N° 4526

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

TOME III

 

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

 

 

PAR Mme Valérie THOMAS

Députée

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 Voir le numéro : 4482

 


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. mission budgétaire « Aide publique au développement » : des crédits en forte hausse

A. deux programmes centrés sur les priorités de l’aide française

1. Le programme Aide économique et financière au développement

a. L’aide économique et financière multilatérale

b. L’aide économique et financière bilatérale

c. Le traitement de la dette des pays pauvre

2. Le programme Solidarité à l’égard des pays en développement

a. La coopération bilatérale et la coopération multilatérale

b. La coopération communautaire

3. Le Fonds de solidarité pour le développement

B. deux programmes nÉs des besoins de l’AFD et de la lutte contre la corruption transnationale

1. Le programme Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

2. Le programme Restitution des « biens mal acquis »

II. L’intégration de l’égalité femmes-hommes dans les politiques d’aide au développement

A. des engagements forts

1. Des textes internationaux exigeants

a. Sur le plan international

b. Sur le plan européen

2. Une émulation en provenance de l’étranger

3. Une stratégie française en progrès

B. Une France au rendez-vous

1. L’engagement de l’AFD en faveur de l’égalité femmes-hommes

2. Des programmes budgétaires en soutien de l’égalité femmes-hommes

a. Un programme 110 intégrant la dimension du genre

b. Des projets efficaces soutenus par le programme 209

3. Un exemple de réussite : le Fonds Français Muskoka

III. Les nouveaux enjeux de l’égalité femmes-hommes

1. Répondre à l’impact des crises

a. La crise de la Covid-19

b. La crise climatique

2. Relever les défis des années à venir

a. Les pesanteurs persistant dans certaines régions

b. Mieux prendre en compte les problématiques identifiées

c. Renforcer le cadre de redevabilité

3. Voir les femmes comme des acteurs essentiels du développement

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE  AU NOM DU GROUPE LIBERTÉS ET TERRITOIRES

Travaux de la commission

I. Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Liste des propositions

Liste des auditions menÉes par lA rapporteurE

 


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   introduction

 

Quelques semaines après l’adoption par le Parlement d’une loi ambitieuse de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, les crédits budgétaires de l’aide publique au développement prévus dans le projet de loi de finances pour 2022 confirment l’impulsion sans précédent donnée à cette aide depuis la réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018. Celui‑ci avait donné le coup d’envoi d’une dynamique visant à porter les dépenses d’aide de la France à 0,55 % de notre revenu national brut (RNB) en 2022. Cette dynamique s’est accentuée avec la loi du 4 août 2021 qui entend porter ce chiffre à 0,7 % en 2025.

L’engagement pour 2022 est aujourd’hui tenu, avec une aide publique au développement estimée à 14,6 Mds€ en 2022 (étant rappelé que la mission APD, qui correspond pour l’essentiel aux dépenses « pilotables », ne représente qu’un tiers environ du total des dépenses d’APD, celles-ci intégrant des dépenses de nature diverse en fonction de critères établis par l’OCDE).

Le présent projet de loi finances prolonge donc la dynamique engagée il y a quatre ans et s’inscrit résolument dans la loi du 4 août, avec une hausse de plus de 18 % des autorisations d’engagement de la mission budgétaire « Aide publique au développement » (APD). Les crédits de paiement des deux programmes principaux, Aide économique et financière au développement et Solidarité à l’égard des pays en développement augmentent de près de 1 Md€ pour s’élever à 4,9 Md€, dont 3 Mds mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cette augmentation de moyens est dirigée avant tout vers l’aide à un développement durable des pays bénéficiaires, à travers notamment des versements élevés aux grands fonds mondiaux agissant en matière de climat, de santé ou d’éducation mais aussi par le biais de la coopération bilatérale conduite par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, l’Agence française de développement (AFD) et les organisations de la société civile.

Parmi les priorités transversales fixées à notre politique d’aide au développement, l’égalité entre les femmes et les hommes occupe désormais une place particulière. Alors que le président de la République avait inauguré son mandat en décidant de faire de cette égalité une grande cause du quinquennat, il a paru utile à votre rapporteure, à l’occasion de l’examen du dernier projet de loi de finances de la législature, de faire porter cette année son avis budgétaire plus particulièrement sur cette question. Alors que l’égalité femme homme est désormais une réalité dans l’ensemble des politiques publiques, il convenait à ce moment particulier d’interroger notre APD sur cette question et de s’assurer que cette dimension était bien prise en compte.

Des avancées réelles ont en effet été accomplies tant dans les textes nationaux et internationaux que sur le terrain, avec des moyens financiers significatifs et une action concrète de l’AFD. Plusieurs dispositifs français contribuent à interroger la place des femmes, le respect de leurs droits et leur autonomisation. À cet égard, le Fonds Français Muskoka est peut‑être l’un des symboles les plus visibles de cet engagement de la France pour la promotion des droits des femmes dans les pays partenaires, notamment en Afrique.

Pour autant, nombreux sont les défis qui doivent encore être relevés. En termes de santé, d’éducation, de mariage forcé, de statut civil ou encore d’accès aux responsabilités publiques, les progrès à accomplir demeurent immenses. La crise de la Covid-19 a même entraîné des régressions, par un phénomène de repli sur la coutume et l’héritage du passé ou pour répondre dans l’urgence aux nécessités économiques et sanitaires. Au-delà de ces reculs momentanés et des progrès qui restent à accomplir, le plus grand défi est peut‑être de ne pas cantonner la question des droits des femmes à de seules exigences de justice et de réparation, mais de voir les femmes comme un facteur incontournable de la croissance et du développement, comme l’ont compris un certain nombre de pays accompagnés par la France.

Dans cet esprit, votre rapporteure formulera douze propositions pour prolonger les efforts déjà réalisés et faire contribuer mieux encore notre politique d’aide au développement à l’émancipation des femmes et à la garantie de leurs droits.

 

 

 


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I.   mission budgétaire « Aide publique au développement » : des crédits en forte hausse

Conformément à la trajectoire tracée en début de quinquennat (confirmée par la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales), les moyens consacrés à l’aide publique au développement ont fortement augmenté depuis le début du quinquennat. L’APD française a dépassé pour la première fois le seuil des 10 Mds € en 2017 et s’établissait en 2020 à 12,4 Mds €, soit 0,53 % du RNB. Conformément aux prévisions inscrites dans la loi de programmation, l’APD devrait s’établir à 17,3 Mds € en 2021 (en incluant l’annulation de la dette du Soudan) et à 14,6 Mds € en 2022.

Le présent projet de loi de finances s’inscrit dans le cadre de cet effort permettant d’atteindre 0,55 % du RNB en 2022 et tendant à atteindre 0,7 % de celui‑ci en 2025. Au total, la mission budgétaire « Aide publique au développement » (APD) se voit attribuer 6 621,5 M€ d’autorisations d’engagement (AE) en 2022, contre 5 606,1 M€ ouvertes en loi de finances initiale pour 2021, soit une hausse de 18,11 %. Les crédits de paiement (CP) des deux programmes principaux, Aide économique et financière au développement et Solidarité à l’égard des pays en développement augmentent de près de 1 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Si, tous programmes confondus, les crédits de paiement, d’un montant total de 5 104,9 M€, baissent légèrement (– 5,36 %) par rapport à l’année dernière, cela est dû à la diminution du programme de renforcement des fonds propres de l’AFD, réalisé pour l’essentiel sur l’exercice 2021, ainsi qu’au transfert progressif du financement de la coopération communautaire au budget général de l’Union européenne.

A.   deux programmes centrés sur les priorités de l’aide française

La mission interministérielle APD se décompose principalement en deux programmes : le programme 110 Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la relance, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE).

1.   Le programme Aide économique et financière au développement

Pour 2022, les crédits du programme 110 Aide économique et financière au développement s’élèvent globalement à 3 213,7 M€ en AE et 1 862,0 M€ en CP (contre 1 381,7 M€ en AE et 1 464,9 M€ de CP dans la loi de finances initiale pour 2021). Ces chiffres traduisent une augmentation de 132,58 % pour les AE et de 27,11 % pour les CP. Les crédits du programme 110 se répartissent entre trois actions.

a.   L’aide économique et financière multilatérale

Le programme 110 comporte d’abord une part importante de crédits destinés à des institutions multilatérales de développement, pour un montant global de 1 866,2 M€ en AE et 1 260,1 M€ de CP (action n° 1).

Les principales contributions à des fonds généralistes concernent l’Association internationale de développement (AID) ([1]) et le Fonds africain de développement (FAD) ([2]) , qui sont les guichets de financement concessionnel respectivement de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Elles bénéficient également à des fonds sectoriels, en particulier ceux liés au climat comme le Fonds Vert pour le Climat ([3]) et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM).

Les reconstitutions de l’AID, du FAD et du Fonds vert pour le climat ont été engagées en 2020 sur une période triennale et représentent 55,3 % des crédits de paiement du programme 110 en 2022. Afin d’aider les pays bénéficiaires à faire face à la crise actuelle, les représentants des pays donateurs de l’AID ont décidé d’avancer d’une année la vingtième reconstitution de l’AID (AID-20). Celle-ci interviendra dès 2022 au lieu de 2023 et la France sera au rendez-vous. Elle souhaite en effet que le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) devienne le principal fonds multilatéral dédié à la thématique de l’environnement et en particulier à la biodiversité, en complément du Fonds vert pour le climat.

L’action n° 1 du programme 110 finance aussi, entre autres, un programme d’appui à l’amélioration du climat des affaires en Afrique, intitulé « FIAS ([4]) » (à hauteur de 2 M€ en AE et de 1 M€ en CP). Le Sommet sur le financement des économies africaines du 18 mai 2021 a eu l’occasion de rappeler, à cet égard, le rôle fondamental du secteur privé dans le développement.

b.   L’aide économique et financière bilatérale

Le programme 110 comprend ensuite des crédits d’aide bilatérale, pour un montant de 1 177,5 M€ en AE et de 492,5 M€ en CP en 2022 (action n° 2).

Ces crédits sont destinés à soutenir l’activité de prêts aux États étrangers de l’AFD au travers des crédits de bonification de ces prêts pour un montant de 1 000 M€ en AE et de 260 M€ en CP. L’effort en faveur de l’Afrique subsaharienne passe aussi par des « aides budgétaires globales » pour un montant de 60 M€, qui visent à apporter un soutien budgétaire de stabilisation macroéconomique ou un appui aux stratégies nationales ou régionales de développement. S’y ajoute le financement de dispositifs de coopération technique permettant de renforcer les capacités des pays concernés en matière de gestion des finances publiques, de développement économique et d’intégration commerciale.

Dans la continuité du Conseil présidentiel du développement du 17 décembre 2020, ce programme finance aussi des dispositifs innovants de recherche et d’innovation dans le domaine du développement (Fonds d’innovation pour le développement ([5]), chaire de recherche en économie du développement, Pôle de recherche en économie du développement de Clermont-Ferrand). Il contribue aussi au renforcement de l’expertise française. La problématique de l’influence française est ici prise en compte avec notamment l’inscription de 10 M€ de crédits pour le déploiement d’experts techniques internationaux (ETI) dans des gouvernements étrangers et institutions multilatérales.

Le programme 110 contribue également au budget de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, créée par l’article 12 de la loi du 4 août 2021, pour un montant de 3,5 M€ en 2022. Cette commission aura pour mission de conduire « des évaluations portant sur l’efficience, l’efficacité et l’impact des stratégies, des projets et des programmes d’aide publique au développement financés ou cofinancés par la France » et de contribuer « à la redevabilité de la politique de développement solidaire et à la transparence sur les résultats atteints ainsi qu’à l’information du public ». Placée auprès de la Cour des comptes, elle sera composée de deux collèges : un collège parlementaire (deux députés et deux sénateurs) et un collège d’experts constitué de dix personnalités qualifiées.

c.   Le traitement de la dette des pays pauvre

Le programme 110 contient enfin des crédits destinés au financement des annulations de dette bilatérales et multilatérales, pour un montant de 170 M€ en AE et de 109,3 M€ de CP (action n° 3).

À l’occasion du sommet du G8 à Gleneagles en 2005, il avait été décidé d’annuler la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) envers l’Association internationale de développement (AID). À l’instar de ses partenaires, la France s’était engagée à participer à la compensation auprès de l’AID du coût de cette annulation, dans le cadre de l’Initiative d’annulation de la dette multilatérale (IADM). De même, la France s’est engagée, comme ses partenaires, à compenser le Fonds africain de développement (FAD) du coût de l’annulation de la dette des PPTE. Les crédits de l’action n° 3 visent à remplir ces engagements pris dans un cadre multilatéral.

 

2.   Le programme Solidarité à l’égard des pays en développement

Pour 2022, les crédits du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement s’élèvent globalement à 3 217,8 M€ en AE et 3 052,9 M€ de CP (contre 2 771,3 M€ en AE et 2 476,3 M€ de CP ouverts en loi de finances initiale pour 2021). Ces chiffres traduisent une augmentation de 16,11 % pour les AE et de 23,28 % pour les CP.

Hors dépenses de personnel, la dotation du programme 209 s’établira en 2022 à 2,90 Md€ de crédits de paiement, soit une hausse de 25,1 % par rapport à 2021 (+581,2 M€). Cette hausse particulièrement importante doit concourir à l’engagement de consacrer 0,55 % du revenu national brut (RNB) à l’APD à l’horizon 2022, première étape vers les 0,7 % en 2025.

La dotation du programme 209 représente ainsi au total 60 % du budget du MEAE en 2022. Elle comprend notamment 1 Md€ d’aide projet, presque 300 M€ pour les moyens de gestion et sortie de crise et environ 790 M€ pour les contributions multilatérales (dont le plan Act-A II ([6]), le Partenariat mondial pour l’éducation, l’Alliance du vaccin GAVI et le Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme).

Les crédits du programme 209 se répartissent entre trois actions (auxquelles s’ajoute une action relative aux dépenses de personnel). Ils couvrent les grandes priorités sectorielles définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) lors de sa réunion du 8 février 2018 (et réaffirmées par la loi de programmation du 4 août 2021) : la santé, le climat et la biodiversité, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les fragilités ([7]), l’éducation, la gouvernance démocratique et la sécurité alimentaire. Il avait appelé à porter une attention particulière à l’Afrique et à concentrer l’aide sur dix-neuf pays prioritaires ([8]).

a.   La coopération bilatérale et la coopération multilatérale

Les ressources allouées à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide projet (y compris la rémunération de l’AFD) atteindront pour la première fois 1 Md€ en crédits de paiement (+ 23,4 %). Elles comprennent 731 M€ (+ 18,5 %) affectés au don-projet (financement des projets de développement mis en œuvre par des acteurs locaux) et 127 M€ (+ 10,3 %) destinés au don-ONG (en conformité avec les orientations du CICID qui visent un doublement des crédits d’APD transitant par les organisations de la société civile).

La priorité accordée à l’aide bilatérale se traduit également par un maintien à hauteur de 70 M€ des moyens consacrés aux projets portés par les ambassades, via les Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Ces moyens sont mis à la disposition des ambassadeurs pour financer des projets de court terme, contrairement aux projets de l’AFD qui s’inscrivent davantage dans le moyen et long terme. Les FSPI sont ainsi des instruments souples qui permettent d’être réactif sur le terrain en complétant ou en anticipant l’action de l’AFD. Ils sont également très visibles et contribuent au renforcement de l’image de la France.

Proposition n° 1 : Augmenter les moyens humains pour la mise en œuvre des Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI).

Dans le cadre de la coopération bilatérale encore, le dispositif Initiatives des OSC (I-OSC) géré par l’AFD, atteindra 150 M€ en AE (contre 97,8 M€ en 2019, 110 M€ en 2020 et 130 M€ en 2021). Ce dispositif constitue le principal canal par lequel transite l’APD mise en œuvre par les acteurs de la société civile. Le financement en faveur du volontariat international, qui s’élèvera en 2022 à 25,6 M€ en AE et CP (+ 1,9 M€) s’inscrit également dans cette dynamique.

Par ailleurs, l’objectif fixé par le CICID tendant à consacrer 500 M€ à l’aide humanitaire en 2022 sera atteint, grâce à une hausse des crédits humanitaires de près de 170 M€ par rapport à 2021. Les trois principaux canaux d’acheminement de l’aide humanitaire verront leurs crédits progresser respectivement de 57 M€ pour les contributions volontaires aux Nations Unies, de 59 M€ pour le Fonds d’urgence humanitaire et de 42 M€ pour l’aide alimentaire programmée. 50 M€ sont réservés à l’aide humanitaire en Syrie, comme pour les exercices précédents.

Les contributions volontaires aux organisations multilatérales financées sur le programme 209 se concentrent sur trois priorités : les questions humanitaires, la préservation des biens publics mondiaux et les droits de l’Homme. Elles ciblent seize organisations en 2021 contre plus de vingt précédemment. Le programme 209 prévoit ainsi des contributions aux fonds multilatéraux en faveur de l’éducation (78 M€ dédiés à la reconstitution du cycle du Partenariat mondial pour l’éducation 2021-2025, augmentation de l’appui à l’UNESCO), du climat, de la biodiversité, de l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore de la santé. La santé restera prioritaire en 2022 : 539 M€ (dont 326 M€ pris en charge par le Fonds de solidarité pour le développement) seront versés au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP). Par ailleurs, en réponse à la crise sanitaire, la contribution française à l’initiative « Access to Covid-19 Tools Accelerator » (ACT‑A) sera considérablement renforcée : 125 M€ supplémentaires seront ainsi mobilisés, à la fois en gestion 2021 et à nouveau en 2022, en vue de garantir un meilleur accès à la vaccination dans les pays les moins bien dotés.

b.   La coopération communautaire

La part du programme 209 consacrée à la coopération communautaire, à travers le Fonds européen de développement (FED), s’élève à 487,3 M€ (en AE et en CP). Cette part est en diminution (–31,72 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021) et continuera à s’amenuiser au cours des prochaines années. En effet, en 2021, le FED a été fusionné dans l’Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale dit « NDICI ([9]) », financé entièrement par le budget général de l’Union européenne. L’adoption du NDICI entraîne la « budgétisation » du FED au sein de cet instrument unique. La contribution française à ce nouvel instrument pour 2021-2027 se réalisera donc via sa contribution au budget général de l’Union européenne. Néanmoins, les États membres continueront de contribuer au FED jusqu’à épuisement du Reste à Liquider vers 2028. Le programme 209 continuera donc à être mobilisé, sur des volumes qui diminueront progressivement, jusqu’en 2028.

3.   Le Fonds de solidarité pour le développement

Les ressources du programme 209, tout comme celles du programme 110, sont complétées par le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), géré par l’AFD pour le compte de l’État. Doté de 738 M€, ce fonds est alimenté par une fraction du produit de deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF). Alors même que ces taxes innovantes avaient été créées notamment pour financer le développement et lutter contre les excès de la mondialisation, les recettes affectées au FSD demeurent plafonnées à 210 M€ pour la TSBA et à 528 M€ pour la TTF.

Le FSD poursuivra en 2022 le financement de plusieurs fonds multilatéraux dans les domaines de la santé (Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), Unitaid ([10])).

B.   deux programmes nÉs des besoins de l’AFD et de la lutte contre la corruption transnationale

La mission budgétaire APD est complétée par deux programmes récents et de moindre ampleur, nés d’une part du besoin de renforcer l’AFD en fonds propres, compte tenu des exigences de solvabilité et du ratio de risques auxquels elle est soumise, et d’autre part de la volonté de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations des États concernés, via le financement d’actions de coopération et de développement.

1.   Le programme Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

Le programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement a vu le jour pour la première fois dans la loi de finances pour 2021. Mis en œuvre par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, il comporte une action unique.

Les crédits du programme 365 permettent de doter en capital l’AFD en 2022. Les besoins de fonds propres de l’AFD s’expliquent en particulier par l’application de règles prudentielles auxquelles elle est soumise en tant que société de financement. Une évolution législative européenne (entrée en vigueur du règlement européen CRR2) a introduit une modification de la comptabilisation des fonds propres. Depuis juin 2021, les RCS (prêts de ressources à condition spéciale, ressources très concessionnelles octroyées par l’État à l’AFD) ne sont plus prises en compte au titre des fonds propres pour le calcul du ratio « grands risques » auquel l’Agence est soumise. Techniquement, l’opération prend la forme d’une conversion en fonds propres de base des prêts de ressources à condition spéciale.

Le programme 365 est doté en autorisations d’engagement et en crédits de paiement d’un montant égal aux versements de RCS à l’AFD effectués en 2022, à mesure des décaissements par l’AFD des prêts concessionnels aux États étrangers adossés à la RCS, soit 190 M€. Symétriquement, ces prêts seront remboursés de façon anticipée par l’Agence sur le programme 853, de sorte que l’opération de conversion est neutre pour le budget de l’État.

2.   Le programme Restitution des « biens mal acquis »

En application de l’article 2 de la loi de programmation du 4 août 2021 ([11]), un programme 370, placé sous la responsabilité du MEAE et comprenant une seule action, est créé par le présent projet de loi de finances pour la restitution des « biens mal acquis ». Ce programme permettra de restituer aux populations concernées, sous forme de projets de coopération et de développement, les recettes issues de la cession par l’Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC) de ces biens « mal acquis ». Jusqu’à présent, le produit des biens mal acquis définitivement confisqués par la justice était versé au budget général de l’État français ([12]).

Le projet de loi de finances pour 2022 ne prévoit pas à ce stade d’ouverture de crédit pour le programme 370. Ce programme sera doté au fur et à mesure de l’encaissement du produit de la vente des biens mal acquis sur le budget général de l’État. La première restitution devrait concerner la Guinée équatoriale.

II.   L’intégration de l’égalité femmes-hommes dans les politiques d’aide au développement

Des progrès incontestables ont été réalisés tant en termes d’engagements nationaux et internationaux que sur le terrain, avec des initiatives concrètes de l’AFD et des moyens financiers élevés apportés notamment par les programmes 110 et 209.

A.   des engagements forts

1.   Des textes internationaux exigeants

a.   Sur le plan international

La première étape majeure réside dans l’adoption dès 1979 par l’Assemblée générale de l’ONU de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’encontre des femmes (CEDEF) ([13]) et de son protocole facultatif. Cette Convention vise à assurer le développement des femmes dans tous les domaines de la vie sociale, à lutter contre les stéréotypes de genre et à éliminer toutes les formes de discriminations dans la vie civile et politique. Le protocole facultatif fait obligation aux États signataires d’enregistrer et de prendre en considération les plaintes des victimes de viol.

En 1994, le programme d’action de la Conférence internationale pour la population et le développement (CIPD) du Caire incite à promouvoir l’égalité entre les sexes et l’accès à un système de santé le plus complet possible.

Adoptés en 1995, la déclaration et le programme d’action de la Conférence mondiale sur les femmes de Pékin visent l’autonomisation des femmes dans douze domaines (santé, conflits, économie, médias, etc.). Ils constituent désormais un cadre de référence pour les droits des femmes. Pour la première fois, 189 États signataires s’engagent à inclure effectivement l’égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines de leur action gouvernementale.

Adoptée en 2011 par le Conseil de l’Europe et ratifiée par la France en 2014, la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite Convention d’Istanbul) constitue une nouvelle étape importante.

Quant à l’Agenda 2030 pour le développement durable (adopté en 2015 par les États membres de l’ONU), il mentionne, parmi les dix-sept objectifs de développement durable (ODD) qu’il fixe, un ODD n° 5 qui vise à « parvenir à l’égalité des sexes et à autonomiser toutes les femmes et les filles » (cet ODD est accompagné de neuf cibles). De nombreux autres ODD incluent des cibles genrées. Votre rapporteure tient toutefois à souligner ici que le concept d’ODD, s’il est bien assimilé dans les pays du Nord ou les plus avancés, n’a en revanche souvent pas fait l’objet d’une véritable appropriation dans les pays du Sud et qu’il doit donc être manié avec précaution dans le cadre de la politique partenariale de développement.

Lors du Sommet du G7 de Biarritz en août 2019, les États et organisations présents ont lancé le « Partenariat de Biarritz pour l’égalité entre les femmes et les hommes ». Les signataires se sont engagés à mettre en place des mesures pour favoriser la pleine autonomisation des filles et des femmes dans le monde, notamment à travers l’adoption de législations portant l’égalité. Cette déclaration vise également à soutenir l’entrepreneuriat féminin et à lutter contre les violences sexuelles et sexistes.

Le Global Gender Summit de 2019 organisé par la Banque africaine de développement a constitué une première pour le continent. Plus de 1 400 personnes se sont réunies afin d’échanger sur les priorités en matière d’égalité femmes-hommes.

En novembre 2020, la France a accueilli le premier sommet « Finance en commun ». À cette occasion, 25 banques de développement, y compris l’AFD, ont signé une « Déclaration de Paris » énonçant quatre axes d’intervention pour encourager l’égalité entre les sexes : renforcer l’engagement des banques publiques de développement en faveur de l’égalité entre les sexes grâce à une stratégie institutionnelle, augmenter la part des flux financiers en direction d’opérations sensibles au genre, contribuer à des politiques de lutte contre le changement climatique sensibles au genre et améliorer le dialogue et la collaboration avec l’ensemble des parties prenantes sur la question du genre, notamment la société civile féministe.

Enfin, le Forum Génération Égalité (FGE), organisé à Paris du 30 juin au 2 juillet 2021, a marqué le fort engagement de la communauté internationale pour les droits des femmes et des filles sur différents sujets : violences, autonomisation économique, droits et santé sexuels et reproductifs, justice économique, innovations et technologies, mouvements féministes, agenda « Femmes, Paix et Sécurité ([14]) », droit à l’éducation, etc. La mobilisation des organisations internationales, des États et des bailleurs de fonds a permis d’aboutir à plus de 40 Mds€ d’engagements pour l’égalité de genre pour les cinq prochaines années. Ces engagements devraient se traduire par des partenariats innovants entre États, secteur privé et société civile. Le suivi technique des engagements pris par les différentes coalitions lors du FGE sera assuré par ONU‑Femmes.

Il est fondamental que la France s’assure du suivi et du respect des engagements pris au FGE et qu’elle appuie ONU-Femmes dans sa mission.

Proposition n° 2 : Veiller dans la durée au suivi des engagements du Forum Génération Égalité.

b.   Sur le plan européen

Sur le plan européen, la Commission européenne a publié en décembre 2020 son troisième Plan d’action sur l’égalité entre les hommes et les femmes (dit « GAP III »), qui détaille la façon dont elle entend promouvoir l’égalité des sexes dans son action extérieure au cours des cinq prochaines années.

L’Union européenne est par ailleurs le principal contributeur de l’Initiative Spotlight, lancée par l’Organisation des Nations Unies dans le but d’éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles (avec un investissement initial de 500 M€). Le programme est en cours dans 26 pays et six régions différentes et fera l’objet d’une évaluation au début de l’année 2022.

2.   Une émulation en provenance de l’étranger

La Suède s’est dotée en 2015 d’un plan d’action pour la politique étrangère féministe (2015-2018) et a nommé une ambassadrice en charge de l’égalité femmeshommes et de la coordination de la politique étrangère féministe ([15]). Un manuel de la politique étrangère féministe de la Suède, édité par le ministère des affaires étrangères suédois, précise que la « politique étrangère féministe (…) est une méthode de travail et une approche (…) [qui] impliquent que l’ensemble des services extérieurs suédois doivent aspirer à renforcer les droits, la représentation et les ressources de toutes les femmes et les filles, en s’appuyant sur la réalité dans lesquelles elles vivent ». Il s’agit d’un « programme de transformation qui vise à changer les structures et renforcer la visibilité des femmes et des filles en tant qu’acteurs. La discrimination et les inégalités liées au genre, quels que soient les étapes de la vie et le contexte, doivent être combattues ». Cette politique privilégie une approche intersectionnelle, tenant compte du fait que « les personnes ont des conditions de vie, des niveaux d’influence et des besoins différents ».

Couvrant un large spectre, le plan d’action suédois 2019-2022 poursuit six objectifs : assurer la pleine jouissance, par les femmes et les filles, de leurs droits humains ; lutter contre toutes les formes de violences ; inclure les femmes dans la participation à la prévention et à la résolution des conflits ainsi qu’à la construction de la paix ; assurer la participation politique des femmes dans tous les domaines de la société ; promouvoir les droits économiques et sociaux ; promouvoir les droits à la santé, sexuels et reproductifs.

L’approche suédoise se réfère à la politique dite des trois « R », qui fait référence au triptyque suivant : les droits (Rights), c’est-à-dire le plein exercice des droits fondamentaux de toutes les femmes, ce qui inclut la lutte contre toutes les formes de violence et de discrimination ; la représentation (Representation) qui encourage la participation active des femmes dans les instances décisionnelles à tous les niveaux et dans tous les domaines ; et les ressources (Ressources) qui visent à s’assurer que les ressources sont allouées à la promotion de l’égalité des genres et des chances.

Le Canada constitue, avec la Suède, l’un des pays les plus engagés dans le développement du caractère féministe de sa diplomatie et de sa politique d’aide internationale ([16]).

3.   Une stratégie française en progrès

La France n’est pas restée à l’écart de ces avancées. La notion même de « diplomatie féministe » a fortement progressé en France. Lors d’un discours prononcé le 8 mars 2018, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères en a dessiné les contours, rappelant qu’à la faveur d’« une diplomatie qui se veut féministe, la question du genre sera prise en compte dans l’ensemble des actions du ministère et de ses opérateurs, et dans toutes les zones géographiques », et donc au premier chef dans l’aide publique au développement.

Le 4 octobre 2016, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères publie sa première stratégie sur les enjeux de population, de droits et santé sexuelle et reproductifs (DSSR) (2016-2020). Celle-ci définit le cadre d’action extérieure de la France pour contribuer à la mise en œuvre du Programme d’action du Caire (1994), qui a pour la première fois introduit le concept de « santé sexuelle et reproductive » et déclaré que les politiques de population et développement devaient prendre en compte les enjeux de genre et d’égalité femmes-hommes. Cette stratégie dont l’évaluation a été réalisée au premier semestre 2021 sera renouvelée prochainement.

La France s’est ensuite dotée d’une « Stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes » couvrant la période 2018-2022. Mise en œuvre par la direction du développement durable du MEAE, elle s’articule autour de cinq grands objectifs. Elle vise à renforcer la culture institutionnelle en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte du genre au sein du ministère et de ses opérateurs. Elle a pour deuxième objectif d’intensifier le plaidoyer politique en matière d’égalité femmes‑hommes. Elle cherche à améliorer la prise en compte de cette égalité dans l’APD. Elle tend à l’amélioration et au renforcement de la visibilité, la transparence et la redevabilité de l’action du ministère et de ses opérateurs en la matière. Enfin, elle tend au renforcement des liens avec les organisations de la société civile, le secteur privé et la recherche dans ce domaine. Cette stratégie est dotée d’un cadre de redevabilité ambitieux construit autour d’indicateurs nombreux (au nombre de 75).

Enfin, la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a rénové profondément les objectifs, les moyens et les modalités de mise en œuvre de la politique de développement, consacrée comme un pilier de la politique étrangère de la France. Elle fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une des priorités transversales de la politique française d’aide au développement. Le cadre de partenariat global qui lui est annexé précise que « l’État s’engage à tendre vers un marquage « égalité femmes-hommes » conforme aux recommandations du plan d’action sur l’égalité des genres de l’Union européenne, soit en pourcentage des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale programmable française : 85 % comme objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal ». Au surplus, l’État « s’engage à ce qu’en 2025, 75 % des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale programmable française aient l’égalité entre les femmes et les hommes pour objectif principal ou significatif et 20 % pour objectif principal ».

B.   Une France au rendez-vous

Selon le Haut Conseil à l’Égalité, des progrès indéniables ont été accomplis depuis 2013 dans la prise en compte du « marqueur genre » au sein des dispositifs d’APD et dans l’augmentation des financements correspondants.

1.   L’engagement de l’AFD en faveur de l’égalité femmes-hommes

L’engagement de l’AFD pour la promotion de l’égalité femmes-hommes s’est manifesté par la mise en place d’un réseau de 70 « référents égalité » et l’adoption d’un certain nombre d’outils.

Un objectif relatif au genre a été fixé au groupe à horizon 2022 dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2020-2002 ([17]). L’indicateur n° 27 fixe ainsi pour 2022 une cible de 55 % de la part (en volume) des projets de l’AFD à l’étranger qui doivent avoir un objectif de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes (marqueurs CAD 1 ([18]) ou CAD 2 ([19])). L’indicateur n° 28 fixe au minimum à 15 % en moyenne sur la durée du COM la part des autorisations d’engagement en subventions dans les États étrangers qui doivent être marquées CAD2. L’indicateur n° 29 inscrit une cible de « 600 millions d’euros par an à horizon 2022, en s’efforçant d’atteindre 700 millions d’euros par an, sous réserve de la disponibilité de ressources en subventions suffisantes » pour le volume des autorisations d’engagement dans les États étrangers qui doivent être marquées CAD 2 (pour l’ensemble du groupe AFD). L’indicateur n° 27 a été dépassé en 2020 puisque 67 % du volume d’activité octroyé par l’AFD a présenté un co-bénéfice pour le genre (CAD 1 et 2).

L’enjeu sera d’intégrer cet objectif dans le futur COM pour 2023-2025, en renforçant notamment l’objectif actuel de 55 % de la part en volume des projets dans les États étrangers ayant un objectif de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes (marqueurs CAD 1 ou CAD 2).

Proposition n° 3 : Renforcer, dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2025 de l’AFD, les objectifs relatifs à l’égalité de genre.

Dans le cadre de sa stratégie « 100 % Lien social », l’AFD vise notamment à la réduction des inégalités de genre et se définit comme une « agence féministe ». Cette ambition se traduit à la fois par la systématisation de la prise en compte des enjeux de genre dans les cycles de projet de l’AFD à travers le dispositif « Avis Développement Durable » (ADD), par la mise en œuvre des objectifs progressifs inscrits dans la Stratégie française 2018-2022. L’AFD a par ailleurs créé un Fonds de soutien aux organisations féministes de 120 millions d’euros sur trois ans, agissant à travers trois canaux de financement (ambassades, organisations de la société civile, direction exécutive de l’AFD). Elle assure actuellement le déploiement de l’initiative EDIFIS (« Éducation, droits sexuels et reproductifs, insertion des filles et des femmes au Sahel »). L’AFD s’investit en matière d’autonomisation des femmes dans la préparation et l’accompagnement de prêt de politique publique en vue d’encourager la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes (Jordanie, Maroc, Costa Rica, Géorgie, etc.).

L’AFD agit aussi à travers le Fonds « Paix et résilience Minka ». Celui‑ci comporte des objectifs en matière d’égalité femmes-hommes pour les populations en sortie de crise. Lancé en 2017, il porte sur quatre initiatives régionales (Sahel, lac Tchad, Centrafrique, Syrie et Irak). Le Fonds a été doté de 194,9 M€ en 2020, permettant l’élaboration d’une stratégie pour la protection des femmes et des jeunes pour l’Initiative Lac Tchad, qui compte plus de trois quarts de financements CAD 2 (36 M€, 77 %) et 100 % de projets à co-bénéfices genre (CAD 1 et 2) pour l’Initiative RCA. Quant à l’Initiative Minka Moyen-Orient, elle a fait du genre une priorité stratégique pour l’année 2021.

Les engagements financiers et les projets de l’AFD en faveur de l’égalité de genre sont récapitulés dans les tableaux ci-après.

Engagements financiers de l’AFD en faveur du genre

Source : AFD

Nombre de projets en faveur du genre

Source : AFD

En 2020, 63 % des engagements financiers de l’AFD étaient ainsi marqués CAD 1 et 4 % CAD 2. En dépit des progrès réalisés, ces données restent en-deçà de pays comme la Suède, pionnière en matière de diplomatie féministe. Votre rapporteure appelle donc à ne pas relâcher l’effort et à poursuivre en particulier l’augmentation significative des projets dotés du marqueur CAD 2.

2.   Des programmes budgétaires en soutien de l’égalité femmes-hommes

a.   Un programme 110 intégrant la dimension du genre

Le programme 110 Aide économique et financière au développement finance un nombre important d’opérations visant l’égalité femmes-hommes dans les économies en développement. La très grande majorité des institutions qu’il soutient intègrent cet objectif dans leurs orientations stratégiques. Le groupe Banque mondiale et les principales banques régionales de développement sont, tout comme l’AFD, dotés de stratégies « genre ». Ces institutions intègrent de manière transversale la dimension égalité femmes-hommes dans leurs interventions et conduisent des projets ciblant spécifiquement l’égalité femmes-hommes, notamment en Afrique. Le groupe de travail des banques publiques de développement sur le genre (Multilateral Development Banks Working Group on Gender), créé en 2001, joue à cet égard un rôle de coordination. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) met ainsi en œuvre une nouvelle stratégie sur le genre, plus ambitieuse, pour 2021-2025. La Banque asiatique de développement (BAsD) a également développé plusieurs projets d’assistance technique notamment en Mongolie et au Népal, afin de renforcer l’arsenal législatif sur l’égalité femmes-hommes.

Le programme 110 finance notamment l’« Initiative G7 sur l’inclusion numérique financière des femmes » (14 M€ en CP dans le projet de loi de finances pour 2022). La France a annoncé une contribution de 25 M$ sur la période 2020‑2022 à plusieurs initiatives complémentaires (infrastructures, recherche, réglementation) contribuant à améliorer l’égalité femmes-hommes sur le sujet, notamment pour le fonds ID4D (Identity for development initiative) qui vise à faciliter l’obtention par les femmes d’une carte d’identité, qui conditionne leur accès aux institutions bancaires (dans les pays à faibles revenus, 44 % des femmes n’ont pas de pièce d’identité, contre 28 % des hommes, selon l’ID4D).

L’initiative phare AFAWA (Affirmative finance action for Women in Africa) vise à réduire le coût de l’accès au crédit pour l’entreprenariat féminin en Afrique et à favoriser l’accès des femmes aux financements pour développer leur activité et leur entreprise. Mise en œuvre par la Banque africaine de développement, l’objectif financier de cette initiative est d’atteindre les 5 milliards de dollars à l’horizon 2026. Le programme 110 contribue à son financement sur le volet « garantie » (absorption des éventuelles pertes encourues sur les prêts) (10 M€ en CP pour 2022).

Le total des interventions financées par le programme 110 ayant un objectif genre spécifique passera de 153 M€ en 2017 (exécution en CP) à 193 M€ en 2022 (CP prévus dans le présent projet de loi de finances), soit une augmentation de 26 % sur la période.

b.   Des projets efficaces soutenus par le programme 209

Dans le cadre du programme 209, la France contribue notamment au Fonds Mondial pour les Survivantes de Violences Sexuelles liées aux Conflits, lancé en 2019 par les Prix Nobel de la Paix (2018) Denis Mukwege et Nadia Murad ([20]). Ce Fonds apporte une assistance aux survivantes de violences sexuelles dans les conflits afin de faciliter leur accès à une aide médicale, psychologique, juridique et financière. La France siège au conseil d’administration du Fonds. La contribution française pour le Fonds s’élève à 6,2 M€ entre 2019 et 2022. 2,6 M€ d’AE et de CP sont inscrits au programme 209 dans le présent projet de loi de finances en faveur de ce Fonds.

Par ailleurs, la France soutient à hauteur de 120 M€ sur trois ans la structuration des organisations féministes du Sud, en partenariat avec leurs homologues présentes en France, à travers le Fonds de Soutien aux organisations féministes (FSOF). Ce soutien est un élément important pour l’émergence de mouvements féministes dans les pays en développement et le renforcement des actions de la société civile dans ce domaine.

Le programme 209 contribue, comme le programme 110, à l’initiative AFAWA (4,5 M€ en AE et en CP pour 2022). Il assume la contribution française à la partie « assistance technique » du dispositif, à hauteur de 25 M$ sur la période 2020-2024, soit une contribution annuelle en euros de 4,5 M€.

La montée en puissance depuis 2017 du FSPI (Fonds de solidarité pour les projets innovants), instrument de l’aide projet du MEAE, permet également de soutenir des projets en faveur des droits des femmes. Il en va ainsi par exemple en 2021 du projet d’appui à l’autonomisation des femmes déplacées internes au Burkina Faso (1 M€), du projet de soutien aux organisations œuvrant à la promotion des droits citoyens, sociaux et économiques des femmes en Haïti (1 M€), du projet  d’autonomisation économique et promotion des droits des femmes au Niger (1 M€) ou encore de l’initiative Femmes Enseignantes et Éducation des filles en Afrique bénéficiant aux 5 pays du Sahel ainsi qu’au Mozambique, Nigéria et Sierra Leone.

C’est également par le programme 109 que passe notamment la contribution de la France au budget d’ONU-Femmes. Encore trop méconnue, ONU-Femmes est l’agence des Nations Unies consacrée à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes. Elle joue un rôle fondamental dans l’adoption de normes internationales pour parvenir à l’égalité des sexes et travaille avec les gouvernements et les sociétés civiles en vue de concevoir les lois et les politiques concourant à cette fin. La France compte parmi les 15 pays qui contribuent le plus au budget d’ONU Femmes. Sa contribution a fortement augmenté au cours des quatre dernières années, comme le montre le tableau ci-dessous.

Contribution de la France à ONU-Femmes

 

2017

2018

2019

2020

2021

ONU Femmes

1 100 000

1 200 000

1 800 000

2 415 000

5 600 000

Source : Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances

Le présent projet de loi de finances prévoit des crédits de paiement (et des autorisations d’engagement) à hauteur de 5 605 000 euros pour notre contribution à ONU-Femmes. Si cette évolution doit être saluée, il importe qu’elle se prolonge au cours des prochaines années, notre contribution demeurant aujourd’hui inférieure à celle de plusieurs de nos voisins européens tels que la Suède, la Finlande, la Norvège, la Suisse ou l’Allemagne.

Proposition n° 4 : Augmenter la contribution financière de la France à l’agence ONU-Femmes.

Au-delà de la contribution financière, il importe que la France prenne davantage de responsabilités au sein du conseil d’administration d’ONU-Femmes, cherche à y peser et à y défendre ses points de vue et sa conception de l’égalité femmes-hommes et de l’émancipation des femmes.

Proposition n° 5 : Renforcer le poids et l’influence de la France au sein du conseil d’administration de l’agence ONU-Femmes.


La contribution du programme 209 à la promotion de l’égalité femmes-hommes est récapitulée dans le tableau ci-après.

Soutien à l’égalité femmes-hommes dans le programme 209

Source : MEAE

3.   Un exemple de réussite : le Fonds Français Muskoka

Le Fonds Français Muskoka (FFM) a été créé en 2010, à la suite du Sommet des États du G8 tenu à Muskoka au Canada. Celui-ci s’était fixé pour objectif d’accélérer l’atteinte, en 2015, des OMD (Objectifs du Millénaire pour le développement) 4 et 5 (respectivement la réduction de la mortalité infantile et l’amélioration de la santé maternelle).

Le FFM est mis en œuvre par l’AFD, l’OMS, ONU‑Femmes, l’UNFPA ([21]) et l’UNICEF. Il intervient depuis 2011 en Afrique de l’Ouest et centrale en vue d’améliorer l’accès des femmes, des enfants et des adolescents à des soins de santé de qualité. Le FFM s’inspire de la Déclaration de Paris ([22]) et s’intègre dans la stratégie mondiale pour la santé de la femme, de l’enfant et de l’adolescent développée par le Secrétaire général des Nations unies (2016-2030). Il permet de coordonner les stratégies régionales et nationales, d’harmoniser l’appui technique et de mobiliser des partenaires et des fonds dans neuf pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo), couvrant une population d’environ 200 millions d’habitants, dont 45 millions de femmes en âge de procréer. Le Burkina Faso a intégré officiellement le dispositif en 2020.

Les modalités d’utilisation du FFM ont été conçues conjointement par la France et les agences onusiennes autour de trois axes :

–  le renforcement des systèmes de santé et la qualité des services de santé maternelle et infantile dans les pays cibles ;

–  la création d’un environnement favorable en recourant aux partenariats régionaux (Union africaine, OOAS ([23]), HHA ([24])) pour accroitre les leviers financiers, la visibilité et le dialogue politique sur la santé maternelle et infantile ;

– l’appui au suivi, à l’évaluation et à la formation, incluant la documentation des bonnes pratiques et la diffusion des connaissances.

L’engagement financier français, initialement prévu pour cinq ans, a ensuite été prolongé pour deux années supplémentaires (2017 et 2018), puis renouvelé pour les cinq années suivantes (2018-2022). 10 M€ sont prévus dans le présent projet de loi de finances en faveur du FFM. L’excellence des projets financés a permis d’attirer en 2019 et en 2020 un cofinancement du Danemark à hauteur de 3 M€. Dans le cadre du Forum génération égalité, la France a annoncé qu’elle renouvellerait son engagement en faveur de la santé maternelle et infantile au travers du FFM pour les cinq années à venir, à hauteur de 10 M€ par an.

Le FFM constitue un modèle de fonctionnement. Concrètement, il soutient, par des interventions ciblées, des projets tels que l’équipement des centres de santé (y compris en médicaments), la formation du personnel, la collecte et le traitement des données, la prise en compte des violences basées sur le genre et le soutien aux ministères pour développer des plans d’action.

III.   Les nouveaux enjeux de l’égalité femmes-hommes

Si de nombreuses avancées ont donc eu lieu, dans les engagements pris comme sur le terrain, pour autant les défis qui doivent encore être relevés sont immenses d’autant plus que les crises (sanitaires, climatiques, sécuritaires, etc.) tendent à fragiliser ces acquis.

1.   Répondre à l’impact des crises

a.   La crise de la Covid-19

Selon le dernier Rapport Mondial sur l’écart entre les femmes et les hommes ([25]) du Forum économique mondial de mars 2021, la crise sanitaire aurait retardé de 36 ans le temps nécessaire pour combler les écarts entre hommes et femmes.

L’UNICEF et l’OMS ont constaté, de leur côté, que la crise de la Covid-19 avait engendré une résurgence des violences dans les contextes intrafamiliaux, en particulier en direction des femmes vivant dans les pays en développement ([26]). Les associations ont déploré une augmentation des violences domestiques, touchant majoritairement les femmes et les enfants. La surcharge de travail et le manque de moyens médicaux ont obligé les services de santé à prioriser les soins, au détriment de l’accueil et la prise en charge des victimes de violences. La pandémie a plus généralement exacerbé les inégalités existantes et entrainé une dégradation des droits des femmes et des filles.

Du point de vue économique, l’Organisation internationale du travail (OIT) estimait en 2020 que la COVID-19 pourrait faire perdre leur emploi à près de 25 millions de personnes et entraîner un appauvrissement massif des populations. Les conséquences seraient particulièrement lourdes pour les femmes, qui sont majoritaires dans les secteurs les plus touchés par la crise (tourisme, restauration, services) ainsi que dans l’emploi informel et précaire (89 % des femmes travaillent dans le secteur informel en Afrique subsaharienne et 95 % en Asie du Sud, selon ONU‑Femmes). Dépourvues d’assurance sociales, les personnes travaillant dans le secteur informel sont particulièrement vulnérables face aux maladies. La restriction des déplacements et la fermeture des frontières pénalisent également les travailleurs domestiques étrangers, qui sont pour la plupart des femmes (ONU‑Femmes évoque le chiffre de 8,5 millions de femmes migrantes travailleuses domestiques touchées par les restrictions, dont la perte de revenu se répercute sur les personnes à leur charge dans leurs pays d’origine).

Premières victimes des conséquences de la pandémie, les femmes sont dans le même temps aux avant-postes de la réponse à la crise sanitaire puisqu’elles représentent plus de 70 % du personnel soignant dans le monde ([27]). Cette situation les expose particulièrement aux risques de contamination, sans qu’elles aient toujours elles-mêmes accès à des moyens suffisants de protection. Les confinements qui se sont accompagnés de la fermeture des écoles ont nécessité une disponibilité accrue des parents, mais le plus souvent des femmes, pour s’occuper de leurs enfants. De plus, dans la plupart des pays en développement, les femmes sont en charge de l’accès aux ressources naturelles (eau, cueillette, récolte, etc.) et subviennent aux besoins immédiats de la famille, tâches que les restrictions de mobilité viennent compliquer. Les femmes sont également souvent en charge des soins de santé lorsqu’un membre de la famille tombe malade.

En matière d’éducation, il est établi que les inégalités de genre nuisent aux droits des filles. Le tournant du passage au secondaire est crucial et celui-ci s’effectue plus difficilement pour les filles que pour les garçons dans un certain nombre de pays. Dans le monde, 130 millions de filles étaient ainsi exclues de l’école avant le début de la pandémie de Covid‑19. Au plus fort de la pandémie, des écoles ont été fermées dans 192 pays, touchant 1,6 milliard d’élèves ([28]). Cette fermeture massive des écoles dans le monde, liée aux mesures sanitaires, risque de conduire plus de 20 millions de filles supplémentaires à rester en dehors des bancs de l’école, notamment parce qu’elles ont été appelées à travailler pour subvenir aux besoins de la famille ([29]) . Le droit à l’éducation des filles est donc remis en cause pour un grand nombre de filles.

La pandémie a également vu l’augmentation des grossesses précoces et des mariages d’enfants.

b.   La crise climatique

Les crises, quelle que soit leur cause, ont nécessairement plus d’impacts sur les filles que sur les garçons. Il en va ainsi des crises sanitaires comme des crises sécuritaires (avec les violences sexuelles dans les zones de conflit) et des crises climatiques. Comme l’a écrit l’association Adéquations à votre rapporteure, « les femmes et filles en milieu rural et dans les zones fragilisées par l’impact du changement climatique sont particulièrement concernées ». Au sein des régions rurales où elles portent des responsabilités familiales comme l’approvisionnement en eau et la sécurité alimentaire, elles sont les premières victimes des changements climatiques. Dans les zones rurales, en temps de sécheresse ou d’inondations, elles travaillent plus pour garantir des moyens de subsistance, ce qui leur laisse moins de temps pour bénéficier de l’éducation. Rappelons en effet que les femmes jouent un rôle clé dans la production alimentaire mondiale (50 à 80 % selon l’ONU). Les changements climatiques continueront à être un facteur supplémentaire de vulnérabilité pour les femmes ([30]).

2.   Relever les défis des années à venir

a.   Les pesanteurs persistant dans certaines régions

Les zones dans lesquelles les défis en matière d’égalité femmes-hommes sont les plus aigus demeurent situées en Afrique de l’Ouest et centrale, et en particulier dans le Sahel. Les pays en situation de conflit constituent en outre des terrains particulièrement difficiles à investir, en raison de la superposition des crises.

Le défi principal réside dans les très fortes pesanteurs culturelles ou religieuses qui freinent certaines dynamiques de développement. On assiste incontestablement depuis quelques années dans certaines zones géographiques à une forme de retour aux traditions, parfois sous l’influence de certains partenaires étrangers. Ce phénomène exerce une pression sur les dynamiques sociales et réduit les espaces de liberté notamment pour les femmes. Lorsque seulement 14 % des filles scolarisées dans certains pays achèvent le cycle secondaire, il est bien difficile pour elles de trouver une place au sein d’une société au conservatisme grandissant.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, a porté des recommandations portant notamment sur le droit à l’éducation, la lutte contre les pratiques traditionnelles néfastes (dont les mutilations génitales féminines), la participation des femmes à la vie économique, le droit à la santé y compris maternelle et reproductive, les violences basées sur le genre, la lutte contre les mariages précoces et forcés et les droits des femmes et des filles.

b.   Mieux prendre en compte les problématiques identifiées

Il existe plusieurs problématiques spécifiques sur lesquelles les efforts devraient être concentrés.

Comme l’a relevé UNICEF France lors de son audition, la question politique de « l’adolescence » n’est pas assez prise en compte aux niveaux nationaux et internationaux. Il s’agit pourtant d’un moment clé à de nombreux points de vue (éducation, nutrition, santé, etc.), et donc une étape fondamentale pour promouvoir l’égalité entre les sexes.

Proposition n° 6 : Mieux prendre en compte l’adolescence dans les programmes d’aide en faveur des femmes.

Le mariage des filles constitue ensuite un sujet sur lequel il y a eu certes des progrès. Malheureusement, chaque crise ramène son lot de mariage d’enfants ou d’adolescentes, par un phénomène de repli culturel sur la coutume ou par calcul économique. Selon l’UNICEF, une femme sur cinq est mariée pendant son enfance à travers le continent africain, avec une prédominance en Afrique subsaharienne. Par exemple au Niger, 77 % des femmes de 20 à 24 ans sont mariées avant l’âge de 18 ans, ce qui constitue le taux le plus élevé dans le monde. L’âge légal du mariage au Niger est d’ailleurs de 15 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons (en application de l’article 144 du Code civil nigérien). En dépit de nombreuses sollicitations, cet âge n’a toujours pas été rehaussé et la loi nigérienne demeure en contradiction avec plusieurs conventions internationales pourtant ratifiées par le pays.

Un grand nombre de pathologies sont au demeurant dues aux grossesses précoces. Celles‑ci vont jusqu’à causer la mort d’adolescentes. Aux mariages précoces et forcés s’ajoutent des fléaux tels que les mutilations génitales, avec une prédominance en Afrique subsaharienne et dans la corne de l’Afrique, ou l’infection par le VIH.

L’enregistrement des naissances figure également parmi les problématiques fortes qui ont été signalées à votre rapporteure, le bénéfice de l’enregistrement des naissances différant dans certains pays en développement selon que l’on est un homme ou une femme, avec toutes les conséquences en termes de statut civil que cela comporte.

Enfin, il est ressorti des auditions menées par votre rapporteure le besoin particulier d’un soutien aux réformes et à la gouvernance des pays partenaires. Mme Vanessa Moungar ancienne directrice du département genre, femmes et société civile à la BAD et membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique, a souligné les besoins des États africains en ce domaine et appelé à faire émerger une nouvelle génération de dirigeantes sur le continent. Ceci pourrait prendre la forme de programmes de soutien politique organisés par la France. La diaspora africaine, dont la ministre Élisabeth Moreno a souligné le rôle irremplaçable lors de sa rencontre avec votre rapporteure, pourrait contribuer à bâtir ce nouveau pont entre la France et l’Afrique.

Proposition n° 7 : Contribuer à faire émerger une nouvelle génération de dirigeantes africaines grâce à des programmes de formation politique des jeunes générations.

c.   Renforcer le cadre de redevabilité

L’efficacité de l’aide est liée à celle de la collecte des données en matière d’égalité de genre. Si l’AFD est en mesure de collecter des données au sein des pays où elle opère, elle reconnaît qu’il lui est difficile de les maintenir à jour. Par ailleurs, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a souligné dans son rapport intitulé « La diplomatie féministe. D’un slogan mobilisateur à une véritable dynamique de changement ? » que les chiffres communiqués par les différentes institutions en charge de l’APD genre manquaient de lisibilité et étaient difficilement comparables. La Banque africaine de développement (BAD) a innové en lançant un indice de l’égalité des genres, en collaboration avec la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique. Cet instrument apparu en 2015 permet de calculer le degré d’égalité de genre sur le continent. Lors de son audition, Mme Vanessa Moungar a souligné la fiabilité de cette indice.

L’APD française peut donc encore progresser en termes de lisibilité, de redevabilité et de collecte de données désagrégées par sexe.

Proposition n° 8 : Améliorer le cadre de redevabilité de l’APD française en matière d’égalité femmes-hommes.

Un autre moyen efficace pour évaluer la contribution de notre aide publique au développement à l’autonomisation des femmes et à la garantie de leurs droits sera d’en confier la tâche à commission d’évaluation de l’aide publique au développement, créée par la loi du 4 août 2021. Rappelons que celle-ci comprend un collège de parlementaires composé de deux députés et de deux sénateurs, qu’elle peut être saisie de demandes d’évaluation par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat, qu’elle adresse l’ensemble de ses rapports d’évaluation au Parlement et qu’elle remet au Parlement, une fois par an, un rapport faisant état de ses travaux, conclusions et recommandations.

Proposition n° 9 : Confier à la commission d’évaluation de l’aide publique au développement un suivi régulier des progrès de l’égalité femmes-hommes dans les pays partenaires.

3.   Voir les femmes comme des acteurs essentiels du développement

L’égalité femmes-hommes dans l’aide au développement aura vraiment progressé le jour où cette question ne sera plus abordée seulement en termes de justice et de réparation, mais où les femmes seront vues comme un facteur incontournable de la croissance et du développement.

Une prise de conscience en ce sens commence à se faire jour dans les pays en développement. C’est le cas notamment en Mauritanie, pays dans lequel votre rapporteure s’est rendue très récemment. L’investissement pour la cause des femmes y est vu comme « rentable » par le Gouvernement. Selon M. Saleck Jeireb, directeur des études au ministère des affaires sociales, de l’enfance et de la famille de la Mauritanie, les inégalités de genre sont préjudiciables à la croissance. Selon une étude récente (2021), la perte de richesse due aux inégalités entre les genres s’élèverait à 21,4 milliards dollars américains (USD) en Mauritanie (soit 5 395 USD par habitant). La Mauritanie pourrait ainsi augmenter sa richesse totale de 19 % si l’égalité des genres était réalisée.

La Mauritanie met d’ailleurs en œuvre une « Stratégie de croissance accélérée et de partage de la prospérité 2016-2030 » qui vise notamment à réduire les inégalités de genre et à lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles. Le Gouvernement met en œuvre une « Stratégie Nationale d’Institutionnalisation du Genre » (SNIG), adoptée en 2015. Cette stratégie s’appuie sur des budgets et des systèmes de suivi sensibles au genre. Elle inclut notamment la conception d’un programme pilote par le département ministériel en charge du genre, la réalisation d’audits genre annuels systématique pour les ministères les plus stratégiques et l’introduction de la dimension genre dans la loi de finances (avec examen par une commission parlementaire genre).

M. Saleck Jeireb a fait part à votre rapporteure de l’intérêt de son pays pour coopérer à nouveau avec l’AFD et Expertise France, dans le cadre d’un projet éducatif favorisant la poursuite d’études par des jeunes filles du secondaire. Le ministère mauritanien de l’action sociale souhaite en effet créer des internats pout accueillir les jeunes filles déplacées de leur village natal et leur offrir des conditions de vie leur permettant de poursuivre des études.

Pour contribuer au changement de paradigme concernant le lien femmes-développement, votre rapporteure avance trois propositions. La première porte sur les « conseils locaux de développement » prévus par la loi du 4 août 2021. Celle-ci dispose que, dans les pays partenaires, chaque ambassadeur présidera un conseil chargé d’assurer la cohérence des efforts de l’ensemble des acteurs de l’équipe France à l’international. Il y invitera en particulier les représentants de la société civile. Votre rapporteure suggère que le représentant d’ONU‑Femmes, lorsque cette agence est présente dans le pays concerné, soit systématiquement convié aux réunions du conseil local de développement, comme garant de la prise en compte des enjeux de droits des femmes.

Proposition n° 10 : Convier le représentant d’ONU-Femmes au conseil local de développement.

En second lieu, un ambassadeur (ou une ambassadrice) thématique en charge de l’égalité femmes-hommes permettrait d’assurer la continuité des travaux déjà engagés par la France en matière d’égalité de genre, d’assurer le suivi des engagements pris au Forum Génération Égalité et de porter la voix de la France sur ces sujets dans les enceintes internationales.

Proposition n° 11 : Nommer un ambassadeur thématique en charge de l’égalité femmes-hommes.

À plus long terme, votre rapporteure invite à réfléchir aux moyens de mettre en place, dans notre aide publique au développement, des dispositifs de « bonus » qui permettraient, pour des projets intégrant dans leur conception la promotion de l’égalité femmes-hommes, d’octroyer un surplus de financement (ou d’autres avantages), l’idée étant d’avoir un effet incitatif le plus en amont possible.

Proposition n° 12 : Réfléchir aux moyens de prévoir un dispositif de « bonus » pour les programmes ou les projets intégrant la promotion de l’égalité femmes-hommes.

 

 


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   CONTRIBUTION PRÉSENTÉE
AU NOM DU GROUPE LIBERTÉS ET TERRITOIRES

La crise sanitaire a conduit à plonger 118 millions de personnes supplémentaires dans la faim entre 2019 et 2020. Le contexte particulier que nous vivons nécessite un effort de solidarité décuplé.

Nous saluons donc la hausse des crédits de près de 1 milliard d’euros supplémentaires dédiés à la mission Aide publique au développement (APD) dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022, qui représente plus de 4,9 milliards d’euros au total.

Nous saluons en particulier la hausse de l’aide humanitaire à 500 millions d’euros (+170 millions d’euros comparé à 2021), dans le programme 209.

Le nouveau programme restitution des biens mal acquis (programme 370) permet de mettre en œuvre une mesure particulièrement bienvenue de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, en permettant la restitution aux populations concernées d’une partie des biens qui leurs ont été spoliés par leurs dirigeants.

Il est cependant nécessaire de rappeler que les crédits de la mission ne représentent qu’un tiers du total de ce qui est comptabilisé en APD car le calcul du total des dépenses d’APD intègre des dépenses diverses en fonction des critères établis par l’OCDE.

Cette dispersion comptable rend ardu le pilotage, le suivi et l’évaluation de l’APD, tant pour la société́ civile que pour le contrôle parlementaire, comme le souligne notamment Coordination Sud, organisation regroupant les ONG françaises de solidarité internationale.

Ainsi, les montants globaux d’APD peuvent être considérés comme étant en trompe l’œil. Par exemple, la très forte hausse de l’année 2021, à 17,6 milliards d’euros, était notamment due à la comptabilisation de l’effacement de la dette du Soudan, qui s’élevait à près de 5 milliards d’euros.

Pour 2022, l’ensemble de ce qui est comptabilisé en APD représente 14,6 milliards d’euros.

Avec cette hausse, la trajectoire prévue dans la loi de programmation du 4 août 2021 est respectée, avec un total de l’APD qui devrait représenter 0,56 % du RNB en 2022, atteignant ainsi les 0,55% visés.

Nous nous satisfaisons de cet effort.

Nous rappelons toutefois, que lors de l’examen de la loi de programmation nous avons été nombreux à exprimer notre regret sur le fait que la programmation ne s’étende que jusqu’à 2022. La loi prévoit que la France « s’efforcera » d’atteindre 0,7 % du RNB en APD en 2025. Nous regrettons que cette formulation n’ait pas de valeur contraignante et aurions préféré que la France « consacre » 0,7 % de son RNB à l’APD en 2025, conformément à l’engagement d’Emmanuel Macron. Nous espérons donc que l’effort se poursuivra bien pour atteindre 0,7 % du RNB en 2025, comme l’ensemble des pays riches se sont engagés à le faire par une résolution à l’Assemblée des Nations unies en 1970.

La loi 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a néanmoins inscrit dans le marbre de nombreuses orientations positives pour l’aide publique au développement, que nous demandions.

Elle a notamment prévu un meilleur contrôle parlementaire de l’affectation et de l’utilisation de l’aide publique au développement.

Elle a aussi inscrit des priorités thématiques, au premier desquels l’éradication de la pauvreté, et des priorités géographiques, avec une cible d’au moins 25 % de l’aide consacrée à 19 pays prioritaires parmi les moins avancées, des pays d’Afrique Subsaharienne ainsi qu’Haïti. Le montant affecté à cette cible aurait toutefois pu être encore plus important. En effet, l’argent de l’aide au développement doit aller en priorité aux populations qui en ont le plus besoin. 

Nos amendements adoptés pour renforcer l’accessibilité des produits de santé issus de la recherche publique, ou encore pour qu’une obligation de vigilance s’applique aux acteurs du développement, ont aussi contribués à améliorer cette loi.

Notre groupe a demandé à de nombreuses reprises que l’aide au développement français priorise davantage les dons sur les prêts à l’instar de ce qui se fait dans la plupart des pays.

La loi de programmation a inscrit cette priorisation des dons sur les prêts, en précisant que les dons devront représenter 70% du montant total de l’APD, hors allègement de dettes et prêts aux institutions financières. Cela vient insuffler une évolution positive au modèle français d’aide au développement qui tend encore trop à concevoir l’aide comme un investissement alors qu’elle devrait en premier lieu avoir vocation à aider les populations. Toutefois, ce montant reste inférieur à notre demande et à la moyenne des pays donateurs de l’OCDE, qui se situe autour de 85 %.

Enfin, une recommandation importante que notre groupe relaie est d’accroitre le fléchage de la taxe sur les transactions financières à l’APD. Cette taxe représente 1,3 milliard d’euros de recettes en 2022, dont moins de la moitié est affecté à l’APD. Il est nécessaire de faire de ce moyen de financement innovant un véritable outil de justice fiscale, alors que la spéculation financière ne cesse de s’accroitre.

En définitive, malgré les réserves exprimées, le groupe Libertés et Territoires émet un avis positif sur les crédits en hausse significative de cette mission pour 2022, matérialisant ainsi plusieurs des objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août 2021 que nous avions contribué à renforcer.

 

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition de M. Jean-Yves Le drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Lors de sa réunion du 12 octobre 2021, la commission a entendu M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2022.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver et d’accueillir M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur un sujet stratégique et essentiel : le projet de loi de finances pour 2022.

Avec la présentation du dernier budget de la quinzième législature, je souhaiterais mettre en perspective les efforts financiers de l’État en faveur de son action extérieure et de l’aide publique au développement (APD).

Les moyens budgétaires alloués à la mission Action extérieure de l’État pour 2022 s’élèveront à 2,98 milliards d’euros, soit 0,77 % du total des dépenses du budget général de l’État, ce qui est modeste. Je ne laisse pas de m’étonner et, du reste, la commission s’est souvent indignée que l’État puisse porter sur une si infime fraction de la dépense publique le si grand effort de réduction de la dépense budgétaire. Votre ministère a fortement contribué à cet effort au cours des années antérieures. Durant les trente années qui ont précédé 2017, début de l’actuelle législature, il a perdu plus de la moitié de ses effectifs, et un tiers au cours des dix années précédentes. Depuis le début de la législature, nous sommes passés de 13 791 emplois équivalent temps plein (ETP) à 13 563 en 2021. Vous avez donc interrompu, monsieur le ministre, cette hémorragie qui nous préoccupait fortement.

Dès lors que nous avons fait le choix stratégique et justifié de maintenir un réseau diplomatique et consulaire couvrant la planète entière, poursuivre les efforts de réduction serait revenu à attaquer l’os après la chair et à faire mourir l’action internationale d’inanition, sous couvert de mener un combat, certes globalement nécessaire, contre l’obésité de l’État. Ce n’est pas à l’action extérieure de l’État de mourir pour lutter contre l’obésité générale de l’État ! Le chiffre de 0,77 %, à l’instant cité, suffit à le démontrer.

Je constate donc avec satisfaction le coup d’arrêt donné à cette politique de réduction. Elle finissait par remettre en question l’action diplomatique et la présence même de la France à l’étranger. Les moyens financiers en personnel ont été stabilisés, voire ont connu une légère progression au titre de 2021. Il en sera de même en 2022, puisque 43 ETP supplémentaires seront accordés au ministère, essentiellement pour recruter des apprentis, ce qui n’est pas négligeable. Une analyse comparable peut être faite sur les moyens financiers de fonctionnement de nos postes à l’étranger et sur nos investissements immobiliers. Là encore, les moyens sont revus à la hausse pour 2022.

Je relève, dès à présent, l’effort consenti en faveur des bourses délivrées aux étudiants étrangers en mobilité internationale, les aides complémentaires versées aux établissements d’enseignement français à l’étranger, en particulier au Liban, et la poursuite de l’exécution du plan de doublement du nombre des élèves du réseau de l’enseignement français à l’étranger d’ici à 2030, la dotation de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) ayant déjà été augmentée de 25 millions d’euros.

En 2020 et 2021, votre ministère s’est également mobilisé pour apporter une aide aux Français établis hors de France affectés par la pandémie : 155 millions d’euros ont été débloqués en 2020 et le budget des affaires sociales a été rehaussé de 3 millions en 2021. Il ne sera pas réduit en 2022, ce dont nous avons tout lieu de nous réjouir.

Vous nous parlerez enfin, monsieur le ministre, de l’aide publique au développement qui mobilise plus de la moitié des moyens budgétaires de votre ministère. La trajectoire que nous avons votée dans la loi de programmation du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales est respectée, à savoir 0,55 % du revenu national brut (RNB) en 2022 afin de s’efforcer d’atteindre 0,7 % en 2025. Les crédits de la mission augmentent de près de 1 milliard d’euros pour s’élever à 4,9 milliards d’euros, dont 3 milliards fournis par votre ministère. La progression depuis 2017 atteint 2,15 milliards d’euros. Je constate à ce sujet que la prévision budgétaire pour 2022, inscrite à l’article 2 de la loi du 4 août 2021, est déjà dépassée de 100 millions. Compte tenu de la prévision du RNB pour 2022, l’aide publique française devrait dépasser les 14,5 milliards d’euros l’année prochaine.

Enfin, conformément à l’amendement que nous avons adopté à l’initiative de notre collègue Hervé Berville, le Gouvernement a créé un nouveau programme budgétaire que vous piloterez, destiné à mobiliser les produits de cession des biens mal acquis qui seront restitués aux populations concernées, au travers de projets de coopération. Il s’agit là d’une action novatrice qui, je l’espère, inspirera d’autres États étrangers, mais qui n’est qu’un modeste premier pas sur la voie d’un assainissement général de la gestion des finances dans le continent africain.

Nous vous écoutons, monsieur le ministre, avec le plus grand intérêt !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis très heureux de participer à cette réunion de présentation de l’évolution des missions Action extérieure de l’État et Aide publique au développement. Cette année encore, la trajectoire à la hausse de ce budget se confirme pour atteindre, en 2022, 6,03 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 12 %, ce qui n’a pas dû se produire souvent au cours des vingt dernières années. Ce sont 627 millions d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale de 2021. La mission Action extérieure de l’État progresse substantiellement de 50 millions d’euros et le programme 209 Aide publique au développement augmente significativement pour rester conforme aux objectifs de la loi de programmation relative au développement solidaire votée par le Parlement après un travail dense de votre commission.

Le projet de loi de finances pour 2022 confirme le renforcement durable des moyens de notre diplomatie, comme je m’y étais engagé devant vous l’année dernière lors de l’examen du budget 2021. La progression constatée en 2021 se confirme de manière encore plus significative que ce que j’imaginais alors, grâce aux efforts de tous et de vos prises de position, en particulier au moment du débat sur la loi de programmation relative au développement solidaire.

Le projet de loi de finances pour 2022 répond à cinq orientations majeures : investir dans le capital humain du ministère et dans les moyens de fonctionnement de notre diplomatie ; renforcer notre action en faveur de la préservation de la paix et de la défense du multilatéralisme ; pérenniser et moderniser notre engagement auprès de nos compatriotes à l’étranger ; consolider nos outils d’influence ; accélérer notre effort en matière d’aide publique au développement.

La première de ces orientations consiste à nous donner les moyens de remplir nos missions et de mettre en œuvre les évolutions dont notre ministère a besoin. La stabilisation des effectifs du ministère obtenue l’année dernière se poursuivra jusqu’en 2022. L’arrêt du programme Action publique 2022 est aujourd’hui confirmé. Cette décision inscrit dans la durée l’arrêt de l’attrition de nos ressources humaines, qui devenait de moins en moins soutenable.

Le plafond d’emploi du ministère est porté à 13 606 ETP, soit 43 ETP supplémentaires, dont 40 seront mobilisés pour recruter des apprentis. À ce propos, je tiens à souligner la mobilisation et le grand professionnalisme dont ont fait preuve les agents impliqués dans l’opération d’évacuation Apagan qui a permis, cet été, de mettre en sécurité nos compatriotes, nos collègues afghans, ainsi que nombre d’Afghanes et d’Afghans menacés en raison de leur combat pour des valeurs qui sont aussi les nôtres.

Parallèlement à la stabilisation du plafond d’emploi, notre masse salariale connaîtra une hausse maîtrisée et ciblée. Elle se verra ainsi dotée de 1,183 milliard d’euros, en progression de 19 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2021. Une provision de 12 millions est dorénavant inscrite en socle pour couvrir le risque de change et de prix sur les rémunérations des agents du ministère face aux importantes fluctuations qui peuvent intervenir en la matière à l’étranger. Ce dispositif permet d’améliorer la transparence et l’équilibre du budget du ministère. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité le reconduire en 2022 et le pérenniser.

Notre masse salariale prévoit 4,1 millions d’euros de mesures catégorielles, dont la moitié sera consacrée à la revalorisation annuelle des salaires des agents de droit local. Il était indispensable d’agir en ce sens. C’est une amorce significative qui est actée dans le projet de budget.

Cette masse salariale et l’ensemble budgétaire proposé permettent d’engager une réforme d’ampleur des ressources humaines. Elle comprend la réforme de l’encadrement supérieur de l’État, en cours d’élaboration, ainsi qu’une série d’initiatives que j’ai prises après avoir confié, en 2020, à l’ambassadeur Jérôme Bonnafont une mission sur la valorisation des métiers et des carrières diplomatiques. Elles trouvent leur traduction budgétaire dans le cadre du présent projet de loi de finances. Le coût de cette réforme est raisonnable tout à la fois pour les finances publiques et pour le budget du ministère des affaires étrangères. Une enveloppe de 30 millions lui est dédiée en 2022, dont 20 millions s’inscrivent dans notre masse salariale.

Cette réforme des ressources humaines se décline en une série de mesures concrètes, dans un double objectif d’équité entre les agents et de meilleure reconnaissance des métiers qu’ils exercent. Nous renforcerons tout d’abord l’attractivité des métiers diplomatiques en rapprochant les rémunérations d’administration centrale de celles qui sont versées par des ministères comparables. Nous avons, en effet, constaté des écarts significatifs à métiers comparables en termes de responsabilité exercée, que rien ne saurait justifier. De plus, à l’étranger, nous rapprocherons les rémunérations des agents contractuels et des agents titulaires lorsque les fonctions exercées sont identiques, et nous harmoniserons les rémunérations des agents de droit local. Nous programmerons également des mesures de fluidification du déroulement des carrières, de valorisation des fonctions d’expertise de haut niveau et d’accompagnement de la mobilité. Enfin, une enveloppe de 20 millions sera dédiée au recrutement d’apprentis.

Cette réforme s’accompagne, par ailleurs, d’un important volet hors dépenses de personnel. Un budget de 3 millions d’euros est consacré à la création d’une École diplomatique et consulaire, qui s’intégrera à la réforme globale de la haute fonction publique. Cette action de formation est actuellement dispersée entre l’Institut diplomatique et consulaire, l’Institut de formation aux affaires consulaires ou encore le Collège des hautes études diplomatiques. L’École diplomatique et consulaire intégrera également en son sein l’Académie diplomatique d’été que j’ai lancée au mois d’août pour ouvrir les portes de notre ministère à des lycéens et étudiants boursiers. C’est l’une des traductions concrètes de notre volonté d’ouvrir et de diversifier le recrutement du Quai d’Orsay, en allant chercher les jeunes talents partout où ils se trouvent.

Nous réaliserons en outre un effort particulier en matière de logement social, avec une augmentation de 4 millions d’euros de l’enveloppe d’action sociale du ministère dédiée à de nouvelles réservations de logements, afin de permettre aux agents de passage en administration centrale de bénéficier de conditions d’accès au logement facilitées et efficaces. C’était une revendication des représentants du personnel. Nous entrons dans un cycle positif.

Enfin, 3 millions d’euros dans le programme 185 permettront de financer le rattrapage des écarts de rémunération entre les agents de droit local des établissements à autonomie financière (EAF), autrement dit les instituts français, et leurs homologues du réseau des ambassades.

Je veux appeler votre attention sur plusieurs sujets qui me tiennent à cœur. Le premier concerne la situation de l’immobilier de l’État à l’étranger, qui a souffert, deux décennies durant, de sous-entretien et d’une stratégie insoutenable utilisant les produits de ventes pour l’entretien courant. Afin de mettre fin à cette impasse qui menaçait notre outil de travail et d’influence, j’ai engagé depuis trois ans le ministère dans une double dynamique qui est donc maintenue. Il s’agissait, tout d’abord, de professionnaliser la fonction immobilière, ce que j’ai fait et qui ne fut pas aisé. En parallèle, il fallait réinvestir pour remettre à niveau nos bâtiments et répondre à une exigence accrue de modularité.

L’exécution de ce plan de rattrapage est déjà bien engagée. Cent vingt-deux projets ont été lancés et doivent se poursuivre. L’année dernière, j’avais veillé à ce que les moyens destinés à l’entretien du parc immobilier à l’étranger soient substantiellement augmentés dans le programme 105, avec 24,2 millions de crédits d’entretien lourd à l’étranger, cette inscription faisant suite à une hausse de 5 millions en 2020. Vous m’aviez fait remarquer l’an dernier que la progression était satisfaisante mais que cette mesure ne devait pas rester ponctuelle. Elle est désormais pérenne puisque, en 2022, le socle du budget immobilier sera de 106,3 millions et que les moyens consacrés à l’entretien lourd à l’étranger seront maintenus à leur niveau de 2021, soit 41,7 millions d’euros. Nous devrons combler le retard accumulé, qui reste considérable.

Ces moyens « rebasés » sont complétés cette année par une dotation de 36 millions d’euros sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723. Elle ne sera soumise à aucune contrepartie, aucun remboursement ultérieur, aucune cession à réaliser. C’est donc un apport de crédits nouveaux de 77 millions en faveur du patrimoine immobilier à l’étranger qu’il nous faudra pérenniser dans les prochaines années.

Ce sujet est majeur car la situation que j’ai trouvée était terrible. La logique était mauvaise : on n’avait le droit de rénover qu’après avoir vendu les bijoux de famille ou en bradant nos postes. Ce n’est plus le cas, et ce le sera encore moins l’année prochaine car j’ai demandé que nous puissions dépenser les crédits inscrits. Si vous faites des déplacements, observez ce qu’il en est dans chaque poste. Je pourrai vous transmettre la liste des initiatives qui sont prises.

Je n’oublie pas non plus la sécurité de nos emprises, dont les crédits augmentent de plus de 3 millions d’euros. Je me suis penché dès mon arrivée sur ce sujet et, après bien des efforts, la situation a évolué positivement. Les crédits s’élèvent désormais à 68 millions, dont 55 millions pour l’étranger.

Le numérique est un domaine qui requiert lui aussi des investissements nouveaux car il convient de poursuivre l’adaptation du réseau diplomatique à un fonctionnement numérique, la crise sanitaire ayant mis en lumière cette nécessité. Il existait, en effet, des inégalités de déploiement de nos capacités numériques dans le monde et des insuffisances dans le domaine de la sécurité. Comme je m’y étais engagé, notre stratégie pluriannuelle d’investissements numériques se poursuit donc en 2022. Les moyens de la direction du numérique s’établissent désormais à 47,8 millions, incluant des mesures nouvelles à hauteur de 10 millions.

La deuxième priorité de ce budget est de nous permettre de rester engagés en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme.

Nous consacrerons plus de 60 % des crédits du programme 105, soit 701 millions, aux contributions européennes et internationales obligatoires de la France, y compris les opérations de maintien de la paix qui représentent 270 millions.

Le niveau de nos contributions obligatoires a été réajusté pour tenir compte de la baisse attendue de la quote-part française au budget régulier des Nations unies comme à celui des opérations de maintien de la paix, pour des raisons tenant à la part plus faible de la France dans le PIB mondial – notre croissance est forte, mais moins que dans d’autres pays ; autrement dit, la clé de répartition est meilleure pour la France. Nous poursuivons donc nos contributions obligatoires, et cela nous permet de soutenir notre effort en matière de contributions volontaires. Celles-ci sont inscrites soit au programme 105 s’agissant des contributions en matière de sécurité, soit au programme 209. Cet effort était nécessaire car nous étions passés du sixième au dixième rang des contributeurs au budget ordinaire des Nations unies, principalement en raison de la hausse des contributions volontaires de certains de nos partenaires – l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Afin de retrouver notre rang, nous avons donc décidé de valoriser ces dernières.

Une mesure nouvelle de 9,6 millions sera consacrée au renforcement des outils de maintien de la paix et de prévention des conflits au travers du Fonds de consolidation de la paix, que nous avions déjà abondé l’année dernière. Nous amplifierons notre soutien à la sécurité internationale en contribuant à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Nous augmenterons également de 2 millions le financement de jeunes experts associés et volontaires des Nations unies. Ce choix est essentiel car il faut montrer que nous contribuons aux organismes dans le cadre desquels nous nous exprimons si nous voulons faire valoir notre point de vue. En l’occurrence, nous nous sommes replacés sur une bonne trajectoire.

La troisième priorité concerne notre engagement aux côtés de nos compatriotes de l’étranger, un total de 142 millions, hors dépenses de personnel, étant inscrit au programme 151. Tout cela témoigne du fait que le Quai d’Orsay est aussi le ministère du service public des Français à l’international.

Le réseau consulaire français a réussi à faire face aux défis majeurs posés par la crise pandémique. Dès juillet 2020, le plan d’urgence, voté en loi de finances rectificative, dotait le programme 151 de 100 millions d’euros additionnels ; 50 millions ont été dédiés à l’aide à la scolarité en réaction à la baisse de revenu des familles françaises et 50 millions ont financé, et financent encore, le dispositif de secours occasionnel de solidarité (SOS) au profit de nos concitoyens à l’étranger. Il a été maintenu en 2021 grâce au report de 25 millions de crédits et a permis de renforcer le soutien aux organismes venant en aide aux Français de l’étranger. Cette année, plus de 57 000 SOS ont pu être versés à la fin août, à hauteur de 8,4 millions, qui viennent s’ajouter à ceux versés en 2020.

Enfin, ces crédits ont permis la réalisation de campagnes de vaccination à l’étranger et la conversion des schémas vaccinaux reconnus, afin que nos compatriotes puissent obtenir leur passe sanitaire. Cette opération a été organisée par nos services, tant à Paris qu’à l’étranger. La cellule spécifique a été exemplaire ; je le souligne car on en a peu parlé. Ce dispositif, mobilisé au cours de l’été, a servi 142 000 de nos compatriotes à l’étranger, et ce dans des délais extrêmement courts. À ma connaissance, peu de pays en ont fait autant pour leurs ressortissants.

Même si cela a engendré quelques soucis, nous avons souhaité permettre l’accès à la vaccination, dans les pays les plus en difficulté, à l’ensemble de la communauté française, et non aux seuls agents du ministère des affaires étrangères. Le choix n’était pas simple mais il s’agissait d’un choix d’égalité de situation entre nos concitoyens et les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères en poste à l’étranger. Ce dispositif fut une réussite, qui présentait, au surplus, un caractère exemplaire car peu de pays ont agi ainsi pour éviter les différences de traitement.

Le programme 151 reflète notre engagement dans les domaines d’intervention prioritaires que sont l’aide à la scolarité, l’action sociale ou encore l’activité consulaire. Une somme de 94,4 millions est prévue en 2022 pour les bourses scolaires destinées aux élèves français du réseau d’enseignement français à l’étranger. Elle est moindre qu’en 2021, mais je tiens à vous rassurer tout de suite : cela n’affectera en rien le volume total des aides qui seront mobilisées au profit des familles. Le budget s’élevait à 104,4 millions en 2021, il s’élève à 94,4 millions en 2022, mais nous pourrons mobiliser les crédits à concurrence de 104,4 millions en 2022, voire davantage si nécessaire. L’AEFE a bénéficié en 2020 et 2021 d’aides élevées afin que l’agence soit en mesure d’aider les établissements à l’étranger pendant la crise. Ces crédits n’ayant pas été consommés en totalité, elle connaît un excédent de trésorerie, que nous pouvons affecter aux tâches indirectes de l’AEFE si d’aventure un besoin supplémentaire se faisait sentir.

En outre, afin de mettre en œuvre la priorité du Gouvernement en matière d’éducation inclusive, une dotation de 1,3 million financera l’accompagnement scolaire des élèves boursiers de l’AEFE en situation de handicap (ASESH). Cette dotation, qui n’existait pas, permettra de répondre aux besoins relevés par plusieurs parlementaires.

S’agissant des moyens déployés directement par mes services, il a été décidé de maintenir les crédits alloués aux affaires sociales, qui ont nettement progressé en 2021, pour atteindre 20,5 millions, car il faut prendre des précautions pour l’avenir.

Une augmentation de 1 million d’euros, soit un doublement de la dotation des organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES) permettra, elle aussi, de répondre aux conséquences de la pandémie, en élargissant la possibilité de subventions à de nouvelles associations utiles à nos compatriotes ainsi qu’à des associations venant en aide aux entrepreneurs français à l’étranger. Les crédits consacrés au soutien au tissu associatif des Français à l’étranger, dits crédits STAFE, seront, quant à eux, maintenus à hauteur de 2 millions.

En dépit du contexte sanitaire dégradé, l’activité consulaire régulière a été maintenue et développée. Nous poursuivons ainsi la modernisation de notre service public.

Le service France consulaire, basé à La Courneuve, aura vocation à être déployé à l’ensemble des pays de l’Union européenne dès la fin de 2022. Nous mettons ainsi à disposition de nos compatriotes de l’étranger une plateforme d’information qui rendra les services consulaires plus facilement joignables et qui désengorgera l’accueil de nos consulats en recentrant leur activité sur les sujets qui ne peuvent être traités qu’à l’échelle locale. Le service France consulaire commencera son activité demain, avec cinq postes pilotes.

Dans le domaine de la dématérialisation, le projet de registre de l’état civil électronique devrait être pleinement achevé en 2022. Les démarches à accomplir seront simplifiées et l’efficacité budgétaire sera améliorée. La mise en œuvre de cette réforme a été considérée comme exemplaire par le baromètre de l’action publique.

Enfin, je tiens à vous assurer de la mobilisation de l’administration consulaire pour organiser, en 2022, les élections présidentielles et législatives à l’étranger. Nous recevrons un transfert de 12,85 millions, hors dépenses de personnel, du ministère de l’intérieur afin de financer les scrutins. Conformément à l’engagement du Président de la République, le vote par internet, après que l’homologation aura été délivrée, sera opérationnel pour les élections législatives.

La quatrième priorité de ce budget vise à renforcer la diplomatie culturelle et d’influence. L’influence prend de plus en plus souvent la forme d’une bataille des modèles. L’apprentissage du français, l’enseignement supérieur ou encore le rayonnement de nos industries culturelles et créatives sont donc devenus autant de sujets stratégiques.

Au cours des prochaines semaines, j’aurai l’occasion de vous présenter une feuille de route relative à la modernisation de nos instruments d’influence. Il s’agit de nous donner des outils pour objectiver notre position dans ces nouvelles batailles – notamment à travers l’élaboration d’un tableau de bord de l’influence – et de mobiliser l’ensemble de notre réseau et de nos instruments de manière beaucoup plus offensive. Je serai amené à commenter de cette feuille de route avant la fin de l’année. Son adoption s’accompagnera d’une augmentation de 15,1 millions d’euros des crédits du programme 185, qui atteindra 660 millions. C’est de loin la progression la plus forte de ce programme depuis le début du quinquennat. J’en suis d’autant plus satisfait que ce programme était menacé, la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 prévoyant une forte diminution de ses crédits au cours du quinquennat. La trajectoire est inversée et la feuille de route de l’influence connaîtra une progression de 15,1 millions. Celle-ci intégrera, à hauteur de 5 millions, notre contribution à l’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (ALIPH).

Nos priorités en matière d’attractivité de notre territoire seront également confortées. L’enveloppe des bourses d’étude et de stage sera portée à 64 millions afin d’atteindre les objectifs fixés par la campagne Bienvenue en France. Une enveloppe de 4 millions sera en outre affectée à la formation des talents étrangers pour soutenir les campus « franco-x », qui sont, pour l’heure, peu nombreux – je pense en particulier au campus universitaire franco-sénégalais, au hub franco­ivoirien pour l’éducation ou encore au projet avec la Tunisie, qui est un peu plus long à voir le jour. Le dispositif doit permettre à ces campus universitaires des échanges dans les deux sens ; ainsi, des étudiants français ou européens pourront suivre des études dans ces campus et être diplômés de l’université de rattachement et du campus universitaire où ils sont inscrits. Ces expérimentations sont majeures ; je vous invite d’ailleurs à visiter ces campus lors de vos déplacements. Le dispositif doit être renforcé car il s’agit d’un outil de première importance.

Nous renforcerons également l’enseignement des langues étrangères au sein du réseau scolaire à l’étranger et conforterons la place de nos industries culturelles et créatives (ICC). Celles-ci sont un élément essentiel de notre diplomatie d’influence. Après la crise sanitaire, nous devrons organiser la relance des ICC, en bonne articulation avec la ministre de la culture.

Ces crédits soutiendront également la villa Albertine, que j’ai inaugurée à New-York voilà quinze jours. Elle ouvre un nouveau chapitre de nos relations culturelles avec les États-Unis. La villa Albertine est à l’image de la villa Médicis ou de la villa Velasquez, si ce n’est qu’elle est éclatée entre dix villes américaines et qu’elle est essentiellement numérique. Les artistes sélectionnés par un jury choisiront leur lieu de résidence en fonction des activités spécifiques à chaque site et de leur propre projet. Son nom fait écho à la librairie Albertine, librairie historique du centre culturel de New-York, qui est très fréquentée et bénéficie d’une belle image de marque.

S’agissant de nos opérateurs, nous maintenons notre appui au niveau atteint l’année dernière. La subvention de l’AEFE est stabilisée à hauteur de 417 millions d’euros. Nous pérennisons ainsi l’augmentation de 24,6 millions votée en 2020. Cette continuité est nécessaire pour soutenir le plan de développement de l’enseignement français à l’étranger, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République du doublement du nombre d’élèves des écoles d’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030. La crise sanitaire n’affecte en rien cet objectif : grâce à notre mobilisation de près de 150 millions, dès le printemps 2020, plus de 20 établissements supplémentaires ont été homologués, portant à 545 le nombre d’établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger. La France conforte ainsi son statut de premier réseau éducatif dans le monde.

Par ailleurs, nous restons aux côtés des familles qui ont fait le choix de l’enseignement français. La situation au Liban demeurant dramatique, nous avons décidé que l’AEFE mobiliserait 10 millions de ses excédents de trésorerie pour venir en aide au réseau de l’enseignement français au Liban, auquel nous avions déjà accordé 20 millions l’an dernier.

Les subventions des opérateurs Campus France et Institut français seront maintenues à leur niveau de 2021. Celle versée à Atout France sera légèrement rehaussée pour compenser la perte touristique constatée et reconquérir l’attractivité touristique internationale.

Les crédits de la mission Aide publique au développement progressent de 581,2 millions d’euros. Une précision sémantique avant de poursuivre : on entend de nombreuses critiques sur les termes « aide publique au développement », qui ne reflètent plus la réalité. En effet, les solutions aux grands défis ne se trouvent pas seulement au nord : elles s’inventent aussi au sud. L’expression « investissement solidaire » a été proposée lors du nouveau sommet Afrique-France de Montpellier, expression que je ne renie pas, bien au contraire, car la solidarité est ce qui nous protège tous. Dans un monde d’échanges et d’interdépendance, elle est aussi une exigence d’efficacité.

La progression très significative de ces crédits concrétise l’engagement de la loi que vous avez votée à l’unanimité, notamment l’objectif de 0,7 % en 2025. Nos priorités restent celles qui ont été fixées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et la loi. La composante bilatérale poursuivra sa progression avec la hausse des moyens alloués à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide-projet, c’est-à-dire à la fois le don projet et le don ONG, qui augmentent respectivement de 18,5 % et de 10,3 %. Ces moyens atteindront ainsi, en matière d’aide bilatérale, près de 1 milliard d’euros.

La priorité donnée à l’aide bilatérale se traduit aussi par les moyens consacrés aux projets du fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Rehaussés de 10 millions en 2021, ils seront maintenus à ce niveau car ils ont fait la preuve de leur efficacité, les ambassades me disant que le FSPI remplit pleinement son rôle.

Enfin, l’aide humanitaire atteindra, pour la première fois, 500 millions d’euros en 2022, avec une hausse des crédits de 170 millions, auxquels s’ajoutent les soutiens que nous apportons aux organismes humanitaires, qu’il s’agisse des contributions volontaires aux Nations unies, du Fonds d’urgence humanitaire ou des aides spécifiques de l’aide alimentaire programmée.

Par ailleurs, je relève la progression continue de notre soutien aux dispositifs de volontariat, notamment via l’opérateur France Volontaires. Elle est conforme aux engagements que j’avais pris devant les élus.

Au-delà, notre action en matière de développement répond à une logique multilatérale que la France défend avec une grande détermination. Le programme 209 assure un soutien politique et financier d’ampleur au système de développement et d’aide humanitaire des Nations unies. Les contributions volontaires aux Nations unies et aux grands fonds verticaux constituent un outil très efficace pour répondre aux différentes crises. Leur enveloppe s’élèvera à 352,8 millions en 2022, en hausse de 170 millions par rapport à 2021, concentrée sur la santé mondiale avec 110 millions d’euros pour l’initiative ACT-A – pour renforcer tant les financements COVAX que la contribution à l’association Unitaid et à GAVI, l’Alliance du vaccin – et pour les organisations humanitaires.

Le dix-huitième sommet de la francophonie, prévu en novembre 2021, marquera le cinquantenaire de l’organisation. Pour renforcer l’action de la francophonie, les moyens progresseront de près de 8 millions en 2022.

Enfin, nous resterons engagés dans le fonds français Muskoka qui agit dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest en faveur de la santé sexuelle, reproductive, maternelle, infantile et des adolescents ainsi que de la nutrition. Par ailleurs, lors du Forum génération égalité (FGE), nous avons annoncé que nous réabonderons ce fonds à hauteur de 10 millions en 2022 et que nous verserons une contribution de 18 millions sur cinq ans au Fonds des Nations unies pour les populations, qui agit en faveur de l’accès à la contraception et dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive.

La France poursuivra également son action en faveur de la préservation des autres biens publics mondiaux, en particulier par une contribution de 78 millions dédiée à la reconstitution du partenariat mondial pour l’éducation. S’agissant du climat, nous poursuivrons notre soutien en faveur de l’initiative CREWS (Systèmes d’alerte précoce aux risques climatiques), de l’initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI) et de l’Alliance pour la préservation des forêts tropicales et humides.

Afin d’éviter toute ambiguïté sur l’évolution du volant européen de notre politique de développement, je précise que les crédits du programme 209 consacrés à la coopération communautaire, à travers le Fonds européen de développement (FED), seront ramenés à 487 millions contre 713 millions en loi de finances 2021. Cette part du FED dans notre budget continuera à s’amenuiser jusqu’à extinction des projets engagés dans le cadre du onzième FED. C’est la conséquence de l’intégration du fonds dans le nouvel instrument européen de coopération, le NDICI, instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale. Celui-ci n’est pas financé par le programme 209 mais par la contribution française au budget de l’Union européenne. Notre contribution diminuera progressivement, au fur et à mesure de la réalisation des projets qui ont été engagés. Cela n’empêche pas l’outil NDICI de fonctionner, d’être doté très significativement et d’être mobilisé en particulier en faveur de l’Afrique subsaharienne.

Pour conclure, je souhaite évoquer le nouveau programme 370, consacré à la restitution des biens mal acquis et qui sera abondé au fur et à mesure des ventes de ces biens. Il s’agit d’une innovation attendue, qui relèvera du ministère des affaires étrangères.

Mme Nicole Le Peih. (LaREM). Les événements des derniers mois nous rappellent que le contexte international est instable. Qu’elles soient sanitaires, économiques ou environnementales, les crises se superposent. C’est pour faire face à ce contexte particulier que la France travaille au renforcement des attributs de sa souveraineté, notamment sur le plan européen, par une accélération des grandes décisions, que ce soit sur le climat avec le paquet Fit for 55, sur l’économie avec le plan de relance ou encore sur la politique sanitaire avec une politique industrielle offensive qui fait de l’Europe le premier producteur de vaccins au monde.

L’action du ministère de l’Europe et des affaires étrangères est au service de cette politique ambitieuse, et je pense pouvoir dire, au nom de mon groupe et à l’occasion de ce dernier budget du quinquennat, que votre engagement est reconnu et apprécié. Continuons ! Les prochains mois seront particulièrement déterminants. La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) représente une occasion unique de conclure sur un maximum de sujets et d’avancer sur l’ensemble des autres questions. Cette présidence est d’autant plus importante que la raison d’être du projet européen est désormais évidente. Face à la Chine et aux États-Unis, nous ne pouvons plus nous contenter d’un rôle de puissance tampon.

Ma première question porte sur l’impact de la présidence française de l’Union européenne sur le budget 2022. Est-il significatif ?

Je tiens à saluer l’effort engagé par le ministère pour mettre à disposition des indicateurs de suivi de l’égalité entre hommes et femmes. Quels sujets vous paraissent avoir le mieux progressé au cours des dernières années et quels sont ceux qui, au contraire, nécessitent de maintenir nos efforts et notre attention ?

M. Michel Herbillon (LR). Si nous ne sommes pas forcément d’accord avec l’ensemble de ce que vous avez présenté, monsieur le ministre, je veux toutefois souligner un certain nombre de vos actions, telles que l’arrêt de l’hémorragie des effectifs.

Je veux également rendre hommage à votre politique immobilière. Il était absurde d’être très ambitieux sur le plan de la politique internationale et de notre diplomatie d’influence et de régulièrement vendre des instruments diplomatiques. J’ai souvent repris l’exemple de la résidence du consul général à Shanghai, qui était un instrument d’influence de notre présence en Chine et que l’on voulait quitter pour louer des locaux anonymes. Je salue donc votre action et les crédits que vous avez inscrits en faveur de l’entretien de nos postes diplomatiques.

Je suis en revanche un peu surpris par vos propos relatifs à la diplomatie d’influence parce qu’il s’agissait d’une priorité du quinquennat : pourquoi a-t-il fallu attendre quatre ans et demi pour produire un tableau de bord et moderniser nos outils de diplomatie d’influence ? Mieux vaut tard que jamais, me répondrez-vous sans doute !

J’en viens à mes questions. L’écologie est un enjeu phare des décennies à venir, le président Macron la définissant même comme le combat du siècle. Est-ce toujours le cas, alors que le budget lié aux objectifs de développement durable de votre ministère est passé de 3,2 millions d’euros en 2021 à 2,4 millions pour 2022, soit une chute de 25 % ? Comment expliquez-vous cette baisse et quelles conséquences aura-t-elle sur nos actions pour le climat menées à l’étranger ?

Alors que le deuxième objectif de votre budget s’intitule « promouvoir le multilatéralisme et agir pour une Europe souveraine, unie et démocratique », nos alliés américains ont œuvré dans notre dos pour briser nos accords commerciaux d’envergure tandis que nos alliés allemands n’ont pas hésité à conclure des accords de défense avec l’Australie. Ces deux événements récents portent une lumière singulière, pour ne pas dire davantage, sur votre priorité. Dans ce contexte défavorable à la France, quel contenu concret donnez-vous à ce budget de 3 milliards consacré au multilatéralisme et à la promotion d’une Europe souveraine ?

Enfin, je voudrais vous interroger sur Atout France, dont le budget avait été revu à la baisse les années précédentes. Alors que vous avez indiqué que les difficultés se profilaient pour le secteur du tourisme, nous ne notons pas de hausse significative du budget d’Atout France, qui passe de 37,4 millions en 2019 à 29 millions en 2022. Ne pensez-vous pas que nous sommes dans une période où le tourisme a plus que jamais besoin d’être stimulé ?

M. Frédéric Petit (MODEM). Avec une augmentation de 627 millions, les moyens de la diplomatie française sont renforcés. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés salue cet effort qui s’inscrit dans la continuité, et pas uniquement en raison de l’augmentation de l’aide publique au développement.

L’enveloppe destinée à la modernisation des ressources humaines s’élève à 30 millions d’euros, à différencier de l’enveloppe destinée à la revalorisation : cette somme sera bien destinée à moderniser et à réorganiser. Je salue votre action très importante concernant les contrats de droit local. En tant que Français à l’étranger, je rencontre ces personnes recrutées en contrat de droit local. Je vous rappelle, au passage, que la rémunération ne se limite pas au salaire : aider toutes les personnes recrutées en contrat de droit local à inscrire leurs enfants dans les lycées français, par exemple, serait un geste symbolique très peu onéreux et qui contribuerait à leur meilleure rémunération.

S’agissant du programme 151, je salue les efforts pour rationaliser le travail accompli pour les Français de l’étranger, même s’il reste encore beaucoup de disparités. Nous ressentons une très nette amélioration de l’action de la France et de son rôle d’administration publique en faveur des Français à l’étranger au quotidien.

Concernant le programme 105, on parle trop peu des efforts de la France en faveur du partenariat mondial pour l’éducation, ainsi que des 9 millions d’euros consacrés aux contributions volontaires aux organisations internationales.

La trajectoire de l’aide publique au développement est significative et doit être promue. Nous avons atteint les objectifs fixés dans le cadre de la loi de programmation que nous avions votée à l’unanimité. Je salue également la nouvelle ligne et le nouvel effort historique relatif aux biens mal acquis. Nous n’avons pas conscience de l’influence que ce dispositif prendra au fur et à mesure des années. C’est, selon moi, un outil de gestion et de démocratisation.

Je reviens au programme 185, dont je suis le rapporteur pour avis. Je salue l’inscription de 15,1 millions supplémentaires et la stabilité des opérateurs. En 2017, quand j’avais pris cette responsabilité, j’avais dit qu’on ne gérait pas la pénurie mais aussi l’organisation. Je confirme que nous avons perçu l’effort efficace produit en ce domaine.

On parle souvent pour ce budget de soft diplomatie. Je persiste à penser que c’est une diplomatie qui peut être forte, une hard diplomatie. Nous le voyons actuellement avec le Bélarus. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la feuille de route influence, sur la façon dont elle se coordonnera avec les différentes COP – conférences des parties – ou les différentes conventions – conventions de moyens et conventions de partenariat avec les opérateurs ? Comment coordonnera-t-elle l’ensemble des efforts qui sont faits dans ces domaines ?

M. Alain David (SOC). Les indices et les classements sont partiaux et comportent de multiples biais méthodologiques ; ils illustrent néanmoins des tendances de fond. Ainsi le classement global 2021 du soft power des nations a acté un recul de la France à la septième place du classement des pays les plus influents, après avoir été première en 2018. Il conviendrait que nous analysions ce fort recul pour en comprendre la cause.

Nous partageons avec nos collègues de la commission les ambitions d’une juste influence de notre diplomatie et de notre pays pour un monde plus sûr et plus durable. Avec mes collègues du groupe socialiste et apparentés, nous serons extrêmement vigilants afin que les moyens de notre action extérieure soient effectivement renforcés.

J’aurais l’occasion de revenir en détail lors d’une prochaine réunion sur l’audiovisuel extérieur de la France, en particulier sur France Médias Monde, outil du rayonnement de la France, qui subit une baisse pour la quatrième année consécutive, alors que la Deutsche Welle et la BBC connaissent des hausses significatives.

Au-delà des grandes masses budgétaires, que vous avez réussi à faire évoluer globalement, les services de votre ministère doivent contribuer au rayonnement international de la France et au service d’un nombre croissant de Français installés ou de passage à l’étranger, et ce malgré une baisse constante de ses effectifs ces dix dernières années. En effet, ce personnel est passé de 15 024 personnes à 13 606 en 2022, soit une perte de 1 418 personnes dans votre ministère. Cette tendance peut-elle se poursuivre dans le cadre du Comité action publique 2022 (CAP 22) compte tenu de l’élargissement des missions de votre ministère et de la qualité du service attendu par l’une des premières diplomaties du monde ?

M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette présentation qui confirme assez bien la trajectoire à la hausse des moyens du Quai d’Orsay, après des années de coupes budgétaires. Même si l’effort reste minime, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que le plafond d’emplois ministériel soit accru de 43 ETP pour atteindre un total de 13 606 ETP. Cela confirme l’arrêt du programme Action publique 2022 et les réductions d’effectifs afférentes. Ainsi, la masse salariale progresse de 2 % pour s’établir à 1,18 milliard d’euros, dont 30 millions sont prévus pour le financement d’une réforme des ressources humaines du ministère.

Je voudrais, à cet égard, remercier l’ensemble des agents pour leur dévouement auprès de nos compatriotes dans un contexte sanitaire et sécuritaire souvent très difficile. Il nous appartient de renforcer ce réseau en moyens financiers et humains, la crise sanitaire ayant démontré, si besoin était, toute l’importance qu’il constitue pour nos 3,5 millions de compatriotes qui résident à l’étranger.

Je ne peux qu’approuver l’actuelle réforme des ressources humaines qui vise à moderniser la fonction diplomatique en valorisant les carrières, à renforcer la mobilité de toutes les catégories d’agents du ministère, à former les agents via la création de l’École diplomatique et consulaire ou encore à rénover le parc immobilier et de logements sociaux du ministère. Même si l’on peut toujours faire plus, nous ne pouvons qu’apprécier l’augmentation de ces moyens consulaires de 6,7 millions d’euros par rapport à 2021, pour un total de 142,2 millions d’euros.

Par ailleurs, le vote par internet sera utilisé aux prochaines élections législatives, comme ce fut le cas pour les dernières élections consulaires en 2021. Ainsi, le transfert en provenance du ministère de l’intérieur de 12,85 millions d’euros pour participer à ce financement et au bon déroulement de ces scrutins ne peut que retenir notre attention.

Nous continuerons à soutenir les Français de l’étranger, comme nous l’avons fait dans les heures les plus difficiles de la pandémie, tout en maintenant une marche rapide de la transformation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Enfin, dans le respect de la loi de programmation du 4 août 2021, le budget de l’aide publique au développement s’accroît considérablement et met nos actes en conformité avec nos paroles dans la lutte pour l’éducation, la santé et le respect des objectifs de développement durable à l’échelle mondiale. En conséquence, le groupe Agir ensemble soutiendra avec vigueur la répartition des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État et au programme de solidarité.

Ma question concerne l’AEFE. Les excédents de trésorerie de l’AEFE pour 2022 et les crédits de paiement, hors T2, dédiés à l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE baissent de 9 %, soit de plus de 10 millions d’euros. Cette solution sera-t-elle suffisante pour maintenir les montants des bourses accordées aux familles ? Les excédents de trésorerie de l’AEFE étant par nature destinés à s’épuiser, s’ils sont mobilisés chaque année, une hausse des crédits de paiement alloués aux bourses scolaires est-elle envisagée dans les futures lois de finances ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame Le Peih, le coût de la mise en œuvre de la présidence française de l’Union européenne ne relève pas du budget du ministère des affaires étrangères mais du budget du Premier ministre. Le montant des crédits pour la PFUE s’élève à 150 millions d’euros au titre de 2021 et 2022, et s’accompagne d’une rigueur de gestion et d’une sobriété pour éviter que cette présidence soit ostentatoire. Mais ce n’est pas sur mon budget que les crédits sont mobilisés.

Dans le cadre de la PFUE, de nombreux événements sont prévus : dix-huit réunions ministérielles informelles, soixante-dix réunions ministérielles formelles, auxquelles s’ajouteront de nombreuses autres réunions. Le principe de l’équilibre géographique des événements sera assuré. Trois thèmes sont d’ores et déjà retenus : une Europe de la relance, une Europe puissance et une Europe d’appartenance. Ces sujets feront l’objet d’une déclinaison, une fois que le Président de la République aura donné les grandes orientations de la présidence française. Le calendrier sera marqué par l’aboutissement de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui se tiendra dans la première quinzaine de mars. Une première partie de cette conférence s’est tenue les 11 et 12 septembre dans neuf régions, une deuxième les 24 et 26 septembre afin d’identifier les priorités des Françaises et des Français sur l’avenir de l’Europe. Ce sera un point important de mobilisation.

La féminisation de l’encadrement supérieur du ministère a largement progressé puisque 40 % des primo-nominations à des fonctions d’ambassadeur et ambassadrice concernent des femmes, ce qui permet de créer un vivier. Nous avons également nommé des ambassadrices à des postes majeurs. Fut un temps, la distribution était sectorisée, parcimonieuse, des postes étant plutôt réservés aux femmes, d’autres aux hommes. Progressivement, nous avons banalisé cette distinction. C’est ainsi qu’à Londres, Beyrouth, Berlin, au Maroc, au Brésil, nos ambassadrices sont des femmes. Le mouvement doit être poursuivi.

Par ailleurs, il convient de ne pas relâcher l’effort d’influence. Concernant les ressources humaines, le programme Action publique 2022 a pris fin il y a deux ans pour mon ministère et la situation est stabilisée depuis l’année dernière, mais il nous faut rester très vigilants, tant la situation reste fragile.

Monsieur Herbillon, vous avez livré votre avis sur la politique immobilière. À New-York, la France est propriétaire de deux bâtiments sur la cinquième avenue qui abritent un centre culturel, la villa Albertine, et le consulat. Quand je suis arrivé en 2017, on m’a demandé de vendre l’un des deux alors qu’il n’y avait pas mieux en termes d’influence et de visibilité. Il faut donc continuer à être vigilants.

S’agissant de la feuille de route influence, il ne s’agit pas d’un rattrapage de dernière minute. Au début du quinquennat, l’objectif était de diminuer sensiblement les financements liés à la stratégie d’influence. Nous avons depuis augmenté nos crédits ; il nous faut maintenir cet objectif majeur. La feuille de route, stratégique pour les années à venir, peut désormais être fixée dans la mesure où nous avons rehaussé, année après année, les crédits liés à l’influence, qui étaient réduits à peau de chagrin. Le texte que je vous présenterai sera un texte de mobilisation et surtout de diplomatie globale.

J’en viens à l’interrogation de M. Alain David sur l’influence médiatique, outil essentiel regroupant dans un même concept, une même stratégie l’ensemble des actions d’influence que nous menons à l’étranger, non seulement celles du ministère des affaires étrangères mais aussi celles du ministère de la culture, parmi d’autres. Ces actions seront concentrées dans un document unique de vérification et d’évolution des engagements pris pour assurer une mobilisation pleine et entière sur cet agenda, qui dépassera les frontières entre le hard et le soft.

Au regard de votre observation, monsieur Herbillon, je propose de dresser l’inventaire de l’ensemble des fonds relatifs à l’écologie et au climat car certains dépendent du programme 110, que nous n’avons pas évoqué. Il s’agit d’identifier trè.s précisément tout ce qui relève des actions climat de la France, soit au titre des fonds spécifiques français, soit au titre des participations multilatérales de la France à différents outils, et de les mettre en valeur avant la COP26.

Les chiffres dont je dispose relatifs à Atout France sont en progression. Nous avons ouvert 5 millions de crédits supplémentaires en faveur de cet organisme pour qu’il relance les campagnes de soutien, auxquels s’ajoutent 2,2 millions destinés à compenser la baisse des recettes et 430 000 euros au titre du fonctionnement. Nous veillons donc à ce qu’Atout France ne soit pas pénalisée par les conséquences de la crise et les difficultés que l’agence a rencontrées.

Monsieur Petit, vous avez appelé mon attention à plusieurs reprises sur les agents de droit local et les contrats locaux. Ils sont aussi un outil d’influence, parce qu’ils servent l’image de la France. Merci donc d’avoir bien voulu noter que les engagements ont été tenus.

Le partenariat mondial pour l’éducation relève du programme 209, qui porte sur les grands fonds à dimension culturelle et non du programme 105, qui concerne les contributions volontaires en matière de sécurité.

Monsieur M’jid El Guerrab, pour répondre à votre question sur l’AEFE, nous aurons les moyens de maintenir les montants des bourses accordées aux familles. La soulte n’est pas inépuisable mais nous la mobilisons dans le présent budget car cet argent n’a pas vocation à dormir. Je vous remercie pour vos messages adressés à nos personnels consulaires, qui réalisent un travail constant de présence et d’accompagnement de nos compatriotes à l’étranger. Ce n’est pas toujours une tâche facile, surtout dans la période qu’ils ont connue récemment.

M. Jacques Maire. À l’heure du dernier bilan, j’observe que nous reconnaissons de façon assez consensuelle le travail considérable qui a été accompli par vous-même et par les services pour rendre le Quai d’Orsay plus que jamais utile à la France, en particulier dans les périodes de crise les plus dures.

Je vous interrogerai sur quelques sujets qui supposent de se plonger dans les détails. Tout d’abord, si 43 ETP supplémentaires sont prévus, quasiment aucun ne concerne le cœur de métier. Il ne s’agit pas d’une hausse mais plutôt d’une stabilisation à très bas étiage. Ainsi, la proposition n° 23 du rapport Berville de 2018, visant à donner les moyens d’animer la fonction APD grâce à un corps de métier inscrit dans le ministère, ne trouve pas de traduction concrète, même si Focus 2030 a montré que cette dimension était réalisée à 30 %. Nous aboutissons à ce que l’on appelle, en termes financiers, un mismatch, c’est-à-dire une augmentation très forte des moyens sans un réel renforcement du pilotage. Cela signifie probablement des difficultés pour la DGM (direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international) et un rôle de l’opérateur toujours plus important.

S’agissant de l’immobilier, nous avons bien compris votre démonstration. Cela dit, le compte d’affectation spéciale sur lequel sont redéployés quelques dizaines de millions d’euros est-il celui sur lequel des ventes étaient inscrites ou s’agit-il d’un autre compte d’affectation spéciale ? Par ailleurs, celui qui servait à refinancer la politique d’équipement existe-t-il toujours ? Des ventes sont-elles aujourd’hui programmées ? Vendre des implantations inutiles ou dépassées et gérer de façon active son parc relèvent d’une bonne gestion mais ce n’est pas un moyen de financement.

S’agissant du personnel, je conclurai avec une question un peu délicate, en ce qu’elle comprend à la fois un aspect quantitatif et un aspect qualitatif. Si l’on observe la pyramide des âges et la pyramide des emplois, on constate qu’il n’est pas répondu à de nombreux besoins du Quai d’Orsay et que l’on compte beaucoup de sureffectifs dans des emplois de niveau supérieur. Des dispositifs de rupture conventionnelle ont existé dans le passé : ces solutions sont-elles étudiées pour permettre une meilleure gestion interne ?

Mme Anne Genetet. Monsieur le ministre, au nom des communautés françaises qui sont actuellement très durement affectées, j’adresse un mot de soutien à nos agents qui réalisent un travail remarquable, alors qu’ils sont eux-mêmes concernés par la situation. Nombreux sont les pays dont on ne peut toujours pas sortir, certains Français n’ayant pu rentrer en France depuis deux ans.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget qui est le résultat de votre action, de votre détermination mais aussi de notre pression, de tout ce que nous avons fait avec vous pour que soient pris en compte les besoins que nous avions recensés. Encore une fois, merci !

Je relèverai maintenant quelques actions qui me semblent essentielles : la France est l’un des très rares pays à avoir ouvert la possibilité de la vaccination des communautés à l’étranger ; une aide spéciale sera accordée l’année prochaine aux enfants des écoles qui souffrent de handicap ; 120 nouveaux établissements ont vu le jour ; l’augmentation des contributions de la France auprès des institutions internationales ne fait que renforcer notre présence dans le cadre multilatéral – nous en avions grandement besoin. Citons encore la plateforme du service France consulaire, qui est le fruit d’un rapport que j’avais remis au Premier ministre en 2018.

Le secours occasionnel de solidarité est une action intéressante. Je constate, toutefois, qu’il n’a pas été utilisé dans sa totalité, peut-être par prudence, ce que l’on peut comprendre. J’en appelle à votre vigilance pour l’année qui vient car je sais que des communautés qui essayent de freiner le plus possible leur retour en France risquent de revenir l’année prochaine.

Je conclurai par une question qui portera sur le dispositif d’aide à nos entrepreneurs à l’étranger, qui sont en très grande difficulté. Le dispositif Proparco, qui est une forme de garantie apportée par l’État français, a été orienté vers l’Afrique. La présence de la France étant primordiale dans la région indo-pacifique, je voudrais savoir si ce dispositif peut être orienté sur cette région du monde. Nous avons plus que jamais besoin d’une présence forte de nos communautés.

Mme Mireille Clapot. Présidente de la Commission supérieure du numérique et des postes, ma question sera orientée sur le numérique. La crise sanitaire, en sollicitant fortement votre ministère et les postes, a révélé le triste état des applications et des moyens de communication sécurisée. Pourtant, vos agents à l’étranger, ont accompli des miracles.

Les enjeux portent sur la dématérialisation, le télétravail et donc les dotations en postes de travail. Le réseau doit être résilient, supporter la charge de nouveaux usages ; l’hébergement doit être sécurisé, protégé contre des cyberattaques de plus en plus sophistiquées. Il convient enfin que les données complexes qui sont maniées soient de diffusion restreinte mais accessibles. Les contraintes du télétravail sont différentes selon que les agents sont de droit français ou de droit local. En outre, il faut penser à choisir des solutions souveraines. Comment investir dans des moyens humains qualifiés ? Nous observons enfin avec attention l’utilisation du numérique dans les processus électoraux.

En 2021, votre ministère a investi davantage dans la numérisation de ses activités et continue sur cette lancée avec le projet de loi de finances pour 2022. Pourriez-vous nous préciser quelles sont vos priorités en la matière ?

M. Hubert Julien-Laferrière. Je salue l’effort réalisé au profit des crédits du programme 209 et donc de la mission Aide publique au développement.

Je souhaiterais vous interroger sur la taxe sur les transactions financières (TTF), dont les recettes ont progressé à un point que nous ne pouvions imaginer : plus 340 millions en 2020, portant les recettes de cette taxe inscrite au budget général à 1,785 milliard. Nous prévoyons une nouvelle augmentation de 150 millions d’euros en 2021.

Nous en arrivons donc à un paradoxe. S’il importe qu’une part du produit de cette taxe figure au budget général, il n’en demeure pas moins qu’elle a été créée pour financer l’aide au développement. Il me semble que l’on devrait trouver un mécanisme permettant à l’APD de bénéficier au moins en partie de l’augmentation des recettes. Certes, les crédits relatifs à l’aide publique au développement progressent fortement mais il n’y a jamais trop de crédits dans ce domaine. Par ailleurs, malgré les efforts consentis pour l’année 2022, nous sommes encore loin de tenir nos engagements sur le montant des décaissements concernant les fonds multilatéraux, en particulier l’ACT-A, voire le Fonds mondial.

M. Jean-François Mbaye. À mon tour, je voudrais saluer l’engagement du ministre et la mobilisation des parlementaires sur ce que l’on pourrait appeler désormais les investissements solidaires : je veux parler de l’aide publique au développement. Dans le cadre de la hausse de l’aide publique au développement, quelle sera la proportion de dons rapportée aux prêts qui seront accordés ?

Dans quelle mesure le budget du ministère pourrait-il amplifier l’attractivité française en matière de mobilité internationale étudiante ?

Concernant la TTF, je crois savoir qu’en avril 2021, devant le Sénat, vous vous étiez montré ouvert à certaines propositions pour aller plus loin dans l’affectation d’une partie de ses recettes au développement. Nous déposerons des amendements en ce sens. Nous serions ravis de pouvoir vous entendre à ce sujet.

Mme Amélia Lakrafi. Je me réjouis que le budget du ministère soit globalement à la hausse et que les moyens humains soient pérennisés et stabilisés.

À chacun de mes déplacements, je me rends compte de la mobilisation des personnels de nos consulats et de nos ambassades. Depuis le début de la crise sanitaire, ils ont été absolument exemplaires et leur action a été primordiale. Je veux, à mon tour, les remercier très sincèrement, qu’il s’agisse de l’organisation des campagnes de vaccination ou bien de l’attribution des aides, qui ont été vitales pour les Français privés de revenus. Je me réjouis donc particulièrement que les moyens dédiés aux affaires sociales soient pérennisés en 2022.

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les aides sociales destinées à nos compatriotes les plus fragiles. Jusqu’ici, ces derniers étaient aidés par le dispositif SOS, qui est temporaire. Quelles sont les nouvelles formes que prendront les aides destinées à nos compatriotes, toujours affectés par cette crise qui dure ?

Concernant les organismes locaux d’entraide et de solidarité (OLES), dont l’action sur le terrain est remarquable, je suis très heureuse que les crédits destinés à ces associations doublent, passant de 500 000 euros à 1 million d’euros. Votre ministère envisage d’élargir le profil et le champ d’action des associations qui bénéficieront de ces subventions : comment procéderez-vous ?

Enfin, les subventions ont permis d’aider les entrepreneurs français à l’étranger (EFE). Seront-elles renouvelées, étendues ? Je songe à nos compatriotes qui géraient de petits restaurants et hôtels et qui, depuis deux ans, n’ont plus aucune entrée d’argent.

M. Éric Girardin. Monsieur le ministre, je ne peux que m’associer aux propos de mes collègues pour saluer la trajectoire et l’orientation budgétaire prises par votre ministère et le travail que vous avez accompli.

Nous revenons, mon collègue Meyer Habib et moi-même, d’un déplacement dans l’archipel du Svalbard, dans le Grand Nord norvégien, sur la base de recherches de Ny-Ålesund. C’est là un site exceptionnel pour la recherche scientifique, permettant de mieux comprendre le fonctionnement et l’évolution de l’atmosphère, des glaciers et des écosystèmes arctiques. C’est, en outre, un endroit unique où se déploie efficacement une véritable coopération internationale puisque comprenant des bases franco-allemande, britannique, chinoise, coréenne, indienne, italienne, japonaise, néerlandaise et norvégienne.

Ce déplacement est venu confirmer nos convictions : il faut impérativement et urgemment soutenir la recherche française polaire via un réengagement significatif de l’État. La France demeure une nation qui compte aux pôles, en contribuant très fortement à la recherche dans ces régions du monde, mais sa position repose sur un opérateur fragile – l’Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) –, dont les moyens humains et financiers sont très nettement inférieurs à ceux de nations d’ambition comparable. En 2019, la France consacrait aux missions de l’IPEV un budget d’environ 18 millions d’euros, contre un peu plus de 20 millions d’euros mobilisés par l’Italie, 45 millions d’euros pour la Corée du Sud et plus de 50 millions d’euros pour l’Allemagne. Les écarts paraissent encore plus flagrants lorsque l’on rapporte les budgets au nombre de personnels permanents gérant les missions logistiques : en 2019, l’IPEV comptait 38 permanents pour un budget de 18 millions d’euros, alors que l’Australie comptait 75 permanents pour un budget de 45 millions.

La France doit, de toute urgence, rehausser significativement les moyens dédiés à la recherche scientifique aux pôles. Nous déposerons un amendement en ce sens, visant à augmenter de 1 million d’euros la masse salariale de l’IPEV, ce qui permettrait de procéder au recrutement des personnels dont l’institut a impérativement besoin. Il y va de la crédibilité de la France sur la scène mondiale, sa puissance aux pôles étant essentiellement conditionnée par l’excellence de sa recherche scientifique. Nous estimons urgent de lui donner les moyens de le rester. J’appelle tous mes collègues à se joindre à notre initiative et demande au Gouvernement de s’engager à soutenir les missions de l’IPEV, qui sont essentielles au rayonnement de la France.

Mme Bérengère Poletti. Je tiens tout d’abord à exprimer ma satisfaction face aux promesses tenues pour atteindre 0,55 % du RNB au titre de l’APD.

L’article 3 de la loi de programmation dispose qu’un rapport doit être remis au Parlement au mois de juin. Toutefois, 2022 étant une année électorale, comment cela se passera-t-il ? Recevrons-nous des informations en février ou en mars pour assurer une parfaite transparence ? L’article 12 porte quant à lui sur la commission d’évaluation : où en est la constitution de cette commission ?

La France, à l’initiative du programme ACT-A, a prévu d’y consacrer plus de 1 milliard d’euros mais n’en a décaissé que 300 millions d’euros, se classant en dernière position des pays du G7 est l’une des dernières du G20 – alors que nous sommes confrontés à un problème de santé publique au niveau mondial ! Même en prenant en compte le doublement des dons de doses, nous demeurons parmi les derniers de la classe. J’aimerais bien comprendre.

Je rejoins les propos sur le Fonds mondial, au titre duquel nous devions augmenter notre participation de 20 %. Or nous sommes en retard. Il en va de même du partenariat mondial pour l’éducation : nous n’atteindrons pas les 500 millions d’euros prévus en 2025.

Enfin, devant les sénateurs, vous vous êtes déclaré favorable à une répartition différente de la TTF. Nous devrions pouvoir trouver une solution pour augmenter les crédits de l’APD parce que les besoins subsistent.

M. Hervé Berville. Monsieur le ministre, je veux vous remercier d’avoir été à nos côtés dans tous les combats : le vote de la loi de programmation, qui n’avait rien d’évident ; le combat pour transcrire dans la loi l’engagement international de consacrer 0,7 % du RNB ; le combat pour la TTF, qui atteint désormais le niveau historique de 628 millions d’euros. Vous avez également, en tant que ministre, tenu vos promesses : nous avons atteint 0,55 % du RNB !

J’en profite pour remercier tous ceux qui, dans les services, travaillent sur ces sujets : ce sont des personnes de qualité. Au cours de l’élaboration des budgets des dernières années, nous avons eu l’occasion de mener un travail fécond. Peut-on envisager de renforcer cette équipe ? Elle travaille en effet sur tous les enjeux du développement international.

Par ailleurs, il faut changer l’appellation d’aide publique au développement, parce qu’elle ne permet pas d’embrasser la réalité de cette relation. J’exprime le vœu que, l’année prochaine, la mission Aide publique au développement ait changé de nom.

De plus, la lecture de nos missions entre les différents programmes pose problème. Je plaide très fortement en faveur d’une mission bilatérale, qui intégrerait les programmes 209 et 110, et une mission multilatérale. Cela nous évitera de nous poser la question de l’écologie et de tous les fonds qui s’y attachent. L’année prochaine, faisons en sorte d’avoir une mission bilatérale et une mission multilatérale sous votre commandement, sous une forme très simple, par exemple, une mission Coopération bilatérale et une mission Partenariats internationaux.

Je terminerai par deux questions. Comment pouvons-nous vous aider à réduire les impasses qui affectent le programme 209 à chaque fois qu’il y a des promesses présidentielles ?

Ma seconde question s’adresse à vous, monsieur le président. Nous évoquons rarement ici le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, alors que le budget affiche des autorisations d’engagement de 1,5 milliard pour reconstituer les fonds de la Banque mondiale. Une audition spécifique sur le thème de la Banque mondiale et du FMI pourrait-elle être organisée ? Nous ne pouvons traiter de l’aide au développement et des partenaires internationaux sans la DGM, la direction générale du Trésor et vous-même dans le cadre d’une vraie discussion sur ces questions multilatérales.

M. Rodrigue Kokouendo. Lors du nouveau sommet Afrique-France, le 8 octobre, le Président de la République a annoncé qu’un fonds de 30 millions d’euros sera débloqué pour soutenir la société civile africaine dans ses actions en faveur de la démocratie. Ce fonds se déploiera sur trois ans et servira à promouvoir les initiatives d’innovation en matière d’accès à la justice, de transparence des institutions, de lutte contre la corruption et contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Comment le déploiement de ce fonds se traduit-il dans le projet de loi de finances pour 2022 ? Pouvez-vous nous indiquer quelle part sera consacrée à chacune de ces thématiques ? Par ailleurs, quels seront les outils de mesure de l’impact de ce fonds sur ces thématiques ?

Alors que le Président de la République a été interpellé sur le rôle de la France dans l’accompagnement – et non l’aide – des pays africains, quelles sont les ambitions de ce fonds ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie pour les propos que vous avez tenus à mon endroit. J’espère avoir contribué à redonner de la fierté à ce ministère. Cela passe par la réhabilitation de l’immobilier parce que, dans un immobilier dégradé, on n’éprouve pas le sentiment de la fonction régalienne. Nous sommes désormais le troisième réseau diplomatique mondial, derrière les États-Unis et la Chine : il faut l’assumer. Cela suppose d’avoir un prospect sur rue présentable, tant immobilier qu’en termes de personnels.

À cet égard, je suis tout à fait conscient de la nécessité de renforcer la filière développement. C’est la raison pour laquelle l’École diplomatique et consulaire comportera une filière développement afin, d’une part, que les diplomates soient également compétents en matière de développement et que la porosité des carrières soit permise et, d’autre part, que la DGM devienne une direction générale considérée à l’égale des autres. Le mouvement est amorcé, il convient de le renforcer. J’y suis particulièrement attaché.

Pour ce qui est du CAS, les 36 millions d’euros que j’indiquais s’entendent pour solde de tout compte. Le CAS existe toujours ; il sert notamment aux travaux de rénovation du Quai d’Orsay lui-même, dont les travaux, en cours de préparation, débuteront en 2022. Toutefois, les recettes des ventes, si elles permettent de financer ce type d’opération, ne peuvent financer l’ensemble des travaux nécessaires à notre immobilier. Cela ne contredit en rien les propos que j’ai tenus précédemment sur les questions immobilières.

Madame Genetet, le secours occasionnel de solidarité sera poursuivi. J’espère que, dans la loi de finances rectificative de fin d’année, nous pourrons bénéficier du report des financements engagés depuis 2020 qui ont été mobilisés pour les secours occasionnels de solidarité en 2021. J’espère pouvoir disposer du solde en 2022. Cette réponse vaut pour votre question, mais également pour celle de Mme Lakrafi portant sur l’aide aux entrepreneurs français à l’étranger. Il ne s’agit pas d’aider directement les entreprises mais d’accompagner les associations qui appuient l’action des chefs d’entreprise à l’étranger, la mobilisation de Proparco se poursuivant en 2022.

Vous avez par ailleurs souligné qu’une partie des avancées était due à l’action des parlementaires. J’essaie, bien évidemment, de faire en sorte que vos préoccupations soient prises en compte dans le budget. D’une manière générale, la force de votre action est indispensable pour compléter et conforter la mienne.

Madame Clapot, s’agissant du renforcement numérique, il nous faut tout d’abord développer des applications nouvelles pour offrir de nouveaux services aux usagers et simplifier les démarches internes, à l’instar du registre d’état civil électronique ou de France-Visas, qui a simplifié ses démarches grâce au numérique.

Nous souhaitons ensuite adapter les outils et les infrastructures de développement afin de permettre aux développeurs informatiques de travailler à distance. Nous voulons également développer un système de détection des fuites de données et renforcer notre infrastructure de sécurité.

Enfin, nous souhaitons instaurer un système de communication unifié et sécurisé pour les agents du ministère, incluant le développement d’une solution spécifique de travail à distance destinée aux agents de droit local, afin que ceux qui n’ont pas la nationalité française puissent accéder à un système sécurisé. Des précautions sont à prendre, mais il est certainement possible d’élaborer un dispositif techniquement performant pour que les agents de droit local ne se sentent pas écartés de la communication numérique uniquement pour des raisons de sécurité. Nous voulons donc résorber le retard, qui était important, et sécuriser nos systèmes d’information, ce qui est essentiel.

Un rapport sur l’amélioration de l’utilisation du produit de la TTF versé au Fonds de solidarité pour le développement (FSD) vous sera remis par le Gouvernement dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Ce rapport sera l’occasion d’un débat ouvert sur l’avenir de cette taxe, dont l’affectation a été en grande partie détournée de son objectif initial.

Je rencontre un problème particulier avec les références financières de Mme Poletti concernant ACT-A, pour lequel nous avons mobilisé 810 millions d’euros : 560 millions d’euros en 2020, dont 200 millions pour COVAX, et 250 millions en 2021. Nous devrons comparer nos chiffres mais, au-delà de la mobilisation financière, nous sommes sur un cycle d’approvisionnement et de livraison de 120 millions de doses d’ici au mois de juin de l’année prochaine.

À la demande du Président de la République, je réunis une fois par mois une task force avec l’ensemble des ministères. Je suis chargé de vérifier que tout le nécessaire est bien engagé en relation avec nos représentants de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève et dans les différents postes pour stimuler l’ensemble des actions et faire en sorte que les retours se déroulent bien. Ce n’est pas toujours facile. Non seulement il faut que nous disposions des doses et qu’elles arrivent à destination, mais il faut également que les personnes se fassent vacciner. Souvent, ce dernier point est le plus difficile à atteindre.

S’agissant des financements, il est prévu 1,06 milliard d’euros pour l’ensemble du programme ACT-A. Mes chiffres concernant les montants décaissés sont supérieurs aux vôtres, car ils évoluent rapidement.

Concernant l’article 3 et l’article 12, le dispositif est en cours de réalisation. Je devrais être en mesure de vous livrer toutes les informations sur la transparence et des précisions sur la commission d’évaluation à l’occasion de la séance plénière.

Monsieur Girardin, le budget de l’IPEV ne dépend pas de mon ministère. Toutefois, je partage votre avis sur les enjeux, qui sont à la fois sécuritaires et scientifiques. Je suis très sensibilisé à cette question, d’autant que le siège de l’IPEV est installé dans une région que je connais bien – à Brest ! Je pense que l’on n’a pas encore mesuré l’ampleur des enjeux liés aux stratégies polaires, que d’autres pays ont anticipée, tant dans le domaine scientifique que dans le domaine sécuritaire. L’ambassadeur chargé de cette question est dynamique et performant. Il faudra que nous travaillions ensemble pour obtenir des financements complémentaires, même si ceux-ci ne dépendent pas de mon ministère.

Monsieur Berville, s’agissant du changement de nom de l’APD, il faut trouver la bonne référence. J’ai cru comprendre que vous souhaitiez également un changement de nom de l’AFD. Je suis disponible pour entendre d’utiles propositions. Quant à la réorganisation des programmes, je suis d’accord avec vous pour appréhender le programme 110 dans le sens d’une répartition plus performante. C’est l’un des thèmes que je n’ai pu traiter au cours de ce quinquennat car il rencontre une certaine résistance.

Monsieur Kokouendo, le fonds de soutien pour la démocratie sera financé par le FSPI.

Monsieur Mbaye, s’agissant de la répartition entre les dons et les prêts, le pourcentage de dons s’élevait à 81 % en 2019 ; il a légèrement baissé en 2020, s’établissant à 72 %, en raison du lancement de l’initiative Santé en commun par l’AFD, constituée pour 1 milliard d’euros de prêts et 150 millions de dons. Nous sommes tenus de respecter la loi de programmation du 4 août dernier selon laquelle la part des dons doit représenter au moins 70 % de notre APD sur la période 2022-2025. Je pense que nous atteindrons ce pourcentage. Nous veillons également à ne pas dégrader la soutenabilité de la dette des pays en développement et refusons d’intervenir sous forme de prêts dans les pays à plus grand risque d’endettement. Cela nous oblige à être réalistes quant à la problématique du don.

À la rentrée 2021, les flux d’étudiants étrangers étaient identiques à ceux connus à la rentrée 2019. Après avoir connu, en 2020, des baisses liées, d’une part, à l’effet dissuasif de l’annonce des frais d’inscription majorés et, d’autre part, à la crise sanitaire, nous retrouvons le niveau de 2019. Pour l’année 2022, l’enjeu est de poursuivre la relance de la mobilité par des actions de promotion s’appuyant sur de nouvelles bourses accordées aux meilleurs étudiants. C’est la raison pour laquelle, dans le projet de budget que je vous propose, les crédits destinés aux bourses augmenteront de 6 millions d’euros, afin de renforcer l’attractivité de nos universités.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cet exposé et les questions auxquelles il a donné lieu ont été très éclairants pour la commission. Vos propos sur un certain nombre de nos préoccupations nous ont paru très rassurants.

Nous allons poursuivre l’examen de ce budget. Nous avons à examiner neuf rapports pour avis. Nous commençons demain par ce rapport assez spécifique qu’est le rapport sur le prélèvement européen. Puis, nous aborderons l’examen des rapports pour avis. Nous nous retrouverons ensuite, monsieur le ministre, en séance publique. Vous aurez alors l’occasion d’apporter les informations complémentaires qui vous ont été demandées, mais le terrain a, d’ores et déjà, été très largement déblayé. Je vous en remercie, monsieur le ministre, et, comme l’on disait au Grand Siècle, à vous revoir !

II.   présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Lors de sa réunion du 20 octobre 2021, la commission a examiné le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Après la présentation de ces crédits par Mme Thomas, M. Nadot exposera la contribution du groupe Libertés et Territoires.

Le budget pour 2022 de l’aide publique au développement est, on peut le dire, le budget de la parole tenue. La trajectoire que nous avons votée dans la loi de programmation du 4 août 2021 est respectée : 0,55 % du revenu national brut en 2022, pour s’efforcer d’atteindre 0,7 % en 2025. Les crédits de la mission augmentent de près de 1 milliard d’euros, pour atteindre 4,9 milliards, dont 3 fournis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. La prévision budgétaire pour 2022 inscrite à l’article 2 de la loi du 4 août 2021 est d’ores et déjà dépassée de 100 millions. Compte tenu de la prévision du revenu national brut pour 2022, l’aide publique française dépassera les 14,5 milliards d’euros l’an prochain.

Vous avez la chance, madame la rapporteure, de présenter une politique qui a été l’objet d’une mobilisation importante de tous les groupes de l’Assemblée à l’occasion du vote de cette loi, préparée par Marielle de Sarnez et notre commission, et défendue avec le concours et la compréhension de nos collègues du Sénat et l’enthousiasme du ministre. C’est vraiment d’une grande politique qu’il s’agit. Votre rapport en montre toute l’importance pour 2022, année qui marque, je crois, le retour de la France dans l’aide au développement où elle s’était montrée assez pâle ces dernières années – mais je laisse chacun se prononcer sur ce point.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Les crédits de la mission Aide publique au développement (APD) étaient très attendus cette année puisque nous avons définitivement adopté, il y a quelques semaines, une loi particulièrement ambitieuse qui fixe le cadre et les orientations de notre politique de développement solidaire pour les prochaines années. Nous avons doté notre pays d’une réelle vision stratégique et d’une doctrine nouvelle à l’égard de nos partenaires du Sud. Je tiens à rappeler à quel point cette loi a été élaborée en étroite collaboration avec tous les groupes politiques de cette commission et avec les ministères concernés. Nous pouvons collectivement en être très fiers.

Les crédits pour 2022 s’inscrivent dans une dynamique engagée dès 2017, et qui s’est traduite par une augmentation constante des montants alloués à la mission APD. Ce budget se compose de deux programmes principaux : le programme 110, Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l’économie et des finances, et le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes augmenteront de près de 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

Cette hausse sans précédent permettra à notre pays d’atteindre et même de dépasser l’objectif, fixé par la loi du 4 août dernier, d’une aide publique au développement représentant 0,55 % de notre revenu national brut en 2022, l’objectif étant, comme vous le savez, d’atteindre un niveau de 0,7 % en 2025.

Si les crédits de paiement de la mission APD, dont le total sera supérieur à 5 milliards d’euros, doivent baisser légèrement par rapport à l’année dernière, tous programmes confondus, il s’agit d’un effet d’optique dû à la réduction du programme de renforcement des fonds propres de l’AFD, réalisé pour l’essentiel en 2021, et au transfert progressif du financement de la coopération communautaire au budget général de l’Union européenne.

Les crédits des deux programmes qui soutiennent concrètement notre aide, les programmes 110 et 209, augmentent, quant à eux, très nettement, de plus de 27 % pour le premier et de plus de 23 % pour le second. Sur l’ensemble du quinquennat, les crédits de la mission APD auront ainsi augmenté de plus de 70 % entre la loi de finances initiale pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2022, ce qui représente la plus forte hausse relative du budget de l’État.

Cette augmentation très substantielle permettra à la France d’honorer ses engagements vis-à-vis des organisations internationales et des grands fonds sectoriels, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore le Partenariat mondial pour l’éducation. Une enveloppe est également ouverte pour financer la contribution de la France à la reconstitution de l’Association internationale de développement. Par ailleurs, la hausse des crédits nous permettra de tenir nos engagements en matière de coopération sanitaire : une nouvelle enveloppe sera ainsi mobilisée pour l’initiative ACT-A (dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la covid-19), au travers de versements à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à l’Alliance Gavi et à Unitaid.

Les ressources allouées à l’Agence française de développement (AFD) au titre de l’aide projet, rémunération de l’Agence comprise, atteindront pour la première fois 1 milliard d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de plus de 23 %.

Par ailleurs, l’objectif de consacrer 500 millions à l’aide humanitaire, fixé par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, sera atteint grâce à une hausse de ce type de crédits de près de 170 millions par rapport à 2021. Je tiens à saluer le travail et l’implication de l’ensemble des travailleurs humanitaires, en particulier du Centre de crise et de soutien du ministère, dont nous avons pu voir à de nombreuses reprises qu’il fait un travail absolument remarquable.

Concernant la maquette budgétaire, j’appelle votre attention sur la présence, pour la première fois, d’un programme Restitution des « biens mal acquis ». La loi de programmation du 4 août dernier a en effet prévu un mécanisme de restitution des avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes de ces infractions, par la mise en œuvre d’actions de développement dans les pays concernés. Le projet de loi de finances pour 2022 ne prévoit pas à ce stade d’ouverture de crédits pour ce programme mais celui-ci sera doté au fur et à mesure de l’encaissement du produit de la vente de biens mal acquis – la première restitution devrait concerner la Guinée équatoriale. C’est un mécanisme innovant et inédit que l’on doit à la ténacité du Président de la République, du ministère des affaires étrangères et des parlementaires, et je souhaite qu’il puisse inspirer d’autres pays.

Il y a un an, je vous présentais mon rapport sur ce que j’appelais « l’équipe France » du développement, c’est-à-dire ces femmes et ces hommes qui travaillent au quotidien au sein de nos administrations, des institutions, des ONG et des associations pour mettre en œuvre au plus près du terrain nos politiques de solidarité internationale. Depuis, de nombreux progrès ont été accomplis, et d’autres restent à venir.

L’examen du dernier projet de loi de finances de cette législature est le moment de faire un bilan, dans un contexte de crise mondiale dont les premières victimes sont principalement les femmes, les adolescentes et les jeunes filles. À la suite du rapport présentant « 100 propositions pour une diplomatie féministe » de nos collègues Mireille Clapot et Laurence Dumont, il me paraît important de mettre l’accent sur la question de l’égalité femmes-hommes et de l’émancipation des femmes. C’est un axe majeur de ce quinquennat, qui a été érigé en priorité nationale par le Président de la République et dont la loi du 4 août dernier fait une priorité transversale. J’ai souhaité m’assurer que cette dimension était bien prise en compte dans notre politique d’aide au développement.

J’ai d’abord constaté que des progrès importants et incontestables ont été réalisés au cours des dernières années. Des engagements internationaux ont notamment été pris dans le cadre du Partenariat de Biarritz de 2019, du sommet Finance en commun de 2020 ou du Forum Génération Égalité de juillet dernier, organisé en France et qui a lancé des coalitions d’action portant sur l’autonomie corporelle ou les droits en matière de santé sexuelle et reproductive. L’Union européenne n’a pas été en reste, grâce à ses différents plans d’action pour l’égalité entre les femmes et les hommes, très largement soutenus par la France.

Il existe également une émulation internationale. Le Canada et la Suède ont donné un accent résolument féministe à leur diplomatie. J’ai pu auditionner le premier secrétaire, chargé de la diplomatie féministe, de l’ambassade de Suède à Paris, qui a cité l’exemple des élections organisées en Somalie en 2016 : l’aide de la Suède dans le processus électoral a permis une augmentation de 70 % de la participation des femmes.

La France a emboîté le pas. Elle a repris à son compte le concept de diplomatie féministe et s’est dotée d’une stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes couvrant la période 2018-2022. Notre pays s’est engagé, dans la loi du 4 août dernier, « à tendre vers un marquage égalité femmes-hommes conforme aux recommandations du plan d’action sur l’égalité des genres de l’Union européenne, soit en pourcentage des volumes annuels d’engagements de l’aide publique au développement bilatérale programmable française : 85 % comme objectif principal ou significatif et 20 % comme objectif principal ».

L’AFD, de son côté, s’est dotée d’un réseau de 70 « référents égalité ». Son contrat d’objectifs et de moyens lui fixe une cible de 55 % pour la part de ses projets à l’étranger qui doivent avoir un objectif de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes marqués « CAD 1 » ou « CAD 2 », c’est-à-dire ayant cette égalité comme objectif principal ou significatif. L’AFD se définit désormais comme une agence féministe. Elle a créé un Fonds de soutien aux organisations féministes, doté de 120 millions d’euros sur trois ans, et promeut l’émancipation des femmes à travers de multiples initiatives. Son Fonds paix et résilience Minka, par exemple, comporte des objectifs en matière d’égalité femmes-hommes concernant les populations en sortie de crise.

Le ministère des affaires étrangères soutient lui-même directement, de multiples manières, la promotion de l’égalité femmes-hommes. Je pense notamment au soutien apporté au fonds du docteur Mukwege et à l’initiative AFAWA (Initiative pour favoriser l’accès des femmes au financement en Afrique) en faveur de l’entrepreneuriat féminin, dont l’idée première est de considérer les femmes comme des actrices de développement à part entière et de les accompagner dans la réalisation de leurs projets. La France apporte également son soutien à ONU Femmes, une agence des Nations unies assez récente, puisqu’elle a été créée en juillet 2010, et encore trop méconnue mais particulièrement active. J’ai pu m’entretenir avec plusieurs de ses représentants. La France a déjà fortement augmenté sa contribution à ONU Femmes : cet effort financier mérite d’être prolongé et de se doubler d’un investissement politique et diplomatique afin que notre pays fasse entendre sa voix au sein de cette agence pleine d’avenir.

J’insiste aussi dans mon rapport sur la réussite que constitue le Fonds français Muskoka, qui agit avec efficacité depuis 2010 pour la santé et le bien-être de la femme et de l’enfant en Afrique de l’Ouest et centrale. Géré par le ministère des affaires étrangères, en lien avec l’OMS et plusieurs agences onusiennes, ce fonds accomplit un remarquable travail sur le terrain – j’ai pu le constater au Niger et au Togo. Il intervient aujourd’hui dans neuf pays mais pourrait encore élargir son champ d’action.

Les droits des femmes ont trouvé leur place au sein de notre APD. Néanmoins, les défis qui restent à relever sont immenses, d’autant que les crises actuelles tendent à fragiliser les acquis.

Tout d’abord, la crise de la covid-19 a entraîné de forts reculs sur le front de l’égalité femmes-hommes. Premières victimes des conséquences de la pandémie, les femmes sont dans le même temps aux avant-postes de la réponse à la crise sanitaire puisqu’elles représentent plus de 70 % du personnel soignant dans le monde, ici comme au Sud. Les femmes sont particulièrement touchées par la crise des secteurs du tourisme, de la restauration et des services, où elles sont fortement employées. Nombreuses aussi à travailler dans le secteur informel, et donc dépourvues de toute assurance sociale, beaucoup de femmes se trouvent aujourd’hui démunies. Par ailleurs, les filles pâtissent tout particulièrement de la fermeture des écoles. Lorsque ces dernières rouvrent après les confinements, de nombreuses jeunes filles n’y retournent pas, car elles ont été mises à contribution pour travailler et subvenir aux besoins de leur famille. On estime ainsi que plus de cinq millions de filles risquent de ne plus retourner à l’école.

Les zones dans lesquelles les défis en matière d’égalité femmes-hommes sont les plus aigus demeurent situées en Afrique de l’Ouest et centrale, en particulier dans le Sahel et les pays en situation de conflit. Le mariage forcé, les mutilations génitales ou encore l’absence d’enregistrement de la naissance des filles y sont encore des réalités répandues. On assiste incontestablement depuis quelques années, dans certaines zones, à une forme de retour aux traditions, parfois sous l’influence de pays étrangers.

Par ailleurs, les femmes sont des actrices incontournables du développement, et il convient de multiplier les actions et les projets visant à les accompagner sur la voie de l’émancipation économique.

Dans ce contexte, je crois que la France peut faire encore davantage et mieux, en collaboration avec ses partenaires étrangers et en lien avec les grandes organisations internationales.

S’agissant des projets en faveur du genre, nous pouvons progresser concernant les projets marqués CAD 2, c’est-à-dire ayant l’égalité femmes-hommes comme objectif principal. Nous devrons y veiller particulièrement dans le prochain contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD, pour la période 2023-2025.

En outre, un renforcement du caractère féministe de notre aide au développement pourrait passer par la nomination d’un ambassadeur, ou d’une ambassadrice, thématique en charge de l’égalité femmes-hommes. Il me paraît surprenant, alors que notre diplomatie se déclare officiellement féministe depuis plusieurs années, que nous ayons des ambassadeurs pour le sport, la science, la santé ou le numérique, mais pas pour l’égalité entre les femmes et les hommes. La nomination d’un tel ambassadeur serait déterminante pour porter la voix de la France en la matière dans les grandes enceintes internationales, pour veiller à la mise en œuvre des engagements adoptés dans le cadre de rencontres telles que le Forum Génération Égalité et pour rappeler que les femmes ne doivent pas être vues seulement comme des victimes d’injustices à réparer mais aussi comme des acteurs essentiels du développement.

Je recommande aussi que le représentant d’ONU Femmes, lorsqu’il en existe un dans le pays concerné, soit systématiquement convié aux réunions du conseil local du développement organisées par l’ambassadeur.

Le manque de moyens en personnel de nos ambassades a des conséquences dommageables sur cet outil précieux qu’est le Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), qui est majoritairement mis en œuvre par les postes diplomatiques. Ce fonds est très utile pour soutenir les initiatives en faveur de l’autonomisation des femmes, en complément de l’action de l’AFD. Malheureusement, l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des projets nécessitent des moyens humains qui ne sont pas toujours au rendez-vous.

Des efforts doivent aussi être accomplis pour améliorer la redevabilité de l’APD française en matière d’égalité femmes-hommes. À cet égard, il pourrait être utile que la commission d’évaluation de l’aide publique au développement qui est prévue par la loi du 4 août dernier se penche sur l’efficacité de notre APD dans ce domaine. Je rappelle que cette commission peut être saisie de demandes d’évaluation par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat, qu’elle doit adresser l’ensemble de ses rapports d’évaluation au Parlement et qu’elle est chargée de remettre à ce dernier, une fois par an, un rapport faisant état de ses travaux, conclusions et recommandations.

J’ajoute que mon avis budgétaire contient d’autres propositions visant à placer plus que jamais l’égalité entre les femmes et les hommes au cœur de notre politique d’aide publique au développement. Les progrès déjà accomplis pourront ainsi être consolidés.

Les crédits prévus pour l’APD dans le présent projet de loi de finances me paraissent aller dans ce sens. C’est pourquoi je vous invite à émettre un avis favorable à leur adoption.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous allons maintenant entendre M. Nadot dans le cadre de la procédure instaurée à la demande de Marielle de Sarnez pour permettre à des groupes qui n’auraient pas la possibilité, pour des raisons numériques, d’avoir des rapporteurs pour avis de mieux participer à nos travaux. M. Nadot est ainsi l’auteur d’une contribution au nom du groupe Libertés et Territoires.

M. Sébastien Nadot. La crise sanitaire a conduit 118 millions de personnes supplémentaires à souffrir de la faim entre 2019 et 2020. Le contexte particulier que nous connaissons nécessite un effort de solidarité décuplé. C’est pourquoi nous saluons la hausse des crédits de près de 1 milliard d’euros pour la mission Aide publique au développement, qui s’élève à plus de 4,9 milliards d’euros au total. Nous saluons en particulier la hausse de l’aide humanitaire, dont le montant passera à 500 millions d’euros, ce qui représente 170 millions de plus qu’en 2021.

Le nouveau programme 370, Restitution des « biens mal acquis », permettra d’appliquer une disposition particulièrement bienvenue de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, du 4 août 2021. Il s’agit de restituer aux populations une partie des biens qui ont été spoliés par leurs dirigeants.

Il faut aussi rappeler que les crédits de cette mission ne représentent qu’un tiers du total de ce qui est comptabilisé comme aide publique au développement. Le calcul intègre, en effet, des dépenses diverses en fonction de critères établis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il existe une certaine dispersion comptable qui rend ardus le pilotage, le suivi et l’évaluation de l’aide publique au développement, tant par la société civile que par les parlementaires, comme le souligne notamment Coordination Sud, organisation regroupant les ONG françaises de solidarité internationale. Parfois, les montants globaux de l’aide publique au développement peuvent ainsi être considérés comme du trompe-l’œil. Par exemple, la très forte hausse de l’année 2021 est notamment due à la comptabilisation de l’effacement de la dette du Soudan, pour près de 5 milliards.

S’agissant de 2022, l’ensemble de ce qui est comptabilisé comme aide publique au développement représente 14,6 milliards d’euros, et la trajectoire prévue par la loi de programmation du 4 août dernier est ainsi respectée. Le total de l’aide publique au développement devrait représenter 0,56 % du revenu national brut l’année prochaine, ce qui permettra d’atteindre et même de dépasser un peu l’objectif fixé en la matière.

Nous nous satisfaisons de cet effort, mais nous rappelons que nous avons été nombreux à regretter lors de l’examen du projet de loi de programmation que la programmation prévue n’aille que jusqu’en 2022. La loi prévoit que la France « s’efforcera d’atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 » : nous regrettons que cette formulation n’ait pas de valeur contraignante. Nous aurions préféré que la France « consacre » 0,7 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement en 2025, conformément à l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron. Nous espérons que l’effort se poursuivra afin d’atteindre l’objectif de 0,7 % en 2025, comme l’ensemble des pays riches se sont engagés à le faire dans une résolution adoptée en 1970 par l’Assemblée générale des Nations unies.

La loi de programmation a néanmoins gravé dans le marbre de nombreuses orientations positives que nous demandions. Ce texte a notamment prévu un meilleur contrôle parlementaire sur l’affectation et l’utilisation de l’aide. Il a également établi des priorités thématiques, au premier rang desquelles l’éradication de la pauvreté, ainsi que des priorités géographiques, dont une cible d’au moins 25 % de l’aide consacrés à 19 pays prioritaires parmi les moins avancés – des pays d’Afrique subsaharienne et Haïti. Toutefois, le montant affecté à cette cible aurait pu être plus important : l’argent de l’aide au développement doit aller en priorité aux populations qui en ont le plus besoin. Nos amendements visant à renforcer l’accessibilité des produits de santé issus de la recherche publique ou à imposer une obligation de vigilance aux acteurs du développement ont également contribué à améliorer la loi.

Notre groupe a demandé à de nombreuses reprises que l’aide au développement française donne davantage la priorité aux dons par rapport aux prêts, à l’instar de ce que font la plupart des pays. La loi de programmation a consacré cette priorité en prévoyant que les dons devront représenter 70 % du montant total de l’APD, hors allégements de dette et prêts aux institutions financières. Cela fera évoluer d’une manière positive le modèle français d’aide au développement, qui tend encore trop à concevoir l’aide comme un investissement alors qu’elle devrait en premier lieu avoir vocation à aider les populations. La part qui est prévue reste toutefois inférieure à notre demande et à la moyenne des pays donateurs de l’OCDE, qui se situe autour de 85 %.

Une des recommandations que notre groupe relaie avec insistance consiste à accroître le fléchage de la taxe sur les transactions financières vers l’aide publique au développement. Cette taxe représentera 1,3 milliard d’euros de recettes en 2022, dont moins de la moitié sera affectée à l’APD. Il est nécessaire de faire de ce moyen de financement innovant un véritable outil de justice fiscale alors que la spéculation financière ne cesse de s’accroître.

Je ne renchérirai pas sur la question de l’égalité femmes-hommes évoquée par la rapporteure pour avis, mais ce point nous paraît également important.

Malgré les quelques réserves dont j’ai fait part, le groupe Libertés et Territoires est favorable à la hausse significative des crédits de cette mission budgétaire, qui permettra de donner une traduction à plusieurs objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août dernier, que nous avions contribué à renforcer.

Mme Mireille Clapot (LaREM). Valérie Thomas est une rapporteure chanceuse et sans doute heureuse, effectivement, parce que les hausses annoncées pour 2022 ne peuvent que nous satisfaire.

Le Président de la République a fait de l’aide publique au développement une des priorités du quinquennat. Il a donné une ambition nouvelle à cette politique, qui doit devenir plus agile, plus efficace et plus utile, dans un contexte notamment marqué par de fortes attentes chez nos partenaires internationaux.

Une étape importante a été franchie en février 2018 lors de la réunion du CICID, qui a profondément renouvelé les objectifs et la méthode suivie en établissant des régions prioritaires et des priorités thématiques – crise et fragilité, lutte contre le changement climatique, éducation, égalité femmes-hommes, sujet qui nous est cher, et renforcement des systèmes de santé –, afin de bien répondre aux enjeux du développement durable.

La loi du 4 août dernier a ensuite été adoptée, à l’issue d’un travail transversal, très inclusif, qui se traduit dans le projet de loi de finances pour 2022 par une hausse sans précédent des moyens consacrés à l’aide publique au développement : 0,55 %, ou 0,56 %, du revenu national brut seront consacrés à l’APD en 2022 et notre perspective est d’atteindre 0,7 % en 2025. Les objectifs sont tenus. Les crédits de paiement augmenteront de presque 1 milliard d’euros, hors renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement et hors transferts à l’Union européenne. La trajectoire budgétaire prévue au début du quinquennat est ainsi pleinement respectée. L’augmentation des moyens entre la loi de finances pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2022 s’élève à 70 %, ce qui constitue la plus forte hausse relative au sein du budget de l’État.

Merci, madame la rapporteure pour avis, d’avoir traité de l’égalité femmes-hommes, car c’est un sujet tout à fait important. La situation est très contrastée. Il y a toutes les données positives que vous avez rappelées, notamment la tenue du Forum Génération Égalité, qui s’est achevé le 2 juillet dernier, à Paris, et dont la secrétaire générale était notre ancienne collègue Delphine O. Ce forum a permis de lancer un parcours d’action mondial, sur cinq ans, qui vise à produire une accélération en matière d’égalité femmes-hommes. Un Pacte sur les femmes, la paix, la sécurité et l’action humanitaire et de nouvelles initiatives ont également vu le jour. D’un autre côté, le contexte international est marqué par la crise sanitaire et économique, par la désertion voulue ou subie des filles au sein de l’école, et je ne crois pas avoir besoin d’insister sur la situation en Afghanistan ou au Mali. J’invite donc à regarder les propositions que vous faites, madame la rapporteure pour avis, notamment en ce qui concerne les incitations budgétaires et le renforcement des contributions à ONU Femmes. Je rappelle aussi que nous avons prévu des marqueurs CAD 1 et CAD 2 dans la loi d’août dernier. Comment arriver à être assez agile pour se positionner sur le long terme tout en réagissant aux crises qui affectent les droits des femmes dans le monde entier ?

Mme Bérengère Poletti (LR). La pauvreté a considérablement augmenté au niveau mondial en lien avec la covid, c’est vrai, alors qu’elle avait plutôt tendance à régresser, même si ce n’était pas assez rapide, et nous devrons affronter des crises majeures qui seront très pénalisantes pour les pays en développement – je pense aux questions climatiques et démographiques. Cela justifie l’augmentation importante de notre aide publique au développement et le fait que la France réponde à nouveau présente en la matière : nous avons tout à fait soutenu cette évolution. L’enjeu n’est pas seulement financier : il porte aussi sur la structure de l’aide publique au développement, comme Sébastien Nadot l’a dit. Cela concerne nos pratiques en matière de frais d’écolage, qui représentent la grande majorité de l’aide à l’éducation, mais aussi l’équilibre entre les prêts et les dons, les pays prioritaires et l’accueil des réfugiés.

Nous ne pouvons que nous réjouir du respect des engagements pris par le Président de la République et, en particulier, de l’augmentation des crédits de l’aide publique au développement pour 2022, comme le prévoyait la loi de programmation. L’année 2022 est d’ailleurs la seule à bénéficier de cette programmation, ce qui fait partie de nos regrets. Le Président de la République avait aussi fixé un objectif de 0,7 % du RNB pour l’année 2025.

Nous avons fait part au cours de ces dernières années, alors que les crédits augmentaient, de notre regret qu’il n’y ait pas plus de transparence, d’explications, de visibilité concernant ces politiques qui sont tout à fait obscures. Le ministère des affaires étrangères et l’AFD ne sont pas très bien classés dans l’Aid Transparency Index, y compris cette année. En effet, nous n’avons pas encore établi la commission d’évaluation de l’aide publique au développement et la transparence prévue par la loi du 4 août dernier. Il est aujourd’hui très compliqué pour les parlementaires de s’y retrouver. Le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui est en dehors du budget, nous échappe ainsi complètement : des crédits ne sont pas soumis à la sagacité des parlementaires.

J’ai déjà eu l’occasion d’interroger le ministre des affaires étrangères au sujet du fonds Covax : alors que cette initiative a été lancée par la France et que nous devions apporter plus de 1 milliard d’euros, nous n’avons décaissé qu’environ 300 millions – nous sommes ainsi les derniers au sein du G7. Pourriez-vous revenir sur ce point, madame la rapporteure pour avis ?

S’agissant de l’égalité femmes-hommes, je trouve que nous sommes beaucoup dans les discours, les déclarations, et pas assez dans du concret. La condition des femmes s’aggrave, ou en tout cas elle ne s’améliore pas, dans des pays que nous aidons pourtant. Il n’y a pas toujours de cohérence entre le discours qui est tenu et les politiques menées. Je citerai un exemple que j’ai connu au conseil d’administration de l’AFD. Il nous était demandé de prêter au Pakistan, me semble-t-il, des crédits assez importants pour un tramway où on savait d’ores et déjà qu’une discrimination entre les hommes et les femmes serait pratiquée – les hommes vont dans les wagons de tête et les femmes dans ceux de queue. Nous nous sommes demandé s’il fallait apporter une aide, et la réponse a été positive. Cela se passe fréquemment ainsi : on sait, par exemple, que l’excision est pratiquée dans certains pays, on dit qu’il ne faut pas le faire, les cas augmentent et on continue à aider. J’aimerais bien savoir ce que vous en pensez, madame la rapporteure pour avis.

M. Bruno Joncour (Dem). La hausse des crédits de la mission Aide publique au développement se poursuit, conformément à la dynamique enclenchée depuis le début de la législature. Nous vivons un moment important : c’est une grande fierté de voter ce budget qui concrétise l’engagement présidentiel de porter l’APD à 0,55 % du revenu national brut en 2022. Nous avons atteint un premier palier et je suis convaincu que les crédits additionnels ouverts pour l’année prochaine permettront de poursuivre et de renforcer nos efforts de solidarité avec les pays en voie de développement.

L’actualité nous le rappelle, en effet : la solidarité internationale est plus que jamais essentielle à l’heure où les crises, qu’elles soient sanitaires, économiques ou environnementales, ne cessent de se multiplier. La loi que nous avons adoptée en août 2021 a permis de redéfinir les priorités thématiques et géographiques de l’APD et de fixer la trajectoire budgétaire, à savoir un objectif de 0,55 % du RNB en 2022 et de 0,7 % d’ici à 2025.

Les crédits prévus pour 2022 traduisent l’ambition nouvelle qui est la nôtre en ce qui concerne la politique de développement et de solidarité internationale. Ces moyens budgétaires permettront à la France d’honorer ses engagements vis-à-vis des organisations internationales et des grands fonds sectoriels, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore le Partenariat mondial pour l’éducation. Les contributions multilatérales sont étroitement liées à la mise en œuvre de notre politique de développement, puisqu’elles permettent d’orienter l’action des organismes internationaux vers les zones géographiques et les secteurs que nous considérons comme prioritaires.

Je salue tout particulièrement l’effort financier qui servira à accompagner la reconstitution de l’Association internationale de développement. Cet organisme, qui œuvre en faveur d’une reprise économique durable, notamment à travers le renforcement des institutions, sera un partenaire majeur de notre politique de développement. Par ailleurs, dans le cadre de la réponse internationale à la crise sanitaire, le budget pour 2022 comporte des crédits qui permettront de poursuivre la coopération en matière de santé. Une nouvelle enveloppe de 125 millions d’euros doit ainsi être mobilisée pour l’initiative internationale ACT-A. Pilotée par l’Organisation mondiale de la santé, cette initiative s’efforce d’apporter une réponse globale, juste et solidaire à la crise de la covid-19.

Enfin, je me réjouis de voir apparaître, pour la première fois, un programme destiné à la restitution des biens mal acquis, à la suite de la loi de programmation que nous avons adoptée. Ce dispositif permettra de restituer aux populations concernées, sous forme de projets de coopération et de développement, les recettes issues de la cession de biens mal acquis.

Le groupe Démocrate se prononcera en faveur de l’adoption de ces crédits, qui sont ceux d’un budget cohérent, à même d’atteindre les objectifs de notre aide publique au développement.

M. Alain David (SOC). Merci à notre rapporteure pour sa présentation éclairante et à Sébastien Nadot pour sa contribution.

Les programmes 110 et 209 de la mission Aide publique au développement connaissent un double mouvement, qui peut apparaître contradictoire, de contraction des CP, d’un peu moins de 290 millions d’euros, et d’expansion des AE, de 1 milliard, en total contraste avec le projet de loi de finances pour 2021 qui avait été marqué par une contraction importante des AE, de 2 milliards, et par une expansion significative des CP, de 1,6 milliard. Au total, le rattrapage des AE en 2022 ne compensera pas la diminution très importante subie en 2021, et la baisse des CP en 2022 minorera l’augmentation significative de 2021.

L’augmentation très importante des AE en 2022 provient essentiellement de la hausse des crédits du programme 110, Aide économique et financière au développement, qui sera affectée en quasi-totalité à l’aide multilatérale, laquelle avait fortement baissé l’an dernier avec la fin du cycle budgétaire des grandes organisations financières multilatérales. C’est donc un effet de rattrapage et non une augmentation de crédits substantielle.

La baisse des CP en 2022 est également due, pour l’essentiel, à un effet mécanique, la baisse, par rapport au projet de loi de finances pour 2021, des crédits destinés au renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement – la minoration est de 1,2 milliard.

Le point positif de ce budget pour 2022 est l’augmentation des CP dévolus au programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, à hauteur de 576 millions, principalement pour la coopération multilatérale. On peut regretter que les fonds dédiés à la coopération bilatérale, qui regroupe l’essentiel des dons-projets, n’aient pas été augmentés d’une manière plus significative.

M. M’jid El Guerrab (Agir ens). Il existe peu de sujets faisant l’objet parmi nous d’une telle unanimité et d’une telle fierté. Ces lignes budgétaires sont tout à l’honneur de notre pays : ce sont des actes de solidarité forts. La loi de programmation a consacré la montée en puissance des crédits de la mission Aide publique au développement, qui augmenteront de près de 1 milliard par rapport à la LFI pour 2021. Nous nous réjouissons de cette hausse sans précédent grâce à laquelle la France honorera ses engagements vis-à-vis des organisations internationales et des grands fonds sectoriels, tels que le Fonds vert pour le climat, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ou encore le Partenariat mondial pour l’éducation.

Comme l’avait demandé le groupe Agir ensemble lors de l’examen de la loi de programmation, notre effort sera stratégiquement concentré sur les pays les plus fragiles et les grandes priorités du XXIe siècle. Le projet de loi de finances pour 2022 marque ainsi notre détermination à mettre en œuvre les objectifs de développement durable, en particulier en matière d’éducation, de santé, d’égalité femmes-hommes, de préservation de l’environnement et de résilience face aux crises.

Notre groupe appelle toutefois l’attention sur un point : la loi du 4 août 2021 crée un mécanisme visant à restituer aux populations victimes de corruption internationale les avoirs qui en sont issus, par l’intermédiaire d’actions de développement menées dans les pays concernés, en accord avec eux. C’est l’objet du programme 370, qui sera doté au fur et à mesure de l’encaissement du produit de la vente de biens mal acquis. Comment s’assurer que la mise en œuvre de ce programme, que le groupe Agir ensemble a appelé de ses vœux, permette de répondre à l’urgence de restituer au plus vite des fonds essentiels pour les peuples auxquels ils ont été dérobés et à l’impératif de vigilance que nous devons appliquer afin d’éviter que les montants restitués ne soient aussitôt détournés ?

Mme Marion Lenne. Je tiens à mettre en lumière, parmi les financements du programme 110, l’initiative du G7 concernant l’inclusion financière numérique des femmes en Afrique et la contribution de 25 millions de dollars de la France, sur la période 2020-2022, à plusieurs actions complémentaires pour améliorer l’égalité entre les sexes, qui constitue le cinquième objectif de développement durable de l’Agenda 2030 de l’Organisation des Nations unies. L’ombre d’un rapport produit par la Fondation Bill & Melinda Gates plane toutefois sur ces initiatives, ce qui démontre que les États sont très loin d’en faire assez pour l’égalité.

Selon l’Indice du genre dans les objectifs de développement durable, pas un seul pays n’atteindra l’égalité des sexes d’ici à 2030. Cet outil interactif, dont l’interface est très simple d’utilisation, permet d’évaluer l’état de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les efforts à réaliser pour mettre fin aux inégalités entre les sexes dans 129 pays. Une cinquantaine de critères sont analysés, comme la santé, la violence sexiste, le changement climatique, le travail décent mais aussi l’accès des femmes aux services bancaires, à internet et à une source d’eau salubre. Aucun des dix États modèles figurant en haut du classement, à savoir le Danemark, la Finlande, la Suède, la Norvège, les Pays-Bas, la Slovénie, l’Allemagne, le Canada, l’Irlande et l’Australie, ne parviendra, je le répète, à atteindre l’objectif d’égalité d’ici à 2030. Alors que penser des dix derniers, la Sierra Leone, le Libéria, le Nigéria, le Mali, le Niger, le Yémen, le Congo, la République démocratique du Congo, le Tchad et la Mauritanie, dont vous saluez dans votre rapport la clairvoyance ? Pouvez-vous nous en dire plus, madame la rapporteure pour avis ? Il faut que la France tienne réellement ses engagements à travers sa politique publique d’aide au développement.

Mme Liliana Tanguy. Je tiens à vous féliciter, madame la rapporteure, pour votre travail et saluer ce que vous avez dit au sujet de la progression vers l’égalité femmes-hommes dans le monde. C’est une priorité défendue avec beaucoup de volontarisme par la France. Notre politique de développement intègre pleinement cette problématique et de nombreuses actions sont menées en la matière, notamment dans le cadre de la stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2018-2022, qui vise entre autres à améliorer la prise en compte de la parité dans l’aide publique au développement.

Vous avez souligné que les femmes jouent un rôle incontournable en matière de croissance et de développement. J’aimerais revenir sur les propositions que vous formulez pour poursuivre nos efforts et conforter notre engagement international en faveur de l’émancipation des femmes et de la garantie de leurs droits. Ma question porte sur votre douzième recommandation, qui est de réfléchir à la mise en place d’un dispositif de bonus pour les programmes ou les projets intégrant la promotion de l’égalité femmes-hommes. Quelles formes pourrait prendre ce bonus, et dans quelle mesure un tel dispositif serait-il plus pertinent qu’un conditionnement des aides ?

M. Jean-François Mbaye. Je tiens à saluer votre travail, madame la rapporteure pour avis, mais aussi celui qui a été fait par Bérengère Poletti et Rodrigue Kokouendo dans le cadre de leur mission d’information sur l’aide publique au développement ainsi que par Hervé Berville à propos du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Tout cela a contribué à la concrétisation de nos engagements, qui sont tenus.

Vous avez choisi de traiter une thématique très forte, qui est celle de l’égalité hommes-femmes, de mettre en relief certains défis sur ce plan mais aussi en matière de santé, et de pointer les difficultés qui se posent plus particulièrement dans certaines régions, comme l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et le Sahel. Vous avez eu raison de le faire, car des pays tels que le Burkina Faso, qui est une véritable clef de voûte, concentrent les défis : il faudra évidemment y consolider notre effort.

Vous avez également parlé du Fonds français Muskoka, excellente initiative lancée par notre pays. Quelles sont les perspectives pour ce fonds, notamment dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne ?

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Je salue l’initiative de M. Nadot, qui a déposé une contribution.

Nous revenons chaque année sur la question des critères de l’OCDE en matière d’aide au développement. Ces critères sont ce qu’ils sont, mais il conviendrait au moins que tout le monde les applique de la même façon au niveau international, car il existe des variations. Une réflexion devrait être menée à cet égard pour que les choses soient plus transparentes et plus précises, notamment quand il s’agit de faire des comparaisons et de mesurer les évolutions.

La taxe sur les transactions financières est également un marronnier, si je puis dire. Certains d’entre nous déposent chaque année des amendements pour faire évoluer la situation, et on nous oppose à chaque fois un « non » catégorique. Il faudra engager une véritable réflexion sur les taxes affectées durant la prochaine législature, le temps qui nous est imparti étant désormais très court. Il conviendra de débattre de cette question, et en particulier de l’évolution des montants attribués à l’aide publique au développement, car des financements importants, comme ceux du FSD et des grands fonds verticaux, sont en jeu. Nous devons assurer la sécurité du financement de certaines actions de développement. Il faut que la discussion ait lieu : le blocage actuel est incompréhensible – il est peut-être surtout psychologique.

Mme Bérengère Poletti. Et dogmatique !

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Tout à fait.

Nous avons de l’agilité, madame Clapot, grâce à différents programmes, notamment humanitaires, qui permettent d’agir rapidement en cas de crise. Je rappelle d’ailleurs que les crédits de l’aide humanitaire seront portés à 500 millions d’euros. L’agilité consiste aussi à répondre mieux sur le terrain. Nous avons des outils extraordinaires, comme le FSPI, qui est géré directement par les ambassadeurs. Je cite dans mon rapport quelques exemples d’actions : ce sont des interventions souples, rapides, au plus près du terrain et coconstruites très localement. Cela permet d’intervenir là où l’AFD ne peut pas le faire, parce qu’il s’agit de projets trop petits pour elle. Très souvent, certains programmes menés dans le cadre du FSPI sont repris par l’AFD à une autre échelle, ce qui démontre toute leur pertinence. Nous devons vraiment faire confiance à cet outil, qui bénéficiera l’année prochaine de 70 millions d’euros. J’ai souligné la nécessité de se doter, au ministère de l’Europe et des affaires étrangères, des moyens humains nécessaires. Les ambassadeurs nous disent qu’ils pourraient faire plus.

S’agissant de la vision à plus long terme, certains programmes entrent dans ce cadre, mais il revient au Parlement de s’assurer de leur bonne mise en œuvre. À cet égard, je mise beaucoup sur la commission d’évaluation de l’aide publique au développement. Une de ses premières missions pourrait consister à analyser l’existant. Je partage le sentiment de Bérengère Poletti, il est en effet très difficile d’avoir une vision large et complète de ce qui est fait en faveur des femmes. Il serait bon de disposer d’une photographie qui montrerait qui fait quoi en matière d’égalité femmes-hommes et de santé, par exemple.

S’agissant de COVAX, le ministre s’est engagé à répondre au banc. Nous l’interrogerons donc le 29 octobre. Je rappelle que la France a, par le biais d’ACT-A, pris des engagements importants : 5 millions d’euros en 2021 et 15 millions d’euros en 2022.

S’agissant de la transparence, je renvoie également Bérengère Poletti à la commission d’évaluation. J’espère que cet outil dont nous nous sommes dotés au travers de la loi du 4 août 2021 sera suffisant. Plus globalement, une réflexion doit être menée sur le budget d’aide publique au développement. Est-il toujours pertinent de conserver les deux programmes 110 et 209 ? Ne doit-on pas procéder à une restructuration ? Nous gagnerions sans doute en lisibilité en présentant les choses un peu différemment : faudrait-il par exemple distinguer les crédits multilatéraux des crédits bilatéraux ? La question mérite d’être posée. Les rapports qui nous seront présentés – pas en cette année de transition – amélioreront la visibilité de l’ensemble des programmes.

S’agissant des exemples concrets de femmes, c’est compliqué. Peut-être que la nomination d’un ambassadeur ou d’une ambassadrice qui porterait l’exigence de l’égalité femmes hommes, permettrait un regard transversal et sans doute plus précis sur les politiques concernées.

Je mise également beaucoup sur les conseils locaux de développement, qui, au-delà de la mise en place des plans d’action dans les pays, pourraient, si on les utilise bien, devenir, en raison de leur proximité, des sortes de lanceurs d’alerte. Ils pourraient nous interpeller sur un certain nombre de sujets.

Monsieur David, le budget suit malgré tout une trajectoire ascendante. Nous avons tous porté la loi du 4 août et nous nous sommes collectivement battus pour parvenir à atteindre cette trajectoire. Soyons-en fiers !

Sur les biens mal acquis, monsieur El Guerrab, c’est bien grâce au programme 370, désormais intégré au projet de loi de finances, que la transparence sera assurée s’agissant notamment des sommes « récupérées » par l’État français. Comment seront-elles utilisées ? Si l’idée est bien qu’elles aillent aux populations lésées par ces transferts d’argent accaparés par des responsables politiques pour leur usage personnel à l’étranger, le ministère devra mener une réflexion à ce sujet. Il faudra y travailler en étroite collaboration avec les ambassades et avec les acteurs locaux du développement hors État, notamment les ONG locales. Le conseil local de développement aura également un rôle à jouer dans l’affectation des sommes concernées.

La Mauritanie, pays que connaît bien Marion Lenne, est un exemple à suivre : parti de très loin en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes, il a pris conscience qu’il était nécessaire de se saisir de cet enjeu et a mis en place de nombreuses actions, en matière de santé, d’éducation, d’économie. Peut-être est-il insuffisamment accompagné par la France ? Comme je l’ai dit au ministère, ce pays pourrait servir de pilote, particulièrement dans cette zone sahélienne où la place des femmes est un des grands enjeux de demain. Les Mauritaniens ont compris que les femmes peuvent être source de développement. Ils souhaitent d’ailleurs que la France accompagne un vaste plan de construction d’internats pour jeunes filles afin qu’elles puissent poursuivre leur scolarité. Il s’agit d’une très bonne idée, que la commission pourrait soutenir.

Malheureusement, d’autres pays n’ont pas la même vision : là encore, les conseils locaux de développement seront des acteurs majeurs afin qu’elle s’y développe. Un ambassadeur ou une ambassadrice thématique pourrait également y contribuer dans les pays dans lesquels notre aide est importante, au Gouvernement ou au sein des instances nationales.

Madame Tanguy, s’agissant du bonus, nous avons des objectifs chiffrés dans la loi du 4 août tant pour l’AFD que pour le MEAE. Est-ce suffisant ? Comment inciter plus fortement des pays à s’engager sur cette voie de l’égalité femmes-hommes ? Peut-être faudrait-il mettre en place un fonds dédié qui abonderait les projets de développement ayant une réelle dimension égalité femmes-hommes – projets dans le cadre du FSPI ou de l’AFD ? Je soumets cette réflexion à la commission. Cet outil « carotte », qui serait très lisible, pourrait favoriser la progression de cette démarche.

Monsieur Mbaye, le fonds français Muskoka est un très bel outil, catalyseur, peu coûteux et qui produit des effets énormes parce qu’il parvient à coordonner sur le terrain de multiples acteurs, qu’il s’agisse d’agences onusiennes ou d’ONG. Il permet d’être efficient et rapide. Il pourrait être étendu à d’autres pays.

En outre, nous pourrions imaginer des fonds Muskoka sur d’autres thématiques. Je pense à l’éducation, en particulier à la scolarisation des filles. Il existe déjà de nombreux outils en la matière, notamment le Partenariat mondial pour l’éducation, mais un fonds Muskoka dédié à l’éducation permettrait sans doute une action plus rapide, plus forte et plus pertinente. Nous devons réfléchir collectivement à des instruments innovants pour l’aide publique au développement. Notre commission pourrait formuler des propositions sur de nombreux sujets, dont celui-ci.

M. Sébastien Nadot. La dispersion comptable et l’opportunité d’appliquer les critères de l’OCDE sont des questions que l’on pourra soulever avec la future commission d’évaluation de l’aide publique au développement, même si cela reporte la discussion à la prochaine législature. On peut tout à fait améliorer les choses en partant de l’existant, et ce n’est pas un vœu pieux.

Pour ce qui est de l’égalité femmes-hommes, je partage le sentiment de Bérengère Poletti : on en reste à un discours que l’on a du mal à traduire en actes sur le terrain. Le discours est une bonne chose, et je sais gré à la majorité de propager partout et dans tous les milieux un message clair sur ce thème. Néanmoins, avec la désignation d’un ambassadeur ou d’une ambassadrice thématique, on s’en tiendrait encore au discours. La création d’un fonds dédié à l’égalité femmes-hommes permettrait de développer une action plus concrète, de mettre en œuvre des dispositifs qui promeuvent cette égalité. Il conviendrait d’explorer cette piste.

S’agissant du fléchage de la TTF vers l’aide publique au développement, je fais à ce stade un constat d’échec. Si c’est un marronnier, c’est précisément parce que c’est une bonne idée devant laquelle on flanche. À l’évidence, nous devrions au minimum expérimenter la mesure. N’appartenant pas à la majorité, je ne peux guère la défendre davantage. Pourquoi la majorité ne la présente-t-elle pas à l’occasion de ce dernier budget, en écho à la loi du 4 août 2021 ? Le Gouvernement et le Parlement s’inscriraient ainsi dans une même dynamique. Et ce n’est pas un piège que je tends : nous devons travailler ensemble sur ce point.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Nous nous retrouvons en effet sur cette question.

M. Sébastien Nadot. En tout cas, madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour votre rapport précis et précieux, qui propose des pistes intéressantes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’affectation des taxes est une question très importante. Nous sommes sous le coup de modifications de la loi organique relative aux finances publiques (LOLF) qui visent à casser les mécanismes d’affectation des taxes aux organismes dépourvus de la personnalité morale. C’est, depuis toujours, une idée maîtresse des budgétaires. Elle était en arrière-plan de l’examen du texte qui est devenu la loi du 4 août 2021. Tout au long des discussions, en particulier à l’approche de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons bien senti les réticences de Bercy, mais ni le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ni nous-mêmes n’en avions pleinement mesuré l’étendue. La fin de ces mécanismes d’affectation serait un mauvais coup – même si les coups portés par Bercy le sont au service de l’intérêt général. Avec cette proposition, nous sommes dans le viseur.

Vous appelez, madame Poletti, à davantage de transparence. Ce que nous attendons de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, c’est non seulement qu’elle évalue les politiques menées, mais surtout qu’elle nous fournisse une grille d’analyse grâce à laquelle nous pourrons nous assurer que l’aide publique au développement, en particulier l’action de l’AFD, respecte les priorités fixées dans la loi. Pour évaluer, la représentation nationale a besoin d’un outil clarificateur qui lui permette de se faire une idée très précise de la façon dont l’argent est orienté. Sans jeter la pierre à qui que ce soit, il est arrivé dans le passé que l’on finance des projets que l’on n’aurait pas dû soutenir, par exemple une centrale à charbon en Chine.

Mme Bérengère Poletti. Finalement, cela ne s’est pas fait.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’élaboration d’une telle grille d’analyse est un préalable à l’évaluation.

 

Vote sur les crédits de la mission « Aide publique au développement »

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE5 de M. Alain David.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Conformément à une demande récurrente que nous avions tous exprimée lors de l’examen du projet de loi de programmation, les crédits affectés à l’aide projet sont appelés à suivre une trajectoire ascendante. Le projet de loi de finances pour 2022 traduit d’ores et déjà cette progression, puisqu’il prévoit en la matière une hausse de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 130 millions d’euros en crédits de paiement. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Amendement II-AE6 de M. Alain David.

Mme Valérie Thomas, rapporteure pour avis. Il vise à abonder de 10 millions d’euros les crédits prévus pour les dons aux ONG. Or les dons aux ONG ont très fortement augmenté au cours des dernières années. Alors qu’ils s’établissaient à 97,8 millions d’euros en 2019, le montant inscrit dans le présent projet de loi de finances est de 150 millions. Là aussi, la trajectoire est ascendante. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Mme Bérengère Poletti. La loi de programmation que nous avons adoptée n’ayant pas encore produit tous ses effets, le groupe Les Républicains exprimera une abstention bienveillante. J’en profite pour remercier la rapporteure pour avis de son travail remarquable.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous passez donc de l’abstention attentive à l’abstention bienveillante. La gradation des appréciations portées par le groupe Les Républicains me paraît aussi subtile que la hiérarchie des anges dans la théologie de saint Thomas ! (Sourires.)

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Aide publique au développement non modifiés.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Au nom de la commission, j’exprime mes remerciements aux rapporteurs pour avis et aux administrateurs, qui ont réalisé un travail remarquable. Il convient de saluer la qualité technique des rapports présentés. Quels qu’aient été le sens de nos votes et la teneur de nos appréciations politiques, nous disposons là d’instruments très utiles, à même d’éclairer nos concitoyens sur la politique menée par notre pays.

 

 

 


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   Liste des propositions

 

Proposition n° 1 : Augmenter les moyens humains pour la mise en œuvre des Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI).

Proposition n° 2 : Veiller dans la durée au suivi des engagements du Forum Génération Égalité.

Proposition n° 3 : Renforcer, dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2025 de l’AFD, les objectifs relatifs à l’égalité de genre.

Proposition n° 4 : Augmenter la contribution financière de la France à l’agence ONU-Femmes.

Proposition n° 5 : Renforcer le poids et l’influence de la France au sein du conseil d’administration de l’agence ONU-Femmes.

Proposition n° 6 : Mieux prendre en compte l’adolescence dans les programmes d’aide en faveur des femmes.

Proposition n° 7 : Contribuer à faire émerger une nouvelle génération de dirigeantes africaines grâce à des programmes de formation politique des jeunes générations.

Proposition n° 8 : Améliorer le cadre de redevabilité de l’APD française en matière d’égalité femmes-hommes.

Proposition n° 9 : Confier à la commission d’évaluation de l’aide publique au développement un suivi régulier des progrès de l’égalité femmes-hommes dans les pays partenaires.

Proposition n° 10 : Convier le représentant d’ONU-Femmes au conseil local de développement.

Proposition n° 11 : Nommer un ambassadeur thématique en charge de l’égalité femmes-hommes.

Proposition n° 12 : Réfléchir aux moyens de prévoir un dispositif de « bonus » pour les programmes ou les projets intégrant la promotion de l’égalité femmes-hommes.

 

 


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   Liste des auditions menÉes par lA rapporteurE

 


([1]) L’Association internationale de développement, créée le 24 septembre 1960, est une des trois filiales de la Banque mondiale qui octroie des prêts et des dons aux pays les plus pauvres pour soutenir leur essor économique.

([2]) Le Fonds africain de développement contribue à promouvoir le développement économique et social dans 38 pays africains parmi les moins avancés, en mettant à leur disposition des financements à taux concessionnels.

([3]) Le Fonds vert pour le climat est un mécanisme financier des Nations unies, rattaché à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il vise à transférer des fonds des pays les plus avancés à destination des pays les plus vulnérables pour mettre en place des projets combattant les effets des changements climatiques ou d’adaptation au changement climatique.

([4]Facility for Investment climate Advisory Services.

([5]) Hébergé à l’Agence française de développement et présidé par Esther Duflo.

([6]) ACT-A est l’initiative internationale, pilotée par l’Organisation mondiale de la santé, qui vise à coordonner une réponse globale à la Covid-19.

([7]) Sont visés les États et les sociétés fragiles, y compris les États accueillant réfugiés et déplacés internes.

([8]) La liste des pays prioritaires de l’aide française au développement est la suivante : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.

([9]Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.

([10]) Unitaid est une organisation internationale d’achats de médicaments, chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux afin d’obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en développement.

([11]) « Sont restituées, au plus près de la population de l’État étranger concerné, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel, le recel de blanchiment ou le blanchiment de recel de l’une des infractions prévues aux articles 314-1, 432-11 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-4, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsque la décision judiciaire concernée établit que l’infraction d’origine a été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un État étranger, chargée d’un mandat électif public dans un État étranger ou d’une mission de service public d’un État étranger, dans l’exercice de ses fonctions (…) »

([12]) Sauf si les autorités de l’État d’origine déposaient une demande d’entraide judiciaire auprès des autorités françaises ou introduisaient une action devant les tribunaux français.

([13]) Ratifiée par la France en 1983.

([14]) L’agenda « Femmes, Paix et Sécurité » est constitué d’un ensemble de dix résolutions adoptées aux Nations Unies et tendant à accroître la participation des femmes à la prévention et au règlement des conflits et des crises ainsi qu’à la consolidation de la paix.

([15]) Cf. Assemblée nationale, M. Guillaume Gouffier-Cha, Rapport d’information de la délégation aux droits des femmes sur le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, 12 février 2021.

([16])  Cf. Sénat, Mme Claudine Lepage, Rapport d’information de la délégation aux droits des femmes sur l’égalité femmes-hommes comme enjeu de l’aide publique au développement, 4 mai 2021.

([17]) Cf. Assemblée nationale, M. Frédéric Barbier, Rapport d’information valant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Agence française de développement (AFD) pour la période 2020-2022, n° 4405, 21 juillet 2021.

([18]) Objectif significatif.

([19]) Objectif principal.

([20]) Rappelons que le docteur Denis Mukwege a été auditionné par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale le 5 mai 2021.

([21]) L’UNFPA est l’agence directrice des Nations Unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive.

([22]) La Déclaration de Paris Sur l’Efficacité de l’Aide au Développement est une charte rédigée en 2005 sous l’égide du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE. Elle formule cinq grands principes directeurs : appropriation, alignement, harmonisation, gestion axée sur les résultats et responsabilité mutuelle.

([23]) Organisation Ouest Africaine de la Santé.

([24]) Le partenariat Harmonisation pour la Santé en Afrique (HHA) est un mécanisme qui fournit un appui régional aux gouvernements des pays africains pour le renforcement des systèmes de santé.

([25]) Global Gender Gap Report 2021, World Economic Forum.

([26]) Cf. UNICEF et OMS, Rapport Protect the progress : rise, refocus, recover, 2020.

([27]) Chiffres OIT.

([28]) Cf. UNICEF et OMS, Rapport Protect the progress: rise, refocus, recover, 2020.

([29]) Estimations UNESCO.

([30]) Cf. Mme Balgis Osman-Elasha, Les femmes dans le contexte des changements climatiques, Chronique ONU.