de la mission en commission des finances, un amendement similaire de Marie-Christine Verdier‑Jouclas a été adopté, ce dont je me réjouis.

Le groupe UDI et Indépendants déplore que la collaboration effective entre les nombreuses structures d’accompagnement des demandeurs d’emploi ne soit pas mise en avant. Et pour cause : les financements sont attribués à chaque structure en fonction de leur objectif propre, ce qui les met en concurrence au lieu de les inciter à travailler de façon complémentaire. Nous souhaitons qu’elles choisissent des actions communes à coordonner sur le terrain en combinant les initiatives spécifiques à chacune du fait de leurs compétences propres et reconnues. Hier devant notre commission, Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, s’est dit favorable à ces partenariats locaux. Je propose donc l’instauration d’une prime de coopération dont le versement dépendrait de l’atteinte d’objectifs territoriaux communs, préalablement fixés. Seriez-vous prête, madame la ministre, à inciter ces structures à coopérer de cette manière et, si oui, dans quelle mesure ?

Mon prédécesseur, Francis Vercamer, vous avait proposé l’année dernière l’expérimentation du dispositif « territoires mobilisés pour l’insertion professionnelle » (TEMOINS) au bénéfice des intercommunalités volontaires incluant un ou plusieurs QPV. L’objectif est d’associer les différents acteurs travaillant pour l’emploi et l’insertion dans les QPV afin qu’ils coordonnent leurs actions et engagent ensemble les nouvelles opérations facilitant l’accès à l’emploi de celles et ceux qui en sont le plus éloignés. L’expérimentation vise à décloisonner les interventions des opérateurs de la politique de l’emploi, à créer parmi eux des habitudes de travail en commun et à mutualiser les actions pour l’emploi afin de leur donner plus d’efficacité et d’ampleur en plaçant les territoires de proximité au cœur de la dynamique. Vous le voyez, nous sommes sur la même longueur d’ondes ! Seriez-vous favorable à une telle expérimentation ?

Nous allons devoir faire face à une vague de personnes à la recherche d’un emploi : ce sont des formations courtes qu’il nous faut leur proposer afin de leur permettre de s’adapter au marché de l’emploi. Je salue donc l’augmentation des crédits destinés au développement de la formation professionnelle, notamment ceux visant à soutenir les contrats d’apprentissage et de professionnalisation, ainsi que la hausse des financements de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA).

En ce qui concerne l’allocation de solidarité spécifique, je salue la revalorisation de la participation de l’État au financement du régime de solidarité et d’indemnisation du chômage. Mais dans quelle mesure est-elle susceptible d’évoluer en fonction des besoins créés par la crise ?

Enfin, l’enveloppe prévue pour aider les créateurs ou repreneurs d’entreprise par l’exonération de cotisations sociales est divisée par deux. Je le regrette dans le contexte actuel, où nous devrions soutenir l’emploi par tous les moyens. N’oublions pas que, parmi les demandeurs d’emploi, certains chercheront à créer leur emploi.

Mme Jeanine Dubié. Compte tenu de la crise économique et sociale dans laquelle notre pays risque de s’enfoncer durablement, le budget de la mission Travail et emploi est probablement l’un des plus substantiels du PLF 2021.

Quelques semaines seulement après le début du confinement, au printemps dernier, les chiffres du chômage n’étaient pas rassurants. Aujourd’hui, on constate une hausse de 10 % des dépenses liées au RSA et de 20 % du nombre de demandeurs d’emploi. C’est donc peu de dire que le soutien à l’emploi doit être une priorité et que les plus précaires, les plus fragiles et les jeunes doivent bénéficier d’une attention particulière.

La crise est intervenue alors même que le Gouvernement avait procédé à une réforme de l’assurance chômage, dont la mise en œuvre a été repoussée en raison du contexte – on sait depuis hier qu’elle l’est désormais jusqu’au 1er avril 2021. Madame la ministre, il faudrait aller jusqu’au 30 avril pour couvrir la durée de la saison hivernale, sans quoi les saisonniers d’hiver reviendront dans votre cabinet ! Nous regrettons également que ce report ne concerne pas le seuil de rechargement des droits et ne s’applique pas aux personnes ayant perdu leur emploi entre novembre 2019 et août 2020. La crise sanitaire et économique va durer. Pourquoi ne pas abandonner définitivement cette réforme ? D’autant qu’elle aura certainement des conséquences néfastes pour les travailleurs exerçant une activité discontinue, comme les intérimaires ou les saisonniers, déjà les plus pénalisés par la crise.

Les secteurs du tourisme, de la restauration, de l’hôtellerie et de l’événementiel sont en effet particulièrement touchés. Je salue donc l’amendement du Gouvernement au projet de loi de financement de la sécurité sociale qui permettra notamment des exonérations de cotisations pour ces entreprises très fragilisées et qui s’ajoute aux autres mesures de soutien.

Je reste cependant particulièrement inquiète de la situation des saisonniers. Je vous avais déjà interrogée sur la possibilité de proroger les droits aux allocations chômage des travailleurs saisonniers qui n’ont pas suffisamment travaillé ou qui n’ont pu signer de contrat de travail. Où en sont les discussions sur ce sujet préoccupant ?

Pour en revenir au PLF 2021, la plupart des dispositifs en faveur de l’emploi étant financés dans la mission Plan de relance, les crédits de la mission Travail et emploi reflètent probablement mal la politique globale du Gouvernement. Nous constatons que, par rapport à 2020, ils augmentent de 434 millions d’euros et que l’enveloppe globale passe – hors plan de relance – de 12,8 à 13,22 milliards d’euros.

Comme l’an dernier, la principale hausse concerne le PIC, dont le budget passe de 3 à 3,3 milliards d’euros.

Nous saluons le soutien à la formation et le plan de relance en faveur de l’apprentissage.

En dépit de ces efforts financiers, la crise sanitaire a affecté en 2020 la plupart des dispositifs de formation, dont ceux du PIC, puisque l’accueil physique des stagiaires dans les organismes de formation et les centres de formation d’apprentis a été suspendu à compter du 16 mars 2020. Dès lors, les objectifs pour 2021 sont en cours de révision. Quelles sont les perspectives en matière d’offre de formation et d’accueil des stagiaires ? Envisagez-vous un grand plan de formation aux métiers du soin et de l’accompagnement, qui souffrent d’une grave pénurie de vocations ?

Une question doit nous préoccuper s’agissant de la réforme de la formation professionnelle. Si ses effets sur l’emploi et sur la croissance sont positifs, en revanche, selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) publié en septembre, il manquerait 4,9 milliards d’euros pour la période 20202023. Ces prévisions doivent probablement être revues à l’aune de la crise sanitaire. Comment le Gouvernement entend-il traiter le problème, notamment par l’intermédiaire de France compétences ?

En dépit de mesures satisfaisantes en faveur de l’emploi – je pense notamment aux dispositifs d’insertion par l’activité économique –, le groupe Libertés et Territoires s’inquiète de la réduction des effectifs, à hauteur d’environ 500 équivalents temps plein, ministère et opérateurs confondus. Elle touche l’AFPA, dont la situation se dégrade depuis plusieurs années, mais aussi Pôle emploi ; certes, les effectifs de ce dernier augmentent par ailleurs dans le cadre du plan de relance, mais nous craignons que cette hausse ne soit que temporaire, alors même que la crise durable à venir devrait nous inviter à proposer des accompagnements pérennes et renforcés. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point et – c’est le plus important – nous indiquer les orientations du Gouvernement en matière d’accompagnement des demandeurs d’emploi ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure spéciale de la commission des finances pour les crédits de la mission Travail et emploi. Je félicite le Gouvernement d’avoir pris la mesure de la situation et de nous soumettre, dans le cadre de la mission Travail et emploi comme du plan de relance, un budget conséquent et digne, pouvant financer tous les outils dont nous avons besoin en matière d’insertion par l’activité économique et plus généralement de retour à l’emploi pour les personnes qui en sont dépourvues ou qui vont perdre le leur à cause de la crise sanitaire et économique.

J’entrerai davantage dans les détails lorsque nous examinerons les crédits de la mission dans l’hémicycle, mais toutes les lignes budgétaires fournissent un motif de satisfaction, qu’il s’agisse des jeunes, de l’IAE, des entreprises adaptées, de la garantie jeunes, des missions locales ou de Pôle emploi, doté des effectifs nécessaires pour faire face à la crise.

Deux remarques seulement. D’abord, une inquiétude – que vous allez assurément dissiper, madame la ministre – concernant les missions locales, dont le budget est en hausse et auxquelles nous confions une responsabilité considérable en leur demandant d’accroître le nombre de garanties jeunes, donc de jeunes à amener vers ce parcours. Certaines devront changer de locaux pour cela ; elles craignent de devoir engager des dépenses par anticipation faute de toucher des avances. Je ne formule cette observation que pour mieux vous permettre de les rassurer, comme je l’ai fait moi-même lors des auditions, quant à la volonté gouvernementale de les accompagner pour qu’elles atteignent le formidable objectif que nous leur fixons.

Ensuite, je salue les annonces faites par le Premier ministre samedi – vous étiez à ses côtés – d’une nouvelle augmentation du budget de l’IAE, mais ne serait-il pas dès lors judicieux de revaloriser celui du fonds de développement de l’inclusion (FDI) afin d’accompagner la hausse du nombre de contrats en IAE ?

Mme la ministre. Je vais tenter de répondre au plus grand nombre de questions possible, quitte à compléter mes réponses par écrit si je n’ai pas le temps de traiter certains points.

En ce qui concerne l’articulation des missions Plan de relance et Travail et emploi, nous avons fait le choix de présenter une mission de relance cohérente, pour montrer notre effort face à la crise, mais aussi parce que France Relance nous donne une souplesse qui nous permettra de réallouer les crédits le cas échéant selon l’évolution de la crise sanitaire et ses conséquences sur l’activité économique et sur l’emploi. Cela complique évidemment la compréhension des moyens consacrés à la politique du travail, de l’emploi et de l’insertion, que j’ai essayé de retracer.

S’agissant plus précisément de l’activité partielle, le recours à cette dernière, auparavant peu utilisée par les entreprises, a changé de dimension avec la crise, mais lors de la sortie de crise que nous espérons tous, nous pourrons rapatrier les crédits afférents vers la mission Travail et emploi.

Les finances de l’UNEDIC sont très affectées, ce qui rejaillira sur le budget de Pôle emploi avec deux ans de décalage, compte tenu des règles de fonctionnement en vigueur ; je veillerai naturellement à ce que ces pertes soient compensées pour Pôle emploi. À plus court terme, un chantier de l’agenda social est le cantonnement de la dette liée au covid pour l’ensemble des comptes sociaux et son effet sur l’assurance chômage. Un autre chantier concerne la gouvernance et le pilotage financier de l’assurance chômage, qui devraient précisément donner aux partenaires sociaux des leviers pour organiser le rééquilibrage des comptes sans avoir à absorber le choc de la « dette covid », qui doit faire l’objet d’un traitement spécifique.

S’agissant des emplois francs, nous renforçons le soutien de l’État en revalorisant la prime due la première année. Cela nous permet de nous fixer l’objectif de 33 000 entrées en 2021, soit autant que depuis le lancement du dispositif en avril 2018. Je suis cependant convaincue que l’argent, en la matière, n’est pas tout : pour que les jeunes des QPV accèdent à l’emploi, il faut les accompagner, faire comprendre aux entreprises que nous sommes là pour leur enseigner des codes qu’ils ne maîtrisent pas nécessairement et qu’elles doivent s’interroger sur la manière de les intégrer. J’ai donc demandé à mes services d’œuvrer à compléter le dispositif et les primes par un accompagnement vers et dans l’emploi – avant l’embauche, pendant l’embauche et après.

S’agissant de l’apprentissage, c’est vrai, la part des formations post-bac augmente. Nous devons rester très vigilants à deux niveaux. Tout d’abord, nous devons faire attention au travail des prescripteurs qui accompagnent les jeunes vers des formations infra-bac. Par ailleurs, nous avons engagé une discussion avec le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation pour que les financements affectés aux formations post-bac ne cannibalisent pas l’ensemble des moyens dédiés à l’apprentissage, ce qui pourra se traduire par un plafonnement du coût-contrat pour ces formations. En effet, les coûts contrats sont parfois extrêmement élevés, pour des formations qui pouvaient très bien être suivies auparavant, sans recourir à l’apprentissage et donc sans ces financements au contrat. Il me paraît donc raisonnable de plafonner le coût contrat pour les formations supérieures.

Pour ce qui est de France compétences, l’objectif est de parvenir à un équilibre – je vois mal comment il pourrait en aller autrement. Bien évidemment, il ne s’agit pas de pénaliser l’action de l’opérateur mais nous souhaitons que la gouvernance quadripartite prenne toute sa place, notamment face à un opérateur dont les recettes sont définies mais dont les dépenses sont dites de guichet. Cela ne signifie pas renoncer aux politiques prioritaires, en particulier l’apprentissage qu’il n’est pas question de freiner, mais nous nous sommes peut‑être montrés un peu trop généreux lors de la fixation du coût contrat — au-delà de ce que je viens d’expliquer pour l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Nous devons pouvoir disposer de ce type de leviers de régulation. Par ailleurs, nous devrons nous pencher sur des sujets de trésorerie, notamment pour rééquilibrer le profil entre les encaissements et les décaissements de l’opérateur. Celui-ci a été créé récemment mais il est important que la gouvernance quadripartite s’empare pleinement de son pilotage. C’est bien le sens de la règle d’or qui a été proposée.

Concernant le CPF, un quart des bénéficiaires avait fait basculer ses droits à la formation acquis au titre de l’ancien DIF vers son compte CPF. Nous avons donc choisi de reporter à nouveau la date limite pour basculer d’un dispositif à l’autre. Il est important que chacun se saisisse de cet outil. D’ailleurs, nous enrichissons le CPF. Ainsi, dans le cadre du plan jeunes, nous ferons apparaître sur le CPF l’ensemble des formations gratuites auxquelles un jeune peut accéder, notamment les formations financées par le PIC. Depuis septembre, les employeurs peuvent abonder les comptes CPF de leurs salariés. Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a décidé d’investir pour des formations orientées vers les secteurs d’avenir – la transition écologique, la transition numérique, la santé etc. Ce dispositif doit devenir une référence dans l’esprit de tous les salariés. Nous comptons communiquer auprès des employeurs et des salariés mais aussi enrichir le CPF pour que chacun s’emparer de cet outil d’émancipation.

Monsieur Didier Baichère, pour accélérer le déploiement du plan jeunes, nous avons d’abord besoin que les territoires s’en saisissent. Je m’appuie sur les préfets de région pour instaurer des gouvernances à l’échelle locale qui associent les collectivités et les partenaires sociaux. Nous avons également demandé aux préfets de région de travailler avec les préfets de département afin de décliner, le cas échéant à l’échelle des bassins d’emploi, des objectifs territoriaux partagés. Nous allons créer une nouvelle application qui devrait être disponible dans les tout prochains jours afin de rendre lisible l’ensemble de ces dispositifs. Nous avons voulu proposer, par le plan jeunes, une réponse adaptée à chacun. En contrepartie, nous devons clarifier l’ensemble pour que les jeunes identifient toutes les solutions de proximité auxquelles ils ont accès. Enfin, les parlementaires, peut-être mieux informés que les autres de toutes ces propositions, ont un rôle important à jouer pour les faire connaître.

Le dialogue social joue un rôle majeur pour surmonter la crise que nous traversons, en particulier pour permettre la reprise de l’activité à l’issue du confinement. Pas moins de 9 000 accords ont été signés pour mettre en œuvre les mesures sanitaires au sein des entreprises. Relevons également que 3 600 accords d’activité partielle de longue durée sont à présent entrés en vigueur dans les entreprises. On est encore capables, pour des sujets compliqués, de se projeter dans les prochains mois, d’anticiper le devenir de l’activité, de répartir l’activité entre les salariés, dans le cadre d’accords majoritaires, de mettre à profit les périodes non travaillées pour mettre en place des formations – c’est peut-être cette étape qui est encore devant nous. Je trouve remarquable que l’on y ait réussi.

La conférence sociale qui s’est tenue à Matignon en début de semaine mais aussi la réunion d’hier soir ont mis en évidence le très grand esprit de responsabilité des partenaires sociaux, que je salue. Le dialogue social finit toujours par porter ses fruits. C’est grâce au dialogue social que les entreprises ont bien voulu se saisir du plan jeunes. Le dispositif d’activité partielle de longue durée est une proposition des partenaires sociaux. Quant à celui qui permettra d’accompagner la reconversion des salariés des entreprises qui subissent une baisse durable de leur activité, vers des secteurs qui recrutent, il s’est, là encore, élaboré grâce au dialogue social.

J’ai toujours cru, quelles que soient les circonstances, au dialogue social mais la crise que l’on traverse nous démontre qu’il fonctionne dans notre pays.

Monsieur Stéphane Viry, il est majeur, pour la cohésion de notre pays, de favoriser l’insertion, de donner à chacun une qualification, de permettre à chacun de se former pour trouver un emploi. Nous nous y efforçons grâce à un ensemble de dispositifs qui permettent de maintenir les gens dans l’emploi – activité partielle, activité partielle de longue durée, dispositifs de reconversion pour changer de métier sans passer par le statut de demandeur d’emploi. Ces mesures contribuent à marquer la place du travail dans notre pays.

Nous avons également mobilisé Pôle emploi, notamment en direction des métiers en tension. Je ne sais pas si ce terme convient mais c’est une manière de répondre à l’une des questions qui a été posée au sujet des métiers du soin et de l’accompagnement. Il est tout de même paradoxal qu’au plus fort de cette crise, nous nous retrouvions avec d’un côté, une forte hausse du nombre de demandeurs d’emploi et de l’autre, des difficultés pour recruter dans des secteurs essentiels comme le soin ou l’accompagnement. Bien évidemment, il faut prévoir des formations, et j’en profite pour répondre d’ores et déjà à Mme Dubié que nous ouvrirons, grâce au financement exceptionnel du plan de relance, 6 000 formations d’infirmiers supplémentaires, 6 400 formations d’aides-soignants et 3 600 formations d’auxiliaires de vie.

Au-delà du problème de la formation, il faut pouvoir trouver les personnes qui acceptent de s’engager dans ces métiers, ce qui pose la question de l’attractivité et du déroulement de carrière. Nous en parlons avec Mme Brigitte Bourguignon. En tout cas, Pôle emploi, pour revenir à la question de M. Viry, est très mobilisé pour ces métiers, comme il peut l’être pour ceux du bâtiment et des travaux publics. Le contexte économique est compliqué mais le plan de relance prévoit de nombreux outils qui permettront d’accompagner les collectivités territoriales pour soutenir le secteur du bâtiment public et des travaux publics. Encore faut-il avoir les salariés formés pour accéder à ces métiers. Nous avons donc mobilisé Pôle emploi pour distinguer, parmi les demandeurs d’emploi, ceux que l’on pourrait orienter vers les métiers du bâtiment et des travaux publics.

Dans le contexte actuel, il faut savoir faire preuve d’imagination. C’est vrai, nous avons appuyé le plan jeunes sur des dispositifs existants car nous avons eu peur de prendre du retard en en créant de nouveaux. Cela étant, peut-être reste-t-il des trous dans la raquette au niveau des mécanismes qui permettent d’accompagner les jeunes. Pour les combler, il est nécessaire de nous informer des cas où certains jeunes n’auraient pas pu être accompagnés vers une qualification, une formation, un emploi pour que nous adaptions nos dispositifs. Quant aux personnes les plus éloignées de l’emploi, vous aurez noté l’effort consenti pour les insérer par l’activité économique. Soyons clairs : il est important de prévoir des financements pour créer des postes supplémentaires à condition que les entreprises d’insertion aient accès à des marchés. C’est le sens de la réflexion confiée à Thibaut Guilluy, haut‑commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. C’est en tout cas le sens des achats inclusifs : nous devons parvenir, par l’intermédiaire des achats publics et privés, à donner de l’activité à ces entreprises d’IAE, si l’on veut répondre à la diversité des situations.

Pour ce qui est du rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi, nous avons pris du retard dans les objectifs initialement fixés en raison de la crise sanitaire. En tout cas, au 1er janvier 2021, l’offre de service intégré des demandeurs d’emploi en situation de handicap devrait être déployée sur 220 agences de Pôle emploi, le déploiement à la totalité des 930 agences de Pôle emploi et des 98 agences Cap emploi étant prévue pour avril 2021. Heureusement, nous avons pu nous appuyer sur une phase pilote qui nous a permis de bien concevoir le dispositif et d’échapper à une vision quelque peu hors sol de ces sujets. La construction est bien engagée et le groupe de travail qui réunit l’ensemble des contributeurs de données à transmis ses propositions, qui seront prises en compte.

S’agissant de la contractualisation des dépenses engagées au titre du programme 103, dans le cadre des contrats de plan État-région, nous souhaitons maintenir, pour les contrats de plan 2021-2027, les crédits précédemment prévus entre 2015 et 2020. L’État signera également des accords régionaux de relance avec les régions, à hauteur de 3 milliards d’euros, notamment pour travailler sur les dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution », dont les objectifs ont d’ores et déjà été déclinés à l’échelle régionale.

Monsieur Paul Christophe, le nombre d’allocataires du RSA augmente dans tout le territoire, ce qui nous conduit à accélérer le déploiement du service public de l’insertion et de l’emploi. Des expérimentations devaient être menées dans quatorze départements mais la crise a interrompu les démarches engagées. Nous avons la ferme intention d’avancer au cours de l’année 2021 dans trente départements, et dans trente-cinq supplémentaires en 2022. Il me semble indispensable que chaque personne éloignée de l’emploi puise s’adresser à un référent unique, que l’on puisse proposer un accompagnement global, régler les problèmes de systèmes d’information, afin d’assurer un véritable suivi de ces personnes. C’est le sens des crédits qui vous seront proposés pour lancer l’expérimentation dans trente départements en 2021.

Madame Valérie Six, je ne peux vous laisser dire que la réforme de la santé au travail est au point mort. Ce n’est pas, en tout cas, la vision qu’en ont les partenaires sociaux. Vous le savez, j’échange régulièrement avec eux et ce point figure à l’agenda social. Cela étant, lorsque les partenaires sociaux négocient entre eux, il est bien évident que le Gouvernement les laisse faire. C’est notamment le cas dans le domaine de la santé au travail. Nous avons à nouveau échangé récemment à ce sujet avec les partenaires sociaux : ils ont confiance dans les chances d’aboutir à un accord sur ce sujet majeur. À ce stade, nous allons continuer à leur faire confiance. Nous leur avons dit, lors de la conférence du dialogue social, lundi dernier, que le Gouvernement se tenait à leur disposition et que les vecteurs législatifs nécessaires pour concrétiser ces accords seraient ensuite trouvés — je ne pense pas que les parlementaires me contrediront.

Concernant les maisons de l’emploi, il a été entendu, suite à la création de Pôle emploi et au constat, dressé à l’époque, du caractère limité de la couverture du territoire par ces maisons de l’emploi, qu’elles concentreraient leur action sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences territoriales ou sur les clauses sociales, tout en se plaçant dans une logique d’appels à projets grâce à des financements provenant, par exemple, du PIC ou du Fonds social européen. Je connais l’attachement des parlementaires à ce sujet et je suppose que les amendements seront nombreux. Nous y serons attentifs.

La coopération entre Pôle emploi et les missions locales est essentielle. Un jeune ne doit pas être pénalisé parce qu’il aurait frappé à la porte de Pôle emploi au lieu d’une mission locale. C’est pour cette raison que, dans le cadre du plan jeunes nous avons fixé des objectifs communs entre les missions locales et Pôle emploi en les invitant à s’organiser pour travailler ensemble. Nous avons un besoin impératif, urgent, massif, de missions locales dans la période que nous traversons, ce qui explique que nous ayons renforcé leurs moyens. Je n’ai pas été alertée sur d’éventuelles difficultés qu’elles pourraient rencontrer, alors que l’on échange régulièrement avec le président de l’union nationale des missions locales. S’il a des messages à nous transmettre, nous serons à son écoute. Il est très important, du fait de la période qui s’annonce, de s’assurer que les missions locales ont tous les moyens nécessaires pour accueillir les jeunes qui en auraient besoin. J’y veillerai personnellement.

J’enchaîne avec le FDI. Le défi de l’IAE est considérable puisque nous avons la volonté de créer 65 000 places supplémentaires en 2021. C’est adapté au contexte actuel mais il faut que nous ayons les marchés pour ces structures d’IAE et que nous soyons capables d’accompagner leur transformation. Nous devons, pour cela, utiliser avec souplesse les moyens, qu’il s’agisse de l’aide au poste ou des financements du FDI, comme en 2020. En tout cas, il faudra lever tous les freins au développement des structures d’IAE.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé le nouveau report, de trois mois, de la réforme de l’assurance chômage. Pour autant, le Gouvernement est attaché à cette réforme dont les objectifs ne sont pas remis en cause par la crise : encourager les entreprises à proposer des emplois de meilleure qualité. Nous sommes les champions d’Europe des contrats courts alors qu’ils fragilisent grandement les salariés, en particulier dans la crise actuelle. L’objectif d’inciter les entreprises à améliorer la qualité de l’emploi reste valable. On doit toujours gagner à reprendre un emploi plutôt qu’à rester demandeur d’emploi. Pour autant, il faut prendre en compte le contexte. Les chiffres du troisième trimestre, qui viennent de nous être communiqués, montrent que la situation n’était pas si mauvaise. Si le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A avait fortement augmenté en raison de la crise, au deuxième trimestre, cette hausse s’est réduite de deux tiers par la suite et cette tendance s’est poursuivie en septembre.

Ces résultats ne nous empêchent pas de porter une attention particulière à certaines évolutions, notamment l’augmentation de 200 000 demandeurs d’emploi non indemnisés par rapport à février, ce qui est certainement lié à l’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA. On constate également que certains salariés précaires, qui parvenaient à avoir un niveau de vie satisfaisant en combinant les revenus qu’ils tiraient de l’enchaînement de CDD courts et les allocations de demandeur d’emploi, n’y parviennent plus dans la période actuelle. Pour remédier à cette situation, nous proposons des mesures en direction des entreprises afin de soutenir l’activité, comme le dispositif de l’activité partielle. Nous avons pris des dispositions pour favoriser l’embauche – je vous renvoie à tout ce qui concerne l’insertion par l’activité économique.

Récemment, le Premier ministre a annoncé des mesures pour renforcer le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Je reste très vigilante à la situation des personnes qui avaient signé des contrats courts ou précaires. Nous en discuterons dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage. Je ne sais pas si les décisions que le Président de la République prendra pour faire face à la crise sanitaire nous amèneront à prévoir des mesures exceptionnelles pour indemniser le chômage de tous les demandeurs d’emploi mais nous devrons, quoi qu’il en soit, nous pencher sur le sort des travailleurs qui alternent périodes de chômage et périodes d’emploi. On insiste beaucoup pour que Pôle emploi identifie les personnes susceptibles d’être fragilisées par la crise mais, finalement, on se rend compte que tous les secteurs recourent au contrat court, pas seulement celui de l’événementiel ou du tourisme. Nous devons avoir une vision globale du problème des personnes fragilisées du fait de leur modèle de revenus qui, en enchaînant contrats courts et indemnisation chômage, ne fonctionne plus en période de crise. Plus structurellement, nous devrons également prévoir des mesures pour sécuriser ces personnes fragilisées et en grande précarité, qui parviennent encore à s’en sortir en temps normal, mais ne le peuvent plus en temps de crise. Le travail est engagé et nous l’évoquerons avec les partenaires sociaux dans le cadre des discussions que nous menons autour de la réforme de l’assurance chômage.

M. Bernard Perrut. Les jeunes sont notre priorité, dans cette période difficile, et je salue le travail des missions locales, en lien avec Pôle emploi. Comment expliquez-vous, madame la ministre, que les montants affectés aux moyens d’accompagnement et à la garantie jeunes diffèrent autant entre la mission Travail et emploi et la mission Plan de relance ? Les évaluations du dispositif ont apporté la preuve de son utilité et si les moyens investis par la nation restent insuffisants dans le cadre du plan de relance, les effets de la montée en charge du dispositif – 50 000 supplémentaires – seront annulés par une dégradation du dispositif et de ses résultats. Ne conviendrait-il pas de mettre en cohérence les moyens mis à disposition pour accompagner les jeunes en situation de précarité et augmenter l’enveloppe prévue dans le plan de relance, par jeune, pour la ramener au même niveau que dans le programme 103, ce qui correspondrait à une augmentation de 33 millions d’euros de l’enveloppe globale de 133 millions prévue par le plan de relance pour les missions locales. Vous avez indiqué, madame la ministre, que les missions locales ne vous avaient pas fait part de leurs réflexions. C’est, en tout cas, l’une de celles qu’elles ont adressées aux parlementaires.

M. Thierry Michels. Concernant l’action dédiée aux entreprises adaptées du programme 102 Accès et retour à l’emploi, une réforme importante du modèle des entreprises adaptées a été initiée en 2018, à travers l’expérimentation de nouveaux dispositifs que sont les CDD « tremplins », l’entreprise adaptée de travail temporaire et l’entreprise adaptée pro‑inclusive. Compte tenu des difficultés liées à l’épidémie que connaît l’emploi dans notre pays, pourriez-vous nous détailler les mesures prises pour que le déploiement de ces dispositifs n’en supporte pas les conséquences ? Que pourriez-vous nous dire, en particulier, des premiers résultats du plan de soutien aux entreprises sociales inclusives, dont les entreprises adaptées, annoncé en août 2020 ?

Par ailleurs, les entreprises adaptées relèvent de la compétence du ministère du travail alors que le dispositif de l’emploi accompagné est supervisé par le ministère de la santé. Comme la coordination s’opère-t-elle pour un suivi effectif de l’avancement des différentes expérimentations en faveur d’une meilleure inclusion dans l’emploi des personnes handicapées ?

M. Thibault Bazin. Je souhaite vous transmettre deux sujets d’inquiétude, dans notre territoire frappé par les pertes d’emploi. Concernant le handicap, tout d’abord, beaucoup d’ESAT réalisent un travail remarquable pour insérer professionnellement les personnes en situation de handicap mais leurs acteurs sont inquiets pour l’avenir. Au regard du contexte économique, avez-vous compris que l’inclusion dans le milieu ordinaire s’avère bien difficile ? Êtes-vous prête à faire perdurer le modèle des ESAT, bien adapté pour répondre à la situation de nombreuses personnes en situation de handicap ?

S’agissant des territoires oubliés, par ailleurs, ma circonscription compte des milliers de demandeurs d’emplois mais elle reste exclue du dispositif des emplois francs en raison de l’absence de quartier prioritaire de la politique de la ville. Pourtant, les secteurs en renouvellement urbain où le nombre de demandeurs d’emploi est élevé, ne manquent pas. Madame la ministre, donnerez-vous les mêmes chances à tous les territoires en souffrance ? Êtes-vous prête à revoir les zonages pour qu’ils soient plus équitables et n’oublient personne au bord du chemin ?

M. Belkhir Belhaddad. Je crois en l’intérêt du dispositif des emplois francs, meilleur que celui des zones franches, précédemment mis en place et totalement dévoyé par les entreprises. Vous avez annoncé 33 000 nouvelles entrées en emplois francs et 93 millions supplémentaires en autorisations d’engagement pour 2021 à destination des QPV. Ce dispositif a cependant soulevé quelques critiques, notamment parce qu’il ne rencontrerait pas toujours son public. Vous l’avez d’ailleurs évoqué en soulignant la nécessité de prévoir des mesures d’accompagnement. Je suis d’accord avec vous. Toute la difficulté est de diriger ces jeunes vers ces dispositifs extrêmement intéressants. Quelles pistes nous proposezvous ?

Mme Perrine Goulet. On ne peut que saluer l’ampleur du plan de soutien à la formation et l’emploi des jeunes. Les moyens d’action de nombreux dispositifs augmentent, mais les écoles de la deuxième chance ne bénéficient pas de cette dynamique. Le budget que consacre l’État à cette mission est identique qu’en 2020, et je n’ai pas trouvé de ligne sur ce dispositif dans le plan de relance.

Le projet annuel de performances prévoit d’ouvrir 2 000 parcours supplémentaires en 2022 : serait-il possible d’avancer cette échéance à 2021 ? Les jeunes sortants des écoles de la deuxième chance peuvent bénéficier d’emplois francs s’ils sont issus d’un quartier prioritaire de la politique de la ville ou, à La Réunion, dans le cadre du plan Pétrel. Serait-il possible d’étendre les emplois francs à tous les jeunes sortants des écoles de la deuxième chance en zone rurale ?

Mme Isabelle Valentin. Dès la première vague du covid-19, des mesures d’urgence ont été prises par le Gouvernement pour accompagner les entreprises et les salariés. Mais comment expliquer que nous manquions cruellement de personnel dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les hôpitaux ? Comment expliquer que l’intérim médical renchérisse les coûts : 606 euros par jour pour un médecin, 300 euros par jour pour un aide-soignant ? Comment expliquer que Pôle emploi ne travaille que depuis septembre sur les fichiers des personnes aptes à rejoindre les entreprises et les établissements de santé ?

Les 16 000 formations supplémentaires d’infirmiers, aides-soignants et auxiliaires de vie sont une bonne nouvelle, mais pourquoi avoir tant attendu ? Pourquoi ne pas avoir profité du répit de l’été pour les mettre en place ?

Pourquoi l’aide à l’embauche des jeunes, de 4 000 euros, est-elle aussi encadrée ? Les entreprises qui ont embauché des jeunes en CDD cet été et souhaitent leur offrir un CDI ne peuvent y prétendre, puisqu’ils faisaient partie des effectifs en août. Certaines entreprises renonceront aux CDI et embaucheront d’autres jeunes.

L’augmentation de 50 % du nombre de contrats garantie jeunes est notable. Dans ma circonscription, sur 700 garanties jeunes, seulement dix ont répondu favorablement pour travailler dans les métiers du sanitaire.

Les certificats de qualification professionnelle sont une solution rapide pour répondre aux besoins des entreprises et des territoires. Envisagez-vous de les développer ?

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, croyez-vous raisonnable de ne prolonger que de trois mois le report de la réforme de l’assurance chômage ? Nous allons subir de plein fouet le confinement qui arrive, offrir un peu plus de lisibilité, sans renoncer à la réforme, apporterait de la sérénité aux partenaires sociaux.

Le chômage des jeunes explose, et je m’inquiète de constater à quel point ils sont abandonnés à eux-mêmes. Vous dites être en relation étroite avec les missions locales. Pour y avoir participé dans ma circonscription, je ne suis pas persuadé que les moyens dévolus soient à la hauteur des enjeux. Cette génération sacrifiée a vécu le drame du confinement pendant deux mois et va de nouveau être confrontée à une période difficile, nous devons employer les grands moyens.

Le directeur général de Pôle emploi a déclaré que les 1 500 collaborateurs récemment recrutés seront formés en seulement six semaines. Ce n’est pas sérieux ! Je me suis fait passer pour un quidam au chômage, pour voir dans quelle mesure ils étaient capables de m’accompagner. J’ai été reconnu au bout de 2 heures, mais j’ai constaté qu’en dehors de liens internet, il n’y avait pas de prise en charge, pourtant indispensable.

Je sais que le contexte est difficile, mais il faut renforcer les rapports humains. Le plan de 2005 de MM. Borloo et Larcher prévoyait de rencontrer les gens très souvent, pour les sécuriser, les rassurer, et les accompagner sur une nouvelle voie.

Mme le ministre. Monsieur Perrut, la lecture du budget n’est pas simple, mais je vous assure que tous les moyens pour les missions locales sont prévus. Les crédits d’intervention prévoient 100 millions d’euros pour disposer d’effectifs, et si les missions locales ont des difficultés, qu’elles nous en informent.

Les crédits affectés à la garantie jeunes augmentent de 50 % en additionnant les crédits portés au budget du ministère et à la mission Plan de relance. C’est un excellent dispositif, et je regrette que l’objectif ne soit atteint qu’à 60 %. Par comparaison, l’accompagnement intensif des jeunes, dispositif comparable proposé par Pôle emploi, est à 70 % de ses objectifs. Nous mettrons le paquet sur les garanties jeunes et nous nous assurerons que les missions locales ont les ressources pour accueillir les jeunes, quelles que soient les restrictions dues aux mesures sanitaires. Si besoin, nous abonderons les crédits. Tous les jeunes doivent accéder à une qualification, un accompagnement, une formation ou un emploi.

S’agissant des dispositifs de soutien aux entreprises inclusives, nous avons décidé de travailler en deux temps avec l’enveloppe de 300 millions d’euros. Tout d’abord, 134 millions d’euros ont été engagés pour pallier les difficultés qu’elles ont connues lors du confinement. Ensuite, les projets de développement de ces entreprises inclusives se multiplient. Le calendrier étant un peu serré, nous verrons comment continuer à les accompagner au début de l’année 2021.

Nous coordonnons nos efforts avec le secrétariat d’État aux personnes handicapées au sujet des ESAT et des entreprises adaptées. Nos dispositifs sont complémentaires, notamment les emplois accompagnés, qui sont une très bonne mesure. Les mesures d’accompagnement des personnes handicapées peuvent nous inspirer pour trouver les réponses à d’autres difficultés. Nous disposons d’une palette de réponses que nous articulons au mieux entre ESAT, entreprises adaptées et emplois accompagnés.

Les emplois francs ne sont pas prévus pour les zones rurales, mais pour les QPV. Mais nombre de dispositifs s’appliquent sur tout le territoire, en particulier la prime exceptionnelle à l’embauche ou les PEC. Je n’ai pas identifié de difficultés propres aux jeunes en zone rurale.

M. Thibault Bazin. Je ne parlais pas des zones rurales, mais des zones de renouvellement urbain (ZRU).

Mme la ministre. Vous évoquez les ZRU qui ne sont pas des QPV. Je prends note de votre remarque, nous allons consulter la carte.

Nous devons articuler les aides au poste, l’accompagnement, et aller chercher les jeunes. Tous les acteurs dans les QPV doivent coopérer, et nous échangeons régulièrement avec Mme Nadia Hai. Le ministère du travail souhaite devenir partenaire des cités éducatives. Par ailleurs, les cités de l’emploi permettent de réunir tous les acteurs qui accompagnent les jeunes. Nous voulons aussi projeter Pôle emploi dans les quartiers prioritaires. Nous devons aller chercher tous les jeunes pour les amener dans nos dispositifs.

Il n’est pas prévu de moyens spécifiques pour les écoles de la deuxième chance en 2021. Si nous recevons des projets de développement, nous pourrons réallouer des financements. J’ai rencontré les responsables de ces écoles, ils n’ont pas formulé de demandes de renforts dès 2021, mais je suis ouverte à tout. Tous les dispositifs peuvent être mobilisés dans la période actuelle pour nous assurer de tenir l’engagement : un jeune, une solution.

S’agissant de la réforme de l’assurance chômage, nous travaillons sur les différents paramètres pour prendre en compte les objectifs initiaux de la réforme et les situations particulières créées par la crise.

Quant à l’emploi des jeunes, avec le plan que nous avons présenté dès le mois de juillet, notre objectif est bien de ne pas laisser une génération sacrifiée. Nous devons apporter une réponse à chaque jeune.

 

 

 


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II.   EXAMEN DES CRÉDITS

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Travail et emploi ([42]).

Article 33 et état B

La commission est saisie de l’amendement II-AS23 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Avant la pandémie de covid-19, un rapport a été réalisé par l’IGAS et l’IGF sur les conséquences financières de la réforme et la trajectoire d’équilibre de France compétences. Le déficit de France compétences était lié à la reprise du financement des contrats d’apprentissage conclus par les régions. Avec la survenue de la crise du covid‑19, ce déficit va s’aggraver. Les 750 millions d’euros de subventions seront insuffisants pour retrouver l’équilibre si la tendance reste identique. Le conseil d’administration de France compétences s’est engagé à un retour à l’équilibre, dans le cadre de la gouvernance quadripartite. Je propose d’augmenter de 250 millions d’euros la subvention à France compétences pour l’aider à passer cette période difficile.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement II-AS16 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Cet amendement tend à donner plus de moyens à Pôle emploi pour affronter le choc qui se dessine en 2021. Pôle emploi est un opérateur efficient, agile, réactif, qui s’adapte aux besoins des entreprises et à la situation des demandeurs d’emploi. Mais lorsque le nombre de dossiers à traiter par chaque conseiller augmente, le travail ne peut se faire dans les mêmes conditions. La seule solution est d’augmenter les effectifs : c’est pourquoi je propose de transférer certains crédits pour donner à Pôle emploi les moyens d’assumer sa mission dans les mois à venir.

Mme la rapporteure spéciale. Je suis d’accord avec vous, il faut donner les moyens à Pôle emploi de remplir sa mission, surtout dans le contexte que nous vivons. Le plan de relance lui octroie précisément 250 millions d’euros supplémentaires, et le projet de loi de finances prévoit 2 433 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Ils seront affectés à l’accompagnement des jeunes, qui constituent la priorité, mais aussi au paiement des indemnités qu’il faudra verser en raison de l’augmentation du nombre de chômeurs, et à l’accompagnement de ces nouveaux chômeurs, pour qu’ils retrouvent rapidement un emploi.

L’année dernière, les effectifs de Pôle emploi avaient été augmentés de 1 000 ETPT pour lancer le « pack de démarrage », qui a pour but d’accompagner les nouveaux entrés et les entreprises qui n’auraient pas trouvé un salarié répondant à leur proposition d’embauche au bout de trente jours.

Nous partageons tous votre souci, mais ce projet de loi de finances donne les moyens nécessaires à Pôle emploi.

M. Stéphane Viry. La rapporteure spéciale est d’accord avec moi, mais elle considère qu’il ne faut pas voter cet amendement. Je déplore ce blocage psychique ! J’ai lu dans le rapport de Gérard Cherpion que les crédits de Pôle emploi étaient en baisse – il l’a d’ailleurs indiqué à la ministre. Cet amendement apporte une réponse à ce constat.

Certes, 1 000 ETPT ont été recrutés, mais ce sont des CDD ; ils ne sont donc pas pérennes. La mission de Pôle emploi est double : payer des indemnités, ce qui va mobiliser les services pour éviter les ruptures, mais aussi assurer le placement des demandeurs d’emploi. Cette seconde mission ne devrait pas être délaissée en raison de la mobilisation de tout le personnel pour le versement des indemnités. Il faut renforcer les effectifs, et je ne désespère pas de convaincre la rapporteure spéciale d’ici à la séance.

M. le rapporteur. M. Viry a développé l’argumentaire que je souhaitais exposer, je l’en remercie !

La commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements II-AS18 et II-AS19 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Nous avons un certain nombre d’outils pour favoriser l’accès à l’emploi des personnes les plus en difficulté ; les dispositifs se sont sédimentés au fil du temps. Mais nous pouvons encore faire preuve d’innovation en la matière.

Pour le tissu associatif, les PEC ne fonctionnent pas assez bien. Et il n’y a plus de statut d’emploi associatif qui offre des solutions de premier emploi pour un certain nombre de jeunes. Je propose donc d’expérimenter, comme nous l’avons fait pour le dispositif « territoires zéro chômeurs de longue durée », des solutions d’emploi qui mobilisent le tissu associatif, en particulier sportif.

Nombre d’associations sportives évoluent à un niveau soutenu sans être professionnelles. Elles ont besoin de se mettre en ordre de marche pour fonctionner les week‑ends : préparer l’accueil du public, ouvrir la buvette, laver les maillots, et ainsi de suite. Ces tâches étaient autrefois assumées par des bénévoles, mais les associations peinent désormais à en trouver. Ces services inhérents à l’activité sportive pourraient être pris en charge par des personnes qui seraient placées en situation de travail, dans le cadre d’un parcours d’insertion.

J’ai éprouvé cette idée auprès d’acteurs dans les Vosges, tous y sont favorables, mais il faut un amorçage. Cet amendement propose de tester ce nouvel outil mobilisant le tissu associatif pour remettre des gens en situation de travail.

M. Didier Baichère. Nous partageons cet objectif, mais dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », il est prévu que 2 500 jeunes soient orientés vers les métiers du sport par l’Agence nationale du sport. Ce nombre est suffisant pour mener une expérimentation.

M. Belkhir Belhaddad. En effet, l’Agence nationale du sport s’est vue confier cette tâche : le plan de relance lui affecte 120 millions d’euros, dont 30 millions au bénéfice des clubs sportifs. Ces crédits répondent aux préoccupations des clubs suite à la crise sanitaire, et au besoin de pérennisation de ces emplois, qui font l’objet de contractualisation avec les collectivités locales pour trois à quatre ans.

Mme Perrine Goulet. Dans le cadre du dispositif SESAME, 1 000 emplois sont prévus chaque année, et le plan de relance va permettre d’en financer 3 000 de plus. Votre amendement est satisfait.

M. le rapporteur. Le plan de relance prévoit deux types de financement : un accompagnement des associations sportives locales pour 11 millions d’euros, et le dispositif SESAME, pour 6 millions. Mais l’amendement de M. Viry s’applique spécifiquement aux jeunes, pour les insérer dans les métiers du sport. J’y suis favorable.

La commission rejette l’amendement II-AS18.

L’amendement II-AS19 est retiré.

La commission étudie l’amendement II-AS24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Je propose de maintenir le niveau de la contribution de l’État au dispositif « territoires zéro chômeur ». Son extension va conduire à une progression du nombre d’emplois aidés. En 2021, la participation de l’État s’établirait à 22,61 millions d’euros pour 1 519 emplois, contre 28,5 millions d’euros pour 1 750 emplois en 2020. Le montant consacré à chaque contrat diminuerait de 8,6 %.

Mme la rapporteure spéciale. Je comprends votre propos, car je me suis moi-même préoccupée de cette question. L’année dernière, l’exécution de ce budget a uniquement été d’environ 16 millions d’euros.

La proposition de loi a fait l’objet d’un accord ce midi en CMP. En prenant en compte les délais pour publier les décrets et habiliter les candidats, le budget prévu, supérieur à l’exécution de l’année passée, est largement suffisant. L’association Territoires zéro chômeur en convient.

Si d’aventure le budget s’avérait insuffisant, et que de nombreux territoires étaient habilités l’année prochaine, j’ai demandé à la ministre de s’engager à abonder les crédits pour que les contraintes budgétaires n’interdisent pas de retenir des territoires en 2021. Vous avez mon engagement, et je me fais fort d’obtenir celui de la ministre.

M. Stéphane Viry. Nous avons beaucoup et bien travaillé avec la rapporteure spéciale sur le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », nous pourrions parler de « PACS intellectuel » entre nous. Mais je vais rompre ce PACS, madame la rapporteure spéciale ! Vous dites qu’il n’y aura peut-être pas assez de crédits en 2021, mais que nous verrons le moment venu. Comment tenir un tel discours face au défi du chômage que nous allons devoir relever ? Vous avez été remarquable pour installer le dispositif « territoires zéro chômeur », mais vous lui coupez les vivres avant qu’il ne démarre.

Cet amendement est pondéré et juste : j’invite la majorité à se désolidariser de sa rapporteure spéciale !

Mme la rapporteure spéciale. Je n’entrerai pas dans un aparté, cher collègue. Je vous rappelle que les départements contribueront au financement des territoires ; l’État ne financera pas seul le dispositif. En outre, les calculs et les prévisions ont été faits avec l’association Tterritoires zéro chômeurs. Je suis donc totalement confiante Je demande à mes collègues de ne pas se désolidariser de ma décision !

M. le rapporteur. Je connais en effet votre détermination, mais l’objet du budget est de fixer des sommes et un objectif. Même si les crédits ont été sous-consommés l’année dernière, l’adoption de la proposition de loi va créer un effet d’entraînement. Mieux vaut donc inscrire ces sommes au budget.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AS17 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Madame la rapporteure spéciale, j’ai relevé que vous aviez fait corriger par la commission des finances une erreur fondamentale du Gouvernement et de la majorité concernant les maisons de l’emploi. Je crois profondément aux solutions locales, car dans certains territoires, il y a des énergies positives. Encore faut-il leur donner les moyens de se structurer.

Mme la rapporteure spéciale. La commission des finances a voté un budget de 5 millions d’euros pour les maisons de l’emploi. Je vous invite à retirer votre amendement, pour en redéposer un pour la séance prévoyant le même montant : je vous assure qu’il sera adopté.

M. Stéphane Viry. Je crois en la sincérité de la rapporteure spéciale ; je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Travail et emploi sans modification.

Après l’article 58

La commission est saisie de l’amendement II-AS25 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Je demande au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur les effectifs de France compétences. France compétences a beaucoup de travail, dont elle s’est bien acquittée. Ce projet de loi de finances relève son plafond d’emplois de 70 à 74 emplois. Je propose de le porter à 80 ETPT. Rappelons que France compétences doit gérer un budget de 9 milliards d’euros par an.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement II-AS26 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Je demande un nouveau rapport sur l’équilibre du dispositif de financement de l’apprentissage et de la formation professionnelle.

M. Didier Baichère. Vu l’importance de l’apprentissage, ce rapport nous semble intéressant ; nous voterons cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement II-AS27 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’une demande de rapport sur le pilotage de la formation des chômeurs par les régions, après l’expérimentation qui a été lancée.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-AS28 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur. Le dispositif ARDAN permet à des entreprises de recruter une personne pour développer un projet particulier. Ce système fonctionne très bien : le taux d’insertion après la période de six mois pendant laquelle la personne a été dans l’entreprise est supérieur à 85 %. Mais ce dispositif a été freiné dans son développement par la création des nouvelles régions. Il est demandé un rapport permettant de dresser un état des lieux de ce système qui donne d’excellents résultats.

La commission rejette l’amendement.

 


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   Annexe :
personnes auditionnÉes par le rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

 

 France compétences – M. Stéphane Lardy, directeur général

 Ardan France – M. Jean-Claude Bouly, président, et M. Patrice Granier, délégué général

 Régions de France – M. David Margueritte, président de la commission Emploi, formation professionnelle et apprentissage, vice-président de la région Normandie

 Haut-commissariat aux compétences – M. Jean-Marie Marx, hautcommissaire, et Mme Carine Seiler, conseillère spéciale

 Institut Montaigne M. Bertrand Martinot, directeur du conseil en formation et développement des compétences

 Caisse des dépôts et consignations – M. Michel Yahiel, directeur des retraites et de la solidarité, M. Laurent Durain, directeur de la formation professionnelle, et M. Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles

 Table ronde des opérateurs de compétences (OPCO) :

OPCO 2iMme Stéphanie Lagalle-Baranès, directrice générale

 OPCO Construction  M. Noaman Saddoud, directeur financier, Mme Claire Gaillard, directrice de réseaux, et Mme Sylvie Leyre, administratrice provisoire

 OPCO Commerce  Mme Chrystelle Derrien, présidente, Mme Véronique Allais, vice-présidente, M. Philippe Huguenin-Génie, délégué général, et Mme Corinne Lacour, directrice financière et du contrôle de gestion

 Haut-commissariat à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises – M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire, M. Ronan Le Goaziou, conseiller parlementaire et administrations publiques, et Mme Armelle Dubois

 Pôle emploi – M. Jean Bassères, directeur général, et M. Léopold Gilles, chef de projet à la direction de la stratégie


([1])  Prévisions financières de l’Unédic – octobre 2020 https://www.unedic.org/publications/previsions-financieres-de-lunedic-octobre-2020

([2]) Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi pour 2021, p. 47.

([3])  Cette convention prévoit que « L’État assure à Pôle emploi une subvention pour le financement des dépenses inscrites aux troisième et quatrième sections de son budget. Sous réserve de disponibilité des crédits votés en lois de finances, le montant de cette subvention est fixé, pour les années 2020 à 2022, comme suit : Subvention pour charge de service public 2020 : 1 235,90 M€ 2021 : 1 150 M€ 2022 : 1 064 M€ ». Cf. https://www.unedic.org/sites/default/files/2020-01/Convention_Tripartite_2019_signee.pdf

([4]) Cf. Avis sur le projet de loi de finances pour 2020 sur le projet de loi de finances pour 2020 (n° 2304), tome III Travail et emploi, déposé au nom de la commission des affaires sociales par M. Gérard Cherpion le 10 octobre 2019 (http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-soc/l15b2304-tiii_rapport-avis).

([5]) Ces allocations, qui sont versées aux demandeurs d’emploi ne pouvant pas bénéficier du régime d’assurance chômage, sont pour l’essentiel portées par l’allocation spécifique de solidarité (ASS).

([6]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([7]) Alors dénommés contrats uniques d’insertion – contrats d’accompagnement dans l’emploi (CUI-CAE).

([8]) Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

([9])  Proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », n° 3109, déposée le 16 juin 2020.

([10])  Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi pour 2021, p. 67.

([11]) Rapport n° 17 (2020-2021) de Mme Frédérique Puissat, fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, 7 octobre 2020 ; http://www.senat.fr/rap/l20-017/l20-017.html

([12]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([13]) Décret n° 2020-1278 du 21 octobre 2020 relatif aux emplois francs https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042452420

([14])  Il est à noter que pour les nouveaux contrats éligibles à l’AUEA signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021, la première année de versement au titre de l’AUEA est remplacée par l’aide exceptionnelle à l’apprentissage prévue dans le cadre du plan de relance. Les montants inscrits en AE concernent donc les nouveaux contrats conclus à partir du 1er mars 2021, tandis que les CP servent à financer le stock de contrats conclus entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2020, le paiement des 2e et 3e années d’AUEA des contrats entrant dans le périmètre de l’aide exceptionnelle pour leur première année, ainsi que les versements mensuels associés à l’ensemble des contrats éligibles déposés après le 1er mars 2021. Les crédits dédiés à l’aide exceptionnelle sont quant à eux financés sur la mission Plan de relance.

([15])  Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance est prévue une revalorisation transversale de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle (jeunes et adultes). Celle-ci est financée sur le programme 364 de la mission Plan de relance (cf. supra).

([16])  Anne Bucher, Anne Fretel, Philippe Zamora (DARES), Christel Poujouly, Nicolas Vanni (Pôle Emploi), Premier rapport du comité scientifique du Plan d’investissement dans les compétences, octobre 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_pic_comite_scientifique_1er_rapport_oct2020.pdf

([17]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([18]) Cf. projet annuel de performances de la mission Plan de relance.

([19])  L’apprentissage en 2019, dossier de presse, 4 février 2020 https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dp_apprentissage_web-2.pdf

([20])  Dares Résultats 2020-017, Les contrats d’apprentissage en 2018, mai 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares__resultats_contrats_apprentissage_2018.pdf

([21]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([22])  PoEm : tableau de bord des politiques de l’emploi, juillet 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapports-poem-juillet-2020.pdf

([23])  PoEm : tableau de bord des politiques de l’emploi, juillet 2020 https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapports-poem-juillet-2020.pdf

([24]) Cf. réponses au questionnaire budgétaire.

([25])  Fabienne Proux, « Formation : les régions veulent élargir les champs d’action des pactes d’investissement dans les compétences », Localtis, 8 octobre 2020 https://www.banquedesterritoires.fr/formation-les-regions-veulent-elargir-les-champs-daction-des-pactes-dinvestissement-dans-les

([26]) Audition de M. David Margueritte, vice-président de la Région Normandie, président de la commission Emploi, formation professionnelle et apprentissage de Régions de France, 23 septembre 2020.

([27]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([28]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([29]) Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, rapport de l’inspection générale des affaires sociales et l’inspection générale des finances, avril 2020 http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2020/Rapport_France_Competences.pdf

([30])  Alain Ruello, « Formation professionnelle : la bombe à retardement du CPF », Les Échos, 19 octobre 2020 https://www.lesechos.fr/economie-france/social/formation-professionnelle-la-bombe-a-retardement-du-cpf-1256866

([31]) Ibid.

([32]) Amendement n° 109 au projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (n° 3464) http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/amendements/3472/AN/109

([33]) Rapport Igas-IGF précité.

([34]) Cf. projet annuel de performances de la mission Travail et emploi pour 2021 – Annexe au projet de loi de finances.

([35]) Audition de M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, 7 octobre 2020.

([36]) Audition du 7 octobre 2020.

([37]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([38]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([39]) Audition de M. Jean-Claude Bouly, président d’Ardan France, et M. Patrice Granier, délégué général, 22 septembre 2020.

([40]) Audition du 30 septembre 2020.

([41]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9760362_5f99774fc4eae.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2021-seconde-partie-28-octobre-2020

([42]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9760362_5f99774fc4eae.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2021-seconde-partie-28-octobre-2020