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N° 4597

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022,

 

 

TOME III

 

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

 

 

Par Mme Céline CALVEZ,

 

Députée.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  4482, 4524 (annexe n° 29).


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

premiÈre partie : les crÉdits de la mission « mÉdias, livre et industries culturelles », la poursuite de l’effort financier de l’État en faveur des industries crÉatives et culturelles

I. une année décisive pour la presse et les médias (programme 180)

A. la distribution de la presse au cœur des préoccupations des pouvoirs publics

1. Une réforme ambitieuse des aides au transport de la presse « abonnée »

2. France Messagerie : l’intervention salutaire de l’État

3. La confirmation du soutien aux diffuseurs de presse

B. l’afp : vers un redressement durable de sa situation financière

C. un soutien affirmé de l’État aux éditeurs de presse

II. livre et industries culturelles : un budget de retour à la normale (programme 334)

A. des transferts de crédits qui reflètent la création d’un nouveau régulateur

B. un effort accru dans le domaine du livre

1. Le droit de prêt en bibliothèque compensé à sa juste valeur

2. La hausse de la dotation de la Bibliothèque nationale de France pour permettre l’aboutissement de ses projets immobiliers

3. L’augmentation significative des crédits de la Bibliothèque publique d’information dans la perspective des travaux du Centre Pompidou

4. Des moyens renforcés pour le Centre national du livre

C. CNC : un retour à la normale budgétaire après deux années de crise sanitaire

1. Le CNC, opérateur du soutien financier exceptionnel de l’État à la filière audiovisuelle et cinématographique

2. Une prévision budgétaire pour 2022 fondée sur la sortie de crise

D. UN SOUTIEN RENFORCé AU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE pour parachever SA MONTÉE EN PUISSANCE

seconde partie : les crédits du compte de concours financiers « avances à l’audiovisuel public » cohérents avec la trajectoire définie par les contrats d’objectifs et de moyens

I. des dotations qui s’inscrivent dans le respect des trajectoires baissières définies par les contrats d’objectifs et de moyens 2020-2022

A. un effort de 14,25 millions d’euros demandé à France télévisions

B. radio France : une diminution de 2,6 millions d’euros prévue en 2022

C. un financement maintenu au même niveau pour l’institut national de l’audiovisuel

D. Arte france : une diminution des crédits qui pourrait contraindre le financement allemand du GEIE

E. France médias monde : une quasi-stabilité des crédits qui nécessitera d’importants efforts en gestion

F. la quasi-stabilité des crédits de tv5 monde

II. Contribution à l’audiovisuel public : l’urgence de sa réforme

A. Des comparaisons européennes inspirantes

B. la nécessité d’un débat public et d’une décision politique rapide sur la réforme de la cap

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

annexe : Liste des personnes entendues par la rapporteure


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   avant-propos

Le présent projet de loi de finances, tant en ce qui concerne la mission « Médias, livre et industries culturelles » que le compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », marque un retour à la normale budgétaire, après plusieurs lois de finances adoptées en réponse à la crise sanitaire, mais aussi l’aboutissement des ambitions de la politique menée en matière d’industries culturelles par le Gouvernement et la majorité parlementaire au cours des cinq dernières années.

En effet, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » connaissent cette année une évolution de périmètre et une hausse de plus de 10 % ; cependant, cette hausse n’est pas due qu’à une évolution de périmètre, mais aussi à une hausse des crédits de 2,5 % à périmètre constant, qui traduit notamment l’aboutissement de plusieurs réformes majeures intervenues dans le domaine des médias et des industries culturelles : la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein d’une nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), issue du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique récemment adopté ; la réforme des aides à la distribution de la presse avec l’instauration d’une aide à l’exemplaire posté et porté, à la suite des préconisations formulées par M. Emmanuel Giannesini, et la participation des pouvoirs publics à France Messagerie ; la montée en charge du Centre national de la musique, né de la proposition de loi de notre collègue Pascal Bois.

De la même façon, en ce qui concerne l’audiovisuel public, le compte de concours financiers marque l’achèvement et le respect de la trajectoire déterminée par le Gouvernement en juillet 2018, qui a porté ses fruits en matière d’exemplarité de la gestion des deniers publics et de prévisibilité pluriannuelle sans obérer, jusqu’à présent, le développement des chaînes de l’audiovisuel public. L’audiovisuel public sort, à bien des égards, renforcé de cette période de contrainte budgétaire, doublée de crise sanitaire. Des synergies se sont développées, tant en matière de projets – Okoo, Lumni, Culture Prime et Franceinfo sont entrés dans les mœurs des Français, tandis que des nouvelles offres et de nouveaux formats ont pu voir le jour – que de gestion, chaque entité ayant pu développer une spécificité qui enrichit l’ensemble qu’elles forment – France Médias Monde sur la cybersécurité, l’INA sur la formation, etc. Les audiences de la plupart des chaînes n’ont jamais été aussi élevées, et le public place une confiance inédite dans l’audiovisuel public et l’information qu’il produit.

Pour autant, d’importantes réformes restent à mener dans les domaines couverts par le présent avis. Dans le domaine de la presse, si un plan de filière ambitieux a été décidé par les pouvoirs publics, la nécessaire refonte des aides à la presse qui devrait l’accompagner pour lui permettre de déployer tous ses effets n’a pas eu lieu. De la même façon, la réforme de la contribution à l’audiovisuel public doit impérativement s’engager à brève échéance pour répondre au besoin de prévisibilité souligné par ses bénéficiaires.

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 88 % des réponses était parvenu à la rapporteure pour avis.


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   premiÈre partie : les crÉdits de la mission « mÉdias, livre et industries culturelles », la poursuite de l’effort financier de l’État en faveur des industries crÉatives et culturelles

Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » en bref

La mission « Médias, livre et industries culturelles » comprend deux programmes : le programme 180 (Presse et médias) et le programme 334 (Livre et industries culturelles). Compte tenu de plusieurs mesures de transfert, ses crédits de paiement s’établiront à 675,19 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 11,73 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, et ses autorisations d’engagement à 698,22 millions d’euros, en hausse de 12,06 % par rapport à 2021. À périmètre constant, les crédits de la mission connaissent tout de même une hausse de 2,5 %.

Le programme 180 constitue le support, en premier lieu, des relations financières de l’État avec l’Agence France Presse, dont la subvention s’établit, comme en loi de finances initiale pour 2021, à 134,98 millions d’euros.

Ce programme porte également les crédits relatifs aux aides à la presse, qui s’établissent, pour 2022, à 179,19 millions d’euros, contre 116,89 millions d’euros prévus dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2021, cette hausse étant imputable au transfert partiel des crédits permettant la compensation des missions de transport de la presse de La Poste.

Au delà de la presse, le programme n° 180 comporte plusieurs actions en faveur de médias locaux ou de proximité :

– Le soutien aux médias de proximité, citoyens et participatifs, dont les crédits sont reconduits en 2022 à hauteur de 1,83 million d’euros : l’augmentation de 0,25 million d’euros actée en 2021 est donc confirmée ;

– Le soutien, via le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, aux radios associatives locales qui accomplissent une mission de communication sociale de proximité et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires : il est cette année en hausse de 1,1 million d’euros – après une hausse de 1,25 million d’euros en 2021, et s’établit ainsi à 33,10 millions d’euros, afin de maintenir l’effort financier de l’État dans un contexte de développement du DAB+ et de l’augmentation du nombre de radios de la bande FM éligibles au FSER ;

– La compagnie internationale de radio et télévision (CIRT), qui possède une partie de la radio Médi1 qui diffuse au Maghreb des programmes francophones et arabophones, est en 2020 la deuxième station d’information généraliste au Maroc en audiences cumulées : sa subvention, reconduite à hauteur de 1,67 million d’euros, permet de couvrir les coûts salariaux des 18 journalistes français qui y travaillent. La rapporteure avait dans ses avis précédents souligné le besoin de renforcer la clarté de la mission et de la valeur ajoutée de cette dépense.

Au total, 350,76 millions d’euros sont prévus au titre du programme 180 pour 2022, en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, soit une quasi‑stabilité si l’on neutralise l’effet de la réforme de l’aide au portage de la presse (cf. infra).

Le programme 334, relatif au livre et aux industries culturelles, retrace les crédits alloués aux opérateurs du livre – Centre national du livre (CNL), Bibliothèque nationale de France (BNF), Bibliothèque publique d’information (BPI) –, du cinéma et de la musique, avec le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) et le Centre national de la musique (CNM), ainsi que les actions du ministère dans ces différents domaines.

La politique publique de soutien à la filière du livre et de développement de la lecture se verra allouer, en 2022, 319,76 millions d’euros en autorisations d’engagement et 296,73 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse respective de 14,08 et 9,85 millions d’euros. Cette augmentation notable est essentiellement due à la poursuite des projets immobiliers de la BNF et de la BPI. Dans le cadre de la lecture comme grande cause nationale, comme annoncée par le Président de la République en mai 2021, le CNL voit également ses moyens augmentés, à périmètre constant, de 1,7 million d’euros, tandis que 2 millions d’euros sont prévus pour participer à la création d’une Maison européenne du dessin de presse satirique.

Les crédits affectés aux industries culturelles, à périmètre courant, diminuent en 2022. Alors que 30,05 millions d’euros avaient été alloués à l’action 2 du programme 334 en loi de finances initiale pour 2021, les crédits ne seraient plus que de 27,70 millions d’euros en 2022. Cette diminution n’est toutefois qu’apparente, puisqu’elle est liée au transfert de 8,3 millions d’euros jusqu’alors alloués à la HADOPI vers le programme 308 « Protection des droits et libertés », qui accueillera les crédits de la future Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). En réalité, une mesure nouvelle de 5 millions d’euros en faveur du CNM est prévue.

Par ailleurs, concernant les investissements dans les industries culturelles, outre l’existence de crédits d’impôts, il faut souligner la place des industries culturelles et créatives dans le PIA4 – 400 millions d’euros – et le programme France 2030
– 600 millions d’euros –, ce dernier fera l’objet d’amendements au cours de la discussion 2e partie du projet de loi de Finances 2022.

I.   une année décisive pour la presse et les médias (programme 180)

L’année 2022 constitue, pour le secteur de la presse, une année charnière. La poursuite du déploiement du plan Filière Presse, doté de 483 millions d’euros sur la période 2020-2022, comme la réforme ambitieuse des aides à la distribution de la presse, la création d’un crédit d’impôt pour le premier abonnement, mais aussi l’assouplissement des conditions d’attribution de certaines aides et la pérennisation des aides au pluralisme créées l’an dernier, marquent le soutien affirmé de l’État à l’ensemble de la filière.

Autre tournant, la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse constituera assurément à terme, pour les éditeurs français, une source de revenus indispensable, à même de leur permettre d’envisager une transition numérique soutenable, si tant est que sa lettre finisse par être respectée par les débiteurs de ce nouveau droit que sont les services de moteur de recherche, de référencement ou encore de partage de contenus, qui reprennent des publications de presse.

A.   la distribution de la presse au cœur des préoccupations des pouvoirs publics

1.   Une réforme ambitieuse des aides au transport de la presse « abonnée »

Le soutien à la distribution de la presse dite « abonnée » prenait jusqu’à aujourd’hui la forme de deux aides distinctes : d’une part, l’aide au portage, pour une enveloppe de 26,50 millions d’euros en 2021 ; d’autre part, la compensation par l’État de la mission de service public de transport de la presse par l’opérateur postal, qui s’élevait à 87,8 millions d’euros en 2021.

À la suite d’une mission sur la distribution postale de la presse, confiée à M. Emmanuel Giannesini, le Gouvernement a décidé de mettre en œuvre, en 2022, une importante réforme du soutien à la distribution de la presse « abonnée ». En effet, compte tenu de la baisse continue des volumes de presse transportés par l’opérateur postal, un changement de modèle était devenu nécessaire pour permettre à La Poste de continuer à assurer sa mission de distribution de la presse sans baisser la qualité de ce service, ni aggraver le déficit lié à cette activité.

Une seule grille tarifaire s’appliquera dorénavant à l’ensemble des familles de presse, au lieu de trois aujourd’hui : le tarif applicable aux quotidiens à faibles ressources publicitaires (QFRP), indexé sur l’inflation ; celui de la presse d’information politique et générale (IPG), indexé sur l’inflation majorée de 1 % par an ; le tarif dit « CPPAP » applicable aux autres familles de presse, indexé sur l’inflation majorée de 3 % par an. Les titres IPG et QFRP bénéficiaient ainsi d’un tarif deux fois inférieur, en moyenne, à celui des titres CPPAP. La nouvelle grille tarifaire se fondera sur le tarif « CPPAP » actualisé de la valeur de l’inflation majorée de 1 % sur la période 2022-2026, entraînant ainsi un renchérissement notable des tarifs applicables aux titres IPG et QFRP.

La réforme annoncée tend également à supprimer l’aide au portage au profit d’une aide à l’exemplaire réservée aux titres IPG, scindée en deux parties :

– d’une part, une aide à l’exemplaire posté, destinée à neutraliser l’abandon du tarif postal privilégié dont bénéficiaient ces titres jusqu’alors, à hauteur de 62,3 millions d’euros en 2022, transférés depuis le programme 134 de la mission « Économie » ; l’aide sera ensuite dégressive à compter de 2024 afin d’inciter les éditeurs à recourir au portage de leurs quotidiens et hebdomadaires ([1]) ;

– d’autre part, une aide à l’exemplaire porté, dotée d’une enveloppe de 23,50 millions d’euros, identique à celle prévue par la loi de finances initiale pour 2021 et conçue pour inciter plus encore au portage des titres.

L’aide au réseau de portage, qui constituait l’un des pans de l’aide au portage actuelle, est maintenue à hauteur de 3 millions d’euros en 2022. Par ailleurs, il convient de noter que 16,10 millions d’euros sont tout de même prévus par le programme 134 de la mission « Économie » pour compenser la mission de service public de transport de la presse de l’opérateur postal. Au total, l’aide au portage s’établit ainsi, tous programmes confondus, à 104,90 millions d’euros.

2.   France Messagerie : l’intervention salutaire de l’État

Dans le cadre du plan de reprise de Presstalis, l’État a décidé, en 2020, d’octroyer 68 millions d’euros de subvention à la coopérative des quotidiens qui avait proposé la reprise de l’entreprise, ainsi qu’un prêt de 12 millions d’euros, en plus de l’engagement de maintenir les aides dont bénéficiait l’entreprise au titre du programme 180 et du mécanisme de péréquation mis en œuvre par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Parallèlement, les éditeurs s’étaient engagés à verser à l’entreprise 47 millions d’euros, dont 27 millions au titre de leur contribution de 2,25 % décidée dans le cadre d’une précédente conciliation, et 20 millions d’euros de contributions exceptionnelles.

Aujourd’hui, grâce au soutien financier de l’État en 2020 et à la mise en œuvre du plan de reprise, la situation de l’entreprise semble largement assainie et ses résultats financiers en ligne avec ses prévisions. Pour autant, des défis de taille attendent encore France Messagerie, qui doit faire face à la diminution continue du nombre de points de vente partout sur le territoire et à l’attrition globale du marché de la presse.

Dans un tel contexte, l’engagement de l’État relatif au maintien de la subvention supplémentaire de 9 millions d’euros ainsi que du mécanisme de péréquation, actuellement en cours de réexamen par l’ARCEP, doit impérativement être tenu à moyen terme ; la rapporteure se félicite que ce soit bien le cas en 2022. En effet, pour une année encore, 9 millions d’euros soustraits depuis 2018 au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) abonderont l’aide à la modernisation de la distribution de la presse, qui s’établit en 2022 à 27 millions d’euros, un niveau identique à 2021.

3.   La confirmation du soutien aux diffuseurs de presse

Alors que le réseau des diffuseurs se restreint d’année en année – le nombre de points de vente a diminué de 25 % entre 2011 et 2020 – et que les marchands de presse disparaissent progressivement au profit des « points de vente complémentaires » des grandes surfaces alimentaires, la crise sanitaire a contribué à les affaiblir plus encore. Au delà des baisses de fréquentation liées aux différentes périodes de confinement, c’est aussi la crise de Presstalis et de ses filiales SAD et SOPROCOM qui a conduit le Gouvernement, en lien avec le Parlement, à proposer des mesures de soutien à destination des diffuseurs de presse au cours de l’année écoulée.

Plusieurs mouvements sociaux ont ainsi émaillé l’année 2020 dans les zones desservies par les sociétés SAD et SOPROCOM et quelque 10 000 diffuseurs des régions lyonnaise et marseillaise n’ont pas été approvisionnés pendant plusieurs semaines. Une enveloppe de 19 millions d’euros a ainsi été allouée aux diffuseurs les plus touchés par le redressement judiciaire de Presstalis par la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 3). Prolongé jusqu’au 30 juin 2021, le dispositif a bénéficié à 7 835 diffuseurs pour un montant total de 13,8 millions d’euros.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de relance, les aides dont bénéficient les diffuseurs de presse au titre de l’aide à la modernisation ont été doublées pour les années 2021 et 2022. Ainsi, en sus des crédits prévus par le programme 180, qui s’établissent à 6 millions d’euros, ce sont 6 millions d’euros supplémentaires qui abonderont à nouveau, cette année, l’aide à la modernisation des diffuseurs de presse, dont les dépenses éligibles ont par ailleurs été élargies afin d’accroître les efforts de modernisation déployés par le réseau (cf. tableau infra).

moyens prévus dans le cadre du plan de filière presse

Source : ministère de la Culture.

B.   l’afp : vers un redressement durable de sa situation financière

Alors que la situation de l’Agence France Presse était, à la fin de l’année 2018, extrêmement préoccupante ([2]) – l’entreprise avait accumulé 51 millions d’euros de dettes –, la mise en œuvre volontariste du plan de transformation présenté par son président-directeur général, M. Fabrice Fries, devrait permettre à l’agence d’atteindre, voire de dépasser, les objectifs fixés par son nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM).

En effet, bien que le déploiement du plan Image ait pâti de la crise sanitaire en 2020, du fait de la baisse des recettes liées à l’offre commerciale de l’AFP à destination des entreprises et des institutions – dite « corporate » –, la vidéo, identifiée par le COM 2019-2023 comme un levier de croissance incontournable, a poursuivi sa progression et l’entreprise a continué à gagner des parts de marché, en Allemagne et en Amérique latine notamment. L’activité « corporate » devrait cependant retrouver en 2021 un niveau équivalent à celui de 2019, si bien que l’entreprise devrait à nouveau connaître un résultat net positif en 2021.

Les résultats financiers de l’AFP sont notamment portés par la montée en puissance de l’investigation numérique, qui constituait également un axe majeur du plan de transformation de l’entreprise. Avec une centaine de journalistes couvrant 53 pays et travaillant dans 23 langues, l’AFP est le premier acteur mondial de la lutte contre la désinformation, en avance sur ses principaux concurrents que sont Reuters et Associated Press. L’AFP a également développé une nouvelle activité de distribution de communiqués de presse des institutions et des entreprises, qui devrait contribuer à consolider son assise financière. De la même façon, la perception de droits voisins pourrait constituer, à terme, un déterminant non négligeable de son résultat financier.

En parallèle, l’entreprise a poursuivi ses efforts tendant à la réduction de ses coûts. Le projet immobilier de l’agence visant à regrouper l’ensemble des effectifs parisiens sur le site de la Bourse – et ainsi à économiser le loyer de 2,5 millions d’euros du bâtiment qui était jusqu’ici occupé rue Vivienne – a abouti récemment, des retards et des surcoûts dans la conduite des travaux de désamiantage et de décloisonnement ayant pu être évités grâce à l’absence sur le site des salariés, placés en télétravail en raison de la crise sanitaire.

La crise sanitaire a également conduit à une baisse des frais exposés par l’agence pour couvrir de grands évènements internationaux, notamment sportifs, du fait de leur annulation. La réduction de la masse salariale se poursuit également, et 65 % de l’objectif de diminution de 14 millions d’euros fixé pour 2023 est déjà atteint. Le résultat net de l’agence pour l’année 2020 atteint ainsi un niveau historiquement haut.

Au final, grâce à plusieurs années de résultats nets positifs et à la renégociation de son prêt auprès de l’Agence des participations de l’État 
– permettant une économie substantielle sur les intérêts de la dette –, l’endettement de l’agence était ramené à 36,6 millions d’euros fin 2020 et un désendettement total pourrait même être envisagé dès 2027.

Compte tenu des missions d’intérêt général que remplit l’AFP, sa situation financière dégradée en 2018 a justifié un soutien accru de l’État. Ainsi, le coût résultant de la compensation de ces missions avait été porté à 124,9 millions d’euros en 2019, et 119,3 millions en 2020. Toutefois, le déploiement du plan de transformation ayant porté ses fruits, la compensation des missions d’intérêt général de l’AFP par l’État devrait être moins élevée en 2022. Ce sont ainsi 113,32 millions d’euros qui sont prévus pour 2022, auxquels il convient d’ajouter le paiement des abonnements commerciaux de l’État à hauteur de 21,66 millions d’euros. Au total, ce sont 134,98 millions d’euros qu’il est prévu de verser à l’AFP en 2022, comme en 2021.

C.   un soutien affirmé de l’État aux éditeurs de presse

Le projet de loi de finances pour 2022, qui s’inscrit dans le plan de soutien à la filière de la presse annoncée par le Président de la République en août 2020, doit permettre aux éditeurs de traverser la crise économique liée à la pandémie mais aussi, au delà, de trouver un nouveau modèle économique dans un univers de plus en plus concurrencé par des acteurs numériques, qui amoindrissent leurs ressources publicitaires et détournent leur lectorat. Comme en 2021, plusieurs mesures sont inscrites dans le projet de loi de finances pour 2022 pour le soutien des éditeurs de presse.

● En premier lieu, 60 millions d’euros sont prévus au titre du crédit d’impôt sur le premier abonnement à un journal, une publication périodique ou à un service de presse en ligne d’information politique et générale. Créé par la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 précitée et entré en vigueur, après accord de la Commission européenne, le 9 mai 2021, il permet de bénéficier, pour tout abonnement de douze mois minimum souscrit entre le 9 mai 2021 et le 31 décembre 2022, d’un crédit d’impôt sur le revenu égal à 30 % des dépenses engagées. Compte tenu de sa date d’entrée en vigueur tardive, la rapporteure estime souhaitable de reconduire pour une année encore ce dispositif fiscal de soutien au premier abonnement, qui mériterait une promotion plus intense de la part des éditeurs.

Il serait également souhaitable, si le dispositif est conservé, d’entamer une réflexion sur l’évolution de ses critères afin d’accroître son efficacité en tant que vecteur de croissance pour la presse : le ciblage du dispositif sur les contribuables qui en ont le plus besoin, par le biais d’un plafond de ressources, l’intensification du soutien à hauteur de 50 % des frais d’abonnement engagés par le contribuable et l’abandon du critère relatif à un engagement de douze mois, qui ne correspond qu’imparfaitement aux offres des éditeurs, sont autant de modifications à envisager à moyen terme, après avoir réalisé une première évaluation des effets du dispositif.

● En deuxième lieu, la reconduction de l’aide au pluralisme des services de presse en ligne, à hauteur de 4 millions d’euros, apparaît également indispensable pour ne pas laisser des acteurs privés comme les GAFA suppléer l’État dans ses missions de soutien à la presse d’information politique et générale. Le versement de cette aide adoptée en 2021, d’un montant identique, devrait débuter sous peu ; elle pourrait concerner une centaine de bénéficiaires issus de la presse en ligne. La rapporteure estime cependant souhaitable qu’à terme, une seule et même aide soutienne indifféremment le pluralisme, quelle que soit la nature, numérique ou papier, des titres en question.

● La pérennisation de l’aide aux titres ultramarins, dotée de 2 millions d’euros en 2022, apparaît également indispensable, tant les titres de presse concernés traversent une période extrêmement préoccupante qui pourrait mettre à mal l’exigence démocratique de pluralisme de la presse dans ces territoires.

Comme l’indiquaient nos collègues Mmes Géraldine Bannier et Virginie Duby‑Muller en avril dernier, dans le cadre de leur mission flash sur les aides à la presse régionale et locale, « les tensions que connaissent les titres régionaux et locaux dans l’Hexagone y sont vraisemblablement exacerbées et la situation des titres qui existent encore dans les territoires ultramarins est très problématique. De fait, ces titres apparaissent moins aidés que les titres métropolitains, alors même qu’ils connaissent des charges et des contraintes plus importantes, notamment en matière d’acheminement et de stockage des matières premières, dont le papier » ([3]). Ce constat, toujours valable, appelle pour la rapporteure à un renforcement conséquent de l’aide attribuée aux titres ultramarins.

● Pour le reste, la rapporteure ne peut que se féliciter de la reconduction pour un montant identique des autres aides au pluralisme et notamment de l’aide aux publications nationales à faibles ressources publicitaires (13,16 millions d’euros), de l’aide aux publications locales à faibles ressources de petites annonces (1,40 million d’euros) et de l’aide au pluralisme de la presse périodique régionale ou locale (1,47 million d’euros). Elle regrette cependant que cette reconduction ne s’accompagne pas davantage d’une refonte plus profonde de l’attribution et du suivi de ces aides.

● La rapporteure salue également la récente réforme du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).

En particulier, son ouverture plus grande aux projets bi-médias de la presse spécialisée, qui bénéficie désormais de règles d’attributions plus équitables, est bienvenue s’agissant de publications qui, sans être IPG, participent pleinement à la diffusion de la connaissance et du savoir. En effet, jusqu’alors, les projets soumis par les titres non-IPG qui portaient à la fois sur leur version papier et leur version numérique subissait une réfaction de 50 % de l’assiette à partir de laquelle l’aide était calculée. Cet abattement n’est plus que de 10 %, et la rapporteure estime souhaitable de pérenniser la nouvelle doctrine du ministère dans ce domaine.

Par ailleurs, la majoration des aides, la bonification de taux et la simplification d’accès permettront d’allouer rapidement et efficacement la dotation de 16,47 millions d’euros prévue pour l’année 2022 auxquels s’ajoutent le reliquat de 50 millions d’euros alloués au renforcement du fonds dans le cadre des mesures de relance (cf. supra).

Plus précisément, sont ainsi visés la bonification des taux pour les projets collectifs tournés vers les investissements verts et durables comme pour les titres ultramarins, de même que la simplification résultant de la hausse du plafond permettant une instruction simplifiée des dossiers.

● Enfin, si les crédits du Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP) sont reconduits à hauteur de 5 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, il convient de noter que ce fonds est également le support du Fonds pour la transition écologique dans la presse, créé dans le cadre du plan de relance et qui a fait l’objet, à l’été, d’un premier appel à projets.

Ainsi, comme en 2021, 8 millions d’euros supplémentaires seront alloués à des projets de recherche et développement issus des acteurs de la presse papier et en ligne, et destinés à réduire l’empreinte carbone de la filière. La rapporteure estime nécessaire que ce fonds puisse assurer le subventionnement de projets qui sont au cœur des préoccupations de la filière, comme la création de calculateurs carbone ou la recherche d’alternatives aux emballages plastiques, aux encres ou aux huiles minérales utilisées par la presse. Elle appelle également à évaluer la pertinence d’un abaissement du seuil de 150 000 euros de dépenses éligibles si les critères d’accès au fonds se révélaient trop stricts pour permettre une utilisation optimale de ces crédits.

II.   livre et industries culturelles : un budget de retour à la normale (programme 334)

Si le soutien de l’État au livre et à la musique est légèrement renforcé, les crédits alloués au programme 334 pour l’année 2022 traduisent avant tout, d’une part, une nouvelle architecture budgétaire en lien avec la création de l’ARCOM et, d’autre part, le retour à la normale du budget des principaux opérateurs.

A.   des transferts de crédits qui reflètent la création d’un nouveau régulateur

Au sein du programme 334 relatif au livre et aux industries culturelles, l’action 2, dédiées aux industries culturelles, accuse cette année une baisse de 7,81 % des crédits.

Cette évolution est toutefois imputable au transfert partiel des crédits de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), auparavant rattachés à ce programme, vers le programme 308 « Protection des droits et libertés » auquel sont jusqu’ici rattachés les crédits du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA), et demain de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). En effet, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, actuellement soumis à l’examen du Conseil constitutionnel, prévoit la fusion du CSA et de la HADOPI au sein de cette nouvelle autorité.

En 2021, la HADOPI était dotée de 8,65 millions d’euros issus du programme 334, qui constituaient l’intégralité de son budget ([4]), tandis que le CSA disposait lui de 37,48 millions d’euros versés depuis le programme 308. Pour 2022, ce sont 8,3 millions d’euros – qui correspondent peu ou prou au niveau de subvention exécuté entre 2017 et 2020 – qui seront transférés du programme 334 vers le programme 308, qui accueillera les crédits de la nouvelle ARCOM, auxquels il convient d’ajouter une mesure nouvelle de 0,9 million d’euros visant à financer les missions récemment attribuées au CSA en matière de régulation des plateformes en ligne (+ 0,5 million d’euros) et à tirer les conséquences de l’adjonction de deux nouveaux membres au collège de l’Autorité (+ 0,4 million d’euros).

Au total, l’ARCOM sera donc dotée de 46,60 millions d’euros pour 2022, dotation qui doit permettre de couvrir le financement des missions récemment confiées à la HADOPI par l’ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique ([5]), celles attribuées au CSA au cours des dernières années ([6]) ainsi que celles confiées à l’ARCOM par le projet de loi précité.

En effet, ces évolutions exigent, d’une part, des crédits visant à rémunérer des ETP supplémentaires – une dizaine d’ETP supplémentaires pour les missions de lutte contre le piratage, sans qu’il soit besoin de rehausser le plafond d’emploi de la HADOPI, et un certain nombre également pour alimenter la nouvelle direction des plateformes du CSA – mais également des investissements informatiques concernant l’ensemble du champ de la régulation, relativement lourds dans le domaine de la lutte contre le piratage des évènements sportifs.

Il convient de noter que les coûts directs liés à la fusion – refonte du site internet, nouvelle charte graphique, adaptation des systèmes d’information, etc. – de 1,5 million d’euros, sont financés cette année par les fonds de roulement respectifs des deux entités appelées à fusionner.

Cette fusion, si elle doit améliorer l’efficacité de la politique publique dans le domaine de la protection des œuvres et des publics, n’a pas réellement vocation à générer d’économies majeures ([7]). En effet, la HADOPI ayant été relativement sous‑administrée jusqu’alors, l’ensemble de ses personnels ont vocation à rejoindre la nouvelle autorité, très peu de doublons entre les deux entités ayant été constatés, même s’il n’est pas exclu qu’à l’avenir, des redéploiements d’effectifs puissent s’opérer en cas de besoin. Au total, 65 ETP s’ajouteront donc au 290 ETP du CSA, pour un plafond d’emploi total porté à 355 ETP en 2022.

B.   un effort accru dans le domaine du livre

L’action 1 du programme 334, qui porte les crédits de la politique publique du livre et de la lecture, connaît cette année une hausse de 4,6 % des autorisations d’engagement et de 3,4 % des crédits de paiements. Ce sont ainsi 319,76 millions d’euros en autorisations d’engagement et 296,73 millions d’euros en crédits de paiement qui seront consacrés, en 2022, au soutien de la filière du livre et au développement de la lecture.

1.   Le droit de prêt en bibliothèque compensé à sa juste valeur

Le droit de prêt en bibliothèque, issu de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, permet à l’État, sur la base d’un forfait par lecteur inscrit, et aux bibliothèques, dont les fournisseurs reversent pour leur compte 6 % du prix des livres qu’elles achètent, de rémunérer les auteurs et les éditeurs pour le prêt de leurs livres en bibliothèques.

Cette rémunération est ensuite répartie par la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA), à parité entre les auteurs et les éditeurs, sur la base des exemplaires achetés par les bibliothèques. Elle permet également de financer un régime de retraite complémentaire au profit des écrivains, traducteurs et illustrateurs de livres.

En 2020, les ministères chargés de la culture et de l’enseignement supérieur ont versé 10,91 millions d’euros à la SOFIA ; la contribution des fournisseurs est en légère baisse, du fait de la diminution des budgets d’acquisition des bibliothèques, et s’établit à 6,38 millions d’euros en 2020. Ces droits, qui concernent 376 626 titres différents et représentent 5,8 millions d’exemplaires achetés par les bibliothèques, ont été répartis à 66 720 auteurs et 2 615 éditeurs.

Alors que la dotation du ministère de la culture n’était que de 9,4 millions d’euros en 2021, elle s’établit, pour 2022, à 9,9 millions d’euros, ce qui permet de combler le déficit que cette compensation accuse depuis plusieurs années.

2.   La hausse de la dotation de la Bibliothèque nationale de France pour permettre l’aboutissement de ses projets immobiliers

La Bibliothèque nationale de France (BNF) bénéficiera, en 2022, de 219,64 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 223,64 millions d’euros en crédits de paiement – soit une hausse de ces derniers de 7,15 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2021.

Cette évolution résulte des légers retards pris dans les derniers travaux de rénovation du Quadrilatère Richelieu. Ce projet porté par les ministères de la culture et de l’enseignement supérieur, dont le coût total est estimé à 247,6 millions d’euros, est en cours d’achèvement. Toutefois, pour financer les besoins complémentaires liés au parachèvement des travaux, la dotation en fonds propres de la BNF a été reconduite pour 2022, à hauteur de 27,68 millions d’euros, auxquels 4 millions d’euros ont été ajoutés afin de financer le futur Centre de conservation de la BNF.

En effet, 30 millions d’euros en autorisations d’engagement avaient été votés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 afin d’assurer le financement du projet de stockage en région de la BNF, rendu nécessaire par la saturation de ses capacités de stockage actuelles à horizon 2025. La BNF a lancé, en juin 2020, un appel à manifestation d’intérêt (AMI) auprès des collectivités pour l’accueil de ce nouveau pôle, qui regrouperait un conservatoire national de la presse et le nouveau centre de conservation des collections de la BNF. Le ministère de la culture financerait environ un tiers du coût du projet, le reste étant porté par la BNF elle-même et par la collectivité retenue. La rapporteure se réjouit de la participation de nombreuses collectivités à cet AMI, qui préfigure un financement à la hauteur des enjeux.

La subvention pour charges de service public de la BNF augmente également de 2 millions d’euros pour répondre à la hausse mécanique de ses dépenses de personnel et supporter une partie des coûts liés à la réouverture du site Richelieu, auxquels il convient d’ajouter deux transferts, pour 1,16 million d’euros, au titre d’une mesure de rattrapage indemnitaire et de la protection sociale complémentaire.

3.   L’augmentation significative des crédits de la Bibliothèque publique d’information dans la perspective des travaux du Centre Pompidou

La Bibliothèque publique d’information (BPI), située au sein du Centre national d’art et de culture – George Pompidou (CNAC-GP), fait l’objet, depuis 2014, d’un important projet de rénovation qui doit lui permettre d’améliorer la qualité du service offert aux lecteurs et d’adapter ses locaux aux nouveaux usages de lecture et d’accès à la connaissance. La mise en œuvre du projet a débuté en 2017 et s’est poursuivi jusqu’à l’automne 2020, date à laquelle il a été décidé de surseoir au projet compte tenu de l’annonce de la rénovation du CNAC‑GP lui-même.

En effet, afin de coordonner au mieux les deux chantiers – évitant ainsi à la BPI une double période de fermeture –, il a été décidé de reporter les travaux structurels de la BPI de sorte qu’ils aient lieu simultanément avec ceux du CNAC-GP, en site fermé donc. Pendant cette période, la BPI sera provisoirement relogée au centre de Paris. Seuls quelques travaux urgents seront donc effectués à la fin de l’année 2021 et au début de l’année 2022, sans fermeture de l’établissement, pour améliorer immédiatement l’accueil des publics sans dépendre du calendrier des travaux du CNAC-GP, ce que la rapporteure estime souhaitable compte tenu des incertitudes qui peuvent peser sur ces derniers.

Ainsi, si la subvention pour charges de service public de la BPI est quasi stable en 2022 par rapport à 2021 – elle s’établit à 6,90 millions d’euros –, sa dotation en fonds propres est largement augmentée – 35,53 millions d’euros de plus en autorisations d’engagement et 5,33 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement –, principalement pour assurer le financement du relogement temporaire de ses activités pendant la durée des travaux du CNAC‑GP, prévus pour trois ans au minimum. Au total, 42,80 millions d’euros en autorisations d’engagement et 15,78 millions d’euros en crédits de paiement doivent financer l’activité de la BPI en 2022.

4.   Des moyens renforcés pour le Centre national du livre

Le Centre national du livre, comme les autres opérateurs du domaine culturel, a montré tout son intérêt au cours de la crise sanitaire. Il a en effet permis d’allouer efficacement 34 millions d’euros supplémentaires en 2020, dans le cadre de la LFR 3, aux maisons d’édition et aux librairies les plus en difficulté. En 2021, le plan de relance a conduit le CNL à porter ses interventions à 31,65 millions d’euros.

Détail des mesures d’urgence et de relance prises par le CNL en 2020 et 2021

Le CNL a adopté, en avril 2020, un plan d’urgence pour la filière, doté de 5 millions d’euros. Il a permis de créer une aide exceptionnelle aux auteurs, un fonds d’intervention pour les librairies, une subvention aux librairies francophones à l’étranger, un fonds d’intervention en faveur des maisons d’édition ainsi qu’une aide exceptionnelle pour les maisons d’édition indépendantes les plus fragiles.

Il a ensuite décidé, en juillet 2020, d’un plan de relance permettant de prolonger le fonds d’urgence aux auteurs et de créer un fonds de soutien exceptionnel aux librairies françaises de 25 millions d’euros visant à compenser leurs charges fixes pendant les deux mois de confinement. En septembre 2020, le second volet de ce plan de relance a conduit à la création d’une nouvelle subvention de 4,2 millions d’euros aux maisons d’édition et de 0,5 million d’euros aux librairies francophones à l’étranger.

Ce plan de relance a été prolongé en juin 2021 par la création d’une nouvelle aide économique exceptionnelle de soutien aux maisons d’édition indépendantes, doté d’un million d’euros, et en juillet 2021 par la réactivation du fonds d’aide d’urgence aux auteurs de l’écrit, à hauteur d’un million d’euros.

Depuis la loi de finances initiale pour 2019, le Centre national du livre bénéficie d’une subvention pour charges de service public et d’une dotation en fonds propres en lieu et place de deux taxes affectées aux rendements erratiques. Pour 2022, le CNL voit ses crédits de fonctionnement augmentés de 2,7 millions d’euros pour s’établir à 27,39 millions d’euros.

Le renforcement des moyens de Centre est principalement lié au développement des manifestations des « Nuits de la lecture » et de « Partir en livre » – pour un million d’euros –, mais aussi aux crédits nécessaires à la généralisation des conventions territoriales avec les régions, à la participation de l’établissement à la rémunération des auteurs qui participent à des festivals de bande dessinée et à un ajustement de la masse salariale permettant de financer les évolutions tendancielles de cette dernière. Il convient de noter qu’une partie de cette hausse est également imputable au transfert d’emplois et de la masse salariale correspondante du programme 224 dédié au soutien aux politiques culturelles vers le CNL, pour 0,97 million d’euros.

C.   CNC : un retour à la normale budgétaire après deux années de crise sanitaire

1.   Le CNC, opérateur du soutien financier exceptionnel de l’État à la filière audiovisuelle et cinématographique

La filière cinématographique et audiovisuelle a particulièrement souffert de la crise sanitaire, notamment du fait de la fermeture des salles de cinéma pendant 300 jours depuis le premier confinement, en mars 2020, la santé de la « salle » conditionnant la vitalité de l’ensemble des industries amont et aval. Au total, d’après les données transmises à la rapporteure, la filière cinématographique aurait perdu 33 % de son chiffre d’affaires pour la seule année 2020.

Dès le printemps 2020, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a donc adopté un plan de continuité d’activité pour permettre aux acteurs, grâce à la mobilisation de son fonds de soutien, de faire face au premier confinement, et ce alors même que les recettes de l’établissement étaient fortement amoindries en raison de la crise sanitaire. La baisse du rendement de deux de ses taxes affectées, la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA) et la taxe sur les éditeurs de services de télévision (TST-E), du fait de la fermeture des salles et de la baisse des ressources publicitaires des éditeurs, n’a été que très partiellement compensée par la hausse du produit de la taxe sur les distributeurs (TST-D), sous l’effet de la politique de contrôle des opérateurs télécoms déployée par le CNC depuis 2017, et de la taxe sur la diffusion de vidéo (TSV), largement tirée par la montée en puissance de la vidéo à la demande par abonnement en période de confinement. Au total, en 2020, le CNC a vu le produit des taxes diminuer de 104 millions d’euros par rapport au budget initial pour 2020, pour s’établir à 577 millions d’euros.

Surtout, le CNC a été le principal vecteur du soutien de l’État à la filière audiovisuelle et cinématographique, puisqu’il a assuré, dès mai 2020, la distribution des différentes aides exceptionnelles, d’urgence et de relance, adoptées par le Parlement.

Un fonds de garantie doté de 50 millions d’euros, destiné à assurer la reprise des tournages, a d’abord été voté en mai 2020, dans le cadre de la loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 précitée (LFR 3). Puis, un plan de relance de 116,5 millions d’euros sur deux ans, visant à accompagner la reprise de la filière en relançant la production audiovisuelle et cinématographique, en accélérant la modernisation des industries techniques, en encourageant la sortie de films sur la période, en renforçant l’internationalisation de la filière et en favorisant la modernisation des salles, a été adopté par le CNC en octobre 2020. De nouveaux moyens ont ensuite été alloués au CNC pour lui permettre d’aider les salles à faire face aux mesures de couvre-feu imposées du 17 au 29 octobre 2020, de fermeture administrative à partir du 30 octobre 2020, puis de réouverture sous contrainte de jauge à partir du 18 mai 2021 – 137 millions d’euros au total.

Au total, sur les deux années écoulées, le CNC aura été amené à verser 332 millions d’euros au secteur, l’effort financier de l’État s’élevant en réalité à 402 millions d’euros si l’on tient compte de la compensation des pertes de recettes du CNC, et plus encore si l’on prend en compte les différentes mesures fiscales que les pouvoirs publics ont prises sur la période.

En effet, au delà du levier budgétaire, ce sont les crédits d’impôt qui sont venus au chevet du secteur, qu’il s’agisse du crédit d’impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique créé par la LFR 3 ([8]), qui a permis aux diffuseurs de maintenir leurs investissements dans la production audiovisuelle en 2021 en dépit de la baisse de l’assiette sur laquelle ces obligations étaient calculées, du rehaussement de 10 millions d’euros de l’enveloppe d’investissement des SOFICA, qui peuvent financer, depuis la loi de finances initiale pour 2021, les entreprises de distribution ou encore du renforcement par la même loi du taux de crédit d’impôt audiovisuel applicable aux œuvres documentaires ([9]).

 

 

 

détail des mesures de soutien exceptionnelles liées à la crise sanitaire

Source : Document stratégique de performance du CNC dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.

2.   Une prévision budgétaire pour 2022 fondée sur la sortie de crise

Dans la mesure où l’ensemble de ces fonds ont vocation à être versés avant la fin de l’année 2021, le budget du CNC pour 2022 devrait marquer un retour à la normale budgétaire, si la situation sanitaire ne connaît pas de nouvelle dégradation nécessitant une nouvelle intervention des pouvoirs publics. Ainsi, les taxes affectées au CNC pourraient retrouver un niveau semblable à celui qu’il connaissait avant la crise, notamment en ce qui concerne la TSA, si la fréquentation des salles dépasse à nouveau les 200 millions d’entrées par an ; son rendement serait alors de 146,5 millions en 2022.

S’agissant de la TST-E, la baisse de la taxe due par les entreprises de l’audiovisuel public, compte tenu de la diminution de la contribution à l’audiovisuel public qui doit leur être affectée en 2022 (cf. infra), pourrait être compensée par la progression du chiffre d’affaires de la publicité, du parrainage et de la télévision de rattrapage pour atteindre, selon les hypothèses du CNC, 253 millions en 2022. La TST-D, quant à elle, pourrait diminuer du fait de la concurrence nouvelle que représentent les services de vidéos à la demande par abonnement par rapport aux chaînes de télévision payante, notamment dans le domaine des programmes sportifs, pour s’établir à 207,8 millions d’euros.

La TSV, enfin, devrait encore augmenter en 2022 : si la maturation du marché de la vidéo à la demande par abonnement a été accélérée par la crise sanitaire – son chiffre d’affaires déclaré est d’un milliard d’euros en 2020, soit 50 % de plus qu’en 2019 –, une croissance de 5 % est encore envisagée pour 2022 ; par ailleurs, le marché de la vidéo physique comme celui de la vidéo transactionnelle pourrait éventuellement connaître un rebond en 2022, du fait de développement de l’offre de films liée à la réouverture des salles, avant de diminuer au cours des années suivantes. Au total, le produit de la TSV pourrait s’élever à 86,6 millions d’euros en 2022. Le rendement de la taxe pourrait être encore amélioré si une lutte plus ferme contre la fraude fiscale de certains acteurs  notamment les éditeurs de sites pornographiques, astreints à un taux supérieur – était engagée par la direction générale des finances publiques, chargée du recouvrement de cette taxe.

Au total, avec 693,8 millions d’euros issus des taxes affectées, auxquels s’ajoutent 51,1 millions d’euros de ressources annexes, le CNC sera en mesure de verser 702,8 millions d’euros d’aides au secteur, une fois un prélèvement de 42,4 millions d’euros opéré pour assurer son fonctionnement. Plusieurs priorités de court et moyen termes ont d’ores et déjà été dégagées par le CNC qui guideront notamment la revue générale des aides à laquelle l’établissement est en train de procéder et auxquelles la rapporteure ne peut qu’être sensible :

– d’une part, renforcer les capacités d’exportation des œuvres françaises : la fusion d’Unifrance et de TV France international, opérée en juin dernier et accompagnée de 3 millions d’euros issus du plan de relance, ne peut que renforcer le soutien à l’export des œuvres françaises ; par ailleurs, le rattachement au CNC de Film France, l’association qui assure la promotion des lieux de tournage et de la post-production française auprès des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, devrait constituer l’occasion de doter ce service de moyens à la hauteur des enjeux ;

– d’autre part, faire de la France l’un des plus grands pays de tournage et de production au monde, par des dispositifs fiscaux attractifs, des plateaux de tournage répondant aux standards internationaux et des ressources humaines particulièrement bien formées, aussi bien dans le domaine des industries techniques que de la création et de l’écriture, notamment collective ; dans cette perspective, le CNC a lancé un appel d’offres pour contribuer au financement de studios de tournage et d’infrastructures de production tournées vers l’international et le développement durable ; il a sélectionné, en juillet dernier, 20 projets qui bénéficieront de 10 millions d’euros issus du plan de relance.

Les récentes annonces du Président de la République tendant à la création, à Marseille, de grands studios de la Méditerranée capables, par leurs dimensions et leurs ressources associées, d’attirer des tournages internationaux, ainsi que, plus largement, la présentation de 300 millions d’euros d’investissements dans les studios en France (cf. France 2030), vont également dans le sens de l’internationalisation des structures de production françaises. De fait, la réforme de la régulation, marquée par l’intégration d’acteurs internationaux tels que Netflix ou Amazon à la fiscalité affectée et, plus récemment, leur soumission aux obligations d’investissement dans la production, notamment francophone et indépendante, offrent des perspectives extrêmement positives au secteur de la production audiovisuelle et cinématographique française, qui doivent être impérativement accompagnées des réformes structurelles adéquates pour atteindre leur but : faire vivre l’exception culturelle française et faire rayonner sa création et ses créateurs.

D.   UN SOUTIEN RENFORCé AU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE pour parachever SA MONTÉE EN PUISSANCE

Créé par la loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique (CNM), le CNM a vocation à réunir en une structure unique les différents acteurs qui œuvraient jusqu’alors pour le soutien de la filière musicale. Cette « maison commune de la musique » réunit ainsi en son sein, depuis le 1er novembre 2020, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), le club action des labels et disquaires indépendants (CALIF), le centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA), le fonds pour la création musicale et le Bureau export de la musique.

Les recettes du CNM, jusqu’alors principalement assises sur le produit de la taxe sur les spectacles, ont été profondément affectées par la crise sanitaire, qui a conduit le Gouvernement, en loi de finances initiale pour 2021, à suspendre le paiement de cette taxe due par les organisateurs de spectacles de variétés et de musiques actuelles à compter du 17 mars 2020. L’exonération, qui courrait jusqu’au 30 juin 2021, devrait être prolongée jusqu’au 31 décembre 2021, comme l’a annoncé la ministre de la Culture en septembre dernier.

Surtout, dès les premiers mois de son existence, le CNM a été amené à mettre en place des politiques de soutien d’urgence à la filière musicale et de relance, en dépit d’un dimensionnement qui était sans rapport avec ces besoins inédits. De fait, alors que son budget de fonctionnement devait être d’environ 55 millions d’euros – dont 35 millions d’euros issus du produit de la TSV –, le CNM a été conduit, sur la période, à gérer plusieurs dispositifs d’aides exceptionnelles : 152 millions d’euros en 2020, issus des lois de finances rectificatives du 30 juillet et du 30 novembre 2020, puis 200 millions d’euros issus du plan de relance pour 2021 et 2022, dont 35 millions d’euros prévus pour 2022.

Au total, le CNM a joué à plein son rôle d’amortisseur de la crise sanitaire auprès de la filière musicale, durement touchée par cette dernière, sans pour autant renoncer à ses missions annexes, comme en témoigne la réalisation de diverses études en 2021 – portant notamment sur l’évaluation d’un changement éventuel de mode de rémunération par les plateformes de streaming ([10]) – menées conformément à sa mission d’observation de la filière confiée par la loi du 30 octobre 2019 précitée. Le Centre a ainsi démontré sa capacité à agir de façon rapide et souple, en concertation permanente avec les acteurs de la filière.

L’année 2022 sera donc une année de transition pour le CNM, dont le budget devra progressivement revenir au niveau qui avait été envisagé lors de sa création, une fois les effets de la crise estompés. Pour maintenir l’engagement pris par l’État en 2019, la subvention pour charges de service public du CNM s’établira à 26,81 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de 11,02 millions d’euros par rapport à 2021, correspondant, d’une part, au redéploiement interne au programme de 5,18 millions d’euros jusqu’alors alloués au Bureau export, au FCM et au CALIF et de l’aide à l’innovation et à la transition numérique et, d’autre part, à une mesure nouvelle de 5 millions d’euros destinée à maintenir l’accompagnement du secteur dans la phase de redémarrage de son activité. L’établissement bénéficiera également du transfert depuis le programme 131 des crédits de l’IRMA, pour 0,83 million d’euros.

Il convient d’ajouter à cette dotation 15 millions d’euros issus de la taxe sur les spectacles ([11]) – soit un niveau bien inférieur aux 42,5 millions d’euros qui étaient prévus, en 2019, pour 2020 –, ainsi qu’une contribution des organismes de gestion collective (OGC), conformément à l’article 5 de la loi du 30 octobre 2019 précitée. Les OGC peuvent en effet verser au CNM une partie des sommes utilisées pour mener leurs actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant, au développement de l'éducation artistique et culturelle et de formation des artistes. Environ 6 à 7 millions d’euros sont ainsi attendus à ce titre.

Toutefois, tant les effets de la crise sanitaire sur le montant des droits collectés par les OGC que ceux de l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 8 septembre 2020 ([12]), conduisent aujourd’hui tous les OGC à remettre en cause le montant ou le calendrier de versement de la participation financière attendue. Au delà de l’aspect financier, qui n’est pas négligeable, la rapporteure estime que cette contribution est symboliquement importante compte tenu de leur participation au conseil d’administration ou au conseil professionnel du CNM, qui constitue une partie de l’ADN de l’institution. Dès lors, il serait souhaitable d’acter, dès que possible, un niveau de contribution attendue pour chaque OGC participant au CNM.

Au delà, il serait probablement souhaitable, pour asseoir le CNM, de faire évoluer le financement de son action à destination de la musique enregistrée, qui repose essentiellement sur des crédits budgétaires, tandis que le spectacle vivant est financé par le biais d’une taxe affectée. Aussi la rapporteure estime‑t‑elle souhaitable qu’une réflexion s’engage rapidement sur la possibilité d’instaurer une contribution sur les abonnements à des plateformes de streaming musical, en parallèle d’une réflexion sur la contribution prélevée sur l’achat d’appareils connectés, telle que le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) le préconise.

Du reste, la rapporteure estime que l’action du CNM à destination de la musique enregistrée pourrait se voir renforcée par la création d’un crédit d’impôt sur les dépenses d’édition musicale. Celui-ci permettrait d’aider les maisons d’édition à développer les projets de nouveaux talents, afin de soutenir la création, de préserver la diversité éditoriale et d’assurer la conquête de nouveaux marchés à l’international.

Par ailleurs, s’agissant du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique, la rapporteure salue les deux évolutions qui ont eu lieu à l’occasion des lois de finances pour 2020 et 2021. L’article 192 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 prévoit en effet que les microentreprises de production musicale peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour des albums d’expression étrangère dans la limite du nombre d’albums d’expression française ou régionale produits au cours du même exercice. Cet assouplissement du critère de francophonie apparaît tout à fait opportun pour assurer le développement de ces entreprises.

Par ailleurs, la rapporteure se félicite, comme l’ensemble des acteurs de la filière musicale, de l’augmentation des taux du crédit d’impôt – de 15 % à 20 % pour l’ensemble des bénéficiaires, et de 30 % à 40 % pour les micro, petites et moyennes entreprises du secteur – comme de sa prorogation jusqu’au 31 décembre 2024 par l’article 21 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021. Même s’il faut peut-être travailler à réduire l’effet de seuil résultant du passage de la catégorie de moyenne entreprise à celle d’entreprise de taille intermédiaire, cette évolution a eu un effet très positif sur la production phonographique et le redémarrage du secteur.

 

 


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   seconde partie : les crédits du compte de concours financiers « avances à l’audiovisuel public » cohérents avec la trajectoire définie par les contrats d’objectifs et de moyens

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une nouvelle diminution de la contribution à l’audiovisuel public affectée à ses acteurs, à hauteur de 0,5 %, conformément à la trajectoire définie par le Gouvernement en 2018, qui doit aboutir à la réalisation de 190 millions d’euros d’économies d’ici 2022. C’est la première fois, depuis longtemps, soulignons-le, qu’une trajectoire – certes baissière – est respectée. La prévisibilité pluriannuelle est possible et à renforcer.

On peut se féliciter que, durant cette période, les entreprises soient parvenues à maintenir la qualité de leurs programmes, à développer de nouveaux projets d’envergure – tels que Franceinfo, Culture Box et Culture Prime, Lumni et Okoo, ENTR et Infomigrants, Madelen, TV5Mondeplus, etc. –, souvent en synergie, à améliorer leur distribution, notamment numérique, pour toucher un public plus large et plus jeune et à atteindre des records d’audience par rapport à leurs concurrents du secteur privé, tout en réalisant d’indispensables réformes structurelles.

Parallèlement, le service public de l’audiovisuel a été confronté à plusieurs évolutions qui pourrait à terme fragiliser son développement : la multiplication des services de vidéos à la demande qui fragmente les audiences et rend nécessaire une présence accrue sur l’ensemble des canaux de diffusion, notamment numériques ; le renchérissement des coûts de production et d’acquisition des programmes, notamment sportifs, mais aussi de fiction – afin de se différencier par des contenus dits « premium » – et d’information, du fait de l’indispensable investissement dans la lutte contre les fausses informations ; la consolidation des concurrents privés, mouvement que l’on observe aussi bien au niveau européen ([13]) que français, avec le projet de fusion de TF1 et M6.

Ainsi, la rapporteure souhaite souligner que les évolutions que connaît le monde audiovisuel rendent d’autant plus urgente la réforme de la contribution à l’audiovisuel public. Le manque de visibilité des sociétés d’audiovisuel public sur leurs ressources empêche la prise de décisions sur des investissements nouveaux voire contraint fortement le maintien d’investissements en cours. Au delà du montant du financement, c’est au caractère crucial de prévisibilité que les pouvoirs publics doivent s’atteler pour établir des perspectives pluriannuelles dès l’exercice 2023.

I.   des dotations qui s’inscrivent dans le respect des trajectoires baissières définies par les contrats d’objectifs et de moyens 2020-2022

Conformément à la trajectoire d’économies arrêtée par le Gouvernement en 2018 et aux trajectoires définies par les contrats d’objectifs et de moyens signés au printemps 2021 avec les entreprises et établissement de l’audiovisuel public, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une diminution de la contribution à l’audiovisuel public de 17,3 millions d’euros hors taxes par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, soit une baisse de 0,5 % des ressources publiques allouées à l’audiovisuel public. Seules les dotations de l’INA et de TV5 Monde connaissent une certaine stabilité par rapport à 2021.

A.   un effort de 14,25 millions d’euros demandé à France télévisions

Conformément au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions et à la trajectoire arrêtée en 2018, France Télévisions se verra allouer en 2022 une part de contribution à l’audiovisuel public de 2 406,80 millions d’euros, soit une baisse de 14,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

Les concours publics dont bénéficiera France Télévisions en 2022 collent à la trajectoire baissière prévue par le Gouvernement, après une année 2021 marquée par l’attribution de 45 millions d’euros au titre du plan de relance, qui a permis à France Télévisions de limiter l’impact de la crise sur ses comptes et d’éviter une diminution de ses dépenses de programmes et d’investissement dans la création, qui ont pu dès lors jouer un rôle contra-cyclique majeur auprès de l’ensemble de la filière amont – auteurs, producteurs, réalisateurs, interprètes, etc.

Si cette diminution peut apparaître faible en valeur relative (‑ 0,59 %), elle n’en demeure pas moins sensible compte tenu des missions de la chaîne, largement renforcées par le COM dans le domaine de la culture, de la jeunesse, de la création et de l’information. France Télévisions a été amenée à endosser un rôle de véritable « passeur culturel » pendant la crise sanitaire, qui s’est ensuite pérennisé par le biais du maintien de Culture Box en soirée sur le canal occupé par France 4.

Par ailleurs, le maintien de l’offre dédiée à la jeunesse constitue nécessairement un coût qui ne pouvait être anticipé en 2018, au moment de la définition de la trajectoire financière de l’entreprise, puisque la chaine était censée disparaître. De fait, le maintien de France 4, souhaité par France Télévisions, laquelle a été soutenue par les députés et sénateurs, a représenté, en 2020, un surcoût de 25 millions d’euros au titre de la grille supplémentaire, un coût technique de diffusion sur la TNT de 3,4 millions d’euros et un coût lié à la mesure de l’audience de 0,8 million d’euros. De la même façon, l’engagement pris dans le cadre du COM de maintenir à 500 millions d’euros les investissements de l’entreprise dans la création contraint les recherches d’économies mais il consacre alors pleinement le rôle de soutien à la création que représente France Télévisions.

Enfin, la nécessité de maintenir une information de qualité recueillant la confiance des Français, dans un contexte de développement massif de la manipulation de l’information, ne peut qu’être synonyme d’investissements supplémentaires, humains mais également technologiques. France Télévisions, avec sa cellule dédiée – « Les Révélateurs » –, a d’ailleurs dû s’armer pour assurer la vérification et la certification d’images et vidéos mises en ligne et participer activement à la lutte contre les deep fakes, ces images créées à l’aide de l’intelligence artificielle et de plus en plus difficiles à détecter.

B.   radio France : une diminution de 2,6 millions d’euros prévue en 2022

Comme les autres sociétés de l’audiovisuel public, Radio France contribuera, en 2022, à l’atteinte de l’objectif fixé par le Gouvernement en 2018, et verra sa dotation diminuée de 2,64 millions d’euros en 2022 par rapport à la loi de finances pour 2021 – soit une baisse de 0,45 % –, pour atteindre 588,79 millions d’euros ([14]), auxquels viendront s’ajouter 5 millions d’euros issus du plan de relance.

Cette maîtrise des coûts ne saurait être obtenue sans maîtrise des charges de personnel qui constituent le principal poste de dépenses de Radio France, dont les contenus sont produits essentiellement en interne. Le plan d’affaires inscrit dans le COM 2020-2022 de l’entreprise prévoit un niveau de charges de personnel de 395 millions d’euros, contre 400,4 millions d’euros prévus par le budget initial pour 2021. La poursuite de la mise en œuvre de l’accord Emploi 2022, conclu en octobre 2020 avec cinq des six organisations syndicales représentatives, et de la rupture conventionnelle collective prévue par celui-ci, doit permettre à Radio France d’atteindre cet objectif financier. Au total, ses effectifs devraient s’élever 4 261 ETP en 2022, contre 4 447 en 2020. Les autres réformes structurelles engagées par l’entreprise au cours du précédent COM continueront de porter leurs fruits, tandis que la baisse des charges liée à la crise sanitaire, notamment des frais de déplacement, devrait se poursuivre, dans une moindre mesure, en 2022.

Durant la période couverte par le COM, Radio France s’est également engagée à accroître le niveau de ses ressources propres, qui doivent passer de 63 millions d’euros en 2020 à 76,9 millions d’euros en 2022, grâce à l’augmentation des recettes publicitaires – de nouveau plafonnées à 42 millions d’euros par le COM de l’entreprise à titre transitoire – et de billetterie. Compte tenu des effets de la crise sanitaire sur le dynamisme de ces deux ressources, 15 millions d’euros ont été alloués à Radio France en 2021 dans le cadre du plan de relance, et 5 millions d’euros en 2022. Si le marché publicitaire de la radio semble avoir repris des couleurs, cet apport ne sera pas inutile compte tenu des incertitudes qui pèsent notamment sur la reprise de la fréquentation des évènements organisés par Radio France.

C.   un financement maintenu au même niveau pour l’institut national de l’audiovisuel

L’Institut national de l’audiovisuel (INA) verra, en 2022, sa part du produit de la contribution à l’audiovisuel public maintenue à 89,74 millions d’euros, conformément au plan d’affaires annexé à son COM. L’établissement devra néanmoins assurer 30 % de ses ressources par le biais de son chiffre d’affaires. Ses ressources propres sont principalement issues de la vente d’archives et de droits, de la commercialisation de prestations de services, de subventions versées à l’Institut au titre de son activité de formation ou de sa participation à des projets de recherche et de redevances versées au titre de ses conventions avec des organismes dont ceux de l’audiovisuel public.

En 2020, la crise sanitaire a conduit à une baisse du chiffre d’affaires de l’établissement de 2,7 millions d’euros par rapport à 2019, du fait notamment des mesures sanitaires appliquées au monde de l’enseignement et de la diminution des ventes d’extraits d’archives sur le marché français. Au total, l’impact total direct de la crise sanitaire sur les finances de l’établissement est estimé à 5,5 millions d’euros, dont 1,5 million d’euros de surcroît de charges. Pour l’année 2022, les ressources propres de l’Institut atteindraient un niveau légèrement supérieur à celui de 2017, estimé à 38 millions d’euros, et retrouveraient leur niveau d’avant crise à l’horizon 2023.

En dépit de ces difficultés financières, l’établissement est parvenu à maintenir ses investissements grâce au soutien de l’État dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 2 millions d’euros, au remboursement d’une créance due à l’INA et à un emprunt de 3 millions d’euros. Ainsi, de nouvelles offres éditoriales ont pu être développées – notamment Madelen, une offre de vidéo à la demande par abonnement regroupant 14 000 programmes, qui compte déjà 40 000 abonnés –, mais aussi de nouveaux formats comme Rembob’INA. Une nouvelle offre de formation, la « classe Alpha », a également été lancée pour offrir à des jeunes sans formation une année d’orientation et de pré‑qualification aux métiers de l’audiovisuel et des médias numériques. France Télévisions et Radio France devraient bientôt rejoindre ce projet, initiative que la rapporteure salue.

Par ailleurs, l’établissement a poursuivi son projet immobilier, qui devait permettre de regrouper l’ensemble de ses activités sur l’un des deux sites qu’il occupe à Bry-sur-Marne. Après avoir été mis à l’arrêt en juin 2020, le projet a repris au premier trimestre 2021 avec une gouvernance ajustée qui a permis la réception du nouveau data center et des salles robots en juillet 2021, et la sécurisation de la livraison du reste du bâtiment avant la fin de l’année 2021. Ainsi, le bail du second bâtiment jusqu’alors occupé à Bry-sur-Marne pourra effectivement être rompu à la fin de l’année 2021 ou au début de l’année 2022.

D.   Arte france : une diminution des crédits qui pourrait contraindre le financement allemand du GEIE

La dotation d’ARTE France devrait s’établir, pour 2022, à 278,65 millions d’euros, en baisse de 0,4 million d’euros soit 0,14 %, conformément à ce que prévoit le plan d’affaires annexé au COM 2020-2022 de la société.

Au total, elle aura ainsi diminué de 6,3 millions d’euros entre 2018 et 2021, conformément à la trajectoire arbitrée par le Gouvernement en juillet 2018 visant à faire contribuer le secteur audiovisuel public au redressement des comptes publics. Toutefois, cette tendance baissière a été partiellement compensée en 2021 par l’octroi de 5 millions d’euros de crédits issus du plan de relance, qui ont permis à l’entreprise de faire face aux coûts supplémentaires induits par la crise et de jouer son rôle d’amortisseur de la crise économique vis-à-vis des acteurs de la production audiovisuelle et cinématographique.

Sur la période, la contribution d’ARTE France au groupement européen d’intérêt économique (GEIE), détenu à parité par ARTE France et ARTE Deutschland et chargé de la diffusion de la chaîne, a connu une légère hausse, passant de 66,1 millions d’euros en 2018 à 67,5 millions d’euros en 2021, notamment pour soutenir la stratégie de développement numérique conduite par le groupement. Une nouvelle hausse est prévue en 2022, portant cette dépense à 68,2 millions d’euros, soit 24,6 % des charges d’ARTE France.

Les frais de personnel et les frais de structure, qui avaient diminué en 2020 sous l’effet de la crise sanitaire – elle avait conduit à un report de recrutements et des actions de formation du personnel, à un report d’opérations de maintenance et d’achats de matériel technique et à une diminution des charges du fait d’évènements annulés –, doivent retrouver en 2021 un niveau proche de celui de 2019, pour s’établir respectivement à 23,1 et 9,6 millions d’euros en 2022, conformément au plan d’affaires annexé au COM de la société. Les effectifs permanents retrouveraient leur niveau d’avant crise, à 247 ETP.

Une part de plus en plus importante des économies demandées à ARTE France depuis 2018 est désormais supportée par les dépenses de programme. En effet, alors que ces dépenses représentaient 168,2 millions d’euros en 2018, le COM 2020‑2022 de l’entreprise prévoit une dépense de 160,8 millions d’euros
– soit une diminution de 7,4 millions d’euros par rapport à 2018 –, dont seulement 147,9 millions d’euros pour les investissements dans la production et les achats de programmes.

Si l’objectif de 85 millions d’euros d’investissements annuels dans la production d’œuvres françaises et européennes sera atteint, le volume des programmes inédits diffusés notamment en journée pourrait être amené à diminuer en 2022, alors même que la diffusion de tels programmes constitue une nécessité stratégique inscrite dans son COM. En effet, pour la première fois cette année, le seuil de 150 millions d’euros de dépenses de production et d’achats de la chaîne, qui avaient pu être maintenues jusqu’alors par des économies sur les dépenses de personnel, ne sera pas atteint.

À l’heure où la France s’apprête à assurer la Présidence de l’Union Européenne au 1er semestre 2022, la rapporteure estime qu’il s’agit de profiter de cette ambition pour qu’Arte France renoue avec une dotation supérieure, plus compatible avec la poursuite des objectifs qui sont aujourd’hui au cœur de son COM, à savoir une offre éditoriale ambitieuse tournée vers la création originale, ainsi que le déploiement numérique et européen de la chaîne, mais surtout pour conforter le projet francoallemand lui-même compte tenu des évolutions en sens contraire du financement de l’audiovisuel public en France et en Allemagne (cf. infra).

E.   France médias monde : une quasi-stabilité des crédits qui nécessitera d’importants efforts en gestion

France Médias Monde (FMM), société nationale de programme qui réunit les chaînes de radio et de télévision publiques françaises diffusées à l’étranger, voit sa dotation baisser de 0,44 million d’euros en 2022, conformément au plan d’affaires annexé à son COM, pour s’établir à 259,56 millions d’euros. Au total, entre 2018 et 2022, France Médias Monde aura vu sa part du produit de la contribution à l’audiovisuel public diminuer de 3,5 millions d’euros hors taxes, auxquels il convient d’ajouter 16 millions d’euros de hausse des besoins de financement de l’entreprise, liés aux glissements salariaux.

La rapporteure ne peut que constater qu’une telle évolution est contraire à celles que connaissent ses concurrents, notamment la Deutsche Welle. En effet, alors que les deux entreprises étaient dotées d’un budget semblable il y a neuf ans, un écart de 100 millions d’euros existe aujourd’hui en défaveur de l’audiovisuel extérieur français ([15]).

De surcroît, contrairement à l’année 2020 qui aura paradoxalement permis à France Médias Monde d’atteindre un résultat positif de 5,6 millions d’euros – les économies réalisées en période de crise sanitaire ayant largement compensé les surcoûts entraînés par celle‑ci –, l’année 2021 n’aura pas réservé un sort aussi favorable à la société. En effet, la baisse des ressources publicitaires, les dépenses induites par l’adaptation de l’entreprise aux contraintes sanitaires et les coûts de report de certains projets de 2020 à 2021 auront entraîné une augmentation totale des dépenses de France Médias Monde de 2,3 millions d’euros.

Cette augmentation des charges de l’entreprise ne sera que partiellement compensée par la hausse de ses ressources propres en 2021, – qui devraient atteindre 13,3 millions d’euros, contre 9,3 millions d’euros en 2020 – notamment liée à la reprise du marché publicitaire, au financement du projet Afri’Kibaaru par l’Agence française de développement – à hauteur de 2,3 millions d’euros en année pleine –
et à l’apport financier de la Commission Européenne en lien avec le projet ENTR. Pour l’avenir cependant, d’importantes limitations structurelles ([16]) pèsent sur les ressources publicitaires de l’entreprise, largement captées par les GAFA, tandis que les financements externes dont elle bénéficie pour certains de ses projets, comme Afri’Kibaaru, Infomigrants ou ENTR, ne seront pas nécessairement reconduits.

Le projet ENTR

ENTR est un nouveau média numérique à destination des 18-34 ans lancé le 17 mai 2021 par France Médias Monde et son homologue allemand, la Deutsche Welle, en collaboration avec d’autres médias européens. Disponible en 6 langues, il propose des vidéos sur des thématiques intéressant les jeunes européens – climat, culture, nouvelles technologies –, diffusées sur les principaux réseaux sociaux. Co-financé par la Commission Européenne à hauteur de 1,3 million d’euros, ce projet a pour objectif de contribuer à l’émergence d’une « conscience européenne » chez les jeunes générations. Révélatrice de l’engagement européen de FMM, cette offre a connu un véritable succès lors de son année de lancement, puisqu’elle cumule déjà 13 millions de vues. La participation européenne reste toutefois à durée déterminée, ce qui soulève la question de la sécurisation des financements extérieurs de ce projet.

Si la baisse de 0,17 % des crédits de France Médias Monde prévue en 2022 peut apparaître négligeable, elle n’en conduira pas moins l’entreprise, dont 55 % du budget réside dans une masse salariale nécessairement sujette à des glissements financiers, à poursuivre ses efforts d’économies. La société sera donc contrainte de maintenir sa trajectoire de maîtrise des coûts, notamment au travers de la poursuite de son plan de départs volontaires – dont les effets attendus en année pleine sont de 2 millions d’euros – et de sa politique de modération salariale, la rationalisation de son réseau de distribution, la renégociation d’importants contrats, et le report, à nouveau, de certaines évolutions, comme la diffusion de ses programmes en haute définition.

Là encore, si cette trajectoire baissière devait se confirmer après 2022, cela impliquerait nécessairement un recul de la présence française à l’international et donc une remise en cause de l’atteinte des objectifs aujourd’hui définis par son COM de l’entreprise que sont la délivrance d’une information de référence, professionnelle, indépendante et vérifiée dans un contexte marqué par la propagation grandissante des fausses informations, l’établissement d’une stratégie de proximité avec les publics, par le biais du développement des langues étrangères et de la francophonie, et l’achèvement de la transition numérique de la société, afin de toucher un public plus jeune.

F.   la quasi-stabilité des crédits de tv5 monde

TV5 Monde, chaîne francophone associant des radiodiffuseurs publics français, belge, canadien et suisse, voit ses crédits reconduits à hauteur de 77,77 millions d’euros – en réalité, en très légère augmentation de 0,03 % –, comme en 2020 et 2021.

Néanmoins, la poursuite de son plan stratégique 2021-2024 autour de deux objectifs – l’accroissement de la « découvrabilité » de la chaîne, par le développement de son offre numérique TV5 Monde Plus, lancée en septembre 2020 (cf. encadré infra), et la sensibilisation des publics aux enjeux environnementaux –, dans la continuité du plan précédent, axé sur le développement de la chaîne en Afrique et de l’offre à destination de la jeunesse, conduira la chaîne à engager un certain nombre d’économies.

De fait, pour la première fois de son existence, l’entreprise a été conduite à réduire ses effectifs de 5 % en 2019 et 2020. L’arrêt de trois émissions et de la production des journaux d’information de nuit a ainsi permis une baisse de 2,15 millions d’euros de ses frais de personnel par rapport à 2019. Des redéploiements budgétaires internes à l’entreprise devront avoir lieu en 2022 pour financer le coût de la grille des antennes linéaires comme l’offre TV Monde Plus.

TV5 Monde Plus

TV5 Monde Plus est une offre de vidéo à la demande développée par TV5 Monde et TV5 Québec Canada, en collaboration avec ses chaînes partenaires mais associant également RFI, Public Sénat, Radio France, le Collège de France, le Musée de l’Homme (Muséum d’Histoire Naturelle), et prochainement la Cité de l’architecture et du patrimoine.

Accessible gratuitement dans le monde entier (en dehors de la Chine et des Pays-Bas) depuis le 9 septembre 2020, son catalogue de 5 456 heures de programmes généralistes – séries de fiction, documentaires, magazines etc. – et francophone, constitué d’apports des diffuseurs actionnaires de TV5 Monde et d’acquisitions directes de la chaîne francophone, est ajusté localement en fonction de la disponibilité des droits.

Au premier semestre 2021, TV5 Monde Plus a enregistré 8,3 millions de visites – en premier lieu issues du Maghreb, de France et du Sénégal – et 3,3 millions de vidéos démarrées. Les séries de fiction et téléfilms représentent 74 % de la consommation recensée alors qu’elles représentent seulement 27 % de son catalogue.

Dès lors, le développement de la chaîne ne peut que passer par l’accroissement de ses ressources propres, notamment publicitaires et d’abonnement. Cependant, pour l’année 2021, le niveau de ressources propres ne devrait être que de 8,6 millions d’euros, en baisse de 1,1 million d’euros par rapport à 2020, du fait des effets persistants de la crise sur le marché publicitaire mais aussi de l’arrêt de sa distribution en Europe par certains opérateurs satellitaires dans le cadre du plan d’économies de l’entreprise ([17]).

L’entreprise pourrait néanmoins renouer avec la croissance de ses ressources propres en 2022 grâce à la reprise du marché publicitaire et à de nouvelles recettes de distribution. Par ailleurs, d’après les informations recueillies par la rapporteure, le salut de l’entreprise pourrait également venir de l’introduction de nouveaux gouvernements bailleurs de fonds, ce que la rapporteure ne peut qu’estimer souhaitable pour le rayonnement de la francophonie et de la création francophone.

II.   Contribution à l’audiovisuel public : l’urgence de sa réforme

La réforme de la contribution à l’audiovisuel public sera rendue nécessaire par la disparition, annoncée pour 2023, de la taxe d’habitation à laquelle sa perception était jusqu’alors adossée. Sur les possibles solutions, le rapport prévu par l’article 276 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 n’a toutefois pas été visiblement assez satisfaisant pour être remis au Parlement. Pourtant, il y a urgence à définir les contours du financement futur de l’audiovisuel public français, les contrats d’objectifs et de moyens récemment adoptés ne courant que jusqu’à la fin de l’année 2022 et contraignant ainsi les sociétés de l’audiovisuel public à un pilotage à vue.

Pour éclairer les débats à venir, la rapporteure a souhaité faire état des dernières données disponibles en matière de comparaisons internationales, notamment avec nos voisins européens.

A.   Des comparaisons européennes inspirantes

D’après les études conduites par l’Union européenne de radio‑télévision (UER), la France se classe au 3e rang en volume de financement des médias de service public en Europe continentale. Toutefois, avec 4 144,59 millions d’euros de recettes d’exploitation en 2019, elle se trouve loin derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, dont les médias de service public disposent de 9 472,74 et 6 869,30 millions d’euros de recettes respectives. Et, rapportées au nombre d’habitants, ces recettes placent la France au 14e rang européen, à un niveau équivalent à celui de la Slovénie.

 

recettes d’exploitation des médias de service public par habitant et par pays (en million d’euros, 2019)

Source : UER.

 

Le montant de la contribution à l’audiovisuel public, de 138 euros en 2021, apparaît particulièrement faible par rapport à nos voisins européens. Elle est ainsi bien plus faible que la redevance prélevée par l’Autriche (de 251 à 320 euros selon les régions) ou la Suisse (312 euros), mais aussi l’Allemagne (220 euros) – où elle a d’ailleurs été récemment augmentée, la hausse ayant été validée par la cour constitutionnelle allemande au motif qu’elle permettait de lutter contre les fausses informations – ou le Royaume-Uni (181 euros). Rapporté au produit intérieur brut par habitant, le montant de la contribution à l’audiovisuel public place la France au 11e rang européen, derrière les pays précités mais également après la Croatie, la Bosnie-Herzégovine et la Slovénie.

redevance exprimée en pourcentage du produit intérieur brut par habitant (2020)

Source : UER.

Si les hausses du montant de la redevance en Suisse et en Allemagne ont pu donner lieu à un vif débat public, leur niveau est difficilement comparable avec celui de la contribution à l’audiovisuel public perçue en France. De plus, les médias de service public de ces deux pays sont sortis relativement confortés de ces débats, soit qu’une majorité des citoyens, dans le cas de la Suisse, rejettent la suppression de la redevance ([18]), soit que la plus haute juridiction légitime le principe même de la redevance, comme en Allemagne en 2018 ([19]) puis en 2021 ([20]).

B.   la nécessité d’un débat public et d’une décision politique rapide sur la réforme de la cap

S’il est loisible aux pouvoirs publics d’attendre le projet de loi de finances pour 2023 pour opérer une réforme de la contribution à l’audiovisuel public 
– puisque c’est à cette date que la taxe d’habitation à laquelle son recouvrement est adossé devrait être supprimée pour l’ensemble des ménages –, il n’en demeure pas moins urgent d’ouvrir un débat public sur ce sujet, pour assurer la pleine confiance des Français dans le service public de l’audiovisuel.

La notion de confiance des citoyens dans leur audiovisuel public est sûrement liée à celle d’une meilleure connaissance des missions, des contenus et des actions des sociétés d’audiovisuel public. Elle est aussi dopée par l’écoute et la prise en compte de leurs attentes, qu’ils fassent déjà partie de l’audience ou non. La confiance peut aussi être liée à celle de l’indépendance du financement et des décisions des organisations. Cependant quel est le niveau de ce critère dans l’appréciation globale de nos concitoyens ?

Lors de l’audition commune menée par la rapporteure, les présidentes et présidents de sociétés de l’audiovisuel public ont souligné que le financement déterminait le caractère indépendant des médias publics et la dépendance des pouvoirs publics pouvait nuire non seulement à la confiance des publics mais aussi limiter la diffusion des contenus de ces médias sur les réseaux sociaux car jugés émanant d’organisations plus gouvernementales qu’indépendantes. Cette entrave à la notion d’indépendance est un des principaux arguments qu’ils opposent à la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, et qui en ces temps de succès des réseaux sociaux laisserait entrevoir un affaiblissement du rayonnement de notre audiovisuel public.

Pour autant, pour apprécier la notion d’indépendance par le financement, il s’agit aussi de s’intéresser à la notion de prévisibilité. Une enveloppe déterminée chaque année ne correspond pas à la prévisibilité exigée par des activités qui méritent pleinement stratégie et investissements pluriannuels. Ainsi, il s’agirait de garantir aux médias publics une perspective pluriannuelle respectée, alignée sur le COM comme sur les mandats des dirigeants. L’harmonisation temporelle a été améliorée ces dernières années, elle doit être poursuivie avec un financement pluriannuel.

Autre paramètre pour générer la confiance et l’acceptabilité de sa contribution à l’audiovisuel public pour le citoyen est le montant qu’il y consacre. La notion de consentement doit vraiment être approfondi.

Le débat y contribuera et guidera si la contribution se passe par foyer ou par individu, selon un forfait égal pour chacun, ou selon ses usages ou encore selon ses moyens. À l’heure où se multiplient les souscriptions d’abonnement individuel à de multiples offres média, fragmentant les audiences, il est indispensable de souligner le caractère collectif des médias publics, un « bien commun » pour la démocratie et la cohésion nationale.

 

principale source de financement des médias de service public parmi les pays membres de l’uer

Source : UER

 

Plusieurs possibilités sont, semble-t-il, envisageables :

– une réforme « paramétrique » qui ne porterait que sur les modalités de la contribution à l’audiovisuel public, qui resterait due par chaque foyer possédant un ou plusieurs appareils permettant la réception des programmes des sociétés de l’audiovisuel public ;

 un financement par une programmation budgétaire pluriannuelle, comme pour d’autres éléments de souveraineté stratégique – lois de programmation dans le domaine de la défense ou de la recherche –, mais dont les conséquences sur l’indépendance perçue des médias publics doivent toutefois être pesées avec prudence ;

– la transformation, comme en Allemagne et en Suisse, en une contribution par foyer, sans lien avec la possession d’un quelconque appareil ;

– la transformation de la redevance en une taxe individuelle, par exemple assise sur les revenus du capital et du travail et progressive jusqu’à un certain plafond, comme c’est le cas aujourd’hui en Finlande et en Suède, qui continuerait toutefois d’être affectée à l’audiovisuel public ; la rapporteure estime que cette dernière solution assurerait probablement, par son caractère progressif et son plafonnement, l’acceptabilité sociale de la réforme.

 

ressources publiques affectées à l’audiovisuel public depuis 2016 et écart avec les prévisions de leurs com ([21])

     En millions d’euros hors taxes

 

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

France Télévisions

Ressources publiques en LFI*

2 509,8

2 547,7

2 516,9

2 490,8

2 430,8

2 371,3

2 357,3

Écart dotation/COM

0

0

– 47,8

– 77,9

0

0

0

ARTE France

Ressources publiques en LFI*

264,3

274,3

279,5

277,5

275,3

273,3

272,9

Écart dotation/COM

– 33

0

– 3

– 11

0

0

0

Radio France

Ressources publiques en LFI*

608,8

612,3

569,3

592,3

587,3

579,3

576,7

Écart dotation/COM

0

0,5**

– 24

– 37

0

0

0

France Médias Monde

Ressources publiques en LFI*

244,0

252,0

257,8

256,2

255,2

254,7

254,2

Écart dotation/COM

0

0

– 2

– 7

0

0

0

INA

Ressources publiques en LFI*

89,0

89,0

88,6

87,4

86,4

87,9

87,9

Écart dotation/COM

0

0

– 0,4

– 1,6

0

0

0

TV5 Monde

Ressources publiques en LFI*

77,0

78,4

77,4

76,2

76,2

76,2

76,2

Total des ressources publiques

3 790,7

3 853,1

3 816,3

3 780,2

3 711,1

3 642,5

3 625,2

* PLF pour 2022

** Inclut -0,5 M€ de dotation complémentaire (non prévue au COM) attribuée pour compenser la perte de recettes publicitaires sur le numérique liée au lancement, le 1er septembre 2016, de l’offre publique d’information en continu (sans publicité) Franceinfo.

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

 

Enfin, la question du montant des dotations des sociétés de l’audiovisuel public appelle une réflexion plus large sur la façon dont les pouvoirs publics et les Français veulent répondre aux enjeux de lutte contre la manipulation de l’information, en France comme en dehors de nos frontières, du financement d’une création diverse et représentative de notre société, du rayonnement de la France à l’étranger et de sa place dans le jeu diplomatique.


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de la ministre

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 (seconde partie), la commission auditionne, au cours de ses deux séances du mardi 26 octobre 2021, Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture.

M. le président Bruno Studer. Nous avons le plaisir d’achever notre part de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 – le dernier de la législature – en compagnie de Mme la ministre de la culture. Après son propos liminaire, nous débattrons d’abord de la mission Culture, avec les interventions des rapporteures, pour avis et spéciale, et celles des orateurs des groupes, suivies des questions des commissaires et de la réponse de la ministre. Nous passerons ensuite, sur le même modèle, à la discussion de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public. Après le départ de la ministre, nous examinerons les amendements déposés sur chacune des missions.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Je suis fière de vous présenter le budget des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles pour 2022 : avec 273 millions d’euros de mesures nouvelles, il connaît une hausse sans précédent de 7,5 % par rapport à 2021. Pour la première fois de son histoire, il passera le cap des 4 milliards d’euros, pour atteindre 4,08 milliards, hors audiovisuel public. Cette hausse parachève un effort continu depuis 2017 en faveur de la culture. La progression sur cinq ans est considérable ; elle représente 507 millions d’euros, soit 15 % hors audiovisuel public et hors charges de pensions civiles.

Le budget pour 2022 donne corps à l’engagement que le Président de la République formulait au début de son quinquennat : redonner à la culture la place qui lui revient dans notre société. Cet engagement est d’autant plus indispensable que la crise sanitaire a profondément affecté les secteurs culturels et bouleversé les conditions de vie des artistes, des créateurs, comme des publics. Sur le plan économique, la succession de périodes de fermeture et d’ouverture dans les dix derniers mois a provoqué une chute sans précédent de la fréquentation des lieux culturels. Moralement, tout le secteur a été heurté, privé de ce qui fait l’essence même de la culture : la rencontre, l’échange entre les œuvres, les créateurs et le public. Ces conséquences seront sans doute durables.

La mobilisation rapide, forte et continue de l’État et des pouvoirs publics a sauvé notre écosystème culturel. L’État a ainsi mobilisé 13,6 milliards pour l’ensemble des secteurs publics et privés de la culture : 8,64 milliards d’aides transversales, 1,65 milliard d’aides sectorielles, 1,31 milliard au titre du soutien à l’intermittence, et 2 milliards au titre du plan de relance. Aucun autre pays n’a fait cela ; nous pouvons en être fiers, collectivement. Il suffit de voyager à l’étranger pour voir l’admiration que suscite notre pays à cet égard.

Il faut aussi saluer l’ensemble des professionnels de la culture : ils se sont mobilisés sans relâche pour maintenir le lien avec le public ; pour ouvrir ou rouvrir, dès que cela a été possible ; pour définir et mettre en place, avec notre aide, des protocoles sanitaires exigeants et efficaces ; et, depuis cet été, pour déployer le passe sanitaire, qui permet d’accueillir le public dans des conditions de sécurité optimales. Ce déploiement crucial nous a permis de ne pas refermer les lieux culturels pendant le mois d’août, alors que nous connaissions un dramatique rebond de l’épidémie. Aujourd’hui, la crise s’estompe, mais les derniers chiffres, qui présentent notamment une hausse du taux de reproduction du virus, incitent à la plus grande vigilance.

Le projet de budget répond à deux objectifs : le premier est d’accompagner la sortie de crise. La reprise reste fragile, avec des niveaux de fréquentation très inférieurs à ceux de 2019 – moins 30 % pour le cinéma, selon les semaines ; moins 50 % pour le patrimoine et le spectacle vivant. Selon l’enquête d’opinion que j’ai commandée, une partie des Français hésite à fréquenter les lieux de spectacle, en raison de la situation sanitaire. Environ 30 % d’entre eux estiment qu’ils sortiront moins qu’avant dans les prochains mois.

Le second objectif du budget est de préparer l’avenir de la culture en France, car la crise a cristallisé des mutations, auxquelles il faut répondre. La même enquête d’opinion montre la place croissante du numérique, notamment chez les jeunes : 46 % des Français soulignent qu’ils ont pris l’habitude d’utiliser des moyens numériques pour accéder aux œuvres ; 24 % des répondants, et un tiers parmi les moins de 35 ans, estiment qu’ils sortiront moins dans les prochains mois pour cette raison. S’il faut rester prudent, car nous n’avons qu’un recul de quelques mois, les pratiques évoluent vite, et nous devons nous organiser pour adapter nos politiques à ces évolutions.

C’est le sens des priorités de ce budget, que j’ai voulu tourné vers la jeunesse. Il renforce notre soutien sur le terrain, au plus près des territoires, et repense l’accès de tous à la culture, tout en répondant aux défis des transitions écologiques et numériques. Mon ambition est de consolider le présent et de structurer l’avenir. Ce budget en témoigne, avec 4,08 milliards d’euros de moyens pérennes alloués à la culture et 3,7 milliards pour l’audiovisuel public. La culture bénéficiera à la fois de l’annuité 2022 de France relance, qui s’élève à 436 millions d’euros ; de la poursuite de la mise en œuvre des 400 millions du quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4) ; des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), au Centre national de la musique et à l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) ; des dépenses fiscales dont l’impact progressera également en 2022 ; de 600 millions de crédits dans le cadre de France 2030, dont 60 millions de crédits de paiement dès 2022, qui permettront d’investir dans l’avenir, en particulier dans la formation, les infrastructures de tournage et les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée. S’ajoutera enfin un soutien exceptionnel de 234 millions d’euros aux grands opérateurs du ministère, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui sera soumis à votre examen dans quelques semaines.

Le budget de la mission Culture est d’abord celui de la jeunesse, priorité qui se matérialise dans le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, créé en 2021. Avec 181 millions de crédits supplémentaires en 2022, il connaîtra une hausse exceptionnelle de 31,4 %, portant son montant total à 757,8 millions avant transferts. Il se déploie autour de deux grandes priorités : la mise en œuvre du Pass Culture et le développement de l’éducation artistique et culturelle.

Le Pass Culture, généralisé à tous les jeunes de plus de 18 ans, sera étendu dès le 1er janvier prochain aux élèves de la quatrième à la terminale. Près de 200 millions d’euros y seront consacrés en 2022, sans compter les 45 millions qui viennent du ministère de l’éducation nationale, sur sa mission, pour financer le volet collectif du Pass au collège et au lycée. Pour la seule mission Culture, cela représente une hausse de 140 millions d’euros en mesures nouvelles, comprenant 96 millions dédiés à la généralisation du Pass aux jeunes de plus de 18 ans, 38 millions pour son extension aux collégiens à partir de la quatrième et aux lycéens pour le volet individuel, et 6 millions destinés à financer la montée en puissance de la société par actions simplifiée (SAS) Pass Culture.

La priorité en faveur de la jeunesse se manifeste aussi dans l’amplification de l’éducation artistique et culturelle (EAC). En cinq ans, nous aurons presque doublé les crédits qui y sont consacrés, pour les porter à plus de 100 millions d’euros en 2022, contre 50 millions environ en 2017. Il s’agit là d’un engagement du Président de la République et du Gouvernement, qui s’exprime, depuis le début du quinquennat, sous la forme du label « Objectif 100 % EAC à l’école », en partenariat avec les collectivités territoriales et les ministères concernés.

L’enseignement supérieur culturel bénéficie également d’un engagement sans précédent. Que ce soit pour le fonctionnement et la rénovation des écoles, la vie étudiante, notamment les bourses pour les plus modestes, ou l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, les crédits dévolus à cette politique augmenteront de 26 millions, soit une hausse de 11 %, après une longue période de stagnation, parfois même de baisse. À cela s’ajoute l’effort exceptionnel de 70 millions d’investissements sur deux ans, engagé – et bien engagé – dans le cadre de France relance pour accélérer la rénovation et la digitalisation de nos écoles.

Dans les deux missions budgétaires, des moyens sont consacrés à l’insertion des habitants, des territoires et des artistes au cœur de nos politiques culturelles. Ainsi, 12,5 millions de mesures nouvelles seront mis à la disposition des politiques territoriales pour renforcer l’accès de tous les habitants à l’offre culturelle, soutenir des dynamiques territoriales tournées vers la démocratisation culturelle, ainsi que des projets valorisant davantage les langues de France et la langue française.

Le soutien aux territoires passe aussi par la territorialisation de nos politiques publiques – à laquelle je suis très attachée, comme vous tous ici, je le sais. En 2022, les crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmenteront de 4 % ; ce sont 37 millions de moyens nouveaux qui iront au plus près des territoires. Depuis 2017, les DRAC auront géré des moyens en augmentation de 22 %, soit 173 millions d’euros. Elles auront été le moteur d’une politique culturelle déployée, à leur service, depuis les territoires.

Dans le secteur de la création, j’ai souhaité que le cadre d’action du soutien de l’État aux festivals soit repensé. Les deux premières éditions des états généraux des festivals ont déjà permis de partager analyses et études ; la troisième, qui se déroulera le 1er décembre à Toulouse, sera l’occasion de présenter les actions qui en découlent. En 2022, les moyens des festivals augmenteront de 10 millions et, en renouvellement de l’effort important consenti en 2021, 10 millions d’euros supplémentaires seront consacrés aux institutions, labels, et réseaux ainsi qu’aux équipes artistiques en région. Au total, les crédits de la création artistique s’élèveront à 909 millions d’euros avant transferts, soit une hausse de 5,6 % : ce sont 100 millions de plus qu’au début du quinquennat.

J’ai souhaité que ce budget permette de mieux accompagner les initiatives locales, à travers le renforcement de la contractualisation avec les collectivités territoriales ou la restauration du patrimoine en régions. Un appel à projets national, doté de 5 millions, sera lancé pour soutenir des actions innovantes participant, en particulier, à réconcilier la culture patrimoniale de fréquentation des lieux culturels et la culture numérique. Ces actions doivent faire travailler ensemble des partenaires locaux autour de projets ancrés dans les territoires. Un effort de 7,5 millions sera consenti en faveur des politiques territoriales de démocratisation culturelle, à travers les centres culturels de rencontre, les tiers-lieux, les olympiades culturelles, ainsi que des projets autour des langues de France et de la langue française. Ces crédits permettront de lancer le projet, soutenu par l’État et les collectivités territoriales concernées, du nouveau bâtiment des Ateliers Médicis, à Clichy-Montfermeil, ainsi que de garantir les moyens de l’ouverture de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts.

L’attention portée aux territoires est particulièrement présente dans le programme Patrimoines, qui bénéficie d’un budget de 1,019 milliard d’euros. Grâce à l’appui de France relance, les moyens consacrés aux monuments historiques s’élèveront à 470 millions, en augmentation de 3,5 % par rapport à 2021. C’est dans ce cadre que le plan « cathédrales », déjà en cours, continuera d’être déployé. Le soutien global au patrimoine, hors plan de relance, aura progressé de 7 % au cours des cinq dernières années.

La protection de notre patrimoine a été consolidée par le recours à des financements innovants, tel le Loto du patrimoine qui a permis de financer la restauration de plus de 500 monuments en péril, l’État apportant son soutien à ce dispositif à due concurrence des taxes afférentes. Sur quatre ans, 115 millions auront été mobilisés en plus. De même, le fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les communes à faibles ressources (FIP) permet de soutenir les petites communes dans la restauration de leur patrimoine. Il sera doté de 16 millions en 2022, soit une progression de 6,7 %.

Ce budget témoigne également de notre soutien indéfectible aux artistes, aux créateurs et aux auteurs – c’est ma troisième ambition. Tout au long de la crise, nous avons agi pour aider l’emploi intermittent, en prolongeant l’année blanche jusqu’au 31 décembre 2021, en instaurant un dispositif d’accompagnement pouvant se prolonger jusqu’à seize mois à compter du 31 août 2021. Le ministère est déterminé à sortir le secteur créatif de la crise.

Le ministère, en outre, a soutenu l’emploi durant la reprise d’activité de ce second semestre 2021, grâce à trois dispositifs, dotés chacun de 10 millions d’euros : le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO), le GIP Cafés Cultures, le renforcement du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS). Cet effort sera prolongé en 2022 par l’abondement pérenne de 5 millions d’euros dédiés au FONPEPS.

Par ailleurs, tous les outils disponibles ont été mobilisés pour soutenir les auteurs et les créateurs, particulièrement affectés par la crise. Le fonds de solidarité a permis de verser 244 millions d’euros à 45 000 bénéficiaires, les exonérations de cotisations sociales, décidées en 2020, sont renouvelées pour 2021 et un nouveau versement sera opéré en 2022. Des aides spécifiques ont été instaurées par les établissements publics du ministère pour un montant de 35 millions entre 2020 et 2021. Nous continuerons, en 2022, à déployer le programme de travail en faveur des auteurs. Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé pour le programme de soutien à la conception et à la réalisation de projets artistiques, intitulé Mondes nouveaux.

La progression de 48 millions d’euros en 2022 des crédits du programme Création inclut également des moyens renforcés pour le Mobilier national, qui bénéficiera de 4,5 millions d’euros supplémentaires pour accompagner sa transformation en établissement public.

Concernant maintenant la mission Médias, livre et industries culturelles, la progression des crédits de 2,4 % témoigne de notre volonté de renforcer ces filières culturelles stratégiques au service de la diversité culturelle. Nous avons engagé de profondes réformes, depuis cinq ans, en créant le Centre national de la musique (CNM), en réformant le financement de la production audiovisuelle et cinématographique, en renforçant le Centre national du livre (CNL), en engageant le plan de filière presse.

Pour ce qui est du plan de filière presse, nous poursuivrons notre effort de 483 millions d’euros pour 2020-2022, dont 140 millions d’euros au titre du plan de relance. En 2022, 70 millions d’euros continueront à soutenir la modernisation et la transformation de la filière pour garantir le pluralisme de la presse, pilier de notre démocratie et enjeu majeur de cohésion sociale et territoriale. Cette année sera aussi celle de la réforme du transport de la presse pour inciter la presse dite « chaude » à se tourner vers le portage et stabiliser les tarifs postaux pour l’ensemble des titres. Une partie des crédits, à hauteur de 62,3 millions, dédiés à la compensation du transport postal de la presse est ainsi rapatriée sur les crédits du programme Presse et médias. Ce projet de loi de finances prévoit également de renforcer de 1,1 million d’euros les crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) et d’amorcer, grâce à une dotation de 2 millions d’euros, le projet de création d’une Maison du dessin de presse, conformément à l’engagement du Président de la République.

Le secteur du livre bénéficiera d’un fort soutien de l’État, grâce à l’augmentation de 2 millions d’euros de la subvention pour charge de service public de la Bibliothèque nationale de France, et de la hausse de 1,7 million d’euros des crédits d’intervention au profit du CNL. Ces mesures s’accompagnent du prolongement des dispositifs en faveur des librairies et des bibliothèques, prévus dans le cadre de France relance, à hauteur de 23 millions. Par ailleurs, vous venez de renforcer l’arsenal législatif du secteur en adoptant à l’unanimité la proposition de loi sénatoriale relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique. La lecture, érigée grande cause nationale par le Président de la République en 2022, est largement soutenue.

S’agissant du secteur de la musique, le CNM a été créé en 2020. Il a prouvé, au cours de la crise, combien il était essentiel à la filière, en mobilisant 152 millions d’euros de moyens exceptionnels en 2020 et une enveloppe de 200 millions d’euros sur deux ans, dans le cadre de France relance. Nous avons décidé de renforcer encore ce soutien au secteur en prolongeant l’exonération de la taxe sur les spectacles au cours du second semestre 2021, par amendement au projet de loi de finances.

Nous avons également pris des mesures en faveur des filières cinématographiques et audiovisuelles. J’ai notamment engagé une réforme ambitieuse du financement de la création et de la régulation de ces secteurs. La transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » et de celle relative aux droits d’auteur, adoptées sous l’impulsion des autorités françaises, est en cours d’achèvement. Le nouveau cadre sera complété par la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, promulguée au Journal officiel de ce matin. L’ensemble de ces réformes permettra de mieux protéger la création française, les droits d’auteur, en prévoyant la contribution de l’ensemble des diffuseurs à la création française et en organisant un partage plus équitable de la valeur entre les plateformes, les producteurs et les auteurs. Grâce à la réforme du financement de la création, les investissements dans le cinéma et l’audiovisuel pourraient augmenter de 20 % dès 2022, ce qui représenterait plus de 250 millions supplémentaires.

Depuis le début du quinquennat, le soutien pérenne aux filières des industries culturelles aura ainsi progressé de 9 % – 49 millions d’euros de plus en cinq ans. Cet appui s’est accompagné du déploiement du fonds, doté de 225 millions, dédié aux investissements dans les industries créatives ainsi que des moyens exceptionnels dégagés dans le cadre du PIA4 – 400 millions d’euros –, sans oublier les 600 millions d’euros issus du plan France 2030.

Le financement de l’audiovisuel public continuera à respecter, en 2022, la trajectoire engagée en 2018, confirmée dans les contrats d’objectifs et de moyens. Pour ce qui est de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), la suppression complète de la taxe d’habitation, à laquelle la CAP est adossée, n’étant pas prévue avant 2023, la réforme de celle-ci n’interviendra pas dans le PLF pour 2022. Le rendement de la CAP, ajouté aux efforts d’économies demandés au secteur, permet de ne pas augmenter son tarif pour les particuliers.

En revanche, avec la suppression de la taxe d’habitation, la question du devenir de la CAP se posera. Elle s’inscrit d’ailleurs dans un débat ancien, relatif à son adaptation, notamment pour tenir compte des évolutions des modes d’accès au service de l’audiovisuel public, en dehors des téléviseurs. Le Gouvernement a identifié différentes pistes de réformes. Je sais combien le Parlement y est attentif mais elles doivent être analysées de plus près d’ici à 2022. Cette mission a été confiée par le Premier ministre à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). La mission travaillera à des scénarios qui devront permettre à l’audiovisuel public de disposer d’une ressource pérenne, adaptée à la réalité des usages audiovisuels actuels et respectueuse de l’équité fiscale. Cette ressource devra permettre d’assurer un rendement équivalent à celui de la CAP, tant en termes de niveau que de dynamisme. Elle devra être compatible avec l’exigence de prévisibilité de ses moyens et la garantie d’indépendance de l’audiovisuel public, pendant de la liberté de communication, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel. La mission veillera à vous consulter et à vous associer. J’y serai attentive.

J’ai donc l’honneur de défendre ce dernier budget du quinquennat, marqué par une politique résolue du Gouvernement pour faire face aux incroyables défis auxquels nous avons été confrontés, par la volonté de sauvegarder nos secteurs culturels, en défendant une ambition pour leur avenir et leur rayonnement. Il est doté de moyens inédits pour la culture. J’espère qu’il sera largement soutenu.

La culture change nos vies. Elle nous révèle à nous-mêmes, tout en nous révélant l’autre à travers le regard singulier d’un auteur. Elle est ce lien vivant entre les individus. Elle doit être au cœur d’un projet politique au sens noble. C’est le sens de mon action au ministère de la culture : accompagner les mutations des secteurs culturels, préparer l’avenir. Ce projet de budget et les moyens qu’il mobilise permettent d’être à la hauteur de cette ambition.

M. le président Bruno Studer. Mes chers collègues, nous poursuivons avec la discussion générale sur les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et les Avances à l’audiovisuel public.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Le budget relatif aux médias, en hausse de 2,4 %, porte encore par endroits les stigmates de la crise, dont les effets continuent de se faire sentir, mais il marque aussi clairement l’aboutissement de nombreuses réformes d’ampleur engagées par le Gouvernement et le Parlement au cours du quinquennat.

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles reflètent, en creux, la création de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), issue de la toute récente loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. La fusion, au 1er janvier 2022, du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) – dont les crédits sont donc transférés depuis la mission Médias, livre et industries culturelles vers programme 308 « Protection des droits et libertés » , permettra de rendre enfin concrètes les différentes propositions parlementaires, émanant notamment de notre commission, visant à doter la France d’un régulateur plus puissant et plus cohérent dans le domaine audiovisuel et numérique. Au total, l’ARCOM sera dotée de 46,6 millions d’euros, dont près de 1 million correspondant à des mesures nouvelles. Je me réjouis que cette nouvelle autorité de régulation ait, en 2022, les moyens de fonctionner et de remplir les nombreuses nouvelles missions que le Parlement lui a confiées après quatre années de travaux.

La mission Médias, livre et industries culturelles bénéficie en revanche du rapatriement d’une partie des crédits relatifs aux aides à la distribution de la presse, jusqu’alors inscrits au sein du programme 134. Ce transfert s’accompagne d’une réforme attendue de l’aide à la distribution de la presse dite « abonnée ». En créant un tarif unique pour l’ensemble des titres postés et en instaurant une aide à l’exemplaire posté et porté, le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 permet enfin la mise en œuvre des propositions formulées par M. Emmanuel Giannesini. En effet, un changement de modèle était devenu indispensable pour permettre à La Poste de continuer à assurer sa mission de distribution de la presse sans baisser la qualité de ce service ni aggraver le déficit lié à cette activité. Au total, entre l’aide à l’exemplaire porté – 23 millions d’euros –, l’aide à l’exemplaire posté
– 62 millions –, l’aide aux réseaux de portage – maintenue à 3 millions – et la compensation versée à La Poste – 16 millions – ce sont 105 millions d’euros qui permettront de soutenir la presse abonnée en 2022.

Plusieurs aides instaurées durant la crise sanitaire ont été pérennisées. Je pense notamment à l’aide au pluralisme des titres ultramarins, éminemment nécessaire compte tenu des difficultés particulières auxquelles ces derniers sont confrontés, ainsi qu’à l’aide au pluralisme des services de presse en ligne, qui ne peut qu’accompagner la recherche de nouveaux modèles économiques pour la presse. D’ailleurs, madame la ministre, cette aide pourrait-elle un jour être intégrée à l’aide au pluralisme des publications nationales d’information politique et générale, au lieu de constituer un guichet à part ?

Nous pouvons nous féliciter que plusieurs dispositifs d’aide, tels que le fonds stratégique pour le développement de la presse, aient fait l’objet d’adaptations attendues par le secteur. Néanmoins, nous regrettons qu’aucune réforme d’ampleur des aides à la presse n’ait été entreprise, en dépit des nombreux rapports remis au Gouvernement à ce sujet. Une telle refonte est-elle aujourd’hui envisagée ? Si oui, à quelle échéance ?

Le soutien de l’État passe également, dans le domaine culturel, par les crédits d’impôt. Ainsi, 60 millions sont prévus, en 2022, au titre du crédit d’impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d’information politique et générale. Compte tenu de la date tardive d’entrée en vigueur de ce dispositif, vous avez récemment annoncé, madame la ministre, qu’il pourrait être reconduit pour une année supplémentaire. Par quelles mesures de communication son déploiement pourrait-il être accompagné pour lui donner toute sa portée ?

Dans le domaine du livre, la hausse des crédits traduit essentiellement la mise en œuvre des projets immobiliers de la Bibliothèque nationale de France (BNF) et de la Bibliothèque publique d’information (BPI). Si les travaux du Quadrilatère Richelieu s’achèvent, ceux du nouveau centre de stockage de la BNF, qui doit également accueillir un conservatoire national de la presse, pourraient commencer à brève échéance. Je sais que l’appel à manifestation d’intérêt a été fructueux. Êtes-vous déjà en mesure, madame la ministre, de nous indiquer quelle collectivité sera retenue pour accueillir cet établissement ? Quant aux travaux de la BPI, ils ont été repoussés en raison des travaux dont le Centre Pompidou lui-même doit faire l’objet. Nous avons récemment appris que ces derniers, initialement prévus en 2023, attendront finalement la fin de l’année 2024, après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Nous accueillons très favorablement cette nouvelle qui, au même titre que l’Olympiade culturelle, prouve une nouvelle fois le lien entre la culture et les Jeux.

On notera également que le Centre national du livre (CNL) bénéficie d’une mesure nouvelle de 1,7 million d’euros, ce qui n’est pas négligeable au regard de son budget. Cela répond à l’ambition affichée par le Président de la République, qui a fait de la lecture une grande cause nationale. Ces nouveaux crédits permettront au CNL d’assurer le développement des deux manifestations importantes que sont les Nuits de la lecture et Partir en livre, mais aussi de participer à la rémunération des auteurs de bandes dessinées présents lors de festivals – nous savons combien ces auteurs en particulier ont besoin de soutiens financiers.

Comme le CNL, le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) doivent retrouver une trajectoire budgétaire normale après avoir été amenés à gérer d’importantes sommes issues des plans d’urgence et de relance. Les recettes devraient se normaliser, en espérant un retour de la fréquentation des salles de cinéma et de concert – le CNM et le CNC sont en effet en partie financés par des taxes affectées assises sur la billetterie –, et un retour du chiffre d’affaires publicitaire chez les éditeurs pour le CNC.

Il convient cependant de rester prudents, d’autant qu’une ressource du CNM manque encore à l’appel : celle issue des organismes de gestion collective, qui ont la faculté de financer le fonctionnement de cette maison commune de la musique. Du fait de la crise sanitaire et de quelques évolutions jurisprudentielles malheureuses, certains de ces organismes rechignent à contribuer au financement du CNM alors même qu’ils participent à son conseil d’administration. Or ces quelques millions d’euros sont importants, tant sur le plan financier que d’un point de vue symbolique. Madame la ministre, que pourrait-on faire pour que ces organismes soient pleinement embarqués dans le CNM à moyen terme ? Approuveriez-vous la création d’une nouvelle ressource assise sur le prix des abonnements aux plateformes musicales de streaming ? Une telle proposition pourrait-elle être défendue au niveau européen dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne ?

La seconde partie de mon avis budgétaire porte sur le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, dont les crédits suivent la trajectoire d’économies décidée par le Gouvernement en 2018, conformément aux contrats d’objectifs et de moyens signés cette année.

J’ai souhaité entendre les représentants des sociétés concernées dans le cadre d’une table ronde unique. Je leur ai notamment demandé leur point de vue sur la réforme de la contribution à l’audiovisuel public : leurs réponses étaient parfaitement cohérentes, vous vous en doutez ! Pour nourrir nos réflexions et les débats à venir, j’ai également souhaité apporter un éclairage européen sur cette question en recevant l’Union européenne de radio-télévision, dont le champ d’action dépasse d’ailleurs largement les frontières de l’Union européenne. On voit bien que le mode de financement des médias de service public entretient un lien relativement étroit avec la notion même de démocratie. J’ai proposé dans mon rapport quatre pistes de réforme, qui pourront sans doute être examinées dans le cadre de la mission confiée à l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l’Inspection générale des finances (IGF) dont il a été question cet après-midi. En Finlande et en Suède, la redevance a été transformée en une taxe individuelle progressive en fonction du revenu. Une telle solution serait-elle possible en France, au vu de la structure de l’impôt sur le revenu ? Serait-elle bien acceptée socialement ?

Parce que les médias et les industries culturelles et créatives sont essentiels à notre démocratie et au rayonnement de notre culture, et parce que ce budget en hausse prend la mesure de ce que l’État doit y consacrer, je recommande à notre commission de donner un avis favorable aux crédits de cette mission.

Mme Marie-Ange Magne, rapporteure spéciale de la commission des finances. Le soutien public au secteur de la presse, des médias et des industries culturelles a été massif tout au long de la crise sanitaire. Il doit perdurer s’agissant d’un secteur qui a durement subi les conséquences de la pandémie. Dans le monde de la musique et du spectacle vivant en particulier, le retour à la normale devrait prendre encore quelques mois car, du fait des contraintes sanitaires et du développement de nouveaux usages, force est de constater que le public n’est pas totalement revenu dans les salles.

Le plan de relance affiche, dans le PLF pour 2022, une dotation de 128,5 millions d’euros en crédits de paiement. Je note que 35 millions sont ouverts pour le CNM, qui bénéficiera en outre d’un report de 140 millions de crédits non consommés en 2021, les dispositifs d’aides transversales ayant bien fonctionné jusqu’à présent. Par ailleurs, 23 millions sont consacrés au plan de relance du livre, tandis que 70 millions seront alloués au plan de filière presse, dont plusieurs dispositifs viennent à peine d’être mis en œuvre.

Au-delà du plan de relance, 2022 doit être l’occasion de se projeter vers l’avenir. Nous pouvons nous réjouir que 400 millions du nouveau programme d’investissements d’avenir (PIA 4) soient fléchés vers les industries culturelles. Placer la France en tête de la production de contenus culturels et créatifs est une priorité du plan France 2030.

La mission Médias, livre et industries culturelles connaît une hausse de 16 millions en crédits de paiement, à périmètre constant. Je souligne en particulier l’augmentation de 7 millions de la dotation de la BNF, qui permettra d’accompagner cette institution dans ses investissements.

La dotation du CNM augmente de 5 millions, conformément à sa trajectoire de montée en puissance. Mais le financement de l’établissement à plus long terme pose question : une unique taxe affectée fondée sur la billetterie ne coïncide pas avec son champ d’action. Un parallèle avec le CNC laisse penser qu’une taxe streaming sur la diffusion en ligne de contenus musicaux pourrait dynamiser le financement du CNM, dans un contexte d’attrition des recettes issues des organismes de gestion collective. L’industrie phonographique semble toutefois exprimer quelques réticences. Madame la ministre, comment pouvons-nous donner durablement au CNM les moyens de ses ambitions ?

Par ailleurs, 2 millions sont fléchés vers la création de la future maison européenne du dessin de presse. Ces crédits marquent le lancement d’un projet très attendu, alors que la liberté d’expression doit plus que jamais être défendue. Plusieurs villes sont encore en lice pour accueillir la Maison. Qu’en est-il du rapport Monadé ? Pourriez-vous préciser les modalités du processus de désignation du lieu d’implantation, ainsi que le calendrier ? Je vous fais remarquer, bien sûr en toute objectivité, que le projet limougeaud présente de nombreux atouts, dont le Salon international de la caricature qui est organisé chaque année dans la commune de Saint-Just-le-Martel n’est pas le moindre. Dans mon département de Haute‑Vienne, votre réponse est très attendue.

Je me réjouis de l’abondement de 1,1 million d’euros du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), conformément aux recommandations du rapport que j’avais présenté en mai dernier dans le cadre du Printemps de l’évaluation. Cette hausse permettra d’absorber l’augmentation du nombre de radios éligibles.

S’agissant enfin du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, 2022 s’annonce comme une année charnière. Avec une nouvelle baisse de 17 millions, les opérateurs arrivent au terme du plan global d’économies de 190 millions. Je ne peux que saluer le lancement de la nouvelle mission IGAC-IGF, qui entend imaginer, en lien étroit avec les parlementaires, un nouveau modèle de financement pour l’audiovisuel public tout en garantissant son indépendance et son impartialité.

Mme Béatrice Piron (LaREM). Madame la rapporteure pour avis, vous nous avez offert une analyse précise des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, qui connaît des modifications de périmètre mais voit ses crédits augmenter de 2,5 % à périmètre constant, s’établissant à 675 millions d’euros.

Les crédits de paiement du programme 180 Presse et médias – plus de 350 millions – sont essentiels pour soutenir l’indépendance et le pluralisme de ce secteur. Pour la presse, 2022 sera une année charnière, après des années de crise structurelle à laquelle se sont ajoutées la crise sanitaire et la crise de la distribution. Le Gouvernement et la majorité ont répondu présent, non seulement en garantissant la stabilité des aides à la diffusion et à la modernisation mais également en créant, en 2021, deux nouvelles aides à la diffusion pour soutenir les titres ultramarins et les services de presse en ligne. Ces aides seront reconduites en 2022. Une réforme ambitieuse sera mise en œuvre dès cette année 2022 en vue d’améliorer la distribution de la presse abonnée. C’est dans cette optique que 62 millions ont été transférés du programme 134 vers le programme 180. En 2024, l’aide à l’exemplaire posté deviendra dégressive, afin d’inciter les éditeurs à recourir au portage. Le soutien aux médias de proximité et à l’expression radiophonique locale est également réaffirmé, dans la mesure où les crédits destinés à cet écosystème local sont stables.

Les moyens accordés au programme 334 Livre et industries culturelles sont globalement stables. Certes, les crédits dédiés aux industries culturelles sont en baisse, du fait du transfert des crédits alloués à la HADOPI vers le programme 308 Protection des droits et libertés. C’est la traduction budgétaire de la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, promulguée ce matin, qui crée un nouveau régulateur aux pouvoirs étendus, l’ARCOM. Quant aux crédits consacrés au livre et à la lecture, ils sont en hausse, ce qui est heureux en cette année où la lecture a été qualifiée de grande cause nationale. Cela permettra de terminer les travaux engagés à la BNF et de renforcer les actions du CNL.

Le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, doté de 3,7 milliards d’euros, s’inscrit dans la continuité de la trajectoire budgétaire définie en 2018 et participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques. Cette trajectoire, déterminée avec les sociétés concernées, s’accompagne de transformations internes ; elle permet le maintien de France 4.

J’insiste sur la nécessité de donner aux sociétés de l’audiovisuel public de la visibilité quant à leur financement, alors que de nombreux bouleversements touchent le secteur. Vous avez rappelé ces enjeux, madame la ministre, et précisé les contours du groupe de travail sur la contribution à l’audiovisuel public. Je vous confirme que nous serons présents et j’espère que la recommandation de Mme la rapporteure pour avis sera étudiée avec intérêt. Je crois qu’une taxe progressive, individuelle ou par foyer fiscal, assise sur les revenus et indépendante de la possession d’une télévision, sera à même de répondre aux exigences d’indépendance, de pérennité et de visibilité de notre audiovisuel public.

Le groupe La République en marche se prononcera évidemment en faveur de ces crédits, qui poursuivent et parachèvent les actions engagées depuis quatre ans.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Je salue la qualité des travaux menés par nos rapporteures.

Avec ce projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement affiche sa constance dans le rabotage des crédits attribués à l’audiovisuel public. Sans doute en a-t-il fait un objectif du quinquennat. Nous assistons en effet, cette année encore, à une baisse généralisée : France Télévisions perd 15 millions, Radio France 3 millions, et Arte 2 millions. Seules les dotations de TV5 Monde et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) restent stables.

La dotation de France Télévisions, à 2,4 milliards d’euros, est en baisse de 145 millions par rapport à 2021. C’est d’autant plus préoccupant qu’elle avait déjà connu, dans le PLF pour 2018, une diminution de 161,9 millions, supérieure à l’objectif fixé pour cette année-là. Rappelons que ces baisses de dotation étaient envisagées en parallèle de la réforme de l’audiovisuel public, depuis lors semble-t-il passée aux oubliettes, qui devait permettre aux chaînes de proposer davantage de publicité, notamment ciblée, et de créer une holding, France Médias, regroupant tous les médias publics hors Arte et TV5 Monde. Où en est cette holding ? Si elle ne voit pas le jour, comment le groupe France Télévisions pourra‑t‑il amortir de telles pertes financières sans que son fonctionnement ni les contenus en pâtissent ?

Ajoutons que, dès 2023, la contribution à l’audiovisuel public disparaîtra. Mme Calvez le rappelle dans son rapport : « Il y a urgence à définir les contours du financement futur de l’audiovisuel public français, les contrats d’objectifs et de moyens récemment adoptés ne courant que jusqu’à la fin de l’année 2022 et contraignant ainsi les sociétés de l’audiovisuel public à un pilotage à vue. » Qu’envisage donc le Gouvernement pour pérenniser l’audiovisuel public ? Peut‑être pourrait-il réaffecter la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) au financement de France Télévisions, comme le réclament depuis maintenant trois ans les députés du groupe Les Républicains ? Madame la ministre, je ne peux pas croire que vous approuviez le détournement de la taxe télécoms au profit du budget de l’État, vous qui étiez ministre dans le gouvernement qui a fait adopter cette mesure, en 2009, sous Nicolas Sarkozy.

Les aides à la presse connaîtront une forte augmentation, de 53,4 %, due aux 70 millions supplémentaires dédiés à la distribution de la presse. En effet, une réforme du portage de presse est en cours, à la suite des conclusions remises en avril 2020 par M. Giannesini sur la réforme du transport postal de la presse. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2022, sous réserve de l’accord des autorités européennes. La nouvelle aide à l’exemplaire reposera sur deux barèmes, l’un pour les exemplaires postés et l’autre pour les exemplaires portés. L’objectif est d’encourager le passage du postage au portage. Or, pour l’instant, force est de constater que le portage fonctionne mal. Sachant que cette réforme représente un effort de 104,9 millions, tous programmes confondus, comment comptez-vous répartir ces crédits pour qu’ils soient efficients ?

Le soutien de l’État au livre et à la musique est légèrement renforcé, ce qui, en réalité, n’est qu’un retour à la normale du budget des principaux opérateurs. D’ailleurs, dans le programme 334 Livre et industries culturelles, les crédits de l’action 02 Industries culturelles accusent une baisse de 7,81 %, que le Gouvernement justifie par le transfert de crédits accompagnant la fusion du CSA et de la HADOPI au sein de l’ARCOM. Au total, l’ARCOM recevra en 2022 une dotation de 46,60 millions, qui doit lui permettre de couvrir le financement des missions qui lui sont assignées en propre, des missions récemment confiées à la HADOPI par l’ordonnance du 12 mai 2021 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique, ainsi que des missions attribuées au CSA au cours des dernières années. Ces crédits suffiront-ils à l’ARCOM pour remplir efficacement ces nombreuses missions ?

Madame la ministre, vous nous présentez cette année encore un budget qui ne répond ni aux défis, ni à l’urgence de la situation que connaît l’industrie culturelle et audiovisuelle. Certes, il y a des augmentations de crédits, mais ne nous leurrons pas : elles correspondent à des transferts de crédits ou sont financées par la dette. En septembre dernier, lors de ses audits flash, la Cour des comptes s’est inquiétée du fait que les aides accordées au secteur de la culture, bien que nécessaires, ne fassent l’objet d’aucun dispositif d’évaluation ex post et qu’il n’existe aucun mécanisme permettant de repérer d’éventuels dysfonctionnements. Envisagezvous de créer des mécanismes d’évaluation des aides accordées pendant la crise du covid ?

Pour toutes ces raisons, notre groupe a décidé de s’abstenir lors du vote des crédits de la mission.

M. Laurent Garcia (Dem). Ce dernier PLF de la législature prévoit une nouvelle augmentation, de plus de 11 %, des crédits de la mission Médias, livre et industrie culturelle. Le groupe démocrate soutient la hausse des crédits des deux programmes de la mission, qui concourent, chacun à leur manière, à la bonne information des citoyens et à leur accès à la culture. Cette hausse démontre la volonté du Gouvernement de soutenir à la fois la presse, dans toute sa variété, et les industries culturelles, après les moments de crise qu’elles ont rencontrés depuis mars 2020. Ces politiques sont cruciales, et les Français ont de nombreuses fois démontré leur attachement à ces questions. C’est pourquoi nous nous réjouissons également de la poursuite du plan de relance dans les filières de la presse, du livre et des industries culturelles.

S’agissant du programme Presse et médias, nous saluons particulièrement l’adoption, au delà des mesures d’urgence, de véritables politiques d’adaptation et de consolidation pour soutenir le secteur. Je pense notamment aux 8 millions apportés par le fonds pour la transition écologique de la presse. De même, grâce à un plan de restructuration dédié et doté de 36 millions au total, l’État va accompagner les imprimeries de la presse régionale dans leur adaptation aux nouveaux usages et flux.

Nous soutenons également la contribution de l’État à la maison européenne du dessin de presse et du dessin satirique, dont la mission sera fondamentale pour défendre cet art de l’esprit critique cultivé par Georges Wolinski. Le projet est parrainé notamment par Mme Maryse Wolinski.

Concernant le programme Livre et industries culturelles, notre groupe se réjouit de l’effort consenti pour soutenir les politiques du livre et de la lecture. Le PLF prévoit notamment un renforcement des moyens du CNL pour soutenir ses actions de promotion. L’accroissement de ces crédits s’inscrit dans la continuité du plan Bibliothèques lancé par le Gouvernement pour ouvrir de nouvelles bibliothèques et améliorer le maillage du territoire.

Soutenir ces politiques revient à promouvoir l’accessibilité de la culture et à soutenir les différentes formes de presse. Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés votera donc les crédits de la mission.

Mme Michèle Victory (SOC). La mission Médias, livre et industrie culturelle et surtout le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public n’ont pas obtenu, ces trois dernières années, un soutien financier à la hauteur de leurs missions et de leurs ambitions. Nous le regrettons.

Alors que la mission Culture voit ses crédits augmenter de 12 %, l’audiovisuel public subit la cure d’austérité imposée par le Gouvernement : l’économie constatée depuis 2018 atteint 200 millions d’euros. Pourtant, le monde de l’audiovisuel est sujet, depuis plusieurs années, à de nombreuses mutations, dans un environnement fortement concurrentiel : multiplication de l’offre depuis l’arrivée des géants américains, qui ont un impact grandissant sur les modes de consommation des Français ; accroissement pendant la crise sanitaire de la consommation de l’information, laquelle est trop souvent vampirisée par les fausses nouvelles diffusées sur les réseaux sociaux ou par certains médias ; bouleversement inquiétant d’un environnement en passe de connaître l’une des plus grosses opérations de l’histoire de l’audiovisuel, à savoir la fusion des deux plus importants groupes privés de télévision, TF1 et M6.

Face à ces risques multiples, votre gouvernement et votre majorité ont choisi de couper dans les budgets de tous les groupes publics : le PLF pour 2022 prévoit une baisse de 14 millions pour France Télévisions, de 2 millions pour Radio France, hors plan de relance, et de 400 000 euros pour Arte ainsi que pour France Médias Monde.

« L’audiovisuel public est un joyau qu’il faut protéger » : ce sont vos mots, madame la ministre. Comment comptez-vous le protéger dans de telles conditions ? Alors que les chaînes et radios publiques ont joué leur rôle de service public et exercé des missions d’intérêt général pendant la crise sanitaire, comme le soulignent tous les rapports relatifs à l’exécution de leurs contrats d’objectifs et de moyens, mon groupe ne peut que regretter cette stratégie d’assainissement de leurs finances. Tous ces éléments sont pour nous des points d’alerte quant à la préservation du patrimoine audiovisuel français et européen. Nous demanderons donc au minimum, pour l’ensemble du secteur, le rétablissement des crédits ouverts dans la loi de finances initiale pour 2021, et pour France Télévisions celui de ses équivalents temps plein (ETP).

Enfin, nous nous inquiétons de ce qu’il adviendra de la contribution à l’audiovisuel public. Il s’agit de la faire mieux accepter par les Français et de l’adapter à leur consommation des médias. Vous avez évoqué une mission à ce sujet, madame la ministre. Nous souhaitons évidemment participer à la réflexion sur cette question très importante et aurions souhaité que les propositions interviennent un peu plus tôt.

Nous avons noté l’augmentation des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles. La hausse de 22 % des crédits du programme Presse et médias est la bienvenue ; il s’agit d’accompagner un secteur fragilisé par la crise et marqué par l’augmentation du nombre de journalistes pigistes en situation de précarité. Le renforcement du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, à hauteur de 1,1 million, était nécessaire, les radios associatives et locales jouant un rôle de valorisation de nos territoires, tout particulièrement dans le monde rural et dans les outre-mer.

Nous appelons votre attention sur certains organismes relevant du programme Livre et industries culturelles. La mesure nouvelle de 5 millions dont bénéficiera le CNM est bien insuffisante, compte tenu des missions remplies par cet opérateur durant la crise. Le CNM a su gérer l’attribution de plusieurs aides au titre de divers fonds, entre autres du fonds de compensation des pertes de billetterie et du fonds de soutien à l’édition musicale dédié à la musique classique. En outre, nous partageons les inquiétudes des acteurs du spectacle vivant privé : le secteur a subi entre 60 % et 80 % de pertes de billetterie et compte sur des mesures d’urgence. Les syndicats que nous avons auditionnés ont unanimement reconnu l’utilité du CNM et ont rappelé combien il était urgent de pérenniser son budget. Or cet objectif ne peut être atteint avec sa dotation et son effectif actuels – son plafond d’emplois reste stable, à 111 ETP, alors que notre pays compte 80 000 entreprises culturelles.

Dans le secteur du cinéma, nous nous félicitons des aides significatives accordées aux exploitants, aux distributeurs et aux agences artistiques.

Dans le secteur du livre, outre l’accompagnement des bibliothèques, des librairies et des éditeurs, nous souhaitons qu’un soutien accru soit apporté aux artistes-auteurs, comme je l’ai indiqué à propos des crédits de la mission Culture.

Nous ne bâtirons pas la France de 2030 sans un investissement massif dans l’audiovisuel public et dans la lutte contre la désinformation et les fausses nouvelles. Cela a un coût, que nous devons assumer. Mon groupe est donc à ce stade peu enclin à voter les crédits de la mission.

Mme Béatrice Descamps (UDI-I). Je salue l’augmentation du budget de la mission Médias, livre et industries culturelles, et notamment la pérennisation de certaines aides à la presse, précieuses dans les territoires de métropole et dans les outre-mer.

Ayant examiné récemment deux propositions de loi, relatives l’une aux bibliothèques et l’autre à l’économie du livre, nous pouvons nous réjouir qu’un budget ambitieux accompagne le secteur des industries culturelles. Notons cependant que la majeure partie de son augmentation est due à la réforme de la distribution de la presse que votre ministère a souhaité engager. Je m’interroge donc sur la pérennité des moyens, notamment de la nouvelle aide à la distribution.

À propos de la distribution de la presse, j’ai lu hier avec surprise qu’un conflit semblait naître entre la société France Messagerie et ses principaux concurrents autour d’une créance que les actionnaires de la première refuseraient de cautionner, alors même que Presstalis, dont elle a repris les activités, avait reçu l’aide d’un organisme de l’État. J’ai surtout été étonnée de lire que certains voudraient supprimer cette créance dans le PLF que nous sommes en train d’examiner. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Le secteur de la presse a connu de grandes difficultés au cours de la période que nous venons de traverser, mais il est en crise de façon générale, du fait de la mutation de son modèle économique. Le sujet des droits voisins, qui revient assez régulièrement devant notre commission, a connu de nouveaux développements ces derniers jours : Facebook a annoncé avoir signé un accord avec l’Alliance de la presse d’information générale. On sait que l’Autorité de la concurrence avait condamné Google pour avoir signé des contrats sans inclure l’Agence France‑Presse (AFP) et un certain nombre de magazines. Le contrat signé par Facebook court-il les mêmes risques ? À moins que des discussions n’aient lieu avec d’autres acteurs ?

Dans la proposition de loi relative aux bibliothèques, nous avons introduit une disposition tendant à ce que leurs collections soient accessibles aux personnes en situation de handicap – je remercie de nouveau Florence Provendier, rapporteure du texte, pour son soutien à ce sujet. L’objectif est que les bibliothèques adaptent leurs collections, notamment les écrits, aux personnes atteintes d’un handicap, quel qu’il soit, des maladies invalidantes aux troubles dys. Cette égalité d’accès étant sur le point d’être consacrée, je souhaite que votre ministère, aux côtés des collectivités territoriales, aide les bibliothèques à rendre leurs collections accessibles, notamment en proposant des versions audio ou adaptées aux handicaps cognitifs. Je comprends les problèmes de droit d’auteur qui se posent, même s’il existe une exception précisément en faveur des personnes en situation de handicap, mais ils sont largement dépassés par l’ambition de rendre les ouvrages accessibles à tous.

Les députés UDI et indépendants envisagent favorablement les crédits de cette mission, mais seront attentifs à vos réponses.

M. le président Bruno Studer. Je précise que la commission auditionnera M. Sandro Martin, directeur général de France Messagerie, le 8 décembre prochain.

M. Michel Larive. Deux sujets sont majeurs à mes yeux : d’une part les aides à la presse et la question de la pluralité des médias, d’autre part la crise de l’audiovisuel public.

Les crédits alloués aux aides à la presse, qui augmentent de 62,3 millions, en hausse de 53,3 %, absorbent la quasi-totalité de la hausse de 70,9 millions prévue pour l’ensemble de la mission. En revanche, les aides au pluralisme baissent, quant à elles, de 1,2 million. Les moyens alloués aux médias de proximité n’augmentent pas ; autrement dit, ils sont en baisse, si l’on tient compte de l’inflation. Cette répartition des crédits contrevient à la volonté d’améliorer le pluralisme dans nos médias.

Le 5 juillet dernier, Action-critique-médias (ACRIMED) a publié un article intitulé « Le clan des milliardaires accapare les aides à la presse ». M. Frédéric Lemaire y a analysé la liste des titres et groupes de presse ayant bénéficié des aides directes et indirectes à la presse, de 2016 à 2019. Il en a conclu : « En 2019, plus de la moitié – 51 % – des 76 millions d’euros attribués en aides à la presse ont bénéficié à six groupes appartenant à huit richissimes familles ou hommes d’affaires ». En subventionnant la distribution sur tout le territoire d’une poignée de quotidiens détenus par quelques milliardaires, vous renforcez leur emprise sur la presse française, au lieu de soutenir le pluralisme et la diversité.

Je vous alerte également sur la fusion entre les groupes TF1 et M6. Le groupe TF1 possède non seulement la chaîne éponyme, mais aussi les chaînes LCI, TMC, TFX, TF1 Séries Films, Ushuaïa TV, Histoire TV et TV Breizh. Grâce à la fusion s’ajouteront désormais M6, W9, 6ter, Gulli, Paris Première, Téva, Série Club, Canal J, TiJi, MCM, MCM Top et RFM TV. Cet inventaire à la Prévert parle de lui-même : l’hyperconcentration qui s’annonce avec ce futur groupe de presse bafoue l’idée même de pluralité dans les médias.

Le service public de l’audiovisuel a connu une cure d’austérité sans précédent sous ce quinquennat. Le Gouvernement n’est d’aucun soutien face aux coûts supplémentaires liés à la crise sanitaire que les entreprises publiques de l’audiovisuel doivent supporter. Pis, le budget pour 2022 est de nouveau en baisse, de 2 millions. France Télévisions est l’entreprise publique la plus affectée. D’après ce qui est indiqué dans son contrat d’objectifs et de moyens 2020-2022, l’effectif total au sein du groupe a été réduit de 1 469 ETP depuis 2012, soit une baisse de 14 %. L’an passé, 394 ETP supplémentaires ont été supprimés. L’an prochain, le budget du groupe sera de nouveau amputé, malgré l’inflation. Pourtant, France Télévisions reste le premier média des Français, puisqu’il touche en moyenne près de 49 millions de personnes chaque semaine, soit environ 80 % de la population. C’est aussi sous ce quinquennat, je le rappelle, que France Ô a été supprimée, ce qui témoigne du peu de considération manifesté par le Gouvernement à l’égard de nos compatriotes d’outre-mer.

Bref, le groupe de La France insoumise votera contre le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles, comme il le fera pour la mission Culture. Il est fait, à l’image des politiques destructrices que vous menez depuis cinq ans, au détriment du service public de l’audiovisuel et au profit des grands groupes de médias privés.

Mme Stéphanie Kerbarh (LT). Le groupe Libertés et territoires se réjouit de la hausse des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles, bien qu’elle soit moins marquée que celle des crédits de la mission Culture. Ce sont là des signaux importants pour l’ensemble du secteur culturel et audiovisuel, largement abîmé et durablement fragilisé par la crise sanitaire. Les crédits connaîtront ainsi une augmentation de plus de 10 %, due avant tout, il est vrai, à une mesure de périmètre.

Ces crédits soutiendront notamment une filière de la presse très fragilisée par la crise et déjà en proie de longue date à des difficultés structurelles. À cela s’ajoute la crise de la distribution de la presse imprimée vendue au numéro. La faillite de Presstalis ne fait que confirmer les inquiétudes conçues depuis de nombreuses années à l’égard du modèle économique du secteur. Dans un tel contexte, notre groupe salue la reconduction des deux aides au pluralisme créées en 2021, celle dédiée aux titres ultramarins d’information politique et générale et celle destinée aux services de presse en ligne. En outre, la réforme du transport de la presse, qui verra le jour en 2022 et doit inciter au portage, est encourageante. Pourriez‑vous nous en dire davantage, madame la ministre, sur les objectifs que vous fixez ?

Les conséquences de la crise sanitaire seront également durables pour le secteur du livre et celui des industries culturelles, qu’il s’agisse du cinéma ou de la musique. Nous saluons à cet égard les hausses de crédit, mais appelons à soutenir les efforts durablement. C’est notamment nécessaire en ce qui concerne l’ouverture et le développement des bibliothèques, dans la lignée des préconisations du rapport Orsenna. Il semble en effet que des inégalités territoriales persistent en matière d’accès aux bibliothèques.

Nous conservons une inquiétude au sujet de l’ARCOM. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, nous avions insisté sur la nécessité de doter la nouvelle autorité des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions, à rebours de la baisse des crédits du CSA qui avait été observée ces dernières années. Nous présenterons un amendement en ce sens dans la mission Direction de l’action du Gouvernement.

Enfin, malgré une stratégie qui repose sur des réductions d’effectif et des coupes budgétaires reconduites d’année en année, le service public audiovisuel a joué son rôle en matière d’information, de proximité, mais aussi d’éducation depuis le début de la crise. À cet égard, alors que les écoles étaient fermées, le travail accompli par France 4 est particulièrement notable. Notre groupe se félicite donc du maintien de la chaîne, en souhaitant qu’il soit durable.

Enfin, l’audiovisuel extérieur ne doit pas être la variable d’ajustement de l’audiovisuel public : il contribue aussi au rayonnement de notre langue et de notre culture ainsi qu’à notre influence.

M. Gaël Le Bohec. Dans la période troublée que nous traversons, où se conjuguent la percée des extrémistes et des apprentis sorciers de tous poils, et l’omniprésence des réseaux sociaux et des chaînes d’information, où l’information et la désinformation se superposent voire se concurrencent, je me réjouis de la hausse sans précédent des crédits de votre ministère.

Madame la ministre, vous qui êtes résolument féministe, je souhaite vous interroger sur le budget intégrant l’égalité (BIE), une méthodologie développée par les Nations unies depuis 1997 afin de faire avancer l’égalité entre femmes et hommes dans les politiques publiques mondiales. Le Gouvernement a adopté cette méthodologie le 8 mars 2018. Cinq programmes sur cent cinquante ont été présentés sous l’angle du genre dans le projet de loi de finances pour 2021, et l’ont abandonné : ce sont cinq nouveaux programmes qui ont été choisis pour 2022. Avec un tel zapping, il faudra trente ans pour expérimenter le BIE pour l’ensemble des programmes ! Qu’en est-il du budget intégrant l’égalité dans votre ministère ? Plus largement, quelle place y est accordée à la question de l’égalité – peut-être votre fougue sera-t-elle un accélérateur déterminant en la matière ?

Mme Constance Le Grip. Aujourd’hui est officiellement créée la société des droits voisins de la presse, nouvel organisme de gestion collective (OGC) qui réunit éditeurs et agences de presse. C’est l’aboutissement d’un combat que la France et les parlementaires ont mené non sans panache et avec succès puisque le droit voisin est désormais reconnu dans la directive européenne du même nom, malgré les avatars et les vicissitudes qui ont jalonné son parcours. Il reste à préciser les conditions de sa transposition : la mission d’information présidée par notre collègue Virginie Duby-Muller et dont M. Laurent Garcia est le rapporteur sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse y contribuera certainement.

J’ai déposé un amendement destiné à accompagner financièrement la création de cette société, qui sera présidée par M. Jean-Marie Cavada et dont le rôle complémentaire d’expertise sera important pour le devenir de la presse.

Mme Aurore Bergé. Je salue la promulgation aujourd’hui de la loi sur l’accès aux œuvres. Pour répondre à certains collègues, il n’y a pas de crise de l’audiovisuel public. Une trajectoire a été définie et la démonstration a été faite que le public est au rendez-vous, puisque les audiences ont augmenté. L’État a soutenu l’audiovisuel public pendant la crise en renforçant ses moyens et en pérennisant France 4, qui devient une chaîne de la jeunesse et de la culture. Je note avec satisfaction que les moyens alloués à l’ARCOM sont supérieurs à ceux dont disposaient le CSA et la HADOPI réunis.

On sait que 347 quartiers prioritaires de la politique de la ville restent dépourvus de bibliothèque. Il est pourtant indispensable d’aller vers les publics qui y résident. La dotation générale de décentralisation pourrait-elle être orientée prioritairement vers ces quartiers ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Commençons par l’audiovisuel public. Je trouve touchant le soudain intérêt de ceux-là mêmes qui par le passé l’ont si souvent critiqué et stigmatisé. La trajectoire annoncée depuis le début du quinquennat traduit l’exigence d’une meilleure gestion. L’audiovisuel public y a parfaitement répondu par des réformes structurelles. Cela n’a pas empêché l’État d’être au rendez-vous lorsqu’il a fallu l’aider à surmonter la crise sanitaire. Dans le cadre du plan de relance, il est ainsi prévu de consacrer 45 millions à France Télévisions, 20 à Radio France, 5 à Arte, 2 à l’INA, ainsi que 500 000 euros à TV5 Monde et à France Médias Monde. Nous avons assumé notre engagement.

J’ai été étonnée du silence assourdissant qui a suivi les déclarations ahurissantes de Mme Marine Le Pen sur son projet de privatisation de l’audiovisuel public. J’ai sans doute été la seule à monter au créneau pour les juger totalement inconvenantes. J’ai également relevé les propos de certains candidats ou non-candidats à la présidence de la République décrivant l’audiovisuel public comme un repaire de gauchistes indignes de participer au débat public. J’attends que les uns et les autres fassent part de leurs commentaires.

Les réformes structurelles ont donc porté leurs fruits. Le Gouvernement est aux côtés d’un audiovisuel public de qualité – j’en suis une défenseure acharnée – qui, grâce aux crédits importants que la contribution à l’audiovisuel public permet de lui allouer, assume parfaitement ses missions. Cela devait être rappelé.

Madame la rapporteure pour avis, votre interrogation sur une fusion des aides à la presse est légitime. Quel que soit le secteur, toute nouvelle aide répond à un besoin conjoncturel et vient s’ajouter aux précédentes. Une refonte d’ensemble pour mettre fin à l’empilement actuel des aides à la presse est envisagée depuis plusieurs années, mais ses implications budgétaires, juridiques et économiques sont telles qu’elle ne pourra se faire que sur le moyen terme. Les propositions ne manquent pas – Mmes Géraldine Bannier et Virginie Duby-Muller ont apporté leur contribution à travers la mission flash relative aux aides à la presse régionale et locale. Ce vaste chantier n’est pas sans rappeler celui de la fusion des minima sociaux : tout le monde en parle mais dès qu’on y regarde de près, on s’aperçoit que c’est insoluble !

S’agissant du crédit d’impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale, adopté en juillet 2020, il a été décidé de le prolonger d’un an, compte tenu de sa validation tardive par la Commission européenne. Encore faut-il que les entreprises s’en emparent. Lors du dîner des professionnels de la presse organisé par L’Humanité, j’ai exhorté ces derniers à faire la plus large promotion du dispositif auprès des lecteurs et des bénéficiaires potentiels.

L’aide au pluralisme des services de presse en ligne n’a pas été intégrée dans les autres aides au pluralisme, qui s’adressent principalement à la presse papier. Nous poserons en 2022 la première pierre d’une refonte de l’architecture générale du dispositif en intégrant les titres numériques dans les aides au pluralisme.

En ce qui concerne l’implantation du futur centre de conservation de la BNF, 80 dossiers ont été déposés par diverses collectivités territoriales. La BNF a déjà procédé à plusieurs sélections et visité plusieurs sites. Le nom du lieu retenu doit être annoncé prochainement. La décision appartient à la BNF et non au Gouvernement : il s’agit pour elle d’un outil de travail et c’est sa présidente Mme Laurence Engel qui fera connaître le choix final.

S’agissant de la réforme du transport postal de la presse, M. Emmanuel Giannesini avait proposé au terme de sa mission un scénario ambitieux fondé sur deux objectifs : la réduction des volumes de presse chaude qui sont encore postés, avec un transfert vers le portage, et la stabilisation des tarifs postaux. La réforme entrera en vigueur au 1er janvier 2022, sous réserve de l’approbation de la Commission européenne.

Les OGC sont déjà « embarqués » dans le CNM, puisqu’ils disposent de cinq sièges au conseil d’administration. Y sont représentés la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), la Société civile pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), et la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes (SPEDIDAM). Nous avons conclu avec eux une convention prévoyant la reprise de leur contribution.

Madame la rapporteure spéciale, le Président de la République a annoncé, lors de ses vœux à la presse, la création d’une maison dédiée au dessin de presse. Une mission de préfiguration a été confiée à M. Vincent Monadé. Son rapport, rendu fin octobre 2020, comportait quelques lacunes. Il n’y était ainsi aucunement question de la sécurité de cette maison de la caricature et du dessin de presse, dont on peut pourtant penser qu’elle pourrait susciter quelque malveillance. Deux sites sont envisagés : une école du 6e arrondissement de Paris, qui a la faveur de Mme Maryse Wolinski mais peu d’appui du côté des collectivités territoriales, et un bâtiment industriel situé à Limoges, à proximité du salon international de la caricature, du dessin de presse et d’humour de Saint-Just-le-Martel, qui bénéficie d’un fort engagement de la région Nouvelle-Aquitaine et de l’appui de nombreux dessinateurs de presse et députés. Le choix, qui doit conjuguer attractivité culturelle et touristique de la ville d’accueil, qualité du partenariat avec les collectivités et sécurité du site et de ses utilisateurs, devrait intervenir prochainement. En signe de notre intérêt et de notre détermination, le programme 334 consacre 2 millions à ce projet.

J’en viens à la taxe sur le streaming. Le financement du CNM reposait initialement sur une combinaison simple : taxe affectée sur la billetterie des spectacles de variétés, dont l’assiette est constituée des recettes de billetterie, contribution des OGC de la filière et complément budgétaire de l’État montant en charge sur trois ans. L’effondrement des recettes consécutif à l’arrêt des spectacles a révélé la fragilité de cette maquette financière. En outre, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a reporté durablement la contribution des OGC au financement du CNM.

Dans ce contexte, toutes les solutions devaient être explorées pour renforcer la symétrie entre les acteurs du spectacle et ceux de la musique enregistrée. L’une d’entre elles serait la taxation des ventes de musique, notamment par abonnement, par parallélisme des formes avec la taxe sur les recettes de billetterie. Cette solution présenterait l’avantage de permettre une taxation de la filière par et pour elle-même, mais risquerait de déstabiliser le secteur de la musique enregistrée, qui a traversé une crise sévère au cours de laquelle sa valeur s’est effondrée de 65 % et qui n’a renoué avec la croissance que récemment, précisément grâce au streaming par abonnement. En outre, elle soulève de lourdes interrogations juridiques, notamment sur notre capacité à taxer les acteurs numériques internationaux pour la part de leur chiffre d’affaires réalisée en France. Il est trop tôt pour se prononcer, mais la solution retenue devra être la plus juste et la plus protectrice pour ceux qui bénéficient aujourd’hui des revenus du streaming.

S’agissant de l’évaluation des dispositifs de soutien mis en place, je ne nie pas que quelques indélicats aient pu profiter de l’un d’entre eux. Mais nous devions faire un choix : soit bâtir des machines technocratiques, avec tous les formulaires, démarches et justificatifs correspondants ; soit privilégier la souplesse et la rapidité d’intervention. C’est ce que nous avons fait – car certains étaient en train de crever ! Nous avons plutôt réussi. Nous avons accepté dès le départ qu’il y aurait un peu de coulage, mais il s’avère limité et nous sommes en train de faire ce qu’il faut pour récupérer les sommes indûment perçues. Réjouissons-nous de ce que l’État, si souvent taxé de technocratique et paperassier, ait ainsi réussi à sauver nombre d’acteurs de la culture : ces petits coulages, qui de surcroît ne mettent absolument pas en cause l’intégrité du dispositif, valaient la peine.

Je reviens aux indépendants et aux groupes de presse : la moitié des aides va à des entités spécialisées dans la presse, l’autre moitié à des entités incluses dans des ensembles plus vastes. Pour protéger le pluralisme, le législateur doit éviter la constitution de groupes transmédias dominants, sans pour autant empêcher un actionnaire possédant des activités hors presse d’investir dans la presse. Le principe d’égalité veut que tout titre d’information politique et générale soit éligible aux aides, sans considération de sa ligne politique ou de son actionnariat. Il est inexact de dire que les aides à la presse sont captées par les grands groupes industriels. Certaines aides sont plafonnées par groupe et, dans certains cas, réservées aux structures indépendantes des groupes. L’exigence est accrue pour les grands groupes : pour ceux ayant touché plus de 1 million d’aides par an en moyenne sur trois ans, des conventions‑cadres subordonnent l’aide à des bonnes pratiques, notamment en matière de responsabilité sociale et environnementale. Sur 38 éditeurs ayant vocation à entrer dans le dispositif, 23 ont déjà signé une convention-cadre.

Je suis très attachée à l’accès à la lecture des personnes handicapées. Conformément à la directive « accessibilité », les formats des livres numériques devront être accessibles dès 2022 aux personnes handicapées. Les éditeurs sont prêts pour les livres classiques ; les maquettes sont adaptées grâce à l’exception handicap au droit d’auteur. Nous lançons un portail pour commander les livres et les adapter plus rapidement.

L’égalité femmes-hommes est une priorité du ministère, qui a élaboré une feuille de route en la matière. Il nous faut améliorer l’égalité professionnelle dans tous les secteurs, favoriser un égal accès aux financements, encourager la visibilité des artistes et des créatrices, lutter contre les violences sexuelles et sexistes. Mais en même temps, nous devons préserver la liberté de création et de programmation. Plutôt que des budgets « genrés », le ministère promeut la parité dans les commissions d’attribution des aides – c’est le cas au CNC, au CNL, au CNAP (Centre national des arts plastiques) et au CNM. Et ça marche : 43 % des bénéficiaires des aides aux auteurs et traducteurs sont des femmes, comme 41 % des lauréats de l’avance sur recettes.

Mes services sont à votre disposition pour toute précision.

 

 


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II.   Examen des crédits

La commission examine ensuite, pour avis, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » (Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis).

M. le président Bruno Studer. Nous en venons à l’examen des amendements déposés sur la mission Médias, livre et industries culturelles.

Article 20 et État B

Amendement II-AC99 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Il s’agit de doter le CNM de 10 millions supplémentaires. Tout le monde s’accorde à dire que cet opérateur est indispensable au secteur culturel. Nous souhaitons qu’il puisse continuer à proposer à la fois des soutiens pérennes et des subventions temporaires. Ses moyens actuels sont insuffisants pour cela.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Vous avez raison de souligner le rôle du CNM. Néanmoins, celui-ci va déjà bénéficier de 5 millions supplémentaires ainsi que du reliquat des fonds qu’il n’a pas dépensés cette année. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC94 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Cet amendement d’appel vise à accorder des moyens supplémentaires aux librairies et aux éditeurs afin de compenser le coût de l’envoi postal des livres. Nous avons adopté en première lecture une proposition de loi visant à conforter l’économie du livre. Dans l’attente de son aboutissement, l’État doit accompagner les libraires indépendants et les auto-éditeurs.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Un dispositif de ce type a été mis en place en novembre et décembre 2020 pour compenser les tarifs postaux : 637 entreprises ont pu obtenir le remboursement de leurs frais d’envoi, pour un coût total d’environ 3 millions d’euros. Le parti pris du texte que nous venons d’adopter en première lecture, issu, je le rappelle, d’une proposition de loi de Mme la sénatrice Laure Darcos, est différent, puisqu’il s’agit d’instaurer un tarif minimal applicable à la livraison des livres, fixé par le ministère de la culture sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Espérons que son adoption définitive et sa promulgation soient rapides. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC97 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Il convient de pérenniser l’aide de 3 millions à destination des radios et télévisions locales, qui sont un gage de diversité et d’indépendance et ont été durement touchées par la crise.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Le fonds d’urgence pour les télévisions et radios locales est couvert par les règles dérogatoires fixées par la Commission européenne en matière d’aides d’État, qui s’étendent jusqu’au 31 décembre 2021. Pour le pérenniser, il faudrait engager de nouvelles négociations avec les autorités européennes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC120 de Mme Constance Le Grip.

Mme Constance Le Grip. C’est aujourd’hui, mardi 26 octobre 2021, qu’a été officiellement créée la société des droits voisins pour la presse, présidée par M. Jean-Marie Cavada. Ce nouvel organisme de gestion collective permettra de garantir concrètement aux éditeurs et aux agences de presse une juste rémunération pour la fourniture de contenus. Il s’agit d’une première dans le monde. Il me semblerait judicieux d’envoyer un signal politique fort en apportant à cette structure un soutien financier de 1 million, à travers la création d’un nouveau programme – puisqu’on ne peut pas flécher des crédits en provenance du fonds stratégique pour le développement de la presse ou du fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Le signal politique fort que le milieu culturel attendait, madame Le Grip, nous l’avons envoyé : c’est la transposition des droits voisins. Le modèle de financement des OGC repose plutôt sur un prélèvement effectué sur les droits collectés. De surcroît, les entités qui composent la nouvelle structure disposent probablement des moyens juridiques et d’analyse nécessaires à son fonctionnement : elle ne sera pas dépourvue de ressources. Avis défavorable.

Mme Michèle Victory. Je soutiens cet amendement. Lors de l’audition de M. Jean‑Marie Cavada, il avait été bien précisé qu’il ne s’agissait que d’une aide temporaire, au démarrage de l’activité. Dans un second temps, l’OGC trouvera bien évidemment des moyens de financement propres. Mais ce petit coup de pouce au démarrage serait un signal fort dans le cadre de notre combat pour les droits voisins.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC124 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps. Les petites radios associatives font vivre nos territoires en proposant une information locale. Elles sont devenues, pour reprendre les mots du CSA, « de vrais relais de proximité » et doivent être « des acteurs de la radio du futur ». Le Gouvernement en est tout à fait conscient, puisqu’il propose un appel à projets visant à soutenir les médias de proximité, dont les webradios sous statut associatif. Le présent amendement tend à renforcer ce dispositif.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Les crédits de l’action 5 du programme 180 ont déjà connu une hausse de 250 000 euros l’année dernière, hausse qui est reconduite cette année. Votre demande me paraît en partie satisfaite. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC56 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Lors de la discussion générale, j’ai dénoncé le système actuel des aides à la presse, qui ne garantit pas selon moi le pluralisme dans notre pays. Dans sa réponse, Mme la ministre a délivré ses arguments comme autant de vérités révélées. Certes, l’aide est en moyenne de 1 million par titre, mais elle est très inégale puisque certains groupes détiennent plusieurs titres. En réalité, six groupes se partagent 76 millions. Je prends quelques exemples : les titres du groupe Le Monde, détenus par la holding Le Monde libre de M. Xavier Niel, qui n’est pas exactement ce qu’on appelle pauvre, reçoivent 5,2 millions, Libération touche 5,9 millions, Le Figaro, 5,7 millions… Le présent amendement est un appel à établir un autre modèle médiatique, fondé sur des médias pluriels et responsables.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Étant donné qu’il s’agit d’un amendement d’appel, vous ne serez pas étonné que mon avis soit défavorable. Toutefois, je partage votre opinion quant à la nécessité de réformer le système actuel, même si je ne le ferais pas à partir des mêmes critères. Dans un récent rapport, Mme Laurence Franceschini préconise par exemple que les aides soient conditionnées par la présence effective de journalistes au sein de la rédaction. La réflexion doit être approfondie.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles non modifiés.

M. le président Bruno Studer. Nous en venons aux amendements portant sur le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Article 22 et État D

Amendements II-AC93, II-AC91, II-AC92 et II-AC89 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. Depuis 2018, les crédits alloués à l’audiovisuel public ne cessent de baisser, jusqu’à 160 millions cette année. C’est conforme à la trajectoire budgétaire que vous avez établie, et que nous contestons. Ces amendements visent à rétablir les budgets de quatre des entreprises publiques concernées à leur niveau de 2021.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Il s’agit certes d’une trajectoire d’économies, mais qui n’a pas empêché le soutien de l’État lors de la crise sanitaire, comme Mme la ministre l’a rappelé. Allons jusqu’au bout de l’effort prévu, avant d’ouvrir un nouveau chapitre qui sera peut-être différent. Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC60 de M. Michel Larive.

M. Michel Larive. Mme la ministre nous a effectivement dit que le plan de relance avait permis de réinjecter 45 millions dans France Télévisions, mais, depuis 2017, ce sont 229,25 millions d’euros qui ont été enlevés à l’audiovisuel public, dont 191 à France Télévisions. Vous dites, madame la rapporteure, que cette trajectoire va prendre fin. Espérons-le parce que depuis 2012, selon le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, l’effectif total du groupe a été réduit de 1 469 équivalents temps plein, soit une baisse de 14 %. Le présent amendement est un appel à une autre trajectoire budgétaire.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Les réformes ne se sont pas faites au détriment de la qualité des programmes et de l’audience des chaînes.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public non modifiés.

 

 

 


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   annexe :
Liste des personnes entendues par la rapporteure

 

– France messagerie  M. Sandro Martin, directeur général, et M. Thomas Liebel, directeur financier

– Agence France presse M. Fabrice Fries, président-directeur général, et Mme Anne Calchera, directrice des affaires financières

 Centre national de la musique – M. Jean-Philippe Thiellay, président, M. Romain Laleix, directeur général délégué, et M. Pierre- Louis Le Guillou, chargé de mission auprès de la présidence

 Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) – M. Olivier Henrard, directeur général délégué, et M. Maxime Boutron, directeur général délégué-adjoint

– Union Européenne de Radio-Télévision (UER)  Mme Florence Hartmann, responsable du Service d’analyse médias de l’UER, Mme Beatriz Pastor y Puga, chargée des relations avec France Télévisions à l’UER, et M. Éric Scherer, directeur des affaires internationales de France Télévisions

 Conseil supérieur de l’audiovisuel  M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Guillaume Blanchot, directeur général, M. Alban Marino, directeur administratif, financier et des systèmes d’information

 Direction générale des finances publiques M. Christophe Pourreau, directeur de la législation fiscale, M. Guillaume Denis, sous-directeur de la fiscalité locale, M. Olivier Touvenin, chef du service de la gestion fiscale de la DGFIP, M. Grégory Berthelot, sous-directeur de la gestion fiscale des particuliers

 Haute autorité pour la diffusion des œuvres et de la protection des droits sur internet (HADOPI)  Mme Monique Zerbib, présidente, Mme Pauline Blassel, secrétaire générale, et M. François Dazelle, directeur des affaires financières

 Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)  M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général, Mme Elizabeth Le Hot, adjointe au directeur général des médias et des industries culturelles, M. Rodolphe Sellier, chef du bureau de la régulation des technologies au service du livre et de la lecture, et M. Loïc Masson, chef du bureau des affaires budgétaires et financières

 

     Table ronde réunissant :

– Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) *  M. Laurent Bérard-Quelin, président, et Mme Catherine Chagniot, directrice générale

– Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL) * – Mme Cécile Dubois, co-présidente

– Alliance de la presse d’information générale (APIG) *  M. Pierre Petillault, directeur général

– Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) * M. Alain Augé, président, M. François Claverie, vice-président et Mme Julie Lorimy, directrice générale

     Table ronde réunissant :

 Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI) – M. Stephan Bourdoiseau, président, et M. Guilhem Cottet, directeur général

 Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) M. Marc Guez, directeur

 Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP) *  M. Bertrand Burgalat, président, M Alexandre Lasch, directeur général, et Mme Émilie Trébouvil, directrice des affaires publiques et règlementaires

 Fédération nationale des labels indépendants (FELIN) – M. Mathieu Dassieu, président, et Mme Clothilde Chalot, trésorière

 Syndicat des Musiques Actuelles (SMA) *  M. Guillaume Roche, directeur du label Accords croisés, et Mme Aurélie Hannedouche, déléguée générale

 Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), les labels indépendants M. Jérôme Roger, directeur général

     Table ronde réunissant :

 Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) *  M. Pierre Jolivet, président, M. Mathieu Debusschère, délégué général

 Amazon France *  M. Yohann Bénard, directeur de la stratégie, et Mme Philippine Colrat, responsable Affaires publiques

 Disney *  Mme Delphine Billy, director, Business Affaires

 Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC) *  M. Didier Huck, membre du BLIC et Président de la Fédération des industries du cinéma, de l'audiovisuel et du multimédia *, et Mme Hélène Herschel, secrétaire générale

 Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC)  Mme Valérie Lepine Karnik, déléguée générale de l’Union des producteurs de cinéma, et Mme Rosalie Brun, déléguée générale de la société des réalisateurs de films

 Syndicat des producteurs et créateurs d’émissions de programmes audiovisuels (SPECT) *  M. Jérôme Caza, président, et M. Vincent Gisbert, délégué général

 AnimFrance *  M. Philippe Alessandri, président

 Netflix *  M. Fabrice Laffargue, directeur des affaires réglementaires, et Mme Karolina Sobkowicz, conseillère

 M6 *  Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires

     Table ronde réunissant :

 France Télévisions *  Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente directrice générale, M. Christophe Tardieu, secrétaire général

 Arte France *   M. Bruno Patino, président, et M. Frédéric Bereyziat, directeur général en charge des ressources

 France Médias Monde – Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale, et Mme Fanny Boyer, adjointe au directeur de la communication et des relations institutionnelles

 TV5 Monde  M. Yves Bigot, directeur général, et M. Thomas Derobe, secrétaire général

 Radio France  Mme Sibyle Veil, présidente-directrice générale, et M. Xavier Domino, secrétaire général

 Institut national de l’audiovisuel  M. Laurent Vallet, président-directeur général, et Mme Agnès Chauveau, directrice générale déléguée

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Une réduction de l’aide de 15 % est ainsi prévue à partir du 1er janvier 2024 ; elle ne sera toutefois pas appliquée aux exemplaires distribués dans des communes dans lesquelles il n’existe pas, à court terme, d’alternative à la distribution postale.

([2]) Cf. Avis n° 1303 de Mme Céline Calvez sur le projet de loi de finances pour 2019, p. 18.

([3]) Communication de Mmes Géraldine Bannier et Virginie Duby-Muller sur la mission flash relative aux aides à la presse régionale et locale, 7 avril 2021.

([4]) Il convient de noter que seuls 7,8 millions d’euros ont été versés à la HADOPI en 2021, du fait du niveau de la réserve de précaution et d’un nouvel écrêtage du programme appliqué en 2021.

([5]) Ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 portant transposition du 6 de l'article 2 et des articles 17 à 23 de la directive 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les directives 96/9/CE et 2001/29/CE.

([6]) Pas moi de sept lois ont étendu le champ des missions du CSA depuis 2018.

([7]) Une économie de 0,8 million d’euros résultant de l’abandon du loyer de la HADOPI est toutefois à noter.

([8]) Entré en vigueur le 16 juin 2021, il permet aux éditeurs justifiant d’une baisse de chiffre d’affaires d’au moins 10 % en 2020 de bénéficier d’un crédit d’impôt sur leur impôt sur les sociétés égal à 15 % des dépenses de création audiovisuelle et cinématographique, de redevances aux organismes de gestion collective et de rémunérations des auteurs.

([9]) Ce taux est passé de 20 % à 25 %, soit le taux dont bénéficient les œuvres audiovisuelles de fiction et d’animation.

([10]) CNM, Impacts du passage à l’UCPS par les services de musique en ligne, janvier 2021.

([11]) Tome I de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2022.

([12]) CJUE, Recorded Artists Actors Performers Ltd contre Phonographic Performance (Ireland) Ltd, 8 septembre 2020. La rapporteure avait consacré un développement à cet arrêt dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2021 ; il induirait une perte totale de 25 millions d’euros pour les OGC concernés.

([13]) Par exemple en 2014 avec le groupe Sky, présent dans 5 pays, auprès de 21 millions de foyers européens.

([14]) Soit 576,7 millions d’euros hors taxes, dont 10 millions d’euros de CAP d’investissement.

([15]) Table-ronde réunissant les dirigeants des sociétés et établissement de l’audiovisuel public, 23 septembre 2021.

([16]) La progression des recettes commerciales de FMM est structurellement affectée par le morcellement d’un marché publicitaire international dominé par les diffuseurs anglophones, par des limitations du champ de commercialisation des espaces publicitaires s’imposant aux médias d’information (interdiction de parrainer des journaux ou magazines d’information par exemple), et par certaines évolutions réglementaires africaines qui affectent les décrochages publicitaires locaux, notamment pour RFI.

([17]) En 2019 et 2020, et dans le cadre du plan d’économies mis en œuvre par l’entreprise, quatre contrats satellitaires n’ont pas été renouvelés : un contrat au Royaume-Uni, un contrat au Brésil ainsi que deux contrats en Europe.

([18]) En mars 2018, les Suisses ont rejeté à 71,6 % l’initiative populaire soumise à la votation visant à supprimer la redevance audiovisuelle.

([19]) L’entreprise Sixt avait contesté la constitutionnalité de la redevance audiovisuelle allemande devant la cour constitutionnelle fédérale, qui a statué, en juillet 2018, en faveur du paiement par tous les foyers d’une redevance unique, quelle que soit leur utilisation réelle de ces services.

(2) Le Land de Saxe-Anhalt s’est opposé, en décembre 2020, à la hausse de la redevance de 86 centimes proposée par la commission indépendante chargée d’évaluer les besoins de l’audiovisuel public allemand ; plusieurs chaînes de télévision et de radio publiques ont alors déposé une plainte qui a conduit la cour constitutionnelle allemande à statuer, en août 2021, en faveur de la hausse envisagée, compte tenu notamment de la nécessité de lutter contre la manipulation de l’information.

([21]) Il convient de noter que le projet stratégique pluriannuel de TV Monde ne comporte pas d’évolution de ressources publiques des gouvernements bailleurs de fonds.