N° 4526

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

TOME II

 

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

 

Diplomatie culturelle et d’influence – francophonie

PAR M. Frédéric PETIT

Député

——

 

 

 

Voir le numéro : 4482.

 


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. UN BUDGET en hausse pour accompagner l’objectif de renforcement de notre influence et de modernisation de nos moyens d’action

A. Un budget dont l’augmentation succède à des reconfigurations répondant à la crise sanitaire mondiale

a. Une confirmation de la tendance à la hausse des crédits du programme 185

b. Un réseau culturel dont la mue permanente n’a pas été remise en cause par la crise sanitaire

B. LES ACTEURS DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ont dû faire face à la crise sanitaire tout en maintenant les orientations fixées pour l’avenir

1. Les réseaux culturels et d’enseignement français à l’étranger ont dans l’ensemble bien résisté à la période de crise, malgré des nuances régionales

a. Les réseaux ont dû adapter leur fonctionnement à la crise

b. Les effets de la crise ont continué à s’exercer sur le réseau au plan financier

i. Réseau culturel

ii. Réseau d’enseignement français à l’étranger

2. Les effets de la crise sanitaire ont continué à s’exercer sur les opérateurs de la diplomatie culturelle en 2021

II. Une diplomatie d’influence dont le pilotage et la cohérence connaissent une amelioration croissante, au service d’objectifs ambitieux

A. La crise n’a pas remis en cause les objectifs fondamentaux assignés à notre diplomatie d’influence

1. La mise en œuvre des plans pour la langue française et le plurilinguisme et pour le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger s’est poursuivi

a. Les objectifs fixés en 2019 dans le plan pour le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger n’ont pas été remis en cause

b. La mise en œuvre du plan pour la francophonie et le plurilinguisme s’est poursuivie

2. La priorité accordée à la coopération universitaire et scientifique et à l’accueil des étudiants étrangers a été réaffirmée dans une perspective de relance

3. La priorité accordée aux industries culturelles et créatives a été réaffirmée selon les priorités identifiées

B. la réaffirmation des objectifs assignés à notre diplomatie d’influence s’accompagne d’une évolution de nos moyens d’action

1. Un renforcement de l’approche stratégique requise pour notre diplomatie d’influence

a. Le pilotage et l’animation du réseau sont en voie de renforcement

b. Au niveau des postes, un pilotage également renforcé

2. Un impératif transversal pour le réseau : la transformation numérique

III. Le cas du Liban : un « hub » central pour une diplomatie culturelle à l’épreuve des crises

A. la coopération éducative et linguistique : un pilier de notre action au liban et de notre réseau éducatif mondial

1. Un réseau d’enseignement qui repose à la fois sur le principal réseau national d’établissements homologués et sur différentes formes de coopération éducative

2. Une attention particulière apportée à la formation des enseignants francophones

B. La coopération universitaire et scientifique, pilier historique de notre partenariat

1. La nécessité de demeurer attractifs pour les étudiants libanais

2. Une étroite coopération scientifique, au plus près des acteurs locaux

3. Un renforcement de l’action menée en faveur de la protection et de la valorisation du patrimoine libanais

C. UNE COOPération culturelle et artistique dense et riche, au plus près des acteurs locaux

six recommandations opérationnelles et tactiques du rapporteur

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

annexe n°1 : Évolution des effectifs des établissements homologués (2012-2020) et des données relatives au baccalauréat français (2004-2019) au Liban

ANNEXE N°2 : liste des personnes entendues  ou rencontrées par votre rapporteur

1. À Paris :

2. Au Liban (du 27 septembre au 1er octobre 2021) :

 


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   introduction

 

Ébranlés par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, les réseaux et opérateurs de notre diplomatie d’influence ont dû revoir leurs modes d’action, tout en bénéficiant lorsque cela était nécessaire de réallocations budgétaires et d’aides d’urgence. Nécessaires pour éviter des dommages de long terme sur les acteurs de notre diplomatie d’influence, ces adaptations ont connu des prolongements en 2021.

Au-delà de la gestion de crise, l’année écoulée a aussi et surtout été nécessaire pour préparer l’avenir et projeter notre action à plus long terme. C’est tout le sens de la Feuille de route « Influence » dont une première version avait été élaborée avant le début de la crise sanitaire.

Les objectifs fondamentaux de notre diplomatie d’influence – qu’il s’agisse des plans pour le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger et pour la langue française et le plurilinguisme, de la mise en œuvre de la stratégie « Bienvenue en France » ou encore de la promotion des industries culturelles et créatives françaises dans le monde – n’ont pas été remis en cause par la crise mais réaffirmés. En parallèle des objectifs et priorités d’action, nos méthodes et moyens d’action connaissent une évolution progressive, dans le sens d’une modernisation appelée de ses vœux par votre rapporteur depuis 2017 (transformation numérique, cohérence dans l’animation des réseaux et dans l’action menée, y compris avec d’autres opérateurs comme l’Agence française de développement, pilotage renforcé, etc.).

Notre action d’influence se trouve ainsi face à de nombreux défis globaux, auxquels s’ajoute l’attention particulière requise par certains pays et zones du monde : c’est notamment le cas du Liban, « hub » de notre diplomatie culturelle touché par une succession de crises qui ont imposé une action urgente et une réévaluation de nos modes de coopération, dans le but de préserver les acquis d’un des partenariats les plus anciens et les plus emblématiques de notre diplomatie culturelle.

 

 

 


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I.   UN BUDGET en hausse pour accompagner l’objectif de renforcement de notre influence et de modernisation de nos moyens d’action

A.   Un budget dont l’augmentation succède à des reconfigurations répondant à la crise sanitaire mondiale

a.   Une confirmation de la tendance à la hausse des crédits du programme 185

Pour 2022, les crédits alloués à la diplomatie culturelle et d’influence s’élèvent à 660 M€ hors dépenses de personnels, ce qui représente une hausse de 17,8 M€ par rapport à 2021 et fait suite à une première revalorisation, à hauteur de 3 M€ supplémentaires entre 2020 et 2021.

Dans l’ensemble, les subventions pour charges de service public des opérateurs du programme sont stables :

-         l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) bénéficie d’une subvention de 417 M€ ([1]), ce qui atteste d’une pérennisation de la hausse de 24,6 M€ votée dans la LFI pour 2020 pour la mise en œuvre du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger et de l’enveloppe de 9 M€ de crédits votée en LFI pour 2021 pour le plan de sécurisation des établissements du réseau. Les excédents de trésorerie de l’AEFE permettront par ailleurs le versement de 10 M€ d’aides en faveur des établissements du réseau d’enseignement français au Liban, durement touchés par la crise (voir infra) ;

-         la subvention de l’Institut français se maintient au niveau retrouvé en 2020, soit 28,3 M€, après la hausse ponctuelle de 2019 ([2]) ;

-         Atout France bénéficie d’une subvention stabilisée à hauteur de 28,7 M€, après avoir bénéficié d’une mesure budgétaire exceptionnelle de 5 M€ pour la relance du tourisme, dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, adoptée en juillet 2020 ;

-         enfin, la subvention de Campus France conserve également le niveau fixé depuis 2018, soit 3,8 M€ (ce qui atteste d’une légère baisse par rapport à 2021, à hauteur de 300 000 euros).

Le plafond d’emplois des opérateurs sera stabilisé en 2022, en tenant compte d’une nouvelle répartition, l’AEFE et Campus France cédant chacun 1 équivalent temps plein travaillé (ETPT) au profit de l’Institut français qui en gagne 2. Les 6 253 ETPT des opérateurs seront ainsi nouvellement répartis :

-         5 604 pour l’AEFE ;

-         143 pour l’Institut français ;

-         228 pour Campus France ;

-         279 pour Atout France.

Par ailleurs, 3 M€ permettront de financer le rattrapage des écarts de rémunération existant entre les agents de droits local des établissements à autonomie financière (EAF) du réseau et leurs homologues du réseau des ambassades, dans le cadre de la réforme des ressources humaines du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Cette hausse sera imputée sur la dotation de fonctionnement des EAF, ainsi portée à 41,5 M€.

Les autres évolutions principales des crédits du programme 185 s’expliquent principalement ainsi :

-          le retour aux moyens d’avant-crise alloués aux bourses de 6 M€ et ce dans un souci de relancer l’attractivité étudiante ;

-          la prochaine conférence de reconstitution des fonds de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph), (voir infra) avec une contribution inscrite dans le PLF de 5 M€ ;

-          la mise en œuvre d’actions pour relancer notre politique d’influence sur le soutien aux postes pour promouvoir les industries culturelles et créatives - ICC (1,585 M€), la relance de la politique française aux États-Unis à travers la Villa Albertine (1 M€), ou encore le développement de campus franco-X notamment dans la zone indopacifique (1 M€).


evolution des crédits alloués au programme 185

Crédits de l’action culturelle extérieure P185

LFI 2020

AE=CP

LFI 2021

AE=CP

PLF 2022

AE=CP

Appui logistique

2 289 464

1 539 464

1 539 464

Dotations de fonctionnement aux EAF

38 194 131

38 494 131

41 494 131

Dotations pour opérations aux EAF

15 906 310

17 406 310

17 406 310

Subvention pour charges de service public de l’Institut Français

28 791 961

28 267 161

28 267 161

Subventions à la fondation Alliance française et aux alliances françaises locales

7 269 044

7 217 044

7 217 044

Bourses de mobilité étudiante

64 072 657

58 072 657

64 072 657

Échanges d’expertise

13 704 815

13 704 815

13 704 815

Autres crédits d’intervention des directions et des postes

25 183 532

26 713 532

35 007 032

TOTAL

195 411 914

191 939 914

208 708 614

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères

b.   Un réseau culturel dont la mue permanente n’a pas été remise en cause par la crise sanitaire

En 2021 et malgré la crise, l’exercice permanent d’évolution du réseau culturel s’est poursuivi, pour répondre aux évolutions des priorités politiques et des enjeux internationaux, des besoins des publics français et étrangers sur place et aux impératifs de gestion et de viabilité financière.

En 2021, le réseau se composait ainsi de :

-          131 services de coopération et d’action culturelle (SCAC) et 6 services pour la science et la technologie (SST) ;

-          92 établissements à autonomie financière (EAF) pluridisciplinaires (fonctionnant en mode fusionné avec les SCAC / dispositif unique sous l’appellation uniformisée d’Institut français / IF) et 133 antennes ;

-          3 EAF à compétences spécifiques ou non fusionnés au Brésil (Rio de Janeiro), en Iran et en Turquie (MICEL) ;

-          22 Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE au statut d’EAF) et 5 centres de recherche intégrés aux IF suivants : Afrique du Sud, Maroc, Russie, Afghanistan et Inde ;

-          6 centres culturels franco-étrangers situés en Afrique subsaharienne et à Oman ;

-          plus de 830 Alliances françaises (AF) présentes dans 131 pays, sur 5 continents, dont 436 AF conventionnées ou disposant d’un lien avec le MEAE.

Après la fermeture en 2020 de l’Institut français du Brésil (transformé en SCAC) et de l’antenne de Stavanger de l’Institut français de Norvège, 2021 a été marquée par la réouverture de l’Institut français du Rwanda et l’ouverture de l’Institut culturel franco-allemand de Palerme. Pour rappel, la création d’instituts culturels franco-allemands est l’un des 15 projets prioritaires annexés au Traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle du 22 janvier 2019, concernant neuf villes dans le monde.

En 2019, l’Institut français d’Amérique centrale, qui ne captait quasiment aucune recette propre (les alliances françaises de la zone répondant aux besoins de cours de français et de certifications), avait également fait l’objet d’une fermeture, de même que le Centre culturel français du Canada, qui n’avait dans les faits plus aucune activité.

Comme votre rapporteur avait pu le rappeler dans ses précédents rapports, cet effort de rationalisation concerne également le réseau scientifique. Une réflexion a ainsi été initiée sur le réseau des Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE) et unités mixtes de recherche (UMIFRE) dans une perspective de rationalisation. Pour rappel, le réseau, qui regroupe 27 centres, implantés dans 33 pays, est placé sous la co-tutelle du MEAE et du CNRS. Trois axes d’orientation stratégique ont été proposés : mieux cibler les thématiques de recherche afin de renforcer la cohérence avec les intérêts de notre diplomatie, ouvrir ce dispositif à d’autres partenariats, nationaux et internationaux, adapter la cartographie de ces établissements de recherche à nos priorités stratégiques. Votre rapporteur a été sensibilisé lors de sa visite de l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), UMIFRE dont le siège est situé à Beyrouth, sur les limites du statut des recrutés locaux (CRSP) : si ces contrats présentent des atouts, ils peuvent être inadaptés à des postes qui nécessitent une projection sur le long terme. Pour votre rapporteur, il pourrait être pertinent d’ouvrir une réflexion sur la possibilité d’avoir des contrats de recrutement local de plus longue durée.

Concernant les effectifs, le schéma d’emplois, ne demandant aucune suppression en 2021, a permis de stabiliser le réseau à l’étranger, tout en menant une gestion dynamique afin d’adapter les effectifs des postes à l’évolution des priorités de politique étrangère de la France. Cette stabilisation a suivi la mise en œuvre, concentrée sur 2018-2020, de la « réforme des réseaux de l’État à l’étranger », dans le cadre d’Action publique 2022 et qui prévoyait une suppression de 416 ETP sur 2018-2022.


Répartition des emplois à l’étranger affectés à la politique culturelle extérieure par type d’établissement 

 

Programmes

AF

SCAC

EAF

ETI

Total

2020 

185

60

188

328

9

585

209

190

408

435

19

1052

Total

250

596

763

28

1637

2021 

185

57

198

326

4

585

209

188

441

419

17

1065

Total

245

639

745

21

1650

AF : alliances françaises

EAF : établissement à autonomie financière

ETI : expert technique international

B.   LES ACTEURS DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ont dû faire face à la crise sanitaire tout en maintenant les orientations fixées pour l’avenir

1.   Les réseaux culturels et d’enseignement français à l’étranger ont dans l’ensemble bien résisté à la période de crise, malgré des nuances régionales

a.   Les réseaux ont dû adapter leur fonctionnement à la crise

Les réseaux de la diplomatie culturelle et d’influence de la France ont été sensiblement mis à l’épreuve par la crise liée à la pandémie de Covid-19. En tant qu’animateur du groupe de travail de la commission des affaires étrangères chargé du suivi des réseaux culturels et d’influence, mis en place durant le confinement du printemps 2020, votre rapporteur avait étroitement suivi les différents impacts de la crise, en auditionnant les acteurs concernés, à Paris et sur le terrain, dans le monde entier.

Pour rappel, au premier semestre 2020, sur les 117 EAF du réseau, 105 avaient dû fermer temporairement leurs portes au public et cesser leurs activités sur place, pour réorganiser autant que possible leurs activités à distance. Il en a été est de même pour les 6 centres culturels binationaux et pour environ 650 alliances françaises. Après une tendance à la réouverture au second semestre 2020, dès la fin de l’année, un nombre significatif d’entre eux avaient dû fermer à nouveau ou réduire leurs activités. Depuis mai-juin 2021, la situation s’améliore, notamment au sein de la zone Europe pour la majorité des établissements. L’activité des établissements culturels de la zone des Amériques reste à ce stade ralentie, tandis que la zone Asie et Océanie ainsi que les zones Afrique et Nord Moyen-Orient connaissent des situations plus contrastées, variables selon les pays et évoluant rapidement. 

À la date de juillet 2021, la moitié des instituts français du réseau étaient en mesure d’accueillir du public et avaient repris tout l’éventail de leurs activités, plus d’un tiers n’avaient repris leurs activités que de manière partielle et 12 étaient encore fermés au public. Sur près de 830 alliances françaises, environ un tiers avaient repris tout l’éventail de leurs activités, accueillaient du public et connaissaient un retour à la normale de manière adaptée à la situation sanitaire. Un tiers n’avaient repris qu’une partie de ses activités et le dernier tiers des établissements était fermé au public ou avec une activité extrêmement restreinte.

Concernant le réseau d’enseignement français à l’étranger, plusieurs points doivent être soulignés.

D’une part, aucune fermeture définitive d’établissement au sein du réseau n’avait été constatée à la date du 1er septembre 2021. L’étude menée en juin 2021 auprès des établissements a permis d’identifier les tendances fortes de la rentrée 2021, qui vont dans le sens d’une reprise de la croissance des effectifs, qui devrait permettre d’effacer les pertes de la rentrée précédente voire de constater une croissance nette. Votre rapporteur tient cependant à ce sujet à souligner la différence dramatique et peu comprise entre augmentation des effectifs et développement du réseau : l’objectif est de passer de 370 000 élèves à près de 800 000 en dix ans, et non de constater, ou au mieux de favoriser une croissance endogène classique entre extension d’homologation et réponse de « guichet ».

D’autre part, certaines zones devraient rester plus durablement impactées par la crise : l’Asie, l’Amérique latine et le Liban, premier réseau national d’enseignement français à l’étranger fragilisé par plusieurs crises (voir infra).

Pour rappel, les établissements du réseau avaient dans l’ensemble enregistré une perte nette de 1 % des effectifs à la rentrée 2020 par rapport à 2019, malgré une hausse des homologations. En 2020-2021, le réseau d’enseignement français à l’étranger comptait 540 établissements scolaires répartis dans 138 pays (dont 69 EGD, 152 établissements conventionnés et 319 établissements partenaires). À la rentrée 2021, la poursuite des homologations avait permis de porter le nombre d’établissements à 545.

L’année scolaire 2020/2021 a montré la sensibilité des établissements à l’évolution de la pandémie et l’hétérogénéité des situations. La situation des 540 établissements était satisfaisante lors de la rentrée de septembre 2020, puisqu’une moitié d’entre eux pouvaient fonctionner normalement. Un pic d’amélioration a été enregistré en novembre, mais la situation s’est à nouveau dégradée jusqu’en avril. Depuis cette date, la situation s’est globalement améliorée, malgré le maintien de disparités liées à la situation sanitaire locale et aux décisions des autorités locales. En juin 2021, 65 % des établissements pouvaient fonctionner en présentiel.

En termes d’organisation, tous les établissements ont dû passer au premier semestre 2020 à l’enseignement à distance (EAD). Durant l’année scolaire suivante, beaucoup d’établissements ont poursuivi en EAD total, (Amérique du Sud et Moyen Orient notamment) et presque tous les autres ont eu recours à des formules hybrides (alternance d’enseignement en présentiel et à distance). Dans ces conditions, les outils et les habitudes de travail développés au printemps 2020 ont pu être à nouveau utilisés.  Pour rappel, l’Agence a mené – en mobilisant son vivier d’inspecteurs et d’enseignants formateurs – 10 000 actions d’accompagnement pour le premier degré et 80 000 pour le second degré sur la période allant de mars à juillet 2020 ([3]).

Afin d’avoir une approche plus fine des questions numériques, une enquête a été menée à l’automne 2020 par la direction de l’enseignement de l’orientation et de la formation de l’AEFE. Les résultats de cette enquête ont montré que les élèves et les parents ne ressentaient pas un besoin particulier de formation dans la mesure où ils sont des utilisateurs réguliers des outils numériques. Les enseignants, en revanche, ont exprimé le souhait de développer leurs compétences dans le domaine du numérique éducatif. Les demandes ont porté sur des modalités (constitution des groupes…) et des outils spécifiques (application permettant de travailler l’oral telle que monoral.net, développée par des enseignants du réseau, ou encore des outils de cartographie numérique). Ces demandes ont été prises en compte dans les plans de formation mis en œuvre dans les zones de mutualisation en 2020-2021 ([4]).

b.   Les effets de la crise ont continué à s’exercer sur le réseau au plan financier

i.   Réseau culturel

La crise a fragilisé le réseau du fait de la baisse, voire de l’arrêt, des activités génératrices de revenus (cours de langue, organisation des examens et certifications, inscriptions étudiantes sur la plateforme études en France) comme du mécénat et de l’érosion des publics (baisse des revenus ou évolution des priorités au sein des dépenses des foyers).

Pour répondre à la crise, des redéploiements de crédits au sein du programme 185 ont été effectués en 2020 en urgence à la mi-gestion, à hauteur de 7 M€ pour le réseau des instituts français et 3 M€ pour le réseau des alliances françaises, en complément des subventions annuelles. À l’été 2021, 1 M€ ont également été reventilés vers les établissements du réseau qui demeuraient en difficulté ([5]) .

La capacité des établissements du réseau à développer et à proposer une offre à distance a joué un rôle clé pour la résilience du réseau. À cet égard, en juillet 2021 :

-          les deux tiers des instituts français proposaient une offre de cours de langue à distance ainsi qu’une offre culturelle à distance ;

-          un tiers environ organisaient des entretiens Campus France sous ce format.

Les alliances françaises se également sont adaptées à la situation : la moitié des alliances du réseau ont mis en place une offre de cours à distance, plus d’un quart ont proposé des activités culturelles à distance, et un dixième d’entre elles ont permis aux entretiens Campus France d’avoir lieu à distance. Sur le moyen terme, un certain nombre d’établissements envisagent de conserver ces pratiques, qui permettent de capter de nouveaux publics, en les combinant avec la reprise d’activités en présentiel de manière à présenter une offre hybride.

Votre rapporteur tient par ailleurs à saluer l’effort de réorganisation mené par la fédération des Alliances françaises : à bien des égards, elle pourrait ressortir de la crise plus forte qu’elle n’y était rentrée. La grande réussite du Congrès numérique mondial des alliances françaises qui a eu lieu en octobre 2020 en est le plus beau symbole. Cet aspect a été confirmé sur le terrain par la relance du dynamisme interne, que votre rapporteur a pu constater lors d’une table-ronde réunissant plusieurs conseillers de coopération et d’action culturelle d’Amérique latine, zone historique et zone phare des Alliances Française dans le monde. Les remontées de terrain de plusieurs pays d’Asie ont permis de formuler un constat allant dans le même sens.

ii.   Réseau d’enseignement français à l’étranger

En affectant la capacité financière des familles, la crise sanitaire a fragilisé l’équilibre financier des établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger :

-          les établissements scolaires n’ont pas pu recouvrer la totalité des frais de scolarité dus par les familles, avec un impact fort sur l’état de leur trésorerie, variable selon les pays ;

-          l’impact sur la trésorerie des établissements a eu des conséquences sur le budget de l’AEFE.

À partir des taux de recouvrement observés dans les établissements en gestion directe (EGD) de l’AEFE et des informations partielles dont dispose l’Agence sur les établissements conventionnés et partenaires – largement majoritaires dans le réseau – il est possible d’esquisser des tendances sur le taux de recouvrement.  Les données concernant le recouvrement des droits de scolarité sont toutefois à considérer avec une très grande prudence : les situations sont très hétérogènes d’un établissement à l’autre et les agrégations ne sont pas toujours significatives.

Ainsi, le taux de recouvrement des droits de scolarité en 2020 s’est établi pour les EGD à 89,4 %, soit un recul de près de 5 points par rapport à l’exercice 2019. Le reste à recouvrer fin 2020 représentait une somme globale de 12 M€. L’écart a été particulièrement marqué en Asie (- 15,5 %) et dans une moindre mesure en Afrique (– 7 %), au Moyen-Orient (- 7 %) et dans la zone Maghreb Océan indien (- 6 %) ([6]) .

Par ailleurs, la crise a également eu un impact sur le taux de recouvrement des recettes des services centraux. En effet, les difficultés de recouvrement rencontrées par les établissements en gestion directe et conventionnés se sont répercutées sur leur capacité de financement et donc d’honorer leurs participations à l’AEFE. Sur un volume de facturation des participations (participation financière complémentaire – PFC – et participation à la rémunération des résidents – PRR) de 252,2 M€ réalisé en 2020, le montant recouvré s’est établi à 217,3 M€ soit un taux de recouvrement de 86%. Ce taux est en baisse de 11 points par rapport à la moyenne de recouvrement des exercices précédentes (période 2014-2019) soit un déficit de financement pour l’Agence de plus de 27 M€. Les difficultés de recouvrement sont illustrées également par le nombre d’établissements conventionnés ayant demandé à bénéficier de délais de paiement : 64 en 2020 contre 34 en 2019. Ces difficultés ont été compensées en gestion et de manière provisoire par les crédits supplémentaires du plan de sauvegarde et le report de dépenses tant dans les services centraux que dans les établissements.

En effet, le réseau d’enseignement français à l’étranger a bénéficié d’un plan d’aide exceptionnelle, voté dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020. À hauteur de 150 M€, cette aide a été conçue pour venir en aide aux familles françaises et étrangères et à tout établissement en difficulté quel que soit son statut, points sur lesquels votre rapporteur s’était particulièrement mobilisé. L’aide votée s’est répartie et a été utilisée de la façon suivante :

-          sur le programme 185, un abondement de la subvention pour charge de service public de l’AEFE à hauteur de 50 M€ pour financer des mesures d’aide aux familles étrangères en difficulté et aux établissements. Le total des aides accordées est de 47,8 M€ dont 39,3 M€ décaissés à ce jour :

-          sur le programme 151, une augmentation du budget de l’aide à la scolarité de +50 M€ pour venir en aide aux familles françaises en difficulté. Au total, 12,7 M€ de bourses supplémentaires ont été attribuées aux familles françaises, déjà boursières ou non. Ce dispositif a bénéficié à 2 085 boursiers (1 331 élèves déjà boursiers et 754 nouveaux boursiers) ;

-          sur le programme 823, une avance de l’Agence France Trésor à l’AEFE pour un montant de 50 M€ permettant à l’opérateur d’accorder aux établissements des avances de trésorerie remboursables. 24,9 M€ d’avances de trésorerie dont 5,2 M€ d’avances en numéraire au profit de 41 établissements et 19,7 M€ de délais de paiement ont été accordés par l’Agence à 37 établissements conventionnés.

Si la mise en œuvre de ce plan de sauvegarde a permis d’éviter toute fermeture d’établissements dans le réseau et de juguler la baisse des effectifs à la rentrée 2020, deux points de vigilance doivent être soulignés :

-          la préservation du réseau libanais : la crise que traverse ce pays appelle un traitement particulier pour sauvegarder le réseau de 55 établissements (voir focus infra) ;

-          la situation financière de certains établissements auxquels ont été consenties des avances de trésorerie remboursables demeure fragile. Le délai très court de remboursement de ces avances (une année), lié aux échéances imposées par l’Agence France Trésor, risque de ne pouvoir être respecté par les établissements qui ont continué de subir les effets de la crise sanitaire. Pour les établissements partenaires qui n’auraient pas la possibilité de rembourser, il est possible de conclure avec l’AEFE un conventionnement temporaire qui permet d’alléger les difficultés financières ([7]).

2.   Les effets de la crise sanitaire ont continué à s’exercer sur les opérateurs de la diplomatie culturelle en 2021

Pour les autres opérateurs de notre diplomatie culturelle, les effets de la crise sanitaire mondiale ont continué à se déployer en 2021.

Dans le cas de l’Institut français, de nombreuses programmations initialement prévues pour 2020 ont été reprogrammées, à l’instar des saisons culturelles et des biennales.

La Saison Africa 2020 initialement prévue de juin à décembre 2020, a ainsi été reportée de décembre 2020 à fin septembre 2021, sur tout le territoire français, dont les départements et territoires d’outre-mer. En raison des reports et des contraintes sanitaires, les opérateurs de la Saison ont adapté ou reporté leur programmation. 90 % des projets ont pu être conservés ou adaptés en format hybride et certains ont été reportés après les dates officielles. Pour faciliter les déplacements internationaux des 1 000 artistes et opérateurs du continent africain appelés à se rendre en France, un groupe de travail qui a rassemblé le MEAE, le ministère de l’Intérieur et l’IF a été mis en place et a permis de cadrer le processus de délivrance des visas et laissez-passer : le principe de gratuité des visas a été acté et les postes ont été chargés de faciliter leur délivrance ainsi que d’initier les demandes de laissez-passer internationaux. Malgré l’annulation de certains événements, la Saison Africa2020 a évolué à budget presque constant, les économies réalisées (687 000 € : projets annulés, reportés ou redimensionnés) étant inférieures aux dépenses supplémentaires (781 000 € : frais induits par le report, septaines et test PCR pour les artistes et intervenants) ([8]).

Au cours de l’année 2020, un accent important a été mis sur la transformation numérique pour la diffusion culturelle et linguistique (cours à distance, webinaires, rencontres professionnelles et mise à disposition de ressources en ligne, comme le catalogue de films IF Cinema ou de la Fabrique du Cinéma en ligne) et l’opérateur s’est vu confier la mission du projet de transformation numérique du réseau culturel (voir infra sur le numérique). L’opérateur a également renforcé les modalités d’accompagnement du réseau culturel, de ses publics et le soutien au secteur culturel local. Cette dynamique s’accompagne d’une réorganisation en interne de l’Institut français, qui devrait désormais comporter une direction dédiée au réseau, dont votre rapporteur avait régulièrement déploré l’absence (voir infra).

Malgré les adaptations imposées par la gestion de crise, l’opérateur a maintenu ses priorités, à commencer par le soutien aux filières culturelles. L’IF a adapté ses appels à projets et lancé notamment Relance Export (spectacle vivant et musique) pour poursuivre le soutien aux projets mixtes et 100 % digital. Les dispositifs de soutien aux résidences et au cinéma du monde ont été adaptés afin d’accompagner les professionnels et d’assurer la rencontre des professionnels à distance (FOCUS). Le soutien à la filière du livre a été assuré avec les dispositifs adaptés (Shoot the Book) et les financements adéquats (Programme d’aide à la publication). Les mobilités étant empêchées, l’IF a adapté et diversifié les programmes de résidences (Fabrique des résidences, la Cité des Arts, les missions Stendhal).

Dans le cas de Campus France, l’année 2020-2021 a été marquée par une réaction volontariste à la situation de crise sanitaire.

Pour rappel, la France avait, dans le cadre de la politique « Bienvenue en France » opté dès le 15 août 2020 pour le maintien de ses frontières ouvertes aux étudiants étrangers, ce qui lui a permis de contenir la baisse des mobilités longue durée à 25 % en 2020 par rapport à l’année précédente. Le cap a été maintenu en 2021, avec la qualification le 9 août 2021 d’un projet de mobilité comme un motif impérieux, pour tous les étudiants étrangers y compris ceux en provenance de pays à situation sanitaire dégradée, en contrepartie de mesures d’isolement à l’arrivée et d’incitation à la vaccination ([9]).

Au 24 août 2021, le nombre de dossiers en phase pré-consulaire sur le portail Études en France laissait envisager un effacement de l’effet de la crise sanitaire, avec 109 535 étudiants, soit 10 % de plus qu’en 2020 et un niveau équivalent à la situation d’avant la crise sanitaire, mesurée à la rentrée 2019, avec une part croissante des étudiants d’Afrique et du Moyen-Orient.

En coordination avec l’administration centrale du MEAE et les postes diplomatiques, différentes actions ont été menées par Campus France en réponse à la crise :

-          l’enseignement à distance a été développé comme une alternative partielle, tout en privilégiant dès que possible un retour au présentiel. Elle a pris la forme de la mise en ligne d’un catalogue des formations à distance disponibles pour les étudiants étrangers dès le mois de mai 2020, avec 720 formations à distance proposées par 120 établissements ;

-          un dispositif de soutien alliant écoute, accompagnement psychologique et offres de loisirs en ligne a été mis en place pour les étudiants boursiers ([10]). Ces mesures ont été accompagnées de prorogations de bourses : en 2020, 793 bourses du Gouvernement Français (BGF) ont fait l’objet de modifications ([11]), dans l’objectif d’accompagner les étudiants, dont 585 bourses qui ont été rallongées pour permettre aux étudiants de prolonger leurs études en France, et 186 bourses raccourcies, pour permettre à d’autres de rentrer avant le terme initial des études.

Par ailleurs, les mesures de soutien mises en œuvre de façon générale en France ont pour la plupart bénéficié aux étudiants étrangers en 2019-2020 : repas à 1 €, ouverture des bibliothèques, accès aux services médicaux universitaires, référents CROUS, etc.

En préparation de la rentrée 2021, des actions de promotion en direction des pays cibles ont été menées, tournées notamment vers l’Asie et l’Amérique Latine. Pour préparer la rentrée 2022, une nouvelle campagne de communication sera présentée, centrée sur les témoignages d’alumni et autour des 4 thèmes suivants : « RDV en France », « Study in English, Rendez-vous en France », « Rendez-vous en France, un enseignement de rang mondial », « En France, on prend soin de vous ».

 

 


—  1  —

II.   Une diplomatie d’influence dont le pilotage et la cohérence connaissent une amelioration croissante, au service d’objectifs ambitieux

A.   La crise n’a pas remis en cause les objectifs fondamentaux assignés à notre diplomatie d’influence

Dans un contexte de forte concurrence internationale et de redémarrage de l’activité après la crise sanitaire, le MEAE a pour ambition d’accroître l’attractivité et l’influence de notre pays dans ses multiples dimensions, culturelle, économique, touristique, éducative et universitaire, dans un souci de modernisation de notre offre et de notre action.

L’ensemble des priorités et objectifs de notre diplomatie d’influence a vocation à être réuni et précisé dans la « Feuille de route Influence », dont une première version avait été élaborée avant que la crise sanitaire mondiale n’impose la mise en œuvre d’une gestion d’urgence.

La politique définie s’appuie sur les orientations fixées en amont par le Président de la République, à travers ses discours de la Sorbonne et de Ouagadougou en 2017 et le discours de l’Institut de France en mars 2018, accompagnant la présentation du plan langue française et plurilinguisme. Elle s’articule autour de trois orientations stratégiques majeures : d’une part, promouvoir la langue française et soutenir une nouvelle dynamique de développement de l’enseignement français et francophone à l’étranger, d’autre part, placer la coopération universitaire et de recherche au cœur de l’attractivité de notre territoire, et enfin, poursuivre la promotion des savoir-faire, des idées et de la créativité français – notamment dans le secteur des industries culturelles et créatives - auprès de nos partenaires à l’étranger.

Ainsi, la période de crise mondiale n’a pas remis en cause les deux piliers autour desquels s’articulent la diplomatie d’influence française : le renforcement du rayonnement intellectuel et culturel de la France et la promotion et la structuration des filières des industries culturelles et créatives (ICC). Comme cela a été indiqué à votre rapporteur, la feuille de route aura une approche englobante, allant au-delà du périmètre budgétaire du programme 185 pour embrasser tous les aspects de l’influence (audiovisuel extérieur, aide publique au développement, diplomatie économique, présence dans les organisations internationales, etc.). Elle a également vocation à intégrer des priorités transversales, à commencer par la transformation numérique, qui ne pourra se faire sans un réel pilotage stratégique.

1.   La mise en œuvre des plans pour la langue française et le plurilinguisme et pour le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger s’est poursuivi

a.   Les objectifs fixés en 2019 dans le plan pour le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger n’ont pas été remis en cause

Si la crise sanitaire a affecté l’ensemble du réseau d’enseignement français à l’étranger, l’objectif fixé par le Président de la République du doublement du nombre d’élèves scolarisés dans le réseau d’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030 n’a pas été remis en cause, de même que la mise en œuvre du plan pour le développement de l’enseignement français à l’étranger présenté le 3 octobre 2019 pour accompagner cet objectif.

Malgré la crise sanitaire, de nombreuses mesures du plan de développement de l’enseignement français à l’étranger ont pu être mises en œuvre au cours de l’année 2020 et durant le premier semestre 2021 :

-          simplification de la procédure d’homologation, avec 23 nouveaux établissements homologués en 2020 contre 6 seulement en 2018. La campagne d’homologation 2019-2020 a enregistré une augmentation du nombre des demandes d’homologation (95 dossiers déposés en 2019 contre 62 en 2017). Cette tendance s’est maintenue sur la campagne 2020-2021, ce qui témoigne de la poursuite de la dynamique de développement engagée depuis deux ans ;

-          création par le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) du certificat d’aptitude à participer à l’enseignement français à l’étranger (CAPEFE), dans le but de constituer un vivier de personnels qualifiés susceptibles d’exercer dans les établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger. Ce certificat est accessible à l’ensemble des étudiants en master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » depuis la rentrée 2021 ;

-          communication renforcée à destination des investisseurs désirant rejoindre le réseau d’enseignement français à l’étranger (plaquette bilingue - anglais, espagnol, arabe -  de l’AEFE « Entrez dans le réseau de l’Enseignement Français à l’Étranger ») mais également des parents d’élèves (brochure réalisée par le MENJS « Pourquoi choisir l’enseignement français pour son enfant ? ») ;

-          mise en place d’un nouveau mécanisme d’octroi de la garantie de l’État aux emprunts immobiliers des établissements conventionnés et partenaires, en remplacement de l’ancien dispositif porté par l’Association nationale des écoles françaises de l’étranger (ANEFE). Ce nouveau dispositif donne la possibilité à ces établissements de financer leurs projets de rénovation ou d’extension de leurs capacités d’accueil. Les modalités d’application du nouveau dispositif ont fait l’objet d’un arrêté du ministre de l’économie, des finances et de la relance signée le 2 avril 2021.

Si la création des 16 Instituts régionaux de formation (IRF), conçus pour mettre en œuvre la politique de formation au bénéfice de l’ensemble des enseignants et des personnels de tous les établissements homologués, quel que soit leur statut, nécessite une modification préalable du code de l’éducation qui n’a pas été possible à ce stade, des initiatives locales sont venues apporter une réponse prometteuse au besoin de formation initiale et continue des enseignants recrutés localement (personnels de droit local). C’est le cas au Liban (partenariat AEFE, Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture, Mission Laïque Française, Université de Clermont – Auvergne, voir infra), et au Maroc (partenariat Université Internationale de Rabat et Université de Lorraine, Académie de Nancy-Metz).

Par ailleurs, de nouveaux outils de pilotage ont été mis en place, à commencer par les plans éducation (voir infra) et l’AEFE s’est dotée d’un service d’appui et du développement du réseau, le SADR, intégré à la direction du développement et de l’accompagnement du réseau.

Créé en janvier 2019, il accompagne aujourd’hui 57 établissements vers l’homologation au moyen de 421 prestations mises en œuvre par des experts de l’AEFE à Paris ou sur le terrain. Ces prestations doivent permettre une montée en compétence des établissements dans le cadre des critères de l’homologation. Ce respect des critères est ensuite validé par le MENJS dans le cadre des missions d’audit diligentées sur place et au cours de la commission interministérielle d’homologation (CIH). Le plus fort pôle de développement aujourd’hui se situe en Afrique du nord : Tunisie, Maroc, Égypte avec une vingtaine d’établissements accompagnés, mais aussi en Côte d’Ivoire ou au Sénégal.

Ses priorités d’action sont les suivantes :

-         poursuivre le développement par une évolution raisonnée du réseau dans le cadre des Plans éducation des postes et avec tous les opérateurs éducatifs repérés ;

-         intégrer tous les établissements existants dans l’EFE en favorisant la montée en homologation et en proposant aux écoles à programme français ou approchant de s’inscrire dans les critères de l’homologation ;

-         augmenter la visibilité et l’appétence pour l’EFE en travaillant sur l’étude comparative avec la concurrence, en proposant une communication internationale plus « marketing » et contextualisée et en travaillant sur l’atteinte des cibles et des circuits de communication ;

-         permettre à l’EFE d’intégrer partout le marché des écoles internationales en proposant une communication plus ciblée, plus informative et plus prospective pour les familles.

Le SADR travaille avec différents profils d’établissements ou de porteurs de projets :

-         établissements dans le réseau homologué, qui souhaitent une extension de cette homologation ;

-         établissements francophones existants, non homologués, qui souhaitent une première homologation pour entrer dans le réseau ;

-         nouveaux établissements en création (Sousse, Bogota, Hong-Kong, Marbella, Dakar, Abidjan, Almati, Inde…) qui ne connaissent parfois que très peu l’homologation. Il peut s’agir d’entreprises individuelles ou de groupes d’investissements à caractère éducatif (IEG, AIS), de groupes immobiliers ou de constructions (SODIC - Égypte, Madagascar).

Le SADR accompagnait 15 % des établissements ayant obtenu l’homologation à la CIH 2020 et accompagne 32 % des établissements en demande d’homologation à la CIH 2021 : sur 94 demandes déposées pour les deux CIH de 2021, 30 établissements sont accompagnés par le SADR (32 %), 8 par la MLF (8,5 %), 56 sont en autonomie (61,5 %). 10 établissements « SADR » sont passés à la première CIH de 2021 : 7 favorables (70 %). 17 établissements « SADR » sont en seconde CIH de 2021.

Le SADR entretient de plus le contact avec une centaine de porteurs de projets potentiels qui ont été identifiés pour des développements à plus ou moins long terme.

L’impossibilité de se déplacer depuis mars 2020 a été en partie compensée par des échanges en visioconférence. Plusieurs conventions ont été signées à distance. Les porteurs de projets ont poursuivi le développement prévu et le SADR a pu mettre en œuvre les prestations initiées, essentiellement à distance. Le service a travaillé durant cette période à une communication ciblée de son activité et au suivi des prestations.

Les prestations réalisées par le SADR sont facturées aux établissements ou aux porteurs de projet selon les tarifs approuvés par le conseil d’administration de l’Agence (30 % à la signature de la convention, 70 % une fois les prestations effectuées). S’y ajoutent les remboursements des frais engagés (déplacement, hébergement). On note en moyenne 7 prestations et 11 500 euros de facture par établissement. Le montant total des prestations en devis établis par le SADR dans ses 57 conventions d’accompagnement s’établit au 24 août 2021 à 606 825 €.

Votre rapporteur est cependant assez réservé sur la construction par l’administration centrale de l’AEFE de la direction du développement et de l’accompagnement du réseau. Cette direction, qui comporte en plus du SADR une sous-direction chargé de l’immobilier – alors même que l’immobilier n’est pas un prérequis systématique au développement – une sous-direction en charge de l’aide à la scolarité et s’appuie sur différents secteurs géographiques, n’intègre pas les services chargés du Label France Éducation, du FLAM (voir infra), pourtant consubstantiels de son point de vue au développement du réseau des établissements homologués.

b.   La mise en œuvre du plan pour la francophonie et le plurilinguisme s’est poursuivie

À l’objectif de développement du réseau d’enseignement français à l’étranger, s’ajoute la mise en œuvre du plan pour la langue française et le plurilinguisme, dont les objectifs sont distincts mais étroitement liés.

Présenté le 20 mars 2018 à l’Institut de France, le Plan pour la langue française et le plurilinguisme s’articule ainsi autour de trois piliers : « apprendre », « communiquer », « créer ». Trois ans après le lancement du plan, la mise en œuvre des mesures se poursuit, en partenariat avec l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Votre rapporteur a suivi avec attention l’impulsion donnée à l’enseignement bilingue francophone, dont le développement sera un atout majeur pour le dynamisme de notre réseau d’enseignement français à l’étranger et répond aux impératifs d’une francophonie moderne, s’inscrivant dans un cadre plurilingue ([12]).

Créé en 2012, le label LabelFrancEducation est attribué par le MEAE aux filières bilingues d’excellence proposant un enseignement renforcé de la langue française et d’au moins une discipline non linguistique en français, conformément au programme officiel du pays d’accueil. L’AEFE est chargée de la gestion administrative et financière de la labellisation et s’est vue confier la prise en charge d’une offre spécifique à destination des établissements labellisés, autour de trois volets :

-          accompagnement de la formation des enseignants ;

-          proposition de ressources pédagogiques numériques ;

-          développement de l’environnement francophone.

L’objectif de 500 établissements labellisés LabelFrancEducation en 2022 fixé par le Président de la République dans le cadre du plan pour la langue française et le plurilinguisme de 2018 est d’ores et déjà dépassé : à la suite de la campagne 2021 de labellisation, le réseau compte 523 filières ou établissements scolaires bilingues implantés dans 62 pays, contre 456 dans 60 pays en 2020.

développement du label franceducation

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Nombre d’établissements labellisés

158

209

285

393

456

523

Pays

35

44

53

58

60

62

Effectifs

34 500

65 000

110 000

140 000

160 000

184 500

Autre outil précieux pour le développement de la francophonie, le dispositif « Français langue maternelle » (FLAM).

Créé en 2001, ce programme a pour objectif de permettre à des enfants français habitant à l’étranger de conserver un contact régulier et construit avec la langue et la culture françaises dans le cadre d’activités extra-scolaires. Il peut également s’adresser à des familles d’autres nationalités dont les enfants ont une connaissance minimale de la langue française. Ce programme est particulièrement utile pour des familles établies de manière pérenne à l’étranger dont les enfants ne sont pas scolarisés dans des établissements d’enseignement français mais dans des établissements locaux, dans une autre langue que la leur. Pour votre rapporteur, il importe de ne pas voir de concurrence entre le programme FLAM et le réseau homologué d’enseignement : il s’agit au contraire de deux dynamiques complémentaires, qui doivent être appréhendées en cohérence.

À ce jour, 173 associations FLAM sont en activité dans 39 pays (Algérie, Allemagne, Arménie, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Chine, Croatie, Danemark, Émirats arabes unis, Espagne, Estonie, États-Unis, Grèce, Hongrie, Inde, Iran, Irlande, Islande, Israël, Italie, Japon, Liechtenstein, Malte, Mexique, Mongolie, Namibie, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie, Suède, Suisse, Taïwan, Tunisie, Uruguay). Le réseau d’associations FLAM se concentre sur 3 pays qui regroupent près de la moitié des associations : le Royaume-Uni (49), les États-Unis (22) et l’Allemagne (11).

Évolution du nombre et de la présence des associations FLAM

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Nombre d’associations

139

152

163

170

168

173

Pays

35

39

39

40

39

39

Source : AEFE

Pour rappel, le programme FLAM s’accompagne d’un soutien financier français. Une campagne de subventions, à vocation non pérenne, et versées à des associations ad hoc ([13]), est réalisée chaque année par l’AEFE en coordination avec le MEAE pour un budget global initialement fixé à 250 000 €. Trois types de subvention sont à la disposition des associations qui doivent transmettre un dossier de demande soumis à l’examen d’une commission :

-          une subvention pour permettre le démarrage et la montée en puissance des actions des associations. Elle est dégressive, limitée à 5 années consécutives et ne doit pas servir à financer les dépenses de personnel conformément à son objectif d’impulsion, de soutien au bénévolat associatif et d’accompagnement vers l’autofinancement ;

-          une subvention pour l’organisation de rencontres régionales des associations, afin de favoriser les échanges ou la diffusion de bonnes pratiques ;

-          une subvention de projet, afin d’accompagner une action identifiée mobilisatrice de nature éducative et culturelle.

Afin de mieux répondre aux besoins des associations, des adaptations ont été apportées à ce dispositif de soutien ces deux dernières années, avec notamment le lancement en mars 2021 d’une nouvelle plateforme de gestion « Cascade » dédiée au dépôt de demandes de subvention, dans le but de simplifier les campagnes. Depuis deux ans, l’AEFE a également renforcé ses efforts en matière de mise à disposition de ressources et de formation pour les FLAM.

Dans l’ensemble, les associations FLAM n’ont pas été épargnées par la crise sanitaire, qui ont déclaré avoir subi des pertes d’effectifs et de revenus en 2020, avec des charges inchangées ou augmentées. La majorité a repris ses activités à distance dès le mois de mars 2020. Face à la crise, une aide exceptionnelle a été apportée.

Le soutien financier exceptionnel apporté aux associations FLAM

Au cours de l’année 2020, l’AEFE a mis en place, en coordination avec le MEAE, un soutien financier exceptionnel d’un montant de 500 000 € à travers deux campagnes d’aide, afin de pouvoir venir en aide aux associations en difficulté. Au total, 84 associations réparties dans 25 pays en ont été bénéficiaires, représentant un public de 6 987 enfants. Les demandes des associations ont porté sur l’achat de matériel de protection sanitaire, de matériel informatique, sur l’acquisition de licences pour l’utilisation d’applications numériques et sur des formations spécialisées pour pouvoir maintenir leurs activités à distance.

En 2021, pour tenir compte de la persistance de la crise sanitaire, l’enveloppe prévue pour la campagne de subventions 2021 a été augmentée de 20 % par rapport au montant alloué hors période de pandémie de 250 000 €. A l’issue de la campagne, des subventions d’un montant total de 300 000 € ont été octroyées à 54 associations, au bénéfice de 3 267 enfants dont 2 513 enfants français. Elles se répartissent de la manière suivante :

 Subventions d’aide au démarrage :

22 demandes financées pour un montant total de 96 500 €. Six nouvelles associations ont déposé une première demande (3 au Royaume-Uni, 1 en Suède, 1 au Japon et 1 en Nouvelle-Zélande) ;

Subvention de projet :

29 demandes financées pour un montant total de 147 300 € ;

Subvention pour les rencontres régionales :

3 demandes financées pour un montant total de 56 200 €.

Source : AEFE - MEAE

Pour votre rapporteur, la montée en puissance du soutien financier au dispositif FLAM, prévue dans le PLF 2022, doit s’accompagner d’une mobilisation renforcée pour faire connaître ce programme, y compris dans sa dimension de préalable au développement du réseau EFE et sans aucune remise en cause de l’importance accordée aux initiatives locales et spontanées dans le déploiement des FLAM.

Le développement de ce réseau doit également être compris comme le terreau du développement des lycées homologués : votre rapporteur rappelle que les lycées français sont, dans leur écrasante majorité (85 %), issus d’initiatives parentales, très souvent associatives. La prise de responsabilité « citoyenne » que constitue la création d’une structure FLAM donne une très bonne idée du « dynamisme latent » des communautés francophones et francophiles locales, ce qui est plus qu’utile à la mobilisation d’une communauté éducative capable de passer à l’étape supérieure d’un établissement scolaire.

Enfin, on peut aussi mentionner le renforcement du soutien du MEAE à la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF), qui a d’abord été doublé en deux ans, passant de 70 000 € en 2017 à 140 000 € en 2019, conformément aux engagements pris dans le cadre du Plan pour la langue française et le plurilinguisme. En 2021, cet engagement a été réaffirmé, et une subvention à hauteur de 140 000 € a été versée. Grâce à ces moyens, la FIPF a pu organiser le XVème congrès annuel des professeurs de français, qui s’est tenu en format virtuel du 9 au 14 juillet 2021. Une partie de ce financement a contribué également à l’organisation de la troisième « journée internationale des professeurs de français » (JIPF) le 25 novembre 2021. Le reste est destiné à former les responsables associatifs à la gestion d’associations et à mettre en place un dispositif de tutorat en faveur des jeunes enseignants.

2.   La priorité accordée à la coopération universitaire et scientifique et à l’accueil des étudiants étrangers a été réaffirmée dans une perspective de relance

Priorités de notre diplomatie d’influence, la coopération universitaire et scientifique ainsi que l’attractivité de notre territoire, tout particulièrement pour les étudiants et les chercheurs, ont été impactées par la crise et il importe désormais d’œuvrer à leur relance.

C’est dans ce contexte que le PLF pour 2022 prévoit 6 M€ supplémentaires consacrés aux bourses du gouvernement français (bourses d’études et de stage), afin de redynamiser les mobilités étudiantes et d’atteindre les objectifs fixés en 2018 par la stratégie « Bienvenue en France ». Pour rappel, la ligne budgétaire consacrée aux bourses dans le programme 185 permet aussi de financer la participation de la France à des bourses co-financées avec des partenaires (gouvernements étrangers, entreprises).

Lancée en 2018, la stratégie « Bienvenue en France » a pour ambition d’être un vecteur d’attractivité afin d’augmenter et de diversifier la mobilité étudiante vers la France et répond aux principaux objectifs suivants :

-          l’influence : apprentissage du français, expérience de la France, liens interpersonnels, échanges culturels, constitution de réseaux, projets internationaux, etc. ;

-          le développement économique de la France de manière directe (apport économique des étudiants étrangers en France) et indirect (connaissance des acteurs économiques français) ;

-          l’excellence du fait de la sélection qui est réalisée pour retenir et encourager les meilleurs candidats internationaux tout particulièrement à travers les bourses d’études ;

-          l’internationalisation de notre enseignement supérieur et de notre recherche.

Si la crise sanitaire a eu un fort impact sur les mobilités étudiantes internationales et dans une certaine mesure sur la mise en œuvre de Bienvenue en France, l’attractivité de la France connaît également une tendance défavorable dans les classements internationaux : selon les derniers chiffres de l’UNESCO (2018), la France a été devancée de peu par l’Allemagne et se place désormais au sixième rang mondial, les quatre premières places étant occupées par les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et la Russie, dans un contexte extrêmement concurrentiel. En 2019-2020, la France accueillait ainsi 370 052 étudiants étrangers sur son territoire, soit 23 % de plus que cinq ans auparavant avec une croissance de 3 % par an. En d’autres termes, la mobilité vers la France a progressé, mais moins vite que dans d’autres pays concurrents.

Dans ce contexte, plusieurs actions ont déjà été déployées pour mettre en œuvre Bienvenue en France :

-          simplification et dématérialisation des procédures avant l’arrivée en France : déjà en partie à l’œuvre en 2020-2021 et poursuivies pour la rentrée 2021-2022 avec la généralisation en cours de la plateforme Études en France qui assure la gestion des candidatures des étudiants internationaux (le budget de la plateforme Études en France s’élèvera à 700 000 € pour 2022). Pour leur demande de visa, les étudiants ont désormais la possibilité de numériser leurs pièces justificatives sur France visa. Les demandes de renouvellement des titres de séjour sont également dématérialisées avec l’ouverture en septembre 2020 du télé-service ANEF ;

-          déploiement du label « Bienvenue en France » sur la qualité de l’accueil : Campus France a été chargé de la mise en œuvre du label « Bienvenue en France », évaluant la politique d’accueil des établissements. Le processus de labellisation a poursuivi son déploiement avec 120 établissements qui ont été labellisés sur les 189 engagés. Ce dispositif a été largement promu à l’étranger par les espaces Campus France et sur la plateforme Études en France. La poursuite de la labellisation des établissements et la valorisation du label se feront à crédits constants en 2022 ;

-          nouveaux dispositifs de communication et d’attractivité : lancement par Campus France d’une nouvelle campagne mondiale « Bienvenue en France », relayée par les ambassades, pour accompagner la reprise des échanges universitaires pour la rentrée 2021-2022 et prenant en considération la transformation et la numérisation des actions de promotion dans un contexte marqué par la crise sanitaire ([14]) ;

-          projection de l’enseignement supérieur français à l’étranger et prioritairement en Afrique. En plus de centaines de co-diplômes déjà existants, permettant à la France d’être l’un des rares pays à délivrer ainsi ses diplômes nationaux à l’étranger, le MEAE soutient de nouvelles initiatives, dont les campus franco-pays, qui font partie des actions bénéficiant dans le PLF 2022 d’une hausse de crédits. Parmi les projets phares, figurent le campus franco-sénégalais, l’université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée, le hub franco-ivoirien pour l’éducation, l’université franco-égyptienne qui a été refondée à travers un accord intergouvernemental et l’université franco-géorgienne, qui font tous l’objet d’un soutien financier du MEAE (fonds de solidarité pour les projets innovants, expertise technique, soutien direct, etc.) et d’un contrat de désendettement s’agissant de la Côte d’Ivoire. Afin d’obtenir une cartographie du nombre de doubles diplômes et de campus délocalisés et de mieux valoriser ces outils, un travail de recensement est actuellement mené par les ambassades.

Surtout, une place importante a été confiée à la politique de bourses, levier majeur d’attractivité.

Le budget dédié à la mobilité étudiante internationale vers la France a été maintenu à son niveau de 2017 jusqu’à 2020, à 64 M€. Alors qu’en 2021 le budget a été diminué de 6 M€ pour prendre en compte les impacts de la crise sanitaire sur les mobilités, le budget soumis au PLF 2022 propose un retour au niveau de crédits votés en 2020. Ces données renvoient aux bourses enseignement supérieur financées sur le programme 185, soit environ 90 % du total (le reste relevant du programme 209).

Cette politique de bourses est accompagnée de la mise en place de droits d’inscription différenciés, l’un des piliers de la stratégie BEF prévus par un arrêté du 19 avril 2019. Le MEAE a obtenu la faculté d’exonérer 14 000 étudiants du paiement de ces frais différenciés pour les campagnes 2019 et 2020. 10 000 de ces exonérations ont été fléchées sur le continent africain. Toutefois, le ministère a à ce stade peu utilisé cette possibilité, destinée à cibler les meilleurs étudiants internationaux en complément des bourses, compte tenu de la faible proportion d’établissements d’enseignement supérieur ayant appliqué les frais différenciés.

Le retour des crédits au niveau de 2020 doit permettre de répondre à l’objectif de doublement de bourses d’études allouées par le MEAE fixé par Bienvenue en France par rapport au niveau de 2017 et à horizon 2027 (soit un passage de 7 à 15 000 bourses) et à des objectifs ciblés, concernant notamment le Liban (voir infra).

Il faut distinguer les bourses attribuées directement par les postes diplomatiques, levier de coopération bilatéral, des bourses relevant de programmes centraux, après avis consultatif des postes diplomatiques sur les candidatures provenant de leur pays de résidence. Il s’agit par exemple du programme d’excellence Eiffel, qui cible les meilleurs étudiants dans plusieurs disciplines (droit, économie gestion, sciences de l’ingénieur et sciences politiques) ou du programme Make our Planet Great Again (MOPGA), initiative lancée en 2017 pour favoriser la mobilité d’étudiants et de chercheurs sur des formations ou projets de recherche en lien avec la lutte contre le changement climatique.

L’opérateur Campus France est responsable d’une partie de la gestion de ces bourses.

CREDITS DE BOURSE DU GOUVERNEMENT Français (programme 185)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances de l’Assemblée nationale

Pour l’opérateur, la gestion de bourses renvoie aussi à un constat répété ces dernières années : la sous-utilisation des crédits alloués en LFI. Selon les données transmises à votre rapporteur, cette sous-consommation a atteint 32 M€ en 2020, pour 77 M€ votés dans la LFI (soit 74.5 M€ net de réserve). En 2019, ce hiatus s’était déjà élevé à 14,4 M€. Le reliquat de crédits portant sur les bourses correspond à des crédits non utilisés par les postes : si une partie des crédits non utilisés a été réorientée l’année dernière vers des programmes centraux (MOGPA et Maku’um, pour le Liban), une approche plus systématique sur cette question semble nécessaire, à la fois pour donner davantage de visibilité à l’opérateur et pour éviter une perte des crédits alloués à notre politique d’attractivité.

En matière de diplomatie scientifique, enfin, il faut mentionner, en plus du réseau de 27 Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE, dont 25 unités mixtes UMIFRE), le réseau des opérateurs scientifiques, qui participent pleinement de notre action d’influence, dans un contexte où la pandémie de Covid‑19 a renforcé l’attention apportée aux collaborations scientifiques dans le domaine de la santé.

Le MEAE assure ainsi avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESRI) la cotutelle de l’Institut de recherche pour le développement (IRD : 38 représentations dans le monde) et du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD : implanté dans 8 pays et engagé dans 23 « dispositifs de recherche et d’enseignement en partenariat » à l’étranger). Le MEAE a également signé un protocole d’accord relatif à la contribution du réseau international des Instituts Pasteur (32 instituts dans 25 pays) à l’attractivité et au rayonnement de la France, et participe en outre à la gouvernance, ainsi qu’au renforcement des implantations de l’agence française de recherche sur les maladies infectieuses émergentes (ANRS|MIE) à l’étranger.

Comme votre rapporteur avait déjà pu le souligner dans ses précédents rapports, la Commission des fouilles, chargée de formuler des avis sur les fouilles archéologiques appelées à être soutenues financièrement par le MEAE, est un outil précieux de diplomatie culturelle et de coopération scientifique. En effet, les 175 missions archéologiques soutenues en 2021 font rayonner l’excellence scientifique française et contribuent à des partenariats de recherche avec les pays hôtes pouvant déboucher sur des actions de mise en valeur (comme en Arabie saoudite à Al Ula ou encore au Maroc « sur la route des empires »).

3.   La priorité accordée aux industries culturelles et créatives a été réaffirmée selon les priorités identifiées

Piliers de notre diplomatie culturelle, le renforcement du rayonnement intellectuel et culturel de la France et la promotion et structuration des filières des industries culturelles et créatives se déclinent autour de plusieurs axes prioritaires :

-          la demande croissante d’expertise culturelle que rencontre la France et qui constitue un domaine nouveau pour sa stratégie d’influence. Des discussions entre le MEAE et le ministère de la culture ont permis d’acter la mise en place d’un comité conjoint de pilotage de l’expertise culturelle, qui a permis de définir les méthodes de travail et d’en informer le réseau diplomatique et culturel à l’écoute des opportunités sur ce secteur suite au succès du Louvre Abu Dabi ;

-          des programmes de résidence et d’échanges novateurs ont été lancés au Liban ou au Sahel, tandis que le lancement de la « Villa Albertine » a ouvert la voie d’un renouvellement de notre action d’influence aux États‑Unis, en proposant des résidences dynamiques couvrant l’ensemble du territoire et de nos secteurs d’interventions (recherche, promotion de la langue française, industries culturelles et créatives) ;

-          la promotion des idées et du savoir et le rayonnement de la scène intellectuelle française sont soutenus, notamment grâce aux dispositifs déployés par l’Institut Français (organisation de colloques, de débats d’idées ou d’événements phares comme la Nuit des idées ou la Nuit de la philosophie). Dans le secteur du livre, la promotion des auteurs, des éditeurs, et le soutien à la traduction permettent aussi la diffusion de la pensée française à l’étranger.

À cela s’ajoute le développement de la présence de l’audiovisuel extérieur dans le monde et de la coopération dans le secteur des médias, items pleinement intégrés dans l’élaboration de la Feuille de route Influence malgré un financement dépendant essentiellement du ministère de la culture.

À la croisée des diplomaties économique et d’influence, la promotion des Industries Culturelles et Créatives (ICC) (musique, cinéma, livre, jeu vidéo, etc.) demeure un levier majeur d’influence. Les ICC contribuent en effet à la diffusion de notre modèle culturel, en plus de représenter des enjeux économiques considérables, de l’ordre de 3 % de notre PIB et d’un million d’emplois.  Filière majeure et en pleine croissance de l’économie française, les ICC s’inscrivent depuis 2015 dans le dispositif public de soutien à l’export, structuré par les « familles » prioritaires.

Pour rappel, une mission prioritaire ICC a ainsi été confiée à 37 ambassadeurs par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’ensemble du réseau et des opérateurs du ministère étant appelés à se mobiliser. Ces 37 pays sont mentionnés en annexe du dernier contrat d’objectifs et de performance de l’Institut français (2020-2022), dont l’axe n°1 porte sur l’accompagnement au rayonnement de la culture et des industries culturelles et créatives françaises et francophones.

L’opérateur a ainsi initié une réflexion stratégique pour mieux accompagner les secteurs culturels et créatifs à l’international. Il développe sa réflexion autour de la création, l’incubation, la veille et le repérage, la mise en réseau, la promotion et l’export. Dans les pays prioritaires, une feuille de route culturelle est co-construite entre le MEAE, l’ambassade, et l’Institut français, pour établir des principes pouvant guider l’action du poste diplomatique sur place, en s’adaptant à chaque pays.

Par ailleurs, l’IF poursuit sa réflexion de transformation du dispositif des saisons culturelles, afin de l’adapter aux évolutions du monde et de notre diplomatie culturelle et d’influence. Un travail d’audit interne sur les programmes de résidences et de mobilités est en cours et doit permettre d’améliorer le positionnement de l’opérateur.

B.   la réaffirmation des objectifs assignés à notre diplomatie d’influence s’accompagne d’une évolution de nos moyens d’action

1.   Un renforcement de l’approche stratégique requise pour notre diplomatie d’influence

a.   Le pilotage et l’animation du réseau sont en voie de renforcement

Le renforcement du pilotage du réseau, que votre rapporteur a pu voir progressivement prendre forme depuis 2017, passe par l’utilisation de nouveaux outils et par un meilleur usage d’outils préexistants.

Afin de renforcer le pilotage du réseau de façon stratégique, il a été demandé aux postes diplomatiques de réaliser des « plans éducation », pour répondre aux priorités présentées dans le plan pour la langue française et le plurilinguisme (20 mars 2018), et le plan de développement de l’enseignement français à l’étranger (3 octobre 2019). Pour votre rapporteur, ce type d’outils doit être développé pour continuer à faire progresser le pilotage et la mise en cohérence du réseau ([15]). En effet, cet outil peu et mal utilisé depuis sa création en 2014, relancé en 2020, a d’abord peiné à trouver sa pleine articulation avec les autres outils de pilotage et n’était pas systématiquement utilisé par l’AEFE.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, 130 plans éducation avaient été transmis par les postes à l’administration centrale à la mi-septembre 2021, couvrant au total 148 pays.

Ces plans présentent la stratégie des postes en matière de coopération éducative et d’enseignement français et les objectifs stratégiques et opérationnels associés. Ils décrivent les actions menées par les postes pour répondre aux trois priorités du MEAE : le soutien aux systèmes éducatifs locaux et la formation des enseignants, le développement du réseau d’enseignement français à l’étranger (EFE) et le renforcement de l’enseignement bilingue, notamment par le développement du LabelFrancEducation.

Ces plans intègrent également le volet linguistique de la coopération éducative, les centres de langues jouant un rôle important dans la formation linguistique et le développement des certifications de langue française.

Pour renforcer le pilotage des plans, des modalités pour le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre sont proposées, incluant des indicateurs qualitatifs et quantitatifs. Ces modalités permettent de fédérer et de systématiser la concertation entre les différents acteurs impliqués et de réaliser des bilans d’étape réguliers. Dans le cadre de cet exercice, les postes ont été encouragés à une vigilance accrue sur des aspects importants de la coopération éducative et de l’enseignement français, tel que le travail de veille sur la concurrence des écoles internationales, qui a été systématisé.

Grâce aux plans éducation, les postes disposent d’une feuille de route sur 4 ans, sur laquelle le dialogue avec l’administration centrale peut s’appuyer, favorisant ainsi un pilotage renforcé.

Un premier bilan de l’ensemble des plans éducation est en cours, qui doit permettre d’analyser les grandes tendances qui se dégagent, par zone géographique et au niveau international, et présentera les orientations stratégiques prises par les postes en réponse aux évolutions des demandes exprimées par les partenaires locaux. Pour votre rapporteur, il s’agit là d’une occasion qui ne doit pas être manquée pour avancer dans le pilotage et dans la mise en cohérence du réseau.

Autre exemple indiquant une meilleure animation du réseau, qui apparaît de moins en moins comme une administration centrale en mode « dégradé » : le renforcement des liens entre l’Institut français de Paris et les Instituts français répartis dans le monde entier. Créé par la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, l’Institut français (IF) de Paris n’est pas, malgré une ambition initialement envisagée et une confusion encore largement répandue, la tutelle des instituts français qui constituent le réseau culturel.

Pendant toute la crise sanitaire, l’IF a été en appui du réseau culturel à l’étranger, à la fois dans l’organisation de nombreuses formations en ligne (transformation des modes d’action, numérique, ICC, etc.), la mise à disposition d’outils numériques (médiathèque numérique Culturethèque, réseau social IFprofs) ou encore le soutien à des formats numériques de promotion du français (campagne « Jusqu’où irez-vous avec la langue française ? : #plusloin » qui, grâce à l’implication des postes diplomatiques, a touché plusieurs centaines de milliers de jeunes de 18-25 ans de tous horizons). L’IF a en outre entrepris l’évolution de son dispositif d’appui à la stratégie de pilotage de performance des établissements du réseau. Le dispositif numérique français Whaller (forum d’échange, webinaires) a été déployé pour les AF et IF, y compris en matière de démarche qualité. Le dispositif de démarche qualité a été structuré autour d’un réseau de référents dédiés et complété par des formations, un vade-mecum et un livret d’accompagnement.

La sortie de crise apparaît dans ce contexte comme un défi double, qui doit pouvoir permettre un maintien et un renforcement de cette dynamique de coopération.

Votre rapporteur voit ainsi d’un œil très favorable la réorganisation de l’Institut français actuellement en cours, d’une organisation par secteurs à une organisation par fonctions, apparue comme plus lisible et plus à même de répondre aux attentes des interlocuteurs de l’IF. Ce nouvel organigramme s’appuiera sur plusieurs directions, elles-mêmes divisées en pôles : une direction chargée du soutien à nos opérateurs culturels à l’étranger (dont les industries culturelles et créatives), une direction chargée de tout ce qui contribue à constituer une « vitrine » de la France à l’étranger (saisons culturelles, pavillons français etc.), une direction dédiée aux sujets de long terme tels que la francophonie et le plurilinguisme ou les synergies entre culture et développement) et surtout une direction consacrée aux liens avec le réseau. Pour votre rapporteur, l’absence de direction et d’interlocuteur dédiés au réseau apparaissait en effet comme une lacune majeure. Plusieurs directions transversales (mécénat, communication etc.) devraient être maintenues telles quelles.

b.   Au niveau des postes, un pilotage également renforcé

Au niveau des postes diplomatiques, la mise à profit de nouveaux outils permet aussi de renforcer l’approche par projets, sur laquelle votre rapporteur avait déjà pu revenir dans ses précédents rapports.

L’outil FSPI (fonds de solidarité pour les projets innovants), financé sur le programme 209, permet au poste d’allouer sur deux ans des fonds à des partenaires locaux, or, une part importante de ces projets s’inscrit dans la mise en œuvre de notre diplomatie d’influence. Créés en 2016, les FSPI correspondent à une partie de « l’aide-projet » du MEAE, et ont été conçus pour permettre aux postes de mener sur le terrain des actions innovantes à impact rapide et à forte visibilité, au bénéfice des populations locales. Ils permettent de financer des projets sur une durée maximale de deux ans, avec un plafond de 1 M€. Depuis 2017, 367 projets ont été financés dans 71 pays.

Malgré le contexte de crise sanitaire, 102 projets ont été validés en 2021 (contre 99 en 2020). La campagne 2021 a contribué aux grands objectifs de notre diplomatie d’influence, dont l’égalité Femmes/Hommes, notamment via le dispositif du Fonds de soutien aux organisations féministes (27 projets).

Le fonctionnement du FSPI a cependant dû s’adapter aux contraintes de la crise sanitaire : 16 projets (4 de 2019 et 12 de 2020) ont dû être reportés d’un an en raison des difficultés conjoncturelles. Par ailleurs, 6 projets ont été prématurément clôturés. Des prolongations administratives ont également été accordées aux projets FSPI 2019. Cette extension vise à faciliter l’achèvement de projets ralentis par les difficultés engendrées par la crise sanitaire. L’enveloppe de 70 M€ prévue dans le PLF pour 2022 a par ailleurs été calibrée pour permettre de couvrir la mise en œuvre des FSPI qui devaient être lancés en 2021 mais dans la mise en œuvre a dû être reportée sur 2021 et 2022, le montant de ces reports s’élevant à 4,1 M€.

En matière de pilotage et sur le thème de l’aide publique au développement, votre rapporteur a aussi pu constater en auditions la traduction opérationnelle prometteuse de l’intégration d’Expertise France à l’Agence française de développement.  Les deux organismes continuent de travailler au renforcement de leur coordination sur le terrain pour les projets déjà engagés et l’AFD déploie progressivement, dans le sillage de loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, une nouvelle méthode de travail avec les postes diplomatiques. La loi a clarifié les procédures devant être mises en œuvre par l’AFD pour veiller à la cohérence entre les projets mis en œuvre par l’Agence et les priorités générales de la politique étrangère française, concrètement, un processus itératif se met progressivement en place afin de renforcer l’association des ambassadeurs aux projets de l’AFD.

 

2.   Un impératif transversal pour le réseau : la transformation numérique

Conçu par le MEAE en collaboration étroite avec l’Institut français, le projet de transformation numérique du réseau est l’un des axes majeurs de la feuille de route Influence. Pour votre rapporteur, la transformation numérique du réseau culturel est rapidement apparue comme l’une des principales marges de progression à suivre.

Dans un contexte marqué par la crise sanitaire, le MEAE s’est engagé depuis l’automne 2020, en lien avec l’IF, dans une réflexion visant à accompagner la modernisation du réseau en accélérant sa transformation numérique. Construite dans un dialogue étroit avec le réseau des Alliances françaises (AF) et des instituts français (enquêtes qualitatives et quantitatives, webinaires, entretiens ciblés), la réflexion a conduit à l’élaboration d’une feuille de route pour la transformation numérique du réseau dont le déploiement s’échelonnera sur un calendrier triennal (2021-2023). Certaines mesures, comme le lancement d’un appel à projets à destination des établissements, pour financer la montée qualitative et quantitative des équipements et des logiciels, ont été mises en œuvre dès 2021. En 2021, une enveloppe de 3 M€ a déjà été dégagée pour le MEAE pour fournir un appui à la transformation numérique du réseau culturel.

L’Institut français joue un rôle de premier plan dans le pilotage de cette transformation numérique, domaine inscrit au cœur de sa stratégie d’action culturelle et linguistique.

Point de vigilance suivi par votre rapporteur depuis le début de la législature, la transformation numérique du réseau se trouve ainsi en voie d’amélioration, après une période de crise sanitaire qui avait pu rappeler quelles marges de progression subsistaient.

Dans le domaine éducatif, votre rapporteur avait pu souligner les progrès accomplis sur le terrain du numérique, favorisés par la bonne capacité de coopération des acteurs mobilisés (CNED, Réseau Canopé, France Éducation International (ex-CIEP), etc.). Les différents opérateurs du MENJS ont ainsi été associés, aux côtés du MEAE, de l’AEFE et de l’Institut français, au lancement de la plateforme « France Éducation », en 2019. Pensée comme un agrégateur de contenus pour l’apprentissage du français, elle constitue l’une des 33 mesures du plan pour la langue française et le plurilinguisme et doit concourir à l’attractivité de la langue française, en rendant l’offre éducative plus visible et mieux accessible, partout dans le monde. 

Cette plateforme poursuit un double objectif :

-         accompagner les professeurs/formateurs de français à l’étranger, qui peuvent s’appuyer sur des ressources scolaires de référence et diversifiées afin d’enrichir leurs pratiques professionnelles ;

-         attirer de nouveaux apprenants vers le réseau culturel et éducatif, en faisant la promotion de la langue française à travers, notamment, la mise en ligne d’outils d’initiation incitatifs.

En réponse à la crise sanitaire, il faut aussi souligner que le CNED s’est efforcé d’apporter un important appui au réseau d’enseignement français à l’étranger dans le but d’assurer la continuité de la scolarité des élèves dans des contextes de crise, notamment avec le déploiement du dispositif « Ma classe à la maison » dans plus de 500 établissements à l’étranger dès le début de la crise du Covid 19.

Sur ce sujet, votre rapporteur tient à souligner, comme il avait déjà pu le faire dans son précédent rapport, sa grande satisfaction face à la capacité du MENJS – et notamment de la Délégation aux relations européennes et internationales (DREIC) et de la Direction pour le numérique (DNE) – et de ses opérateurs (CNED, France Education International, Canopé) à travailler en coopération, au service d’une action cohérente. Votre rapporteur avait pu le constater concernant leur mobilisation face à la crise sanitaire, et l’a à nouveau constaté cette année.

En outre, votre rapporteur souhaite tout particulièrement saluer le travail mené sur les communs numériques - biens non exclusifs et le plus souvent non rivaux, qui se caractérisent par une gestion collective et par le partage des ressources créées ou mises à disposition – par l’Education nationale et notamment par la DNE. Ces outils dits d’« Open Education » sont à même de promouvoir une vision du numérique alternative à celle des géants du numérique américains et peuvent ainsi directement contribuer à notre action d’influence, en commençant par en développer l’usage dans le réseau d’établissements homologués. Par ailleurs, l’éducation n’est que l’un des domaines dans lesquels les communs numériques peuvent être développés. La promotion des communs numériques est ainsi l’une des priorités de l’ambassadeur français en charge du numérique, M. Henri Verdier. Pour votre rapporteur, il s’agit d’un sujet dont la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale devrait pleinement se saisir, en commençant par entendre en audition M. Verdier.

 

 

 


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III.   Le cas du Liban : un « hub » central pour une diplomatie culturelle à l’épreuve des crises

Votre rapporteur a choisi cette année de consacrer son étude thématique au Liban, pays où il s’était déjà rendu en 2017 dans le cadre de l’examen du PLF pour 2018.

Au Liban, le dispositif de coopération s’appuie sur un service de coopération et d’action culturelle (SCAC), fusionné avec l’Institut français du Liban (IFL) doté du statut d’établissement à autonomie financière (EAF). L’IFL a son siège à Beyrouth et bénéficie de huit antennes (Baalbek, Deir El Qamar, Nabatieh, Saida, Tyr, Tripoli, Zahle et Jounieh, principal pôle d’attraction des apprenants du français après Beyrouth et où votre rapporteur s’est rendu durant sa mission sur place). Il s’agit donc d’un maillage dense, justifié par l’attention particulière accordée par la poste à l’ancrage de la coopération et des activités culturelles au plus près des territoires et des populations ([16]).

Pour la mise en œuvre de notre diplomatie culturelle et d’influence, le poste diplomatique a été destinataire pour 2021 de 2 481 438 euros sur le programme 185 et de 122 286 euros sur le programme 209, en hausse de 181 787 euros (soit 8 %) par rapport à 2020, dont 146 671 euros supplémentaires en crédits de bourses correspondant à la mise en œuvre des engagements présidentiels au profit des étudiants libanais.

Il faut également mentionner les crédits alloués pour la mise en œuvre de FSPI au Liban (parfois selon une approche régionale), pouvant émaner soit du SCAC soit de l’administration centrale. En 2020, 5 FSPI SCAC et 2 FSPI administration centrale étaient ainsi en cours, pour 582 500 et 215 534 euros consommés. Deux de ces projets, toujours en cours en 2021, portaient respectivement sur le secteur de la langue française et sur l’enseignement supérieur et la recherche. De nouveaux projets ont été initiés sur la période 2021‑2022.

Le poste poursuit la mise en œuvre d’une trajectoire de réduction de la dotation de fonctionnement de l’EAF, entamée en 2019, dans le but de la ramener à 893 000 euros : il s’agit d’une baisse de 50 000 euros, soit 5 % par rapport à 2019, qui porte la part de cette dotation dans l’enveloppe du programme 185 à 36 %, l’objectif fixé à terme étant de 30 %. Malgré les fermetures et reports qui ont marqué l’EAF en 2020, le maintien d’activités dans les conditions sécuritaires et sanitaires imposées a permis d’obtenir des résultats financiers suffisamment solides pour atteindre cet objectif. L’IFL, qui disposait en 2020 d’un budget total de plus de 4 880 000 euros et de 50 ETP (sous plafond d’emplois de l’EAF), a été ébranlé par la succession de crises qui a touché le Liban, suscitant une forte inquiétude. Début 2021, la situation financière de l’IFL demeurait incertaine et le modèle économique restait à stabiliser, dans un contexte où la crise a fait de la procédure Études en France et de la vente de certifications y étant liées la source principale de ressources propres, l’activité rémunératrice traditionnelle de l’EAF, les cours de langue, affichant des recettes en baisse ([17]). Si l’IFL a tenu bon face à la crise, la situation demeure d’autant plus inquiétante que les recettes liées aux certifications – elles-mêmes stimulées par les candidats au départ – pourraient se tarir à court terme.

Hors dotation à l’EAF, le prévisionnel des dépenses provisionnées par le programme 185 s’est réparti comme suit :

-         358 000 euros pour l’éducation ;

-         963 000 euros pour l’enseignement supérieur et la recherche, dont plus de 555 000 euros consacrés aux bourses, conformément à l’objectif de doublement du nombre de bourses en faveur des étudiants libanais auquel s’est engagé le président de la République pour l’année universitaire 2021-2022. Il s’agit d’une hausse de 35 % par rapport à 2020, qui porte l’enveloppe consacrée aux bourses à plus de 22 % des crédits 185 ;

-         264 000 euros pour les industries culturelles et créatives (ICC), le Liban ayant été identifié comme un pays prioritaire pour la stratégie à l’export des ICC françaises et nécessitant une mobilisation particulière dans le contexte de crise que connaît le pays, afin de préserver le potentiel du secteur au niveau local ;

-         43 000 euros pour une nouvelle ligne budgétaire de soutien à des associations à but éducatif, afin de soutenir, en complémentarité avec l’AFD, les organisations de la société civile (OSC). Le poste s’appuiera aussi sur une dotation de 41 000 euros issue du programme 209.

Ces données doivent être replacées dans le contexte de crises multiples qui caractérise aujourd’hui le Liban et qui a eu un impact considérable sur l’activité culturelle et de coopération. Depuis octobre 2019, le Liban connaît une situation de grande instabilité. Le Liban subit une crise économique et financière (contraction de 25 % du PIB sur un an 2020, taux de pauvreté dépassant désormais les 50 %, inflation annuelle à 137 %) qui impose de revoir nos modes de coopération. La forte dépréciation de la livre libanaise (dont le taux s’établit à environ 18 000 livres libanaises pour 1 euro au marché parallèle, contre 1 700 pour 1 au taux officiel) a sensiblement fragilisé les capacités de co-financement des partenaires. En mars 2020, le Liban a annoncé le premier défaut de paiement de son histoire, entraînant une suspension des décisions d’octroi de prêts de la part de la France.

De façon générale, la crise économique et financière a fortement réduit la contribution du mécénat et des sponsors privés, qui jouaient traditionnellement un rôle important dans le secteur culturel au Liban, tandis que les bailleurs internationaux ont préféré se recentrer sur les besoins humanitaires. Les acteurs culturels et artistiques libanais connaissent dans l’ensemble une situation de grande fragilité, ce qui fait du soutien au secteur – avec lequel des liens étroits ont été tissés - un enjeu d’autant plus crucial pour le poste.

Les acteurs culturels et artistiques ont déjà choisi pour certains de quitter le Liban. Cette « fuite des cerveaux » - accélérée par l’explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth - impacte aussi notre action sur place dans la mesure où elle entraîne de nombreux étudiants hors du pays. Cela se traduit par des recettes en constante augmentation s’agissant de la procédure Études en France et les droits d’examens ou de certifications, mais aussi par une inquiétude croissante des partenaires universitaires et scientifiques, qui pâtissent déjà d’un très faible accès aux financements et aux devises.

Le secteur éducatif, pilier de notre coopération au Liban au même titre que le secteur universitaire, a été ébranlé compte tenu de la remise en cause du modèle économique des établissements privés – qui accueillent environ 70 % des enfants libanais – par les crises. C’est dans ce contexte que s’est inscrite l’aide d’urgence apportée aux établissements homologués par la France depuis l’été 2020 : si elle a pu rassurer nos partenaires, elle ne devrait pas permettre de faire l’économie d’une réflexion sur le modèle économique de certains établissements.

A.   la coopération éducative et linguistique : un pilier de notre action au liban et de notre réseau éducatif mondial

Principal réseau national d’enseignement français à l’étranger avec 55 établissements homologués (dont 7 conventionnés et aucun établissement en gestion directe) et près de 61 000 élèves, le Liban est un partenaire historique de la France, qui a fait l’objet d’un plan de soutien exceptionnel en réaction aux crises.

Si la situation que connaît actuellement le Liban reste préoccupante, la coopération éducative et linguistique soulève de nombreux enjeux structurants, et la préservation des acquis de cette coopération bilatérale est aujourd’hui une priorité pour le poste.

Si l’éducation francophone et à programme français est l’un des principaux vecteurs de notre influence au Liban, l’éducation francophone régresse depuis la fin de la guerre civile, en moyenne d’un point par an, dans un contexte de progression de l’anglais et malgré d’importants financements apportés par la France depuis deux décennies.

1.   Un réseau d’enseignement qui repose à la fois sur le principal réseau national d’établissements homologués et sur différentes formes de coopération éducative

Premier réseau national d’EFE, le réseau libanais a été ébranlé par les crises successives connues par le Liban depuis 2019.

Si l’apport continu de nouvelles homologations (6 à la rentrée 2019, 5 pour la campagne 2020, 6 nouvelles demandes pour la campagne 2021) a permis une hausse régulière des effectifs, en parallèle d’une augmentation quasi constante des candidatures au baccalauréat français, les effectifs sont menacés par la baisse du pouvoir d’achat des familles libanaises, les départs vers l’étranger et la pandémie de covid-19 qui s’est traduite essentiellement au Liban par la fermeture prolongée des écoles.  Si aucun établissement n’a fermé à ce stade, certains établissements de petite taille ont perdu jusqu’à 20 % de leurs effectifs. Les établissements phares de l’EFE sont en situation particulièrement difficile, notamment ceux de la Mission laïque française, dont aucun n’est aujourd’hui budgétairement à l’équilibre, malgré le moratoire sur les remontées dues à l’AEFE pour 2020. Le réseau EFE a perdu environ 1 000 élèves à la rentrée 2020 et les inquiétudes restent fortes pour l’avenir.

Le Liban a ainsi été le premier destinataire des aides d’urgence ouvertes en 2020 pour le réseau EFE :

-         aide aux familles françaises par des « bourses COVID », à hauteur d’environ 1 M€ ;

-         avances de trésorerie remboursables, à hauteur de 1,1 M€ (somme décaissée début février 2020, sur un total de 4,8 M€ alloués pour le Liban) ;

-         aide aux familles libanaises et de pays tiers pour le 3e trimestre 2019‑2020 (établissements conventionnés), à hauteur de 590 000 € ;

-         aide aux familles libanaises et de pays tiers pour la scolarité 2020-2021 (établissements partenaires), à hauteur de 5 M€ ;

-         2e phase d’aide sur appel à projets, à hauteur de 2,9 M€ et pour 43 établissements.

Par ailleurs, une aide supplémentaire a été ouverte à hauteur de 7 M€ pour les établissements homologués endommagés par l’explosion du 4 août 2020 (23 ont été concernés à ce stade).

Concernant plus spécifiquement les établissements de la MLF, le nombre d’élèves est passé de 8 332 à la rentrée 2018 à 6 470 à la rentrée 2020. La crise a eu un impact négatif sur les équilibres budgétaires, dans un contexte où un gel des tarifs pratiqués par les établissements avait déjà été initié en 2017 compte tenu de la situation particulière du pays, entraînant mécaniquement une perte de recettes.

La situation de crise conjoncturelle du réseau doit par ailleurs être lue à l’aune de difficultés structurelles qui nécessitent une certaine vigilance, particulièrement au regard de l’objectif mondial de doublement du nombre d’élèves dans le réseau EFE.

Sur certains points, des établissements pourtant homologués demeurent éloignés des standards français (enseignements obligatoires du programme français non enseignés au prétexte de la préparation du brevet libanais, retard sur certains des aspects les plus modernes des dernières réformes françaises tels que les enseignements interdisciplinaires, le socle commun de connaissances, de compétences et de culture et dans la mise en place d’instances représentatives et éducatives conformes au système français, pourtant très précieuses pour la formation citoyenne).

Deuxièmement, il subsiste au regard de l’homologation une grande inégalité territoriale : l’extrême nord, l’extrême sud et la vallée de la Bekaa ne sont pas du tout couverts, quand les établissements homologués se concentrent pour l’essentiel dans la zone côtière qui va de Beyrouth à Jounieh, soit l’ancien territoire du Petit Liban. Si le modèle s’est élargi à des établissements revendiquant une laïcité « à la française » ou davantage anglo-saxonne (International College, Coll. Louise Wegmann, lycées « Élite » de l’AFLEC), voire, depuis quelques années, à des établissements confessionnels sunnites (réseaux Makassed à Beyrouth et à Saïda),  il reste une image de sélection sociale venue des établissements-vitrines de l’enseignement français, aux écolages élevés et qui ont formé les élites du monde politique, juridique et économique francophones. En même temps que d’investir de nouveaux territoires, l’un des défis de l’homologation est donc de s’ouvrir à de nouveaux types d’établissements, plus ruraux ou qui se destinent à un public moins favorisé.

C’est le cas de l’école Paradis d’Enfant, dont le premier site de Jounieh – où votre rapporteur s’est rendu – a été homologué à la rentrée 2020, et qui sollicite l’homologation pour son second site de Ghadir. Cet établissement dit « semi-gratuit », auquel une subvention d’État permet de conserver des écolages très bas, amène un millier d’enfants de familles défavorisées jusqu’à la 6e, grâce à des méthodes pédagogiques innovantes pour le Liban.

Enfin, la formation des enseignants, tant initiale que continue, est un levier majeur d’évolution d’un réseau où 95 % des enseignants sont recrutés localement (voir infra).

Si le Liban est le premier réseau national d’établissements homologués d’enseignement français à l’étranger, il faut remettre ce réseau dans le cadre plus large d’une coopération éducative qui passe aussi par les réseaux d’établissements labellisés et depuis 2020 par un soutien prononcé aux écoles chrétiennes du Liban, suite aux recommandations du rapport remis au président de la République par Charles Personnaz en octobre 2018 et intitulé « Renforcer l’action de la France dans la protection du patrimoine du Moyen-Orient et le soutien au réseau éducatif des communautés chrétiennes de la région ([18]) ».

Ainsi, les réseaux scolaires francophones labellisés se sont développés ces dernières années, qu’il s’agisse du label FrancEducation (18 établissements en 2020) ou du label linguistique CELF, décerné par l’ambassade de France au Liban et qui concernait en 2020 53 établissements, en pleine expansion. On comptait en 2020 un total de 1 306 établissements bilingues francophones au Liban.

Par ailleurs, le Liban a été un destinataire privilégié des aides allouées dans le cadre du fonds pour les écoles d’Orient, dont la création a été annoncée le 22 janvier 2020 à Jérusalem par le président de la République.

Ce fonds, cofinancé par l’État français et par l’Œuvre d’Orient, est à destination d’établissements scolaires en Égypte, Irak, Israël, Jordanie, au Liban et dans les Territoires palestiniens. Le soutien apporté aux écoles d’Orient, partenaires historiques de la francophonie, vise à contribuer au développement de la diffusion de la francophonie et d’une éducation à caractère humaniste, porteuse des valeurs de liberté, de fraternité, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, et de respect des convictions.

En 2021, de manière exceptionnelle, le fonds pour les écoles d’Orient a permis aux établissements de solliciter des aides à la scolarité.  En 2020, le fonds a permis d’accorder 1,8 M€ d’aides aux écoles libanaises retenues, la somme s’est élevée à 1,5 M€ en 2021 mais dans un contexte de forte dépréciation de la livre libanaise, davantage d’écoles ont pu être aidées (133).

Cette aide peut être utilisée pour soutenir la création ou le renforcement d’un environnement francophone, l’acquisition de matériel pédagogique, la formation linguistique et pédagogique des enseignants de et en français ou encore la formation de cadres administratifs et de direction des établissements.

Les critères d’éligibilité sont les suivants :

-         Le fonds s’adresse aux écoles chrétiennes et francophones d’Orient, « établissements d’enseignement ayant des liens historiques avec la France et dont l’activité contribue, par les valeurs et la pédagogie qu’ils promeuvent, à la concorde entre individus et communautés de toutes confessions et origines » ;

-         L’établissement doit exercer son activité d’enseignement au Liban ;

-         L’établissement doit délivrer le programme d’enseignement du pays où il exerce son activité et être administrativement reconnu par les autorités locales du pays ;

-         L’établissement propose un enseignement du français et/ou un enseignement bilingue francophone. Les établissements homologués par le ministère français de l’Éducation nationale, de la jeunesse et des sports ne sont pas concernés par cette campagne ;

-         Les actions, manifestations et activités soutenues par le fonds ne présentent pas de caractère cultuel ;

-         Seuls les niveaux d’enseignement élémentaire et secondaire sont concernés par cette campagne.

-         Le soutien demandé par l’établissement doit concerner l’un des objets mentionnés plus haut.

Par ailleurs, et il s’agit d’un point qui a retenu l’attention de votre rapporteur, le poste au Liban a tenu à accompagner le versement de ces aides d’un soutien dans la réflexion sur l’évolution du modèle économique et des modes de gestion d’écoles qui ont été nombreuses à être fragilisées par les crises. Une étude a ainsi été demandée au cabinet de conseil Euromena consulting, dont les conclusions ont appelé à une aide renforcée pour les écoles chrétiennes du Liban, qui serait fournie en contrepartie de restructurations internes. À noter que l’appui d’Euromena a également été sollicité pour intervenir auprès du réseau des établissements homologués du Liban, qui doit s’accompagner pour une quinzaine de volontaires d’études de terrain.

Enfin, il faut noter que le dispositif de promotion de la francophonie est aussi alimenté au Liban par un réseau de Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC), selon un dispositif lancé en 1985 par l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). Ces centres reposent sur un dispositif alliant bibliothèque et salle d’animation et sur une association étroite des municipalités d’accueil, chargées notamment de la mise à disposition des locaux. Comme cela a été indiqué à votre rapporteur, le poste travaille actuellement à l’élaboration d’un état des lieux du dispositif au Liban, le pays comptant une soixantaine de centres qui ne sont toutefois pas tous actifs à ce jour.

2.   Une attention particulière apportée à la formation des enseignants francophones

Si l’éducation francophone régresse au Liban, la densité et la richesse du réseau éducatif et linguistique et des coopérations développées dans ce pays offre de nombreux relais pour notre influence.

Une attention particulière est ainsi apportée à la formation des enseignants. En 2018, le poste diplomatique a ainsi obtenu le fléchage de la contribution française de 2 M€ au fonds « Education cannot wait » pour le Liban, sur le soutien aux filières francophones publiques, dans le but de former 550 conseillers pédagogiques et de mettre à disposition de plus de 500 écoles publiques, en particulier celles accueillant des réfugiés syriens ([19]), des ressources pédagogiques francophones modernes.

La coopération éducative doit ainsi répondre aux besoins propres du pays et s’adapter à ses spécificités. Si le Liban est le principal réseau national d’EFE, il a aussi pour particularité de reposer essentiellement sur les enseignants locaux (environ 5 % sont français, expatriés, résidents ou détachés), à hauteur d’environ 100 à 200 enseignants libanais recrutés annuellement. Or, la loi « 46/2017 », portant sur la revalorisation des grilles salariales a accentué l’hétérogénéité du vivier des enseignants recrutés localement, que les dispositifs existants de formation continue ne suffisent pas à pallier. Tous les acteurs du milieu éducatif rencontrés par votre rapporteur au Liban ont en effet mentionné cette loi, qui a pu susciter des difficultés d’ajustement pour les écoles, notamment les plus petites d’entre elles. C’est dans ce contexte qu’a été élaboré un FSPI portant sur 2020-2021 et visant à concevoir et introduire dans les cursus de formation initiale dispensés dans l’enseignement supérieur libanais un module optionnel et certifiant apportant aux étudiants de L2, L3 et de licence d’enseignement (niveau M1) :

-         Une connaissance des programmes éducatifs français et des valeurs qu’ils portent ;

-         Une formation linguistique spécialisée dans chacune des disciplines concernées ;

-         Une professionnalisation pédagogique appuyée sur les recherches les plus récentes en sciences de l’éducation.

Parmi les partenaires du projet, on compte l’Université libanaise et l’Université Saint-Joseph, ainsi que l’École supérieure des affaires (ESA), organisme universitaire français implanté à Beyrouth et reconnu par les autorités libanaises, mobilisé pour l’élaboration du module. D’autres acteurs ont pu être mobilisés en appui, dont l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) de l’académie d’Amiens, l’Institut français d’éducation et l’École normale supérieure de Lyon.

Avec ce dispositif, le poste peut s’adapter non seulement aux besoins mais aussi aux attentes des partenaires libanais, en proposant une certification avec les deux universités francophones les plus prestigieuses du pays et qui sera reconnu nationalement.

Autre exemple de projet relatif à la formation et attestant de la nécessité d’adaptation aux réalités du terrain, la création d’un institut de formation au Liban, dans le cadre d’une convention réunissant l’ambassade de France, l’AEFE, l’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture (AFLEC), la MLF, l’ESA et le Groupe Elite.

L’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture

L’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture (AFLEC) est une association de droit français (1901) à but non lucratif et ayant pour mission de promouvoir la francophonie dans les domaines de l’enseignement, de l’éducation et de la culture et d’affirmer l’importance du bilinguisme franco-arabe dans le monde méditérranéen. Le Groupe Elite est son opérateur au Liban et dans les Emirats arabes unis. Au Liban, l’AFLEC compte deux établissements : le Lycée Français International Élite de Beyrouth et son annexe à Bchamoun (640 étudiants) et le Lycée Français International Élite de Tyr (454 élèves). L’AEFE conventionne depuis le 1er septembre 2021 ces deux établissements.

Sources : MEAE, AFLEC

Dans un contexte où l’offre de formation a eu tendance à se démultiplier au Liban et où le pays devait en théorie accueillir l’un des 16 instituts régionaux de formation (IRF) conçus par l’AEFE pour répondre aux besoins de formation des recrutés locaux, votre rapporteur voit dans cet institut de formation une réponse agile et cohérente aux besoins locaux et aux ambitions mondiales de développement du réseau d’enseignement français à l’étranger. En effet, la structure souhaitée pour l’IRF, à savoir un établissement en gestion directe, s’est heurtée au Liban au droit local et il était indispensable de faire évoluer l’idée initiale (la signature de la convention entre les différentes parties mobilisées étant par ailleurs antérieure à la présentation du plan pour le développement de l’enseignement français à l’étranger).

L’institut de formation doit permettre la délivrance en première instance par l’université de Clermont-Auvergne d’un diplôme intitulé « Enseigner en établissement français à l’étranger » (EEFE) et visant à répondre aux besoins en formation initiale des personnels enseignants de droit local du réseau des établissements homologués, la convention mentionnant une perspective régionale (Proche-Orient, en partenariat avec la zone « Moyen-Orient / Péninsule indienne »). Concernant la gouvernance de l’institut, elle doit reposer sur un conseil d’orientation stratégique, un comité scientifique et pédagogique et un comité de gestion. La convention prévoit que l’intégralité des frais de fonctionnement de l’institut est couverte par les revenus tirés de ses activités (frais de formation, droits d’entrée, etc.).

Cet institut sera d’autant plus utile qu’il n’est pas rare de constater au Liban un meilleur niveau de formation des enseignants dans le réseau labellisé que dans le réseau homologué non conventionné, comme cela a pu être indiqué sur place à votre rapporteur. Votre rapporteur a ainsi noté avec attention la position du poste sur la formation des cadres et du management des écoles (tous statuts confondus). Diriger un projet éducatif en système francophone, certifié, labélisé, ou homologué, demande des compétences particulières, y compris de la part des instances de direction et de gouvernance.

B.   La coopération universitaire et scientifique, pilier historique de notre partenariat

La coopération universitaire et scientifique, à laquelle on peut intégrer un fort volet patrimonial, est l’un des piliers historiques de notre coopération avec le Liban. Elle s’appuie (données 2020) sur plus de 40 double-diplômes et plus de 500 partenariats universitaires bilatéraux et bénéficie depuis 2016 d’un réseau d’Alumni qui compte plus de 5 000 membres.

La France reste le premier pays d’accueil des étudiants libanais en mobilité (6 599 sur 2019-2020) et la coopération franco-libanaise s’appuie notamment sur quelques réussites phares, telles que l’École supérieure des affaires de Beyrouth (ESA) créée par un accord intergouvernemental en 1996 ou le partenariat Hubert Curien (PHC) Cèdre, programme de coopération scientifique soutenant la mobilité encadrée des chercheurs français et libanais, ainsi que l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), qui demeure la clef de voûte de la recherche française consacrée à la zone en sciences humaines et sociales et constitue un relais pour notre influence.

1.   La nécessité de demeurer attractifs pour les étudiants libanais

Si la France reste un pôle d’attractivité majeur pour les étudiants et chercheurs libanais – le nombre d’étudiants libanais accueillis en France a augmenté de 40 % entre 2013 et 2018 – le contexte de crise a imposé une reconfiguration de l’outil bourses. En outre, les acteurs locaux rencontrés par votre rapporteur sur place ont tous lancé l’alerte sur la concurrence croissante exercée par le monde anglo-saxon, tant au niveau des langues d’enseignement dans les universités libanaises qu’en matière de mobilité.

D’une part, la crise économique et sociale que traverse le Liban s’est traduite par une hausse importante du nombre de dossiers déposés à l’Espace Campus France de Beyrouth : 901 dossiers ont été déposés en 2021 contre 775 en 2020. En termes de profils, les étudiants libanais se retrouvent majoritairement dans les universités et principalement en sciences (68 %), 45 % étudient en master, 35 % en doctorat et 20 % en licence.

D’autre part, l’aide française face à une crise multidimensionnelle a comporté un important volet consacré à la coopération universitaire.

Outre l’objectif de doublement des étudiants boursiers, financé par un redéploiement de crédits au sein de la zone Afrique du Nord Moyen-Orient, un programme d’aide d’urgence et de solidarité en faveur des étudiants libanais Ma’akum (« Avec vous ») a été lancé à la rentrée 2020. S’appuyant sur une enveloppe de 2 M€, il a eu pour objectif principal de soutenir les étudiants primo-arrivants en France pour l’année universitaire 2020-2021 inscrits dans des établissements d’enseignement supérieur. Les étudiants libanais (environ 2 500) ont bénéficié du statut de boursier du gouvernement français, leur permettant d’être exonérés du paiement de tous droits d’inscription et d’une allocation d’installation de 500 €. À la rentrée 2021, la quasi-totalité de l’enveloppe avait été dépensée. Selon les informations communiquées à votre rapporteur, la relance d’un nouveau programme de bourses à destination des étudiants libanais était plus que probable.

Enfin, un dispositif ponctuel de bourses a été mis en place à la rentrée 2021, pour aider des étudiants libanais excellents n’ayant pas les ressources suffisantes pour étudier en France, malgré leur inscription dans un établissement français pour la rentrée. Financé sur des crédits exceptionnellement délégués au poste (120 000 euros) et des reliquats du programme Ma’akum (195 000 euros), il devrait permettre le financement de 25 bourses sur l’année universitaire 2021‑2022.

Il faut également mentionner le programme Élysée, lancé en 2017 et visant à soutenir les études en France de Syriens réfugiés notamment au Liban. Pour la rentrée 2021, 10 nouvelles bourses ont été accordées à des réfugiés syriens du Liban. Ces étudiants suivent une année de Français langue étrangère (FLE), suivie de deux ans en master et pour des cours financés sur les crédits bourses du poste diplomatique. Depuis la création du programme, 54 boursiers syriens ont été accompagnés.

2.   Une étroite coopération scientifique, au plus près des acteurs locaux

À la mobilité des étudiants et des chercheurs, s’ajoute une dense coopération scientifique liant nos deux pays, qui a également fait l’objet d’une adaptation en réponse à la crise.

Parmi les réussites les plus emblématiques de cette coopération, que la France est aujourd’hui soucieuse de préserver, on trouve le Partenariat Hubert Curien « Cèdre », actif depuis 25 ans.

Les Partenariats Hubert Curien (PHC)

Les Partenariats Hubert Curien (PHC), sont des programmes bilatéraux de soutien à la mobilité des chercheurs. En France, ils sont mis en œuvre et financés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les partenariats sont établis conjointement par deux équipes de recherche, l’une française, l’autre étrangère, qui bénéficient après évaluation du soutien financier des deux instances partenaires.

L’objectif des PHC est de développer les échanges scientifiques et technologiques d’excellence entre les laboratoires de recherche des deux communautés scientifiques, en favorisant les nouvelles coopérations. Ils peuvent s’adresser aux laboratoires de recherche publics ou privés rattachés à des établissements d’enseignement supérieur, à des organismes de recherche ou à des entreprises. Ils couvrent tous les domaines technologiques et scientifiques, dont les sciences humaines et sociales.

77 partenariats Hubert Curien (PHC) et programmes assimilés soutiennent aujourd’hui l’amorçage de coopération de recherche avec 50 pays. Par an, les PHC représentent plus de 2 500 candidatures reçues, plus de 800 nouveaux projets, et plus de 5 000 missions financées, pour un budget global de 5,2 M€.

Source : MEAE

Si le dispositif PHC s’appuie sur un comité mixte paritaire ([20])  et repose en principe sur un co-financement, la France a été amenée renforcer exceptionnellement sa participation face aux difficultés financières libanaises : en 2021, les crédits de la partie française (295 000 euros) ont été l’unique source de financement des projets en cours ([21]).

Dans le contexte de crise, un appel à projet « Action-Liban » a été lancé au printemps 2021 sous l’impulsion de l’Agence nationale de la recherche (ANR), du Conseil national de la recherche scientifique Liban (CNRS-L) et du MESRI. Les travaux financés, d’une durée maximale de 18 mois, visent à analyser et évaluer les conséquences économiques, sociales et environnementales de l’explosion du 4 août 2020, ainsi qu’à travailler sur la prévision, la préparation et la gestion des risques et sur les questions de résilience ([22]).

Le champ de la coopération scientifique et universitaire donne lieu à des coopérations régulières avec l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), dont le siège régional est situé au Liban ([23]).

L’Agence universitaire de la francophonie (AUF)

L’Agence universitaire de la francophonie (AUF) est une association mondiale d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche francophones. Créée en 1961, elle regroupe aujourd’hui plus de 1 000 établissements universitaires et de recherche – ce qui en fait le premier réseau mondial – dans près de 120 pays. L’AUF est l’opérateur pour l’enseignement supérieur et la recherche du Sommet de la francophonie, elle a pour mission d’agir pour une francophonie universitaire solidaire engagée dans le développement économique, social et culturel des sociétés. Son accompagnement des établissements se déploie selon trois objectifs : qualité de la formation, de la recherche et de la gouvernance universitaire, insertion professionnelle, employabilité des diplômés et implication dans le développement global des sociétés.

Au Moyen-Orient, l’AUF dispose d’une représentation permanente depuis 1993. Dans la région, les priorités de l’AUF portent sur le développement des capacités d’expertise et d’innovation par la recherche et la réponse aux enjeux socio-économiques prioritaires de la région, l’appui aux universités dans leurs efforts de résilience face aux crises, l’évolution des méthodes d’enseignement, le développement des démarches entrepreneuriale et d’insertion professionnelle des étudiants ou encore le soutien à l’usage de la langue française et à la francophonie scientifique.

Source : AUF

Face à la crise que traverse le Liban, l’AUF a adopté un plan spécial dans le but de préserver le potentiel universitaire et scientifique du pays. Le « Plan spécial AUF pour le Liban », annoncé à Beyrouth en décembre 2020, est actuellement mis en œuvre et s’inscrit en complément des actions déjà en cours. Conçu en concertation avec autorités éducatives et scientifiques, ce plan s’appuie sur une enveloppe de plus de 1 M€ et sur plusieurs initiatives, telles que le soutien à la qualité de l’éducation et l’appui à la transition vers la pédagogie universitaire numérique. Le plan comporte également l’appui à la mise en place d’un campus connecté à Beyrouth. Porté par le MESRI, ce projet est à destination des étudiants libanais empêchés de poursuivre une mobilité internationale et bénéficie également du soutien de 6 universités libanaises.

Elle s’adapte aussi aux nouveaux défis : afin de répondre à un besoin des universités de la région de moderniser leur enseignement, un FSPI régional « Accélération de la transition numérique de l’enseignement supérieur au Moyen-Orient », d’un montant de 790 000 € en 2021-2022 est ainsi porté par l’Agence universitaire de la francophonie, en partenariat avec l’Université de Rennes 1. Les bénéficiaires libanais sont l’Université libanaise, l’Université islamique du Liban et l’Université la Sagesse, les deux autres zones concernées étant l’Irak et les Territoires palestiniens ([24]).

La finalité du projet est de contribuer à engager la transition des universités bénéficiaires vers l’usage pédagogique du numérique, sur des bases rationnelles, efficaces et éprouvées. Cette transition vise également des répercussions sur la qualité de la formation, l’employabilité des étudiants et l’ouverture internationale de ces universités.

Le projet se propose d’appuyer les universités bénéficiaires à hybrider leurs formations et moderniser leurs méthodes d’enseignement par le numérique en vue de :

-         les positionner aux normes internationales de l’enseignement supérieur en termes de recours au numérique dans les pratiques pédagogiques ;

-         renforcer leur résilience et leur capacité à absorber des chocs externes ;

-         renforcer et améliorer les processus d’apprentissage, et permettre un apprentissage centré sur l’apprenant pour une meilleure insertion professionnelle des diplômés ;

-         répondre aux enjeux de la massification de l’enseignement supérieur.

Le projet vient répondre à un besoin essentiel et stratégique formulé par les universités de la région pour les accompagner à transformer une partie de leur enseignement à distance et leur permettre d’assurer une continuité pédagogique face à la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19 et à la situation instable de la région. Il se propose par ailleurs d’intégrer une dimension spécifique de soutien à la francophonie numérique par le biais de l’organisation de formations complémentaires au bénéfice des départements (ou des enseignants) de français des universités bénéficiaires, avec un accès aux outils spécifiques développés par l’AUF.

Principale UMIFRE (unité mixte – institut français de recherche à l’étranger) au monde, l’IFPO est l’un des principaux piliers de notre coopération scientifique au Liban et au plan régional, à la fois unité de recherche, vecteur de rayonnement pour la France et outil de formation linguistique et de formation à la recherche.

L’Institut français du Proche-Orient

L’Institut français du Proche-Orient a été créé en 2003 par  le  regroupement  de  trois  instituts : l’Institut français d’études arabes de Damas (1922) l’Institut français d’archéologie de Beyrouth (1946), devenu Institut français d’archéologie du Proche-Orient en  1976, et le  Centre d’études et de recherche  sur le  Moyen-Orient contemporain (1977). Ils sont à l’origine des trois  départements  scientifiques  actuels : les  départements  de  l’archéologie  et  de l’histoire  de  l’Antiquité  (DAHA),  le département des  études  arabes,  médiévales  et  modernes (DÉAMM) et le département des études contemporaines (DÉC). L’IFPO comporte aussi un service de presse, qui supervise la publication d’une dizaine d’ouvrages par an (en ligne comme sur papier), un service des bibliothèques qui gère un fonds très riche (à Beyrouth, la bibliothèque de l’IFPO est par ailleurs la seule bibliothèque académique gratuite et ouverte à tous, ce qui permet aussi de valoriser les axes de recherche de l’Institut) et un service des humanités numériques, auquel s’ajoute un service administratif et de coordination.

L’Ifpo dispose d’une compétence régionale sur 5 pays, avec une antenne en Jordanie (Amman), une antenne dans  les  Territoires palestiniens  (Jérusalem-Est),  une  antenne en Irak (Erbil), une antenne fermée en Syrie comprenant deux implantations (Damas et Alep) et la direction à Beyrouth (Liban). Son siège a été relocalisé en 2012 de Damas vers Beyrouth.

L’IFPO a le statut d’EAF et disposait en 2020 d’un budget de 2 524 224 euros et d’un taux d’autofinancement de 24,4 %, en baisse par rapport aux années précédentes. La dotation du SCAC représentait un peu plus de 40 % du budget total. Les ressources propres sont constituées par des recettes, dont la majorité sont issues des cours de langue arabe.

Sources : IFPO, SCAC Liban

L’IFPO, dont l’approche est pluridisciplinaire, est à la fois un vecteur d’influence et un atout pour la recherche française, dont il atteste notamment de la vitalité dans des domaines comme l’architecture, le patrimoine, la sociologie et l’environnement, qui convergent sur des questions transversales comme la gestion de la ville moderne.

L’IFPO soutient, via le département d’archéologie et d’histoire de l’Antiquité (DAHA), plus de 20 missions archéologiques, au travers de l’implication de ses chercheurs dans les opérations régionales ainsi que par un appui à la recherche, dans le cadre de coopérations avec les missions locales, françaises et parfois étrangères. Le DAHA entretient également des relations étroites avec les missions relevant de la Commission des fouilles, institution dont votre rapporteur avait pu saluer le fonctionnement dans ses précédents rapports.

L’IFPO, dont l’un des axes de travail prioritaire porte sur la protection, la sauvegarde et la conservation du patrimoine en zones de conflits, porte également une attention particulière à la préservation des archives scientifiques, via notamment des projets de numérisation. L’Institut coordonne actuellement deux FSPI dans le domaine du patrimoine : « AGIR / métiers du patrimoine » (Liban, Irak, Jordanie) et « Revitaliser la valorisation du patrimoine archéologique de l’Irak », avec pour priorité la formation aux techniques de conservation et de restauration.

3.   Un renforcement de l’action menée en faveur de la protection et de la valorisation du patrimoine libanais

Traditionnellement engagée pour la protection et la valorisation du patrimoine libanais, la France a renforcé son action en ce sens à la suite de la double explosion du 4 août 2020, qui a touché environ 640 bâtiments historiques parmi lesquels de grands musées (musée national de Beyrouth, musée Sursock), des galeries et des sites patrimoniaux ou religieux. À titre indicatif, le coût total de la sauvegarde du patrimoine beyrouthin a été estimé à environ 300 M€.

Sur ce terrain, l’action de la France est passée par différents canaux : réseau diplomatique et culturel, IFPO ou encore opérateurs du ministère de la culture.

L’IFPO a ainsi été destinataire de fonds de l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph) pour des programmes d’intervention et de restauration sur des sites patrimoniaux endommagés. Préalablement à l’obtention des fonds, l’IFPO s’était associé à la direction générale des antiquités (DGA) libanaise et au Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) pour candidater auprès d’Aliph. L’action de l’IFPO s’est notamment portée sur la restauration de la cathédrale St-Georges et sur la préservation de plusieurs maisons ottomanes du vieux Beyrouth.

L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine
dans les zones de conflit (ALIPH)

L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH) a été créée en 2017, sur une initiative franco-émirienne et dans la continuité du rapport de Jean-Luc Martinez, « Cinquante propositions françaises pour protéger le patrimoine de l’humanité », qui prônait la mise en place d’un fonds international pour la sauvegarde du patrimoine en situation de conflit armé.

Basée à Genève, ALIPH s’appuie sur un conseil de fondation et sur un conseil scientifique, et un diplomate français, Valéry Freland, a été nommé directeur exécutif à l’automne 2018.

Après avoir reçu des promesses de don en 2017 à hauteur de 76 millions de dollars, l’ALIPH a recueilli pour la mise en œuvre de son plan stratégique 2019-2021 la somme de 60 millions de dollars, dont 30 millions de dollars de la France. La fondation dispose de deux programmes de subventions : des appels à projets d’une part, et un programme d’octroi de subventions immédiat pour les actions d’aide d’urgence (plafonnées à 75 000 dollars). Elle intervient dans trois domaines : la protection préventive pour atténuer les risques de destruction, les mesures d’urgence pour assurer la sécurité du patrimoine, et les actions post-conflits pour que les populations puissent à nouveau jouir de leur patrimoine culturel.

La notion de conflit est ainsi comprise dans un sens assez large, qui permet un champ d’action plus important. La notion de patrimoine recouvre le patrimoine matériel comme le patrimoine immatériel.

Source : ALIPH

ALIPH, dont le principal contributeur est la France, avec une contribution en hausse dans le PLF pour 2022 (voir supra), a adopté un plan d’action pour la stabilisation et la réhabilitation du patrimoine culturel de Beyrouth de 5 millions de dollars. Pour la mise en œuvre de ce plan d’action, ALIPH coopère avec la DGA du Liban, le SCAC et des partenaires internationaux tels que l’UNESCO, ou l’ICOMOS. ALIPH a ainsi soutenu 18 projets pour le patrimoine de Beyrouth, pour un montant total de 2,35 millions de dollars dont 200 000 pour le musée national de Beyrouth et la réhabilitation de résidences privées et de musées, dont le Palais Sursock. L’action d’ALIPH est d’abord passée par un volet d’évaluation – qui a notamment fait l’objet d’un projet confié à l’Institut national du patrimoine, en coopération avec l’École de Chaillot – suivie d’un volet de stabilisation, toujours en cours. Parmi ces projets, on peut aussi mentionner le plan d’action pour la restauration du Musée national et du siège de la DGA, confié au musée du Louvre ([25]) en coopération avec la DGA. Plusieurs projets ont par ailleurs été confiés à L’œuvre d’Orient, tels que la réhabilitation de la Bibliothèque orientale de l’Université Saint-Joseph et la réhabilitation de l’école orthodoxe grecque des Trois Docteurs.

Le MEAE a par ailleurs accordé en 2020 une subvention exceptionnelle de 80 000 € à l’Institut national du patrimoine pour entreprendre des actions de formation dans le domaine du patrimoine au Liban, en plus du FSPI susmentionné et consacré au renforcement des formations patrimoniales au Liban, Jordanie et Irak, pour un montant de 650 000 euros.

Enfin, le ministère de la culture est intervenu sur la restauration des vitraux et du premier étage historique du musée Sursock ainsi que sur la prise en charge du transport d’œuvres, qui seront restaurées par le Centre Pompidou. La direction générale des patrimoines et de l’architecture du ministère a annoncé verser une subvention de 500 000 euros au Musée Sursock, le ministère de la culture finançant également à hauteur de 30 000 euros la « Beirut Heritage Initiative » pour la réhabilitation de deux escaliers publics (le Grand Gholam et le Petit Gholam), dans les quartiers de Gemmayze et Mar Mikhail.

C.   UNE COOPération culturelle et artistique dense et riche, au plus près des acteurs locaux

La coopération culturelle franco-libanaise est dense et riche, dans un contexte où le secteur a été fortement fragilisé par les crises qui se sont enchaînées depuis l’automne 2019 et qui ont mis de nombreux artistes et acteurs culturels dans des situations de vulnérabilité.

Le secteur du livre a ainsi été particulièrement touché par la crise, dans un contexte de crise financière et d’inflation portant notamment sur le prix du papier. Comme cela a pu être mis en avant auprès de vos rapporteurs sur place, un livre coûte désormais en moyenne un tiers du salaire minimum (soit 675 000 livres libanaises, somme qui représente aujourd’hui environ 30 dollars). Une vingtaine de maisons d’édition sont aujourd’hui à l’arrêt, d’autres, comme L’Orient des livres, continuent à exister notamment grâce à des partenariats noués avec des maisons d’édition françaises (Actes Sud dans le cas présent), par ailleurs, la Centrale de l’édition a accepté de mettre en place un moratoire sur la dette libanaise.

Pour venir en soutien à la scène culturelle libanaise fortement impactée par la crise, l’Institut français, sous la double tutelle du MEAE et du ministère de la culture, et en étroite coordination avec l’Institut français du Liban, a mis en œuvre, en 2020 et 2021, le programme d’urgence « NAFAS », action de soutien à la scène artistique libanaise à travers le déploiement d’un dispositif de résidences pour l’accueil de 100 artistes libanais en France. Lors de ses échanges avec des acteurs culturels libanais rencontrés sur place, votre rapporteur a entendu de nombreux témoignages saluant ce programme.

Les résidences « NAFAS » (« souffle » en arabe) visent à permettre aux artistes libanais de maintenir une activité de création dans le cadre d’échanges culturels avec la France. Les résidences individuelles sont d’une durée de trois mois. Le programme s’engage à financer le titre de transport aller-retour, l’allocation de séjour à hauteur de 1 000 € par mois, ainsi que les frais de visa et d’assurance. La structure hôte s’engage à mettre à disposition du lauréat un logement et un espace de travail pendant la durée du séjour. Elle assure également le travail d’accompagnement professionnel du lauréat et du suivi du projet.

Sur place, votre rapporteur a par ailleurs pu visiter la résidence d’artiste Hammana Artists House, ouverte en 2017 et née d’un collectif d’artistes qui collaborait déjà avec l’Institut français du Liban. Le soutien apporté à la résidence d’artistes prend la forme d’un appui ponctuel à des projets (festival « Nous, la Lune et les Voisins », également soutenu par l’IF Paris, tournée « Bye Tchip » dans tout le Liban, ou encore pour le projet AMARRE, qui vise à soutenir des artistes syriens exilés au Liban et à faciliter leur insertion professionnelle). 

Pour votre rapporteur, la collaboration du poste et de l’IFL avec la résidence d’artistes d’Hammana atteste à la fois de la capacité de notre diplomatie d’influence à s’inscrire dans des projets sur la durée et de la capacité que peut avoir notre réseau à tisser des liens avec des acteurs locaux qui peuvent être des relais sur le terrain, ce qui peut être particulièrement précieux dans un pays comme le Liban où les diplomates français ne peuvent pas se rendre physiquement sur tout le territoire.

Le soutien à la création artistique libanaise s’inscrit pleinement dans l’une des priorités du SCAC, le soutien aux industries culturelles et créatives. Pour rappel, le Liban compte parmi les 37 pays identifiés comme prioritaires pour la stratégie à l’export des ICC françaises (voir supra). Deux autres actions complémentaires viennent servir cette priorité :

-         le renforcement des structures et filières culturelles (cinéma, spectacle, musique, livre), afin de les aider à réinventer leur modèle et à se fédérer, dans le prolongement du travail déjà engagé sur les ICC au Liban ;

-         une présence active sur le terrain des idées et de la liberté d’expression. Dans un contexte multi-crises, de nouvelles aspirations ont émergé depuis les mouvements d’octobre 2019, de nombreux groupes de réflexion se sont formés. À travers différents temps forts (Nuit des Idées, festival des féminismes, séminaires), il s’agira d’accompagner ces échanges en offrant un espace de dialogue ouvert et libre. 

Sur 2021-2022, un nouveau FSPI a été lancé conjointement par l’Institut français du Liban et l’ambassade afin de soutenir la création et la diffusion artistique dans des lieux du patrimoine libanais, en lien avec la direction générale des antiquités et dans le but de soutenir les artistes restés au Liban, sur tout le territoire. À la suite d’un appel à projets, neuf projets ont été choisis, dont un projet photographique porté par le Musée national de Beyrouth avec des artistes locaux et la participation des habitants, incluant des ateliers pédagogiques avec des étudiants et des rencontres. Le projet vise à tisser un réseau de personnes mobilisées autour du site de Hosn Niha basé sur des valeurs d’égalité, notamment de genre.

Dans le but de soutenir les valeurs d’égalité entre les femmes et les hommes et l’attention portée aux droits des femmes, l’antenne de Jounieh de l’IFL travaille également au projet « Mon histoire », série de vidéos mettant en vedette des femmes libanaises. Comme cela a été indiqué à votre rapporteur, l’Institut français de Paris a demandé à ce que le projet soit modélisé afin qu’il puisse être étendu à d’autres pays de la région. Il s’agit d’un bon exemple de coopération entre l’opérateur et le réseau, selon des modalités qui gagnent à être répandues.

Par ailleurs, les médias français (qui ne relèvent pas du programme 185 mais des avances à l’audiovisuel public) sont globalement bien distribués sur le marché libanais, sans pour autant échapper aux difficultés rencontrées par leurs diffuseurs dans le contexte de crise. TV5 Monde (sous-titrée en arabe) et France 24 (en français, arabe et anglais) sont diffusées via des chaînes satellites couvrant le Liban, tandis que la société Cablevision propose à ses abonnés un « bouquet français » comprenant les chaînes de France Télévision, des groupes Lagardère, TFI, Euronews, AB SAT, M6 et Thema. Le groupe de télécommunications propriétaire de la société rencontre actuellement d’importantes difficultés financières, suscitant une mobilisation du MEAE auprès des chaînes françaises concernées, dans le but de les sensibiliser au contexte de crise que connaît le Liban.

Côté radio, RFI est partiellement reprise depuis 1993 par la radio publique francophone Radio Liban et Monte Carlo Doualiya (radio arabophone faisant également partie du groupe France Médias Monde) par la radio locale PAX FM. Pour Radio Liban, l’année 2020 a également été marquée par d’importantes difficultés financières, qui ont fait redouter une fermeture et nécessitent toujours la vigilance du poste.

Enfin, l’opérateur du MEAE chargé de l’aide publique au développement dans le secteur des médias, Canal France International (CFI), porte plusieurs projets au Liban, à caractère national ou régional comme Medialab, projet qui vise à favoriser l’émergence d’une nouvelle offre de contenus journalistiques francophones dans les pays du monde arabe et à développer les échanges entre écoles de journalisme des deux rives de la Méditerranée.

 

Quel avenir pour notre diplomatie d’influence en Syrie ?

Sans aucunement remettre en cause la position tenue par les autorités françaises vis-à-vis du régime syrien, le positionnement du Liban et la proximité entre le Liban et la Syrie d’une part, et d’autre part le positionnement particulier de la diplomatie d’influence, au plus près des populations et de la société civile, rendent inévitable une interrogation sur la place de la Syrie dans notre action d’influence et sur le rôle que celle-ci pourrait avoir pour préparer l’avenir et la sortie de crise.

Pour rappel, le dispositif en Syrie a été mis en sommeil fin 2011, en raison de la crise. Avant la guerre, le siège de l’IFPO était domicilié à Damas. Ensuite, les personnels expatriés et activités de l’IFPO ont été reconcentrés à Beyrouth. Toutefois, cet IFRE a conservé 6 ETP à Damas et 1 ETP à Alep.

S’agissant de l’Institut français de Syrie, la France reste propriétaire des locaux à Damas mais les baux n’ont pas été renouvelés pour les antennes d’Alep et Lattaquié.

Concernant le lycée Charles-de-Gaulle de Damas, sa convention avec l’AEFE a été suspendue fin 2011. Il présente cependant chaque année des candidats au baccalauréat et au diplôme national du brevet (DNB) qui passent leurs épreuves à Beyrouth.

Surtout, l’ambassade et l’IFL sont régulièrement amenés à travailler sur des projets en lien avec la population syrienne (accueil d’artistes syriens exilés, cours de langue pour les  demandeurs d’asile syriens selon une convention passée entre le ministère de l’Intérieur de l’IFL, implantation de l’IFPO, etc.), ce qui pour votre rapporteur invite à ne pas négliger la place de la diplomatie culturelle dans notre approche de la crise syrienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

six recommandations opérationnelles et tactiques du rapporteur

1°) Prévoir un point d’étape sur les Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) dans le but de perfectionner un outil approuvé et plébiscité, par exemple concernant la coordination entre FSPI et projets de long terme portés par les postes diplomatiques.

2°) Se doter d’un outil pour renforcer la coordination entre les établissements d’enseignement supérieur établis en France et les différents instituts de recherche français implantés à l’étranger.

3°) Ouvrir une réflexion sur la possibilité de se doter de contrats locaux (CRSP) de longue durée afin de faciliter la capacité des organismes concernés à les mobiliser pour des travaux de long terme.

 4°) Renforcer la cohérence entre les différents dispositifs de volontariat international.

5°) Procéder à un retour d’expérience sur l’évolution de l’apprentissage du français en Malaisie, où le nombre d’apprenants a triplé en un peu plus de dix ans, afin d’en tirer toutes les leçons possibles pour faire progresser la francophonie ailleurs dans le monde.

6°) Adopter une approche coercitive pour développer l’utilisation des outils d’Open education dans le réseau français à l’étranger. Dans la mesure où l’État investit intelligemment et dispose d’un outil pouvant enfin faire face aux géants du numérique dans le domaine de l’Ed-Tech, le fait que nos établissements scolaires français à l’étranger continuent à utiliser les plateformes concurrentes est difficilement acceptable.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Lors de sa réunion du 12 octobre 2021, la commission a entendu M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2022.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver et d’accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur un sujet stratégique et essentiel : le projet de loi de finances pour 2022.

Avec la présentation du dernier budget de la quinzième législature, je souhaiterais mettre en perspective les efforts financiers de l’État en faveur de son action extérieure et de l’aide publique au développement (APD).

Les moyens budgétaires alloués à la mission Action extérieure de l’État pour 2022 s’élèveront à 2,98 milliards d’euros, soit 0,77 % du total des dépenses du budget général de l’État, ce qui est modeste. Je ne laisse pas de m’étonner et, du reste, la commission s’est souvent indignée que l’État puisse porter sur une si infime fraction de la dépense publique le si grand effort de réduction de la dépense budgétaire. Votre ministère a fortement contribué à cet effort au cours des années antérieures. Durant les trente années qui ont précédé 2017, début de l’actuelle législature, il a perdu plus de la moitié de ses effectifs, et un tiers au cours des dix années précédentes. Depuis le début de la législature, nous sommes passés de 13 791 emplois équivalent temps plein (ETP) à 13 563 en 2021. Vous avez donc interrompu, monsieur le ministre, cette hémorragie qui nous préoccupait fortement.

Dès lors que nous avons fait le choix stratégique et justifié de maintenir un réseau diplomatique et consulaire couvrant la planète entière, poursuivre les efforts de réduction serait revenu à attaquer l’os après la chair et à faire mourir l’action internationale d’inanition, sous couvert de mener un combat, certes globalement nécessaire, contre l’obésité de l’État. Ce n’est pas à l’action extérieure de l’État de mourir pour lutter contre l’obésité générale de l’État ! Le chiffre de 0,77 %, à l’instant cité, suffit à le démontrer.

Je constate donc avec satisfaction le coup d’arrêt donné à cette politique de réduction. Elle finissait par remettre en question l’action diplomatique et la présence même de la France à l’étranger. Les moyens financiers en personnel ont été stabilisés, voire ont connu une légère progression au titre de 2021. Il en sera de même en 2022, puisque 43 ETP supplémentaires seront accordés au ministère, essentiellement pour recruter des apprentis, ce qui n’est pas négligeable. Une analyse comparable peut être faite sur les moyens financiers de fonctionnement de nos postes à l’étranger et sur nos investissements immobiliers. Là encore, les moyens sont revus à la hausse pour 2022.

Je relève, dès à présent, l’effort consenti en faveur des bourses délivrées aux étudiants étrangers en mobilité internationale, les aides complémentaires versées aux établissements d’enseignement français à l’étranger, en particulier au Liban, et la poursuite de l’exécution du plan de doublement du nombre des élèves du réseau de l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030, la dotation de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) ayant déjà été augmentée de 25 millions d’euros.

En 2020 et 2021, votre ministère s’est également mobilisé pour apporter une aide aux Français établis hors de France affectés par la pandémie : 155 millions d’euros ont été débloqués en 2020 et le budget des affaires sociales a été rehaussé de 3 millions en 2021. Il ne sera pas réduit en 2022, ce dont nous avons tout lieu de nous réjouir.

Vous nous parlerez enfin, monsieur le ministre, de l’aide publique au développement qui mobilise plus de la moitié des moyens budgétaires de votre ministère. La trajectoire que nous avons votée dans la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est respectée, à savoir 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022 afin de s’efforcer d’atteindre 0,7 % en 2025. Les crédits de la mission augmentent de près de 1 milliard d’euros pour s’élever à 4,9 milliards d’euros, dont 3 milliards fournis par votre ministère. La progression depuis 2017 atteint 2,15 milliards d’euros. Je constate à ce sujet que la prévision budgétaire pour 2022, inscrite à l’article 2 de la loi du 4 août 2021, est déjà dépassée de 100 millions. Compte tenu de la prévision du RNB pour 2022, l’aide publique française devrait dépasser les 14,5 milliards d’euros l’année prochaine.

Enfin, conformément à l’amendement que nous avons adopté à l’initiative de notre collègue Hervé Berville, le Gouvernement a créé un nouveau programme budgétaire que vous piloterez, destiné à mobiliser les produits de cession des biens mal acquis qui seront restitués aux populations concernées, au travers de projets de coopération. Il s’agit là d’une action novatrice qui, je l’espère, inspirera d’autres États étrangers, mais qui n’est qu’un modeste premier pas sur la voie d’un assainissement général de la gestion des finances dans le continent africain.

Nous vous écoutons, monsieur le ministre, avec le plus grand intérêt !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de participer à cette réunion de présentation de l’évolution des missions Action extérieure de l’État et Aide publique au développement. Cette année encore, la trajectoire à la hausse de ce budget se confirme pour atteindre, en 2022, 6,03 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 12 %, ce qui n’a pas dû se produire souvent au cours des vingt dernières années. Ce sont 627 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale de 2021. La mission Action extérieure de l’État progresse substantiellement de 50 millions d’euros et le programme 209 Aide publique au développement augmente significativement pour rester conforme aux objectifs de la loi de programmation relative au développement solidaire votée par le Parlement après un travail dense de votre commission.

Le projet de loi de finances pour 2022 confirme le renforcement durable des moyens de notre diplomatie, comme je m’y étais engagé devant vous l’année dernière lors de l’examen du budget 2021. La progression constatée en 2021 se confirme de manière encore plus significative que ce que j’imaginais alors, grâce aux efforts de tous et de vos prises de position, en particulier au moment du débat sur la loi de programmation relative au développement solidaire.

Le projet de loi de finances pour 2022 répond à cinq orientations majeures : investir dans le capital humain du ministère et dans les moyens de fonctionnement de notre diplomatie ; renforcer notre action en faveur de la préservation de la paix et de la défense du multilatéralisme ; pérenniser et moderniser notre engagement auprès de nos compatriotes à l’étranger ; consolider nos outils d’influence ; accélérer notre effort en matière d’aide publique au développement.

La première de ces orientations consiste à nous donner les moyens de remplir nos missions et de mettre en œuvre les évolutions dont notre ministère a besoin. La stabilisation des effectifs du ministère obtenue l’année dernière se poursuivra jusqu’en 2022. L’arrêt du programme Action publique 2022 est aujourd’hui confirmé. Cette décision inscrit dans la durée l’arrêt de l’attrition de nos ressources humaines, qui devenait de moins en moins soutenable.

Le plafond d’emploi du ministère est porté à 13 606 ETP, soit 43 ETP supplémentaires, dont 40 seront mobilisés pour recruter des apprentis. À ce propos, je tiens à souligner la mobilisation et le grand professionnalisme dont ont fait preuve les agents impliqués dans l’opération d’évacuation Apagan qui a permis, cet été, de mettre en sécurité nos compatriotes, nos collègues afghans, ainsi que nombre d’Afghanes et d’Afghans menacés en raison de leur combat pour des valeurs qui sont aussi les nôtres.

Parallèlement à la stabilisation du plafond d’emploi, notre masse salariale connaîtra une hausse maîtrisée et ciblée. Elle se verra ainsi dotée de 1,183 milliard d’euros, en progression de 19 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2021. Une provision de 12 millions est dorénavant inscrite en socle pour couvrir le risque de change et de prix sur les rémunérations des agents du ministère face aux importantes fluctuations qui peuvent intervenir en la matière à l’étranger. Ce dispositif permet d’améliorer la transparence et l’équilibre du budget du ministère. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité le reconduire en 2022 et le pérenniser.

Notre masse salariale prévoit 4,1 millions d’euros de mesures catégorielles, dont la moitié sera consacrée à la revalorisation annuelle des salaires des agents de droit local. Il était indispensable d’agir en ce sens. C’est une amorce significative qui est actée dans le projet de budget.

Cette masse salariale et l’ensemble budgétaire proposé permettent d’engager une réforme d’ampleur des ressources humaines. Elle comprend la réforme de l’encadrement supérieur de l’État, en cours d’élaboration, ainsi qu’une série d’initiatives que j’ai prises après avoir confié, en 2020, à l’ambassadeur Jérôme Bonnafont une mission sur la valorisation des métiers et des carrières diplomatiques. Elles trouvent leur traduction budgétaire dans le cadre du présent projet de loi de finances. Le coût de cette réforme est raisonnable tout à la fois pour les finances publiques et pour le budget du ministère des affaires étrangères. Une enveloppe de 30 millions lui est dédiée en 2022, dont 20 millions s’inscrivent dans notre masse salariale.

Cette réforme des ressources humaines se décline en une série de mesures concrètes, dans un double objectif d’équité entre les agents et de meilleure reconnaissance des métiers qu’ils exercent. Nous renforcerons tout d’abord l’attractivité des métiers diplomatiques en rapprochant les rémunérations d’administration centrale de celles qui sont versées par des ministères comparables. Nous avons, en effet, constaté des écarts significatifs à métiers comparables en termes de responsabilité exercée, que rien ne saurait justifier. De plus, à l’étranger, nous rapprocherons les rémunérations des agents contractuels et des agents titulaires lorsque les fonctions exercées sont identiques, et nous harmoniserons les rémunérations des agents de droit local. Nous programmerons également des mesures de fluidification du déroulement des carrières, de valorisation des fonctions d’expertise de haut niveau et d’accompagnement de la mobilité. Enfin, une enveloppe de 20 millions sera dédiée au recrutement d’apprentis.

Cette réforme s’accompagne, par ailleurs, d’un important volet hors dépenses de personnel. Un budget de 3 millions d’euros est consacré à la création d’une École diplomatique et consulaire, qui s’intégrera à la réforme globale de la haute fonction publique. Cette action de formation est actuellement dispersée entre l’Institut diplomatique et consulaire, l’Institut de formation aux affaires consulaires ou encore le Collège des hautes études diplomatiques. L’École diplomatique et consulaire intégrera également en son sein l’Académie diplomatique d’été que j’ai lancée au mois d’août pour ouvrir les portes de notre ministère à des lycéens et étudiants boursiers. C’est l’une des traductions concrètes de notre volonté d’ouvrir et de diversifier le recrutement du Quai d’Orsay, en allant chercher les jeunes talents partout où ils se trouvent.

Nous réaliserons en outre un effort particulier en matière de logement social, avec une augmentation de 4 millions d’euros de l’enveloppe d’action sociale du ministère dédiée à de nouvelles réservations de logements, afin de permettre aux agents de passage en administration centrale de bénéficier de conditions d’accès au logement facilitées et efficaces. C’était une revendication des représentants du personnel. Nous entrons dans un cycle positif.

Enfin, 3 millions d’euros dans le programme 185 permettront de financer le rattrapage des écarts de rémunération entre les agents de droit local des établissements à autonomie financière (EAF), autrement dit les instituts français, et leurs homologues du réseau des ambassades.

Je veux appeler votre attention sur plusieurs sujets qui me tiennent à cœur. Le premier concerne la situation de l’immobilier de l’État à l’étranger, qui a souffert, deux décennies durant, de sous-entretien et d’une stratégie insoutenable utilisant les produits de ventes pour l’entretien courant. Afin de mettre fin à cette impasse qui menaçait notre outil de travail et d’influence, j’ai engagé depuis trois ans le ministère dans une double dynamique qui est donc maintenue. Il s’agissait, tout d’abord, de professionnaliser la fonction immobilière, ce que j’ai fait et qui ne fut pas aisé. En parallèle, il fallait réinvestir pour remettre à niveau nos bâtiments et répondre à une exigence accrue de modularité.

L’exécution de ce plan de rattrapage est déjà bien engagée. Cent vingt-deux projets ont été lancés et doivent se poursuivre. L’année dernière, j’avais veillé à ce que les moyens destinés à l’entretien du parc immobilier à l’étranger soient substantiellement augmentés dans le programme 105, avec 24,2 millions de crédits d’entretien lourd à l’étranger, cette inscription faisant suite à une hausse de 5 millions en 2020. Vous m’aviez fait remarquer l’an dernier que la progression était satisfaisante mais que cette mesure ne devait pas rester ponctuelle. Elle est désormais pérenne puisque, en 2022, le socle du budget immobilier sera de 106,3 millions et que les moyens consacrés à l’entretien lourd à l’étranger seront maintenus à leur niveau de 2021, soit 41,7 millions d’euros. Nous devrons combler le retard accumulé, qui reste considérable.

Ces moyens « rebasés » sont complétés cette année par une dotation de 36 millions d’euros sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723. Elle ne sera soumise à aucune contrepartie, aucun remboursement ultérieur, aucune cession à réaliser. C’est donc un apport de crédits nouveaux de 77 millions en faveur du patrimoine immobilier à l’étranger qu’il nous faudra pérenniser dans les prochaines années.

Ce sujet est majeur car la situation que j’ai trouvée était terrible. La logique était mauvaise : on n’avait le droit de rénover qu’après avoir vendu les bijoux de famille ou en bradant nos postes. Ce n’est plus le cas, et ce le sera encore moins l’année prochaine car j’ai demandé que nous puissions dépenser les crédits inscrits. Si vous faites des déplacements, observez ce qu’il en est dans chaque poste. Je pourrai vous transmettre la liste des initiatives qui sont prises.

Je n’oublie pas non plus la sécurité de nos emprises, dont les crédits augmentent de plus de 3 millions d’euros. Je me suis penché dès mon arrivée sur ce sujet et, après bien des efforts, la situation a évolué positivement. Les crédits s’élèvent désormais à 68 millions, dont 55 millions pour l’étranger.

Le numérique est un domaine qui requiert lui aussi des investissements nouveaux car il convient de poursuivre l’adaptation du réseau diplomatique à un fonctionnement numérique, la crise sanitaire ayant mis en lumière cette nécessité. Il existait, en effet, des inégalités de déploiement de nos capacités numériques dans le monde et des insuffisances dans le domaine de la sécurité. Comme je m’y étais engagé, notre stratégie pluriannuelle d’investissements numériques se poursuit donc en 2022. Les moyens de la direction du numérique s’établissent désormais à 47,8 millions, incluant des mesures nouvelles à hauteur de 10 millions.

La deuxième priorité de ce budget est de nous permettre de rester engagés en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme.

Nous consacrerons plus de 60 % des crédits du programme 105, soit 701 millions, aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France, y compris les opérations de maintien de la paix qui représentent 270 millions.

Le niveau de nos contributions obligatoires a été réajusté pour tenir compte de la baisse attendue de la quote-part française au budget régulier des Nations unies comme à celui des opérations de maintien de la paix, pour des raisons tenant à la part plus faible de la France dans le PIB mondial – notre croissance est forte, mais moins que dans d’autres pays ; autrement dit, la clé de répartition est meilleure pour la France. Nous poursuivons donc nos contributions obligatoires, et cela nous permet de soutenir notre effort en matière de contributions volontaires. Celles-ci sont inscrites soit au programme 105 s’agissant des contributions en matière de sécurité, soit au programme 209. Cet effort était nécessaire car nous étions passés du sixième au dixième rang des contributeurs au budget ordinaire des Nations unies, principalement en raison de la hausse des contributions volontaires de certains de nos partenaires – l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Afin de retrouver notre rang, nous avons donc décidé de valoriser ces dernières.

Une mesure nouvelle de 9,6 millions sera consacrée au renforcement des outils de maintien de la paix et de prévention des conflits au travers du Fonds de consolidation de la paix, que nous avions déjà abondé l’année dernière. Nous amplifierons notre soutien à la sécurité internationale en contribuant à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Nous augmenterons également de 2 millions le financement de jeunes experts associés et volontaires des Nations unies. Ce choix est essentiel car il faut montrer que nous contribuons aux organismes dans le cadre desquels nous nous exprimons si nous voulons faire valoir notre point de vue. En l’occurrence, nous nous sommes replacés sur une bonne trajectoire.

La troisième priorité concerne notre engagement aux côtés de nos compatriotes de l’étranger, un total de 142 millions, hors dépenses de personnel, étant inscrit au programme 151. Tout cela témoigne du fait que le Quai d’Orsay est aussi le ministère du service public des Français à l’international.

Le réseau consulaire français a réussi à faire face aux défis majeurs posés par la crise pandémique. Dès juillet 2020, le plan d’urgence, voté en loi de finances rectificative, dotait le programme 151 de 100 millions d’euros additionnels ; 50 millions ont été dédiés à l’aide à la scolarité en réaction à la baisse de revenu des familles françaises et 50 millions ont financé, et financent encore, le dispositif de secours occasionnel de solidarité (SOS) au profit de nos concitoyens à l’étranger. Il a été maintenu en 2021 grâce au report de 25 millions de crédits et a permis de renforcer le soutien aux organismes venant en aide aux Français de l’étranger. Cette année, plus de 57 000 SOS ont pu être versés à la fin août, à hauteur de 8,4 millions, qui viennent s’ajouter à ceux versés en 2020.

Enfin, ces crédits ont permis la réalisation de campagnes de vaccination à l’étranger et la conversion des schémas vaccinaux reconnus, afin que nos compatriotes puissent obtenir leur passe sanitaire. Cette opération a été organisée par nos services, tant à Paris qu’à l’étranger. La cellule spécifique a été exemplaire ; je le souligne car on en a peu parlé. Ce dispositif, mobilisé au cours de l’été, a servi 142 000 de nos compatriotes à l’étranger, et ce dans des délais extrêmement courts. À ma connaissance, peu de pays en ont fait autant pour leurs ressortissants.

Même si cela a engendré quelques soucis, nous avons souhaité permettre l’accès à la vaccination, dans les pays les plus en difficulté, à l’ensemble de la communauté française, et non aux seuls agents du ministère des affaires étrangères. Le choix n’était pas simple mais il s’agissait d’un choix d’égalité de situation entre nos concitoyens et les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères en poste à l’étranger. Ce dispositif fut une réussite, qui présentait, au surplus, un caractère exemplaire car peu de pays ont agi ainsi pour éviter les différences de traitement.

Le programme 151 reflète notre engagement dans les domaines d’intervention prioritaires que sont l’aide à la scolarité, l’action sociale ou encore l’activité consulaire. Une somme de 94,4 millions est prévue en 2022 pour les bourses scolaires destinées aux élèves français du réseau d’enseignement français à l’étranger. Elle est moindre qu’en 2021, mais je tiens à vous rassurer tout de suite : cela n’affectera en rien le volume total des aides qui seront mobilisées au profit des familles. Le budget s’élevait à 104,4 millions en 2021, il s’élève à 94,4 millions en 2022, mais nous pourrons mobiliser les crédits à concurrence de 104,4 millions en 2022, voire davantage si nécessaire. L’AEFE a bénéficié en 2020 et 2021 d’aides élevées afin que l’agence soit en mesure d’aider les établissements à l’étranger pendant la crise. Ces crédits n’ayant pas été consommés en totalité, elle connaît un excédent de trésorerie, que nous pouvons affecter aux tâches indirectes de l’AEFE si d’aventure un besoin supplémentaire se faisait sentir.

En outre, afin de mettre en œuvre la priorité du Gouvernement en matière d’éducation inclusive, une dotation de 1,3 million financera l’accompagnement scolaire des élèves boursiers de l’AEFE en situation de handicap (ASESH). Cette dotation, qui n’existait pas, permettra de répondre aux besoins relevés par plusieurs parlementaires.

S’agissant des moyens déployés directement par mes services, il a été décidé de maintenir les crédits alloués aux affaires sociales, qui ont nettement progressé en 2021, pour atteindre 20,5 millions, car il faut prendre des précautions pour l’avenir.

Une augmentation de 1 million d’euros, soit un doublement de la dotation des organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES) permettra, elle aussi, de répondre aux conséquences de la pandémie, en élargissant la possibilité de subventions à de nouvelles associations utiles à nos compatriotes ainsi qu’à des associations venant en aide aux entrepreneurs français à l’étranger. Les crédits consacrés au soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, dits crédits STAFE, seront, quant à eux, maintenus à hauteur de 2 millions.

En dépit du contexte sanitaire dégradé, l’activité consulaire régulière a été maintenue et développée. Nous poursuivons ainsi la modernisation de notre service public.

Le service France consulaire, basé à La Courneuve, aura vocation à être déployé à l’ensemble des pays de l’Union européenne dès la fin de 2022. Nous mettons ainsi à disposition de nos compatriotes de l’étranger une plateforme d’information qui rendra les services consulaires plus facilement joignables et qui désengorgera l’accueil de nos consulats en recentrant leur activité sur les sujets qui ne peuvent être traités qu’à l’échelle locale. Le service France consulaire commencera son activité demain, avec cinq postes pilotes.

Dans le domaine de la dématérialisation, le projet de registre de l’état civil électronique devrait être pleinement achevé en 2022. Les démarches à accomplir seront simplifiées et l’efficacité budgétaire sera améliorée. La mise en œuvre de cette réforme a été considérée comme exemplaire par le baromètre de l’action publique.

Enfin, je tiens à vous assurer de la mobilisation de l’administration consulaire pour organiser, en 2022, les élections présidentielles et législatives à l’étranger. Nous recevrons un transfert de 12,85 millions, hors dépenses de personnel, du ministère de l’intérieur afin de financer les scrutins. Conformément à l’engagement du Président de la République, le vote par internet, après que l’homologation aura été délivrée, sera opérationnel pour les élections législatives.

La quatrième priorité de ce budget vise à renforcer la diplomatie culturelle et d’influence. L’influence prend de plus en plus souvent la forme d’une bataille des modèles. L’apprentissage du français, l’enseignement supérieur ou encore le rayonnement de nos industries culturelles et créatives sont donc devenus autant de sujets stratégiques.

Au cours des prochaines semaines, j’aurai l’occasion de vous présenter une feuille de route relative à la modernisation de nos instruments d’influence. Il s’agit de nous donner des outils pour objectiver notre position dans ces nouvelles batailles – notamment à travers l’élaboration d’un tableau de bord de l’influence – et de mobiliser l’ensemble de notre réseau et de nos instruments de manière beaucoup plus offensive. Je serai amené à commenter de cette feuille de route avant la fin de l’année. Son adoption s’accompagnera d’une augmentation de 15,1 millions d’euros des crédits du programme 185, qui atteindra 660 millions. C’est de loin la progression la plus forte de ce programme depuis le début du quinquennat. J’en suis d’autant plus satisfait que ce programme était menacé, la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 prévoyant une forte diminution de ses crédits au cours du quinquennat. La trajectoire est inversée et la feuille de route de l’influence connaîtra une progression de 15,1 millions. Celle-ci intégrera, à hauteur de 5 millions, notre contribution à l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH).

Nos priorités en matière d’attractivité de notre territoire seront également confortées. L’enveloppe des bourses d’étude et de stage sera portée à 64 millions afin d’atteindre les objectifs fixés par la campagne Bienvenue en France. Une enveloppe de 4 millions sera en outre affectée à la formation des talents étrangers pour soutenir les campus « franco-x », qui sont, pour l’heure, peu nombreux – je pense en particulier au campus universitaire franco-sénégalais, au hub franco­ivoirien pour l’éducation ou encore au projet avec la Tunisie, qui est un peu plus long à voir le jour. Le dispositif doit permettre à ces campus universitaires des échanges dans les deux sens ; ainsi, des étudiants français ou européens pourront suivre des études dans ces campus et être diplômés de l’université de rattachement et du campus universitaire où ils sont inscrits. Ces expérimentations sont majeures ; je vous invite d’ailleurs à visiter ces campus lors de vos déplacements. Le dispositif doit être renforcé car il s’agit d’un outil de première importance.

Nous renforcerons également l’enseignement des langues étrangères au sein du réseau scolaire à l’étranger et conforterons la place de nos industries culturelles et créatives (ICC). Celles-ci sont un élément essentiel de notre diplomatie d’influence. Après la crise sanitaire, nous devrons organiser la relance des ICC, en bonne articulation avec la ministre de la culture.

Ces crédits soutiendront également la villa Albertine, que j’ai inaugurée à New-York voilà quinze jours. Elle ouvre un nouveau chapitre de nos relations culturelles avec les États-Unis. La villa Albertine est à l’image de la villa Médicis ou de la villa Velasquez, si ce n’est qu’elle est éclatée entre dix villes américaines et qu’elle est essentiellement numérique. Les artistes sélectionnés par un jury choisiront leur lieu de résidence en fonction des activités spécifiques à chaque site et de leur propre projet. Son nom fait écho à la librairie Albertine, librairie historique du centre culturel de New-York, qui est très fréquentée et bénéficie d’une belle image de marque.

S’agissant de nos opérateurs, nous maintenons notre appui au niveau atteint l’année dernière. La subvention de l’AEFE est stabilisée à hauteur de 417 millions d’euros. Nous pérennisons ainsi l’augmentation de 24,6 millions votée en 2020. Cette continuité est nécessaire pour soutenir le plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République du doublement du nombre d’élèves des écoles d’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030. La crise sanitaire n’affecte en rien cet objectif : grâce à notre mobilisation de près de 150 millions, dès le printemps 2020, plus de 20 établissements supplémentaires ont été homologués, portant à 545 le nombre d’établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger. La France conforte ainsi son statut de premier réseau éducatif dans le monde.

Par ailleurs, nous restons aux côtés des familles qui ont fait le choix de l’enseignement français. La situation au Liban demeurant dramatique, nous avons décidé que l’AEFE mobiliserait 10 millions de ses excédents de trésorerie pour venir en aide au réseau de l’enseignement français au Liban, auquel nous avions déjà accordé 20 millions l’an dernier.

Les subventions des opérateurs Campus France et Institut français seront maintenues à leur niveau de 2021. Celle versée à Atout France sera légèrement rehaussée pour compenser la perte touristique constatée et reconquérir l’attractivité touristique internationale.

Les crédits de la mission Aide publique au développement progressent de 581,2 millions d’euros. Une précision sémantique avant de poursuivre : on entend de nombreuses critiques sur les termes « aide publique au développement », qui ne reflètent plus la réalité. En effet, les solutions aux grands défis ne se trouvent pas seulement au nord : elles s’inventent aussi au sud. L’expression « investissement solidaire » a été proposée lors du nouveau sommet Afrique-France de Montpellier, expression que je ne renie pas, bien au contraire, car la solidarité est ce qui nous protège tous. Dans un monde d’échanges et d’interdépendance, elle est aussi une exigence d’efficacité.

La progression très significative de ces crédits concrétise l’engagement de la loi que vous avez votée à l’unanimité, notamment l’objectif de 0,7 % en 2025. Nos priorités restent celles qui ont été fixées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et la loi. La composante bilatérale poursuivra sa progression avec la hausse des moyens alloués à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide-projet, c’est-à-dire à la fois le don projet et le don ONG, qui augmentent respectivement de 18,5 % et de 10,3 %. Ces moyens atteindront ainsi, en matière d’aide bilatérale, près de 1 milliard d’euros.

La priorité donnée à l’aide bilatérale se traduit aussi par les moyens consacrés aux projets du fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Rehaussés de 10 millions en 2021, ils seront maintenus à ce niveau car ils ont fait la preuve de leur efficacité, les ambassades me disant que le FSPI remplit pleinement son rôle.

Enfin, l’aide humanitaire atteindra, pour la première fois, 500 millions d’euros en 2022, avec une hausse des crédits de 170 millions, auxquels s’ajoutent les soutiens que nous apportons aux organismes humanitaires, qu’il s’agisse des contributions volontaires aux Nations unies, du Fonds d’urgence humanitaire ou des aides spécifiques de l’aide alimentaire programmée.

Par ailleurs, je relève la progression continue de notre soutien aux dispositifs de volontariat, notamment via l’opérateur France Volontaires. Elle est conforme aux engagements que j’avais pris devant les élus.

Au-delà, notre action en matière de développement répond à une logique multilatérale que la France défend avec une grande détermination. Le programme 209 assure un soutien politique et financier d’ampleur au système de développement et d’aide humanitaire des Nations unies. Les contributions volontaires aux Nations unies et aux grands fonds verticaux constituent un outil très efficace pour répondre aux différentes crises. Leur enveloppe s’élèvera à 352,8 millions en 2022, en hausse de 170 millions par rapport à 2021, concentrée sur la santé mondiale avec 110 millions d’euros pour l’initiative ACT-A – pour renforcer tant les financements COVAX que la contribution à l’association Unitaid et à GAVI, l’Alliance du vaccin – et pour les organisations humanitaires.

Le dix-huitième sommet de la francophonie, prévu en novembre 2021, marquera le cinquantenaire de l’organisation. Pour renforcer l’action de la francophonie, les moyens progresseront de près de 8 millions en 2022.

Enfin, nous resterons engagés dans le fonds français Muskoka qui agit dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest en faveur de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, infantile et des adolescents ainsi que de la nutrition. Par ailleurs, lors du Forum génération égalité (FGE), nous avons annoncé que nous réabonderons ce fonds à hauteur de 10 millions en 2022 et que nous verserons une contribution de 18 millions sur cinq ans au Fonds des Nations unies pour les populations, qui agit en faveur de l’accès à la contraception et dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive.

La France poursuivra également son action en faveur de la préservation des autres biens publics mondiaux, en particulier par une contribution de 78 millions dédiée à la reconstitution du partenariat mondial pour l’éducation. S’agissant du climat, nous poursuivrons notre soutien en faveur de l’initiative CREWS (Systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques), de l’initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) et de l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales et humides.

Afin d’éviter toute ambiguïté sur l’évolution du volant européen de notre politique de développement, je précise que les crédits du programme 209 consacrés à la coopération communautaire, à travers le Fonds européen de développement (FED), seront ramenés à 487 millions contre 713 millions en loi de finances 2021. Cette part du FED dans notre budget continuera à s’amenuiser jusqu’à extinction des projets engagés dans le cadre du onzième FED. C’est la conséquence de l’intégration du fonds dans le nouvel instrument européen de coopération, le NDICI, instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Celui-ci n’est pas financé par le programme 209 mais par la contribution française au budget de l’Union européenne. Notre contribution diminuera progressivement, au fur et à mesure de la réalisation des projets qui ont été engagés. Cela n’empêche pas l’outil NDICI de fonctionner, d’être doté très significativement et d’être mobilisé en particulier en faveur de l’Afrique subsaharienne.

Pour conclure, je souhaite évoquer le nouveau programme 370, consacré à la restitution des biens mal acquis et qui sera abondé au fur et à mesure des ventes de ces biens. Il s’agit d’une innovation attendue, qui relèvera du ministère des affaires étrangères.

Mme Nicole Le Peih. (LaREM). Les événements des derniers mois nous rappellent que le contexte international est instable. Qu’elles soient sanitaires, économiques ou environnementales, les crises se superposent. C’est pour faire face à ce contexte particulier que la France travaille au renforcement des attributs de sa souveraineté, notamment sur le plan européen, par une accélération des grandes décisions, que ce soit sur le climat avec le paquet Fit for 55, sur l’économie avec le plan de relance ou encore sur la politique sanitaire avec une politique industrielle offensive qui fait de l’Europe le premier producteur de vaccins au monde.

L’action du ministère de l’Europe et des affaires étrangères est au service de cette politique ambitieuse, et je pense pouvoir dire, au nom de mon groupe et à l’occasion de ce dernier budget du quinquennat, que votre engagement est reconnu et apprécié. Continuons ! Les prochains mois seront particulièrement déterminants. La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) représente une occasion unique de conclure sur un maximum de sujets et d’avancer sur l’ensemble des autres questions. Cette présidence est d’autant plus importante que la raison d’être du projet européen est désormais évidente. Face à la Chine et aux États-Unis, nous ne pouvons plus nous contenter d’un rôle de puissance tampon.

Ma première question porte sur l’impact de la présidence française de l’Union européenne sur le budget 2022. Est-il significatif ?

Je tiens à saluer l’effort engagé par le ministère pour mettre à disposition des indicateurs de suivi de l’égalité entre hommes et femmes. Quels sujets vous paraissent avoir le mieux progressé au cours des dernières années et quels sont ceux qui, au contraire, nécessitent de maintenir nos efforts et notre attention ?

M. Michel Herbillon (LR). Si nous ne sommes pas forcément d’accord avec l’ensemble de ce que vous avez présenté, monsieur le ministre, je veux toutefois souligner un certain nombre de vos actions, telles que l’arrêt de l’hémorragie des effectifs.

Je veux également rendre hommage à votre politique immobilière. Il était absurde d’être très ambitieux sur le plan de la politique internationale et de notre diplomatie d’influence et de régulièrement vendre des instruments diplomatiques. J’ai souvent repris l’exemple de la résidence du consul général à Shanghai, qui était un instrument d’influence de notre présence en Chine et que l’on voulait quitter pour louer des locaux anonymes. Je salue donc votre action et les crédits que vous avez inscrits en faveur de l’entretien de nos postes diplomatiques.

Je suis en revanche un peu surpris par vos propos relatifs à la diplomatie d’influence parce qu’il s’agissait d’une priorité du quinquennat : pourquoi a-t-il fallu attendre quatre ans et demi pour produire un tableau de bord et moderniser nos outils de diplomatie d’influence ? Mieux vaut tard que jamais, me répondrez-vous sans doute !

J’en viens à mes questions. L’écologie est un enjeu phare des décennies à venir, le président Macron la définissant même comme le combat du siècle. Est-ce toujours le cas, alors que le budget lié aux objectifs de développement durable de votre ministère est passé de 3,2 millions d’euros en 2021 à 2,4 millions pour 2022, soit une chute de 25 % ? Comment expliquez-vous cette baisse et quelles conséquences aura-t-elle sur nos actions pour le climat menées à l’étranger ?

Alors que le deuxième objectif de votre budget s’intitule « promouvoir le multilatéralisme et agir pour une Europe souveraine, unie et démocratique », nos alliés américains ont œuvré dans notre dos pour briser nos accords commerciaux d’envergure tandis que nos alliés allemands n’ont pas hésité à conclure des accords de défense avec l’Australie. Ces deux événements récents portent une lumière singulière, pour ne pas dire davantage, sur votre priorité. Dans ce contexte défavorable à la France, quel contenu concret donnez-vous à ce budget de 3 milliards consacré au multilatéralisme et à la promotion d’une Europe souveraine ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur Atout France, dont le budget avait été revu à la baisse les années précédentes. Alors que vous avez indiqué que les difficultés se profilaient pour le secteur du tourisme, nous ne notons pas de hausse significative du budget d’Atout France, qui passe de 37,4 millions en 2019 à 29 millions en 2022. Ne pensez-vous pas que nous sommes dans une période où le tourisme a plus que jamais besoin d’être stimulé ?

M. Frédéric Petit (MODEM). Avec une augmentation de 627 millions, les moyens de la diplomatie française sont renforcés. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue cet effort qui s’inscrit dans la continuité, et pas uniquement en raison de l’augmentation de l’aide publique au développement.

L’enveloppe destinée à la modernisation des ressources humaines s’élève à 30 millions d’euros, à différencier de l’enveloppe destinée à la revalorisation : cette somme sera bien destinée à moderniser et à réorganiser. Je salue votre action très importante concernant les contrats de droit local. En tant que Français à l’étranger, je rencontre ces personnes recrutées en contrat de droit local. Je vous rappelle, au passage, que la rémunération ne se limite pas au salaire : aider toutes les personnes recrutées en contrat de droit local à inscrire leurs enfants dans les lycées français, par exemple, serait un geste symbolique très peu onéreux et qui contribuerait à leur meilleure rémunération.

S’agissant du programme 151, je salue les efforts pour rationaliser le travail accompli pour les Français de l’étranger, même s’il reste encore beaucoup de disparités. Nous ressentons une très nette amélioration de l’action de la France et de son rôle d’administration publique en faveur des Français à l’étranger au quotidien.

Concernant le programme 105, on parle trop peu des efforts de la France en faveur du partenariat mondial pour l’éducation, ainsi que des 9 millions d’euros consacrés aux contributions volontaires aux organisations internationales.

La trajectoire de l’aide publique au développement est significative et doit être promue. Nous avons atteint les objectifs fixés dans le cadre de la loi de programmation que nous avions votée à l’unanimité. Je salue également la nouvelle ligne et le nouvel effort historique relatif aux biens mal acquis. Nous n’avons pas conscience de l’influence que ce dispositif prendra au fur et à mesure des années. C’est, selon moi, un outil de gestion et de démocratisation.

Je reviens au programme 185, dont je suis le rapporteur pour avis. Je salue l’inscription de 15,1 millions supplémentaires et la stabilité des opérateurs. En 2017, quand j’avais pris cette responsabilité, j’avais dit qu’on ne gérait pas la pénurie mais aussi l’organisation. Je confirme que nous avons perçu l’effort efficace produit en ce domaine.

On parle souvent pour ce budget de soft diplomatie. Je persiste à penser que c’est une diplomatie qui peut être forte, une hard diplomatie. Nous le voyons actuellement avec le Bélarus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la feuille de route influence, sur la façon dont elle se coordonnera avec les différentes COP – conférences des parties – ou les différentes conventions – conventions de moyens et conventions de partenariat avec les opérateurs ? Comment coordonnera-t-elle l’ensemble des efforts qui sont faits dans ces domaines ?

M. Alain David (SOC). Les indices et les classements sont partiaux et comportent de multiples biais méthodologiques ; ils illustrent néanmoins des tendances de fond. Ainsi le classement global 2021 du soft power des nations a acté un recul de la France à la septième place du classement des pays les plus influents, après avoir été première en 2018. Il conviendrait que nous analysions ce fort recul pour en comprendre la cause.

Nous partageons avec nos collègues de la commission les ambitions d’une juste influence de notre diplomatie et de notre pays pour un monde plus sûr et plus durable. Avec mes collègues du groupe socialiste et apparentés, nous serons extrêmement vigilants afin que les moyens de notre action extérieure soient effectivement renforcés.

J’aurais l’occasion de revenir en détail lors d’une prochaine réunion sur l’audiovisuel extérieur de la France, en particulier sur France Médias Monde, outil du rayonnement de la France, qui subit une baisse pour la quatrième année consécutive, alors que la Deutsche Welle et la BBC connaissent des hausses significatives.

Au-delà des grandes masses budgétaires, que vous avez réussi à faire évoluer globalement, les services de votre ministère doivent contribuer au rayonnement international de la France et au service d’un nombre croissant de Français installés ou de passage à l’étranger, et ce malgré une baisse constante de ses effectifs ces dix dernières années. En effet, ce personnel est passé de 15 024 personnes à 13 606 en 2022, soit une perte de 1 418 personnes dans votre ministère. Cette tendance peut-elle se poursuivre dans le cadre du Comité action publique 2022 (CAP 22) compte tenu de l’élargissement des missions de votre ministère et de la qualité du service attendu par l’une des premières diplomaties du monde ?

M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette présentation qui confirme assez bien la trajectoire à la hausse des moyens du Quai d’Orsay, après des années de coupes budgétaires. Même si l’effort reste minime, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le plafond d’emplois ministériel soit accru de 43 ETP pour atteindre un total de 13 606 ETP. Cela confirme l’arrêt du programme Action publique 2022 et les réductions d’effectifs afférentes. Ainsi, la masse salariale progresse de 2 % pour s’établir à 1,18 milliard d’euros, dont 30 millions sont prévus pour le financement d’une réforme des ressources humaines du ministère.

Je voudrais, à cet égard, remercier l’ensemble des agents pour leur dévouement auprès de nos compatriotes dans un contexte sanitaire et sécuritaire souvent très difficile. Il nous appartient de renforcer ce réseau en moyens financiers et humains, la crise sanitaire ayant démontré, si besoin était, toute l’importance qu’il constitue pour nos 3,5 millions de compatriotes qui résident à l’étranger.

Je ne peux qu’approuver l’actuelle réforme des ressources humaines qui vise à moderniser la fonction diplomatique en valorisant les carrières, à renforcer la mobilité de toutes les catégories d’agents du ministère, à former les agents via la création de l’École diplomatique et consulaire ou encore à rénover le parc immobilier et de logements sociaux du ministère. Même si l’on peut toujours faire plus, nous ne pouvons qu’apprécier l’augmentation de ces moyens consulaires de 6,7 millions d’euros par rapport à 2021, pour un total de 142,2 millions d’euros.

Par ailleurs, le vote par internet sera utilisé aux prochaines élections législatives, comme ce fut le cas pour les dernières élections consulaires en 2021. Ainsi, le transfert en provenance du ministère de l’intérieur de 12,85 millions d’euros pour participer à ce financement et au bon déroulement de ces scrutins ne peut que retenir notre attention.

Nous continuerons à soutenir les Français de l’étranger, comme nous l’avons fait dans les heures les plus difficiles de la pandémie, tout en maintenant une marche rapide de la transformation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Enfin, dans le respect de la loi de programmation du 4 août 2021, le budget de l’aide publique au développement s’accroît considérablement et met nos actes en conformité avec nos paroles dans la lutte pour l’éducation, la santé et le respect des objectifs de développement durable à l’échelle mondiale. En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra avec vigueur la répartition des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État et au programme de solidarité.

Ma question concerne l’AEFE. Les excédents de trésorerie de l’AEFE pour 2022 et les crédits de paiement, hors T2, dédiés à l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE baissent de 9 %, soit de plus de 10 millions d’euros. Cette solution sera-t-elle suffisante pour maintenir les montants des bourses accordées aux familles ? Les excédents de trésorerie de l’AEFE étant par nature destinés à s’épuiser, s’ils sont mobilisés chaque année, une hausse des crédits de paiement alloués aux bourses scolaires est-elle envisagée dans les futures lois de finances ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame Le Peih, le coût de la mise en œuvre de la présidence française de l’Union européenne ne relève pas du budget du ministère des affaires étrangères mais du budget du Premier ministre. Le montant des crédits pour la PFUE s’élève à 150 millions d’euros au titre de 2021 et 2022, et s’accompagne d’une rigueur de gestion et d’une sobriété pour éviter que cette présidence soit ostentatoire. Mais ce n’est pas sur mon budget que les crédits sont mobilisés.

Dans le cadre de la PFUE, de nombreux événements sont prévus : dix-huit réunions ministérielles informelles, soixante-dix réunions ministérielles formelles, auxquelles s’ajouteront de nombreuses autres réunions. Le principe de l’équilibre géographique des événements sera assuré. Trois thèmes sont d’ores et déjà retenus : une Europe de la relance, une Europe puissance et une Europe d’appartenance. Ces sujets feront l’objet d’une déclinaison, une fois que le Président de la République aura donné les grandes orientations de la présidence française. Le calendrier sera marqué par l’aboutissement de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui se tiendra dans la première quinzaine de mars. Une première partie de cette conférence s’est tenue les 11 et 12 septembre dans neuf régions, une deuxième les 24 et 26 septembre afin d’identifier les priorités des Françaises et des Français sur l’avenir de l’Europe. Ce sera un point important de mobilisation.

La féminisation de l’encadrement supérieur du ministère a largement progressé puisque 40 % des primo-nominations à des fonctions d’ambassadeur et ambassadrice concernent des femmes, ce qui permet de créer un vivier. Nous avons également nommé des ambassadrices à des postes majeurs. Fut un temps, la distribution était sectorisée, parcimonieuse, des postes étant plutôt réservés aux femmes, d’autres aux hommes. Progressivement, nous avons banalisé cette distinction. C’est ainsi qu’à Londres, Beyrouth, Berlin, au Maroc, au Brésil, nos ambassadrices sont des femmes. Le mouvement doit être poursuivi.

Par ailleurs, il convient de ne pas relâcher l’effort d’influence. Concernant les ressources humaines, le programme Action publique 2022 a pris fin il y a deux ans pour mon ministère et la situation est stabilisée depuis l’année dernière, mais il nous faut rester très vigilants, tant la situation reste fragile.

Monsieur Herbillon, vous avez livré votre avis sur la politique immobilière. À New-York, la France est propriétaire de deux bâtiments sur la cinquième avenue qui abritent un centre culturel, la villa Albertine, et le consulat. Quand je suis arrivé en 2017, on m’a demandé de vendre l’un des deux alors qu’il n’y avait pas mieux en termes d’influence et de visibilité. Il faut donc continuer à être vigilants.

S’agissant de la feuille de route influence, il ne s’agit pas d’un rattrapage de dernière minute. Au début du quinquennat, l’objectif était de diminuer sensiblement les financements liés à la stratégie d’influence. Nous avons depuis augmenté nos crédits ; il nous faut maintenir cet objectif majeur. La feuille de route, stratégique pour les années à venir, peut désormais être fixée dans la mesure où nous avons rehaussé, année après année, les crédits liés à l’influence, qui étaient réduits à peau de chagrin. Le texte que je vous présenterai sera un texte de mobilisation et surtout de diplomatie globale.

J’en viens à l’interrogation de M. Alain David sur l’influence médiatique, outil essentiel regroupant dans un même concept, une même stratégie l’ensemble des actions d’influence que nous menons à l’étranger, non seulement celles du ministère des affaires étrangères mais aussi celles du ministère de la culture, parmi d’autres. Ces actions seront concentrées dans un document unique de vérification et d’évolution des engagements pris pour assurer une mobilisation pleine et entière sur cet agenda, qui dépassera les frontières entre le hard et le soft.

Au regard de votre observation, monsieur Herbillon, je propose de dresser l’inventaire de l’ensemble des fonds relatifs à l’écologie et au climat car certains dépendent du programme 110, que nous n’avons pas évoqué. Il s’agit d’identifier trè.s précisément tout ce qui relève des actions climat de la France, soit au titre des fonds spécifiques français, soit au titre des participations multilatérales de la France à différents outils, et de les mettre en valeur avant la COP26.

Les chiffres dont je dispose relatifs à Atout France sont en progression. Nous avons ouvert 5 millions de crédits supplémentaires en faveur de cet organisme pour qu’il relance les campagnes de soutien, auxquels s’ajoutent 2,2 millions destinés à compenser la baisse des recettes et 430 000 euros au titre du fonctionnement. Nous veillons donc à ce qu’Atout France ne soit pas pénalisée par les conséquences de la crise et les difficultés que l’agence a rencontrées.

Monsieur Petit, vous avez appelé mon attention à plusieurs reprises sur les agents de droit local et les contrats locaux. Ils sont aussi un outil d’influence, parce qu’ils servent l’image de la France. Merci donc d’avoir bien voulu noter que les engagements ont été tenus.

Le partenariat mondial pour l’éducation relève du programme 209, qui porte sur les grands fonds à dimension culturelle et non du programme 105, qui concerne les contributions volontaires en matière de sécurité.

Monsieur M’jid El Guerrab, pour répondre à votre question sur l’AEFE, nous aurons les moyens de maintenir les montants des bourses accordées aux familles. La soulte n’est pas inépuisable mais nous la mobilisons dans le présent budget car cet argent n’a pas vocation à dormir. Je vous remercie pour vos messages adressés à nos personnels consulaires, qui réalisent un travail constant de présence et d’accompagnement de nos compatriotes à l’étranger. Ce n’est pas toujours une tâche facile, surtout dans la période qu’ils ont connue récemment.

M. Jacques Maire. À l’heure du dernier bilan, j’observe que nous reconnaissons de façon assez consensuelle le travail considérable qui a été accompli par vous-même et par les services pour rendre le Quai d’Orsay plus que jamais utile à la France, en particulier dans les périodes de crise les plus dures.

Je vous interrogerai sur quelques sujets qui supposent de se plonger dans les détails. Tout d’abord, si 43 ETP supplémentaires sont prévus, quasiment aucun ne concerne le cœur de métier. Il ne s’agit pas d’une hausse mais plutôt d’une stabilisation à très bas étiage. Ainsi, la proposition n° 23 du rapport Berville de 2018, visant à donner les moyens d’animer la fonction APD grâce à un corps de métier inscrit dans le ministère, ne trouve pas de traduction concrète, même si Focus 2030 a montré que cette dimension était réalisée à 30 %. Nous aboutissons à ce que l’on appelle, en termes financiers, un mismatch, c’est-à-dire une augmentation très forte des moyens sans un réel renforcement du pilotage. Cela signifie probablement des difficultés pour la DGM (direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international) et un rôle de l’opérateur toujours plus important.

S’agissant de l’immobilier, nous avons bien compris votre démonstration. Cela dit, le compte d’affectation spéciale sur lequel sont redéployés quelques dizaines de millions d’euros est-il celui sur lequel des ventes étaient inscrites ou s’agit-il d’un autre compte d’affectation spéciale ? Par ailleurs, celui qui servait à refinancer la politique d’équipement existe-t-il toujours ? Des ventes sont-elles aujourd’hui programmées ? Vendre des implantations inutiles ou dépassées et gérer de façon active son parc relèvent d’une bonne gestion mais ce n’est pas un moyen de financement.

S’agissant du personnel, je conclurai avec une question un peu délicate, en ce qu’elle comprend à la fois un aspect quantitatif et un aspect qualitatif. Si l’on observe la pyramide des âges et la pyramide des emplois, on constate qu’il n’est pas répondu à de nombreux besoins du Quai d’Orsay et que l’on compte beaucoup de sureffectifs dans des emplois de niveau supérieur. Des dispositifs de rupture conventionnelle ont existé dans le passé : ces solutions sont-elles étudiées pour permettre une meilleure gestion interne ?

Mme Anne Genetet. Monsieur le ministre, au nom des communautés françaises qui sont actuellement très durement affectées, j’adresse un mot de soutien à nos agents qui réalisent un travail remarquable, alors qu’ils sont eux-mêmes concernés par la situation. Nombreux sont les pays dont on ne peut toujours pas sortir, certains Français n’ayant pu rentrer en France depuis deux ans.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget qui est le résultat de votre action, de votre détermination mais aussi de notre pression, de tout ce que nous avons fait avec vous pour que soient pris en compte les besoins que nous avions recensés. Encore une fois, merci !

Je relèverai maintenant quelques actions qui me semblent essentielles : la France est l’un des très rares pays à avoir ouvert la possibilité de la vaccination des communautés à l’étranger ; une aide spéciale sera accordée l’année prochaine aux enfants des écoles qui souffrent de handicap ; 120 nouveaux établissements ont vu le jour ; l’augmentation des contributions de la France auprès des institutions internationales ne fait que renforcer notre présence dans le cadre multilatéral – nous en avions grandement besoin. Citons encore la plateforme du service France consulaire, qui est le fruit d’un rapport que j’avais remis au Premier ministre en 2018.

Le secours occasionnel de solidarité est une action intéressante. Je constate, toutefois, qu’il n’a pas été utilisé dans sa totalité, peut-être par prudence, ce que l’on peut comprendre. J’en appelle à votre vigilance pour l’année qui vient car je sais que des communautés qui essayent de freiner le plus possible leur retour en France risquent de revenir l’année prochaine.

Je conclurai par une question qui portera sur le dispositif d’aide à nos entrepreneurs à l’étranger, qui sont en très grande difficulté. Le dispositif Proparco, qui est une forme de garantie apportée par l’État français, a été orienté vers l’Afrique. La présence de la France étant primordiale dans la région indo-pacifique, je voudrais savoir si ce dispositif peut être orienté sur cette région du monde. Nous avons plus que jamais besoin d’une présence forte de nos communautés.

Mme Mireille Clapot. Présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes, ma question sera orientée sur le numérique. La crise sanitaire, en sollicitant fortement votre ministère et les postes, a révélé le triste état des applications et des moyens de communication sécurisée. Pourtant, vos agents à l’étranger, ont accompli des miracles.

Les enjeux portent sur la dématérialisation, le télétravail et donc les dotations en postes de travail. Le réseau doit être résilient, supporter la charge de nouveaux usages ; l’hébergement doit être sécurisé, protégé contre des cyberattaques de plus en plus sophistiquées. Il convient enfin que les données complexes qui sont maniées soient de diffusion restreinte mais accessibles. Les contraintes du télétravail sont différentes selon que les agents sont de droit français ou de droit local. En outre, il faut penser à choisir des solutions souveraines. Comment investir dans des moyens humains qualifiés ? Nous observons enfin avec attention l’utilisation du numérique dans les processus électoraux.

En 2021, votre ministère a investi davantage dans la numérisation de ses activités et continue sur cette lancée avec le projet de loi de finances pour 2022. Pourriez-vous nous préciser quelles sont vos priorités en la matière ?

M. Hubert Julien-Laferrière. Je salue l’effort réalisé au profit des crédits du programme 209 et donc de la mission Aide publique au développement.

Je souhaiterais vous interroger sur la taxe sur les transactions financières (TTF), dont les recettes ont progressé à un point que nous ne pouvions imaginer : plus 340 millions en 2020, portant les recettes de cette taxe inscrite au budget général à 1,785 milliard. Nous prévoyons une nouvelle augmentation de 150 millions d’euros en 2021.

Nous en arrivons donc à un paradoxe. S’il importe qu’une part du produit de cette taxe figure au budget général, il n’en demeure pas moins qu’elle a été créée pour financer l’aide au développement. Il me semble que l’on devrait trouver un mécanisme permettant à l’APD de bénéficier au moins en partie de l’augmentation des recettes. Certes, les crédits relatifs à l’aide publique au développement progressent fortement mais il n’y a jamais trop de crédits dans ce domaine. Par ailleurs, malgré les efforts consentis pour l’année 2022, nous sommes encore loin de tenir nos engagements sur le montant des décaissements concernant les fonds multilatéraux, en particulier l’ACT-A, voire le Fonds mondial.

M. Jean-François Mbaye. À mon tour, je voudrais saluer l’engagement du ministre et la mobilisation des parlementaires sur ce que l’on pourrait appeler désormais les investissements solidaires : je veux parler de l’aide publique au développement. Dans le cadre de la hausse de l’aide publique au développement, quelle sera la proportion de dons rapportée aux prêts qui seront accordés ?

Dans quelle mesure le budget du ministère pourrait-il amplifier l’attractivité française en matière de mobilité internationale étudiante ?

Concernant la TTF, je crois savoir qu’en avril 2021, devant le Sénat, vous vous étiez montré ouvert à certaines propositions pour aller plus loin dans l’affectation d’une partie de ses recettes au développement. Nous déposerons des amendements en ce sens. Nous serions ravis de pouvoir vous entendre à ce sujet.

Mme Amélia Lakrafi. Je me réjouis que le budget du ministère soit globalement à la hausse et que les moyens humains soient pérennisés et stabilisés.

À chacun de mes déplacements, je me rends compte de la mobilisation des personnels de nos consulats et de nos ambassades. Depuis le début de la crise sanitaire, ils ont été absolument exemplaires et leur action a été primordiale. Je veux, à mon tour, les remercier très sincèrement, qu’il s’agisse de l’organisation des campagnes de vaccination ou bien de l’attribution des aides, qui ont été vitales pour les Français privés de revenus. Je me réjouis donc particulièrement que les moyens dédiés aux affaires sociales soient pérennisés en 2022.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les aides sociales destinées à nos compatriotes les plus fragiles. Jusqu’ici, ces derniers étaient aidés par le dispositif SOS, qui est temporaire. Quelles sont les nouvelles formes que prendront les aides destinées à nos compatriotes, toujours affectés par cette crise qui dure ?

Concernant les organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES), dont l’action sur le terrain est remarquable, je suis très heureuse que les crédits destinés à ces associations doublent, passant de 500 000 euros à 1 million d’euros. Votre ministère envisage d’élargir le profil et le champ d’action des associations qui bénéficieront de ces subventions : comment procéderez-vous ?

Enfin, les subventions ont permis d’aider les entrepreneurs français à l’étranger (EFE). Seront-elles renouvelées, étendues ? Je songe à nos compatriotes qui géraient de petits restaurants et hôtels et qui, depuis deux ans, n’ont plus aucune entrée d’argent.

M. Éric Girardin. Monsieur le ministre, je ne peux que m’associer aux propos de mes collègues pour saluer la trajectoire et l’orientation budgétaire prises par votre ministère et le travail que vous avez accompli.

Nous revenons, mon collègue Meyer Habib et moi-même, d’un déplacement dans l’archipel du Svalbard, dans le Grand Nord norvégien, sur la base de recherches de Ny-Ålesund. C’est là un site exceptionnel pour la recherche scientifique, permettant de mieux comprendre le fonctionnement et l’évolution de l’atmosphère, des glaciers et des écosystèmes arctiques. C’est, en outre, un endroit unique où se déploie efficacement une véritable coopération internationale puisque comprenant des bases franco-allemande, britannique, chinoise, coréenne, indienne, italienne, japonaise, néerlandaise et norvégienne.

Ce déplacement est venu confirmer nos convictions : il faut impérativement et urgemment soutenir la recherche française polaire via un réengagement significatif de l’État. La France demeure une nation qui compte aux pôles, en contribuant très fortement à la recherche dans ces régions du monde, mais sa position repose sur un opérateur fragile – l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) –, dont les moyens humains et financiers sont très nettement inférieurs à ceux de nations d’ambition comparable. En 2019, la France consacrait aux missions de l’IPEV un budget d’environ 18 millions d’euros, contre un peu plus de 20 millions d’euros mobilisés par l’Italie, 45 millions d’euros pour la Corée du Sud et plus de 50 millions d’euros pour l’Allemagne. Les écarts paraissent encore plus flagrants lorsque l’on rapporte les budgets au nombre de personnels permanents gérant les missions logistiques : en 2019, l’IPEV comptait 38 permanents pour un budget de 18 millions d’euros, alors que l’Australie comptait 75 permanents pour un budget de 45 millions.

La France doit, de toute urgence, rehausser significativement les moyens dédiés à la recherche scientifique aux pôles. Nous déposerons un amendement en ce sens, visant à augmenter de 1 million d’euros la masse salariale de l’IPEV, ce qui permettrait de procéder au recrutement des personnels dont l’institut a impérativement besoin. Il y va de la crédibilité de la France sur la scène mondiale, sa puissance aux pôles étant essentiellement conditionnée par l’excellence de sa recherche scientifique. Nous estimons urgent de lui donner les moyens de le rester. J’appelle tous mes collègues à se joindre à notre initiative et demande au Gouvernement de s’engager à soutenir les missions de l’IPEV, qui sont essentielles au rayonnement de la France.

Mme Bérengère Poletti. Je tiens tout d’abord à exprimer ma satisfaction face aux promesses tenues pour atteindre 0,55 % du RNB au titre de l’APD.

L’article 3 de la loi de programmation dispose qu’un rapport doit être remis au Parlement au mois de juin. Toutefois, 2022 étant une année électorale, comment cela se passera-t-il ? Recevrons-nous des informations en février ou en mars pour assurer une parfaite transparence ? L’article 12 porte quant à lui sur la commission d’évaluation : où en est la constitution de cette commission ?

La France, à l’initiative du programme ACT-A, a prévu d’y consacrer plus de 1 milliard d’euros mais n’en a décaissé que 300 millions d’euros, se classant en dernière position des pays du G7 est l’une des dernières du G20 – alors que nous sommes confrontés à un problème de santé publique au niveau mondial ! Même en prenant en compte le doublement des dons de doses, nous demeurons parmi les derniers de la classe. J’aimerais bien comprendre.

Je rejoins les propos sur le Fonds mondial, au titre duquel nous devions augmenter notre participation de 20 %. Or nous sommes en retard. Il en va de même du partenariat mondial pour l’éducation : nous n’atteindrons pas les 500 millions d’euros prévus en 2025.

Enfin, devant les sénateurs, vous vous êtes déclaré favorable à une répartition différente de la TTF. Nous devrions pouvoir trouver une solution pour augmenter les crédits de l’APD parce que les besoins subsistent.

M. Hervé Berville. Monsieur le ministre, je veux vous remercier d’avoir été à nos côtés dans tous les combats : le vote de la loi de programmation, qui n’avait rien d’évident ; le combat pour transcrire dans la loi l’engagement international de consacrer 0,7 % du RNB ; le combat pour la TTF, qui atteint désormais le niveau historique de 628 millions d’euros. Vous avez également, en tant que ministre, tenu vos promesses : nous avons atteint 0,55 % du RNB !

J’en profite pour remercier tous ceux qui, dans les services, travaillent sur ces sujets : ce sont des personnes de qualité. Au cours de l’élaboration des budgets des dernières années, nous avons eu l’occasion de mener un travail fécond. Peut-on envisager de renforcer cette équipe ? Elle travaille en effet sur tous les enjeux du développement international.

Par ailleurs, il faut changer l’appellation d’aide publique au développement, parce qu’elle ne permet pas d’embrasser la réalité de cette relation. J’exprime le vœu que, l’année prochaine, la mission Aide publique au développement ait changé de nom.

De plus, la lecture de nos missions entre les différents programmes pose problème. Je plaide très fortement en faveur d’une mission bilatérale, qui intégrerait les programmes 209 et 110, et une mission multilatérale. Cela nous évitera de nous poser la question de l’écologie et de tous les fonds qui s’y attachent. L’année prochaine, faisons en sorte d’avoir une mission bilatérale et une mission multilatérale sous votre commandement, sous une forme très simple, par exemple, une mission Coopération bilatérale et une mission Partenariats internationaux.

Je terminerai par deux questions. Comment pouvons-nous vous aider à réduire les impasses qui affectent le programme 209 à chaque fois qu’il y a des promesses présidentielles ?

Ma seconde question s’adresse à vous, monsieur le président. Nous évoquons rarement ici le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, alors que le budget affiche des autorisations d’engagement de 1,5 milliard pour reconstituer les fonds de la Banque mondiale. Une audition spécifique sur le thème de la Banque mondiale et du FMI pourrait-elle être organisée ? Nous ne pouvons traiter de l’aide au développement et des partenaires internationaux sans la DGM, la direction générale du Trésor et vous-même dans le cadre d’une vraie discussion sur ces questions multilatérales.

M. Rodrigue Kokouendo. Lors du nouveau sommet Afrique-France, le 8 octobre, le Président de la République a annoncé qu’un fonds de 30 millions d’euros sera débloqué pour soutenir la société civile africaine dans ses actions en faveur de la démocratie. Ce fonds se déploiera sur trois ans et servira à promouvoir les initiatives d’innovation en matière d’accès à la justice, de transparence des institutions, de lutte contre la corruption et contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Comment le déploiement de ce fonds se traduit-il dans le projet de loi de finances pour 2022 ? Pouvez-vous nous indiquer quelle part sera consacrée à chacune de ces thématiques ? Par ailleurs, quels seront les outils de mesure de l’impact de ce fonds sur ces thématiques ?

Alors que le Président de la République a été interpellé sur le rôle de la France dans l’accompagnement – et non l’aide – des pays africains, quelles sont les ambitions de ce fonds ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie pour les propos que vous avez tenus à mon endroit. J’espère avoir contribué à redonner de la fierté à ce ministère. Cela passe par la réhabilitation de l’immobilier parce que, dans un immobilier dégradé, on n’éprouve pas le sentiment de la fonction régalienne. Nous sommes désormais le troisième réseau diplomatique mondial, derrière les États-Unis et la Chine : il faut l’assumer. Cela suppose d’avoir un prospect sur rue présentable, tant immobilier qu’en termes de personnels.

À cet égard, je suis tout à fait conscient de la nécessité de renforcer la filière développement. C’est la raison pour laquelle l’École diplomatique et consulaire comportera une filière développement afin, d’une part, que les diplomates soient également compétents en matière de développement et que la porosité des carrières soit permise et, d’autre part, que la DGM devienne une direction générale considérée à l’égale des autres. Le mouvement est amorcé, il convient de le renforcer. J’y suis particulièrement attaché.

Pour ce qui est du CAS, les 36 millions d’euros que j’indiquais s’entendent pour solde de tout compte. Le CAS existe toujours ; il sert notamment aux travaux de rénovation du Quai d’Orsay lui-même, dont les travaux, en cours de préparation, débuteront en 2022. Toutefois, les recettes des ventes, si elles permettent de financer ce type d’opération, ne peuvent financer l’ensemble des travaux nécessaires à notre immobilier. Cela ne contredit en rien les propos que j’ai tenus précédemment sur les questions immobilières.

Madame Genetet, le secours occasionnel de solidarité sera poursuivi. J’espère que, dans la loi de finances rectificative de fin d’année, nous pourrons bénéficier du report des financements engagés depuis 2020 qui ont été mobilisés pour les secours occasionnels de solidarité en 2021. J’espère pouvoir disposer du solde en 2022. Cette réponse vaut pour votre question, mais également pour celle de Mme Lakrafi portant sur l’aide aux entrepreneurs français à l’étranger. Il ne s’agit pas d’aider directement les entreprises mais d’accompagner les associations qui appuient l’action des chefs d’entreprise à l’étranger, la mobilisation de Proparco se poursuivant en 2022.

Vous avez par ailleurs souligné qu’une partie des avancées était due à l’action des parlementaires. J’essaie, bien évidemment, de faire en sorte que vos préoccupations soient prises en compte dans le budget. D’une manière générale, la force de votre action est indispensable pour compléter et conforter la mienne.

Madame Clapot, s’agissant du renforcement numérique, il nous faut tout d’abord développer des applications nouvelles pour offrir de nouveaux services aux usagers et simplifier les démarches internes, à l’instar du registre d’état civil électronique ou de France-Visas, qui a simplifié ses démarches grâce au numérique.

Nous souhaitons ensuite adapter les outils et les infrastructures de développement afin de permettre aux développeurs informatiques de travailler à distance. Nous voulons également développer un système de détection des fuites de données et renforcer notre infrastructure de sécurité.

Enfin, nous souhaitons instaurer un système de communication unifié et sécurisé pour les agents du ministère, incluant le développement d’une solution spécifique de travail à distance destinée aux agents de droit local, afin que ceux qui n’ont pas la nationalité française puissent accéder à un système sécurisé. Des précautions sont à prendre, mais il est certainement possible d’élaborer un dispositif techniquement performant pour que les agents de droit local ne se sentent pas écartés de la communication numérique uniquement pour des raisons de sécurité. Nous voulons donc résorber le retard, qui était important, et sécuriser nos systèmes d’information, ce qui est essentiel.

Un rapport sur l’amélioration de l’utilisation du produit de la TTF versé au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) vous sera remis par le Gouvernement dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Ce rapport sera l’occasion d’un débat ouvert sur l’avenir de cette taxe, dont l’affectation a été en grande partie détournée de son objectif initial.

Je rencontre un problème particulier avec les références financières de Mme Poletti concernant ACT-A, pour lequel nous avons mobilisé 810 millions d’euros : 560 millions d’euros en 2020, dont 200 millions pour COVAX, et 250 millions en 2021. Nous devrons comparer nos chiffres mais, au-delà de la mobilisation financière, nous sommes sur un cycle d’approvisionnement et de livraison de 120 millions de doses d’ici au mois de juin de l’année prochaine.

À la demande du Président de la République, je réunis une fois par mois une task force avec l’ensemble des ministères. Je suis chargé de vérifier que tout le nécessaire est bien engagé en relation avec nos représentants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève et dans les différents postes pour stimuler l’ensemble des actions et faire en sorte que les retours se déroulent bien. Ce n’est pas toujours facile. Non seulement il faut que nous disposions des doses et qu’elles arrivent à destination, mais il faut également que les personnes se fassent vacciner. Souvent, ce dernier point est le plus difficile à atteindre.

S’agissant des financements, il est prévu 1,06 milliard d’euros pour l’ensemble du programme ACT-A. Mes chiffres concernant les montants décaissés sont supérieurs aux vôtres, car ils évoluent rapidement.

Concernant l’article 3 et l’article 12, le dispositif est en cours de réalisation. Je devrais être en mesure de vous livrer toutes les informations sur la transparence et des précisions sur la commission d’évaluation à l’occasion de la séance plénière.

Monsieur Girardin, le budget de l’IPEV ne dépend pas de mon ministère. Toutefois, je partage votre avis sur les enjeux, qui sont à la fois sécuritaires et scientifiques. Je suis très sensibilisé à cette question, d’autant que le siège de l’IPEV est installé dans une région que je connais bien – à Brest ! Je pense que l’on n’a pas encore mesuré l’ampleur des enjeux liés aux stratégies polaires, que d’autres pays ont anticipée, tant dans le domaine scientifique que dans le domaine sécuritaire. L’ambassadeur chargé de cette question est dynamique et performant. Il faudra que nous travaillions ensemble pour obtenir des financements complémentaires, même si ceux-ci ne dépendent pas de mon ministère.

Monsieur Berville, s’agissant du changement de nom de l’APD, il faut trouver la bonne référence. J’ai cru comprendre que vous souhaitiez également un changement de nom de l’AFD. Je suis disponible pour entendre d’utiles propositions. Quant à la réorganisation des programmes, je suis d’accord avec vous pour appréhender le programme 110 dans le sens d’une répartition plus performante. C’est l’un des thèmes que je n’ai pu traiter au cours de ce quinquennat car il rencontre une certaine résistance.

Monsieur Kokouendo, le fonds de soutien pour la démocratie sera financé par le FSPI.

Monsieur Mbaye, s’agissant de la répartition entre les dons et les prêts, le pourcentage de dons s’élevait à 81 % en 2019 ; il a légèrement baissé en 2020, s’établissant à 72 %, en raison du lancement de l’initiative Santé en commun par l’AFD, constituée pour 1 milliard d’euros de prêts et 150 millions de dons. Nous sommes tenus de respecter la loi de programmation du 4 août dernier selon laquelle la part des dons doit représenter au moins 70 % de notre APD sur la période 2022-2025. Je pense que nous atteindrons ce pourcentage. Nous veillons également à ne pas dégrader la soutenabilité de la dette des pays en développement et refusons d’intervenir sous forme de prêts dans les pays à plus grand risque d’endettement. Cela nous oblige à être réalistes quant à la problématique du don.

À la rentrée 2021, les flux d’étudiants étrangers étaient identiques à ceux connus à la rentrée 2019. Après avoir connu, en 2020, des baisses liées, d’une part, à l’effet dissuasif de l’annonce des frais d’inscription majorés et, d’autre part, à la crise sanitaire, nous retrouvons le niveau de 2019. Pour l’année 2022, l’enjeu est de poursuivre la relance de la mobilité par des actions de promotion s’appuyant sur de nouvelles bourses accordées aux meilleurs étudiants. C’est la raison pour laquelle, dans le projet de budget que je vous propose, les crédits destinés aux bourses augmenteront de 6 millions d’euros, afin de renforcer l’attractivité de nos universités.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cet exposé et les questions auxquelles il a donné lieu ont été très éclairants pour la commission. Vos propos sur un certain nombre de nos préoccupations nous ont paru très rassurants.

Nous allons poursuivre l’examen de ce budget. Nous avons à examiner neuf rapports pour avis. Nous commençons demain par ce rapport assez spécifique qu’est le rapport sur le prélèvement européen. Puis, nous aborderons l’examen des rapports pour avis. Nous nous retrouverons ensuite, monsieur le ministre, en séance publique. Vous aurez alors l’occasion d’apporter les informations complémentaires qui vous ont été demandées, mais le terrain a, d’ores et déjà, été très largement déblayé. Je vous en remercie, monsieur le ministre, et, comme l’on disait au Grand Siècle, à vous revoir !

II. présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Lors de sa réunion du 20 octobre 2021, la commission a examiné le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons à l’examen des crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d’influence et à la francophonie. Le budget qui nous est présenté est en hausse, essentiellement pour les établissements d’enseignement français à l’étranger – qui nous préoccupent beaucoup –, les bourses pour étudiants en mobilité internationale et les crédits d’intervention des postes.

Selon vous, monsieur le rapporteur pour avis, nous pouvons surtout nous réjouir que nos réseaux culturel et d’enseignement aient relativement bien résisté à la pandémie de covid-19. L’accueil du public a pu reprendre. La crise sanitaire s’est toutefois fait durement sentir sur le plan financier : de très nombreuses familles ne peuvent plus acquitter les frais de scolarité ou le paiement de cours de langue ; le mécénat s’est contracté. Cette crise a néanmoins permis de réorienter notre diplomatie culturelle vers le numérique. Vous ne cessez de le rappeler – c’est même votre dada –, plus que les crédits, c’est l’amélioration du pilotage et de l’animation de nos réseaux qui permettront de renforcer notre diplomatie d’influence.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d’influence ; Francophonie). Je vous présente mon cinquième rapport pour avis à ce sujet. Pour montrer la logique de ces cinq années, je vous renvoie à deux diapositives que je vous avais projetées il y a trois ans. Mon idée, ou mon dada, comme l’a dit le président, est de passer d’une vision de la diplomatie dans laquelle les acteurs sont très regroupés, où certains sont dans la lumière mais de nombreux autres restent dans l’ombre, à une vision dans laquelle l’État est un animateur de réseaux, où l’on s’efforce de mettre en lumière toutes les actions et de les inscrire dans une logique. J’avais mis en évidence les points sur lesquels il convenait de travailler, notamment le réseau éducatif et le réseau de l’AFD.

On a beaucoup progressé, et je tiens à délivrer un satisfecit, comme je l’ai fait dans mon rapport. Je me rappelle notamment les remarques de Bérengère Poletti concernant les divergences, voire les frontières, qui pouvaient exister entre un ambassadeur et un responsable chargé de l’aide publique au développement. Nous constatons tous sur le terrain que ce problème a presque disparu, en tout cas que les choses s’améliorent.

Dans la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, magnifique texte, nous avons introduit un certain nombre d’acteurs, notamment dans le Conseil du développement – souvenez-vous des nombreux amendements portant sur sa composition. Le ministère a compris comme nous que l’influence se partage. D’ailleurs, à l’expression « diplomatie d’influence », je préfère celle de « diplomatie de métiers », étant entendu qu’il s’agit des métiers qui ne sont pas celui de diplomate.

Au niveau de l’État et de l’exécutif, il y a des signes importants d’évolution dans ce sens, qui ne sont pas seulement budgétaires. Je vous renvoie une nouvelle fois au discours prononcé par le Président de la République en 2019 devant la conférence des ambassadeurs, dans lequel il a évoqué le « généraliste » et les « spécialistes », le diplomate de métier étant en quelques sorte un chef d’orchestre en face de virtuoses. Comme nous l’avions relevé avec Jean François Mbaye lorsque nous avons évoqué la diplomatie de la forêt, cela n’aurait aucun sens d’affecter un diplomate de la forêt pour seulement trois ans dans un pays, car il faut avoir du métier, et les arbres mettent du temps à pousser.

Je me félicite des progrès de certains opérateurs. Conformément à nos vœux, l’Institut français a fait sa mue : il y a désormais une direction du réseau à l’Institut français à Paris. Il convient de le saluer. Quant aux alliances françaises, elles ont fait, depuis le début de la crise, un travail extraordinaire pour se restructurer ; il y a désormais des responsables élus pour chaque région du monde.

Dans le cadre de mon travail de rapporteur pour avis, je suis retourné cette année au Liban, où je m’étais rendu en 2017. J’y ai trouvé une diplomatie de métiers très cohérente, avec des agents qui s’appuient sur des réseaux. Le travail en réseau est désormais naturel pour eux.

Le conseiller de coopération et d’action culturelle adjoint a créé un site internet, qui recense sur une carte du Liban tous les réseaux éducatifs francophones : les écoles conventionnées, notamment les nombreux lycées français ; les écoles francophones ayant obtenu le label de certification des enseignants en langue française (CELF) ; les réseaux d’établissements chrétiens. On voit qu’il s’est posé le problème de manière assez intéressante.

L’ambassade et l’Institut français du Proche-Orient (IFPO), l’un de nos plus importants instituts de recherche à l’étranger, soutiennent un architecte libanais qui a fondé une association travaillant sur la reconstruction du quartier du port. Reconstruire ce quartier, ce n’est pas seulement refaire les maisons, c’est aussi préserver le patrimoine et, au-delà, faire en sorte que les habitants y reviennent. D’où l’importance d’une réflexion sociologique ; il ne faut pas faire des opérations immobilières. Voilà ce pour quoi cet architecte se bat, et l’un des directeurs de l’IFPO a pris l’initiative de travailler avec lui, car il a compris que la France se devait d’être présente sur cette question.

L’Institut français du Liban a lancé un programme intitulé Nafas – respiration, en arabe –, qui a permis à une centaine d’artistes libanais d’aller respirer en France. Il s’agit de bourses pour une résidence de trois mois auprès d’artistes français – qu’il a été assez facile de trouver, la solidarité s’est exprimée. Ce programme, qui n’a pas coûté très cher, a été imaginé par le terrain pour le terrain. D’après ce que m’a dit un galeriste libanais qui en a bénéficié, la France n’a jamais rien fait de mieux. Au passage, je vous invite à aller voir l’exposition « Lumières du Liban » à l’Institut du monde arabe.

Comme vous avez pu le lire dans mon rapport, une question importante va se poser à nous, celle de notre présence en Syrie. Elle sera soulevée plus rapidement par la diplomatie d’influence ou de métiers que par la diplomatie officielle. En effet, il y a encore en Syrie des salariés locaux de l’IFPO et un lycée français à Damas, qui a perdu son homologation.

Pour terminer, je reviens sur quelques recommandations que j’ai formulées dans mon rapport.

Nous devons faire un point d’étape sur le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Cet outil transversal, qui manquait au ministère, est plébiscité par les postes. Il convient désormais de le transformer de façon à mieux l’articuler avec les autres projets.

Nous avons besoin d’un outil de coordination pour la diplomatie universitaire et de recherche. Comme je l’ai dit dans l’hémicycle et dans ma contribution écrite à propos du projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, il faut casser cette idée selon laquelle on soutient la recherche en France mais on saupoudre les crédits à l’étranger.

Nous devons nous pencher sur le volontariat international. Une centaine de jeunes français sont partis dans ce cadre au Liban pour quelques mois.

J’ajoute à ces recommandations deux propositions concernant le réseau de l’AEFE. Selon moi, l’agence devrait créer en son sein un comité de gestion des établissements en gestion directe (EGD). Ces établissements sont peu nombreux, mais leur mode de fonctionnement gâche un peu le paysage du travail de réseau. Par ailleurs, le directeur de l’AEFE devrait être recruté sur une vision ou un projet de développement à cinq ou dix ans, comme l’ont été d’autres responsables de nos opérateurs, notamment le directeur général d’Expertise France. Le poste ne devrait plus faire partie du mouvement des diplomates. Compte tenu des enjeux au sein du réseau de l’AEFE, il n’est guère possible, en trois ans, de développer une action efficace.

Mme Aude Amadou (LaREM). Monsieur le rapporteur pour avis, le groupe La République en marche tient à saluer votre travail, en particulier votre développement très instructif sur le Liban. Le groupe est sensible à l’effort budgétaire consenti en faveur de l’action extérieure de l’État et se réjouit que le Gouvernement poursuive son engagement en faveur de la diplomatie culturelle et d’influence, ou la diplomatie de métiers, puisque vous préférez la désigner ainsi.

La mission Action extérieure de l’État gagnera 50,3 millions d’euros, soit une progression de 2 % par rapport à cette année. Soulignons que ce budget connaît une hausse continuelle depuis trois ans. Les crédits du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence augmenteront de 17,8 millions d’euros. Il nous semble primordial de rappeler, comme vous le faites dans votre rapport, que cette augmentation aura des conséquences réelles pour la mobilité des jeunes étrangers, donc pour l’attractivité de notre enseignement supérieur, mais aussi pour l’enseignement du français à l’étranger et la francophonie, et enfin pour le patrimoine culturel mondial, puisque 5 millions d’euros sont prévus pour financer l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH).

Dans votre rapport, vous mentionnez à plusieurs reprises la future feuille de route de la diplomatie d’influence. Où en sont les discussions au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à ce sujet ? Quelles priorités et quelles lignes directrices sont retenues pour cette feuille de route ? Quand pouvons-nous espérer qu’elle soit rendue publique ?

Le groupe La République en marche est favorable aux dispositions relatives au programme Diplomatie culturelle et influence et votera les crédits de la mission.

M. Michel Herbillon (LR). Je vous félicite à mon tour pour votre travail, monsieur le rapporteur pour avis. Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à rendre hommage à votre action et à votre engagement, depuis le début du quinquennat, sur les questions relevant de la diplomatie culturelle et d’influence ou, pour reprendre les termes qui vous tiennent à cœur, de la diplomatie de métiers.

Vous avez relevé à juste titre les progrès réalisés par l’Institut français et les alliances françaises. Le groupe Les Républicains était très mobilisé sur cette question.

Lors de son audition par notre commission, le ministre Jean-Yves Le Drian a annoncé la mise au point d’un tableau de bord pour mesurer les résultats de notre diplomatie d’influence. Nous nous étonnons – disons-le ainsi – que cela intervienne à la toute fin du quinquennat, alors que le Président de la République a considéré dès 2017 la diplomatie d’influence comme une priorité de notre politique étrangère. Pour reprendre un proverbe chinois, il est plus tard que tu ne crois… En tout cas, nous attendons avec impatience de voir cet outil de mesure.

Dans votre rapport, vous expliquez que la crise sanitaire a réduit les capacités financières des familles dont les enfants sont scolarisés dans des établissements français à l’étranger et que, dès lors, ces établissements peuvent se retrouver en difficulté. Le taux de recouvrement des frais de scolarité a baissé de 5 points depuis l’année dernière, ce qui peut fragiliser grandement la trésorerie de certains établissements. Des mesures sont-elles prévues pour leur venir en aide ?

Vous mentionnez en outre le développement et l’homologation d’établissements français grâce au « dynamisme latent des communautés francophones et francophiles locales ». Ainsi, 85 % des lycées français sont issus d’initiatives parentales, la plupart du temps associatives. De votre point de vue, cette prise de responsabilité citoyenne est-elle nécessairement positive ? L’État français ne devrait-il pas intervenir davantage dans ce domaine et être à l’origine du développement des lycées français ?

Vous accordez très justement une attention particulière au Liban, où la situation est très préoccupante. Vous notez dans votre rapport que les aides aux établissements français au Liban augmentent, mais que le nombre d’élèves qui y sont scolarisés baisse. Face à la résurgence de la violence, doit-on prévoir de nouveaux efforts pour aider ces établissements ? Quelle doit être selon vous l’ambition de ce budget dans la durée ?

Pour finir, je reviens sur le budget d’Atout France, à propos duquel j’ai interrogé le ministre la semaine dernière. Cinq millions d’euros avaient été ouverts dans la troisième loi de finances rectificative de 2020 et 2 millions d’euros de crédits additionnels avaient été versés à la fin de l’année 2020. Ces fonds, qui n’étaient pas pérennes, ont été absorbés. La représentation nationale étudie en ce moment le budget pour 2022, et non celui de 2020, et je ne peux que constater une nouvelle fois que la subvention prévue pour Atout France est inférieure de 7 millions d’euros à celle qui lui était versée avant la crise sanitaire. Ne pensez-vous pas qu’il serait pertinent de soutenir et de stimuler le tourisme en cette période de reprise, sachant que le secteur fournit plus de 2 millions d’emplois directs et indirects en France ?

M. Michel Fanget (Dem). En 2022, les crédits du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence augmenteront de plus de 15 millions d’euros, pour atteindre 730 millions d’euros. Nous nous réjouissons de ce renforcement.

Il y a plus d’un an, la politique d’influence française a été fortement perturbée par la crise sanitaire : scolarisations suspendues, mobilités étudiantes limitées, nombre de touristes étrangers en fort recul. Face à ces difficultés, le ministère a dû adapter son action et ses moyens. Au nom du groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés, je félicite les agents français qui ont permis d’assurer la continuité de nos services, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la coopération culturelle. Ils ont fait vivre la diplomatie française en plein cœur de la pandémie.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, la francophonie et, plus largement, la promotion de la langue française dans toute sa diversité demeurent des outils majeurs d’influence. C’est pourquoi le projet de loi de finances pour 2022 prévoit de maintenir la subvention versée à l’AEFE à son niveau de 2021, sachant que les établissements scolaires à l’étranger ont été durement frappés par la crise. Cette mesure va bien évidemment dans le bon sens. Ces établissements, acteurs de la diffusion de l’enseignement français et en français, sont au cœur des politiques de développement et de rayonnement culturel et linguistique de la France. Il convient donc de les soutenir. Nous notons que 10 millions d’euros additionnels seront dédiés à des aides en faveur des établissements d’enseignement français au Liban, particulièrement fragilisés par la pandémie.

Dans le cadre de vos fonctions, monsieur le rapporteur pour avis, vous vous êtes rendu au Liban à deux reprises, en 2017 et en 2021. Vous nous avez fait une intéressante présentation des modes de coopération adoptés dans les secteurs éducatif, culturel et scientifique. Toutefois, compte tenu du contexte, comment voyez-vous l’évolution de cette coopération dans les années à venir ?

L’influence de la France ne se limite pas à sa capacité à rayonner dans le monde ; elle dépend également de sa capacité à se montrer attractive. De nombreux efforts seront réalisés en la matière en 2022. Les espaces Campus France seront renforcés, ce qui contribuera à l’objectif de diversification des pays d’origine des étudiants. Plus de 6 millions d’euros de crédits additionnels seront alloués aux bourses pour soutenir les étudiants étrangers en mobilité internationale. Enfin, des tractations sont en cours en vue de créer une université franco-étrangère dans la zone indo-pacifique. Où en est-on à ce sujet ?

Les crédits ouverts en 2022 permettront d’intensifier nos actions de coopération culturelle. Les grandes plateformes de production et de diffusion à l’américaine, à l’instar de Netflix, nous rappellent tous les jours l’importance de savoir exporter un modèle et des références culturelles pour participer au jeu d’influences sur la scène internationale. Les industries culturelles et créatives constituent un levier majeur d’attractivité et de rayonnement pour la France. Le lancement de la villa Albertine aux États-Unis contribue à ce dynamisme, en remettant au goût du jour le modèle de la villa culturelle. Lancé en 2021, ce projet permettra à notre pays de jouer un rôle moteur dans la diffusion d’œuvres d’artistes français mais aussi étrangers.

Notre groupe juge ce budget équilibré et votera les crédits de la mission.

M. Alain David (SOC). Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie pour votre présentation, comme toujours passionnée.

Je m’inquiète d’une tendance lourde dans le financement des missions du ministère de l’Europe et des affaires étrangère : le remplacement des crédits budgétaires classiques par un recours de plus en plus fréquent à l’autofinancement. En effet, les établissements à autonomie financière, les alliances françaises et autres établissements conventionnés sont encouragés à s’autofinancer. Cela a deux conséquences importantes. Premièrement, les frais de scolarité et le coût des services proposés ont tendance à augmenter, ce qui compromet un accès universel à ces établissements. Deuxièmement, l’enseignement du français et l’offre culturelle à l’étranger reposent de plus en plus sur des structures privées, ce qui soulève des questions de fond quant à la cohérence et à l’orientation de la politique culturelle et éducative de la France à l’étranger.

Par ailleurs, les besoins de financement qui auraient dû être couverts par des crédits budgétaires nouveaux le sont de plus en plus par des crédits redéployés au sein du budget du ministère ou par des prélèvements sur la trésorerie des opérateurs, comme l’AEFE.

Ainsi, en matière d’aide à la scolarité, le projet de loi de finances réduit de 10 millions d’euros les crédits destinés aux bourses de scolarité et compense cette baisse par une somme identique provenant des excédents de trésorerie de l’AEFE.

Si notre ambition d’influence culturelle reste forte, ne conviendrait-il pas de le manifester dans un budget qui ne recourt pas à de semblables artifices ?

M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Avec ce budget, nous renforçons nos outils d’influence, à travers la pérennisation des campus franco-étrangers et le soutien aux industries culturelles et créatives qui font chaque jour rayonner les sensibilités et le savoir-faire français.

La crise a fragilisé le réseau, du fait de la diminution, voire de l’arrêt des activités génératrices de revenus – cours de langue, organisation des examens, certification, instruction étudiante sur la plateforme Études en France –, de la baisse du mécénat et de l’érosion du public, pour cause de baisse des revenus ou d’évolution des priorités au sein des foyers. Tout cela a affecté le quotidien de nos 3,5 millions de compatriotes à l’étranger.

Toutefois, le réseau d’enseignement français à l’étranger a bénéficié d’un plan exceptionnel de 150 millions d’euros, voté dans la loi de finances rectificative du 30 juillet 2020. L’objectif était de venir en aide aux familles, françaises ou étrangères, ayant des enfants scolarisés dans notre réseau, ainsi qu’à tout établissement en difficulté, quel que soit son statut. En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra la répartition des crédits alloués à l’action extérieure de l’État, à la diplomatie culturelle et d’influence et à la francophonie.

Nous nous interrogeons néanmoins sur la situation financière de certains établissements auxquels ont été consenties des avances de trésorerie remboursables et qui demeurent malgré tout fragiles. Ils risquent de ne pas pouvoir respecter le délai de remboursement imposé par l’Agence France Trésor : un an, c’est très court, surtout pour des établissements qui vont continuer à subir les effets de la crise sanitaire. Comment les établissements partenaires qui n’auraient pas la possibilité de rembourser et de conclure avec l’AEFE un conventionnement temporaire qui allégerait leurs difficultés financières vont-ils s’en sortir ?

N’est-il pas temps aussi d’accélérer la réflexion sur le financement des fameux 78 établissements en gestion directe ? Il nous faut trouver un financement innovant pour notre réseau d’enseignement français à l’étranger, fondé entre autres sur les anciens élèves et le mécénat ; il faut diversifier les ressources et arrêter de compresser les familles en faisant tout porter aux frais de scolarité.

Enfin, alors qu’il est acquis que le 18e sommet de la francophonie sera une nouvelle fois reporté, quel impact cela aura-t-il sur la francophonie institutionnelle, dont l’efficacité est déjà discutée, et par ricochet sur notre propre stratégie d’influence ?

M. Sébastien Nadot (LT). Les crédits du programme Diplomatie culturelle et d’influence s’élèvent pour 2022 à 730 millions d’euros, soit une hausse de 2,15 %. Fort bien, une hausse de crédits est en soi toujours la bienvenue. Mais il ne s’agit pour l’instant que de l’autorisation d’engagement : l’avenir post-élections présidentielles nous dira la vérité des dépenses effectives.

La véritable question est : pour quoi faire ? Le programme budgétaire vise tout d’abord la promotion de la langue française et l’attractivité internationale de l’université française. L’objectif est louable, mais ne croyez-vous pas qu’il soit un peu dérisoire lorsque le sentiment antifrançais se répand partout en Afrique, premier continent francophone ? Lorsque la jeunesse africaine, écœurée par tant de compromissions de la France avec les dictateurs africains, se tourne même vers la Russie ou la Turquie ? Ce que la France donne d’une main au travers de l’aide publique au développement, elle le perd de l’autre main, celle de sa diplomatie qui ignore l’État de droit et de démocratie en Afrique.

Second objectif : la diplomatie économique. Là encore, croyez-vous qu’en soutenant les dictateurs africains en échange de quelques contrats pour les grandes entreprises françaises, la France améliore sa diplomatie culturelle et d’influence ? Croyez-vous au moins que la France exerce une diplomatie économique efficace, à défaut d’être digne ? Ce n’est même pas le cas. La France oublie trop souvent les immenses possibilités d’échanges économiques entre le tissu des PME africaines et les PME françaises, qui en auraient pourtant bien besoin.

Et combien d’événements pour la gloire présidentielle, sur le modèle du récent sommet Afrique-France de Montpellier, seront-ils organisés l’an prochain sur les deniers publics ?

Derrière les chiffres dérisoires d’une comptabilité budgétaire, il y a la réalité de terrain. Il y a l’implacable réalité du recul de l’influence française dans le monde – oui, et particulièrement en Afrique. Je ne m’y résous pas, le groupe Libertés et Territoires non plus.

Mme Clémentine Autain (FI). Ces crédits connaissent une hausse, après des années de baisse : c’est mieux que rien, même s’ils restent faibles. Surtout, il n’y a pas de vision politique. Il y a un budget, mais l’on ne sait ni à quoi il sert, ni où l’on va. Ce n’est pas la montée en puissance de la diplomatie sous l’égide de Business France qui est de nature à nous rassurer : vous connaissez nos réserves sur le sujet.

Surtout, le ministre Le Drian avait promis d’ici à la fin de l’année un tableau de bord sur l’influence française. Nous attendons toujours ce document qui devient très mystérieux. Il nous permettrait peut-être d’éclairer votre stratégie et votre vision pour ce secteur particulièrement important.

J’appelle votre attention sur le fait que la France a constamment réduit les financements bilatéraux en matière de promotion du français, s’engageant dans des accords multilatéraux dont nous estimons qu’ils ne sont pas aussi efficaces.

Par ailleurs, les difficultés s’accumulent pour les étudiants étrangers : problèmes de visas, hausse des frais de scolarité… Cela pèse plus particulièrement sur les étudiants qui auraient le plus besoin de venir en France, provenant de pays africains bien sûr, mais pas seulement. C’est un grave problème.

Je pense enfin aux difficultés des instituts français à l’étranger, qui doivent s’autofinancer aujourd’hui aux trois quarts de leur budget, ce qui est énorme. Ils sont bien évidemment fragilisés et la France s’honorerait à faire davantage sur ce terrain.

M. Jean-François Mbaye. J’ai trois questions à poser à notre rapporteur pour avis Frédéric Petit, qui a suivi ces questions sur toute la législature.

D’abord, avez-vous eu écho de ce que certains étudiants étrangers auraient été empêchés de poursuivre un cursus universitaire en France en raison de leur statut vaccinal ou de certains problèmes, tels que ceux que Mme Autain a évoqués, qui ressortent du ministère de l’intérieur ? Le MEAE et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ont-ils pris des initiatives dans ce domaine ? Il serait à cet égard utile que la ministre de l’enseignement supérieur vienne brosser le tableau devant la commission des difficultés que rencontrent ces étudiants, notamment extracommunautaires.

Ensuite, alors que le français est considéré comme une langue essentiellement maîtrisée par les élites, pouvez-vous nous dire quelle est la stratégie de développement de la francophonie pour les classes modestes ?

Enfin, après le Rwanda, c’est au tour du Gabon de déposer sa candidature au Commonwealth, ce qui a suscité l’intérêt d’autres pays. Une autre tendance se dessine avec l’introduction du mandarin dans les programmes scolaires de certains pays d’Afrique, notamment l’Afrique du Sud, le Kenya ou le Mozambique. Comment assurer la cohérence de l’espace francophone en Afrique, au milieu de ces dynamiques ?

À titre subsidiaire, pensez-vous que la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui s’ouvrira en même temps que la présidence tournante de l’Union africaine (UA) sera prise par un grand pays pourvoyeur d’étudiants en France, abordera toutes ces questions ? Seront-elles posées à l’occasion du sommet UE-UA ?

Mme Bérengère Poletti. Dans ses propositions, le rapporteur pour avis Frédéric Petit suggère d’étudier de plus près l’apprentissage du français en Malaisie, où le nombre d’apprenants a triplé en dix ans, afin d’en faire un exemple à généraliser. Ce chiffre est assez étonnant, peut-on avoir quelques explications ?

M. Buon Tan. Un certain nombre d’écoles ont été affectées par la crise du covid, et notamment par le confinement, puisque les enfants qui étaient de passage en France n’ont pas pu retourner dans leur établissement. Cela a pesé sur leurs recettes. Quelque chose a-t-il été fait sur ce point particulier ? Surtout, y a-t-il quelque chose de prévu si la crise venait à se renouveler ?

Par ailleurs, par manque de moyens, nous ne pouvons pas établir des écoles françaises dans tous les territoires que nous souhaitons. Certaines personnes privées qui ouvrent des écoles semblent avoir du mal à se faire labelliser par l’AEFE, bien que respectant évidemment le programme que leur fournit cette dernière. Avons-nous une stratégie claire de développement de notre réseau ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Dans la crise massive que traverse le Liban – politique, sociale, culturelle, alimentaire – estimez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, que notre action, avec les moyens dont elle dispose et les priorités qui lui ont été fixées, permet de sauver notre système d’enseignement dans ce pays ? Tout ne risque-t-il pas d’être emporté ? Comment analysez-vous l’évolution à moyen terme de l’enseignement français au Liban ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Commençons par les bourses, dont beaucoup ont parlé. Non, monsieur Mbaye, je n’ai pas entendu parler d’étudiant étranger bloqué par la décision que nous avons prise il y a quelques années de relever les frais de scolarité. Je rappelle sur ce sujet à Mme Autain que la mécanique qui avait permis le relèvement de certains droits de scolarité en France n’a quasiment pas d’effet sur les boursiers.

Pour répondre de façon plus technique à M. Mbaye, nous avons un opérateur en la matière, qui est Campus France. La mécanique budgétaire de Campus France fait qu’il ne gère directement que 40 % à peu près de son volume de subventions. Dans ce cas, il est opérateur de programme d’échange ; le reste du temps, il est utilisé par des postes d’ambassade qui souhaitent faire venir un étudiant en France. Or il manque manifestement un outil financier à Campus France pour connaître en temps réel le niveau d’utilisation de son budget pour les bourses dont il n’est pas l’opérateur principal : très souvent, Campus France découvre en année n+1 qu’il n’a pas utilisé tout le budget dont il disposait. Voilà le vrai problème dans la gestion des bourses qui font partie de notre stratégie d’influence.

Beaucoup m’ont interrogé sur la feuille de route, ou tableau de bord. Ce n’est pas un tableau d’indicateurs. Ce travail, qui n’est pas terminé et qui devrait, madame Amadou, commencer à être disponible en fin d’année, a sans doute pour origine toute la mobilisation qui s’est opérée ici autour de l’importance de la coordination.

Car il faut bien être conscient que notre réseau a une histoire. J’entends que les familles, maintenant, sont obligées de financer le réseau d’enseignement français à l’étranger… C’est se méprendre complètement sur l’histoire de ce réseau ! Notre réseau, nous y consacrons 400 millions : il pèse 3,5 milliards ! Depuis des siècles, le lycée français de Berlin n’est financé ni par l’État français, ni par les familles d’ailleurs, mais par le Sénat de Berlin !

L’histoire de ce réseau est celle de la mise en cohérence d’une myriade d’expériences et d’initiatives familiales, économiques, associatives. Prenez le Liban : on y trouve 54 lycées et établissements homologués, 300 lycées soit labellisés soit certifiés, et 1 500 lycées privés ; et nous n’y avons aucun lycée géré directement par l’État ! Nous n’avons aucun lycée d’État aux États-Unis non plus, où il y a 57 lycées français. Ils contribuent à notre budget, et ils n’ont jamais rien coûté.

Il n’y a donc pas de changement, pas de politique nouvelle : c’est comme ça. Le processus d’homologation n’est pas lancé par l’AEFE, mais par des gens qui ont envie de créer là où ils habitent un lycée où l’on parle français, et qui se demandent ensuite comment faire pour être reconnus par l’État français. Voilà l’histoire de 90 % de notre réseau. Quand Michel Rocard, en 1990, en a eu assez de cette dispersion, il a créé l’AEFE pour regrouper les établissements et les gérer ensemble. C’est cela, notre histoire, pas celle d’un réseau qui était complètement financé par l’État et qui ne l’est plus.

Je vais beaucoup plus loin : que dirions-nous donc si un État étranger achetait 2 hectares dans le 10e arrondissement de Paris, construisait un terrain de foot, une piscine et un bâtiment de quatre étages et envoyait 100 fonctionnaires avec un statut particulier ? Que ferions-nous si l’État turc commençait à dire que dorénavant, les enfants turcs iront dans cette école et pas dans une autre, et que les Français pourront venir s’ils parlent turc ?

Je rappelle que les statuts de l’AEFE font état de coopération éducative : cela ne consiste pas à exporter des lycées sous cloche, mais à envoyer des équipes, des parents. C’est ce que nous avons fait au Liban. Et lorsque nous avons imposé au ministre l’an dernier, en projet de loi de finances rectificative, d’aider pendant la pandémie aussi les familles étrangères, cela venait de la même logique – car nous, sur le terrain, voyons bien que ce sont elles qui travaillent. Pour reprendre un exemple que j’ai déjà pris devant vous, le lycée d’Erbil, au Kurdistan, qui a tenu à trente kilomètres du front pendant trois ans, est tenu d’une main de maître par une Américaine, qui n’a même pas droit aux bourses ! C’est cela, l’histoire de notre réseau. Si on ne comprend pas cela, on s’expose à des erreurs.

C’est pour cette raison, monsieur Nadot, que je dis que notre diplomatie d’influence doit être une diplomatie d’animation du réseau. Si un conseiller de coopération et d'action culturelle, au Liban, ne se soucie que de « ses » 54 lycées français sans se préoccuper des 300 lycées francophones ni des 1 500 lycées privés, il passe à côté du sujet.

Oui, monsieur le président, la présence française au Liban soutient aujourd’hui la population. Je suis allé là-bas, et j’en suis revenu beaucoup moins marqué que de ma mission en territoire palestinien et en Israël – ceux qui y sont allés s’en souviennent : à Hébron par exemple, la haine est littéralement tangible. Au Liban donc, j’ai trouvé des élus qui, quand on leur demande de quoi ils ont besoin – des élus municipaux qui n’ont plus de compte en banque, qui gagnent 50 euros par mois ! – répondent qu’ils viennent de créer un conseil municipal de jeunes, parce qu’il faut reconstruire la démocratie dans leur pays, et qu’il faudrait leur trouver un jumelage dans une ville comparable. J’ai trouvé des maires pleins de projets. Dans cette société qui se projette, notre diplomatie d’influence est sur les bons carrefours, parce que ce n’est pas une administration qui se concentre sur ce qui dépend d’elle à 100 %. Par exemple, nous sommes présents dans la Bekaa : pas un seul fonctionnaire n’a le droit d’aller dans la Bekaa, pour des raisons de sécurité, mais nous y sommes présents, grâce à notre réseau, à notre tissu !

Voilà ce que je pense du rôle que doit jouer l’État. Et encore une fois, madame Autain, tout cela n’est pas nouveau. Les premiers consuls français, il y a deux cents ans, étaient des entrepreneurs élus par leurs pairs. L’histoire de la diplomatie française, c’est l’histoire d’une présence active dans des pays étrangers, pas celle d’un État qui envoie des fonctionnaires. Ce n’est pas notre tradition, et trop se concentrer sur ce point aveugle. Il est évident que l’État a un rôle à jouer, je le dis depuis quatre ans en demandant une augmentation des crédits, mais chaque chose doit être à sa place : si les pistons ne sont pas en face des cylindres, ce n’est pas en mettant plus d’essence qu’on fera avancer la voiture.

Ce qui nous ramène à ce que disait M. Maire tout à l’heure sur le métier diplomatique : si nous ne faisons pas la différence entre la gestion des réseaux et la diplomatie de métiers, nous aurons beaucoup de mal à préserver notre travail. Or, comme il l’a dit, ce sont les « métiers périphériques » qui ont disparu les premiers. Mais ce n’est pas périphérique, c’est fondamental ! Sauf que ce sont des métiers différents, et qu’il faut garder cette différence en tête, dans l’esprit du discours de 2019 : il y a des chefs d’orchestre, formés comme tels, et pour le reste, la présence active de la France se manifeste au travers de métiers, qu’il faut gérer différemment.

Comment toucher les classes modestes ? Justement par notre effort d’homologation. J’ai visité au Liban une école qui existe depuis vingt ans mais vient seulement d’être homologuée. C’est une école dite semi-gratuite, destinée donc à des gens modestes, qui est en fait une œuvre sociale d’une famille du coin. Et nous voilà donc avec une école française, qui va pour l’instant de la maternelle au CE1, qui a évolué, qui forme ses professeurs comme nous, qui a des filles et des garçons comme nous. Leur grand problème, c’est qu’ils ne savent pas trop comment faire pour que les parents soient représentés dans la gestion de l’établissement, ce que nous leur demandons pour être homologués.

Voilà le génie de cette façon de faire : cela ne coûte pas grand-chose à la France, mais l’éducation française atteint des gens qui n’ont pas les moyens de se payer une éducation haut de gamme. J’ai le cas dans ma circonscription : les écoles de Varna ou Sarajevo ne sont pas très chères, elles sont gérées par le tissu local et elles ont réussi à se faire homologuer. C’est compliqué, l’homologation, mais ce n’est pas en envoyant une équipe de fonctionnaires sous bulle qu’on y arrive. Je le répète, 85 % du réseau n’est pas géré directement par l’État.

Pour ce qui est de l’influence numérique, nous avons un outil qui est désormais utilisable sur toute la planète. Le ministère de l’éducation nationale a recruté quatre spécialistes du numérique de haut de gamme il y a trois ans, et a fait un travail énorme. Nous avons maintenant une plateforme en open data, utilisable par toutes les écoles et opérateurs du ministère de l’éducation nationale, capable de concurrencer les géants que sont les GAFAM. Bref, l’outil existe, les pistons sont en face des cylindres. Je propose qu’on suggère, voire qu’on impose à nos réseaux à l’étranger de quitter Zoom et de passer sur cette plateforme. C’est là que la résistance commence : puisque nous pouvons le faire dans un domaine, faisons-le.

Pour ce qui est de la Malaisie, je ne sais pas pourquoi elle, au milieu des autres, a triplé le nombre de ses apprenants en français – qui n’est pas anecdotique, puisqu’il doit y avoir, de tête, quatre ou cinq implantations. J’ai demandé un retour d’expérience, pour en savoir plus.

Madame Autain, bien sûr qu’il faut une vision, c’est ce que je dis depuis quatre ans. Mais cela ne se fait pas d’un claquement de doigts, du haut vers le bas. C’est la raison pour laquelle établir la feuille d’influence prend du temps.

Cette feuille d’influence, c’est la mise en cohérence des mises en cohérence : l’articulation de tout ce dont nous disposons, comme le plan AEFE, le nouveau plan Alliance française… Ce dernier plan est venu des alliances françaises, madame Autain : personne, dans aucun ministère parisien, ne leur a dit de s’en occuper. Ce sont les alliances françaises qui, profitant de la crise, se sont réorganisées, en partant d’un magnifique congrès mondial qui s’est tenu à l’automne 2020, par visioconférence évidemment. Tout cela doit maintenant se construire, et quand on construit de manière non centralisée, cela prend du temps.

Nous avons vu émerger cette problématique de la construction de notre stratégie d’influence à cinq ou dix ans, qui se pose de la même manière dans divers secteurs. Le ministre a compris l’importance du sujet et y a consacré des équipes et des moyens. Ces gens m’ont auditionné, et j’ai été impressionné par la qualité de leurs travaux. Ils s’attachent maintenant à établir cette feuille de route, c’est-à-dire un cadre pour l’ensemble de notre présence, qui intègre également l’aide publique au développement par exemple.

S’agissant de ce que vous avez dit sur le Commonwealth ou le mandarin appris à l’école en Afrique, oui, c’est un combat. Sans fausse modestie, je dois dire que le ministre Le Drian a repris mon expression : il ne s’agit plus de « soft power », nous sommes dans le « hard ». C’est pour cela qu’il faut s’organiser, à l’aide d’une bonne feuille de route. Dans certains pays, c’est le lycée français qui sera l’outil de base, dans d’autres ce sera l’économie.

Madame Autain, ce n’est pas Business France, avec ses quelques dizaines de millions d’euros, qui finance les 150 milliards d’investissements directs à l’étranger. Business France aide les PME à partir à l’étranger. Pour la Pologne, que je connais bien, Business France nous coûte un poste partagé à sept pays, pour une présence de nos PME qui est de l’ordre de 10 milliards d’euros.

Quant au sentiment antifrançais, évidemment qu’il faut se battre. Nous avons fait des choses importantes pour la francophonie en Afrique, par exemple en reconnaissant les langues maternelles dans l’enseignement français. Jusqu’à il y a une dizaine d’années, il n’était question que de faire parler le français aux élèves. Mais, surtout dans les petites classes, comment se targuer de faire de « l’éducation à la française » en commençant par dire aux enfants que leurs parents ne parlent pas la bonne langue ? Nous avons beaucoup évolué en matière de pédagogie, d’intégration, de tissage de relations. C’est important. Mais oui, nous sommes exposés et cette action est de l’ordre du combat.

Mme Anne Genetet. Je voudrais juste remercier la commission pour le travail, lancé par la présidente de Sarnez et repris par vous, monsieur le président, qu’elle fait pour accompagner la présence française dans le monde. Les rapports d’aujourd’hui en sont un nouvel exemple. Au nom de tous les Français qui habitent à l’étranger, je peux vous assurer que le soutien qu’elle leur apporte a pesé dans le destin de nos communautés et dans l’importance qu’elles revêtent pour la présence et l’influence de la France dans le monde.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous êtes moins fondée à nous remercier que vous ne l’auriez été à nous critiquer si nous ne l’avions pas fait !

 

Vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État »

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE3 de M. Alain David.

M. Alain David. Cet amendement et les trois suivants sont défendus

M. Christophe Di Pompeo, rapporteur pour avis. Il s’agit de doubler la dotation du Fonds citoyen commun, créé par le traité franco-allemand d’Aix la Chapelle. Cela a déjà été fait par le ministère de l’éducation nationale, qui a porté les moyens du Fonds à 2,5 millions, soit 5 millions au total avec les crédits allemands. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AE1, II-AE2 et II-AE4 de M. Alain David.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable : les crédits concernés sont déjà prévus dans le projet de loi de finances pour 2022.

La commission rejette successivement les amendements.

M. Michel Herbillon. Le groupe Les Républicains s’abstiendra sur le vote des crédits de cette mission – une abstention attentive.

M. Alain David. Le groupe Socialistes s’abstiendra également.

M. Sébastien Nadot. Le groupe Libertés et Territoires fera de même.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État non modifiés.

 

 


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   annexe n°1 : Évolution des effectifs des établissements homologués (2012-2020) et des données relatives au baccalauréat français (2004-2019) au Liban


   ANNEXE N°2 : liste des personnes entendues
ou rencontrées par votre rapporteur

1.   À Paris :

    M. Matthieu Peyraud, directeur de la culture, de l’enseignement, de la recherche et du réseau

    M. Karl Cogard, chef du pôle de l’enseignement français à l’étranger et de l’enseignement bilingue

    Mme Anne-Hélène Bouillon, sous-directrice de la 7ème sous-direction à la direction du budget

    M. Baptiste Bourboulon, chef du bureau BAED

    M. Bruno Foucher, président du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger

    M. Olivier Brochet, directeur

    Mme Raphaëlle Dutertre, conseillère aux relations institutionnelles et référente égalité

    M. Tristan Cazes, directeur des affaires financières

    Mme Béatrice Khaiat, directrice générale

    M. Thierry Valentin, directeur général adjoint

    M. Marc Cerdan, secrétaire général

    Mme Eva Nguyen Binh, présidente

    M. Erol Ok, directeur

    M. Thomas Hannebique, secrétaire général

    M. Jean-Philippe Dourche, directeur administratif et financier

    M. Bertrand Walckenaer, directeur général adjoint

    M. Bruno Asseray (Afrique du Sud)

    Mme Isabelle Le Guellec (Bénin)

    M. Patrick Perez (Madagascar)

    Mme Juliette Bigot (Rwanda)

    Mme Laëtitia Quilichini (Pérou)

    M. Lionel Paradisi-Coulouma (Argentine)

    M. Adelino Braz (Mexique)

    Mme Clarisse Paolini (Colombie)

    Mme Eve Lubin (Thaïlande)

    Mme Emmanuelle Marchand (Malaisie)

    M. Ludovic Guillot (Corée du Sud)

    M. Mounir Slimani (Pakistan)

    Table-ronde consacrée à l’éducation – Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

    Mme Nathalie Nikitenko, déléguée aux relations européennes et internationales et à la coopération

    Mme Florence Biot, sous-directrice de la transformation numérique

    M. Pierre-François Mourier, directeur de France Education International

    Centre national d’enseignement à distance

2.   Au Liban (du 27 septembre au 1er octobre 2021) :

    Son Exc. Mme Anne Grillo, ambassadrice de France au Liban

    Mme Marie Buscail, conseillère de coopération et d’action culturelle et directrice de l’Institut français du Liban

    M. Olivier Gautier, proviseur

    M. Rimah Hammoud, vice-président de l’AFLEC, directeur général du groupe Elite

    Mme Andrée Daouk, représentante du président de la Mission laïque française

    RP. Youssef Nar, Secrétaire général des écoles catholiques (SGEC)

    M. Sarkis El Khoury, Directeur général des Antiquités

    Mme Nayla de Freige, directrice du Festival de Baalbeck

    M. Fadlo Dagher, architecte

    Mme Eliane Raheb, Beirut Digital District

    M. Gilbert Hage, photographe

    M. Jean-Noël Baléo, directeur régional

    M. Khalil Al Jammal, doyen de la faculté de pédagogie de l’Université Libanaise

    Mme Zeinab Saad, directrice des relations internationales

    Mme Mélodie Bardin, Directrice déléguée de l’antenne de Jounieh de l’Institut français du Liban

    MM. Aurélien Zouki et Eric Denniaud, Directeurs de Hammana artist House

    Mme Marita Frem, Directrice

    Mme Myriam Catusse, directrice de l’IFPO

    M. Saleh Barakat, galeriste

 

 


([1]) L’AEFE bénéficie également d’une enveloppe de 95,7 M€ en AE et en CP au titre de l’action 2 « Accès des élèves Français au réseau AEFE » du programme 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » intégrant une aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap élargie aux non boursiers (1,3 M€).

([2]) Hausse de 2 millions d’euros liée à la mise en œuvre du plan pour la langue française et le plurilinguisme et à la préparation de la saison Africa 2020, et à la relance d’une démarche qualité dans les postes.

([3])  La Mission laïque française (Mlf) a également proposé de son côté un programme de formation sur l’enseignement à distance, en recourant à sa plateforme de formation « le forum pédagogique ». Entre mars et début mai 2020, la Mlf a pu ainsi proposer un programme en cinq modules qui a touché près de 2000 enseignants.

([4]) En dépit de quelques défaillances individuelles limitées, le dispositif mis en place a permis de répondre aux attentes essentielles des parents et des élèves. Les limites intrinsèques à l’enseignement à distance ne peuvent cependant être ignorées (enseignement dans les plus petites classes, notamment en maternelle), tout comme les difficultés à surmonter localement, qu’elles soient de nature technique (coupures d’électricité, connexion défaillante, équipement limité ou obsolète), appelant des réponses locales, ou de nature pédagogique (maîtrise limitée des outils numériques pour certains, difficultés liées à l’apprentissage de l’oral, à la mise en place de travail collaboratif, au volume du temps passé devant l’écran, etc.), renforçant l’impératif de différenciation nécessaire établissement par établissement.

([5]) Parmi lesquelles on trouve notamment Cuba, l’Espagne, l’Irlande, le Japon, le Liban, la RCA ou encore le Rwanda.

([6])  À noter que la situation globale du recouvrement en Afrique semble meilleure que celle reflétée par les EGD dans la zone. À l’inverse, le taux de la zone Moyen-Orient ne prend pas en compte la situation dramatique des établissements du Liban, premier réseau NATIONAL mais où on ne trouve aucun EGD.

([7])  Le conseil d’administration a acté en 2020 la possibilité pour l’AEFE de conventionner temporairement des établissements partenaires qui seraient durement touchés par la crise sanitaire de la Covid. En lien avec les postes diplomatiques, 7 établissements ont été identifiés et ont signé une convention temporaire avec l’AEFE qui est entrée en vigueur le 01/09/2021 dans trois zones, dont, au Liban, les deux établissements de l’AFLEC (les écoles Elite de Tyr et de Beyrouth, toutes deux homologués de la maternelle à la terminale, avec environ un millier d’élèves), le lycée de ville à Beyrouth (homologué de la maternelle à la terminale, 265 élèves) et l’institut moderne du Liban (homologué de la maternelle à la terminale, 295 élèves).

([8])  Le budget total de la Saison s’élève à 11,1 M€ dont 8,7 M€ pour la programmation. Le soutien à la programmation provient en grande partie du mécénat (6,35 M€) et de la contribution de l’Agence française de développement (AFD) à la Saison (1,5 M€). Le mécénat levé pour la Saison s’élève à 6,65 M€ (6,51 M€ de mécénat financier + 140 000 € de mécénat en nature) : mécénat français 3,35 M€, mécénat africain 3,3 M€.

([9]) Pour rappel,  la Caisse nationale d’assurance maladie a été mobilisée pour porter cet effort de vaccination dans les établissements, et au plus près des étudiants nationaux et étrangers.

([10]) Conférences « bien-être » organisées en décembre 2020 puis en février et mars 2021 afin de permettre aux étudiants de s’exprimer sur leur situation, signature d’un accord de partenariat avec la cellule d’écoute et de soutien Nightline, mise en place d’un partenariat avec « Ma vie en mieux », groupement de psychologues et de coachs et organisations de réunions Zooms régulières par les délégations régionales de Campus France à l’attention des boursiers du gouvernement français, séances de cinéma, de yoga ou encore d’escape game en ligne, ateliers professionnalisant en ligne en partenariat avec l’association Daradja, forte communication par mails à l’attention des boursiers.

([11])  Sur 3698 bourses du Gouvernement Français accordées pour des études longues et diplômantes au cours de l’année 2020.

 

([12])  Comme précisé ci-dessus, il est surprenant que le développement de toutes ces formes de filières bilingues ne soient pas inclus dans la nouvelle organisation de la direction du développement de l’AEFE.

 

([13])  Pour pouvoir prétendre à ces subventions, l’association doit être officiellement constituée, de droit local ou « loi 1901 », sans présenter de but lucratif. Le public de l’association, accueillant des enfants de 3 à 18 ans, doit comprendre un minimum de 50 % de Français. La pratique de la langue française doit apparaître comme but principal et spécifique dans les statuts de l’association. Les activités de l’association autour de la langue et des cultures française et francophones s’inscrivent dans le champ extrascolaire et ne se substituent pas à l’enseignement scolaire ou à l’enseignement du français langue étrangère dispensé dans les centres de langue des Alliances françaises et des Instituts français.

([14])  Aucun impact budgétaire en PLF 2022 n’est escompté, la poursuite de l’effort de communication étant portée à budget constant, après une enveloppe spécifique accordée par le MEAE (et le MESRI) en 2019 pour la conception de cette communication.

([15])  C’est le sens des recommandations formulées en mai 2020 par le groupe de travail de la commission des affaires étrangères, qui préconisaient notamment l’élaboration par chaque poste de plans « post-covid 19 » intégrant les différents domaines de la diplomatie d’influence (éducation, francophonie, coopération scientifique et universitaire, etc.), et dont l’élaboration se ferait en consultation avec les représentants des acteurs de terrain concernés.

([16]) Comme cela a été indiqué sur place à votre rapporteur, une récente mission d’inspection a salué la pertinence de ce maillage géographique.

([17]) À titre indicatif, en 2018, les cours de langue de l’IFL comptaient 4 950 inscrits. En 2020, le manque à gagner représenté par l’annulation des sessions de cours et des ateliers d’été a été estimé à près de 300 000 euros.

([18])  https://oeuvre-orient.fr/wp-content/uploads/Rapport-patrimoine-et-r%c3%a9seau-%c3%a9ducatif-chr%c3%a9tien-au-Moyen-Orient-oct-2018-C.-Personnaz.pdf

([19]) Les enfants réfugiés syriens sont désormais majoritaires dans les écoles publiques, qui représentent plus de 50 % des écoles du pays mais n’accueillent que 30 % des élèves.

([20])  Un comité mixte, composé de représentants institutionnels des deux pays, sélectionne les projets en s’appuyant sur des avis d’experts au Liban et en France. Côté français, il s’agit d’évaluations scientifiques de la Délégation aux Affaires européennes et internationales (DAEI) du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI) et avis d’experts français désignés par le comité.

([21])  La part de financement prise en charge par le programme CEDRE est comprise entre 10 000 et 18 000 € pour 2 ans (soit 9 000 € maximum par an).  Le financement est accordé sur une base annuelle, le budget doit être impérativement consommé entre le 1er janvier et le 31 décembre de l’année concernée et ne peut être reporté sur l’exercice suivant. La poursuite des projets est conditionnée à l’envoi d’un bilan financier et d’un rapport d’étape.

([22]) Le financement prévu est le suivant : 1,4 M€ par l’ANR pour les équipes françaises ; 200 000 € euros par l’AFD sur leur fonds de préparation aux projets pour financer les équipes libanaises.

([23]) La région couverte comporte le Liban, l’Égypte, la Syrie et Djibouti.

([24])  Irak :  Universités de Bagdad, Bassora, Dhi Qar, Koufa, Tikrit et Anbar ; Territoires palestiniens : Université nationale an Najah (Naplouse), universités de Birzeit (Ramallah) et d’Al Aqsa (Gaza) 

 

([25]) Le Louvre a également dépêché pour commencer les interventions au musée national et pour évaluer les dégâts du musée Sursock