N° 4526

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 8 octobre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482)

 

 

TOME I

 

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

 

Action de la France en Europe et dans le monde ;

Français à l’étranger et affaires consulaires

 

PAR M. Christophe Di POMPEO

Député

 

——

 

Voir le numéro : 4482.


 

 


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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

Partie budgétaire : Le dernier budget du quinquennat confirme la fin des efforts demandés au ministère de l’Europe et des affaires étrangères

I. Le budget pour 2022 poursuit la réparation de certaines fragilités dans le fonctionnement du ministère au service d’une action diplomatique et consulaire ambitieuse

A. Le programme 105 porte le renforcement des moyens de fonctionnement en soutien de l’action diplomatique

1. Le rehaussement du niveau des contributions volontaires, traduction d’une forte ambition multilatérale

2. La mise en œuvre d’un plan de rattrapage destiné à consolider les soutiens de l’action diplomatique et consulaire

B. Le programme 151 prolonge le soutien aux français de l’étranger face à la crise sans renier l’effort de modernisation des fonctions consulaires

1. Le maintien d’un soutien aux communautés françaises de l’étranger pour faire face aux conséquences de la crise

2. La poursuite des projets de dématérialisation de l’administration consulaire pour recentrer les agents sur leur cœur de métier

II. Après la stabilisation des effectifs, la réforme de la gestion des ressources humaines du ministère sera la grande priorité des prochaines années

A. Après des années d’efforts déraisonnables demandés au Quai d’Orsay, il était plus que nécessaire de mettre fin à l’exercice « Action publique 2022 »

B. La réforme de la gestion des ressources humaines est le nouvel horizon du mEAE

1. La réforme de la haute fonction publique suscite des inquiétudes pour partie légitimes au sein du Quai d’Orsay

2. La réforme des métiers diplomatiques et consulaires initiée par le MEAE doit s’articuler avec la réforme de la haute fonction publique

3. Le prochain quinquennat doit être l’occasion d’engager de nouvelles réformes de la gestion des ressources humaines du Quai d’Orsay

Partie thématique : Après des années d’errance, le MEAE remet l’immobilier sur les rails

I. Pendant longtemps, le MEAE a SUBI une politique immobilière insoutenable et inadaptée aux spécificités de son patrimoine immobilier

A. Singulier à plusieurs égards, le parc immobilier du MEAE ne peut être piloté sur la base du seul critère de la performance économique

1. À l’image du réseau, le parc immobilier du MEAE est dispersé dans le monde

a. L’administration centrale, située en France, occupe un périmètre restreint

b. La majorité du parc immobilier du MEAE se situe à l’étranger

2. La politique immobilière du MEAE ne peut reposer uniquement sur des critères de rationalité économique

a. L’immobilier est indissociable de la fonction de représentation

b. La gestion du parc à l’étranger est contrainte par des spécificités locales

c. La politique immobilière est soumise à la contrainte de sécurisation des emprises

B. Pendant plus de dix ans, Le MEAE a SUBI une politique immobilière insoutenable et inadaptée, dont le parc immobilier a beaucoup souffert

1. L’État a longtemps conduit une politique immobilière insoutenable

2. En conséquence, l’état d’entretien du parc n’a cessé de se dégrader

II. Afin de relever les défis, le MEAE doit achever la restructuration de sa fonction immobilière

A. Depuis 2020, le MEAE a initié un effort de rattrapage sur l’immobilier qui se concrétise par un nombre important d’opérations engagées en France et à l’étranger

1. Un plan de rattrapage sur l’immobilier a été lancé en janvier 2020 pour redonner de la fierté au ministère

2. La stratégie de rationalisation des implantations en France est structurée autour du projet « Quai d’Orsay 21 »

3. Le MEAE conduit de nombreuses opérations à l’étranger, parmi lesquelles des opérations de rationalisation des emprises

B. Le MEAE doit encore consolider sa politique immobilière pour espérer rattraper le retard accumulé

1. Progresser dans la connaissance du parc immobilier à l’étranger

2. Décliner les schémas pluriannuels de stratégie immobilière par pays

3. Simplifier la politique immobilière à l’étranger

4. Garantir la soutenabilité des financements

5. Professionnaliser la fonction immobilière

Travaux de la commission

I. Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

annexe n° 1 :  Liste des personnes auditionnées  par le rapporteur pour avis

 


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   introduction

La pandémie mondiale a mis à nu la situation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), auquel trop d’efforts ont été demandés ces dernières années, au point de créer un risque de fragilisation durable. Si le budget pour 2021 avait mis fin à l’hémorragie des moyens, le présent projet de budget a une ambition plus structurante : remédier aux fragilités accumulées depuis des années. Cette ambition révèle le fait que le ministre a non seulement réfléchi au monde d’après mais également à ce que doit être le ministère après la crise.

Relativement stables sur le quinquennat, les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat » sont en légère hausse, d’environ 50 M€, pour atteindre 3 Mds€ en 2022. Sur le programme 105, la priorité est donnée au renforcement des soutiens de l’action diplomatique et consulaire : le numérique, l’immobilier et la sécurité. Le programme 151 prolonge le soutien aux communautés françaises de l’étranger face aux conséquences économiques et sociales de la crise.

Après des années d’efforts déraisonnables demandés au Quai d’Orsay, le projet de budget stabilise, pour la deuxième année consécutive, le niveau des effectifs, ce qui porte un coup d’arrêt définitif au programme « Action publique 2022 » et laisse espérer la possibilité d’un rebond sur les prochaines années. Une réforme des ressources humaines, financée à hauteur de 30 M€, est par ailleurs engagée, avec pour objectif d’harmoniser les rémunérations et de renforcer l’ouverture du ministère. De la pérennisation du télétravail à la remise en cause de l’« ADL-isation », les réformes des ressources humaines devraient être la grande priorité des prochaines années. L’existence d’un corps diplomatique distinct du reste de l’administration de l’Etat mérite tout de même d’être préservé.

La partie thématique de cet avis budgétaire est consacrée à l’état du patrimoine immobilier du MEAE, qui constitue une source de préoccupation commune aux membres de la commission, tous bords politiques confondus. La gestion de ce patrimoine, dont les spécificités sont nombreuses, ne peut reposer uniquement sur des critères de performance économique, comme des ratios d’occupation de surface. Pendant des années, le MEAE a cependant subi une politique immobilière aussi inadaptée qu’insoutenable. Le ministère a été contraint de vendre une partie de son patrimoine pour financer l’évolution d’un parc dont l’état n’a cessé de se dégrader, et qui frise parfois le délabrement aujourd’hui.

Dans ce contexte déplorable, le ministre a engagé au mois de janvier 2020 un vaste plan de rattrapage sur l’immobilier qui se concrétise par un nombre important d’opérations engagées en France et à l’étranger. Pour espérer rattraper le retard, le ministère est mis au défi de consolider sa politique immobilière, ce qui suppose en particulier de maintenir l’augmentation des moyens budgétaires. En portant les crédits d’entretien lourd à 77 M€ en 2022, le projet de budget représente un progrès certain, qui doit encore être confirmé dans la durée. Car ce n’est qu’en renouant avec une vision de long terme que le ministère pourra retrouver un immobilier à la fois digne pour les personnels qui y travaillent et fidèle à l’image que la France cherche à renvoyer à l’étranger.

 


—  1  —

 

   Partie budgétaire : Le dernier budget du quinquennat confirme la fin des efforts demandés au ministère de l’Europe et des affaires étrangères

En 2022, les moyens globaux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) augmentent de près de 12 %, et en valeur absolue de 626,9 M€, pour atteindre 6,03 Mds€ en crédits de paiement. Cette hausse reste largement portée par la trajectoire ascendante de l’aide publique au développement (+ 581,2 M€) fixée dans la récente loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Les dépenses de personnel (titre 2) représentent 1,18 Md€, soit 20 % du budget total du MEAE.

Si l’on laisse de côté les crédits consacrés à l’aide publique au développement (APD) ([1]), qui représentent désormais plus de la moitié du budget du ministère, la mission Action extérieure de l’État enregistre une légère hausse de crédits de 50,3 M€ (+ 1,72 %) pour s’établir à 2,98 Mds € en 2022. Les crédits de la mission seront ainsi restés assez constants sur toute la durée du quinquennat.

La hausse des crédits en 2022 bénéficient principalement aux programmes 105 et 185 ([2]) tandis que les moyens du programme 151 restent plus ou moins stables. Le programme 105 devrait s’établir à un niveau encore plus élevé compte tenu des ajustements dont il doit faire l’objet au cours de la discussion budgétaire pour y intégrer des dépenses qui n’ont pas encore été arbitrées. De façon inédite, ces hausses de crédits bénéficient en bonne partie aux personnels du ministère.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DE LA MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT EN 2022

(en million d’euros)

Programme

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

Total pour la mission

  2 927

   2 977

+1,72 %

dont P.105 Action de la France en Europe et dans le monde

    1839

    1872

+ 1,79 %

dont P.151 Français de l’étranger et affaires consulaires

    372

     374

+ 0,53 %

dont P.185 Diplomatie culturelle et d’influence

    715

    731

+ 2,15 %

Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, présent projet de loi de finances.

La pandémie mondiale, par l’impact qu’elle a eu et qu’elle continue d’avoir sur le Quai d’Orsay, aura montré la réactivité et le dévouement des personnels. Mais cette crise a aussi démontré les limites des efforts qui ont été demandés à ce ministère, qui est soumis à un risque de fragilisation durable. Dans ce contexte, ce projet de budget tente de remédier aux fragilités accumulées au fil des années. Ce faisant, il reflète le fait que le ministre a non seulement réfléchi au monde d’après mais également au fonctionnement du ministère après la crise.

I.   Le budget pour 2022 poursuit la réparation de certaines fragilités dans le fonctionnement du ministère au service d’une action diplomatique et consulaire ambitieuse

A.   Le programme 105 porte le renforcement des moyens de fonctionnement en soutien de l’action diplomatique

Pour rappel, le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde rassemble une part importante des moyens dévolus au MEAE pour conduire la politique étrangère de la France. Il regroupe notamment les crédits de fonctionnement du ministère, en administration centrale comme dans les postes diplomatiques et consulaires, les contributions de la France aux organisations européennes et internationales et les dépenses d’investissement du ministère, notamment en matière de systèmes d’information et de travaux immobiliers.

La fin de gestion du programme 105 se traduit par des surcoûts imprévus, dont les montants restent inconnus à ce jour. Le Quai d’Orsay est en effet suspendu à un arbitrage de Matignon pour savoir s’il doit rembourser au ministère des Armées tout ou partie des 26 M€ qu’ont coûtés les évacuations d’Afghanistan. De même, la participation du ministère à la Facilité européenne pour la paix, nouvel instrument financier de l’Union européenne (UE) destiné à soutenir le financement des dépenses de défense de nos partenaires, n’avait pas été budgétée en loi de finances initiale (LFI) pour 2021, les contours de l’instrument n’étant alors pas arrêtés.

En 2022, les crédits de paiement du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde augmentent de 1,8 % pour atteindre 1,872 Md€ dont 1,149 Md€ pour les crédits hors masse salariale. Cette hausse traduit la poursuite du renforcement des moyens de fonctionnement du ministère, notamment à l’étranger, dans les domaines de l’immobilier, de la sécurité et du numérique.

Le programme 105 tel qu’il figure dans le projet de budget pour 2022 doit cependant faire l’objet de certains ajustements d’ici la fin de la discussion budgétaire. Si l’on connait désormais le montant des contributions de la France à la Facilité européenne pour la paix pour les années à venir, des incertitudes demeurent sur la nature des projets qui seront menés dans le cadre de cet instrument. De ce fait, la répartition des quotes-parts entre le MEAE et le ministère des Armées doit encore faire l’objet d’un arbitrage du Premier ministre, ce qui justifie que le projet de budget n’intègre pas la contribution du Quai d’Orsay à cet instrument dans l’ensemble des contributions européennes et internationales de la France.

 


ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 105

Action

HT2

LFI

2021

T2

LFI

2021

Total

LFI

2021

HT2

PLF

2022

T2

PLF

2022

Total

PLF

2022

Évolution

FDC et ADP

2021

FDC et ADP 2022

01– Coordination de l’action diplomatique

26,3

66,9

93,2

24,9

73,2

98,1

+5,26%

0,2

-

02 – Action européenne

45,7

11,3

57,0

49,3

11,7

61,0

+7,10%

 

-

-

04 – Contributions internationales

668,2

-

668,2

652,2

-

652,2

–2,40%

-

-

05 – Coopération de sécurité et de défense

38,1

67,2

105,3

36,3

73,7

110,0

+4,47%

 

4,8

5,4

06 – Soutien

119,1

125,6

246,0

 

125,3

135,7

261,0

+6,66%

0,4

0,4

07 – Réseau diplomatique

254,5

416,1

670,6

260,5

429,1

689,6

+2,83%

2,4

2,9

Total

1 151,8

687,2

1839,0

1 148,5

723,4

1871,9

+1,79%

7,7

8,7

Source : PAP Action extérieure de l’État, présent projet de loi de finances.

1.   Le rehaussement du niveau des contributions volontaires, traduction d’une forte ambition multilatérale

L’action 1 regroupe les dépenses dites « d’état-major » du ministère : fonctionnement des cabinets, protocole, communication, presse et protection de nos ressortissants à l’étranger grâce à l’action du centre de crise et de soutien (CDCS). Ces crédits sont à peu près stables et s’établissent à 24,9 M€, hors titre 2.

Les actions 2 et 4 regroupent les dépenses réalisées au titre des contributions européennes et internationales, qui représentent les deux tiers des crédits hors titre 2 du programme 105. Ce bloc constitué des contributions européennes et internationales diminue pour s’établir à 701 M€ en 2022, contre 718 M€ en 2021. Cette baisse, qui porte sur la diminution des contributions obligatoires, est imputable à un effet de barème sur les quotes-parts des contributions aux opérations de maintien de la paix (OMP) comme au budget régulier des Nations Unies.

Comme le constate M. Philippe Errera, directeur général des affaires politiques et de sécurité du Quai d’Orsay et responsable du programme 105, la France est descendue du sixième au dixième rang du classement des contributeurs internationaux et se place désormais « très loin » de nos partenaires, dont l’Allemagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis. Afin de renforcer notre influence et d’être plus conforme au niveau de notre ambition multilatérale, le Quai d’Orsay a engagé depuis 2020 un rehaussement du niveau des contributions volontaires. Celles-ci augmenteront de 9,6 M€ en 2022 et seront ainsi portées à 29,8 M€, un montant qui pourrait évoluer en fonction des derniers arbitrages attendus mais qui reste en tout état de cause d’un faible niveau par rapport au volume des contributions obligatoires.

M. Errera a également indiqué à votre rapporteur que le ministère avait récemment réalisé une revue des contributions volontaires de la France. Cette revue a initié une évolution « d’un saupoudrage à un meilleur ciblage » sur le renforcement des outils de maintien de la paix et de la sécurité internationale, ce qui se traduit notamment par une hausse des contributions volontaires apportées à l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à l’organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et au Fonds de consolidation de la paix, outil onusien destiné à apporter une réponse rapide et flexible pour prévenir les conflits et accompagner les transitions politiques.

À l’heure où certains pays, à commencer par la Chine, déploient d’intenses efforts pour renforcer leur présence dans le système onusien, le programme 105 prévoit 1 M€ pour financer le programme Jeunes experts associés (JEA) destiné à renforcer la présence française dans les organisations internationales.

L’action 5 porte les crédits de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), qui met en œuvre des projets destinés à renforcer les capacités de nos partenaires à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. Les moyens dédiés à la coopération de sécurité et de défense diminuent légèrement, à 36,3 M€ l’année prochaine contre 38,1 M€ en 2021.

2.   La mise en œuvre d’un plan de rattrapage destiné à consolider les soutiens de l’action diplomatique et consulaire

Pendant des années, les soutiens – numérique, immobilier, sécurité – ont été laissés en déshérence au risque d’un décalage et d’une inadaptation aux besoins liés à l’exercice des missions diplomatiques et consulaires. Le projet de budget poursuit le plan de rattrapage sur les soutiens initié en LFI pour 2021.

L’action 6 du programme 105 finance le fonctionnement de l’administration générale, les dépenses liées à la gestion des ressources humaines et aux systèmes d’information et de télécommunication ainsi que la politique immobilière et les opérations de sécurisation des emprises situées en France. Les crédits hors titre 2 de l’action 6 augmentent de 6,2 M€ pour atteindre 125,3 M€.

Près de 5 M€ sur les 6,2 M€ de crédits supplémentaires sont destinés à poursuivre la stratégie pluriannuelle sur le numérique engagée cette année. Mme Hélène Duchêne, directrice générale de l’administration et de la modernisation (DGAM) du MEAE, a indiqué à votre rapporteur que le ministère avait conduit une enquête pour saisir la manière dont les agents avaient vécu la crise. Cette enquête a montré que les agents ont « globalement eu le sentiment d’être accompagnés par le ministère » mais a également révélé « une forte demande d’outils numériques plus adaptés » confirmant l’intuition qu’avait eu votre rapporteur l’année dernière en consacrant une large partie de ses travaux à la transformation numérique du MEAE ([3]), sujet prioritaire s’il en est.

L’action 7 regroupe les dépenses de fonctionnement et d’investissement des postes diplomatiques et consulaires, des frais de représentation aux véhicules, en passant par l’immobilier et la sécurisation des emprises. Si les crédits hors titre 2 de l’action 7 ne paraissent qu’en légère hausse, de 254,5 M€ à 260,5 M€, cette impression est trompeuse car les montants sont complétés par des crédits en provenance du compte d’affectation spéciale (CAS) 723 Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Comme nous le développerons en deuxième partie de ce rapport, l’immobilier a longtemps été le parent pauvre des budgets du Quai d’Orsay, de sorte que le patrimoine immobilier du ministère est, non seulement plus réduit que par le passé, mais également plus dégradé, faute d’investissements suffisants. De façon salutaire, le budget affecté à l’immobilier a été rehaussé dans le cadre de la LFI pour 2021 à 106,3 M€, dont 41,7 M€ pour l’entretien lourd. Si ces crédits resteront stables en 2022, l’immobilier bénéficiera d’un droit de tirage non remboursable de 36 M€ sur le CAS 723. Ainsi qu’il est détaillé plus loin, si votre rapporteur aurait préféré un renforcement budgétaire sur le programme 105, ainsi qu’une meilleure prise en compte de la pluriannualité inhérente à l’activité immobilière, ce dernier est satisfait de cette hausse substantielle des moyens.

En complément, la sécurisation des emprises immobilières à l’étranger bénéficiera d’une dotation supplémentaire de 3 M€ par rapport à 2021.

La grande majorité des postes à l’étranger – environ 80 % – reste soumise à un plan de continuité d’activité (PCA) pour tenir compte des effets que la pandémie continue de produire, obligeant les services à s’adapter. Leurs moyens de fonctionnement seront préservés à 106,1 M€, la hausse de crédits de 3 M€ étant justifiée par la nécessité de tenir compte des effets de l’inflation mondiale.

B.   Le programme 151 prolonge le soutien aux français de l’étranger face à la crise sans renier l’effort de modernisation des fonctions consulaires

Pour mémoire, le programme 151 rassemble les crédits destinés à financer les affaires consulaires mises en œuvre, au niveau central, par la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), et sur le terrain, par les postes consulaires et les consulats honoraires dans le monde. Pour assurer l’ensemble des missions qui reposent sur la DFAE, les moyens du programme 151 seront stabilisés en 2022 à 374 M€ dont 142 M€ pour les crédits hors titre 2. Ces crédits permettront de maintenir le soutien aux communautés françaises de l’étranger face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire et de poursuivre les chantiers de modernisation de l’administration consulaire.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 151

Action

HT2

LFI

2021

T2

LFI

2021

Total

LFI

2021

HT2

PLF

2022

T2

PLF

2022

Total

PLF

2022

Évolution

FDC et ADP

2021

FDC et ADP 2022

01 – Offre d’un service public de qualité aux

Français             

à l’étranger

30,8

181,3

212,0

44,9

179,5

224,3

+5,81%

 

-

-

02 – Accès des élèves français au réseau AEFE

104,8

-

104,8

95,8

-

95,8

–8,59%

-

-

03 – Instruction des demandes de visa

-

55,5

55,5

1,6

52,6

54,2

–2,43%

 

0,4

-

Total

135,5

236,8

372,3

142,2

232,0

374,3

+0,54%

0,4

-

Source : PAP Action extérieure de l’État, présent projet de loi de finances.

1.   Le maintien d’un soutien aux communautés françaises de l’étranger pour faire face aux conséquences de la crise

Afin de soutenir les Français de l’étranger confrontés aux conséquences économiques et sociales de la pandémie mondiale, la troisième loi de finances rectificative (LFR) pour 2020 avait ouvert, au-delà du socle budgétaire, 100 M€ additionnels sur le programme 151, dont 50 M€ pour l’aide à la scolarité et 50 M€ pour le financement de l’aide sociale, dont une partie a été reportée en 2021.

Retracés au sein de l’action 2 du programme 151, les moyens destinés à favoriser l’accès des élèves au réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) seront reconduits dans les mêmes montants par rapport à 2021. Certes, les crédits budgétaires baisseront pour s’établir à 95 M€ en 2022. Ces crédits seront toutefois complétés par la mobilisation de 10 M€ tirés d’un important reliquat dans la trésorerie (la « soulte ») de l’AEFE. En tout, 104,4 M€ seront ainsi consacrés aux bourses scolaires comme dans le budget pour 2021. Votre rapporteur estime indispensable de mettre à profit cette soulte, dont le montant atteint aujourd’hui plus de 70 M€ et qui ne saurait constituer un matelas pérenne. Le montant de la dotation de l’aide à la scolarité inclut une dotation de 1,3 M€, en hausse de 1 M€ par rapport à 2021, pour financer l’élargissement de l’accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap (ASESH) aux non-boursiers, dans un souci de promotion de l’éducation inclusive.

S’agissant de l’aide sociale, malgré les moyens exceptionnels dégagés en fin d’année 2020, votre rapporteur avait identifié l’an dernier que, du fait d’un manque de communication et de conditions d’octroi trop restrictives, les demandes de secours individuels avaient été peu nombreuses dans un premier temps. Par ailleurs, la directrice des affaires financières du MEAE, Mme Claire Bodonyi, a reconnu devant votre rapporteur que l’anticipation des effets de la crise sur les communautés françaises, qui avait conduit à débloquer 50 M€ exceptionnels dans le cadre de la troisième LFR pour 2020, était « un peu brute, un peu arbitraire ». Au total, 25 M€ sur les 50 M€ ont été reportés afin de compléter les 20 M€ prévus en LFI pour 2021 au titre des affaires sociales.

Grâce à un assouplissement des conditions d’octroi du secours occasionnel de solidarité (SOS), plus de 57 000 aides sociales exceptionnelles ont été accordées depuis le mois de janvier, en complément des aides sociales habituelles. Alors que le rythme des décaissements des aides exceptionnelles est d’environ un million d’euros par mois, Mme Laurence Haguenauer, directrice des Français de l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), estime qu’« on sera audessus de 12 M€ [de consommation des crédits] fin 2021 ».  

Les dix premiers postes en crÉdits de secours occasionnel de solidaritÉ (SOS) consommÉs au cours du 1er semestre 2021

.Pays

Poste

Montants SOS versés

LIBAN

BEYROUTH

             755 450 €

COLOMBIE

BOGOTA

              431 076 €

ROYAUME UNI

LONDRES

              371 262 €

CANADA

MONTREAL

              212 054 €

TUNISIE

TUNIS

              202 748 €

PEROU

LIMA

              196 187 €

MEXIQUE

MEXICO

              180 374 €

CHILI

SANTIAGO

              167 434 €

ISRAEL

TEL AVIV

              155 577 €

ETATS UNIS

LOS ANGELES

              141 540 €

Source : DFAE.

Les crédits d’aide sociale non décaissés ont par ailleurs été utilisés pour financer la mise en œuvre d’une campagne de vaccination des Français de l’étranger dans les pays où les vaccins reconnus par l’Agence européenne du médicament (AEM) ne sont pas disponibles. Comme le relève Mme Hélène Duchêne, la France a fait le choix « très ambitieux » de ne pas vacciner seulement les agents mais aussi les communautés françaises de l’étranger, contrairement à des pays comme l’Allemagne et les États-Unis. Entre début mai et début octobre 2021, plus de 40 000 personnes ont été vaccinées dans une soixantaine de pays. Le MEAE n’a pas eu à rembourser les vaccins auprès du ministère des Solidarités et de la santé mais a dû financer la logistique et le transport des doses.

En parallèle, comme l’explique Mme Haguenauer, un dispositif « de la seringue au QR code » a été mis en place début août pour permettre à tous les Français vaccinés à l’étranger de bénéficier d’un QR code pour activer leur passe sanitaire à l’occasion d’un voyage en France. Plus de 136 000 QR codes ont ainsi été délivrés à nos compatriotes de l’étranger. Le système de conversion des QR codes est cependant limité aux personnes vaccinées avec l’un des quatre vaccins homologués dans l’UE, les Français ayant reçu un vaccin non homologué étant contraints de se faire revacciner pour bénéficier du passe sanitaire en France.

Après avoir enregistré une hausse de 3 M€ pour atteindre 20,5 M€ en 2021, le socle budgétaire des affaires sociales est reconduit à l’identique en 2022 pour continuer à apporter une assistance à nos compatriotes en difficultés. Alors que la crise et ses effets devraient continuer à impacter les Français de l’étranger les plus démunis, votre rapporteur milite pour un report en 2022 des 11 M€ de crédits sur les 50 M€ exceptionnels qui devraient être non consommés fin 2021.

Les élections consulaires, qui ont eu lieu en 2021 après un report d’un an, « se sont bien passées, malgré une participation décevante » selon Mme Laurence Haguenauer. Compte tenu de la nécessité d’organiser les élections présidentielles et législatives à l’étranger l’année prochaine, le MEAE bénéficie dans le projet de loi de finances d’un transfert de 12,85 M€ de la part du ministère de l’Intérieur.

En ce qui concerne l’activité visas, dont les crédits figurent à l’action 3 du programme 151, celle-ci a baissé de 85 % par rapport à la situation antérieure à la pandémie mondiale selon la DFAE. La chute n’a en revanche été que de 25 % pour les visas étudiants et il s’agit du type de visa qui se rétablit le plus vite. Les conjoints de Français ont quant à eux toujours pu obtenir des visas français.

Le durcissement de l’octroi des visas aux ressortissants de l’Algérie,
du Maroc et de la Tunisie

À côté des restrictions à la liberté de circulation des personnes imposées par la pandémie, des décisions politiques peuvent aussi conduire à une réduction de l’activité visas. Fin septembre 2021, la France a ainsi pris la décision de réduire de 50 % le nombre de visas délivrés au Maroc et en Algérie et de 30 % en Tunisie. Les ressortissants de ces trois pays figurent parmi les premiers bénéficiaires de visas français.

Mise en œuvre du lien « visa-réadmission » ([4]), cette décision résulte selon Mme Haguenauer d’une « coopération consulaire catastrophique », malgré des mois de discussion avec les pays concernés. Cette dégradation dans les relations consulaires s’explique par la faiblesse du nombre de laissez-passer consulaires octroyés par les trois pays du Maghreb pour récupérer leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire français. Afin de mettre en œuvre cette réduction imposée du nombre de visas délivrés, et dans l’attente d’une meilleure coopération consulaire avec les pays concernés, l’autorité consulaire délivrera au compte-goutte les visas pour les primo-demandeurs et opposera, pour l’exemple, des refus à certaines personnalités.

 

2.   La poursuite des projets de dématérialisation de l’administration consulaire pour recentrer les agents sur leur cœur de métier

Après un ralentissement des développements informatiques en 2020 en raison de la crise sanitaire, l’activité a repris cette année pour la plupart des projets de modernisation, qui sont financés à l’action 1 du programme 151. En 2022, la DFAE prévoit de passer plusieurs étapes importantes sur les quatre grands projets de transformation des outils informatiques et des services aux usagers.

● Le registre d’état-civil électronique (RECE), qui permettra de dématérialiser les documents d’état-civil et de simplifier ainsi les démarches des usagers, devrait être achevé en 2022.

● Le vote par internet, dont l’expérimentation a été jugée réussie à l’occasion des élections consulaires de mai 2021, sera mis en œuvre pour les élections législatives de 2022, conformément à un engagement présidentiel.

● Le projet « France-Visas », qui consiste en la dématérialisation de la procédure de demande de visas, du paiement en ligne et de l’instruction des dossiers numérisés, a été déployé dans un poste pilote en juin 2021. « France-Visas » doit désormais être progressivement étendu à travers le réseau consulaire et être effectif dans l’ensemble des postes d’ici la fin d’année 2022.

● Le service « France Consulaire », qui permettra le rétablissement d’une chaîne d’accueil du public tout en déchargeant les postes des demandes les plus courantes, est initié en octobre 2021 par une phase expérimentale dans cinq pays pilotes (Croatie, Danemark, Irlande, Slovénie et Suède). Cette plateforme d’accueil consulaire sera progressivement élargie pour couvrir l’ensemble de l’Union européenne d’ici la fin d’année 2022.

Malgré les bénéfices apportés par la dématérialisation, votre rapporteur estime nécessaire de rappeler que l’action consulaire est avant tout une action humaine. Tout comme les mesures de simplification telles que la fin du notariat ou de la délivrance des certificats de vie nécessaires au versement des pensions, la dématérialisation n’a de sens que si elle permet de recentrer les agents sur leur cœur de métier. Le cœur de ces missions, qu’il s’agisse de la protection consulaire, de la délivrance des bourses et de l’aide sociale et de la lutte contre les violences faites aux femmes, ne pourra jamais être « dématérialisable ». Chacun a d’ailleurs pu le mesurer dans les débuts de la pandémie mondiale, lorsque les effectifs consulaires appelaient et répondaient aux Français, affrétaient des bus et accompagnaient nos concitoyens jusqu’aux avions permettant de regagner notre pays. Dans tous les changements envisagés, votre rapporteur estime important de ne pas perdre de vue le rapport « affectif » des Français à l’égard de leur consulat.

II.   Après la stabilisation des effectifs, la réforme de la gestion des ressources humaines du ministère sera la grande priorité des prochaines années

A.   Après des années d’efforts déraisonnables demandés au Quai d’Orsay, il était plus que nécessaire de mettre fin à l’exercice « Action publique 2022 »

Sans doute parce que son action est peu visible de la majorité des Français et qu’il a trop longtemps souffert d’une image de ministère privilégié, le MEAE est sous tension depuis trop longtemps. Depuis dix ans, le Quai d’Orsay a ainsi perdu 12 % de ses effectifs. Le plan « Action publique 2022 », lancé au début du quinquennat, fixait pour objectif d’ici 2022 un effort supplémentaire de suppression de 416 équivalents temps plein (ETP) et de 45 M€ d’économies sur la masse salariale. À la fin de l’année 2020, lorsque ce plan d’économies a été suspendu, le Quai d’Orsay avait déjà rempli plus de trois quarts des objectifs qui lui avaient été assignés. Ceci explique que, selon l’inspectrice générale des affaires étrangères, Mme Maryse Bossière, « les agents sont passionnés mais ont l’impression que Bercy a exigé des efforts déraisonnables de productivité ». Et celle-ci de conclure que « le MEAE, qui ne brasse pas des sommes immenses, a été victime d’un « micro-regard » qui ne se traduit par aucune économie réelle. »

En dépit de la baisse des moyens, le périmètre des missions diplomatiques et consulaires est resté inchangé, voire s’est étendu, ce qui expose les personnels à des situations insolubles. Le constat livré par notre collègue Anne Genetet à l’occasion de l’examen du projet de budget pour 2020 sur « l’incapacité française à ajuster les missions aux moyens » conserve toute sa pertinence ([5]). Les diplomates ne doivent pas seulement s’intéresser aux questions politiques, ils sont aussi attendus sur les affaires économiques, culturelles, militaires ou environnementales. Pour maintenir l’universalité du réseau, des ambassades dans les pays où les relations politiques sont plus faibles ont été transformées en postes de présence diplomatique (PPD), où le nombre de personnels est réduit mais où l’éventail de missions à assurer reste « à la limite du supportable ». La réduction des ETP a également été permise par l’amélioration de la polyvalence des agents, ce qui s’est immanquablement traduit par des pertes de compétences.

De manière générale, les variables d’ajustement de cet écart grandissant entre l’importance des missions et la faiblesse des moyens ont été les personnels eux-mêmes, qui ont de plus en plus de difficultés à épuiser toutes les commandes. Comme l’affirme Mme Hélène Duchêne, « courir toute une carrière au rythme d’un sprint n’est pas possible. » Votre rapporteur souhaite évoquer trois métiers parmi ceux qui ont été laissés les plus en souffrance. Tel est d’abord le cas des secrétaires généraux d’ambassade (SGA) qui ont la responsabilité des fonctions supports en ambassade et, depuis la réforme des réseaux de l’État à l’étranger lancée en 2018, de toutes les administrations de l’État à l’étranger. Comme le relevait nos collègues Didier Quentin et Anne Genetet dans un rapport récent, cette réforme s’est traduite pour les SGA, qui ont parfois une double voire une triple « casquette », « par une surcharge de travail importante […] avec un risque majeur d’usure, de démotivation et de troubles psycho-sociaux » ([6]). Les métiers consulaires ont également été parmi les plus touchés par les mesures d’économies de sorte que, selon Mme Haguenauer, « il n’y a plus de postes à supprimer dans le réseau [consulaire] ». Selon cette dernière, « il n’est pas normal qu’un agent travaille jusqu’à 23 heures pour valider des passeports ». En dernier lieu, les diplomates affectés dans les ambassades européennes rencontrent fréquemment des situations de « surchauffe » compte tenu d’une forte réduction du nombre de postes dans ces ambassades. Cette tendance serait justifiée par l’idée – dont le Quai est en train de revenir – selon laquelle les relations bilatérales avec les pays européens n’auraient plus autant d’importance à l’heure de l’Union européenne.

C’est dans ce contexte déjà dégradé que la pandémie mondiale a frappé le ministère. Selon Mme Agnès Romatet-Espagne, directrice des ressources humaines du MEAE, le nombre d’heures supplémentaires a explosé de même que le nombre de personnes qui n’arrivent plus à prendre leurs jours de congés. L’aide au retour des Français de passage à l’étranger s’est traduite par une charge de travail colossale pour les personnels, en particulier dans certains pays comme le Maroc où les agents consulaires n’ont pas compté leurs heures, des semaines durant. À la souffrance liée à la masse de travail s’ajoute celle liée à l’isolement à domicile, à l’éloignement prolongé et aux épreuves personnelles alors que six agents du ministère ont perdu la vie à cause de la Covid-19.

Dans ce contexte, il était plus que nécessaire de mettre un terme à l’exercice « Action publique 2022 ». Le projet de budget pour 2022 reconduit la stabilisation des effectifs qui avait été actée dans le budget de cette année. Le plafond d’emploi du ministère s’établit ainsi à 13 606 équivalents temps plein travaillés (ETPT) ([7]). La fin des efforts demandés au Quai d’Orsay est évidemment en lien avec la visibilité accrue du ministère et la prise de conscience de son rôle de service public lorsque, au plus fort de la pandémie, les personnels se sont démenés pour accompagner le retour de 370 000 Français bloqués à l’étranger. Votre rapporteur se félicite de ce que la prise de conscience de la nécessité de préserver les moyens du MEAE soit partagée par la plupart des membres de la commission des affaires étrangères. C’est notamment le cas de son président, M. Jean-Louis Bourlanges, selon qui « ce n’est pas à la mission Action extérieure de l’État de mourir pour lutter contre l’obésité de l’État. »

Votre rapporteur estime que les prochains budgets devront être l’occasion d’opérer un rebond. Malgré la stabilisation des effectifs, bon nombre de personnels du ministère demeurent fatigués et usés par la charge de travail. Comme l’exprime Mme Haguenauer, il y a « un vrai sujet d’ETP qui continue ». Votre rapporteur considère qu’un premier pas pourrait être de rattacher au Quai d’Orsay les 90 ETP affectés à la conduite de la présidence française de l’UE, qui ne sont actuellement pas compris sous le plafond d’emploi du ministère. La priorité doit être d’accélérer les dédoublements des agents, comme les SGA ou les effectifs consulaires, dont la charge de travail est actuellement déraisonnable.  

B.   La réforme de la gestion des ressources humaines est le nouvel horizon du mEAE

1.   La réforme de la haute fonction publique suscite des inquiétudes pour partie légitimes au sein du Quai d’Orsay

La réforme de la haute fonction publique a donné lieu à une ordonnance publiée début juin ([8]) mais qui ne contenait que quelques dispositions de principe. Les grandes orientations de cette réforme ont suscité des débats et des résistances au sein du Quai d’Orsay qui ont d’ailleurs trouvé à s’exprimer dans la presse ([9]).

Une des orientations de la réforme est de promouvoir la parité et la diversité au sein de la haute fonction publique. Certes, le ministère a fait beaucoup de progrès dans ce domaine, ce dont témoigne la mise en place en 2020 d’une cellule « tolérance zéro », qui peut être saisie de toute forme de discrimination et de harcèlement ainsi que l’adoption, en 2021, d’un plan d’action ministériel en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il n’en demeure pas moins que, comme l’affirmait Anne Genetet dans l’avis budgétaire précité, « le Quai d’Orsay accuse encore du retard » alors que le ministère peine à atteindre la cible de primo-nominations féminines à des postes d’encadrement supérieur fixée à 40 % par la loi « Sauvadet » ([10]) et que les femmes sont plus souvent affectées sur des postes d’encadrement des fonctions « support » que des fonctions diplomatiques, qui sont le cœur de métier du ministère.

L’autre grand axe de la réforme de la haute fonction publique est d’accroître l’ouverture et la mobilité dans les différentes administrations de l’État. Sur ce sujet, M. Francis Etienne, vice-président de l’association professionnelle des agents diplomatiques et consulaires issus de l’École nationale d’administration (ADIENA), rappelle que l’équipe « France » à l’étranger animée et coordonnée par l’ambassadeur n’est composée que d’une petite partie de diplomates, ce qui constitue en soi une situation d’ouverture. Surtout, le MEAE est « beaucoup plus ouvert qu’on ne le croit ». Plus de la moitié des personnels du Quai ne sont pas des agents titulaires, ce qui tient en partie à l’importance des agents de droit local employés par le ministère à l’étranger. Par ailleurs, 10 % des titulaires des postes d’encadrement supérieur du MEAE ne sont pas des diplomates de carrière ; c’est également le cas pour 19 % des postes d’ambassadeur, si l’on inclue les postes d’ambassadeurs thématiques. En sens inverse, 17,5 % des diplomates sont actuellement en poste à l’extérieur du ministère, davantage dans des organisations internationales, des entreprises et des établissements publics que dans d’autres administrations de l’État. M. Etienne souligne néanmoins qu’il y a « des progrès [à faire] sur la mobilité sortante des diplomates » compte tenu des difficultés que ces derniers rencontreraient pour revenir au Quai d’Orsay une fois qu’ils ont quitté le ministère une première fois.

 Le point le plus sensible de la réforme porte sur la nécessité de maintenir ou non un corps diplomatique distinct du reste des administrateurs de l’État. Les personnalités interrogées par votre rapporteur ont toutes fait valoir que, chez tous nos partenaires, qu’il s’agisse des États-Unis, du Canada, de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou de l’Italie, l’identification des fonctions diplomatiques est la règle, y compris chez ceux qui sont allergiques à la notion de corps. L’existence d’un corps diplomatique distinct se justifie, pour des raisons pratiques, par les conséquences du métier de diplomate sur la vie de ceux qui ont choisi de l’exercer. La diplomatie n’est pas seulement un métier mais l’engagement d’une vie, qui suppose une disponibilité à l’expatriation et l’acceptation de sacrifices importants dans sa vie personnelle. Supprimer le corps diplomatique se traduirait par de grandes difficultés dans la gestion des ressources humaines du MEAE.  Pour ces raisons qu’il juge convaincantes, votre rapporteur appelle à préserver le corps diplomatique qui, tout le comme corps préfectoral, présente des spécificités distinctes du reste du corps des administrateurs civils de l’État. Le maintien de deux corps de catégorie A au sein du Quai d’Orsay, les secrétaires des affaires étrangères et les conseillers des affaires étrangères, parait moins justifié.

2.   La réforme des métiers diplomatiques et consulaires initiée par le MEAE doit s’articuler avec la réforme de la haute fonction publique

En septembre 2020, avant que ne soit lancée la réforme de la haute fonction publique, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères avait lancé sa propre réforme des métiers diplomatiques et consulaires. Cette réforme, qui vise tous les agents et toutes les catégories, est justifiée par la nécessité de mieux valoriser les compétences pour renforcer notre outil diplomatique. Votre rapporteur appelle à l’articuler avec la réforme de la haute fonction publique.

La réforme des métiers diplomatiques et consulaires repose sur trois priorités. La première, qui vise à accroître l’ouverture du ministère, consiste à favoriser le recours à des contractuels, y compris pour les postes occupés par des catégories A, à développer la mobilité entrante et sortante et à renforcer la parité. Le deuxième axe est le renforcement de la formation tout au long de la carrière, notamment par la création d’une véritable école diplomatique et consulaire regroupant plusieurs dispositifs de formation préexistants. Cette réforme vise enfin à dynamiser la gestion des carrières en accélérant les promotions et en favorisant la convergence indemnitaire entre les rémunérations des personnels.

Une mission de réflexion et de proposition sur l’organisation des carrières diplomatiques confiée à M. Jérôme Bonnafont, qui a entendu plusieurs membres de la commission des affaires étrangères particulièrement investis sur ces questions, a contribué à affiner et à opérationnaliser cette réforme. Le rapport Bonnafont remis au ministre au cours du premier semestre 2021 insiste d’abord sur la spécificité du métier de diplomate. Il appelle également à créer une école diplomatique et consulaire, à renforcer la diversité et à revaloriser les personnels.

Cette réforme des ressources humaines commence à être mise en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Le projet de budget prévoit une hausse de 20 M€ de crédits de titre 2 pour mettre en œuvre différentes mesures destinées à harmoniser la rémunération des personnels, revaloriser les primes, soutenir le développement de l’apprentissage, rehausser la formation, améliorer le déroulement des carrières et renforcer la mobilité au bénéfice de toutes les catégories d’agents du ministère. Par ailleurs, 10 M€ de crédits supplémentaires hors titre 2 permettront de financer la création de la nouvelle école diplomatique et consulaire, pour répondre à un besoin de professionnalisation, ainsi que de nouvelles réservations de logements sociaux (140 places additionnelles) afin de répondre à la demande des agents du ministère.

Au total, en 2022, la masse salariale du ministère augmentera de 2 % pour s’établir à 1,184 Md€, dont 1,010 Md€ hors CAS Pensions. Cette augmentation est tirée par l’évolution tendancielle de la masse salariale, sous l’effet « glissement, vieillesse, technicité » (GVT), les 20 M€ budgétés au titre de la réforme des ressources humaines, auxquels il faut ajouter 4 M€ de mesures catégorielles, et une provision de 12 M€ au titre de la couverture du risque « prix » sur les rémunérations des agents du ministère, adopté lors de la LFI pour 2020.

3.   Le prochain quinquennat doit être l’occasion d’engager de nouvelles réformes de la gestion des ressources humaines du Quai d’Orsay

Si la réforme de la gestion des ressources humaines est engagée dans le cadre du présent budget, celle-ci devra se poursuivre dans les prochaines années tant les enjeux paraissent importants pour les personnels et le ministère lui-même.

Parmi les réformes à mener figure, en premier lieu, celle de la pérennisation du télétravail. Le MEAE est aujourd’hui remonté à un taux de 70 à 80 % de personnels présents sur site, un taux qui reste inférieur en administration centrale pour respecter les consignes de prévention du risque sanitaire. Malgré une envie forte de nombreux agents de retrouver le présentiel, les gestionnaires du ministère sont également confrontés à des demandes de plus en plus nombreuses de télétravail, tous sites et toutes catégories confondues. Votre rapporteur estime qu’il ne faut pas avoir de dogme sur le télétravail qui, selon les contextes, peut favoriser la concentration comme le décrochage. Selon la directrice générale de l’administration et de la modernisation, le ministère s’oriente aujourd’hui vers « une forte hybridicité ». Le télétravail reste basé sur le volontariat et conditionné à l’accord des personnels encadrants, ces derniers ayant reçu l’instruction d’être indulgents sur ces demandes tout en veillant à la continuité du service. Parmi les points de vigilance, il faudra éviter une asymétrie entre le nombre de personnels de catégorie C en télétravail et de personnels de catégorie A en présentiel. 

Le ministère doit par ailleurs interroger sa politique d’« ADL-isation », à savoir la politique de conversion, sur des postes à l’étranger, de titulaires en agents de droit local (ADL). Cette politique apparaît de plus en plus incompatible avec les risques de sécurité identifiés dans le réseau. Alors que l’« ADL-isation » était justifiée par le souci de réaliser des économies, cette justification a ses limites, la masse salariale des recrutés locaux étant en pratique beaucoup plus dynamique que celle des personnels expatriés. Votre rapporteur considère que le ministère est arrivé au bout de la logique de l’« ADL-isation » et doit envisager la reconversion de nombreux emplois en postes occupés par des titulaires. À titre d’illustration, la sécurité des ambassades à l’étranger repose aujourd’hui en large partie sur des sociétés de gardiennage qui présentent des risques de sécurité, bien qu’elles soient le plus souvent supervisées par des policiers et des gendarmes. Comme l’a expliqué M. Eric Gerard, directeur de la sécurité diplomatique du MEAE, à votre rapporteur, le coût représenté par ce système de gardiennage a par ailleurs connu une croissance exponentielle, de 2 M€ en 2007 à près de 18 M€ aujourd’hui. L’opportunité d’un déploiement d’un nombre plus élevé de policiers et de gendarmes pour assurer la sécurité en poste mérite ainsi d’être envisagée.

Un autre défi que le MEAE devra relever est celui du recrutement et de la fidélisation afin de pouvoir continuer à compter sur des personnels compétents et investis dans leurs fonctions. Si le Quai d’Orsay est un « ministère vocationnel », comme le présente le vice-président de l’ADIENA, cette chance ne doit pas dispenser d’un effort sur les rémunérations. Les personnels en administration centrale, y compris les personnels de catégorie A, perçoivent une rémunération insuffisante pour faire face au coût de la vie à Paris. Si les agents vivent mieux à l’étranger, grâce à l’indemnité de résidence à l’étranger, certains éprouvent tout de même des difficultés à faire face aux frais de scolarité qu’il est nécessaire d’acquitter pour scolariser leurs enfants dans un établissement français. Alors que le MEAE est confronté au vieillissement de ses cadres et a toujours autant besoin de spécialistes, notamment en langues rares, l’effort de revalorisation salariale consenti dans le cadre du budget pour 2022 devra être prolongé l’année prochaine.

S’il n’a pas la prétention de présenter de façon exhaustive tous les défis que le Quai d’Orsay doit relever, votre rapporteur considère aussi que les personnels diplomatiques et consulaires doivent être mieux évalués. Si l’évaluation a été renforcée pour les personnels qui occupent des fonctions encadrantes, ce dernier regrette que les personnels passent souvent d’une fonction de rédacteur à une fonction encadrante sans formation ni sélection. Les carrières devraient être guidées moins par le concours d’entrée que par une évaluation des compétences et aptitudes professionnelles et managériales des personnels appelés à évoluer.

 


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   Partie thématique : Après des années d’errance, le MEAE remet l’immobilier sur les rails

I.   Pendant longtemps, le MEAE a SUBI une politique immobilière insoutenable et inadaptée aux spécificités de son patrimoine immobilier

A.   Singulier à plusieurs égards, le parc immobilier du MEAE ne peut être piloté sur la base du seul critère de la performance économique

1.   À l’image du réseau, le parc immobilier du MEAE est dispersé dans le monde

Le MEAE occupe à peine 1,7 million de mètres carrés sur les 97 millions de mètres carrés occupés par l’État. De façon spécifique, le parc immobilier du ministère se trouve principalement à l’étranger, dans 169 pays différents.

Principales caractéristiques du parc immobilier du MEAE

 

France

Étranger

Total

Nombre de biens

28

1 878

1 906

Valorisation du patrimoine

670 474 921 €

4 065 944 588 €

4 736 419 509 €

Superficie m² SUB

123 518 m²

1 574 171 m²

1 697 689 m²

Source : direction de l’immobilier et de la logistique (MEAE).

a.   L’administration centrale, située en France, occupe un périmètre restreint

Le périmètre de l’administration centrale du MEAE, située en Île-de-France et à Nantes, comprend 14 sites, pour un total de 28 bâtiments et une surface utile brute (SUB) d’environ 125 000 mètres carrés. Les espaces occupés par le ministère sont pour l’essentiel des sites à usage administratif, même s’il faut aussi compter quelques sites à usage résidentiel.

Une démarche de rationalisation du parc immobilier occupé par l’administration centrale a été décidée au tournant des années 2000. Dans un premier temps, entre 2007 et 2009, les immeubles situés rue La Pérouse, rue Monsieur, rue de l’Université, rue Talleyrand, rue Lowendal et boulevard Saint-Germain à Paris ont été cédés tandis que les services qui les occupaient ont été réinstallés sur deux nouveaux sites, Convention et La Courneuve.

b.   La majorité du parc immobilier du MEAE se situe à l’étranger

Logiquement, le parc immobilier du MEAE est à l’image des réseaux de la France à l’étranger. Ce parc immobilier héberge :

Évalué à plus de quatre milliards d’euros, ce parc immobilier à l’étranger est constitué de 1 878 biens, répartis dans 169 pays, 1 142 sites et 1,5 millions de mètres carrés. Les biens qui composent le parc relèvent majoritairement d’un usage classique (bureaux, résidences ou lieux d’enseignement) et sont dédiés au fonctionnement des services. Plus de la moitié du parc est situé dans une vingtaine de pays historiquement liés à la France ou abritant des postes à missions élargies. Le parc immobilier domanial français au Liban est ainsi le premier au monde en termes de superficie et de valorisation, même si cette dernière a diminué.

Classement des pays par surface immobilière occupée par le MEAE

Source : direction de l’immobilier et de la logistique (MEAE).

2.   La politique immobilière du MEAE ne peut reposer uniquement sur des critères de rationalité économique

Si le MEAE n’est pas seul à pouvoir se prévaloir d’enjeux spécifiques et ne saurait être exonéré de l’impératif d’efficacité dans la gestion de son parc immobilier, il n’en demeure pas moins que de simples critères de rationalité économique, tels que des ratios d’occupation de surfaces, ne sauraient déterminer, à eux seuls, la politique immobilière du ministère à l’étranger.

a.   L’immobilier est indissociable de la fonction de représentation

Comme l’expliquent les documents transmis à votre rapporteur par le MEAE, le parc immobilier français à l’étranger, bien loin de représenter une simple richesse vénale ou un simple outil de travail pour les personnels, est d’abord « un outil diplomatique majeur au service de l’action diplomatique de la France dans toutes ses composantes : influence politique, attractivité économique et culturelle, sécurité diplomatique, protection des intérêts français et des communautés françaises à l’étranger ».

À ce titre, le choix de localisations centrales et prestigieuses est un paramètre indétachable de l’efficacité d’un service diplomatique qui doit rester proche des centres de décision du pays hôte. De surcroît, l’architecture des bâtiments et le « standing » des espaces de réception et de représentation sont des marques nécessairement associées au rayonnement de notre pays et à la crédibilité des services diplomatiques vis-à-vis de leurs homologues du pays d’accueil.

Votre rapporteur tient à souligner que, selon les pays, l’ambassade ou la résidence n’ont pas toujours les mêmes usages. Dans certaines régions, la structure des pays ou la situation sécuritaire ne fournissent pas d’alternative à l’ambassade ou à la résidence pour recevoir des interlocuteurs, ce qui rend l’immobilier, et l’enjeu de représentation qui y est associé, d’autant plus crucial.

Par ailleurs, la valorisation de l’image de la France n’est pas le propre des acteurs diplomatiques. Elle est une mission commune à l’ensemble des services français à l’étranger, et singulièrement celle des services consulaires, qui incarnent auprès des Français comme des étrangers, le service public de notre pays.

Bien évidemment, l’enjeu de rayonnement ne signifie pas que tous les biens immobiliers à l’étranger servent, à l’identique, cet objectif, ni que celui-ci ne doive être mis en balance du coût qu’il représente pour les finances publiques. Votre rapporteur appelle cependant à bien tenir compte de cet enjeu de représentation dans la conduite de la politique immobilière à l’étranger.

b.   La gestion du parc à l’étranger est contrainte par des spécificités locales

Compte tenu des nombreuses spécificités locales dans les 169 pays au sein desquels se situent des emprises immobilières du MEAE, la gestion du parc immobilier à l’étranger ne peut être alignée sur le droit ou les pratiques françaises.

Un certain nombre de biens à l’étranger sont incessibles ou réservés par le pays hôte à l’usage de l’influence diplomatique. Le Palais de France à Istanbul, que votre rapporteur a eu l’occasion de visiter dans le cadre de ses travaux, a par exemple pour caractéristique d’être incessible. En vertu de la législation turque, qui interdit la cession d’un bien acquis par donation historique d’un sultan, ce bien, fortement valorisé, devra être restitué à la Turquie sans contrepartie financière dès lors que nous n’en aurions plus l’utilité. En Algérie, la résidence des Oliviers fait l’objet d’interprétations divergentes entre les parties en matière de droits de propriété : toute tentative de procéder à la vente de ce bien exceptionnel se traduirait par des difficultés diplomatiques avec le pays hôte.

La gestion du parc immobilier à l’étranger doit également tenir compte de l’hétérogénéité des contextes économiques, juridiques et sécuritaires locaux. Comme l’explique Mme Myriam Achari, directrice de l’immobilier et de la logistique du MEAE, l’immobilier à l’étranger est confronté à « des risques inédits : des risques politiques, des risques de change, des risques de pénurie de main d’œuvre, des risques d’équipement, des risques sismiques… ». À titre d’illustration, la crise sanitaire a fortement déprimé le marché immobilier à l’étranger, retardant voire remettant en cause la réalisation d’une cession pourtant bien engagée à New-York. Même dans une ville aussi développée et dynamique, cet immeuble de logements vacant depuis deux ans, dont la cession était envisagée et qui était valorisé au départ à 21 millions de dollars, n’est plus estimé qu’à 15 millions de dollars, voire moins.

c.   La politique immobilière est soumise à la contrainte de sécurisation des emprises

Les menaces et contraintes sécuritaires auxquelles sont soumises les emprises immobilières à l’étranger nécessitent, pour y faire face, l’engagement de dépenses de sécurisation importantes. Lorsque des travaux s’engagent, la direction de la sécurité diplomatique (DSD) du MEAE s’attache à anticiper toutes les questions de sécurité soulevées par l’opération. Le MEAE conduit actuellement un plan de sécurisation de ses emprises à l’étranger, dans plus d’une cinquantaine de pays.

La sécurisation des emprises immobilières du MEAE

Selon M. Eric Gérard, directeur de la sécurité diplomatique du MEAE, les postes à l’étranger sont soumis à quatre types de menaces :

 le risque terroriste, qui est croissant et qui s’est traduit par l’attaque d’un kamikaze à pied à Nouakchott en août 2009, une attaque à la voiture piégée à Tripoli en avril 2013 et l’attaque de quatre terroristes à Ouagadougou en mars 2018 ;

 le risque criminel, traditionnellement prégnant en Amérique latine mais qui se développe partout, qui ne vise pas spécifiquement nos sites ou nos agents ;

 le risque de violence politique, à l’image des manifestations hostiles devant l’ambassade de France à Damas et à Abidjan en 2011 ou, plus récemment, en avril 2021, devant l’ambassade de France au Pakistan ;

 le risque d’espionnage, dont la croissance est fulgurante, même s’il vise davantage les technologies et les agents que les emprises immobilières. 

S’il est évident que l’Etat a une obligation de sécurité à l’égard de ses agents et des usagers, votre rapporteur a fait part au directeur de la sécurité diplomatique de son inquiétude quant aux conséquences d’une sécurisation excessive sur l’ouverture des sites au public, sur le rayonnement de la France dans le pays d’accueil et sur les contraintes qui en résultent pour les agents. Au-delà d’un certain niveau de sécurité, votre rapporteur estime qu’il est préférable de mettre en sommeil les sites dont la vocation est d’être en principe ouverts au public, comme les établissements scolaires ou les Instituts culturels.

Contrairement aux États-Unis, dont la doctrine est d’intégrer toutes les menaces dans tous les postes, le MEAE a fait le choix d’une réponse graduée. Pour faire face aux différentes menaces, la doctrine française consiste à classer les postes en cinq catégories, des pays en zone de crise (Libye, Irak, Yémen) jusqu’aux pays à risque modéré (OCDE, Union européenne). Selon la catégorie dont il relève, chaque poste se voit allouer des moyens de sécurité différents. Par exemple, dans les pays dans lesquels existe une menace terroriste (catégorie 2), la DSD alloue au poste des outils de protection contre les explosions, des véhicules blindés et des équipes de protection. Chaque poste bénéficie ainsi d’un socle de sécurité correspondant à la menace à laquelle celui-ci est exposé.

Une révision annuelle permet, pour chaque poste, de monter ou de descendre en gamme dans le niveau de sécurité. M. Gérard a expliqué à votre rapporteur que la sécurité d’un poste repose sur la combinaison de différents éléments. Certains de ces éléments, comme la protection bâtimentaire, dont la construction peut représenter un chantier de plusieurs années, ne sont pas facilement réversibles. D’autres éléments peuvent en revanche faire l’objet d’ajustements plus fluides, en particulier le respect de certaines procédures sécurisées, la sensibilisation des agents, le format du gardiennage ou encore la mise en œuvre de renforts de sécurité. Comme le résume M. Gérard, « le socle bâtimentaire reste le même » mais, en fonction de l’évolution des menaces, « on peut baisser la garde sur les procédures et l’humain » afin de donner « de la respiration au système ». La sécurité est bien la combinaison de dispositifs qui doivent être évolutifs en fonction des menaces. Le directeur de la sécurité diplomatique, qui a pour pratique de ne pas faire de « micro-management » des équipes en poste, n’exclut pas que des agents sur place aient parfois une conception plus durcie de leur environnement de sécurité qu’il ne serait nécessaire.

B.   Pendant plus de dix ans, Le MEAE a SUBI une politique immobilière insoutenable et inadaptée, dont le parc immobilier a beaucoup souffert

1.   L’État a longtemps conduit une politique immobilière insoutenable

Pendant plus de dix ans, l’État a fortement désinvesti dans son parc immobilier. Les moyens budgétaires ont fortement diminué. Aussi improbable que cela puisse paraître, la dotation budgétaire dévolue à l’entretien de ce parc important n’était, entre 2012 et 2015, que de 2 millions d’euros par an, ce qui représente un ratio dérisoire d’à peine plus d’un euro par an et par mètre carré.

Jusqu’en 2017, cette faible dotation était en large partie compensée par les ressources du compte d’affectation spéciale (CAS) 723 Gestion du patrimoine immobilier de l’État, qui est alimenté par les produits des cessions. Dans ce système, le MEAE était contraint de multiplier les cessions immobilières pour entretenir un parc qui se réduisait comme une peau de chagrin. Concrètement, le MEAE a cédé, entre 2007 et 2020, 188 emprises à l’étranger pour 789 M€ auxquelles s’ajoutent 10 immeubles en France pour 650 M€. Le ministre Jean‑Yves Le Drian a ainsi expliqué le mardi 12 octobre 2021, devant la commission des affaires étrangères, avoir « trouvé [en arrivant] une situation terrible, dans lequel le système était mauvais ». Le parc immobilier du ministère a en effet « souffert pendant deux décennies d’un sous-entretien et d’une stratégie insoutenable de cession pour financer l’entretien courant ».

Le MEAE a par ailleurs subi des décisions défavorables qui ont réduit davantage les marges de manœuvre de la politique immobilière du ministère. Comme pour les autres administrations, une partie des produits de cessions a été captée pour contribuer à l’effort de désendettement de l’État. Sur les produits de cession dégagés à l’étranger, près de 200 M€ ont ainsi échappé au MEAE.

Depuis 2020, il est par ailleurs demandé au MEAE de rembourser, par les produits de cessions, l’avance de 100 M€ consentie sur le CAS 723 pour mettre en œuvre le plan de sécurisation des emprises immobilières à l’étranger. Aujourd’hui encore, l’immobilier du MEAE ne perçoit que 50 % des produits de chaque cession, l’autre moitié étant affectée au remboursement de l’« avance sécurité », qui n’est toujours pas terminé. S’il a permis de financer l’effort de sécurisation des emprises à l’étranger, votre rapporteur appelle à ne pas reproduire ce montage financier qui affecte le financement de la politique immobilière du ministère. Pour sortir de cette « impasse financière avérée », comme a pu le qualifier un rapport du Sénat ([11]), il est nécessaire de re-budgétiser les crédits de la sécurité diplomatique.

Du fait de la faiblesse des moyens budgétaires et de l’affectation d’une large partie des cessions au financement d’autres priorités – au cours de la précédente décennie, ce sont près de 350 M€ de cessions qui ont été « captés » –, les montants affectés à l’immobilier sont restés très insuffisants pour répondre à l’ampleur des besoins auxquels le ministère devait répondre. Dans ce contexte, l’inspectrice générale des affaires étrangères, Mme Maryse Bossière, juge que « critiquer la faiblesse de la politique immobilière du MEAE reviendrait à reprocher à quelqu’un à qui on a coupé la main de ne pas savoir écrire. »

Votre rapporteur a mesuré, au cours de son travail d’auditions, le ressentiment des personnels à l’égard de la stratégie de « tout cessions » qui a été imposée au ministère. Par rapport à d’autres administrations, le MEAE aurait pris plus que sa part dans l’effort de désendettement de l’État. En cause, l’interministériel aurait souvent tendance à considérer que le MEAE est à la tête d’un patrimoine excessif dont il est possible de se dessaisir. Si tel était peut-être le cas la première ou la deuxième année, votre rapporteur estime que la logique a été poussée beaucoup trop loin, avec des conséquences néfastes.

2.   En conséquence, l’état d’entretien du parc n’a cessé de se dégrader

La priorité du MEAE a été et demeure, avec les faibles moyens dont il dispose, d’assurer la conformité du parc immobilier à l’évolution des missions diplomatiques et consulaires. Depuis 2014, le MEAE a mis en œuvre plusieurs réformes importantes de son réseau dont la conséquence a été un impact significatif sur ses implantations immobilières en France et à l’étranger.

● S’agissant du réseau diplomatique, 25 ambassades ont notamment été transformées en postes de présence diplomatique (PPD). La réduction du format et des missions de ces postes a permis, lorsque cela était possible, de procéder à des opérations de rationalisation et de densification des sites.

 ● Le réseau consulaire a également évolué avec la fermeture de consulats dans certaines villes et le regroupement des activités consulaires et de visas dans des consulats généraux repensés. Au Maroc par exemple, le regroupement des services des visas, effectif depuis le 1er juin 2021, a impliqué d’importants travaux d’agrandissement et de réaménagement. En France, de nouveaux espaces, à Nantes et à La Courneuve, ont été créés afin d’accueillir de nouvelles plateformes liées à la dématérialisation des services consulaires.

● S’agissant du réseau culturel, et bien que cela ait aussi concerné des ambassades et des consulats, plusieurs opérations de co-localisation des Instituts français et allemands ont été décidées et mises en œuvre, notamment à Erbil, Rio de Janeiro, Atlanta et Glasgow, dans le cadre du traité d’Aix-la-Chapelle de 2019.

Si le MEAE a su maintenir l’adéquation de son parc à l’évolution des missions diplomatiques et consulaires, l’état d’entretien du parc a beaucoup souffert du désinvestissement dans l’immobilier. Comme l’explique M. Philippe Errera, directeur général des affaires politiques et de sécurité du Quai d’Orsay, le site du Quai d’Orsay se caractérise par « un niveau d’inconfort pour les agents qui est problématique ». Pour Mme Laurence Haguenauer, directrice des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, certains consulats sont dans un « état de délabrement ». C’est notamment le cas du consulat de France à Londres qui offre des conditions d’accueil du public et des conditions de travail pour les agents qui sont déplorables, bien qu’un programme de rénovation soit engagé. Partout dans le réseau, on trouve des emprises avec des problèmes électriques, des problèmes de sécurité incendie, de toiture ou encore de climatisation.

En même temps que le MEAE doit remettre son parc à niveau, le ministère est confronté, comme le reste de la sphère publique, au défi d’anticiper les mutations du monde du travail, sous l’effet du progrès numérique mais surtout de la crise sanitaire, afin d’anticiper l’évolution des besoins immobiliers. Selon M. Alain Resplandy-Bernard, directeur de l’immobilier de l’État, « on ne maîtrise pas toutes les conséquences » de la crise sanitaire sur l’organisation du travail, entre les modèles du tout-télétravail et du tout-présentiel, d’où l’importance d’avoir à ce stade « un immobilier réversible ». Ce dernier parie sur le fait que « demain, le bureau sera un lieu de rencontre avec des flux ».

II.   Afin de relever les défis, le MEAE doit achever la restructuration de sa fonction immobilière

A.   Depuis 2020, le MEAE a initié un effort de rattrapage sur l’immobilier qui se concrétise par un nombre important d’opérations engagées en France et à l’étranger

1.   Un plan de rattrapage sur l’immobilier a été lancé en janvier 2020 pour redonner de la fierté au ministère

En janvier 2020, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a présidé un comité ministériel exécutif qui a permis de dresser le constat d’un parc immobilier sous entretenu et présentant un risque d’inadaptation aux enjeux diplomatiques. Ce comité ministériel a permis de valider une nouvelle stratégie immobilière et un plan d’action pour « redonner de la fierté à ce ministère ».

L’ambition de la nouvelle stratégie immobilière du MEAE, qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie immobilière de l’État, se décline en trois orientations :

● entretenir le parc immobilier du ministère et, notamment, engager une démarche de mise aux normes des différentes implantations ;

● professionnaliser la fonction immobilière ;

● adapter le parc immobilier aux nouveaux enjeux diplomatiques, consulaires et d’influence, mais aussi à la numérisation ou à la sécurisation. 

Afin de mettre en œuvre ces orientations, le MEAE a adopté un schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) qui se décline en plusieurs axes (ambassades, consulaire, logement, sécurisation, etc.). Le SPSI du MEAE a été décliné en un SPSI pour l’administration centrale et un SPSI pour l’étranger.

2.   La stratégie de rationalisation des implantations en France est structurée autour du projet « Quai d’Orsay 21 »

Déclinaison de la stratégie immobilière du MEAE, le SPSI pour l’administration centrale détaille, pour la période 2021-2025, la politique immobilière pour les emprises en France. Ses orientations sont centrées sur le regroupement de services autour de quatre pôles :

● Politique, sur le site historique du Quai d’Orsay ;

● Administratif, économique et de coopération sur le site de Convention ;

● Numérique, soutiens et services sur les emprises de Breil à Nantes ;

● Archives et logistique sur le site de la Courneuve.

Le SPSI pour l’administration centrale se structure, pour l’essentiel, autour du projet « Quai d’Orsay 21 ».

Le projet « Quai d’Orsay 21 »

S’inscrivant dans la continuité des opérations de rationalisation menées depuis le début des années 2000 (relocalisation à Convention des services autrefois éclatés sur 6 sites parisiens, construction du centre des archives diplomatiques de La Courneuve), le projet « Quai d’Orsay 21 » (QO21), dont votre rapporteur a pu mesurer l’état d’avancement à l’occasion d’une visite du Quai d’Orsay, est composé d’une vingtaine d’opérations de différente ampleur concourant à moderniser les emprises sur le plan technique, ainsi qu’à les rendre moins énergivores et plus respectueuses des nouvelles normes environnementales.

En outre, certaines opérations auront pour objectif de rendre plus modulables et plus adaptables les espaces de travail, notamment en prévision de l’émergence de nouveaux modes de travail, ainsi que de répondre à la volonté de voir le MEAE en capacité de monter très rapidement des cellules de crise et autres « task-forces ». Le projet dépasse ainsi le strict cadre de l’immobilier en s’intégrant dans une démarche plus globale ayant trait à l’organisation du ministère. À ce titre, il importe également de souligner que, dans le cadre du projet QO21, l’implantation des directions du ministère au sein des différents sites sera revue en tenant compte de la nature de leurs activités, ainsi que du principe de regroupement fonctionnel qui prévoit la constitution de quatre pôles (cf. supra).

Le projet d’extension et de réhabilitation de l’aide des archives (« ERA ») constitue la principale opération du programme QO21 et la pierre angulaire du schéma de rationalisation qui en découle. Elle consiste en la rénovation des surfaces libérées par les archives en 2009 à la suite de la construction du site de La Courneuve, ainsi qu’en l’édification d’un nouveau bâtiment verrier. Le programme de cette opération prévoit l’installation de 589 postes de travail.

Début 2020, à la suite de la décision de la ville de Paris de ne pas prolonger, au-delà du mois de juin 2022, le bail de l’actuel restaurant administratif, il a été décidé d’ajouter au programme de l’opération l’aménagement d’un restaurant administratif. De même, la possibilité de créer des ouvertures sur la façade donnant sur la rue de l’Université (qui, depuis sa construction, est aveugle) a été – après qu’un premier avis négatif a été rendu – expertisée de nouveau et un accord de principe a été rendu en juillet 2020.

À la suite de la validation de l’avant-projet définitif cet été, la fin de l’année 2021 sera consacrée à la phase de sélection de l’entreprise à qui sera confiée la réalisation du chantier. À ce stade, le calendrier de l’opération prévoit l’engagement des travaux en 2022, pour une livraison des ouvrages au deuxième semestre de l’année 2025.

Outre le projet ERA, les principales opérations menées dans le cadre du projet QO21 incluent :

● la modernisation du câblage et la rénovation du système de sécurité incendie du bâtiment administratif (bâtiment A), sur le site du Quai d’Orsay, qui donne sur la rue Robert Esnault-Pelterie. Les travaux sont en voie d’achèvement ;

● La mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et la mise en conformité incendie de l’hôtel du ministre, dont les travaux sont en cours.

Localisation des différents chantiers conduits sur le Quai d’Orsay

Source : Direction de l’immobilier et de la logistique (MEAE).

En 2019, dans le rapport évoqué précédemment, le Sénat s’était inquiété de ce que le projet QO21 avait « dérapé en coûts et en délais » et l’avait qualifié de « « totem » coûteux […] qui doit être remis en question ». Si les personnes interrogées par votre rapporteur ont reconnu que ce projet était mal parti, celles-ci ont pour la plupart estimé que celui-ci avait été remis sur les rails. Le coût de l’opération sera compris entre 72,2 et 76,8 M€, loin des 95 M€ que craignaient les sénateurs, même si le projet QO21 a changé entre temps. Compte tenu de son ampleur, ainsi que du caractère stratégique qu’il revêt, le projet QO21 fait l’objet d’une gouvernance renforcée pour assurer un pilotage efficient.

Outre les opérations conduites sur le site du Quai d’Orsay, QO21 prévoit la modernisation des emprises et l’accompagnement de la montée en puissance des services du MEAE implantés à Nantes, ainsi que la mise en œuvre du plan de versement des archives des postes diplomatiques qui prévoit le rapatriement sur le site du centre des archives de Nantes de près de 35 kilomètres linéaires d’archives. Ces deux projets, qui porteront sur l’extension des surfaces existantes, vont désormais faire l’objet d’études préalables approfondies.

3.   Le MEAE conduit de nombreuses opérations à l’étranger, parmi lesquelles des opérations de rationalisation des emprises

En donnant au MEAE un rôle de ministère « chef de file » des réseaux de l’État à l’étranger, la réforme des réseaux de l’État à l’étranger a fortement renforcé l’intérêt pour le MEAE de se doter d’un SPSI pour l’étranger. Dans le cadre de cette réforme, le MEAE a en effet reçu, au 1er janvier 2019, la responsabilité de toutes les implantations de l’État à l’étranger – soit 215 biens affectés jusque-là à d’autres ministères –, à l’exception des implantations militaires à caractère opérationnel. Cette réforme, qui donne au MEAE une vision d’ensemble du patrimoine de l’État à l’étranger, permet d’entrevoir de nouvelles opportunités de rationalisation, à condition d’adopter une approche stratégique.

Adopté dans le sillage du comité ministériel de 2020, le SPSI pour l’étranger regroupe environ 150 opérations à conduire à l’étranger entre 2021 et 2025 pour un montant de 400 M€. D’une grande diversité, ces opérations incluent la rénovation de la façade du Palais Farnèse à Rome, la création dans une logique de sécurisation d’une trentaine de logements dans l’ambassade au Burkina Faso, la construction d’ambassades à Tripoli, Libreville et Doha, des travaux de mise aux normes électriques et de sécurité incendie en Irak, la rénovation du consulat à Beyrouth, le regroupement des services sur le site de la résidence de France en Espagne qui permet d’envisager la vente de l’ancienne ambassade... 

Si les opérations conduites sont diverses, la rationalisation et la densification des sites font partie des opérations privilégiées par le MEAE. Le regroupement des sites répond en effet simultanément à tous les objectifs fixés à la politique immobilière, dont le renforcement des synergies entre services, la réalisation d’économies, la sécurisation et l’amélioration de l’état d’entretien du parc. Des opérations significatives de rationalisation ont ainsi été opérées au cours de la dernière décennie, notamment à Pékin, Bangkok, Djakarta ou à Kuala Lumpur. De telles opérations sont actuellement conduites à Madrid et à Vienne.

 

 

 

 

 

 

 

La réorganisation des représentations françaises à Vienne

Dans le cadre des travaux budgétaires, votre rapporteur a réalisé un déplacement à Vienne où se déroule une importante opération de regroupement des services. Il s’agit, en valeur, de la principale opération immobilière programmée dans le réseau l’année prochaine : 4,7 M€ devraient ainsi être engagés en autorisations d’engagement (AE) sur les crédits du programme 105 en 2022.

Aujourd’hui, à Vienne, sept implantations immobilières abritent trois postes diplomatiques : l’ambassade « bilatérale » de la France auprès de l’Autriche, la représentation permanente de la France auprès des Nations Unies et des organisations internationales et la représentation permanente de la France auprès de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ces implantations accueillent également les autres services ministériels présents en Autriche.

Comme l’explique la secrétaire générale de l’ambassade de France en Autriche, Mme Dominique Tassel, l’opération programmée à Vienne consiste à créer « le premier campus diplomatique franco-français du réseau », à savoir la localisation sur un même site de plusieurs ambassades françaises. En l’occurrence, le projet consiste à regrouper, en plus du consulat, l’ambassade bilatérale et la représentation auprès de l’OSCE sur le campus actuel de l’ambassade bilatérale. Compte tenu de l’éloignement du campus de l’ambassade des agences des Nations Unies présentes à Vienne, l’opération n’intègre pas la représentation française auprès de l’ONU, qui va néanmoins devoir se relocaliser dans la mesure où elle partage actuellement ses locaux avec la représentation française auprès de l’OSCE.

 

Ambassade de France à Vienne

Façade sur la Schwarzenbergplatz

Source : Schéma pluriannuel de stratégie immobilière des représentations françaises en Autriche.

Après la réalisation de l’étude de faisabilité il y a deux ans, le projet en est encore à la phase de la maitrise d’ouvrage, un avant-projet étant en cours de validation. Un appel d’offres devrait être lancé prochainement pour un début des travaux en septembre 2022, à l’issue de la présidence française de l’Union européenne (PFUE), pour que les travaux ne perturbent pas cet évènement. La fin des travaux est prévue pour la fin de l’année 2023.

La justification de cette opération tient d’abord à une mise en cohérence fonctionnelle liée au rapprochement de services qui ont vocation à travailler ensemble. Tel sera notamment le cas de la mission défense et du service de sécurité intérieure, qui seront basés sur un même plateau sécurisé. Le consulat, actuellement situé à l’extérieur de l’ambassade, sera rapproché des services de soutien. En dehors des synergies qui sont attendues, cette opération obéit également à des considérations budgétaires. La réduction du nombre d’implantations immobilières occupées se traduira, à terme, par des économies de fonctionnement de l’ordre de 245 000 euros par an, ce qui permet d’envisager un retour sur investissement sur 20 ans.

Si un tel projet fait nécessairement des « perdants » et des « gagnants », votre rapporteur a pu mesurer, à l’occasion notamment d’un entretien avec les représentants du personnel en Autriche, que celui-ci était globalement bien accepté de tous.

Certaines inquiétudes soulevées sur le fond du projet, notamment par l’ambassadrice Christine Fages, représentante permanente de la France auprès de l’OSCE, méritent toutefois d’être prises en compte. Avec le rapatriement du consulat sur le campus de l’ambassade, il sera nécessaire, pour des raisons de sécurité, d’assurer une séparation des flux entre le public « consulaire » et le public « professionnel » ou, à tout le moins, de mettre en œuvre un contrôle fiable des déplacements. Autre difficulté : compte tenu de la surface limitée du campus de l’ambassade, il pourrait être difficile de faire évoluer les équipes selon l’évolution des besoins. Le cas échéant, il faudra imaginer de nouvelles solutions.

Votre rapporteur, qui estime que, malgré ces inquiétudes, le projet a été bien préparé sur le fond et est prêt à être mis en oeuvre, appelle néanmoins à être vigilant sur la conduite de l’opération. Ce dernier s’est demandé si l’éloignement du maitre d’œuvre basé à Bergerac, en France, bien que celui-ci soit germanophone, n’avait pas rajouté un élément de complexité dans la mise en œuvre du projet. Surtout, la complexité de cette opération « à tiroirs » suppose de porter une attention particulière à l’exécution des travaux afin de minimiser l’impact sur les différents services. Comme l’a expliqué S.E. M. Gilles Pécout, ambassadeur de France en Autriche, à votre rapporteur, « on ne pourra pas mener cette opération très lourde sans un accompagnement précis de l’administration centrale. » Votre rapporteur appelle donc à renforcer l’équipe du secrétariat général de l’ambassade par le recrutement d’un volontaire international (VI) avant le début des travaux en septembre 2022.

B.   Le MEAE doit encore consolider sa politique immobilière pour espérer rattraper le retard accumulé

1.   Progresser dans la connaissance du parc immobilier à l’étranger

La bonne connaissance du parc immobilier est le préalable à la réalisation d’une stratégie immobilière et, partant, à la conduite des opérations. Or, si l’on a pu observer ces dernières années une amélioration importante sur le patrimoine en France, le député Jean-Paul Mattei, président du conseil de l’immobilier de l’État (CIE), estime qu’il reste « un problème d’inventaire, quantitatif et qualitatif, du patrimoine immobilier à l’étranger ». Votre rapporteur appelle le MEAE à progresser dans la connaissance, l’évaluation et la valorisation du parc à l’étranger afin d’avoir une meilleure idée de la stratégie à suivre et des opérations à engager.

2.   Décliner les schémas pluriannuels de stratégie immobilière par pays

Le SPSI pour l’étranger doit être décliné en schémas fonctionnels, sectoriels ou de « réseau » (logement, sécurité, consulats, instituts culturels, etc.), mais surtout en schémas directeurs par « pays ». Force est cependant de constater que l’adoption de ces « SPSI pays », qui sont des outils indispensables à la bonne gestion et à la valorisation des actifs, reste l’exception et non la règle. À ce jour, seuls 13 SPSI pays ont été validés alors que le MEAE compte des implantations immobilières dans 169 pays. Votre rapporteur appelle à élaborer des SPSI pour le plus grand nombre de pays en commençant par les plus importants, dont les États-Unis, l’Inde et le Brésil. Cette ambition suppose sans doute d’alléger le processus d’élaboration et de validation des SPSI, qui doivent être validés par les ministères en charge des affaires étrangères et du budget.

3.   Simplifier la politique immobilière à l’étranger

Alors que les opérations immobilières conduites par la plupart des ministères font l’objet d’un avis de la conférence nationale de l’immobilier public, qui a été créée en 2016 pour resserrer la gouvernance de la politique immobilière de l’État, la spécificité des biens à l’étranger a justifié le maintien, de façon distincte, d’une commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger (CIME).

Votre rapporteur estime souhaitable d’envisager la suppression de la CIME et l’intégration de l’évaluation des opérations immobilières à l’étranger au sein de la conférence nationale de l’immobilier public. Cette mesure serait non seulement source de simplification mais aussi d’une plus grande maturité stratégique pour les opérations immobilières à l’étranger, compte tenu de l’expérience accumulée par la conférence nationale de l’immobilier public.

4.   Garantir la soutenabilité des financements

La mise en œuvre et la réussite de la politique immobilière du MEAE dépendront étroitement de la capacité à maintenir l’augmentation des moyens.

Votre rapporteur porte un regard très positif sur la re-budgétisation sur le programme 105 des crédits alloués à la politique immobilière à l’étranger. La dotation budgétaire consacrée à l’entretien lourd à l’étranger a été portée à 13 M€ en 2019, 17 M€ en 2020 et 41,7 M€ cette année. Ce réarmement budgétaire a été complété par le maintien d’un financement au titre des produits de cessions sur le CAS 723.

 

 

*Les montants en 2022 correspondent aux crédits demandés, et non aux crédits accordés.

Source : Direction de l’immobilier et de la logistique (MEAE).

Malgré la hausse des crédits engagée ces dernières années, les montants mobilisés restent insuffisants pour financer les besoins identifiés par le ministère, ce qui conduit ce dernier à devoir faire de nombreux arbitrages entre les projets. La mise en œuvre du plan de rattrapage à l’étranger suppose la mobilisation d’environ 80 M€ de crédits chaque année, un montant qui n’a pas encore été atteint.

De ce point de vue, votre rapporteur se félicite que le projet du budget pour 2022 poursuive la remontée en puissance des moyens de remise à niveau du parc immobilier à l’étranger. Celui-ci prévoit en effet le maintien à 41,7 M€ du niveau des crédits consacrés à l’entretien lourd à l’étranger sur le programme 105 auquel se rajoute un droit de tirage non remboursable de 36 M€ sur le CAS 723. Au total, ce sera donc 77 M€ qui seront consacrés en 2022 à la maintenance lourde des postes à l’étranger, ce qui représente une somme importante.

Liste des dix principales opérations immobilières (en valeur) programmées dans le réseau en 2022

Source : direction de l’immobilier et de la logistique (MEAE).

Les moyens consacrés à la remise à niveau du parc immobilier à l’étranger dans le présent projet de budget comportent malgré tout des insuffisances.

D’abord, si la hausse des crédits est importante, votre rapporteur observe que les montants sont inférieurs à ce qui est jugé nécessaire par le MEAE. Le ministère n’a obtenu que 77 M€ sur les 85 M€ demandés pour l’entretien lourd à l’étranger, ce qui représente un écart non négligeable de 8 M€. Les crédits mériteraient d’être augmentés de quelques millions d’euros supplémentaires.

Ensuite, votre rapporteur déplore que le montant des autorisations d’engagement (AE) soit fixé à l’identique des crédits de paiement (CP) alors même que la politique immobilière suppose, par nature, de la pluri-annualité. Si l’équivalence entre AE et CP est justifiée par la volonté de ne pas créer de dette pour l’État, elle nuit fortement à la poursuite de l’effort de rattrapage. Votre rapporteur estime nécessaire de mobiliser en AE un budget global au service d’une programmation de long terme, pour donner de la visibilité aux gestionnaires.

En troisième lieu, votre rapporteur regrette qu’une partie des ressources de la politique immobilière continue de reposer sur le CAS 723 dans le projet de budget. Cet éclatement des crédits entre le programme 105 et le CAS 723 est une source de complexité pour les gestionnaires du MEAE qui sont contraints, d’une année sur l’autre, de basculer les opérations pluriannuelles d’une source de financement à l’autre en fonction de l’évolution des crédits. Votre rapporteur souhaiterait que les 36 M€ sur le CAS 723 soient budgétés sur le programme 105.

De façon générale, votre rapporteur estime que les produits de cession ne représentent pas un financement d’avenir pour la politique immobilière du MEAE. Le MEAE dispose certes d’un plan pluriannuel de cessions immobilières sur la période 2020-2025, qui repose sur une vingtaine de cessions pour un montant de 140 M€, dont l’objectif est de garantir le remboursement de l’« avance sécurité » consentie sur le CAS 723. Mais en 2019, les cessions effectives n’ont rapporté que 4,1 M€. En 2020, dans un contexte de crise sanitaire qui a freiné les opérations, les ventes n’ont atteint que 13 M€. Pour M. Jean-Paul Mattei, qui est aussi rapporteur spécial du CAS 723 au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le CAS est « un système qui s’épuise », de sorte que l’« on risque d’être loin du compte entre espoirs et réalité des recettes ».

Le MEAE arrive en effet au bout de ce que permet la vente du patrimoine, les biens les plus liquides ayant été cédés au cours de la précédente décennie. Les biens complexes, en zone de conflit ou de tension, constituent désormais une part importante du stock des biens cessibles de l’État à l’étranger. Dans ce contexte, votre rapporteur estime que les cessions ne peuvent constituer qu’une ressource d’appoint, et non un mode de financement pérenne de la politique immobilière.

5.   Professionnaliser la fonction immobilière

Au sein du MEAE, la gestion et l’administration du parc immobilier sont assurées localement par les postes diplomatiques sous la responsabilité de l’ambassadeur, représentant de l’État et du domaine à l’étranger ([12]). Cependant, bien qu’attributaire de fonctions comparables à celles exercées en la matière par les préfets, l’ambassadeur ne dispose pas des mêmes moyens, notamment humains, pour gérer le parc dont il a la responsabilité. Sans soutien d’experts locaux, les agents des secrétariats généraux d’ambassade se heurtent, dans la conduite des projets immobiliers, à la technicité des dossiers domaniaux et aux particularités du droit immobilier local qu’il leur revient d’appréhender. Votre rapporteur a largement pu le mesurer lors de son déplacement à Vienne.

Aussi, en cohérence avec la stratégie immobilière de l’État, le MEAE est mis au défi d’assurer la professionnalisation de sa fonction immobilière au sein du parc à l’étranger. Votre rapporteur appelle à renforcer le soutien dont disposent les postes de la part de la direction des immeubles et de la logistique (DIL), la direction centrale du MEAE chargée de la domanialité à l’étranger, en lien avec le réseau des quinze antennes régionales immobilières qui, à divers endroits dans le monde, assurent le suivi des opérations et peuvent détacher des agents qualifiés. 

 

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Lors de sa réunion du 12 octobre 2021, la commission a entendu M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2022.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver et d’accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur un sujet stratégique et essentiel : le projet de loi de finances pour 2022.

Avec la présentation du dernier budget de la quinzième législature, je souhaiterais mettre en perspective les efforts financiers de l’État en faveur de son action extérieure et de l’aide publique au développement (APD).

Les moyens budgétaires alloués à la mission Action extérieure de l’État pour 2022 s’élèveront à 2,98 milliards d’euros, soit 0,77 % du total des dépenses du budget général de l’État, ce qui est modeste. Je ne laisse pas de m’étonner et, du reste, la commission s’est souvent indignée que l’État puisse porter sur une si infime fraction de la dépense publique le si grand effort de réduction de la dépense budgétaire. Votre ministère a fortement contribué à cet effort au cours des années antérieures. Durant les trente années qui ont précédé 2017, début de l’actuelle législature, il a perdu plus de la moitié de ses effectifs, et un tiers au cours des dix années précédentes. Depuis le début de la législature, nous sommes passés de 13 791 emplois équivalent temps plein (ETP) à 13 563 en 2021. Vous avez donc interrompu, monsieur le ministre, cette hémorragie qui nous préoccupait fortement.

Dès lors que nous avons fait le choix stratégique et justifié de maintenir un réseau diplomatique et consulaire couvrant la planète entière, poursuivre les efforts de réduction serait revenu à attaquer l’os après la chair et à faire mourir l’action internationale d’inanition, sous couvert de mener un combat, certes globalement nécessaire, contre l’obésité de l’État. Ce n’est pas à l’action extérieure de l’État de mourir pour lutter contre l’obésité générale de l’État ! Le chiffre de 0,77 %, à l’instant cité, suffit à le démontrer.

Je constate donc avec satisfaction le coup d’arrêt donné à cette politique de réduction. Elle finissait par remettre en question l’action diplomatique et la présence même de la France à l’étranger. Les moyens financiers en personnel ont été stabilisés, voire ont connu une légère progression au titre de 2021. Il en sera de même en 2022, puisque 43 ETP supplémentaires seront accordés au ministère, essentiellement pour recruter des apprentis, ce qui n’est pas négligeable. Une analyse comparable peut être faite sur les moyens financiers de fonctionnement de nos postes à l’étranger et sur nos investissements immobiliers. Là encore, les moyens sont revus à la hausse pour 2022.

Je relève, dès à présent, l’effort consenti en faveur des bourses délivrées aux étudiants étrangers en mobilité internationale, les aides complémentaires versées aux établissements d’enseignement français à l’étranger, en particulier au Liban, et la poursuite de l’exécution du plan de doublement du nombre des élèves du réseau de l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030, la dotation de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) ayant déjà été augmentée de 25 millions d’euros.

En 2020 et 2021, votre ministère s’est également mobilisé pour apporter une aide aux Français établis hors de France affectés par la pandémie : 155 millions d’euros ont été débloqués en 2020 et le budget des affaires sociales a été rehaussé de 3 millions en 2021. Il ne sera pas réduit en 2022, ce dont nous avons tout lieu de nous réjouir.

Vous nous parlerez enfin, monsieur le ministre, de l’aide publique au développement qui mobilise plus de la moitié des moyens budgétaires de votre ministère. La trajectoire que nous avons votée dans la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est respectée, à savoir 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022 afin de s’efforcer d’atteindre 0,7 % en 2025. Les crédits de la mission augmentent de près de 1 milliard d’euros pour s’élever à 4,9 milliards d’euros, dont 3 milliards fournis par votre ministère. La progression depuis 2017 atteint 2,15 milliards d’euros. Je constate à ce sujet que la prévision budgétaire pour 2022, inscrite à l’article 2 de la loi du 4 août 2021, est déjà dépassée de 100 millions. Compte tenu de la prévision du RNB pour 2022, l’aide publique française devrait dépasser les 14,5 milliards d’euros l’année prochaine.

Enfin, conformément à l’amendement que nous avons adopté à l’initiative de notre collègue Hervé Berville, le Gouvernement a créé un nouveau programme budgétaire que vous piloterez, destiné à mobiliser les produits de cession des biens mal acquis qui seront restitués aux populations concernées, au travers de projets de coopération. Il s’agit là d’une action novatrice qui, je l’espère, inspirera d’autres États étrangers, mais qui n’est qu’un modeste premier pas sur la voie d’un assainissement général de la gestion des finances dans le continent africain.

Nous vous écoutons, monsieur le ministre, avec le plus grand intérêt !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de participer à cette réunion de présentation de l’évolution des missions Action extérieure de l’État et Aide publique au développement. Cette année encore, la trajectoire à la hausse de ce budget se confirme pour atteindre, en 2022, 6,03 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 12 %, ce qui n’a pas dû se produire souvent au cours des vingt dernières années. Ce sont 627 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale de 2021. La mission Action extérieure de l’État progresse substantiellement de 50 millions d’euros et le programme 209 Aide publique au développement augmente significativement pour rester conforme aux objectifs de la loi de programmation relative au développement solidaire votée par le Parlement après un travail dense de votre commission.

Le projet de loi de finances pour 2022 confirme le renforcement durable des moyens de notre diplomatie, comme je m’y étais engagé devant vous l’année dernière lors de l’examen du budget 2021. La progression constatée en 2021 se confirme de manière encore plus significative que ce que j’imaginais alors, grâce aux efforts de tous et de vos prises de position, en particulier au moment du débat sur la loi de programmation relative au développement solidaire.

Le projet de loi de finances pour 2022 répond à cinq orientations majeures : investir dans le capital humain du ministère et dans les moyens de fonctionnement de notre diplomatie ; renforcer notre action en faveur de la préservation de la paix et de la défense du multilatéralisme ; pérenniser et moderniser notre engagement auprès de nos compatriotes à l’étranger ; consolider nos outils d’influence ; accélérer notre effort en matière d’aide publique au développement.

La première de ces orientations consiste à nous donner les moyens de remplir nos missions et de mettre en œuvre les évolutions dont notre ministère a besoin. La stabilisation des effectifs du ministère obtenue l’année dernière se poursuivra jusqu’en 2022. L’arrêt du programme Action publique 2022 est aujourd’hui confirmé. Cette décision inscrit dans la durée l’arrêt de l’attrition de nos ressources humaines, qui devenait de moins en moins soutenable.

Le plafond d’emploi du ministère est porté à 13 606 ETP, soit 43 ETP supplémentaires, dont 40 seront mobilisés pour recruter des apprentis. À ce propos, je tiens à souligner la mobilisation et le grand professionnalisme dont ont fait preuve les agents impliqués dans l’opération d’évacuation Apagan qui a permis, cet été, de mettre en sécurité nos compatriotes, nos collègues afghans, ainsi que nombre d’Afghanes et d’Afghans menacés en raison de leur combat pour des valeurs qui sont aussi les nôtres.

Parallèlement à la stabilisation du plafond d’emploi, notre masse salariale connaîtra une hausse maîtrisée et ciblée. Elle se verra ainsi dotée de 1,183 milliard d’euros, en progression de 19 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2021. Une provision de 12 millions est dorénavant inscrite en socle pour couvrir le risque de change et de prix sur les rémunérations des agents du ministère face aux importantes fluctuations qui peuvent intervenir en la matière à l’étranger. Ce dispositif permet d’améliorer la transparence et l’équilibre du budget du ministère. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité le reconduire en 2022 et le pérenniser.

Notre masse salariale prévoit 4,1 millions d’euros de mesures catégorielles, dont la moitié sera consacrée à la revalorisation annuelle des salaires des agents de droit local. Il était indispensable d’agir en ce sens. C’est une amorce significative qui est actée dans le projet de budget.

Cette masse salariale et l’ensemble budgétaire proposé permettent d’engager une réforme d’ampleur des ressources humaines. Elle comprend la réforme de l’encadrement supérieur de l’État, en cours d’élaboration, ainsi qu’une série d’initiatives que j’ai prises après avoir confié, en 2020, à l’ambassadeur Jérôme Bonnafont une mission sur la valorisation des métiers et des carrières diplomatiques. Elles trouvent leur traduction budgétaire dans le cadre du présent projet de loi de finances. Le coût de cette réforme est raisonnable tout à la fois pour les finances publiques et pour le budget du ministère des affaires étrangères. Une enveloppe de 30 millions lui est dédiée en 2022, dont 20 millions s’inscrivent dans notre masse salariale.

Cette réforme des ressources humaines se décline en une série de mesures concrètes, dans un double objectif d’équité entre les agents et de meilleure reconnaissance des métiers qu’ils exercent. Nous renforcerons tout d’abord l’attractivité des métiers diplomatiques en rapprochant les rémunérations d’administration centrale de celles qui sont versées par des ministères comparables. Nous avons, en effet, constaté des écarts significatifs à métiers comparables en termes de responsabilité exercée, que rien ne saurait justifier. De plus, à l’étranger, nous rapprocherons les rémunérations des agents contractuels et des agents titulaires lorsque les fonctions exercées sont identiques, et nous harmoniserons les rémunérations des agents de droit local. Nous programmerons également des mesures de fluidification du déroulement des carrières, de valorisation des fonctions d’expertise de haut niveau et d’accompagnement de la mobilité. Enfin, une enveloppe de 20 millions sera dédiée au recrutement d’apprentis.

Cette réforme s’accompagne, par ailleurs, d’un important volet hors dépenses de personnel. Un budget de 3 millions d’euros est consacré à la création d’une École diplomatique et consulaire, qui s’intégrera à la réforme globale de la haute fonction publique. Cette action de formation est actuellement dispersée entre l’Institut diplomatique et consulaire, l’Institut de formation aux affaires consulaires ou encore le Collège des hautes études diplomatiques. L’École diplomatique et consulaire intégrera également en son sein l’Académie diplomatique d’été que j’ai lancée au mois d’août pour ouvrir les portes de notre ministère à des lycéens et étudiants boursiers. C’est l’une des traductions concrètes de notre volonté d’ouvrir et de diversifier le recrutement du Quai d’Orsay, en allant chercher les jeunes talents partout où ils se trouvent.

Nous réaliserons en outre un effort particulier en matière de logement social, avec une augmentation de 4 millions d’euros de l’enveloppe d’action sociale du ministère dédiée à de nouvelles réservations de logements, afin de permettre aux agents de passage en administration centrale de bénéficier de conditions d’accès au logement facilitées et efficaces. C’était une revendication des représentants du personnel. Nous entrons dans un cycle positif.

Enfin, 3 millions d’euros dans le programme 185 permettront de financer le rattrapage des écarts de rémunération entre les agents de droit local des établissements à autonomie financière (EAF), autrement dit les instituts français, et leurs homologues du réseau des ambassades.

Je veux appeler votre attention sur plusieurs sujets qui me tiennent à cœur. Le premier concerne la situation de l’immobilier de l’État à l’étranger, qui a souffert, deux décennies durant, de sous-entretien et d’une stratégie insoutenable utilisant les produits de ventes pour l’entretien courant. Afin de mettre fin à cette impasse qui menaçait notre outil de travail et d’influence, j’ai engagé depuis trois ans le ministère dans une double dynamique qui est donc maintenue. Il s’agissait, tout d’abord, de professionnaliser la fonction immobilière, ce que j’ai fait et qui ne fut pas aisé. En parallèle, il fallait réinvestir pour remettre à niveau nos bâtiments et répondre à une exigence accrue de modularité.

L’exécution de ce plan de rattrapage est déjà bien engagée. Cent vingt-deux projets ont été lancés et doivent se poursuivre. L’année dernière, j’avais veillé à ce que les moyens destinés à l’entretien du parc immobilier à l’étranger soient substantiellement augmentés dans le programme 105, avec 24,2 millions de crédits d’entretien lourd à l’étranger, cette inscription faisant suite à une hausse de 5 millions en 2020. Vous m’aviez fait remarquer l’an dernier que la progression était satisfaisante mais que cette mesure ne devait pas rester ponctuelle. Elle est désormais pérenne puisque, en 2022, le socle du budget immobilier sera de 106,3 millions et que les moyens consacrés à l’entretien lourd à l’étranger seront maintenus à leur niveau de 2021, soit 41,7 millions d’euros. Nous devrons combler le retard accumulé, qui reste considérable.

Ces moyens « rebasés » sont complétés cette année par une dotation de 36 millions d’euros sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723. Elle ne sera soumise à aucune contrepartie, aucun remboursement ultérieur, aucune cession à réaliser. C’est donc un apport de crédits nouveaux de 77 millions en faveur du patrimoine immobilier à l’étranger qu’il nous faudra pérenniser dans les prochaines années.

Ce sujet est majeur car la situation que j’ai trouvée était terrible. La logique était mauvaise : on n’avait le droit de rénover qu’après avoir vendu les bijoux de famille ou en bradant nos postes. Ce n’est plus le cas, et ce le sera encore moins l’année prochaine car j’ai demandé que nous puissions dépenser les crédits inscrits. Si vous faites des déplacements, observez ce qu’il en est dans chaque poste. Je pourrai vous transmettre la liste des initiatives qui sont prises.

Je n’oublie pas non plus la sécurité de nos emprises, dont les crédits augmentent de plus de 3 millions d’euros. Je me suis penché dès mon arrivée sur ce sujet et, après bien des efforts, la situation a évolué positivement. Les crédits s’élèvent désormais à 68 millions, dont 55 millions pour l’étranger.

Le numérique est un domaine qui requiert lui aussi des investissements nouveaux car il convient de poursuivre l’adaptation du réseau diplomatique à un fonctionnement numérique, la crise sanitaire ayant mis en lumière cette nécessité. Il existait, en effet, des inégalités de déploiement de nos capacités numériques dans le monde et des insuffisances dans le domaine de la sécurité. Comme je m’y étais engagé, notre stratégie pluriannuelle d’investissements numériques se poursuit donc en 2022. Les moyens de la direction du numérique s’établissent désormais à 47,8 millions, incluant des mesures nouvelles à hauteur de 10 millions.

La deuxième priorité de ce budget est de nous permettre de rester engagés en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme.

Nous consacrerons plus de 60 % des crédits du programme 105, soit 701 millions, aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France, y compris les opérations de maintien de la paix qui représentent 270 millions.

Le niveau de nos contributions obligatoires a été réajusté pour tenir compte de la baisse attendue de la quote-part française au budget régulier des Nations unies comme à celui des opérations de maintien de la paix, pour des raisons tenant à la part plus faible de la France dans le PIB mondial – notre croissance est forte, mais moins que dans d’autres pays ; autrement dit, la clé de répartition est meilleure pour la France. Nous poursuivons donc nos contributions obligatoires, et cela nous permet de soutenir notre effort en matière de contributions volontaires. Celles-ci sont inscrites soit au programme 105 s’agissant des contributions en matière de sécurité, soit au programme 209. Cet effort était nécessaire car nous étions passés du sixième au dixième rang des contributeurs au budget ordinaire des Nations unies, principalement en raison de la hausse des contributions volontaires de certains de nos partenaires – l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Afin de retrouver notre rang, nous avons donc décidé de valoriser ces dernières.

Une mesure nouvelle de 9,6 millions sera consacrée au renforcement des outils de maintien de la paix et de prévention des conflits au travers du Fonds de consolidation de la paix, que nous avions déjà abondé l’année dernière. Nous amplifierons notre soutien à la sécurité internationale en contribuant à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Nous augmenterons également de 2 millions le financement de jeunes experts associés et volontaires des Nations unies. Ce choix est essentiel car il faut montrer que nous contribuons aux organismes dans le cadre desquels nous nous exprimons si nous voulons faire valoir notre point de vue. En l’occurrence, nous nous sommes replacés sur une bonne trajectoire.

La troisième priorité concerne notre engagement aux côtés de nos compatriotes de l’étranger, un total de 142 millions, hors dépenses de personnel, étant inscrit au programme 151. Tout cela témoigne du fait que le Quai d’Orsay est aussi le ministère du service public des Français à l’international.

Le réseau consulaire français a réussi à faire face aux défis majeurs posés par la crise pandémique. Dès juillet 2020, le plan d’urgence, voté en loi de finances rectificative, dotait le programme 151 de 100 millions d’euros additionnels ; 50 millions ont été dédiés à l’aide à la scolarité en réaction à la baisse de revenu des familles françaises et 50 millions ont financé, et financent encore, le dispositif de secours occasionnel de solidarité (SOS) au profit de nos concitoyens à l’étranger. Il a été maintenu en 2021 grâce au report de 25 millions de crédits et a permis de renforcer le soutien aux organismes venant en aide aux Français de l’étranger. Cette année, plus de 57 000 SOS ont pu être versés à la fin août, à hauteur de 8,4 millions, qui viennent s’ajouter à ceux versés en 2020.

Enfin, ces crédits ont permis la réalisation de campagnes de vaccination à l’étranger et la conversion des schémas vaccinaux reconnus, afin que nos compatriotes puissent obtenir leur passe sanitaire. Cette opération a été organisée par nos services, tant à Paris qu’à l’étranger. La cellule spécifique a été exemplaire ; je le souligne car on en a peu parlé. Ce dispositif, mobilisé au cours de l’été, a servi 142 000 de nos compatriotes à l’étranger, et ce dans des délais extrêmement courts. À ma connaissance, peu de pays en ont fait autant pour leurs ressortissants.

Même si cela a engendré quelques soucis, nous avons souhaité permettre l’accès à la vaccination, dans les pays les plus en difficulté, à l’ensemble de la communauté française, et non aux seuls agents du ministère des affaires étrangères. Le choix n’était pas simple mais il s’agissait d’un choix d’égalité de situation entre nos concitoyens et les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères en poste à l’étranger. Ce dispositif fut une réussite, qui présentait, au surplus, un caractère exemplaire car peu de pays ont agi ainsi pour éviter les différences de traitement.

Le programme 151 reflète notre engagement dans les domaines d’intervention prioritaires que sont l’aide à la scolarité, l’action sociale ou encore l’activité consulaire. Une somme de 94,4 millions est prévue en 2022 pour les bourses scolaires destinées aux élèves français du réseau d’enseignement français à l’étranger. Elle est moindre qu’en 2021, mais je tiens à vous rassurer tout de suite : cela n’affectera en rien le volume total des aides qui seront mobilisées au profit des familles. Le budget s’élevait à 104,4 millions en 2021, il s’élève à 94,4 millions en 2022, mais nous pourrons mobiliser les crédits à concurrence de 104,4 millions en 2022, voire davantage si nécessaire. L’AEFE a bénéficié en 2020 et 2021 d’aides élevées afin que l’agence soit en mesure d’aider les établissements à l’étranger pendant la crise. Ces crédits n’ayant pas été consommés en totalité, elle connaît un excédent de trésorerie, que nous pouvons affecter aux tâches indirectes de l’AEFE si d’aventure un besoin supplémentaire se faisait sentir.

En outre, afin de mettre en œuvre la priorité du Gouvernement en matière d’éducation inclusive, une dotation de 1,3 million financera l’accompagnement scolaire des élèves boursiers de l’AEFE en situation de handicap (ASESH). Cette dotation, qui n’existait pas, permettra de répondre aux besoins relevés par plusieurs parlementaires.

S’agissant des moyens déployés directement par mes services, il a été décidé de maintenir les crédits alloués aux affaires sociales, qui ont nettement progressé en 2021, pour atteindre 20,5 millions, car il faut prendre des précautions pour l’avenir.

Une augmentation de 1 million d’euros, soit un doublement de la dotation des organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES) permettra, elle aussi, de répondre aux conséquences de la pandémie, en élargissant la possibilité de subventions à de nouvelles associations utiles à nos compatriotes ainsi qu’à des associations venant en aide aux entrepreneurs français à l’étranger. Les crédits consacrés au soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, dits crédits STAFE, seront, quant à eux, maintenus à hauteur de 2 millions.

En dépit du contexte sanitaire dégradé, l’activité consulaire régulière a été maintenue et développée. Nous poursuivons ainsi la modernisation de notre service public.

Le service France consulaire, basé à La Courneuve, aura vocation à être déployé à l’ensemble des pays de l’Union européenne dès la fin de 2022. Nous mettons ainsi à disposition de nos compatriotes de l’étranger une plateforme d’information qui rendra les services consulaires plus facilement joignables et qui désengorgera l’accueil de nos consulats en recentrant leur activité sur les sujets qui ne peuvent être traités qu’à l’échelle locale. Le service France consulaire commencera son activité demain, avec cinq postes pilotes.

Dans le domaine de la dématérialisation, le projet de registre de l’état civil électronique devrait être pleinement achevé en 2022. Les démarches à accomplir seront simplifiées et l’efficacité budgétaire sera améliorée. La mise en œuvre de cette réforme a été considérée comme exemplaire par le baromètre de l’action publique.

Enfin, je tiens à vous assurer de la mobilisation de l’administration consulaire pour organiser, en 2022, les élections présidentielles et législatives à l’étranger. Nous recevrons un transfert de 12,85 millions, hors dépenses de personnel, du ministère de l’intérieur afin de financer les scrutins. Conformément à l’engagement du Président de la République, le vote par internet, après que l’homologation aura été délivrée, sera opérationnel pour les élections législatives.

La quatrième priorité de ce budget vise à renforcer la diplomatie culturelle et d’influence. L’influence prend de plus en plus souvent la forme d’une bataille des modèles. L’apprentissage du français, l’enseignement supérieur ou encore le rayonnement de nos industries culturelles et créatives sont donc devenus autant de sujets stratégiques.

Au cours des prochaines semaines, j’aurai l’occasion de vous présenter une feuille de route relative à la modernisation de nos instruments d’influence. Il s’agit de nous donner des outils pour objectiver notre position dans ces nouvelles batailles – notamment à travers l’élaboration d’un tableau de bord de l’influence – et de mobiliser l’ensemble de notre réseau et de nos instruments de manière beaucoup plus offensive. Je serai amené à commenter de cette feuille de route avant la fin de l’année. Son adoption s’accompagnera d’une augmentation de 15,1 millions d’euros des crédits du programme 185, qui atteindra 660 millions. C’est de loin la progression la plus forte de ce programme depuis le début du quinquennat. J’en suis d’autant plus satisfait que ce programme était menacé, la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 prévoyant une forte diminution de ses crédits au cours du quinquennat. La trajectoire est inversée et la feuille de route de l’influence connaîtra une progression de 15,1 millions. Celle-ci intégrera, à hauteur de 5 millions, notre contribution à l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH).

Nos priorités en matière d’attractivité de notre territoire seront également confortées. L’enveloppe des bourses d’étude et de stage sera portée à 64 millions afin d’atteindre les objectifs fixés par la campagne Bienvenue en France. Une enveloppe de 4 millions sera en outre affectée à la formation des talents étrangers pour soutenir les campus « franco-x », qui sont, pour l’heure, peu nombreux – je pense en particulier au campus universitaire franco-sénégalais, au hub franco­ivoirien pour l’éducation ou encore au projet avec la Tunisie, qui est un peu plus long à voir le jour. Le dispositif doit permettre à ces campus universitaires des échanges dans les deux sens ; ainsi, des étudiants français ou européens pourront suivre des études dans ces campus et être diplômés de l’université de rattachement et du campus universitaire où ils sont inscrits. Ces expérimentations sont majeures ; je vous invite d’ailleurs à visiter ces campus lors de vos déplacements. Le dispositif doit être renforcé car il s’agit d’un outil de première importance.

Nous renforcerons également l’enseignement des langues étrangères au sein du réseau scolaire à l’étranger et conforterons la place de nos industries culturelles et créatives (ICC). Celles-ci sont un élément essentiel de notre diplomatie d’influence. Après la crise sanitaire, nous devrons organiser la relance des ICC, en bonne articulation avec la ministre de la culture.

Ces crédits soutiendront également la villa Albertine, que j’ai inaugurée à New-York voilà quinze jours. Elle ouvre un nouveau chapitre de nos relations culturelles avec les États-Unis. La villa Albertine est à l’image de la villa Médicis ou de la villa Velasquez, si ce n’est qu’elle est éclatée entre dix villes américaines et qu’elle est essentiellement numérique. Les artistes sélectionnés par un jury choisiront leur lieu de résidence en fonction des activités spécifiques à chaque site et de leur propre projet. Son nom fait écho à la librairie Albertine, librairie historique du centre culturel de New-York, qui est très fréquentée et bénéficie d’une belle image de marque.

S’agissant de nos opérateurs, nous maintenons notre appui au niveau atteint l’année dernière. La subvention de l’AEFE est stabilisée à hauteur de 417 millions d’euros. Nous pérennisons ainsi l’augmentation de 24,6 millions votée en 2020. Cette continuité est nécessaire pour soutenir le plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République du doublement du nombre d’élèves des écoles d’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030. La crise sanitaire n’affecte en rien cet objectif : grâce à notre mobilisation de près de 150 millions, dès le printemps 2020, plus de 20 établissements supplémentaires ont été homologués, portant à 545 le nombre d’établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger. La France conforte ainsi son statut de premier réseau éducatif dans le monde.

Par ailleurs, nous restons aux côtés des familles qui ont fait le choix de l’enseignement français. La situation au Liban demeurant dramatique, nous avons décidé que l’AEFE mobiliserait 10 millions de ses excédents de trésorerie pour venir en aide au réseau de l’enseignement français au Liban, auquel nous avions déjà accordé 20 millions l’an dernier.

Les subventions des opérateurs Campus France et Institut français seront maintenues à leur niveau de 2021. Celle versée à Atout France sera légèrement rehaussée pour compenser la perte touristique constatée et reconquérir l’attractivité touristique internationale.

Les crédits de la mission Aide publique au développement progressent de 581,2 millions d’euros. Une précision sémantique avant de poursuivre : on entend de nombreuses critiques sur les termes « aide publique au développement », qui ne reflètent plus la réalité. En effet, les solutions aux grands défis ne se trouvent pas seulement au nord : elles s’inventent aussi au sud. L’expression « investissement solidaire » a été proposée lors du nouveau sommet Afrique-France de Montpellier, expression que je ne renie pas, bien au contraire, car la solidarité est ce qui nous protège tous. Dans un monde d’échanges et d’interdépendance, elle est aussi une exigence d’efficacité.

La progression très significative de ces crédits concrétise l’engagement de la loi que vous avez votée à l’unanimité, notamment l’objectif de 0,7 % en 2025. Nos priorités restent celles qui ont été fixées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et la loi. La composante bilatérale poursuivra sa progression avec la hausse des moyens alloués à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide-projet, c’est-à-dire à la fois le don projet et le don ONG, qui augmentent respectivement de 18,5 % et de 10,3 %. Ces moyens atteindront ainsi, en matière d’aide bilatérale, près de 1 milliard d’euros.

La priorité donnée à l’aide bilatérale se traduit aussi par les moyens consacrés aux projets du fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Rehaussés de 10 millions en 2021, ils seront maintenus à ce niveau car ils ont fait la preuve de leur efficacité, les ambassades me disant que le FSPI remplit pleinement son rôle.

Enfin, l’aide humanitaire atteindra, pour la première fois, 500 millions d’euros en 2022, avec une hausse des crédits de 170 millions, auxquels s’ajoutent les soutiens que nous apportons aux organismes humanitaires, qu’il s’agisse des contributions volontaires aux Nations unies, du Fonds d’urgence humanitaire ou des aides spécifiques de l’aide alimentaire programmée.

Par ailleurs, je relève la progression continue de notre soutien aux dispositifs de volontariat, notamment via l’opérateur France Volontaires. Elle est conforme aux engagements que j’avais pris devant les élus.

Au-delà, notre action en matière de développement répond à une logique multilatérale que la France défend avec une grande détermination. Le programme 209 assure un soutien politique et financier d’ampleur au système de développement et d’aide humanitaire des Nations unies. Les contributions volontaires aux Nations unies et aux grands fonds verticaux constituent un outil très efficace pour répondre aux différentes crises. Leur enveloppe s’élèvera à 352,8 millions en 2022, en hausse de 170 millions par rapport à 2021, concentrée sur la santé mondiale avec 110 millions d’euros pour l’initiative ACT-A – pour renforcer tant les financements COVAX que la contribution à l’association Unitaid et à GAVI, l’Alliance du vaccin – et pour les organisations humanitaires.

Le dix-huitième sommet de la francophonie, prévu en novembre 2021, marquera le cinquantenaire de l’organisation. Pour renforcer l’action de la francophonie, les moyens progresseront de près de 8 millions en 2022.

Enfin, nous resterons engagés dans le fonds français Muskoka qui agit dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest en faveur de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, infantile et des adolescents ainsi que de la nutrition. Par ailleurs, lors du Forum génération égalité (FGE), nous avons annoncé que nous réabonderons ce fonds à hauteur de 10 millions en 2022 et que nous verserons une contribution de 18 millions sur cinq ans au Fonds des Nations unies pour les populations, qui agit en faveur de l’accès à la contraception et dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive.

La France poursuivra également son action en faveur de la préservation des autres biens publics mondiaux, en particulier par une contribution de 78 millions dédiée à la reconstitution du partenariat mondial pour l’éducation. S’agissant du climat, nous poursuivrons notre soutien en faveur de l’initiative CREWS (Systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques), de l’initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) et de l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales et humides.

Afin d’éviter toute ambiguïté sur l’évolution du volant européen de notre politique de développement, je précise que les crédits du programme 209 consacrés à la coopération communautaire, à travers le Fonds européen de développement (FED), seront ramenés à 487 millions contre 713 millions en loi de finances 2021. Cette part du FED dans notre budget continuera à s’amenuiser jusqu’à extinction des projets engagés dans le cadre du onzième FED. C’est la conséquence de l’intégration du fonds dans le nouvel instrument européen de coopération, le NDICI, instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Celui-ci n’est pas financé par le programme 209 mais par la contribution française au budget de l’Union européenne. Notre contribution diminuera progressivement, au fur et à mesure de la réalisation des projets qui ont été engagés. Cela n’empêche pas l’outil NDICI de fonctionner, d’être doté très significativement et d’être mobilisé en particulier en faveur de l’Afrique subsaharienne.

Pour conclure, je souhaite évoquer le nouveau programme 370, consacré à la restitution des biens mal acquis et qui sera abondé au fur et à mesure des ventes de ces biens. Il s’agit d’une innovation attendue, qui relèvera du ministère des affaires étrangères.

Mme Nicole Le Peih. (LaREM). Les événements des derniers mois nous rappellent que le contexte international est instable. Qu’elles soient sanitaires, économiques ou environnementales, les crises se superposent. C’est pour faire face à ce contexte particulier que la France travaille au renforcement des attributs de sa souveraineté, notamment sur le plan européen, par une accélération des grandes décisions, que ce soit sur le climat avec le paquet Fit for 55, sur l’économie avec le plan de relance ou encore sur la politique sanitaire avec une politique industrielle offensive qui fait de l’Europe le premier producteur de vaccins au monde.

L’action du ministère de l’Europe et des affaires étrangères est au service de cette politique ambitieuse, et je pense pouvoir dire, au nom de mon groupe et à l’occasion de ce dernier budget du quinquennat, que votre engagement est reconnu et apprécié. Continuons ! Les prochains mois seront particulièrement déterminants. La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) représente une occasion unique de conclure sur un maximum de sujets et d’avancer sur l’ensemble des autres questions. Cette présidence est d’autant plus importante que la raison d’être du projet européen est désormais évidente. Face à la Chine et aux États-Unis, nous ne pouvons plus nous contenter d’un rôle de puissance tampon.

Ma première question porte sur l’impact de la présidence française de l’Union européenne sur le budget 2022. Est-il significatif ?

Je tiens à saluer l’effort engagé par le ministère pour mettre à disposition des indicateurs de suivi de l’égalité entre hommes et femmes. Quels sujets vous paraissent avoir le mieux progressé au cours des dernières années et quels sont ceux qui, au contraire, nécessitent de maintenir nos efforts et notre attention ?

M. Michel Herbillon (LR). Si nous ne sommes pas forcément d’accord avec l’ensemble de ce que vous avez présenté, monsieur le ministre, je veux toutefois souligner un certain nombre de vos actions, telles que l’arrêt de l’hémorragie des effectifs.

Je veux également rendre hommage à votre politique immobilière. Il était absurde d’être très ambitieux sur le plan de la politique internationale et de notre diplomatie d’influence et de régulièrement vendre des instruments diplomatiques. J’ai souvent repris l’exemple de la résidence du consul général à Shanghai, qui était un instrument d’influence de notre présence en Chine et que l’on voulait quitter pour louer des locaux anonymes. Je salue donc votre action et les crédits que vous avez inscrits en faveur de l’entretien de nos postes diplomatiques.

Je suis en revanche un peu surpris par vos propos relatifs à la diplomatie d’influence parce qu’il s’agissait d’une priorité du quinquennat : pourquoi a-t-il fallu attendre quatre ans et demi pour produire un tableau de bord et moderniser nos outils de diplomatie d’influence ? Mieux vaut tard que jamais, me répondrez-vous sans doute !

J’en viens à mes questions. L’écologie est un enjeu phare des décennies à venir, le président Macron la définissant même comme le combat du siècle. Est-ce toujours le cas, alors que le budget lié aux objectifs de développement durable de votre ministère est passé de 3,2 millions d’euros en 2021 à 2,4 millions pour 2022, soit une chute de 25 % ? Comment expliquez-vous cette baisse et quelles conséquences aura-t-elle sur nos actions pour le climat menées à l’étranger ?

Alors que le deuxième objectif de votre budget s’intitule « promouvoir le multilatéralisme et agir pour une Europe souveraine, unie et démocratique », nos alliés américains ont œuvré dans notre dos pour briser nos accords commerciaux d’envergure tandis que nos alliés allemands n’ont pas hésité à conclure des accords de défense avec l’Australie. Ces deux événements récents portent une lumière singulière, pour ne pas dire davantage, sur votre priorité. Dans ce contexte défavorable à la France, quel contenu concret donnez-vous à ce budget de 3 milliards consacré au multilatéralisme et à la promotion d’une Europe souveraine ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur Atout France, dont le budget avait été revu à la baisse les années précédentes. Alors que vous avez indiqué que les difficultés se profilaient pour le secteur du tourisme, nous ne notons pas de hausse significative du budget d’Atout France, qui passe de 37,4 millions en 2019 à 29 millions en 2022. Ne pensez-vous pas que nous sommes dans une période où le tourisme a plus que jamais besoin d’être stimulé ?

M. Frédéric Petit (MODEM). Avec une augmentation de 627 millions, les moyens de la diplomatie française sont renforcés. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue cet effort qui s’inscrit dans la continuité, et pas uniquement en raison de l’augmentation de l’aide publique au développement.

L’enveloppe destinée à la modernisation des ressources humaines s’élève à 30 millions d’euros, à différencier de l’enveloppe destinée à la revalorisation : cette somme sera bien destinée à moderniser et à réorganiser. Je salue votre action très importante concernant les contrats de droit local. En tant que Français à l’étranger, je rencontre ces personnes recrutées en contrat de droit local. Je vous rappelle, au passage, que la rémunération ne se limite pas au salaire : aider toutes les personnes recrutées en contrat de droit local à inscrire leurs enfants dans les lycées français, par exemple, serait un geste symbolique très peu onéreux et qui contribuerait à leur meilleure rémunération.

S’agissant du programme 151, je salue les efforts pour rationaliser le travail accompli pour les Français de l’étranger, même s’il reste encore beaucoup de disparités. Nous ressentons une très nette amélioration de l’action de la France et de son rôle d’administration publique en faveur des Français à l’étranger au quotidien.

Concernant le programme 105, on parle trop peu des efforts de la France en faveur du partenariat mondial pour l’éducation, ainsi que des 9 millions d’euros consacrés aux contributions volontaires aux organisations internationales.

La trajectoire de l’aide publique au développement est significative et doit être promue. Nous avons atteint les objectifs fixés dans le cadre de la loi de programmation que nous avions votée à l’unanimité. Je salue également la nouvelle ligne et le nouvel effort historique relatif aux biens mal acquis. Nous n’avons pas conscience de l’influence que ce dispositif prendra au fur et à mesure des années. C’est, selon moi, un outil de gestion et de démocratisation.

Je reviens au programme 185, dont je suis le rapporteur pour avis. Je salue l’inscription de 15,1 millions supplémentaires et la stabilité des opérateurs. En 2017, quand j’avais pris cette responsabilité, j’avais dit qu’on ne gérait pas la pénurie mais aussi l’organisation. Je confirme que nous avons perçu l’effort efficace produit en ce domaine.

On parle souvent pour ce budget de soft diplomatie. Je persiste à penser que c’est une diplomatie qui peut être forte, une hard diplomatie. Nous le voyons actuellement avec le Bélarus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la feuille de route influence, sur la façon dont elle se coordonnera avec les différentes COP – conférences des parties – ou les différentes conventions – conventions de moyens et conventions de partenariat avec les opérateurs ? Comment coordonnera-t-elle l’ensemble des efforts qui sont faits dans ces domaines ?

M. Alain David (SOC). Les indices et les classements sont partiaux et comportent de multiples biais méthodologiques ; ils illustrent néanmoins des tendances de fond. Ainsi le classement global 2021 du soft power des nations a acté un recul de la France à la septième place du classement des pays les plus influents, après avoir été première en 2018. Il conviendrait que nous analysions ce fort recul pour en comprendre la cause.

Nous partageons avec nos collègues de la commission les ambitions d’une juste influence de notre diplomatie et de notre pays pour un monde plus sûr et plus durable. Avec mes collègues du groupe socialiste et apparentés, nous serons extrêmement vigilants afin que les moyens de notre action extérieure soient effectivement renforcés.

J’aurais l’occasion de revenir en détail lors d’une prochaine réunion sur l’audiovisuel extérieur de la France, en particulier sur France Médias Monde, outil du rayonnement de la France, qui subit une baisse pour la quatrième année consécutive, alors que la Deutsche Welle et la BBC connaissent des hausses significatives.

Au-delà des grandes masses budgétaires, que vous avez réussi à faire évoluer globalement, les services de votre ministère doivent contribuer au rayonnement international de la France et au service d’un nombre croissant de Français installés ou de passage à l’étranger, et ce malgré une baisse constante de ses effectifs ces dix dernières années. En effet, ce personnel est passé de 15 024 personnes à 13 606 en 2022, soit une perte de 1 418 personnes dans votre ministère. Cette tendance peut-elle se poursuivre dans le cadre du Comité action publique 2022 (CAP 22) compte tenu de l’élargissement des missions de votre ministère et de la qualité du service attendu par l’une des premières diplomaties du monde ?

M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette présentation qui confirme assez bien la trajectoire à la hausse des moyens du Quai d’Orsay, après des années de coupes budgétaires. Même si l’effort reste minime, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le plafond d’emplois ministériel soit accru de 43 ETP pour atteindre un total de 13 606 ETP. Cela confirme l’arrêt du programme Action publique 2022 et les réductions d’effectifs afférentes. Ainsi, la masse salariale progresse de 2 % pour s’établir à 1,18 milliard d’euros, dont 30 millions sont prévus pour le financement d’une réforme des ressources humaines du ministère.

Je voudrais, à cet égard, remercier l’ensemble des agents pour leur dévouement auprès de nos compatriotes dans un contexte sanitaire et sécuritaire souvent très difficile. Il nous appartient de renforcer ce réseau en moyens financiers et humains, la crise sanitaire ayant démontré, si besoin était, toute l’importance qu’il constitue pour nos 3,5 millions de compatriotes qui résident à l’étranger.

Je ne peux qu’approuver l’actuelle réforme des ressources humaines qui vise à moderniser la fonction diplomatique en valorisant les carrières, à renforcer la mobilité de toutes les catégories d’agents du ministère, à former les agents via la création de l’École diplomatique et consulaire ou encore à rénover le parc immobilier et de logements sociaux du ministère. Même si l’on peut toujours faire plus, nous ne pouvons qu’apprécier l’augmentation de ces moyens consulaires de 6,7 millions d’euros par rapport à 2021, pour un total de 142,2 millions d’euros.

Par ailleurs, le vote par internet sera utilisé aux prochaines élections législatives, comme ce fut le cas pour les dernières élections consulaires en 2021. Ainsi, le transfert en provenance du ministère de l’intérieur de 12,85 millions d’euros pour participer à ce financement et au bon déroulement de ces scrutins ne peut que retenir notre attention.

Nous continuerons à soutenir les Français de l’étranger, comme nous l’avons fait dans les heures les plus difficiles de la pandémie, tout en maintenant une marche rapide de la transformation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Enfin, dans le respect de la loi de programmation du 4 août 2021, le budget de l’aide publique au développement s’accroît considérablement et met nos actes en conformité avec nos paroles dans la lutte pour l’éducation, la santé et le respect des objectifs de développement durable à l’échelle mondiale. En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra avec vigueur la répartition des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État et au programme de solidarité.

Ma question concerne l’AEFE. Les excédents de trésorerie de l’AEFE pour 2022 et les crédits de paiement, hors T2, dédiés à l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE baissent de 9 %, soit de plus de 10 millions d’euros. Cette solution sera-t-elle suffisante pour maintenir les montants des bourses accordées aux familles ? Les excédents de trésorerie de l’AEFE étant par nature destinés à s’épuiser, s’ils sont mobilisés chaque année, une hausse des crédits de paiement alloués aux bourses scolaires est-elle envisagée dans les futures lois de finances ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame Le Peih, le coût de la mise en œuvre de la présidence française de l’Union européenne ne relève pas du budget du ministère des affaires étrangères mais du budget du Premier ministre. Le montant des crédits pour la PFUE s’élève à 150 millions d’euros au titre de 2021 et 2022, et s’accompagne d’une rigueur de gestion et d’une sobriété pour éviter que cette présidence soit ostentatoire. Mais ce n’est pas sur mon budget que les crédits sont mobilisés.

Dans le cadre de la PFUE, de nombreux événements sont prévus : dix-huit réunions ministérielles informelles, soixante-dix réunions ministérielles formelles, auxquelles s’ajouteront de nombreuses autres réunions. Le principe de l’équilibre géographique des événements sera assuré. Trois thèmes sont d’ores et déjà retenus : une Europe de la relance, une Europe puissance et une Europe d’appartenance. Ces sujets feront l’objet d’une déclinaison, une fois que le Président de la République aura donné les grandes orientations de la présidence française. Le calendrier sera marqué par l’aboutissement de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui se tiendra dans la première quinzaine de mars. Une première partie de cette conférence s’est tenue les 11 et 12 septembre dans neuf régions, une deuxième les 24 et 26 septembre afin d’identifier les priorités des Françaises et des Français sur l’avenir de l’Europe. Ce sera un point important de mobilisation.

La féminisation de l’encadrement supérieur du ministère a largement progressé puisque 40 % des primo-nominations à des fonctions d’ambassadeur et ambassadrice concernent des femmes, ce qui permet de créer un vivier. Nous avons également nommé des ambassadrices à des postes majeurs. Fut un temps, la distribution était sectorisée, parcimonieuse, des postes étant plutôt réservés aux femmes, d’autres aux hommes. Progressivement, nous avons banalisé cette distinction. C’est ainsi qu’à Londres, Beyrouth, Berlin, au Maroc, au Brésil, nos ambassadrices sont des femmes. Le mouvement doit être poursuivi.

Par ailleurs, il convient de ne pas relâcher l’effort d’influence. Concernant les ressources humaines, le programme Action publique 2022 a pris fin il y a deux ans pour mon ministère et la situation est stabilisée depuis l’année dernière, mais il nous faut rester très vigilants, tant la situation reste fragile.

Monsieur Herbillon, vous avez livré votre avis sur la politique immobilière. À New-York, la France est propriétaire de deux bâtiments sur la cinquième avenue qui abritent un centre culturel, la villa Albertine, et le consulat. Quand je suis arrivé en 2017, on m’a demandé de vendre l’un des deux alors qu’il n’y avait pas mieux en termes d’influence et de visibilité. Il faut donc continuer à être vigilants.

S’agissant de la feuille de route influence, il ne s’agit pas d’un rattrapage de dernière minute. Au début du quinquennat, l’objectif était de diminuer sensiblement les financements liés à la stratégie d’influence. Nous avons depuis augmenté nos crédits ; il nous faut maintenir cet objectif majeur. La feuille de route, stratégique pour les années à venir, peut désormais être fixée dans la mesure où nous avons rehaussé, année après année, les crédits liés à l’influence, qui étaient réduits à peau de chagrin. Le texte que je vous présenterai sera un texte de mobilisation et surtout de diplomatie globale.

J’en viens à l’interrogation de M. Alain David sur l’influence médiatique, outil essentiel regroupant dans un même concept, une même stratégie l’ensemble des actions d’influence que nous menons à l’étranger, non seulement celles du ministère des affaires étrangères mais aussi celles du ministère de la culture, parmi d’autres. Ces actions seront concentrées dans un document unique de vérification et d’évolution des engagements pris pour assurer une mobilisation pleine et entière sur cet agenda, qui dépassera les frontières entre le hard et le soft.

Au regard de votre observation, monsieur Herbillon, je propose de dresser l’inventaire de l’ensemble des fonds relatifs à l’écologie et au climat car certains dépendent du programme 110, que nous n’avons pas évoqué. Il s’agit d’identifier trè.s précisément tout ce qui relève des actions climat de la France, soit au titre des fonds spécifiques français, soit au titre des participations multilatérales de la France à différents outils, et de les mettre en valeur avant la COP26.

Les chiffres dont je dispose relatifs à Atout France sont en progression. Nous avons ouvert 5 millions de crédits supplémentaires en faveur de cet organisme pour qu’il relance les campagnes de soutien, auxquels s’ajoutent 2,2 millions destinés à compenser la baisse des recettes et 430 000 euros au titre du fonctionnement. Nous veillons donc à ce qu’Atout France ne soit pas pénalisée par les conséquences de la crise et les difficultés que l’agence a rencontrées.

Monsieur Petit, vous avez appelé mon attention à plusieurs reprises sur les agents de droit local et les contrats locaux. Ils sont aussi un outil d’influence, parce qu’ils servent l’image de la France. Merci donc d’avoir bien voulu noter que les engagements ont été tenus.

Le partenariat mondial pour l’éducation relève du programme 209, qui porte sur les grands fonds à dimension culturelle et non du programme 105, qui concerne les contributions volontaires en matière de sécurité.

Monsieur M’jid El Guerrab, pour répondre à votre question sur l’AEFE, nous aurons les moyens de maintenir les montants des bourses accordées aux familles. La soulte n’est pas inépuisable mais nous la mobilisons dans le présent budget car cet argent n’a pas vocation à dormir. Je vous remercie pour vos messages adressés à nos personnels consulaires, qui réalisent un travail constant de présence et d’accompagnement de nos compatriotes à l’étranger. Ce n’est pas toujours une tâche facile, surtout dans la période qu’ils ont connue récemment.

M. Jacques Maire. À l’heure du dernier bilan, j’observe que nous reconnaissons de façon assez consensuelle le travail considérable qui a été accompli par vous-même et par les services pour rendre le Quai d’Orsay plus que jamais utile à la France, en particulier dans les périodes de crise les plus dures.

Je vous interrogerai sur quelques sujets qui supposent de se plonger dans les détails. Tout d’abord, si 43 ETP supplémentaires sont prévus, quasiment aucun ne concerne le cœur de métier. Il ne s’agit pas d’une hausse mais plutôt d’une stabilisation à très bas étiage. Ainsi, la proposition n° 23 du rapport Berville de 2018, visant à donner les moyens d’animer la fonction APD grâce à un corps de métier inscrit dans le ministère, ne trouve pas de traduction concrète, même si Focus 2030 a montré que cette dimension était réalisée à 30 %. Nous aboutissons à ce que l’on appelle, en termes financiers, un mismatch, c’est-à-dire une augmentation très forte des moyens sans un réel renforcement du pilotage. Cela signifie probablement des difficultés pour la DGM (direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international) et un rôle de l’opérateur toujours plus important.

S’agissant de l’immobilier, nous avons bien compris votre démonstration. Cela dit, le compte d’affectation spéciale sur lequel sont redéployés quelques dizaines de millions d’euros est-il celui sur lequel des ventes étaient inscrites ou s’agit-il d’un autre compte d’affectation spéciale ? Par ailleurs, celui qui servait à refinancer la politique d’équipement existe-t-il toujours ? Des ventes sont-elles aujourd’hui programmées ? Vendre des implantations inutiles ou dépassées et gérer de façon active son parc relèvent d’une bonne gestion mais ce n’est pas un moyen de financement.

S’agissant du personnel, je conclurai avec une question un peu délicate, en ce qu’elle comprend à la fois un aspect quantitatif et un aspect qualitatif. Si l’on observe la pyramide des âges et la pyramide des emplois, on constate qu’il n’est pas répondu à de nombreux besoins du Quai d’Orsay et que l’on compte beaucoup de sureffectifs dans des emplois de niveau supérieur. Des dispositifs de rupture conventionnelle ont existé dans le passé : ces solutions sont-elles étudiées pour permettre une meilleure gestion interne ?

Mme Anne Genetet. Monsieur le ministre, au nom des communautés françaises qui sont actuellement très durement affectées, j’adresse un mot de soutien à nos agents qui réalisent un travail remarquable, alors qu’ils sont eux-mêmes concernés par la situation. Nombreux sont les pays dont on ne peut toujours pas sortir, certains Français n’ayant pu rentrer en France depuis deux ans.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget qui est le résultat de votre action, de votre détermination mais aussi de notre pression, de tout ce que nous avons fait avec vous pour que soient pris en compte les besoins que nous avions recensés. Encore une fois, merci !

Je relèverai maintenant quelques actions qui me semblent essentielles : la France est l’un des très rares pays à avoir ouvert la possibilité de la vaccination des communautés à l’étranger ; une aide spéciale sera accordée l’année prochaine aux enfants des écoles qui souffrent de handicap ; 120 nouveaux établissements ont vu le jour ; l’augmentation des contributions de la France auprès des institutions internationales ne fait que renforcer notre présence dans le cadre multilatéral – nous en avions grandement besoin. Citons encore la plateforme du service France consulaire, qui est le fruit d’un rapport que j’avais remis au Premier ministre en 2018.

Le secours occasionnel de solidarité est une action intéressante. Je constate, toutefois, qu’il n’a pas été utilisé dans sa totalité, peut-être par prudence, ce que l’on peut comprendre. J’en appelle à votre vigilance pour l’année qui vient car je sais que des communautés qui essayent de freiner le plus possible leur retour en France risquent de revenir l’année prochaine.

Je conclurai par une question qui portera sur le dispositif d’aide à nos entrepreneurs à l’étranger, qui sont en très grande difficulté. Le dispositif Proparco, qui est une forme de garantie apportée par l’État français, a été orienté vers l’Afrique. La présence de la France étant primordiale dans la région indo-pacifique, je voudrais savoir si ce dispositif peut être orienté sur cette région du monde. Nous avons plus que jamais besoin d’une présence forte de nos communautés.

Mme Mireille Clapot. Présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes, ma question sera orientée sur le numérique. La crise sanitaire, en sollicitant fortement votre ministère et les postes, a révélé le triste état des applications et des moyens de communication sécurisée. Pourtant, vos agents à l’étranger, ont accompli des miracles.

Les enjeux portent sur la dématérialisation, le télétravail et donc les dotations en postes de travail. Le réseau doit être résilient, supporter la charge de nouveaux usages ; l’hébergement doit être sécurisé, protégé contre des cyberattaques de plus en plus sophistiquées. Il convient enfin que les données complexes qui sont maniées soient de diffusion restreinte mais accessibles. Les contraintes du télétravail sont différentes selon que les agents sont de droit français ou de droit local. En outre, il faut penser à choisir des solutions souveraines. Comment investir dans des moyens humains qualifiés ? Nous observons enfin avec attention l’utilisation du numérique dans les processus électoraux.

En 2021, votre ministère a investi davantage dans la numérisation de ses activités et continue sur cette lancée avec le projet de loi de finances pour 2022. Pourriez-vous nous préciser quelles sont vos priorités en la matière ?

M. Hubert Julien-Laferrière. Je salue l’effort réalisé au profit des crédits du programme 209 et donc de la mission Aide publique au développement.

Je souhaiterais vous interroger sur la taxe sur les transactions financières (TTF), dont les recettes ont progressé à un point que nous ne pouvions imaginer : plus 340 millions en 2020, portant les recettes de cette taxe inscrite au budget général à 1,785 milliard. Nous prévoyons une nouvelle augmentation de 150 millions d’euros en 2021.

Nous en arrivons donc à un paradoxe. S’il importe qu’une part du produit de cette taxe figure au budget général, il n’en demeure pas moins qu’elle a été créée pour financer l’aide au développement. Il me semble que l’on devrait trouver un mécanisme permettant à l’APD de bénéficier au moins en partie de l’augmentation des recettes. Certes, les crédits relatifs à l’aide publique au développement progressent fortement mais il n’y a jamais trop de crédits dans ce domaine. Par ailleurs, malgré les efforts consentis pour l’année 2022, nous sommes encore loin de tenir nos engagements sur le montant des décaissements concernant les fonds multilatéraux, en particulier l’ACT-A, voire le Fonds mondial.

M. Jean-François Mbaye. À mon tour, je voudrais saluer l’engagement du ministre et la mobilisation des parlementaires sur ce que l’on pourrait appeler désormais les investissements solidaires : je veux parler de l’aide publique au développement. Dans le cadre de la hausse de l’aide publique au développement, quelle sera la proportion de dons rapportée aux prêts qui seront accordés ?

Dans quelle mesure le budget du ministère pourrait-il amplifier l’attractivité française en matière de mobilité internationale étudiante ?

Concernant la TTF, je crois savoir qu’en avril 2021, devant le Sénat, vous vous étiez montré ouvert à certaines propositions pour aller plus loin dans l’affectation d’une partie de ses recettes au développement. Nous déposerons des amendements en ce sens. Nous serions ravis de pouvoir vous entendre à ce sujet.

Mme Amélia Lakrafi. Je me réjouis que le budget du ministère soit globalement à la hausse et que les moyens humains soient pérennisés et stabilisés.

À chacun de mes déplacements, je me rends compte de la mobilisation des personnels de nos consulats et de nos ambassades. Depuis le début de la crise sanitaire, ils ont été absolument exemplaires et leur action a été primordiale. Je veux, à mon tour, les remercier très sincèrement, qu’il s’agisse de l’organisation des campagnes de vaccination ou bien de l’attribution des aides, qui ont été vitales pour les Français privés de revenus. Je me réjouis donc particulièrement que les moyens dédiés aux affaires sociales soient pérennisés en 2022.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les aides sociales destinées à nos compatriotes les plus fragiles. Jusqu’ici, ces derniers étaient aidés par le dispositif SOS, qui est temporaire. Quelles sont les nouvelles formes que prendront les aides destinées à nos compatriotes, toujours affectés par cette crise qui dure ?

Concernant les organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES), dont l’action sur le terrain est remarquable, je suis très heureuse que les crédits destinés à ces associations doublent, passant de 500 000 euros à 1 million d’euros. Votre ministère envisage d’élargir le profil et le champ d’action des associations qui bénéficieront de ces subventions : comment procéderez-vous ?

Enfin, les subventions ont permis d’aider les entrepreneurs français à l’étranger (EFE). Seront-elles renouvelées, étendues ? Je songe à nos compatriotes qui géraient de petits restaurants et hôtels et qui, depuis deux ans, n’ont plus aucune entrée d’argent.

M. Éric Girardin. Monsieur le ministre, je ne peux que m’associer aux propos de mes collègues pour saluer la trajectoire et l’orientation budgétaire prises par votre ministère et le travail que vous avez accompli.

Nous revenons, mon collègue Meyer Habib et moi-même, d’un déplacement dans l’archipel du Svalbard, dans le Grand Nord norvégien, sur la base de recherches de Ny-Ålesund. C’est là un site exceptionnel pour la recherche scientifique, permettant de mieux comprendre le fonctionnement et l’évolution de l’atmosphère, des glaciers et des écosystèmes arctiques. C’est, en outre, un endroit unique où se déploie efficacement une véritable coopération internationale puisque comprenant des bases franco-allemande, britannique, chinoise, coréenne, indienne, italienne, japonaise, néerlandaise et norvégienne.

Ce déplacement est venu confirmer nos convictions : il faut impérativement et urgemment soutenir la recherche française polaire via un réengagement significatif de l’État. La France demeure une nation qui compte aux pôles, en contribuant très fortement à la recherche dans ces régions du monde, mais sa position repose sur un opérateur fragile – l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) –, dont les moyens humains et financiers sont très nettement inférieurs à ceux de nations d’ambition comparable. En 2019, la France consacrait aux missions de l’IPEV un budget d’environ 18 millions d’euros, contre un peu plus de 20 millions d’euros mobilisés par l’Italie, 45 millions d’euros pour la Corée du Sud et plus de 50 millions d’euros pour l’Allemagne. Les écarts paraissent encore plus flagrants lorsque l’on rapporte les budgets au nombre de personnels permanents gérant les missions logistiques : en 2019, l’IPEV comptait 38 permanents pour un budget de 18 millions d’euros, alors que l’Australie comptait 75 permanents pour un budget de 45 millions.

La France doit, de toute urgence, rehausser significativement les moyens dédiés à la recherche scientifique aux pôles. Nous déposerons un amendement en ce sens, visant à augmenter de 1 million d’euros la masse salariale de l’IPEV, ce qui permettrait de procéder au recrutement des personnels dont l’institut a impérativement besoin. Il y va de la crédibilité de la France sur la scène mondiale, sa puissance aux pôles étant essentiellement conditionnée par l’excellence de sa recherche scientifique. Nous estimons urgent de lui donner les moyens de le rester. J’appelle tous mes collègues à se joindre à notre initiative et demande au Gouvernement de s’engager à soutenir les missions de l’IPEV, qui sont essentielles au rayonnement de la France.

Mme Bérengère Poletti. Je tiens tout d’abord à exprimer ma satisfaction face aux promesses tenues pour atteindre 0,55 % du RNB au titre de l’APD.

L’article 3 de la loi de programmation dispose qu’un rapport doit être remis au Parlement au mois de juin. Toutefois, 2022 étant une année électorale, comment cela se passera-t-il ? Recevrons-nous des informations en février ou en mars pour assurer une parfaite transparence ? L’article 12 porte quant à lui sur la commission d’évaluation : où en est la constitution de cette commission ?

La France, à l’initiative du programme ACT-A, a prévu d’y consacrer plus de 1 milliard d’euros mais n’en a décaissé que 300 millions d’euros, se classant en dernière position des pays du G7 est l’une des dernières du G20 – alors que nous sommes confrontés à un problème de santé publique au niveau mondial ! Même en prenant en compte le doublement des dons de doses, nous demeurons parmi les derniers de la classe. J’aimerais bien comprendre.

Je rejoins les propos sur le Fonds mondial, au titre duquel nous devions augmenter notre participation de 20 %. Or nous sommes en retard. Il en va de même du partenariat mondial pour l’éducation : nous n’atteindrons pas les 500 millions d’euros prévus en 2025.

Enfin, devant les sénateurs, vous vous êtes déclaré favorable à une répartition différente de la TTF. Nous devrions pouvoir trouver une solution pour augmenter les crédits de l’APD parce que les besoins subsistent.

M. Hervé Berville. Monsieur le ministre, je veux vous remercier d’avoir été à nos côtés dans tous les combats : le vote de la loi de programmation, qui n’avait rien d’évident ; le combat pour transcrire dans la loi l’engagement international de consacrer 0,7 % du RNB ; le combat pour la TTF, qui atteint désormais le niveau historique de 628 millions d’euros. Vous avez également, en tant que ministre, tenu vos promesses : nous avons atteint 0,55 % du RNB !

J’en profite pour remercier tous ceux qui, dans les services, travaillent sur ces sujets : ce sont des personnes de qualité. Au cours de l’élaboration des budgets des dernières années, nous avons eu l’occasion de mener un travail fécond. Peut-on envisager de renforcer cette équipe ? Elle travaille en effet sur tous les enjeux du développement international.

Par ailleurs, il faut changer l’appellation d’aide publique au développement, parce qu’elle ne permet pas d’embrasser la réalité de cette relation. J’exprime le vœu que, l’année prochaine, la mission Aide publique au développement ait changé de nom.

De plus, la lecture de nos missions entre les différents programmes pose problème. Je plaide très fortement en faveur d’une mission bilatérale, qui intégrerait les programmes 209 et 110, et une mission multilatérale. Cela nous évitera de nous poser la question de l’écologie et de tous les fonds qui s’y attachent. L’année prochaine, faisons en sorte d’avoir une mission bilatérale et une mission multilatérale sous votre commandement, sous une forme très simple, par exemple, une mission Coopération bilatérale et une mission Partenariats internationaux.

Je terminerai par deux questions. Comment pouvons-nous vous aider à réduire les impasses qui affectent le programme 209 à chaque fois qu’il y a des promesses présidentielles ?

Ma seconde question s’adresse à vous, monsieur le président. Nous évoquons rarement ici le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, alors que le budget affiche des autorisations d’engagement de 1,5 milliard pour reconstituer les fonds de la Banque mondiale. Une audition spécifique sur le thème de la Banque mondiale et du FMI pourrait-elle être organisée ? Nous ne pouvons traiter de l’aide au développement et des partenaires internationaux sans la DGM, la direction générale du Trésor et vous-même dans le cadre d’une vraie discussion sur ces questions multilatérales.

M. Rodrigue Kokouendo. Lors du nouveau sommet Afrique-France, le 8 octobre, le Président de la République a annoncé qu’un fonds de 30 millions d’euros sera débloqué pour soutenir la société civile africaine dans ses actions en faveur de la démocratie. Ce fonds se déploiera sur trois ans et servira à promouvoir les initiatives d’innovation en matière d’accès à la justice, de transparence des institutions, de lutte contre la corruption et contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Comment le déploiement de ce fonds se traduit-il dans le projet de loi de finances pour 2022 ? Pouvez-vous nous indiquer quelle part sera consacrée à chacune de ces thématiques ? Par ailleurs, quels seront les outils de mesure de l’impact de ce fonds sur ces thématiques ?

Alors que le Président de la République a été interpellé sur le rôle de la France dans l’accompagnement – et non l’aide – des pays africains, quelles sont les ambitions de ce fonds ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie pour les propos que vous avez tenus à mon endroit. J’espère avoir contribué à redonner de la fierté à ce ministère. Cela passe par la réhabilitation de l’immobilier parce que, dans un immobilier dégradé, on n’éprouve pas le sentiment de la fonction régalienne. Nous sommes désormais le troisième réseau diplomatique mondial, derrière les États-Unis et la Chine : il faut l’assumer. Cela suppose d’avoir un prospect sur rue présentable, tant immobilier qu’en termes de personnels.

À cet égard, je suis tout à fait conscient de la nécessité de renforcer la filière développement. C’est la raison pour laquelle l’École diplomatique et consulaire comportera une filière développement afin, d’une part, que les diplomates soient également compétents en matière de développement et que la porosité des carrières soit permise et, d’autre part, que la DGM devienne une direction générale considérée à l’égale des autres. Le mouvement est amorcé, il convient de le renforcer. J’y suis particulièrement attaché.

Pour ce qui est du CAS, les 36 millions d’euros que j’indiquais s’entendent pour solde de tout compte. Le CAS existe toujours ; il sert notamment aux travaux de rénovation du Quai d’Orsay lui-même, dont les travaux, en cours de préparation, débuteront en 2022. Toutefois, les recettes des ventes, si elles permettent de financer ce type d’opération, ne peuvent financer l’ensemble des travaux nécessaires à notre immobilier. Cela ne contredit en rien les propos que j’ai tenus précédemment sur les questions immobilières.

Madame Genetet, le secours occasionnel de solidarité sera poursuivi. J’espère que, dans la loi de finances rectificative de fin d’année, nous pourrons bénéficier du report des financements engagés depuis 2020 qui ont été mobilisés pour les secours occasionnels de solidarité en 2021. J’espère pouvoir disposer du solde en 2022. Cette réponse vaut pour votre question, mais également pour celle de Mme Lakrafi portant sur l’aide aux entrepreneurs français à l’étranger. Il ne s’agit pas d’aider directement les entreprises mais d’accompagner les associations qui appuient l’action des chefs d’entreprise à l’étranger, la mobilisation de Proparco se poursuivant en 2022.

Vous avez par ailleurs souligné qu’une partie des avancées était due à l’action des parlementaires. J’essaie, bien évidemment, de faire en sorte que vos préoccupations soient prises en compte dans le budget. D’une manière générale, la force de votre action est indispensable pour compléter et conforter la mienne.

Madame Clapot, s’agissant du renforcement numérique, il nous faut tout d’abord développer des applications nouvelles pour offrir de nouveaux services aux usagers et simplifier les démarches internes, à l’instar du registre d’état civil électronique ou de France-Visas, qui a simplifié ses démarches grâce au numérique.

Nous souhaitons ensuite adapter les outils et les infrastructures de développement afin de permettre aux développeurs informatiques de travailler à distance. Nous voulons également développer un système de détection des fuites de données et renforcer notre infrastructure de sécurité.

Enfin, nous souhaitons instaurer un système de communication unifié et sécurisé pour les agents du ministère, incluant le développement d’une solution spécifique de travail à distance destinée aux agents de droit local, afin que ceux qui n’ont pas la nationalité française puissent accéder à un système sécurisé. Des précautions sont à prendre, mais il est certainement possible d’élaborer un dispositif techniquement performant pour que les agents de droit local ne se sentent pas écartés de la communication numérique uniquement pour des raisons de sécurité. Nous voulons donc résorber le retard, qui était important, et sécuriser nos systèmes d’information, ce qui est essentiel.

Un rapport sur l’amélioration de l’utilisation du produit de la TTF versé au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) vous sera remis par le Gouvernement dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Ce rapport sera l’occasion d’un débat ouvert sur l’avenir de cette taxe, dont l’affectation a été en grande partie détournée de son objectif initial.

Je rencontre un problème particulier avec les références financières de Mme Poletti concernant ACT-A, pour lequel nous avons mobilisé 810 millions d’euros : 560 millions d’euros en 2020, dont 200 millions pour COVAX, et 250 millions en 2021. Nous devrons comparer nos chiffres mais, au-delà de la mobilisation financière, nous sommes sur un cycle d’approvisionnement et de livraison de 120 millions de doses d’ici au mois de juin de l’année prochaine.

À la demande du Président de la République, je réunis une fois par mois une task force avec l’ensemble des ministères. Je suis chargé de vérifier que tout le nécessaire est bien engagé en relation avec nos représentants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève et dans les différents postes pour stimuler l’ensemble des actions et faire en sorte que les retours se déroulent bien. Ce n’est pas toujours facile. Non seulement il faut que nous disposions des doses et qu’elles arrivent à destination, mais il faut également que les personnes se fassent vacciner. Souvent, ce dernier point est le plus difficile à atteindre.

S’agissant des financements, il est prévu 1,06 milliard d’euros pour l’ensemble du programme ACT-A. Mes chiffres concernant les montants décaissés sont supérieurs aux vôtres, car ils évoluent rapidement.

Concernant l’article 3 et l’article 12, le dispositif est en cours de réalisation. Je devrais être en mesure de vous livrer toutes les informations sur la transparence et des précisions sur la commission d’évaluation à l’occasion de la séance plénière.

Monsieur Girardin, le budget de l’IPEV ne dépend pas de mon ministère. Toutefois, je partage votre avis sur les enjeux, qui sont à la fois sécuritaires et scientifiques. Je suis très sensibilisé à cette question, d’autant que le siège de l’IPEV est installé dans une région que je connais bien – à Brest ! Je pense que l’on n’a pas encore mesuré l’ampleur des enjeux liés aux stratégies polaires, que d’autres pays ont anticipée, tant dans le domaine scientifique que dans le domaine sécuritaire. L’ambassadeur chargé de cette question est dynamique et performant. Il faudra que nous travaillions ensemble pour obtenir des financements complémentaires, même si ceux-ci ne dépendent pas de mon ministère.

Monsieur Berville, s’agissant du changement de nom de l’APD, il faut trouver la bonne référence. J’ai cru comprendre que vous souhaitiez également un changement de nom de l’AFD. Je suis disponible pour entendre d’utiles propositions. Quant à la réorganisation des programmes, je suis d’accord avec vous pour appréhender le programme 110 dans le sens d’une répartition plus performante. C’est l’un des thèmes que je n’ai pu traiter au cours de ce quinquennat car il rencontre une certaine résistance.

Monsieur Kokouendo, le fonds de soutien pour la démocratie sera financé par le FSPI.

Monsieur Mbaye, s’agissant de la répartition entre les dons et les prêts, le pourcentage de dons s’élevait à 81 % en 2019 ; il a légèrement baissé en 2020, s’établissant à 72 %, en raison du lancement de l’initiative Santé en commun par l’AFD, constituée pour 1 milliard d’euros de prêts et 150 millions de dons. Nous sommes tenus de respecter la loi de programmation du 4 août dernier selon laquelle la part des dons doit représenter au moins 70 % de notre APD sur la période 2022-2025. Je pense que nous atteindrons ce pourcentage. Nous veillons également à ne pas dégrader la soutenabilité de la dette des pays en développement et refusons d’intervenir sous forme de prêts dans les pays à plus grand risque d’endettement. Cela nous oblige à être réalistes quant à la problématique du don.

À la rentrée 2021, les flux d’étudiants étrangers étaient identiques à ceux connus à la rentrée 2019. Après avoir connu, en 2020, des baisses liées, d’une part, à l’effet dissuasif de l’annonce des frais d’inscription majorés et, d’autre part, à la crise sanitaire, nous retrouvons le niveau de 2019. Pour l’année 2022, l’enjeu est de poursuivre la relance de la mobilité par des actions de promotion s’appuyant sur de nouvelles bourses accordées aux meilleurs étudiants. C’est la raison pour laquelle, dans le projet de budget que je vous propose, les crédits destinés aux bourses augmenteront de 6 millions d’euros, afin de renforcer l’attractivité de nos universités.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cet exposé et les questions auxquelles il a donné lieu ont été très éclairants pour la commission. Vos propos sur un certain nombre de nos préoccupations nous ont paru très rassurants.

Nous allons poursuivre l’examen de ce budget. Nous avons à examiner neuf rapports pour avis. Nous commençons demain par ce rapport assez spécifique qu’est le rapport sur le prélèvement européen. Puis, nous aborderons l’examen des rapports pour avis. Nous nous retrouverons ensuite, monsieur le ministre, en séance publique. Vous aurez alors l’occasion d’apporter les informations complémentaires qui vous ont été demandées, mais le terrain a, d’ores et déjà, été très largement déblayé. Je vous en remercie, monsieur le ministre, et, comme l’on disait au Grand Siècle, à vous revoir !


II.   Présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Lors de sa réunion du 20 octobre 2021, la commission a examiné le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il faut se féliciter du coup d’arrêt donné à la réduction des crédits de la mission Action extérieure de l’État car elle finissait par remettre en question les fondements de l’action diplomatique et la présence même de la France à l’étranger. On avait atteint l’os et on le grattait.

Les moyens en personnel sont stabilisés, voire en légère augmentation, et il en va de même des moyens de fonctionnement de nos postes à l’étranger et de nos investissements immobiliers.

Je note également avec satisfaction que pour conforter son rang mondial, la France augmentera ses contributions volontaires à des organisations internationales géopolitiquement stratégiques pour la paix et la sécurité internationales – opérations de maintien de la paix des Nations unies (OMP), Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) – en réduisant le saupoudrage habituel.

J’invite nos collègues à lire avec la plus grande attention la partie thématique de l’avis de notre collègue Christophe Di Pompeo consacrée à la politique immobilière du ministère, question emblématique de l’ambition internationale de la France. Comme il le montre, la conduite purement financière de la gestion de nos immeubles a fini par aller à l’encontre de notre stratégie diplomatique et de la présence visible de la France dans le monde, sans permettre d’entretenir correctement nos biens.

Jean-Yves Le Drian a tenu à donner un coup d’arrêt à cette politique. Notre rapporteur formule des propositions simples et opérationnelles en vue de mettre notre gestion immobilière à la hauteur de nos ambitions internationales.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il me revient, pour la deuxième année consécutive, de vous présenter une partie du budget du Quai d’Orsay, à savoir le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde pour ce qui concerne sa composante diplomatique et le programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires pour sa composante consulaire.

La pandémie mondiale a mis à nu la situation du ministère des affaires étrangères, auquel trop d’efforts ont été demandés, avec aujourd’hui un risque de fragilisation durable. Dans ce contexte, le budget pour 2021 avait mis fin à l’hémorragie vieille de vingt ans dont souffrait le ministère.

Le budget pour 2022, tout en s’inscrivant dans la continuité du précédent, a une ambition plus structurante : il s’agit de remédier aux fragilités accumulées depuis des années. Il reflète le fait que le ministre a non seulement réfléchi au monde d’après mais également à ce que doit être le ministère après cette crise.

Les crédits de la mission Action extérieure de l’État, c’est-à-dire les crédits du Quai d’Orsay hors aide publique au développement (APD), sont restés stables sur toute la durée du quinquennat. En 2022, ils enregistrent une légère hausse de 50 millions d’euros pour atteindre 3 milliards d’euros.

Le programme 105 traduit notamment un effort de rattrapage important sur les soutiens de l’action diplomatique et consulaire qui ont été laissés en déshérence depuis des années.

C’est le cas sur le numérique, avec la poursuite d’une stratégie pluriannuelle dont j’avais souligné l’importance l’année dernière.

C’est le cas également sur la sécurité, avec la poursuite du plan de sécurisation de nos postes face à une menace grandissante.

Et c’est le cas sur l’immobilier, sur lequel je reviendrai plus longuement.

Le programme 151 continuera d’appuyer le soutien aux communautés françaises de l’étranger face aux conséquences de la crise.

Le plan de soutien exceptionnel que nous avions voté en juillet 2020 a pu connaître un retard à l’allumage, mais sa mise en œuvre est aujourd’hui bien engagée. Chaque mois, ce sont plus d’un million d’euros qui sont versés aux Français de l’étranger au titre des aides sociales. Ce plan s’est par ailleurs doublé d’un volet dédié à la vaccination : des dizaines de milliers de doses de vaccins ont ainsi été envoyées à travers le réseau.

Même si la situation s’améliore en France, la crise continue de produire ses effets dans le monde. Nous aurions donc tort de baisser la garde et de diminuer l’aide aux Français en difficulté à l’étranger : c’est pourquoi le budget reconduit les montants votés en 2021 au titre de l’aide à la scolarité et de l’aide sociale.

Je souhaite par ailleurs que les 10 millions de crédits d’aide sociale exceptionnelle qui n’auront pas été consommés fin 2021 puissent être reportés en 2022.

Après les crédits, j’en viens à la question des effectifs. La plus grande surprise de ce budget, c’est la réforme des ressources humaines (RH) annoncée par le ministre. La question des RH sera vraisemblablement la grande priorité des prochaines années.

Si la crise sanitaire n’a montré qu’une chose, c’est que les efforts demandés au ministère en la matière pendant toutes ces années étaient déraisonnables. Dans ce contexte, nous pouvons nous réjouir d’une bonne nouvelle : le programme Action publique 2022 est arrêté. Il faut maintenant envisager le rebond car bon nombre de personnels – je pense en particulier aux secrétaires généraux d’ambassade et aux agents consulaires – sont fatigués et usés par leur charge de travail.

Pour faire un premier pas dans la bonne direction, je propose de rattacher au Quai d’Orsay, de façon pérenne, les quatre-vingt-dix équivalents temps plein (ETP) affectés à la conduite de la présidence française de l’Union européenne une fois celle-ci terminée.

À côté de la question du volume des effectifs, il y a toutes les réflexions qui entourent la gestion des RH. Vous le savez, la réforme de la haute fonction publique a suscité des inquiétudes assez fortes au sein du corps des diplomates.

L’objectif de la réforme, qui consiste à renforcer la parité, la diversité et l’ouverture du ministère, me paraît assez peu contestable. Je crois cependant qu’il faut maintenir un corps de diplomates distinct du reste de la fonction publique de l’État. Être diplomate, ce n’est pas seulement exercer un métier, c’est accepter que ce métier, en raison de toutes les sujétions qu’il comporte, façonne une grande partie de votre vie. C’est d’ailleurs ainsi que tous nos partenaires l’ont considéré, y compris ceux qui, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis, sont les plus allergiques à la notion de corps.

Mais cela ne doit pas nous empêcher d’avancer sur d’autres aspects : par exemple, la coexistence de deux corps de catégorie A au sein du ministère ne me paraît pas justifiée.

En parallèle, le Quai d’Orsay a lancé sa propre réforme des RH qui, si elle met de côté la question des corps, poursuit peu ou prou les mêmes objectifs. Ainsi, 30 millions d’euros sont prévus en 2022 pour harmoniser les rémunérations des personnels, renforcer la mobilité et créer une nouvelle école diplomatique et consulaire.

Ces mesures RH sont importantes et j’espère qu’elles marquent le début d’une réflexion que le ministère doit poursuivre au cours des prochaines années. Le Quai d’Orsay aura en effet à affronter plusieurs défis : la pérennisation du télétravail, la redéfinition de la politique de conversion des postes de titulaires en postes d’agents de droit local ou encore la mise en place d’une véritable politique d’évaluation des personnels.

Par ailleurs, je souhaite évoquer un autre sujet auquel je consacre ma partie thématique : l’immobilier. Si j’ai décidé de l’approfondir, c’est qu’il est pour nous une source de préoccupation partagée, tous bords politiques confondus. L’année dernière, Christian Hutin avait ainsi souhaité que soit dressé un panorama des besoins immobiliers, ambassade par ambassade – il est en cours. Michel Herbillon avait regretté la politique consistant à vendre les bijoux de famille. Monsieur le président, vous aviez vous-même appelé à la fin de cette hémorragie suicidaire et criminelle, pour reprendre vos mots.

Au préalable, il est important de souligner que le patrimoine immobilier du ministère a ceci de singulier qu’il se trouve pour l’essentiel à l’étranger : c’est tout à fait logique puisqu’il héberge nos 162 ambassades, nos 210 consulats et tout ce que nous comptons d’établissements culturels et scolaires.

Ce parc immobilier a plusieurs caractéristiques, avec une seule et même conséquence : sa gestion ne peut reposer uniquement sur des critères économiques, comme des ratios d’occupation de surface.

D’abord, ce patrimoine n’est pas seulement un outil de travail, c’est aussi un lieu de vie et un outil diplomatique majeur au service de notre influence.

Ensuite, la gestion du parc est entravée par des spécificités locales. On ne peut pas gérer nos biens à l’étranger comme on le ferait en France. Un exemple : le Palais de France à Istanbul, qui résulte d’une donation d’un sultan, a pour particularité d’être incessible. On pourrait vouloir le vendre : il serait automatiquement récupéré par la Turquie.

Enfin, c’est un patrimoine qui a besoin d’être sécurisé. Or, lorsque l’on construit des emprises capables de résister à des explosions, le coût n’est évidemment pas le même.

Malheureusement, le ministère a subi pendant des années une politique immobilière aussi inadaptée qu’insoutenable. Faute d’obtenir les crédits nécessaires, il a en effet dû vendre une partie de son patrimoine pour financer l’entretien et les évolutions d’un parc qui se réduisait comme peau de chagrin. Cette politique a évidemment eu des conséquences néfastes. L’état d’entretien du parc en a énormément souffert. La directrice de l’administration consulaire parle par exemple de délabrement pour évoquer l’état de certains consulats, qui sont souvent la première chose que les étrangers voient de notre pays.

C’est dans ce contexte assez déplorable que le ministre a engagé début 2020 un vaste plan de rattrapage sur l’immobilier. Le retard est estimé aujourd’hui à 400 millions d’euros.

Ce plan se décline en France, avec notamment un chantier de modernisation du site du Quai d’Orsay.

Des dizaines d’opérations sont par ailleurs en cours à l’étranger. Je suis notamment allé à Vienne où une opération évaluée à 4,8 millions d’euros a été lancée. L’idée, dans les grandes lignes, est de rassembler, sur un même site, différents services actuellement dispersés dans la ville afin de renforcer les synergies entre eux.

Le ministère a au final beaucoup de retard à rattraper. Mais pour y parvenir, il faudra consolider davantage la politique immobilière, ce qui implique d’améliorer la connaissance du parc à l’étranger : c’est un préalable à toute stratégie.

Il faudra aussi élaborer des schémas de stratégie immobilière pays par pays, qui sont d’autant plus intéressants et utiles que le ministère a récupéré récemment l’ensemble du patrimoine de l’État à l’étranger.

Il faudra également professionnaliser la fonction immobilière. Une opération aussi lourde que celle envisagée à Vienne ne peut se faire sans un accompagnement professionnel sur place qui fait la plupart du temps défaut aux ambassades.

Le nerf de la guerre, ce sera néanmoins la capacité à maintenir l’augmentation des moyens consacrés à l’immobilier. S’ils ont augmenté ces dernières années, ils n’atteignent pas encore le niveau des besoins identifiés par le ministère à 80 millions d’euros chaque année pendant cinq ans pour rattraper le retard.

De ce point de vue, le projet de budget pour 2022 est une source de satisfaction : les moyens consacrés à l’entretien lourd augmentent de 36 millions d’euros pour atteindre 77 millions d’euros. Nous ne sommes donc plus très loin des 80 millions d’euros nécessaires.

La seule déception, et je sais que celle-ci est partagée par le ministère lui-même, est que les autorisations d’engagement (AE) aient été fixées en équivalence avec les crédits de paiement (CP). C’est méconnaître le caractère intrinsèquement pluriannuel de la politique immobilière.

Or, ce n’est qu’en renouant avec une vision de long terme que le ministère pourra retrouver un immobilier à la fois digne pour les personnes qui y travaillent et fidèle à l’image que notre pays souhaite renvoyer à l’étranger.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ce rapport, très intéressant, donne le sentiment que l’on a mis un terme à de nombreux errements.

Mme Anne Genetet (LaREM). Ce budget est un peu celui de la renaissance : le grand ministère des affaires étrangères va enfin disposer d’un peu plus de moyens !

S’agissant de l’aide sociale aux Français de l’étranger, il faut que nous soutenions tous la proposition de reporter sur 2022 les crédits non consommés en 2021. Un million d’euros y est consacré par mois, pour un budget initial de 50 millions d’euros au total : nous sommes donc loin de la somme disponible. Or certains de nos compatriotes se trouvent en très grande difficulté. Je pense notamment aux entrepreneurs, qui sont le dernier maillon d’une chaîne de valeur qui commence en France où certaines PME pourraient, par ricochet, se trouver fragilisées.

En matière de ressources humaines, le recours de plus en plus fréquent aux contrats locaux dans nos postes pourrait, à terme, mettre en danger la sécurité de ceux-ci. C’est un point de vulnérabilité. Faisons attention à la manière dont nous recrutons nos agents de droit local : sans faire comme les Américains qui emmènent tout leur personnel avec eux, il faut trouver un juste milieu.

S’agissant de nos personnels dans les postes diplomatiques, qui ont été durement affectés par la crise sanitaire, on arrive au bout d’une logique consistant à réduire toujours plus les effectifs, ce qui est une bonne chose.

S’agissant des programmes 105 et 151, un collectif de diplomates et de fonctionnaires du ministère a dénoncé anonymement au mois de mai dernier, dans Le Monde, leurs conditions d’exercice et défendu les postes des agents. Le Gouvernement a lancé au mois de juin dernier un grand questionnaire, et 7 300 d’entre eux sur 13 000 ont répondu. Monsieur le rapporteur, avez-vous eu des échos de cette consultation interne ? Comment expliquez-vous que nos diplomates n’aient pas saisi l’occasion d’exprimer leurs idées et leurs besoins ?

M. Michel Herbillon (LR). Je trouve particulièrement pertinents les éléments relatifs aux réformes en cours au Quai d’Orsay en matière de ressources humaines, notamment en ce qui concerne la haute fonction publique. Cela me donne l’occasion, au nom de mon groupe, de rendre hommage à l’ensemble des agents du ministère des affaires étrangères, qui symbolise la présence de la France à l’étranger et qui assure la qualité de notre réseau diplomatique.

En cette fin de quinquennat, il était temps qu’on nous présente un budget de renaissance ! Nous aurions souhaité que cela se produise plus tôt. Alors que des efforts trop importants ont été demandés au ministère en matière de ressources humaines, nous nous réjouissons qu’il soit mis un coup d’arrêt à cette politique. De même, je suis heureux de voir évoluer la politique immobilière du Quai d’Orsay que je dénonce depuis 2017.

Un arbitrage est en cours à Matignon pour savoir si le Quai d’Orsay doit rembourser tout – soit 26 millions d’euros – ou partie du coût de l’opération Apagan au ministère des armées : comment se déroule-t-il et quand interviendra-t-il ?

Si le projet de loi de finances pour 2022 prévoit 77 millions d’euros pour la maintenance lourde des postes à l’étranger, cette enveloppe est cependant inférieure de 8 millions d’euros aux besoins estimés qui s’élèvent à 85 millions d’euros. Peut-on enfin évaluer le coût total de la remise à niveau du parc immobilier ? Il faut maintenir, entretenir, rénover et sécuriser notre patrimoine. Les 400 millions d’euros sur cinq ans seront-ils suffisants ?

La politique de conversion de titulaires en agents de droit local aura-t-elle des effets sur la sécurité, notamment sur celle des ambassades à l’étranger qui repose en large partie sur des sociétés de gardiennage qui même si elles sont le plus souvent supervisées par des policiers et par des gendarmes présentent des risques en la matière ?

Le coût de cette externalisation est passé de 2 millions d’euros en 2007 à 19 millions d’euros en 2021. Quels risques sécuritaires avez-vous pu identifier ? Ont-ils été suffisamment pris en compte ? Quelles économies a-t-elle permises ?

Appelez-vous à une simple correction du système ou à une remise en cause totale du recours aux agents de droit local ?

M. Michel Fanget (Dem). Le projet de loi de finances pour 2022 affiche une hausse très significative, de plus de 45 millions d’euros, des moyens permettant de déployer l’action extérieure de l’État qui se trouve au cœur de notre stratégie européenne et internationale.

Notre groupe se réjouit de l’effort exceptionnel consenti en faveur du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde qui, avec plus de 1,8 milliard d’euros, voit ses crédits progresser de 1,7 % en 2022.

Alors que les crises se multiplient dans le monde, de nouveaux enjeux prioritaires émergent et nécessitent une mobilisation accrue du ministère et du réseau diplomatique. Lutte contre la menace terroriste, gestion des crises en Méditerranée, au Moyen-Orient et au Sahel, prolifération nucléaire, voilà autant de défis que nous devrons relever dans les prochaines années. Les crédits inscrits en 2022 permettront précisément de poursuivre nos actions en faveur du renforcement de la sécurité internationale, mais également de celle de nos concitoyens.

Face à la menace terroriste, une part importante des crédits sera consacrée aux actions de formation et de coopération, avec 36,3 millions d’euros, aux actions sécuritaires menées par le centre de crise et de soutien, avec 4,1 millions d’euros et à la sécurisation des implantations françaises, avec 68,2 millions d’euros.

Si nous souhaitons garantir l’efficacité de notre action à l’échelle européenne et mondiale, celle-ci doit également s’inscrire dans une logique multilatéraliste. C’est pourquoi les contributions européennes et internationales occupent une place centrale dans le budget 2022 : plus de 269 millions d’euros seront ainsi consacrés au profit des OMP, essentielles au renforcement de la sécurité internationale et à la promotion du multilatéralisme.

Afin d’assurer l’efficience et la qualité de notre service diplomatique, le budget 2022 prévoit de renforcer les moyens permettant de mettre fin au délitement des effectifs du ministère. Dans ce cadre, un ambitieux plan de modernisation de 30 millions d’euros sera mis en œuvre tandis que la montée en puissance des moyens alloués à l’entretien de l’immobilier à l’étranger se poursuivra.

Le groupe Dem tient également à saluer la trajectoire budgétaire fixée pour 2022 au titre du programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires, qui avec plus de 374 millions d’euros voit ses crédits augmenter de 0,5 %. Cette hausse permettra de poursuivre la politique que nous menons à l’international. Alors que les agents ont été fortement mobilisés aux côtés de nos concitoyens au cours de la pandémie, le budget 2022 assurera le maintien de nos engagements.

Par ailleurs, et alors que de nombreuses familles ont vu leurs revenus affectés par la crise, les crédits inscrits pour 2022 permettront de reconduire les moyens dédiés aux aides à la scolarité.

Enfin, alors que 2022 sera une année électorale chargée, pour la première fois les résidents à l’étranger pourront voter par internet aux élections législatives. Notre groupe salue cette initiative qui constitue une avancée majeure en termes d’amélioration de l’offre consulaire.

Il soutiendra donc ce budget qu’il juge équilibré et émettra un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Alain David (SOC). Il conviendrait d’augmenter substantiellement les crédits de protection et d’action sociale pour faire face aux conséquences de la covid-19.

En effet, si le projet de loi de finances pour 2021 avait procédé à une augmentation de 2,9 millions d’euros des crédits de l’aide aux personnes au travers des conseils consulaires pour la protection et l'action sociale (CCPAS), qui atteignaient ainsi 16,2 millions d’euros, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit, quant à lui, une baisse de 1 million d’euros de la dotation aux CCPAS, qui passera à 15,1 millions d’euros. Or ces montants ne sont pas suffisants dans la mesure où ils ne permettent pas d’augmenter le nombre de destinataires de ces soutiens mais seulement le montant dévolu aux personnes annuellement soutenues – évaluées à 4 000.

Par ailleurs, pour éviter que la crise du coronavirus n’entraîne une contraction et une baisse de la présence des Français à l’étranger, il conviendrait d’adapter plus largement les soutiens financiers aux familles tels que les bourses pour frais de scolarité du programme 151 Français à l'étranger et affaires consulaires.

S’agissant de ces crédits, soulignons que la surbudgétisation constatée ces dernières années n’est pas due à une raréfaction des besoins ou à une baisse de la demande mais à une réforme et à des pratiques administratives qui conduisent à refuser les bourses ou à dissuader les demandeurs de déposer un dossier.

Peut-être faudrait-il demander à la Cour des comptes un audit sur la gestion de ces aides et des bourses de scolarité de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ?

M. M'Jid El Guerrab (Agir ens). Avec ce projet de loi de finances, nous franchissons une étape importante pour la place de la France dans le monde : nous renforçons nos outils d’influence transfrontaliers entre autres par une augmentation de nos contributions volontaires au bénéfice des organisations internationales.

Ce grand dessein passera également par un soutien accru aux campus franco- étrangers ainsi qu’aux industries culturelles et créatives qui font chaque jour rayonner les sensibilités et les savoir-faire français.

Nous continuerons de soutenir les 3,5 millions de Français qui vivent à l’étranger comme nous l’avons fait aux heures les plus difficiles de la pandémie, notamment en maintenant le niveau des bourses accordées par l’AEFE, en développant l’accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap et en prévoyant les crédits nécessaires à l’organisation des élections présidentielle et législatives de 2022. Les Françaises et les Français concernés pourront voter de manière électronique lors des élections législatives.

Nous remercions l’ensemble des agents consulaires et diplomatiques mais également les élus des Français de l’étranger, encore trop souvent oubliés, pour leur engagement auprès de nos compatriotes, dans un contexte sanitaire et sécuritaire très souvent difficile.

Enfin, nous maintiendrons un rythme rapide dans la transformation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères par la numérisation des services et par la remise à niveau du parc immobilier.

Nous nous engageons dans un effort constant pour la mobilité, la valorisation et la formation et l’action sociale en faveur de ceux qui défendent la France et ses valeurs dans le monde.

En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra bien évidemment la répartition des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État.

S’agissant du service public consulaire en tant que tel, comment déployer encore davantage de proximité ? Sur le terrain, nos compatriotes résidant à l’étranger voient en effet les consulats comme des bunkers dans lesquels il est difficile d’entrer. Ne peut-on imaginer partout des permanences consulaires qui permettraient au personnel d’aller à leur contact afin de leur faciliter la vie ? Mon collègue Alexandre Holroyd avait par exemple relevé que des milliers de passeports étaient en attente : où en est ce contingent ?

Ne peut-on pas déployer davantage de moyens en faveur de nos consulats qui sont à l’os ?

Mme Clémentine Autain (FI). Nous assistons à une stabilisation budgétaire après une hausse en 2021 : le massacre du ministère des affaires étrangères est loin d’avoir été réparé !

La communication de Jean-Yves Le Drian repose depuis 2021 sur sa capacité à avoir mis fin à l’hémorragie. Or il ne faut pas laisser croire que cela serait suffisant alors que le problème est structurel et n’a pas été réglé depuis quatre ans.

Le ministère des affaires étrangères a subi la pire cure d’austérité de tous les ministères : il a perdu 53 % de ses effectifs en trente ans, dont 15 % depuis 2006, soit 2 400 postes. Les effectifs du réseau de la coopération culturelle ont le plus souffert. Géographiquement, c’est la zone Afrique-océan Indien qui a été la plus sévèrement touchée alors qu’elle devrait être considérée comme une priorité stratégique pour la France.

Après 2021, c’est la seconde fois depuis le début du quinquennat que les crédits alloués au Quai d’Orsay échappent au rabot. Le programme Action publique 2022, qui prévoyait une baisse de 10 % de la masse salariale des 20 000 personnels de l’administration en poste à l’étranger devant être assumée aux deux tiers par le Quai d’Orsay, est, de fait, abandonné, ce qui est plutôt une bonne chose. Si un coup d’arrêt a été également donné au bradage des biens immobiliers du réseau, il n’y pas de remise à niveau. Le processus permettant de réparer le massacre qui a été commis n’est pas enclenché.

Nous restons très en colère face à ce manque de volonté politique à l’égard de notre corps de diplomates. Or quand on affaiblit les capacités diplomatiques, c’est la politique qui recule. C’est par d’autres moyens que les relations internationales s’établiront. Il faut au contraire renforcer notre corps de diplomates et mettre fin à sa saignée.

Nous ne sommes donc pas d’accord avec le choix budgétaire qui a été fait.

M. Jean-François Mbaye. Nous avons bien noté que les hausses des crédits bénéficiaient principalement aux programmes 105 et 185, et de façon inédite, en bonne partie aux personnels du ministère, tandis que les moyens du programme 151 restaient plus ou moins stables.

Il apparaît également que la France est passée du sixième au dixième rang dans le classement des contributeurs internationaux, ce qui prouve bien que le niveau des contributions volontaires pour 2022 peut interroger. Il reste relativement faible par rapport au volume des contributions obligatoires. Pensez-vous qu’une réflexion soit engagée afin de faire en sorte que les organisations internationales soient moins dépendantes des contributions volontaires des États ?

M. Jacques Maire. En effet, on ne revient pas dans ce budget sur les 53 % de baisse mentionnés par notre collègue Clémentine Autain : en l’occurrence, le « redressement » de l’emploi porte sur quarante-trois personnes, dont trois régularisations, les quarante autres résultant d’un effet d’aubaine sur les apprentis. Il s’agit donc davantage d’une stabilisation, la renaissance interviendra aux cours des cinq ans de plus auxquels nous aspirons tous… (Sourires.)

Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, faut-il oui ou non maintenir le statut du corps des diplomates ? L’équilibre n’a pas encore été trouvé et les diplomates sont un peu en retrait par rapport à cette même réforme.

Selon moi, il faut aborder le sujet d’une manière un peu différente : chacun doit regarder devant sa porte. Le corps des diplomates, qui a été à la tête de la gestion du Quai d’Orsay au cours des vingt dernières années, a en effet réussi à préserver ses effectifs au détriment des métiers dits périphériques, qui, eux, ont été sacrifiés. D’où le massacre des coopérants dans le domaine culturel et les difficultés s’agissant des attachés innovation et des services scientifiques. Le dialogue qu’il faut engager aujourd’hui doit renforcer l’ouverture et les échanges. Faut-il ou non supprimer le corps ? C’est une vraie question. Je n’en suis pas certain. Ce serait une exception française, difficile à gérer sans doute dans la durée.

Il faut également donner au Quai d’Orsay la capacité de préserver et de développer ses différents métiers : si l’on cible tout sur celui de diplomate, et que l’on ne les structure pas notamment dans le domaine du développement ou de l’influence, on aura beaucoup perdu.

De ce point de vue, un meilleur travail collectif de coordination et de réflexion est nécessaire au sein du Gouvernement et de la majorité sur ce sujet sensible.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce n’est pas du tout un budget de renaissance : c’est un coup d’arrêt à un massacre. Si je me réjouis d’un tel changement, ce n’est pas ainsi que l’on va redresser notre outil diplomatique. Regardez donc ce que font nos concurrents, les Britanniques, les Allemands, sans parler des Chinois ni des Américains.

On a, d’un côté, de grandes déclarations de politique étrangère et la vocation de mener une politique mondiale, et, de l’autre, un rétrécissement total de notre outil diplomatique, qui n’a pas les moyens de la mettre en œuvre. Ce budget traduit donc une stabilisation, et c’est mieux que rien, mais en aucun cas un rattrapage.

Par ailleurs, la politique d’externalisation des contrats locaux est une catastrophe en termes de sécurité, d’influence et d’espionnage – plusieurs ambassadeurs me l’ont expliqué à mots couverts. Ils ne maîtrisent absolument pas ces recrutements. Dans un pays d’Europe de l’Est, les contrats locaux étaient ainsi des agents d’influence de la Chine… Certes, cela permet au ministère de « gagner » des postes, mais c’est une politique à courte vue et dangereuse.

S’agissant de l’action sociale, avec la crise du Covid, les Français de l’étranger, et notamment les entrepreneurs, ont été confrontés à des difficultés beaucoup plus importantes que nos compatriotes de métropole. La proposition de notre collègue visant à reporter les crédits non consommés est bien sûr la bienvenue car ils se heurtent en outre, en matière de bourses scolaires, à une bureaucratie incroyable. C’est inadmissible !

Comment ne pas s’interroger alors qu’il ne s’agit que de 100 ou 200 millions d’euros de plus pour notre outil diplomatique, alors que sur d’autres budgets on est capable d’un trait de faire beaucoup plus. On va mettre ainsi 10 milliards d’euros sur la table pour l’Union européenne.

Je ne voterai pas ce budget.

M. Didier Quentin. A-t-on déjà une idée du sort des futurs fonctionnaires et agents du Quai d’Orsay après la suppression de l’École nationale d’administration (ENA) et la création du futur Institut du service public (ISP) ?

Pour ce qui est de la stabilisation ou de la renaissance, je suis tenté de dire, paraphrasant un grand diplomate et écrivain, que c’est au mieux la promesse d’une aube. (Sourires.)

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ce qui a été dit révèle vraiment un problème d’équilibre entre agents locaux et agents nationaux issus de la fonction publique française : comment le percevez-vous, monsieur le rapporteur ?

Jacques Maire et Didier Quentin se sont interrogés sur l’avenir du corps des diplomates. Didier Quentin a notamment évoqué le remplacement de l’ENA par l’Institut national du service public. Mentionnons également l’ordonnance du 2 juin dernier portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique.

Selon moi, il convient de trouver un équilibre entre deux exigences très fortes : l’exigence de mobilité, qui évite aux diplomates de s’enfermer dans une fonction trop spécialisée, et l’exigence de spécialité, car la diplomatie, c’est un métier, comme le disait un ancien président de la République à propos de la politique.

Je ne suis pas sûr qu’un bouleversement complet était nécessaire pour améliorer les choses. J’ai l’impression que l’on cherche à tâtons, et certains d’entre vous ont fait allusion aux réactions des diplomates.

Vous avez fait une analyse très intéressante de certains aspects de la question aux pages 18 et suivantes de votre rapport, monsieur le rapporteur pour avis, mais vous l’avez peu abordée dans votre présentation orale. Quelles sont vos appréciations à ce sujet ?

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Au cours des nombreuses auditions que j’ai menées pour élaborer mon rapport pour avis, j’ai senti que les agents du ministère voulaient garder leur spécificité et tenaient à l’existence d’un corps de diplomates. On n’est pas diplomate comme on est agent d’un autre ministère. Être diplomate, c’est d’abord un choix de vie. Lorsqu’ils partent à l’étranger, les agents entraînent avec eux leur famille et s’exposent parfois à des situations difficiles, voire dangereuses. C’est davantage un sacerdoce qu’une mission de service public normale.

Le corps des diplomates n’est pas le seul à présenter une spécificité ; je fais souvent le parallèle, à tort ou à raison, avec le corps préfectoral. En tout cas, les agents du ministère veulent rester diplomates ; ils ne veulent pas être assimilés dans une grande fonction publique, qui gommerait dans une certaine mesure leur spécificité.

Il y a effectivement un problème de mobilité, monsieur le président : les diplomates quittent très peu le ministère des affaires étrangères car ils ont beaucoup de mal à y revenir une fois qu’ils l’ont quitté. Il conviendrait de travailler sur les passerelles entre les différents ministères, afin que les diplomates puissent travailler dans d’autres ministères, ce qui enrichirait leurs carrières.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la question des agents de droit local (ADL). Il est exact qu’au cours des dernières années, un nombre croissant d’ADL ont été affectés sur divers postes dans les ambassades et les consulats. Cela pose des problèmes de sécurité, sachant qu’un ADL ne peut pas avoir accès à toutes les informations traitées dans une ambassade ou un consulat. L’année dernière, pendant la crise sanitaire, les ADL n’ont pas pu être mobilisés, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas accès à certains outils informatiques. Selon moi, on est allé au bout de ce qu’on appelle l’ADLisation. Il faut de nouveau privilégier l’affectation de fonctionnaires ou d’agents de droit français dans les ambassades et les consulats.

Clémentine Autain, Nicolas Dupont-Aignan et, dans une moindre mesure, Jacques Maire ont contesté l’expression « budget de renaissance » employée par Anne Genetet. J’en conviens, c’est plutôt un budget de rebond qu’un budget de renaissance.

Vous l’avez dit, monsieur le président, le ministère a été pendant des années rongé jusqu’à l’os. Le programme Action publique 2022 a eu des effets terribles. Malheureusement, le ministère a été un bon élève : 80 % des réductions d’effectif ont eu lieu au cours des dernières années. C’est pour cette raison que je propose, en plus des 30 millions d’euros supplémentaires consacrés aux ressources humaines à l’initiative du ministre, de pérenniser les 90 ETP prévus pour la présidence française de l’Union européenne.

Ce budget amorce le rebond, ce qui est bien préférable à une application du programme Action publique 2022 jusqu’à son terme. Si on l’avait fait, on aurait atteint la moelle, car il n’y a plus rien sur l’os. L’exercice est allé trop loin, le constat est partagé.

Anne Genetet et Alain David ont évoqué l’action sociale exceptionnelle. Le budget dédié est important, puisqu’il atteint 50 millions d’euros, et je propose le report de 10 millions d’euros. Alain David a mentionné des difficultés pour obtenir les aides. Je me suis rendu plusieurs fois sur le terrain et je ne pense pas qu’il y ait de difficultés techniques : tous les dossiers déposés sont instruits correctement par les postes. Les agents établissent un rapport humain ; ils s’intéressent à nos ressortissants et s’attachent à ce qu’ils vivent mieux.

Anne Genetet s’est étonnée que les agents se taisent ou refusent de répondre à un questionnaire, alors qu’ils se plaignent souvent de ce qu’ils ont ou de ce qu’ils font lorsqu’on les auditionne ou qu’on les voit en tête à tête. À cela je répondrais que c’est un corps, avec ses règles. Même s’ils se plaignent, les agents sont conscients de leur mission et ont le sens du sacrifice.

Par ailleurs, de nombreux agents sont en souffrance lorsqu’ils sont en poste à Paris, les salaires versés par le ministère n’étant pas à la hauteur requise pour une vie parisienne. C’est un vrai problème, d’où les 30 millions d’euros annoncés par le ministre pour remettre à niveau le salaire de certaines catégories.

J’ai aussi rencontré des agents en poste à l’étranger qui avaient des difficultés financières. Certes, ils touchent alors une indemnité, mais celle-ci ne compense pas toujours la baisse de revenus consécutive à la perte d’emploi du conjoint. Surtout, il y a le problème des frais de scolarité. Nous devrions nous interroger sur la prise en charge des frais de scolarité pour les agents en poste à l’étranger, car c’est un facteur de paupérisation et un frein supplémentaire.

Monsieur Herbillon, l’opération d’évacuation d’Afghanistan a effectivement coûté 26 millions. La somme a été payée par le ministère des armées, qui en réclame le remboursement au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. On attend l’arbitrage du Premier ministre.

En matière d’immobilier, le ministère dispose désormais d’un service structuré, dont la directrice a l’expérience de la gestion du patrimoine du ministère des armées. Le travail de recensement et de programmation des besoins est en cours. L’investissement nécessaire pour remettre le parc immobilier à niveau est estimé à 400 millions d’euros, ce qui n’est pas rien.

Pendant des années, on a vendu les bijoux de famille, comme l’a dit l’un d’entre vous, sans que le ministère récupère le produit des ventes. Pour l’entretien lourd des bâtiments, un effort a été fait : les crédits dédiés s’élèvent désormais à 77 millions d’euros.

Le ministère doit tenir compte de contraintes spécifiques, notamment de sécurité. Dans certains pays, ne l’oublions pas, les conditions de vie et de travail sont difficiles. L’ambassade est alors au cœur de la vie des agents et des ressortissants français. Les ambassades doivent alors être non seulement de beaux outils de travail, mais aussi de beaux lieux de vie.

Le besoin de sécurité est constant, les postes étant exposés à divers risques : risque terroriste, risques d’espionnage, risque qu’une manifestation dégénère, ce qui s’est produit à certains endroits. Les postes font appel à des sociétés de gardiennage privées pour épauler les policiers et les gendarmes. Cela a un mérite : on peut ainsi adapter le niveau de sécurité au risque, par nature évolutif, qui est réévalué chaque année pour tous les postes par le Quai d’Orsay. Autrement dit, les sociétés privées sont des variables d’ajustement.

Au fil des ans, l’AEFE a constitué une soulte de 70 millions d’euros. Le ministère demande que cette somme soit remise dans le circuit pour être distribué sous forme de bourses.

S’agissant des contributions aux organisations internationales, évoquées par Michel Fanget et Jean-François Mbaye, il y a une volonté de remettre les choses à plat et de mettre fin au saupoudrage. La baisse des contributions obligatoires – leur montant ne dépend pas de nous, puisqu’il résulte de l’application de barèmes – a été compensée par une augmentation des contributions volontaires.

Monsieur Quentin, on ignore ce qu’il adviendra du corps des diplomates ; rien n’est arrêté à ce stade. On sent qu’il y a une volonté de réforme, mais aussi une volonté de garder la spécificité du corps des diplomates. Tant que rien n’est arrêté, les choses peuvent demeurer en l’état.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Peut-être notre commission pourrait-elle peser sur cette question ? Il serait précieux de réaffirmer la nécessité absolue de maintenir un corps de diplomates. Je le dis non seulement pour défendre le métier, mais aussi pour que l’on préserve leur indépendance politique. Si ce corps perd sa spécificité et se fond dans un ensemble plus vaste d’agents mobiles, notre outil diplomatique risque de dériver, au fil des alternances, vers un système à l’américaine ; c’est un danger majeur. Or, quelles qu’aient été les alternances et malgré les préférences des uns ou des autres, les diplomates ont continué à faire entendre une voix de la France très digne et équilibrée.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Bien évidemment, nous avons les uns et les autres une approche différente selon notre sensibilité politique : certains parlent d’une renaissance ; d’autres, d’un arrêt du massacre. Chacun constate en tout cas que ce budget interrompt un certain nombre d’errements qui ont marqué les dernières années. À cet égard, je tiens à souligner le rôle de notre commission, qui a fait valoir qu’on ne pouvait pas continuer de la sorte. Ce combat a été très solidement mené par Marielle de Sarnez ; je l’ai relayé et tous les groupes représentés au sein de la commission l’ont soutenu.

Nous avons le sentiment, souvent justifié, de ne pas avoir de pouvoir et d’être peu écoutés. Toutefois, en l’espèce, la pression exercée par notre commission et de celle du Sénat sous l’autorité de M. Cambon a eu selon moi une part très importante dans la détermination de M. Le Drian à en finir avec ces dérives, qui étaient devenues tout à fait insupportables. Il est bon de relever collectivement les motifs de satisfaction, lorsqu’ils existent.

M. Michel Herbillon. Je me félicite de l’attitude globale de la commission, qui a effectivement agi dans ce sens, sous l’autorité de Marielle de Sarnez puis sous la vôtre. Je rappelle néanmoins que le premier groupe d’opposition, auquel j’appartiens, n’a cessé de dénoncer la situation, y compris au cours du précédent quinquennat. Lorsque nous avons exprimé cette position au début de la présente législature, nous n’avons pas toujours été entendus ; nous avons même été fustigés par nos collègues de la majorité.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Loin de moi l’idée de sous-estimer les différences de sensibilité et d’attitude des membres de la commission. Néanmoins, sur ce point précis, la commission a tenu ces dernières années un discours collectif, qui s’est révélé efficace. Si elle n’avait pas avec constance, au cours des derniers exercices budgétaires, marqué son exaspération devant les dérives observées, ce budget n’y aurait sans doute pas mis un terme. Cela ne signifie pas que nous avons tous eu le même degré de sévérité, d’enthousiasme ou de mobilisation. C’est l’affaire de chaque groupe, et je vous donne bien volontiers acte, monsieur Herbillon, de la vigueur du groupe auquel vous appartenez.

[…]

 

Vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État »

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE3 de M. Alain David.

M. Alain David. Cet amendement et les trois suivants sont défendus.

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il s’agit de doubler la dotation du Fonds citoyen commun, créé par le traité franco-allemand d’Aix la Chapelle. Cela a déjà été fait par le ministère de l’éducation nationale, qui a porté les moyens du Fonds à 2,5 millions, soit 5 millions au total avec les crédits allemands. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AE1, II-AE2 et II-AE4 de M. Alain David.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable : les crédits concernés sont déjà prévus dans le projet de loi de finances pour 2022.

La commission rejette successivement les amendements.

M. Michel Herbillon. Le groupe Les Républicains s’abstiendra sur le vote des crédits de cette mission – une abstention attentive.

M. Alain David. Le groupe Socialistes s’abstiendra également.

M. Sébastien Nadot. Le groupe Libertés et Territoires fera de même.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État non modifiés.

 

 

 


—  1  —

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées
par le rapporteur pour avis

 

Visite du site du Quai d’Orsay

 

Déplacement à Istanbul

 

Déplacement à Vienne

 


([1]) Les crédits du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement font l’objet d’un avis budgétaire distinct présenté par notre collègue Valérie Thomas.

([2]) Le programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence fait l’objet d’un avis budgétaire distinct présenté par notre collègue Frédéric Petit.

([3])  Avis budgétaire réalisé par M. Christophe Di Pompeo sur les programmes 105 et 151 de la mission Action extérieure de l’État du projet de loi de finances pour 2021 au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, publié en octobre 2020.

([4])  Le lien « visa-réadmission » avait été discuté par nos collègues M’jid El Guerrab et Sira Sylla dans le cadre du rapport d’information sur la politique des visas publié au mois de janvier 2021. Ces derniers appelaient à inscrire les visas dans un dialogue bilatéral plus large que la réadmission avec les pays d’origine à risque migratoire.

([5])  Avis budgétaire réalisé par Mme Anne Genetet sur les programmes 105 et 151 de la mission Action extérieure de l’État du projet de loi de finances pour 2020 au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, publié en octobre 2019.

([6])  Rapport d’information présenté par Mme Anne Genetet et M. Didier Quentin sur l’audit et le contrôle des processus de gestion de postes diplomatiques au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, en novembre 2019.

([7]) Le MEAE bénéficie d’une hausse de 43 ETP dont 40 apprentis.  

([8])  Ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État.

([9]) Voir notamment la tribune publiée dans Le Monde en mai 2021 par une cinquantaine de diplomates et de fonctionnaires du MEAE réunis au sein du « groupe Théophile Delcassé ». Cette tribune est consultable ici.  

([10])  Loi n°2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

([11])  Rapport pour avis de MM. Ladislas Poniatowski et Bernard Cazeau, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, sur le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.

([12]) Conformément aux dispositions du décret du 1er juin 1979 relatif aux pouvoirs des ambassadeurs et à l’organisation des services de l’État à l’étranger, du code général de la propriété des personnes publiques et du code du domaine.