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N° 4525

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 octobre 2021

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 4482)
de finances pour 2022

TOME VII

SÉCURITÉS

 

SÉCURITÉ

 

PAR M. Stéphane MAZARS

Député

——

 

 

 Voir les numéros : 4524 – III – 38

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient, pour le présent projet de loi de finances, parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2021.

À cette date, 94 % des réponses attendues étaient parvenues à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’intérieur de leur collaboration.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

PREMIÈRE PARTIE :

LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2021

I. Les crÉdits du programme 176 Police nationale

A. Les dépenses de personnel

B. Les dépenses de fonctionnement

C. Les dépenses d’investissement

II. Les crÉdits du programme 152 Gendarmerie nationale

A. Les dépenses de personnel

B. Les dépenses de fonctionnement

C. Les dépenses d’investissement

SECONDE PARTIE :

l’activité des forces d’intervention spécialisée

I. Les forces d’intervention spécialisée disposent de moyens spécifiques adaptés à leurs missions

A. Des missions diversifiées et caractérisées par leur extrême sensibilité

1. Le champ d’action des forces d’intervention spécialisée

2. Une activité soutenue

a. Le RAID

b. La BRI-PP

c. Le GIGN

3. La nécessaire mise en place de retours d’expérience (« rétex ») et d’un suivi médical et psychologique au sein de chaque unité

a. Les « rétex »

b. Le suivi médical et psychologique : l’exemple du RAID et de la BRI-PP

B. Des moyens budgétaires, humains et techniques considérés comme satisfaisants

1. Les dotations budgétaires

2. Les moyens humains

a. Les effectifs

b. Le processus de sélection

c. Les formations initiales et continues

3. Les équipements et armements

II. Les perspectives d’évolution des forces d’intervention spécialisée

A. une coopération à consolider tout en préservant l’existence autonome du RAID, de la BRI-PP et du GIGN

1. La coordination accrue du RAID, de la BRI-PP et du GIGN dans le cadre du schéma national d’intervention sous l’autorité de l’UCoFI ()

a. Le schéma national d’intervention

b. Le rôle de l’UCoFI

2. La coexistence des trois unités : une saine émulation à préserver

B. Des pistes d’amélioration multiformes

1. Poursuivre la coopération entre les forces d’intervention spécialisée

2. Favoriser la coordination entre les forces d’intervention spécialisée et les forces d’interventions élémentaires et intermédiaires

3. Adapter le cadre juridique applicable aux spécificités des forces d’intervention spécialisée

Examen en commission

Déplacements effectués et personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Ouvert en janvier 2021 et clôturé par le Président de la République en septembre dernier, le Beauvau de la sécurité a permis de dresser un état des lieux précis et circonstancié des multiples défis juridiques, opérationnels et humains auxquels sont confrontées quotidiennement les forces de l’ordre. Les enjeux budgétaires qui entourent ces questions sont incontournables. Ils exigent bien sûr des moyens croissants mais aussi un fléchage pertinent afin de renforcer l’efficacité et l’efficience de l’activité des 250 000 policiers et gendarmes.

Face à la réalité évolutive des besoins et aux attentes légitimes de nos concitoyens, les crédits de la police et de la gendarmerie auront bénéficié depuis 2017 d’une hausse globale de plus de trois milliards d’euros, soit une croissance d’environ 14 % sur l’ensemble du quinquennat. Le projet de loi de finances pour 2022 accentue considérablement cette trajectoire : plus d’un milliard d’euros supplémentaire ([1]) sera engagé par l’État dès l’année prochaine, en intégrant les dotations prévues au titre du plan de relance.

La concrétisation budgétaire de cet engagement en faveur de la sécurité se décline à tous les niveaux.

Au niveau humain, le recrutement de 761 policiers et 185 gendarmes supplémentaires s’inscrit dans le cadre du plan de création de 10 000 emplois à l’horizon 2022. La progression des effectifs est en effet une condition sine qua non du renforcement de la présence des « Bleus » sur le terrain, au contact direct de la population.

Au niveau matériel, le renouvellement des équipements dont disposent les forces de l’ordre constitue une priorité. La modernisation de leurs véhicules d’intervention et des outils technologiques qu’ils peuvent ou pourront bientôt utiliser afin d’accomplir leurs tâches, à l’image des caméras piétons, des caméras embarquées ou des drones, ainsi que la rénovation des systèmes d’information et de communication représentent autant de leviers permettant de sécuriser et d’améliorer les conditions dans lesquelles la police et la gendarmerie accomplissent leurs missions.

Au niveau immobilier, l’accélération de la réhabilitation des commissariats et des casernes contribue également à la réalisation de cet objectif.

L’orientation budgétaire choisie depuis 2017 se conjugue à l’adaptation du cadre légal et règlementaire nécessaire au renforcement des moyens d’action des forces de l’ordre pour mieux lutter contre la délinquance et la criminalité. Issues d’initiatives parlementaires, la loi du 3 août 2018 contre les rodéos motorisés et la loi du 25 mai 2021 dite « Sécurité globale » s’inscrivent dans ce paradigme. Le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 septembre dernier illustre la recherche d’un équilibre optimal entre efficacité opérationnelle et protection des libertés fondamentales. Le renforcement des moyens humains et technologiques, la meilleure prise en charge des victimes et la simplification de la procédure pénale constituent des perspectives d’avenir pour guider les choix du Parlement lors de l’examen du futur projet de loi d’orientation et de programmation de sécurité intérieure.

Cette année, votre rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son avis à l’activité des forces d’intervention spécialisée. Si l’action du RAID, de la BRI-PP et du GIGN est à la fois médiatisée lors des crises d’ampleur nationale, elle demeure paradoxalement relativement méconnue le reste du temps. Cinq ans après la mise en place du schéma national d’intervention créé pour répondre aux besoins d’urgence et d’efficacité révélés par la menace terroriste, il est ainsi apparu utile d’analyser le cadre dans lequel les forces d’intervention agissent, les spécificités de leur organisation et de leurs missions, les modalités de leur coopération et les obstacles qu’elles doivent surmonter. L’engagement des femmes et des hommes qui composent ces unités d’élite témoigne de leur excellence et de leur dévouement sans faille au service de nos compatriotes.

 

 

 

 

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE :

   LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2021

Le budget des deux programmes Police nationale et Gendarmerie nationale continue de croitre en 2022, poursuivant la trajectoire définie dès le début de la mandature.

I.   Les crÉdits du programme 176 Police nationale

Les crédits du programme Police nationale pour 2022 s’élèvent à environ 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 11,64 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 11,22 et 11,15 milliards d’euros en AE et en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cela représente une hausse de 6,95 % pour les AE et de 4,39 % pour les CP. Conjuguée aux 191 millions d’euros inscrits dans la mission « Plan de relance », cette augmentation porte l’effort budgétaire global en faveur de la sécurité à hauteur de + 1,05 milliard d’euros pour 2022.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 176 POLICE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2021

PLF 2022

Évolution

2021/22

Ouverts en LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2022/2021

176 Police nationale

11 222 968 226

12 004 798 138

+ 6,97 %

11 153 503 415

11 636 033 328

+ 4,33 %

01 – Ordre public et protection de la souveraineté

1 443 075 774

1 467 793 550

+ 1,71 %

1 443 075 774

1 467 793 550

+ 1,71 %

02 – Sécurité et paix publiques

3 314 207 356

3 370 144 824

+ 1,69 %

3 314 207 356

3 370 144 824

+ 1,69 %

03 – Sécurité routière

461 553 183

470 684 852

+ 1,98 %

461 553 183

470 684 852

+ 1,98 %

04 – Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

1 042 954 836

1 060 938 948

+ 1,72 %

1 042 957 836

1 060 938 948

+ 1,72 %

05 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

3 141 688 239

3 194 736 209

+ 1,69 %

3 141 688 239

3 194 736 209

+ 1,69 %

06 – Commandement, ressources humaines et logistique

1 819 488 838

2 440 499 755

+ 34,13 %

1 750 024 027

2 071 734 945

+ 18,38 %

Source : projet annuel de performance annexé au PLF 2022.

A.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 pour l’année 2022 s’élèvent à 10,32 milliards d’euros en AE et en CP, en augmentation de 1,64 % par rapport à l’année précédente.

Le plafond d’emplois du programme atteint 150 605 ETPT. En 2022, les effectifs de la police nationale progresseront de 761 emplois. Ces créations contribuent à atteindre l’objectif de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires sur la période 2017-2022.

 

 Catégorie d’emplois

Evolution des effectifs par rapport à 2021

Personnels administratifs de catégorie A

+ 162

Personnels administratifs de catégorie B

+ 100

Personnels administratifs de catégorie C

– 172

Personnels techniques

+ 75

Ouvriers de l’ État

– 12

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement

– 216

Corps d’encadrement et d’application

+ 1 562

Personnels scientifiques

+ 50

Adjoints de sécurité

– 788

Total

+ 761

       Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2022

B.   Les dépenses de fonctionnement 

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) connaissent en 2022 une augmentation de 28,22 % en AE, s’élevant à 1,06 milliard d’euros contre 830 millions d’euros ouverts en LFI pour 2021.

Cette évolution s’explique notamment par l’enveloppe de 41,2 millions d’euros consacrée au renouvellement des marchés de téléphone fixe et mobile et par un abondement spécifique à hauteur de 38 millions d’euros afin de financer la gratuité des transports ferroviaires au bénéfice des personnels actifs de la police nationale. Votre rapporteur pour avis approuve plus particulièrement l’effort budgétaire relatif au renouvellement de l’habillement ([2]) des forces de sécurité et au renforcement de leurs équipements et matériels de protection ([3]).

Le montant des dépenses consacrées à la formation double en 2022, atteignant ainsi 41,8 millions d’euros. Cette hausse inédite est le corollaire de l’augmentation des recrutements et des engagements pris dans le cadre du Beauvau de la sécurité quant à, d’une part, l’augmentation de la durée de la formation initiale des élèves policiers et, d’autre part, la montée en puissance de la future réserve opérationnelle de la police nationale dont la transformation est prévue par le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 23 septembre 2021.

Les crédits du titre 3 couvrent également les dépenses relatives au versement de subventions pour charges de service public à l’École nationale supérieure de la police nationale dont le directeur général de la police nationale assure la tutelle, soit 27,73 millions d’euros en AE et en CP.

C.   Les dépenses d’investissement

Les crédits d’investissement (titre 5) demandés pour 2022 s’élèvent à 583,5 millions d’euros en AE et 351 millions d’euros en CP.

Outre la poursuite du renouvellement du parc automobile incluant notamment le déploiement des nouveaux véhicules blindés d’intervention dans les antennes du RAID, l’essentiel de l’enveloppe budgétaire est consacré à la construction et à la rénovation du parc immobilier, soit 402,1 millions d’euros en AE et 169,5 millions en CP. Ces nouvelles ressources serviront à financer l’achèvement de diverses opérations de travaux, la réalisation de projets immobiliers dans le cadre du plan « État fort » en Seine-Saint-Denis et la programmation de nouveaux projets tels que la construction de l’hôtel des polices de Nice et de l’hôtel de police de Valenciennes.

II.   Les crÉdits du programme 152 Gendarmerie nationale

Les crédits demandés pour 2022 au titre du programme Gendarmerie nationale atteignent 9,95 milliards d’euros en AE et 9,32 milliards d’euros en CP contre 9,57 milliards d’euros ouverts en AE en loi de finances initiale pour 2021 et 9 milliards d’euros en CP. Cela représente une hausse de 3,97 % en AE et de 3,56 % pour les CP.

 

 

 

 

 

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME n° 152 GENDARMERIE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2021

PLF 2022

Évolution

2021/2022

Ouverts en LFI 2021

PLF 2022

Évolution

2022/2021

152 – Gendarmerie nationale

9 568 493 714

9 947 261 243

– 3,96 %

9 005 653 968

9 321 135 523

+ 3,50 %

01 – Ordre et sécurité publics

3 538 645 685

3 622 636 149

+ 2,37 %

3 538 645 685

3 622 636 149

+ 2,37 %

02 – Sécurité routière

738 490 958

744 705 379

+ 0,84 %

738 490 958 

744 705 379

+ 0,84 %

03 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 244 236 433

2 252 632 779

+ 0,37 %

2 244 236 433

2 252 632 779

+ 0,37 %

04 – Commandement, ressources humaines et logistique

2 888 219 843

3 186 461 365

+ 10,33 %

2 325 380 097

2 560 335 645

+ 10,10 %

05 – Exercice des missions militaires

158 900 785

140 825 571

– 11,38 %

158 900 785

140 825 571

– 11,38 %

Source : projet annuel de performance annexé au PLF 2022.

A.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 demandés pour 2022 sont en hausse de 1,08 % par rapport à la loi de finances pour 2021, s’élevant ainsi à 7,82 milliards d’euros en AE et en CP.

Le plafond d’emplois s’élève à 102 008 ETPT. En 2022, les effectifs de la gendarmerie nationale progresseront de 185 emplois.

Catégorie d’emplois

Evolution des effectifs par rapport à 2021

Personnels administratifs de catégorie A

– 6

Personnels administratifs de catégorie B

+ 60

Personnels administratifs de catégorie C

– 67

Personnels techniques

+ 50

Ouvriers de l’ État

– 20

Officiers de gendarmerie

– 214

Officiers du corps technique et administratif

– 3

Sous-officiers de gendarmerie

+ 1 301

Sous-officier de soutien technique et administratif

+ 84

Volontaires

– 1 000

Total

+ 185

  Source : projet annuel de performance annexé au PLF 2022

B.   Les dépenses de fonctionnement

La dotation de titre 3 s’élève en 2021 à 1,81 milliard d’euros en AE et 1,21 milliard d’euros en CP, contre 1,64 milliard d’euros en AE et 1,06 milliard d’euros en CP en LFI pour 2021, soit une hausse significative de 10,4 % pour les AE et de 14,1 % en CP.

Outre le renforcement des moyens mobiles ([4])  et le renouvellement des équipements mis à disposition de l’ensemble des forces de gendarmerie ([5]), cette augmentation s’explique principalement par la nette progression des crédits correspondant au perfectionnement des systèmes informatique et de communication dont les montants en AE ([6]) et en CP ([7]) sont multipliés par trois par rapport à la LFI pour 2021. Votre rapporteur pour avis se félicite vivement de la traduction budgétaire des engagements pris dans le cadre du Beauvau de la sécurité afin de financer l’acquisition et la maintenance des moyens numériques indispensables à la coordination des unités de gendarmerie sur l’ensemble du territoire.

C.   Les dépenses d’investissement

Le budget d’investissement observe une augmentation majeure de près de 65 % en 2022, s’élevant à 315,4 millions d’euros en AE et 284,5 millions d’euros en CP, contre 191 millions d’euros en AE et 194,7 millions d’euros en CP ouverts en loi de finances pour 2021.

Cette hausse correspond à l’effort budgétaire consenti en matière de renouvellement des parcs automobile et immobilier. Elle s’inscrit notamment dans la trajectoire initiée en 2020 afin de renouveler la flotte de véhicules de maintien de l’ordre (VMO) et de commandement et de transmission (VCT) de la gendarmerie.


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   SECONDE PARTIE :

   l’activité des forces d’intervention spécialisée

La police et la gendarmerie disposent de trois forces d’intervention spécialisée : le RAID ([8]) créé en 1985, la BRI ([9]) de la préfecture de police de Paris (BRI-PP) créée en 1964, et le GIGN ([10]) créé en 1974. Présentes sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin, ces trois unités d’élite accomplissent des missions de lutte antiterroriste et contre la criminalité organisée afin de prévenir ou mettre fin à des attaques et à des prises d’otages. Selon le schéma national d’intervention mis en place en avril 2016, le RAID, la BRI-PP et le GIGN correspondent aux forces d’intervention de troisième degré, agissant à la suite de la mobilisation des forces de premier et deuxième niveaux que constituent les forces d’intervention dites élémentaires ([11]) et intermédiaires ([12]), ces dernières étant chargées d’assurer l’intervention initiale dans les meilleurs délais.

Cependant, ces missions d’intervention représentent une part minoritaire de l’activité du RAID, de la BRI-PP et du GIGN. Celle-ci s’étend en effet à des tâches moins médiatiques relevant par exemple de l’assistance judiciaire ou de la protection de personnalités. La réussite de l’ensemble des opérations menées par ces trois unités dépend notamment de leur capacité de projection au regard de la dangerosité des situations auxquelles elles sont confrontées, ce qui soulève des enjeux tenant aux moyens budgétaires, humains et techniques dont elles disposent (I). Si leur autonomie doit être préservée, l’approfondissement de leur coopération s’inscrit dans une perspective plus large de renforcement constant de leur efficacité (II).

I.   Les forces d’intervention spécialisée disposent de moyens spécifiques adaptés à leurs missions

A.   Des missions diversifiées et caractérisées par leur extrême sensibilité

1.   Le champ d’action des forces d’intervention spécialisée

Placés respectivement sous l’autorité des directeurs généraux de la gendarmerie et de la police nationales, le GIGN et le RAID agissent dans trois domaines distincts :

   l’intervention et la gestion de crise en matière de contre-terrorisme ([13]), de libération d’otages, de forcenés, de lutte contre le grand banditisme ou d’interpellations de criminels en milieux ouvert et fermé ;

   l’observation et la surveillance ([14]) visant à acquérir des renseignements par des moyens humains ([15]) et techniques ([16]) ;

   la protection ponctuelle ou permanente d’autorités en France ([17]) et à l’étranger ainsi que l’évacuation de ressortissants français à l’étranger ([18]).

Le RAID et le GIGN disposent respectivement de 13 et 14 antennes décentralisées afin de garantir l’efficacité opérationnelle de leurs interventions sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin.

Les trois domaines demeurent étroitement liés : l’ensemble des missions revêt en effet un caractère complémentaire dans la réalisation d’une opération. La protection d’autorités implique souvent la mise en œuvre des techniques et modes opératoires requis par l’intervention et la gestion de crise mais aussi par l’observation et la surveillance.

À titre d’exemple, le RAID a assuré la sécurisation des opérations d’évacuation des ressortissants français d’Afghanistan au cours de l’été 2021 ([19]).

L’activité internationale du GIGN

Le GIGN entretient une relation étroite avec ses homologues belge, italien, allemand, espagnol, luxembourgeois et suisse afin de partager une vision actualisée de la menace terroriste en Europe de l’Ouest. Le GIGN veut aussi favoriser une forme d’interopérabilité avec ses homologues européens pour préparer un concours transfrontalier sur requête d’un état voisin, à l’instar de la contribution au profit de la Belgique en 2015 à Verviers ([20]) (engagement au titre de la décision 615 JAI du 23 juin 2008 du conseil de l’UE, relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière).

Le GIGN entretient également, sur son propre budget de fonctionnement et avec l’accord du cabinet du directeur général de la gendarmerie, une coopération privilégiée avec des unités spéciales militaires et de police étrangères confrontées à d’autres menaces terroristes, en raison de leur implantation géographique et du contexte géopolitique dans lequel elles évoluent. Ainsi, le GIGN s’entraîne régulièrement avec son homologue israélien afin d’éprouver ses propres modes d’action à d’autres catégories de menaces et perfectionner sa préparation opérationnelle sur le territoire français.

En outre, le GIGN développe cette coopération internationale au sein de réseaux européens, en fonction des unités participantes. Il peut ainsi compter sur des réflexions et sur des entraînements communs au sein du réseau ATLAS, où sont en particulier développées les compétences de contre-terrorisme aérien et maritime et de négociation de crise.

Le tiers des actions de coopération du GIGN en France et à l’étranger consiste en la délivrance de formations en intervention spécialisée, au profit d’unités homologues et sous l’égide du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Le GIGN délivre son savoir-faire en mettant à l’honneur le modèle régalien français, au profit d’unités plus jeunes et en construction sur le modèle de la gendarmerie nationale française. Le GIGN veille ainsi à porter un effort sur les régions confrontées à des risques sécuritaires tels que les pays membres du G5 Sahel, le Liban et la Tunisie.

À la demande des services de sécurité intérieure au sein des représentations françaises à l’étranger, le GIGN peut conduire des audits afin de se prononcer sur l’opportunité de création d’une unité d’intervention spécialisée au sein d’institutions étrangères. Hors période de restrictions sanitaires, ces différents cadres de coopération internationale favorisent la réalisation de 120 à 150 actions par an, en France et à l’étranger. Le rythme de l’année 2021, encore tributaire des normes de déplacement COVID, devrait aboutir à la mise en œuvre de 70 à 80 actions de coopération.

Compétente sur le ressort géographique de la ville de Paris, la BRI-PP constitue l’une des brigades centrales de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ). La BRI-PP se distingue du RAID et du GIGN au regard de son activité principalement judiciaire.

Le travail d’initiative judiciaire de la BRI consiste à rechercher, analyser et recueillir du renseignement criminel. Il s’agit de traiter des sources lui permettant de cibler des malfaiteurs chevronnés ou des équipes de malfaiteurs relevant de la grande délinquance organisée ou du grand banditisme. Le travail en appui d’un service judiciaire réalisé par la BRI consiste à apporter à un service d’investigation chargé de l’enquête une capacité opérationnelle telles que la surveillance et la filature, la pose et le déploiement de dispositifs techniques ou la réalisation d’interpellations. Cette collaboration s’effectue en co-saisine judiciaire dans un cadre d’enquête ([21]) avec le service partenaire, qui assure la direction des investigations et la gestion des actes de la procédure.

Sous l’autorité du préfet de police, la BRI-PP accomplit des missions d’intervention en situation de crise pour prévenir et faire cesser une attaque terroriste, des retranchements d’individus armés, violents, ou souffrant de psychopathologies, ou des prises d’otages. La BRI est susceptible d’effectuer des missions ponctuelles de protection de personnalités sensibles ou à risque (magistrats, équipes de sports collectifs lors de compétitions internationales, extraction de détenus) ou d’escortes de convois sensibles. Elle peut également être prépositionnée afin d’assurer une sécurisation aux abords de sites regroupant du public ou en raison de la présence de personnalités, lors d’événements majeurs ou sensibles tels que les procès d’assises pour terrorisme, les festivités du 14 Juillet, la nuit de la Saint-Sylvestre, les sommets internationaux de chefs d’État, les « fan zone » lors de compétitions internationales, le concert « Solidays ».

La BRI est également amenée à dispenser des formations à l’étranger dans les différents domaines de son expertise en matière judiciaire, d’interventions spécialisées (tactique, risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques dits « NRBC »), ou pour contribuer à la création d’unités locales suivant son modèle (BRI algérienne, burundaise et libanaise).

Les bilans statistiques communiqués par le ministère de l’Intérieur à votre rapporteur font état de l’activité croissante de ces trois unités d’élite au cours de ces dernières années.

2.   Une activité soutenue

La diversité des missions prises en charge par le RAID, le GIGN et la BRI-PP entraîne un volume d’activité global relativement conséquent.

Contrairement aux idées reçues, leur action dépasse largement les seules interventions réalisées sur les situations de crise intense telles que les théâtres d’attentats terroristes ou de prise d’otages. Ainsi, leur large champ de compétences les prémunit utilement contre le syndrome du « Désert des Tartares » ([22]) qui décrit le sentiment d’impuissance de soldats plongés dans l’attente interminable d’une opération justifiant leur mobilisation.

a.   Le RAID

Chaque année, entre 800 et 1 000 saisines du RAID sont effectuées dans le cadre de l’ensemble de ses missions d’assistance aux services de la police nationale ou autres services partenaires tels que les douanes et la direction générale de la sécurité intérieure.

Au cours des années 2015-2018, environ 70 saisines annuelles concernent des situations de prises d’otages et de forcenés. Depuis 2019, ce type de crises s’est fortement développé, atteignant régulièrement 90 saisines par an. Le RAID est saisi d’environ 400 interpellations à risque. Les missions de protection (points hauts, protections rapprochées, détection cynophile, escortes, lutte anti-drone…) représentent à peu près 400 saisines annuelles. Si les deux premières catégories ont légèrement cru au cours de la crise sanitaire, la dernière a connu une nette diminution en raison du nombre nécessairement limité de grands événements et de déplacements de personnalités. Cependant, il est possible de constater une tendance observée jusqu’à mars 2020 de recours croissant au RAID afin de pré-positionner des effectifs d’intervention à proximité de grands événements politiques, sportifs ou culturels. En 2019, l’unité était ainsi mobilisée sur 207 réserves d’intervention, contre seulement 44 en 2016.

Le RAID ne dispose pas d’outil informatique permettant de répertorier la durée et l’issue de l’intervention. Il est toutefois empiriquement admis qu’environ 80 % des situations de crise intense de sécurité se résolvent par la négociation. En outre, l’utilisation des armes létales demeure exceptionnelle, même en cas d’ouverture du feu par les individus mis en cause ([23]).

b.   La BRI-PP

Le bilan statistique transmis par la BRI-PP fait état d’une augmentation sensible de l’activité depuis 2019 :

 

Missions

2019

2020

Janvier à juin 2021

Interventions sur des prises d’otages et forcenés

8

9

2

Assistances judiciaires

Nombre de personnes interpellées

98

108

119

121

71

81

Enquêtes judiciaires

Nombre de personnes interpellées

25

40

26

57

21

49

c.   Le GIGN

Le volume d’activité du GIGN consiste en la réalisation d’environ 2 000 missions chaque année, comme détaillé dans le tableau ci-dessous :

 

Missions

2019

2020

Janvier à juin 2021

OBSERVATION SURVEILLANCE FILATURE

Nombre de nouveaux dossiers ouverts

602

558

252

Total des personnels engagés par jours cumulés pour chaque mission

12 387

14 873

6 602

ASSISTANCES TECHNIQUES

Nombre de missions réalisées

433

397

232

PROTECTION

Nombre de nouvelles missions de protection

170

160

56

Total des personnels engagés sur des missions de protection par jours cumulés

10 331

14 381

9 738

INTERVENTIONS

Nombre de missions sur un ou des forcenés

35

41

37

Nombre de missions sur des prises d’otages

5

4

8

Nombre de missions sur un tueur de masse ou des périples meurtriers

1

1

2

Nombre d’assistances à la négociation

250

338

261

Total des personnels engagés par jours cumulés pour des missions d’intervention

731

807

1 141

INTERPELLATIONS ET ASSISTANCES AUX INTERPELLATIONS

Nombre de missions d’interpellation réalisées dans un lieu public

192

212

121

Nombre de missions d’interpellation réalisées dans un lieu privé

464

450

343

Total des personnels engagés par jours cumulés pour des missions d’interpellation

9 495

9 622

6 723

La multiplicité des interventions couplée à l’exigence de performance qui entoure leur réalisation rend nécessaires la mise en place de retours d’expérience au sein de chaque unité et l’organisation d’un suivi médical personnalisé.

3.   La nécessaire mise en place de retours d’expérience (« rétex ») et d’un suivi médical et psychologique au sein de chaque unité

a.   Les « rétex »

Au sein du GIGN, une cellule de veille « rétex » placée sous le commandement de l’État-major opérationnel est en charge de l’organisation et du suivi des retours d’expérience à l’échelle nationale.

À l’issue de toute opération, un retour d’expérience est effectué à plusieurs niveaux :

Pour les opérations les plus sensibles et les plus complexes intéressant les autres unités d’intervention, un contact peut être pris au niveau des commandants d’unité pour réaliser un débriefing bilatéral. Ces débriefings sont également très souvent réalisés avec les unités d’intervention internationales au sein du groupe de travail ATLAS qui rassemble les commandants de toutes les unités d’intervention spécialisée au sein de l’UE.

S’ils suivent une logique similaire, les « rétex » organisés au sein du RAID et de la BRI apparaissent cependant moins formalisés et peuvent être mis en œuvre sous la forme orale ou écrite selon le niveau, la complexité ou l’importance médiatique de l’intervention effectuée.

b.   Le suivi médical et psychologique : l’exemple du RAID et de la BRI-PP

Chaque membre du RAID et de la BRI-PP fait l’objet d’une visite médicale annuelle dans le cadre de la médecine de prévention Certains spécialistes, tels que les plongeurs, effectuent des visites spécifiques liées à leur activité. Chaque membre ayant subi un arrêt maladie ou une blessure fait l’objet d’une visite de reprise.

Aucun suivi psychologique n’est cependant formalisé au sein des unités du RAID et de la BRI-PP. Lors d’affaires marquantes, il est fait appel aux psychologues du service de soutien psychologique opérationnel. Ces derniers organisent des débriefings collectifs et individuels à la demande des membres qui peuvent donc à tout moment solliciter l’intervention d’un psychologue.

Le chef du RAID peut demander l’avis médical physique ou psychologique du médecin-chef de la police nationale concernant la poursuite d’activité d’un membre à la suite d’une blessure longue ou d’une autre pathologie.

Un groupe médical d’intervention composé de médecins contractuels est dévolu à la prise en charge des opérateurs en cas de blessure en situation opérationnelle. Dans les antennes territoriales du RAID, une présence médicale sur chaque opération est assurée par les médecins de l’unité médicale d’intervention composée de médecins du SAMU ou de sapeurs-pompiers recrutés dans le cadre d’une convention signée avec le RAID.

La réalisation des missions accomplies par les forces d’intervention spécialisée requiert des moyens adaptés à leurs spécificités, tant sur le plan budgétaire que techniques et humains.

B.   Des moyens budgétaires, humains et techniques considérés comme satisfaisants

Lors des déplacements effectués par votre rapporteur aux centres de commandement du RAID, de la BRI-PP et du GIGN, les appréciations formulées par les représentants de chaque force d’intervention sur les moyens budgétaires, humains et matériels dont elles disposent se sont révélées globalement positives.

1.   Les dotations budgétaires

En 2021, le budget alloué ([24]) au GIGN se compose de crédits d’investissement à hauteur de 6,1 millions d’euros ([25]). Les crédits de fonctionnement relatifs au GIGN central situé à Versailles s’élèvent à 3 millions d’euros, ceux relatifs aux antennes métropolitaines atteignant 0,7 million d’euros ([26]).

Le budget global du RAID s’élève à environ 2,2 millions d’euros ([27]). Votre rapporteur note avec satisfaction que le projet de loi de finances pour 2022 prévoit que l’enveloppe de 153,6 millions d’euros consacrée au renouvellement du parc automobile de la police contribuera à l’achat de nouveaux véhicules blindés d’intervention mis à la disposition des antennes territoriales du RAID ([28]).

La BRI-PP étant l’un des services de la DRPJ de Paris, elle ne bénéficie pas d’un budget de fonctionnement propre ([29]). Une demande de rehaussement des moyens financiers affectés à la BRI a cependant été formulée par la DRPJ pour l’année 2022.

2.   Les moyens humains

a.   Les effectifs

En 2021, le GIGN dispose d’un effectif global de 924 militaires répartis par moitié à Versailles et au sein des antennes territoriales.

Le RAID est composé de 452 membres dont la répartition par classe d’âge et par sexe est la suivante :

 

 

 

 

Répartition par classe d’âge

 

Total RAID

- de 29 ans

30-39 ans

40-49 ans

50-59 ans

+ de 60 ans

Nombre d’hommes

414

2

125

212

68

7

Nombre de femmes

38

3

10

12

10

3

Total RAID

452

5

135

224

78

10

La répartition selon la fonction se présente comme suit :

 

Répartition par fonctions

Opérationnel

301

Soutien opérationnel

114

Soutien administratif et financier

37

Total RAID

452

Ses effectifs ayant été multipliés par deux depuis les attentats de 2015, la BRI-PP est aujourd’hui composée de 100 membres dont la répartition par classe d’âge et par sexe est la suivante :

 

 

Etat-major incluant direction et secrétariat

Recherche et Intervention

Appui opérationnel

Autres emplois

Total

Nombre d’hommes

5

64

15

10

94

Nombre de femmes

2

1

1

2

6

Total BRI-PP

7

65

16

12

100

b.   Le processus de sélection

Les modalités d’admission au sein de chaque force d’intervention spécialisée apparaissent très rigoureuses. Le taux de réussite des postulants est généralement égal voire inférieur à 10 %. Les candidats doivent bénéficier d’une expérience préalable de plusieurs années au sein de la police et de la gendarmerie. Ils sont mis à l’épreuve pendant plusieurs jours dans le but de vérifier que leurs aptitudes physiques et psychologiques se conforment aux exigences requises afin de servir au sein de ces unités. De nombreux postulants décident eux-mêmes d’interrompre le processus d’intégration au cours des périodes probatoires auxquelles ils sont soumis, choisissant ainsi de renoncer à leurs ambitions initiales.

Au sein du RAID, près de 190 candidatures sont présentées chaque année. Seule une dizaine de candidats sont finalement autorisés à rejoindre les équipes des opérateurs d’intervention, de l’appui opérationnel ou des négociateurs.

La BRI-PP reçoit une cinquantaine de candidatures annuelles. Moins de 10 % des candidats sont définitivement intégrés au sein de l’unité.

Le schéma de recrutement au sein de la BRI-PP

Le processus d’admission comprend plusieurs étapes :

– le candidat dépose son dossier (CV, notation, lettre de motivation) avant d’être reçu par la direction de la BRI ;

– s’il est sélectionné, le postulant subit des tests médicaux et psychologiques avant d’être convoqué pour une semaine de test de sélection ;

– si les résultats des tests sont positifs, le candidat est convoqué pour deux semaines d’immersion au sein de la section pour laquelle il postule ;

– à l’issue de l’immersion, il passe un entretien avec une commission ad hoc qui valide ou non son habilitation à se voir proposer un poste au sein de la BRI ;

– en cas de validation, le postulant est intégré au sein d’un vivier pour une durée maximale de trois ans. Dès son entrée à la BRI, il subit une période probatoire de six mois durant laquelle il suit la formation initiale. En cas d’échec, il est reversé au sein de son corps d’origine.

Au sein du GIGN, quinze à vingt postulants sont recrutés chaque année afin d’intégrer le GIGN central situés à Versailles ([30]), à l’issue d’une semaine de pré-sélection et de huit semaines de sélection à caractère probatoire, et d’un an de formation initiale.

c.   Les formations initiales et continues

Les stagiaires retenus à l’issue des sélections organisées par le RAID suivent une formation initiale intensive d’une durée de 21 semaines ([31]) au cours desquelles ils acquièrent des aptitudes en matière de tir, de techniques d’interventions et de défense, de filature et de maîtrise des engins explosifs ([32]). La validation de l’ensemble des modules conditionne l’intégration définitive au sein de la section d’intervention de l’échelon central du RAID ou des antennes territoriales. S’ouvre alors une période probatoire de six mois pendant laquelle un retour au service d’origine peut être envisagé en cas d’incompatibilité.

S’agissant de la formation continue, l’ensemble des opérateurs du RAID non engagés dans des missions opérationnelles suivent, en fonction de leurs spécialités, un « programme d’alerte » obligatoire qui se décline selon un thème commun à l’échelon central et ses antennes, comme l’illustre le programme suivant :

Exemple de programme hebdomadaire de formation continue dispensée au sein du RAID

Lundi matin : tir de contrôle (mise en condition opérationnelle et vérification du matériel et de l’armement)

Lundi après-midi : mise en situation tactique selon le thème de la semaine

Mardi matin : tir d’alerte (tir en équipe)

Mardi après-midi : mise en situation tactique selon le thème de la semaine

Mercredi matin : entraînement foncier

Mercredi après-midi : exercice d’alerte avec l’ensemble des spécialités selon le thème de la semaine

Jeudi matin : entraînement physique

Jeudi après-midi : entraînement par spécialité (nautique, parachutiste, effraction, varappe)

Vendredi matin : techniques de défense en intervention et sports de combat / hélicordage

Vendredi après-midi : remise en condition opérationnel des véhicules, locaux et matériels / sports de cohésion / tir individuel

Tous les militaires admis au sein du GIGN central suivent un cursus de formation initiale commun, quelle que soit leur affectation opérationnelle. Ils bénéficient de formations à l’ensemble des domaines propres à l’intervention spécialisée : tir, conduite de véhicule, connaissance des explosifs, secourisme, parachutisme, techniques commando, franchissement opérationnel, aérocordage ou encore dépiégeage d’assaut.

Selon leur affectation, ils suivent ensuite une formation spécifique dans des domaines tels que le parachutisme opérationnel, la plongée, la négociation ou la mise en œuvre tactique d’explosifs. Par ailleurs, des exercices menés de manière autonome au sein du GIGN central sont programmés pour faciliter la mise en œuvre de savoir-faire particuliers tels que les interventions avec risque « NRBC », à bord de trains ou dans des centres commerciaux.

L’ensemble des formations initiales et continues dispensées par le RAID, la BRI-PP et le GIGN témoignent du haut niveau d’exigence auxquels leurs membres sont assujettis afin de maîtriser toutes les aptitudes nécessaires pour faire face aux situations de crise dans lesquelles ils sont susceptibles d’intervenir.

3.   Les équipements et armements

Les caractéristiques des opérations accomplies par les forces d’intervention spécialisée requièrent l’utilisation de nombreux moyens matériels hautement perfectionnés. Au cours des déplacements qu’il a effectués à Bièvres, à la préfecture de police de Paris et à Versailles, votre rapporteur a constaté que chaque unité dispose des moyens techniques permettant la mise en œuvre de technologies de pointe (véhicules blindés, explosifs, imprimantes et scanners 3D, dispositifs de brouillage et de captation de données, drones, moyens de géolocalisation, armes à feu à longue distance, caméras, boucliers balistiques, jumelles de vision nocturne, robots…) indispensables à la réussite de leurs missions.

Cependant, certaines difficultés lui ont été signalées s’agissant d’équipements considérés comme relativement basiques tels que les gilets pare-balle ou les outils de communication radio dont les modèles actuellement utilisés sont frappés d’obsolescence et par conséquent sous-optimaux ([33]). Il apparaît donc indispensable d’identifier de façon précise et exhaustive l’ensemble des besoins logistiques afin de renouveler dans les meilleurs délais les équipements obsolètes et désormais inadaptés aux exigences de protection légitimement exprimées par les membres des forces d’intervention spécialisée.

Dans cette perspective, plusieurs pistes d’amélioration existent afin de renforcer l’efficacité de ces unités d’élite. Si votre rapporteur considère qu’une révolution organisationnelle ne se justifie pas, certains leviers doivent être mobilisés dans le but de garantir l’interopérabilité des forces d’intervention spécialisée, sans pour autant renoncer à l’autonomie qui les caractérise aujourd’hui.

II.   Les perspectives d’évolution des forces d’intervention spécialisée

A.   une coopération à consolider tout en préservant l’existence autonome du RAID, de la BRI-PP et du GIGN

1.   La coordination accrue du RAID, de la BRI-PP et du GIGN dans le cadre du schéma national d’intervention sous l’autorité de l’UCoFI ([34])

a.   Le schéma national d’intervention

Mis en place en avril 2016 par le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve à la suite des attentats survenus en 2015, le schéma national d’intervention poursuit plusieurs objectifs :

   mettre en œuvre un dispositif cohérent dintervention durgence face à une attaque terroriste majeure ;

   établir une meilleure couverture du territoire, par la création et/ou lintégration de nouvelles unités dintervention spécialisées ;

   offrir une réponse immédiate, par lintégration des unités dintervention intermédiaire équipées et formées, de façon à préparer les opérations de réduction de crise dévolues aux unités dintervention spécialisée ;

   réduire les délais de lintervention spécialisée, par la mise en place de la procédure durgence absolue et la création dantennes territoriales du RAID et du GIGN ;

   optimiser lemploi des capacités des unités dintervention ;

   instaurer une meilleure coordination des unités.

La couverture du territoire et la réponse immédiate à une crise terroriste ont été améliorées par la mise en œuvre d’un spectre de l’intervention à trois niveaux :

   1er niveau : l’intervention élémentaire est prise en charge par toute patrouille de police ou de gendarmerie ;

   2è niveau : les unités d’intervention intermédiaire assurent généralement la « primo-intervention » sur la plupart des crises terroristes. Ce niveau fait appel à 700 unités réparties sur l’ensemble du territoire. Il est composé :

   3ème niveau : l’intervention spécialisée est assurée par le GIGN et ses 14 antennes, le RAID et ses 13 antennes ainsi que la BRI de la préfecture de police. Ces unités sont amenées à intervenir sur les situations de crise particulièrement dégradées et revêtant un caractère de résolution complexe.

Le schéma national d’intervention apporte une modification majeure à l’articulation des forces d’intervention en permettant à toutes les unités d’intervention d’un niveau intermédiaire ou spécialisé disponibles et proches d’un lieu de crise, de se rendre immédiatement sur place, quelle que soit la zone de compétence, en cas de nécessité absolue. Déclenchée par le préfet, cette procédure d’urgence absolue (PUA) favorise une intervention immédiate en cas de nécessité en zone gendarmerie nationale (ZGN) comme en zone police nationale (ZPN) par les unités les plus proches du lieu où se déroule la crise.

Le schéma national d’intervention prévoit également la mise en œuvre d’une procédure de concours capacitaire qui permet à une force d’intervention de faire appel aux capacités (dépiégeage, effraction, tir, cynotechnie, soutien médical, véhicules blindés, NRBC, négociation, aérocordage, parachutisme, plongée…) d’une autre force d’intervention dès lors que l’unité « menante » a besoin du renfort de personnels spécialisés dont elle ne dispose pas en volume suffisant (concours par complémentarité), ou qu’elle ne dispose pas du moyen, du technicien ou du savoir-faire nécessaire (concours par modularité).

Afin d’encadrer le commandement des opérations spécifiques à l’intervention spécialisée, le schéma national d’intervention instaure la fonction de commandant des opérations d’intervention spécialisée (COIS) qui s’articule avec les stratégies de la gestion de crise déjà existantes ([36]). Elle est confiée au commandant de la force d’intervention spécialisée territorialement compétente sur le lieu de crise. En cas de crises multiples en zone gendarmerie, c’est le commandant du GIGN qui devient coordinateur des opérations d’intervention spécialisée (COIS national). En zone police, c’est le chef du RAID qui assure cette fonction.

Dans ses réponses au questionnaire transmis par votre rapporteur, le ministère de l’Intérieur précise qu’une mise à jour du schéma national d’intervention peut être envisagée afin d’y intégrer la création de nouvelles unités, sans qu’il soit cependant nécessaire de faire évoluer ses principes initiaux.

b.   Le rôle de l’UCoFI

Créée en juin 2010, l’unité de coordination des forces d’intervention (UCoFI) a pour objet de faciliter la coordination et la coopération entre le GIGN, le RAID et la BRI-PP, notamment l’interopérabilité, sans pour autant s’immiscer dans la conduite opérationnelle qui relève de la compétence de chaque chef d’unité. À ce titre, l’UCoFI contribue utilement à une connaissance réciproque et à la transparence de l’action de chaque unité, ainsi qu’à la préparation des forces sur les problématiques liées à leur emploi conjoint.

Si elle n’a pas d’autorité hiérarchique sur les différentes forces d’intervention, elle organise régulièrement des entraînements, des exercices de formation et des procédures d’engagements communs.

Pour autant, plusieurs propositions ont été émises au cours des dernières années visant à dépasser le modèle actuel dans le but d’unifier les trois forces d’intervention spécialisée. Leur éclatement a pu nourrir des critiques centrées sur la prétendue concurrence qu’elles se livreraient, au risque d’aboutir à une « guerre des services ». Votre rapporteur ne partage pas cette opinion et considère qu’il convient de préserver l’autonomie organisationnelle et opérationnelle de chaque unité, bien qu’il soit nécessaire de renforcer encore leur coordination.

2.   La coexistence des trois unités : une saine émulation à préserver

La commission d’enquête de l’Assemblée nationale créée à la suite des attentats du 13 novembre 2015 s’est longuement interrogée sur l’opportunité de procéder à la fusion du RAID, de la BRI-PP et du GIGN au sein d’une force unique d’intervention spécialisée. Publié en juillet 2016, son rapport propose notamment de créer un « commandement unifié des trois forces pour piloter les opérations ». M. Georges Fenech, président de la commission d’enquête, s’est même prononcé en faveur d’une fusion intégrale des trois unités ([37]).

Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve s’est opposé à cette évolution, estimant, non sans pertinence, que « si des disparités de culture et de statut conduisent à remplacer trois forces qui marchent par une seule qui ne fonctionne pas, au plaisir bref d’avoir procédé à la fusion succéderont des difficultés opérationnelles pour l’éternité. » ([38])

Ces réflexions ont également pu alimenter les réflexions autour de la possibilité évoquée en juillet 2019 par le préfet de police de rattacher les services de la BRI-PP au RAID. Cette proposition semble finalement avoir été abandonnée.

Cinq ans après la mise en œuvre du schéma national d’intervention, votre rapporteur considère que les craintes d’une éventuelle concurrence malsaine entre ces trois unités apparaissent largement infondées. Les représentants de chaque unité interrogés par votre rapporteur ont unanimement fait état de la confiance et de la solidarité qui caractérisent leurs relations dans le cadre de l’exercice de leurs missions d’intervention, conformément aux orientations définies par le schéma national précité.

Si rien ne justifie aujourd’hui de la remettre en cause, la préservation de l’autonomie du RAID, de la BRI-PP et du GIGN doit néanmoins se conjuguer au renforcement des liens déjà solides noués entre chacune de ces forces. Leur complémentarité territoriale et fonctionnelle constitue un atout précieux pour garantir la réactivité de la réponse opérationnelle en cas de crise.

B.   Des pistes d’amélioration multiformes

1.   Poursuivre la coopération entre les forces d’intervention spécialisée

Dans le domaine des systèmes d’information et de communication, les unités ont vocation à bénéficier d’une interopérabilité des réseaux, ce qui permet à leurs commandants et aux opérationnels de communiquer aisément en phonie et en data notamment grâce à l’utilisation de l’outil « PC STORM ». La coopération pourrait également être renforcée par la mise à disposition de systèmes de communication radio identiques. Cette évolution sera nécessaire pour garantir le bon accomplissement des missions de chaque force sur son territoire de compétence. Dans la même optique, les trois unités travaillent actuellement de concert sur un logiciel de planification et de conduite de la crise.

Sur le plan opérationnel, les unités s’entraînent régulièrement ensemble à l’occasion d’exercices majeurs ([39]) préfigurant leur coopération lors des prochains grands événements sportifs organisés en France ([40]). À ce titre, les commandants de chaque unité élaborent déjà en parfaite intelligence, sous l’autorité de leur direction respective, la répartition des missions de protection en fonction des sites et des équipes.

Votre rapporteur considère que l’échange de bonnes pratiques, l’évolution des doctrines d’action à l’épreuve de l’évolution des menaces, le partage des retours d’expérience et le maintien des entraînements ou exercices communs pourraient s’élargir à d’autres partenaires stratégiques tels que les services de secours ou de transport susceptibles d’être engagés aux côtés des forces de sécurité lors de crises majeures.

Enfin, au sein de la police, la réalisation de formations communes va dans le bon sens : la formation à la négociation est ainsi partagée entre le RAID et la BRI-PP, tant du côté des formateurs que des formés. La BRI-PP va réintégrer la formation dite « tronc commun intervention » organisée par le RAID à compter de 2022 et parallèlement dispenser à des opérateurs RAID la formation « surveillance et filature » des nouveaux opérateurs BRI-PP. Par ailleurs, s’agissant des demandes de formation à l’étranger, un point est réalisé annuellement entre le GIGN et le RAID afin de garantir une répartition géographique ou thématique pertinente. Cette concertation permet d’éviter des demandes redondantes et favorise la cohérence de l’offre de service du ministère de l’Intérieur.

2.   Favoriser la coordination entre les forces d’intervention spécialisée et les forces d’interventions élémentaires et intermédiaires

L’intervention spécialisée ne représente que l’une des facettes de la crise de type terroriste qui comprend d’autres enjeux gérés par l’autorité territoriale de police tels que la gestion de l’ordre public et des circulations, le renseignement ou la réalisation de l’enquête judiciaire. Cette action se doit d’être gérée de manière globale et intégrée. L’action des unités d’intervention (niveau 3) s’inscrit naturellement dans un contexte de chaîne d’intervention (niveaux 1 et 2) supposant une réelle interopérabilité et complémentarité avec les patrouilles de police et de gendarmerie et les forces dites intermédiaires.

L’évolution la plus importante à mener concerne l’implication croissante des unités de niveau 3 dans la formation et l’entraînement des unités de niveaux 1 et 2. Il convient en effet de développer les réflexes et savoir-faire qui garantiront l’efficacité de la réponse immédiate, 95 % des crises étant exclusivement gérées par les unités des deux premiers niveaux. Seules les situations les plus complexes et « fixées » ont vocation à être gérées par les unités de niveau 3. Cela suppose donc un investissement important dans les sections de formation des unités de niveau 3 ainsi que dans les temps disponibles pour la formation et l’entraînement des membres des unités de niveaux 1 et 2.

Votre rapporteur insiste plus particulièrement sur les inconvénients budgétaires voire opérationnels que peut entraîner le « suréquipement » des forces d’interventions élémentaires et intermédiaires. Dotées d’armes et de matériels habituellement attribués aux forces d’intervention spécialisée, à l’image du fusil d’assaut HK G36 ([41]), les membres des forces de niveaux 1 et 2 doivent en conséquence être formés à leur maniement afin de préserver « l’effet utile » de ces moyens matériels.

3.   Adapter le cadre juridique applicable aux spécificités des forces d’intervention spécialisée

Enfin, votre rapporteur a été sensibilisé par les représentants de chaque unité au caractère parfois excessivement contraignant du cadre règlementaire régissant leur activité. À titre illustratif, les règles de concurrence prévues par le code de la commande publique doivent pouvoir être suffisamment adaptées aux spécificités propres aux forces d’intervention spécialisée. Il s’agit, d’une part, de satisfaire leurs besoins au moindre coût dès lors qu’elles souhaitent collectivement acquérir des matériels en nombre important, et d’autre part, de leur garantir la possibilité d’acheter rapidement et de façon autonome des matériels de haute technologies indispensables à la réalisation de leurs missions.

Dans une autre perspective, il convient également de renforcer les marges de manœuvre organisationnelles dont peuvent se saisir les commandants des forces d’intervention spécialisée. Ils doivent ainsi pouvoir plus facilement mettre un terme à l’engagement de leurs subordonnés au sein de leur unité dès lors que des inaptitudes ou incompatibilités préjudiciables à leur activité en son sein auraient été décelées. L’assouplissement des conditions de reclassement des effectifs en dehors du RAID, de la BRI-PP et du GIGN pourrait ainsi être envisagé.


—  1  —

 

   Examen en commission

Lors de sa première réunion du mardi 12 octobre 2021, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits de la mission « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).

Lien vidéo :

https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11297934_6165a426289c3.commission-des-lois--m-gerald-darmanin-ministre-de-l-interieur-et--mme-marlene-schiappa-ministr-12-octobre-2021

M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Je suis très heureux de défendre une nouvelle fois les crédits du ministère de l’Intérieur au moment où son budget connaît une progression sans précédent : 3,4 milliards d’euros sur les cinq exercices budgétaires, et 1,7 milliard d’euros au titre du projet de loi de finances pour 2022.

Je remercie donc le Président de la République, le Premier ministre et les ministres financiers d’avoir rendu possible cette progression à laquelle il faut ajouter le reste des crédits du plan France Relance dont la plus belle illustration reste les automobiles de modèle 5008 fabriquées en France qui équipent désormais policiers et gendarmes.

J’en viens, en remerciant les rapporteurs pour avis pour leur travail, aux quatre programmes de la mission « Sécurités » : « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité et éducation routières » et « Sécurité civile », dont les crédits augmentent de 1,02 milliard d’euros.

Le fonctionnement du ministère de l’Intérieur a été grandement handicapé par la « maladie du titre 2 », c’est-à-dire de la masse salariale, largement supérieure aux crédits « hors titre 2 », ce qui a été préjudiciable à son parc immobilier, à son matériel technologique et à sa transformation numérique. Nous vous proposons depuis deux ans la stratégie inverse : une augmentation du hors T2 bien supérieure à celle de la masse salariale. Ainsi, 95 % des crédits annoncés par le Président de la République lors de son discours de Roubaix se rapportent au matériel, 5 % seulement relevant du catégoriel. Police comme gendarmerie sont évidemment concernées par ces transformations.

Un mot tout d’abord sur les créations de postes annoncées par le Président de la République depuis son élection. Si l’on intègre le PLF 2022, 10 000 postes supplémentaires auront bien été créés sur les cinq exercices budgétaires. Ces créations ont en premier lieu bénéficié à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et aux services de renseignement, notamment territoriaux – 1 900 postes –, ainsi qu’à la sécurité publique, c’est-à-dire aux policiers sur le terrain puisque la quasi-intégralité des effectifs sortant des écoles de police est désormais affectée dans les commissariats de France.

Les gendarmes ont bénéficié, quant à eux, d’un tiers de ces 10 000 postes. En 2022, ils seront ainsi plus nombreux dans les brigades, partout sur le territoire national, et les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) pourront être densifiés. Le projet de loi de finances prévoit d’ailleurs la transformation d’une partie des gendarmes adjoints volontaires en sous-officiers au sein de ces PSIG, ce qui va professionnaliser l’activité de la gendarmerie nationale.

L’augmentation très importante des effectifs de police, ainsi que des moyens donnés à la police et à la gendarmerie nationales, permet de faire naître deux grands projets de transformation dans le cadre du prochain budget qui sous-tendent la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) annoncée par le Président de la République. J’ai d’ailleurs commencé les négociations salariales et syndicales s’y rapportant.

Il s’agit tout d’abord de la réforme des cycles horaires, si attendue dans la police nationale, avec la fin de la vacation forte. Je prendrai un arrêté afin de lister, à partir du 1er janvier, les nouveaux cycles sur la base desquels les directions départementales de la sécurité publique (DDSP) pourront négocier avec les policiers. L’objectif est de mettre plus de « bleu » sur le terrain tout en accompagnant le repos normal. Je n’ai pas de cycles horaires privilégiés : il y en aura toujours plusieurs, mais je ferai supprimer ceux qui consomment des forces de façon excessive. S’il y a plus de moyens, il doit y avoir plus de monde sur le terrain.

Il s’agit ensuite de mener un travail avec les syndicats de police et l’ensemble de la police nationale pour que les policiers puissent aller là où on a besoin d’eux, au sens budgétaire et sécuritaire. Actuellement, en effet, le ministre de l’Intérieur ne peut envoyer, si j’ose dire de force, dans un territoire donné que ceux qui sortent des écoles de police. Sans obliger les policiers à rester des années là où ils ne le souhaitent pas, il faut néanmoins faire en sorte que les effectifs se trouvent là où la délinquance est la plus forte. Nous avons entamé ces transformations dans le PLF 2022.

Il s’agit également de disposer des crédits nécessaires pour que le lien police-population soit le meilleur possible. J’ai lancé cette année avec la ministre déléguée un plan prévoyant des stages et des contrats d’apprentissage au sein de la police et de la gendarmerie nationales pour 10 000 jeunes. Les crédits inscrits au PLF 2022 permettront de les concrétiser dans les locaux de police ou de gendarmerie ainsi que dans les secrétariats généraux pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI). Soulignons au passage que le Gouvernement ayant proposé que les apprentis ne soient plus pris en compte dans les plafonds d’emplois des ministères, l’apprentissage dans le secteur public va s’en trouver amélioré.

La progression de la masse salariale du programme « Police nationale » est de 0,2 %, et celle du programme « Gendarmerie nationale » de 0,3 %. Non, nous n’avons rien « acheté » à la veille de la campagne électorale. Les crédits ne visent pas à financer des primes mais bien du matériel et des transformations technologiques. Si la question des salaires se pose à coup sûr dans toute la fonction publique, et donc parmi les policiers et les gendarmes, il ne s’agit pas de faire comme avant, c’est-à-dire de prévoir des primes parce que l’on se trouve à la veille des élections.

L’augmentation des moyens dits hors T2, comme ceux consacrés au temps de formation ou aux investissements, m’intéresse en premier lieu. Il s’agit d’abord de permettre une meilleure gestion des ressources humaines, notamment en prolongeant, à partir de l’année prochaine, la formation des policiers et des gendarmes de quatre mois, qui passera ainsi de huit à douze mois. Je précise d’emblée à monsieur Bernalicis que la préparation au concours d’officier de police judiciaire (OPJ), qui sera lui-même revu, n’est pas incluse dans cette durée supplémentaire. Nous y reviendrons à l’occasion de la présentation de la LOPPSI.

Il s’agit également de renforcer l’action sociale du ministère de l’Intérieur : entre 2021 et 2022, 5,7 millions d’euros supplémentaires lui seront consacrés. S’y ajoutent des mesures que les policiers attendaient depuis bien longtemps, notamment la gratuité totale des transports, effective à partir du 1er janvier 2022, en contrepartie de leur sécurisation, et la protection sociale complémentaire qui sera versée à tous les agents et qui s’inscrit dans le cadre de la réforme de la fonction publique.

L’an prochain, 11 000 nouveaux véhicules seront achetés pour les forces de l’ordre, ce qui équivaut à trois années budgétaires normales. Ainsi 25 % des véhicules des brigades anticriminalité (BAC) seront remplacés, soit 270 véhicules sur un parc de 850. Nous changeons l’intégralité des véhicules blindés de la gendarmerie et des forces de maintien de l’ordre, puisque 360 nouveaux véhicules les équiperont. Enfin, 1 600 nouvelles motos, moitié pour la police, moitié pour la gendarmerie, seront également commandées.

Au total, en intégrant l’année dernière, 70 % du parc automobile de la police et de la gendarmerie nationales sera renouvelé, alors qu’auparavant, un véhicule n’était changé que tous les neuf ans. Les crédits que vous allez voter vont donc permettre une transformation radicale des moyens de ces forces.

La nouvelle tenue des policiers, dont le dessin a été confié à des écoles de mode et n’a rien coûté à l’État, a été présentée – je remercie notamment celle de Bordeaux dont le projet a été sélectionné. Elle permettra de leur fournir 250 000 polos, désormais confectionnés en France – et non plus à Madagascar. Ce sera le cas à 100 % en 2023.

Je me dois également d’évoquer le budget consacré aux matériels, et notamment la numérisation du ministère de l’Intérieur, qui permettra de mettre en œuvre le passage de la préplainte à la plainte en ligne et de mieux équiper les policiers et les gendarmes pour accompagner la simplification de la procédure judiciaire.

L’année prochaine, 26 000 écrans doubles seront achetés pour équiper l’intégralité des commissariats et des brigades de gendarmerie, ainsi que 234 000 smartphones et tablettes, dits nouvel équipement opérationnel (NEO), et un certain nombre de terminaux Ubiquiti permettant le dépôt de plainte à domicile – 3 100 gendarmes en seront notamment équipés.

Parmi les grands chantiers numériques, le réseau radio du futur permettra au policier, à la veille des Jeux olympiques, de ne plus utiliser qu’un seul outil : le smartphone multiservice.

Nous allons également intervenir sur le parc immobilier de notre ministère, et donc changer radicalement la vie de 700 brigades de gendarmerie et d’unités de police. Nous lancerons par exemple un énième plan Poignées de portes, à hauteur de 50 millions d’euros, qui permettra aux commissaires et aux commandants de groupement de décider des travaux à faire.

Enfin, des crédits seront mobilisés en faveur des hôtels de police de Nice et de Marseille, de l’extension du site d’Interpol à Lyon que pour l’instant l’État prend intégralement en charge, de la reconstruction de la caserne de gendarmerie de Saint-Martin-Vésubie, de la caserne de gendarmerie de Balma à Toulouse et d’un certain nombre de commissariats comme celui de Valenciennes.

S’agissant de la sécurité civile, je veux rappeler les moyens extrêmement importants que nous lui avons consacrés – 54 millions d’euros supplémentaires. Les commandes d’avions et d’hélicoptères – portant notamment sur deux H145-D3 – passées lors des années précédentes se concrétiseront. Ce sera également le cas des six nouveaux hélicoptères Dash commandés en 2019, trois ayant d’ores et déjà été livrés. La modernisation des matériels terrestres des formations militaires de la sécurité civile (FORMISC) bénéficiera, elle, de 13 millions d’euros de crédits.

Je rappelle que nous avons connu l’été dernier l’incendie le plus important depuis 1990 : 7 000 hectares de végétation ont été détruits dans le Var autour de Gonfaron. Les forces de sécurité civile ont dû intervenir plusieurs jours durant dans des conditions extrêmement difficiles. Nous devons donc protéger notre système de sécurité civile dont l’efficacité est remarquable.

C’est d’ailleurs ce que vous avez fait en adoptant la proposition de loi de Fabien Matras, et ce que nous faisons en aidant les effectifs de la sécurité civile, et notamment les courageux pilotes et mécaniciens opérateurs de bord (MOB) – l’un d’entre eux a récemment encore trouvé la mort lors d’une intervention en Isère. Nous avons accédé à leurs demandes en matière de rémunération.

Nous avons également consacré des crédits à la modernisation des systèmes d’alerte de sécurité civile, à la suite notamment de l’incendie de l’usine Lubrizol : ils utilisent désormais les smartphones.

Je ne veux pas oublier la sécurité routière : d’importants crédits sont destinés cette année à l’achat de kits de détection de stupéfiants, la consommation de cannabis, notamment, étant de plus en plus responsable d’accidents sur la route et de morts.

Nous avons également étendu la plateforme Rendez-vous permis, qui permet de réserver en ligne des places d’examen, et amplifié le système de mise à disposition des agents de La Poste pour réduire les délais de passage.

Les crédits de la mission « Sécurités » augmentent de façon considérable, surtout s’agissant du matériel. Elle permettra à la police et à la gendarmerie de continuer leur grande transformation dont vous voyez les résultats tous les jours.

M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Nous sommes réunis afin d’examiner pour avis les crédits de la mission « Sécurités », et plus précisément ceux des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022.

Le dernier projet de loi de finances de la législature s’inscrit cette année dans un contexte particulier : le Beauvau de la sécurité, ouvert en janvier 2021, a été clôturé par le Président de la République en septembre dernier. L’organisation de ces états généraux a permis de mettre en lumière le dévouement de l’ensemble des forces de l’ordre, dont les missions au service de nos compatriotes se situent au cœur de notre pacte républicain. Ce moment d’échanges et de rencontres a aussi été l’occasion d’objectiver les multiples difficultés auxquelles ces femmes et ces hommes sont confrontés au quotidien.

Je veux ici saluer le travail accompli par les 250 000 policiers et gendarmes qui représentent collectivement notre « force publique instituée pour l’avantage de tous » selon les mots de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Cette force publique nécessite bien sûr des moyens. Depuis 2017, le Gouvernement et notre majorité ont fait le choix de les augmenter année après année, face à la réalité des besoins et aux demandes légitimes exprimées par nos concitoyens. Ainsi, entre 2017 et 2022, les crédits de la police et de la gendarmerie auront bénéficié d’une hausse globale de près de trois milliards d’euros, soit une croissance d’environ 14 % sur l’ensemble du quinquennat.

Le projet de loi de finances pour 2022 accentue considérablement cette trajectoire : en crédits de paiement, c’est plus d’un milliard d’euros supplémentaire qui sera engagé par l’Etat dès l’année prochaine, en intégrant les dotations prévues au titre du Plan de relance.

La traduction budgétaire de cet engagement en faveur de la sécurité se décline à tous les niveaux.

Au niveau humain, d’abord, grâce au recrutement de 761 policiers et 185 gendarmes supplémentaires, dans le cadre du plan de création de 10 000 emplois à l’horizon 2022. La progression des effectifs est une condition sine qua non du renforcement de la présence des « bleus » sur le terrain, au contact direct de la population.

Au niveau matériel, ensuite, grâce au renouvellement des équipements dont disposent les forces de l’ordre, qu’il s’agisse de leurs véhicules d’intervention, des outils technologiques qu’ils peuvent ou pourront bientôt utiliser afin d’accomplir leurs tâches – je pense ici aux caméras-piétons, aux caméras embarquées ou aux drones – et de la rénovation, essentielle, des systèmes d’information et de communication.

Au niveau immobilier, enfin, grâce à la mise en œuvre de projets immobiliers d’envergure : il s’agit de poursuivre la réhabilitation des commissariats et des casernes pour améliorer concrètement les conditions de travail des agents.

Si elle est bien entendu capitale, la traduction budgétaire des réformes qu’il convient de mener n’est pas suffisante. L’action réformatrice du Gouvernement et du Parlement depuis le début de la législature a nécessité une adaptation et un renforcement constant du cadre légal et réglementaire dans lequel évoluent nos forces de l’ordre.

Les lois adoptées depuis 2017, souvent d’ailleurs à l’initiative de parlementaires issus de la majorité – je pense plus particulièrement à la loi dite « sécurité globale » du 25 mai 2021 à la suite des travaux menés par nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, ou de la loi du 3 août 2018 consécutive au rapport remis par notre collègue Natalia Pouzyreff – ont donné à la police et à la gendarmerie de nouveaux moyens juridiques pour lutter efficacement contre la délinquance et la criminalité.

La recherche d’un équilibre optimal entre efficacité opérationnelle et protection des libertés fondamentales est évidemment complexe. C’est l’honneur, mais aussi le devoir du législateur que de définir les règles applicables en la matière, en évitant les deux écueils que représentent, d’une part, la surenchère et, d’autre part, le déni de réalité. Le Parlement y est notamment parvenu dans le domaine sensible de la lutte contre le terrorisme grâce à la loi du 30 juillet dernier.

Ce travail législatif de longue haleine se poursuit jusqu’à la fin de la législature, comme en témoigne le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure adopté en première lecture par notre assemblée le mois dernier.

Il aboutira aussi, je l’espère, à une grande loi d’orientation dès l’année prochaine, ce qui permettra de tracer des perspectives d’avenir à la suite des orientations définies par le Beauvau de la sécurité.

Le renforcement des moyens humains et technologiques, la meilleure prise en charge des victimes et la simplification de la procédure pénale constituent les principales pistes d’amélioration que nous devons explorer afin d’adapter la police et la gendarmerie aux enjeux de la sécurité à l’horizon 2030.

La transformation à venir de la réserve civile de la police nationale en véritable réserve opérationnelle, ainsi que le développement des formations initiale et continue des membres des forces de l’ordre, représentent des réponses indispensables aux défis auxquels nous devons répondre.

Je conclus en évoquant le sujet thématique que j’ai choisi d’aborder cette année en tant que rapporteur pour avis de notre commission : l’activité des forces d’intervention spécialisée de la police et de la gendarmerie.

L’action du RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion), de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) et du groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est à la fois médiatisée lors des crises d’ampleur nationale – le procès des attentats du 13 novembre 2015 nous le rappelle – mais paradoxalement relativement méconnue le reste du temps.

J’ai eu le privilège de rencontrer chacune de leurs unités, à Bièvres pour le RAID, à la préfecture de police de Paris pour la BRI, et encore ce matin même à Versailles s’agissant du GIGN.

La sensibilité extrême mais aussi la diversité des missions qui leur incombent impliquent des qualités physiques et morales hors du commun, que ce soit à l’épreuve de preneurs d’otages, de terroristes ou plus quotidiennement de forcenés.

Je tiens ici à leur rendre l’hommage qu’ils méritent et à leur témoigner la reconnaissance sincère de la Représentation nationale.

Monsieur le ministre, l’amélioration constante de leur fonctionnement, de leur capacité de projection et de leur interopérabilité est une garantie de la réussite de leurs interventions, cinq après la mise en œuvre du schéma national défini par votre prédécesseur Bernard Cazeneuve.

J’ai notamment été sensibilisé à certaines problématiques logistiques récurrentes, à l’image de la rigidité des règles de la commande publique en matière d’approvisionnement de matériels de haute technologie.

Je me permets donc d’appeler votre attention sur ces questions qui, si elles peuvent apparaître subsidiaires peuvent aussi, hélas, si elles ne sont pas traitées, entraîner des dysfonctionnements majeurs qu’il convient donc d’anticiper.

M. Mansour Kamardine, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Les crédits demandés pour 2022 au titre du programme « Sécurité civile », d’un montant de 568,6 millions d’euros, sont en hausse de 9,6 % par rapport au précédent exercice. En tenant compte des perspectives d’inflation pour l’année prochaine de 1,5 %, le montant des crédits du programme augmente en réalité d’environ 8 %.

Au sein de ce programme, l’action 12 – Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux bénéficie de la dotation la plus importante, correspondant à 66,5 % des crédits du programme. Elle regroupe les moyens nationaux que l’État met à la disposition de la population, au quotidien ou lors de catastrophes naturelles ou technologiques. Cette dotation est en augmentation de plus de 10 %, principalement du fait du coût élevé de la dépense liée à la maintenance des aéronefs.

Si sur l’ensemble de la législature, les crédits de paiement consacrés au programme ont augmenté de 6,8 %, cette progression est beaucoup plus modeste en euros constants : une fois corrigée de l’inflation, elle n’est que de 1 % environ. C’est peu, notamment quand on sait qu’une part significative des crédits de paiement hors titre 2 – soit plus de 47,3 % – concerne la maintenance, l’équipement, la modernisation et le carburant des aéronefs, ainsi que l’acquisition de nouveaux avions et la location d’hélicoptères.

Les crédits du programme « Sécurité civile » représentent finalement une proportion faible, de l’ordre de 7 %, de l’ensemble des crédits consacrés à la sécurité civile dans notre pays, dont le montant s’élève à environ 6,5 milliards d’euros. L’État contribue au tiers de ce montant par l’intermédiaire des crédits inscrits dans plusieurs autres programmes du budget général et de la fiscalité transférée aux collectivités territoriales. Le reste est assumé par ces mêmes collectivités.

Pour vous donner un ordre d’idée, la sécurité civile coûte à chaque Français moins d’une centaine d’euros par an, pour un service indispensable et d’une grande qualité, assuré par des femmes et des hommes auxquels je souhaite rendre un hommage appuyé.

Ayant pour la première fois l’honneur d’être rapporteur pour avis du programme « Sécurité civile », j’ai choisi de m’intéresser à la préparation des pouvoirs publics et en particulier de la sécurité civile pour faire face aux risques naturels dans les territoires ultramarins.

Les territoires ultramarins sont exposés à de nombreux aléas, qui peuvent être telluriques – volcanisme, séismes, mouvements de terrain et tsunamis – ou climatiques – cyclones, inondations par submersion marine ou événements pluvieux extrêmes. Ces risques sont détaillés dans l’avis budgétaire : pour ne prendre qu’un seul exemple, la collectivité dont je suis originaire, Mayotte, connaît un épisode sismo-tellurique inédit dans son histoire contemporaine.

En mai 2019, un nouvel édifice volcanique actif à 3 300 mètres de profondeur a en effet été découvert, à seulement cinquante kilomètres au large des côtes de Petite-Terre : il s’agit à la fois de la plus importante éruption volcanique connue depuis 1783 et de la première éruption sous-marine au monde à pouvoir être observée.

La création de ce volcan s’est accompagnée de séismes très réguliers, voire quotidiens, entre mai et juin 2018, qui ont été ressentis par les habitants et ont suscité une légitime inquiétude, d’autant que la population mahoraise est particulièrement fragile pour faire face à ces risques. Selon les données communiquées par la préfecture de Mayotte, 92 % de la population est concernée par un aléa, tous niveaux confondus, et près de la moitié de la population par un aléa fort.

En outre, la grande variété des phénomènes naturels se conjugue avec une très forte densité de population marquée par la pauvreté, 77 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté.

Pour faire face à ces risques, l’État a notamment établi des plans de prévention des risques naturels, déclinés dans les territoires ultramarins en fonction de leurs spécificités, ainsi qu’une réglementation particulière en matière de construction et d’urbanisme.

Malgré cela, les auditions menées dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire ont permis de soulever plusieurs difficultés concernant la sécurité civile dans ces collectivités.

Tout d’abord, les infrastructures dont sont dotés les territoires ultramarins ne paraissent pas suffisamment résilientes en cas de survenance d’un événement climatique majeur. À Mayotte, l’aéroport et certains axes routiers, déjà saturés en temps normal, deviendraient tout à fait inutilisables, et l’accès à l’eau potable serait brutalement rompu dans l’ensemble du département. D’après les responsables du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Mayotte, que j’ai auditionnés, les communications seraient difficiles, voire impossibles. Monsieur le ministre, l’État va-t-il mobiliser des moyens pour renforcer la résilience de nos infrastructures et inciter les collectivités à déployer un dispositif de communication satellitaire, certes coûteux mais nécessaire ?

En outre, certains territoires ultramarins, heureusement protégés depuis longtemps contre une catastrophe climatique, n’ont cependant pas une culture du risque suffisante pour faire face à un événement extrême. Tel n’est pas le cas aux Antilles, où une initiative intéressante, la « journée japonaise », permet à l’ensemble de la société de consacrer un jour par an à des exercices de prévention des risques telluriques, sous l’égide de la préfecture. Il ressort des auditions que j’ai menées que de telles initiatives devraient être généralisées, les exercices actuellement prévus demeurant insuffisants dans certains territoires. Ce type de mesure retient-il votre attention, monsieur le ministre ? Le cas échéant, quel rôle les préfectures et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises pourraient-elles jouer dans cette généralisation de la culture du risque ?

Par ailleurs, les territoires ultramarins sont confrontés à un phénomène d’usure accélérée des véhicules. Par exemple, un véhicule qui pourrait être utilisé pendant vingt ans en métropole ne peut l’être que pendant douze ans à Mayotte. L’allocation de moyens supplémentaires pourrait-elle être envisagée afin de soutenir les collectivités dans leur effort d’investissement ?

Enfin, je sais qu’une réflexion est en cours concernant les moyens de la sécurité civile outre-mer, la crise sanitaire ayant montré les limites de ses moyens et la nécessité d’envoyer des renforts dans certaines collectivités. Pour ne parler que des effectifs, selon le directeur du SDIS de Mayotte, il faudrait plusieurs dizaines de sapeurs-pompiers supplémentaires pour répondre aux demandes d’intervention en augmentation constante. Pourriez-vous nous indiquer le calendrier de cette consultation ainsi que ses premières conclusions ?

M. Jean-Michel Fauvergue. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir apporté des éléments d’éclairage pour l’examen des crédits de la mission « Sécurités ». Vous avez consacré une partie importante de votre propos aux forces de sécurité intérieure.

Depuis le début du quinquennat, les moyens consacrés à la police et à la gendarmerie ont augmenté de manière inédite. Dans un premier temps, il s’est agi de rattraper un retard qui s’était accumulé au cours des décennies précédentes. L’effort a été fait. Désormais, le mouvement se poursuit, dans l’objectif de moderniser plus encore nos forces de sécurité, de répondre aux défis d’aujourd’hui et de nous préparer aux grands défis de demain.

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, on constate traditionnellement que la rémunération des personnels et les mesures catégorielles représentent une large part des budgets alloués à la police et à la gendarmerie. Des améliorations ont été apportées pour que ceux qui nous protègent soient mieux considérés du point de vue pécuniaire et dans le déroulement de leur carrière. Depuis 2018, l’accent est mis en outre sur les moyens et les matériels nécessaires à la réalisation des missions, ce qui était attendu depuis longtemps.

Je tiens à souligner l’importance du plan de rénovation des commissariats et des casernes, de même que celle du renouvellement des véhicules, les conditions de travail jouant un rôle prépondérant dans le maintien des vocations. Cette préoccupation a été maintes fois rappelée lors de débats dans notre assemblée et d’auditions devant notre commission ainsi que dans plusieurs ateliers du Beauvau de la sécurité – je vous remercie de nouveau de m’avoir permis d’y participer, monsieur le ministre.

Il a aussi beaucoup été question de formation, qu’elle soit initiale ou continue. Le Président de la République a d’ailleurs insisté sur ce point lorsqu’il a conclu les travaux du Beauvau de la sécurité, à Roubaix, à la fin du mois de septembre. Du point de vue budgétaire, quelles seront les suites concrètes du Beauvau ? D’une part, comment allez-vous articuler dans le temps les importants budgets débloqués et quelles seront les orientations retenues, s’agissant notamment des matériels ? D’autre part, quelle part sera consacrée aux formations, dont je souligne à nouveau l’importance ?

La loi pour une sécurité globale envisageait, dans son article 1er, une vaste expérimentation permettant aux polices municipales de recourir aux amendes délictuelles forfaitaires dans un certain nombre de domaines. Le Président de la République a réitéré ce souhait lors de la clôture du Beauvau. Cette expérimentation réapparaîtra-t-elle dans la future LOPPSI ? Si tel est le cas, de quelle manière sera-t-elle financée ? Bien entendu, les observations du Conseil constitutionnel devront être respectées. À cet égard, pourquoi ne pas détacher dans les polices municipales des officiers de police judiciaire (OPJ) qui feraient le lien avec les magistrats du parquet ?

La sécurité des Français doit être assurée au quotidien et en tout lieu. Nous devons être en mesure de déployer des forces de sécurité partout où c’est nécessaire sur le territoire, pour tout type d’activité. Pouvez-vous nous faire part de vos idées pour fidéliser les policiers dans les secteurs difficiles ?

Mme Emmanuelle Anthoine. La sécurité est au cœur des préoccupations des Français, après plusieurs années marquées par des attaques terroristes aussi odieuses qu’effroyables. Le défi migratoire, la délinquance, qui affecte l’ensemble du territoire, et les incivilités du quotidien, devenues insupportables, appellent des réponses de la part des pouvoirs publics. Pour lutter efficacement contre l’insécurité qui préoccupe nos concitoyens, il faut des moyens. C’est l’objet des crédits que nous examinons.

Permettez-moi d’abord de constater que la promesse présidentielle en matière de recrutement n’a été que très partiellement tenue : l’objectif de 10 000 postes de policiers et de gendarmes créés au cours du quinquennat n’est pas atteint, puisqu’on dénombre seulement un peu plus de 8 500 postes supplémentaires sur cinq ans. Si l’on additionne les 6 133 créations de postes recensées dans les rapports annuels de performances de 2018 à 2020 aux 1 462 prévues en loi de finances initiale pour 2021 et aux 946 inscrites dans le projet annuel de performances pour 2022, on en arrive en effet à un total de 8 541 postes.

Si nous saluons ces recrutements au sein des forces de sécurité intérieure, nous ne pouvons que déplorer leur insuffisance. En effet, le besoin de sécurité des Français augmente en même temps que l’on observe une hausse de la violence dans notre pays. Les statistiques publiques sur l’insécurité et la délinquance publiées dans Interstats par le ministère de l’Intérieur parlent d’elle-même : si l’on compare les neuf premiers mois de l’année 2021 aux neuf premiers mois de 2017, on observe que les homicides sont en hausse de 13 %, les coups et blessures volontaires, de 31 %, et les violences sexuelles, de 83 %. Dire que le bilan de votre ministère est mauvais en la matière relèverait de l’euphémisme, monsieur le ministre.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que saluer les augmentations de moyens récemment décidées en faveur de nos forces de l’ordre ; elles sont appréciables et seront appréciées. Les décisions qui font suite aux Beauvau de la sécurité sont d’autant plus bienvenues qu’elles étaient attendues depuis longtemps.

Néanmoins, on ne peut que s’interroger sur cette attention soudaine portée à ceux qui œuvrent au quotidien pour notre sécurité, à quelques mois seulement d’une échéance électorale majeure. Ne nous y trompons pas, cet effort en faveur des forces de sécurité intérieure est trop tardif. Les statistiques que je viens d’évoquer en témoignent : il eût été nécessaire d’agir plus tôt pour enrayer une tendance inquiétante.

Nous attendions avec impatience un projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure qui n’est jamais venu en discussion. Vous le présenterez opportunément à la veille des prochaines élections, mais il ne pourra pas être inscrit à l’ordre du jour parlementaire et ne trouvera donc pas de concrétisation immédiate. Ce ne seront que des annonces, qu’il faudra considérer comme telles.

Mme Isabelle Florennes. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la présentation de ces crédits fait suite au Beauvau de la sécurité ; le contexte n’est pas anodin. Ainsi, la hausse significative des crédits alloués à la mission « Sécurités » doit permettre la mise en œuvre opérationnelle des mesures décidées dans le cadre du Beauvau. Ces mesures étaient attendues, notamment celles qui concernent la formation au maintien de l’ordre et celles qui tendent à simplifier la conduite des enquêtes. Le groupe Democrates et apparentés en est convaincu, elles vont toutes dans le bon sens.

Le Gouvernement a maintenu ses efforts et tenu ses engagements tout au long du quinquennat. Les crédits de la mission n’ont pas connu de baisse, ce qui nous semble primordial dans le contexte que nous avons connu et que nous connaissons : terrorisme, mobilisations nombreuses et violentes, crise sanitaire.

J’en viens aux quelques points qui ont retenu notre attention.

Nous notons et saluons l’intention du Gouvernement de poursuivre les mesures sociales en faveur des gendarmes et des policiers. Les 7 millions d’euros supplémentaires que vous avez évoqués permettront de mieux accompagner les forces de l’ordre dans leur évolution, tant professionnelle que personnelle. Les mesures porteront sur les carrières, mais aussi sur le logement, question importante pour les agents de votre ministère, notamment en région parisienne, où il y a un véritable problème.

À l’instar des collègues qui se sont exprimés, nous saluons le renforcement des moyens humains. La création de 761 nouveaux emplois dans la police nationale est une excellente chose, même si l’on reste malheureusement encore loin des objectifs du « plan des 10 000 ». Nous nous réjouissons également du renforcement significatif des effectifs de la direction générale de la sécurité intérieure, de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris, de la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité et du service national des enquêtes administratives et de sécurité (SNEAS), lequel joue un rôle primordial dans la lutte que nous menons contre les séparatismes.

S’agissant des moyens matériels, un réel effort est engagé pour répondre aux besoins exprimés par les forces de l’ordre. À cet égard, je me dois de signaler l’enveloppe consacrée à l’acquisition de véhicules. Le cahier des charges permettra-t-il aux constructeurs français d’avoir des chances d’être choisis ?

Le mois dernier, mes collègues Natalia Pouzyreff et Robin Reda ont remis un rapport d’évaluation de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les rodéos motorisés. Je n’ai rien vu de spécifique à ce sujet dans les documents budgétaires. Pourriez-vous m’éclairer sur les mesures prises en la matière ?

Mme Marietta Karamanli. Le projet de loi de finances pour 2022 marque une évolution positive des crédits affectés à la sécurité de nos concitoyens. Les crédits de paiement du programme 176 « Police nationale » et du programme 152 « Gendarmerie nationale » augmenteront respectivement de 4,33 % et de 3,5 %.

Néanmoins, cette augmentation doit être quelque peu relativisée au regard de plusieurs éléments. D’une part, l’inflation, estimée à 1,5 % ou un peu plus en 2021 et à 1,2 % en 2022, épuisera mécaniquement une part de l’évolution. D’autre part, les dépenses de personnel, qui représentent 89 % de l’ensemble des crédits du programme 176 et 84 % de ceux du programme 152, augmenteront respectivement de 1,64 % et de 1,08 %.

Mes questions portent sur l’évolution des effectifs en équivalents temps plein travaillés (ETPT) présentée dans le projet annuel de performances. Vous avez mis l’accent, monsieur le ministre, sur l’augmentation des moyens matériels. Or, en face de ces moyens, nous avons besoin d’hommes et de femmes, d’où mon insistance sur les effectifs. Si l’évolution en la matière est globalement positive, les organisations syndicales évoquent un objectif de rattrapage.

M. Gérald Darmanin, ministre. Ça, c’est sûr !

Mme Marietta Karamanli. Qui plus est, on ignore quelles seront les missions exercées. Une part importante des créations de postes concernerait les fonctions support. Ces agents seront certainement utiles, mais n’assureront pas de présence sur la voie publique. Vous avez pourtant souligné vous-même l’importance d’une présence dissuasive, là où la population le souhaite. On ne connaît pas non plus la nature des emplois créés : s’agira-t-il de postes statutaires, occupés par des agents formés et exerçant à temps plein ? Ou bien les postes relèveront-ils d’autres catégories, comme les policiers adjoints ou les cadets ? Enfin, rien n’est dit sur les vacances de postes à l’échelle nationale, alors que ce phénomène a été constaté dans plusieurs départements. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ces différents points, soit aujourd’hui même, soit dans les jours qui viennent par l’intermédiaire de vos services ?

Par ailleurs, si l’on recoupe l’évolution des postes avec les actions et sous-actions de chaque programme, il est difficile de se faire une idée des affectations prioritaires. Pouvez-vous nous donner le nombre de postes par action, à savoir, pour le programme 176, Ordre public et protection de la souveraineté, Sécurité et paix publiques, Sécurité routière et Police des étrangers et sûreté des transports internationaux ?

De même, il est difficile d’interpréter l’évolution des indicateurs de performance. Il est indiqué, par exemple, que le nombre d’heures de patrouilles effectuées par la police nationale sur la voie publique a augmenté de plus de 6 % en 2020 par rapport à 2019. Or on sait qu’en 2020, le premier confinement a donné lieu à un renforcement des contrôles sur la voie publique. S’agissant des indicateurs, aucune précision n’est donnée, ni aucune tendance, sauf à la hausse.

Le groupe Socialistes et apparentés vous serait reconnaissant de vos réponses, monsieur le ministre, en vue de l’examen des crédits en séance publique, dans deux semaines.

M. Christophe Euzet. Le groupe Agir ensemble envisage le budget de la mission « Sécurités » avec beaucoup de bienveillance, car il tend à rendre opérationnelles les décisions du Beauvau de la sécurité et nous permet, dans l’attente de la LOPPSI, de nous projeter vers ce que seront les forces de sécurité intérieure à l’horizon 2030. Surtout, il nous semble avoir pris la mesure des problèmes de sécurité auxquels sont confrontés nos concitoyens – vous avez évoqué en détail leur augmentation, monsieur le ministre.

D’une manière générale, nous nous félicitons de l’augmentation substantielle des crédits. Qui plus est, l’accent est mis sur certains points que nous considérons comme essentiels : la numérisation, les investissements massifs en matériel, les investissements immobiliers, la réalisation du « plan des 10 000 » dans la police et la gendarmerie. Sont également importantes, à nos yeux, les mesures sociales – notamment en matière de logement –, la mobilisation contre les suicides et l’amélioration de la formation – celle des gardiens de la paix en école sera portée à douze mois. Une sécurité de haut niveau suppose en effet une formation de haut niveau.

Le Président de la République avait annoncé la création d’un centre de formation au maintien de l’ordre pour les policiers. Y a-t-il une traduction de cette annonce dans le budget que vous nous soumettez, monsieur le ministre ?

M. Jean-Félix Acquaviva. Le groupe Libertés et Territoires salue à son tour la hausse des crédits consacrés aux moyens matériels des forces de sécurité. Celles-ci travaillent souvent, nous le savons, dans des conditions déplorables, avec du matériel hors d’âge ou des voitures défectueuses. Nous nous réjouissons en outre du déploiement des nouvelles caméras-piétons pour assurer la tranquillité des relations entre les agents et les citoyens. À l’inverse, le développement des drones à usage de surveillance de la population nous semble hautement problématique au regard des atteintes à la vie privée. Nous avons déjà exprimé cette position à de nombreuses reprises, notamment lors de l’examen de la proposition de loi pour une sécurité globale et, plus récemment, lors de la discussion du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Ce projet de loi de finances annonce une montée en puissance de la réserve opérationnelle de la gendarmerie, l’objectif étant un effectif de 50 000 réservistes en 2024. Néanmoins, il ne faudrait pas que les forces de sécurité reposent sur les réservistes au détriment des forces professionnelles. De plus, il est légitime de s’interroger sur la qualité de la formation des réservistes, sachant qu’ils pourront porter une arme lors de certaines interventions.

Nous notons avec intérêt le début d’une politique de mobilisation contre les suicides, afin de tenir compte des difficultés psychologiques que peuvent rencontrer les forces de l’ordre. À cet égard, la généralisation du port d’arme hors service, encouragée par le Gouvernement pour lutter contre la menace terroriste, suscite des interrogations, car c’est très souvent avec son arme que l’agent porte atteinte à sa vie.

J’en viens à la gratuité des billets de train pour les policiers hors service. N’est-ce pas une mesure quelque peu démagogique et, au fond, dangereuse, à quelques mois des élections ? N’ouvre-t-on pas la boîte de Pandore ? Les soignants ne devraient-ils pas eux aussi bénéficier de la gratuité dans la mesure où ils peuvent intervenir pour secourir une personne ? À notre sens, il aurait été plus judicieux de renforcer sensiblement la présence des policiers dans les transports, sur leur temps de travail.

À l’instar de plusieurs collègues, nous vous avions alerté sur les difficultés rencontrées par les victimes d’agression sexuelle ou de viol lorsqu’elles déposent une plainte dans les commissariats. Vous aviez répondu que leur accueil s’était sensiblement amélioré. C’est exact, mais nous avons recueilli plusieurs témoignages en sens contraire. Ainsi, une manifestation a eu lieu très récemment devant le commissariat de Montpellier pour dénoncer une prise en charge inadaptée des personnes déposant plainte pour violences sexuelles.

De nombreux députés de notre groupe sont opposés au « tout-sécuritaire » pour lutter contre le trafic de stupéfiants. La France mène en la matière une des politiques les plus restrictives et elle est, en même temps, le premier pays consommateur d’Europe. Peut-être est-il temps de réfléchir tous ensemble à ce paradoxe, tout en combattant inlassablement, bien entendu, les trafiquants qui détruisent la vie de nos enfants en détresse.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Un réel effort budgétaire est réalisé pour la sécurité civile. Sur les six bombardiers d’eau Dash en cours d’acquisition, deux seront livrés prochainement, de même que deux hélicoptères H145D3.

Je salue en outre l’effort réalisé par la sécurité civile en matière de mutualisation des hélicoptères. La Lozère a bénéficié de la présence de deux hélicoptères en juillet et août derniers, grâce notamment à l’action du directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, M. Thirion. Je sais les difficultés que vous avez rencontrées, l’objectif étant de passer de trente-quatre à trente-huit hélicoptères. Pouvez-vous nous préciser de quelle manière a évolué la doctrine s’agissant des Canadair et des Tracker ?

La mutualisation des hélicoptères « blancs » et « rouges » entre les services de santé et le ministère de l’Intérieur pose souvent des difficultés. Nous avons tous voté la proposition de loi de Fabien Matras, que vous avez saluée. Nous aurons l’occasion d’en reparler, car j’en suis le rapporteur d’application. J’insiste sur la nécessité de pérenniser le budget de l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) et signale que le statut de l’école pose quelques problèmes.

Cette semaine se tient le congrès national des sapeurs-pompiers de France, où j’aurai le plaisir de vous retrouver. Je reviens une nouvelle fois sur le soutien financier qu’il conviendrait d’accorder aux employeurs pour faciliter le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires (SPV). Le Sénat avait adopté une disposition en ce sens. Peut-on espérer une avancée en la matière ?

M. Ugo Bernalicis. Le budget de la mission « Sécurités » appelle de nombreuses remarques. J’évoquerai tout d’abord la formation. Dans son discours, le Président de la République a clairement souhaité que tous les policiers suivent la formation d’OPJ. Tous ne réussiront peut-être pas l’examen, a-t-il précisé, mais tous auront suivi la formation. Or, à ma connaissance, les policiers sont déjà formés à la procédure pénale, même s’ils n’ont pas tous la qualification d’OPJ. Surtout, avec cette formation supplémentaire de quatre mois, vous allez porter la formation initiale à douze mois, mais sans construire de nouvelles structures – il n’en est toujours pas question dans ce budget ; la formation continuera à se faire dans les mêmes écoles de police. Dès lors, vous serez peut-être amenés à moins recruter, ce qui n’est guère opportun au regard de la pyramide des âges dans la police.

Qui plus est, vous nous avez fait voter, tout au moins en première lecture, la création d’une réserve opérationnelle. Selon l’étude d’impact, il y a aura dès l’année prochaine un effectif de 2 000 à 3 000 réservistes. Mais où donc allez-vous les former ? Et à quel moment ? Entre deux promotions de gardiens de la paix en formation initiale ? J’appelle votre attention sur une incohérence : vous tenez un discours très ambitieux sur la formation initiale et continue, mais cela ne se traduira pas par une hausse sensible des crédits consacrés à la formation, ni par la construction de nouvelles structures. Autrement dit, vous voulez recruter davantage de personnes, mais il n’y a pas assez de moyens pour assurer leur formation – on retombe sur le problème que vous avez évoqué : trop de titre 2, pas assez de hors titre 2. Nous déposerons des amendements à ce sujet pour la séance publique, n’ayant pas eu le temps de le faire pour l’examen en commission.

J’en viens aux dépenses de fonctionnement. Vous allez consacrer 20 à 30 millions d’euros à l’équipement des policiers et des gendarmes en caméras-piétons. En la matière, il n’est pas évident de s’y retrouver : nous ne disposons pas de chiffre précis en ce qui concerne la police ; une partie des crédits proviendra du budget de la mission, une autre du plan de relance. En tout cas, il s’agira d’un coût substantiel, d’autant qu’il faudra racheter régulièrement des caméras. Lorsque l’on compare ce montant avec le million d’euros prévu pour la prévention des suicides, on se dit que l’allocation des crédits pourrait être meilleure. Il y a toujours des policiers et des gendarmes qui mettent fin à leurs jours, et la prévention des suicides devrait être une politique publique prioritaire. Elle serait d’ailleurs plus efficace si l’on mettait un terme à la politique du chiffre – ce qui ne se fera que si nous prenons votre place en 2022 !

Plusieurs collègues ont dénoncé, parfois publiquement, l’idée de rendre les billets de train gratuits pour les policiers. Selon vous, un policier est policier vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par conséquent, il doit pouvoir garder son arme hors service – on ne sait jamais, s’il arrive quelque chose… Dès lors, quand il prend le train, il est un peu en service ; il vaudrait donc mieux que le train soit gratuit pour lui. C’est une fuite en avant : les policiers finiront effectivement par être policiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais sans être payés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, bien évidemment.

À des sujétions correspondent en principe des contreparties. Ainsi en est-il pour les militaires, qui ont une carrière particulière : ils peuvent notamment partir en retraite plus tôt que les policiers. La contrepartie prévue ici, à savoir la gratuité des billets de train, est assez démagogique. Si un policier prend le train avec sa famille et veut bénéficier de la gratuité – car les billets ne sont pas donnés ! –, il devra donc voyager en famille tout en gardant son arme de service ? On va créer des situations un peu étranges…

S’agissant de la sécurité civile, nous relevons une stagnation des crédits affectés à la prévention des feux de forêt et une baisse des moyens alloués à l’achat de produits retardants. Or, nous en avons eu la démonstration en 2021, les feux de forêt se multiplient et touchent des zones de plus en plus vastes, sachant que les choses ne vont pas s’améliorer, compte tenu du changement climatique. Ne faudrait-il pas faire un effort budgétaire en matière de prévention, plutôt que de subir la situation ?

Concernant la lutte contre le trafic de stupéfiants, je partage l’analyse de notre collègue Acquaviva : vous dépensez beaucoup, pour des résultats assez médiocres au regard des objectifs que vous avez vous-mêmes fixés. Peut-être serait-il temps d’allouer les moyens de manière différente.

Mme Marie-George Buffet. Vivre en sécurité doit être un droit pour chacun. Cela suppose de la prévention, de l’éducation, parfois aussi de l’aide à la parentalité, mais aussi des forces de l’ordre en mesure de protéger nos compatriotes. Vous annoncez une progression importante des moyens, que l’on ne peut que saluer car ils faisaient défaut – je pense notamment aux véhicules, qui étaient très anciens. Nous avons quand même une réserve s’agissant des drones, dont la loi pour une sécurité globale facilite l’emploi, alors qu’ils représentent une menace pour la vie privée et l’action collective.

La question des moyens est importante, mais celle des effectifs l’est tout autant. L’appel à une réserve opérationnelle me pose problème. Quels seront les moyens alloués à la formation des réservistes, pour faire en sorte qu’ils se comportent de manière responsable et qu’ils aident vraiment les forces de l’ordre ? S’agissant de la future loi de programmation, dix ans après la dernière, quels objectifs vous donnez-vous en termes d’effectifs pour les dix ans à venir ?

En ce qui concerne l’action sociale, je me félicite que l’on parle enfin de l’état parfois désastreux des casernes de gendarmerie, où vivent non seulement les gendarmes mais aussi leurs familles. Mettre les moyens nécessaires pour qu’ils puissent vivre dans de bonnes conditions me semble être une urgence absolue. Il en va de même, bien sûr, pour l’entretien des commissariats.

Se pose aussi la question du logement des policiers. On voit bien, en Seine-Saint-Denis, qu’il importe de faciliter l’accès des jeunes policiers à un logement si l’on veut qu’ils aient envie de poursuivre leur action dans certaines zones de ce département où le métier est peut-être plus difficile qu’ailleurs. Un système de primes pourrait favoriser leur maintien. Or, plus un policier reste longtemps dans un territoire, plus il construit des relations avec la population et plus son action est efficace.

Dans le domaine des violences intrafamiliales, notamment celles visant les femmes, des enquêtes ont eu lieu à la suite de plusieurs décès. Quels enseignements en ont été tirés et quand les mesures seront-elles prises ?

Enfin, la commission a reçu le nouveau président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). Celui-ci a beaucoup insisté sur la nécessité de renforcer les moyens techniques dont dispose cet organisme, compte tenu des enjeux, notamment dans le domaine de l’informatique. Qu’en pensez-vous ?

Mme Nicole Dubré-Chirat. L’objectif consistant à dématérialiser les procédures et à renforcer les équipements numériques se trouve concrétisé dans ce budget, ce qui contribue à rendre les démarches plus rapides et plus efficaces pour les citoyens – je pense notamment au dépôt de plainte en ligne – et à améliorer la qualité de vie au travail des forces de l’ordre. Avez-vous un premier bilan du déploiement de la plateforme moncommissariat.fr, mise en service l’an passé ?

Il ne faut pas oublier, toutefois, qu’un certain nombre de citoyens sont trop éloignés du numérique pour faire ces démarches en ligne, en raison soit de leur âge soit de difficultés d’accès aux outils, ou encore parce qu’ils vivent dans des zones blanches ou ne maîtrisent pas la langue. Quelles actions ont été mises en œuvre pour conserver un double système – même s’il s’agit d’une opération chronophage pour les forces de l’ordre, malgré l’augmentation des effectifs ?

M. Éric Poulliat. Vous êtes particulièrement attentif, monsieur le ministre, au déploiement d’investissements dans l’immobilier et dans les équipements des forces de l’ordre, afin de garantir aux policiers et aux gendarmes les meilleurs outils possibles pour assurer la sécurité des Français au quotidien. Je vous remercie en particulier pour les « kits stups » que vous avez annoncés : ils augmenteront l’efficacité, tout comme l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) pour l’usage de stupéfiants – dispositif résultant d’une initiative parlementaire.

Je félicite à mon tour l’école Supmode, à Bordeaux, qui va réaliser les uniformes des policiers. Lorsque j’ai échangé avec les étudiants sur les réseaux sociaux, ils me disaient que cela leur paraîtrait bizarre de croiser dans la rue des policiers qu’ils auraient eux-mêmes habillés…

Vous avez annoncé une remise à niveau importante dans le domaine de l’immobilier, à raison de 185 millions d’euros pour la police et de 95 millions pour la gendarmerie. Cette mesure a été accueillie très favorablement sur le terrain. Les besoins étaient réels. Comment envisagez-vous de répartir ces budgets ? Vous avez évoqué le plan Poignées de portes : quel plan d’action souhaitez-vous mettre en œuvre pour sécuriser les brigades et les commissariats ? Ces moyens seront-ils aussi mobilisés pour financer certains grands chantiers de la police et de la gendarmerie ? Je pense notamment, dans ma circonscription, au projet de nouveau commissariat à Mérignac, qui a déjà reçu un financement de plus de 7 millions d’euros – je remercie d’ailleurs le ministère d’avoir mis la main à la poche. Ce commissariat sera, à n’en pas douter, un pôle essentiel de la sécurité dans l’ouest de la métropole bordelaise. Des moyens complémentaires seront-ils affectés à ce très beau commissariat, qui s’inscrit d’ailleurs dans la logique de réorganisation des circonscriptions de police de la métropole bordelaise ?

M. Thomas Rudigoz. La mission « Sécurités » comporte une partie spécifique destinée à aider les municipalités à se doter d’équipements de vidéoprotection et à se raccorder aux centres de supervision urbains. Vous vous êtes rendu récemment à Lyon, monsieur le ministre, où vous avez eu l’occasion de proposer au maire de développer son réseau de vidéoprotection, lequel stagne, malheureusement, depuis plus d’un an et demi, alors qu’auparavant une politique ambitieuse était menée en la matière. La nouvelle municipalité, bien qu’elle reconnaisse parfois l’efficacité du dispositif, ne souhaite pas le développer. Combien de municipalités et d’agglomérations demandent son soutien au Gouvernement pour développer ce type de dispositifs, qui sont extrêmement utiles dans la lutte contre la délinquance ?

M. Jean-Michel Mis. La mission « Sécurités » prévoit le financement de projets numériques structurants, notamment dans le cadre de l’organisation de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques de 2024. Pourriez-vous expliciter ces projets de manière un peu plus précise ?

M. Philippe Gosselin. Étant moi-même réserviste, je voudrais avoir un peu plus de détails en ce qui concerne la réserve opérationnelle. Nous sommes nombreux à soutenir son développement ; encore faut-il que les financements permettent d’assurer la formation et de faire en sorte que cette réserve soit réellement opérationnelle.

La prévention des suicides est également un point important : il serait bon que nous disposions d’éléments supplémentaires.

En ce qui concerne la sécurité civile, il convient d’avoir une approche particulière dans les outre-mer. La semaine dernière, nous étions en mission dans les Antilles avec la présidente de la commission et Stéphane Mazars. Notre attention a été appelée, une fois de plus, sur la dégradation des matériels – notamment celle des véhicules – liée aux conditions climatiques particulières qui y règnent. Vous avez évoqué l’arrivée de 11 000 véhicules l’année prochaine ; au-delà de l’achat, il faut prendre en compte les conditions de leur maintenance dans les outre-mer.

Depuis plusieurs années, des associations appellent à la convocation d’états généraux de la sécurité routière. J’ai d’ailleurs relayé leur demande, notamment à travers une proposition de résolution. Où en est cette idée ? Il y a beaucoup à faire en la matière : la sécurité routière, ce n’est pas seulement la répression, notamment à travers les radars, c’est aussi l’entretien des routes et cela suppose d’échanger avec les associations d’automobilistes et de motards, entre autres.

M. Stéphane Peu. Nous nous félicitons de l’augmentation du budget et du renforcement des effectifs, mais il y a une difficulté : monsieur le ministre a signalé qu’il n’y avait pas d’affectations obligatoires et que les arrivées ne compensaient pas toujours les départs. Pour compenser les pertes d’effectifs dans certains départements, et en attendant que les discussions paritaires au sein du ministère de l’Intérieur aboutissent, on pourrait jouer davantage sur les arrivées.

Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, entre 2007 et 2021, et en tenant compte de l’évolution du périmètre – car, entre-temps, la police d’agglomération et les compagnies de sécurisation et d’intervention (CSI) ont été créées –, les effectifs dans les commissariats sont passés de 3 953 policiers, tous grades confondus, à 3 424, alors que, dans le même temps, la population a considérablement augmenté et que le département est confronté à d’énormes problèmes de sécurité publique. Il est vrai que le nombre de policiers a baissé continûment jusqu’en 2018 mais augmente depuis lors : je le reconnais volontiers et m’en félicite. Quoi qu’il en soit, en dépit de toutes les annonces relatives au renforcement des effectifs, la population a observé, durant la période, une diminution du nombre de policiers dans les commissariats et dans les rues de leur ville. La tendance est plus nette encore si l’on considère le nombre d’officiers : il est passé de 241 à 109, soit une diminution de moitié. Cela en dit long sur l’encadrement des policiers dans ce département.

Mme Cécile Untermaier. Nous saluons nous aussi le renforcement du budget et des effectifs. Toutefois, en dépit de l’augmentation importante des effectifs enclenchée depuis dix ans, on n’est pas encore revenu au niveau de l’an 2000. Souvent, dans les commissariats ou dans les gendarmeries, des personnes nous disent qu’elles sont très contentes d’avoir des voitures neuves et de constater que leurs effectifs comptent désormais 140 policiers ou gendarmes, mais elles nous font observer qu’il y en avait 180 en l’an 2000.

Je me félicite également de la présence d’intervenants sociaux dans les gendarmeries et les commissariats. À cet égard, je tiens à remercier Christophe Castaner et Marlène Schiappa, qui ont joué un rôle important dans cette évolution, fruit d’une longue maturation. Ce dispositif est extrêmement important pour lutter contre les violences intrafamiliales. Il est essentiel de proposer un accueil aux victimes. Je voudrais simplement m’assurer que vous considérez qu’il est nécessaire de sanctuariser budgétairement le dispositif.

Dans ma circonscription, après une longue instruction du dossier, l’accord a été obtenu pour la construction d’une gendarmerie à Tournus. Le commissariat, quant à lui, aura un nouveau toit. Pour la réfection des fenêtres, en revanche, il faudra encore attendre – mais cela viendra certainement. Nous avons mis dix ans pour obtenir la construction de la gendarmerie, et nous craignons que l’achèvement de l’opération prenne encore plusieurs années. Le problème, par ailleurs, est que, dès lors qu’un projet est lancé et que les plans sont approuvés, les modifier est quasiment mission impossible, même si, de toute évidence, pour des raisons d’organisation territoriale, il est absolument nécessaire de le faire. Pourriez-vous introduire une certaine flexibilité dans les procédures, de manière que le produit définitif corresponde vraiment aux réalités du jour de l’inauguration ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Anthoine, je suis très étonné des chiffres que vous avancez. Depuis l’élection du Président de la République, les cambriolages ont diminué de 25 %, les vols de véhicules de 40 % ; s’agissant des violences sur les personnes, les vols avec arme ont baissé de 18 % et les vols sans arme de 26 %. Certes, les violences physiques ont augmenté, mais sur les 39 000 faits supplémentaires, 37 000 sont des violences familiales. Or c’est le Grenelle des violences conjugales qui explique cette évolution : il a permis de mettre des mots sur certaines choses, mais celles-ci existaient déjà. Les statistiques en elles-mêmes n’ont pas beaucoup d’importance, mais puisque vous fondiez votre constat sur des éléments chiffrés, je peux vous dire, madame, que nous n’avons aucun problème à présenter notre bilan en la matière.

Il en va de même s’agissant de l’augmentation des effectifs et des matériels. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, les véhicules avaient en moyenne neuf ans, et cela faisait même quarante-deux ans que les véhicules de maintien de l’ordre des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et des gendarmes mobiles n’avaient pas été renouvelés. Quant aux commissariats, monsieur Ciotti, par exemple, s’il était encore parmi nous, aurait pu vous dire que cela faisait à peu près vingt ans qu’il attendait la construction d’un nouveau commissariat à Nice. Je constate d’ailleurs que monsieur Ciotti ne s’est pas exprimé ce soir ; son silence vaut sans doute approbation…

Il convient de saluer l’effort sans précédent consenti par le gouvernement de la République, ce que tout le monde a fait, y compris les syndicats de police et de nombreux dirigeants politiques, et c’est tant mieux, car il faut que nous construisions cette politique ensemble, dans tous les territoires. Cet effort ne date pas non plus de cette année, à l’approche des élections : l’augmentation des effectifs et du matériel a commencé en 2017. Entre le moment où les recrutements ont été décidés et celui où les personnels supplémentaires arrivent sur le terrain, il faut former ces derniers. Qui plus est, il n’y a pas assez de centres de formation, de sorte qu’une personne reçue au concours de gardien de la paix attend jusqu’à un an et demi avant d’entrer en école de police.

En ce qui concerne les violences conjugales, personne ne couvrait de tels agissements, bien entendu ; il n’est donc pas question d’instruire quelque procès politique que ce soit. Force est toutefois de constater que, depuis 2017, grâce en soit rendue à Gérard Collomb et à Marlène Schiappa – qui s’occupait de la question dans ses fonctions précédentes, et continue à le faire –, nous avons mené un énorme travail de sensibilisation et de formation dans la police et la gendarmerie, de manière à améliorer l’accueil des personnes qui viennent porter plainte pour des faits de violences conjugales.

On peut encore améliorer les choses, bien entendu. D’abord, il faut continuer à former beaucoup mieux les policiers et les gendarmes. Ensuite, il faut procéder à des travaux qui permettront une amélioration des conditions d’accueil dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Nous prévoyons de débloquer des crédits pour l’année prochaine à cette fin. Il s’agit d’aménager des locaux spécifiques, d’une part, pour éviter que les personnes venant porter plainte pour violences conjugales soient placées dans la même file que tout le monde, et, d’autre part, pour assurer leur accueil par une assistante sociale ou un psychologue. À cet égard, nous avons largement augmenté le nombre d’intervenants sociaux : il y en a désormais 404, contre 270 en 2017. Il faut poursuivre en ce sens. Ils sont payés en partie sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) – dont nous augmentons encore la dotation dans le budget que nous vous présentons –, le reste étant parfois assumé par les départements et les communes. Je salue d’ailleurs ce partenariat.

Nous avons, par ailleurs, beaucoup augmenté le nombre de maisons de confiance et de protection des familles – il y en a une cinquantaine, dont certaines sont situées dans des territoires très ruraux – ainsi que celui des brigades spécialisées dans la protection des familles. La consigne est claire : dans toutes les directions départementales de la sécurité publique (DDSP), dans tous les commissariats, il doit exister une brigade spécialisée dans la prise en charge des violences contre les personnes et, lorsque c’est possible, à l’intérieur de celle-ci, une équipe chargée des violences conjugales, lesquelles supposent une technicité particulière.

Lorsque des fautes sont commises par des policiers et des gendarmes, y compris quand il s’agit de défauts de transmission au parquet, le ministère de l’Intérieur doit prendre ses responsabilités. C’est qui s’est passé à la suite du drame de Mérignac. Les violences conjugales sont un sujet beaucoup trop important pour que l’on considère que les fautes commises dans ces affaires entrent dans le pourcentage d’erreurs qu’il est possible d’accepter.

À l’occasion de ce drame, j’ai découvert que la police et la gendarmerie comptaient dans leurs rangs quelques personnes ayant fait l’objet de condamnations définitives pour des faits de violences conjugales. Certes, le nombre en est infime au regard des 250 000 policiers et gendarmes de France, mais il y en a. Ces individus ne sauraient rester en contact avec le public. Ils ne devraient d’ailleurs plus être policiers ou gendarmes. Quand j’ai appris ce qui s’était passé au commissariat de Mérignac, j’en ai tiré toutes les conclusions, aussi bien pour le policier qui avait recueilli la plainte de la victime, qui a été tuée par la suite, que dans l’organisation du service, car les chefs auraient dû voir le dysfonctionnement. Il y a eu une faute d’organisation de la part du ministère de l’Intérieur.

J’ai donné comme consigne au directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), au directeur général de la police nationale (DGPN) et au préfet de police que les policiers et gendarmes condamnés de façon définitive pour violences conjugales ne soient plus en contact avec le public et même qu’ils ne fassent plus partie de l’institution. Marlène Schiappa a cosigné le document. J’ai précisé aux directeurs généraux que ces instructions devaient être appliquées à la lettre. Si, pour une raison ou une autre, un recours venait à mettre en cause cette décision, en tout état de cause, les personnes en question ne sauraient être à l’avenir en contact avec le public.

Il ne s’agit en aucun cas de jeter l’opprobre sur l’ensemble des policiers et gendarmes, dont je salue le courage, le travail et l’abnégation, y compris dans la prise en charge des affaires de violences conjugales, qui sont particulièrement délicates, mais ils se doivent d’être irréprochables.

L’affaire de Montpellier pose problème, en effet : certaines questions ne sauraient être posées à une femme venue déposer plainte. Du reste, ce n’est pas au policier de dire s’il y a eu véritablement violences conjugales : le procureur engage les poursuites puis le juge se prononce. Monsieur le garde des Sceaux, Marlène Schiappa et moi-même avons d’ailleurs rappelé la règle : dans tous les cas, un signalement doit être fait. Je m’enorgueillis de constater que c’est effectivement ce qui se passe : 100 % des enquêtes font désormais l’objet d’un signalement au procureur et celui-ci engage une procédure, même quand il s’agit d’une femme battue par son mari qui se présente au commissariat mais ne dépose pas plainte, se contentant d’une main courante, ou bien qui retire sa plainte par la suite.

De même, les policiers et les gendarmes remplissent systématiquement une grille d’évaluation du danger ; s’ils ne le font pas, c’est une faute. Ils demandent également si l’auteur des violences détient des armes, et si c’est le cas, une perquisition est organisée pour les saisir. Dans un très grand nombre de cas, les individus soupçonnés sont placés en garde à vue, parfois quelques dizaines de minutes seulement après l’enregistrement de la plainte. Dans l’affaire de Montpellier, Marlène Schiappa et moi-même avons demandé à la nouvelle responsable de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), nommée la semaine dernière en Conseil des ministres, de se rendre sur place pour comprendre ce qui s’est passé. Nous en tirerons toutes les conséquences.

Les consignes sont donc extrêmement claires. Cet enjeu est notre priorité absolue. Avec quasiment 400 000 procédures par an, cela devient un phénomène de masse. C’est un défi pour la police et la gendarmerie, car il faut veiller à ce que les moyens soient en adéquation avec le nombre de cas.

Avec la ministre déléguée, nous lancerons à la fin de l’année une expérimentation consistant à permettre aux policiers et aux gendarmes de recueillir les plaintes ailleurs qu’au commissariat ou à la brigade de gendarmerie : ils pourront se rendre au bureau d’une assistante sociale, à la mairie ou encore chez les amis ou les parents des personnes victimes de violences conjugales. En effet, certaines d’entre elles ont peur d’aller au commissariat, de l’accueil qui pourrait leur être réservé, du regard des autres. Des moyens sont prévus dans le budget pour financer ce dispositif dès 2022.

Le garde des sceaux et la ministre déléguée m’ont signalé des innovations intéressantes en Espagne ; nous nous rendrons sur place pour les étudier.

Nous faisons donc tout ce qui est possible pour progresser. L’accueil des victimes de violences conjugales s’est considérablement amélioré. Tout le monde a bien pris conscience du phénomène, ce qui explique l’augmentation très importante des chiffres, que nous ne dissimulons pas, bien évidemment. Est-il possible de faire encore mieux ? Très certainement, et nous nous y attachons. Chaque erreur dans ce domaine nous touche, car elle peut entraîner la mort d’une femme ou de nouvelles violences, contre elle ou contre ses enfants.

Pour ce qui est des moyens immobiliers, je ne ferai pas le tour de tous les commissariats mais que monsieur le député Poulliat se rassure, 16,4 millions ont été inscrits pour le commissariat de Mérignac. Monsieur le député Kamardine, les études sont lancées pour l’extension du commissariat de Mamoudzou, promise depuis longtemps. Beaucoup de projets immobiliers sont en cours et des efforts sans précédent ont été consentis. Pour ce qui est des rénovations, j’ai souhaité mettre l’accent sur l’accueil dans les commissariats et la sécurisation des logements des brigades de gendarmerie. Les crédits sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2022.

Concernant la réserve opérationnelle, certains la couvrent d’éloges, d’autres de critiques, ce que je comprends mal car ses effectifs s’ajoutent à ceux de la police nationale et de la gendarmerie nationale, en plus des 10 000 créations de postes. Ses crédits, d’ailleurs, sont souvent annulables…

M. Philippe Gosselin. Ils sont souvent annulés d’ailleurs.

M. Gérald Darmanin, ministre. Nous allons changer cela ! Le ministère de l’Intérieur doit gérer son budget plus sérieusement. S’il nous arrive d’annuler des crédits, c’est pour répondre à la solidarité ministérielle suite à la survenue d’un événement exceptionnel, ou en cas de gel budgétaire. Je suis favorable à ce que, dans la future loi de programmation, figure un montant de crédits non annulables des réserves opérationnelles car elles participent à l’amélioration du lien entre la police et la gendarmerie d’une part, la population de l’autre. La proposition de loi relative à la sécurité globale des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot prévoyait déjà de doter la police nationale d’une réserve opérationnelle mais cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel qui l’avait considérée comme un cavalier. Elle est reprise aujourd’hui. Cette réserve s’inspire du modèle de celle de la gendarmerie nationale mais elle s’adresse aussi à tous ceux qui souhaitent s’investir dans une cause défendue par la police nationale ou la gendarmerie, comme la lutte contre les violences conjugales, parce qu’ils sont avocats, président d’association ou concernés à un autre titre. Ces personnes peuvent trouver leur place dans la réserve de la police nationale même si elles n’ont pas envie de s’occuper de la sécurité routière. Et inversement. En tout cas, les crédits sont prévus et il ne manquera plus que la validation du Conseil constitutionnel si le Sénat vote conformément à l’Assemblée nationale. Par ailleurs, nous avons conservé leur qualité d’officier de police judiciaire à ceux qui l’étaient déjà avant de prendre leur retraite, ce qui nous aidera dans l’attente du plan concernant les OPJ.

Je n’ai pas le temps de détailler tous les moyens matériels prévus mais j’insisterai sur trois points. Tout d’abord, on achète français, par l’intermédiaire de l’Union des groupements d’achats publics (UGAP), notamment les véhicules. Les crédits sont élevés mais nous aurons du mal à les dépenser car les usines accumulent les retards de production à la suite de la pénurie de semi-conducteurs. Je préfère pourtant que nous continuions à acheter chez Renault et Peugeot plutôt qu’à l’extérieur. J’ai donc écrit à leurs dirigeants mais, je vous le dis tout de go, si nous devons nous passer des semi-conducteurs, nous le ferons et les véhicules seront équipés de compteurs à aiguilles classiques au lieu de l’affichage digital. L’essentiel est que la gendarmerie nationale et la police nationale disposent de véhicules en nombre suffisant.

Bien évidemment, certains problèmes sont spécifiques à l’outre-mer et je me rendrai dans les Antilles après Mayotte. Le ministère de l’Intérieur a deux défauts : il achète de manière globale et il ne négocie pas directement le prix des véhicules avec les constructeurs – ce que font les armées. Nous devrons profiter de la réforme du secrétariat général pour l’administration du ministère de l’Intérieur (SGAMI) pour améliorer le matériel et la maintenance. Le secrétariat général du ministère, à ma demande, a engagé la réflexion. La LOPPSI que nous vous présenterons témoignera de notre volonté de négocier directement avec les constructeurs des véhicules spécifiques, adaptés à nos besoins. Bien sûr, cela coûte cher de demander à un constructeur un véhicule qu’il ne fabrique pas en masse mais nous y gagnerons sur le long terme.

Pour ce qui est des effectifs, je vous confirme que nous aurons recruté 10 000 policiers et gendarmes d’ici à 2022. Le ministère de l’Intérieur a respecté l’objectif de maîtrise des effectifs de la fonction publique, comme l’avait prescrit la loi de programmation des finances publiques dès 2017, mais le chiffre que je vous donne est le bon.

Madame Karamanli m’a demandé le détail des mesures. Je peux lui donner le nombre des postes déjà créés dans la police nationale mais je m’engage à lui écrire : 800 postes pour lutter contre l’immigration irrégulière, 1 300 pour la sécurité du quotidien, 2 700 de plus à la sécurité publique, ce qui fait un total de 4 000, 303 dans l’ordre public, plus de 300 en personnels de soutien. Les policiers dont les postes ont été créés par la loi de finances pour 2021 ne sont pas encore sur le terrain puisque leur formation n’est pas terminée et il manque ceux prévus par le projet de loi de finances pour 2022. Si l’on prend l’exemple de la gendarmerie nationale, 87 % des effectifs supplémentaires sont directement affectés dans les brigades de gendarmerie.

J’en viens au drame des suicides dans la police nationale. Il y en a toujours trop, bien évidemment, mais en 2019, nous en avons déploré cinquante-neuf contre trente-deux en 2021 – je laisse de côté l’année 2020, qui fut très particulière. Cette baisse a plusieurs causes qu’il s’agisse de l’amélioration des conditions de travail, de l’augmentation des effectifs ou du travail de la direction générale de la police nationale pour accompagner les policiers en souffrance. Beaucoup reste à faire, cependant, et la direction des ressources humaines de la police nationale tient réellement à cette tâche.

Concernant la formation continue, elle sera proposée aux fonctionnaires au moment où s’appliqueront les nouveaux cycles horaires, pour qu’ils puissent en profiter plus largement plutôt que de réaliser leurs trois tirs administratifs en décembre. Cela suppose d’ouvrir davantage de centres de tir, de renforcer la mutualisation des formations de policiers, de gendarmes et de douaniers. Nous avons lancé un centre de formation régional pour l’ordre public à Paris et des centres de formation régionaux. Quant à la formation initiale, nous reverrons une partie du concours des officiers de police judiciaire.

Pour ce qui est de la fidélisation, je ne suis pas convaincu que la prime soit la meilleure solution. Imaginons une agglomération où la vie est chère et la violence, forte. Offrir une prime aux policiers pour qu’ils restent présenterait trois inconvénients. Tout d’abord, la prime ne compense jamais l’augmentation des loyers ou le prix de l’immobilier – surtout, les policiers habitent rarement dans la circonscription où ils exercent. Par ailleurs, les effets de bord seraient considérables. Ainsi, les policiers qui habitent dans l’Eure mais travaillent dans les Yvelines recevraient la prime tandis que ceux qui habitent dans les Yvelines mais travaillent dans l’Eure n’en profiteraient pas. Or, je vous mets au défi de distinguer la frontière des circonscriptions de police entre les Yvelines et l’Eure. Enfin, ce dispositif pourrait créer des disparités entre les agglomérations de police en fonction du montant de la prime.

Je n’exclus pas la possibilité de l’instaurer mais l’expérience, déjà menée à Nice, n’a pas résolu les problèmes d’effectifs.

On peut conserver les policiers dans un territoire par des mesures contraignantes et des mesures d’accompagnement ou de progression sociale. Le dispositif du contrat figure parmi les mesures contraignantes. C’est ce qui a été instauré en région parisienne : les policiers s’engageaient à y rester huit ans. Cette mesure permet d’augmenter les effectifs mais une grande partie cherche à partir et surtout, des jeunes, souvent provinciaux, sont envoyés dès leur sortie d’école, dans des sites extrêmement violents, ce qui pose de nombreux problèmes. C’est comme envoyer des professeurs de 22 ans dans les zones d’éducation prioritaire.

Il est également possible de limiter les plafonds de mutation. Lorsqu’on ouvre des postes aujourd’hui, on ne prend pas garde au nombre de départs alors qu’on pourrait les limiter, en les conditionnant à l’ancienneté, aux résultats, à l’avancement. Ce n’est cependant pas facile à organiser.

L’avancement est un autre moyen d’inciter les policiers à s’installer dans des circonscriptions difficiles. L’on peut aussi envisager de signer un contrat avec le policier, aux termes duquel, à l’issue d’une certaine période d’exercice dans une circonscription difficile, il peut être le premier à choisir le service dans lequel il se rendra, un service de sécurité publique ou spécialisé. L’attribution d’une rémunération ou d’une prime supplémentaires sont d’autres pistes.

On peut encore signer un contrat gagnant-gagnant avec le policier, dans le cadre d’une véritable politique sociale menée par le ministère de l’Intérieur, par exemple en réservant des logements à ces policiers dans les logements sociaux. Les concours régionalisés sont une idée également. Bref, il n’y a pas une solution pour conserver les policiers sur place mais beaucoup de voies possibles. Nous en discuterons avec les syndicats de police. Je ne souhaite pas contraindre exagérément les policiers à se rendre dans les territoires difficiles. On risque d’y envoyer des jeunes inexpérimentés, sans espoir de partir s’ils veulent fonder leur famille ailleurs, et beaucoup démissionneront.

Pour ce qui est de l’encadrement, les effectifs manquaient au sein de la police nationale aussi avons-nous ouvert depuis deux ans de nombreux postes d’officiers. Il ne s’agit pas seulement de commissaires mais de brigadiers. Parfois, il vaut mieux de nombreux brigadiers-chefs qui encadrent les policiers sur le terrain que trop d’officiers qui n’ont pas la même vocation. Nous devons également réfléchir à ce que représente l’encadrement au sein de la police nationale. Ce fut le sujet d’une table ronde lors du Beauvau de la sécurité.

Concernant la sécurité civile outre-mer, les moyens de communication satellitaire sont prévus pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte.

Pour ce qui est des 500 millions d’euros prévus pour la mise en œuvre des premières mesures du Beauvau de la sécurité, ils se sont ajoutés aux crédits que j’avais déjà négociés avec le ministre délégué chargé des comptes publics. Ainsi, 44 millions d’euros sont consacrés à la formation, ce qui permet de passer de huit à douze mois celle destinée aux gardiens de la paix. Nous augmenterons également le nombre de centres de formation et recruterons de nouveaux formateurs, pour 2 millions d’euros. Par ailleurs, 200 millions d’euros permettront d’assurer le renouvellement des moyens mobiles, 78 millions d’euros de crédits de paiement seront affectés à la construction et à la rénovation immobilière – l’hôtel des polices de Nice, l’école nationale de police de Oissel, en Seine-Maritime, le commissariat de Valenciennes, la caserne de Balma, les travaux d’amélioration de la sécurité des commissariats et des brigades.

Pas moins de 114 millions d’euros seront conscarés aux projets stratégiques et numériques, qu’il s’agisse de la procédure pénale, des caméras-piétons, des équipes NEO, du réseau radio du futur, ou du gendarme ou policier à domicile – 5 millions d’euros ont été prévus pour mener les expérimentations. Je peux citer encore les 27 millions d’euros affectés aux réserves et à la modernisation des tenues, le lien entre la police et la population, 9 millions d’euros de plus pour le maintien de l’ordre, 6 millions d’euros pour l’augmentation des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (SPIG), 3 millions d’euros pour les nouveaux dispositifs de projection rapide et 28 millions  d’euros pour les mesures catégorielles, qui incluent l’augmentation des indemnités pour les policiers et gendarmes de haute montagne.

Pour la réserve opérationnelle et la captation d’images, sont prévus 30 000 réservistes de premier niveau (RO1), 28 000 en deuxième niveau (RO2) et 120 spécialisés.

S’agissant de la sécurité civile, les moyens miliaires sont mobilisables à tout moment, notamment dans les territoires ultramarins pour faire face aux risques volcaniques.

Concernant les états généraux de la sécurité routière, j’y suis favorable mais il est difficile de les mettre en place immédiatement. L’année 2019-2020 fut particulière et ne se prête pas aux comparaisons. On peut se féliciter de la baisse du nombre de morts sur les routes, mais ce bilan positif est à porter au crédit du confinement et les restrictions de circulation font qu’il est difficile de tirer un bilan de cette année, tant au niveau des recettes des radars que du fonctionnement de la sécurité routière. Je vous propose de laisser s’écouler l’année 2021 et d’en tirer les conclusions, avant l’élection présidentielle ou juste après. Pour l’heure, constatons simplement que le bilan de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes à double sens sans séparateur central est positif.

Le site « moncommissariat.fr » est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En moyenne, le tchat donne lieu à 500 conversations par jour entre les policiers du site et les usagers, avec des pics d’activité à 2 000, contre soixante-dix lors de sa création. Pas moins de 5 300 trafics de stupéfiants ont été signalés.

Pour ce qui est de l’ENSOSP, 220 000 euros sont affectés au remboursement de l’emprunt immobilier et 72 000 euros à l’augmentation des dépenses de l’établissement.

Je répondrai à la question des Jeux olympiques après la réunion que le Président de la République compte organiser à ce sujet.

Quant à la « journée japonaise », monsieur Kamardine, je ne vois aucun inconvénient à votre proposition que j’ai transmise au ministre des outre-mer et qui prendra la décision.

Article 20 et état B

Amendements II-CL12, II-CL13, II-CL10 et II-CL11 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit de renforcer les moyens affectés à la police nationale pour la formation des policiers et des gendarmes mais aussi les effectifs en créant 1 000 emplois supplémentaires dans la police et 1 000 autres dans la gendarmerie.

M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis. Le budget de la mission « Sécurités » a régulièrement augmenté depuis 2017. Cette année encore, il augmente de manière importante. Votre proposition s’apparente à un jeu de chaises musicales, en réaffectant à un poste des fonds que vous enlevez à un autre, ce qui remet en cause l’ensemble de l’équilibre budgétaire voulu par le Gouvernement et soutenu par la majorité. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Le ministre n’a pas répondu à ma question relative aux moyens pour la formation et la construction de nouvelles écoles. Si on veut former des gens, il faut construire des écoles ! Les bras m’en tombent quand on nous dit que ne plus être obligé d’attendre deux ans pour incorporer l’école de police est une grande avancée ! Qui est responsable de cette situation si ce n’est le ministère lui-même, en poussant à des recrutements extraordinaires pour afficher dans les documents budgétaires que le concours a eu lieu ? La situation s’est aggravée depuis les attentats de 2015 : vous avez voulu afficher votre volonté de créer des postes mais sans ouvrir de nouvelles écoles ! Où seront formés les futurs réservistes ? Il n’y a pas de réponse. Les crédits prévus pour la réserve opérationnelle de la gendarmerie n’évoluent pas alors que nous aurons besoin de nouveaux réservistes pour encadrer les Jeux olympiques de 2024 ! Comment augmenter le nombre de réservistes avec les mêmes moyens ?

Mme Marietta Karamanli. Nous avons salué l’évolution des crédits mais vous ne pouvez pas dire qu’elle ne date que de 2017. Sans mettre en cause qui que ce soit, relevons simplement que la suppression de 10 000 postes est antérieure à 2012. Depuis, la situation s’est améliorée, reconnaissez-le, dans un contexte autrement plus compliqué du fait des attentats.

Par ailleurs, il ne s’agit pas d’affecter des crédits au détriment d’autres missions mais de respecter l’article 40 de la Constitution, qui nous contraint à cet exercice.

M. Philippe Gosselin. Je voudrais, à mon tour, insister sur l’importance des réserves. Je me réjouis de la création d’une réserve opérationnelle dans la police, d’autant plus qu’elle a montré son efficacité au sein de la gendarmerie pour assurer la sécurité d’événements exceptionnels ou durant la période estivale. Je regrette, à cet égard, que les budgets des réserves soient la variable d’ajustement. Nous allons organiser de grands événements aussi faudrait-il accompagner la montée en puissance de ces réserves, ce qui suppose d’ouvrir des formations, de signer des engagements etc. Il faudra des moyens humains mais aussi financiers.

La commission rejette successivement les amendements.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » sans modification.

 

 


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   Déplacements effectués et personnes entendues

   M. Jean-Baptiste Dulion, chef du RAID, contrôleur général des services actifs de la police nationale

   M. Didier Lallement, préfet de police de Paris

   M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire

   M. Simon Riondet, chef de la BRI, commissaire divisionnaire de police

   M. Ghislain Réty, chef du GIGN, général de brigade

 

 


([1]) En crédits de paiement.

([2]) 91,5 millions d’euros en AE et 46,5 millions d’euros en CP.

([3]) 19,8 millions d’euros en AE et 27,5 millions d’euros en CP.

([4]) Entretien et réparation des véhicules de la gendarmerie.

([5]) Habillement et moyens de protection lors des interventions.

([6]) 172 millions d’euros.

([7]) 86 millions d’euros.

([8]) Recherche, assistance, intervention, dissuasion.

([9]) Brigade de recherche et d’intervention.

([10]) Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale.

([11]) Tous les policiers et gendarmes.

([12]) Brigades anti-criminalité (BAC) et pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG).

([13]) À l’échelle nationale, le GIGN est l’unité compétente s’agissant de la lutte antiterroriste aérienne et maritime.

([14]) S’agissant du RAID, cette mission présente un caractère exceptionnel.

([15]) Par le biais de filatures.

([16]) Grâce à l’utilisation de capteurs ou de dispositifs de brouillage.

([17]) Le RAID et le GIGN assistent régulièrement le groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) pour assurer la protection du chef de l’État.

([18]) Disposant d’un statut militaire, les personnels du GIGN peuvent également être engagés à l’étranger à plusieurs titres : libération d’otages et opérations extérieures, missions de renfort temporaire et actions de formation, missions sous mandat international à l’image de la mission de sécurisation menée au Mali sous l’égide de l’ONU.

([19]) Depuis 2017, le RAID effectue une soixantaine de missions à l’étranger par an. La grande majorité d’entre elles consiste en des formations aux techniques et tactiques d’intervention et aux diverses spécialités qui y sont directement liées (structures tubulaires, varappe, effraction…). Le reste des formations se répartit principalement entre le soutien opérationnel (cynotechnique, tir de haute précision notamment), la gestion de crise, la négociation et la médecine tactique. Le RAID accueille par ailleurs une dizaine de délégations étrangères chaque année.

([20]) Engagement au titre de la décision 615 JAI du 23 juin 2008 du conseil de l’UE, relative à l’approfondissement de la coopération transfrontalière

([21]) Flagrant délit, enquête préliminaire, commission rogatoire.

([22]) Selon le titre du roman de Dino Buzzati paru en 1940.

([23]) La dernière neutralisation par arme à feu a été effectuée en 2016 lors de l’action terroriste à la prison de Condé-sur-Sarthe.

([24]) Hors masse salariale.

([25]) Soit 3,3 millions d’euros pour le GIGN central situé à Versailles, 2 millions d’euros pour les sept antennes ultramarines et 0,8 million d’euros pour les sept antennes métropolitaines.

([26]) S’agissant des sept antennes ultramarines, les crédits de fonctionnement ne peuvent être distingués. En effet, ces antennes réalisent des missions polyvalentes (intervention, observation, maintien de l’ordre etc.) ; leur budget de fonctionnement est donc intégré à celui du commandement de la gendarmerie outre-mer (COMGEND).

([27]) Hors masse salariale.

([28]) Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022, mission « Sécurités »,  p. 73.

([29]) En 2020, le budget de fonctionnement de la DRPJ était de 815 901 euros, celui de la BRI de 43 000 euros, ce qui représente 5,7 % du budget de la direction.

([30]) Au sein des antennes territoriales, vingt à vingt-cinq recrutements sont réalisés annuellement.

([31]) La durée de la formation initiale proposée par la BRI-PP s’élève à huit semaines.

([32]) S’agissant de la formation des opérateurs d’interventions, les modules sont les suivants : Tireur Qualifié Arme de Poing [TQ AP] (une semaine), Tireur Qualifié Arme d’Épaule (une semaine), Tireur de Haute Précision (deux semaines), Techniques d’Intervention en Hauteur de niveau 1 [TIH1] (une semaine) Premiers Secours en Équipe de niveau 1 (une semaine), Secourisme tactique (deux jours), Engins Explosifs Improvisés de niveau 1 (trois jours), Protection Rapprochée (une semaine), module intervention RAID (six semaines), techniques de Défense et d’Interpellation du Policier du RAID (une semaine), filature (deux semaines)

 

([33]) Il s’agit notamment des gilets pare-balle encore partiellement utilisés aujourd’hui par les équipes du RAID dont le poids (18 kg en l’absence de charge) et la maniabilité réduite entravent leur capacité de mobilité sur les théâtres d’opération.

([34]) Unité de Coordination des Forces d’Intervention.

([35]) Hors des centres nucléaires de production électrique.

([36]) Notamment dans le cadre du plan ORSEC.

([37]) « On nous dit culture, culture gendarmique, culture police. Mais quand va-t-on cesser de s'abriter derrière ces faux prétextes pour faire en sorte que, malgré les susceptibilités des uns et des autres, nous ayons une force unique d'intervention ? » selon les propos de Georges Fenech rapportés par Le Point, 5 juillet 2016.

([38]) Audition de M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, 2 juin 2016.

([39]) Le dernier exercice a eu lieu en mai 2021.

([40]) Coupe du monde de rugby 2023, Jeux olympiques 2024.

([41]) Voir à ce sujet la réponse ministérielle du 28 février 2017 à la question écrite n° 95323 de M. Jean-Luc Laurent.