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N° 3488

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2021,

 

 

TOME IV

 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

PAR M. Belkhir BELHADDAD,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  3360, 3399 (annexe n° 35).

 

 

 


 

 


—  1 

SOMMAIRE

introduction

I. la crise actuelle a interrompu la réforme des retraites tout en en rappelant le caractère incontournable

A. La crise liée à la covid-19 accentue les déséquilibres des régimes de retraite

1. Le déficit des régimes de retraite se creusera massivement en 2020

a. La surmortalité engendrée par la covid-19 n’affecte que marginalement les dépenses de retraite

b. La crise économique liée à la covid-19 impacte massivement les recettes du système de retraite

c. Le déficit du système de retraite dépassera les 25 milliards d’euros en 2020

2. La crise sanitaire aura un effet durable sur le solde du système de retraite

a. La reprise économique pourrait permettre la résorption du déficit conjoncturel des retraites à l’horizon 2024

b. Un déficit structurel persistera, aggravant les déséquilibres déjà croissants du système de retraite

B. moins affectés par la crise, les rÉgimes du cas pensions et de la mission régimes sociaux et de retraite posent aussi un problème de soutenabilité

1. La mission Régimes sociaux et de retraite retrace le financement de régimes spéciaux structurellement déséquilibrés

a. Le régime spécial – désormais clos – de la SNCF

b. Le régime spécial de la RATP

c. Le régime de retraite et de sécurité sociale des marins

d. Le financement de divers dispositifs et de régimes en voie d’extinction

2. Peu sensible à la crise, le CAS Pensions est systématiquement équilibré par l’ajustement de la contribution de l’État

a. Le CAS Pensions retrace principalement le financement des pensions des agents civils et militaires de l’État

b. En 2021, les dépenses et recettes du CAS Pensions s’accroîtront essentiellement sous l’effet des évolutions démographiques

C. en révélant et accentuant les fragilités et inégalités, la crise renforce la nécessité d’une réforme des retraites

1. La crise actuelle agit comme un révélateur et un amplificateur des fragilités et inégalités

a. Les publics les plus touchés par la crise sont souvent ceux qui étaient déjà vulnérables auparavant

b. Les femmes sont très présentes parmi ces publics fragilisés et désavantagés

2. La crise ravive la nécessité d’une réforme des retraites de nature à atténuer ces déséquilibres

a. Il semble inévitable d’équilibrer le système de retraite à moyen et long terme

b. Une réforme systémique reste indispensable pour garantir plus de justice et de lisibilité, et doit être préparée

II. retraites et égalité FEMMES-HOMMES : clarifier les enjeux pour apaiser les dÉbats

A. le constat est bien connu

1. Les femmes ont des retraites en moyenne 40 % plus faibles que les hommes

a. Des écarts de pension qui se réduisent mais persisteront

b. Un constat à nuancer selon les régimes de retraite

c. La France dans une situation globalement peu favorable au sein de l’OCDE

2. Ces retraites reflètent les inégalités dans les parcours professionnels des femmes et des hommes

a. Leurs carrières sont plus heurtées

b. Leurs salaires sont plus faibles

3. Les dispositifs redistributifs, en bénéficiant davantage aux femmes, atténuent ces inégalités de pensions

B. Le système universel de retraite est protecteur des droits des femmes

1. Le projet de loi valorise mieux les carrières courtes et hachées, ce qui est favorable aux femmes

2. Les droits familiaux sont refondus pour profiter à toutes les mères, dès le premier enfant

3. Les dispositifs de solidarité sont renforcés, au bénéfice de nombreuses femmes

4. La réversion est simplifiée et remodelée autour du principe de maintien du niveau de vie des veufs/veuves

C. plusieurs pistes d’amélioration pour la nouvelle réforme des retraites

1. Conserver l’équilibre du projet de loi sur les droits familiaux

a. Des majorations pour enfants forfaitaires : un changement de logique trop radical

b. Certains points méritent d’être précisés afin de mieux protéger les droits des femmes

2. Affiner les contours de la réversion en maintenant l’objectif de simplification

a. Situation des divorcé(e)s : le partage des droits à retraite, une solution à envisager

b. Étudier l’option d’une ouverture mesurée de la réversion aux pacsés

3. Permettre aux couples de se projeter, communiquer pour s’assurer que les femmes connaissent leurs droits

a. Renforcer le pouvoir informatif de l’étude d’impact sur les effets redistributifs de la réforme

b. Communiquer massivement pour aider les femmes à anticiper l’effet des décisions du couple sur les retraites

4. Traiter en amont plusieurs questions clés pour l’équité du futur système vis-à-vis des femmes

a. Pour une définition moins « masculine » de la pénibilité

b. Traiter dès à présent la question des fonctionnaires peu primés, souvent des femmes

5. Poursuivre un travail de fond sur la question de l’égalité professionnelle et du partage des tâches domestiques

a. Le congé de paternité, un premier pas important, au-delà du symbole

b. Aller plus loin pour favoriser l’égalité professionnelle entre femmes et hommes

conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


—  1  —

   introduction

 

Adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale les 4 et 5 mars 2020, les projets de loi instituant un système universel de retraite ont connu un destin perturbé.

Un destin perturbé, à l’évidence, par la crise sanitaire, qui a abouti au confinement de la population française à compter du 17 mars, puis à un reconfinement, selon des modalités différentes, depuis le 30 octobre, et qui est à l’origine d’une grave crise économique, dont les conséquences à moyen terme sont encore difficiles à évaluer.

Un destin perturbé aussi par la violence des polémiques. La retraite, fruit de toute une vie de labeur, est un sujet hautement sensible pour une population dont l’espérance de vie ne cesse de s’accroître. Le « saut » dans un nouveau système, si nécessaire soit-il, n’a rien d’évident.

La crise actuelle a conduit à mettre en pause la réforme des retraites. Mais en accentuant les déséquilibres des régimes de retraite, elle en accroît aussi l’urgence. À cet égard, les régimes spéciaux de la mission Régimes sociaux et de retraite, très largement financés par la solidarité nationale, ne font que préfigurer ce que deviendrait notre système de retraite en l’absence de réforme. Cela serait, à l’évidence, insoutenable.

La réforme des retraites reste donc indispensable et prioritaire. Cette réforme doit être ambitieuse, elle doit nous permettre de bâtir un système de retraite équitable et lisible pour les citoyens, soutenable à long terme et résilient face aux crises. Pour cela, elle doit être dûment préparée, anticipée, évaluée, expliquée. Votre rapporteur juge important de tirer parti de la période actuelle pour approfondir les problématiques à l’origine de polémiques stériles l’hiver dernier : clarifier ce qui doit l’être, apaiser ce qui peut l’être.

Parmi ces problématiques, il en est une transversale à tous les régimes de retraite actuels, qui est un enjeu central pour l’équité du futur système de retraite. Il s’agit de la question de l’égalité entre femmes et hommes à l’heure de la retraite.

Votre rapporteur a donc choisi de mettre à profit ce rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2021 pour exposer de manière claire et dépassionnée les enjeux, évaluer les options retenues par le projet de loi adopté en mars dernier, et explorer d’éventuelles pistes d’amélioration sur cette question de l’égalité entre femmes et hommes vis-à-vis des retraites.

 


I.   la crise actuelle a interrompu la réforme des retraites tout en en rappelant le caractère incontournable

La crise a, du même coup, interrompu la réforme des retraites et accentué les déséquilibres des régimes de retraite. Ce faisant, elle a dégradé leur soutenabilité déjà compromise à moyen terme.

Les régimes de retraite entrant dans le champ de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions constituent, à cet égard, des problématiques à part, dans la mesure où leur équilibre n’est pas réellement affecté par la crise. Leur équilibre, ou plutôt leur déséquilibre, car ces régimes n’échappent pas au problème de soutenabilité qui affecte l’ensemble du système de retraite, bien au contraire. La participation active et massive de la solidarité nationale à leur financement en est la manifestation concrète.

A.   La crise liée à la covid-19 accentue les déséquilibres des régimes de retraite

1.   Le déficit des régimes de retraite se creusera massivement en 2020

Selon la note d’étape publiée par le Conseil d’orientation des retraites (COR) le 15 octobre dernier ([1]), le solde du système de retraite français – incluant l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires y compris le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) – connaîtra une dégradation brutale en 2020. Cette dégradation résulte essentiellement de la chute des recettes des régimes de retraite.

a.   La surmortalité engendrée par la covid-19 n’affecte que marginalement les dépenses de retraite

En croisant les données de Santé Publique France (décès attribués à la covid-19 dans les hôpitaux et les EHPAD) avec celles de l’INSEE (décès enregistrés par les mairies dans l’état-civil), le COR arrive à la conclusion que la crise sanitaire a engendré une surmortalité globale de 25 000 décès environ entre le 1er mars et le 31 juillet 2020, c’est-à-dire sur la période de la « première vague ».

Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 98,2 % de cette surmortalité. Au total, la première vague s’est traduite par la disparition d’environ 22 500 retraités. Sous réserve que la surmortalité liée à la reprise de l’épidémie reste peu significative au cours du quatrième trimestre 2020, cela conduirait à réviser l’effectif de la population des retraités à la baisse de 0,14 % au 1er janvier 2021, par rapport à ce qui était estimé avant la crise. En pratique, cette baisse devrait être un peu supérieure, étant donnée l’ampleur de la deuxième vague.

Quoi qu’il en soit, cette surmortalité n’affecte que marginalement les dépenses du système de retraite, constituées par les pensions servies aux retraités. Le montant de ces pensions est en outre très largement indépendant du contexte économique, puisqu’elles sont indexées sur les prix et non sur les salaires, et qu’elles sont le reflet des salaires passés.

Ainsi les dépenses du système de retraite devraient continuer de s’accroître en 2020. En 2019, les dépenses brutes (incluant les prélèvements pesant sur les retraites) représentaient 330,6 milliards d’euros. En 2020, elles devraient s’élever à 336,5 milliards d’euros. Combinée à la chute brutale du produit intérieur brut (– 10 % en 2020), cette évolution devrait conduire à accroître de 13,6 % à 15,2 % le poids des dépenses de retraite dans la richesse nationale.

b.   La crise économique liée à la covid-19 impacte massivement les recettes du système de retraite

La crise économique, en entraînant une contraction brutale de la masse salariale du secteur privé (chômage partiel, baisse de l’emploi), a un impact massif sur les recettes du système de retraites, qui reposent sur des cotisations assises sur les salaires. Cet effet est accentué par les mesures prises en soutien de l’activité économique (reports et exonérations de cotisations).

Au total, les recettes du système de retraite devraient ainsi chuter de 328,7 milliards d’euros en 2019 à 311,1 milliards d’euros en 2020 (– 5,4 %). Cette baisse reste cependant nettement moins importante que celle du PIB. Cela s’explique notamment par le poids des pensions publiques dans la masse totale des retraites (11,2 % à la fin 2020), l’ajustement économique étant concentré sur le secteur privé. De ce fait, le poids des ressources du système de retraite dans le PIB continue à augmenter en 2020, en dépit de leur baisse en valeur, pour s’établir à 14,1 %, contre 13,6 % en 2019.

c.   Le déficit du système de retraite dépassera les 25 milliards d’euros en 2020

La chute des ressources du système de retraite combinée à la poursuite de la tendance à la hausse des dépenses devrait se traduire par une augmentation de 23,5 milliards d’euros du déficit global. De 1,9 milliard d’euros en 2019, soit 0,1 % du PIB, le déficit du système de retraite devrait ainsi grimper à 25,4 milliards d’euros (1,1 % du PIB) à la fin de l’année 2020. Encore faut-il préciser que ces prévisions ont été établies en intégrant les données du plan de relance, et en tablant sur le fait que la deuxième vague de la covid-19 ne provoquera pas de nouveaux effets massifs sur l’emploi salarié, ce dont il est désormais permis de douter.

Le tableau ci-après retrace l’évolution du solde des principaux régimes de retraite, qui représentent 90 % des dépenses du système de retraite en 2019. La présentation d’un solde pour le régime de la fonction publique d’État (FPE) est purement conventionnelle, dans la mesure où les dépenses sont équilibrées chaque année par l’ajustement de la contribution de l’État (cf. I.B).

2.   La crise sanitaire aura un effet durable sur le solde du système de retraite

Les projections du COR tablent sur une résorption de la partie conjoncturelle du déficit des retraites d’ici 2024, grâce à la reprise de l’activité économique. Un surcroît de déficit de nature structurelle persistera néanmoins.

a.   La reprise économique pourrait permettre la résorption du déficit conjoncturel des retraites à l’horizon 2024

Les projections du COR reposent sur les hypothèses économiques présentées par le Gouvernement dans le cadre des lois financières pour 2021. Le Gouvernement table sur un recul du PIB de 10 % en 2020, suivi d’un rebond de 8 % en 2021, 3,5 % en 2022, 2 % en 2023, avant que la croissance ne regagne son niveau potentiel, estimé à 1,4 %, en 2024.

Il convient de noter que le Haut Conseil des finances publiques estime, dans son avis rendu le 21 septembre dernier, que « la prévision d’activité pour 2020 est prudente et à l’inverse, que l’ampleur du rebond prévu pour 2021 est volontariste ». Par ailleurs, le Gouvernement fait l’hypothèse que la crise économique ne modifiera pas le sentier de croissance sur lequel se trouve notre pays, c’est-à-dire que la croissance retrouvera, une fois les effets de la crise estompés, le niveau attendu en 2019. Si ces hypothèses se vérifient, la part conjoncturelle des déficits des régimes de retraite devrait se résorber d’ici 2024.

b.   Un déficit structurel persistera, aggravant les déséquilibres déjà croissants du système de retraite

Comme le montre le graphique ci-après, si les hypothèses économiques mentionnées précédemment se réalisent, le déficit du système de retraite qui persistera à partir de 2024 sera de nature essentiellement structurelle, c’est-à-dire qu’il ne sera plus lié à la conjoncture, mais aux paramètres même du système de retraite (évolution de la démographie et des comportements d’activité, ainsi que des modalités de financement des régimes de retraite).

Ce déficit structurel devrait s’établir à 0,5 % du PIB en 2024, soit environ 13,3 milliards d’euros. On observe, sur le schéma suivant (figure 2-5), que ce solde se maintiendrait de manière pérenne 0,2 % en dessous de ce qu’il aurait été sans la crise sanitaire. Celle-ci aura donc bien un effet durable sur les équilibres du système de retraite. La note d’étape du COR ne permet pas d’apprécier ces effets au-delà de 2024 ; le rapport final, qui paraîtra à la fin du mois de novembre, devrait donner plus d’éléments sur ces effets à long terme de la crise sanitaire sur les retraites. Une note publiée par l’Institut Montaigne le 27 octobre dernier ([2]) anticipe un déficit des régimes de retraite supérieur à 30 milliards d’euros en 2030, ce qui représente une dégradation d’au moins 20 % par rapport aux scénarios établis par le COR en novembre 2019.

 

B.   moins affectés par la crise, les rÉgimes du cas pensions et de la mission régimes sociaux et de retraite posent aussi un problème de soutenabilité

Le présent rapport pour avis porte spécifiquement sur deux missions du budget de l’État qui retracent sa contribution au financement de régimes de retraite. S’agissant du CAS Pensions, la contribution de l’État – à un niveau cependant très élevé – découle principalement de son statut d’employeur des agents civils et militaires. Pour la mission Régimes sociaux et de retraite, cette contribution constitue un effort de solidarité nationale envers des régimes structurellement déséquilibrés et, pour nombre d’entre eux, en voie d’extinction.

Pour l’ensemble de ces régimes, le niveau de la contribution de l’État et son évolution posent un problème de soutenabilité. La contribution de l’État à l’équilibre des régimes spéciaux s’élève en 2021 à 6,2 milliards d’euros. Par ailleurs, d’après le rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2020, « la dépense du budget général pour les retraites de ses fonctionnaires se monte à 42,5 milliards d’euros (+ 0,9 % par rapport à 2017). La contribution de l’État aux régimes de retraite des fonctionnaires et des ouvriers de l’État représente désormais 12,8 % du budget général contre 11,3 % en 2006. » Les ordres de grandeur en jeu sont donc considérables : l’État consacre 49 milliards d’euros pour financer les régimes spéciaux et les retraites des agents de l’État.

1.   La mission Régimes sociaux et de retraite retrace le financement de régimes spéciaux structurellement déséquilibrés

La mission Régimes sociaux et de retraite subventionne des régimes spéciaux pour la plupart très anciens – antérieurs à la création de la sécurité sociale – qui ont pour caractéristiques communes de connaître un fort déséquilibre démographique et d’être dans l’impossibilité de s’autofinancer.

Parmi ces régimes, certains sont désormais clos ; leur déséquilibre est ainsi appelé à s’accroître jusqu’à leur extinction, du fait de l’absence de nouveaux cotisants. D’autres sont encore actifs et, dans ce cas, la stratégie de l’État a consisté à aligner progressivement leurs caractéristiques sur celles de la fonction publique.

Ces régimes sont rassemblés dans trois programmes :

– le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ;

– le programme 197 Régime de retraite et de sécurité sociale des marins

– le programme 195 Régime de retraite des mines, de la SEITA et divers.

Les recettes de ces régimes – à l’exception du régime des marins – n’ont pas été véritablement affectées par la crise, les agents de ces régimes étant généralement protégés par leur statut public ou parapublic, qui joue un rôle d’amortisseur dans un contexte de crise économique.

a.   Le régime spécial – désormais clos – de la SNCF

Le programme 198 porte, sur son action n°3, le financement du régime de retraite du personnel de la SNCF. Ce régime est désormais clos, depuis la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ([3]), qui prévoit que la SNCF cesse de recruter au statut SNCF à compter du 1er janvier 2020. Désormais, les nouveaux agents recrutés par le groupe public sont ainsi affiliés au régime général, la CNAV et l’AGIRC-ARRCO assurant l’encaissement de leurs cotisations et le paiement de leurs droits futurs.

En conséquence, le régime spécial de la SNCF n’est plus financé que par un groupe fermé de cotisants – les agents recrutés avant 2020 – dont la population est appelée à décroître d’année en année. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit le versement d’une compensation à l’État de la part de la CNAV et de l’AGIRC-ARRCO, qui perçoivent désormais les cotisations des nouveaux agents de la SNCF sans avoir à verser de pensions. Une convention doit venir préciser les modalités de cette compensation, qui demeurera nettement insuffisante pour compenser le déséquilibre croissant du régime spécial de la SNCF.

Au total, en 2019, le régime spécial de la SNCF comptait 134 991 cotisants pour 252 356 retraités, soit un ratio démographique d’environ 0,63, en dégradation constante. Ce régime doit ainsi faire appel à un effort croissant de l’État, visant à compenser son déficit démographique ainsi que les dispositions dérogatoires bénéficiant à ses agents, bien que celles-ci aient été réduites au fil des réformes. L’évolution de l’âge moyen de départ à la retraite de ces agents au statut SNCF en témoigne :

âge moyen de départ à la retraite des personnels au statut sncf

 Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021, mission Régimes sociaux et de retraite

La contribution apportée par l’État au régime spécial de la SNCF est ainsi en augmentation par rapport à la loi de finances pour 2020, s’établissant à 3 290 millions d’euros, contre 3 274 millions d’euros en 2020. Le projet annuel de performances précise que « les effets sensibles de la fermeture du statut sur le niveau de la subvention d’équilibre de l’État ne se feront sentir qu’à long terme, compte-tenu du stock à date de salariés encore au statut à la SNCF ».

     Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021 – mission Régimes sociaux et de retraite

b.   Le régime spécial de la RATP

L’action n°4 du programme 198 porte le financement de la Caisse de retraite de la RATP. À la différence de la SNCF, ce régime n’est pas fermé. Les réformes successives des retraites doivent néanmoins limiter le déséquilibre de ce régime en rapprochant les dispositions applicables au personnel de la RATP de celles de la fonction publique (âge de départ à la retraite, taux de cotisation, durée d’assurance).

On assiste en effet à un recul progressif de l’âge moyen de départ à la retraite des agents de la RATP, qui devrait se stabiliser en 2024. Cette moyenne recouvre des différences de situation importantes, certains métiers bénéficiant de départs anticipés eu égard à leur pénibilité.

age moyen de départ à la retraite des personnels de la ratp

 

 Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021 – mission Régimes sociaux et de retraite

 

En dépit de ces réformes, l’effort de l’État en faveur de ce régime de retraite est croissant en raison de la dégradation du ratio démographique. Ainsi en 2020, le régime devrait compter 42 500 cotisants pour 52 456 retraités, soit un ratio démographique de 0,84. En conséquence, la subvention de l’État augmente de 717,5 millions d’euros en 2020 à 737 millions d’euros en 2021.

        Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021 – mission Régimes sociaux et de retraite

c.   Le régime de retraite et de sécurité sociale des marins

Le programme 197 retrace la participation financière de l’État au régime spécial de sécurité sociale des marins et des gens de mer. Ce régime n’étant pas géré par un organisme de sécurité sociale, mais par un établissement public, l’établissement national des invalides de la marine (ENIM), le programme 197 porte également la subvention pour charges de service public de cet établissement.

La contribution de la solidarité nationale au financement de ce régime résulte de la démographie très déséquilibrée de la profession des marins et des droits dérogatoires dont ils bénéficient pour la liquidation de leurs pensions. Ainsi en 2021, le ratio actifs/pensionnés devrait être d’environ 0,27, avec 28 781 actifs pour 107 263 pensions directes et réversions.

De ce fait, la subvention de l’État représente plus des trois quarts des dépenses de la branche vieillesse de ce régime. Néanmoins, la subvention globale versée à ce programme diminuera en 2021, pour s’établir à 810 millions d’euros, contre 823 millions d’euros en 2020. Cette baisse s’explique par le rythme de diminution du nombre de pensionnés, de l’ordre de 1 % par an.

Une incertitude demeure néanmoins sur le montant de la subvention qui sera réellement nécessaire pour équilibrer les comptes de ce régime en 2021. En effet, les marins et gens de mer comptent parmi les professions affectées par la crise, mais l’ENIM n’est pas encore en mesure d’évaluer l’impact de cette crise sur l’activité maritime.

d.   Le financement de divers dispositifs et de régimes en voie d’extinction

Le programme 195 porte la subvention de l’État à des régimes en voie d’extinction, dont certains sont pratiquement éteints. En l’absence, ou presque, de cotisants, ces régimes ne peuvent s’autofinancer. Néanmoins, la baisse du nombre de pensionnés induit une diminution progressive de la subvention de l’État, qui atteint encore néanmoins le montant substantiel de 1 148 millions d’euros en 2021, contre 1 203 millions d’euros en 2020.

Cette subvention finance principalement le fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, à hauteur de 1 011 millions d’euros (220 000 pensionnés pour 1 080 cotisants), mais également le régime de retraite de l’ancienne société d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA), fermé depuis 1980, à hauteur de 136 millions d’euros (7 633 pensionnés, aucun cotisant) ; la caisse de retraite des régies ferroviaires d’outre-mer pour un million d’euros (75 pensionnés) : et les versements liés à la liquidation de l’office de radiodiffusion télévision française (ORTF), pour un montant de 100 000 euros (rentes d’accident du travail, allocations sur‑complémentaires de retraite).

Il convient de noter que le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres finance, outre les retraites de la RATP et de la SNCF (cf. supra), le congé de fin d’activité (CFA) des conducteurs routiers (144 millions d’euros) ainsi que leur complément de pension, et les pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer (22 millions d’euros). Ces subventions diverses, retracées par l’action n° 5 du programme 198, sont globalement en hausse par rapport à 2020, de 152 à 168 millions d’euros.

2.   Peu sensible à la crise, le CAS Pensions est systématiquement équilibré par l’ajustement de la contribution de l’État

a.   Le CAS Pensions retrace principalement le financement des pensions des agents civils et militaires de l’État

Selon les termes de l’article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ([4]), « les comptes d’affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ». Ce même article prévoit explicitement l’existence d’un compte d’affectation spéciale (CAS) destiné à retracer « les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires ».

C’est l’objet du CAS Pensions ici examiné. Conformément à l’article 21 de la LOLF, les dépenses du CAS Pensions sont systématiquement équilibrées par des recettes, et le solde budgétaire retracé par ce compte doit être excédentaire à tout moment. Les recettes sont essentiellement constituées de contributions employeurs et de cotisations salariales, que peuvent compléter des versements du budget général.

Les opérations répertoriées par le CAS Pensions sont réparties en trois programmes :

– le 741 qui retrace les opérations relatives au régime de retraite et d’invalidité des fonctionnaires de l’État (94 % de la dépense totale) ;

– le 742, qui retrace les opérations du fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État et du fonds gérant les rentes d’accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (3 % du total) ;

– le 743, qui retrace les opérations liées aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et à d’autres allocations viagères (3 % du total).

b.   En 2021, les dépenses et recettes du CAS Pensions s’accroîtront essentiellement sous l’effet des évolutions démographiques

En 2021, les recettes prévues pour le CAS Pensions (égalant les dépenses anticipées) s’élèvent à 60 984 millions d’euros, contre 61 028 millions d’euros en 2020 (cf. tableau ci-dessous).

Dans le détail, des dépenses à hauteur de 57 505 millions d’euros sont anticipées pour le régime de la fonction publique d’État, contre 57 474 millions d’euros en 2020. Il s’agit d’une progression modérée (+ 0,2 %), permise par la modération des rémunérations indiciaires, le gel du point d’indice et la fin de la convergence du taux de cotisation salariale des fonctionnaires sur le privé (taux de 11,1 % à compter de 2020). En effet, le Gouvernement précise que les dépenses de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l’État augmentent en moyenne de 3,9 % par an depuis 1990, soutenues principalement par l’augmentation du montant de la pension moyenne (+ 2,3 % par an), davantage que par la croissance des effectifs de pensionnés (+ 1,6 % par an). Cette augmentation du nombre de pensionnés s’est significativement ralentie à partir de 2012, notamment en raison de la réforme des retraites.

Les dépenses de ce régime sont financées très majoritairement par les retenues pour pensions sur les traitements des fonctionnaires ainsi que par les contributions employeur. Il convient de noter que l’équilibre du compte est notamment permis par l’adaptation du taux de contribution employeur de l’État, fixé pour 2021 à 74,28 % pour les personnels civils et à 126,07 % pour les personnels militaires. Ces taux n’ont cessé d’augmenter entre 2006 et 2014 (+ 3 % par an) afin d’équilibrer le compte, et se sont stabilisés depuis (cf. tableau).

 Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021 – CAS Pensions

À côté de l’État, les autres employeurs publics (établissements publics, hôpitaux, collectivités locales) ainsi que certains employeurs privés versent également des contributions pour les fonctionnaires de l’État qui leur sont détachés.

 

récapitulation des crédits du cas pensions en 2021

 Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2021 – CAS Pensions

 

C.   en révélant et accentuant les fragilités et inégalités, la crise renforce la nécessité d’une réforme des retraites

Les premières statistiques disponibles sur la période du confinement et la crise économique qui s’en est suivie montrent que cette crise n’affecte pas tout le monde de la même manière. Selon leur statut – publié ou privé, indépendant ou salarié, selon leur secteur d’activité, selon la taille de leur entreprise, selon leur catégorie socioprofessionnelle, selon leur âge, tous les travailleurs ne sont pas touchés de la même façon. À cet égard, votre rapporteur observe que les femmes, relativement aux hommes, cumulent les désavantages dans cette crise.

Globalement, la crise tend à renforcer les inégalités sur le marché du travail, à fragiliser davantage les individus les plus précaires. Cette situation vient renforcer la nécessité d’une réforme du système de retraite, afin qu’il soit plus équitable et ne vienne pas pénaliser encore, à l’heure de la retraite, celles ou ceux qui auront déjà été désavantagés dans leur parcours professionnel.

1.   La crise actuelle agit comme un révélateur et un amplificateur des fragilités et inégalités

a.   Les publics les plus touchés par la crise sont souvent ceux qui étaient déjà vulnérables auparavant

À l’échelle macro-économique, la crise économique affecte plus fortement les secteurs les plus exposés aux mesures sanitaires et de distanciation sociale : hôtellerie-restauration, transports, services culturels et de loisirs en particulier. Elle conduit ainsi à forger de nouvelles inégalités selon les secteurs d’activité.

Mais à l’échelle individuelle, les publics les plus touchés par la crise sont en réalité ceux qui étaient déjà les plus fragiles auparavant. Ce fait est souligné par les enquêtes publiées depuis le confinement, notamment par l’INSEE ([5]) et l’INSERM ([6]). Ces enquêtes révèlent que les personnes aux revenus les plus modestes ont été celles qui ont subi le plus de mesures de restriction d’activité : chômage technique ou partiel, non-renouvellement de contrats. Ainsi, selon l’INSERM, « les mesures de chômage partiel ou de chômage technique ont concerné davantage les jeunes, et les milieux populaires, dont le rapport à l’emploi était déjà fragile avant la crise sanitaire. Ainsi, les ouvriers, les immigrés de première génération, et les personnes les moins aisées financièrement ont été beaucoup plus souvent concernées par ces mesures que les autres catégories sociales. La distribution sociale de ces mesures révèle la réalité des inégalités sociales préexistantes ».

Logiquement, les personnes les plus modestes sont aussi celles qui déclarent le plus souvent que leur situation financière s’est dégradée au cours de cette période. Selon l’INSERM, « les personnes qui sont passées en chômage technique ou partiel ont été, logiquement, fortement affectées. Les catégories sociales les plus touchées sont les professions les plus vulnérables à la crise : agriculteurs, indépendants et entrepreneurs, ouvriers, personnes sans emploi, mais aussi plus largement, personnes à faible revenu et personnes immigrées de première et seconde génération ».

Il convient de noter que la crise a aussi pour effet d’accroître les inégalités entre travailleurs et retraités. Une note publiée par l’Institut Montaigne en juin 2020 ([7]) souligne ainsi qu’« alors que la rémunération moyenne nette devrait baisser de 5,3 % entre 2019 et 2020, la pension moyenne, décorrélée de la situation économique, serait en hausse de 1,2 % », de sorte que « le niveau de vie des retraités, qui était 4,8 % supérieur à celui de l’ensemble de la population en 2019, serait désormais 10,3 % supérieur en 2020 ».

b.   Les femmes sont très présentes parmi ces publics fragilisés et désavantagés

Le 21 juillet 2020, Mme Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), a publié une tribune dans laquelle elle alertait sur « les effets disproportionnés » de la covid-19 sur les femmes et « sur leur statut économique ». Elle appelait les dirigeants internationaux à des politiques publiques destinées à atténuer ces conséquences négatives pour les femmes, avertissant que « la pandémie de covid-19 menace d’effacer les gains obtenus sur le plan des possibilités économiques offertes aux femmes, creusant les écarts qui persistent entre les sexes en dépit de 30 ans de progrès ».

Certains facteurs de risques mentionnés par la tribune du FMI concernent plutôt les femmes des pays en développement, à l’image des emplois informels majoritairement occupés par des femmes ; mais d’autres s’appliquent, de manière très préoccupante, à notre pays.

Les secteurs d’activité qui concentrent une majorité de femmes ont la particularité de se situer aux deux extrémités du spectre des secteurs affectés par la covid-19. Les femmes sont en effet majoritaires dans les secteurs indispensables à la gestion de la crise sanitaire ; elles sont et ont été fortement sollicitées à ce titre, y compris pendant la période de confinement : soignants et personnels techniques dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux, secteur des soins à domicile.

À l’opposé, les femmes sont également nombreuses dans les secteurs « sociaux » les plus durement touchés par la distanciation physique et les mesures d’atténuation : services, distribution, tourisme, hôtellerie en particulier.

Par ailleurs, la tribune du FMI souligne que les inégalités en termes de partage des tâches domestiques et ménagères entre hommes et femmes ont été exacerbées par la crise sanitaire. D’après le FMI, les femmes ont assumé la plus grande part des responsabilités familiales, notamment dans le contexte de fermeture des écoles, et mettent plus de temps à retravailler à temps complet après leur réouverture.

Cette observation semble confirmée, en France, par l’enquête de l’INSEE susmentionnée ([8]), qui relève que, parmi les personnes en emploi, « les mères ont deux fois plus souvent que les pères renoncé à travailler pour garder leurs enfants » (21 % des femmes, contre 12 % des hommes), tandis que 45 % des femmes ont assumé une « double journée » (au moins quatre heures de travail professionnel et quatre heures de garde d’enfants), contre seulement 29 % des hommes. L’INSEE souligne particulièrement la situation des familles monoparentales (à 85 % des femmes) qui ont éprouvé le plus de difficultés à assurer le suivi scolaire de leurs enfants.

Mme Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l’égalité, a par ailleurs souligné, lors de son audition, que l’introduction massive du télétravail dans les organisations professionnelles a des effets ambivalents pour les femmes. S’il simplifie, par certains côtés, la conciliation de la vie de famille et de la vie professionnelle, il induit également une hausse de la charge mentale des femmes, en raison de l’effacement de la frontière entre ces deux « mondes ». Selon Mme Trostiansky, la situation des femmes et des hommes n’est pas égale face au télétravail ; par exemple, seulement 25 % des femmes peuvent télétravailler dans une pièce dédiée, contre 41 % des hommes.

2.   La crise ravive la nécessité d’une réforme des retraites de nature à atténuer ces déséquilibres

La crise affecte davantage les plus fragiles, elle diminue leurs revenus d’activité, elle accroît leur recours au chômage et à l’emploi partiel, elle génère des interruptions de carrière, elle pose en des termes plus problématiques encore l’impératif de conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale… Toutes ces difficultés et ces accidents de parcours sont aujourd’hui exacerbés par notre système de retraite, qui favorise les carrières longues et ascendantes. De plus, les déséquilibres entre régimes de retraite sont renforcés par le fait que certaines catégories professionnelles sont plus touchées que d’autres par la crise. Ce constat vient nous rappeler que la réforme des retraites reste aujourd’hui indispensable pour assurer la soutenabilité financière du système et pour garantir plus d’équité et mieux protéger les plus fragiles.

a.   Il semble inévitable d’équilibrer le système de retraite à moyen et long terme

L’ambition du projet de loi sur le système universel de retraite était à la fois de garantir les équilibres financiers du système de retraite et de refondre l’intégralité des régimes de retraite dans un système unique, universel, pour plus de justice, de simplicité et de lisibilité.

Les projections financières sur lesquelles a été bâtie la réforme adoptée en mars 2020 sont désormais complètement dépassées, la crise économique ayant durablement bouleversé les équilibres financiers (cf. I.A). Néanmoins, l’adoption de mesures destinées à équilibrer le système (recul de l’âge de la retraite, allongement de la durée de cotisation) paraît compliquée tant que perdure la crise économique. D’une part, la crise sanitaire étant appelée à durer, les projections financières sont encore très aléatoires et instables. Ainsi les projections du COR parues en octobre dernier (cf. supra) seront inéluctablement révisées sous l’effet de la « deuxième vague » de la covid-19. 

En outre, il paraît inconcevable d’adopter à court terme des mesures d’équilibrage du système de retraite. La Banque de France prévoit la destruction d’un million d’emplois en France au cours des prochains mois ; dans ce contexte, maintenir plus longtemps les seniors en emploi aboutirait à retarder d’autant l’entrée des jeunes sur le marché du travail. D’autres pistes sont mises en avant, comme un prélèvement sur les retraités, relativement « à l’abri » de la crise ; il convient néanmoins d’avoir en tête que leur niveau de vie n’a pas progressé avec la crise.

D’après M. Gérard Rivière, président du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), « pour 2020-2021, il n’y a pas d’urgence à prendre des décisions » ; la gestion des déficits cumulés jusqu’à 2024 ne devrait pas poser de problème car leur traitement est assuré – à condition que la situation économique ne se dégrade pas plus que prévu. Le Gouvernement a ainsi pris le parti de ne pas adopter de mesures paramétriques dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021, estimant que la situation n’était pas encore suffisamment stabilisée. Votre rapporteur juge cette décision pertinente, au vu du contexte « multi-crises » que nous connaissons.

b.   Une réforme systémique reste indispensable pour garantir plus de justice et de lisibilité, et doit être préparée

Votre rapporteur défend la vision et l’ambition qui avaient poussé la majorité à entreprendre une réforme d’ensemble du système de retraite. Depuis leur mise en place, par strates successives, nos régimes de retraite ont fait l’objet d’ajustements multiples pour limiter leurs déséquilibres financiers. Mais jamais une réforme globale n’a été entreprise. Pourtant, nul ne conteste qu’aujourd’hui, la situation est largement sous-optimale. Notre système est d’une complexité extrême, la gestion de tous ces régimes juxtaposés engendre des coûts excessifs, la situation des polypensionnés – de plus en plus fréquente – est un véritable casse-tête. Et surtout, ce système de retraite est profondément inéquitable. Qui peut justifier que certaines catégories professionnelles aient droit à des retraites beaucoup plus avantageuses que d’autres ? Qui peut justifier que des personnes déjà pénalisées dans leur parcours professionnel le soient doublement à l’heure de la retraite ?

Votre rapporteur estime donc que c’est avec une volonté de progrès similaire à celle qui a animé les inventeurs de la sécurité sociale en 1945 que nous devons aujourd’hui aborder la réforme des retraites. Ainsi dans 50, dans 70 ans, nous aurons légué à nos enfants et petits-enfants un système de retraite modernisé, résilient, soutenable et protecteur de leurs droits.

Votre rapporteur convient néanmoins qu’une telle réforme ne s’improvise pas. Il faut donc mettre à profit la « pause » actuelle pour mieux examiner ce que pourrait être le futur système, en associant davantage les citoyens, en renforçant les simulations et la communication sur cette problématique, en réexaminant les points dont la sensibilité est apparue lors des débats sur le projet de loi instituant le système universel de retraite, l’hiver dernier.

Parmi ces points, il en est un que votre rapporteur a choisi de mettre plus particulièrement en lumière dans ce rapport, parce que c’est une question fondamentale, particulièrement en cette période de crise : il s’agit de l’égalité entre femmes et hommes pour les retraites.


II.   retraites et égalité FEMMES-HOMMES : clarifier les enjeux pour apaiser les dÉbats

Les régimes de retraite actuels compensent en partie, inégalement, à l’heure de la retraite, les inégalités importantes qui persistent entre les parcours professionnels des hommes et des femmes, en dépit d’une résorption partielle de ces inégalités.

Le système de retraite futur devra maintenir et même améliorer cette protection spécifique des droits des femmes ; mais des progrès sont également indispensables en amont, pour renforcer l’égalité professionnelle entre femmes et hommes.

A.   le constat est bien connu

1.   Les femmes ont des retraites en moyenne 40 % plus faibles que les hommes

a.   Des écarts de pension qui se réduisent mais persisteront

En 2017, les pensions de droits directs des femmes (hors pensions de réversion et hors majorations pour trois enfants et plus) représentaient en moyenne 62 % de celles des hommes, selon les statistiques du Conseil d’orientation des retraites ([9]) (cf. schéma ci-dessous). Cette statistique globale masque néanmoins un important effet de génération. Ainsi, pour la dernière génération observée, née en 1950 et qui a 66 ans en 2016, ce rapport vaut 68 %, alors que, pour les générations nées en 1926 et 1938, il valait respectivement 55 % et 58 %.

Ainsi, on observe une tendance à la résorption des écarts de pensions de droit direct entre les femmes et les hommes, le ratio global étant passé de 55 % en 2005 à 62 % en 2017. En tenant compte de l’ensemble des droits directs et indirects (réversions), le rapport moyen des pensions des femmes et des hommes est passé de 70 % en 2005 à 75 % en 2017. Le COR prévoit que ce rapport global va continuer à augmenter jusqu’à se stabiliser aux alentours de 88 % à l’horizon 2070.

Les prévisions du COR révèlent ainsi que, parmi les jeunes générations actuellement scolarisées dans le secondaire, il persistera, à l’heure de la retraite, un écart substantiel de pensions entre les hommes et les femmes, de l’ordre de 12 %. Si cet écart est deux fois moindre qu’aujourd’hui, il demeure préoccupant, d’autant qu’il est appelé à stagner.

Le COR nuance l’importance des écarts de pension entre femmes et hommes en mettant en avant la notion de niveau de vie des retraités. Cette notion prend en compte la mutualisation des ressources au sein du ménage et les revenus autres que les pensions : revenus du patrimoine, transferts sociaux, etc. Il relève que les écarts de niveau de vie entre femmes et hommes sont nettement moins importants que les écarts de pensions, de l’ordre de 4,8 % en 2016.

Ce constat est néanmoins très lié à la situation matrimoniale des femmes. Il est probable que la part liée à la mutualisation des ressources au sein du couple connaisse une évolution inverse à la part liée aux pensions dans le niveau de vie des femmes retraitées, en raison de la baisse de la nuptialité et de l’augmentation des divorces.

À cet égard, les travaux du COR attirent l’attention sur la situation particulière des divorcées retraitées, particulièrement touchées par la pauvreté (cf. tableau ci-dessous). Le COR s’attend à ce que la situation des célibataires retraitées se dégrade également à l’avenir, en raison d’une évolution de la sociologie du célibat. En effet, sa montée en puissance s’est d’abord effectuée « parmi les femmes les plus diplômées et les plus investies dans leur vie professionnelle, avant de se diffuser dans tous les milieux sociaux ». 

 Source : rapport annuel du COR – juin 2019

b.   Un constat à nuancer selon les régimes de retraite

Les remarques générales sur les inégalités de pensions entre hommes et femmes recouvrent en réalité une grande diversité de situations selon les régimes de retraite :

Cette hétérogénéité résulte en partie des caractéristiques particulières de chaque milieu socio-professionnel, mais elle est aussi le fruit d’une prise en compte différenciée des droits des femmes dans chaque régime. Cette situation nous ramène à l’impératif d’un système plus équitable, caractérisé par un alignement vers le haut de ces droits, dans le cadre d’un régime de retraite universel.

c.   La France dans une situation globalement peu favorable au sein de l’OCDE

Les travaux de l’OCDE montrent que les écarts de pensions entre les hommes et les femmes, en cumulant les droits directs et les droits indirects, sont nettement plus importants en France que dans la moyenne de l’OCDE.

 

écarts entre le montant des retraites des femmes et des hommes dans l’OCDE

Écart entre le montant des retraites des hommes et des femmes âgés de 65 ans et plus calculé au moyen de la formule suivante : retraite moyenne des femmes / retraite moyenne des hommes, en 2016.

Source : OCDE, 2019 Pensions at a Glance, Figure 1.6

2.   Ces retraites reflètent les inégalités dans les parcours professionnels des femmes et des hommes

Les pensions étant le reflet des carrières passées, les inégalités de pensions résultent avant tout des inégalités dans le monde professionnel. Globalement, les femmes ont des carrières moins favorables que les hommes et accumulent moins de droits à retraite.

a.   Leurs carrières sont plus heurtées

L’écart entre le taux d’emploi des femmes et des hommes s’est réduit à tous les âges depuis 1975. On observe néanmoins une persistance de cet écart, y compris pour les plus jeunes générations :

Cet écart du taux d’emploi entre femmes et hommes est maximal entre 25 et 39 ans, où il avoisine les 10 %. Il est ainsi manifestement un effet de la maternité pour les femmes ; l’INSEE s’attend d’ailleurs à ce qu’il persiste à l’horizon 2070 ([10]).

Par ailleurs, lorsqu’elles sont en emploi, les femmes sont beaucoup plus souvent que les hommes à temps partiel. Ainsi, l’augmentation du taux d’emploi des femmes s’est accompagnée d’une augmentation de leur recours au temps partiel (cf. ci-dessous, figure 2.63). Actuellement, environ 30 % des femmes sont à temps partiel, contre 7,9 % pour les hommes.

Ces différences de taux d’emploi et de taux d’emploi à temps plein traduisent une réalité qui semble encore irréductible en France aujourd’hui : les femmes assument, davantage que les hommes, la charge des tâches domestiques et familiales, notamment l’éducation des enfants ou l’aide aux personnes âgées dépendantes, ce qui les conduit à interrompre leur carrière ou à réduire leur activité.

Cette situation a un effet très concret sur les retraites : les femmes, cotisant sur des durées plus faibles, accumulent moins de droits.

b.   Leurs salaires sont plus faibles

Cet effet volume se double d’un effet prix : les femmes ont des salaires en moyenne plus faibles que les hommes, y compris en neutralisant l’effet du temps partiel.

Le COR montre ainsi que les écarts de salaires en équivalents temps plein entre hommes et femmes se sont réduits de 10 points dans les années 1970 et 1980, avant de se stabiliser au début des années 1990. Depuis lors, le salaire moyen des femmes est en moyenne 20 % plus faible que celui des hommes.

Cet écart s’explique en partie par les caractéristiques différenciées des emplois occupés par les femmes et les hommes. Les femmes sont en moyenne plus diplômées que les hommes, pourtant elles occupent souvent des positions socioprofessionnelles moins favorables, dans des secteurs d’activité moins rémunérateurs. Cela résulterait en partie des choix faits par les femmes, lesquelles rechercheraient des emplois plus facilement compatibles avec une vie de famille, mais souvent moins rémunérateurs.

Une partie (environ 5 %) de l’écart de rémunération entre femmes et hommes ne peut toutefois pas être expliquée par les postes occupés. Il s’agit, selon le COR, « soit des effets de variables non observées, soit de pratiques de discrimination salariale ».

De fait, la problématique des discriminations salariales reste très prégnante, ainsi que l’illustrent les résultats de l’index sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. La publication de cet index a été rendue obligatoire par le Gouvernement dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés. Il repose sur des critères tels que le nombre de femmes dans les dix plus hautes rémunérations, ou encore l’application de revalorisations salariales au retour de congé maternité. En 2019, 17 % des entreprises ont obtenu un score de moins de 75 points, considéré comme mauvais. En 2020, elles n’étaient plus de 4 % à avoir moins de 75 points, ce qui suggère que, d’une part, les progrès sont possibles, et d’autre part, la vigilance est de mise…

3.   Les dispositifs redistributifs, en bénéficiant davantage aux femmes, atténuent ces inégalités de pensions

Les différents régimes de retraites comprennent des dispositifs de solidarité qui attribuent des droits à pensions supplémentaires, sans lien direct avec les cotisations versées. Ces dispositifs de solidarité sont d’abord en lien avec les enfants : majoration de durée d’assurance (MDA) au titre de la naissance d’un enfant, majoration de pension pour trois enfants et plus, assurance vieillesse pour les parents au foyer (AVPF). Il existe par ailleurs des dispositifs de départ anticipé au titre de la pénibilité, des minima de pensions, des périodes assimilées à des périodes de travail pour la retraite (chômage, maladie, maternité, etc.).

 Ces différents dispositifs de solidarité bénéficient majoritairement aux femmes. Elles sont les bénéficiaires quasi-exclusives des MDA et de l’AVPF et reçoivent plus des trois quarts des sommes versées au titre des minima de pension. Ces dispositifs de solidarité représentent, en 2016, 25,5 % des pensions versées aux femmes, contre 14,6 % pour les hommes.

 

Vue sous un autre angle, en l’absence de dispositifs de solidarité, la pension moyenne d’une femme serait de 795 euros mensuels, à peine plus de la moitié de celle d’un homme (1 483 euros). Avec ces dispositifs, la pension des femmes est rehaussée à 1 066 euros en moyenne, contre 1 690 euros pour les hommes, l’écart entre les deux se trouvant réduit de 10 points (cf. ci-dessous).

Cet écart se réduit encore si l’on prend en compte les pensions de réversion, qui bénéficient à 94 % à des femmes.

 

B.   Le système universel de retraite est protecteur des droits des femmes

Lors de la présentation, en décembre 2019, de son projet de loi instituant un système universel de retraite, le Gouvernement a mis en avant le fait que les femmes seraient les « grandes gagnantes » de cette réforme. Comme le souligne Mme Monika Queisser, cheffe de la division des politiques sociales de l’OCDE, un système de retraite n’est pas en soi favorable ou défavorable aux femmes, qu’il soit à points ou fonctionne selon d’autres modalités. Ce sont les dispositifs redistributifs mis en place qui importent, et qu’il convient d’examiner.

Au terme de ses auditions, votre rapporteur a acquis la conviction que le système universel de retraite tel qu’adopté en première lecture à l’Assemblée nationale en mars dernier comporte, en effet, plusieurs avancées favorables à l’égalité entre femmes et hommes.

1.   Le projet de loi valorise mieux les carrières courtes et hachées, ce qui est favorable aux femmes

Le système de retraite proposé par le Gouvernement repose sur un principe de plus grande contributivité. Il s’agit de mieux valoriser chaque moment de la carrière, en supprimant certains effets anti-redistributifs du système actuel.

À titre d’exemple, actuellement, les revenus inférieurs à 150 heures payées au SMIC ne permettent pas de valider un trimestre, et ne sont pas pris en compte pour la retraite. À l’inverse, avec le système à points, chaque heure travaillée rapporterait des points pour le calcul de la retraite.

En outre, le nouveau système doit indexer la valeur des points sur l’évolution des salaires, et non plus sur l’inflation. Cela permettrait aux salariés de mieux faire valoir leurs débuts de carrière, un avantage pour les femmes dont les carrières sont souvent moins ascendantes et plus heurtées.

Par ailleurs, la mise en place d’un âge d’équilibre est assortie, dans le projet de loi, de la suppression progressive de l’âge d’annulation de la décote, aujourd’hui fixé à 67 ans. 20 % des femmes doivent, du fait de leurs carrières courtes et hachées, attendre cet âge pour bénéficier du taux plein. L’instauration d’un âge d’équilibre autour de 64 à 65 ans permettrait ainsi à ces femmes de partir à la retraite à taux plein deux à trois ans plus tôt.

Au total, la mise en place d’un système caractérisé par une meilleure contributivité devrait se faire au bénéfice de nombreuses femmes dont les carrières, courtes et interrompues, parfois stagnantes sur le plan de la rémunération, sont sous-valorisées à l’heure de la retraite.

2.   Les droits familiaux sont refondus pour profiter à toutes les mères, dès le premier enfant

Le projet de loi instituant un système universel de retraites procède à une refonte globale de l’enveloppe des droits familiaux. Ces derniers reposent aujourd’hui principalement sur les majorations de durée d’assurance (MDA), l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et les majorations pour trois enfants et plus. Cependant, ce dernier avantage bénéficie principalement aux hommes, ainsi que l’illustre le tableau 2.70 supra. Quant aux majorations de durée d’assurance, elles sont inutiles et « perdues » pour les femmes ayant cotisé le nombre de trimestres nécessaire pour bénéficier du taux plein.

Le Gouvernement a ainsi conçu un mécanisme destiné à bénéficier à chaque mère, dès le premier enfant. Ce mécanisme repose sur une majoration de pension de 5 % par enfant, dont la moitié est attribuée à la mère au titre de la maternité, et l’autre moitié attribuée par défaut à la mère et sur option au père. Cette solution permet d’éviter que la majoration de pension profite principalement aux hommes dans une optique de rentabilité – les hommes ont des salaires en moyenne plus élevés – comme c’est le cas actuellement avec la majoration pour trois enfants et plus.

En plus de cette majoration de 5 % par enfant, une majoration supplémentaire de 2 % a vocation à s’appliquer à partir du troisième enfant. Il s’agit de prendre en compte la situation particulière des familles nombreuses ; les mères de trois enfants et plus ont en effet des pensions moyennes nettement inférieures à celles des autres femmes : 831 euros, contre 1 182 euros pour les femmes ayant moins de trois enfants (cf. tableau ci-dessous). Cela tient au fait que l’activité professionnelle des femmes est très fortement réduite au-delà de trois enfants.

Par ailleurs, le projet de loi substitue à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) un dispositif d’attribution de points supplémentaires aux parents de jeunes enfants ayant de faibles ressources. L’idée est ainsi de redéployer l’enveloppe de l’AVPF en faveur des parents les plus pauvres, sans en faire une « trappe à inactivité » : l’attribution de points supplémentaires est décorrélée, dans le nouveau système, de toute interruption de carrière pour élever les enfants. Ces interruptions de carrière prolongées (chaque enfant ouvrant de nouveaux droits à l’AVPF) sont en effet perçues comme des obstacles majeurs à l’insertion professionnelle des femmes.

De l’avis général des personnes auditionnées par votre rapporteur, cette nouvelle architecture des droits familiaux est, dans l’ensemble, équilibrée et bien ciblée. Elle permet de compenser, de manière tangible et équitable pour toutes les mères, l’impact des maternités et de l’éducation des enfants sur la carrière professionnelle.

Cette nouvelle mouture des droits familiaux permet aussi de concentrer l’effort sur les femmes qui ont actuellement les plus petites pensions, et, plus généralement, sur les retraitées qui ont les niveaux de vie les plus faibles. Ainsi, par exemple, la situation des familles monoparentales (à 85 % des femmes) est mieux prise en compte par ce nouveau système.

3.   Les dispositifs de solidarité sont renforcés, au bénéfice de nombreuses femmes

Comme l’illustre le tableau 2.70 (cf. supra), les femmes sont, de loin, les premières bénéficiaires des minima de pensions, qui représentent 6,2 % de la masse de leurs pensions, contre 1,1 % pour les hommes.

Le projet de loi prévoit de remplacer l’ensemble des minima existants par une retraite minimale établie à 85 % du SMIC brut pour les assurés ayant une carrière complète. Ce montant minimum est supérieur à la plupart des minima actuels, en particulier au minimum contributif (MICO), dans le cadre du régime général, qui représente 81 % du SMIC net. L’objectif de cette retraite minimale est de faire en sorte que les personnes ayant cotisé toute leur vie aient une retraite supérieure au minimum vieillesse, qui s’élève actuellement à 900 euros.

Cette retraite minimale doit ainsi permettre de mieux valoriser, à l’heure de la retraite, les carrières longues à faibles revenus. On peut objecter que les femmes ont fréquemment des carrières incomplètes, ce qui les conduira à subir une décote sur ce minimum. Il convient néanmoins de noter que certaines périodes non travaillées pourront donner lieu à l’attribution de points comptabilisés pour ce minimum : périodes de maladie, de chômage, rachats de trimestres ou surcotisation. En outre, les majorations de pension pour enfant seront prises en compte dans ce dispositif et converties en mois de cotisation, ce qui permettra plus facilement aux mères n’ayant exercé qu’une activité partielle de parvenir au taux plein.

4.   La réversion est simplifiée et remodelée autour du principe de maintien du niveau de vie des veufs/veuves

Le projet de loi instituant un système universel de retraite propose une refonte globale des multiples mécanismes de réversion existants, autour d’un principe directeur : le maintien du niveau de vie du veuf/de la veuve, qui touchera 70 % des droits à retraite du couple.

De l’avis de tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur, la réforme des réversions est aujourd’hui indispensable, tant l’hétérogénéité et l’opacité du système sont grandes. Conditions d’âge, de ressources, de durée de mariage et taux de réversion varient selon les régimes et conduisent à des situations inéquitables et complexes pour les assurés.

Toutes les personnes auditionnées par votre rapporteur s’accordent aussi pour considérer que le taux de 70 % des droits à retraite correspond au niveau requis pour maintenir le niveau de vie du veuf ou de la veuve, du fait de la perte des économies d’échelle que permet la vie à deux.

Sous l’impulsion de l’Assemblée nationale, le Gouvernement a accepté que le bénéfice de cette réversion continue à être ouvert à partir de 55 ans, contre 62 dans le projet de loi initial.

C.   plusieurs pistes d’amélioration pour la nouvelle réforme des retraites

Votre rapporteur estime que le projet de loi instituant un système universel de retraite a mis sur la table des idées intéressantes et porteuses de progrès pour de nombreuses femmes : majorations de pension dès le premier enfant, lutte contre la pauvreté des retraitées par l’octroi de points supplémentaires aux parents à faibles revenus, réforme des réversions sur le principe unique du maintien du niveau de vie de la veuve ou du veuf, revalorisation de la retraite minimale pour faire en sorte qu’une vie passée à cotiser, même faiblement, soit valorisée à l’heure de la retraite ; plus généralement valorisation de chaque période cotisée.

Pour autant, le système adopté en première lecture est perfectible, et le rapporteur estime que certaines idées mériteraient d’être explorées plus avant. Par ailleurs, il conviendrait sans doute de conduire une action plus globale pour réduire les inégalités professionnelles entre femmes et hommes, qui pourraient bien sortir aggravées de la crise actuelle (cf. I.C). En effet, comme le souligne Mme Monika Queisser, de l’OCDE, « un système de retraite s’insère dans une totalité de mesures de politique sociale ».

1.   Conserver l’équilibre du projet de loi sur les droits familiaux

a.   Des majorations pour enfants forfaitaires : un changement de logique trop radical

Tous les interlocuteurs auditionnés par votre rapporteur sont de l’avis que le système proposé par le Gouvernement, reposant sur une majoration de pension de 5 % par enfant, assortie d’une majoration supplémentaire de 2 % à compter du troisième enfant, est une solution équilibrée, sachant qu’il faut prendre en compte la nécessité de maîtriser le volume des droits familiaux. Cette solution profite à toutes les mères, quel que soit le nombre de leurs enfants, avec un effort supplémentaire en faveur des mères de famille nombreuse qui sont actuellement les principales bénéficiaires de ces droits.

Certains estiment que l’on pourrait aller plus loin, et rendre ces droits familiaux partiellement, voire complètement forfaitaires. Chaque enfant donnerait droit à un montant donné de retraite supplémentaire, indépendamment du montant de la pension initiale.

Votre rapporteur n’est pas favorable à cette option, qui lui semble aller à l’encontre de la logique contributive de notre système de retraite. En vertu de cette logique, les personnes disposant de revenus élevés paient des cotisations plus importantes, et bénéficient en conséquence d’une retraite supérieure. Les droits familiaux découlent de la reconnaissance de l’impact des enfants sur la carrière professionnelle des parents. On ne peut donc complètement déconnecter le montant de la majoration de la carrière passée.

Les personnes favorables au forfait arguent que les majorations de pension bénéficient plus aux hommes, qui ont des revenus plus élevés. Votre rapporteur estime que le fait de réserver la moitié de la majoration à la femme, et de prévoir qu’elle bénéficiera de l’autre moitié par défaut, est de nature à protéger les droits des femmes, sans aller à l’encontre des fondements du système de retraite.

b.   Certains points méritent d’être précisés afin de mieux protéger les droits des femmes

Votre rapporteur est de l’avis que certaines questions doivent être examinées dans le but de parfaire la logique du système universel et de consolider les avancées attendues pour les droits des femmes.

Premièrement, la prise en compte des majorations pour enfants dans le cadre de la retraite minimale ; le projet de loi prévoyait que ces majorations seraient converties en mois de cotisation et intégrées, dans une certaine mesure, dans le calcul des droits à retraite, selon des modalités à définir par décret. Étant donné que beaucoup de mères de famille sont concernées par les minima de retraite et auront des difficultés pour remplir la condition du taux plein, il semble important de préciser cette prise en compte des majorations pour enfants et de faire que ces droits soient pleinement valorisés dans cette situation.

Deuxièmement, la valorisation du congé parental dans les droits à retraite : en l’état, le projet de loi ne prévoit d’attribution de points supplémentaires pour les parents de jeunes enfants que dans une logique de soutien aux ménages modestes, décorrélée de toute baisse d’activité liée aux enfants. Or, dans l’esprit du travail de la commission des 1 000 jours ([11]) et de l’allongement du congé paternité (cf. infra), il importe de valoriser les interruptions brèves de carrière des pères et des mères, durant cette période importante pour l’enfant et pour l’égalité entre femmes et hommes. Il conviendrait donc d’associer à la réflexion à venir sur le congé parental (cf. infra) une réflexion sur sa traduction en termes de droits à retraite. Si le bénéfice de ces points est soumis à des conditions de ressources et que le nombre de points pouvant être acquis est plafonné à un niveau trop bas, les parents des classes moyennes et supérieures n’auront aucune incitation à prendre ce congé, alors qu’il s’agit là d’un enjeu transversal à toutes les catégories socio-professionnelles.

2.   Affiner les contours de la réversion en maintenant l’objectif de simplification

a.   Situation des divorcé(e)s : le partage des droits à retraite, une solution à envisager

Dans sa version initiale, le projet de loi ne tranchait pas sur la question de la réversion destinée aux divorcé(e)s, sujet d’autant plus complexe que le conjoint décédé peut laisser derrière lui à la fois un(e) veuf(ve) et un(e) divorcé(e). Le Gouvernement a mandaté M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) pour étudier les options permettant de garantir un droit à retraite équitable pour les divorcés, en pratique souvent les divorcées ([12]) .

L’idée sous-jacente est que l’épouse peut avoir, durant ses années de mariage, « sacrifié » sa carrière professionnelle au profit de son époux, notamment en s’occupant de l’éducation des enfants. Pour cette raison, ses propres droits à retraite se trouvent amoindris, et il est légitime qu’elle en obtienne une compensation à l’heure de la retraite.

Votre rapporteur est de l’avis que la réversion n’est pas le bon outil pour « dédommager » la personne divorcée dans cette situation. Premièrement, la temporalité n’est pas bonne : la femme divorcée ne toucherait la réversion qu’au décès de son ex-époux. C’est pertinent pour la veuve, dont il convient de maintenir le niveau de vie à ce moment précis. Mais pour la femme divorcée, c’est au moment de la liquidation de sa propre retraite que la compensation devrait intervenir.

Pour cette raison, votre rapporteur est très favorable à ce que soit étudiée plus avant la possibilité du partage des droits à retraite accumulés pendant la durée du mariage entre les ex-époux au moment du divorce. Il faudrait étudier les modalités de ce partage ; un partage égalitaire 50/50 aurait le mérite de la simplicité mais pourrait ne pas correspondre à la situation de tous les couples (couples sans enfant, par exemple ; couples où les choix d’activité des conjoints résultent de décisions antérieures, ne dépendent pas de la situation familiale).

Le rapport de M. Fragonard propose une autre solution consistant à accroître le taux de partage en fonction du nombre d’enfants, afin de prendre en compte le fait que les droits propres des femmes diminuent proportionnellement au nombre d’enfants. Le supplément de droits du conjoint serait partagé à hauteur de 10 % pour une famille avec un enfant, 20 % avec deux enfants, et ainsi de suite.

Cette option du partage de droits permettrait de « solder les comptes » entre ex-époux au moment du divorce. Il conduirait, le plus souvent, à diminuer la retraite de l’ex-époux et à accroître celle de l’ex-épouse. Votre rapporteur estime que cette option mérite d’être étudiée de près, car le mécanisme de réversion n’est pas satisfaisant dans la situation des femmes divorcées. Le projet de loi restructure la réversion autour du principe du maintien du niveau de vie ; pour la personne divorcée, qui n’était pas en couple avec son ex-conjoint au moment de son décès, ce principe est non-pertinent. Le rapporteur invite donc le Gouvernement à reconsidérer le choix effectué en première lecture, consistant à attribuer l’intégralité de la réversion à la veuve, plus une partie de la réversion à la divorcée.

b.   Étudier l’option d’une ouverture mesurée de la réversion aux pacsés

Le projet de loi adopté en première lecture maintient le lien existant actuellement entre réversion et mariage. Dans un contexte de baisse de la nuptialité, cela aboutit mécaniquement à faire baisser progressivement le volume global des dépenses de réversion. Mais au-delà de l’économie générée, votre rapporteur s’interroge sur la pertinence de ce choix, au vu des évolutions de notre société. Cela aboutit à ne pas prendre en compte la situation de ces nombreuses femmes qui vivent en couple stable et ont des enfants dans le cadre d’un pacte civil de solidarité (Pacs).

Des échanges qu’il a eus avec le Gouvernement, votre rapporteur retient qu’il est considéré que le Pacs n’implique pas la même ambition de solidarité entre les conjoints ; en atteste sa durée moyenne, inférieure à 3 ans, alors que les mariages durent en moyenne 15 ans. Il faut néanmoins avoir en tête que l’une des causes de rupture du Pacs est le mariage. Par ailleurs, votre rapporteur estime qu’en exigeant la même durée minimale d’engagement que pour le mariage, soit deux ans, cela permettrait d’exclure du bénéfice de la réversion tous les Pacs de très courte durée.

Par ailleurs, le système de partage des droits à retraite au moment du divorce (cf. a.) prôné par votre rapporteur pourrait s’appliquer aux pacsés de la même manière, lorsqu’ils ont eu des enfants ensemble. Il semblerait en effet inéquitable de ne pas compenser les « sacrifices » consentis par les mères dans le cadre d’un Pacs, dont on n’a aucune raison de penser qu’ils sont moindres que dans le cadre d’un mariage. En outre, sur le plan de l’équilibre financier global, la hausse des dépenses de réversion qui résulterait de l’ouverture de ce droit aux pacsés pourrait être, dans des proportions à étudier, compensée par la baisse de ces dépenses résultant du partage des droits à retraite pour les divorces, système qui n’implique aucun surcoût pour la collectivité.

Votre rapporteur souhaite donc que soit étudiée plus avant la possibilité d’une ouverture de la réversion aux pacsés. L’article 71 du projet de loi adopté en première lecture dispose que « le Gouvernement remet au Parlement, un an au plus tard après l’entrée en vigueur de l’article 46, un rapport d’évaluation sur l’extension de la réversion aux couples unis par un pacte civil de solidarité, détaillant les conditions d’application du dispositif et son impact financier ». Votre rapporteur invite le Gouvernement à ne pas attendre l’adoption de la réforme des retraites pour entreprendre ce rapport d’évaluation. Il est possible et souhaitable de clarifier autant que possible, en amont des débats, les questions qui auront un impact important sur la situation des retraités, et en particulier des retraitées.

 

3.   Permettre aux couples de se projeter, communiquer pour s’assurer que les femmes connaissent leurs droits

a.   Renforcer le pouvoir informatif de l’étude d’impact sur les effets redistributifs de la réforme

En dépit des efforts du Gouvernement pour fournir une étude d’impact documentée au projet de loi de réforme des retraites, celle-ci comportait des lacunes importantes, à la fois au niveau macro et au niveau microéconomique. Cette situation a généré beaucoup d’incertitudes pour les individus, qui ne pouvaient pas déterminer avec précision quel serait l’impact global de la réforme sur leur situation.

Votre rapporteur a identifié les grandes dynamiques du système universel de retraite qui sont, dans l’ensemble, plutôt favorables aux femmes. Néanmoins, les carrières des femmes ne sont pas toutes identiques. Or, il importe que chaque femme, en fonction de sa situation, puisse se projeter et prendre des décisions en connaissant leurs effets en termes de droits à retraite.

D’après M. Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques, les données sont disponibles, notamment au sein de la CNAV, pour construire des simulations à grande échelle et multiplier les cas-type. Votre rapporteur estime qu’il faudra, dans le cadre de la future réforme des retraites, se livrer sans réserve à cet exercice. L’enjeu est d’atténuer les incertitudes générées pour les individus par le changement de système. Ces incertitudes ont joué un rôle prépondérant dans les polémiques qui ont entouré la réforme des retraites début 2020.

b.   Communiquer massivement pour aider les femmes à anticiper l’effet des décisions du couple sur les retraites

Par ailleurs, il importe que les individus, et en particulier les femmes, soient mieux informés sur les conséquences de leurs décisions en termes de droits à retraite. L’un des enjeux du système universel est d’améliorer la lisibilité de ces droits à retraite. Cet objectif n’est pas périphérique. C’est un enjeu très important pour les femmes qui peuvent, lorsqu’elles réduisent ou interrompent leur activité professionnelle pour s’occuper des enfants, lorsqu’elles acceptent un certain « déclassement » pour des motifs familiaux, ne pas avoir conscience de l’impact à long terme de ces décisions.

Ainsi, votre rapporteur se range à l’avis de Mme Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l’Égalité, qui estime qu’il faudrait mettre en place une information obligatoire des salariés dans les entreprises sur la question des droits à retraite, à partir d’un tronc commun qui pourrait être élaboré au niveau syndical. Cette obligation d’information devrait d’ailleurs être étendue à tous les secteurs ; dans une perspective d’équité, il importe que les individus, et en particulier les femmes, aient tous une égale conscience de leurs droits.

4.   Traiter en amont plusieurs questions clés pour l’équité du futur système vis-à-vis des femmes

a.   Pour une définition moins « masculine » de la pénibilité

La crise de la covid-19 vient encore une fois souligner à quel point les critères retenus par la définition de la pénibilité des métiers sont inéquitables à l’égard des femmes.

En l’état actuel des choses, le compte de prévention professionnelle (C2P), qui permet de prendre en compte l’exposition à des risques professionnels particuliers et ainsi de partir plus tôt à la retraite, profite à 85 % à des hommes et privilégie le critère du port de charges lourdes. Le projet de loi étend l’application de ce C2P à la fonction publique, ce qui est positif, mais sans modifier les critères de pénibilité. Ainsi, comme le souligne Mme Brigitte Grésy, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, « la prise en compte de la pénibilité, notamment des postures ergonomiques, est insuffisante voire inexistante pour les métiers du soin et des services à la personne majoritairement occupés par les femmes ».

En vérité, ces métiers, qui sont en première ligne dans la crise sanitaire et qui sont d’une utilité sociale extrême dans le contexte d’une société vieillissante, sont les éternels oubliés des politiques publiques. Ainsi, par exemple, les mesures du Ségur de la santé ne concernent pas les services à la personne. La prise en compte de la pénibilité demeure insuffisante également pour les métiers hospitaliers ; Mme Grésy souligne que seules un quart des aides-soignantes pourront, en l’état, bénéficier du C2P.

Il y a donc urgence à faire évoluer cette définition de la pénibilité. Le Gouvernement reconnaît cette nécessité et souligne qu’un travail doit être fait à cette fin au niveau des branches. Il convient d’impulser sans tarder ce travail de redéfinition, en amont du futur texte sur la réforme des retraites.

b.   Traiter dès à présent la question des fonctionnaires peu primés, souvent des femmes

L’une des pierres d’achoppement majeures du projet de réforme des retraites a été la question des fonctionnaires peu primés. En effet, le système universel de retraite doit aboutir à harmoniser les modalités de calcul des retraites des secteurs privé et public. En conséquence, la retraite des fonctionnaires a vocation à être calculée sur l’ensemble de la rémunération, et plus seulement sur la rémunération hors primes, et sur l’ensemble de la carrière, non plus seulement sur les six derniers mois. L’intégration des primes est censée compenser le calcul sur l’ensemble de la carrière, plus défavorable qu’un calcul sur les six derniers mois. Cet équilibre ne pourra pourtant pas être atteint pour les fonctionnaires dont la rémunération comporte peu de primes, c’est-à-dire principalement les enseignants.

Cela aboutit à une situation extrêmement inéquitable suivant les catégories de fonctionnaires, qui connaîtraient des évolutions très contrastées de leurs droits à retraite. Les plus désavantagés seraient certains agents de la fonction publique territoriale et les enseignants du premier degré, qui sont très majoritairement des femmes.

Le Gouvernement avait conscience de cette injustice inacceptable engendrée par le système universel de retraite. Pour cette raison, l’article 1er du projet de loi dispose que « la mise en place du système universel de retraite s’accompagne, dans le cadre d’une loi de programmation, de mécanismes permettant de garantir aux personnels enseignants (…) une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique de l’État ».

Tout en appuyant ce principe, qui permettra aussi de corriger des inégalités de rémunération au sein de la fonction publique et de procéder à une revalorisation indispensable des métiers de l’enseignement, votre rapporteur estime que les enseignants ne peuvent se contenter de cet engagement sur lequel ils n’ont que peu de visibilité. Pour obtenir le soutien – essentiel – de la communauté enseignante à la réforme des retraites, il importe de conduire en amont le chantier de la revalorisation des carrières de l’enseignement, chantier qui a sa légitimité en soi, indépendamment de la question des retraites. D’après le Gouvernement, le coût estimé de cette revalorisation est de 8 à 10 milliards d’euros.

5.   Poursuivre un travail de fond sur la question de l’égalité professionnelle et du partage des tâches domestiques

a.   Le congé de paternité, un premier pas important, au-delà du symbole

Dans la foulée des recommandations de la commission des 1 000 premiers jours, l’article 35 du PLFSS pour 2021 adopté en première lecture à l’Assemblée nationale propose de doubler la durée du congé de paternité pris en charge par la sécurité sociale, soit une augmentation de onze à vingt-cinq jours (trente-deux en cas de naissance multiple), et de le rendre obligatoire pour les sept premiers jours consécutifs à la naissance de l’enfant. Les trois jours de congé de naissance payés par l’employeur s’ajoutent ainsi aux quatre jours de congé de paternité obligatoires, afin que le père soit obligatoirement arrêté durant les sept jours suivant la naissance de l’enfant.

Votre rapporteur salue cette évolution qui aura des effets concrets dans la distribution des rôles au sein du couple, au-delà du symbole. En effet, comme le souligne notre collègue Monique Limon, rapporteure pour la branche famille du PLFSS pour 2021, « les femmes prennent l’habitude d’effectuer davantage de tâches parentales et domestiques au cours de leur congé de maternité en raison de leur présence au foyer. Cet effet perdure ensuite bien au-delà du congé, et contribue à creuser les inégalités entre les femmes et les hommes au sein du foyer. L’écart d’incidence entre les hommes et les femmes sur la carrière professionnelle et le partage des tâches s’accentue à chaque nouvelle naissance, tandis que la part du temps domestique occupé par les femmes au sein du couple s’accroît d’autant ». Le tableau suivant, issu du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, atteste des effets durables de cette répartition précoce des rôles au sein du couple :

Votre rapporteur estime ainsi qu’en donnant aux pères la possibilité d’être présents aux côtés de leur enfant dès le début de sa vie, et en les « forçant » à faire cette expérience au moins sept jours, l’allongement du congé de paternité contribuera à une meilleure répartition des tâches domestiques et familiales au sein du couple.

b.   Aller plus loin pour favoriser l’égalité professionnelle entre femmes et hommes

Le congé de paternité est une avancée, mais il convient d’aller plus loin pour faire sauter les verrous qui bloquent la résorption des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.

Un premier point serait de réformer le congé parental en s’appuyant sur les préconisations de la commission des 1 000 premiers jours ([13]). Actuellement, le congé parental d’éducation est très peu rémunéré et trop long. Loin de contribuer à résorber les inégalités, ce congé est très peu pris par les parents ayant des salaires moyens ou élevés, et très peu pris par des hommes (6 %).

Pourtant, le rapport des 1 000 premiers jours montre qu’un congé parental bien calibré peut s’avérer très utile à l’épanouissement de tous les membres de la famille et à la réduction des inégalités professionnelles entre femmes et hommes. Le rapport préconise ainsi que les parents soient, autant que possible, auprès de leur enfant au cours de sa première année de vie. À cette fin, le rapport suggère de « mettre en place un congé « parental » de neuf mois (36 semaines) partageable entre les deux parents, avec un niveau d’indemnisation suffisamment attractif, qui correspondrait à un montant minimum de 75 % du revenu perçu quel que soit le statut ». Le Gouvernement a annoncé réfléchir actuellement aux évolutions possibles du congé parental, dans le cadre d’un chantier qui pourrait être lancé à l’automne 2021. Votre rapporteur soutient cette démarche.

Votre rapporteur estime par ailleurs qu’on pourrait encore progresser sur la réduction des discriminations sur le marché du travail. L’effet positif de la publication de l’index sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qui a incité de nombreuses entreprises à prendre des mesures correctives, montre qu’il est intéressant de poursuivre dans cette voie. À cet égard, il serait souhaitable d’étendre l’obligation de publication de cet index au secteur public. En effet, une note de l’Institut Montaigne ([14]) montre que les femmes représentent 56 % de l’effectif du secteur public, mais seulement 26 % des emplois de direction. Cette note suggère également d’instaurer un objectif minimal de 40 % du sexe le moins représenté au sein des instances exécutives des sociétés du SBF 120 d’ici à cinq ans, en privilégiant une démarche volontaire de la part des entreprises, qui seraient incitées via la publication de leurs résultats.

Par ailleurs, il est important de développer les actions destinées à combattre les discriminations filles/garçons dès le plus jeune âge. Votre rapporteur appelle donc le Gouvernement à proposer des mesures visant à lutter contre les stéréotypes de genre et contre la formation des biais cognitifs, dès l’école élémentaire.


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   conclusion

L’heure est grave pour l’avenir de notre système de retraite. La crise économique profonde à laquelle notre pays est confronté a pour effet de porter son déficit à un niveau abyssal. En l’absence de réforme, la situation ne peut que s’aggraver à moyen terme. La contribution du budget général au financement des régimes spéciaux et des pensions des agents de l’État atteint des niveaux extrêmes : 49 milliards d’euros en 2018, soit 12,8 % des dépenses de l’État. La situation est clairement insoutenable.

Dans le même temps, la situation des Français par rapport aux retraites est profondément inéquitable. Cette injustice se manifeste entre générations, entre secteurs d’activité, en fonction du statut, de la taille de l’entreprise… Elle se manifeste entre Françaises et Français, les premières bénéficiant d’un niveau de retraite en moyenne 40 % plus faible que les seconds. La crise risque d’accroître encore ces inégalités et injustices.

Pouvons-nous, dans ce contexte, renoncer à la réforme des retraites ? Il est évident que ce n’est pas une option. Devons-nous nous contenter d’une réforme moins ambitieuse, de nature « paramétrique », qui maintiendrait l’ossature – complexe, illisible, inéquitable – de nos régimes actuels ? Certains pensent que oui. Pourtant, votre rapporteur croit que la vision qui animait le système universel de retraite était porteuse de nombreux progrès, et que nous ne pourrons pas indéfiniment rester sur les modèles actuels, qui relèvent du passé.

Ces progrès, ils concernent notamment l’impératif d’une égalité réelle entre femmes et hommes à l’heure de la retraite. Le système universel de retraite ouvrait de bonnes pistes à cet égard, sur lesquelles votre rapporteur souhaite bâtir pour avancer encore. Mais il estime qu’il faut aller plus loin, agir dans les milieux professionnels et même avant, pour progresser sur cette grande cause nationale du quinquennat qu’est l’égalité entre les femmes et les hommes.

Au bénéfice de ces observations, votre rapporteur invite la commission à donner un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du CAS Pensions, s’agissant de dépenses contraintes et indispensables pour maintenir le niveau de vie de millions de retraités, dans l’attente d’une réforme globale des régimes de retraite.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 4 novembre 2020, la commission des affaires sociales procède à l’examen des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions du projet de loi de finances pour 2021 (seconde partie) (M. Belkhir Belhaddad, rapporteur pour avis) ([15]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Ce matin, nous concluons nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2021, avec un cinquième rapport pour avis consacré à la mission Régimes sociaux et de retraite. Je félicite notre rapporteur pour avis, M. Belkhir Belhaddad, pour son rapport très riche, qui met en lumière l’impact indéniable du covid, mais dresse également un tableau intéressant de l’égalité entre les femmes et les hommes face au système de retraite.

M. Belkhir Belhaddad, rapporteur pour avis pour les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions. Nous avons beaucoup parlé des retraites il y a quelques mois. Depuis, bien des choses se sont passées et se passent encore : l’actualité est tristement riche. Néanmoins, il est bon que nous gardions un œil sur la question des retraites, tant la problématique demeure ; pis, elle s’aggrave avec la crise. Les dernières projections du Conseil d’orientation des retraites (COR), parues au mois d’octobre, prévoient une dégradation massive du déficit du système de retraite, de 1,9 milliard d’euros en 2019 à 25,4 milliards d’euros en 2020. La réalité sera sans doute pire, puisque ces projections ne prennent pas en compte la deuxième vague.

Au-delà de 2020, la crise que nous vivons aura des effets durables sur les équilibres de notre système de retraite. Une note récente de l’Institut Montaigne anticipe un déficit supérieur à 30 milliards d’euros en 2030, soit une dégradation de 20 % par rapport à ce qui était prévu avant la crise. Nous ne pourrons donc pas mettre de côté très longtemps le sujet. Le Gouvernement a choisi de ne pas prendre de mesures de rééquilibrage pour la branche vieillesse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021 ; avec la crise économique que nous vivons, et le contexte très mouvant, cette décision était sage. Mais, tôt ou tard, nous devrons reprendre cette discussion. Nous devrons alors retrouver l’ambition qui était la nôtre au début de quinquennat : réformer en profondeur notre système de retraite pour le rendre plus simple, plus lisible, plus endurant, plus soutenable et surtout plus équitable.

Car c’était là l’enjeu central de la création d’un système universel de retraite. La coexistence de tous les régimes actuels n’est pas seulement complexe, inefficace, incompréhensible pour le citoyen ; elle est aussi profondément injuste. Qui peut justifier que certaines catégories professionnelles aient droit à des retraites beaucoup plus avantageuses que d’autres ? Qui peut justifier que des personnes déjà pénalisées pendant leur vie active le soient davantage à l’heure de la retraite ?

Or c’est ce qui se passe actuellement, et la crise économique ne fera qu’aggraver ces inégalités. Certaines catégories socioprofessionnelles sont plus touchées que d’autres, le privé l’est davantage que le public, les jeunes sont particulièrement pénalisés, ainsi que les indépendants et les femmes. Si nous ne réformons pas notre système de retraite, qui favorise les carrières longues et ascendantes, toutes ces personnes qui souffrent actuellement seront encore pénalisées à l’heure de la retraite.

Nous devons donc tous avoir conscience que l’heure est grave pour les retraites. Notre système est clairement insoutenable et les deux missions dont j’ai la charge, la mission Régimes sociaux et de retraite et le compte d’affectation spéciale Pensions, en sont une bonne illustration.

La mission Régimes sociaux et de retraite porte la subvention du budget de l’État à plusieurs régimes spéciaux qui ne peuvent se financer eux-mêmes, notamment celui de la SNCF, désormais clos, de la RATP, des marins, mais aussi plusieurs petits régimes pratiquement éteints. La contribution de la solidarité nationale à ces régimes s’élèvera en 2021 à 6,2 milliards d’euros, malgré les multiples réformes entreprises pour les rapprocher du droit commun.

Le compte d’affectation spéciale Pensions retrace quant à lui la contribution de l’État employeur aux pensions civiles et militaires des agents de l’État. En 2020, cette contribution s’élevait à 42,5 milliards d’euros. L’État consacre donc environ 49 milliards d’euros au financement des régimes spéciaux et des retraites des fonctionnaires et ces dépenses devraient s’accroître au cours des prochaines années, en raison des évolutions démographiques.

Il est évident que nous ne pouvons pas accepter cette insoutenabilité et cette iniquité. Nous devons donc poursuivre la réflexion sur les caractéristiques d’un futur système de retraite : il est évident qu’une réforme comme celle-là ne s’improvise pas, et qu’elle doit pleinement associer la représentation nationale et les citoyens.

C’est pourquoi je propose que nous entamions, au sein de la commission des affaires sociales, un travail préparatoire à la reprise de cette réforme. Dans le cadre de ce rapport, j’ai choisi une thématique centrale pour l’équité du futur système de retraite : l’égalité entre femmes et hommes. Centrale, car les femmes concentrent souvent les désavantages dans les régimes de retraite actuels, même s’il y a des différences selon les régimes et selon les catégories socioprofessionnelles.

Il n’en reste pas moins que la pension d’une femme est en moyenne inférieure de 40 % à celle d’un homme. Cette différence s’explique par des inégalités de carrière et par le fait que le système actuel pénalise les carrières courtes et heurtées. Certes, les différents dispositifs de solidarité viennent compenser quelque peu ces écarts de revenus, mais la situation n’est pas satisfaisante pour autant.

À l’évidence, la priorité commande d’œuvrer en faveur de l’égalité professionnelle des femmes et des hommes, afin de réduire les écarts de salaire. Je salue le grand pas en avant que nous venons de faire avec l’allongement du congé de paternité, mais nous devons aller plus loin. La réforme du congé parental, préconisée par la commission des 1000 premiers jours, est une étape indispensable pour rééquilibrer le partage des tâches domestiques et familiales au sein des couples. Le Gouvernement y travaille ; notre commission doit y veiller et être force de propositions.

Nous devons également mieux lutter contre les discriminations salariales entre femmes et hommes. Un écart de rémunération de 5 % subsiste, qui ne s’explique ni par la quotité de travail, ni par le poste occupé : ces 5 % correspondent à des pratiques discriminatoires des entreprises, mais aussi des administrations publiques. Nous devons généraliser les obligations de publication de résultats en matière d’égalité femmes-hommes, afin de forcer un changement de culture.

En outre, pour mieux garantir les droits à retraite des femmes, nous pouvons bâtir sur certaines pistes du système universel de retraite qui sont plutôt des avancées. Je ne vais pas revenir en détail sur toutes mes analyses et propositions ; vous les trouverez dans mon rapport, que je vous invite à consulter, si ce n’est déjà fait.

Le projet de système universel était parvenu à un bon équilibre sur la question des droits familiaux, avec la majoration de 5 % des pensions par enfant, dès le premier enfant, une part revenant obligatoirement à la mère au titre de la maternité. Ce système permet de mieux prendre en compte la situation des familles monoparentales. La majoration supplémentaire de 2 % pour les familles de plus de trois enfants me semble aussi bienvenue et équitable.

Je suis également favorable à la suppression de ce qui constitue des incitations à ne pas travailler pour les femmes : ainsi, l’allocation vieillesse des parents au foyer, associée au congé parental dans son format actuel, constitue une trappe à inactivité pour les femmes. En revanche, en réformant le congé parental, nous devrons aussi veiller à ce qu’il soit pleinement pris en compte pour les droits à la retraite.

Autre question soulevée par la réforme des retraites, les pensions de réversion, qui profitent très largement aux femmes, du fait de leur plus grande longévité. La notion de maintien du niveau de vie des veuves retenue par le projet de loi, à raison de 70 % des revenus antérieurs du couple, me semble équitable.

Mais, nous devons encore avancer sur plusieurs questions, comme celle du droit à réversion des divorcés. Je suis très favorable à ce qu’on étudie l’option d’un partage des droits à retraites au sein du couple au moment du divorce, en fonction du nombre d’enfants élevés pendant les années de mariage. Nous pourrions utilement creuser cette idée.

Nous devrions aussi étudier l’option d’une ouverture – mesurée – de la réversion aux pacsés. Pourquoi la réserver aux mariés, alors que l’un des membres d’un couple pacsé peut tout à fait avoir mis entre parenthèses sa carrière pour s’occuper des enfants, sans aucune compensation à l’heure de la retraite ?

Enfin, nous devons repenser dès à présent la définition des critères de pénibilité, qui donnent droit à une retraite anticipée. La crise sanitaire met en lumière les métiers du soin et des services à la personne, sans lesquels notre société ne pourrait pas tourner, et qui actuellement perdent sur tous les plans. Les critères actuels de la pénibilité sont trop masculins et ne s’appliquent que marginalement à ces métiers qui sont pourtant – nul ne le contestera – des métiers pénibles.

Nous devons également aborder sans tarder la problématique de la rémunération des enseignants – souvent des enseignantes, surtout dans le premier degré. La réforme des retraites a mis en lumière les inégalités dans la fonction publique, dont sont tributaires les enseignants qui n’ont que très peu de primes. Les exigences qui pèsent sur le système scolaire ne font pourtant que s’accroître. La période actuelle en est une bonne illustration : je salue tous ces enseignants et enseignantes qui se démènent pour continuer à accueillir nos enfants, avec des protocoles sanitaires drastiques.

Voilà, mes chers collègues, les grandes réflexions que je souhaitais partager avec vous. Vous les trouverez plus en détail dans mon rapport. Ce que je souhaite, et que j’ai cherché à impulser, c’est que nous reprenions un à un les éléments du débat sur les retraites pour y travailler de manière apaisée et constructive, en sachant que, tôt ou tard, cette réforme devra avoir lieu.

Dans l’immédiat, je vous appelle à voter en faveur des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte Pensions, car ils financent les retraites de plusieurs millions de nos concitoyens que nous ne pouvons pas priver des moyens de leur subsistance, dans l’attente d’une réforme globale du système.

Mme Monique Limon. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour la qualité de votre rapport, et pour l’approche que vous avez choisie : certes, nous abordons les crédits de la mission Régimes spéciaux et de retraite, qui financent des régimes spéciaux n’ayant pas la capacité de s’autofinancer et nécessitent une subvention de l’État, mais il apparaît aussi important et nécessaire de s’interroger plus largement sur l’impact de la crise et ce qu’elle met en lumière pour les Français les plus fragiles.

Sur les crédits de la mission, la crise ne se fait pas sentir : on note une certaine stabilité, avec une légère baisse des crédits, principalement liée à la démographie de l’ensemble de ces régimes – 6,15 milliards d’euros contre 6,23 milliards, en diminution de 1,19 % par rapport à la programmation pour 2020. Bien entendu, nous voterons les crédits de cette mission qui permettent d’assurer le versement des retraites des régimes spéciaux des mines, de la SEITA, de la SNCF, régime désormais fermé, de la RATP, des chauffeurs poids lourds ou encore des marins. La baisse des crédits résulte pour la plupart des régimes de la baisse du nombre de bénéficiaires pensionnés, mais le financement des caisses reste assuré.

Vous abordez dans votre rapport le point d’étape réalisé par le COR le mois dernier. Vous avez raison, il est alarmant puisqu’il estime que le déficit du système de retraite se creusera très massivement dès 2020 pour atteindre 25 milliards d’euros, puis plus de 10 milliards d’euros pour les années suivantes jusqu’à 2024. Ces premiers constats – qui ne prennent pas en compte la deuxième vague –, ne rendent-ils pas nécessaire la reconstruction d’un système universel solide, en intégrant les quarante-deux régimes spéciaux de retraite et en rattachant l’ensemble des assurés au régime général pour corriger les nombreuses injustices du système actuel et construire un modèle de protection sociale ancré dans le XXIe siècle ?

Vous le dites d’ailleurs très bien dans votre rapport : la crise actuelle a conduit à mettre en pause la réforme des retraites. Mais en accentuant les déséquilibres des régimes de retraite, elle en accroît aussi l’urgence. Une telle situation conduit nécessairement à une réforme du système. Je souhaite la mise en œuvre du système universel tel que nous l’avons voté en première lecture il y a quelques mois.

M. Thibault Bazin. Voté ? Nous n’avons pas pu voter !

Mme Monique Limon. Tous nos amendements ont été pris en compte, malgré le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Nous étions donc tout à fait satisfaits de ce texte, tel qui se présentait à la sortie de l’Assemblée nationale.

Vous évoquez ensuite plus spécifiquement les mesures pour lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Nous aurons l’occasion d’y revenir avec les questions. Je conclurai en soulignant les mesures que nous avons prises et que nous proposons pour améliorer la situation des personnes qui sont actuellement les plus touchées par la crise : la revalorisation à 85 % du SMIC pour les exploitants agricoles, votée il y a quelques mois et généralisée dans le projet de loi, la prise en compte de toutes les heures travaillées, une meilleure prise en compte de la pénibilité, la création de nouveaux droits familiaux, notamment pour les mères isolées. Toutes ces mesures et celles permettant d’assurer un financement solide grâce à un pilotage unifié de l’ensemble des régimes n’ont jamais autant été d’actualité. Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il était important de nous les remémorer.

M. Bernard Perrut. L’heure est grave, avez-vous dit ; je partage votre constat. S’il est bien une préoccupation qui touche le cœur même de la vie des Français, c’est celle des retraites. Il y a quelques jours, le COR annonçait que le solde du système de retraite français incluant l’ensemble des régimes de retraite obligatoires – y compris le Fonds de solidarité vieillesse – connaîtra une dégradation brutale en 2020.

Monsieur le rapporteur pour avis, l’impact économique de la crise sanitaire doit être pris en compte lors du retour du projet de loi sur les retraites à l’Assemblée nationale. En entraînant une contraction brutale de la masse salariale du secteur privé – chômage partiel, baisse de l’emploi –, la crise économique a un impact massif sur les recettes du système de retraite, qui reposent sur des cotisations elles-mêmes assises sur les salaires. Et cet effet est amplifié par les mesures de report ou d’exonération de cotisations prises en soutien de l’activité économique.

Dans votre rapport, vous signifiez que la reprise économique pourrait permettre la résorption du déficit conjoncturel des retraites à l’horizon 2024. Vous vous appuyez toutefois sur les projections issues du projet de loi de finances pour 2021, aléatoires, car elles ne prennent en compte ni la deuxième vague, ni le reconfinement. Sommes-nous face à une forme de présentation insincère, monsieur le rapporteur pour avis ? Comment voyez-vous réellement l’avenir ?

Le groupe Les Républicains a pour sa part fait le choix de la responsabilité et de la clarté, en proposant de relever l’âge du départ à la retraite, seul moyen de pérenniser financièrement et durablement notre système, sans baisser les retraites ni augmenter les cotisations – ce que nous refusons.

En 2012, la pension nette moyenne représentait 62 % du salaire net moyen. Selon les projections du COR, elle passera à 48 % en 2040. Le risque pour beaucoup – et majoritairement des femmes – est que la pension se confonde avec un minimum social, faisant de la retraite une période d’appauvrissement marquée, sans espoir d’amélioration. C’est aussi le risque d’une dégradation du système actuel, le niveau de vie des retraités décrochant par rapport à celui des actifs. Plutôt que d’alimenter la guerre entre générations, nous voulons au contraire fixer trois objectifs : équilibrer financièrement le système des retraites pour garantir à chacun le niveau de pension auquel il a droit ; mettre fin aux régimes spéciaux afin de respecter les principes d’équité et de justice entre les Français ; permettre aux retraités les plus modestes et aux personnes âgées les plus dépendantes de bénéficier d’une plus forte solidarité nationale.

Vous évoquez la situation préoccupante des femmes dans votre rapport. Le Fonds monétaire international a publié une tribune dans laquelle il alerte sur les effets disproportionnés du covid-19 sur les femmes et leur statut économique : la pandémie menace d’effacer les gains obtenus, creusant les écarts qui persistent entre les sexes en dépit de trente ans de progrès.

Les secteurs d’activité qui concentrent une majorité de femmes ont la particularité de se situer aux deux extrémités du spectre des secteurs affectés par le covid-19 : elles sont en effet majoritaires dans les secteurs indispensables à la gestion de la crise sanitaire – soignants, personnels techniques dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux, soins à domicile – et elles sont également nombreuses dans les secteurs les plus durement touchés par la distanciation physique et les mesures d’atténuation – distribution, tourisme, hôtellerie.

Enfin, le télétravail représente une double peine pour les femmes, souvent en charge de tâches domestiques et familiales très prenantes. Que proposez-vous pour les protéger ? Comment préserver les dispositifs redistributifs qui bénéficient davantage aux femmes, en atténuant en partie les inégalités de pension ?

S’agissant des pensions de réversion des veufs et des veuves, le Gouvernement entend mettre en place un système harmonisé qui garantirait au conjoint survivant 70 % du niveau de vie du couple. Avouez-le, le calcul est particulièrement flou et ferait de nombreux perdants : 4,4 millions de Français, soit près d’un quart des retraités, touchent une pension de réversion, dont 89 % sont des femmes. Il faut étudier cette question avec une grande d’attention, monsieur le rapporteur pour avis, car les Français attendent beaucoup de cette évolution.

M. Nicolas Turquois. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour la clarté et la qualité de votre rapport. L’examen de la mission Régimes sociaux et de retraite revêt une dimension particulière dans le contexte de crise sanitaire et économique, ces deux chocs combinés ayant conduit à l’arrêt brutal du processus de réforme de notre système de retraite au début de printemps dernier.

Les crédits que nous examinons aujourd’hui sont à l’image du système actuel, extrêmement complexes et peu lisibles. Les régimes spéciaux, dérogatoires et spécifiques de la fonction publique pèsent près de 50 milliards d’euros dans nos comptes publics. Plus que jamais, cette mission témoigne de la nécessité de tendre au plus vite vers l’universalité des régimes pour mettre fin à cette illisibilité et aux inégalités interrégimes qui se creusent au fil des années.

Au-delà de son aspect purement financier, cette mission budgétaire permet de mettre en perspective la nécessité d’une réforme d’ampleur afin d’harmoniser tous les régimes existants, et en particulier ceux financés dans les différents programmes que nous examinons – SNCF ou RATP par exemple.

Notre groupe est convaincu qu’il est indispensable de parvenir à un système en phase avec les réalités économiques actuelles, tout en accompagnant la transition des régimes spéciaux, mais aussi en protégeant leurs bénéficiaires et les fonds constitués et accumulés : il s’agit non seulement d’une question d’équité, mais aussi de soutenabilité financière à moyen terme. C’est pourquoi nous vous rejoignons, monsieur le rapporteur pour avis, dans votre analyse. La crise que nous vivons va accentuer les déséquilibres des régimes et la solidarité nationale ne pourra pas tout absorber. Le creusement des déficits déjà inquiétant avant la crise va continuer à s’aggraver. Le statu quo n’est donc pas une option.

Il faut se rendre compte que le financement des régimes spéciaux et des pensions des fonctionnaires par le budget de l’État constitue près de 13 % de ses dépenses totales.

À la lumière de ces éléments, il apparaît évident que la réforme des retraites doit être remise au cœur du débat public, même si nous ne savons pas sous quelle forme. Peut-être faudra-t-il d’abord s’attaquer aux questions paramétriques urgentes avant de reprendre la construction d’un régime universel ? Nous continuons à penser que l’un ne peut se faire sans l’autre. Dans tous les cas, les délais dont nous disposons pour maintenir le navire à flot sont extrêmement contraints.

Je ne reviendrai pas sur le détail des crédits de la mission et de ses programmes. Le rapporteur pour avis a explicité la situation et rappelé la nécessité de valider ces dépenses afin de garantir le montant des pensions de nombreux retraités. C’est pourquoi le groupe Mouvement Démocrate et Démocrates apparentés votera les crédits de cette mission tout en rappelant l’impérieuse nécessité de s’atteler rapidement à une réforme profonde de notre système de retraite.

M. Paul Christophe. Comme vous l’avez rappelé, la réforme des retraites a été malheureusement interrompue par la crise sanitaire et économique. Votre rapport souligne que l’État consacre 49 milliards d’euros pour financer les régimes spéciaux et les retraites des agents de l’État. La mission Régimes sociaux et de retraite subventionne des régimes spéciaux pour la plupart très anciens, qui ont cette caractéristique commune de connaître un fort déséquilibre démographique et d’être dans l’impossibilité de s’autofinancer. Ils bénéficient donc des crédits de l’État, au titre de la solidarité nationale, pour plus de 67 % de leurs ressources totales. Les crédits de la mission que nous examinons sont stables à hauteur d’un peu plus de 6 milliards d’euros.

L’un des mérites de l’examen de cette mission est de rappeler l’extraordinaire complexité qui caractérise notre système de retraite, avec le maintien de régimes spéciaux préexistants à la création du régime général de 1945. C’était d’ailleurs une des mesures fortes du projet de loi de réforme des retraites examiné début 2020, qui proposait leur extinction progressive. Les importantes disparités, qui subsistent, continuent de susciter l’incompréhension chez nos concitoyens.

Cette mission souligne bien l’importance de notre responsabilité de bâtir un système de retraite modernisé, clarifié, compréhensible et soutenable pour les générations à venir.

Dans votre rapport, vous mentionnez la clôture du régime de retraite du personnel de la SNCF. Depuis la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire, la SNCF a cessé de recruter au statut SNCF à compter du 1er janvier 2020. Les nouveaux agents recrutés par le groupe public sont ainsi affiliés au régime général, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et l’AGIRC-ARRCO assurant l’encaissement de leurs cotisations et le paiement de leurs droits futurs. Existe-t-il une projection permettant d’analyser les effets de la fermeture du statut sur le niveau de la subvention d’équilibre de l’État ? Même si les effets ne se feront sentir qu’à long terme, en raison du nombre de salariés encore sous le statut SNCF, il serait intéressant d’avoir une perspective chiffrée de cette mesure pour la réforme à venir.

En outre, comme vous l’avez souligné, en entraînant une contraction brutale de la masse salariale du secteur privé du fait de la mise en place du chômage partiel et de la baisse de l’emploi, la crise économique a un impact massif sur les recettes du système de retraite, qui reposent sur des cotisations assises sur les salaires. Quel sera l’impact de la crise sur le financement des retraites ? Comment envisager la soutenabilité du régime ?

Même si la deuxième vague que nous affrontons rend impossible l’adoption de mesures d’équilibrage du système de retraite – qui ne pourraient être que court-termistes en raison de l’instabilité de la situation – comment les déficits cumulés sont-ils gérés par l’État dans l’attente de la prochaine réforme ?

Comme toute crise, la situation actuelle démontre les forces, mais aussi les failles structurelles du système de protection sociale. Elle souligne avec plus de prégnance encore l’absolue nécessité d’établir un système de retraite lisible et financé.

Dans l’attente d’une réforme globale, que notre groupe Agir ensemble appelle de ses vœux, nous donnons un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte Pensions, indispensables pour le maintien de la retraite de millions de retraités.

M. Adrien Quatennens. Vu la mission que nous avons à examiner ce matin, on s’y attendait un peu, mais vous devriez avoir honte, chers collègues... Au cœur d’une crise sanitaire dont les conséquences sociales sont d’ores et déjà désastreuses et promettent de l’être encore davantage, alors que la pauvreté atteint dans notre pays un niveau jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale, vous devriez avoir honte, dis-je, de remettre sur le tapis, en ressortant les mêmes éléments de langage, une réforme des retraites qui a avorté et que 70 % des Français rejetaient. Et vous revenez avec votre petit sourire en coin nous resservir exactement les mêmes arguments ! Eh bien, puisque votre intention est de la remettre sur la table, la nôtre est de faire en sorte qu’elle reste bien profondément enfouie dans la poubelle où elle se trouve à cette heure.

Mais puisque vous relancez le débat de fond, allons-y : il est toujours aussi passionnant. Rappelons que sous couvert de simplification, de justice et d’égalité, l’objectif non avoué de votre réforme – bien que la discussion dans l’hémicycle ait provoqué certains aveux sur le banc du Gouvernement – est de procéder à une rupture historique : alors que, jusqu’à présent, lorsque la part des seniors dans la population s’accroissait, on augmentait la part de richesse consacrée aux retraites, vous entendez désormais la plafonner à son niveau actuel ; le produit intérieur brut (PIB) augmentant, expliquiez-vous, la richesse nationale allait augmenter et que nous n’aurions rien à craindre pour le financement des retraites... La suite des événements a montré quelle catastrophe en serait résulté si nous avions appliqué vos solutions de sorciers du fric... Le PIB a reculé de manière considérable, nous vivons une récession historique : si nous avions consacré la même part du PIB aux retraites, c’eût été un véritable désastre.

De plus, la réforme proposée place les Français devant une alternative simple : soit devoir travailler toujours plus longtemps pour atteindre le même niveau de pension, soit partir à la retraite à l’âge fixé, mais avec des revenus diminués – à moins de les compléter grâce aux assurances privées, qui n’ont cessé de faire des propositions en ce sens, ce que nous avions à l’époque dénoncé.

Mais surtout, elle soulève un problème d’ordre philosophique. Historiquement, avec le progrès, la productivité s’est considérablement accrue en France ; en parallèle, le temps de travail nécessaire pour produire la même chose s’est réduit, et c’est une des raisons pour lesquelles l’espérance de vie a augmenté – je ne dis pas que ce soit le seul facteur qui a joué, mais cela y a incontestablement contribué. Or ce vous nous proposez est antinomique avec le progrès.

Pour ce qui est du financement, je veux vous rassurer. Je sais que vous n’êtes pas honnêtes intellectuellement et que votre but est de faire travailler les gens plus longtemps, mais admettons un instant que vous le soyez et que, monsieur le rapporteur pour avis, vous soyez viscéralement inquiet pour le financement des retraites. Il n’y a aucune inquiétude à avoir. Pourquoi ? Parce que la question qui se pose est uniquement celle de la répartition de la richesse produite. Or, bien que seul le travail humain produise de la richesse, les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté de 60 % en cinq ans ! En dix ans, en France, les dividendes ont augmenté de 70 % tandis que, dans le même temps, l’investissement productif reculait de 5 % et que le salaire minimum n’augmentait que de 12 %. Il est là, le cœur du problème : si la répartition de la richesse produite se faisait en faveur du travail et du salaire plutôt que du capital, que vous survalorisez depuis trois ans, nous n’aurions pas de problèmes pour financer notre système de retraite. Cessons donc les faux débats ; ce que vous voulez, c’est que les Français travaillent plus longtemps, parce que vous voulez consacrer une richesse toujours moins importante au travail humain et à sa rémunération, notamment par les retraites.

M. Nicolas Turquois. Quels propos outranciers ! Que l’on ait des divergences politiques, je peux l’entendre, cela fait partie de notre rôle, mais que l’on nous accuse de ne pas faire d’honnêteté intellectuelle dans notre grille d’analyse, ce n’est pas supportable, monsieur Quatennens.

Mme Monique Limon. Très bien !

M. le rapporteur. Je n’ai pas pour habitude de me laisser insulter, monsieur Quatennens.

M. Adrien Quatennens. C’est de la caractérisation politique ! Je n’ai insulté personne !

M. le rapporteur. Je trouve vos propos inadmissibles et parfaitement irresponsables – comme d’ailleurs les solutions que vous avancez. Je souhaiterais bien du plaisir aux Français s’ils s’avisaient de les mettre en œuvre !

M. Adrien Quatennens. Sur quoi vous fondez-vous pour dire cela ?

M. le rapporteur. Madame Limon, il est en effet nécessaire de remédier aux incohérences du système et aux iniquités de traitement entre nos concitoyens, et nous n’avons pas attendu que la réforme des retraites soit mise en œuvre pour apporter des corrections au profit de certains d’entre eux, en particulier les agriculteurs, trop longtemps oubliés.

Vous avez raison, monsieur Perrut : l’heure est grave. Les hypothèses sur lesquelles nous travaillons sont celles du COR ; elles vont jusqu’en 2024 et sont fondées sur les hypothèses de croissance du Gouvernement – qui ne prennent pas en compte les effets de la deuxième vague. À l’horizon 2024, le déficit structurel sera d’un peu plus de 13 milliards d’euros ; il devrait s’aggraver pour atteindre quelque 30 milliards d’euros à l’horizon 2030 : c’est considérable. D’où la nécessité de réagir rapidement.

S’agissant des pensions de réversion, il a été proposé d’assurer au conjoint survivant un niveau de revenus à hauteur de 70 % des ressources du couple et, à l’initiative de l’Assemblée nationale, d’en rendre le bénéfice possible à partir de 55 ans au lieu de 62 ans.

Le système actuel est extrêmement complexe, la juxtaposition de régimes différents en rend la gestion pour la collectivité incroyablement coûteuse, et les cas de plus en plus fréquents de polypensionnés en font un véritable casse-tête ; mis surtout, il est profondément inéquitable. Qu’est-ce qui peut bien justifier que certaines catégories professionnelles ont droit à des retraites beaucoup plus avantageuses que les autres ? Ce qu’on ne cesse de constater depuis dix ou vingt ans recueillerait-il votre accord, monsieur Quatennens ? Si le système actuel vous satisfait, grand bien vous fasse !

L’inégalité est particulièrement criante pour ce qui concerne les femmes. C’est pourquoi je soutiens, ainsi que d’autres collègues ici, de vraies propositions, comme la majoration des pensions dès le premier enfant, la lutte contre la pauvreté des retraités par l’octroi de 2 points supplémentaires aux parents à faibles revenus ou la réforme des pensions de réversion – treize régimes différents ! Je ne suis pas sûr que nos concitoyens acceptent longtemps encore toutes ces iniquités, qui sont d’ailleurs dénoncées par certaines oppositions. Nous sommes pour notre part aux responsabilités et nous nous employons à gommer ces distorsions, à faire en sorte que la retraite minimale soit revalorisée afin qu’une vie passée à cotiser, fût-ce faiblement, soit rétribuée à sa juste valeur à l’heure de la retraite et, plus généralement, que chaque période cotisée soit valorisée, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

On voit bien, monsieur Turquois, que les inégalités se sont creusées à l’occasion de cette crise et que ceux qui en paient le prix fort sont ceux qui étaient déjà les plus précaires et les plus éloignés de l’emploi. Nous ne pouvons pas accepter de continuer dans cette voie, d’autant que ces distorsions ont un coût pour la société, puisque, comme je viens de le dire, le déficit structurel atteindra près de 30 milliards d’euros en 2030. Cela signifie qu’au-delà des mesures conjoncturelles que nous avons prises, qui sont importantes et qui étaient nécessaires pour accompagner les plus fragiles, il est nécessaire de réformer en profondeur notre système de retraite. Nous en avons pris le chemin avec ce projet de loi, et je propose d’aller encore plus loin sur certains aspects, mais il faut, j’en conviens, intégrer dans notre réflexion la question de la soutenabilité financière. Pour ce qui est du calendrier, je laisserai au Gouvernement le soin de vous apporter des précisions sur le sujet.

La fin du statut spécial de la SNCF entraînera à court et moyen terme une augmentation de la subvention de l’État en raison de la diminution du nombre de cotisants, monsieur Christophe, et cela malgré la compensation versée par la CNAV aux termes de la convention qui a été signée. Cette subvention diminuera à partir du moment où le nombre de pensionnés baissera plus rapidement que le nombre de cotisants – c’est un phénomène démographique que l’on observe aussi dans d’autres régimes.

Je pense avoir également répondu à plusieurs des arguments avancés par M. Quatennens.

Mme Laurence Vanceunebrock. Il y a quelques mois, nous avons adopté une proposition de loi visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles. Ce fut un symbole fort pour le monde agricole, souvent oublié par les réformes sociales menées par le passé. Au-delà du soutien financier apporté, il s’agissait pour nous, majorité, de réparer une injustice et d’exprimer notre reconnaissance envers les acteurs du monde agricole. Or, dans le contexte de crise actuel, la situation financière des agriculteurs – en particulier ceux qui étaient déjà en difficulté – s’est encore dégradée et les inégalités risquent de se creuser.

Votre rapport traite plus particulièrement de la question des inégalités entre les hommes et les femmes, phénomène avéré dans le secteur de l’agriculture. Pourriez-vous nous indiquer comment la réforme des retraites améliorera-t-elle la situation des femmes conjointes d’agriculteurs qui ont participé pendant des années à l’exploitation ? La mesure de revalorisation a-t-elle eu déjà des effets positifs sur les retraites de ces femmes ?

M. Jean-Pierre Door. Vous voulez remettre sur le métier le projet de loi instituant un système universel de retraite, adopté il y a quelques mois par suite de l’application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Quelle que soit la décision que vous prendrez, le système restera déficitaire : le déficit atteindra entre 25 milliards et 30 milliards d’euros d’ici quelques années. Il faut y remédier, nous n’avons pas le choix. Pour le groupe Les Républicains, il n’est pas question de réduire les prestations, ni d’augmenter les cotisations ; en revanche, nous pouvons jouer sur la durée de cotisation et sur l’âge pivot – comme dans les autres pays européens. Notre choix est donc d’élever l’âge pivot d’un trimestre par an, pour aboutir à 64 ans en 2028. Fixer un âge d’équilibre à l’horizon 2037, comme le propose le Gouvernement, ne permettra pas de rétablir l’équilibre financier. Avant de devenir Premier ministre, Jean Castex se disait favorable à un âge pivot de 64 ans ; il déclare aujourd’hui que l’exécutif est partisan d’en reporter à 2037 l’entrée en vigueur – mais ce sera trop tard. Il faut agir dès maintenant.

Mme Mireille Robert. Le projet de réforme des retraites prévoyait l’instauration d’un système de retraite par points, permettant ainsi aux futurs bénéficiaires de la pension de réversion de toucher 70 % des revenus du couple, cela afin de garantir au conjoint survivant le même niveau de vie qu’avant le décès de l’assuré. Or, dans le projet de loi adopté en première lecture, il est prévu que la pension de réversion restera une prestation réservée aux couples mariés, ce qui entraîne de fait une inégalité au détriment des couples pacsés.

Dans votre rapport, vous proposez d’étudier une ouverture sous conditions de la réversion aux pacsés. Je salue cette proposition qui permettrait de prendre en considération toute une partie de la population jusque-là privée de ce droit. Se pose néanmoins la question de son financement. Vous dites que la dépense serait compensée par la baisse de celle résultant du partage des droits à la retraite pour les divorcés. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce point précis ?

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur pour avis, cher collègue lorrain, vous avez évoqué les inégalités entre les hommes et les femmes, et surtout la faible part de femmes ayant des responsabilités. N’y aurait-il pas un lien avec la politique familiale ? La modulation des allocations familiales en fonction du revenu mise en place par vos camarades socialistes au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 et confirmée depuis trois ans par votre majorité porte en effet atteinte à l’universalité à laquelle vous prétendez aspirer pour les retraités. Surtout, elle vient pénaliser les femmes qui veulent développer une carrière professionnelle. En effet, si elles prennent plus de responsabilités professionnelles, elles ont des revenus supérieurs et on ne les aide plus à concilier vie familiale et vie professionnelle : cela ne les incite pas à le faire, ce qui les pénalise au bout du compte pour la retraite. Vous dites vouloir soutenir les femmes et souhaitez qu’il y ait plus de femmes cadres dirigeantes : dans ce cas, seriez-vous prêt à revenir sur la modulation des allocations familiales et à en rétablir le caractère universel ?

M. Philippe Vigier. À vingt mois d’une élection présidentielle, il y a naturellement une tentation : c’est, comme le dit un des personnages du film Le Guépard, que tout change pour que rien ne change. Si l’on n’a pas un peu de courage politique et d’esprit de responsabilité, nous resterons dans l’impasse et les inégalités persisteront. Les petites retraites, les femmes, les agriculteurs, les commerçants et artisans si durement touchés par la crise sanitaire, tous ceux-là vivront ce qu’ont vécu les retraités modestes. Pour ma part, je n’ai pas oublié les chiffres de 2012 à 2017, quand l’augmentation des pensions de retraite était inférieure à l’inflation. Voilà d’où l’on vient. C’est pourquoi je vous pose cette question, monsieur le rapporteur pour avis : êtes-vous, oui ou non, prêt à faire preuve de courage et à admettre qu’une réforme paramétrique est indispensable – je pense que nous pourrions la faire tous ensemble. Ce n’est pas le moment d’engager une réforme systémique : on retomberait dans ce qui s’est passé dans cette maison il y a quelques mois. Une réforme paramétrique, en revanche, permettrait de répondre à l’urgence et aux déficits abyssaux qui vont se creuser encore au cours des longs mois que risque de durer cette crise.

M. Adrien Quatennens. Oui, collègues, je mets de la passion dans mes argumentations ; je m’en excuse, mais je n’arrive pas à traiter ces sujets sur un ton de répondeur automatique. Pour autant, je n’ai insulté personne : j’ai fait une caractérisation politique. Je suis persuadé que le Président de la République sait ce qu’il fait en procédant à cette réforme, mais sa majorité peut se répartir en deux camps : ceux qui sont, comme certains Français, sensibles aux éléments de langage relatifs à la simplification et qui y croient sincèrement ; et ceux qui savent pertinemment qu’il s’agit en réalité de trancher entre plusieurs options – peut-être, s’il est bien informé, M. le rapporteur pour avis le sait-il.

Le débat peut se résumer en deux points : premièrement, vous dites qu’il y a un problème de financement des retraites ; deuxièmement, vous en déduisez des solutions. S’agissant du premier point, outre le fait qu’avant la crise sanitaire, le COR lui-même relativisait le problème, je soutiens que si nous avions appliqué la réforme, il serait devenu bien plus aigu aujourd’hui, du fait de la crise ; qui plus est, on sait que les problèmes de financement sont en partie la conséquence des baisses de cotisations. Surtout, et c’est le second point, vous refusez de procéder à un rééquilibrage du partage de la richesse produite dans l’entreprise entre le travail et le capital, et c’est là notre point de désaccord essentiel.

Il est bien évident que je ne soutiens pas le statu quo. Ce qui est insupportable dans votre manière de faire, c’est que vous considérez que c’est soit le statu quo, soit votre solution, autrement dit qu’il n’y a pas d’alternative ! Ma question se résumera donc à ceci, monsieur le rapporteur pour avis : admettez-vous qu’il existe d’autres options pour financer les retraites que celle consistant à faire travailler les Français plus longtemps ou à baisser le niveau de leurs pensions ? On pourrait par exemple augmenter les salaires, voire les cotisations. Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais admettez que le problème ne se résume pas à une alternative entre le statu quo et la solution que vous proposez !

M. le rapporteur. Madame Vanceunebrock, n’ayant pas étudié particulièrement le sujet, je ne saurais répondre avec précision à votre dernière question, mais il est certain que la fixation du minimum de la pension de retraite agricole à 85 % du SMIC est un progrès pour toutes les personnes qui travaillent à temps plein et touchent de faibles revenus. Peut-être la situation des conjoints collaborateurs d’exploitations agricoles devrait-elle être examinée dans le cadre de la réforme des critères de pénibilité que j’évoquais tout à l’heure, réforme qui permettrait de porter une attention particulière à certains métiers qui n’ont pas été suffisamment valorisés. Cela permettrait d’aller plus loin que ce que nous avions fait dans le cadre de la proposition de loi déposée par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Door a évoqué les différentes options envisageables, dont celle de l’âge pivot, et M. Vigier a insisté sur la nécessité d’engager cette réforme à court ou moyen terme. D’une manière générale, il me semble qu’il serait bon de mettre à profit cette pause – qui n’en est pas véritablement une – pour imaginer ce que pourrait être le futur système, en associant davantage les citoyens, en développant les simulations, notamment les études d’impact et les cas-types, en renforçant la communication sur cette question et en procédant à un réexamen des points sensibles. On pourrait alors mettre toutes les options sur la table – y compris celle de l’âge pivot, sans fermer aucune possibilité. Je rappellerai simplement qu’un certain nombre de propositions de l’opposition ont été intégrées dans le texte adopté en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution : cela montre notre ouverture aux propositions émises lors des débats, même si nous n’avons pas forcément réussi à trouver un terrain d’entente sur tous les sujets.

Madame Robert, en mettant en place un partage des droits pour les divorcés à la place de la réversion, nous dégagerions effectivement des économies qui permettraient de financer l’ouverture de la réversion aux personnes pacsées depuis au moins deux ans. Cela nécessiterait néanmoins des calculs plus précis, que je n’ai pas eu la possibilité de réaliser dans le cadre de ce rapport pour avis.

Monsieur Bazin, au procès qui nous est fait sur la politique familiale, je répondrai en citant les mesures que nous avons prises en la matière, par exemple concernant les 1 000 premiers jours, ou la majoration de 30 % du montant maximal d’aide auquel les familles monoparentales ou celles dont un enfant est en situation de handicap peuvent prétendre au titre de la garde de leur enfant, ou encore l’extension du tiers payant au complément de libre choix du mode de garde, les cent deux jours de congé maternité pour les travailleuses indépendantes et les exploitantes agricoles, l’allongement du congé paternité, pouvant aller jusqu’à trente jours consécutifs en cas d’hospitalisation de l’enfant. Je ne trouve pas que votre proposition aille dans le bon sens ; en tout cas, sur le plan philosophique, je n’y adhère pas.

Nous avons mis un projet sur la table, monsieur Quatennens. Ensuite, c’est le jeu démocratique : il y a eu un débat, à l’issue duquel nous avons intégré un certain nombre de propositions émises par les oppositions. Nous continuerons à agir ainsi, dans un esprit d’ouverture, car il y va de l’avenir de nos enfants et petits-enfants. Ce que nous souhaitons, c’est bâtir pour eux un système de retraite modernisé, résilient, soutenable et surtout protecteur de leurs droits.

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-AS4 de Mme Hélène Zannier.

Mme Hélène Zannier. Cet amendement me tient particulièrement à cœur. Élue du bassin houiller, fille et petite-fille de mineur, c’est avec beaucoup d’inquiétude que je suis la baisse des crédits de l’action sanitaire et sociale. Je vais essayer de vous expliquer la situation.

L’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) est un établissement public administratif qui a été créé en 2004 à la suite de la fermeture de la dernière mine de charbon en Moselle. À l’origine, cette dernière ne s’occupait en priorité que des prestations compensatoires, c’est-à-dire de tout ce qui concerne le logement et le chauffage. Depuis 2012, l’ANGDM gère également, via la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), les fonds de l’action sanitaire et sociale, qui sont destinés à couvrir certains frais liés à la santé, notamment le suivi des personnes âgées les plus isolées. Les projets liés à l’action sanitaire et sociale donnent d’excellents résultats et permettent notamment un maintien à domicile des plus âgés, comme le préconisent les plans récents.

Pourtant, le budget dédié est en diminution constante, ce qui peut s’expliquer par la baisse du nombre de bénéficiaires, qui est environ de 6 % par an, et par la baisse draconienne qui avait été décidée dans le budget de 2017, voté en 2016, qui plombe depuis la trésorerie de l’ANGDM.

Mon amendement vise à verser en une seule fois 3 millions d’euros au programme 195 Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers, et en particulier à l’action 01 « Versements au fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines » – autrement dit, nous verserions ce montant à la CANSSM qui le transmettra à l’ANGDM, laquelle gère les retraites des anciens mineurs et des conjoints survivants. Nous demandons donc 3 millions pour que l’État puisse reconnaître son attachement à ces travailleurs qui ont tant donné.

M. le rapporteur. Vous savez que je suis très sensible à votre amendement puisque je suis élu du même département que vous et que ma circonscription est concernée par ce sujet. Néanmoins, je ne vois pas en quoi cette hausse se justifierait dans la mesure où la population du régime de sécurité sociale des mines diminue chaque année d’environ 5 %. En l’occurrence, le PLF 2021 réduit les crédits d’action sanitaire et sociale de 900 000 euros pour les porter de 18 à 17 millions d’euros, ce qui correspond à une baisse de 5 %. Cela semble plus adapté à la diminution de cette population. Au total, le panier moyen des prestations d’action sanitaire et sociale par bénéficiaire n’a cessé de croître depuis 2011.

Vous dites que la population des mineurs est vieillissante et que le besoin de financement d’action sanitaire et sociale se maintient malgré la baisse du nombre de pensionnés. Vous faites notamment allusion aux besoins de santé des mineurs. Je rappelle que ces derniers bénéficient évidemment par ailleurs de prestations de santé, notamment d’une prise en charge de leurs soins de santé sans ticket modérateur pour 20 % d’entre eux.

Enfin, sur un plan plus technique, votre amendement ne permettrait pas d’atteindre l’objectif visé. En effet, les crédits d’action sanitaire et sociale sont prévus de manière limitative dans le cadre d’une convention d’objectifs et de moyens qui a été établie pour la période 2018-2021. En abondant les crédits du programme 195, vous abondez le financement du risque vieillesse de ce régime, ce qui ne semble pas nécessaire au vu des évolutions démographiques. Si vraiment vous estimez que la santé des mineurs est mal prise en charge, c’est plutôt dans le cadre du PLFSS qu’il conviendrait d’évoquer cette question.

Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Hélène Zannier. Je me suis peut-être mal fait comprendre. J’ai pleinement conscience que le nombre de bénéficiaires baisse entre 5 et 6 % par an. En revanche, je souhaiterais qu’on remédie à une décision, votée en 2016 et applicable en 2017, qui a fait chuter les budgets de 10 % ; et depuis c’est un peu la course pour essayer de récupérer cette trésorerie. J’en veux pour preuve que, lors d’un conseil d’administration, l’ANGDM a été contrainte de réduire des prestations qu’elle distribuait depuis plusieurs années. Ce que je souhaite, c’est rétablir cet équilibre, et résoudre une fois pour toutes ce problème de trésorerie.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur pour avis, je tiens à vous alerter, parce que derrière cette demande d’augmentation de crédits, il est nécessaire d’apporter des corrections. C’est dans ma circonscription que se trouve la dernière mine en activité en France. Personne ne le sait, mais il y a, à Varangéville, une mine de sel dans laquelle descendent des mineurs qui y font un travail remarquable. Or nous avons des problèmes très concrets : par exemple, depuis 2016 les simulateurs sont inadaptés, et comme ils annoncent des valeurs farfelues, les gens partent à la retraite à l’aveugle.

Vous savez que l’allocation dite de raccordement est servie par l’Agence en complément de la pension minière de vieillesse servie par la retraite des mines et la Caisse des dépôts et consignations, raccordement qui est environ de 50 % de la complémentaire qui ne sera perçue qu’à l’âge légal de départ à la retraite. Il est calculé en fonction du nombre de points acquis. Or il y a des erreurs dans les relevés de situation individuelle, et les pensionnés rament pour pouvoir apporter des correctifs car on les balance d’interlocuteur en interlocuteur. Le raccordement étant largement minoré, leurs ressources le sont également, d’une certaine manière.

Nous avons besoin de votre aide, de votre appui en tant que rapporteur sur cette mission budgétaire, pour interpeller le Gouvernement afin de corriger les choses. On ne peut pas oublier ces petites problématiques très concrètes qui ont de sérieuses conséquences pour ces mineurs dont l’espérance de vie est plus faible que celle des autres parce que leur métier a été pénible et qu’ils ont travaillé dans des conditions difficiles. On doit leur apporter une réponse.

M. Paul Christophe. Madame Zannier, je comprends votre émotion puisque je suis moi-même député du Nord, territoire également très marqué par l’activité minière. Notre collègue Thibault Bazin nous avait déjà alertés l’année dernière en prenant également l’exemple de cette mine de sel située dans sa circonscription. Évidemment, l’exercice budgétaire nous donne l’opportunité d’en discuter, mais on voit bien que ce n’est pas le bon véhicule législatif puisqu’il s’agit d’enlever des crédits à l’un pour les mettre à l’autre, ce qui provoquerait un nouveau déséquilibre sur une autre ligne budgétaire.

Madame la présidente, notre commission s’honorerait à explorer ce sujet, peut-être par le biais d’une mission « flash ». Il serait bon en effet d’apporter une autre réponse que celle qui consiste à se revoir l’an prochain lors de l’examen de la mission.

M. le rapporteur. Je ne suis que rapporteur pour avis, ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas d’avis sur le sujet. Je suis vraiment sensible aux arguments que vous venez d’évoquer. Je vous disais tout à l’heure que le panier moyen des prestations d’action sanitaire et sociale par bénéficiaire n’a cessé de croître, mais je ne doute pas qu’il existe d’autres problématiques auxquelles il faut remédier. Je vous propose de retirer votre amendement, de le retravailler avec M. Olivier Damaisin, le rapporteur spécial des crédits de cette mission, avant la semaine prochaine et peut-être de le redéposer en séance publique.

Mme Hélène Zannier. Je suis d’accord pour le retravailler, mais je préfère le maintenir pour pouvoir connaître l’avis de chacun.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sans modification.

Article 35 et état D : crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Pensions sans modification.

 

La réunion s’achève à dix heures quarante-cinq.

 

 

 

 


—  1  —

   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

 Conseil d’orientation des retraites (COR)M. Emmanuel Bretin, secrétaire général, et Mme Frédérique Nortier-Ribordy, chargée de mission

 Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA)M. Bertrand Fragonard, président délégué

– Mme Dominique Meurs, professeure à l’université Paris-ouest Nanterre – La Défense

– Mme Carole Bonnet, directrice de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED)

– M. Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques

– Mme Monika Queisser, cheffe de la division Politiques publiques de l’OCDE

 Ministère du Travail – Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) – Mme Fanny Mikol, cheffe de la mission Analyse économique

  Mme Sophie Panonacle, députée

  Mme Olga Trostiansky, présidente du Laboratoire de l'égalité, conseillère au Conseil économique, social et environnemental

 Cabinet de la ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes – M. Grégoire Potton, directeur de cabinet, Mme Amandine Giraud, directrice adjointe de cabinet, Mme Charlotte Groppo, conseillère droits des femmes, M. Owen Chartier, conseiller parlementaire ; Mme Catherine Lesterpt, cheffe adjointe du Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE) au sein de ce ministère

 Cabinet du secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, chargé des retraites et de la santé au travail ‑ M. Philippe Laffon, directeur adjoint de cabinet, M. Charles Mahy, conseiller, et Mme Stéphanie Deschaume, conseillère


([1]) https://www.cor-retraites.fr/sites/default/files/2020-10/Note_%C3%A9tape_Vpl%C3%A9ni%C3%A8re.pdf

([2]) « Réformer les retraites en temps de crise », Institut Montaigne, 27 octobre 2020.

([3]) Loi n°2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire

([4]) Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances

 

([5]) « Conditions de vie pendant le confinement : des écarts selon le niveau de vie et la catégorie socio-professionnelle », Insee Focus n°197, juin 2020.

([6]) « Premiers résultats des enquêtes publiques de l’INSERM sur la covid 19 », 9 octobre 2020 : https://presse.inserm.fr/premiers-resultats-des-enquetes-de-sante-publique-de-linserm-sur-la-covid-19-facteurs-de-risque-individuels-et-sociaux/41032/

([7]) « Retraites : une réforme anachronique ? », Institut Montaigne, juin 2020.

([8]) « Conditions de vie pendant le confinement : des écarts selon le niveau de vie et la catégorie socio-professionnelle », Insee Focus n°197, juin 2020.

([9])  « Évolutions et perspectives des retraites en France », rapport annuel du COR, juin 2019.

([10])  « Projections de la population active à l’horizon 2070 », Malik Koubi et Anis Marrakchi, INSEE, document de travail n° F1702, 2017

([11]) « Les 1000 premiers jours, là où tout commence », rapport de la commission des 1000 premiers jours, septembre 2020.

([12]) Voir « Prise en compte et compensation des droits à réversion pour les conjoints divorcés », Bertrand Fragonard, Anne-Marie Leroyer, septembre 2020.

([13]) « Les 1 000 premiers jours, là où tout commence », rapport de la commission des 1 000 premiers jours, septembre 2020.

([14]) « Agir pour la parité, performance à la clé », Aulde Courtois et Jeanne Dubarry de Lassalle, Institut Montaigne, 2019.

([15]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9805677_5fa2656a5dedc.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2021-seconde-partie--mission-re-4-novembre-2020