N° 4526

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 octobre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482),

 

TOME VI

 

ÉCONOMIE

 

Commerce extérieur et diplomatie économique

PAR Mme Amélia LAKRAFI

Députée

——

 

 Voir le numéro : 4482

 


 

 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

I. un net rebond des Échanges, dans un contexte encore soumis À incertitudes

A. une amÉlioration du commerce extérieur français en 2021, aprÈs l’effondrement inÉdit de 2020

1. Une forte reprise des échanges internationaux en 2021

a. Des perspectives optimistes de croissance du commerce international

b. Un environnement international plus favorable aux échanges

2. Le rebond du commerce extérieur français en 2021

3. Une reprise encore soumise à de nombreuses incertitudes

B. une crise qui a rÉvÉlÉ certaines fragilitÉs structurelles du commerce extérieur franÇais

1. Le déclin massif de l’industrie

2. La spécialisation sectorielle du commerce extérieur

3. La vulnérabilité des approvisionnements français et européens

II. Des rÉformes bien engagÉes

A. La montÉe en puissance des mesures du plan de relance export

1. Une palette de mesures inédites pour soutenir l’exportation

2. Un déploiement progressif des mesures du plan de relance, dans un contexte international encore difficile

a. Le renforcement de l’assurance prospection

b. Le chèque export pour soutenir les PME et ETI

c. Le chèque VIE

d. Le doublement de l’enveloppe FASEP

3. Une bonne résilience de l’appareil exportateur français

B. La rÉorganisation du systÈme d’accompagnement À l’export

1. Une Team France Export pleinement mobilisée

a. Une avancée considérable pour le système d’accompagnement à l’export

b. Un dispositif à consolider

c. Des acteurs privés à mieux intégrer

2. Un pilotage politique encore à clarifier et à consolider

a. Une nomenclature budgétaire qui reste encore à unifier

b. Une baisse inquiétante des moyens des services économiques des ambassades

c. Des interrogations sur le modèle économique de Business France

C. L’amÉlioration de la compÉtitivitÉ française

1. Un territoire plus attractif et plus compétitif

2. La réindustrialisation, enjeu prioritaire de la relance

D. la rÉvision de la politique commerciale europÉenne

1. Vers la fin de la naïveté commerciale européenne ?

2. Une meilleure application des accords commerciaux

III. Quelle place pour les pays du sud de la MÉditerranÉe dans un contexte de rÉgionalisation des Échanges ?

A. Une nouvelle donne du commerce international favorisant la rÉgionalisation des Échanges

1. Vers une relocalisation des chaînes de valeurs à l’échelle régionale ?

2. La place privilégiée des pays du voisinage sud

a. Des pays qui disposent de nombreux atouts

b. Des « colocalisations » à l’œuvre dans certains secteurs

c. Une volonté d’intégration dans les chaînes de valeurs européennes partagée notamment par les pays du Maghreb

3. Une régionalisation des chaînes de valeurs qui se heurte encore à de nombreuses difficultés

B. Encourager le pivot du commerce extérieur national et europÉen vers l’Afrique

1. L’érosion continue des parts de marchés de la France en Afrique

2. Faire de l’Afrique une priorité du commerce extérieur français

3. Un nécessaire approfondissement des relations commerciales entre l’Union européenne et l’Afrique

LISTE DES PROPOSITIONS

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


—  1  —

introduction

L’année 2021 est marquée par un net rebond du commerce extérieur, après l’effondrement inédit des échanges internationaux provoqué, en 2020, par la crise sanitaire. En juin 2021, les exportations de biens avaient quasiment retrouvé le niveau atteint avant la crise, et les exportations de services (hors tourisme) l’avaient nettement dépassé.

Pendant la crise, le tissu d’entreprises exportatrices a fait preuve d’une grande résilience : on comptait près de 132 000 entreprises exportatrices au premier trimestre 2021, le chiffre le plus haut depuis vingt ans. C’est notamment le fruit des mesures de soutien prises par le Gouvernement au début de l’année 2020 et de celles incluses dans le volet export du plan de relance, qui ont vocation à se déployer jusqu’à juin 2022. C’est également le résultat de la réorganisation de notre système de soutien à l’export, dont les acteurs ont été pleinement mobilisés pendant la crise. C’est enfin la conséquence des mesures visant à renforcer la compétitivité de l’économie, prises ces dernières années.

La reprise des échanges constatée en 2021 reste cependant soumise à de nombreuses incertitudes. D’abord, elle reste conditionnée à l’évolution de la situation sanitaire, de nombreux secteurs n’ayant pas encore repris une activité normale. En outre, la forte hausse de la demande mondiale, conjuguée à la perturbation des chaînes d’approvisionnement, entraînent des pénuries dans de nombreux secteurs et une tension sur les prix susceptibles de ralentir la reprise. Enfin, en dépit des signaux positifs envoyés par la nouvelle administration Biden au tout début de son mandat, les tensions commerciales et les tentations protectionnistes demeurent bien présentes, dans le cadre d’un affrontement géopolitique exacerbé entre Washington et Pékin.

Si l’évolution des échanges commerciaux de la France a reflété l’ampleur du choc conjoncturel subi en 2020, la crise a également mis en exergue certaines fragilités structurelles de notre économie : le déclin de l’industrie depuis les années soixante-dix, la spécialisation sectorielle de notre commerce extérieur, et la vulnérabilité de certains approvisionnements français et européens.

L’impératif de sécurisation des approvisionnements pourrait s’ajouter à l’exigence de verdissement des échanges pour favoriser un mouvement de relocalisation des chaînes de valeurs à l’échelle régionale. Dans ce contexte, des liens commerciaux plus étroits avec les pays du sud de la Méditerranée pourraient contribuer à réduire la dépendance de l’économie européenne à des régions plus éloignées, comme l’Asie. Cette nouvelle donne du commerce international invite à engager une réflexion sur la construction de nouveaux partenariats stratégiques avec les pays du sud de la Méditerranée et à faire des pays du voisinage sud de l’Union européenne en particulier une priorité du commerce extérieur français et européen.

 


—  1  —

Synthèse : les moyens budgétaires du commerce extérieur et de la diplomatie économique pour 2022

 Mission Économie

 - Programme 134 Développement des entreprises et régulations

Les crédits octroyés à l’agence Business France pour 2022 s’élèvent ainsi à 85,12 M€, contre 87,62 M€ l’année dernière. Ces chiffres correspondent aux montants prévus par le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2018-2022 conclu entre Business France et ses tutelles. Celui-ci vise à garantir à l’agence la prévisibilité de sa subvention pour charges de service public et prévoit une diminution de crédits de 2,5 M€ par an sur la durée du contrat. L’adaptation de l’agence à cette réduction des subventions passe par le développement des ressources propres et la réduction de sa présence en direct à l’étranger, dans le cadre de la mise en place de la Team France Export (TFE), avec la délégation de la mission de service public dans certains sites à d’autres opérateurs.

L’agence bénéficie en outre de crédits additionnels au titre de la mission Cohésion des territoires et de la mission Agriculture (cf. ci-dessous).

La rémunération de Bpifrance Assurance Export s’établit à environ 50 M€ par an, le montant étant défini par une convention de gestion pluriannuelle. Des moyens complémentaires ont été octroyés dans le cadre du plan de relance (6,8 M€ en 2021 et 6,8 M€ en 2022) afin de doter l’opérateur de moyens en ressources humaines pour gérer au mieux les effets de la crise sur l’encours de garanties export portées par le bilan de l’État, ainsi que pour poursuivre la modernisation des systèmes d’information.

 - Programme 305 Stratégie économique

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit un montant de 64,8 M€, pour les dépenses du réseau international de la direction générale du Trésor entrant dans le champ de l’action n° 2 Développement international de l’économie française. Hors dépenses de personnel, les dépenses de fonctionnement prévues s’élèvent à 5,1 millions d’euros. Elles couvrent essentiellement les dépenses gérées par l’administration centrale de la direction générale du Trésor : frais de changement de résidence des agents, dépenses informatiques, paiement de prestations de la Banque de France, prise en charge de la couverture sociale des volontaires internationaux en administration et dépenses de formation spécifiques aux agents des services économiques. Ces dépenses de fonctionnement s’élevaient à 5,3 M€ l’année dernière

 Mission Cohésion des territoires

Le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire prévoit une subvention pour charges de service public allouée à Business France. Cette subvention, de nature assez résiduelle, est liée historiquement au rôle d’aménagement du territoire reconnu aux investissements étrangers, que Business France a pour mission d’encourager. Elle est d’un montant de 4,8 M€ en AE et CP, montant identique à celui prévu l’année dernière. Cette stabilisation est bienvenue dès lors que cette subvention avait nettement diminué dans le projet de loi de finances pour pour 2020 (5,77 M€ en AE et en CP prévus dans le projet de loi de finances pour 2019).

– Mission Agriculture

Le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture de l’agroalimentaire de la forêt de la pêche et de l’aquaculture prévoit une subvention pour charges de service public allouée à Business France d’un montant de 3,7 M€ en AE et CP (pour le financement de sa mission d’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire, et de prestations en matière de statistiques sur le commerce extérieur et d’études sur les marchés à l’exportation). Le montant là encore est identique à celui prévu l’année dernière.

 Mission Plan de relance

Business France a pris une part active au plan de soutien à l’export de France Relance via les crédits du programme 363 Compétitivité, doté de 60,3 M€ en 2021. Aucun nouveau crédit ne sera inscrit dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, seuls des éventuels reports de crédits non-consommés en 2021 permettront de financer le prolongement jusqu’au 30 juin 2022 au plus tard des deux dispositifs subventionnels des chèques relance (export et VIE) annoncé lors du Conseil stratégique de l’export, le 1er septembre 2021.

Comme l’année dernière, des crédits additionnels de 6,8 M€ en CP sont prévus pour BPI assurance export.

Concernant le FASEP (Fonds d’études et d’aide au secteur privé), une enveloppe de 5 M€ s’ajoute aux crédits portés par le programme 110 Aide économique et financière au développement.

– Mission Action extérieure de l’État

 - Programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence

La subvention pour charges de service public de l’opérateur Atout France (agence de développement touristique de la France) s’élève, dans le présent projet de loi de finances, à 30,8 M€ en AE et en CP, contre 28,7 M€ l’année dernière, soit une augmentation bienvenue de 2,1 millions d’euros.

Le programme bénéficie d’autres crédits d’intervention à hauteur de 2,18 M€, qui permettront notamment de financer certains événements dans le cadre de « l’Année de la gastronomie » et la participation française à l’Exposition universelle d’Osaka de 2025.

 - Programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde

La plus grande partie des crédits de fonctionnement du réseau international de la DG Trésor exécutés à l’étranger (dépenses courantes, dépenses de déplacement, dépenses pour acquisition et entretien de véhicules et dépenses immobilières des services économiques) a été transférée au ministère de l’Europe et des affaires étrangères par les lois de finances initiales pour 2019 et 2020 (pour un total de 6,8 millions d’euros). Ces dépenses sont portées par le programme 105.

 Mission Aide au développement

L’augmentation des crédits d’engagements pour le Fonds d’études et d’aide au secteur privé (FASEP) obtenue en 2021 dans le cadre du plan de relance, a permis de porter l’enveloppe à 50 M€ (25 M€ sur le programme 110 Aide économique et financière au développement et 25 M€ sur le programme 363 Compétitivité). Dans le cadre du présent projet de loi de finances, les autorisations d’engagement du programmes 110 sont maintenus à 25 M€, auxquels s’ajoutent 5 M€ dans le cadre du programme 363.  Ces enveloppes permettent de maintenir un soutien fort, dans un contexte de sortie de crise, aux entreprises françaises qui souhaitent se positionner en amont de grands projets d’infrastructures ou sur des projets verts, dans les pays en développement.

 


—  1  —

I. un net rebond des Échanges, dans un contexte encore soumis À incertitudes

A. une amÉlioration du commerce extérieur français en 2021, aprÈs l’effondrement inÉdit de 2020

1. Une forte reprise des échanges internationaux en 2021

a. Des perspectives optimistes de croissance du commerce international

L’année 2020 a été marquée par un effondrement inédit des échanges mondiaux de biens et services, qui, selon le Fonds monétaire international (FMI), ont diminué de 8,3 %. Ce repli a concerné toutes les régions du monde, reflétant la progression de la pandémie et les mesures de restrictions mises en place par les gouvernements. Cependant, il a été suivi d’un rebond rapide, les échanges mondiaux évoluant au-dessus de leur niveau d’avant-crise dès la fin de l’année 2020.

Le FMI prévoit que le commerce mondial de biens et services connaisse, en 2021, un net rebond de 9,7 %, qui se poursuivrait dans une moindre mesure en 2022, avec une augmentation des échanges de 7 %. Pour la France, les prévisions de reprise semblent durables : en 2021 et 2022, sont anticipés une augmentation de 8,2 % puis de 9,3 % des exportations et un rebond légèrement plus modéré des importations (+7,5 % puis +7,8 %).

b. Un environnement international plus favorable aux échanges

Les échanges commerciaux bénéficient d’un environnement international plus favorable aux échanges. D’abord, les mesures restrictives prises depuis le début de la crise sanitaire ont été progressivement levées dans de nombreux pays. Ensuite, la nouvelle administration américaine avait permis, avant la rupture de l’accord entre la France et l’Australie relatif au programme de sous-marins du futur, une certaine détente des relations commerciales. Les droits de douanes appliqués sur 7,5 milliards de dollars d’exportations européennes dans le cadre des contentieux entre Airbus et Boeing ont été suspendus en mars 2021. Ainsi, les exportations de vins ont progressé de 28,3 % en avril, mai et juin 2021 par rapport à 2019, et de 111 % par rapport à 2020. Des discussions sont en cours pour résoudre la question des surcapacités dans les secteurs de l’acier et de l’aluminium. Enfin, un Conseil américano-européen du commerce et des technologies a été mis en place, afin de favoriser le commerce et les investissements entre les deux blocs par l’élimination des obstacles non tarifaires et une meilleure coopération en matière de technologies et de gouvernance numérique.

2. Le rebond du commerce extérieur français en 2021

Les échanges commerciaux de la France ont connu une évolution comparable à celle des autres grands pays de l’Union : un repli brutal au printemps 2020, suivi d’un rebond progressif, qui s’est poursuivi au premier semestre 2021 sous l’effet de la reprise économique en France et dans le monde. Ainsi, en juin 2021, nos exportations de biens s’établissaient à 98 % de leur montant moyen de 2019. De nombreux secteurs ont désormais dépassé leur niveau d’avant-crise, notamment la chimie, la pharmacie, et l’agroalimentaire.

Cependant, le commerce extérieur de la France est particulièrement exposé à des secteurs très pénalisés par la crise de la Covid-19, comme l’aéronautique (dont les exportations sont moitié moindres que leur niveau de 2019), ou le tourisme. En outre, le dynamisme de la croissance et la hausse du prix des hydrocarbures ont entrainé une hausse des importations énergétiques, d’intrants industriels et de biens de consommation. Ainsi, après une forte augmentation du déficit en 2020, le solde se dégraderait encore en 2021 et 2022, en raison notamment des prix de l’énergie et des matières premières. Au total, le Gouvernement anticipe un déficit de la balance commerciale pour les biens à – 86 milliards d’euros en 2021, et – 95 milliards d’euros en 2022.

S’agissant des services, la reprise des échanges reste largement pénalisée par le prolongement des restrictions sur les voyages internationaux. Au premier semestre 2021, les exportations et les importations de services étaient inférieures d’environ 12 % au niveau atteint au premier semestre de 2019. Cependant, la dynamique mensuelle des exportations de services est très positive, ce qui a permis aux exportations de juin 2021 de retrouver leur niveau d’avant la crise. Les exportations de services hors-tourisme dépassent en effet nettement leur niveau pré‑crise.

3. Une reprise encore soumise à de nombreuses incertitudes

Le premier facteur d’incertitude reste la situation sanitaire : l’économie reste sous la menace de nouveaux variants, et de nombreux secteurs, comme ceux des services de voyage ou des matériels de transports, ne savent pas encore clairement quand ils retrouveront une activité normale.

En outre, la forte hausse de la demande mondiale, attisée par les plans de soutien, se heurte à de nombreux goulets d’étranglement perturbant la production et l’approvisionnement : les acteurs économiques sont confrontés à une pénurie de composants essentiels, comme les semi-conducteurs, et à la flambée des prix de l’énergie et de certaines matières premières, qui ralentissent la reprise économique mondiale et poussent à la hausse des prix. En France, certains secteurs, comme celui de l’automobile, sont directement concernés par ces pénuries et ont dû diminuer leur production. 3

Plusieurs raisons conjoncturelles expliquent la perturbation des chaînes d’approvisionnement. Le maintien des mesures de confinement en Asie a conduit à la fermeture de nombreuses usines et de plusieurs ports. En Chine, les coupures d’électricité induites par l’explosion de la demande a, selon la banque américaine Goldman Sachs, perturbé l’activité de près de la moitié de l’activité industrielle. La perturbation des chaînes logistiques mondiales se traduit par le rallongement des délais de transport et l’augmentation des prix du fret, qui ont été multiplié par dix en dix-huit mois.

La Banque centrale européenne considère la surchauffe comme temporaire. Elle table, en 2022, sur un ralentissement de la croissance et une normalisation des approvisionnements. Cependant, les pénuries et les tensions sur les prix pourraient perdurer, car plusieurs facteurs sont de nature à constituer un choc d’offre durable sur l’économie. D’abord, la transition énergétique implique une tarification plus élevée du carbone, donc une augmentation des prix de l’énergie, tant que les énergies décarbonées n’auront pas pris le relai des énergies fossiles. Ensuite, les tensions géopolitiques se traduisent pas des mesures unilatérales de politique commerciale susceptibles de pénaliser les producteurs et de désorganiser les chaînes de production. Le dérèglement climatique accroit également les risques de perturbation des approvisionnements, comme l’a montré, à Taïwan, la baisse de production des usines semi-conducteurs, gourmandes en eau, en raison de la sécheresse d’avril 2021.

Enfin, l’impact du Brexit reste encore à évaluer sur le long terme. Au niveau macroéconomique et sur le long terme, le Brexit devrait avoir un impact négatif sur le commerce extérieur français, puisqu’il réintroduit des barrières non tarifaires. Cet impact devrait toutefois être plus important pour le Royaume-Uni, car le commerce extérieur britannique est plus dépendant de l’Union que l’inverse. À ce stade, le Brexit s’est traduit, au début de l’année 2021, par une chute sensible des échanges bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni, avec une diminution de 35,8 % des exportations et de 24,9 % des importations au premier trimestre 2021. Les échanges ont cependant repris dès le deuxième trimestre : nos exportations restent inférieures de 8,8 % à leur niveau de 2019 et nos importations ont dépassé leur niveau d’avant-crise.

B. une crise qui a rÉvÉlÉ certaines fragilitÉs structurelles du commerce extérieur franÇais

1. Le déclin massif de l’industrie

La France est le pays de l’Union Européenne qui s’est le plus désindustrialisé depuis les années soixante-dix. L’emploi industriel a plongé de 5,7 millions en 1974 à près de 3 millions en 2019.  La part de l’industrie française dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 15 % à 10 % entre 2000 et 2020. Le solde de la balance commerciale reflète ce mouvement de fond. En France, le déficit commercial cumulé depuis l’an 2000 atteint 900 milliards d’euros, alors que l’Allemagne a cumulé un excèdent commercial de 3 900 milliards d’euros sur la même période.

De nombreux facteurs culturels, politiques et économiques expliquent cette tendance. Comme aux États-Unis et au Royaume-Uni, et contrairement à ce qui a été constaté en Allemagne ou dans les pays scandinaves, la France s’est progressivement désengagée, au tournant des années 2000, de la production industrielle au profit des services à haute valeur ajoutée de l’économie de la connaissance. Les années 2000 ont donc été marquées par un sous-investissement productif manifeste au profit d’un soutien au développement des « actifs immatériels » (logiciels, brevets, marques…). Les gains de productivité, la concurrence étrangère et les délocalisations ont contribué à accentuer le mouvement.

ÉVOLUTION DE L’EMPLOI INDUSTRIEL EN FRANCE (en millions d’emplois)

Source : INSEE

2. La spécialisation sectorielle du commerce extérieur

Dans les années 2000, la spécialisation française dans le domaine de l’aéronautique s’est accentuée, notamment en raison des succès de ce secteur, dans un contexte de désindustrialisation du territoire et d’externalisation de la production dans des secteurs comme l’automobile. Cette spécialisation a été bénéfique, dans un contexte d’essor rapide du trafic aérien mondial : elle a permis d’attirer une main d’œuvre qualifiée et favorisé une innovation de pointe, qui s’est diffusée dans d’autres secteurs de l’économie. Cependant, la concentration du secteur exportateur français l’expose également à une forte exposition aux chocs sectoriels, d’autant que certains effets de la crise actuelle pourraient être durables et s’ajouter aux défis de la décarbonation de l’aérien.

Il ressort en effet des analyses de la Banque de France ([1]) que, pendant la crise sanitaire, certains pays ont été davantage exposés au risque de contraction de leur économie en raison de la spécialisation de leur commerce extérieur. Ainsi, les exportations de la France ont été plus durement affectées par la crise de la Covid‑19 que les autres grandes économies de la zone euro en raison de la place très importante qu’occupe le secteur aéronautique et le tourisme dans la balance commerciale. Ainsi, l’aéronautique a contribué pour environ un quart à la baisse des exportations totales de biens en valeur en avril 2020 par rapport à décembre 2019. Cette spécialisation sectorielle a également freiné la reprise des exportations françaises. Par comparaison, l’Allemagne a tiré profit d’une plus grande diversification de ses exportations, les pertes dans l’aéronautique ayant été entièrement compensées par des gains dans d’autres secteurs.

Autre conséquence de cette spécialisation sectorielle, les parts de marché mondiales de la France à l’export, qui s’étaient stabilisées entre 2010 et 2019, ont reculé de 0,2 point de pourcentage en 2020, en raison notamment de la chute de la demande mondiale dans l’aéronautique. La diversification de l’offre exportatrice doit donc être un enjeu prioritaire de notre stratégie commerciale.

DÉCOMPOSITION DU COMMERCE DE BIENS HORS ÉNERGIE
EN VARIATIONS PAR RAPPORT À DÉCEMBRE 2019 (en milliards d’euros)

Source : Banque de France

3. La vulnérabilité des approvisionnements français et européens

La crise de la Covid-19 a mis en exergue la vulnérabilité des chaînes de valeur mondiales, et en particulier les dépendances de la production nationale vis-à-vis des approvisionnements étrangers. En effet, en vingt ans, la France s’est progressivement insérée dans les chaînes de valeur mondiales, ce qui a engendré des gains de compétitivité, mais aussi des dépendances : selon la direction générale du Trésor ([2]), sa production industrielle inclut directement près de 40 % d’intrants étrangers, mais elle dépend avant tout de l’Union européenne pour ses approvisionnements : plus de la moitié de ces intrants provient en effet de pays européens. Ce phénomène est commun à l’ensemble des pays européens, qui sont avant tout intégrés aux chaînes de valeurs européennes.

L’analyse fine de la vulnérabilité des produits importés permet, de surcroît, de relativiser le caractère problématique des dépendances françaises.  En effet, la direction générale du Trésor a identifié les biens « vulnérables » en analysant les importations extra-européennes d’environ 5 000 catégories de produits avec les critères suivants : la concentration des importations de chaque produit depuis un nombre réduit ou non de pays fournisseurs en-dehors de l’Union ; la centralité du produit, c’est-à-dire l’existence ou non d’alternatives pour se fournir en provenance d’autres pays.

Sur la base de cette analyse, ont été dénombrés 121 produits dont les importations seraient concentrées, ce qui représente près de 1 % de la valeur totale des importations en 2018. Parmi ces produits figurent des produits chimiques et pharmaceutiques, tels que certains antibiotiques, des produits métallurgiques, certaines terres rares, des biens d’équipement, comme les accumulateurs ou certaines machines-outils. Parmi ceux-ci, ont été identifiés 12 produits qualifiés de vulnérables, dans le sens où ils disposent d’un faible potentiel de diversification. En définitive, le nombre de produits vulnérables pour la France est inférieur à celui de ses principaux voisins européens. Pour le quart de ces produits, le principal fournisseur extra-européen est la Chine.

Données clés des vulnérabilités des pays

Source : BACI(2020) ; World Development Indicators, Eurostat et calculs DG Trésor. Données de l’année 2018.

Note : Le taux d’ouverture correspond ici aux importations de biens et services rapportée au PIB national.

La sécurisation des approvisionnements est un enjeu à la fois pour les entreprises, les États et l’Union européenne, dans un contexte de multiplication des risques de chocs externes susceptibles de rompre les chaînes d’approvisionnement (crises sanitaires, climatiques ou environnementales, tensions protectionnistes, etc.). Cependant, l’identification de ces vulnérabilités ne doit pas faire perdre de vue les avantages que présente la possibilité de s’approvisionner depuis l’étranger, tant sur le plan de l’efficacité économique que de la sécurité d’approvisionnement, y compris en temps de crise.

Plusieurs pistes existent pour sécuriser les approvisionnements. Pour les entreprises, il s’agit de mettre en place des stratégies de diversification des fournisseurs. Pour les pouvoirs publics, il convient de combiner plusieurs approches :

- la recherche d’une plus grande diversification des canaux d’approvisionnement et des fournisseurs (par exemple via la commande publique pour certains biens) ;

- la constitution de stocks de sécurité ;

- le développement du recyclage (par exemple pour les matières premières) ;

- si nécessaire, un soutien public au développement de nouvelles capacités productives sur le territoire. À ce titre, le plan France Relance comporte notamment une mesure « Relocaliser : sécuriser nos approvisionnements stratégiques », dotée d’une enveloppe de 600 millions d’euros, dont l’objectif est le soutien à l’investissement privé ciblé sur certains secteurs (santé, agroalimentaire, télécommunications, électronique, intrants industriels critiques). Ces principes ont également guidé la conception du plan d’action pour la relocalisation en France de projets de recherche et de sites de production de produits de santé, présenté par le Gouvernement le 18 juin 2020.

Cette approche s’articule avec la logique d’autonomie stratégique européenne lancée par la Commission européenne au printemps 2020, qui passe par l’identification des biens et technologies critiques, la sécurisation des approvisionnements et la production de certains produits critiques, comme les vaccins et les semi-conducteurs.

II. Des rÉformes bien engagÉes

A. La montÉe en puissance des mesures du plan de relance export

1. Une palette de mesures inédites pour soutenir l’exportation

Le plan de relance présenté par le Gouvernement le 3 septembre 2020, d’un montant global de 100 milliards d’euros, comporte un volet relatif à l’export de 247 millions d’euros. Celui-ci s’inspire des recommandations du groupe SOLEX (« Solutions pour l’export »), qui regroupe les principaux opérateurs publics et privés, ainsi que les principaux organismes représentant les entreprises à vocation internationale : BPI France, Business France, conseillers du commerce extérieur, CCI France, CCI France International, Fabrique de l’Exportation, ICC France (Comité national de la Chambre de Commerce Internationale), MEDEF International, OSCI, Stratexio ([3]), etc. Le think tank La Fabrique de l’Exportation a également contribué activement à ce groupe.

Comme votre rapporteure a eu l’occasion de le souligner dans son rapport pour avis sur les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique du projet de loi de finances pour 2021, la complémentarité du groupe de réflexion SOLEX avec le Conseil stratégique de l’export et son rôle dans la conception des mesures de soutien à l’export justifieraient qu’il soit pérennisé, par exemple sous la forme d’un « Grenelle du commerce extérieur », et que sa composition soit encore enrichie, en y conviant par exemple les banques ou de nouveaux think tanks.

En Europe, seules l’Italie et la France ont mis en place de ligne dédiée au soutien des exportateurs, en adoptant des financements et des dispositifs d’accompagnement ad hoc pour faire face à la crise. Les autres pays européens ont soit revu le cadre d’action et les moyens financiers en matière de financements export, soit renforcé les subventions à leurs opérateurs traditionnels (solution retenue par le Royaume-Uni), soit mis en place des aides sectorielles qui bénéficient à des secteurs souvent exportateurs (solution choisie par l’Allemagne également retenue par la France, par exemple dans le secteur de l’aéronautique). 

Les différentes mesures du plan export ont été saluées par tous les acteurs auditionnés, qui ont souligné leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées. Les opérateurs publics jouent clairement leur rôle contracyclique en soutenant le développement à l’export à une heure où les acteurs financiers privés sont tentés de réduire leur exposition au risque. Cependant, la portée à moyen et long terme de ces mesures, en particulier celle des dispositifs conventionnels, reste encore à évaluer. En effet, à ce jour, il est encore difficile d’obtenir des visas pour envoyer les VIE dans de nombreuses destinations à l’étranger, compte tenu des mesures de restrictions à la circulation des personnes. En outre, les salons internationaux et les missions collectives ne reprennent que très lentement.

2. Un déploiement progressif des mesures du plan de relance, dans un contexte international encore difficile

a. Le renforcement de l’assurance prospection

Dans le cadre du volet export du plan de relance, 135 millions d’euros ont été destinés au renforcement des crédits de l’assurance-prospection (AP), afin de financer davantage de projets en lien avec la transition écologique. S’agissant du produit d’assurance prospection lui-même, l’avance a été portée de 50 à 70 % des dépenses engagées par l’entreprise, pour les polices souscrites jusqu’à la fin de 2021. Le budget garanti moyen était de 0,225 million d’euros, et le montant des avances accordées au 31 juillet s’élevait à 74,043 millions d’euros. Une offre d’assurance-prospection-accompagnement (APA), dédiée aux entreprises primo-exportatrices de plus petite taille, a également été mise en place et permet de les guider dans leurs premiers pas à l’export. À la fin du mois d’août 2021, 1 127 AP et une trentaine d’APA avaient été distribuées.

La production d’assurance-prospection reste en deçà de l’objectif de 1 500 AP par an et 300 APA par an. Les cas d’assurance prospection accompagnement restent particulièrement minoritaires. La sous-utilisation de ces outils peut s’expliquer par le contexte international, qui ne facilite pas les actions de prospection, de nombreux salons étant annulés ou reportés, ainsi que par la priorité initialement donnée à la promotion du chèque relance export (CRE). Il convient de souligner cependant qu’une centaine de dossiers d’APA est actuellement en cours d’instruction par les équipes de Bpifrance et que ce produit devrait devenir attractif lors de la fin de l’attribution des CRE.

Votre rapporteure préconise que le produit APA soit très massivement promu auprès des TPE/PME afin d’engager de nouvelles entreprises à se lancer dans une démarche export, tout en étant accompagnées dans leurs premiers pas de primo-exportateurs.

b. Le chèque export pour soutenir les PME et ETI

Le plan de relance prévoit de proposer, aux PME et ETI, jusqu’à 15 000 « chèques relance export », qui permettent d’accéder aux prestations d’accompagnements individuels et collectif (de la Team France Export, mais aussi de prestataires privés), à moindre coût. Le chèque export permet de prendre en charge jusqu’à 50 % des frais de participation à un salon international ou d’achat d’une prestation de projection collective ou individuelle (missions de prospection à l’étranger notamment). Il est valable dans un délai maximum de 45 jours suivant l’exécution de la prestation.

Début septembre 2021, 6 200 chèques relance export avaient été distribués, pour un montant d’aides de 10,5 millions d’euros soit un résultat en dessous des objectifs affichés. Au total, 480 opérateurs ont été agréés afin de rendre éligibles leurs offres d’accompagnement export au chèque relance export, dont 76 grâce à la réouverture de la procédure d’agrément réalisée avant l’été.

Le produit a montré son intérêt : 55 % des bénéficiaires ont déclaré qu’il les a décidés à recourir à une prestation d’accompagnement à l’international. Il a très bien accompagné les demandes de projection individuelles, qui représentent 62 % des chèques relance export, et qui se sont substituées en partie aux demandes de participations à des salons. 95 % des bénéficiaires du CRE sont des TPE-PME, qui sont bien la cible de cet outil.

En revanche, le chèque relance export finançant des participations à des salons n’a pas pris son essor (16 % du total des CRE), compte tenu de l’annulation de ce type d’événements. Son prolongement de six mois en 2022 pourrait permettre une utilisation plus soutenue, notamment dans la perspective des salons du printemps 2022. Cela explique pourquoi l’assouplissement du dispositif, qui a permis aux entreprises d’utiliser les chèques relances selon leurs besoins (et non plus dans la limite de deux pour des actions collectives et deux pour des actions individuelles), a été particulièrement apprécié.

Pour mieux accompagner la projection des PME à l’international, le chèque relance export a opportunément été étendu au financement des formations courtes à l’export des chefs d’entreprises ou des traductions de documents ou site en lien avec une opération de projection, à compter d’octobre 2021.

Votre rapporteure préconise une simplification encore accrue des critères pour bénéficier du CRE, une extension des prestations qui y sont éligibles, ainsi qu’une augmentation du nombre de CRE autorisé par entreprise, afin d’en faire bénéficier le plus de TPE/PME possibles sur le premier semestre 2022 et d’encourager les démarches à l’international des entreprises.

Certains opérateurs ont regretté que l’agrément des prestataires privés et l’instruction des demandes de chèques aient été confiés à Business France, évoquant un risque de conflit d’intérêts, puisque l’opérateur public vend lui-même l’essentiel des services éligibles à cette subvention. Votre rapporteure rappelle qu’il aurait été peut-être plus judicieux de confier ces missions à Bpifrance. En tout état de cause, il était opportun que le ministre Franck Riester s’engage à veiller à la transparence dans la procédure de référencement des acteurs privés et l’attribution des chèques export.

Il reste que l’impact des chèques export devra être évalué dans la durée. Il est encore trop tôt, à ce stade, pour savoir si les chèques relance export profitent à des exportations ponctuelles non renouvelées (envoi d’échantillon, suivi d’une commande), auquel cas ils se rapprocheront d’un effet d’aubaine, ou s’ils contribueront à une orientation durable des entreprises concernées vers l’export.

c. Le chèque VIE

Le volontariat international en entreprise (VIE) permet aux entreprises françaises de confier à un jeune une mission professionnelle à l’étranger. Les bénéficiaires reçoivent une indemnité variable selon les pays, de 1 300 euros à 3 900 euros par mois, complétée par des défraiements annexes. Ce dispositif est géré par Business France, et les régions prennent en charge une partie des frais. Cet outil poursuit le double objectif de faciliter le développement international des PME et ETI et d’accroître la compétence et l’employabilité des jeunes concernés. Le dispositif des VIE a été fortement affecté par la crise sanitaire, leur nombre étant passé de 16 992 en 2019 à 9 694 en 2021.

 Le plan de relance prévoit de subventionner jusqu’à 3 000 missions VIE à hauteur de 5 000 euros (soit 15 millions d’euros dédiés aux « chèques VIE ») pour l’envoi en mission d’un VIE par une PME ou une ETI de manière à relancer ce dispositif. Au 30 août 2021, 627 « chèques relance VIE » ont été accordés pour 498 entreprises bénéficiaires, dont 484 PME et ETI. Le chèque relance VIE a permis de soutenir l’envoi de VIE par des PME en cette période de crise, alors même que c’est une source de dépense élevée pour beaucoup d’entre elles. Le montant du chèque relance VIE a été augmenté à 10 000 euros de subvention pour les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville et les formations courtes.

La fermeture de nombreux pays tiers a entraîné un regain d’envoi de VIE en Europe, où leur nombre déclinait ou stagnait depuis quelques temps. En revanche, le chèque relance VIE est victime de la difficulté à envoyer des VIE dans les pays listés rouges par la France (Afrique du Sud, Brésil, Indonésie, Maroc, Russie, Turquie par exemple), et dans les pays fermés en raison de leurs propres règles (Chine et plusieurs pays est-asiatiques, Australie), y compris migratoires (Royaume-Uni). Sa prolongation de six mois en 2022 (avec un horizon d’assouplissement des règles d’entrées) et la recherche de solutions encadrées pour les pays rouges.

Votre rapporteure plaide pour que soit poursuivi un effort soutenu en faveur du dispositif des VIE, et notamment des formules les plus innovantes (tels que les VIE de filières ou le dispositif récemment créé permettant aux entrepreneurs français de l’étranger - EFE - de bénéficier de VIE), dans la mesure où ils sont souvent la cheville ouvrière et les garants de la pérennité de la démarche export des TPE/PME.

d. Le doublement de l’enveloppe FASEP

Le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP) permet de financer des études de faisabilité en amont de projets d’investissement. C’est un instrument d’aide au développement, mais aussi de soutien à nos entreprises, car il préconise des « solutions à la française » : il permet non seulement à des cabinets français de décrocher des contrats d’études, mais aussi de positionner en aval, sur les projets d’investissement étudiés, les offres françaises. Le plan de relance prévoit un doublement de l’enveloppe disponible pour atteindre 50 millions d’euros.

Ces crédits additionnels ont permis de soutenir un nombre accru d’entreprises désireuses d’acquérir une référence à l’international. En septembre 2021, plus de la moitié de l’enveloppe avait déjà été engagée (14,5 millions d’euros sur 25 millions d’euros). Il est prévu que la totalité des crédits soit engagée à la fin de l’année. Hors plan de relance, les crédits FASEP ont été engagés à hauteur de 15,5 millions d’euros au 31 août 2021.

Les principaux axes de soutien sont les PME (90 % des bénéficiaires sont des PME) et les projets verts (la quasi-totalité des projets ont été sélectionnés dans le cadre d’un appel à projets dédié aux solutions innovantes pour la valorisation des déchets).

Votre rapporteure propose de mieux communiquer auprès des PME afin de mieux faire connaître ce produit, qui peut apparaître complexe pour nombre d’entre eux. Votre rapporteure propose de solliciter pour ce faire les prescripteurs et interlocuteurs privilégiés des entreprises (OSCI, sociétés de conseil, experts comptables, commissaires aux comptes, banques, services des impôts des entreprises, greffes du tribunal de commerce).

3. Une bonne résilience de l’appareil exportateur français

La crise n’a pas altéré notre tissu d’entreprises exportatrices, puisque, selon la direction générale des douanes, leur effectif reste orienté à la hausse et atteint son niveau le plus haut depuis vingt ans, à près de 132 000 au premier trimestre 2021.

L’année dernière, votre rapporteure s’était interrogée sur l’objectif fixé par le Premier ministre Édouard Philippe d’atteindre un nombre de 200 000 entreprises exportatrices. Cet objectif paraît légitime si l’on porte le regard sur les résultats de nos principaux voisins : l’Allemagne compte plus de 300 000 exportateurs et des économies plus petites que la nôtre, l’Italie et l’Espagne, en comptent respectivement plus de 220 000 et 160 000 en 2019. C’est également un objectif très ambitieux : le nombre d’exportateurs fluctue depuis deux décennies entre 116 000 (en 2009 et 2011) et 132 000 (en 2000), alors même que le montant global des exportations augmente régulièrement. Cet indicateur n’est toutefois pas entièrement satisfaisant dès lors qu’il ne s’accompagne pas d’un objectif en termes de chiffre d’affaires global. D’après les OSCI, sur l’ensemble des exportateurs recensés, une centaine de milliers environ sont en réalité des exportateurs occasionnels, tandis que les 20 000 restants réalisent 80 % de l’export. Pour de nombreuses entreprises françaises, l’export reste irrégulier et est souvent motivé par une opportunité sans s’inscrire dans une stratégie systématique et définie.

Votre rapporteure appelle à nouveau à compléter l’objectif de 200 000 exportateurs en se fixant un objectif en termes de chiffre d’affaires à l’export, permettant de mesurer l’efficacité de la démarche export, et en mettant en place une métrique d’évaluation en termes de potentiel de croissance.

B. La rÉorganisation du systÈme d’accompagnement À l’export

1. Une Team France Export pleinement mobilisée

a. Une avancée considérable pour le système d’accompagnement à l’export

La réforme de la Team France Export de 2018 avait pour but de mettre en commun les expertises complémentaires de Business France, de Bpifrance, des CCI ([4]), ainsi que des partenaires privés conventionnés sur certaines destinations internationales, afin de proposer aux entreprises un parcours coordonné, complet et plus efficace. Le déploiement du dispositif de la Team France Export est désormais achevé en région : un guichet unique de l’export a été constitué dans toutes les régions, qui disposent de partenariats solides avec la TFE. Il se poursuit à l’étranger avec des référencements de partenaires dans les pays non couverts par Business France ou par une concession de service public.

La réussite de la réforme repose sur des outils numériques qui ont été rapidement opérationnels. Depuis la fin 2019 un logiciel de gestion de bases de données et de suivi de la relation client (Customer Relation Management ou CRM), baptisé OneTeam, est partagé entre les acteurs de la TFE sur tout le territoire, afin d’assurer un suivi coordonné des entreprises accompagnées tout au long de leur parcours à l’export. Le succès de OneTeam se mesure autant dans son taux d’adoption (80 % des utilisateurs s’y connectent au moins tous les trois jours) que dans le contenu : alimentée directement par les équipes de terrain, la base du CRM contient 139 000 entreprises françaises. Plus de 12 000 projets d’export par les PME ont été identifiés depuis début 2020.

Pendant la crise sanitaire, Business France a joué un rôle de premier plan pour informer les entreprises des débouchés à l’international et fournir l’accompagnement dont elles ont besoin pour développer leurs exportations vers les marchés qu’elles ciblent : participation au plan d’urgence dès le printemps 2020, développement de nouvelles formes numériques de prospection numérique dans le contexte de fermetures des frontières aux déplacements, et mise en œuvre de nouveaux outils de soutien aux PME et ETI exportatrices dans le cadre du volet export du plan de relance du Gouvernement.

Ainsi, la plateforme de la TFE a mis en place une veille-information sur les marchés, personnalisée et gratuite pour les exportateurs. Depuis le 5 février 2021, des « comptes personnalisés de l’exportateur » sont disponibles, qui permettent de fournir une information détaillée spécifique aux PME, notamment celles qui n’ont pas les moyens de faire de la veille commerciale. 3 000 entreprises françaises se sont également inscrites sur les trois e-vitrines sectorielles créées pour les secteurs de l’agro-alimentaire, des vins et des cosmétiques. L’évolution numérique de l’accompagnement export, fortement renforcée par la crise, devra être poursuivie dans la durée.

Au total, l’activité développée par le réseau France de la Team France Export a très fortement augmenté depuis octobre 2020 et au premier semestre 2021, grâce non seulement au déploiement du plan de relance export, mais aussi à la montée en puissance des équipes sur le terrain, qui disposent d’une meilleure connaissance du portefeuille et du catalogue des solutions, et d’une relation de confiance avec les entreprises. À titre illustratif, au premier semestre 2021, le réseau des CCI a obtenu que 1 800 entreprises différentes souscrivent à des prestations de projection, contre 800 au premier semestre 2020.

b. Un dispositif à consolider

La période de crise inédite que le monde a traversé ne permet pas de faire un bilan complet de l’action de la TFE. Si sa pleine mobilisation et l’utilisation des mesures de soutien du plan de relance ont incontestablement contribué à la résilience du tissu exportateur, il conviendra d’évaluer sur le long terme l’efficacité de son action.

Dans cette optique, le suivi des entreprises dans la durée et le renforcement de l’impact des actions des opérateurs doivent être des missions à part entière de la TFE. Votre rapporteure invite à accélérer l’utilisation du CRM de la TFE comme outil de suivi des entreprises dans la durée – notamment des primo-exportateurs – et de la pérennisation de leur démarche export. En effet, comme l’indique la Cour des comptes dans un rapport publié le 7 octobre 2021 ([5]), même si les clients de Business France sont dans l’ensemble satisfaits de la prestation rendue (avec un taux s’élevant entre 89 % et 96 % selon les méthodes d’évaluation), près d’une entreprise sur deux accompagnée par l’agence estime ne pas avoir obtenu de contrat ou de commande après cet accompagnement.

De surcroît, dans le cadre de l’alliance entre Business France et les CCI, les efforts doivent se poursuivre afin de mieux aligner les intérêts des organisations autour de l’objectif commun et central de projeter davantage d’entreprises à l’étranger. Des travaux sont ainsi en cours pour mettre au point un mécanisme de partage des revenus. Par ailleurs des initiatives ont été prises, avec par exemple la mise en place par CCI France, d’un mécanisme d’affectation de la taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie en fonction de la performance, mécanisme qui est susceptible de mobiliser directions et équipes vers leur objectif commun. Votre rapporteure salue ces initiatives et appelle à poursuivre le rapprochement des équipes de conseillers internationaux des CCI et de Business France.

Enfin, l’un des objectifs assignés à Business France en 2018 était de mettre en place une Team France Invest, afin de coordonner les services de l’État, de Business France et des régions en matière de développement des investissements étrangers. Ce dispositif reste, pour l’heure, embryonnaire. Il convient de déployer rapidement la Team France Invest, même si sa mise en place pourrait être plus complexe que celle de la Team France Export, en raison de la concurrence entre régions en matière d’accueil des investissements directs à l’étranger et de leur réticence à établir une stratégie nationale dans ce domaine.

c. Des acteurs privés à mieux intégrer

Le système de soutien à l’export est théoriquement fondé sur un partage des rôles entre des acteurs publics chargés d’accompagner les entreprises dans leurs activités de prospection, et des acteurs privés chargés de leur implantation à l’étranger. En réalité, les missions incombant à chaque acteur semblent moins claires, même si les contraintes liées à la crise et la limitation des possibilités d’implantations n’ont pas permis de véritablement tester la pertinence du modèle. Pour l’heure, les acteurs privés, qu’il s’agisse des opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI) ou des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCIFI), semblent parfois considérés davantage comme des prestataires, voire des concurrents, que comme des partenaires.

Près d’un quart des entreprises françaises exportatrices sont accompagnées à l’export par des acteurs de type OSCI, qui présentent l’avantage d’être eux-mêmes des entrepreneurs, possédant donc une connaissance immédiate et une expérience directe des problématiques de leurs clients. Or ce réseau a été fragilisé par la mise en place de la TFE, qui a interrompu la prescription des services des OSCI par les CCI de France, entraînant, selon leur Fédération, de très importantes pertes de chiffre d’affaires depuis le début de 2019. Votre rapporteure tient à rappeler que les conseillers de la TFE devraient être encouragés à présenter aussi aux entreprises la possibilité de commander les prestations des OSCI (sans qu’ils en soient pénalisés en termes d’évaluation individuelle ou d’indicateurs) et notamment celles des sociétés de conseil ou clubs d’affaires créés à l’étranger par les entrepreneurs français de l’étranger (EFE).

La crise sanitaire et économique a également beaucoup fragilisé le réseau des CCIFI, qui est un relais essentiel de notre influence économique et de la visibilité de la présence économique française ainsi que de la communauté d’affaires à l’étranger. Étant des structures de droit privé, elles ne sont pas éligibles aux aides publiques françaises. Elles doivent donc trouver toute leur place dans la mise en œuvre du volet export du plan de relance. Votre rapporteure appelle également à réaliser un bilan complet des concessions de service public avant d’en conclure de nouvelles et de favoriser autant que faire se peut les CCIFI en tant qu’interlocuteurs locaux de la TFE et du service public d’accompagnement des entreprises à l’international. Il conviendrait notamment de ne pas créer de nouveaux bureaux de Business France dans des pays où des structures locales ou bien des EFE permettent déjà de répondre aux demandes des entreprises intéressées par les marchés des pays dans lesquels ils sont implantés. 

Votre rapporteure incite également fortement à réfléchir à un dispositif pérenne de soutien aux CCIFI à l’étranger qui sont un point focal de notre communauté d’affaires et qui jouent un rôle majeur pour notre visibilité sur le terrain dans le domaine économique.

Enfin, par rapport à des pays comme l’Allemagne ou l’Irlande, où l’accompagnement des entreprises est gratuit, le système français repose sur une diversité d’acteurs publics et privés dont les missions gagneraient à être clarifiées. Une réflexion pourrait être lancée sur le rôle de la Team France Export, qui pourrait être la valorisation de la marque France, l’organisation de salons en y accompagnant gratuitement les entreprises, l’amélioration de l’information. L’accompagnement payant et plus poussé pourrait relever des acteurs privés.

2. Un pilotage politique encore à clarifier et à consolider

a. Une nomenclature budgétaire qui reste encore à unifier

S’il faut saluer la création, en juillet 2020, d’un ministère de plein exercice chargé du commerce extérieur, il est regrettable qu’il n’existe toujours pas, dans la nomenclature budgétaire, de « budget du commerce extérieur » clairement identifié. Les différentes lignes budgétaires qui contribuent à son soutien restent dispersées sur plusieurs missions budgétaires, un compte de concours financiers et un compte de commerce, étant précisé qu’une nouvelle mission, Plan de relance, a été ajoutée en 2020.

Comme l’année dernière, votre rapporteure plaide pour une amélioration de la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits relatives à ces politiques sous une ombrelle commune (qui pourrait être une mission budgétaire « Commerce extérieur »).

Ainsi, le pilotage d’ensemble de la politique du commerce extérieur est partagé entre deux ministères : le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) et le ministère de l’économie, des finances et de la relance (MEFR). Source de complexité, cette bicéphalie administrative n’en est pas moins justifiée par la spécificité des missions de chaque ministère et fonctionne grâce à des efforts de coordination indéniables, comme en témoigne la mise en place, à l’automne 2020, d’une plate-forme informatique très performante (Outil de suivi des contrats prioritaires ou OSCOP), qui permet un recueil et un partage des informations en temps réel.

Votre rapporteur appelle cependant à clarifier encore davantage les responsabilités respectives de la direction de la diplomatie économique (MEAE), chargée de l’accompagnement diplomatique des entreprises, et de la direction générale du Trésor (MEFR), chargée de leur accompagnement économique et financier, afin d’améliorer leur coopération, notamment avec les services économiques des ambassades. À cet égard, l’outil OSCOP pourrait opportunément être enrichi par des informations relatives aux principales perspectives d’investissements dans les pays partenaires.

b. Une baisse inquiétante des moyens des services économiques des ambassades

Le réseau international de la direction générale du Trésor est constitué de 31 circonscriptions, placées sous l’autorité des chefs des services économiques régionaux (SER) en charge de coordonner et d’animer l’activité des services économiques des ambassades de leur zone de compétence. Ce réseau a notamment pour missions l’analyse et la veille économique et financière de l’environnement économique international, les études comparatives internationales et le soutien aux entreprises françaises. Il comprend 124 implantations dans 105 pays.

Or les effectifs des services économiques à l’étranger ne cessent de diminuer, du fait notamment du programme « Action Publique 2022 » : leur effectif total est passé de 638 à 502 équivalents temps-plein de 2017 à 2020. S’agissant par ailleurs du réseau des services économiques, l’Afrique ne compte que 26 implantations. Cette réduction d’effectifs, concomitante à l’effort demandé à Business France en matière de réduction d’emploi, qui a conduit à la fermeture de quinze implantations à l’international, affaiblit notre présence économique à l’étranger et n’est pas cohérente avec notre stratégie à l’export.

c. Des interrogations sur le modèle économique de Business France

Le modèle économique de Business France est fondé sur la substitution progressive des ressources propres aux crédits budgétaires, évolution que M. Buon Tan remettait déjà en question dans son avis budgétaire sur les crédits du commerce extérieur du projet de loi de finances pour 2020. Le contrat d’objectif et de moyens de l’opérateur, couvrant les exercices 2018 à 2022, entérine une évolution vers un financement reposant de plus en plus sur les ressources tirées de la facturation de prestations aux entreprises, et de moins en moins sur les subventions publiques. Ce modèle de financement est une singularité de l’agence par rapport à ses homologues des pays partenaires.

La crise a, en outre, mis en difficulté l’agence, qui a été privée des recettes importantes qu’elle tirait de la gestion pour les entreprises du dispositif de VIE et des services proposés dans le cadre des salons professionnels à l’étranger. Dans son rapport sur Business France d’octobre 2021, la Cour des comptes estime que cela « pourrait conduire à réexaminer la trajectoire de baisse de la subvention pour charge de services publics » prévue par le contrat d’objectifs et de moyens. Dans cette logique, il serait opportun de revoir les objectifs du contrat d’objectifs et de moyens de Business France pour 2022 pour tenir compte des conséquences conjoncturelles et structurelles de la crise sanitaire sur l’activité et les recettes de l’agence.

De surcroît, le modèle économique de Business France engendre certains effets pervers. D’abord, certaines entreprises trouvent les services de Business France parfois plus coûteux que les services fournis par des prestataires privés. Ensuite, les opérateurs privés d’accompagnement à l’international souffrent d’une concurrence qu’ils qualifient de « déloyale », l’opérateur restant subventionné. Enfin, la volonté de Business France de respecter les objectifs financiers inscrits dans son contrat d’objectifs et de moyens la conduit à orienter ses activités vers l’Europe, au détriment des marchés à fort potentiel de croissance, comme l’Afrique.

C. L’amÉlioration de la compÉtitivitÉ française

1. Un territoire plus attractif et plus compétitif

En 2020, la France a conservé, pour la deuxième année consécutive, la première place des pays européens en termes d’accueil de projets d’investissements étrangers : 985 projets ont été annoncés au cours de l’année 2020 (notamment dans l’industrie pharmaceutique, l’énergie et la finance). Elle devance ainsi le Royaume-Uni et l’Allemagne dans le baromètre européen de l’attractivité d’Ernst &Young.

L’amélioration de l’attractivité française est le fruit des différentes réformes structurelles menées pendant les dernières années, parmi lesquelles la baisse des impôts de production et du coût du travail, ou la réforme du marché du travail, dont la formation professionnelle et l’apprentissage sont des axes essentiels. L’une des conséquences de ces réformes est, par exemple, la progression de la compétitivité-coût de la France au cours de la dernière décennie. Selon la Banque de France([6]), la dégradation de la compétitivité-coût de la France par rapport à l’Allemagne entre 2000 et 2010 a été entièrement corrigée entre 2010 et 2019.

Les mesures de confinement ont conduit à une forte contraction des flux mondiaux d’investissements directs à l’étranger en 2020 (- 35 %), soit une baisse nettement plus marquée que celles des échanges commerciaux ou de l’activité économique. Cependant, les flux d’IDE entrants en France ont relativement mieux résisté que la moyenne de l’Union européenne : selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), ils ont baissé de 47 % par rapport en 2019, contre une baisse de 73 % pour l’Union.

2. La réindustrialisation, enjeu prioritaire de la relance

Le secteur industriel a non seulement bénéficié des mesures visant à améliorer la compétitivité globale de l’économie française, mais aussi d’une stratégie de réindustrialisation spécifique. Ainsi, la tendance à la désindustrialisation a commencé à s’infléchir grâce aux différentes mesures ayant permis de réinvestir progressivement dans le tissu productif à partir du programme d’investissement d’avenir initié en 2010.

Depuis 2018, la tendance s’est même inversée, puisque la France recrée des emplois industriels, ce qui ne s’était pas vu depuis quinze ans. En 2018 et 2019, plus d’emplois ont été créés que détruits dans le secteur industriel. La parenthèse de 2020 a vite été effacée, avec une reprise des créations nettes d’emplois industriels au premier semestre 2021, le mouvement étant essentiellement porté par les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.

Le mouvement devrait s’accélérer grâce au plan de relance, dont la réindustrialisation est un axe central : 34 milliards d’euros sont consacrés au renforcement de la compétitivité, avec des mesures spécifiques sur la formation professionnelle et l’adaptation des apprentissages aux réalités du métier, comme l’essor de la robotisation ou de l’impression 3D… L’observatoire de l’investissement Trendeo souligne que les derniers mois ont été marqués par une accélération des relocalisations, de nombreuses entreprises ayant profité des subventions pour acheter des machines, regagner en compétitivité et relocaliser une partie de leur production. C’est le cas, par exemple, de l’entreprise Wirquin, qui a investi 1,3 million d’euros à Carquefou, en Loire-Atlantique, pour produire des pièces pour sanitaires jusqu’ici produites en Chine ; c’est le cas également d’Aigle, qui a relocalisé à Ingrandes (Maine-et-Loire) sa production de bottes pour enfants, qui provenait d’Europe de l’Est et d’Asie.

Cette dynamique de réindustrialisation sera accélérée par le plan d’investissement France 2030, annoncé le 12 octobre dernier par le Président de la République.

D. la rÉvision de la politique commerciale europÉenne

1. Vers la fin de la naïveté commerciale européenne ?

Les Européens ont fondé leur système commercial sur l’exemplarité, pensant que leur industrie ne souffrirait pas d’une ouverture asymétrique et que le commerce international finirait par être régi par des règles uniformes. Des pans entiers de l’industrie se sont ainsi trouvés menacés par la concurrence déloyale d’entreprises subventionnées par des pays tiers, notamment la Chine, faisant de l’Union européenne les « idiots du village global ». En 2016, le débat sur l’opportunité d’octroyer à la Chine le statut d’économie de marché a marqué le début d’un changement de mentalités. Les fermetures d’usine dans le secteur sidérurgique, au Royaume-Uni notamment, avaient conduit à une première prise de conscience, au niveau européen, de la nécessité de changer les règles commerciales.

La crise sanitaire et l’accroissement des tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis a accéléré cette prise de conscience : l’Union européenne est de plus en plus exposée à des jeux non coopératifs à l’échelle internationale, aux mesures unilatérales de représailles commerciales, aux sanctions extraterritoriales de pays tiers, à la possibilité de fermetures des frontières, y compris par les pays partenaires.

Dans ce contexte, afin de préserver la loyauté de la concurrence et de promouvoir la réciprocité des échanges commerciaux, la Commission européenne a publié, le 5 mai 2021, une proposition de règlement pour lutter contre les subventions étrangères déloyales. L’objectif du texte est de donner à la Commission le pouvoir de limiter et bloquer les investissements au sein du marché unique d’entreprises étrangères qui ont accès à des aides d’État dans leur pays d’origine, faussant ainsi la concurrence avec leurs rivales européennes, un outil qui vise en particulier la Chine. Il conviendra de faire de l’adoption du règlement visant à lutter contre les subventions déloyales étrangères une priorité de la Présidence française de l’Union européenne, car cet outil peut s’avérer un tournant majeur dans la politique commerciale de l’Union.

En outre, la nouvelle stratégie commerciale, présentée par la Commission européenne en février 2021, poursuit l’objectif de soutenir la transition écologique et de promouvoir les chaînes de valeur responsables et durables, en faisant notamment du respect de l’accord de Paris sur le climat une clause essentielle des accords commerciaux. Le verdissement des accords internationaux, couplé au projet de mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, est de nature à rétablir la loyauté de la concurrence entre entreprises européennes et entreprises des pays tiers, et à renforcer l’avantage comparatif des produits européens, souvent plus vertueux sur le plan écologique.

Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, il conviendra d’aller encore plus loin dans la révision des règles du commerce international en introduisant dans les accords commerciaux de libre-échange des clauses miroirs, afin de garantir que les produits agricoles importés respectent les standards européens, pour éviter toute distorsion de concurrence.

2. Une meilleure application des accords commerciaux

Cette évolution de la politique commerciale européenne s’accompagne d’une attention nouvelle portée à la mise en œuvre des accords commerciaux existants, dont la clé de voûte est le nouvellement créé Chief trade enforcement officer, et à la mise en œuvre des instruments de défense commerciale.

À cet égard, la multiplication des mesures de coercition imposées par des pays tiers (comme les boycotts de produits français en Turquie, les menaces chinoises sur l’importation de voitures allemandes répondant au refus d’adopter des technologies Huawei, ou les sanctions extraterritoriales américaines contre le gazoduc NordStream) conduira la Commission à proposer, à la fin de l’année 2021, un instrument anti-coercition, visant à prévenir et contrer les mesures coercitives prises par des pays tiers.  Il conviendra, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, de garder un haut niveau d’ambition pour cet instrument, en prévoyant notamment un panel de contre-mesures comme la restriction au marché européen, l’exclusion de programmes ou l’application de sanctions extraterritoriales. 

Enfin, afin que l’ensemble des entreprises puisse se saisir des opportunités offertes par les baisses ou suppressions de droits de douane prévues par les accords commerciaux existant, il convient d’améliorer l’information et de simplifier les procédures, en automatisant au maximum les demandes. En effet, dans le cadre du l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (CETA), par exemple, seuls les deux tiers des entreprises en bénéficient.

III. Quelle place pour les pays du sud de la MÉditerranÉe dans un contexte de rÉgionalisation des Échanges ?

A. Une nouvelle donne du commerce international favorisant la rÉgionalisation des Échanges

1. Vers une relocalisation des chaînes de valeurs à l’échelle régionale ?

Depuis les années 2000, une tendance à la régionalisation des chaînes de valeur est à l’œuvre, que ce soit à l’échelle de l’ASEAN (Association of South East Asian Nations), de l’Amérique du Nord, ou encore de l’Afrique de l’Ouest. Cette évolution pourrait être accélérée par l’affrontement géopolitique entre les États-Unis et la Chine et par la prise en compte de l’impact des échanges entre zones éloignées sur les émissions de gaz à effet de serre.

En plaçant l’exigence de sécurité des approvisionnements au cœur des politiques commerciales, la crise sanitaire pourrait également accentuer cette dynamique. En effet, pour répondre à la fragilité de certaines chaînes de valeurs mondiales et à la pénurie de certains biens essentiels, des gouvernements et organisations multilatérales ont engagé des stratégies visant à mieux sécuriser leurs approvisionnements, dont certaines incluent des relocalisations de productions dans des secteurs jugés stratégiques. Ainsi, en France, le plan « France relance » comporte une mesure spécifique « Relocalisation : sécuriser nos approvisionnements stratégiques », dotée de 600 millions d’euros. L’objectif de cette mesure est d’accompagner les acteurs de certaines filières et chaînes de valeur particulièrement stratégiques dans leur démarche de sécurisation de leurs approvisionnements.

Il est toutefois encore trop tôt pour observer dans les chiffres une accélération du phénomène de régionalisation à l’échelle mondiale et pour apprécier quelles régions du monde sont les plus concernées. Les données plus récentes de commerce en valeur ajoutée, lorsqu’elles seront disponibles, devraient permettre de savoir si ces tendances seront renforcées par la crise sanitaire. En tout état de cause, la crise de la Covid-19 n’a pas fondamentalement remis en cause l’organisation globalisée de la production et du commerce en chaînes de valeur mondiales. Cette organisation a aussi été un facteur de résilience pendant la crise, par la capacité qu’elle offre à s’approvisionner rapidement auprès de multiples fournisseurs étrangers pour répondre à une explosion soudaine de la demande.

2. La place privilégiée des pays du voisinage sud

a. Des pays qui disposent de nombreux atouts

L’Union européenne constitue l’espace naturel pour mener à bien une recomposition régionale, en raison des avantages que procurent le marché unique, la communauté d’intérêts stratégiques, ou la diversité des tissus industriels et des coûts de production. Cependant, le voisinage de l’Union, et le Maghreb en particulier, peut s’intégrer dans une logique de sécurisation des chaînes de valeur. De surcroît, le lancement de la zone de libre-échange continentale africaine, en janvier 2021, devrait permettre d’accroître les échanges commerciaux intra-africains (qui ne représentent actuellement que 15 % du total des exportations de l’Afrique), et par conséquent renforcer les chaînes de valeur du continent.

Des liens commerciaux et industriels plus étroits avec le voisinage sud de l’Union pourraient potentiellement contribuer à réduire la dépendance de l’économie européenne à des régions plus éloignées, comme l’Asie : à court terme, par la diversification des approvisionnements auprès de fournisseurs déjà existants au Maghreb, ou à long terme, par le déploiement de nouvelles capacités de production (ou « nearshoring »). La proximité géographique est susceptible de réduire le surcoût de l’éloignement ainsi que l’empreinte carbone, alors que ces pays disposent des infrastructures permettant de valoriser ce potentiel en termes logistiques, et de l’ouverture commerciale nécessaire, notamment vers l’Union, grâce notamment aux accords de libre-échange.

Le Maroc et la Tunisie en particulier disposent d’avantages comparatifs pour la relocalisation d’activités, parmi lesquels un faible coût de la main d’œuvre, une proximité géographique et linguistique, et un niveau de formation élevé. À titre d’exemple, en Tunisie, le coût du travail est très compétitif pour un niveau de compétences équivalent à celui de la Hongrie ou de la Slovaquie et supérieur à celui de la Roumanie. Enfin, ces pays ont démontré, à la faveur de la crise sanitaire, leur forte réactivité en matière industrielle, lorsqu’il s’est agi d’approvisionner leur marché intérieur et de se positionner pour exporter des produits visant à lutter contre la pandémie.

b. Des « colocalisations » à l’œuvre dans certains secteurs

Le concept de « colocalisation » repose sur le partage de la chaîne des valeurs et un partenariat plus équilibré entre le Nord et le Sud, censé favoriser l’intégration économique par la production. Ces colocalisations sont déjà à l’œuvre, dans le cas du Maroc et de la Tunisie, dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. Ainsi, dans la filière aéronautique, le Maroc fournit, par exemple, des pièces détachées à l’Europe et à la France, où est maintenu l’assemblage des aéronefs.

Le secteur de l’automobile possède également un fort potentiel d’intégration verticale régionale avec l’Union et la France, notamment pour ce qui concerne la Tunisie. En effet, la quasi-totalité des exportations tunisiennes vers la France dans le secteur automobile concernent des produits intermédiaires (orientés vers les tracteurs et les véhicules collectifs). Certaines entreprises françaises ont ainsi pu préserver des emplois en France, la colocalisation leur ayant permis de préserver leur compétitivité sur l’ensemble de la chaîne de production et d’accéder à de nouveaux marchés.

D’autres secteurs présentent des opportunités de développement de colocalisations, notamment le textile, les engrais, les fournitures électriques, le câblage, le secteur agricole et l’industrie pharmaceutique, comme en témoigne la récente annonce de la fabrication des vaccins contre la Covid-19 et des dispositifs médicaux de protection au Maroc.

c. Une volonté d’intégration dans les chaînes de valeurs européennes partagée notamment par les pays du Maghreb

Le Maroc est le pays qui met le plus en avant les bénéfices que peuvent représenter pour lui et pour l’Union la régionalisation des chaînes de valeur, à la suite à la crise sanitaire. Toutefois, ce discours volontaire n’en demeure pas moins réaliste et mesuré, eu égard aux défis à relever.

La Tunisie est désireuse de s’inscrire davantage dans les chaines de valeurs européennes, mais la situation politique et économique dans laquelle elle se trouve risque de porter atteinte à sa capacité à agir en ce sens. L’accompagnement de sa sortie de crise par les bailleurs européens pourra être l’occasion de contribuer au renforcement de l’insertion de la Tunisie dans les chaines de valeur européennes.

S’agissant de l’Algérie, si les autorités ont déjà manifesté leur intérêt à un renforcement des chaînes de valeur régionales, le discours, très critique de l’Union, porte surtout sur la production nationale et le rôle de l’économie algérienne vis-à-vis de ses partenaires africains, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Surtout, les rigidités institutionnelles rendent difficile la mise en place d’un environnement favorable au développement d’un écosystème industriel adapté à la colocalisation des chaînes de valeur.

Les autres pays du voisinage sud sont plus discrets, même si beaucoup se disent favorables à un renforcement de l’intégration commerciale régionale.

De manière générale, les pays du Maghreb sont conscients du risque d’enfermement dans des segments à faible valeur ajoutée. Ainsi, le Maroc mesure parfaitement ce risque et veille à ce que les investissements directs étrangers dans le Royaume lui permettent, à terme, de façon progressive, de monter en valeur ajoutée sur un segment toujours plus important de la chaîne de production. Dans le cas de l’écosystème automobile, par exemple, cela se traduit par de fortes exigences en matière d’intégration locale et la conclusion de partenariats avec des écoles d’ingénieurs. De même, depuis plus d’un an, les autorités algériennes plaident auprès des investisseurs pour une production locale à haute valeur ajoutée.

3. Une régionalisation des chaînes de valeurs qui se heurte encore à de nombreuses difficultés

Les pays du voisinage sud pâtissent d’un certain nombre de handicaps à la fois politiques et économiques qui sont autant de freins à leur intégration dans les chaînes de valeurs européennes : instabilité gouvernementale, défis sécuritaires, absence de vision et de stratégie facilement lisible, climat des affaires insuffisamment sécurisant pour des investisseurs,  nécessité d’importer la matière première pour certaines productions (comme le textile ou l’automobile), ou encore faible convergence normative avec l’Union européenne.

En outre, le positionnement stratégique de certains pays du voisinage sud comme relais de compétitivité de la France, voire de l’Europe, dépend de la capacité de ces pays à mettre en place des politiques industrielles adaptées. À ce jour, le Maroc se démarque de ses voisins maghrébins par le déploiement d’une stratégie industrielle multisectorielle volontariste et largement ouverte aux investissements directs à l’étranger.

Outre ces obstacles, le voisinage sud profitera d’autant plus de la régionalisation des chaines de valeur qu’ils renforceront l’intégration régionale de leurs économies. Pour l’heure, les pays de la région sont souvent mieux connectés avec l’Union Européenne, qui constitue leur principal partenaire économique et commercial, qu’avec leurs partenaires. Seules 5,9 % des exportations des pays du voisinage sud sont dirigées vers un autre pays de la région. Sur l’ensemble de la zone euro-méditerranéenne, 90 % des flux commerciaux sont des échanges nord-nord, 9 % sont nord-sud, et à peine 1 % sont sud-sud.

Selon une étude du FMI de 2018, l’index de complémentarité commerciale, qui mesure la correspondance entre les structures d’exportation d’un pays A et la composition des importations d’un pays B, indique pourtant une complémentarité élevée entre les pays maghrébins. Cette complémentarité, particulièrement nette dans les secteurs de la chimie ou du textile, pourrait être mise à profit dans le cadre du développement d’échanges commerciaux intra-firmes.

Cependant, les différends politiques et diplomatiques persistants entre les pays de la région constituent un frein considérable à toute entreprise d’intégration régionale. Ces différends géopolitiques se traduisent notamment par des barrières tarifaires et non-tarifaires élevées, des réseaux de transport terrestres et aériens restreints, ou encore un faible niveau de migration intra-régionale.

B. Encourager le pivot du commerce extérieur national et europÉen vers l’Afrique

1. L’érosion continue des parts de marchés de la France en Afrique

L’année dernière, votre rapporteure s’était déjà inquiétée de la perte de marchés français en Afrique : les parts de marché à l’exportation de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2000, alors que la Chine affiche une progression fulgurante de ses parts de marché à l’export en Afrique, suivie par l’Inde, la Turquie et l’Espagne. En 2017, la France a perdu son statut de premier fournisseur européen du continent africain au profit de l’Allemagne, alors même qu’elle peut s’appuyer sur des avantages indéniables, comme la proximité géographique et culturelle, la francophonie, ou la présence de diasporas dynamiques.

Cette perte de parts de marchés s’explique notamment par la structure des exportations : la France exporte surtout des biens de consommation peu adaptés aux besoins des populations africaines, alors que l’Allemagne gagne des parts de marché par l’exportation de biens d’équipement contribuant à l’industrialisation du continent africain.

Contrairement aux pays d’Europe centrale et orientale vis-à-vis de l’Allemagne, les pays du Maghreb restent encore peu intégrés aux chaînes de valeur françaises (le Maghreb ne contribue qu’à hauteur de 2 % de la valeur ajoutée des exportations françaises), malgré un potentiel important offert par la complémentarité des tissus de production. Cet écart s’explique notamment par la stratégie des entreprises françaises, qui y ont plutôt réalisé, dans un premier temps, des investissements dits « horizontaux », visant à multiplier les sites de production sans lien avec la chaîne de production initiale.

2. Faire de l’Afrique une priorité du commerce extérieur français

Si le continent africain a été très touché par la crise économique, il représente des marchés disposant d’un très fort potentiel de croissance, à proximité de l’Union européenne, qui pourraient satisfaire le besoin de diversification des approvisionnements des entreprises. C’est la raison pour laquelle il faut accélérer le tropisme africain de la stratégie commerciale française. Le ministre délégué au commerce extérieur et à l’attractivité, M. Franck Riester, a d’ailleurs pris ces derniers mois différentes initiatives en ce sens dont plusieurs déplacements en Afrique et notamment en Afrique de l’Est, où la France est moins présente.

Cela passe d’abord par la révision des priorités géographiques de la Team France Export. En effet, la Cour des comptes estime, dans le rapport précité, que Business France est trop tournée vers l’Europe, qui représente 48 % du chiffre de l’agence en 2019, la tendance étant en hausse depuis 2015. Cela fait de l’Europe la première destination de l’agence, devant l’Asie (30 %), l’Amérique (15 %), l’Afrique (5,4 %) et l’Océanie (1 %). Une telle orientation reflète les flux commerciaux actuels de la France, mais ne soutient pas la conquête française de parts de marchés extra-européens, qui peuvent pourtant être plus dynamiques que le marché européen. Dans la lignée de la Cour des comptes, votre rapporteure appelle à formaliser et présenter au conseil d’administration de l’agence les priorités sectorielles et géographiques pour le développement de son activité export, en cohérence avec la stratégie de soutien des exportations françaises définie par le Gouvernement.

Par ailleurs, la réorganisation de la TFE en pôles d’expertise sectorielle a fait disparaître les pôles d’expertise géographique du réseau des CCI. La constitution d’un pôle d’expertise sur l’Afrique au sein de la TFE peut, à cet égard, être opportune. Il importe également de compléter notre dispositif d’accompagnement sur ce continent, aujourd’hui très insuffisant. Business France ne dispose ainsi que de douze implantations pour tout le continent. S’agissant par ailleurs du réseau des services économiques, l’Afrique ne compte que 26 implantations. Notre dispositif de soutien à l’export gagnerait, en outre, à mettre davantage à profit l’expertise dont dispose nos outre-mer sur leur environnement régional : des actions menées conjointement par les entreprises de la métropole et les entreprises ultramarines permettraient d’utiliser ces territoires comme des tremplins vers ces marchés.

Votre rapporteure incite aussi à mobiliser davantage les clubs d’affaires français présents en Afrique et qui sont souvent peu intégrés au dispositif public d’appui aux entreprises exportatrices, voire en concurrence avec ce dernier. Un accompagnement approprié de ces structures leur permettrait par ailleurs à terme de se muer en CCIFI.

Votre rapporteure tient également à rappeler un certain nombre de propositions formulées l’année dernière, qui restent d’actualité. Encourager le pivot commercial en Afrique passe en effet aussi par l’identification des secteurs et les pays dans lesquels l’offre commerciale française sera la mieux adaptée à la demande dans les dix prochaines années, en s’appuyant notamment sur les chefs de service économique concernés. Votre rapporteure insiste donc sur la nécessité d’une relance de la réflexion stratégique sur les géographies en identifiant des « couples pays/secteur » prometteurs en Afrique, et en intégrant ces données dans notre politique d’accompagnement des entreprises à l’export.

Le développement des entreprises françaises en Afrique devrait également se fonder sur une coordination plus étroite des acteurs de la Team France Export avec l’Agence française de développement (AFD) et avec sa filiale Proparco. Même si leur objet premier est de contribuer au développement des pays concernés, ces institutions devraient avoir comme réflexe de passer autant que possible par un soutien à des PME-TPE et groupes français. L’accord de partenariat entre Business France et l’AFD a pour principale finalité de mettre en place les moyens nécessaires pour permettre d’augmenter les retombées directes ou indirectes des activités de l’AFD pour les intérêts économiques français. La stratégie française d’aide au développement ne devrait pas en effet se faire au profit d’entreprises d’autres pays qui eux-mêmes veillent à favoriser leurs intérêts économiques nationaux. Il conviendrait donc de privilégier autant que possible, dans l’aide publique au développement, le soutien ou le recours aux entreprises françaises ou à leurs filiales.

Votre rapporteure appelle aussi à mieux communiquer auprès de l’écosystème d’affaires français en Afrique au sujet des possibilités que peut leur offrir Proparco, telles que le produit Choose Africa Resilience qui, faute de communication adaptée, n’a que partiellement trouvé son public.

 Enfin, en Afrique comme ailleurs, les entreprises françaises jouent moins « collectif » que les entreprises italiennes et allemandes, même si des progrès ont été fait, comme en témoigne la tendance au développement d’offres de consortiums d’entreprises pour des projets d’aménagement urbain et de transports collectifs. La structuration des secteurs à l’export, soutenue par les pouvoirs publics, progresse dans certains secteurs, tels que la santé et la ville durable. Tout ce qui encourage les entreprises à « chasser en meute » doit donc être encouragé. À cet égard, votre rapporteure salue l’initiative « Équipe France Business », lancée en septembre 2021 en Turquie et en Lettonie par le ministre chargé du commerce extérieur, dont l’objectif est de fédérer, renforcer et rassembler les acteurs de la communauté d’affaires française à l’international, et appelle à la développer notamment dans les pays africains. De même, il convient de développer les clubs sectoriels, qui permettent aux entreprises françaises d’être bien identifiées par les pouvoirs publics, comme le montre l’exemple du « club agro », rassemblant les acteurs français des secteurs agricoles et agro-alimentaires, en Côte d’Ivoire. Les entreprises françaises devraient aussi être encouragées à jouer la carte de la Francophonie, dont différentes émanations, tel le Groupement du patronat francophone, peuvent favoriser les contacts avec des partenaires commerciaux africains.

3. Un nécessaire approfondissement des relations commerciales entre l’Union européenne et l’Afrique

Deux communications récentes de la Commission européenne soulignent le rôle des pays du bassin méditerranéen en matière de sécurisation des chaînes de valeurs pour l’Union européenne.  En premier lieu, la communication de la Commission européenne pour « un partenariat renouvelé pour le voisinage sud », publiée le 9 février 2021, souligne le potentiel des pays du voisinage méditerranéen pour créer de nouvelles opportunités d’intégration des chaînes de valeur industrielles, en particulier dans le contexte post-pandémique. Par ailleurs, la communication de la Commission sur une politique commerciale renouvelée, publiée le 18 février 2021, met également en avant le rôle des partenaires méditerranéen en matière de sécurisation des chaînes de valeur afin de parvenir à l’objectif d’« autonomie stratégique ouverte » que la Commission appelle de ses vœux.

Pour autant, ces publications, tout en soulignant le caractère stratégique du voisinage sud en matière de chaînes de valeur, détaillent peu les mesures qui pourraient être adoptées pour renforcer ce partenariat. 

Le positionnement stratégique du voisinage sud de la Méditerranée passe à cet égard par une relation commerciale plus ambitieuse avec l’Union européenne. Cependant, les relations commerciales de l’Union avec les pays du Maghreb, en particulier, sont à ce jour sous-dimensionnées eu égard à leur potentiel et aux ambitions réciproques de coopération avec l’Union européenne. La négociation d’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) avec le Maroc et la Tunisie, mais aussi avec l’Égypte et la Jordanie, qui offriraient un nouveau souffle aux relations commerciales, ne progresse pas. Quant à l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie, il fait l’objet d’une procédure de règlement des contentieux.

Aussi, la Commission européenne explore des voies plus modulables pour accroître les liens commerciaux de l’Union avec ces pays. Ces nouvelles coopérations pourraient prendre la forme d’un approfondissement de l’harmonisation réglementaire des produits industriels, via la négociation d’accords sur l’évaluation de la conformité et l’acceptation des produits industriels (ACAA). Ces derniers permettraient d’aider à la création de filières industrielles fondées sur l’innovation, pour soutenir le développement des entreprises, notamment tunisiennes et marocaines, tout en favorisant l’intégration économique avec l’Union. Cela permettrait de fluidifier les échanges, et de contribuer par là-même à une stratégie industrielle européenne de renforcement des chaînes de valeurs de l’Union, par le déploiement de nouvelles capacités de production.

En complément de ces outils de coopération plus flexibles et modulaires que la négociation d’ALECA, la Commission compte mener à son terme le processus de modernisation de la Convention Pan-euroméditerranéenne. Cette convention ambitionne, à terme, de fixer des règles d’origine unique pour une zone Pan-Euromed élargie. La Convention PEM révisée permettrait d’harmoniser les pratiques d’origine dans le commerce entre pays de la zone pour faciliter l’utilisation d’intrants et la réexportation de produits finis entre pays co-contractants. Ainsi, l’adhésion de ces pays à cette convention révisée serait complémentaire de leur relation commerciale bilatérale avec l’Union et permettrait la réexportation de produits (notamment du textile-habillement) à titre préférentiel vers d’autres pays de la zone.

Le renforcement de ces coopérations pose, à plus long terme, la question des accords de libre-échange complets et approfondis, qui visent à compléter les accords d’association existants, notamment en approfondissant le démantèlement des droits de douanes, et en intégrant de nouvelles questions telles que la libéralisation des services, les investissements, le commerce et le développement durable, et les questions réglementaires.

Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, il convient d’accélérer les négociations sur les instruments permettant de renforcer les échanges entre l’Union européen et l’Afrique, qu’il s’agisse de l’harmonisation réglementaire des produits industriels, de la fixation de règles d’origine uniques pour une zone Pan-euroméditerranéenne élargie ou de la conclusion des accords de libre-échange complets et approfondis, visant à compléter les accords d’association existants.

 

 


—  1  —

   LISTE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : Pérenniser le groupe de réflexion SOLEX (Solutions Export) sous la forme d’un « Grenelle du commerce extérieur » et enrichir sa composition, en y conviant par exemple les banques ou de nouveaux think tanks.

Proposition n° 2 : Évaluer, au moyen d’indicateurs adaptés, l’efficacité à moyen et long terme des mesures prévues par le volet export du plan de relance.

Proposition n° 3 : Promouvoir massivement le produit APA auprès des TPE/PME afin d’engager de nouvelles entreprises à se lancer dans une démarche export, tout en étant accompagnées dans leurs premiers pas de primo-exportateurs.

Proposition n° 4 : Simplifier davantage les critères pour bénéficier du chèque relance export, étendre les prestations qui y sont éligibles, et augmenter le nombre de chèques relance export autorisé par entreprise, afin d’en faire bénéficier le plus de TPE/PME possibles sur le premier semestre 2022 et d’encourager les démarches à l’international des entreprises.

Proposition n° 5 : Poursuivre un effort soutenu en faveur du dispositif des VIE, et notamment des formules les plus innovantes (tels que les VIE de filières ou le dispositif récemment créé permettant aux entrepreneurs français de l’étranger – EFE – de bénéficier de VIE).

Proposition n° 6 : Mieux communiquer auprès des PME afin de faire davantage connaître le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP). Solliciter pour ce faire les prescripteurs et interlocuteurs privilégiés des entreprises (OSCI, sociétés de conseil, experts comptables, commissaires aux comptes, banques, services des impôts des entreprises, greffes du tribunal de commerce).

Proposition n° 7 : Compléter l’objectif de 200 000 exportateurs en se fixant un objectif en termes de chiffre d’affaires à l’export, permettant de mesurer l’efficacité de la démarche export, et en mettant en place une métrique d’évaluation en termes de potentiel de croissance.

Proposition n° 8 : Poursuivre dans la durée l’évolution numérique des services d’accompagnement à l’export proposés par la Team France Export.

Proposition n° 9 : Faire du suivi des entreprises dans la durée et du renforcement de l’impact des actions des opérateurs des missions à part entière de la TFE. Accélérer l’utilisation du Customer Relationship management (CRM) de la TFE comme outil de suivi des entreprises dans la durée – notamment des primo-exportateurs – et de la pérennisation de leur démarche export.

Proposition n° 10 : Poursuivre le rapprochement des équipes de conseillers internationaux des CCI et de Business France.

Proposition n° 11 : Déployer rapidement la Team France Invest.

Proposition n° 12 : Encourager les conseillers de la TFE à présenter aussi les prestations des OSCI sans qu’ils en soient pénalisés en termes d’évaluation individuelle ou d’indicateurs) et notamment celles des sociétés de conseil ou clubs d’affaires créés à l’étranger par les entrepreneurs français de l’étranger (EFE).

Proposition n° 13 : Réaliser un bilan complet des concessions de service public avant d’en conclure de nouvelles et favoriser autant que faire se peut les CCIFI en tant qu’interlocuteurs locaux de la TFE et du service public d’accompagnement des entreprises à l’international. Il conviendrait notamment de ne pas créer de nouveaux bureaux de Business France dans des pays où des structures locales ou bien des EFE permettent déjà de répondre aux demandes des entreprises intéressées par les marchés des pays dans lesquels ils sont implantés. 

Proposition n° 14 : Réfléchir à un dispositif pérenne de soutien aux CCIFI à l’étranger, qui sont un point focal de notre communauté d’affaires et qui jouent un rôle majeur pour notre visibilité sur le terrain dans le domaine économique.

Proposition n° 15 : Améliorer la lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur, en regroupant autant que possible les différentes lignes de crédits relatives à ces politiques sous une ombrelle commune (qui pourrait être une mission budgétaire « Commerce extérieur »).

Proposition n° 16 : Clarifier encore davantage les responsabilités respectives de la direction de la diplomatie économique (MEAE), chargée de l’accompagnement diplomatique des entreprises, et de la direction générale du Trésor (MEFR), chargée de leur accompagnement économique et financier, afin d’améliorer leur coopération, notamment avec les services économiques des ambassades. À cet égard, l’outil OSCOP pourrait opportunément être enrichi par des informations relatives aux principales perspectives d’investissements dans les pays partenaires.

Proposition n° 17 : Revoir les objectifs du contrat d’objectifs et de moyens de Business France pour 2022 pour tenir compte des conséquences conjoncturelles et structurelles de la crise sanitaire sur l’activité et les recettes de l’agence.

Proposition n° 18 : Faire de l’adoption du règlement visant à lutter contre les subventions déloyales étrangères une priorité de la Présidence française de l’Union européenne.

Proposition n° 19 : Dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne, plaider pour l’introduction, dans les accords commerciaux de libre-échange, de clauses miroirs, afin de garantir que les produits agricoles importés respectent les standards européens et d’éviter toute distorsion de concurrence.

Proposition n° 20 : Améliorer l’information et simplifier les procédures, afin que l’ensemble des entreprises puisse se saisir des opportunités offertes par les baisses ou suppressions de droits de douane prévues par les accords commerciaux existant.

Proposition n° 21 : Réviser les priorités géographiques de la Team France Export, en formalisant et présentant au conseil d’administration de l’agence les priorités sectorielles et géographiques pour le développement de son activité export, en cohérence avec la stratégie de soutien des exportations françaises définie par le Gouvernement.

Proposition n° 22 : Constituer un pôle d’expertise sur l’Afrique au sein de la TFE et compléter notre dispositif d’accompagnement sur ce continent.

Proposition n° 23 : Mettre davantage à profit l’expertise dont disposent nos outre-mer sur leur environnement régional : des actions menées conjointement par les entreprises de la métropole et les entreprises ultramarines permettraient d’utiliser ces territoires comme des tremplins vers ces marchés.

Proposition n° 24 : Mobiliser davantage les clubs d’affaires français présents en Afrique, qui sont souvent peu intégrés au dispositif public d’appui aux entreprises exportatrices, voire en concurrence avec ce dernier. Un accompagnement approprié de ces structures leur permettrait par ailleurs, à terme, de se muer en CCIFI.

Proposition n° 25 : Relancer la réflexion stratégique sur les géographies en identifiant des « couples pays/secteur » prometteurs en Afrique, et en intégrant ces données dans notre politique d’accompagnement des entreprises à l’export.

Proposition n° 26 : Privilégier autant que possible, dans l’aide publique au développement, le soutien ou le recours aux entreprises françaises ou à leurs filiales.

Proposition n° 27 : Mieux communiquer auprès de l’écosystème d’affaires français en Afrique au sujet des possibilités que peut leur offrir Proparco, telles que le produit Choose Africa Resilience qui, faute de communication adaptée, n’a que partiellement trouvé son public.

Proposition n° 28 : Développer en Afrique l’initiative « Équipe France Business », dont l’objectif est de fédérer, renforcer et rassembler les acteurs de la communauté d’affaires française à l’international, et développer les clubs sectoriels, qui permettent aux entreprises françaises d’être bien identifiées par les pouvoirs publics.

Proposition n° 29 : Dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, accélérer les négociations sur les instruments permettant de renforcer les échanges entre l’Union européen et l’Afrique, qu’il s’agisse de l’harmonisation réglementaire des produits industriels, de la fixation de règles d’origine uniques pour une zone pan-euroméditerranéenne élargie ou de la conclusion des accords de libre‑échange complets et approfondis, visant à compléter les accords d’association existants.

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 octobre 2021 matin, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Si le commerce mondial est relancé, les résultats de notre balance commerciale ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Le Gouvernement prévoit en effet un déficit de 86 milliards d’euros en 2021 et de 95 milliards en 2022. Notre dépendance énergétique vis-à-vis du pétrole et du gaz, la spécialisation de notre pays dans des secteurs affectés par la pandémie, comme l’aéronautique, le luxe ou l’agroalimentaire, ainsi que notre désindustrialisation pèsent lourdement dans ces résultats. Le tourisme et certaines activités de service ne pourront pas, en raison de leur contraction, compenser, comme les années passées, ces déficits dans notre balance des paiements.

Nous devons certainement réorienter notre économie, restaurer nos capacités d’exportation et améliorer la compétitivité de nos entreprises et de notre territoire. Il faut réindustrialiser en adaptant notre tissu productif à la demande mondiale ; le plan de relance nous en donne l’occasion et certains moyens.

Le rapport de notre collègue Amélia Lakrafi cerne bien les axes des réformes entreprises. Celles-ci doivent cependant s’accompagner d’une révision de la politique commerciale européenne ; la Commission a engagé cette révision il y a un an, mais chacun sait que cette dernière avance toujours à pas plus que comptés.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. L’année 2021 est marquée par un net rebond du commerce extérieur après un effondrement inédit des échanges internationaux en 2020. En juin 2021, les exportations de biens avaient quasiment retrouvé leur niveau d’avant la crise et les exportations de services – hors tourisme – l’avaient nettement dépassé, même s’il faut apporter à ce constat des nuances selon les secteurs : les industries pharmaceutique et agroalimentaire affichent de très bonnes performances, tandis que l’aéronautique et l’automobile restent très pénalisées.

Pendant la crise, les entreprises exportatrices – on en dénombrait près de 132 000 au premier trimestre 2021, soit le chiffre le plus haut depuis vingt ans – ont fait preuve d’une grande résilience. Celle-ci est due à plusieurs facteurs.

Premièrement, le commerce extérieur bénéficie d’un environnement international plus favorable aux échanges puisque, selon le Fonds monétaire international (FMI), le commerce mondial de biens et services connaîtra, en 2021, un net rebond, de 9,7 %, qui se poursuivrait dans une moindre mesure en 2022, avec une augmentation des échanges de 7 %.

Cette reprise reste cependant soumise à de nombreuses incertitudes : elle reste tout d’abord conditionnée à l’évolution de la situation sanitaire, de nombreux secteurs n’ayant pas encore repris une activité normale. Par ailleurs, la forte hausse de la demande mondiale, conjuguée à la perturbation des chaînes d’approvisionnement, provoque des pénuries et une tension sur les prix susceptibles de ralentir la reprise. Enfin, en dépit des signaux positifs envoyés par la nouvelle administration Biden au tout début de son mandat, les tensions commerciales et les tentations protectionnistes demeurent bien présentes.

Deuxièmement, le rebond du commerce extérieur est le fruit des mesures de soutien prises par le Gouvernement au début de l’année 2020 et de celles incluses dans le volet export du plan de relance ; d’un montant de 247 millions d’euros, elles ont vocation à se déployer jusqu’en juin 2022.

Les auditions que j’ai menées m’ont permis de dresser un premier bilan de ces différentes mesures. Dans l’ensemble, leur impact sur la sécurisation de la trésorerie des entreprises concernées a été salué par tous les acteurs auditionnés. Elles poursuivent leur montée en puissance, de façon plus ou moins marquée selon les outils car leur déploiement dépend largement de la levée des mesures restrictives liées à la pandémie, de la reprise normale des déplacements et des salons internationaux. En tout état de cause, leur prolongement jusqu’en juin 2022 devrait permettre aux entreprises de bénéficier pleinement de la reprise.

Je formule, dans mon rapport, plusieurs propositions susceptibles d’améliorer l’efficacité de ces mesures, parmi lesquelles une meilleure promotion des outils disponibles, une simplification des critères d’éligibilité pour le chèque relance export et l’expérimentation de formules plus innovantes pour le dispositif des volontaires internationaux en entreprise (VIE).

Outre cette prolongation bienvenue des mesures du plan de relance, les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique sont stables par rapport à l’année dernière. J’appelle simplement à la vigilance s’agissant de la baisse d’environ 2,5 millions des crédits octroyés à Business France, conformément au contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2018-2022. Une telle évolution soulève la question du modèle économique de l’agence, fondé sur la substitution progressive de ressources propres aux crédits budgétaires. L’impact de la crise sanitaire sur ses activités et ses recettes devrait nous conduire à revoir les objectifs du COM pour 2022.

Troisièmement, la reprise du commerce extérieur est également le résultat de la réorganisation de notre système de soutien à l’export, dont les acteurs ont été pleinement mobilisés pendant la crise.

La réforme de la Team France Export (TFE) en 2018 avait pour but de mettre en commun les expertises complémentaires de Business France, de BPIFrance, des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ainsi que des partenaires privés conventionnés sur certaines destinations internationales afin de proposer aux entreprises un parcours coordonné, complet et plus efficace. Pendant la crise sanitaire, l’activité développée par la TFE a très fortement augmenté, grâce non seulement au déploiement du plan de relance export, mais aussi à la montée en puissance des équipes sur le terrain et au développement de nouvelles formes de prospection numérique dans le contexte de la fermeture des frontières.

Trois ans après la réforme de la TFE, les premiers résultats sont donc très encourageants, alors même que le secteur a été confronté à une crise inédite. L’heure est donc à la consolidation du dispositif, notamment par la poursuite de l’évolution numérique de l’accompagnement à l’export et le déploiement de la Team France Invest (TFI), afin de coordonner les services de l’État, de Business France et des régions en matière de développement des investissements étrangers.

Quatrièmement, le rebond du commerce extérieur est la conséquence des mesures structurelles visant à renforcer la compétitivité de l’économie prises ces dernières années, en particulier la baisse des impôts de production et du coût du travail ainsi que la réforme du marché du travail, de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Ainsi, en 2020, la France a conservé, pour la deuxième année consécutive, la première place des pays européens en matière d’accueil de projets d’investissements étrangers.

Cependant, si l’évolution des échanges commerciaux de la France a reflété l’ampleur du choc conjoncturel subi en 2020, la crise a également mis en exergue certaines fragilités structurelles de notre économie : le déclin de l’industrie, la spécialisation sectorielle de notre commerce extérieur et la vulnérabilité de certains approvisionnements français et européens.

La France est en effet le pays de l’Union européenne qui a connu la désindustrialisation la plus forte depuis les années 1970. La part de l’industrie dans le produit intérieur brut est ainsi passée de 15 % à 10 % entre 2000 et 2020. Le solde de la balance commerciale reflète ce mouvement de fond. En France, le déficit commercial cumulé depuis l’an 2000 atteint 900 milliards d’euros, tandis que l’Allemagne a enregistré, au cours de la même période, un excédent commercial cumulé de 3 900 milliards d’euros.

À cela s’ajoutent, cette année, la hausse des prix des hydrocarbures et une croissance qui entraîne une hausse des importations d’énergie, d’intrants industriels et de biens de consommation. Au total, le Gouvernement anticipe un déficit de la balance commerciale pour les biens de 86 milliards d’euros en 2021 et de 95 milliards d’euros en 2022.

C’est la raison pour laquelle la réindustrialisation est un enjeu prioritaire pour la relance. Le secteur industriel a bénéficié non seulement des mesures visant à améliorer la compétitivité globale de l’économie française, mais aussi d’une stratégie spécifique. Ainsi, la tendance à la désindustrialisation a commencé à s’infléchir grâce aux différentes mesures ayant permis de réinvestir progressivement dans le tissu productif. Depuis 2018, la tendance s’est même inversée, puisque la France recrée des emplois industriels, ce qui ne s’était pas vu depuis quinze ans. La dynamique de réindustrialisation sera accélérée par le plan d’investissement France 2030 annoncé le 12 octobre dernier par le Président de la République, qui s’ajoute aux 34 milliards prévus par le plan de relance.

Ensuite, les exportations de la France ont été plus durement affectées par la crise de la Covid‑19 que celles des autres grandes économies européennes, en raison de la place très importante qu’y occupent les secteurs aéronautique et automobile. Par comparaison, l’Allemagne a tiré profit d’une plus grande diversification de ses exportations.

Enfin, la crise de la Covid-19 a mis en exergue la vulnérabilité des chaînes de valeur mondiales, en particulier la dépendance de la production nationale vis‑à‑vis des approvisionnements étrangers. À cet égard, l’impératif de sécurisation des approvisionnements pourrait s’ajouter à l’exigence de verdissement des échanges pour favoriser un mouvement de relocalisation des chaînes de valeur à l’échelle régionale.

Dans ce contexte, des liens commerciaux plus étroits avec les pays du sud de la Méditerranée pourraient contribuer à réduire la dépendance de l’économie européenne vis-à-vis de régions plus éloignées. La nouvelle donne du commerce international invite à engager une réflexion sur la construction de nouveaux partenariats stratégiques avec ces pays, qui pourraient devenir une priorité du commerce extérieur français et européen.

Je formule, dans mon rapport, plusieurs propositions visant à encourager un pivot commercial français et européen vers les pays du sud de la Méditerranée afin de les intégrer davantage dans les chaînes de valeur, sans méconnaître les difficultés liées à leur contexte géopolitique, politique et économique.

Au niveau national, cela passe d’abord par la révision des priorités géographiques de la TFE, afin qu’elle soutienne davantage la conquête des marchés africains. Il s’agit également de mettre davantage à profit l’expertise dont disposent nos outre-mer sur leur environnement régional, dans le cadre d’actions menées conjointement par les entreprises de la métropole et les entreprises ultramarines. Je pense également à la plus grande mobilisation des clubs d’affaires français présents à l’étranger, qui sont souvent, comme nos entrepreneurs français à l’étranger (EFE), peu intégrés au dispositif public d’appui aux entreprises exportatrices. Notre réseau de CCI à l’étranger devrait également être davantage soutenu et sollicité.

Au niveau européen, il conviendrait, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, d’accélérer les négociations sur les instruments permettant de renforcer les échanges entre l’Union européenne et l’Afrique, qu’il s’agisse de l’harmonisation réglementaire ou de la conclusion des accords de libre-échange visant à compléter les accords d’association existants.

Compte tenu de ces remarques, je vous invite à adopter les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique de la mission Économie.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous vous remercions pour ce rapport très stimulant.

Mme Anne Genetet (LaREM). Le groupe La République en Marche votera bien entendu les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique, tout en souhaitant que vos propositions soient entendues, qu’il s’agisse de la simplification des dispositifs, de l’amélioration de la lisibilité du budget ou de la création de certains indicateurs.

On ne peut que se féliciter du soutien sans faille que la France a apporté à son économie, à l’emploi et à son tissu industriel pendant la crise, avec les plans de soutien et puis avec le plan de relance, dont le volet consacré à l’export est doté de 247 millions d’euros. Ces choix de la majorité ont porté leurs fruits puisque, votre rapport l’indique, on dénombrait, au premier trimestre 2021, 132 000 entreprises exportatrices, un chiffre qui n’a jamais été atteint au cours des vingt dernières années.

De manière plus générale, les réformes engagées au cours de la législature, notamment celle de la TFE, l’équipe de France de l’export, en 2018, doivent être poursuivies, car elles nous ont permis de gagner en attractivité – depuis 2019, la France est la première destination européenne pour les investissements étrangers – et en clarté, grâce au guichet unique qui, en région, accompagne nos acteurs économiques à l’export, en leur fournissant des appuis locaux et en les aidant notamment à se doter d’une vitrine numérique. Il nous faut désormais convaincre, inspirer et consolider ce dispositif, notamment en intégrant mieux les acteurs privés, notamment les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), qui accompagnent de manière remarquable nos PME, car nous nous avons encore tendance à fonctionner en silo dans certains pays.

Sur la forme, vous déplorez l’absence de lisibilité budgétaire des politiques du commerce extérieur ; je partage votre avis.

Par ailleurs, puisque vous avez évoqué un changement de modèle économique, pourquoi ne pas songer à un modèle disruptif qui consisterait à fixer à certaines entreprises des objectifs en termes de création d’emplois en France et de contribution à la balance commerciale, moyennant quoi elles seraient totalement accompagnées par l’État, ce qui libérerait Business France de l’obligation de chercher des ressources propres, ce qui, à mon sens, freine l’efficacité du dispositif ?

M. Jean-Paul Lecoq. Le communisme, quoi !

Mme Anne Genetet. Enfin, un certain nombre de vos propositions concernant l’axe Europe-Afrique pourraient parfaitement s’appliquer à l’Asie, où se trouve la croissance des années à venir. Je souhaiterais savoir quel bilan vous dressez du dispositif d’accompagnement à l’export en Afrique. Comment pourrions-nous l’adapter à la zone Asie, où les entrepreneurs français – qui sont à la fois le dernier maillon d’une chaîne de valeur qui commence en France et le premier maillon d’une chaîne d’attractivité – souffrent terriblement de la crise actuelle ?

M. Pierre Cordier (LR). Ce que je viens d’entendre m’inquiète. En effet, les derniers chiffres de la balance commerciale font état d’un déficit de 95 milliards. Ce résultat est calamiteux : nous détenons en la matière un record européen. Il convient donc de calmer vos ardeurs et de modérer votre autosatisfaction.

Vous avez évoqué, madame la rapporteure, le déficit cumulé depuis l’an 2000, laissant ainsi entendre que, dans ce domaine, les majorités précédentes n’avaient pas été meilleures que la majorité actuelle. Quant à l’augmentation du prix des matières premières et des hydrocarbures, elle n’est pas une spécificité française.

La France n’a jamais disposé d’autant de structures visant à encourager les exportations – un véritable mille-feuille – et, pourtant, les choses ne s’améliorent pas. Le problème est donc beaucoup plus profond.

En conséquence, nous nous abstiendrons.

M. Sylvain Waserman (Dem). Je le dis d’emblée, le groupe MODEM votera, quant à lui, les crédits de cette mission.

S’agissant des accords commerciaux internationaux, je me souviens que, lors de son audition sur l’accord économique et commercial global (CETA), Sandrine Gaudin, secrétaire générale des affaires européennes, avait montré l’impact positif de celui-ci sur le commerce extérieur, loin des crises et des drames annoncés. Mais l’essentiel réside dans le rôle que ce type d’accord peut jouer dans nos politiques climatiques. En l’absence de gouvernance internationale, le multilatéralisme peinant à imposer des solutions au problème mondial qu’est le changement climatique, les accords commerciaux internationaux peuvent constituer un véritable bras armé pour agir dans ce domaine. Ainsi l’accès au marché européen pourrait-il être conditionné au respect des accords de Paris. Cette conception des accords commerciaux internationaux en tant que levier d’action dans le domaine climatique doit être un axe de développement de notre diplomatie.

J’ajoute que, plus ces accords concernent des pays développés, plus il faut insister sur la notion de coût environnemental marginal. Dans le cadre du développement de notre commerce avec le Canada, lors des négociations du CETA, nous avons renforcé l’exigence climatique. Mais nous pourrions aller plus loin et conditionner les accords commerciaux entre pays développés à l’utilisation de transports propres, par exemple. Nous pouvons et nous devons encore progresser.

Il nous faut agir, notamment à travers ce budget, pour faire du commerce extérieur et de ces accords un véritable outil qui permette d’atteindre les objectifs mondiaux en matière climatique, pour lesquels la France milite particulièrement.

M. Alain David (SOC). Pendant la période de confinement, notre commission a adapté son programme de travail et multiplié les auditions à distance avec nos ambassadeurs sur la situation sanitaire et les réponses qui étaient apportées à la crise dans de nombreux pays. Nous avions également conduit une réflexion transversale sur les nécessaires relocalisations industrielles ainsi que sur une nouvelle approche des accords commerciaux. J’ai relevé, à cet égard, votre proposition n° 19 visant à assortir les accords commerciaux en Europe de clauses miroirs afin d’éviter des distorsions de concurrence.

Si je souhaite également que la présidence française de l’Union européenne soit l’occasion d’avancer sur ce sujet, je déplore une fois de plus que notre semestre soit percuté par les échéances présidentielle et législatives, alors qu’il aurait été possible de procéder à un échange avec un autre État membre, comme l’Allemagne ou la Finlande l’avaient fait.

En tout état de cause, le groupe Socialistes et apparentés déposera des amendements sur cette mission pour la séance publique. Nous serons très exigeants : les ambitions en matière de commerce extérieur régulièrement affirmées au sein de notre commission doivent s’accompagner effectivement de réels moyens budgétaires.

M. M’Jid El Guerrab (Agir ens). L’année 2020 a été marquée par un effondrement inédit des échanges mondiaux de biens et de services, qui, selon le FMI, ont diminué de 8,3 %. Reflétant la progression de la pandémie et les mesures de restriction décidées par les gouvernements, le repli a touché toutes les régions du monde.

Il a cependant été suivi d’un rebond très rapide, les échanges mondiaux évoluant, dès la fin de 2020, à un niveau supérieur d’avant la crise. Les échanges commerciaux bénéficient en effet d’un environnement international favorable, grâce à la levée progressive des mesures restrictives dans de nombreux pays. Nos échanges ont connu, après le repli brutal du printemps 2020, une évolution comparable à celle des autres grands pays de l’Union, avec un rebond progressif qui s’est poursuivi au premier semestre 2021, sous l’effet de la reprise économique mondiale.

En juin 2021, nos exportations de biens s’établissaient à 98 % de leur montant moyen de 2019. De nombreux secteurs ont désormais dépassé le niveau d’avant-crise, notamment la chimie, la pharmacie et l’agroalimentaire. Par ailleurs, nous encourageons le renforcement de nos partenariats avec nos voisins du sud de la Méditerranée. De fait, le Maroc et la Tunisie en particulier disposent d’avantages comparatifs pour la relocalisation d’activités : faible coût de la main-d’œuvre, proximité géographique et linguistique et niveau de formation élevé. À titre d’exemple, en Tunisie, le coût du travail est très compétitif et le niveau de compétence est équivalent à celui de la Hongrie ou de la Slovaquie et supérieur à celui de la Roumanie. En outre, ces pays ont démontré, à la faveur de la crise sanitaire, leur forte réactivité en matière industrielle lorsqu’il s’est agi d’approvisionner leur marché intérieur et d’exporter des produits visant à lutter contre la pandémie, notamment des masques.

L’initiative Choose Africa vise à consacrer 2,5 milliards d’euros au financement et à l’accompagnement de 10 000 start-up, TPE et PME africaines d’ici à 2022 : a-t-on une idée précise du taux de réalisation de ce programme et de son appropriation par les entrepreneurs français de l’étranger ?

Le groupe Agir ensemble votera bien évidemment les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique.

M. Sébastien Nadot (LT). Cette année est marquée par une hausse du commerce extérieur en trompe-l’œil : l’augmentation est logique après la chute drastique observée l’année précédente, conséquence de la crise sanitaire.

Mme la rapporteure pour avis a produit un travail précieux ; je reprendrai donc ses mots. À la page 31 du projet de rapport, on lit un titre évocateur de la situation : « L’érosion continue des parts de marché de la France en Afrique ». Elle écrit ensuite : « L’année dernière, votre rapporteure s’était déjà inquiétée de la perte de marchés français en Afrique : les parts de marché à l’exportation de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2000, alors que la Chine affiche une progression fulgurante de ses parts de marché à l’export en Afrique, suivie par l’Inde, la Turquie et l’Espagne. En 2017, la France a perdu son statut de premier fournisseur européen du continent africain au profit de l’Allemagne, alors même qu’elle peut s’appuyer sur des avantages indéniables, comme la proximité géographique et culturelle, la francophonie, ou la présence de diasporas dynamiques. […] Votre rapporteure insiste donc sur la nécessité d’une relance de la réflexion stratégique sur les géographies ». C’est un euphémisme ! Quand j’expliquais la même chose la semaine dernière, chers collègues, vous paraissiez très offensés…

Un autre chapitre est intitulé : « Des interrogations sur le modèle économique de Business France » – soit dit en passant, tant pis pour la francophonie… Mme la rapporteure pour avis conclut de la façon suivante : « Il serait opportun de revoir les objectifs du contrat d’objectifs et de moyens de Business France pour 2022 ». Autrement dit, nous allons donner de l’argent à l’organisme alors que le contrat d’objectifs et de moyens devrait être revu.

Bref, cet avis sur le commerce extérieur et la diplomatie économique devrait être perçu comme une sonnette d’alarme concernant la relation entre la France et les pays d’Afrique.

Par ailleurs, l’industrie française, qui fait face à des difficultés structurelles, dues notamment au sous-investissement et aux délocalisations massives depuis des décennies, semble voir son horizon se préciser légèrement avec les annonces concernant le plan France Relance pour 2030. Nous ne pouvons que nous réjouir de la volonté d’encourager enfin la recherche et l’innovation dans l’hydrogène vert ou encore dans les « technologies de rupture » – encore faudrait-il expliquer, s’agissant de ce dernier domaine, de quoi il s’agit et quelles sont les orientations choisies…

Depuis le début de la crise, nous avons davantage pris conscience de la vulnérabilité chronique de notre approvisionnement pour ce qui est de certains produits étrangers. Or 75 % des produits en question sont concentrés dans les secteurs de la chimie et de l’agroalimentaire. Il est donc essentiel d’engager une réflexion sur les biotechnologies et de prévoir les financements afférents. Les biotechnologies devraient en effet se substituer à la chimie lourde et leur production pourrait être localisée en France.

Enfin, nous partageons l’objectif consistant à soutenir la transition écologique dans les domaines de l’aéronautique et de l’automobile. Il nous paraît judicieux de saisir l’occasion que constituera la présidence française du Conseil de l’Union européenne pour encourager les États à promouvoir des clauses miroirs dans leur politique commerciale, afin de ne pas créer des dépendances à l’égard de pays produisant selon des standards moins élevés. Il convient également de faire de l’adoption du règlement visant à lutter contre les subventions étrangères déloyales une priorité de l’agenda politique européen. Mme la rapporteure pour avis a fait sur ces enjeux des propositions très intéressantes.

Mme Marion Lenne. Dans votre rapport, vous nous faites part de mesures inédites pour relancer l’export. Nous en avons bien besoin ! Permettez-moi donc de revenir sur la journée Back to Export, qui s’est tenue le 29 juin et était consacrée aux défis et aux chances pour l’export dans la période singulière que constitue la sortie de la crise sanitaire. Cette journée a été l’occasion pour les trois organisateurs – Stratexio, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) International et les Opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI), à savoir la fédération des entrepreneurs du commerce international – de lancer leur première plateforme commune d’offre de services aux entreprises, leaguexport.com. Ce portail propose une offre structurée autour des positionnements complémentaires de ces organismes : Stratexio pour la formation et le coaching stratégique, MEDEF International pour les opérations collectives et OSCI pour l’accompagnement individuel. Ce portail commun vient s’ajouter aux efforts de maillage du territoire et de coopération entre ces organismes. En matière d’accompagnement à l’export, le secteur privé est donc en ordre de marche, dans un contexte marqué, d’un côté, par une relance économique tirée par les pays développés et l’Asie et, de l’autre, par de nombreuses incertitudes, compte tenu notamment du regain de la pandémie dans certains pays, y compris la France, lié au variant delta et aux écarts de taux de vaccination entre les pays.

Madame la rapporteure pour avis, vous êtes très engagée sur la question et vous savez que le secteur privé est toujours plus proactif, résilient et innovant dans le domaine de l’export. Aussi, l’État ne devrait-il pas se rapprocher de Leaguexport ? Cela permettrait de mutualiser les moyens pour aller encore plus loin.

M. Jacques Maire. Je me retrouve complètement dans votre rapport.

Premièrement, il faut articuler davantage la question du commerce extérieur et celle de la politique de développement. Notre commission suit l’une et l’autre. Il faut donc faire preuve de cohérence. Nous devons émettre le vœu qu’un lien soit établi entre l’aide au développement et le soutien aux entreprises françaises, notamment dans les pays où nous intervenons. Il ne s’agit pas d’imposer des aides liées, qui sont toujours de mauvaises affaires. En revanche, nous pourrions mettre en avant la responsabilité sociale des entreprises (RSE), enjeu sur lequel nous avons insisté régulièrement, notamment dans le cadre de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. C’est un facteur différenciant qui jouerait en la faveur des entreprises françaises : celles-ci offrent davantage, de ce point de vue, que les entreprises chinoises ou turques, notamment, qui ne sont pas performantes sur le long terme lorsque l’on considère l’ensemble des coûts. Or les critères RSE ne sont pas obligatoires dans les projets de l’Agence française de développement (AFD). À cet égard, l’agence est partagée entre sa volonté de promouvoir les entreprises françaises – ce qu’elle fait régulièrement – et son ambition d’augmenter les cofinancements, ce qui la pousse à refuser que les critères RSE soient opposables dans chacun de ses appels d’offres.

Notre commission doit donc adresser un message fort au ministère de l’Europe et des affaires étrangères et à Bercy : il faut que l’AFD inclue systématiquement des clauses concernant la RSE dans les projets qu’elle finance. L’AFD nous le dit elle-même : c’est au pouvoir politique qu’il revient d’imposer cette exigence, faute de quoi la RSE ne sera pas prise en compte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cette observation est au cœur des préoccupations de notre commission, notamment de ceux d’entre nous qui participent au contrôle de l’AFD.

M. Jacques Maire. Deuxièmement, je soutiens ce qu’écrit Amélia Lakrafi concernant la direction de la diplomatie économique – j’ai été à l’initiative de sa création, sous le nom de direction des entreprises et de l’économie internationale – et le Trésor. Le système n’est pas stabilisé : il y a des doublons et le dispositif est parfois inefficace. Il convient de mener cette réforme à son terme. Notre commission doit pousser pour faire en sorte l’on aille au bout de cette logique de complémentarité et de rapprochement.

Troisièmement, s’agissant du plan de relance, certaines filières d’avenir sont entièrement financées sur le long terme à travers la recherche et développement (R&D). Dès lors que nous faisons de nouveau de la planification et que nous investissons, il faut exiger que le commerce extérieur soit pris en compte : les grands groupes, les sous-traitants ainsi que les fournisseurs de deuxième et de troisième rangs devraient être intégrés, même si c’est très difficile. Nous n’avions plus les outils pour le faire, mais nous en récréons un ; il faut donc s’attaquer au problème à la racine.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Il serait bien que la francophonie devienne une réalité. Pour cela, il faut arrêter d’utiliser des mots anglais pour dénommer des organismes, surtout quand il s’agit de s’adresser aux chefs d’entreprise français. Quand un pays ne sait pas défendre sa langue, il lui est difficile de rayonner.

Je suis un peu surpris de la teneur du rapport, même s’il est très fouillé, complet et intéressant. Je comprends que l’on cherche à dissimuler la faillite complète de notre commerce extérieur ; il n’en demeure pas moins que les chiffres de cette année sont accablants. Ceux de la balance des paiements sont eux aussi très inquiétants : nous accusons plusieurs dizaines de milliards de déficit. Pour la première fois, les services ne compensent pas le déficit du commerce extérieur. C’est un vrai problème pour l’avenir.

Selon certains collègues, les accords de commerce extérieur devraient servir de leviers pour faire respecter les accords de Paris ; cette idée figure également dans le rapport. Je me réjouis de tels propos, mais c’est bien à cause des accords de libre-échange déloyaux signés par l’Union européenne depuis vingt ans, et auxquels la France se soumet, qu’on en est arrivé à la fois au transfert de notre pollution vers les pays d’Asie, à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et à la faillite de notre commerce extérieur. Autrement dit, plus on en parle, moins on le fait : ce ne sont que des vœux pieux, et chaque fois, lors des négociations, la France s’écrase face à l’Allemagne.

Je me réjouirais donc que l’on s’engage dans la voie que vous indiquez, mais il faut le faire vraiment. Or il y a eu l’affaire du CETA et celle de l’accord avec le Marché commun du Sud (MERCOSUR). Certes, à l’approche de la présidentielle, les autorités françaises ont déclaré brusquement qu’elles n’étaient pas du tout d’accord, mais la Commission européenne n’aurait pas décidé seule de signer un préaccord avec le MERCOSUR. On sait très bien comment tout cela risque de finir.

On nous dit que tout va bien, mais la situation est dramatique, pour des causes tant extérieures qu’intérieures. En ce qui concerne l’intérieur, justement, j’aimerais qu’il y ait de la cohérence dans la politique de commandes publiques. La plupart des grandes nations, que ce soient les États-Unis ou le Japon – je ne parle même pas de la Chine –, lorsqu’elles achètent des produits à l’étranger, exigent l’implantation d’usines de production locales. Nous en sommes très loin. Cela montre la faillite de l’Union européenne, qui est d’une naïveté incroyable. Il est vrai que l’Allemagne en profite, tandis que la France paie les dégâts.

Enfin, je suis inquiet en ce qui concerne les négociations de Glasgow : l’Europe va de nouveau s’imposer des contraintes supplémentaires. Celles-ci peuvent être justifiées sur le plan environnemental, mais si la Chine et les autres pays d’Asie n’appliquent pas les mêmes, nous aggraverons encore le déficit de compétitivité entre notre continent et les pays émergents.

M. Christian Hutin. Merci, madame la rapporteure pour avis, de la qualité de ce rapport et de son honnêteté – car, même s’il est plutôt valorisant, nous sommes capables de lire entre les lignes. Or le constat est clair : jamais nous n’étions arrivés à un tel niveau. Nous sommes sur une pente descendante. La situation est absolument terrible. Il ne s’agit plus seulement d’une compétition avec des pays puissants qui ne sont pas nos amis : nous en sommes à nous faire manger par l’Allemagne. Chacun ici s’est déjà rendu en mission à l’étranger : nous avons tous constaté que les conseillers du commerce extérieur, dans les postes, font tout ce qu’ils peuvent, mais ce sont généralement des gamins.

Or une occasion extraordinaire s’offre à nous dans l’année ou les deux années qui viennent : tous les ports mondiaux, sauf les nôtres pour l’instant, sont confrontés à des difficultés considérables. Le prix des containers est passé de 2 000 à 15 000 euros, ce qui a pour conséquence que les autres ports sont soit bloqués soit trop chers. Les ports du Havre, de Marseille et de Dunkerque pourraient en tirer parti. Si un ministre était en mesure de mettre à profit cette situation, cela pourrait représenter une chance exceptionnelle pour la France.

Pour finir, je vous raconterai une anecdote. Hier, j’ai mangé dans un petit restaurant, très simple, où travaille un gamin, ancien clandestin, qui s’appelle Bob. C’est un type formidable. Il a fait des milliers de kilomètres pour venir en France. Il apprend le français et notre cuisine. Or, s’il a choisi de venir à Paris, c’est parce qu’il avait lu Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. La culture fait aussi partie de ce que nous pouvons donner au monde, et même lui vendre, dans le cadre d’accords financiers. Parlons donc français, plutôt que d’employer des termes comme « C News », « Business France », « happy birthday » et que sais-je encore.

M. Michel Herbillon. Tout en remerciant Mme la rapporteure pour avis de son travail et de sa présentation, je dois avouer que je suis étonné, pour ne pas dire plus, de la tonalité des propos des orateurs de la majorité : nous avons entendu des satisfecit alors que le déficit commercial de la France est abyssal, tandis que l’Allemagne affiche un excédent insolent. Le précédent Premier ministre appelait récemment à « remettre de l’ordre dans nos comptes » : s’attaquer à la balance commerciale et à celle des paiements serait une bonne manière de répondre à cette injonction. Il devrait même s’agir d’une priorité, car la situation est dramatique. Au lieu de cela, on se contente de belles paroles, d’incantations, de vœux pieux. Ce devrait être la responsabilité et l’honneur de notre commission de proposer quelques mesures absolument essentielles pour sortir de cette situation. Je ne suis pas en train de dire que celle-ci a commencé avec ce quinquennat, mais on nous promettait tant avec le nouveau monde ! Force est de constater que la situation ne s’est pas améliorée. En 2020, du fait du covid-19, l’Allemagne a subi elle aussi une dégradation de ses comptes, mais celle-ci est deux fois inférieure à celle que nous avons connue. Il convient de s’interroger sur ce point.

Enfin, au début du quinquennat, un plan très ambitieux a été annoncé en faveur de la francophonie. Or on entend parler de « Business France », le programme incitant les investisseurs étrangers à venir en France s’appelle Choose France – et l’on pourrait multiplier les exemples d’anglicismes dans ce genre. L’Allemagne, pour vanter ses produits, met en avant la deutsche Qualität : c’est en allemand, pas en anglais.

Mme Bérengère Poletti. Quand M. Riester était venu devant notre commission, j’avais déjà dénoncé la tendance, que l’on observe depuis trop longtemps dans nos politiques publiques, qui consiste, dans les mesures de soutien, à privilégier le pouvoir d’achat, ce qui a souvent pour conséquence de favoriser les importations : on incite les Français à acheter des produits importés au lieu de soutenir les compétences industrielles existant dans notre pays. C’est ce qui s’est passé avec les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, et ce qui arrive désormais avec les moteurs de véhicules électriques. Ce faisant, non seulement on détruit de l’emploi chez nous, mais en plus on déséquilibre la balance commerciale.

Mme Natalia Pouzyreff. Le déficit observé cette année doit être remis dans son contexte : les principaux secteurs dans lesquels nous exportons ont été affectés par la crise du covid-19. Il est évident pour tout le monde, par exemple, que l’aéronautique a été particulièrement touchée par la réduction du marché de l’aviation. Le secteur agroalimentaire a lui aussi été affecté par la crise.

Peut-être faut-il effectivement regretter que nous n’ayons pas un portefeuille d’activités aussi large que l’Allemagne, mais cela est dû à des politiques anciennes : nous n’avons plus de machines-outils et nous n’avons pas développé de véritable stratégie industrielle, contrairement à ce qui a été fait au cours du quinquennat. C’est grâce à la réindustrialisation et au renforcement de la compétitivité des entreprises par l’automatisation que nous arriverons à produire plus en France et donc à relancer notre commerce extérieur. Tel est l’objet du plan de relance et d’investissement.

Mme Mireille Clapot. Je remercie à mon tour Mme la rapporteure pour avis de ce rapport qui nous pousse à voir le verre à moitié plein – c’est toujours mieux que de le voir à moitié vide. Oui, le soutien du Gouvernement durant la crise et le volet export du plan de relance ont contribué à la résilience du tissu d’entreprises exportatrices, de même que la réorganisation des dispositifs d’aide à l’export et une action publique volontariste.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la transformation numérique « a permis de réduire les coûts de participation aux échanges internationaux, a facilité la coordination des chaînes de valeur mondiales (CVM) et a contribué à la diffusion d’idées et de technologies et à la mise en relation d’un plus grand nombre d’entreprises et de consommateurs ». La crise, si elle était intervenue en l’an 2000, n’aurait pas du tout eu le même impact : tout le monde a utilisé Zoom, y compris les entreprises. Celles-ci ont également eu recours au click and collect à l’échelle planétaire et procédé à des échanges de données massifs. Ces outils ont permis de maintenir l’activité commerciale.

S’agissant du commerce extérieur également, le numérique a fourni des outils performants – vous évoquez par exemple, page 19, le customer relation manager (CRM) baptisé OneTeam. Mais il suscite aussi de nouveaux risques, parmi lesquels la vulnérabilité face aux cyberattaques. Les entreprises sont-elles vraiment protégées contre ces risques ?

Comme le souligne l’excellent rapport d’information de Marion Lenne et Alain David, les plateformes sont de plus en plus importantes ; ce sont elles qui orientent les échanges mondiaux. Considérez-vous, comme la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), que cette situation, à laquelle s’ajoute un usage massif des outils numériques, amplifie les « déséquilibres de pouvoir » ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le déficit de la balance commerciale est effectivement un enjeu d’une extrême gravité. M. Cordier a suggéré que c’était par habileté tactique que Mme la rapporteure pour avis avait tenu à souligner que le problème ne datait pas d’aujourd’hui. Certes, la tactique n’est jamais absente des comportements des parlementaires, mais l’observation de Mme Lakrafi n’en est pas moins juste : le problème est d’ordre structurel, même s’il tend à s’aggraver, comme l’ont souligné plusieurs d’entre vous.

En réalité, le constat est simple : quand un pays présente un déficit extérieur, cela veut dire qu’il produit moins qu’il ne consomme. Pour remédier au problème, plusieurs stratégies peuvent être envisagées – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il y a plusieurs partis et plusieurs candidats aux élections… Certains libéraux, par exemple Jean-Marc Daniel, considèrent qu’il faut réduire le pouvoir d’achat, ce qui va à rebours de ce que beaucoup de gens souhaitent. D’autres estiment qu’il faut travailler plus, soit hebdomadairement soit en reculant l’âge de départ à la retraite. D’autres encore disent qu’il faut adapter notre appareil de production et travailler mieux, de manière à augmenter la productivité. Quoi qu’il en soit, le constat de départ est le même : la maison France consomme plus qu’elle ne produit. Notre rapporteure ne l’a pas caché, et chacun ici a souligné la gravité de la situation. C’est un problème qui touche à ce que nous sommes, à la façon dont nous vivons, et pas seulement à ce que nous vendons.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. Notre commission s’honore en ayant un débat construit autour de la question du commerce extérieur.

Madame Genetet, 50 % de l’enveloppe octroyée à Choose Africa Resilience a été consommée ; ce taux devrait atteindre 80 % dans les prochaines semaines. Je suis désolée pour l’anglicisme, mais il faut bien s’adapter : nous nous adressons à des pays qui ne sont pas tous francophones. D’ailleurs, contrairement à ce qu’a dit M. Herbillon, l’Allemagne communique elle aussi en anglais. Je le constate dans les quarante-neuf pays de ma circonscription : tous les panneaux vantant les investissements allemands sont rédigés dans cette langue, et non en allemand ou même en swahili. Il ne faut pas opposer francophonie et plurilinguisme.

Pourquoi l’Afrique a-t-elle été spécifiquement ciblée ? Nous avons été soixante et onze parlementaires à en faire la demande au ministre de l’économie, des finances et de la relance. Par ailleurs, le groupe AFD et Proparco se sont concentrés sur les pays avec lesquels il existait des relations étroites et de longue date. J’ai demandé plusieurs fois que le dispositif soit étendu, notamment à l’Asie. Il y aurait des possibilités dans certains pays, comme le Laos et le Cambodge, où la garantie EURIZ a été mise en place. Au Vietnam et en Indonésie, des mécanismes de microfinance pourraient être développés. Toutefois, cette aide s’arrête au 31 décembre 2021. Or il a fallu du temps pour qu’elle trouve son public – et peut-être ne l’a-t-elle d’ailleurs pas totalement trouvé. Il serait donc difficile de la déployer dans ces pays d’ici à la fin de l’année, ce que je regrette.

Plusieurs d’entre vous ont reproché aux orateurs de la majorité de s’autocongratuler. Il ne s’agit pas de cela, mais plutôt de voir le verre à moitié plein. Certains chiffres sont mauvais, c’est vrai, mais d’autres sont bons : 132 000 entreprises françaises exportent, c’est un record depuis quinze ans. Il est donc normal de s’en féliciter.

M. Michel Herbillon. C’est mieux que si c’était pire !

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure pour avis. Non, je le répète : depuis quinze ans, les entreprises qui exportent n’ont jamais été aussi nombreuses. C’est un élément plutôt positif pour notre commerce extérieur – la Team France Export, créée en 2018, a rempli le mandat qu’on lui a confié. J’ai cependant nuancé mon propos, en parlant de la fragilité structurelle de notre économie, liée à la place très importante que l’aéronautique et le tourisme, qui ont été particulièrement affectés par la pandémie, occupent dans notre balance commerciale. Nous nous comparons souvent à l’Allemagne mais, structurellement, l’économie allemande est bien plus diversifiée que la nôtre à l’international.

Par ailleurs, je félicite Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher car, depuis 2020, grâce à France relance, 624 relocalisations sont intervenues dans les secteurs critiques de la santé, de l’agroalimentaire, des intrants industriels, de l’électronique et de la 5G. Nous avons ainsi créé ou conforté plus de 77 000 emplois. Ce n’était pas arrivé depuis vingt ans. Nous sommes donc sur la bonne voie, même si tout n’est pas rose et qu’il y a encore du travail – le Gouvernement en est parfaitement conscient.

Monsieur Maire, les indicateurs de la responsabilité sociale des entreprises sont primordiaux. Quant au verdissement des accords commerciaux internationaux, monsieur Waserman, je ne doute pas que la France saura le défendre lorsqu’elle assurera la présidence de l’Union européenne.

Monsieur El Guerrab, l’objectif de Choose Africa était bien de consacrer 2,5 milliards aux entreprises d’ici à 2022. Au 1er juin 2021, plus de 2 milliards avaient été engagés en faveur de 16 000 entreprises et de dizaines de milliers d’entrepreneurs en Afrique. On peut regretter le manque de communication dont il a fait l’objet, mais le dispositif a trouvé son public et on ne peut qu’en féliciter le groupe AFD.

Monsieur Nadot, lorsque le contrat d’objectifs et de moyens de Business France a été signé, en 2018, personne n’avait prévu la pandémie, certes, mais le fait qu’elle ait affecté le budget de cet organisme justifie, à mon sens, que l’on revoie son modèle économique, donc le COM, à la lumière de cette crise.

Madame Lenne, comme vous, je suis évidemment favorable à une mutualisation des moyens.

Monsieur Dupont-Aignan, je n’ai jamais dit que tout allait bien, mais nous avons sauvé les meubles, si je puis dire, et je remercie les équipes de Business France ainsi que les CCI pour leur mobilisation. Les jeunes qui sont chargés dans les différents pays de promouvoir nos entreprises sont extrêmement dynamiques et sérieux. C’est, pour eux, une expérience formidable, et le taux de satisfaction de nos entreprises est très bon – les questionnaires que Business France leur envoie en témoignent. La jeunesse des volontaires n’est donc pas un handicap. Il n’en demeure pas moins que nous devons soutenir et solliciter davantage les entrepreneurs français et nos chambres de commerce à l’étranger ainsi que les territoires d’outre-mer, à proximité immédiate desquels se trouvent certains pays intéressants qui ne sont peut-être pas suffisamment démarchés.

 

Article 20 et état B

Suivant la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie – commerce extérieur et diplomatie économique non modifiés.

 

 

 


—  1  —

annexe n° 1
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

      M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, et M. Redouane Ouraou, conseiller parlementaire et politique ;

      Direction de la diplomatie économique (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) : Mme Hélène Dantoine, directrice ; Mme Caroline Gondaud, cheffe de mission du commerce extérieur et de l’attractivité ; M. Romain Guillard, rédacteur attractivité économique de la France.

      Direction générale du Trésor (ministère de l’économie et des finances) : Mme Magali Cesana, cheffe du service des affaires bilatérales, de l’internationalisation des entreprises et de l’attractivité ; M. Paul Teboul, sous-directeur financement international des entreprises ; Mme Karine Maillard, cheffe du bureau Fininter 4 – Business France et partenaires de l’exportation ; Mme Aude Pohardy, chef du bureau Bilat 1 – bureau de la Méditerranée et du Proche-Orient ; Mme Camille Bortolini, adjoint au chef du bureau Bilat 1 ;

      Business France : M. Christophe Lecourtier, directeur général, M. Pascal Lecamp, directeur des relations parlementaires et de la coopération internationale ;

      Bpifrance : M. Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l’export ;

      CCI France : M. Philippe Bagot, directeur responsable du pôle International/Team France Export, et M. Pierre Dupuy, chargé de mission affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement ;

      CCI France International : M. Renaud Bentégeat, président, et M. Charles Maridor, délégué général ;

      MEDEF International : M. Philippe Gautier, directeur général, et Mme Stéphanie Tison, directrice adjointe international ;

      Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) : M. Matthias Fekl, membre du comité exécutif, chargé des affaires internationales, Mme Béatrice Brisson, directrice des affaires européennes et internationales, et M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation.

      Opérateurs spécialistes du commerce international (OSCI) : Mme Chloé Berndt, présidente, et Mme Atanaska Guillaudeau, déléguée générale ;

      Institut Montaigne : Mme Mahaut de Fougières, responsable du programme politique internationale ; M Jean-Michel Huet, Partner chez BearingPoint, et M. Thierry Déau, PDG de Meridiam.

      Groupement du patronat francophone : M. Jean-Lou Blachier, président, Jean-Marie Bockel, vice-président, et M. Stéphane Tiki, directeur du développement ;

      Clubs d’entrepreneurs français en Afrique : M. Olivier Poujade, président du Club d’affaires franco-éthiopien, M. Luis Liberato, président du Club des entrepreneurs France‑Angola, M. Nazer Nsangou, président de l’Association des entrepreneurs français du Cameroun.

 


([1]) Bulletin de la Banque de France, « Les exportations françaises de biens au défi de la crise sanitaire », juillet-août 2021.

([2]) Trésor-Éco n ° 274, « Vulnérabilité des approvisionnements français et européens », décembre 2020.

([3]) Résultant de l’initiative de plusieurs organisations patronales et professionnelles, Stratexio propose aux dirigeants de PME-ETI déjà présentes sur les marchés internationaux un cycle de formations et d’accompagnement autour d’expertises et de réseaux.

([4]) La description détaillée des missions des administrations centrales, des opérateurs publics et de leurs partenaires figurent dans le rapport pour avis sur les crédits du commerce extérieur et de la diplomatie économique du projet de loi de finances pour 2021 fait, au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par Mme Amélia Lakrafi.

([5]) Cour des comptes, Observations définitives sur les exercices 2015-2019 de Business France, octobre 2021.

([6]) Bulletin de la Banque de France n° 235, article 6 : « Quel bilan de la compétitivité prix et coût dans les exportations de la France depuis le début des années 2000 ? », publié le 24 juin 2021.