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N° 4502

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 septembre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482)

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

POLITIQUES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

PAR M. Vincent DESCOEUR

 

Député

——

 

 Voir les numéros : 4482, 4524 (Tome III, annexe 15).


 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. En 2022, LE programme 217 poursuit sa contribution à l’effort de réduction des dépenses publiques

A. Un programme au cœur des politiques de développement durable

1. Champ du programme

2. Structure du programme

B. La diminution des crédits correspond avant tout à une réduction des effectifs

1. Les dépenses de personnel

2. Les autres dépenses

C. Le programme 217 finance également trois Autorités administratives indépendanTes et deux opérateurs

1. Les trois autorités administratives indépendantes rattachées au programme 217

2. Les deux opérateurs du programme 217

II. La baisse continue des effectifs au cours du quinquennat compromet la mise en œuvre des nombreuses missions du pôle ministériel

A. Une politique présentée comme ambitieuse en matière de transition écologique

B. Une ambition en contradiction avec la réduction continue des effectifs au cours du quinquennat

C. Une rationalisation des effectifs qui doit veiller à préserver les compétences et les spécificités du pôle ministériel

1. La revue des missions doit permettre de réaliser des gains de productivité

2. Les missions et les compétences techniques du personnel doivent être préservées

III. Des Autorités administratives indépendantes de plus en plus sollicitées, sans véritables moyens supplémentaires

A. Des Autorités administratives indépendantes de plus en plus sollicitées

1. La Commission de régulation de l’énergie

2. La Commission nationale du débat public

3. L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

B. L’absence de moyens supplémentaires pérennes pour faire face à ce surcroÎt de travail

1. La Commission de régulation de l’énergie

2. La Commission nationale du débat public

3. L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

IV. DEs écoles d’ingénieurs qui ne semblent pas constituer une priorité pour le ministère de la transition écologique

V. Une adaptation aux contraintes nouvelles nées de la crise sanitaire

A. Un recours massif au télétravail

B. L’adaptation progressive des outils numériques

C. Les points de vigilance liés à la mise en place du télétravail

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   Introduction

Les effets du dérèglement climatique se sont fortement intensifiés ces dernières années. Après les pics de canicule sans précédent enregistrés partout en France en juillet 2019, l’été 2020 a été marqué par les dégâts provoqués par la tempête Alex. Cette année, des incendies difficilement maîtrisables ont détruit des millions d’hectares en Turquie, en Grèce, en Algérie, mais également en Californie et en Sibérie, tout en entraînant des émissions record de dioxyde de carbone.

Face à l’urgence climatique, le temps des déclarations d’intentions est révolu et le Gouvernement doit disposer des moyens de son ambition.

Ces moyens figurent notamment dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », qui constitue le programme support de la mise en œuvre des politiques publiques du ministère de la transition écologique, du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministère de la mer. Il porte ainsi l’essentiel de la masse salariale des ministères chargés des questions environnementales.

Les crédits demandés pour 2022 s’élèvent à 2,88 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 2,92 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse respective de 1,08 % et 1,85 %.

Si l’on ne peut que saluer cette légère augmentation des crédits prévue par le projet de loi de finances (PLF) pour 2022, ces chiffres, à eux seuls, ne reflètent pas la politique menée ces dernières années, caractérisée au contraire par une baisse continue des crédits du programme 217.

À cet égard, le rapporteur pour avis souhaite profiter de cette dernière année de la législature pour faire un bilan de l’action menée par le Gouvernement et sa majorité parlementaire en matière de moyens consacrés à la mise en œuvre des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables.

Alors que la transition écologique est présentée comme une priorité, à travers notamment l’adoption de dispositions législatives toujours plus nombreuses, l’analyse de l’évolution des crédits portés par le programme 217 met en évidence la diminution continue du nombre d’agents chargés de mettre en œuvre cette transition.

Or, la création de nouvelles missions destinées à accélérer la transition écologique suppose de disposer de personnels qualifiés pour mettre en œuvre ces missions. Certes, des efforts de rationalisation des effectifs et de réorganisation des services peuvent être utiles pour dégager des gains de productivité, dans un contexte budgétaire contraint. Toutefois, ces efforts semblent aujourd’hui atteindre leurs limites, en particulier dans certains secteurs.

La mise en œuvre des politiques en faveur de la transition écologique et du développement durable repose sur des métiers nombreux et à forte technicité, qui doivent être préservés. Ces métiers répondent à une demande citoyenne en pleine évolution, caractérisée par la montée des exigences environnementales, un sentiment d’abandon des territoires et une demande accrue de sécurité et de transparence.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis tient à saluer l’implication des agents chargés de mettre en œuvre ces politiques. Ils font face à des missions de plus en plus nombreuses et complexes, à des diminutions d’effectifs et à des réorganisations permanentes de leurs services. La crise sanitaire a montré leur capacité d’adaptation et de résilience, au service de nos concitoyens.

 

***

Au regard de l’inadéquation entre les crédits alloués et les ambitions affichées en matière développement durable et en raison de la baisse drastique et inexplicable des effectifs des directions interdépartementales des routes, le rapporteur pour avis émet un avis défavorable à l’adoption des crédits du programme 217.


I.   En 2022, LE programme 217 poursuit sa contribution à l’effort de réduction des dépenses publiques

A.   Un programme au cœur des politiques de développement durable

1.   Champ du programme

Le programme 217 est le programme support de la mise en œuvre des politiques publiques du pôle ministériel regroupant le ministère de la transition écologique (MTE), le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales (MCTRCT) et le ministère de la mer (MM).

Cette gestion commune, sous l’égide d’une unique secrétaire générale, se retrouve au niveau départemental avec la création de secrétariats généraux communs départementaux le 1er janvier 2021. Cette nouvelle organisation, destinée à rassembler, en métropole et en Outre-mer, l’ensemble des fonctions support dont les moyens étaient auparavant dispersés entre plusieurs entités, doit permettre de faciliter la transversalité des politiques publiques et de développer des synergies dans l’élaboration des politiques de développement durable.

Le programme 217 porte :

– les effectifs des trois ministères précités, à l’exception, pour le ministère de la transition écologique, de ceux de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) portés par le programme 181 « Prévention des risques » ;

– le financement des activités « transverses » ou « de soutien » nécessaires à la mise en œuvre des politiques publiques (fonctions juridiques et d’expertise, moyens de fonctionnement, action sociale, formation, actions nationales, communautaires et internationales en faveur du développement durable, systèmes d’information, prévention des risques professionnels) ;

– les emplois et crédits de trois autorités administratives indépendantes (AAI) : la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Commission nationale du débat public (CNDP) et l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) ;

– une partie du financement de deux opérateurs : l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC, rebaptisée École des ponts ParisTech) et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE).

2.   Structure du programme

Le programme 217 est composé des douze actions suivantes :

– l’action 07 « Pilotage, support, audit et évaluations » regroupe depuis le projet annuel de performances 2021 l’intégralité des crédits hors titre 2 ([1]) du programme, à l’exception de ceux destinés aux AAI, qui conservent des actions dédiées. Cette action comprend aussi les dépenses de titre 2 des personnels exerçant des activités transversales.

Afin de conserver un niveau d’information équivalent à celui qui était présenté jusqu’à présent dans les projets et rapports annuels de performances, l’action 07 est divisée en huit sous-actions (fonction juridique, fonctionnement de l’administration centrale et des services rattachés, immobilier de l’administration centrale et des services rattachés, services numériques – fonctionnement des infrastructures et évolution des systèmes d’information, moyens hors titre 2 consacrés aux ressources humaines, actions nationales et internationales en faveur du développement durable, fonctionnement courant du Conseil général de l’environnement et du développement durable – CGEDD –, moyens consacrés à l’ENTPE et à l’ENPC).

– les actions 25 à 27 portent les dépenses de personnel et de fonctionnement des trois AAI rattachées à ce programme ;

– les autres actions sont des actions dites « miroirs », chacune regroupant les crédits de personnel dédiés à une politique publique.

Les actions dites « miroirs »

Les actions miroirs sont celles qui portent les crédits de personnel dédiés aux différentes politiques publiques du MTE, du MCTRCT et du MM. Elles permettent d’identifier les moyens en personnel comme s’ils étaient directement inscrits dans les programmes de politique publique correspondants.

Pour prendre un exemple concret, l’action 08 du programme 217 se nomme « Personnels œuvrant pour les politiques de transports ». Cela signifie que le programme 217 porte les effectifs travaillant à la mise en œuvre de la politique publique dont les crédits (hors dépenses de personnel) sont inclus dans un autre programme de la mission : le programme « Infrastructures et services de transports » qui lui, ne comprend aucun crédit inscrit au titre 2.

Le programme 217 porte ainsi la quasi-intégralité des effectifs de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », y compris, depuis le PLF 2018, les moyens de personnel œuvrant aux missions du MCTRCT ainsi que ceux rattachés au ministère de la mer créé en juillet 2020. Seuls les effectifs de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), rattachés au programme 181 « Prévention des risques », ne figurent pas dans le programme 217.

Présentation du programme 217 par action

Numéro et intitulé de l’action

07 – Pilotage, support, audit et évaluations

08 – Personnels œuvrant pour les politiques de transport

11 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme « Affaires maritimes »

13 – Personnels œuvrant pour la politique de l’eau et de la biodiversité

15 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme « Urbanisme, territoires et aménagement de l’habitat »

16 – Personnels œuvrant pour la politique de la prévention des risques

22 – Personnels transférés aux collectivités territoriales

23 – Personnels œuvrant pour les politiques de l’énergie et du climat

25 – Commission nationale du débat public (CNDP)

26 – Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

27 – Commission de régulation de l’énergie (CRE)

28 – Personnels œuvrant dans le domaine de la stratégie et de la connaissance des politiques de transition écologique

B.   La diminution des crédits correspond avant tout à une réduction des effectifs

1.   Les dépenses de personnel

Les dépenses de personnel (titre 2) représentent une part prépondérante des crédits portés par le programme 217 : sur les 2 878 millions d’euros consacrés au programme, elles s’élèvent à 2 691 millions d’euros, c’est‑à‑dire 93,5 % du total des crédits du programme.

Ces dépenses connaissent une hausse de 1,7 % dans le PLF 2022 par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021, où elles s’élevaient à 2 646 millions d’euros.

Malgré cette légère augmentation des dépenses de personnel, les effectifs du pôle ministériel portés par le programme 217 sont orientés à la baisse. En effet, le plafond d’autorisation d’emplois du programme voté en LFI 2021 s’élevait à 35 768 équivalents temps plein travaillé (ETPT), contre 35 420 ETPT prévus dans le PLF 2022, ce qui correspond à une réduction du plafond d’emplois de 348 ETPT résultant des éléments suivants :

– l’impact des schémas d’emplois pour 2022, qui se matérialise par une réduction de 509 ETPT ;

– une correction d’ordre technique à l’origine d’une hausse de 105 ETPT ;

– le solde des mesures de périmètre et de transferts d’emplois, qui se traduit par une augmentation de 56 ETPT.

Répartition du plafond d’Emplois par catégories (en ETPT)

Catégories d’emplois

Plafond autorisé pour 2021

(1)

Effet des mesures de périmètre pour 2022

(2)

Effet des mesures de transfert pour 2022

(3)

Effet des corrections techniques pour 2022

(4)

Impact des schémas d’emplois pour 2022

(5) = 6-1-2-3-4

Plafond demandé pour 2022

(6)

Catégorie A

11 886

0

+ 20

+ 76,57

+ 7,43

11 990

Catégorie B

13 732

0

+ 41

+ 107,20

- 225,20

13 655

Catégorie C

10 150

0

- 5

- 78,73

- 291,27

9 775

Total

35 768

0

+ 56

+ 105,04

- 509,04

35 420

Source : Projet annuel de performances.

La baisse des effectifs concerne plus particulièrement les emplois de catégories B et C, conformément à la politique de repyramidage initiée en 2020. Comme l’a indiqué la secrétaire générale du pôle ministériel, Mme Émilie Piette, lors de son audition, cette politique de repyramidage a pour vocation de renforcer les services déconcentrés. C’est ce que l’on observe dans le tableau suivant, qui montre que la baisse des effectifs se concentre sur l’administration centrale et sur les services régionaux, les services départementaux et les opérateurs devant connaître quant à eux une stabilité de leurs effectifs en 2022.

Répartition du plafond d’emplois par service (en ETPT)

Service

LFI 2021

PLF 2022

dont mesures de transfert

dont mesures de périmètre

dont corrections techniques

Impact des schémas d’emplois pour 2022

Administration centrale

3 708

3 584

+ 1

0

0

- 108,04

Services régionaux

17 508

17 309

+ 51

0

0

- 249

Opérateurs

19

19

0

0

0

0

Services départementaux

11 220

11 220

0

0

105,04

0

Autres

3 313

3 288

+ 4

0

 

- 47

Total

35 768

35 420

+ 56

0

 

- 509,04

Source : Projet annuel de performances.

La répartition du plafond d’emplois par niveau d’administration traduit un souci de préserver les territoires, et notamment le niveau départemental, qui porte une grande partie des effectifs. En contrepartie, l’administration centrale sera particulièrement mise à contribution en 2022.

2.   Les autres dépenses

Hormis les dépenses de personnel, le programme 217 comprend essentiellement des dépenses de fonctionnement, ainsi que des dépenses d’investissement et d’intervention. La somme de ces dépenses représente 6,5 % des crédits du programme 217.

Les crédits demandés pour 2022 hors titre 2 s’élèvent à 187,26 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 229,84 millions d’euros en crédits de paiement (CP), à comparer aux 200,10 millions d’euros en AE et 221,36 millions d’euros en CP inscrits en LFI 2021.

Les crédits de paiement alloués par le PLF 2022 augmentent ainsi de 3,8 % par rapport à la LFI 2021, une hausse qui s’explique par l’augmentation de 10 millions d’euros du budget informatique, destinée à accélérer la transformation numérique des ministères.

Pour le reste, le pôle ministériel poursuit sa politique de rationalisation des dépenses de fonctionnement. Les diminutions de dépenses les plus significatives lors de la période récente concernent les véhicules et les frais de déplacement, en raison du recours accru à la visioconférence.

C.   Le programme 217 finance également trois Autorités administratives indépendanTes et deux opérateurs

1.   Les trois autorités administratives indépendantes rattachées au programme 217

Le programme 217 porte les emplois et les crédits de trois autorités administratives indépendantes (AAI) : la Commission de régulation de l’énergie, la Commission nationale du débat public et l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires.

● La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a pour mission de réguler les marchés de l’électricité et du gaz en France, au bénéfice des consommateurs et en cohérence avec les objectifs de la politique énergétique. Elle garantit l’absence de discrimination sur ces marchés et veille à l’indépendance de l’exercice des missions des gestionnaires de réseaux.

Les dépenses de fonctionnement de la CRE prévues par le PLF 2022 connaissent une légère baisse par rapport à la LFI 2021 : l’Autorité disposera de 4,08 millions d’euros en AE et de 6,65 millions d’euros en CP, contre respectivement 4,17 et 6,73 millions d’euros l’année précédente.

Les crédits du titre 2 prévus dans le PLF 2022 évoluent quant à eux très légèrement à la hausse (+ 0,4 %) pour atteindre 14,61 millions d’euros, permettant de financer les 155 emplois permanents de la CRE.

● La Commission nationale du débat public (CNDP) est chargée de veiller au respect du principe constitutionnel de participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national dès lors qu’ils présentent de forts enjeux socio‑économiques ou qu’ils ont des impacts significatifs sur l’environnement ou l’aménagement du territoire.

Les crédits destinés à la CNDP s’élèvent dans le PLF 2022 à 3,53 millions d’euros, contre 3,55 millions d’euros en LFI 2021, soit une baisse de près de 1 %.

Cette légère diminution du financement de la CNDP porte à la fois sur les dépenses de personnel, qui passent de 2,58 à 2,56 millions d’euros, et sur les dépenses de fonctionnement, réduites de 0,97 à 0,96 million d’euros.

Le plafond d’emplois est de 9 ETPT en 2022, identique à celui de 2021.

● L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) a pour mission de veiller à ce que les nuisances générées par le trafic aérien soient maîtrisées. Elle satisfait à un devoir d’information des riverains et des collectivités et peut émettre des recommandations sur toute question relative aux nuisances aéroportuaires. Elle dispose également d’un pouvoir de sanction vis-à-vis des compagnies aériennes.

Comme la CNDP, l’ACNUSA voit ses crédits diminuer légèrement en 2022, avec une dotation de 1,96 million d’euros contre 1,98 million d’euros en LFI 2021. Le nombre d’ETP reste stable (11 hors président).

2.   Les deux opérateurs du programme 217

Deux écoles d’ingénieurs sont rattachées au programme 217 en tant qu’opérateur :

– l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), qui reçoit une subvention pour charges de service public (SCSP) de 27,36 millions d’euros au titre du PLF 2022, un montant stable par rapport à celui prévu dans la LFI 2021. Le programme 217 finance 99,8 % de cette subvention ;

– l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE), dont le PLF 2022 prévoit de fixer la SCSP à 19,45 millions d’euros, comme en 2021.

Le schéma d’emplois de ces deux opérateurs est nul en 2022.

II.   La baisse continue des effectifs au cours du quinquennat compromet la mise en œuvre des nombreuses missions du pôle ministériel

Le rapporteur pour avis souhaite profiter de cette dernière année de la législature pour faire un bilan de l’action menée par le Gouvernement en matière de moyens consacrés à la mise en œuvre des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables.

Alors que la transition écologique est présentée comme une priorité, l’évolution des crédits du programme 217 rend compte de la diminution continue du nombre d’agents chargés de mettre en œuvre cette transition au cours du quinquennat.

A.   Une politique présentée comme ambitieuse en matière de transition écologique

Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 9 août 2021 dresse un constat alarmant sur les conséquences du réchauffement climatique. Mme Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe n° 1 du GIEC, a rappelé lors de son audition devant la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, le 22 septembre dernier, que les changements climatiques touchent aujourd’hui toutes les régions du monde et s’intensifient rapidement. Alors que le niveau de réchauffement, qui a atteint 1,1 degré au cours de la dernière décennie, est inédit depuis plus de 2 000 ans, les scientifiques nous alertent sur la nécessité d’engager la France dans une trajectoire de réduction forte des émissions de gaz à effet de serre.

Face à cet enjeu décisif, le Gouvernement et sa majorité parlementaire affichent depuis 2017 leur volonté de faire du développement durable une priorité.

Cette volonté politique s’est illustrée tant par des slogans (« make our planet great again »), des symboles (avec la création d’un grand ministère de la transition écologique, placé en deuxième position dans l’ordre protocolaire), que par l’adoption de nombreuses lois au cours du quinquennat, notamment la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (189 articles), la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (130 articles) ou la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (305 articles).

B.   Une ambition en contradiction avec la réduction continue des effectifs au cours du quinquennat

Comme cela a été indiqué supra, le plafond d’autorisation d’emplois du programme 2017 diminue de 348 ETPT dans le PLF 2022 par rapport à la LFI 2021, soit une baisse de près de 1 %.

La diminution des effectifs prévue par ce dernier PLF de la législature est toutefois moins importante que celle observée les années précédentes, comme le montre le tableau suivant.

Les réductions d’effectifs qui ont caractérisé chacun des PLF successifs ont ainsi concerné, entre 2017 et 2021, plus de 1 000 postes par an, et ont même dépassé les 2 000 ETPT en 2020.

Évolution des effectifs portés par le programme 217 (en ETPT)

 

LFI 2017

LFR 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Programme 217

28 681

39 901

38 941

36 915

35 768

35 420

Programme 337 ([2])

12 288

 

 

 

 

 

Total

40 969

39 901

38 941

36 915

35 768

35 420

Évolution en ETPT

 

- 1 068

- 960

- 2 026

- 1 147

- 348

Évolution en pourcentage

 

- 2,61 %

- 2,41 %

- 5,20 %

- 3,11 %

- 0,97 %

Source : MTE

Ainsi, au cours du quinquennat, les effectifs de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ([3]) auront chuté de 13,54 %. 5 549 emplois au service des politiques de développement durable auront été supprimés.

Les chiffres sont clairs : si, pour cette dernière année de la législature, année pré-électorale, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » augmentent de 1,35 % en AE et de 2,39 % en CP, et que l’on observe un ralentissement de la baisse des effectifs portés par le programme 217, les chiffres du PLF 2022 ne sauraient masquer une tendance de fond à la réduction des effectifs.

Cette tendance ne doit toutefois pas être imputée à la seule majorité actuelle, puisque les effectifs consacrés aux politiques de développement et de mobilité durables diminuent depuis quatorze années consécutives.

Les différents niveaux d’administration ont été touchés par la réduction des effectifs. En effet, alors que l’effort de réduction des effectifs en 2022 épargnera les services départementaux, ces derniers ont été lourdement mis à contribution au cours du quinquennat, comme le montre le tableau ci-dessous qui retrace l’évolution des effectifs du pôle ministériel depuis 2017, en distinguant administration centrale et services déconcentrés.

Évolution par niveau d’administration des effectifs portés par le programme 217 (en ETPT)

Année

Administration centrale

Services déconcentrés

Effectifs mis à disposition des collectivités locales ([4])

Autres

Total

LFI 2017

4 282

32 859

581

3 247

40 969

LFR 2018

4 122

32 226

414

3 139

39 901

LFI 2019

4 016

31 460

278

3 187

38 941

LFI 2020

3 876

29 669

271

3 099

36 915

LFI 2021

3 708

28 747

271

3 042

35 768

Évolution

- 13,40 %

- 12,51 %

- 46,64 %

- 6,31 %

- 12,69 %

Source : MTE

L’évolution des crédits de personnel met en avant la difficile conciliation entre deux objectifs apparemment contradictoires, à savoir :

– la nécessaire rationalisation des effectifs et la contribution du pôle ministériel à l’effort de réduction des dépenses publiques, d’une part ;

– la possibilité, pour les ministères concernés, de mettre en œuvre les nombreuses politiques publiques devant permettre d’accélérer la transition écologique et de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, d’autre part.

En d’autres termes, peut-on prétendre vouloir atteindre l’objectif ambitieux de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre de 40 %, comme le demande le GIEC, tout en réduisant de plus de 13 % en cinq ans les effectifs des ministères supposés agir pour se mettre en conformité avec cet objectif ?

Dans quelle mesure et jusqu’à quel point peut-on décider de nouvelles politiques environnementales sans effectifs supplémentaires pour les mettre en œuvre ?

C.   Une rationalisation des effectifs qui doit veiller à préserver les compétences et les spécificités du pôle ministériel

1.   La revue des missions doit permettre de réaliser des gains de productivité

Alors que le pôle ministériel connaît de fortes réductions d’effectifs depuis plusieurs années, sa secrétaire générale, Mme Émilie Piette, a convenu lors de son audition que l’adaptation des services et l’évolution des métiers et des compétences constituent un enjeu majeur.

Comme elle l’a utilement rappelé, le pôle ministériel est non seulement celui qui fournit depuis plus de dix ans le taux d’effort le plus important en termes de schémas d’emplois, mais également celui qui connaît le plus grand nombre de transformations et d’évolutions de périmètre. On peut mentionner en particulier la création, le 1er janvier 2020, de l’Office français de la biodiversité (par fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage) et celle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (par intégration du Commissariat général à l’égalité des territoires, de l’Agence du numérique et la dissolution de l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux). Des réorganisations ont également eu lieu au niveau régional ces derniers mois, avec la création de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) d’Île-de-France le 1er avril 2020 et celle de la direction de la mer et du littoral de Corse le 1er octobre 2021. Au total, près 30 % des agents du pôle ministériel sont engagés dans un processus de transformation.

Il a été indiqué au rapporteur pour avis que de nouvelles réorganisations pourraient être réalisées en 2022. Des réflexions ont ainsi été engagées concernant notamment la réorganisation de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), celle de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) et la création d’une direction générale de la mer.

Ces nombreux changements justifient une réflexion sur le périmètre et les compétences de chaque organisme nouvellement créé.

Par ailleurs, l’adaptation des services et des métiers doit tenir compte des spécificités des ministères chargés de mettre en œuvre les politiques de développement et de mobilité durables. Il existe ainsi au sein de ces ministères une grande diversité de métiers, faisant appel à des compétences techniques multiples. Le poids des opérateurs est important au sein du paysage ministériel : Voies navigables de France (VNF), Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), Office français de la biodiversité (OFB), agences de l’eau… En outre, la répartition des effectifs est très territorialisée (avec près de 90 % des effectifs dans les territoires) et les pratiques de gestion sont très déconcentrées. Enfin, la moyenne d’âge des agents est élevée (47 ans) ce qui induit, compte tenu de l’augmentation des départs à la retraite, de forts enjeux de recrutements, de maintien des compétences et de transmission des savoirs.

Dans ce contexte de profondes transformations génératrices d’inquiétudes et compte tenu des fortes spécificités du pôle ministériel, le secrétariat général a engagé un important chantier de révision des missions qui s’articule autour de trois axes :

– une réflexion en profondeur sur l’action du pôle ministériel, son périmètre et ses modes d’intervention. Cette démarche doit permettre de s’assurer que les ministères interviennent efficacement là où ils le doivent, au plus près des Français, et dans une répartition adaptée des compétences avec les collectivités territoriales ;

 un plan dédié sur les parcours et les compétences ;

 un accompagnement social de ces transformations.

Des séminaires thématiques ont ainsi été organisés avec les services du secrétariat général, les directions générales, les services déconcentrés et les opérateurs concernés pour définir les priorités d’action, faire évoluer les modalités de mise en œuvre de certaines missions et rechercher l’optimisation du fonctionnement de l’État.

Alors que le pôle ministériel est confronté à la montée en puissance des sujets environnementaux, Mme Emilie Piette a souligné que le ministère était « un organisme vivant », capable de s’adapter à la création de nouvelles missions grâce à la réorganisation des services et à la mise en œuvre d’un volet de souplesse. Elle a toutefois concédé que le programme de travail du ministère serait particulièrement chargé dans les mois à venir, notamment pour mettre en œuvre les nombreux décrets d’application prévus par la loi « climat et résilience » du 21 août 2021.

Dans ce contexte, l’objectif de réviser les missions consiste à se pencher sur chaque politique publique pour voir comment parvenir à la mettre en œuvre de manière plus efficace, au plus près du terrain. La secrétaire générale a précisé qu’il s’agissait d’un chantier de moyen terme, mené sur deux ou trois ans, qui doit permettre d’enclencher une dynamique de productivité. Les feuilles de route relatives à la révision des missions connaîtront leur traduction opérationnelle progressivement à partir de 2022.

Parallèlement à cette révision des missions, la secrétaire générale a indiqué au rapporteur pour avis avoir lancé une plateforme collaborative permettant de collecter les mesures innovantes de simplification et les bonnes pratiques sur l’ensemble du pôle ministériel – services déconcentrés et opérateurs inclus – afin de pouvoir les évaluer et les pérenniser. Aujourd’hui, l’absence de centralisation de ces informations par l’administration ne permet d’avoir ni une vision globale, ni une coordination des travaux réalisés.

Le rapporteur pour avis ne peut que saluer ces efforts visant à rationaliser le fonctionnement des services et à améliorer la productivité des agents du pôle ministériel. Toutefois, cette politique d’adaptation continue semble atteindre ses limites. Il paraît de plus en plus difficile de continuer à « faire mieux avec moins » et, face à l’urgence écologique, le rapporteur pour avis estime que certains secteurs et certaines compétences doivent aujourd’hui être préservés et sanctuarisés.

2.   Les missions et les compétences techniques du personnel doivent être préservées

Certaines actions du programme 217 ont été lourdement mises à contribution au cours des cinq dernières années, comme le montre le tableau suivant.

Évolution des effectifs par action depuis 2017 (en ETPT)

Actions du programme 217

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2017/2022

07 – Pilotage, support, audit et évaluations

7 174

8 115

7 830

6 278

5 768

5 718

- 20,3 %

08 – Personnels œuvrant pour les politiques de transport

10 359

10 150

9940

9 793

9 531

9 166

- 11,52 %

09 – Sécurité et éducation routières

31

31

 

 

 

 

 

11 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme « Affaires maritimes »

2 820

2 723

2 688

2 669

2 626

2 668

- 5,4 %

13 – Personnels œuvrant pour la politique de l’eau et de la biodiversité

3 490

3 689

3 622

3 571

3 485

3 428

- 1,78 %

15 – Personnels œuvrant pour les politiques du programme Urbanisme, territoires et aménagement de l'habitat

12 288 (programme 337) ([5])

10  200

9724

9 531

9 346

9 205

- 25,09 %

16 – Personnels œuvrant pour la politique de la prévention des risques

3 248

3 234

3 220

3 194

3 183

3 218

- 0,92 %

22 – Personnels transférés aux collectivités territoriales

581

445

278

271

271

465

- 19,97 %

23 – Personnels œuvrant pour les politiques de l'énergie et du climat

768

773

773

771

766

775

+ 0,91 %

24 – Transports aériens

40

40

40

24

 

 

 

25 – Commission nationale du débat public (CNDP)

9

10

10

10

9

9

0

926 – Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

12

12

12

12

11

11

- 8,33 %

27 – Commission de régulation de l'énergie (CRE)

149

151

153

154

155

155

+ 4,03 %

28 – Personnels œuvrant dans le domaine de la stratégie et de la connaissance des politiques de transition écologique

 

664

651

637

617

604

- 9,04 %  ([6])

Total

40 969

40 237

38 941

36 915

35 768

35 420

- 13,54 %

Source : MTE.


—  1  —

Les effectifs chargés de mettre en œuvre le programme 203 « Infrastructures et services de transports » sont inscrits à l’action 08 du programme 217 et se répartissent entre :

– l’administration centrale, notamment la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et les services techniques centraux ;

– les services déconcentrés, notamment les directions interdépartementales des routes (DIR) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Il convient de noter qu’une part importante du programme 203 est mise en œuvre par des opérateurs (SNCF Réseau, Voies navigables de France, les grands ports maritimes, les ports autonomes fluviaux, les sociétés publiques concessionnaires d’autoroutes…).

Depuis 2017, les effectifs du ministère consacrés aux infrastructures et services de transports connaissent une diminution continue, qui atteint 11,52 % en cinq ans.

Surtout, alors que la diminution des effectifs du programme 217 est de manière globale moins importante en 2022 que les années précédentes, l’action 08 est particulièrement mise à contribution l’année prochaine avec un effectif en baisse de 365 ETP, soit une diminution pratiquement deux fois supérieure aux baisses enregistrées les années précédentes, comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution des effectifs de l’action 08 « Personnels œuvrant pour les politiques de transport » depuis 2017 (en ETPT)

 

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2017/2022

Effectifs de l’action 08

10 359

10 150

9 940

9 793

9 531

9 166

- 1 193

Évolution des effectifs par rapport à l’année précédente

 

- 209

- 210

- 147

- 262

- 365

Le rapporteur pour avis s’inquiète de la chute des effectifs de l’action 08, en particulier en ce qui concerne les directions interdépartementales des routes (DIR), chargées de l’entretien courant et préventif du réseau routier, mais également de l’exploitation, des opérations de réhabilitation, de rénovation et de réparation du patrimoine routier et des aménagements de sécurité.

Cette réduction importante des effectifs en 2022, bien supérieure aux réductions d’effectifs observées les années précédentes, pose question au moment où l’article 6 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dit projet de loi « 3DS »), actuellement en cours d’examen au Parlement, envisage le transfert aux départements de certaines routes nationales non concédées.

Concernant les opérateurs chargés des infrastructures et des services de transport, le rapporteur pour avis souhaite mentionner Voies navigables de France (VNF), dont l’évolution des effectifs illustre un certain décalage entre objectifs et moyens.

En effet, le plan « France relance » décidé par le Gouvernement prévoit un investissement de 175 millions d’euros en faveur de la modernisation et de la régénération des voies navigables. Ces sommes permettront de développer le transport et la logistique, l’aménagement des territoires ainsi que les actions menées en faveur de la gestion hydraulique, de la sécurité des ouvrages hydrauliques et la préservation de la biodiversité. Ces engagements doivent être mis en œuvre par le personnel de Voies navigables de France. L’établissement public gère environ 6 700 kilomètres de fleuves, rivières aménagées et canaux, plus de 4 000 ouvrages d’art et 40 000 hectares de domaine public fluvial. Il porte actuellement un projet de modernisation, notamment technologique. 

Pourtant, dans le même temps, et alors que VNF a déjà perdu 800 postes depuis 2013, 400 postes supplémentaires doivent être supprimés d’ici 2025, selon la Confédération française démocratique du travail (CFDT). Pour le syndicat Force ouvrière (FO), « VNF n’a d’ores et déjà plus les moyens de remplir ses missions ».

Le Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) apporte son concours à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Il intervient en appui à l’État et aux acteurs territoriaux dans les domaines de la mobilité, des infrastructures de transport, de l’urbanisme et de la construction, de la préservation des ressources, de la prévention des risques, de la sécurité routière et maritime et de la capacité à intégrer ces différentes compétences dans la construction de projets territoriaux.

Placé sous la double tutelle du MTE et du MCTRCT, le CEREMA est financé par une subvention pour charges de service public (SCSP) relevant du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ». Il joue néanmoins un rôle d’appui essentiel aux personnels de ces deux ministères, dont les crédits sont portés par le programme 217.

Or, un récent rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection générale de l’administration (IGA), publié en juin 2021 ([7]), alerte sur la situation critique du CEREMA. Ainsi, l’opérateur a connu une diminution de ses effectifs sous plafond à hauteur de 584 ETPT (- 18,9 %) entre 2014 et 2021. Les auteurs du rapport jugent que la trajectoire financière et budgétaire actuelle « engage le pronostic vital du CEREMA » et que « la baisse de la subvention pour charges de service public a atteint ses limites ». Ils estiment que « le maintien à leur niveau actuel du nombre d’emplois (2600) et de la subvention pour charges de service public (SCSP) à 200 millions d’euros, apparaît comme une condition essentielle ».

Le rapporteur pour avis partage ces inquiétudes et considère que la baisse continue des moyens financiers et humains du CEREM A compromet sa capacité à répondre à ses missions. Le recours accru de l’établissement à la sous-traitance traduit un certain désengagement de la politique de l’État en matière d’ingénierie territoriale. À titre d’exemple, alors que l’État vient de lancer un programme de recensement et d’évaluation des ouvrages d’art, qui doit bénéficier à près de 11 000 communes, cette étude doit être externalisée par le CEREMA qui fera appel à des bureaux d’études privés pour l’ensemble des collectivités éligibles.

Cette diminution des moyens est d’autant plus inquiétante que l’article 48 du projet de loi dit « 3DS » prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de renforcer le rôle d’expertise du CEREMA au profit des collectivités territoriales. Si le rapporteur pour avis prend acte de cette évolution, celle-ci ne peut aller de pair avec la poursuite de la réduction des effectifs de l’établissement public.

Le MTE est un ministère spécifique, comportant une forte composante technique et scientifique. La capacité de ses agents à fournir une expertise indépendante et de haut niveau sur des sujets de plus en plus complexes doit être préservée.

Or, l’érosion des effectifs semble s’accompagner d’un recours accru à la sous-traitance et à l’externalisation des missions du ministère. Ainsi, les organisations syndicales auditionnées par le rapporteur pour avis ont notamment rappelé que la nouvelle stratégie pour entretenir le réseau routier national avait été confiée au cabinet Capgemini en 2019.

Plus récemment, dans le cadre de la préparation du projet de loi « climat et résilience », le ministère a chargé le cabinet de conseil Boston Consulting Group d’expertiser l’impact carbone de l’ensemble des mesures prises en matière de lutte contre le dérèglement climatique depuis le début du quinquennat.

Le recours accru à des experts extérieurs pose la question de leur indépendance, ainsi que celle du maintien des compétences techniques et d’évaluation scientifique au sein du ministère.

À cet égard, les organisations syndicales ont attiré l’attention du rapporteur pour avis sur la fermeture prochaine de l’École nationale des techniciens de l’environnement (ENTE) qui assure les formations initiales et continues des techniciens supérieurs du développement durable, recrutés sur concours de niveau bac + 2, ainsi qu’une formation complémentaire des agents de catégorie B de la filière administrative. Interrogé par le rapporteur pour avis, le secrétariat général a indiqué que cette école était aujourd’hui surdimensionnée par rapport au flux d’agents formés (300 par an pour un outil pédagogique conçu pour 800 agents).

Si des modalités de redéploiement de l’activité de l’ENTE doivent être proposées dans les prochains jours, le rapporteur pour avis estime que la formation de techniciens du ministère, compétents pour porter la transition écologique, ne doit pas être remise en cause.

III.   Des Autorités administratives indépendantes de plus en plus sollicitées, sans véritables moyens supplémentaires

A.   Des Autorités administratives indépendantes de plus en plus sollicitées

Les trois AAI financées par le programme 217 ont fait face ces dernières années à un accroissement important de leurs missions et de leur charge de travail.

1.   La Commission de régulation de l’énergie

Le champ de compétences de la CRE s’est considérablement élargi depuis sa création, la commission ayant hérité de près de 80 nouvelles compétences depuis 2013 (proposition des tarifs règlementés de vente, tarification des réseaux et des infrastructures d’électricité et de gaz, renforcement de son rôle dans les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, mission de régulation du stockage pour le gaz, encadrement de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pour les fournisseurs alternatifs, surveillance des marchés de gros et de détail de l’électricité et du gaz, expérimentations relatives aux smart grids et aux services de flexibilité locale, accompagnement de la transition énergétique dans les zones non interconnectées…).

Comme l’a indiqué son président, M. Jean-François Carenco, la CRE s’est par ailleurs vu confier au cours de la période 2020-2021 deux nouvelles missions à très forts enjeux budgétaires et opérationnels :

– le traitement du contentieux de masse lié à la contribution au service public d’électricité (CSPE), en application de l’article 57 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, adopté à la suite de l’invalidation partielle par la Cour de Justice de l’Union européenne de la CSPE prélevée en France entre 2009 et 2015. La plateforme de remboursement a été mise en ligne en février 2021 ; 1 500 dossiers ont déjà été réceptionnés et les premières transactions ont été signées. En 2022, près de 55 000 dossiers de réclamations et de requêtes devront être traités ;

– la renégociation des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010 d’une puissance supérieure à 250 kWc, en vertu de l’article 225 de la loi de finances pour 2021. Ces contrats concernent un très petit nombre d’installations photovoltaïques mais celles-ci concentrent une part importante des subventions publiques (près d’un milliard d’euros par an) qui, dans la majorité des cas, ne sont plus justifiées, les installations étant d’ores et déjà amorties après plus de dix ans de contrats avec l’État. La renégociation des contrats et l’examen par la CRE de la situation individuelle des entreprises souhaitant activer la « clause de sauvegarde » pourraient concerner 400 installations.

2.   La Commission nationale du débat public

Les missions de la CNDP ont été notablement élargies par l’ordonnance du 3 août 2016 relative à la réforme de l’information et de la participation du public.

Comme l’a indiqué sa présidente Mme Chantal Jouanno, l’activité de la CNDP a été multipliée par six en trois ans pour atteindre un niveau record en 2019 avec 180 décisions et la désignation de 135 garants. Après un ralentissement de l’activité en 2020 lié à la crise sanitaire, le début de l’année 2021 est marqué par la progression des saisines de la CNDP pour des projets majeurs, qui atteignent des niveaux d’investissement plus importants qu’en 2019. En effet, si l’on compare les données de janvier à octobre, les projets supérieurs à 150 millions d’euros, qui entrent dans le champ de saisine obligatoire de la CNDP et exigent souvent la nomination de plusieurs garants, constituent 55 % des saisines reçues en 2021 contre 30 % en 2019. Jamais le nombre de sollicitations de la CNDP pour des projets de cette importance n’a été aussi élevé. En conséquence, le nombre de garants désignés est de 144 en 2021 contre 132 en 2019.

L’année 2021 confirme également la tendance à la hausse des missions de conseil et d’accompagnement méthodologiques de la CNDP (avec sept missions nouvelles fin juillet, contre six missions sur l’ensemble de l’année 2019 et huit sur l’année 2020). Ces missions de conseil concernent essentiellement de grandes collectivités et des institutions nationales sur des sujets sensibles : déploiement de la 5G et numérique « responsable », élargissement des zones à faibles émissions (ZFE), conventions citoyennes locales, plan stratégique d’entreprise d’EDF, précarité alimentaire, etc.

3.   L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

Le président de l’ACNUSA, M. Gilles Leblanc, a indiqué lors de son audition que la crise sanitaire a contribué à accroître les exigences environnementales des collectivités territoriales et des populations, davantage préoccupées par la réduction des nuisances sonores et des émissions de gaz à effet de serre provoquées par le transport aérien.

Il a souligné que le nombre des aéroports placés sous le contrôle de l’ACNUSA est en constante augmentation et que ses missions se renforcent. À titre d’exemple, les prescriptions de l’Autorité en matière de gestion de la qualité de l’air par les sociétés d’exploitation aéroportuaires autour des aéroports s’appliquent à 45 plateformes aéroportuaires.

B.   L’absence de moyens supplémentaires pérennes pour faire face à ce surcroÎt de travail

1.   La Commission de régulation de l’énergie

Le plafond d’emplois de la CRE a évolué de 149 ETPT en 2017 à 155 ETPT en 2021. Cette augmentation des effectifs a permis à l’autorité de faire face à l’accroissement de ses missions.

Par ailleurs, un allègement du schéma d’emplois a autorisé le recrutement d’ETPT complémentaires hors plafond. Ces effectifs ont été affectés aux deux missions temporaires de la CRE, liées au contentieux en matière de CSPE d’une part et à la renégociation des contrats photovoltaïques d’autre part. Cinq ETPT ont ainsi été accordés en 2019 pour le traitement du contentieux relatif à la CSPE, puis sept ETPT mi-2021 pour le projet de renégociation des contrats photovoltaïques. La plupart de ces collaborateurs supplémentaires ont été recrutés sur des contrats de droit public de deux ans.

Les crédits de personnel prévus dans le PLF 2022 permettront uniquement de financer les 155 emplois permanents de la CRE.

Or, des crédits supplémentaires, non prévus dans le PLF 2022, doivent être octroyés à la CRE pour financer l’accroissement des dépenses de personnel lié aux deux missions temporaires confiées à la commission. La masse salariale associée à ces programmes spécifiques est estimée pour 2022 à 1 million d’euros (400 000 euros pour le programme CSPE et 600 000 pour le programme relatif à la renégociation des contrats photovoltaïques).

Mise à part cette absence de financement, en 2022, des effectifs nécessaires à la mise en œuvre des deux missions temporaires de la CRE, l’autorité estime à ce jour que les moyens octroyés sont proportionnés (en effectifs et en masse salariale) même si cela suppose un fonctionnement en flux tendu pour la CRE.

Toutefois, la mise en place de nouvelles missions en 2022 ou une charge de travail beaucoup plus importante qu’anticipé pourraient légitimement conduire à une demande d’accroissement du plafond d’emplois pour les années suivantes.

2.   La Commission nationale du débat public

Hors titre 2, les crédits accordés à la CNDP dans le PLF 2022 s’élèvent à 964 149 euros, soit un montant en légère érosion par rapport à la LFI 2021 (971 424 euros). Or, les crédits attribués en 2021 sont d’ores et déjà insuffisants pour couvrir l’ensemble des dépenses, ce qui a amené le MTE à compléter le budget de fonctionnement de la CNDP d’une enveloppe de 240 000 euros.

S’agissant du titre 2, le montant du budget proposé dans le PLF 2022 s’élève à 2,56 millions d’euros. En 2021, le budget accordé était de 2,58 millions d’euros, un montant insuffisant pour couvrir l’ensemble des dépenses de rémunération des agents et d’indemnisation des collaborateurs occasionnels du service public de la CNDP. Le MTE a par conséquent d’ores et déjà dû accorder une rallonge budgétaire de 500 000 euros.

Il est donc fort vraisemblable que les crédits prévus pour 2022 soient également insuffisants. La nécessité pour le MTE d’abonder le budget de la CNDP en fin d’année souligne l’insuffisance des moyens budgétaires accordés à cette autorité dans le PLF.

Concernant les effectifs, la CNDP se compose d’une équipe interne de dix agents publics, de deux vice-présidents et d’une présidente, soit treize personnes au total. La présidente de la CNDP a indiqué avoir découvert dans la loi de finances pour 2021 qu’un ETP avait été retiré. Théoriquement, l’équipe interne devrait donc se composer de neuf agents publics. Toutefois, les agents concernés étant des contractuels en contrat à durée déterminée de trois ans, il n’était pas possible de mettre fin à leur contrat. La présidente estime que cette suppression non concertée d’un effectif (soit 10 % des salariés) n’est pas soutenable compte tenu de la très forte progression de l’activité de l’autorité.

3.   L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires

Le président de l’ACNUSA a indiqué lors de son audition qu’il conviendrait de rétablir les crédits de fonctionnement pour 2022 au niveau du PLF 2020, soit 564 000 euros, afin de ne pas avoir à solliciter des crédits complémentaires en fin de gestion pour honorer les dépenses obligatoires (essentiellement les frais de justice permettant le recouvrement des produits des amendes sur le budget général de l’État). Cette demande n’a pas été entendue, les crédits de fonctionnement prévus par le PLF 2022 s’élevant à 509 158 euros.

Concernant le titre 2, l’ACNUSA bénéficiait jusqu’en 2020 de douze ETP, sans compter son président. La LFI 2021 a prévu une baisse des effectifs à onze ETP. Toutefois, le MTE avait alors accordé à l’autorité un ETP supplémentaire, pris sur sa « réserve », afin de maintenir le total des effectifs à douze ETP. Or, le PLF 2022 prévoyant onze ETP, le président de l’ACNUSA estime qu’il existe un risque important que cette compensation ne soit pas assurée en 2022 ou dans les années à venir.

Au moment où il convient d’accompagner la reprise des activités aéroportuaires tout en réduisant l’impact de ces activités sur la santé et sur l’environnement, la réduction des moyens de l’autorité constitue un mauvais signal. En effet, l’ACNUSA joue un rôle majeur dans la réduction des nuisances aéroportuaires, en particulier les nuisances sonores auxquelles sont exposées 1,2 million de personnes en France, comme l’a rappelé notre collègue Mme Laurianne Rossi, présidente du Conseil national du bruit, lors de son audition le 13 octobre dernier par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Aussi, le rapporteur pour avis estime qu’il est nécessaire de sécuriser dans la loi de finances un plafond minimum de douze ETP, tel qu’il était fixé en 2020, pour permettre à l’autorité de mener à bien ses missions.

La perte de recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes diffère voire remet en cause les projets d’isolation sonores des bâtiments

Lors de son audition, l’ACNUSA a alerté le rapporteur pour avis sur les conséquences de la chute des recettes de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA). Cette taxe, assise sur le nombre de mouvements d’aéronefs, est payée par les compagnies aériennes. Elle permet de financer les aides à l’insonorisation des bâtiments situés à proximité des aéroports, et donc de réduire les nuisances sonores dont sont victimes les riverains.

La chute du trafic aérien lié à la crise sanitaire a eu pour conséquence une réduction massive des recettes de la TNSA. Alors que les recettes prévues pour 2020 étaient initialement de  55 millions d’euros, seulement 27,7 millions d’euros ont été réellement perçus. Un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros est également attendu en 2021.

Afin d’éviter que les années 2020 et 2021 ne soient marquées par des reports ou des abandons de projets en matière d’insonorisation des logements et des établissements scolaires, sanitaires et sociaux situés dans les périmètres des plans de gêne sonore (PGS), il apparaît indispensable de compenser la perte des recettes pour les années 2020 et 2021, évaluée à 75 millions d’euros.

Le retard généré dans les travaux ou la remise en cause de projets sont de nature à susciter l’incompréhension des populations des territoires les plus touchés par les nuisances aéroportuaires.

IV.   DEs écoles d’ingénieurs qui ne semblent pas constituer une priorité pour le ministère de la transition écologique

Dans son avis budgétaire relatif aux crédits des politiques de développement durable du PLF 2021, notre collègue Mme Aude Luquet avait insisté sur la nécessité de mieux accompagner l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE), qui constituent les deux opérateurs du programme 217.

La rapporteure pour avis avait mis en avant la baisse tendancielle de la subvention pour charges de services publics (SCSP) versée à ces deux écoles, ainsi que la réduction de leurs schémas d’emplois. La SCSP de l’ENTPE représentait ainsi 88,5 % du budget de l’école en 2017, contre 86,1 % en 2021. Celle de l’ENPC est passée, entre 2017 et 2021, de 58,7 % à 54,7 %. Depuis 2017, l’ENTPE a perdu sept ETPT, soit presque 5 % de ses effectifs ; le plafond d’emplois de l’ENPC est quant à lui passé de 298 ETPT en 2017 à 289 ETPT en 2021 (soit une réduction des effectifs de 3 %).

Aussi, Mme Aude Luquet avait-elle souligné dans son avis budgétaire la nécessité d’enrayer cette baisse de la subvention et de geler les suppressions d’effectifs dans les deux écoles.

Le rapporteur pour avis constate que ses recommandations ont été en partie entendues, puisque la SCSP versée à chacune des écoles est maintenue en 2022 à son niveau de 2021 et que leur schéma d’emplois est nul.

Pour autant, la situation des deux écoles d’ingénieurs reste critique, malgré des efforts importants pour diversifier leurs ressources. Les deux directrices, Mmes Sophie Mougard et Cécile Delolme, ont indiqué lors de leur audition que leur ministère de tutelle, le ministère de la transition écologique, rencontrait des difficultés à accompagner financièrement le développement de leurs écoles au service des transitions écologiques et énergétiques.

Cette situation est d’autant plus regrettable que la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur prévoit un investissement de 25 milliards d’euros au cours des dix prochaines années au profit des organismes de recherche, des universités et des établissements. En cohérence avec cette loi de programmation, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrits au PLF 2022 augmentent de 800 millions d’euros par rapport à la LFI 2021 (+ 3 %) et de 2,7 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2017.

La directrice de l’ENTPE considère que le financement de l’école par le programme 217 la laisse à l’écart de la politique de soutien budgétaire à l’enseignement supérieur et à la recherche prévue par la loi de programmation de la recherche précitée, et qui trouve sa traduction dans le PLF 2022 concernant les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Ce constat est partagé par la directrice de l’ENPC qui a indiqué au rapporteur pour avis que seuls les établissements relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation semblaient bénéficier de cet effort financier substantiel.

Alors que la formation, la recherche et les débouchés de l’ENPC et de l’ENTPE sont orientés autour des grands enjeux environnementaux, le rapporteur pour avis considère que la réussite de la transition écologique suppose de renforcer l’attractivité et les moyens de ces deux écoles, chargées de former des ingénieurs rompus aux questions posées par l’urgence climatique. Une telle évolution serait en outre cohérente avec la loi de programmation de la recherche.

V.   Une adaptation aux contraintes nouvelles nées de la crise sanitaire

La crise sanitaire a conduit les agents chargés de la mise en œuvre des politiques de développement et de mobilité durables à modifier en profondeur leur organisation de travail. Si cette situation inédite a pu susciter des inquiétudes légitimes, le rapporteur pour avis souhaite saluer la capacité d’adaptation et la résilience des personnels du pôle ministériel, qui ont maintenu leur activité dans un contexte difficile.

La secrétaire générale du pôle ministériel, Mme Émilie Piette, a indiqué que des plans de continuité ont été mis en œuvre dans toutes les structures dès le début de la crise ; un plan de reprise d’activité a ensuite été établi au moment du déconfinement. Le dialogue social a été maintenu tant à l’échelle locale que nationale, avec notamment la tenue de quinze comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ministériels. Un comité de suivi du plan de reprise d’activité ministériel s’est en outre réuni tous les quinze jours jusqu’en août 2020.

A.   Un recours massif au télétravail

À la veille du premier confinement, plus de 11 % du personnel du pôle ministériel recourait déjà au télétravail, un taux bien supérieur à la moyenne des autres ministères.

Au cours des deux dernières années, la crise sanitaire a indéniablement bouleversé en profondeur les modes de travail des agents et l’organisation des services. Le télétravail a ainsi concerné plus de 60 % des agents du pôle ministériel en avril 2020 ainsi que pendant les phases de reconfinement de l’automne 2020.

Aujourd’hui, il semblerait que les agents souhaitent recourir de manière pérenne à ce mode de travail, comme ils l’ont exprimé dans le cadre de l’enquête « baromètre social » de juin-juillet 2021. Aussi, la direction des ressources humaines du pôle ministériel prépare sous l’égide du secrétariat général les modalités d’accompagnement de cette nouvelle phase de déploiement de télétravail en conditions normales, qui devrait être assez massive.

Plusieurs actions ont été initiées à ce titre :

– les travaux engagés par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) en lien avec les syndicats de la fonction publique ont conduit à la signature par l’ensemble des syndicats des trois fonctions publiques de l’accord du 13 juillet 2021 relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique ;

– début septembre, le pôle ministériel a engagé avec les organisations syndicales la négociation d’un projet d’accord relatif au télétravail à l’échelle ministérielle, dont les travaux doivent aboutir d’ici la fin de l’année 2021 ;

– dans une circulaire du 6 juillet 2021, la secrétaire générale a incité les services à anticiper l’instruction des demandes de télétravail à compter de septembre 2021, tout en proposant une simplification des modalités de demandes et d’instruction de ces demandes.

Le recours au télétravail a également été massif au sein des AAI rattachées au programme 217. À la CNDP, il a été instauré à titre officiel depuis le comité technique de décembre 2020. À l’heure actuelle, dix agents sur treize bénéficient de cet aménagement à raison de trois jours maximum par semaine.

À la CRE, un accord sur le télétravail mis en place dès 2018 prévoyait un jour par semaine, fixe ou non. Dès mars 2020, les agents ont progressivement été équipés d’ordinateurs portables et 95 % d’entre eux ont rapidement pu être mis en télétravail. Depuis septembre 2021, un nouvel accord donne la possibilité aux agents d’effectuer neuf jours de télétravail par mois. Par ailleurs, la CRE maintient toujours une jauge de 70 % de capacité maximale d’occupation des locaux.

L’ACNUSA, enfin, a indiqué que 40 % des heures de travail avaient été effectuées en télétravail en 2020.

B.   L’adaptation progressive des outils numériques

La crise sanitaire a mis en lumière la forte dépendance des modes de travail actuels aux technologies numériques, ainsi que les insuffisances en termes d’équipements individuels et d’infrastructures collectives.

Or, les moyens informatiques ont été très contraints ces dernières années, tant du fait de la maîtrise des crédits de fonctionnement du programme 217 que du fait des réductions d’effectifs qui s’appliquent davantage aux fonctions supports. Ainsi, entre 2018 et 2021, le nombre d’emplois autorisés pour le service du numérique a diminué de 47 ETP, soit une baisse de 11,7 %.

Au printemps 2020, le secrétariat général du pôle ministériel a néanmoins réussi à procéder dans l’urgence aux mises à niveau indispensables des équipements individuels et collectifs pour permettre la généralisation du télétravail. Toutefois, l’utilisation massive du VPN pendant la crise n’a pas toujours été satisfaisante pour les agents car l’utilisation de ce réseau induit structurellement une limitation de la bande passante disponible.

La crise sanitaire a donc souligné la nécessité de transformer en profondeur les services numériques et les systèmes d’information du pôle ministériel. Pour répondre à cet enjeu, une stratégie d’accélération de la modernisation de l’environnement de travail numérique a été élaborée, avec notamment la mise en place de l’environnement de travail numérique « ETN de demain », dont les travaux sont conduits en 2021 et en 2022 pour un déploiement en 2023. Un travail important a également été mené pour renforcer les infrastructures « réseau », permettre l’accès à distance aux principales applications et informations et doter le plus grand nombre possible d’agents d’ordinateurs portables.

Dans un contexte de poursuite de la baisse tendancielle des effectifs des équipes de support et d’ingénierie internes, la mise en œuvre de cette stratégie de transformation a conduit le pôle ministériel à demander une forte augmentation des crédits numériques dans le PLF 2022. L’ampleur des travaux à conduire explique ainsi l’augmentation du budget informatique de 10 millions d’euros, affectés aux besoins suivants :

– l’adaptation de l’environnement de travail numérique (renouvellement des matériels, travail à distance, outils collaboratifs, renforcement des réseaux) pour 7,1 millions d’euros ;

– l’adaptation des infrastructures et des services numériques (600 000 euros) ;

– l’évolution des systèmes d’information des activités supports (2,3 millions d’euros).

Cette adaptation des outils informatiques et des infrastructures devra se poursuivre dans les prochaines années.

C.   Les points de vigilance liés à la mise en place du télétravail

Si le travail à distance possède de nombreux avantages, notamment en termes de réduction des temps de transport, de confort d’organisation et de flexibilité, il comporte aussi des risques et peut créer des inégalités. Le télétravail est ainsi vécu de manière positive par les agents qui bénéficient d’un espace calme, spacieux et du matériel approprié. En revanche, pour ceux qui ne disposent pas d’une pièce dédiée ou des outils adéquats ou bien qui doivent jongler avec des obligations familiales, il peut être vécu comme un facteur d’isolement, d’enfermement et de perte de lien social.

Outre les conditions matérielles, le travail à distance réinterroge également la notion du collectif. Comment travailler en équipe en étant seul ? Comment manager à distance ? La généralisation du télétravail doit en outre s’accompagner d’une réflexion sur le droit à la déconnexion, comme l’ont souligné les organisations syndicales lors de leur audition. La mise à disposition d’outils informatiques est indispensable au télétravail mais elle ne suffit pas : un accompagnement spécifique des agents doit également être mis en place.

À cet égard, le pôle ministériel s’est doté d’un plan d’action ministériel pluriannuel de prévention des risques psycho-sociaux (RPS) discuté avec les organisations syndicales et dont les premières actions ont d’ores et déjà été mises en place. Un « webinaire » de sensibilisation à la prévention des risques psycho‑sociaux a été rendu obligatoire pour tous les managers de manière à favoriser un socle de connaissances et une culture commune en la matière. À ce jour, plus de 3 000 cadres ont été formés.

De même, la CRE a indiqué au rapporteur pour avis avoir lancé un audit indépendant des RPS afin d’évaluer notamment les impacts de la crise sanitaire et des confinements sur le travail collectif et les besoins des collaborateurs.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2021 matin, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Vincent Descoeur, les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables, de la mission « Écologie, développement durable et mobilités durables ».

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Le programme 217 est le programme support de la réalisation des politiques publiques du ministère de la transition écologique, du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministère de la mer. Il comprend ainsi la quasi-totalité de la masse salariale des ministères chargés des questions environnementales. C’est un programme essentiel car derrière chaque politique en faveur de la transition écologique, il y a des femmes et des hommes pour la mettre en œuvre.

Pour cette dernière année de la législature, les crédits du programme 217 s’élèvent à 2,88 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 2,92 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Les crédits sont en très légère augmentation, d’environ 1 %, par rapport à l’année dernière. La hausse ne reflète toutefois pas la politique menée ces dernières années. En effet, malgré une légère augmentation des dépenses de personnel, les effectifs du pôle ministériel relevant du programme 217 sont en baisse, puisque le plafond d’emplois est réduit de 348 équivalents temps plein (ETP) en 2022. À quelques mois des élections présidentielles et législatives, il paraît intéressant de faire le bilan des moyens qu’a consacrés le Gouvernement au déploiement des politiques de développement durable.

Si l’on remonte jusqu’en 2017, le constat est sans appel : les crédits du programme 217 montrent une diminution continue du nombre d’agents chargés de mettre en œuvre la transition écologique. Entre 2017 et 2021, les réductions d’effectifs ont concerné plus de 1 000 postes par an. Elles ont même dépassé les 2 000 ETP en 2020. Au cours du quinquennat, les effectifs de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont chuté de 13,54 % : 5 549 emplois au service des politiques de développement durable ont été supprimés. Les différents niveaux d’administration ont été touchés ; les services départementaux, épargnés par l’effort de réduction des effectifs en 2022, ont été lourdement mis à contribution au cours du quinquennat, alors qu’ils se trouvent au plus près du terrain et de nos concitoyens.

La diminution des effectifs contraste avec l’objectif affiché de faire de la transition écologique une priorité. Dans quelle mesure peut-on décider de nouvelles politiques environnementales, sans s’assurer de disposer des moyens humains indispensables pour les déployer ? Certes, des efforts de rationalisation des effectifs et de réorganisation des services peuvent être utiles et sont souhaitables pour dégager des gains de productivité dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Le secrétariat général du pôle ministériel chargé des politiques de développement durable a entamé un travail important de révision des missions. Nous saluons ses efforts, qui visent à rationaliser le fonctionnement des services et à améliorer la productivité. Cette politique semble toutefois atteindre ses limites. Le pôle ministériel est non seulement celui qui fournit, depuis plus de dix ans, le taux d’effort le plus important en termes de schéma d’emplois, mais également celui qui connaît le plus grand nombre de transformations et d’évolutions de périmètre.

Face à l’urgence écologique, il paraît difficile de continuer à faire plus et mieux avec moins. Surtout, le ministère de la transition écologique est un ministère spécifique, qui comprend une forte composante scientifique. Son action repose sur des métiers à forte technicité, qui doivent être préservés. Il faut maintenir la capacité des agents du ministère à fournir une expertise indépendante de haut niveau, sur des sujets de plus en plus complexes. Certaines missions, comme les études sur les ouvrages d’art, ne doivent pas être systématiquement déléguées à des bureaux d’études privés.

La situation des directions interdépartementales des routes (DIR) illustre les limites de la baisse continue des effectifs du programme 217 : leurs effectifs ont diminué de 11,5 % depuis 2017. La diminution concerne des agents chargés de l’exploitation et de l’entretien de ce réseau national, dont le linéaire n’a pourtant pas évolué. Les DIR seront particulièrement mises à contribution l’année prochaine avec un effectif en baisse de 365 ETP, soit près de deux fois plus que les diminutions des années précédentes. La réduction des effectifs en 2022 suscite des interrogations, au moment où l’article 6 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS », envisage le transfert aux départements de certaines routes nationales.

Le programme 217 finance par ailleurs trois autorités administratives indépendantes : la Commission de régulation de l’énergie (CRE), la Commission nationale du débat public (CNDP) et l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Au cours des dernières années, elles ont fait face à un accroissement notable de leur charge de travail. La CRE s’est ainsi vue confier deux nouvelles missions aux très forts enjeux budgétaires et opérationnels pour la période 2020 à 2021 : le traitement du contentieux de masse lié à la contribution au service public d’électricité (CSPE) et la renégociation des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010. Or le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 n’a pas prévu d’octroyer des crédits supplémentaires à la CRE pour financer l’accroissement des dépenses de personnel liées à ces deux missions, que cette commission estime à 1 million d’euros.

L’ACNUSA joue un rôle majeur dans la réduction des nuisances aéroportuaires, en particulier sonores, auxquelles 1,2 million de personnes sont exposées en France. Le PLF pour 2022 ne lui accorde que 11 ETP alors qu’elle pouvait compter sur 12 ETP auparavant. Dans une période où il convient d’accompagner la reprise des activités aéroportuaires tout en réduisant leur incidence sur la santé et l’environnement, la réduction des moyens de l’ACNUSA constitue un mauvais signal.

Enfin, le programme 217 comprend deux opérateurs, l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l’École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE). Après plusieurs années de baisse, leur subvention pour charges de service public est stable et leur schéma d’emplois nul pour 2022. Leur ministère de tutelle, celui de la transition écologique, peine toutefois à les accompagner financièrement dans leur développement. Cela est regrettable car la réussite de la transition écologique suppose de renforcer l’attractivité et les moyens de ces deux écoles, chargées de former des ingénieurs rompus aux questions posées par l’urgence climatique. Aucune des deux écoles ne bénéficie de la politique de soutien budgétaire à l’enseignement supérieur et à la recherche prévue par la loi de programmation de la recherche.

Dans cet avis, je dresse aussi un premier bilan des conséquences de la crise sanitaire sur l’environnement de travail des agents chargés de la mise en œuvre des politiques de transition écologique.

La crise sanitaire a bouleversé en profondeur les modes de travail du personnel et l’organisation des services. Le télétravail a concerné plus de 60 % des agents du pôle ministériel en avril 2020 ainsi que pendant les phases de reconfinement de l’automne 2020. Un projet d’accord relatif au télétravail à l’échelle ministérielle est en cours de négociation avec les organisations syndicales. Les travaux doivent aboutir d’ici la fin de l’année.

Le développement du travail à domicile suppose d’adapter les outils numériques et les systèmes d’information. Or les moyens ont été contraints ces dernières années. L’ampleur des travaux à conduire pour améliorer les services et les infrastructures numériques explique l’augmentation du budget informatique de 10 millions d’euros en 2022, une adaptation indispensable qu’il conviendra de poursuivre dans les prochaines années.

Par ailleurs, la mise à disposition d’outils informatiques ne suffit pas : un accompagnement spécifique des agents doit être organisé. Outre les conditions matérielles, le travail à distance soulève des questions relatives aux notions de travail en équipe et de management à distance, sans oublier le droit à la déconnexion.

Le programme 217 est d’abord celui des femmes et des hommes chargés de déployer les politiques de développement durable, dont je salue l’implication au quotidien. Ces agents font face à des missions de plus en plus nombreuses et complexes, ainsi qu’à des diminutions d’effectifs et à des réorganisations permanentes de leurs services. La crise sanitaire a mis en lumière leur capacité d’adaptation et de résilience.

Au vu de l’inadéquation entre les crédits alloués et les ambitions affichées en matière de développement durable, et en raison de la baisse drastique et inexpliquée des effectifs des DIR, j’émets un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.

Mme Danielle Brulebois (LaREM). Face à l’urgence climatique, le temps des déclarations d’intention est révolu. Malgré les tensions que connaissent les finances publiques, le Gouvernement se donne les moyens de ses ambitions, pour conforter une gouvernance du développement durable capable de construire et de déployer des politiques nationales ambitieuses.

Le programme 217 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » représente la majeure partie de la masse salariale des administrations chargées des questions environnementales. Les crédits demandés pour 2022 s’élèvent à 2,88 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,92 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 1,08 % et 1,85 % par rapport à 2021. Sur l’ensemble de ces crédits, 93,5 % sont des dépenses de personnel, en hausse de 1,7 % en 2022 par rapport à 2021, où elles s’élevaient à 2,6 milliards. Le programme 217 dote ainsi les ministères de la compétence, de l’expertise et des ressources humaines nécessaires au déploiement de la transition énergétique. Ainsi, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent fortement pour le personnel transféré aux collectivités territoriales. Ils atteignent 12,9 millions d’euros, soit 442,86 % d’augmentation.

Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement augmentent également pour le personnel œuvrant pour les politiques de l’énergie et du climat, avec une augmentation de 4,08 %. Le reste des crédits correspond essentiellement à des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention. Le programme traduit donc un geste fort en direction du personnel et en faveur de la modernisation des politiques de rémunération des agents. Après plusieurs années de réduction des effectifs du pôle ministériel – environ 2 % par an –, l’effort sera nettement moindre en 2022. Surtout, il préservera l’échelon départemental, conformément à la volonté du Gouvernement de réorienter l’action publique et les services publics de proximité vers les territoires.

M. Jean-Marie Sermier (LR). En préambule, je tiens à féliciter M. Vincent Descoeur pour son rapport impartial, dans lequel il nous livre un diagnostic sans appel – et j’imagine sa tristesse de devoir émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »…

Le fait est que, durant le quinquennat, l’État s’est enrichi de toujours plus de personnels. Mais, alors que la majorité nous explique que l’environnement est l’alpha et l’oméga de sa politique, que le développement durable et la transition énergétique sont la priorité, elle effondre les effectifs : près de 1 000 postes ont été supprimés chaque année, et la baisse des effectifs chargés des politiques de transport atteint 11,5 % ! Le programme 217 est le programme support de toutes les politiques menées en la matière. Lorsque l’on se fixe un objectif, il faut exprimer une volonté politique et se donner les moyens d’atteindre cet objectif. En l’occurrence, vous aviez peut-être la volonté, mais vous n’avez plus de moyens car vous n’avez plus de personnels.

Ainsi, les DIR ne parviennent plus à entretenir les 9 000 kilomètres de routes nationales dont elles sont chargées, alors que ce réseau structure le paysage français et permet parfois de promouvoir la sécurité, au-delà du transport. Dans mon département, le Jura, à chaque fois qu’un glissement de terrain se produit, on n’arrive plus à refaire la route ! Vous n’êtes donc pas à la hauteur en matière d’infrastructures, de sorte que nous ne sommes plus en mesure d’assurer la mobilité, qui est pourtant essentielle.

Mme Aude Luquet (Dem). L’année dernière, monsieur Vincent Descoeur, il me revenait d’analyser, en tant que rapporteure pour avis, le programme 217 dont relève l’essentiel de la masse salariale des ministères chargés des questions environnementales, et j’avais lancé une alerte similaire à la vôtre sur la réduction des effectifs, en indiquant que l’idée de faire mieux avec moins avait sans doute atteint ses limites.

Au-delà de la rationalisation et de la réorganisation des effectifs, le ministère a mené une action salutaire de repyramidage, en réduisant les effectifs de l’administration centrale sans toucher aux services départementaux et aux opérateurs, qui sont au plus près des enjeux, car nos concitoyens et les élus attendent davantage de proximité. Avez-vous pu mesurer les premiers effets concrets de cette politique ?

Au-delà des questions liées aux effectifs, l’essor sans précédent du télétravail a fait apparaître de nouveaux enjeux. On peut souligner, à cet égard, les efforts réalisés par les différents ministères pour équiper les agents en matériel numérique et développer de nouvelles solutions. Les syndicats avaient toutefois formulé quelques craintes : un blocage culturel semblait s’ajouter aux difficultés matérielles. Avez-vous pu recueillir leur avis après un an de mise en place progressive ? Qu’en est-il du travail sur le droit à la déconnexion et le développement de tiers-lieux ?

Votre rapport pour avis rappelle également mes alertes sur les deux écoles d’ingénieurs, l’ENPC et l’ENTPE, notamment sur la baisse tendancielle de leurs subventions pour charges de service public et de leurs effectifs. Nous pouvons modestement nous satisfaire cette année d’un gel des subventions et des effectifs, mais la situation des deux écoles reste difficile, notamment du fait de la crise sanitaire. Un de leurs enjeux était de rechercher des financements extérieurs pour développer leurs ressources propres. Qu’en est-il aujourd’hui ?

M. Guillaume Garot (SOC). M. Vincent Descoeur a fait la démonstration implacable que le « quoiqu’il en coûte » s’est arrêté aux portes de la transition écologique. Le programme 217, programme support pour l’action des ministères chargés de l’écologie, enregistre, en 2022, une diminution de 348 emplois. Et si l’on considère l’ensemble des politiques qui touchent à la transition écologique, ce sont, nous a-t-il dit, 1 000 postes qui ont été supprimés chaque année tout au long du quinquennat ! « Make our planet great again » n’était donc qu’un slogan. Comment voulez-vous, dans ces conditions, que l’État conduise une action efficace ?

Qu’est-ce que la mission de l’État, en effet, sinon l’accompagnement des acteurs, la production d’une expertise pour l’ensemble des politiques publiques et, surtout, le contrôle de la mise en œuvre de ces politiques ? Quand l’État réduit sa capacité à agir, on le voit immédiatement sur le terrain : nous rencontrons dans nos permanences des propriétaires modestes qui ont fait des travaux, avaient besoin de MaPrimeRénov’ et ont dû attendre des mois avant de la toucher.

Il faudra en particulier rétablir les crédits de l’indispensable CNDP et l’ensemble des emplois qu’elle a perdus.

M. Paul-André Colombani (LT). Le budget du ministère de la transition écologique, en hausse de 3 %, va atteindre près de 50 milliards d’euros hors plan de relance et a été qualifié d’« historique » par la ministre. Pour nous, s’il va dans le sens de l’histoire, il ne fera pas pour autant date, car pour être à la hauteur de l’enjeu climatique, beaucoup reste à faire et il faut disposer des moyens humains correspondants. Or, si la ministre met en avant le coup de frein donné à la baisse des effectifs du ministère et de ses opérateurs, laquelle est limitée à 350 ETP cette année contre 1 200 les années précédentes, l’administration centrale n’en a pas moins perdu près d’un tiers de ses effectifs en huit ans. À l’heure de l’urgence écologique, je doute qu’il soit possible de faire plus avec toujours moins d’effectifs.

M. Guy Bricout (UDI-I). S’agissant des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », le compte n’y est toujours pas. Ils sont pourtant particulièrement stratégiques étant donné les enjeux en matière de biodiversité, de transition énergétique et de sécurité sanitaire. Il est difficile d’y voir le budget « historique » dont on nous rebat les oreilles ; il s’agit plutôt, à la veille des prochaines échéances électorales, de nous laisser croire que les moyens humains et financiers sont au rendez-vous et que nous allons enfin rattraper nos retards.

L’idée est que chaque ministère soit doté de la compétence et des ressources nécessaires à la prise en considération de la transition écologique ; est-ce vraiment le cas ? Ne se réjouit-on pas un peu trop vite du coup de frein donné à la baisse des effectifs du ministère de la transition écologique ? On n’arrête pas l’hémorragie, on se contente de la limiter, puisque le ministère va encore perdre près de 350 ETP. Chaque ministère a-t-il vraiment les effectifs nécessaires et suffisamment qualifiés pour assurer une politique transversale de transition écologique ?

J’ai déposé un amendement tendant à préserver les effectifs de l’Office national des forêts (ONF), dont pas moins de 38 % ont été supprimés ces vingt dernières années.

Qu’en est-il, enfin, de l’évolution numérique des trois ministères concernés ? Prend‑on vraiment la voie d’une simplification administrative ?

Quels moyens sont utilisés pour favoriser la participation de la société civile à l’étude des différents domaines concernés ? Je songe en particulier au budget de la CNDP.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Madame Danielle Brulebois, nous sommes d’accord sur le fait que l’effort de réduction des effectifs est moindre en 2022 ; j’ai pour ma part la faiblesse de l’attribuer au calendrier. S’agissant de l’effectif global, je ne peux partager votre satisfaction : en cinq ans, une seule des actions du programme 217 a connu une hausse d’effectifs, limitée à 7 ETP, qui, rapportée aux 5 549 suppressions de poste, ne suffit pas à masquer la tendance générale. Quant à l’échelon départemental, l’exemple déjà cité des DIR est éloquent quant aux difficultés rencontrées sur le terrain.

À ce sujet notamment, je remercie M. Jean-Marie Sermier de son soutien. Alors que le linéaire du réseau national n’a pas été modifié ces dernières années, la disparition des agents semble devoir mettre en péril l’entretien et l’exploitation des axes. La question se pose d’un transfert vers les routes départementales – nous serons bientôt amenés à en reparler. Cela inspire un sentiment de déjà-vu.

Madame Aude Luquet, j’ai lu très attentivement votre avis de l’an dernier. Il est prévu en 2022 une augmentation de 7 ETP pour les catégories A et une diminution de 220 ETP pour les catégories B : il y a donc certainement un repyramidage ; toutefois, ses effets sont masqués par les baisses d’effectifs.

En ce qui concerne le télétravail, la discussion s’ouvre : les questions que vous souleviez l’année dernière vont certainement trouver des réponses, les syndicats ayant renouvelé leurs observations.

Quant à la situation des deux écoles, que vous aviez également signalée, elle s’aggrave de manière relative, dans la mesure où les autres écoles bénéficient pour leur part des hausses des crédits alloués à l’enseignement supérieur. Voilà pourquoi j’ai déposé un amendement tendant à leur assurer le même concours de l’État qu’en 2018, étant entendu que leurs ressources propres sont liées à des partenariats avec les entreprises qui ont été plus difficiles à nouer au cours de la période qui vient de s’écouler.

Monsieur Guillaume Garot, outre la situation des effectifs et les préoccupations qu’elle nous inspire, nous sommes d’accord concernant un point essentiel, qui devrait faire consensus : la capacité d’expertise de l’État. Il y a quantité de sujets à propos desquels il importe que l’État dispose des compétences permettant de nous éclairer. J’ai cité l’exemple des études sur les ouvrages d’art, que ces derniers relèvent de l’État ou des collectivités : j’ai été surpris de constater qu’elles étaient confiées à des tiers, dont on peut d’ailleurs questionner les motivations, sans procès d’intention.

Le problème des effectifs engage aussi la réponse aux nouvelles commandes législatives. Ainsi, dans le cadre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite « AGEC »), nous avons créé plus de vingt-cinq filières à responsabilité élargie (REP) des producteurs ; pour les mettre en œuvre, il faut des personnes disposant de temps et de compétences. De fait, la proportion de décrets d’application déjà pris sur le total de ceux qu’appelle la loi était inférieure à 5 % la semaine dernière.

Monsieur Paul-André Colombani, monsieur Guy Bricout, vous partagez vous aussi mon constat au sujet des effectifs – qui n’interdit pas la rationalisation et la réorganisation des services, mais c’est une question de choix stratégique. Quant à l’ONF, je me suis inquiété comme vous de sa situation, mon cher collègue, et j’en aurais fait part ici si ses crédits n’étaient pas rattachés à une autre mission.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. La proportion de décrets d’application de la loi AGEC déjà pris est aujourd’hui supérieure aux 5 % que vous avez cités ; elle est d’au moins 40 %.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. J’en suis très heureux. En tout cas, les REP sont toujours en salle d’attente…

La commission en vient à l’examen des articles.

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CD70 de M. Guillaume Garot.

Mme Chantal Jourdan. Nous alertons sur la baisse des moyens alloués aux services régionaux de l’État chargés des politiques de développement durable. Ces interlocuteurs privilégiés des collectivités, des associations, des entreprises et des particuliers dans nos territoires subissent une baisse d’effectifs de 163 ETP. Celle-ci fragilise durablement l’expertise de terrain des services déconcentrés, qui devraient au contraire être renforcés face à l’urgence climatique et à ses conséquences déjà visibles sur l’ensemble du territoire français.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Je partage votre constat, mais pourquoi abonder ces actions plutôt que d’autres alors qu’elles ont bénéficié d’une hausse de crédits entre 2021 et 2022 ? Avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan. Bien entendu, nous ne souhaitons pas réduire les moyens attribués au programme 174 : il s’agit d’un gage que nous appelons le Gouvernement à lever.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD96 du rapporteur pour avis.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Les subventions pour charges de service public de l’École nationale des ponts et chaussées et de l’École nationale des travaux publics de l’État diminuent d’année en année. Or la quête de ressources propres a été entravée, dans la période récente, par la difficulté à nouer des partenariats. Nous avons pourtant besoin de personnes formées et compétentes. Je propose donc que soit rétabli le niveau de subvention de 2018.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD95 du rapporteur pour avis.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. Parmi les autorités administratives indépendantes, dont j’ai évoqué les difficultés, l’ACNUSA mérite particulièrement que l’on s’attarde sur son cas. En effet, jusqu’en 2020, elle bénéficiait de douze ETP, tombés à onze lors de la loi de finances pour 2021. Cette baisse ne lui permettait plus d’assurer ses missions ; la preuve : le ministère de la transition écologique lui a accordé un ETP supplémentaire sur sa réserve pour qu’elle puisse continuer de le faire. Mais le présent PLF lui attribue à nouveau onze ETP. Je propose de régler le problème une fois pour toutes en lui accordant douze ETP.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD71 de M. Guillaume Garot.

Mme Chantal Jourdan. Cet amendement tend à rétablir au niveau fixé par la loi de finances pour 2021 les crédits destinés à la Commission nationale du débat public.

Garante de l’exercice du droit constitutionnel à l’information et au débat énoncé dans l’article 7 de la Charte de l’environnement et de la participation des citoyens aux projets ou aux politiques ayant un impact sur l’environnement, la CNDP a acquis une expertise unique dans la conduite des débats et des échanges sur les projets relevant de l’énergie, du climat, des mobilités, des équipements industriels et scientifiques, ou encore des déchets et de l’économie circulaire. Elle joue ainsi un rôle essentiel dans la vie démocratique locale et nationale.

M. Vincent Descoeur, rapporteur pour avis. J’ai moi-même appelé l’attention sur la situation des autorités administratives indépendantes. Pour la CNDP, le ministère a dû intervenir en cours d’année, afin de lui attribuer 240 000 euros de crédits de fonctionnement supplémentaires, puis une rallonge de 500 000 euros pour lui permettre de couvrir ses dépenses de personnel. Cela confirme que le calibrage des besoins de l’organisme n’était pas le bon. Rétablir le niveau de crédits de 2021 n’est peut-être même pas suffisant, mais cela semble un minimum, sans ouvrir le débat sur l’objet de cette autorité.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

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Lors de sa réunion du mercredi 27 octobre 2021 après-midi, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » modifiés.


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

M. Gilles Leblanc, président

M. Philippe Gabouleaud, secrétaire général

M. Alexandre Neveu, consultant

Table ronde avec les organisations syndicales

 Fédération de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services – Force Ouvrière (FEETS-FO)

M. Laurent Janvier, secrétaire fédéral fonction publique

M. Zaïnil Nizaraly, secrétaire général

 Fédération syndicale unitaire (FSU)

M. Maxime Caillon, secrétaire national du Snuitam-FSU en charge de la branche écologie

M. Patrick Saint-Léger, secrétaire général adjoint du Sne-FSU

 Fédération nationale de l’équipement et de l’environnement – Confédération générale du travail (FNEE-CGT)

M. Philippe Garcia, secrétaire général

M. Christophe Hégot, secrétaire

Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Mme Gwénaëlle L’Huillière, secrétaire générale de l’UFETAM-CFDT

M. Lionel Althuser secrétaire général de la CFDT-Météo

Ministère de la transition écologique

Mme Émilie Piette, secrétaire générale

M. Vincent Moreau, directeur des affaires financières

M. Jacques Clément, directeur des ressources humaines

M. Guillaume Mascarin, directeur de cabinet de la secrétaire générale

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

M. Jean-François Carenco, président

Mme Raphaëlle Epstein-Richard, secrétaire générale

Commission nationale du débat public (CNDP)

Mme Chantal Jouanno, présidente

M. Patrick Deronzier, directeur

École des ponts Paristech

Mme Sophie Mougard, directrice

M. Gilles Robin, directeur adjoint

École nationale des travaux publics de l’État (ENTPE)

Mme Cécile Delolme, directrice

M. Xavier Olagne, directeur adjoint

 


([1]) Le titre 2 correspond aux dépenses de personnel.

([2]) Jusqu’en 2017, les effectifs du MCTRCT disposaient d’un programme dédié : le 337. Ils ont été intégrés au programme 217 dans la LFI 2018.

([3]) Hormis ceux de l’Autorité de sûreté nucléaire, rattachée au programme 181 « Prévention des risques ».

([4])  Les effectifs mis à disposition des collectivités dans le cadre de la décentralisation sont présentés séparément. Hors l’effet des nouveaux transferts de service, ces effectifs diminuent naturellement en l’absence de tout recrutement, du fait des départs des agents, de l’exercice des droits d’option (pour le détachement sans limitation de durée ou l’intégration dans la fonction publique territoriale), entraînant leur prise en charge par les collectivités.

([5]) Ce chiffre de 12 288 inclut les effectifs du programme 337, transférés au sein de l’action 15 du programme 217 dans la LFI 2018.

([6]) Évolution mesurée entre 2018 et 2022.

([7]) http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_no_013725-01_cle7e4d1f.pdf