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N° 4527

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482)

TOME IV

COHÉSION DES TERRITOIRES

VILLE

PAR M. Jean-Luc Lagleize

Député

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 Voir les numéros : 4482 et 4524 (Tome III, Annexe 8).


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PremiÈRE PARTIE : les crÉdits du programme 147 continuent de connaître un dynamisme confortant les actions menÉES

I. Les actions territorialisÉES des contrats de ville continuent de croÎtre fortement

A. La jeunesse, TRÈS AFFECTÉe par la crise sanitaire, est au cœur des prÉoccupations et des actions ENGAGÉES

B. L’emploi a fait l’objet d’actions renforcÉes

1. L’emploi dans les quartiers prioritaires continue d’être source d’inquiétudes, particulièrement en période de crise sanitaire

2. Les emplois francs et le plan d’investissement dans les compétences voient leurs crédits augmentés

3. Les cités de l’emploi sont reconduites et amplifiées

C. La sÉcuritÉ et la tranquillitÉ publiques sont largement investies

II. le renouvellement urbain, une action multi-financeurs fortement dÉpendante de l’engagement d’action logement

A. Le cadre de vie est une prioritÉ qui EST au cœur des nouveaux engagements du Gouvernement

1. Des programmes renouvelés en faveur de l’évolution des cadres de vie

2. La rénovation des quartiers anciens dégradés continue d’être financée et de connaître des réussites

B. l’engagement d’action logement permet de maintenir le dynamisme du renouvellement urbain

1. La mise en œuvre du NPNRU a été confirmée et amplifiée en 2021

2. L’engagement d’Action Logement en faveur du renouvellement urbain est encore renforcé

seconde PARTIE : la rÉussite Éducative dans les quartiers sensibles

I. LE dÉdoublement des classes DE CP et CE1 est une initiative historique qui porte ses fruits

A. une rÉforme AMBITIEUSE mise en œuvre dÈs le dÉbut de cette lÉgislature

1. Une mise en œuvre rapide au prix d’un vaste effort financier et institutionnel

2. Des résultats tangibles dans la réduction des effectifs

B. un dispositif aux effets trÈs encourageants sur la rÉussite des ÉlÈves

1. Une évaluation exemplaire, qui permet de disposer rapidement d’une première appréciation de la réforme

2. Certaines insuffisances demeurent à résorber

II. le programme 147 recÈle une grande richesse d’initiatives Éducatives intÉressantes qui gagneraient À Être mieux coordonnÉES

A. des actions plÉthoriques, individuellement justifiÉES mais qui souffrent d’un manque de coordination

1. Le programme de réussite éducative continue de donner des résultats

2. Les cordées de la réussite, une initiative prometteuse pour améliorer l’accès au supérieur

3. « Devoirs faits », un dispositif volontariste mais dont l’impact est difficile à évaluer pour les élèves cibles

B. L’accompagnement en dehors de l’École et la rÉussite pÉriscolaire sont des domaines particuliÈrement investis

1. Le programme « Ville, vie, vacances » et les « Quartiers d’été » proposent un accompagnement des adolescents en-dehors de la période scolaire

2. La crise sanitaire a mis l’accent sur l’importance de la continuité pédagogique

a. De nouvelles initiatives se sont fondées sur les outils numériques

b. Les programmes existants se sont adaptés aux exigences du confinement

C. Les citÉs Éducatives, une initiative emblÉmatique de la mission de coordination essentielle pour les quartiers

1. Une initiative de coordination des efforts éducatifs en quartier prioritaire, lancée dès 2018

2. Un dispositif dont l’utilité est reconnue par les acteurs et qui monte encore en charge

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes


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introduction

Après une année de très forte mobilisation en 2020, les administrations, opérateurs et collectivités ont à nouveau été mis fortement à contribution en 2021. Ainsi, l’événement majeur de l’année 2021, du point de vue de la gouvernance des quartiers prioritaires de la politique de la ville, a été le comité interministériel des villes (CIV) du 29 janvier, qui a prévu l’orientation de 3,3 milliards d’euros (Md€) en direction des quartiers prioritaires.

Dans le contexte de la crise sanitaire et de la reprise, les crédits du programme 147 « Politique de la ville », qui viennent en renfort des politiques de droit commun à destination de ces quartiers et qui ont été fortement mobilisés pendant l’année 2020 et 2021, sont encore confortés pour 2022 et les années suivantes par les engagements des différents ministères. Leur mise en œuvre est suivie régulièrement par le Premier ministre à l’occasion de comités de suivi interministériels, le dernier s’étant réuni à Rennes le 1er octobre.

Dans la première partie de son avis, votre rapporteur examine les crédits du programme 147 de la mission « Cohésion des territoires », qui relève principalement des compétences de la ministre déléguée chargée de la ville. Le PLF pour 2022 poursuit la hausse des crédits consacrés à la ville au cours des deux derniers exercices. Au titre de l’exercice 2021, pour rappel, la loi de finances initiale de 2021 avait ouvert 513 millions d’euros (M€) pour le financement des actions du programme 147, et, en cours d’année 2021, 46 M€ ont été rendus disponibles pour le financement notamment des « Quartiers d’été » prolongés et des « Bataillons de la prévention ».

Outre la reconduction à l’identique des crédits déconcentrés du ministère chargé de la ville, engagés principalement au titre de la contractualisation avec les collectivités dans le cadre des contrats de ville, crédits qui ont été sanctuarisés en 2017 par le président de la République, l’année 2021 a vu des moyens nouveaux consacrés à la mise en œuvre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers déployée à partir de 2018. Le budget 2021 a en effet porté des crédits nouveaux autours des trois priorités annoncées par le ministère, pour un montant total de 44 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 19 M€ en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2020. Ces priorités concernent l’éducation (notamment, les cités éducatives), l’emploi (le financement de l’Établissement public pour l’insertion dans l’emploi), et le cadre de vie (les actions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine).

Le CIV du 29 janvier, dont les engagements dépassent le seul champ du programme 147, s’est traduit par un nouvel abondement de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (+ 2 Md€, dont 200 M€ de l’État), l’engagement du Premier ministre à ce que 1 % des crédits du plan « France Relance » bénéficie aux quartiers prioritaires, soit plus de 1 Md€, et un renforcement de crédits de droit commun dans les quartiers prioritaires ainsi que l’ouverture de crédits nouveaux au titre du programme 147.

Le budget pour 2022 poursuit cette dynamique avec un passage de 443 M€ à 490 M€ sur les actions territorialisées des contrats de ville (+ 10 %), qui financent notamment 74 nouvelle cités éducatives (31 M€) ainsi que les éducateurs spécialisés des bataillons de prévention (16 M€). Les crédits des autres grandes actions restent stables : du programme de réussite éducative (68 M€) au soutien à l’emploi (49 M€).

À l’occasion du dernier exercice budgétaire de cette législature, votre rapporteur a souhaité faire le bilan de l’impact des réformes de cette législature en matière de réussite éducative dans les quartiers prioritaires. Ces mesures sont divisibles en deux grandes catégories :

– d’une part, le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les écoles des réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) et des réseaux d’éducation prioritaire (REP), politique ambitieuse et volontariste, qui s’appuie sur l’infrastructure existante et les personnels de l’éducation nationale pour refonder entièrement l’expérience des élèves concernés aux débuts de leur scolarité ;

– d’autre part, de nouvelles initiatives, à l’instar des « vacances apprenantes » et des « cités éducatives », dans le champ de la politique de la ville, qui visent à soutenir, par des actions ponctuelles, la réussite éducative dans les quartiers par un accompagnement renforcé des élèves et le déploiement d’une offre d’activités périscolaires.

De son analyse, votre rapporteur conclut au succès indéniable de la démarche de dédoublement des classes, qui a permis de réduire de 21 à 13 élèves l’effectif moyen des classes de CP et CE1 dans l’éducation prioritaire. En ce qui concerne les dispositifs de la politique de la ville, les cités éducatives, dont le développement a été impulsé en 2018 et qui coordonnent les acteurs et des actions au niveau d’un quartier prioritaire, jouent un rôle majeur dans la mise en cohérence du grand nombre de politiques déployées dans ce programme.

Au terme de son analyse, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 147 de la mission « Cohésion des territoires ».

RÉpartition et Évolution des crÉdits de paiement du programme 147

Présentation par rapport à la loi de finances de l'année précédente (périmètre courant)

LFI 2021

PLF 2022

VARIATION

CP (M€)

CP (M€)

2021/22

Action 01 - Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

443

490,5

+ 10,7 %

Action 02 - Revitalisation économique et emploi

36

33,7

+ 6,4 %

Action 03 - Stratégie, ressources et évaluation

18,9

0

- 100 %

Action 04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

15

15

0

TOTAL DU PROGRAMME

512,9

558,1

+ 9 %

Source : Projet annuel de performances pour 2021 de la mission « Cohésion des territoires », PLF pour 2021.


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   PremiÈRE PARTIE :
les crÉdits du programme 147 continuent de connaître un dynamisme confortant les actions menÉES

I.   Les actions territorialisÉES des contrats de ville continuent de croÎtre fortement

L’essentiel des crédits de la ville correspond à des enveloppes gérées au niveau déconcentré dans le cadre des 435 contrats de ville ([1]), qui concernent les 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 5,5 millions de personnes. Ces crédits sont retracés à l’action n° 01 de ce programme, dévolue aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville. En 2020, ils ont permis de financer plus de 30 000 actions portées par 12 800 acteurs, qui ont bénéficié d’une subvention médiane de 4 000 euros, pour un montant total de près de 400 M€ ([2]). Depuis la forte augmentation des crédits enregistrée en 2019, liée au lancement des mesures de la mobilisation nationale en faveur des habitants des quartiers, les moyens actuels poursuivent la sanctuarisation des crédits consacrés à cette initiative.

A.   La jeunesse, TRÈS AFFECTÉe par la crise sanitaire, est au cœur des prÉoccupations et des actions ENGAGÉES

Selon les représentants du ministère chargé de la ville, auditionnés par votre rapporteur, la jeunesse constitue depuis la crise sanitaire le public cible prioritaire des actions engagées, comme en atteste l’exécution des crédits nouveaux ouverts dans la loi de finances initiale pour 2021 :

– l’opération « Quartiers d’été » a été conduite au même niveau qu’en 2020 grâce aux crédits ouverts dans la loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 et au dégel de la réserve de précaution. Elle s’est articulée avec la reconduction des « Vacances apprenantes » et de l’ « Été culturel ». Le bilan global de ces deux opérations est très positif, car le nombre de jeunes ayant bénéficié d’actions de proximité a plus que doublé par rapport à 2021 et le spectre des actions a été largement enrichi et diversifié ;

– le dispositif des « Quartiers solidaires », lancé en 2020 (20 M€) a fait l’objet en 2021 d’un ciblage spécifique sur les jeunes, au moyen des « Quartiers solidaires jeunes » (10 M€), fonds conçu comme complémentaire du programme « Quartiers d’été » ;

– dix cités de la jeunesse vont par ailleurs être créées d’ici la fin de l’année. Elles seront dotées de 70 000 à 100 000 euros ; trois d’entre elles ont déjà été labellisées.

B.   L’emploi a fait l’objet d’actions renforcÉes

1.   L’emploi dans les quartiers prioritaires continue d’être source d’inquiétudes, particulièrement en période de crise sanitaire

L’emploi, de façon encore plus prononcée du fait de la crise sanitaire et des problèmes économiques qu’elle a suscités, reste un enjeu majeur pour les quartiers prioritaires pour les raisons suivantes :

– les quartiers prioritaires représentent moins de 8 % de la population française en âge de travailler, mais 13 % de la demande d’emploi ;

– le taux de chômage en quartier prioritaire est 2,7 fois supérieur à celui de l’environnement urbain ;

– 26,7 % des jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (11,3 % dans l’environnement urbain) ;

– malgré une amélioration de leurs conditions d’entrée sur le marché du travail, les diplômés des quartiers prioritaires ont encore 2,6 fois plus de risques d’être en recherche d’emploi que les diplômés qui résident ailleurs.

2.   Les emplois francs et le plan d’investissement dans les compétences voient leurs crédits augmentés

Dans le cadre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers, le Gouvernement a annoncé plusieurs mesures qui doivent permettre d’améliorer la part des habitants des quartiers prioritaires parmi les bénéficiaires des différents dispositifs en faveur de l’emploi. Ces mesures ont été prolongées par les annonces du comité interministériel des villes du mois de janvier 2021 :

– le dispositif des emplois francs, expérimenté en 2018 et 2019 dans 740 quartiers, puis généralisé à l’ensemble des quartiers prioritaires depuis le 1er janvier 2020, représente un levier d’action complémentaire pour renforcer l’accès à l’emploi des habitants des quartiers prioritaires. En juillet 2021, depuis le début du dispositif, 54 336 aides d’emplois francs ont été acceptées. Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », le dispositif « emplois francs + », revalorisé pour les moins de 26 ans, a été déployé entre le 15 octobre 2020 et le 31 mai 2021. 4 322 demandes d’ « emplois francs + » ont été acceptées ;

– l’investissement de 2 Md€, issus du plan d’investissement dans les compétences (PIC), pour la formation de 150 000 jeunes sans qualification et de 150 000 chômeurs de longue durée résidant en quartier prioritaire. Pour atteindre ces objectifs, les habitants des quartiers devront représenter au moins 15 % en moyenne nationale dans les différentes déclinaisons du PIC. Ces montants permettront également d’augmenter le nombre de jeunes en quartier prioritaire qui sont accompagnés par la garantie jeunes, les écoles de la deuxième chance et les centres de l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi. Dans le cadre du comité interministériel des villes, un nouvel appel à projets consacré aux quartiers prioritaires a été doté de 50 M€. 40 M€ supplémentaires ont été annoncés lors du CIV pour l’appel à projet « Repérer et mobiliser les invisibles ».

Dans le contexte plus spécifique de la relance, le plan « 1 jeune, 1 solution », avec plus de 9 Md€ investis, fait l’objet d’un suivi attentif afin que les mesures bénéficient bien également aux jeunes résidant en quartier prioritaire.

3.   Les cités de l’emploi sont reconduites et amplifiées

Parallèlement, les « cités de l’emploi », lancées en 2020 avec une vingtaine de cités expérimentales, ont été amplifiées en 2021 avec 60 nouvelles cités annoncées à l’été. Dotées chacune annuellement de 100 000 euros par le programme 147, elles visent à renforcer les liens entre toutes les communautés professionnelles qui interviennent sur le champ de l’insertion (administrations, collectivités, associations, entreprises).

Enfin, à l’échelle locale, il est demandé aux préfets de porter à 20 % la part des crédits du programme 147 consacrés à l’emploi et au développement économique (16 % en 2020).

En dehors du budget du programme 147, de nombreuses actions renforceront le soutien à l’entreprenariat, dont notamment la convention entre le ministère chargé de la ville et la Caisse des dépôts et consignations. Ce sont 225 M€ qui permettront le financement de nombreuses actions dont, en matière de développement économique et d’emploi, la création de 14 « Quartiers productifs ».

C.   La sÉcuritÉ et la tranquillitÉ publiques sont largement investies

Le comité interministériel des villes a décidé le renforcement de l’effort en faveur de la tranquillité publique dans les quartiers prioritaires, dans un climat marqué par une hausse de l’insécurité :

– 300 « bataillons de la prévention » ont été créés et sont actuellement en cours de déploiement dans 45 quartiers, en priorité des quartiers de reconquête républicaine (QRR). Les crédits de 6 M€ ouverts dans la loi de finances rectificative du 19 juillet permettront de subventionner le recrutement de 300 éducateurs spécialisés, qui formeront des binômes avec des adultes relais spécialement formés pour cela. Ce seront au total 600 adultes de plus dans les quartiers, et ce encore en 2022 grâce à l’ouverture de crédits nouveaux dans le projet de loi de finances pour 2022 ;

– d’autres crédits contribuent à cet objectif : ainsi le programme « Quartiers d’été » visait-il aussi à éviter les tensions estivales. Mission réussie, comme le notait votre rapporteur l’an dernier. Le ministère chargé de la ville soutient également des associations œuvrant dans le domaine de la médiation.

II.   le renouvellement urbain, une action multi-financeurs fortement dÉpendante de l’engagement d’action logement

A.   Le cadre de vie est une prioritÉ qui EST au cœur des nouveaux engagements du Gouvernement

1.   Des programmes renouvelés en faveur de l’évolution des cadres de vie

L’année 2021 a vu des évolutions très notables sur le financement du cadre de vie, annoncé comme une priorité par la ministre chargée de la ville. Ces évolutions sont intervenues, pour la plupart, en dehors du strict cadre du programme 147 :

– un abondement de 2 Md€ du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), annoncé à l’occasion du CIV de janvier 2021. Cet abondement fait suite à la relance du programme que le Gouvernement avait permis en œuvrant au doublement de l’enveloppe en 2018, et qui permettra une nouvelle amplification et accélération des projets locaux (finalisation de la programmation et clauses de revoyure). L’abondement résulte d’une contribution supplémentaire du groupe Action Logement et du mouvement HLM, mais aussi d’une augmentation de la contribution de l’État de 200 M€. Le nouveau montant de l’enveloppe, portée à 12 Md€, dont 1,2 Md€ de l’État sera inscrit en loi de finances par un amendement du Gouvernement ;

– en matière d’agriculture urbaine, dans le prolongement du plan « Habiter la ville de demain » de 2020, la deuxième tranche de l’appel à projets « Quartiers fertiles » a été annoncée et la troisième tranche le sera prochainement, permettant d’atteindre l’objectif de créer 100 fermes urbaines. Géré par l’ANRU et financé principalement grâce au programme d’investissements d’avenir (PIA) et à la convention entre le ministère chargé de la ville et la Caisse des dépôts et consignations, le dispositif a été renforcé de 13 M€ dans le cadre du plan « France Relance ». De plus, « France Relance » a également soutenu la création de jardins partagés pour 17 M€. Piloté par le ministère chargé de l’agriculture, ce n’est pas un dispositif spécifique aux quartiers prioritaires, car il concerne aussi les autres territoires, mais de nombreux quartiers prioritaires ont été concernés : à fin juin 2021, ce sont 43 dossiers acceptés en quartiers prioritaires sur 301 au total, pour un montant d’aide de 440 730 euros, soit 11,5 % des montants attribués.

2.   La rénovation des quartiers anciens dégradés continue d’être financée et de connaître des réussites

Le programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), mis en œuvre par la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite loi Molle), vise à engager les actions nécessaires à une requalification globale des quartiers, tout en favorisant la mixité sociale et en recherchant un meilleur équilibre entre habitat et activités de service.

Au titre du PNRQAD, 40 projets ont été retenus, dont 25 sont soutenus par les trois financeurs que sont l’État, l’Agence nationale de l’habitat et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), à hauteur respectivement de 80 M€, 150 M€ et 150 M€, soit un total de 380 M€. Le programme, opérationnel jusqu’en juin 2025, voit encore de nombreux projets actuellement en phase de mise en œuvre, 24 avenants de sortie ayant été validés. Au 31 mai 2021, 131 M€ de subventions ANRU ont été engagés sur les 25 conventions signées et les paiements ont atteint 68,4 M€.

B.   l’engagement d’action logement permet de maintenir le dynamisme du renouvellement urbain

1.   La mise en œuvre du NPNRU a été confirmée et amplifiée en 2021

Dans le cadre du comité interministériel des villes de janvier 2021, la mise en œuvre du nouveau programme national de renouvellement urbain est confirmée et amplifiée. Conformément à l’engagement du Premier ministre à cette occasion, l’enveloppe du NPNRU a été augmentée de 2 Md€ (après son doublement intervenu en 2018) pour atteindre 12 Md€ d'équivalent-subvention, afin d’améliorer des conditions de vie des habitants des quartiers qui présentent les dysfonctionnements urbains les plus importants.

En dépit d’un démarrage lent, le déploiement des actions du NPNRU est désormais bien entamé. Le NPNRU, dont la mise en œuvre, comme celle de son prédécesseur le programme national de rénovation urbaine (PNRU), est confiée à l’ANRU, doit voir transformés 216 quartiers d’intérêt national et 264 quartiers d’intérêt régional. Ce programme vise en priorité les quartiers les plus en difficulté parmi les quartiers prioritaires, qu’ils aient été ou non concernés par les actions initiées antérieurement au titre du PNRU. Les protocoles de préfiguration précisent l’ambition des projets et prévoient le financement par l'ANRU d'opérations d'ingénierie inscrites dans le programme de travail (études, expertises, conduites de projet), et le cas échéant des opérations d'investissement. Pour l’ensemble des quartiers engagés dans un projet de renouvellement urbain, le processus de préfiguration est désormais presque finalisé.

Malgré la crise sanitaire et le renouvellement des conseils municipaux, la validation des projets issus de la préfiguration s’est poursuivie grâce aux mesures de simplification mises en place et à la mobilisation des équipes. Au 25 juin 2021, 415 quartiers disposent d’un projet validé par l’agence, ce qui représente un investissement prévisionnel de 34,5 Md€, soutenus par des concours financiers de l’ANRU à hauteur de 11,1 Md€, dont 8,4 Md€ de subventions.

De plus, on comptait en juin 2021 environ 1 000 chantiers en cours dans 291 quartiers prioritaires, contre 191 quartiers en septembre 2019. Plus de 426 opérations ont déjà été achevées : 40 opérations d’aménagement, 120 démolitions concernant 7600 logements, 44 réhabilitations, 118 reconstructions, 72 équipements et 32 autres opérations.

Au niveau opérationnel, les financements validés vont permettre la réhabilitation de 126 500 logements locatifs sociaux, la démolition de 93 000 logements et la reconstitution de cette offre, la construction/réhabilitation de plus de 859 équipements publics ou encore la résidentialisation de plus de 131 000 logements. En juillet 2021, 38 quartiers prioritaires avaient déjà bénéficié de l’abondement de 2 Md€ décidé par le CIV, avec 380 M€ de concours financiers de l’État et 890 M€ d’investissement tous financeurs confondus, pour 1 050 démolitions, 4 000 réhabilitations, 21 équipements et 52 projets immobiliers économiques.

Grâce à cet abondement, la programmation pourrait être révisée à la hausse avec 115 000 démolitions, 95 000 reconstitutions, 160 000 réhabilitations et 160 000 résidentialisations, ainsi que la réalisation de plus de 900 équipements, dont un tiers d’écoles.

2.   L’engagement d’Action Logement en faveur du renouvellement urbain est encore renforcé

Dans le cadre de la reprise après la crise sanitaire, le groupe Action Logement s’est engagé aux côtés du Gouvernement dans un avenant signé le 15 février dernier à la convention qui le lie à l’État. C’est un triple engagement en soutien à la reprise économique, en réponse à la crise sanitaire et sociale et en appui à l’objectif de l’État de construire 250 000 logements sociaux en 2021-2022. Action Logement participe à un nouvel engagement en faveur du NPNRU, à hauteur de 1,4 Md€ de subventions sur une enveloppe totale de 2 Md€.

Le groupe Action Logement est à la fois le financeur de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, à 70 % en ce qui concerne le NPNRU, mais aussi un acteur de la mixité de l’habitat, par son rôle et celui de ses filiales dans le développement des projets en accession à la propriété. En ce qui concerne le NPNRU, le groupe, en échange de sa participation très large au réabondement de 2 Md€ conclu cette année, a fixé certaines conditions :

– l’équilibre économique du programme, ce qui doit comprendre le respect de la soutenabilité du modèle économique et financier du groupe et de la répartition entre prêts et subventions, de l’engagement de l’État et des bailleurs sociaux pour le financement à hauteur de 2 Md€, conformément aux termes de la convention tripartite de 2018, et de l’équilibre des financements d’Action Logement entre les politiques publiques, les personnes morales et les particuliers ;

– le respect des contreparties dues au groupe Action Logement. Ceci passe d’une part par l’augmentation des contreparties qui lui sont concédées, à due concurrence du financement complémentaire d’Action Logement et du redéploiement des économies du PNRU. Le groupe souhaite aussi une mobilisation réelle, sous l’égide de l’ANRU, des contreparties dont bénéficie Action Logement au titre du PNRU (s’agissant notamment des 65 000 droits non encore mobilisés) et de l’ensemble des conventions NPNRU, y compris en zones tendues. Enfin, cela passe par le bon déploiement, sous l’égide de l’ANRU, des programmes de l’Association foncière logement (AFL) dans un objectif de mixité sociale, et par le financement de l’AFL par Action Logement sur toute la durée du NPNRU ;

– sur l’affectation des fonds, la priorité devra être donnée aux opérations nouvelles permettant d’amplifier la rénovation urbaine.

L’ANRU a d’ores et déjà commencé à affecter les concours financiers supplémentaires. Les premiers éléments indiquent un faible financement des démolitions et des opérations de restructuration du tissu urbain (environ 1 000 logements financés en démolition pour 378 M€ de crédits alloués). Action Logement a souhaité que les fonds supplémentaires participent bien au financement de projets nouveaux et non à des compléments de financement d’opérations existantes et/ou à la réhabilitation du patrimoine HLM de façon surnuméraire.

Cet abondement s’accompagne d’une participation de l’État dans le financement du NPNRU, avec une contribution réévaluée à 1,2 Md€ sur la durée du programme, qui devrait s’achever en 2033. Pour 2022, la contribution de l’État pour les crédits d’intervention sera de 15 M€. Le groupe Action Logement et les bailleurs sociaux participent également à l’abondement du NPNRU, à hauteur de 1,4 Md€ supplémentaire de subvention pour Action Logement et de 368 M€ pour les bailleurs sociaux par l’entremise de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). Enfin, les économies réalisées sur le PNRU, dont le montant définitif n’est pas encore connu à ce jour, seront entièrement réinvesties dans le NPNRU.

Engagements au financement de l’ANRU

au titre du NPNRU 2018-2033 (Md€)

Groupe Action Logement

8,8

Bailleurs sociaux :

   -Union sociale pour l’habitat

   -Caisse de garantie du logement locatif social

2,4

    2

   0,4

État

1,2

TOTAL

12,4

La participation du groupe Action Logement au NPNRU est de 8,82 Md€, soit 72,17 % du total de la capacité de financement dont disposera l’ANRU, en prenant en compte les dispositions actées dans le cadre du plan d’investissement volontaire, qui prévoient que l’intégralité des économies réalisées dans le PNRU alimenteront les engagements du NPNRU. Cette disposition conduit à porter la capacité d’engagement totale de l’ANRU pour le NPNRU à 12,22 Md€. La participation d’Action Logement se décompose à hauteur de 3,30 Md€ de prêts qui sont versés directement par Action Logement Services (filiale du groupe) aux bailleurs sociaux, et de 5,52 Md€ de subventions qui sont versées directement à l’ANRU.

 

 

Le fonctionnement spécifique de la politique de la ville

Détail des actions du programme 147

 

LFI 2021

PLF 2022

TOTAL DES CRÉDITS P 147 (crédits de paiement en millions d'euros)

512,9

558,1

A01 - Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville

443

490,5

Actions territorialisées des contrats de ville
 (interventions au bénéfice direct des habitants des quartiers)

351,6

399

1. Pilier « Cohésion sociale »

267,6

299

1.1 Éducation

142

173

· Programme de réussite éducative (PRE)

68,2

68,2

· Cités éducatives

48

79,5

· Autres programmes dont : « mon stage de troisième », « école ouverte », « vacances apprenantes », « cordées de la réussite », « parcours d'excellence », « devoirs faits »

25,8

25,8

1.2 Santé et accès aux soins

10

10

1.3 Parentalité et droits sociaux

7,2

7,2

1.4 Culture et expression artistique

14,8

14,8

1.5 Lien social et participation citoyenne : soutien à la vie associative ; postes Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) ; fonds de participation des habitants (FPH) ; programmes « Ville vie vacances »

87,4

87,3

1.6 Prévention et lutte contre les discriminations

6,2

6,1

2. Pilier « Développement économique et emploi »

57,2

57,2

2.1 Emploi : programme « repérer et mobiliser les invisibles » ; soutien au parrainage ; formations « grande école du numérique » ; « écoles de la deuxième chance » (E2C)

49,3

49,3

2.2 Développement économique : pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises (PAQTE) ; exonérations fiscales au titre du dispositif des zones franches urbaines – territoires entrepreneurs

7,9

7,9

3. Pilier « Cadre de vie et renouvellement urbain »

10,3

26,3

3.1 Volet « habitat et cadre de vie »

6,6

6,6

3.2 Volet « transport et mobilité »

3,4

3,4

3.3 Volet « tranquillité et sûreté publiques »

0,3

16,3

4. Pilotage, ingénierie des contrats de ville

16,5

16,5

4.1. Pilotage, ingénierie, ressources et évaluations : équipes projets de mise en œuvre des contrats de ville ; participation au programme « Urbact III » ; formation « valeurs de la République et laïcité »

14,4

14,4

4.2. Structures mutualisatrices

2,1

2,1

Dispositif des adultes-relais

93

92,8

1. Financement des postes d’adultes-relais

91,5

91,3

2. Financement plan de professionnalisation des adultes-relais

1,5

1,5

A02 – Revitalisation économique et emploi

33,7

33,7

· subvention pour charge de service public - Établissement public d'insertion dans l'emploi

29

31,2

· compensation des exonérations de charges au titre des zones franches urbaines

4,7

2,5

A03 – Stratégie, ressources et évaluation

18,9

18,9

· masse salariale (dont primes) des délégués des préfets

18,9

18,9

A04 – Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

15

15

· subvention Agence nationale pour la rénovation urbaine

15

15


—  1  —

   seconde PARTIE :
la rÉussite Éducative dans les quartiers sensibles

La politique de la ville, axée depuis sa naissance dans les années 1970 et 1980 sur la réduction des inégalités sociales entre les territoires et, dans ce but, sur la revalorisation des quartiers dits « sensibles » ([3]), a toujours fait de l’éducation le cœur d’une approche globale. Celle-ci est censée mobiliser à la fois des outils économiques, sociaux et urbanistiques particuliers en vue de la résorption des inégalités éducatives et de la réussite scolaire et éducative des habitants des quartiers.

À l’occasion du dernier exercice budgétaire de cette législature, votre rapporteur a souhaité faire le bilan des dispositions adoptées en matière d’éducation dans les quartiers sensibles, qui peuvent se diviser globalement en deux grandes catégories, qui correspondent à deux esprits distincts :

– d’une part, le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les écoles des réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) et des réseaux d’éducation prioritaire (REP), politique ambitieuse et volontariste, qui s’appuie sur l’infrastructure existante et les personnels de l’éducation nationale pour refonder entièrement l’expérience des élèves aux débuts de l’école ;

– d’autre part, de nouvelles initiatives, à l’instar des « vacances apprenantes » et des « cités éducatives », dans le champ de la politique de la ville, qui visent à soutenir, par des actions ponctuelles, la réussite éducative dans les quartiers par un accompagnement renforcé des élèves et le déploiement d’une offre d’activités périscolaires.

Le volet éducatif de la politique de la ville, l’éducation prioritaire :
deux politiques distinctes

Les dispositions éducatives des contrats de ville, comme l’ensemble de la politique de la ville, interviennent en complément des politiques dites « de droit commun ». Le volet Éducation des contrats de ville renvoie aux actions en faveur de la réussite éducative au sein du pilier Cohésion sociale de la politique de la ville, financées par abondement de l’État via le programme 147, qui sont décrites au II de la présente partie.

Les politiques de droit commun, qui dépendent budgétairement de leurs programmes respectifs, apportent souvent un soutien particulier aux quartiers prioritaires dans l’ensemble des domaines d’intervention de l’État. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne l’éducation, où la politique d’éducation prioritaire est une composante renforcée de la politique d’éducation nationale portée par le ministère chargé de l’éducation nationale, dont les moyens proviennent des programmes 140, 141 et 230 de la mission « Enseignement scolaire ».

En dépit de cette distinction, il y a toutefois des convergences entre ces deux politiques et une recherche de coordination et d’articulation dans les actions qui sont menées en matière éducative dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

De même, la géographie prioritaire de la politique de la ville (les 1 514 quartiers prioritaires) et celle de l’éducation nationale (les 1 092 réseaux REP et REP+) ne sont pas identiques, bien que leur convergence ait été accentuée à l’occasion de la dernière révision de la carte de l’éducation prioritaire en 2014.

Ainsi, à la rentrée 2019, on dénombre environ 206 000 collégiens résidant en quartiers prioritaires et scolarisés en éducation prioritaire pour environ 293 000 collégiens résidant en quartiers prioritaires et scolarisés dans le secteur public au total : en définitive, 70 % des collégiens résidant en quartiers prioritaires et scolarisés dans le public sont scolarisés en éducation prioritaire.

I.   LE dÉdoublement des classes DE CP et CE1 est une initiative historique qui porte ses fruits

À la rentrée 2021, la première cohorte d’élèves qui a été concernée en 2017 par le dédoublement des classes en CP en REP+ arrive en CM2 et donc à la fin de l’école primaire. Cette échéance fournit pour votre rapporteur une occasion de revenir sur cette réforme ambitieuse et profonde de l’enseignement prioritaire, et de donner des indications sur les évolutions à mettre en œuvre pour améliorer encore cette démarche. Cette réflexion est notamment nourrie par la deuxième étude de suivi publiée en septembre 2021 par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ([4]), entendue à cette occasion par votre rapporteur.

A.   une rÉforme AMBITIEUSE mise en œuvre dÈs le dÉbut de cette lÉgislature

1.   Une mise en œuvre rapide au prix d’un vaste effort financier et institutionnel 

Dès le début de la présente législature, le Gouvernement a cherché à mettre en œuvre le dédoublement des classes de CP et de CE1 en réponse à l’impulsion donnée dans ce sens par le président de la République. À cette fin, l’ensemble des classes de CP a été dédoublé dès la rentrée de septembre 2017 en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+). Chaque année depuis voit un élargissement de l’ambition, et depuis 2019 l’ensemble des classes de CE1 en réseau d’éducation prioritaire (REP) et en REP+ est dédoublé. Depuis 2020, l’effort porte sur le dédoublement des grandes sections de maternelle.

La mise en œuvre du dédoublement des classes dans les réseaux d’éducation prioritaire a visé un triple objectif : réduire l’impact des inégalités sociales et territoriales sur la réussite scolaire des élèves, combattre la difficulté scolaire de tous les élèves en visant les apprentissages fondamentaux dès les premières années, et soutenir les élèves les plus fragiles dans leur parcours. Dans un premier temps, son déploiement a été organisé sur trois années scolaires successives :

– à la rentrée 2017, une réduction de la taille des classes de CP en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+), avec un objectif de 12 élèves par classe, soit un quasi-dédoublement par rapport aux effectifs des années antérieures en moyenne nationale (autour de 24 élèves par classe de CP). À la rentrée 2017, 2 500 classes de CP en REP+ ont ainsi été dédoublés, correspondant au déploiement de 2 500 postes environ ;

– à la rentrée 2018, l’extension de la mesure aux élèves de CE1 en REP+, qui avaient bénéficié de la mesure en CP, et aux élèves de CP en réseau d’éducation prioritaire (REP) ;

– à la rentrée 2019, l’extension de la mesure aux élèves de CE1 en REP.

Après le dédoublement en CP et CE1, le dédoublement des classes de grande section (GS) de maternelle s’accélère actuellement dans les territoires de l’éducation prioritaire.

2017

2018

2019

2020

2021

 

 

 

20 % GS dédoublées en REP+ et en REP

50 % GS dédoublées en REP+ et en REP

100 % CP dédoublés en REP+ seulement

100 % CP dédoublés en REP+ et en REP

100 % CP dédoublés en REP+ et en REP

100 % CP dédoublés en REP+ et en REP

100 % CP dédoublés en REP+ et en REP

 

75 % CE1 dédoublés en REP+ seulement

100 % CE1 dédoublés en REP+ et en REP

100 % CE1 dédoublés en REP + et en REP

100 % CE1 dédoublés en REP+ et en REP

2.   Des résultats tangibles dans la réduction des effectifs

Mis en œuvre à partir de la rentrée 2017, le dédoublement permet des effectifs réduits à moins de 15 élèves par classe, et vise, par un accompagnement personnalisé des élèves, l’objectif de parvenir à 100 % de réussite dans la maîtrise des savoirs fondamentaux (lire, écrire, compter, respecter autrui). Selon les données de la dernière évaluation de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, entendue par votre rapporteur, la moyenne qui s’établissait à la rentrée 2016 à 21,6 élèves par classe en REP+ est passée à 13,1 élèves par classe à la rentrée 2021. En REP, elle est passée de 21 à 14,2 élèves par classe.

La diminution d’à peu près un tiers des effectifs élèves par classe en CP et CE1 dans les 6 700 écoles de l’éducation prioritaire n’a pas négativement affecté le reste des 55 000 écoles existantes à l’échelle nationale. Il s’agit d’une réduction globale des effectifs des classes qui abaisse la moyenne des effectifs par classe à l’échelle nationale, et qui se fait à moyens humains et financiers croissants. À la rentrée scolaire 2021, la mesure bénéficie à près de 330 000 élèves (tous les élèves de CP et CE1 en REP et REP+ et près de la moitié des classes de grande section).

Cet effort s’est accompagné également d’initiatives complémentaires en matière de formation des enseignants de l’enseignement prioritaire : avant 2017, 50 % des enseignants avaient suivi une formation spécifique, ce pourcentage s’établissant aujourd’hui à 93 %.

Évolution du nombre d’élèves par classe dans les écoles et
les collèges de France hexagonale de 2014 à 2020
(données MENJS/DEPP, traitement ANCT/ONPV)

B.   un dispositif aux effets trÈs encourageants sur la rÉussite des ÉlÈves

1.   Une évaluation exemplaire, qui permet de disposer rapidement d’une première appréciation de la réforme

Il existe des complexités inhérentes à l’exercice d’évaluation de l’éducation prioritaire. En effet, comme l’ont souligné les représentants de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance entendus par votre rapporteur et dont il a souhaité saluer vivement le travail, un tel effort exige de tenir compte des spécificités économiques, sociales et scolaires du profil des élèves qui y sont scolarisés. Ces élèves sont très majoritairement issus de milieux défavorisés et ont, à l’entrée en classe de CP, des acquis très en retrait de la moyenne nationale. Ainsi, en début de CP, il y a un écart fort en matière de reconnaissance du vocabulaire parlé, avec 70 % de reconnaissance hors EP pour 40 % en REP+, écart ensuite partiellement résorbé au cours du CP.

 Les établissements en éducation prioritaire se caractérisent par la très forte concentration des profils en difficultés sociales et scolaires, qui concernent 92 % des élèves, contre 4 % des élèves dans l’enseignement public hors EP. Ces établissements se situant eux-mêmes dans des quartiers marqués par des difficultés urbaines, sécuritaires et sociales, il est difficile de comparer la trajectoire de leurs élèves à celles de leurs camarades des établissements de droit commun.

À la demande du ministre chargé de l’éducation nationale, un protocole de suivi de la réforme a été mis en œuvre dès la rentrée 2017, ce dont votre rapporteur se réjouit d’autant plus qu’il s’agit d’une démarche dont une grande partie des autres dispositifs existants ne bénéficie pas. M. Thierry Rocher, qui a piloté l’évaluation du dédoublement des classes en REP+ pour le compte de la DEPP, a décrit à votre rapporteur les modalités de cette démarche, concomitante du déploiement de la réforme.

Votre rapporteur salue tout particulièrement le dispositif d’évaluation hors norme mais justifié par l’ampleur de la réforme. L’évaluation a vu 400 écoles faire l’objet d’un suivi par une équipe de chercheurs. Parmi ces 400 écoles, outre 200 écoles de REP+ où avait lieu la réforme, se trouvaient un groupe témoin constitué de 100 écoles situées en REP et de ce fait non concernées en 2017 par la réforme, mais au profil socio-scolaire (caractéristiques économiques et sociales, niveau de départ des élèves) identifié comme étant très proche des écoles de REP+ concernées, et 100 écoles hors EP, pour des besoins de parangonnage. L’évaluation a concilié trois méthodologies :

– les élèves de de ces classes ont été évalués à quatre reprises, en début de CP, en fin de CP, en début de CE1 et en fin de CE1, afin de suivre et de mesurer leurs progrès ;

– les enseignants ont été sondés et interrogés quant à leur vécu de la réforme et aux évolutions dans la dynamique de classe ;

– les équipes de recherche ont pratiqué des observations directes au sein de classes choisies par échantillonnage.

La DEPP a rendu à deux reprises des rapports d’évaluation à ce sujet, en janvier 2019 ([5]) et en septembre 2021 ([6]).

L’effet positif sur le progrès des élèves a été quantifié dans ces deux études de la DEPP, qui a conclu globalement, dans un premier temps, que les élèves scolarisés dans les REP+ concernés par la réforme ont davantage progressé que ceux scolarisés en REP proches de la REP+. L’écart-type de performance se réduit de 9 % en français et de 14 % en mathématiques. Si la progression en français, qui réduit de 13 % la distance entre élèves scolarisés en EP et hors EP, ne remplit que partiellement les attentes, celles en mathématiques, qui réduit de 38 % la distance, constitue un marqueur de succès.

L’effet est également corroboré par des marqueurs plus qualitatifs, comme les déclarations des élèves et des enseignants sur l’environnement de travail. D’après les analyses produites par les chercheurs, les élèves ont un vécu plus positif de la classe et une meilleure trajectoire d’apprentissage après la réduction des effectifs. Les enseignants ont davantage recours à des méthodes personnalisées.

Impact du dédoublement sur le nombre de classes de CP multiniveaux

À la rentrée 2017, la mesure concernait plus de 3 100 classes de CP mono‐niveaux en REP+. La mise en œuvre de cette mesure est perceptible à la fois sur la proportion des classes de CP multi-niveaux parmi l’ensemble des classes accueillant des CP, et sur la taille des classes de CP mono‐niveaux. En REP+, au sein des classes de CP, les classes accueillant également des élèves d’autres niveaux représentaient près du quart en 2016 ; en 2017, la proportion de classes de CP multi-niveaux devient marginale (5,3 %).

À la rentrée 2017, la taille des classes en REP+ accueillant uniquement des élèves de CP s’est considérablement réduite. Elles accueillent au maximum 12 élèves pour 58,5 % d’entre elles alors que c’était le cas uniquement de 0,3 % des classes à la rentrée 2016. Pour une taille maximale de 15 élèves par classe, la proportion s’élève à 89 % (contre 1,9 % en 2016). Seul 1 % des classes uniques de CP en REP+ comptent 26 élèves ou plus (contre 5,1 % en 2016).

En REP+, la taille moyenne des classes accueillant uniquement des élèves de CP est ainsi passée de 21,7 élèves à la rentrée 2016 à 13,4 en 2017, et le nombre de classes à cours unique CP en REP+ a augmenté de 80 %, passant de près de 2 300 à 4 150.

2.   Certaines insuffisances demeurent à résorber

Si les résultats chiffrés ne correspondent pas pour l’instant à toutes les attentes, toutes les personnes auditionnées par votre rapporteur ont estimé que la réforme avait porté un impact positif. De l’avis des représentants du Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général du collège (SNUipp-FSU), entendus par votre rapporteur, en dépit d’une focalisation, à leurs yeux excessive, sur la baisse des effectifs élèves, « le dédoublement des classes de CP et de CE1 est la seule mesure intervenant sur le temps scolaire en primaire qui vise explicitement à enrayer les inégalités scolaires ».

Il existe aussi des regrets sur la disparition du dispositif « Plus de maîtres que de classes » (PDMQDC), qui prévoit l’utilisation systématique d’un second professeur ou d’un assistant, ce qui, d’après certaines études ([7]), a un effet bénéfique sur les résultats des élèves. Le fait d’affecter un enseignant surnuméraire à une ou plusieurs écoles pour intervenir ponctuellement, auprès de certaines classes choisies, pour un temps donné par toute l’équipe pédagogique de l’école en fonction des besoins exprimés par les enseignant. Le dispositif, afin de permettre la montée en charge du dédoublement de classes, a vu sa portée réduite à partir de 2018 et est éteint en 2021.

II.   le programme 147 recÈle une grande richesse d’initiatives Éducatives intÉressantes qui gagneraient À Être mieux coordonnÉES

Le 15 octobre 2013, le Gouvernement a publié le « pacte pour la réussite éducative », visant à fédérer tous les acteurs qui œuvrent pour l’apprentissage et l’émancipation de l’enfant au cours de sa vie scolaire et périscolaire, qui définissait la réussite éducative comme « la recherche du développement harmonieux de l’enfant et du jeune ». Il est précisé que « plus large et englobante que la seule réussite scolaire », cette notion « tend à concilier l’épanouissement personnel, la relation aux autres et la réussite scolaire. Elle permet l’articulation de tous les temps de l’enfant et du jeune et vise à leur donner les moyens de s’intégrer pleinement dans la société. Elle s’adresse prioritairement à ceux qui sont le plus en difficulté et dans les territoires les plus défavorisés. »

La politique de la ville déploie un ensemble d’instruments qui vise à donner les mêmes chances à tous les élèves sur tout le territoire et à garantir un accueil de qualité au-delà des heures scolaires. Cet accueil favorise le développement des compétences de chaque enfant, complémentaires de la réussite scolaire, dans un souci d’épanouissement dans tous les temps de l’enfant. Les actions de la législature actuelle, même si elles n’ont pas toujours contribué à simplifier la forêt des dispositifs existants, ont permis d’améliorer nettement leur coordination avec les cités éducatives, souci qui doit continuer, de l’avis de votre rapporteur, de structurer l’action publique dans ce domaine.

A.   des actions plÉthoriques, individuellement justifiÉES mais qui souffrent d’un manque de coordination

Le programme 147 peut, par moment, ressembler à une liste de micro-dispositifs, importants en nombre et plus limités en portée, qui changent fréquemment sans toujours laisser de trace. Il convient cependant de relever les programmes à succès, comme le programme de réussite éducative (PRE), les cordées de la réussite mises en œuvre au cours de cette législature, ou encore le programme « Ville, vie, vacances » et ses diverses initiatives, qui apportent des réponses ciblées à des difficultés concrètes.

1.   Le programme de réussite éducative continue de donner des résultats

Le programme de réussite éducative (PRE) permet de prendre en charge de façon personnalisée et globale les enfants et les jeunes résidant en quartier prioritaire de la politique de la ville ou scolarisés dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire. Il consiste en un accompagnement individualisé hors temps scolaire, pour les enfants et les jeunes qui rencontrent des difficultés dans leur scolarité, dans leur environnement familial ou social, en matière de santé, de pratique et d’accès à la culture, aux sports et aux loisirs. Il repose sur une approche globale des difficultés rencontrées par les enfants ainsi que sur la nécessité d’associer la famille dans la prise en charge de leur enfant.

Créé en 2005 et piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), il mobilise chaque année près de 70 M€ de crédits de l’État, et constitue ainsi l’un des budgets les plus importants du volet éducation de la politique de la ville. Cofinancé par les collectivités locales, principalement les communes, il s'étend de l'école maternelle au collège, voire au-delà quand il intervient dans la prise en charge du décrochage scolaire à partir de 16 ans. Il est mis en œuvre dans les territoires grâce à l’appui des partenaires institutionnels, au premier chef, les services de l’éducation nationale, mais également des caisses d’allocations familiales, des conseils départementaux, des agences régionales de santé, et les partenaires associatifs.

Au plan local, il est piloté par les services préfectoraux en charge de la politique de la ville et exécuté par les équipes d’ingénierie dédiées, en poste majoritairement dans les communes. Des équipes pluridisciplinaires de soutien, composées de professionnels du secteur éducatif et médico-social, étudient la situation de chaque enfant et proposent des actions de remédiation dans le cadre d’un parcours individualisé.

Il n’existe pas d’étude d’impact récente du dispositif en dehors d’une évaluation réalisée par l’Institut des politiques publiques (IPP) en 2016, qui dresse un constat mitigé quant à l’impact des PRE sur la réussite scolaire des élèves accompagnés, tout en reconnaissant que ce constat est dû au moins en partie à des difficultés méthodologiques dans l’évaluation ([8]).

 

 

 

 

 

Les chiffres du programme de réussite éducative

Concrètement, les PRE représentent :

– 550 projets locaux, outre-mer compris ;

– 101 000 bénéficiaires, dont 86 000 bénéficient d’un parcours personnalisé ;

– 2 580 équipes pluridisciplinaires de soutien ;

– des thématiques d’actions principalement axées sur le soutien aux parents, la santé et l’accompagnement éducatif et scolaire, la prévention du décrochage scolaire

– 593 coordonnateurs PRE (474 ETP) et 1 407 référents de parcours (698 ETP) ;

– une moyenne de 22 jours entre l’orientation des enfants vers le PRE et l’étude de leur situation par une équipe pluridisciplinaire de soutien ;

– une durée moyenne des parcours de l’ordre de 14 mois.

2.   Les cordées de la réussite, une initiative prometteuse pour améliorer l’accès au supérieur

Les cordées de la réussite, lancées au début de la législature actuelle, visent à faire de l'accompagnement à l'orientation un réel levier d'égalité des chances. Elles ont pour objectif de lutter contre l’autocensure et de susciter l'’ambition scolaire des élèves par un continuum d’accompagnement à partir de la classe de quatrième jusqu’au lycée et même jusqu’à l’enseignement supérieur. Elles permettent d’intervenir auprès de collégiens et lycéens des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour favoriser leur entrée dans l’enseignement supérieur. Elles concourent à construire des parcours scolaire et d’insertion adaptés à tous les élèves sans réseau personnel, tout en leur donnant une motivation supplémentaire avec l’appui d’adultes et de professionnels expérimentés (étudiants, entreprises, associations).

Afin de renforcer la lisibilité de cette politique publique et d’en accroitre l’ambition, une instruction interministérielle a prévu en 2020 la fusion des cordées de la réussite et des parcours d’excellence en un seul dispositif sous l’appellation de « cordées de la réussite ». L’objectif a ainsi été de permettre la mise en place d’un accompagnement continu, individuel et collectif, dès la classe de quatrième, jusqu’au baccalauréat et à l’enseignement supérieur, en lien direct avec les différentes réformes engagées en faveur de la voie professionnelle et de l’accompagnement à l’orientation.

Une cordée de la réussite repose sur le partenariat entre un établissement « tête de cordée » et un établissement public local d’enseignement (EPLE), collège ou lycée, qui est dit « encordé ». Un même EPLE peut être encordé à plusieurs têtes de cordée, représentatives de diverses filières : longues ou courtes, sélectives ou non, par apprentissage ou sous statut étudiant, ou encore écoles de la fonction publique.

Les liens entre collèges d’origine et lycées accueillant les élèves bénéficiaires du dispositif doivent être organisés et formalisés. Une coordination des actions et partenariats des EPLE d’une même cordée, à l’échelle d’un territoire doit être mise en place. Des partenariats renforcés avec les associations, les entreprises et les collectivités territoriales sont favorisés. Ce partenariat se traduit par un ensemble d’actions d'accompagnement mises en œuvre dans le collège ou le lycée « encordé » en faveur des élèves volontaires. Cet accompagnement se concrétise par un programme d'accompagnement global, conçu conjointement entre la tête de cordée et les établissements « encordés », avec le soutien des autorités académiques.

En fonction des besoins spécifiques de chaque élève, l’équipe pédagogique et éducative détermine les modalités d'intervention appropriées. L’accompagnement ainsi construit permet de lutter contre l’autocensure, personnelle et familiale, en informant au plus tôt et en élargissant le choix des possibles en matière de filières et de métiers. Il permet également de consolider la coopération entre les différents niveaux d'enseignement et de renforcer les partenariats.

Le dispositif est ouvert à tous les élèves volontaires scolarisés dans un établissement encordé : il n'est pas réservé aux seuls élèves les plus brillants scolairement. Les élèves de REP/REP+ et quartiers prioritaires, ainsi que les élèves des zones rurales et ceux des lycées d’enseignement professionnels, sont les principaux bénéficiaires du dispositif. 

Au mois de juillet 2021, 623 cordées sont recensées et 185 300 élèves sont encordés sur tout le territoire, contre 80 000 en 2019. La part des collèges bénéficiaires situés en QPV ou à moins de 300 mètres d’un QPV s’établit à 33 % du total de collèges encordés ; la part des élèves bénéficiaires scolarisés dans un collège en QPV ou à moins de 300 mètres d’un QPV est de 38 % du total des élèves encordés ; pour les lycées, la proportion est plus importante car on retient la limite de 1 000 mètres d’un QPV (55 % des lycées bénéficiaires des cordées sont implantés en QPV ou à moins de 1000 mètres d’un QPV ; la proportion de lycéens scolarisés dans ces lycées est de 62 % du total de lycéens bénéficiaires des cordées).

En moyenne, la part des établissements scolaires du second degré bénéficiaires des cordées et implantés en quartier prioritaire ou à proximité est de près de 40 %. La part des élèves bénéficiaires du dispositif et scolarisés dans un établissement en quartier prioritaire ou à proximité est de 44 %. La dotation du plan de relance consacrée aux cordées de la réussite est de 10 M€. On peut donc estimer à 44 % la part du plan de relance affectée aux élèves en QPV pour les cordées s’élève à 4,4 M€.

3.   « Devoirs faits », un dispositif volontariste mais dont l’impact est difficile à évaluer pour les élèves cibles

En 2017, le ministère chargé de l’éducation nationale a créé le dispositif « devoirs faits ». Reconduit en septembre 2021 pour une cinquième année, il ambitionne d’aider les élèves dans leurs travaux personnels, en dehors des heures de classe et dans les établissements, afin de réduire les inégalités d’accès au savoir ([9]). La démarche a été mise en œuvre de façon à en laisser le lancement à l’initiative des chefs d’établissement.

En dépit d’un démarrage lent – 6 à 7 % des élèves seulement bénéficiaient des « devoirs faits » lors de la première année du déploiement ([10]) – consécutif à une mauvaise anticipation des horaires consacrés au dispositif dans l’emploi du temps scolaire, celui-ci s’est progressivement systématisé. Aujourd’hui, selon la direction générale de l’enseignement scolaire, 30 % du total des collégiens et surtout 50 % des collégiens scolarisés dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcés y participent.

Lors de son audition, la directrice des programmes de l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) a détaillé l’implication de l’association dans le dispositif. Dès son instauration en 2017, l’AFEV s’est investie dans le déploiement du programme. Elle fournit des volontaires, le plus souvent des jeunes en service civique, qui s’investissent seuls ou en binôme dans les collèges autour de la mission « devoirs faits ». Ces jeunes travaillent en moyenne 13 heures par semaine dans l’établissement et accueillent de 3 à 20 élèves par séance. L’AFEV intervient dans 168 établissements répartis dans 15 académies, dont 9 font l’objet d’un conventionnement avec le rectorat. Selon l’association, l’action est vectrice d’une double réussite : elle contribue à la réduction des inégalités chez les collégiens et aide les jeunes, notamment étudiants, en leur permettant d’effectuer un service civique. Néanmoins, l’AFEV alerte sur les difficultés d’accompagnement lorsque les niveaux scolaires sont mélangés, que les élèves sont trop nombreux ou que les horaires sont tardifs.

Le dispositif « devoirs faits » est perçu de façon globalement positive par les élèves, mais son évaluation reste difficile et certains acteurs ont montré les limites inhérentes à celle-ci. Lors d’une étude menée en 2021 par une équipe de chercheurs à son sujet, les élèves ont indiqué avoir tiré un bénéfice de leur participation au programme ([11]). Néanmoins, l’utilité réelle de ce programme reste sujette à caution. Il n’existe pas, à ce jour, d’évaluation globale du dispositif, en raison de l’absence de prise en compte budgétaire de la nécessité d’évaluer cette initiative. Deux rapports d’inspection ont été publiés en juillet 2019 ([12]) et en août 2020 ([13]) : ils pointent tous deux la difficulté d’évaluation et préconisent, par exemple, de définir des indicateurs pour « objectiver » les effets du dispositif sur les élèves. Les indicateurs existants sont principalement quantitatifs et mesurent avant tout la participation des élèves.

Même si l’évaluation est complexe, le dispositif manque de lisibilité et souffre de certaines faiblesses. L’hétérogénéité du programme conduit à des pratiques différenciées entre les établissements : ainsi, par exemple, le volontariat qui est privilégié dans certains collèges, conduit-il les élèves en difficulté à ne pas participer, laissant leur place aux élèves meilleurs. De plus, l’aide aux devoirs est souvent conduite par des assistants d’éducation qui n’ont pas la même légitimité, ni toujours la même compétence, que des personnels enseignants. Ces faiblesses laissent planer le doute sur l’efficacité de cette mesure alors que les devoirs restent un grand facteur d’inégalité dans la réussite des élèves.

B.   L’accompagnement en dehors de l’École et la rÉussite pÉriscolaire sont des domaines particuliÈrement investis

1.   Le programme « Ville, vie, vacances » et les « Quartiers d’été » proposent un accompagnement des adolescents en-dehors de la période scolaire

Le programme « Ville, vie, vacances » (VVV) contribue à un accès aux vacances et aux loisirs éducatifs des enfants et des jeunes en difficulté. Ce programme, qui concerne toutes les périodes de vacances scolaires, s’adresse prioritairement aux filles et garçons âgés de 11 à 18 ans et habitant en QPV. En complément du rôle d’animation et de soutien de l’État au dispositif, le programme VVV repose sur l’implication forte des collectivités territoriales, à travers un soutien financier et matériel, et du tissu associatif dans la conduite opérationnelle des activités.

En réaction à la situation sanitaire de mars 2020, les ministres chargés de la ville et de l’intérieur ont lancé un dispositif spécifique consacré aux QPV appelé « quartiers d’été », dont votre rapporteur saluait déjà l’an dernier l’envergure et les résultats. Ce programme, mis en œuvre par les préfectures afin de l’adapter au contexte local en collaboration avec les collectivités territoriales et les partenaires locaux, offre des activités estivales, des animations et permet une meilleure occupation de l’espace public pendant les vacances d’été et la Toussaint. « quartiers d’été » a permis d’abonder certains dispositifs, dont le programme VVV, pour ainsi renforcer le lien social dans les QPV. En 2021, les activités mises en place lors de la crise sanitaire sont reconduites, à la suite des annonces du comité interministériel des villes (CIV) du 29 janvier 2021.

Les « quartiers d’été » ont permis à plus de 500 000 jeunes de bénéficier d’actions spécifiques, telles que des tournois sportifs inter-quartiers, des projections de films en plein air, des visites culturelles, des initiations au vélo, ou encore des ateliers de secourisme et de prévention routière. D’après les acteurs concernés, ces initiatives ont permis de limiter les tensions urbaines durant l’été. En effet, les pouvoirs publics ont pu encadrer des jeunes durant les vacances scolaires, leur donnant un cadre et des activités durant un période où de nombreux jeunes des quartiers sont laissés à eux-mêmes du fait de la fermeture des écoles. Ces opérations ont été un succès pour les autorités qui ont décidé, dès le 26 août 2020, de faire perdurer certains de ces dispositifs pour les vacances de la Toussaint, sous le nom « quartiers d’automne ».

Cet effort conséquent s’est traduit par une hausse de 60 % des crédits alloués à ce titre au cours des deux derniers exercices. Au total, 2 481 porteurs de projet ont bénéficié d’une subvention au titre du programme VVV en 2020 (11,3 M€), contre 1 143 en 2019 (7,1 M€). Les associations dans leur diversité (associations d’éducation populaire et de jeunesse, centres socio-culturels, clubs de prévention, associations sportives, etc.) représentent une grande majorité des porteurs de projet avec 80 % des crédits mobilisés. Les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les communes, représentent 18 % des porteurs de projet. L’augmentation importante du nombre de porteurs s’explique par le lancement du dispositif « Quartiers d’été » / « Quartiers d’automne ».

Les priorités du programme VVV, définies pour la première fois en 2019, ont été reconduites pour 2020 et 2021, à destination particulièrement des jeunes des quartiers qui rencontrent des difficultés pour accéder à des loisirs collectifs et à des vacances :

– favoriser une plus grande ouverture au monde extérieur : outre les activités basées sur le sport et la pratique culturelle et artistique, le programme a encouragé, pour plus de la moitié des actions financées, le développement des activités organisées en dehors des quartiers, qui permettent une plus grande ouverture des jeunes au monde extérieur ;

– développer des actions à contenu citoyen et civique, qui comptent pour près du tiers des activités, dont une autre moitié relève davantage des champs sportif et culturel ;

– organiser des travaux d’utilité sociale et mettre en œuvre des actions d’éducation au respect de l’environnement ;

 

 

En outre, trois orientations transversales sont mises en avant dans la conception et l’application des programmes :

– la promotion de la mixité dans les projets, avec un objectif de 50 % de jeunes filles parmi les bénéficiaires du programme et le développement d’une mixité effective dans les activités ;

– l’inscription des activités dans un continuum de prise en charge éducative des enfants et des jeunes, en cohérence avec les activités proposées dans le cadre de dispositifs locaux (contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance, contrat éducatif local, projet de réussite éducative) hors vacances scolaires ;

– le développement de la co-construction des projets par les jeunes eux-mêmes, afin de leur permettre d’être davantage acteurs des projets qui leur sont destinés.

2.   La crise sanitaire a mis l’accent sur l’importance de la continuité pédagogique

La continuité pédagogique vise à garantir que les élèves poursuivent des activités scolaires leur permettant de progresser dans leurs apprentissages. Pendant le confinement, cette garantie a été mise en œuvre et les professeurs ont été accompagnés dans leurs pratiques professionnelles, le ministère chargé de l’éducation nationale et ses opérateurs leur ayant proposé une palette d’outils en lien avec leurs partenaires. De nombreuses ressources ont été élaborées et mises à la disposition des familles et des élèves, localement et nationalement.

a.   De nouvelles initiatives se sont fondées sur les outils numériques

Dans un contexte marqué par une aggravation de la fracture numérique, le Gouvernement a souhaité faciliter la continuité éducative et limiter le décrochage scolaire. Devant la carence, fréquente dans les quartiers prioritaires, de matériels informatiques partagés et parfois des difficultés à faire l’effort financier d’un abonnement au réseau numérique, 104 M€ de crédits supplémentaires d’équipement ont été ouverts dans les lois de finances rectificatives ([14]).

Les actions menées, qui l’ont été fortement en direction des enfants situés en REP et REP+, ont été gratuites pour les familles et entièrement prises en charge par l’État et les opérateurs du ministère chargé de l’éducation nationale :

– le dispositif de continuité pédagogique appelé « ma classe à la maison » déployé par le Centre national d’enseignement à distance (CNED) s’est constitué, du 17 mars au 3 juillet 2020, autour de trois plateformes et d’une solution de classe virtuelle pour les élèves et les enseignants. Ces dispositifs ont permis d’accompagner près de 1,9 million de familles et ont recensé plus de 17 millions de visites. Sur la période du confinement, 480 000 enseignants ont utilisé le service ;

– un outil de classes virtuelles pour les enseignants, également proposé par le CNED, a permis, sur la durée du premier confinement, de tenir plus de 11 millions de classes virtuelles, pour une moyenne de 164 000 classes par jour ;

– les espaces numériques de travail (ENT) des établissements ont connu des pics de visites à plus de 7 millions par jour, pour 57,91 millions de pages vues et 4 millions de visiteurs uniques, plaçant l’ensemble des ENT en cinquième position du classement des sites mobiles et grand public ([15]), avec 217 millions de visites pour le seul mois de mars 2020 ;

– le développement de l’offre éducative de France 4 (groupe France Télévisions), avec l’émission « la maison Lumni » qui a accueilli plus de 700 cours élaborés par des professeurs de l’éducation nationale et diffusés, recueillant jusqu’à 1 million de téléspectateurs.

– face au constat de situations de déconnexion numérique d’élèves en France métropolitaine et en outre-mer, un partenariat du ministère chargé de l’éducation nationale avec La Poste a permis de décliner deux dispositifs complémentaires et interdépendants :

● l’envoi des devoirs sur support papier à l’élève et le retour gratuit par l’élève pour correction pendant la durée de la crise sanitaire a été permis par un partenariat avec la société Docaposte (groupe La Poste). Ce partenariat a permis d’envoyer plus de 330 000 devoirs, dont plus de 43 000 dans les collectivités d’outre-mer, à plus de 41 000 élèves ;

● l’acheminement d’outils numériques (tablettes, ordinateurs portables) à des familles n’en disposant pas, par colis postal à partir de l’établissement scolaire ;

– des stages de réussite à distance, modules de soutien gratuits pour les enfants les plus en difficulté, ont été proposés lors des congés scolaires de printemps. Ce dispositif, gratuit pour les familles, a été entièrement financé par l’État ;

– un service exceptionnel d’accueil pour les enfants des personnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire a été assuré dans les lieux de scolarisation habituels des enfants par des personnels volontaires du ministère chargé de l’éducation nationale, avec l’appui ponctuel de personnels des collectivités locales.

b.   Les programmes existants se sont adaptés aux exigences du confinement

Le programme « école ouverte », qui se déroule dans le cadre de l’établissement scolaire et a pour objectif l’acquisition des compétences scolaires fondamentales, a été adapté à la crise sanitaire. Il a permis l'accueil au sein des écoles et des établissements des jeunes ne quittant pas leur lieu de résidence. Un programme équilibré a été proposé, associant le renforcement scolaire en matinée et les activités sportives et culturelles l’après-midi, ainsi que des mini‑séjours et colonies de vacances. Plusieurs formes ont été déclinées : « l’été du pro », adaptation pour les lycées professionnels, et « l’école ouverte buissonnière », qui a permis de soutenir des séjours en zones rurales afin de découvrir un territoire et sensibiliser au développement durable. Cette dernière initiative s’est déployée selon deux modalités : de 2 à 7 jours sous forme itinérante (camp sous tente) ; de 5 à 14 jours dans des locaux mis à disposition par une collectivité (école et internat).

Dans le cadre du programme « vacances apprenantes », a été mis en œuvre le dispositif « quartiers d’été » dont le succès a conduit à son premier prolongement en « quartiers d’automne » et puis en 2021 à une nouvelle prorogation. Alors que chaque année, trois millions d’enfants ne partent pas en vacances, le plan « quartiers d’été » a été lancé pour les familles déjà très marquées par le confinement. Détaillé dans une instruction du ministre chargé de la ville du 10 juin 2020, le dispositif a eu pour ambition de faire de cette période estivale, s’ouvrant dans un contexte exceptionnel, un temps utile et ludique pour les habitants des quartiers ne pouvant partir en vacances.

Les séjours en « vacances apprenantes » s’adressent aux enfants et aux jeunes scolarisés (3 à 17 ans), en priorité à ceux qui habitent les quartiers et ceux dont les apprentissages ont le plus pâti du contexte sanitaire. Une attention particulière est donnée aux mineurs accompagnés par la protection de l’enfance. Ces séjours visent à permettre à une grande partie des jeunes issus des quartiers de partir en colonies de vacances intégrant une dimension pédagogique. Ces colonies de vacances, qui ont disposé d’un label délivré par l’État pour la période du 4 juillet au 31 août 2020, ont été organisées sur le territoire national pour une durée minimale de cinq jours ouvrés. Un appel à intérêt des collectivités territoriales qui souhaitent s’inscrire dans le dispositif a été lancé par les préfectures et les inspecteurs d’académies dans chaque département.

Les programmes à destination de l’éducation prioritaire se sont multipliés depuis une vingtaine d’années. Ils soulignent la prise de conscience publique des besoins spécifiques inhérents à cette population. La crise sanitaire a aggravé la fracture sociale, économique mais aussi numérique entre les élèves de différents milieux sociaux et les dispositifs ont dû être adaptés et massifiés. Il reste néanmoins difficile de chiffrer l’utilité directe de ces dispositifs. Leur évaluation semble nécessaire pour affiner leur pilotage, prioriser les programmes socialement avantageux et, in fine, fusionner ou abandonner ceux qui n’apportent pas de résultats probants, ceci afin d’améliorer la lisibilité et la visibilité de la politique de l’éducation prioritaire.

Des programmes à destination de l’éducation prioritaire qui se multiplient

1. L’école ouverte, un dispositif de soutien lors de la crise sanitaire

Le dispositif « école ouverte » a connu un nouvel élan au moment de la crise sanitaire, dans le but d’accompagner les élèves durant cette période et de limiter le décrochage scolaire ou le retard sur les programmes. C’est un dispositif ancien, lancé en 1991 dans trois académies, sous l’impulsion d’une opération interministérielle, qui est encadré en 2003 par la charte école ouverte, promulguée par voie de circulaire ([16]).

Selon le préambule de la charte, l’école ouverte est une opération qui consiste à ouvrir les établissements d’enseignement durant les mercredis, les samedis et les vacances scolaires pour permettre, sur la base du volontariat, aux enfants et aux jeunes qui ne partent pas ou peu en vacances et qui connaissent des difficultés, de prendre part à des activités culturelles et sportives et de travailler leurs compétences.

Principalement destiné aux réseaux d’éducation prioritaire, la crise sanitaire a massifié son déploiement à l’ensemble des territoires souffrant de ses effets économiques et sociales. Le dispositif a par ailleurs été décliné en trois nouveaux programmes consacrés à l’enseignement professionnel, au patrimoine et à la ruralité.

Alors que plus de 86 000 élèves étaient accueillis en 2015, l’objectif de 2020 était d’atteindre les 400 000, ce qui marque une forte massification du dispositif qui connaît un certain succès du fait de la crise sanitaire.

2. Les internats de la réussite : un objectif de déploiement plus large sur le territoire

Les internats de la réussite ont été créé en 2008, sous le nom d’internats d’excellence, dans la continuité du « plan de relance de l’internat scolaire » de 2000.

Les internats s’adressent à des élèves de collèges ou de lycées qui sont motivés par ce mode d’enseignement et qui ne bénéficient pas d’un cadre adéquat pour réussir leur parcours scolaire. L’admission se décide sur la base de critères sociaux, économiques et territoriaux, une priorité étant donnée aux jeunes qui relèvent de l’éducation prioritaire, des quartiers prioritaires de la ville ou des zones rurales et isolées.

L’objectif est de favoriser la réussite et la mobilité et de limiter le décrochage scolaire en offrant un accompagnement pédagogique en-dehors du temps des cours.

Un label valide le respect par les internats de certaines normes. Ils sont 54 en 2021, et représentent plus de 4 500 places. Une centaine devrait recevoir l’agrément en 2022.

3. Le plan mercredi, un nouveau programme en coopération avec les communes

Lancé à la rentré 2018 à destination des élèves de la maternelle au CM2, le plan mercredi propose un accueil de loisir les mercredis après-midi, porté par les communes. Ce programme se veut une solution propice à un meilleur agencement entre temps scolaire et périscolaire. L’objectif affirmé par le ministère est également de réduire la fracture sociale en proposant des activités culturelles et sportives.

Le plan fait l’objet d’une labellisation entre les différents acteurs institutionnels (EPCI, préfet, académie, caisse d’allocations familiales) et est financé en partie par la Caisse nationale des allocations familiales et le fond de soutien aux collectivités. En 2020, ce sont 4000 plans mercredi qui ont été signés pour un total de 500 000 places.

C.   Les citÉs Éducatives, une initiative emblÉmatique de la mission de coordination essentielle pour les quartiers

1.   Une initiative de coordination des efforts éducatifs en quartier prioritaire, lancée dès 2018

Les cités éducatives visent à lutter contre les inégalités de destin en mobilisant tous les acteurs agissant dans le quotidien des enfants et des jeunes âgés d’entre 3 et 25 ans autour de l’enjeu éducatif. L’initiative a été annoncée par le président de la République en juillet 2018, dans le cadre de la mobilisation nationale pour les habitants des quartiers. À travers les cités éducatives, le Gouvernement a souhaité fédérer tous les acteurs de l’éducation scolaire et périscolaire, dans les territoires qui en ont le plus besoin et où sont concentrés les moyens publics. Dans cet objectif, le label et les moyens affectés par l’État ont été accordés dès la rentrée scolaire 2019 aux territoires dans lesquels une stratégie pour l’école avait été définie avec la collectivité chef de file.

Dès le 2 mai 2019, les ministres chargés de la ville et de l’éducation nationale dévoilaient les 80 territoires retenus pour le lancement du dispositif. Il s’agit de territoires correspondant à de grands quartiers d’habitat social de plus de 5 000 habitants, situés dans des communes avec des enjeux scolaires (REP ou REP+) ou de sécurité (zones de sécurité prioritaire) marqués, et présentant des dysfonctionnements urbains majeurs.

Les missions des cités éducatives

Dans des quartiers marqués par des dysfonctionnements urbains, des difficultés sociales, scolaires et de sécurité, la cité éducative doit jouer plusieurs rôles :

– permettre une meilleure coordination et un renforcement des dispositifs existants et assurer une mise en commun des ressources locales ;

– créer, pour la mobilisation de tous les acteurs de terrain autour de l’enjeu éducatif, les conditions d’une alliance des acteurs éducatifs travaillant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville : services de l’État, collectivités, associations et habitants des quartiers ;

– contribuer à l’émergence d’une culture collaborative pour offrir aux jeunes les conditions les plus favorables à leur émancipation et à la réalisation de leur projet de vie, de la maternelle au supérieur.

Le label repose sur un diagnostic de qualité partagé entre tous les acteurs et les habitants des quartiers, un pilotage construit et des indicateurs de suivi et de résultat pour répondre aux trois grands objectifs définis dans le référentiel des cités éducatives : « conforter le rôle de l’école », « organiser la continuité éducative » et « ouvrir le champ des possibles ».

Les mesures prises pour la mise en œuvre des cités éducatives

À l’origine de la démarche, les trois pilotes de chaque cité éducative (le chef d’établissement, un directeur adjoint de la commune et un représentant désigné par le préfet) ont travaillé à l’élaboration de projets prévisionnels d’actions pour conforter la réussite des enfants et des jeunes. Ces projets ont abouti à l’élaboration et la signature de conventions d’une durée de trois ans.

Cette convention permet d’établir concrètement les modalités de mise à disposition des moyens mutualisés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), l’éducation nationale, et le cas échéant d’autres partenaires, dont le principal du collège pivot est l’ordonnateur de leur utilisation.

2.   Un dispositif dont l’utilité est reconnue par les acteurs et qui monte encore en charge

Les cités éducatives ont vu leur efficacité reconnue et saluée par les personnes auditionnées par votre rapporteur. La coordination entre les différents acteurs de l’éducation – familles, écoles, collèges, lycées, administrations, élus, associations – qui est au cœur du dispositif des cités éducatives est vue comme présentant une occasion importante de faire parler et agir ensemble des acteurs qui ne se connaissent pas. La gouvernance en « troïka », constituée du chef d’établissement, d’un représentant du préfet, et d’un représentant du maire, est particulièrement saluée. Bien que leur organisation soit très récente, les équipes pédagogiques et administratives ont été en mesure de tirer pleinement profit des avantages des cités éducatives pour suivre les élèves confinés (financement d’équipements informatiques, fourniture de livres de jeunesse, offre d’activité et de séjours).

Dans un rapport publié en février 2021, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire a analysé les processus d’évaluation des cités éducatives ([17]). Il ressort de ce rapport qu’il n’existe pas de cadre réglementaire précis des évaluations des cités. Les organes de pilotage ont donc développé des démarches différentes, parfois complémentaires, qui priorisent les axes évalués : démarche opérationnelle, participative et scientifique. Globalement, les partis prenantes adhérent au processus d’évaluation, elles y voient une possibilité d’optimiser leurs actions et de questionner les programmes. Néanmoins, cette liberté isole les cités plus petites, qui ne sont pas outillés pour construire des protocoles. L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) appelle donc le comité national d’orientation et d’évaluation des cités éducatives (CNOE) à renforcer l’accompagnement des évaluations. Enfin, l’INJEP s’inquiète d’observer qu’une partie des organes d’évaluation soit dirigée par les chefs de projet, ce qui pose des questions d’indépendance de l’évaluation.

La crise sanitaire a donné l’occasion de mettre à l’épreuve les capacités d’adaptation des cités éducatives. Pour faire face aux difficultés liées au confinement du printemps 2020 et notamment le suivi éducatif à distance, plus de 9 M€ du programme 147 ont été mobilisés pour acheter des tablettes numériques et des clés 4G. Ce programme exceptionnel s’est d’abord appuyé sur les 80 cités éducatives, puis sur l’ensemble des quartiers prioritaires, afin de remédier à la fracture numérique et de maintenir le lien entre l’école de la République et les enfants.

L’État mobilise une quantité de moyens financiers et institutionnels importants pour appuyer le déploiement de ces cités :

– 34 M€ par an de crédits du ministère chargé de la ville (100 M€ de 2019 à 2021) ainsi que des moyens en provenance d’autres ministères pour accompagner le projet (enseignement supérieur, renouvellement urbain, pauvreté, santé, sport, culture, formation professionnelle) ;

– un fonds de la cité éducative de 30 000 euros dans chaque territoire à parité entre les ministères chargés de l’éducation nationale (mobilisation d’une partie des fonds sociaux et des crédits éducatifs du programme 230) et de la ville ;

– des ressources humaines : un principal de collège chef de file de la cité éducative bénéficie d’un appui consacré à ses nouvelles fonctions ; un chef de projet opérationnel pour coordonner les actions engagées au sein de la cité éducative.

L’extension du programme vise la labellisation de 74 nouvelles cités pour atteindre 200 en 2022.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 12 octobre 2021, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Luc Lagleize (Ville), les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Jean-Luc Lagleize, rapporteur pour avis. Si la crise sanitaire est, en partie, derrière nous et si nous avons réussi à repartir de l’avant, la situation dans les 1 514 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) continue à s’apparenter à ce que le Premier ministre a appelé, en janvier, lors du comité interministériel des villes (CIV), une crise de l’égalité des chances. C’est pourquoi je me réjouis que les financements alloués en faveur de ces quartiers ces dernières années continueront de l’être au cours des prochaines. En 2022, les crédits de la ville augmentent de 9 % par rapport à 2021, année où ils avaient déjà connu une hausse de 10 % par rapport à la précédente. Ces augmentations financent des mesures importantes.

En ce qui concerne la jeunesse, des actions majeures ont été menées en faveur de la jeunesse des quartiers, qui a été encore plus durement éprouvée que d’autres par la crise sanitaire. Du dispositif Quartiers solidaires, lancé en 2020, qui permet de financer des actions associatives au service des habitants des quartiers, est issue une initiative Quartiers solidaires jeunes, qui vise les personnes de 0 à 25 ans. L’opération Quartiers d’été, dont je vous avais rapporté le succès l’an dernier et qui a permis d’animer les quartiers pour les jeunes qui n’avaient pas pu partir pendant les vacances d’été, a été reconduite au même niveau qu’en 2020. Le bilan global de ces opérations est très positif : le nombre de jeunes ayant bénéficié d’actions de proximité a plus que doublé par rapport à 2020 et le spectre des actions a été largement enrichi et diversifié. Enfin, dix Cités de la jeunesse vont être créées d’ici à la fin de l’année. Elles seront dotées de 70 000 à 100 000 euros, et trois d’entre elles ont déjà été labellisées.

En matière d’emploi, l’effort fourni tout au long de la législature se poursuit après les décisions du CIV. Le dispositif des emplois francs, expérimenté en 2018 et 2019 dans 740 quartiers, puis généralisé à l’ensemble des quartiers prioritaires depuis le 1er janvier 2020, représente un levier d’action complémentaire pour renforcer l’accès à l’emploi des habitants des quartiers prioritaires. En juillet 2021, ce sont près de 55 000 aides d’emplois francs qui ont été acceptées depuis le début du dispositif. Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », le dispositif Emplois francs +, revalorisé pour les moins de 26 ans, a été déployé entre le 15 octobre 2020 et le 31 mai 2021 ; 4 322 demandes d’emplois francs + ont été acceptées.

Pour la formation de 150 000 jeunes sans qualification et de 150 000 chômeurs de longue durée résidant en quartier prioritaire, un investissement de 2 milliards d’euros issus du plan d’investissement dans les compétences (PIC) a été confirmé cette année.

Dans le contexte du plan de relance, plus de 9 milliards d’euros sont investis dans « 1 jeune, 1 solution ». Ce plan fait l’objet d’un suivi attentif afin que les mesures bénéficient bien aux jeunes résidant en quartier prioritaire.

Les Cités de l’emploi, que nous avions lancées en 2020 avec une vingtaine de cités expérimentales, ont été amplifiées en 2021 avec soixante nouvelles cités annoncées à l’été. Dotées chacune de 100 000 euros par an, elles visent à renforcer les liens entre toutes les communautés professionnelles qui interviennent sur le champ de l’insertion.

À l’échelle locale, le Gouvernement a demandé aux préfets de porter à 20 % la part des crédits du programme 147 consacrés à l’emploi et au développement économique, contre 16 % en 2020. De nombreuses actions hors programme 147 renforceront le soutien à l’entreprenariat. Par exemple, au titre de la convention entre le ministère chargé de la ville et la Caisse des dépôts et consignations, 225 millions d’euros permettront de financer de nombreuses actions, comme la création de quatorze Quartiers productifs à visée de développement économique et d’emploi.

L’effort en faveur de la tranquillité publique dans les quartiers prioritaires a également été renforcé, avec la création de 300 bataillons de la prévention, formés par des éducateurs spécialisés en binômes avec des adultes-relais. Ces bataillons sont en cours de déploiement dans quarante-cinq quartiers – en priorité des quartiers de reconquête républicaine.

Plus qu’un catalogue de mesures, c’est une action en profondeur qui a été engagée pour la réussite éducative dans les quartiers prioritaires au cours de cette législature – c’est la thématique de mon rapport.

Même si la géographie de l’éducation prioritaire, avec 1 092 réseaux d’éducation prioritaire (REP) ou REP renforcés (REP+), et celle de la politique de la ville, qui concerne 1 514 quartiers prioritaires, ne se recoupent pas entièrement, leur convergence s’accentue depuis 2015 ; 70 % des collégiens résidant en quartier prioritaire sont scolarisés en éducation prioritaire. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité inclure dans mon analyse la réforme du dédoublement des classes de CP et CE1, bien que celle-ci n’ait pas été financée sur le programme 147. À la rentrée 2021, l’arrivée en CM2 de la première cohorte d’élèves concernée par le dédoublement des classes de CP en REP+ nous donne suffisamment de recul pour tirer un premier bilan. Je me suis appuyé, pour ce faire, sur les résultats de la deuxième étude de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale, publiés en septembre.

Le Gouvernement a mis en œuvre le dédoublement des classes de CP en REP+ dès la rentrée 2017 puis l’a généralisé à toutes les classes de CP et CE1 en REP+ et en REP en 2018 et 2019. Depuis 2020, les grandes sections de maternelle sont progressivement dédoublées en REP+ et en REP. L’objectif est triple : réduire les conséquences des inégalités sociales et territoriales sur la réussite scolaire ; combattre les difficultés scolaires de tous les élèves en visant les apprentissages fondamentaux dès les premières années ; soutenir les élèves les plus fragiles dans leur parcours.

Selon la dernière évaluation de la DEPP, l’objectif initial de moins de 15 élèves par classe est atteint : on est passé de 21,6 élèves par classe en REP+ en 2016 à 13,1 élèves par classe à la rentrée 2021 ; en REP, on est passé de 21 à 14,2 élèves par classe.

Les élèves scolarisés dans les REP+, concernés par la réforme, ont davantage progressé que ceux qui ne l’étaient pas. L’écart-type de performance se réduit de 9 % en français et de 14 % en mathématiques. En REP, si la progression en français, qui réduit de 13 % la distance avec les autres élèves, ne remplit que partiellement les attentes, la progression en mathématiques, qui réduit cette distance de 38 %, constitue quant à elle un marqueur de succès encourageant.

Cette réussite est également corroborée par des marqueurs plus qualitatifs, comme les déclarations des élèves et des enseignants sur leur environnement de travail. Les élèves ont le sentiment d’une plus grande efficacité personnelle ; les enseignants disent avoir davantage recours à des méthodes personnalisées.

Devant ces résultats encourageants, je considère que l’élargissement du dédoublement aux classes de grande section de maternelle est une bonne chose. Les études montrent, en effet, qu’une grande partie de l’écart entre les élèves en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire existe dès avant l’entrée en CP. Je me réjouis donc qu’en cette rentrée 2021, le dédoublement ne concerne plus seulement 20 %, mais 50 % des classes de grande section.

Les efforts entrepris pour l’éducation dans le cadre de la politique de la ville sont de moindre ampleur et de moindre ambition. Plusieurs initiatives lancées au cours des dernières années ont toutefois connu un vrai succès. Les cordées de la réussite et les vacances apprenantes, par exemple, ont permis à 500 000 jeunes de bénéficier d’actions spécifiques pendant les vacances.

J’ai été frappé d’entendre presque tous les acteurs avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger reconnaître la valeur ajoutée des cités éducatives. Comme le plus souvent dans la politique de la ville, l’objet de ces cités est la lutte contre les inégalités de destin des enfants en mobilisant tous les acteurs intervenant dans le quotidien des enfants et des jeunes âgés de 3 à 25 ans. À travers les cités éducatives, le Gouvernement a souhaité fédérer tous les acteurs de l’éducation scolaire et périscolaire dans les territoires qui en ont le plus besoin et où sont concentrés les moyens publics.

À l’origine de la démarche, les trois pilotes de chaque cité éducative – le chef d’établissement, un directeur adjoint de la commune et un représentant désigné par le préfet –travaillent à l’élaboration de projets prévisionnels d’actions pour conforter la réussite des enfants et des jeunes. Ces projets ont abouti à l’élaboration et à la signature de conventions d’une durée de trois ans. Ce trinôme de coordination a prouvé son efficacité, notamment pendant la crise sanitaire. Au cœur du dispositif des cités éducatives, la coordination entre les différents acteurs de l’éducation – familles, écoles, collèges, lycées, administrations, élus, associations – est l’occasion de faire parler et agir ensemble des acteurs qui ne se connaissaient pas.

Je me réjouis donc que le Premier ministre ait annoncé l’extension du programme, avec la labellisation prévue de 74 nouvelles cités éducatives en 2022 pour atteindre la barre des 200. Je me félicite aussi qu’un quartier de ma circonscription en ait bénéficié cette année. Il me semble que c’est en privilégiant ce genre de programme, qui fédère des acteurs déjà existants, que nous pourrons faire des progrès dans ces quartiers, plutôt qu’en additionnant toujours de nouvelles strates d’actions.

Dans le cadre de ce projet de loi de finances, la politique de la ville continue donc d’être mobilisée, en sortie de crise, notamment pour accompagner les jeunes. Et la législature a apporté une véritable rupture en matière éducative dans les quartiers.

J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires, pour ce qui concerne la politique de la ville

Mme Corinne Vignon (LaREM). La lutte contre les inégalités sociales et urbaines est, depuis le début de la législature, une priorité de notre majorité. Que ce soit à travers le dédoublement des classes de grande section, de CP et de CE1 en REP, le développement des emplois francs ou le déploiement de la police de sécurité du quotidien, nous avons cherché à développer des actions à caractère innovant afin de restaurer l’égalité des chances et d’améliorer les conditions de vie dans les quartiers prioritaires de la ville.

Cette volonté se reflète dans ce dernier budget du quinquennat. Les crédits du programme 147, qui concentre les moyens attribués aux politiques de la ville, sont en hausse pour la deuxième année consécutive. En 2022, ils atteignent 558,1 millions d’euros, soit une hausse de 8,8 % par rapport à 2021.

Cette hausse va permettre de financer, à travers les 490 millions affectés aux actions territorialisées et aux dispositifs spécifiques de la politique de la ville, des actions ambitieuses à effet direct sur le quotidien des habitants des 1 514 QPV du territoire français. Elle permettra : une aide à la réussite scolaire, avec le financement de 74 nouvelles cités éducatives qui s’ajouteront aux 126 déjà labellisées ; une aide à l’accompagnement des jeunes, avec le déploiement de 1 000 nouveaux postes d’adultes-relais et le développement d’une plateforme destinée à faciliter l’accès aux stages de troisième ; une aide au maillage local, avec le financement de quarante-quatre associations pour lancer des actions innovantes à travers l’appel à manifestation d’intérêt « Tremplin Asso ».

Le budget pour l’année 2022 consacre également 33,7 millions d’euros à la revitalisation économique et à l’emploi, qui permettront de financer l’Établissement pour l’insertion dans l’emploi, ainsi que les exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines.

L’adoption de ce budget doit ainsi permettre, dans la continuité directe des budgets précédents, de réduire les écarts de développement au sein de nos villes et viser à l’égalité des chances.

M. Thibault Bazin (LR). Avant d’en venir aux crédits du programme Politique de la ville, je souhaite en dénoncer les conditions d’examen. Le bleu budgétaire, en version numérique, n’a été accessible que jeudi 7 octobre, alors que les amendements devaient être déposés avant le vendredi 8, à 17 heures, si bien qu’aucun amendement n’a été déposé. Le projet annuel de performances lui-même n’a été mis en ligne que le samedi. Je sais que vous n’y êtes pour rien, madame la présidente, mais il faudrait qu’à l’avenir le Gouvernement se montre plus respectueux du Parlement.

La politique de la ville est importante et comporte plusieurs dispositifs intéressants, comme l’école de la deuxième chance. J’aimerais toutefois mettre quelques bémols aux propos du rapporteur, parce que la situation dans nos quartiers n’est pas aussi idyllique qu’il le dit.

Les dispositifs ne portent pas toujours leurs fruits. Un récent rapport de la Cour des comptes a ainsi montré que le taux de recours au dispositif des emplois francs est assez faible – de l’ordre de 11 %, de mémoire. Plus embêtant, il n’a pas entraîné une baisse massive du taux de chômage dans ces quartiers, dont l’attractivité n’a pas progressé non plus. Les entrants sont plus précaires que les sortants, ce qui est quand même très inquiétant. Dans ces quartiers, le chômage reste très important, les jeunes sont sur le carreau et les activités illicites continuent de prospérer. Le rapport de la Cour des comptes évoque même une « déprise économique et commerciale ininterrompue ». Il souligne également un problème d’image, de sorte que je me demande si l’on ne devrait pas abandonner le fléchage « quartier prioritaire de la ville ». Les personnes qui habitent ces quartiers ont du mal à y développer des projets et, lorsqu’elles en ont un, elles quittent le quartier.

Il y a aussi un problème majeur de zonage, puisque certains territoires ne sont pas en QPV alors qu’y vivent des populations en grande difficulté, notamment des jeunes, et que certains collèges qui ne sont pas classés en REP accueillent des enfants dont la situation est très précaire. Les différentes politiques publiques de la sécurité, de la ville, de l’économie et des territoires manquent de cohérence.

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Je reconnais que les délais d’examen de ces crédits étaient très courts et très contraints. Je relaierai votre agacement.

Mme Michèle Crouzet (Dem). Vous dressez des réformes menées en faveur de la réussite éducative dans les quartiers prioritaires un bilan positif, notamment s’agissant du dédoublement des classes dans les écoles en REP et REP+. Le PLF 2022 poursuivant ces efforts, vous émettez un avis favorable à l’adoption des crédits du programme relatif à la ville. Vous déplorez toutefois un manque de coordination entre les nombreuses initiatives éducatives existantes et soulignez le rôle déterminant que jouent et devraient jouer à l’avenir les cités éducatives. Ces cités ont été créées dès 2018 pour renforcer les dispositifs en mobilisant tous les acteurs de terrain, des services de l’État jusqu’aux citoyens, en passant par les collectivités et les associations.

Les personnes que vous avez auditionnées saluent globalement l’efficacité des cités éducatives, certaines notant toutefois qu’il est difficile de l’évaluer. Vous-même indiquez que les plus petites cités éducatives se trouvent lésées dans l’élaboration de protocoles d’éducation. De plus, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) s’inquiète de ce que l’évaluation en soit parfois confiée à des chefs de projet, ce qui soulève la question de son indépendance.

En tant que parlementaires, nous savons à quel point il importe de connaître précisément la portée des politiques publiques financées par les Français et pour eux. Ne serait-il pas opportun de remédier à ces biais d’évaluation, et par quel moyen ? N’est-il pas urgent d’imposer une distinction entre juges et parties, comme semble le recommander l’INJEP ?

Mme Sylvia Pinel (LT).  La crise sanitaire a frappé les quartiers populaires avec une violence particulière et accentué les inégalités sociales. Dans ces territoires, l’épidémie de la Covid-19 s’est traduite par une montée de la précarité, un décrochage scolaire accru et un chômage des jeunes qui ne faiblit pas, à l’encontre des priorités affichées depuis le début du quinquennat. Le moment du bilan est venu, et il est contrasté.

Le projet de loi de finances est-il vraiment au niveau de la détresse et des difficultés vécues dans ces territoires ? Les crédits du programme 147 sont en progression de 8,8 % par rapport à l’année précédente, ce qui devrait se traduire par 45 millions d’euros supplémentaires pour nos quartiers. La grande majorité des crédits de ce programme bénéficiera aux actions territorialisées des contrats de ville. Concernant ces derniers, il nous semble nécessaire de pousser plus loin la logique de cocontractualisation. En effet, dans certains territoires, le contrat de ville reste piloté principalement par l’État, sans réelle concertation ni travail collectif, au risque d’un décalage avec les attentes et les besoins des quartiers.

En matière d’éducation, je veux redire mon soutien aux mesures de dédoublement des classes de CP et de CE1. De même, les 31 millions d’euros prévus pour la création de soixante‑quatorze cités éducatives me semblent aller dans le bon sens. Se pose toutefois la question de la pérennisation de la démarche et de son financement par l’État et par les collectivités territoriales, au-delà de 2022.

Lors du comité interministériel des villes du 29 janvier 2021, le Premier ministre a annoncé un abondement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), à hauteur de 2 milliards d’euros, dans le PLF 2022. Cet effort, même s’il est notable, ne suffira pas à compenser un quinquennat de sous-financement. Le Premier ministre, par ailleurs, n’a cessé de défendre la politique de sécurité du Gouvernement. Ont été évoqués les bataillons de la prévention, les contrats de sécurité intégrée ou encore le développement des amendes forfaitaires délictuelles. Ces mesures, si elles sont nécessaires, ne sauraient résumer à elles seules la politique de la ville, qui doit faire l’objet d’une approche globale et transversale, en prenant comme boussole l’éducation, la mixité sociale et l’accès à un logement de qualité – des priorités d’ailleurs affichées par un certain candidat en 2017.

M. Jean-Luc Lagleize, rapporteur pour avis. Les crédits du programme 147 ont effectivement vocation à garantir l’égalité des chances et à lutter contre l’assignation à résidence dont souffrent trop souvent les personnes qui sont nées dans ces quartiers prioritaires de la ville.

Monsieur Bazin, je partage votre remarque au sujet des conditions d’examen de ces crédits. Moi-même, j’ai dû commencer mes auditions avant d’avoir le bleu budgétaire et je n’ai terminé mon rapport que dimanche, en début d’après‑midi. Nous nous sommes tous plaints de ces conditions de travail loin d’être idéales.

Vous avez raison, le taux de chômage des jeunes est deux fois plus important dans les quartiers que dans le périmètre de leur agglomération. Le dispositif des emplois francs n’a pas encore produit tous les effets escomptés, mais il faut le poursuivre.

Depuis une cinquantaine d’années, on constate effectivement que dès qu’une famille réussit à sortir de la misère, elle quitte le quartier et est remplacée par une famille dont les revenus sont bien plus faibles. C’est la même chose dans le logement social : une famille qui quitte un logement social parce qu’elle ne répond plus aux critères est remplacée par une famille qui, elle, les remplit. En fin de compte, on en vient à stigmatiser des quartiers par les populations que l’on y fait résider. Une réflexion beaucoup plus globale s’impose, notamment autour de la loi SRU, qui a fini par créer des ghettos de riches et des ghettos de pauvres.

De même, savoir si la qualification QPV n’induit pas de fait une dégradation de l’image de ces quartiers est une vraie question. Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) engloutissent des millions d’euros dans le marketing pour changer l’image de leurs quartiers, mais si on leur colle d’emblée une étiquette de quartier difficile ou sensible, c’est assez contre-productif.

Le manque de cohérence entre le zonage des QPV et celui de l’éducation prioritaire, je le note aussi dans mon rapport : 70 % seulement des enfants relèvent des deux zonages. Une refonte de ces zonages est en cours : par le ministère de l’éducation nationale pour celui de l’éducation prioritaire ; par le ministère de la ville pour celui des QPV. Une feuille de route commune a été définie pour aboutir à une harmonisation d’ici à 2023.

Comme Mme Crouzet, je demande la coordination des dispositifs dans mon rapport. Lorsqu’un dispositif est coordonné à la fois par l’éducation nationale, l’État et la commune ou la collectivité locale qui reçoit des aides, il connaît généralement une belle réussite. Il y aurait probablement intérêt à ce que cette coordination ne se limite pas aux cités éducatives, mais qu’elle concerne l’ensemble des dispositifs relevant du programme 147.

Je propose, moi aussi, de pousser plus loin la contractualisation. Jusqu’à la création des cités éducatives, tout le monde travaillait en silo. À partir du moment où la contractualisation a touché tous les niveaux – national, local et ministères –, les choses ont avancé beaucoup mieux. Il faut donc amplifier la démarche et la pérenniser – il reviendra aux gouvernements suivants de le faire.

En ce qui concerne le renouvellement urbain, vous vous souvenez peut-être que, l’année dernière, j’avais consacré la seconde partie de mon rapport à la mixité sociale dans les quartiers et au renouvellement urbain. Je m’étais déjà ému du faible budget attribué à l’ANRU. Or, chaque fois, on me dit que la trésorerie de l’ANRU est pléthorique mais qu’elle finance assez peu de constructions de logement. Parce qu’il y a eu beaucoup moins de constructions et de renouvellements dans les quartiers, l’ANRU a moins financé. On en revient à la question de l’inacceptabilité sociale de l’acte de construire. Si les maires signent moins de permis de construire, c’est aussi parce qu’ils savent que des recours seront déposés.

Aidons les maires à trouver un nouveau mode de communication. Il faut qu’ils puissent expliquer aux habitants de leurs communes que la ville a besoin d’évoluer, que s’ils veulent des transports en commun plus performants, ils devront accepter d’être un peu plus nombreux. Sinon, ils devront aller vivre plus loin, dans des endroits où ils auront besoin d’une voiture, et ils devront se garer en périphérie des villes, devenues zones à faibles émissions (ZFE).

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires consacrés à la politique de la ville.

 

Après avoir examiné l’avis « Logement » sur le rapport de Mme Stéphanie Do, et l’avis « ville », sur le rapport de M. Jean-Luc Lagleize, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires.

 

 


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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

 

Direction générale de l’enseignement scolaire (MENJS/DGESCO)

M. Édouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire

M. Christophe Géhin, chef de service du budget et des politiques éducatives et territoriales

M. Bruno Chiocchia, sous-directeur de la performance et des politiques éducatives territoriales

Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (MENJS/ DEPP)

Mme Fabienne Rosenwald, directrice de l’évaluation, de la prospective et de la performance

M. Philippe Wuillamier, sous-directeur des évaluations et de la performance scolaire

M. Thierry Rocher, adjoint au sous-directeur

Secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire (MENJS/EP)

M. Mathieu Blugeon, directeur de cabinet

Mme Claire Tholance, directrice adjointe de cabinet

Ministre déléguée auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargée de la ville (MCTRCT/MV)

M. Stéphane Grauvogel, directeur de cabinet

M. Benjamin Quashie-Roubaud, conseiller au renouvellement urbain

Mme Myriam Souami, conseillère parlementaire

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Frédéric Bourthoumieu, chef de projet « cités éducatives »

Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et professeurs d’enseignement général du collège (SNUipp-FSU)

M. Pierre Caminade, secrétaire national

Mme Rachel Schneider, secrétaire nationale

 

Action Logement Groupe (ALG)

M. Bruno Arcadipane, président

Mme Nadia Bouyer, directrice générale

Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV)

Mme Eunice Mangado-Lunetta, directrice des programmes

 

 

L’Observatoire national de la politique de la ville (ANCT/ONPV) a contribué par écrit aux travaux du rapporteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Pour une présentation du fonctionnement spécifique de la politique de la ville, voir l’encadré page 14. Pour le détail des crédits contractualisés, voir page 15.

([2]) Données extraites du logiciel d’instruction Gispro par la direction générale des collectivités locales.

([3]) Les zones urbaines sensibles (ZUS), depuis devenues les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en 2015. Le terme est utilisé ici car il permet de recouper les zones des quartiers prioritaires et celles de l’éducation prioritaire, qui ne se superposent qu’à 70 %.

([4]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « Évaluation de l’impact de la réduction de la taille des classes de CP et de CE1 en REP+ sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants », document de travail n° 2021-E04, septembre 2021.

([5]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « Dispositif d’observation et d’évaluation

« CP dédoublés » : premiers résultats », document de travail n° 2019-E01, janvier 2019.

([6]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, « Évaluation de l’impact de la réduction de la taille des classes de CP et de CE1 en REP+ sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants », document de travail n° 2021-E04, septembre 2021.

([7]) Cf. par exemple École normale supérieure de Lyon, « Plus de maîtres que de classes : la mise en œuvre dans le département du Rhône », évaluation réalisée pour le compte de la DEPP, novembre 2015.

([8]) Institut des politiques publiques, « Évaluation des programmes de réussite éducative », rapport IPP-n° 13, mars 2016.

([9]) Direction générale de l’enseignement scolaire, « Tout savoir sur ‘Devoirs faits’. Vademecum à destination des principaux de collèges », août 2017, page 4.

([10]) Chiffre avancé par le secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale.

([11]) Teresa Assude, Karine Millon-Faure, Claire Guille-Biel Winder et Julie Gobert, « Effets déclarés par les acteurs à propos du dispositif ‘devoirs faits’ dans un collège », Éducation et socialisation, 60 | 2021, mis en ligne le 30 juin 2021, consulté le 5 octobre 2021

([12]) Inspection générale de l’éducation nationale, Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, « Devoirs faits », note n° 2019-055, juillet 2019.

([13]) Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, « Mission de suivi et d’observation de la mise en œuvre des réformes en cours ‘Devoirs faits’ », note d’étape n° 2020-118, août 2020.

([14])  État B annexé à l’article 28 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([15]) D’après les chiffres de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) et de l’Office de justification de la diffusion (OJD).

([16]) Circulaire 2003-008 du 23 janvier 2003.

([17]) Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, « Analyse des protocoles de suivi et d’évaluation des « cités éducatives » », février 2021.