Logo2003modif

N° 3488

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2020.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR

LE PROJET DE LOI de finances pour 2021,

 

 

TOME V

 

 

COHÉSION DES TERRITOIRES

 

LOGEMENT

 

 

PAR Mme Claire PITOLLAT,

 

Députée.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  3360, 3399 (annexe n° 8).

 

 


 

 


—  1 

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

PREMIÈRE PARTIE : UNE AUGMENTATION DE CRÉDITS CIBLÉE AU SEIN DE LA MISSION COHÉSION DES TERRITOIRES EN 2021

I. LE PROGRAMME 177 HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

II. LE PROGRAMME 109 AIDE À L’ACCES AU LOGEMENT

III. LE PROGRAMME 135 URBANISME, TERRITOIRES ET AMÉLIORATION DE L’HABITAT

IV. L’IMPACT DU PLAN DE RELANCE SUR LE LOGEMENT

SECONDE PARTIE : LA NÉCESSITÉ DE DÉCLOISONNER LES POLITIQUES DE L’HÉBERGEMENT ET DU LOGEMENT

I. L’HÉBERGEMENT D’URGENCE NE DOIT ÊTRE QU’UNE ÉTAPE AVANT L’ACCeS À L’AUTONOMIE, ET EST À INSCRIRE DANS UNE VISION DE PLUS LONG TERME

A. L’HÉBERGEMENT NE SE LIMITE PLUS À SON RÔLE D’URGENCE

1. La crise sanitaire a démontré des capacités décuplées de mise à l’abri

2. La saturation des structures d’hébergement reste perpétuelle malgré l’augmentation du nombre de places

B. L’HÉBERGEMENT DOIT RETROUVER Son caractÈre temporaire

1. Optimiser la veille sociale et le travail d’orientation

2. Adapter et accompagner vers et dans le logement

3. Refaire de la domiciliation une priorité

C. POUR ROMPRE AVEC LA SPIRALE DE L’HÉBERGEMENT QUI DURE, POURSUIVRE LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN « LOGEMENT D’ABORD »

1. Les premières avancées du Logement d’abord

2. L’acte III du Logement d’abord à partir du 1er janvier 2021 : le logement adapté pour plus de stabilité

i. Développer les pensions de famille

ii. Promouvoir l’intermédiation locative

II. L’ACCÈS AU LOGEMENT ET LE MAINTIEN DANS UN LOGEMENT DÉCENT NÉCESSITENT UN EFFORT REDOUBLÉ

A. L’OFFRE DE LOGEMENTS RESTE LARGEMENT ENGORGÉE

1. Le difficile accès au logement social

2. La lutte contre la vacance dans le parc privé

B. LA LUTTE CONTRE LE LOGEMENT INDÉCENT OU INDIGNE DOIT ÊTRE INTENSIFIÉE

1. Informer les occupants pour réduire le non-recours

2. Simplifier les procédures et systématiser l’application des sanctions

() Circulaire du 8 février 2019 relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne

() Ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.

3. Mettre en avant les projets locaux de lutte contre l’habitat indigne

4. Allier performance énergétique et performance sanitaire et sociale

C. LES AIDES FINANCIÈRES PEUVENT PERMETTRE LE MAINTIEN DANS LE LOGEMENT

1. Prévenir les impayés de loyer et ainsi les expulsions

2. Sécuriser les risques locatifs

3. Permettre aux aides au logement de jouer leur rôle solvabilisateur

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE : PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE


—  1  —

   AVANT-PROPOS

 

La présentation des crédits pour la mission Cohésion des territoires intervient dans un contexte où la programmation budgétaire pour 2020 a été bousculée par la crise sanitaire. Dans ces circonstances, il est apparu essentiel de poser un regard social sur le sujet du logement, alors que la période de confinement a plus que jamais mis en avant l’importance pour chacun de vivre dans un habitat sain et digne. Le projet de loi de finances pour 2021 est ainsi la première occasion pour la commission des affaires sociales de se saisir pour avis des crédits attribués au logement.

Les crédits pour 2021 s’inscrivent dans une dualité de missions consistant à répondre à l’urgence de la crise et à participer d’une vision de la politique du logement à plus long terme. La crise a accentué la tendance d’accroissement des dépenses de l’hébergement. Cette tendance, déjà amorcée depuis des années, est en tout ou partie explicable par des carences dans la politique du logement. Il a été entendu lors des auditions menées que l’hébergement et le logement sont des vases communicants, et que le nombre croissant de demandes d’hébergement est intimement lié aux résultats de la politique du logement. C’est pourquoi les politiques de l’hébergement et du logement doivent être traitées de manière globale et décloisonnée, ce qui impliquera notamment à l’avenir une coordination des efforts et une mutualisation de moyens. Un seul objectif doit en effet être poursuivi : la recherche de stabilité pour les personnes sans-abri ou mal logées.

Après une présentation synthétique des crédits, la partie thématique du présent rapport s’intéressera aux politiques de l’hébergement et du logement des personnes modestes et très modestes, dans l’optique de :

– sortir des schémas d’hébergement d’urgence au profit de l’accès à un logement durable, gage d’insertion dans la société ;

– permettre le maintien dans le logement et lutter contre l’habitat indigne.

Au terme de son analyse, la rapporteure émet un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 177, 109 et 135 de la mission Cohésion des territoires. La seconde partie du rapport a vocation à exposer les constats dressés lors des auditions menées, à explorer les pistes d’amélioration pour les politiques de l’hébergement et du logement, et à proposer des tendances pour l’avenir.


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : UNE AUGMENTATION DE CRÉDITS CIBLÉE AU SEIN DE LA MISSION COHÉSION DES TERRITOIRES EN 2021

I.   LE PROGRAMME 177 HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme ou de l’action

LFI 2020
crédits de paiement

PLF 2021
crédits de paiement

Évolution LFI 2020 / PLF 2021 (en %)

177 – Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

1 991 214 477

2 200 000 000

10,49

11 – Prévention de l’exclusion

50 361 191

52 361 191

3,97

12 – Hébergement et logement adapté

1 931 720 629

2 138 506 152

10,70

14 – Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale

9 132 657

9 132 657

0

Source : Projet annuel de performance pour 2021 de la mission Cohésion des territoires.

Il sera porté au sein du présent rapport une attention particulière à l’évolution des crédits du programme 177. Sont à noter les principales évolutions suivantes, allant dans le sens d’une croissance de son enveloppe :

Une enveloppe globale de 2,2 milliards d’euros, soit :

– 209 millions d’euros supplémentaires par rapport à la LFI 2020 ;

– 9 millions d’euros supplémentaires par rapport aux LFI et LFR 2020.

Parmi les programmes 177, 109 et 135, seul le programme 177 a fait l’objet d’une augmentation de crédits en lois de finances rectificatives (LFR) en 2020, à hauteur de 200 millions d’euros. En intégrant ces crédits, la variation de 2021 par rapport à la vision budgétaire globale de 2020 correspond à une légère augmentation de 0,40 %. Selon la DGCS, un nouvel effort sera demandé en loi de finances rectificative de fin d’année au titre de ce programme.

Au niveau du programme 177, les évolutions suivantes sont à noter par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2020 :

– 126 millions d’euros supplémentaires pour l’hébergement d’urgence, permettant la création de 7 000 places d’hébergement ;

– 65 millions d’euros supplémentaires pour le plan Logement d’abord, dont l’acte III se concentre sur le développement de l’offre de logements adaptés ;

– 12 millions d’euros supplémentaires pour la veille sociale, dans l’optique d’améliorer la fluidité dans le parcours des demandeurs d’hébergement et de logement.

Les indicateurs présentés dans le projet annuel de performance, qui doivent évidemment être regardés à la lumière du contexte de crise, témoignent des efforts entrepris pour la mise à l’abri depuis mars 2020. Ils montrent également la focalisation sur la réponse à l’urgence, qui n’a malheureusement pas permis d’atteindre les objectifs fixés en termes d’accès au logement adapté et autonome.

 

 

Prévision 2020 établie en 2019

Prévision 2020 actualisée

(revue à la hausse ou à la baisse)

Indicateur 1.1 Taux de réponse positive du SIAO

aux demandeurs d’hébergement

33 %

46,9 %

(revue à la hausse)

aux demandeurs de logement adapté

1,31 %

0,79 %

(revue à la baisse)

Indicateur 1.2 Part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement

vers un logement adapté

12 %

9,3 %

(revue à la baisse)

vers un logement autonome

47 %

27 %

(revue à la baisse)

Source : Commission des affaires sociales sur la base du projet annuel de performance.

Enfin, l’indicateur 1.3 indique une proportion croissante de places en logement adapté par rapport au nombre de places d’hébergement et inscrit cette évolution dans une stratégie visant à « enclencher une dynamique de chaînage de l’hébergement et du logement, autour d’une variété de solutions en fonction de la situation des personnes concernées ». La rapporteure souscrit pleinement à cette idée.


II.   LE PROGRAMME 109 AIDE À L’ACCES AU LOGEMENT

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme ou de l’action

LFI 2020
crédits de paiement

PLF 2021
crédits de paiement

Évolution LFI 2020 / PLF 2021 (en %)

109 – Aide à l’accès au logement

12 038 850 337

12 476 400 000

3,63

01 – Aides personnelles

12 028 350 337

12 467 000 000

3,65

02 – Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté

8 400 000

8 400 000

0,00

03 – Sécurisation des risques locatifs

2 100 000

1 000 000

– 52,38

Source : Projet annuel de performance pour 2021 de la mission Cohésion des territoires.

Le programme 109 connaît une légère augmentation de ses crédits en 2021, principalement centrée sur l’action 1 « Aides personnelles ». Les aides à la personne restent ciblées sur les ménages aux ressources les plus modestes, pour un total de 15,7 milliards d’euros en 2021 dont 77,9 % financés par l’État via le fonds national d’aide au logement (FNAL). En comparaison, les aides au logement avaient représenté 16,7 milliards d’euros en 2019. Action Logement contribuera au financement du FNAL par un abondement exceptionnel de 1 milliard d’euros en 2021.

La réforme centrale réside dans le déploiement de la base ressources rendant possible le calcul des aides au logement au plus près des ressources des bénéficiaires, aussi appelé « contemporéanisation ».

Concernant l’action 1 « Aides personnelles », la rapporteure exprime sa préoccupation concernant le montant des aides au logement, qui ne doit pas faire l’objet de nouvelles diminutions après celles connues lors des précédents exercices budgétaires.

À la faveur de l’action 2 « Information relative au logement et accompagnement des publics en difficulté », le programme 109 finance l’information concernant le logement aux usagers ainsi que des actions d’accompagnement et de suivi. L’action 3 « Sécurisation des risques locatifs » subit quant à elle une forte baisse due à la transition entre la garantie locative aux mains de l’État et la garantie Visale financée par Action Logement.

 


III.   LE PROGRAMME 135 URBANISME, TERRITOIRES ET AMÉLIORATION DE L’HABITAT

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme ou de l’action

 

LFI 2020
crédits de paiement

PLF 2021
crédits de paiement

Évolution LFI 2020 / PLF 2021 (en %)

135  Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat

346 469 861

528 353 448

52,50

01 – Construction locative et amélioration du parc

14 000 000

19 000 000

35,71

02 – Soutien à l’accession à la propriété

4 050 000

4 100 000

1,23

03 – Lutte contre l’habitat indigne

20 475 000

19 200 000

– 6,23

04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction

227 550 000

218 400 000

– 4,02

05 – Soutien

21 875 000

25 200 000

15,20

07 – Urbanisme et aménagement

58 519 861

242 453 448

314,31

Source : Projet annuel de performance pour 2021 de la mission Cohésion des territoires.

L’augmentation globale du programme 135 est principalement imputable à la hausse des crédits de l’action 7 « Urbanisme et aménagement » axée sur l’aménagement de l’espace public. Si ces crédits ne sont pas détaillés dans le présent avis, la rapporteure se félicite de l’enveloppe accordée au financement des projets partenariaux d’aménagement (PPA) à hauteur de 12,6 millions d’euros en autorisations d’engagements et 8,6 millions d’euros en crédits de paiement. Une partie importante des crédits supplémentaires est également allouée à la compensation budgétaire des évolutions de taxe pour les établissements publics fonciers qui œuvrent pour la revitalisation des centres villes, pour la requalification urbaine et la lutte contre l’habitat indigne.

La rapporteure regrette que les efforts n’aient pas été étendus aux autres actions, et souhaite mettre particulièrement l’accent sur les besoins concernant l’action 3 « Lutte contre l’habitat indigne », qui fait l’objet d’une baisse de 6,23 % de crédits de paiements en 2021. Elle espère que les compensations accordées aux établissements publics fonciers dans le cadre de l’action 7 pourront contribuer significativement aux actions de lutte contre l’habitat indigne. En tout état de cause, les baisses de crédits de l’action 3 ne devront pas se réitérer dans les prochains budgets.

 


IV.   L’IMPACT DU PLAN DE RELANCE SUR LE LOGEMENT

Au sein de la mission dédiée au plan de relance, les axes suivants concernent le logement :

        la rénovation énergétique massive des bâtiments, et la relance de la construction en aidant les collectivités à faire émerger des projets vertueux, ambitions contenues dans le programme 362 « Écologie » ;

        la mise à l’abri des personnes en situation de grande précarité, ambition figurant dans le programme 364 « Cohésion ».

Au regard de ce second axe, le plan de relance comprend des « mesures de développement et d’amélioration de l’hébergement du logement temporaire » : 100 millions d’euros d’autorisations d’engagements sont consacrés au développement et à l’amélioration des structures d’accueil des personnes en grande précarité ou grande exclusion, dont 37 millions d’euros déployés dès 2021 :

– 50 millions d’euros serviront à créer de nouvelles places d’hébergement ainsi qu’à réhabiliter ou humaniser les structures existantes dont la crise a révélé les manques. Selon la DGCS, 10 millions d’euros seront utilisés pour installer des cuisines et autres dispositifs permettant de faciliter l’alimentation des personnes logées à l’hôtel ;

– 30 millions d’euros permettront des expérimentations en matière de rachat d’hôtels, de logements modulaires ainsi que l’accélération du plan de traitement des foyers de travailleurs ;

– 20 millions d’euros seront dédiés à la réhabilitation des aires d’accueil des gens de voyage.


—  1  —

   SECONDE PARTIE :
LA NÉCESSITÉ DE DÉCLOISONNER LES POLITIQUES DE L’HÉBERGEMENT ET DU LOGEMENT

Le mal-logement comprend une large palette de réalités pouvant correspondre à une absence de domicile, à des difficultés d’accès ou de maintien dans le logement, à des conditions d’habitat dégradées ou encore de surpopulation. Des outils existent, tels que la typologie européenne de l’exclusion liée au logement, qui regroupe les personnes sans-abri, sans logement, et vivant en « logement précaire » ou en « logement inadéquat ». Une fois le mal-logement défini, il reste toutefois difficile de connaître le nombre de personnes concernées par ces phénomènes.

Il demeure qu’une forte pression se fait sentir sur l’hébergement d’urgence depuis des années, et s’est intensifiée depuis le début de la crise sanitaire. En parallèle, le confinement a mis en exergue l’importance de vivre dans un logement sain et décent.

I.   L’HÉBERGEMENT D’URGENCE NE DOIT ÊTRE QU’UNE ÉTAPE AVANT L’ACCeS À L’AUTONOMIE, ET EST À INSCRIRE DANS UNE VISION DE PLUS LONG TERME

A.   L’HÉBERGEMENT NE SE LIMITE PLUS À SON RÔLE D’URGENCE

Un paradoxe doit être d’emblée souligné : les crédits de l’hébergement ont constamment et considérablement augmenté lors des dernières années, pourtant les besoins restent criants et les conditions peinent à s’améliorer.

Évolution des crédits de paiement du programme 177 entre 2016 et 2021

(en millions d’euros)

LFI 2016

PLF 2021

Variation sur 5 ans (en %)

 

1 439 605 700

 

2 200 000 000

52,82

Source : Commission des affaires sociales sur la base des LF 2016 et PLF 2021.

Les crédits alloués à l’hébergement ne servent pas un investissement à moyen ou long terme mais visent à répondre à une situation d’urgence et à apporter une aide immédiate aux personnes privées d’abri. Or la durée de séjour est souvent très longue et la sortie des dispositifs d’hébergement est difficile.

1.   La crise sanitaire a démontré des capacités décuplées de mise à l’abri

L’ensemble des acteurs auditionnés souligne la bonne coordination entre acteurs et les synergies mises en place pendant la crise. L’enjeu était de mettre à disposition suffisamment de places et d’assurer la mission d’hébergement dans des conditions satisfaisantes au niveau sanitaire. La rapporteure salue les efforts mis en œuvre dans ce contexte.

À partir du mois de mars 2020, le travail s’est concentré sur la mise à l’abri via la création de places à l’hôtel, à la faveur des négociations entreprises avec des groupements hôteliers. Au plus fort de la crise, 35 500 places supplémentaires dont 12 600 places à l’hôtel ont été ouvertes. Cette mise à l’abri n’a toutefois pas été synonyme de protection pérenne. La trêve hivernale prolongée jusqu’au 10 juillet a été levée et une partie des places ouvertes au printemps a été fermée.

L’hébergement a dû être adapté aux mesures sanitaires et aux risques de contamination à la covid-19 :

 Des problèmes de contamination ont été relevés dans certains centres et au sein de campements nécessitant des évacuations. En revanche, un faible nombre de contaminations est à signaler dans le logement adapté et autonome.

 Les structures d’hébergement sans vocation médicale, parmi lesquelles les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), ont fait face à de nouvelles contraintes comme la création d’espaces d’isolement pour les personnes potentiellement malades ou diagnostiquées positives. Ces adaptations ont engendré des dépenses conjoncturelles ou structurelles, dans un contexte où les CHRS subissent déjà une pression financière compte tenu de la mise en place de tarifs plafonds depuis 2018 ([1]). Si l’arrêté du 19 août 2020 ([2]) suspend la convergence tarifaire amorcée avec la création des tarifs plafonds, cette suspension n’est actée que pour l’année 2020. Les représentants du secteur de l’hébergement auditionnés craignent que ces éléments ne s’associent pour créer une baisse de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement.

 Des centres spécialisés « covid » ont été ouverts pour accueillir les personnes malades ne nécessitant pas d’hospitalisation. Ces centres n’ont pas atteint leur taux d’occupation maximal, en raison des vigilances des autorités sanitaires préconisant d’y accueillir uniquement des personnes diagnostiquées. L’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France estime à 200 le nombre de personnes accueillies dans ces centres « covid » depuis le début de la crise. Pour les personnes en attente de résultats de test ont également été créés des centres « sas » permettant de réguler les flux entre les centres d’hébergement et les centres « covid ».

Ces adaptations nées de la crise font se rencontrer la logique sanitaire et la logique sociale. L’association de compétences de ces deux secteurs a permis la continuité de l’accueil, l’isolement des malades et l’amélioration de l’accès aux droits et aux soins. Ce travail d’optimisation doit être poursuivi et cette coopération conservée à l’avenir.

La nécessité de prévenir la propagation épidémique et de soigner les malades n’a toutefois pas fait oublier celle d’apporter une aide alimentaire aux plus vulnérables.

Les chèques-services

Le dispositif des chèques-services a été l’une des mesures emblématiques déployées par le gouvernement, pour un total de 50 millions d’euros à raison de deux chèques de 3,50 euros par personne distribués quotidiennement lors de cinq campagnes. Les bénéficiaires de ce dispositif sont les personnes sans domicile n’ayant pas accès à une offre d’aide alimentaire, à un service de restauration et à des produits de première nécessité : personnes sans-abri et à la rue, vivant en campements, hébergées à l’hôtel ou dans une structure d’hébergement.

Selon la DGCS, 110 000 personnes ont bénéficié de ce dispositif au printemps et à l’été 2020. Les associations auditionnées ont exprimé l’utilité de ces chèques-services, mais également leur regret quant à l’inéligibilité à ce dispositif des personnes vivant dans un logement durable bien qu’ayant de fortes difficultés financières. Cela témoigne d’une imperméabilité encore importante des politiques de l’hébergement et du logement.

 

2.   La saturation des structures d’hébergement reste perpétuelle malgré l’augmentation du nombre de places

L’augmentation du nombre de places se poursuit puisque le PLF pour 2021 prévoit l’ouverture de 7 000 places hivernales, portant à 14 000 les nouvelles places ouvertes ou pérennisées depuis juillet 2020. Cette augmentation perpétuelle du nombre de places permet des mises à l’abri mais n’offre toutefois pas de solution durable aux personnes ayant des difficultés d’accès au logement.

Si le nombre de places augmente, la notion d’hébergement recouvre une palette de situations allant de certaines plus favorables à d’autres très délicates, parmi lesquelles figurent l’hébergement dans des locaux mobilisés sans avoir été « humanisés », ou encore dans des résidences hôtelières précaires. La rapporteure émet une vigilance particulière concernant l’augmentation du nombre de places à l’hôtel, qui de l’avis de tous les acteurs auditionnés sont coûteuses et allient instabilité et promiscuité.

Le coût d’une place d’hébergement diffère beaucoup en fonction des types de structures. L’écart de prix dépend essentiellement du taux d’encadrement par les personnels et des services disponibles dans les infrastructures, comme la présence de cuisines ou la fourniture de repas.

Vision non exhaustive des coût et durée de séjour moyens en fonction du type de structure

 

Hébergement

Logement adapté

Hébergement généraliste

CHU et CHRS

Intermédiation locative

Pensions de familles

Coût moyen annuel de la place (en euros)

5 475 à 17 155*

16 000* à 19 500**

2 500 à 5 000**

6 570**

Durée de séjour moyen (en jours)

386*

13,6 mois***

Supérieur à six mois**

Supérieur à six mois**

Sources : Commission des affaires sociales sur la base des données fournies par Adoma*, Nexem** et la DGCS***.

Le coût de l’intermédiation locative varie en fonction des départements. Par exemple, le département de la Moselle a fixé un coût de 5 000 euros par an, alors que le département de Meurthe-et-Moselle applique le tarif minimal de 2 500 euros.

Ce panorama ne vise aucunement à établir une hiérarchie parmi les types de structures d’hébergement, mais à montrer que la palette d’hébergement est large, et qu’il est utile de mélanger les solutions pour proposer aux personnes le type de structure le plus adapté pour elles à un moment donné de leur parcours.

Les sources entendues par la rapporteure convergent dans le sens d’une durée moyenne de séjour trop longue et de la complexité à sortir de l’hébergement d’urgence. Cette durée est une donnée non aisée à exploiter en raison de l’hétérogénéité des structures et des types de publics accueillis. L’opérateur d’hébergement Adoma fait part pour 2020 d’une durée moyenne de séjour de 386 jours pour l’hébergement généraliste, soit un peu plus de douze mois, et d’un taux de rotation de 50 %, correspondant au rapport entre le nombre de départs et l’effectif présent lors de l’année précédente. La DGCS indique une durée de séjour moyenne proche de 13,6 mois pour les CHRS et les CHU. Lors de son audition, la DIHAL a indiqué avoir pour objectif de ramener la durée moyenne de séjour à six mois, à la faveur des dispositifs d’accès au logement adapté dans la philosophie du Logement d’abord. Dans cette optique, la rapporteure souligne qu’il est indispensable que l’hébergement d’urgence reste une solution très temporaire.

B.   L’HÉBERGEMENT DOIT RETROUVER Son caractÈre temporaire

Afin de permettre à l’hébergement de retrouver sa vocation initiale de réponse à une situation d’urgence, plusieurs axes méritent d’être explorés.

1.   Optimiser la veille sociale et le travail d’orientation

Les maraudes et l’accueil de jour ont été maintenus lors du confinement, en tenant compte dans la mesure du possible des contraintes sanitaires. Ces dispositifs de veille sociale sont essentiels en ce qu’ils sont une porte d’entrée vers d’autres droits pour les publics les plus fragiles. Après les efforts de 2019 et 2020 pour la professionnalisation des maraudes et le financement de services dans les accueils de jours, 4 millions d’euros sont prévus en 2021 pour les accueils de jour.

La mise en place d’équipes mobiles est une des initiatives intéressantes de la crise. Certaines ont été formées pour le diagnostic sanitaire et ont aussi joué un rôle social. Elles ont permis de rassurer les personnels des centres d’hébergement autant que les personnes éloignées du logement.

Les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) ont mutualisé leurs moyens à l’échelle interdépartementale pendant la crise afin d’orienter au mieux les demandeurs d’hébergement ou de logement. Ces efforts couplés à l’augmentation du nombre de places d’hébergement ont permis de faire chuter le nombre d’appels au 115 de 80 % au printemps 2020. Le nombre de demandes non pourvues en soirée s’est effondré puis a de nouveau augmenté pour rejoindre en septembre 2020 le même niveau qu’en 2019.

Pour une meilleure fluidité dans l’orientation des demandeurs, 8 millions d’euros supplémentaires sont prévus dans le PLF pour 2021 pour le renfort des SIAO, ce qui permettra :

– un renfort de personnel de 150 équivalent temps plein (ETP) ;

– l’évolution du système d’information (SI SIAO), qui après sa refonte prévue d’ici la fin de l’année 2020, connaîtra des travaux en 2021 pour interfacer le SI SIAO vers les applicatifs du secteur du logement social, dans l’optique d’un échange accru entre les acteurs ;

– l’utilisation de données statistiques pour améliorer la connaissance des publics concernés et ainsi proposer des parcours de plus en plus adaptés, la base de données du SI SIAO ayant vocation à alimenter les travaux lancés depuis 2019 par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du Ministère des Solidarités et de la Santé.

2.   Adapter et accompagner vers et dans le logement

Les dynamiques d’adaptation issues de la crise ont, pour certaines, vocation à se poursuivre. Ainsi le logement indépendant plutôt que collectif est un besoin autant inspiré par le contexte sanitaire que par la recherche de dignité, d’autonomie et d’insertion. Depuis le début de l’épidémie de covid-19 ont été questionnés certains modèles d’hébergement incluant des espaces collectifs tels que des dortoirs. La création de chambres individuelles ou d’appartements indépendants pour les familles, déjà favorisée avant crise, va dans une direction satisfaisante. L’agence nationale de l’habitat (ANAH) prend en charge une partie des travaux au titre de ses actions d’humanisation des structures, dans une limite de 50 % du coût des travaux et de 10 000 euros par place, s’élevant à 15 000 euros en Île-de-France. En revanche, les opérateurs d’hébergement mettent en avant le fait que le maintien des cuisines collectives ne représente pas forcément une difficulté. Il est nécessaire que les personnes hébergées disposent d’endroits pour se confectionner des repas, plutôt que d’avoir recours à des prestations de portage de repas.

Dans la logique de l’accompagnement vers et dans le logement (AVDL), il est crucial de permettre une transition plus douce pour les personnes passant de la rue ou de l’hébergement à un logement autonome, en prévoyant des mesures d’accompagnement avant et après l’accès au logement. Pour accroître les chances qu’une personne se maintienne dans le logement de manière stable et pérenne, et éviter ainsi tout retour vers la rue, il convient d’adapter le plus possible l’accompagnement aux besoins de chacun.

Les associations insistent sur le fait que certains individus ont besoin d’un accompagnement resserré et fréquent tandis que d’autres n’en nécessitent qu’un occasionnel voire aucun. Une différenciation des suivis permet alors de concentrer les forces sur les personnes qui en ont besoin et de faire tendre les autres vers une autonomie progressive. Ainsi, les personnes présentant des addictions ou des troubles psychiques requièrent un accompagnement particulier en lien avec le secteur médico-social ou sanitaire.

Pour réaliser un suivi après de récents retours vers le logement, l’action des professionnels sociaux de proximité doit être encouragée et développée. L’accompagnement peut être de nature socio-éducatif, avec des conseils concernant l’alimentation ou la vie familiale, ou encore socio‑économique pour ce qui est des démarches administratives ou du paiement des loyers. Les initiatives intégrant des pairs ayant vécu les mêmes situations sont reconnues comme plus efficaces, en ce qu’elles créent des leviers pédagogiques ayant une dimension concrète.

3.   Refaire de la domiciliation une priorité 

La domiciliation offre aux personnes ne disposant pas d’un domicile stable une adresse leur permettant de recevoir du courrier, étape indispensable pour l’accès aux droits, aux prestations sociales et par extension aux soins.

Si la loi ALUR du 24 mars 2014 ([3]) a inscrit le pilotage de la domiciliation par l’État, ce sont les centres communaux d’action sociale (CCAS) qui sont chargés de sa mise en œuvre. Ce service peut également être rendu par des associations, mais les CCAS comme les associations manquent de moyens pour réaliser cette mission dans de bonnes conditions.

Plusieurs acteurs auditionnés ont indiqué les forts besoins en termes de domiciliation et la sous-dotation des organismes la pratiquant. Le problème de financement pour la domiciliation est structurel : elle n’est pas incluse dans les programmes de financement par l’État. Or les communes ne peuvent pas toujours dédier des moyens à ce service, ce qui engendre l’impossibilité de domicilier les personnes qui le demandent, ou des conditions de domiciliation non satisfaisantes, par exemple des locaux exigus, des horaires d’ouverture très réduits ou un manque d’accompagnement des personnes.

La rapporteure souhaite mettre en avant l’importance du service de domiciliation, en ce qu’elle conditionne l’accès aux droits. Elle regrette que les moyens nécessaires ne soient pas alloués à la domiciliation, et propose la création d’une ligne budgétaire dédiée dès 2021. Celle-ci financerait l’amélioration globale du fonctionnement de la domiciliation, notamment l’adaptation des locaux, l’acquisition des matériels et logiciels nécessaires, et la formation des personnels à l’accompagnement et au suivi.

Le public nécessitant une domiciliation peut être estimé sur la base du nombre de personnes sans domicile fixe, hébergées à l’hôtel ou vivant en habitat de fortunes, soit un total de 255 000 personnes ([4]). À ce chiffre s’ajoutent les personnes domiciliées chez des tiers et qui peuvent également avoir besoin de ce service. Un collectif inter-associations a établi en septembre 2020 un état des lieux concernant la domiciliation ([5]). Une ligne budgétaire de 10 millions d’euros permettrait d’apporter aux organismes de domiciliation, dont le nombre était estimé à 2 716 en 2018 ([6]), une première aide à raison de 3 681 euros par organisme. Cette allocation de moyens ne lèverait pas tous les freins à la domiciliation mais contribuerait à l’amélioration de ce service. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, la rapporteure propose que ces 10 millions d’euros soient issus à égale hauteur :

-         d’une réaffectation de crédits au sein de l’action 12 « Hébergement et logement adapté » du programme 177 ;

-         et d’une annulation de crédits au sein des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et 147 « Politique de la ville », au profit du programme 177.

La rapporteure se réjouit toutefois d’une avancée prévue pour 2021, résidant dans le déploiement d’un nouvel outil informatique visant à faciliter la domiciliation et appelé Domifa. L’outil a été créé par une start-up d’État incubée dans le cadre de la fabrique numérique des ministères sociaux. Il s’agit d’une plateforme informatique ayant pour objet de simplifier la gestion pour les organismes domiciliataires volontaires. À terme, Domifa pourrait proposer une communication directe avec les domiciliés afin d’optimiser leur accès aux droits, par exemple via des notifications automatiques aux domiciliés à la réception du courrier.

C.   POUR ROMPRE AVEC LA SPIRALE DE L’HÉBERGEMENT QUI DURE, POURSUIVRE LA MISE EN ŒUVRE DU PLAN « LOGEMENT D’ABORD »

1.   Les premières avancées du Logement d’abord

Le « plan quinquennal pour le logement d’abord » lancé en 2017, vise à assurer un véritable « service public de la rue au logement ». Il s’agit de recentrer l’hébergement sur sa mission d’accueil temporaire et sa vocation d’urgence et de développer des parcours d’accès plus rapides au logement adapté ou autonome.

Trois ans après son lancement, l’ensemble des acteurs du secteur est convaincu du bien-fondé de sa philosophie. La crise a permis de confirmer que le Logement d’abord est la stratégie la plus adaptée. Ce plan a déconstruit l’idée selon laquelle une personne doit démontrer sa « capacité à habiter » avant qu’un logement stable ne lui soit proposé. Depuis son lancement en 2017, 150 000 personnes seraient sorties de la rue. Ce bilan comprend uniquement les sorties vers le logement durable et non les remises à la rue « sèches », qui en théorie ne doivent pas se produire. Ces chiffres historiques sont mis en perspective par le secteur associatif en ce qu’ils ne correspondraient pas au différentiel induit par le Logement d’abord, mais à la somme de toutes les mesures prises avant et depuis 2017.

« Chez soi d’abord »

 

Le dispositif « Chez soi d’abord » est emblématique du plan Logement d’abord. Il incarne le changement de paradigme du plan : il s’agit de proposer aux personnes en situation d’exclusion et présentant de graves troubles psychiatriques un accès direct au logement en parallèle d’un accompagnement adapté. Avant le Logement d’abord, les personnes devaient avoir fait la preuve de leurs capacités d’insertion en ayant suivi un traitement avant leur accès au logement.

Ce dispositif a démontré son efficacité et a continué de fonctionner durant la crise : le suivi est demeuré important et le nombre d’incidents ou de contaminations parmi les bénéficiaires a été très minime. Un premier bilan peut être réalisé après quatre années d’expérimentation : selon la DIHAL, 80 % des personnes participant au dispositif « Chez soi d’abord » se sont maintenues dans le logement tout en conservant un accompagnement et en poursuivant leurs soins. Le bilan financier est également positif puisque l’expérimentation a montré qu’un accès rapide au logement coûtait en moyenne 6 000 euros de moins par personne et par an, par rapport à un dispositif classique. 

Ces excellents résultats plaident encore une fois pour inverser la courbe de croissance du nombre de places d’hébergement d’urgence par rapport à celles créées dans le logement adapté, accompagné ou durable. C’est en ce sens que le PLF pour 2021 propose au sein du programme 177 l’expérimentation d’un « Chez soi d’abord pour les jeunes ».

 

Le Logement d’abord n’est toutefois pas une réponse pour toutes les personnes ayant des difficultés de logement. Ainsi, environ la moitié des personnes hébergées en Île-de-France ne peuvent pas entrer dans les dispositifs du plan Logement d’abord car elles sont dites « à droits incomplets ». Le plan s’adresse en effet uniquement aux personnes disposant d’un titre de séjour régulier, et exclut de ce fait notamment les déboutés du droit d’asile. Or ces personnes n’ont pas non plus accès au parc social, et sont difficilement accueillies dans le parc privé avec un statut de locataire. Pour elles, le principe de l’accueil inconditionnel institué par le droit au logement opposable (DALO) dans la loi du 5 mars 2007 ([7]) n’est pas invocable. Des réalités consistent alors en aller-retours entre la rue et les centres d’hébergement pendant plusieurs années ou dizaines d’années.

En 2021 comme en 2020, aucune ligne budgétaire spécifique n’est prévue pour l’accueil des migrants et des réfugiés au sein du programme 177, ce qui entraîne un report sur le budget d’hébergement généraliste et donc un sous‑dimensionnement des besoins. Pour solutionner les situations de blocage, plusieurs acteurs auditionnés dont la DIHAL et la DGCS préconisent une coopération plus rapprochée avec le Ministère de l’Intérieur, porteur du programme 303 « Immigration et asile ». Les phénomènes migratoires créent en effet une réelle pression sur le programme 177.

2.   L’acte III du Logement d’abord à partir du 1er janvier 2021 : le logement adapté pour plus de stabilité

Dans le plan Logement d’abord, l’acte I a consisté en la sollicitation et la mobilisation des territoires, et l’acte II en la construction d’une gouvernance. L’acte III prévu à partir du 1er janvier 2021 doit permettre de regrouper les compétences développées lors des premières années de déploiement, et de mettre l’accent sur le logement adapté. La DIHAL s’appuiera sur les territoires pour plus d’efficacité et de performance sociale, via un nouvel appel à manifestation d’intérêt lancé en septembre 2020 « pour la mise en place de projets d’accompagnement de personnes en situation de grande marginalité dans le cadre d’un lieu de vie innovant à dimension collective ».

Il était ambitionné de créer 40 000 nouvelles places en intermédiation locative et 10 000 places en pensions de famille sur la durée du quinquennat. Le PLF pour 2021 prévoit la création de 8 850 places d’intermédiation locative et 2 000 places en pensions de familles ou maisons-relais. La rapporteure salue vivement ces avancées, convaincue que le logement adapté doit prendre toute sa place dans la stratégie du Logement d’abord.

i.   Développer les pensions de famille

Les pensions de famille, aussi appelées maisons-relais, sont une solution de logement accompagné pour les personnes en situation de grande exclusion, que ce soit pour des raisons économiques, sociales ou encore psychiques. Ces structures sont reconnues comme un excellent modèle tant par les administrations pilotes que par les associations œuvrant sur le terrain. Elles garantissent à la fois des conditions de vie stables et dignes et un accompagnement individuel satisfaisant. Dans cette formule sans limitation de durée, chacun a son logement mais une atmosphère collective permet l’entraide, le soutien moral et la lutte contre l’isolement.

La rapporteure se réjouit donc du développement des pensions de famille, qui offrent un accompagnement efficace et relativement peu coûteux.

La hausse du forfait journalier devrait lever certaines difficultés à créer de nouvelles pensions de familles. Le forfait versé aux hôtes est revalorisé en 2021, après une stagnation à 16 euros par jour et par place entre 2007 et 2020. Celui-ci est rehaussé de 2 euros en 2021, passant ainsi à 18 euros par jour et portant le coût annuel de 5 840 euros à 6 570 euros pour une place.

Ces tarifs journaliers et annuels en font un modèle moins coûteux que d’autres types d’hébergement. La Fondation Abbé Pierre en souligne également l’intérêt financier. Dans le cadre de son programme « Toit d’abord », un logement produit coûte en moyenne 117 559 euros et un logement en pension de famille coûte en moyenne 97 591 euros.

Cependant, l’absence de revalorisation du forfait journalier n’était pas le seul frein à la création de pensions de familles. Les opérateurs d’hébergement citent aussi les coûts d’ouverture et mettent en avant l’importance des subventions PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) adapté ainsi que des aides d’Action Logement pour assurer l’équilibre financier des opérations. La réalisation de pensions de familles peut également être freinée par le manque de partenariats avec des collectivités territoriales, ou par les craintes exprimées par les habitants au niveau local. Il convient dès lors de partager des retours d’expérience sur la réussite du modèle afin de dissiper ces appréhensions.


ii.   Promouvoir l’intermédiation locative

L’intermédiation locative correspond au développement d’une offre sociale au sein du parc privé. Ce dispositif s’adresse à 70 % à des familles à l’hôtel, et consiste donc en une stabilisation importante pour ces foyers. Sur l’objectif de 40 000 places sur le plan quinquennal, 19 000 ont été créées au 31 août 2020.

Il existe deux modèles au sein de l’intermédiation locative :

 la location – sous-location : des associations louent un bien à des propriétaires du parc privé et le sous-louent à des familles ayant besoin d’un logement ;

 le mandat de gestion : les foyers concernés signent un bail en leur nom propre, et des agences immobilières sociales (AIS) en assurent la gestion locative.

La sous-location joue un rôle transitionnel dans l’accès au logement et paraît plus sécurisante pour le propriétaire, tandis que le mandat de gestion est une solution plus pérenne pour le locataire qui peut envisager une installation définitive. L’intermédiation locative comporte aujourd’hui davantage de location par le biais d’associations que de locations directes en mandat de gestion, mais la DIHAL exprime l’objectif d’équilibrer les deux systèmes. L’enjeu est donc de convaincre les propriétaires du parc privé mais également d’augmenter la couverture territoriale des agences immobilières sociales. La rapporteure souscrit à cette stratégie de développement de l’intermédiation locative, en particulier via le mandat de gestion qui va dans le sens de l’autonomisation des personnes.

 

La croissance des dépenses d’hébergement est causée par des lacunes dans la politique du logement. Pour éviter de grever davantage le budget de l’hébergement, il est donc nécessaire de travailler sur les causes du difficile accès au logement, autant que de permettre le maintien des personnes dans un habitat sain et décent.

II.   L’ACCÈS AU LOGEMENT ET LE MAINTIEN DANS UN LOGEMENT DÉCENT NÉCESSITENT UN EFFORT REDOUBLÉ

A.   L’OFFRE DE LOGEMENTS RESTE LARGEMENT ENGORGÉE

1.   Le difficile accès au logement social

La loi ELAN du 23 novembre 2018 ([8]) portait l’ambition de fluidifier l’accès au logement social. S’il est encore trop tôt pour dresser le bilan des évolutions concernant la rotation dans le parc social, ce sujet devra être suivi avec vigilance.

Un rapport inter-associatif fait état des difficultés d’accès au logement social, en partie dues aux modes de calcul dans l’attribution des logements sociaux ([9]).Selon ce rapport, les ménages très modestes ont une plus faible probabilité d’accéder au logement social que les ménages modestes. Ainsi, un foyer dont le revenu est compris entre 342 et 513 euros par mois aurait 30 % moins de chance d’obtenir un logement social qu’un foyer dont le revenu mensuel est compris entre 1 026 et 1 368 euros. Des familles se voient alors refuser un logement social en raison d’une insuffisance de ressources.

Si les aides au logement permettent de combler l’écart entre les loyers en hausse et les revenus en baisse, leur pouvoir de solvabilisation a baissé au fil des années. Leur diminution a conduit à exclure davantage de personnes du logement social, restant alors dans l’hébergement. Cette stagnation en structure temporaire n’est pas satisfaisante : elle a des conséquences économiques et sociales en termes d’insertion, mais aussi et surtout des effets délétères sur la santé des personnes et l’éducation des enfants. Les politiques de l’hébergement et du logement doivent être regardées dans leur globalité et leurs moyens mutualisés afin d’éviter que certains publics stagnent dans l’hébergement.

2.   La lutte contre la vacance dans le parc privé

Le nombre de logements vacants en France est estimé à 3,1 millions, ce qui représente un taux de vacance de 9,1 % en 2015 ([10]). Selon l’ANAH, le taux de vacance est acceptable s’il est situé sous les 7 % ; les autres cas relèvent de l’inoccupation de longue durée.

Des schémas de taxation sont prévus pour les propriétaires dont le logement n’a pas été occupé depuis une longue période, et des crédits d’impôt existent pour la remise en location. Toutefois, ces mesures ne sont pas toujours suffisamment incitatives. Un pas a été réalisé au moment de la loi ELAN avec une exonération d’impôt concernant les locations meublées. Ce glissement d’une logique de taxation vers une logique d’incitation pourrait être davantage encouragé. C’est d’ailleurs dans cette philosophie que le crédit d’impôt pour la transition énergétique a été transformé en élargissement de MaPrimeRénov’, devant permettre un « soutien plus direct et lisible ».

Non arbitrée à ce stade, la réintroduction d’une prime de remise sur le marché serait une perspective intéressante. Des initiatives ont été mises en place localement, comme à Strasbourg où l’Eurométropole verse des primes volontaristes en cas de remise en location d’un logement vacant depuis plus de vingt-quatre mois. À ces primes peuvent également s’ajouter les subventions de l’ANAH en cas de travaux, des primes à l’intermédiation locative ou encore des primes à la réduction des loyers. Ces primes souffrent toutefois d’un manque de lisibilité et sont difficilement activables lorsqu’elles concernent uniquement le conventionnement très social, quasi inexistant en Île-de-France.

Le taux de vacance élevé peut aussi être en partie expliqué par une vision française de l’immobilier très centrée sur la construction neuve, au détriment de la réhabilitation ou réaffectation d’immeubles existants. Afin d’inverser la tendance pourraient être mis en place davantage de mécanismes incitatifs à la rénovation. Cela est d’autant plus important que l’ANAH estime que 85 % des logements de 2050 existent déjà. La plus grande partie du parc est constituée d’immeubles anciens qu’il est nécessaire d’entretenir et de moderniser, dans une logique plus globale d’aménagement du territoire et par la même occasion plus respectueuse de l’environnement.

Pour le repérage des logements vacants, un prérequis serait d’avoir des modalités d’identification plus précises des biens disponibles ou non au sein du parc locatif. Dans cette optique, certains acteurs auditionnés préconisent de rendre obligatoire l’invariant fiscal dans les contrats de location, ce qui impliquerait une modification de la loi du 6 juillet 1989 ([11]). Le renseignement systématique de ce numéro permettrait d’avoir une vision globale des logements loués et de lutter contre les biens mis en location de façon irrégulière.

Un plan national de mobilisation des logements et locaux vacants a été lancé en février 2020 par la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales et le ministre chargé de la Ville et du Logement. Il vise à identifier, inciter et si nécessaire réquisitionner, et comprend notamment :

– l’outillage des acteurs locaux, grâce à la création de la base de données « LOVAC » permettant de disposer de données fiables sur les logements effectivement vacants, et à la conception de l’outil « Zéro Logement Vacant » pour le repérage et le suivi des logements vacants à destination des collectivités et opérateurs ;

 le recensement et la valorisation des actions locales de lutte contre la vacance, à travers l’ouverture de la plateforme de mise en réseau « Rencontre des territoires », lieu d’échanges dématérialisés et banque documentaire de référence.

B.   LA LUTTE CONTRE LE LOGEMENT INDÉCENT OU INDIGNE DOIT ÊTRE INTENSIFIÉE

L’habitat indigne peut être le fait de propriétaires indélicats ou être causé par l’état d’immeubles anciens et non entretenus y compris dans les parties communes. Cet avis traitera davantage le premier cas.

1.   Informer les occupants pour réduire le non-recours

La lutte contre l’habitat indigne fait aujourd’hui l’objet d’un paradoxe : le confinement a mis en exergue le besoin de vivre dans un logement sain, et pourtant les procédures de lutte contre l’habitat indigne ont été délaissées depuis le début de la crise sanitaire.

Pour permettre à ces procédures de reprendre et d’aboutir, la première étape consiste en l’information des occupants. La rapporteure salue les efforts réalisés par les opérateurs d’information. Le programme 109 participe au financement de ces organismes dont font partie l’agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) et ses antennes départementales, qui ont réalisé en 2019 plus de 888 000 consultations auprès des citoyens et des professionnels, et ont redoublé d’énergie depuis le début du confinement.

L’information est essentielle pour prévenir les catastrophes en termes de logement indigne. Les personnes auditionnées au sein du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et de la Métropole Aix-Marseille-Provence soulignent que la plupart des foyers hébergés dans le cadre de l’évacuation d’immeubles à Marseille étaient déjà en difficulté de logement avant les effondrements. Ils pouvaient par exemple occuper un appartement sans bail ou sans assurance, ou avoir pâti de l’abandon de procédures amorcées des années auparavant. Cela témoigne de la nécessité d’identifier ces publics plus en amont, de leur apporter un accompagnement et de trouver des solutions rapidement pour ne pas arriver à des situations extrêmes et jusqu’au péril.

Il est aussi primordial d’aller trouver les publics fragiles ne sollicitant pas l’information par eux-mêmes. Pour ce faire, il est nécessaire de diversifier :

 les canaux d’informations : campagnes de communication télévisées et radiophoniques, information sur internet, sensibilisation en parallèle de démarches administratives courantes, permanences physiques et lignes téléphoniques, à l’instar de la ligne spécialement dédiée au logement indigne lancée en septembre 2019 ;

– les cibles visées : particuliers, collectivités territoriales, travailleurs sociaux, notaires, jeunes comme moins jeunes avec des supports adaptés à chacun.

Le non-recours est très courant chez les occupants de logements indignes. Il peut être dû à un manque d’information ou à la crainte d’une nouvelle dégradation de leur situation en cas de relogement inadéquat par exemple. L’enjeu est de convaincre les occupants que l’amélioration de leurs conditions d’habitat et ainsi de leur santé ne consiste pas en une prise de risque.

L’ARS auditionnée insiste sur le fait que l’indécence du logement peut venir de son surpeuplement, cas dans lesquels les occupants réalisent très peu de signalements. L’agence indique également qu’en cas d’insalubrité, les principaux risques sanitaires portent sur la santé mentale du jeune enfant et de l’adulte et sur les pathologies infectieuses. Ce dernier point est une préoccupation majeure en période de crise sanitaire ; ainsi la covid-19 vient s’ajouter aux risques parmi lesquels figuraient déjà la tuberculose et le saturnisme infantile.

Recours possibles pour le locataire en fonction des situations

Notion

Base juridique

Définition

Recours possibles après échange entre le bailleur et le locataire

Non-décence

 

Décret du 30 janvier 2002

Article 1719 du code civil

Article 6 et 20-1 de la loi du 6 juillet 1989

Logement n’assurant pas la sécurité ou ne préservant pas la santé des locataires, ne fournissant pas les équipements essentiels, ou non exempt de nuisibles et parasites.

Saisine de la commission départementale de conciliation et/ou saisine du juge d’instance. En cas de perception des aides au logement, information de la CAF ou MSA qui peuvent vérifier l’état du logement ou habiliter un organisme à le faire, et suspendre le versement des AL au bailleur jusqu’à la réalisation de travaux.

Insalubrité

L. 1331-26 et suivants du code de la santé publique

Logement dangereux pour la santé des occupants ou celle du voisinage, résultant d’un désordre grave ou d’un cumul de désordres.

Signalement à l’ARS ou aux services communaux qui établissent un rapport, transmis au Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST). Le préfet ou le président d’EPCI prend en conséquence un arrêté d’insalubrité remédiable ou irrémédiable.

À compter du 1er mars 2019, une astreinte financière d’un montant modulable peut être mise à la charge du propriétaire afin de le contraindre à exécuter les travaux.

Péril

L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation

Immeuble présentant un danger réel pour la sécurité des occupants ou des passants ; le péril peut être ordinaire ou imminent.

Signalement au maire. Le maire et le président de l’EPCI peuvent prendre un arrêté de péril.

Source : Commission des affaires sociales sur la base des données de l’ANIL.

2.   Simplifier les procédures et systématiser l’application des sanctions

Un enjeu de simplification des procédures de signalement demeure même si des efforts ont déjà été entrepris en ce sens. Une fiche de signalement unique a été produite au sein des pôles départementaux de lutte contre l’habitat indigne (PDLHI), qui jouent le rôle de guichets uniques de réception. La circulaire du 8 février 2019 ([12]), cosignée par le ministre chargé de la Ville et du Logement et par la ministre de la Justice, demande à chaque département de produire un plan départemental de lutte contre l’habitat indigne, en sus des pôles créés. Selon la DHUP, les plans d’ores et déjà fournis par 92 départements vont dans le sens d’un renforcement de la gouvernance collective et de la collaboration interservices.

Les signalements peuvent mener à plusieurs sanctions, dont la conservation de l’aide au logement versée au bailleur. Le projet annuel de performance indique une augmentation du nombre de nouvelles conservations de 54 % en 2019 par rapport à 2017. Selon l’ANIL et la CNAF, 3 347 situations de non-décence étaient sous le coup d’une conservation en 2017. Pour celles-ci, seulement 36 bailleurs ont réalisé les travaux demandés dans les six mois suivant la notification. En cas de refus prolongé de la part du propriétaire, celui-ci est défaillant et les travaux peuvent être réalisés d’office par la collectivité avec maintien de la propriété privée, ou le bien peut faire l’objet d’une appropriation publique dans le but d’une démolition ou d’une réhabilitation.

La rapporteure souhaite une amélioration de l’application des sanctions. Elle souscrit aux propositions du rapport de M. Guillaume Vuilletet remis au Premier ministre en octobre 2019, car qu’elles vont dans le sens :

– d’une « approche globale de la santé et du bâtiment », avec la volonté de redonner à la politique du logement une dimension sanitaire ;

– d’une simplification des polices de l’habitat et de l’utilisation des procédures coercitives, tout en sachant que les sanctions ne peuvent être mises en place qu’à l’échelle de proximité.

La loi ELAN a prévu un renforcement des sanctions en matière d’habitat indigne. L’ordonnance du 16 septembre 2020 ([13]) précise la réforme de la police de l’habitat. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2021 et prévoit :

– une plus grande unification des pouvoirs de police spéciale. Tout en préservant les compétences propres, une douzaine de faits générateurs des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne est unifiée ;

– une meilleure prise en main du sujet par l’échelon intercommunal et une simplification des modalités de la délégation des compétences du préfet auprès du maire ou du président de l’EPCI ;

– la charge pour le propriétaire ou l’exploitant d’assurer l’hébergement temporaire ou le relogement des occupants des logements temporairement ou définitivement inhabitables.

La rapporteure a entendu les inquiétudes des associations concernant le sort des personnes à reloger. Elle demande une vigilance particulière sur l’application de ces obligations qui doit être stricte afin d’éviter toute nouvelle dégradation des conditions de vie de ces personnes.

3.   Mettre en avant les projets locaux de lutte contre l’habitat indigne

Deux types de projets locaux peuvent être mis en avant ce qu’ils présentent un intérêt important au regard de la lutte contre l’habitat indigne : l’expérimentation locale du permis de louer et la mise en place de projets partenariaux d’aménagement (PPA).

L’expérimentation locale du permis de louer

 

L’autorisation préalable de mise en location, aussi appelée « permis de louer », a été introduite par les articles 92 et 93 de la loi ALUR. Elle fait l’objet d’expérimentations locales, et permet d’interdire la location en cas de non-décence ou de situation sanitaire préoccupante pour le locataire. Cette autorisation de mise en location a été précisée par l’article 188 de la loi ELAN qui a étendu l’initiatives aux communes et non plus seulement aux EPCI, et a exclu de ce dispositif les logements gérés par des bailleurs sociaux ou conventionnés pour les aides personnalisées au logement.

 

La Métropole Aix-Marseille-Provence expérimente le permis de louer dans un quartier où 400 habitations avaient été identifiées comme potentiellement concernées par des problèmes d’habitat indigne. Dans cette zone, une autorisation de louer est désormais obligatoire pour toute location, à demander par le biais d’un formulaire accompagné de diagnostics techniques, et qui est traité dans un délai d’un mois par la Métropole pour éviter l’engorgement de l’accès au logement. Avec 150 dossiers traités entre octobre 2019 et septembre 2020, le bilan est positif. Si le logement est jugé indécent, des aides aux travaux sont proposés aux propriétaires. En cas d’insalubrité, les retours d’avis négatifs sont renvoyés au maire qui détient le pouvoir de police et a la possibilité de prendre des arrêtés de péril dans les cas les plus graves.

 

À l’image de la solution choisie à Marseille, les expérimentations peuvent être placées sur des quartiers comprenant un bâti délabré dont une grande partie appartient à des propriétaires bailleurs privés. Le repérage des zones à risque peut être facilité grâce à l’outil statistique « parc privé potentiellement indigne » (PPPI), établi à partir de l’analyse des fichiers des logements par commune (FILOCOM) et mis à disposition des collectivités territoriales qui souhaitent s’engager dans la lutte contre l’habitat indigne. Cet indicateur statistique est toutefois à manier avec précaution et a besoin d’être complété par des constats de terrain.

 

La rapporteure propose d’établir une cartographie des collectivités territoriales ayant mis en place le permis de louer pour faciliter les retours d’expérience à destination d’autres collectivités qui pourraient s’en inspirer.

 

 

La mise en place de projets partenariaux d’aménagement (PPA)

 

La création des projets partenariaux d’aménagement (PPA) dans la loi ELAN a été inspirée par la nécessaire coordination des acteurs dans les opérations de réhabilitation. Le PLF pour 2021 prévoit la mobilisation de crédits du programme 135 pour les PPA. Ces derniers consistent en des projets urbains s’inscrivant dans le cadre d’une stratégie de transformation durable, dont les actions peuvent porter sur les espaces publics, les équipements publics, la mobilité ou la rénovation de bâtiments.

 

Un exemple sera présenté ici : le PPA du centre-ville de Marseille. Dix partenaires ont signé en juillet 2019 une convention d’une durée de quinze ans, parmi lesquels la Métropole, la Ville de Marseille, le Département, l’État, l’ANAH et l’ANRU. Le projet concerne une zone de 1 000 hectares dans le centre-ville où vivent 200 000 habitants. Une première phase estimée à 217 millions d’euros sera concentrée sur des îlots rassemblant des signalements d’insalubrité, des situations de péril, et des immeubles ayant fait l’objet de diagnostics inquiétants.

 

L’outil de coordination qu’est le PPA a vocation à rendre plus aisée l’intervention d’acteurs aussi bien publics que privés dans une même chaîne de valeurs, pour accélérer la requalification urbaine. Il met en place une gouvernance commune mais n’est pas un outil financier. Le PPA est adossé à une grande opération d’urbanisme (GOU), autre outil né de la loi ELAN, mise en place à partir de décembre 2019 afin de faciliter la réalisation des aménagements. Au niveau juridique, une société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLAIN), avec pour actionnaires la Métropole et l’État, doit conduire les opérations. Cette dernière a été créée en juin 2020 et doit entrer en fonctionnement au début de l’année 2021 lorsque sa gouvernance sera stabilisée.

 

Les PPA n’ont pas pour seule vocation de lutter contre l’habitat indigne mais sont aussi souvent utilisés pour des opérations de recyclage urbain. À mi-octobre 2020, selon la DHUP, douze PPA ont été signés sur le territoire français et environ dix sont en maturation et pourraient être signés prochainement. Si les PPA ont pour objectif de coordonner les acteurs, ce sont des opérations qui s’inscrivent dans la durée. Un retour d’expérience à quelques années de leur mise en œuvre serait intéressant afin d’en évaluer l’efficacité.


4.   Allier performance énergétique et performance sanitaire et sociale

Si les causes environnementales et sociales sont profondément imbriquées et ne doivent pas être regardées comme ennemies, il importe d’être vigilant à ce que la première n’occulte pas la seconde.

L’une des mesures phares contenues pour 2021 est l’élargissement de MaPrimeRénov’. Celle-ci sera ouverte à partir du 1er janvier 2021 à tous les citoyens sans conditions de ressources, y compris aux propriétaires bailleurs. Si l’élargissement de MaPrimeRénov’ est une avancée en termes de recherche de la performance énergétique, il convient de veiller à ce que les aides continuent d’être prioritairement fléchées vers les plus vulnérables. C’est pourquoi cette universalisation sera assortie d’une modulation en fonction des revenus des ménages, avec un rapport de proportionnalité dégressif allant de 90 % de prise en charge du devis pour les ménages les plus modestes à 40 % pour les plus aisés.

MaPrimeRénov’ est octroyée pour la réalisation de gestes précis de réhabilitation ou de gestes globaux. L’efficience énergétique ne doit pas être le seul critère car pour les publics précaires, ce n’est pas toujours d’un gain énergétique dont il s’agit mais parfois d’une amélioration des conditions de vie, des conditions sanitaires ou de leur confort. Dans cette optique, la rapporteure souhaiterait voir amorcée une réflexion sur une notation sanitaire des logements, qui viendrait compléter la notation énergétique. Il s’agit d’un chantier d’ampleur mais sa réalisation permettrait qu’un logement ne respectant pas les conditions de décence soit immédiatement repérable par sa notation lors d’une vente ou d’une location.

La lutte contre les passoires thermiques peut être utile à de nombreux ménages vivant dans des logements indécents, mais MaPrimeRénov’ n’est pas expressément ciblée pour la lutte contre l’habitat indigne. La rénovation énergétique ne sort pas nécessairement un logement de sa non-décence. D’autres dispositifs existent pour aider les ménages modestes et très modestes à rénover leur logement de manière globale, comme le dispositif « Habiter mieux » qui a permis 116 995 rénovations en 2019 pour un total de 760,5 millions d’euros d’aides. Selon l’ANAH, gestionnaire de ce dispositif, il est essentiel de veiller à ce qu’une rénovation soit globale pour être efficiente, associant isolation, chauffage et ventilation.

Enfin, des actions d’accompagnement sont utiles auprès des ménages modestes sur la manière d’utiliser le chauffage ou l’aération des logements, des sujets qui contribuent autant à l’amélioration de la performance énergétique qu’à celle de la performance sanitaire et sociale. À cet égard, l’action des services locaux d’intervention pour la maîtrise de l’énergie (SLIME) est un exemple. Ces services mènent des actions de maîtrise de l’énergie en faveur des ménages modestes, facilitent le repérage des ménages en précarité énergétique et proposent un accompagnement des ménages se trouvant dans ces situations.

C.   LES AIDES FINANCIÈRES PEUVENT PERMETTRE LE MAINTIEN DANS LE LOGEMENT

1.   Prévenir les impayés de loyer et ainsi les expulsions

La crise connue à partir de mars 2020 a, dès les premiers mois, éloigné de nombreuses personnes de l’emploi ou engendré une réduction de leurs revenus. La fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) constatait à la sortie du confinement des impayés de loyer concernant plus d’un logement sur dix et allant jusqu’à 25 % des logements dans les départements les plus touchés.

Pour répondre à cette situation, des aides personnelles exceptionnelles et dérogatoires ont été versées afin d’éviter les fractures entre bailleurs et occupants :

 Les aides exceptionnelles versées dans le cadre des fonds de solidarité pour le logement (FSL), placés sous la responsabilité des conseils départementaux

Une subvention exceptionnelle à hauteur de 60 % maximum du loyer a été proposée pour les mois d’avril et mai 2020 aux ménages justifiant d’une diminution de leurs revenus aux mois de mars et avril. Le versement de cette subvention était réalisé directement au bailleur privé ou public.

Les représentants de conseil départemental auditionnés ont indiqué un élargissement des conditions pour bénéficier des aides du FSL ainsi qu’une réduction des temps de traitement des dossiers pendant et après le confinement, conformément aux engagements pris par l’Assemblée des Départements de France. Il demeure que les critères d’éligibilité ainsi que les temps de traitement des dossiers varient fortement en fonction des départements.

 Les aides au paiement des loyers pour les salariés en difficulté versées par Action Logement

Action Logement a versé après le confinement une aide préventive aux impayés de loyer d’un montant de 300 euros étalé sur deux versements mensuels, pour les salariés ou demandeurs d’emploi des secteurs privé et agricole. La possibilité d’un allongement de la durée de ce dispositif est en cours d’étude.

Lors de leur audition, les représentants d’Action Logement ont regretté d’une part que l’accord pour le versement de ces aides ait été obtenu tardivement, c’est-à-dire dans le courant du mois de juin 2020 alors que les difficultés étaient tangibles dès le début du confinement ; et d’autre part que ces aides soient accessibles uniquement pour les personnes réalisant un taux d’effort minimal de 40 % pour le logement alors que le taux d’effort moyen est de 23 % pour les salariés en emploi stable, ce qui exclut une grande partie des salariés de ce dispositif.

Déploiement des aides préventives aux impayés d’Action Logement

 

Nombre de dossiers ayant fait l’objet d’un décaissement

Crédits engagés

(en millions d’euros)

Entre le 30/06/2020 et le 10/09/2020

54 338

16,3

Perspective au 31/12/2020

100 000

30

Plafond du dispositif

100

 

Taux de mobilisation de ce dispositif en fonction de cette perspective au 31/12/2020

30 %

Source : Commission des affaires sociales sur la base des données fournies par Action Logement.

Pour prévenir les impayés et in fine les expulsions, il serait possible d’aller encore plus loin. La rapporteure porte un intérêt particulier aux propositions suivantes formulées par la Fondation Abbé Pierre :

– l’alimentation d’un fonds d’aide exceptionnelle à la quittance de 200 millions d’euros venant abonder les aides départementales ;

– la hausse du fonds d’indemnisation des bailleurs, à utiliser dans les cas où le préfet refuse l’expulsion pour des raisons sociales.

Les acteurs s’accordent sur le fait que l’enjeu est d’intervenir au bon moment, c’est-à-dire pour les impayés avant la bascule juridique qu’est le commandement de payer. Prévenir les situations de basculement permet d’éviter que les impayés de loyer ne se transforment quelques mois plus tard en expulsion locative. Indépendamment de la crise actuelle, le nombre d’expulsions est en hausse de 41 % depuis 10 ans et de 152 % depuis 2001. Il est essentiel d’endiguer la spirale de l’endettement locatif pour éviter une nouvelle augmentation des expulsions en 2021.

2.   Sécuriser les risques locatifs

La mise en location implique une part de risque pour le propriétaire bailleur. Selon l’ANIL, parmi les outils de sécurisation locative utilisés en France figurent notamment :

– le cautionnement (pour 41 % des logements loués) ;

– les assurances loyers impayés (pour 15 à 20 % des logements loués) ;

– la garantie Visale (pour 2,5 % des logements loués).

Les outils de sécurisation locative sont en voie de disparition des lignes budgétaires de l’État. La garantie des risques locatifs (GRL) financée par l’État au sein du programme 109 s’éteint progressivement d’ici 2022 au profit de la garantie Visale financée par Action logement.

La garantie Visale consiste en une caution pour les locataires de moins de trente ans vivant dans le parc privé. Elle est gratuite et couvre les impayés de loyer et de charges, pour un maximum de 1 500 euros en Île-de-France et 1 300 euros sur le reste du territoire. Elle couvre également les dégradations locatives dans une limite de deux mois de loyer.

Des jeunes privés de garant voient désormais leur accès au logement facilité. Pour la faire connaître auprès des bénéficiaires potentiels mais également auprès des bailleurs, la garantie Visale a bénéficié en 2020 de plusieurs campagnes publicitaires télévisées et radiophoniques. Suite à une première vague de publicité, une étude Harris Interactive de juillet 2020 révèle que la notoriété de l’offre Visale progresse de 6 points (43 % contre 37 % en juillet 2019) et de 10 points auprès des jeunes (55 %).

Évolution en volume de la garantie Visale

 

2017

2018

2019

2020 (entre le 01/01/2020 et le 28/09/2020)

Nombre de garanties Visale signées

22 659

70 303

129 470

81 826

Crédits engagés
(en millions d’euros)

18

25

32

/

Source : Commission des affaires sociales sur la base des données fournies par Action Logement.

3.   Permettre aux aides au logement de jouer leur rôle solvabilisateur

Les aides au logement représenteront 15,7 milliards d’euros en 2021. Le fonds national d’aide au logement (FNAL) bénéficiera de la réorientation d’une partie des excédents antérieurs d’Action Logement.

L’objet premier des aides au logement est d’aider les ménages modestes à faire face à leurs dépenses de logement. C’est dans cette optique que le programme 109 prévoit la contemporéanisation de ces aides, c’est-à-dire d’une part leur calcul sur la base des revenus du bénéficiaire à moins deux mois plutôt qu’à moins deux ans, et d’autre part leur calcul sur douze mois glissants plutôt que sur une année fiscale. Ces modifications permettront une évolution progressive du montant de l’aide.

Cette réforme prévue depuis 2018 a été plusieurs fois décalée dans le temps, d’abord en raison de modalités techniques, puis pour ne pas bouleverser davantage les revenus des Français au plus fort de la crise sanitaire.

La rapporteure salue ces avancées mais appelle à la vigilance quant aux coupes successives opérées sur l’enveloppe dédiée aux aides au logement. L’APL « accession à la propriété » supprimée il y a deux ans est un outil de moins pour aller vers un « zéro reste à charge » pour les occupants. Une nouvelle réduction de ces aides pourrait remettre en cause le maintien dans le logement des personnes vulnérables et avoir un impact sur l’attribution des logements sociaux.

En outre, les aides au logement pourraient s’inscrire dans un système d’attribution toujours plus juste en considérant la prise en compte des frais réels et des charges. Il convient également de porter une attention particulière à la mesure contenue dans le PLF 2021 mettant en place un barème encadrant le partage des aides personnelles au logement en cas de résidence alternée des enfants. Les APL constitueraient la deuxième prestation sociale à être partagée entre les deux parents en cas de résidence alternée de l’enfant, après les allocations familiales. Cela ne doit pas mener à une baisse de ressources ayant un impact sur les conditions de vie de l’enfant.

La rapporteure souhaite que la modernisation du mode de calcul et de versement des aides au logement soit un premier pas pour l’extension à d’autres droits. Il est nécessaire de poursuivre l’effort de modernisation afin d’adapter le plus possible les prestations aux besoins des bénéficiaires et de lutter contre le non-recours aux droits.


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 28 octobre 2020, la commission des affaires sociales procède à l’examen des crédits de la mission Cohésion des territoires (Logement) du projet de loi de finances pour 2021 (seconde partie) (Mme Claire Pitollat, rapporteure pour avis) ([14]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous entamons ce matin nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2021, en commençant par le rapport pour avis sur les trois programmes relatifs au logement au sein de la mission Cohésion des territoires. C’est d’ailleurs une nouveauté cette année : notre commission est saisie pour avis sur le volet logement de cette mission. Compte tenu de la crise actuelle et de ses répercussions sociales, il est effectivement cohérent que notre commission se prononce sur les enjeux d’accès au logement et d’hébergement des personnes les plus vulnérables.

Mme Claire Pitollat, rapporteure pour avis. Comme vient de l’indiquer Mme la présidente, c’est la première fois que la commission des affaires sociales a l’occasion de se saisir pour avis des crédits de la mission Cohésion des territoires. Je suis ravie d’être devant vous pour vous présenter mon avis sur les crédits attribués au logement. Les Français ont passé beaucoup de temps cette année dans leur logement, avec le confinement et le couvre‑feu.

Je commencerai mon propos par ce constat d’une enquête Ipsos réalisée l’été dernier, qui montre que l’appréciation de leur logement par nos concitoyens est strictement corrélée à leur niveau de revenus : plus les personnes interrogées ont des revenus modestes, moins elles ont jugé leur logement adéquat pendant le confinement. À ces inégalités se sont ajoutées les réalités vécues par les personnes sans-abri ou sans habitat stable, qui ont subi de plein fouet la crise sanitaire en plus des difficultés auxquelles elles faisaient face.

Le logement est une question profondément sociale. Le logement, ce n’est pas seulement avoir un toit sur la tête, ce n’est pas seulement le lieu où les Français ont été confinés entre mars et mai 2020, ce n’est pas seulement avoir une adresse pour recevoir du courrier ; le logement, c’est surtout un droit fondamental, malheureusement encore trop partiellement appliqué.

J’ai observé attentivement l’évolution budgétaire proposée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Au terme de mon analyse, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 177, 109 et 135 de la mission Cohésion des territoires. J’expose dans mon rapport les avancées réalisées en 2020, les perspectives proposées par le Gouvernement pour 2021 et des pistes d’amélioration.

La partie thématique de mon rapport s’intéresse à deux axes en particulier.

Le premier est l’hébergement d’urgence, notamment la nécessité pour les hébergés de sortir des schémas d’urgence au profit de l’insertion dans un logement durable.

Le second axe concerne le maintien dans un logement décent et la lutte contre l’habitat indigne. Je suis élue à Marseille, une ville qui a été assez durement touchée, et il n’est pas possible de rester inactif à l’approche du deuxième anniversaire du drame de la rue d’Aubagne, qui a fait huit victimes le 5 novembre 2018.

Ces deux axes ont été choisis pour leur dimension sociale et pour leur complémentarité. Je suis convaincue qu’il ne faut plus opposer le monde de l’hébergement et le monde du logement. L’hébergement et le logement sont des vases communicants. C’est pourquoi les politiques de l’hébergement et du logement doivent être traitées de manière globale et décloisonnée, par une coordination des efforts et une mutualisation des moyens. Un seul objectif doit être poursuivi : la recherche de stabilité pour les personnes sans abri ou mal logées.

L’hébergement est traité au sein du programme 177. Il faut considérer l’hébergement dans le contexte difficile qui est celui de 2020. Je tiens d’abord à saluer le travail accompli par tous les acteurs depuis le début de la crise. Grâce à ces efforts, des milliers de personnes supplémentaires ont été mises à l’abri, les structures d’hébergement ont réalisé des aménagements pour permettre le respect des contraintes sanitaires, les services de veille sociale du 115 ont été en mesure de répondre à un nombre croissant de demandeurs, des chèques services ont été distribués à 110 000 personnes pour remplacer l’accès aux cuisines partagées ou la distribution d’une aide alimentaire.

Une fois dit cela, je dois souligner un paradoxe sur lequel tous les acteurs auditionnés étaient d’accord : alors que les crédits de l’hébergement ont constamment augmenté lors des dernières années, les besoins restent criants et les conditions peinent à s’améliorer. Ces crédits augmentent à nouveau cette année de 10 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

Lors des auditions, j’ai entendu que l’urgence dure trop. La durée moyenne de séjour dans les structures d’hébergement est longue : elle se situe autour de treize mois.

J’ai entendu également que le nombre de places augmente mais que ce nombre n’est jamais suffisant. La crise a accentué la tendance d’accroissement des dépenses d’hébergement. Plus de 30 000 places ont été créées de manière temporaire ou pérenne.

J’ai aussi entendu que pour obtenir des résultats durables, il faut attribuer des financements aux solutions de logement pérennes. Tous les acteurs s’accordent à dire que la politique du logement d’abord est une bonne politique. Elle consiste à encourager l’accès direct à un logement stable, sans passer trop de temps dans l’hébergement. Pour ce faire, les modes de logement dits adaptés doivent continuer à être développés. Les pensions de famille et l’intermédiation locative doivent donc être encouragées. Pour accroître les chances qu’une personne se maintienne dans le logement de manière stable et pérenne et éviter ainsi tout retour dans la rue, il convient d’adapter le plus possible l’accompagnement au profil de chacun.

Concernant les personnes qui n’ont pas la chance d’accéder à un logement, j’aimerais appeler votre attention sur un point : l’accès aux droits ne peut pas être garanti si le service de domiciliation n’est pas disponible. Comment entendre lorsque l’on n’a pas de logement qu’il n’est même pas possible d’avoir accès à une boîte aux lettres ? Recevoir son courrier, c’est faire partie d’un territoire, c’est pouvoir faire valoir ses droits à des prestations sociales, c’est le premier pas vers l’autonomie. Sans cela, c’est la condamnation à l’inexistence administrative et à l’abandon social. Ce sont des mots forts, mais qui recouvrent des réalités difficiles. C’est pourquoi je me félicite des 15 millions d’euros annoncés par le Premier ministre dans le plan pauvreté afin de développer l’offre de domiciliation. Je serai vigilante quant à l’utilisation de ces fonds supplémentaires.

J’ai entendu parler, lors des auditions, de la différenciation entre les personnes à « droits complets » et celles à « droits incomplets », autrement dit les personnes en situation régulière et les personnes en situation irrégulière sur le territoire.

Pour les personnes en situation régulière, accéder au logement est un droit inscrit dans la loi de 2007 instituant le droit au logement opposable (« DALO »), mais les moyens et l’organisation manquent pour l’appliquer. Il faut encourager davantage la réhabilitation du parc existant plutôt que la construction neuve, qui n’est qu’une goutte d’eau dans le parc immobilier et mobilise pourtant beaucoup d’énergie. Il faut assurer une organisation efficace pour l’accès au logement : un bon accès aux droits, une orientation et un traitement des dossiers efficaces et un accompagnement dans le logement.

Les personnes à « droits incomplets », c’est-à-dire en situation irrégulière, sont principalement les migrants qui errent dans l’hébergement pendant des années, voire des décennies. Il faut adopter un principe de réalité, dans une coopération constante avec le ministère de l’intérieur.

J’en viens à mon second axe. Parallèlement au travail sur l’hébergement, nous devons redoubler nos efforts pour lutter contre l’habitat indigne.

Je ne m’attarderai pas sur la hausse des crédits du programme 135. Ces crédits supplémentaires seront principalement consacrés à redonner des moyens aux établissements publics fonciers, dont l’action n’est pas le cœur de ce rapport, même si je salue leur engagement en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Je regrette que l’action 03 du programme 135 ne bénéficie pas de davantage de moyens : les crédits diminuent de plus de 6 % en 2021, alors que les besoins sont criants en matière de lutte contre les risques sanitaires au sein du logement, de réalisation des travaux d’office en cas de carence du propriétaire, de relogement des occupants en cas de défaillance du propriétaire ou d’aide aux travaux pour les propriétaires modestes.

Ma conviction est qu’il faut refaire de la lutte contre l’habitat insalubre une priorité. Pour y parvenir, il faut améliorer l’information aux occupants pour lutter contre le non‑recours aux droits. Nous devons également encourager les expérimentations locatives telles que le permis de louer. Nous autorisons le diagnostic de performance énergétique (DPE) du logement : pourquoi n’assumons-nous pas de noter aussi ses performances sanitaires ?

Tout l’arsenal juridique nécessaire est désormais disponible pour faire appliquer les sanctions envers les propriétaires. La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (« ELAN ») vient d’être complétée par l’ordonnance du 16 septembre 2020 précisant la réforme de la police de l’habitat. Je veillerai à ce que les sanctions soient bien appliquées aux propriétaires qui refusent de faire des travaux dans les logements locatifs indignes ou insalubres et à ce que les personnes qui se trouvent dans ces situations soient relogées.

Je terminerai mon propos en disant que l’application du droit au logement est la première condition pour réduire les inégalités sociales et garantir l’insertion dans la société. Sans logement, il est plus que compliqué de trouver un travail et d’accéder à l’autonomie. Des efforts doivent être déployés, non seulement pour l’hébergement d’urgence mais surtout pour le logement durable.

M. Dominique Da Silva. Je me réjouis que la commission des affaires sociales se saisisse de cette mission comportant des programmes dédiés au logement. Il y a là une réelle dimension sociale, sur laquelle notre commission se doit de donner un avis.

La crise sanitaire et économique que nous subissons nous impose d’être encore plus vigilants quant à la protection des publics vulnérables en matière de logement. Ainsi, nous pouvons compter sur cette mission, dont les crédits sont en hausse de 5 %.

Le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables est en hausse de près de 210 millions d’euros. Il permettra notamment la création de 7 000 places d’hébergement.

Le programme 109 Aide à l’accès au logement voit ses crédits augmenter de plus de 430 millions d’euros. Cet effort sans commune mesure sera consacré aux aides personnelles, si nécessaires pour les ménages aux ressources les plus modestes.

Nous noterons également la parfaite cohérence de ces mesures avec l’acte II du plan pauvreté, annoncé récemment par le Premier ministre. La création de 1 500 nouvelles places d’hébergement, notamment pour les femmes sortant de maternité sans solution, est l’une des mesures phares.

Enfin, et puisqu’il s’agit là d’un intérêt commun et transpartisan, notons que cette mission constitue un axe fort de la stratégie de lutte contre la pauvreté.

Pour l’ensemble de ces raisons, et dans un souci de cohérence avec nos précédentes réformes et nos précédents travaux, le groupe La République en Marche votera les crédits de cette mission.

M. Bernard Perrut. La mission Cohésion des territoires bénéficie d’une augmentation de ses crédits pour la première fois depuis le début du quinquennat. En effet, en 2020, les crédits de cette mission avaient atteint un plancher avec plus de 2,4 milliards d’euros de baisse par rapport à 2017, ce qui témoignait, force est de le reconnaître, d’un désinvestissement massif de l’État de la politique du logement et du recours à des fonds privés pour pallier les besoins.

Cette année, les crédits du programme 109 Aide à l’accès au logement augmentent de plus de 400 millions d’euros, mais la hausse ne compense pas les trois dernières années de baisse, en particulier sur les dépenses d’intervention. L’effort de rationalisation réalisé depuis le début de la législature est à mettre en perspective avec une stratégie qui pourrait être qualifiée de défaillante en la matière, en particulier s’agissant du logement.

Je souhaite partager avec vous trois constats qui témoignent du décalage existant parfois entre les discours et la réalité. Je veux parler du rythme de construction, qui ne cesse de baisser depuis le début du quinquennat, avec des opérateurs privés aux finances exsangues, de l’envolée des prix et de l’élimination de presque tous les dispositifs utiles à l’accession, notamment dans les zones tendues : combinés au manque d’offres, ces phénomènes excluent du marché de plus en plus de nos concitoyens. On pourrait parler aussi de la rénovation thermique, qui a été parfois mal accompagnée et qui exige que l’on mette les bouchées doubles dans le plan de relance. Comment l’augmentation prévue pour 2021 – les crédits de paiement passent de 15,15 milliards à 15,99 milliards d’euros – pourra-t-elle pallier ces déficiences ?

J’aimerais vous entendre sur la ponction opérée sur Action Logement. Que répondez‑vous aux acteurs du monde HLM, qui craignent les conséquences du nouveau prélèvement de 1 milliard d’euros sur les réserves d’Action Logement, qui s’ajoute à celui de 500 millions opéré en 2020 ? Par ailleurs, le seuil d’assujettissement des entreprises a été relevé de vingt à cinquante salariés. Enfin, l’année 2021 sera marquée par la fin de la compensation par l’affectation d’une taxe spéciale sur les contrats d’assurance. Ces dispositions portent le total ponctionné par l’État dans les caisses d’Action Logement à 1,3 milliard d’euros.

Seul le volet consacré à l’hébergement d’urgence voit ses crédits augmenter réellement, puisqu’ils passent d’un peu moins de 2 milliards d’euros en 2020 à 2,24 milliards d’euros en 2021, dont 100 millions d’euros sont consacrés à la création et à la réhabilitation de centres d’hébergement d’urgence. Cela permettra d’ouvrir 7 000 nouvelles places hivernales, soit le double de l’année précédente. Je salue cet effort, mais si l’augmentation perpétuelle du nombre de places permet des mises à l’abri, celles-ci n’offrent toutefois pas de solution durable aux personnes ayant des difficultés d’accès au logement. Comment voir, à plus long terme, les hôtels mobilisés pendant le confinement représenter une alternative viable ? Il faut effectivement prendre toutes les dispositions que nous pouvons pour mettre à l’abri les personnes que l’on va retrouver, hélas ! dans nos rues dans quelques jours ou quelques semaines.

À l’instar du plan de relance, le projet de budget pour 2021 ne mentionne pas le logement neuf, alors que le secteur traverse une violente crise. Les mises en vente s’effondrent de 46,7 % au premier semestre 2020, les ventes plongent de 37,6 % au premier semestre 2020, selon la Fédération des promoteurs immobiliers. Les acteurs du secteur craignent une forte baisse de l’offre qui affecterait le marché privé, mais aussi le secteur social. Les promoteurs construisent, vous le savez, 53 % des logements sociaux en France, et la chute de la production porterait un coup sévère à un secteur dans lequel les besoins sont particulièrement élevés. Que proposez-vous pour les soutenir et quelles solutions pouvez-vous nous proposer face aux lacunes que je viens de décrire ?

Je ne doute pas de votre volonté, madame la rapporteure pour avis, d’être attentive à ce qui concerne le logement, la cohésion des territoires et l’accueil de nos concitoyens.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Notre commission est saisie pour avis de la mission Cohésion des territoires, plus particulièrement des programmes relatifs à l’hébergement, à l’accès au logement, à l’urbanisme et à l’amélioration de l’habitat. Nous remercions Mme la rapporteure pour avis de son travail de qualité.

Durant le confinement, en assurant le suivi du secteur des solidarités dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, Pierre Dharréville et moi‑même n’avions pas manqué de souligner à quel point les conditions de logement et d’hébergement étaient au cœur des difficultés subies en raison du confinement : difficultés à vivre le confinement dans des logements suroccupés ou indignes, difficultés à se nourrir convenablement quand l’hébergement ne se prête pas la possibilité de cuisiner, difficulté de se protéger de l’épidémie lorsque l’on ne dispose pas de lieu où être en sécurité.

Au cours de ma vie professionnelle, j’ai pu vérifier de manière constante que l’insertion des personnes reposait sur le travail et le logement. De l’hébergement provisoire au logement autonome, c’est toute l’offre qu’il convient de renforcer. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir que la plupart des lignes budgétaires ayant trait à l’hébergement et au logement soient en forte augmentation : hausse de 10,49 % des crédits du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, de 3,63 % des crédits du programme Aide à l’accès au logement et de 52,38 % des crédits du programme Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, dont 35,71 % d’augmentation pour la construction locative et l’amélioration du parc.

Toutefois, madame la rapporteure pour avis, pourriez-vous nous expliquer pourquoi, en parallèle de ces engagements financiers très importants, les crédits alloués à la lutte contre l’habitat indigne enregistrent une baisse de 6,23 % ? Les mesures que vous détaillez dans votre rapport pour lutter contre l’habitat indigne vous paraissent-elles de nature à éradiquer ce fléau qui touche entre 900 000 et 1,3 million de personnes ?

M. Paul Christophe. Notre commission examine pour la première fois depuis le début de cette législature les crédits du projet de loi de finances consacrés au logement. Il est en effet judicieux de permettre aux commissaires dits sociaux d’apporter leur fibre sociale pour traiter de ces questions qui sont au cœur de la vie des Français.

Les crédits consacrés au logement relèvent des programmes 109, 135 et 177 de la mission Cohésion des territoires. L’effort financier sur le périmètre de ces programmes est réel et bienvenu, en particulier concernant le programme 177.

Les crédits du programme 109 sont en hausse de 3,6 % par rapport à l’an dernier, pour s’établir à 12,5 milliards d’euros. Ils traduisent l’engagement de l’État pour le versement des aides au logement. En outre, ils permettent l’entrée en vigueur du versement contemporain des aides personnalisées au logement (APL) début 2021. Le versement des APL avec prise en compte des ressources de l’année en cours est, sur le principe, une bonne réforme : cela va dans le sens du versement d’un juste droit et d’une prise en compte plus fine des variations des revenus. Je soulèverai néanmoins un point de vigilance sur son entrée en vigueur début 2021, car elle risque d’entraîner pour une partie des bénéficiaires une baisse du montant des aides au logement, alors que nous sommes au milieu d’une crise économique. Votre rapport évoque également un chiffre de 130 000 allocataires potentiellement concernés et précise le maintien des droits en janvier au niveau de ceux de décembre 2020. Pourriez‑vous préciser ce qui est prévu à ce sujet ? Quels seront les mécanismes mis en place ?

Je ne m’attarderai pas sur les crédits du programme 135, qui concerne la rénovation thermique des bâtiments, car ils sont stables. L’essentiel du financement de MaPrimeRénov’ repose d’ailleurs majoritairement sur le plan de relance.

Je note avec satisfaction la hausse conséquente de 10,5 % des crédits dédiés au programme 177, qui s’élèvent à 2,2 milliards d’euros. Ce programme vise à apporter des solutions d’urgence aux personnes sans abri. La pandémie a constitué un test en temps réel de nos capacités à mettre rapidement à l’abri les personnes à la rue, avec un effort d’hébergement d’urgence amplifié de 30 000 places, dont 10 000 doivent être pérennisées. La politique menée par le Gouvernement, en liaison avec l’ensemble des professionnels des acteurs associatifs durant la crise, mérite d’être saluée.

J’aurai une interrogation à ce stade, face à l’aggravation de la pandémie. Nous allons devoir à nouveau faire des choix difficiles, nous orienter vers davantage de restrictions alors que l’hiver et le retour du froid s’annoncent. Sans sous-estimer les moyens importants qui sont déployés, il faut sans doute faire davantage dès maintenant et prolonger notre effort en faveur de l’hébergement d’urgence. Pourriez-vous nous donner votre avis sur ce point et sur les mesures prévues à ce titre ?

M. Marc Delatte. Ma question portera sur l’accès au logement pour les jeunes travailleurs en situation de précarité. Je pense en particulier aux jeunes majeurs issus de l’aide sociale à l’enfance, aux jeunes en apprentissage et à ceux qui travaillent en intérim.

Avoir une adresse, c’est exister : c’est tout aussi vital que d’avoir un emploi. Cela nous invite, in fine, à une réflexion sur la pauvreté. Nous devons penser celle-ci en termes de liberté d’action et de capacité à faire – je fais référence à la théorie des « capabilités » de l’économiste Amartya Sen. Quelles difficultés pour trouver un toit quand on n’a pas le sou ! Quelles inégalités entre les territoires ne constate-t-on pas face aux nécessaires investissements immobiliers, à la rénovation et à la modernisation du parc, en particulier s’agissant des foyers de jeunes travailleurs, dont certains nécessitent, je vous l’affirme, bien plus qu’un ravalement !

En trois ans, beaucoup de mesures ont été prises – augmentation des crédits, garantie visa pour le logement et l’emploi (VISALE), etc. Pourtant, comme vous l’avez dit, madame la rapporteure pour avis, le non-recours aux droits reste patent en ce qui concerne notamment le Fonds de solidarité logement (FSL), relevant des départements. Certes, on relève des disparités entre départements quant à son enveloppe ou aux critères d’éligibilité – ce qui nécessite, à mon avis, de bâtir un référentiel national pour éviter une solidarité à plusieurs étages –, mais il permet de répondre aux difficultés rencontrées par ce public précaire avec le dépôt de garantie, le paiement du premier mois de loyer et la garantie sur les impayés de factures d’eau, de gaz ou d’électricité.

FSL, offre de logements pour les publics précaires, en particulier les foyers de jeunes travailleurs (FJT) : qu’est-ce que cela vous inspire au travers de votre excellent travail ?

M. Philippe Vigier. C’est une belle initiative que cette commission soit saisie de la question du logement. Comment ne pas l’aborder à propos des parcours de vie, tout en sachant que nous parlons plutôt de l’emploi dans cette commission ? Ce rapport en appellera d’autres, et c’est un bon point de départ pour pointer, comme vous l’avez fait, ainsi que nos collègues, certains obstacles que l’on connaît et face auxquels on se sent par moments impuissants.

Comme l’a dit Mme de Vaucouleurs, entre 900 000 et 1 million de personnes vivent dans un logement indigne. Quels sont les moyens d’un maire face aux marchands de sommeil, à l’habitat indigne ? Après avoir enclenché les dispositifs juridiques existants, il faut compter deux ans ou deux ans et demi pour arriver au bout de la procédure. J’en parle d’expérience.

S’agissant des FJT, le problème essentiel est effectivement la mobilisation des financements. Beaucoup sont assez désuets. Nous devons apporter une réponse, car ces logements représentent, pour les jeunes qui y sont logés, leur démarrage dans la vie. Pour connaître quelques-uns de ces foyers, je sais que les marges de progression sont très importantes.

Le regroupement des offices HLM inscrit dans la loi « ELAN » montre ses limites. Les moyens sont concentrés dans les grandes villes, ce qui a pour conséquence de rendre plus difficile, dans les zones les plus rurales, la réalisation des opérations.

En ce qui concerne la rénovation de l’habitat en direction des aînés, le périmètre des opérations programmées d’amélioration de l’habitat, pilotées par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), évolue au fil des opérations : si une opération dure six ans, la réglementation aura changé en moyenne trois fois pendant sa réalisation. Comment, dans ces conditions, voulez-vous stabiliser les programmes et les investissements sur le long terme ?

Ces questions sont autant de sujets qu’il faudra approfondir. S’il y a eu une inflexion en matière budgétaire et une réponse sur l’habitat d’urgence, ces autres points appellent, me semble-t-il, davantage de précisions.

M. Belkhir Belhaddad. Je suis moi aussi ravi de voir que la question du logement est au programme de nos travaux, car c’est une question éminemment sociale.

J’évoquerai pour ma part les copropriétés dégradées, vrai fléau depuis plusieurs dizaines d’années. Le Gouvernement avait instauré, dans le cadre de la loi « ELAN », une politique assez inédite et ambitieuse pour lutter contre le phénomène. Plus de 50 000 familles vivent dans une copropriété dégradée, ce qui peut constituer une menace aussi bien pour leur santé que pour leur sécurité. Où en est-on ? La question n’est pas évoquée dans votre rapport, alors qu’elle est éminemment importante en raison du nombre de familles concernées. Est-il souhaitable d’améliorer le dispositif de la loi « ELAN » ?

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure pour avis, vous avez évoqué le logement durable, question qui me passionne. Mais avez-vous appréhendé une approche sanitaire du logement ? Très concrètement, n’y a-t-il pas un risque sanitaire avec les nouveaux logements, peu aérés, où la ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux peut être mal entretenue, où finalement on respire du carbone avec des parquets stratifiés – et j’en passe ?

Si l’environnement semble être l’alpha et l’oméga de la politique d’aménagement, d’urbanisme et d’habitat, justifiant des logements de plus en plus compacts alors que les espaces privatifs intérieurs et extérieurs pourraient participer au bien-être des occupants, ne devrions-nous pas viser plutôt une « haute qualité sanitaire » qu’une haute qualité environnementale (HQE), laquelle pourrait s’avérer dangereuse pour la santé et favoriser le mal-être de nos concitoyens ?

Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe. On ne peut que s’associer aux remarques de nos collègues et se féliciter que la commission des affaires sociales s’intéresse au logement, parce que l’environnement et la qualité du logement sont des facteurs importants, voire indispensables en matière de santé.

Madame la rapporteure pour avis, vous avez évoqué l’augmentation des mesures coercitives. Ma question concernera les mesures incitatives : ce levier-là est-il actionné ? Si je vous dis cela, c’est parce que j’avais proposé, en première partie du PLF, un amendement visant à augmenter la défiscalisation pour les propriétaires mettant à disposition gratuitement leur logement pour des associations, car actuellement il est plus intéressant de garder son logement sans faire don du loyer à une association. Il faudrait revoir notre politique du logement sur ce point.

Par ailleurs, pour les locataires très modestes, de mauvaises conditions d’isolation posent problème quant à leur budget. Quels moyens ont-ils pour interpeller leur propriétaire quand eux-mêmes sont en difficulté pour le faire ? Existe-t-il un médiateur ? Sur qui peuvent-ils s’appuyer pour faire respecter leur droit à un logement sain et bien isolé ? La même question se pose bien évidemment pour les logements sociaux.

Mme la rapporteure. Mes chers collègues, je vous remercie pour toutes vos questions très intéressantes, et pour cette unanimité au sujet de ce nouveau rapport pour avis. Il est effectivement très important que la commission des affaires sociales s’investisse toujours davantage sur le logement, dont la dimension sociale est importante.

Monsieur Perrut, vous m’interrogez sur la baisse du rythme de construction et sur les dispositifs utiles à l’accession au logement. Comme je l’ai souligné dans mon propos liminaire, l’habitat neuf ne doit pas mobiliser toute notre énergie, car c’est une goutte d’eau si on le rapporte au parc existant. Nous devons encourager la réhabilitation des logements vacants, réorienter leur destination pour augmenter le volume des logements, car nous manquons clairement de logements durables ou adaptés. De plus, c’est une démarche vertueuse sur le plan écologique. Je préférerais favoriser des systèmes qui accélèrent le rythme des rénovations.

Vous avez parlé de la rénovation thermique, qui est mal accompagnée. C’est un fait, la rénovation thermique n’est pas simple à entreprendre. Il peut être long de mobiliser les dispositifs. Le Gouvernement s’est attelé ces dernières années à les simplifier, et le rythme des rénovations commence à s’accélérer, comme vous l’avez souligné. Il est temps de ne plus opposer rénovation thermique du logement et réhabilitation sanitaire. Je développerai davantage mon propos lorsque je répondrai à la question de M. Bazin.

Action Logement est un partenaire essentiel du logement, avec lequel il faut bien entendu travailler. Il importe également de veiller à améliorer l’efficience de son fonctionnement. Les discussions avec le Gouvernement vont dans ce sens. Action Logement est en train de modifier son système de gouvernance et vise l’efficience.

Vous avez souligné la nécessité d’une politique à plus long terme. C’est effectivement le sens de mes propos. Nous devons viser avant tout le logement durable.

Madame de Vaucouleurs, toutes les structures de l’hébergement collectif ont été affectées par des contraintes sanitaires. Il a fallu effectivement fermer les espaces collectifs, mais les chèques services et la distribution alimentaire ont été au rendez-vous : plus de 110 000 personnes en ont bénéficié.

Vous demandez également comment éradiquer l’habitat indigne. Il n’est pas prévu d’augmenter les crédits. Cependant, les ordonnances prises sur le fondement de la loi « ELAN » ont été publiées au mois de septembre dernier. Nous devrons veiller, en particulier, à la mise en place de la police de l’habitat. Les acteurs que j’ai auditionnés ont souligné que l’action contre l’habitat indigne est plurielle sur le territoire : elle nécessite un réseau d’acteurs mobilisés – les collectivités, les services de l’État, les différents bailleurs et les entreprises effectuant les travaux.

M. Paul Christophe et M. Perrut ont posé des questions sur les APL. Les crédits dédiés aux APL augmentent cette année, alors qu’ils avaient diminué les années précédentes. Il faut surtout noter que l’année 2021 verra la réforme dite de la contemporanéisation, c’est‑à‑dire, pour parler plus simplement, une évolution en temps réel des APL, une révision plus régulière de leur montant sur une moyenne annuelle visée par trimestre, une moyenne glissante qui permet vraiment de coller aux besoins de la personne. Cette réforme peut inquiéter, mais elle est vraiment nécessaire : elle permettra de faire en sorte que les personnes ayant besoin d’une aide au logement en bénéficient rapidement. Elle devrait se passer au mieux. La Caisse nationale des allocations familiales nous a indiqué que les premiers essais avaient été concluants. Aussi, nous l’attendons avec impatience.

Monsieur Delatte, vous m’avez interrogée sur les foyers de jeunes travailleurs et le FSL. S’agissant des FJT, il faut veiller au respect de la durée maximale de séjour, fixée à deux ans. Ces structures d’hébergement offrent un accompagnement en vue d’accéder à un logement ordinaire. Nous devons veiller à ce que ce soit bien le cas, pour éviter qu’elles ne soient suroccupées. Elles ne sont pas spécialisées ; les jeunes travailleurs qui y sont accueillis sont dans des situations diverses.

Elles accueillent de plus en plus de mineurs non accompagnés. La question de la coordination de l’accueil des migrants est difficile à traiter. Nous avons régulièrement entendu dire, au cours des auditions que nous avons menées, que le programme 177 risque la saturation, en raison d’une surutilisation de ses crédits au profit de personnes relevant plutôt du programme 303 Immigration et asile. Nous devons nous atteler à la question du logement des personnes à droits incomplets, qu’il s’agisse des mineurs non accompagnés, susceptibles de se trouver à terme en situation irrégulière, ou des étrangers qui s’y trouvent déjà. Nous devons adopter une approche bien plus réaliste de ces questions. Certaines de ces personnes resteront sur le territoire français ; il faut leur donner les moyens de s’insérer.

S’agissant du FSL et des fortes disparités existant selon les départements, nous n’avons pas pu, dans le délai qui nous était imparti, auditionner l’Assemblée des départements de France, mais la question doit être approfondie. Nous devons étudier la manière dont le FSL est utilisé dans les départements. Depuis le début de la crise, de nombreux départements ont ouvert l’accès au FSL de façon plus large, au profit de publics en principe non éligibles. Sur ce point comme sur d’autres, la crise peut offrir des enseignements.

Monsieur Vigier, ce rapport pour avis en appelle d’autres, avez-vous dit ; je suis tout à fait d’accord avec vous. Un travail de fond doit être mené sur la dimension sociale du logement, notamment sur le devenir du travail social. Les travailleurs sociaux œuvrent quotidiennement pour l’hébergement et le logement des plus fragiles. Il est clair que leurs outils, ainsi que l’organisation de leur travail, doivent être améliorés. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous avons fort à faire.

Vous déplorez que les maires manquent de moyens pour lutter contre l’habitat indigne. Ils n’en sont pas totalement dépourvus. En la matière, il faut mener une action globale et coordonnée dans les territoires. Nous pourrions par exemple envisager de recenser les expérimentations du permis de louer, qui constitue un moyen assez efficace d’agir de façon préventive. L’ANAH peut également être mobilisée, mais elle ne peut agir sans les collectivités territoriales. À ce jour, onze projets partenariaux d’aménagement ont été lancés, accompagnés notamment par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages. Le maire n’est plus seul, il peut s’appuyer sur des dispositifs d’accompagnement. Certes, tout cela prend du temps ; c’est pourquoi il vaut mieux agir en prévention qu’après coup. Les agences régionales de santé (ARS) contribuent également au ciblage de l’action publique en effectuant des recherches de logements indécents ou insalubres. Les maires auraient tout intérêt à essayer de construire des politiques de territoire avec l’ARS.

Monsieur Belhaddad, vous m’avez interrogée sur les copropriétés dégradées. En la matière, l’action la plus efficace est celle de l’ANAH, qu’il faut intensifier. Toutefois, l’agence ne peut pas agir seule ; une mobilisation volontariste des territoires est nécessaire. Les ordonnances prévues par la loi « ELAN » visant à réformer la police de l’habitat, notamment la police de l’habitat indigne, permettront sans doute d’inciter les territoires à agir. L’ANAH soutiendra leur action, qui bénéficiera également de l’élargissement de MaPrimeRénov’ à la rénovation énergétique des copropriétés.

Monsieur Bazin, vous avez abordé l’approche sanitaire du logement, qui m’est chère. Je suis tout à fait d’accord avec vous : plutôt une haute qualité sanitaire que la HQE. Nous nous autorisons à noter la performance énergétique des logements, mais nous ne sommes pas capables de noter leur performance sanitaire. Or nous passons 80 % de notre temps à l’intérieur – et 90 %, chez nous, qui plus est, pendant le confinement. La dimension sanitaire du logement est donc fondamentale. Vous déplorez que les nouvelles constructions offrent des espaces relativement confinés. La rénovation énergétique des logements tend à en faire des boîtes étanches, dont il importe d’assurer la ventilation. Lors de l’examen du projet de loi « ELAN », j’ai défendu des amendements visant à élargir le champ d’application du DPE des logements, en vue d’établir un diagnostic de performance global, permettant notamment de valoriser leur respirabilité pour les occupants.

Le permis de louer pourrait être un moyen d’agir. Les communes pourraient y inclure la dimension sanitaire du logement. Quoi qu’il en soit, on ne peut plus laisser dire que la rénovation énergétique des logements a pour seul objet la réduction de la consommation d’énergie. On ne peut plus l’envisager sans prendre en considération la ventilation des logements et la qualité de l’air intérieur. Au demeurant, les grandes solutions de rénovation énergétique procèdent toutes de façon globale. Nous devons réaliser des avancées en ce sens. Monsieur Bazin, je serai à vos côtés si vous ouvrez ce débat dans l’hémicycle.

Madame Tamarelle-Verhaeghe, vous m’avez demandé si le renforcement des mesures coercitives est associé à celui des mesures préventives. Je suis d’accord avec vous : il est nettement plus facile d’agir préventivement qu’après coup. Depuis quelques années, l’intérêt pour la dimension sanitaire du logement a fait naître de nouveaux métiers. Les conseillers médicaux en environnement intérieur en font partie ; ils sont trop peu sollicités. Ils permettent de renouveler l’approche des logements dont les occupants développent des pathologies, et d’agir plutôt que de laisser la situation se dégrader. C’est l’un des axes du plan national santé environnement. On a tendance à aborder la question en silos, sans l’associer au logement et à l’hébergement : il faut mener une politique décloisonnée, tenant compte de la dimension sanitaire du logement et permettant d’agir préventivement. Le permis de louer et l’élargissement du champ de MaPrimeRénov’ peuvent constituer des solutions. Plus généralement, il faut élargir la perspective sur la rénovation énergétique, en rappelant qu’elle doit être globale, et qu’elle ne se réduit pas à une amélioration de la consommation énergétique, mais inclut une amélioration du confort et des qualités sanitaires des logements.

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission Cohésion des territoires.

Article 33 et état B : Crédits du budget général

La commission examine l’amendement II-AS8 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits du programme Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables, en vue d’améliorer la domiciliation des personnes sans domicile stable. Le Premier ministre a récemment annoncé que des budgets supplémentaires y seraient consacrés. Il s’agit de les intégrer dès à présent dans le PLF 2021.

La domiciliation est le premier accès aux droits. Sans adresse, on ne peut pas faire valoir ses droits. Pour les personnes sans abri, avoir une adresse est un enjeu essentiel : cela leur permet de bénéficier des droits qui leur sont ouverts et d’entrer dans le système d’insertion.

M. Thibault Bazin. Je comprends l’objectif de cet amendement d’appel – mettre en avant cette préoccupation –, mais je ne cerne pas le comment. Très concrètement, comment cette enveloppe descendra-t-elle dans les centres communaux d’action sociale (CCAS) ? Devons-nous chacun, si votre amendement est adopté, contacter ceux de nos circonscriptions et leur annoncer qu’ils recevront des fonds pour financer la domiciliation des personnes sans abri ? Le risque que présente un tel amendement est de leur faire croire qu’ils recevront des dotations supplémentaires, ou que des dotations attribuées par le truchement d’un appel à projets lambda lancé par le ministère soient réservées aux CCAS les plus importants, alors que les communes de petite taille ne sont pas épargnées par le problème.

M. Dominique Da Silva. Le Premier ministre a annoncé un budget de 15 millions d’euros sur trois ans. Cet amendement s’inscrit donc parfaitement dans le cadre de la politique gouvernementale. Le groupe La République en Marche le votera.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La domiciliation des personnes sans abri est une question essentielle. Or on constate dans les territoires que les organismes concernés sont en nombre insuffisant, alors même que la volonté est là. De nombreuses associations souhaitent domicilier des personnes sans abri, mais elles en sont souvent empêchées. Outre ces crédits, qui sont probablement nécessaires et qu’il conviendra d’utiliser sous une forme à affiner, il faut vraiment donner la possibilité aux acteurs concernés de procéder à des domiciliations.

Par ailleurs, il importe de domicilier les gens au plus près de leur lieu de vie. Il arrive que certaines personnes soient trimbalées d’un endroit à l’autre – l’hôtel où elles résident, l’école de l’enfant, parfois située dans une autre commune, et leur lieu de domiciliation, dans un troisième endroit. Sur le principe, on ne peut qu’être favorable à ces crédits supplémentaires ; encore faut-il les utiliser au mieux, et surtout ouvrir la possibilité de domicilier les gens au plus près des besoins.

M. Brahim Hammouche. C’est à juste titre que notre rapporteure a rappelé la nécessité de corréler la politique de l’hébergement à celle du logement. La crise a accentué l’augmentation tendancielle des dépenses en faveur de l’hébergement. Par ailleurs, au sein de la politique du logement, les questions d’entretien et de rénovation des logements – je l’ai encore vérifié ce week-end –, ainsi que l’attention portée au vivre ensemble, sont aussi essentielles que celle de l’accès des ménages les plus modestes à une offre de logement.

J’aimerais poser une question sur les logements vacants, dont le nombre, en 2015, était estimé à 3,1 millions, soit un taux de vacance de 9,1 %. La loi « ELAN » a privilégié une logique incitative, notamment en exonérant d’impôt les revenus issus des locations meublées. Par ailleurs, un plan national de mobilisation des logements et locaux vacants a été lancé au début de l’année. Quel premier bilan peut-on tirer de ces dispositions ?

Mme la rapporteure. Monsieur Bazin, vous m’avez interrogée sur le fléchage de ce budget et son utilisation dans les territoires. C’est une bonne question. Il existe 2 700 organismes de domiciliation. L’amendement vise à leur apporter un soutien financier de 5 millions d’euros, soit un peu plus de 1 800 euros pour chacun. Outre les CCAS, des associations procèdent à la domiciliation des personnes sans abri. Par ailleurs, je suis d’accord avec Mme de Vaucouleurs quant à la nécessité d’augmenter le nombre des acteurs de la domiciliation, afin de renforcer sa proximité et de la rendre plus accessible.

Monsieur Hammouche, nous avons évoqué tout à l’heure le ralentissement de la construction de logements et la réhabilitation des logements anciens. Il faut cesser de concentrer les incitations sur le neuf, qui est une goutte d’eau par rapport à l’ensemble du parc, et travailler sur la vacance des logements. Je ne dispose d’aucune donnée sur l’exonération d’impôt des revenus issus de locations meublées. Ce qui est certain, c’est que la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement mène des actions fortes, notamment en matière d’intermédiation locative, qui est un moyen de donner confiance aux bailleurs. Elle souhaite développer le recours au mandat de gestion, qui est une solution moins coûteuse pour l’État permettant de réduire la vacance des logements de la même façon. L’absence d’association intermédiaire favorise le logement pérenne.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires, modifiés.

Après l’article 54

La commission est saisie de l’amendement II-AS9 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure. L’amendement prévoit la remise d’un rapport sur l’enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion, au sein duquel les tarifs sont assez variés. L’objectif est d’en acquérir une vision globale afin d’envisager leur éventuelle convergence, voire leur homogénéisation, et de parvenir à un dispositif plus adapté.

M. Thibault Bazin. Madame la rapporteure, votre amendement m’intrigue. Comment se fait-il que nous ne disposions pas d’ores et déjà de ces données ? Il s’agit d’un budget très important, qui finance un haut niveau de prise en charge. Il me semble que cet amendement est satisfait. Si tel n’est pas le cas, pourquoi ces informations n’ont-elles toujours pas été rassemblées ?

Par ailleurs, par-delà la tactique proprement parlementaire consistant à demander au Gouvernement un rapport, la convergence visée soulève la question du niveau de prestations sociales que l’on souhaite offrir. Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) sont divers, à l’image des publics qu’ils prennent en charge. Peut-être faudrait-il détailler les convergences en fonction des objectifs fixés. À défaut, nous risquons de favoriser une forme de confusion. Dans certains territoires, il est difficile d’ouvrir des CHRS ; n’aggravons pas leur situation par un problème de financement.

M. Dominique Da Silva. Lorsque nous demandons un rapport au Gouvernement, nous devons être attentifs à sa pertinence et à l’objectif visé. Nous disposons d’autres moyens pour évaluer les politiques publiques, au premier rang desquels les missions d’information parlementaires. Il est un peu difficile de se prononcer sur l’amendement sans connaître l’avis du Gouvernement. Sans prétendre que le rapport demandé n’est pas justifié, je suggère le retrait de l’amendement, mais il pourrait être présenté de nouveau en séance publique.

Mme la rapporteure. Monsieur Bazin, l’enquête nationale de coûts relative au secteur de l’accueil, de l’hébergement et de l’insertion est réalisée sur cinq ans. Elle vise à améliorer le dialogue avec les CHRS et à dresser un état des lieux de leur situation. L’intérêt d’envisager une convergence tarifaire est de poser à nouveau la question des besoins et de préciser la destination exacte des divers types d’hébergement offerts. Le rapport demandé permettrait au Parlement de disposer de données très précises sur la politique de l’hébergement et celle du logement, et de contribuer à les orienter. Elles ne doivent plus être cloisonnées, mais appréhendées sur le modèle des vases communicants. Des solutions de logement durables sont nécessaires pour mettre un terme à l’inflation continue de la demande d’hébergement. Il me semble donc essentiel d’avoir une vision claire des divers tarifs pratiqués et d’essayer de rendre le fonctionnement des CHRS plus rationnel, afin d’éviter d’enfermer les gens dans l’hébergement trop longtemps. Il est important de connaître l’objectif précis des différentes structures, pour distinguer celles que nous devons maintenir, favoriser et dont il faut augmenter le nombre, et les autres, qui captent peut-être être trop de budgets au détriment du logement, qui est la seule solution durable.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Outre les coûts, il convient d’évaluer la pertinence des modèles d’accompagnement : certains favorisent davantage une insertion dans le logement à la fois plus rapide et plus durable. Il est parfois complexe de réinsérer durablement des personnes dans le logement sans accompagnement. Il est toujours nécessaire d’assurer la transparence des dispositifs, et de savoir exactement ce qui se passe, mais on ne peut pas fonder une politique du logement uniquement sur l’évaluation de ses coûts.

Mme la rapporteure. Je suis tout à fait d’accord avec vous : les CHRS offrent des services très différents d’un centre à l’autre, et les coûts le sont eux aussi. Certains proposent un service de restauration sur place, d’autres non. Les modèles varient. Les pensions de famille sont une forme de logement accompagné qui peut se révéler intéressante. L’objectif est d’équilibrer tout cela et de décloisonner ces deux politiques.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Certes, le modèle de la pension de famille est moins coûteux que celui des CHRS, mais l’un et l’autre n’accueillent pas les mêmes publics. Leurs situations respectives ne sont pas du tout les mêmes. Je connais assez bien le sujet pour avoir travaillé pendant plusieurs années à l’insertion des personnes sans domicile fixe. J’appelle l’attention sur le fait que l’existence de modèles différents découle de situations qui le sont elles aussi. Il ne faut pas s’enfermer dans une politique de coûts.

La commission rejette l’amendement.

 


—  1  —

   ANNEXE :
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

       Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) (audition conjointe avec la commission des finances) – M. Vincent Mazauric, directeur général, et Mme Isabelle Sancerni, présidente

       Table ronde avec les associations :

 Secours catholique (*) – Mme Véronique Fayet, présidente

 Association Droit au logement (DAL) – M. Jean-Baptiste Eyraud, porte‑parole

 ATD Quart Monde France (*) – Mme Geneviève de Coster, chargée de mission au pôle politique, M. Michel Platzer, responsable du département logement, et M. Baptiste Bouju, chargé de mission au pôle politique

 Association Solidarités nouvelles pour le logement – Mme Gwenaëlle Dufour, directrice, et M. François Meekel, administrateur

 Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) - Île-de-France – Mme Isabelle Rougier, directrice

  Table ronde sur l’hébergement et l’habitat indigne :

 Conseil départemental des Bouches-du-Rhône – Direction des territoires et de l’action socialeMme Annie Riccio, directrice des territoires et de l’action sociale, et MM. Matthieu Rochelle et Bernard Delon, experts

 Métropole Aix-Marseille-Provence  Direction générale développement urbain et stratégie territoriale Mme Nathalie Ndoumbe, directrice générale adjointe développement urbain et stratégie territoriale

       Délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées (DIHAL)  M. Sylvain Mathieu, délégué interministériel, M. Jérôme d’Harcourt, adjoint au délégué interministériel, et M. Manuel Hennin, chef de projet hébergement et logement

       Agence nationale d’information sur le logement (ANIL)  Mme Roselyne Conan, directrice générale, M. Maxime Chodorge, directeur des études, et M. Louis du Merle, responsable du pôle juridique

       Action Logement (*) – M. Bruno Arcadipane, président, M. Philippe Lengrand, vice‑président, M. Bruno Arbouet, directeur général, et Mme Valérie Jarry, directrice des relations institutionnelles

       Fondation Abbé Pierre (audition conjointe avec la commission des affaires économiques) – M. Christophe Robert, délégué général, et Mme Noria Derdek, chargée d’études

       Adoma (*)  M. Jean-Paul Clément, directeur général

       Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France – Dr Luc Ginot, directeur de la santé publique

       Ministère de la transition écologique – Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) M. François Adam, directeur, M. Laurent Bresson, sous-directeur des politiques de l’habitat, et Mme Sabine Baillarguet, cheffe de projet « opérations d’aménagement prioritaires »

       Ministère des solidarités et de la santé – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Virginie Lasserre, directrice générale

       Nexem – Mme Marie Aboussa, directrice du pôle offre sociale et médico‑sociale, et Mme Aurélie Sabatier, chargée des relations institutionnelles

       Agence nationale de l’habitat (ANAH)  Mme Valérie MancretTaylor, directrice générale

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Arrêté du 2 mai 2018 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l’article L. 314-4 du code de l’action sociale et des familles applicable aux établissements mentionnés au 8° du I de l’article L. 312-1 du même code au titre de l’année 2018.

([2]) Arrêté du 19 août 2020 fixant les tarifs plafonds prévus au deuxième alinéa de l’article L. 314-4 du code de l’action sociale et des familles applicable aux établissements mentionnés au 8° du I de l’article L. 312-1 du même code au titre de l’année 2020

([3]) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

([4]) Fondation Abbé Pierre, Rapport sur le mal-logement, 2019

([5]) CNDH Romeurope, la Fédération des Acteurs de la Solidarité, Dom’Asile, le Secours Catholique et Emmaüs France, La domiciliation

([6])  Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), Enquête sur la domiciliation en France, 2019 (résultats en cours de consolidation). Le nombre d’organismes domiciliataires en 2018 est estimé à 2 716 dont 2 256 organismes non visés par un agrément préfectoral (210 mairies, 1 970 CCAS et 76 CIAS) et 460 organismes agréés (418 associations et 42 autres organismes). Ces chiffres comptent uniquement les structures dotées de l’agrément généraliste, l’agrément « aide médicale de l’État (AME) » ayant fusionné avec l’agrément généraliste.

([7]) Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale

([8]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

([9]) Rapport inter-associatif sur les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources, 2020, rédigé par Pauline Portefaix et commandé par Habitat et humanisme, Secours Catholique-Caritas France, Fondation Abbé Pierre, ATD Quart-Monde, Solidarités nouvelles pour le logement et Association DALO.

([10]) Mémento de l’habitat privé, Agence nationale de l’habitat (ANAH), édition 2019.

([11]) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, Article 3.

([12]) Circulaire du 8 février 2019 relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l’habitat indigne

([13]) Ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations.

([14]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9753124_5f992994c594c.commission-des-affaires-sociales--examen-et-vote-des-credits-de-la-mission-cohesion-des-territoires-28-octobre-2020