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N° 4598

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022,

 

 

TOME I

 

 

SANTÉ

 

 

PAR M. Pierre DHARRÉVILLE,

 

Député.

——

 

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  4482, 4524 (annexe n° 37).

 

 

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

Pages

introduction

I. La mission santé, un reliquat d’engagement de l’état en faveur de la santé publique des français

A. une mission dépourvue de cohérence interne, dont le périmètre devrait être repensé

1. La mission Santé dans le PLF 2022

2. Un contenu hétérogène et fragmentaire, qui prive le législateur de toute marge de manœuvre pour améliorer la politique de santé

3. Des dépenses fiscales substantielles, dont l’efficacité devrait être évaluée

B. programme 183 : préserver le soutien de l’etat à la santé des plus vulnérables

1. Aide médicale de l’État : une tendance à la compression incohérente et indécente en période de crise sanitaire

a. Les composantes de l’AME dans le PLF 2022

b. Une tendance à la compression et à la répression incohérente en termes de santé publique et indécente en période de crise

2. Indemnisation des victimes de l’amiante : pour le maintien d’un dispositif ad hoc

a. Le programme 183 contribue à l’indemnisation des victimes non professionnelles de l’amiante

b. Pour le maintien d’un dispositif ad hoc pour l’indemnisation des victimes de l’amiante.

C. programme 204 : des financements disparates dans le domaine de la santé, une politique publique difficilement identifiable

1. Un programme qui révèle, en creux, l’absence d’une véritable stratégie de prévention et de promotion de la santé

2. Les principales dépenses financées

a. La responsabilité contentieuse ou amiable de l’État en matière sanitaire

b. L’agence de santé de Wallis-et-Futuna

c. Les deux derniers opérateurs restés dans le champ de la mission : INCa et ANSES

() Ordonnance n° 2010-18 du 7 janvier 2010 portant création de l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

d. Les systèmes d’information ministériels en matière de santé publique

e. Des subventionnements associatifs divers dans le champ de la santé

f. Un rôle d’animation en matière d’études et de recherche en santé

g. Divers financements opérationnels imposés par l’urgence

II. les effets sanitaires de la pollution atmosphérique : un problème de santé publique majeur, une réponse politique évanescente

A. les effets sanitaires catastrophiques de la pollution de l’air sont abondamment documentés sur le plan scientifique

1. L’exposition chronique à la pollution de l’air a des effets sanitaires graves en France, même en deçà des seuils réglementaires

2. Le lien de causalité entre la pollution atmosphérique et de nombreuses maladies est désormais établi

3. La pollution de l’air affecte plus durement les plus vulnérables

4. La complexité des liens entre polluants et maladies n’est pas un facteur pouvant justifier l’inertie de l’action publique

B. Une réponse publique encore peu structurée, malgré la mobilisation croissante des acteurs locaux

1. Un système globalement performant de mesure de la qualité de l’air extérieur

a. Les AASQA et le réseau Atmo

b. Une mesure globalement performante, adaptée aux enjeux de chaque territoire

c. Un dispositif à renforcer et adapter en permanence

2. Le parent pauvre : la mesure et la prise en compte des effets sanitaires de cette pollution

a. Un pilotage essentiellement « environnemental » des enjeux liés à la qualité de l’air à l’échelle nationale

b. Un défaut d’articulation entre l’échelon national et l’échelon local

c. Un investissement insuffisant de la recherche en santé sur cette thématique

3. La mobilisation croissante des acteurs locaux en réponse aux attentes exprimées par la population dans les territoires

a. Une mobilisation qui résulte de l’action jugée insuffisante des pouvoirs publics, face une situation locale

b. L’exemple de la zone de l’Étang de Berre

C. recommandations : mieux connaître pour mieux prévenir les effets sanitaires de la pollution de l’air, en s’appuyant sur les territoires

1. Instaurer un pilotage interministériel de la lutte contre la pollution de l’air et la prévention de ses effets sanitaires

2. Désigner des territoires pilotes dans la lutte contre la pollution atmosphérique et ses effets

3. Renforcer les moyens des AASQA et faciliter la conduite d’études permettant de documenter les situations locales

4. Renforcer la formation des professionnels de santé sur les effets sanitaires de la pollution de l’air

5. Mettre en place des mesures de prévention à l’échelle locale, en ciblant les polluants et les populations les plus à risques

conclusion

Travaux de la commission

I. Audition du ministre

II. examen des crédits

annexe 1 : Liste des personnes entendues par lE rapporteur

Annexe 2 : seuils réglementaires de l’Union européenne pour la qualité de l’air


—  1  —

   introduction

 

 

L’air est notre bien commun. Non appropriable. Mais ce bien commun est trop souvent un air pollué, et cela n’est pas sans effets sur la santé humaine. Pourtant, « le droit reconnu à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » constitue un objectif de la politique publique de l’État et des collectivités locales, affirmé en tant que tel à l’article L. 220-1 du code de l’environnement, et qui oblige la puissance publique à une « action d’intérêt général » visant « à prévenir, à surveiller, à réduire ou à supprimer les pollutions atmosphériques, à préserver la qualité de l'air (…) ».

Ce droit n’est pas respecté, aujourd’hui, dans notre pays. En témoigne, par exemple, la condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne ([1]), le 24 octobre 2019, « pour manquement aux obligations issues de la directive qualité de lair », au motif que « la France a dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1er janvier 2010 ». En témoigne également la condamnation prononcée par le Conseil d’État ([2]), faute d’action suffisante du Gouvernement « pour améliorer la qualité de lair dans plusieurs zones en France », à verser 10 millions d’euros d’amende pour le premier semestre de lannée 2021.

Ainsi, ce droit nest pas respecté dans les zones qui connaissent des dépassements récurrents des normes de qualité de lair imposées par la réglementation européenne. Mais, sans même parler de ce qui n’est pas mesuré, il faut avoir conscience du fait que toute exposition à la pollution de l’air, fût-ce en-deçà de ces normes, peut avoir des effets sur la santé. Certains territoires cumulent par ailleurs les sources d’émissions polluantes, et, tout en respectant la plupart, voire tous les seuils réglementaires, peuvent connaître une situation sanitaire dégradée, liée aux expositions qui en résultent.

La connaissance des effets de la pollution atmosphérique sur la santé appelle des actions appropriées : l’objectif de permettre à « chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » doit être poursuivi sans musarder dans un effort constant. Il est donc temps que l’État cesse de considérer que la qualité de l’air est simplement une question de respect des normes européennes, qui devrait échoir au seul ministère de la Transition écologique. La qualité de l’air est une question de santé publique majeure, qui concerne tous les habitants et toutes les habitantes de notre pays, et qui nécessite une politique publique résolue, décloisonnée, dotée d’instruments renouvelés, les anciens n’étant manifestement pas suffisants.

De cette politique publique, on ne trouvera pas de traces, ou si peu, à travers l’examen de la mission Santé auquel nous sommes appelés. Premièrement, parce que le ministère de la Santé n’est que marginalement associé à une politique de lutte contre la pollution de l’air trop balbutiante. Deuxièmement, parce que la mission Santé n’a nullement vocation à retracer les politiques publiques conduites par le ministère de la Santé, contrairement à ce que l’on pourrait attendre.

Les sommes disponibles dans ce cadre résultent des choix généraux effectués dans la partie recettes du budget de l’État, dont on peut regretter l’insuffisance au regard des enjeux, en particulier en matière de santé, la pandémie étant venue rehausser encore les besoins. Au total, la mission Santé agrège des financements très hétérogènes que votre rapporteur s’attachera à présenter en première partie. Hormis l’aide médicale de l’État, qui en constitue l’axe majeur et, de loin, la première masse financière, à hauteur de 83 % des crédits de la mission, elle se traduit par un saupoudrage assez illisible, même s’il recouvre sans doute le financement d’actions nécessaires et utiles. En réalité, cela donne assez peu de prises au législateur pour mesurer la traduction financière des réponses aux défis sanitaires et la remodeler.

Aussi, de politique de santé publique, il ne sera pas suffisamment question à travers l’examen des crédits de cette mission. Votre rapporteur le regrette, raison pour laquelle il s’autorisera, en seconde partie, un examen qui s’affranchira du périmètre budgétaire qui lui a été imparti, afin de tenter de formuler des propositions utiles à élargir l’impact des politiques publiques, pointant ainsi, à travers l’enjeu de la santé liée à la qualité de l’air, l’urgence d’agir à la source pour prévenir les maladies et pathologies éliminables.

 


I.   La mission santé, un reliquat d’engagement de l’état en faveur de la santé publique des français

A.   une mission dépourvue de cohérence interne, dont le périmètre devrait être repensé

1.   La mission Santé dans le PLF 2022

La mission Santé rassemble actuellement deux programmes budgétaires, pour un volume global d’1,3 milliard d’euros :

– le programme 183 « Protection maladie » (1,087 milliard d’euros, soit 84 % du total), lequel porte essentiellement les crédits de l’aide médicale d’État, ainsi que le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) ;

– le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » (213 millions d’euros), lequel agrège des financements hétérogènes dans le champ du pilotage des politiques de santé, de la santé publique et de l’offre de soins.

Si l’on fait abstraction de la dotation d’investissement exceptionnelle de 45 millions d’euros ayant bénéficié au programme 204 l’an dernier, au titre du Ségur de la Santé (cf. I.C), le volume de la mission Santé évolue essentiellement au rythme de l’évolution du budget de l’aide médicale de l’État, qui constitue, de loin, la principale dépense de la mission, et la plus dynamique. Ainsi, en soustrayant la dotation d’investissement au budget 2021, on constate que les crédits de la mission augmentent en réalité de 2,1 % dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

La mission santé dans le plf 2022

Source : bleu budgétaire de la mission Santé annexé au PLF pour 2022.

2.   Un contenu hétérogène et fragmentaire, qui prive le législateur de toute marge de manœuvre pour améliorer la politique de santé

La mission Santé avait initialement vocation à retracer l’essentiel des financements étatiques en matière de santé publique et de pilotage de l’offre de soins. Cette cohérence interne s’est progressivement dissoute, au gré des changements de périmètres ayant affecté la mission Santé et les différents programmes qui la constituent. On note en particulier :

– le transfert de l’intégralité de la masse salariale du ministère de la Santé et du financement des agences régionales de santé sur la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ;

– l’intégration, au sein de la mission Santé, du programme 183 « Protection Maladie », qui relève d’une problématique bien distincte (principalement l’aide médicale pour les étrangers en situation irrégulière) ;

– le transfert progressif à l’assurance maladie du financement de la quasi-intégralité des agences sanitaires : Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) et Centre national de gestion (CNG) en 2015, Agence de la biomédecine et École des hautes études en santé publique (EHESP) en 2018, Santé publique France et Agence nationale de la sécurité du médicament (ANSM) en 2019.

Depuis le début de la législature, votre rapporteur s’est élevé contre le transfert des agences sanitaires dans le champ de la sécurité sociale. Ce transfert revient en pratique à priver le législateur de toute marge de manœuvre concernant le financement de ces agences, celui-ci n’étant pas examiné en détail dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), dont il relève désormais. En réalité, comme ils ne font pas l’objet d’articles spécifiques du PLFSS, ces financements ne sont même plus débattus au sein du Parlement. Cette situation est très préjudiciable en termes de démocratie sanitaire.

À l’heure actuelle, la mission Santé se trouve en conséquence dépourvue de toute cohérence interne. Elle finance deux programmes aux vocations complètement distinctes, sans qu’il soit vraiment envisageable d’opérer de compensations financières de l’un vers l’autre. Quant au programme 204, il porte des financements disparates (cf. infra) qui ne donnent aucun regard d’ensemble sur la politique de santé mise en œuvre par le Gouvernement. Votre rapporteur note que cette absence de cohérence est également relevée par la Cour des comptes, dans sa note sur l’exécution du budget de la mission en 2020 ([3]). La Cour pose « la question de l’usage de la mission budgétaire Santé », notant que « le rôle de cette mission semble se voir réduit à la prise en charge subsidiaire par l’État de dépenses sui generis ».

Cette situation revient à priver le législateur de l’essentiel de son pouvoir d’amendement, dans la mesure où il n’est pas possible de transférer des crédits entre la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, qui porte en réalité l’essentiel des crédits du ministère de la santé, et la mission Santé, en raison des règles posées par la LOLF ([4]).

Le rapporteur appelle ainsi le Gouvernement à ne pas conserver en l’état le périmètre de la mission Santé, du fait de l’amenuisement de son contenu. L’option la plus logique semblerait être de rattacher les programmes qui la composent à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances dans le cadre du prochain projet de loi de finances, de façon à avoir une vision globale des moyens mis en œuvre par l’État dans le cadre de sa politique de santé. Dans les réponses apportées au questionnaire budgétaire, le ministère de la Santé objecte que cette agrégation serait contraire à l’esprit de la LOLF, qui tend à l’identification d’une mission par grande politique, mais votre rapporteur estime que la mission Santé n’épouse aucunement les contours d’une grande politique, quelle qu’elle soit.

Votre rapporteur appelle également à envisager une réintégration du financement des agences sanitaires dans le budget de l’État, afin de permettre un meilleur contrôle, mais aussi de clarifier ce qui relève de la protection sociale et ce qui relève de l’action publique en santé. Il est d’ailleurs permis de se demander si la structuration systématique de l’essentiel de l’action publique au sein d’agences indépendantes ne revient pas à dépouiller l’État en tant que tel, à travers le ministère de la Santé, de sa pleine capacité, en renvoyant à une gestion technique et administrative ce qui appelle des dynamiques démocratiques et politiques. Cette réintégration aurait naturellement pour effet de permettre au Parlement une intervention plus prégnante en matière budgétaire.

3.   Des dépenses fiscales substantielles, dont l’efficacité devrait être évaluée

Trois dépenses fiscales sont rattachées au programme 183 Protection maladie pour un montant estimé à, au moins, 507 millions d’euros en 2022, en légère progression par rapport à 2021 (+ 6 millions d’euros) et 2020 (+ 20 millions d’euros).

Par ailleurs, six dépenses fiscales sont rattachées au programme 204 pour un montant estimé à 602 millions d’euros en 2022, en progression de 22 millions d’euros par rapport à 2021.

Ces dépenses représentent un montant global équivalent au budget de la mission Santé, sans que le Gouvernement ne fournisse aucune évaluation de leur efficacité. Votre rapporteur estime que cette situation accroît le sentiment d’une mission dépourvue de pilotage global. Il s’interroge en particulier sur l’efficacité de l’exonération d’impôt prévue pour les médecins s’installant dans certaines zones sous-denses. Il semblerait indispensable que ce type de dispositifs puisse être également débattu dans le cadre du projet de loi de finances, ce qui suppose d’avoir des données sur les effets produits au regard des objectifs de politique publique.

Les principales dépenses fiscales rattachées à la mission santé

 

Dépense fiscale

Coût estimé en 2022

Programme 183

Exonération totale pour les prestations et rentes viagères servies aux victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles et à hauteur de 50 % pour les indemnités temporaires 

500 millions d’euros

Exonération des indemnités versées aux victimes de l’amiante 

7 millions d’euros

Déduction de l’actif successoral des rentes ou indemnités versées ou dues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie

Dépense non chiffrable

Programme 204

Exonération des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses » (sur traitements et salaires)

500 millions d’euros

Taux de 10 % pour les prestations de soins dispensées par les établissements thermaux autorisés

32 millions d’euros

Exonération des indemnités journalières de sécurité sociale servies au titre des maladies « longues et coûteuses » (sur BIC, BA et BNC)

27 millions d’euros

Exonération d’impôt sur le revenu, à hauteur de 60 jours par an, de la rémunération perçue au titre de la permanence des soins par les médecins ou leurs remplaçants installés dans certaines zones rurales ou urbaines

26 millions d’euros

Source : projet annuel de performances de la mission Santé annexé au PLF pour 2022.

 

B.   programme 183 : préserver le soutien de l’etat à la santé des plus vulnérables

Votre rapporteur a exprimé son scepticisme sur le maintien en l’état de la mission Santé. Cela n’emporte pas une remise en cause des dispositifs financés dans ce cadre, dont plusieurs sont indispensables en termes de santé publique et de solidarité.

À ce titre, le programme 183 « Protection maladie » revêt des enjeux particulièrement importants, en exprimant la solidarité de la Nation avec des hommes, des femmes et des enfants dont la santé est particulièrement fragilisée.

En effet, ce programme, qui représente 84 % des crédits de la mission Santé, porte le financement de l’aide médicale de l’État destinée aux étrangers en situation irrégulière, ainsi que la contribution de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), deux actions qui ont pour principale caractéristique commune d’être placées sous la responsabilité du directeur de la sécurité sociale.

 

Le programme 183 « protection maladie »

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2021

Demandées pour 2022

Variation 2022/2021 en %

Ouverts en LFI pour 2021

Demandés pour 2022

Variation 2022/2021 en %

Action n° 2 : Aide médicale d’État

1 056 890 000

1 079 000 000

+ 2,09

1 056 890 000

1 079 000 000

+ 2,09

Action n° 3 : Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

8 000 000

8 000 000

0

8 000 000

8 000 000

0

Total programme 183

1 064 890 000

1 087 000 000

+ 2,08

1 064 890 000

1 087 000 000

+ 2,08

Source : projet annuel de performances de la mission Santé annexé au PLF pour 2022.

1.   Aide médicale de l’État : une tendance à la compression incohérente et indécente en période de crise sanitaire

a.   Les composantes de l’AME dans le PLF 2022

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, 1,079 milliard d’euros sont dédiés au financement de l’aide médicale de l’État, soit une augmentation de 22 millions d’euros par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2021.

Cette enveloppe finance principalement l’aide médicale de l’État dite « de droit commun », ouverte aux personnes étrangères démunies, vivant en France en situation irrégulière, et ne pouvant donc être prises en charge par la protection universelle maladie. Pour 2022, le coût de ce dispositif est évalué à 1,008 milliard d’euros. Le Gouvernement explique que cette évolution « correspond à l’augmentation tendancielle observée avant 2020 », « en ligne avec le dynamisme observé par le passé, l’effet des mesures prises en matière de lutte contre la fraude et la hausse des tarifs qui découle du Ségur de la Santé ».

À côté de l’AME de droit commun, une enveloppe forfaitaire de 70 millions d’euros est affectée au dispositif dit « Soins urgents », destiné aux patients étrangers en situation irrégulière qui ne peuvent pas bénéficier de l’AME, souvent faute de remplir la condition de délai de séjour de 3 mois. Dans ce cadre, les hôpitaux sont appelés à prendre en charge les personnes pour lesquelles l’absence de soins pourrait conduire à « une altération grave et durable » de leur état de santé ([5]). La dotation qui leur est apportée à cette fin a été rehaussée de 55 à 70 millions d’euros à compter de 2019, afin de mieux couvrir les besoins. Pour 2022, cette dotation est reconduite à 70 millions d’euros.

Enfin, une enveloppe globale d’1 million d’euros est prévue pour financer les autres dispositifs d’AME, d’ampleur plus limitée :

– AME « humanitaire », qui permet la prise en charge ponctuelle, en France, de personnes françaises ou étrangères non résidentes, sur décision du ministre chargé de l’action sociale ;

– aide médicale pour les personnes gardées à vue, qui finance les médicaments et les actes infirmiers prescrits aux personnes gardées à vue ;

– enfin, aide médicale pour les personnes en rétention administrative, pour les soins prodigués à l’extérieur du centre de rétention.

b.   Une tendance à la compression et à la répression incohérente en termes de santé publique et indécente en période de crise

Votre rapporteur s’élève contre la volonté martelée par le Gouvernement de comprimer les dépenses d’AME en rognant sur l’accès aux soins des plus démunis. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, un délai de résidence de trois mois a été instauré pour l’accès des étrangers en situation irrégulière à l’AME. Les bénéficiaires de l’AME se sont par ailleurs vu imposer un délai de 9 mois pour l’accès à certains traitements dits « non urgents ».

Ces mesures, prises sous le couvert de la lutte contre la fraude, se traduisent concrètement par des pertes de chances pour des milliers de personnes fragilisées. Elles portent une atteinte générale à la santé, dont nous savons, mieux que jamais avec la pandémie, qu’elle est un bien commun mondial. Comme l’affirme la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, « les résultats atteints par chaque État dans l’amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous », et la santé est « une condition fondamentale de la paix du monde ». L’enjeu n’est pas mince : la dignité de chaque être humain se trouve ainsi intrinsèquement liée à l’avenir de l’humanité tout entière.

Par ailleurs, contrairement à ce que suggère l’argumentaire du Gouvernement, la fraude à l’AME n’est pas un phénomène massif ; et c’est plutôt contre le non-recours qu’il faudrait se battre dans une optique de santé publique. Une étude publiée par l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) en 2019 ([6])  révèle ainsi que seules 51 % des personnes éligibles à l’AME en bénéficient, et que même après cinq années ou plus de résidence en France, 35 % des personnes sans titre de séjour n’ont pas recours à l’AME. Ces statistiques tordent le cou à l’idée d’une migration massive pour soins, et soulignent a contrario l’urgence de faciliter l’accès de ces populations à tous les soins nécessaires, y compris les soins psychiatriques et l’accompagnement psychologique, tant il est patent que l’accumulation des épreuves et des difficultés vient fragiliser les personnes.

La crise sanitaire avait semblé ouvrir une parenthèse dans l’entreprise de nivellement par le bas des dispositifs de solidarité. Entre autres, les droits à l’AME ont été automatiquement reconduits à plusieurs reprises en 2020-2021. Par ailleurs, les expulsions des habitants de squats et de bidonvilles avaient été gelées, et les personnes davantage mises à l'abri ; certaines collectivités s'étaient efforcées de faciliter l'accès à l'eau, afin de garantir à chacun un minimum d'hygiène ; l'aide alimentaire avait été organisée, etc.

Cette parenthèse semble aujourd’hui bel et bien refermée, alors même que nous sommes encore plongés dans la crise économique et sociale. Pour les personnes les plus pauvres, les plus marginalisées, nous sommes en train de revenir au « monde d'avant », mais en pire, car la pauvreté s'est accrue. De nombreuses personnes qui arrivaient à survivre par de l'emploi informel se retrouvent, avec les nouvelles contraintes sanitaires, sans emploi et donc sans ressources, sans la possibilité de se nourrir.

À l’heure actuelle, les logiques sécuritaires semblent l’emporter à nouveau sur les impératifs sanitaires et sociaux. Depuis le 1er juin 2021, Médecins du monde a recensé 128 expulsions de lieux de vie informels, sans solution de relogement pérenne. En seulement trois mois, ces expulsions ont mis 3 633 personnes en errance, les éloignant de tout parcours de soins et de la vaccination, alors que les associations sur le terrain menaient un travail en ce sens.

Cette logique de réduction de l’accès aux soins est injustifiable et incompréhensible dans le contexte actuel. Plus que jamais, la santé de tous dépend de celle de chacun. Une politique de santé publique doit se construire sur un réel accès aux soins de tous, lequel ne peut se concevoir sans une stabilité matérielle des personnes, et en particulier des étrangers en situation irrégulière.

Votre rapporteur rappelle enfin que l’objectif national de dépenses d’assurances maladie (ONDAM) s’élève à 236,3 milliards d’euros pour 2022, à mettre en rapport avec le milliard que représente l’AME, dont le ratio est ainsi inférieur à 0,5 % du total des dépenses de santé. Votre rapporteur a également rappelé à maintes occasions que le montant total des exonérations de cotisations patronales s’élevait à 68 milliards d’euros, autre point possible de comparaison pour qui chercherait des ressources nouvelles. Il appelle ainsi à cesser les faux débats autour de l’AME et à consolider l’accès aux soins des plus démunis.

2.   Indemnisation des victimes de l’amiante : pour le maintien d’un dispositif ad hoc

a.   Le programme 183 contribue à l’indemnisation des victimes non professionnelles de l’amiante

Le programme 183 porte également la contribution de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), à hauteur de 8 millions d’euros.

Ce Fonds a été créé dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 ([7]), dans la foulée du rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 1996 qui mettait en évidence l’ampleur de la catastrophe sanitaire liée à l’utilisation massive de l’amiante.

Le FIVA est un établissement public administratif chargé d’assurer la réparation des préjudices subis par les victimes de l’amiante : victimes professionnelles, victimes non professionnelles et ayants droit. Au 31 décembre 2020, le FIVA avait adressé 261 148 offres d’indemnisation et versé 6,428 milliards d’euros à ce titre depuis sa création.

Les ressources du FIVA sont constituées très majoritairement d’une dotation de la branche accidents du travail – maladies professionnelles de l’assurance maladie, à hauteur de 220 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

D’après le Gouvernement, la subvention de l’État « correspond à l’exercice d’une solidarité nationale à l’égard des victimes non professionnelles (environnementales, familiales…) » ; elle s’établit, de manière récurrente, à 8 millions d’euros.

Il convient de noter que le FIVA se retourne ensuite contre les employeurs dans le cadre de recours subrogatoires sur le fondement de la faute inexcusable de l’employeur, y compris contre l’État, lorsque celui-ci est l’employeur. Il a récupéré à ce titre 22,86 millions d’euros en 2020.

Votre rapporteur note que, pour la deuxième année consécutive, la dotation de l’assurance maladie, qui a été abaissée de 260 à 220 millions d’euros à partir de l’exercice budgétaire 2021, est insuffisante pour couvrir les dépenses du FIVA, qui a en conséquence un résultat négatif, anticipé à hauteur de 22 millions d’euros pour 2021 et de 62 millions d’euros pour 2022. Le FIVA s’en sort en ponctionnant son fonds de roulement, ce qui, d’après le projet annuel de performances, va « permettre de renouer avec un fonds de roulement prudentiel plus en phase avec la réalité des besoins de l’établissement », à hauteur de 53 millions d’euros à la fin 2022, « soit un total de 2,07 mois de dépenses d’indemnisation ». Votre rapporteur souligne qu’il sera, en conséquence, indispensable d’accroître dans des proportions importantes la dotation du FIVA l’an prochain, afin de préserver la capacité du Fonds à assurer l’indemnisation des victimes, ainsi que ses équilibres financiers.

Par ailleurs, toutes les victimes ne font pas le choix de cette procédure d’indemnisation qui peut être douloureuse, tant s’en faut. Le fait que les crédits du FIVA ne soient pas toujours consommés a parfois suscité l’idée qu’il était trop pourvu au regard de ses missions. Or, on constate parallèlement que certaines victimes, notamment d’anciens sous-traitants, demeurent exclues du FIVA. Selon l’association de défense des victimes de maladies professionnelles (ADEVIMAP), la sous-déclaration des maladies professionnelles touche aussi les victimes de l’amiante. Sans compter les victimes environnementales qui ne font pas valoir leurs droits, souvent faute d’information. L’amiante continue de tuer.

Ainsi, il est essentiel que les fonds du FIVA profitent à toutes les victimes. Par ailleurs, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (ANDEVA) fait valoir que le niveau des indemnisations mériterait d’être réévalué, ayant stagné depuis trop longtemps ; votre rapporteur estime que cette demande, de même que l’exigence d’une plus grande universalité du Fonds, devront se traduire par une réévaluation de ses ressources.

b.   Pour le maintien d’un dispositif ad hoc pour l’indemnisation des victimes de l’amiante.

Au cours de l’année passée, l’idée s’est fait jour de rapprocher le FIVA de l’autre dispositif d’indemnisation du ministère de la Santé, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), également financé par la mission Santé, mais sur le périmètre du programme 204. Ce projet a suscité de vives oppositions, en particulier parmi les associations des victimes de l’amiante, et a finalement été mis de côté, comme l’atteste le présent projet de loi de finances, qui continue de financer séparément les deux dispositifs et ne porte pas de dispositions législatives procédant à cette fusion.

Votre rapporteur juge salutaire que ce projet n’ait pas été mis en œuvre. En effet, le FIVA est un dispositif qui a acquis, au fil des années, une réelle maturité, et a contribué à rendre ce scandale et cette cause bien visibles. Il crée un espace spécifique pour la réparation des victimes de cette catastrophe sanitaire de grande ampleur qu’a été l’exposition à l’amiante de centaines de milliers de personnes. Il ne semble pas souhaitable de diluer la problématique de l’amiante dans celle plus large des contentieux sanitaires de tous ordres, de surcroît en important les difficultés de fonctionnement de l’ONIAM, lequel n’a enfin ni la même raison d’être, ni la même logique. Votre rapporteur appelle ainsi à l’abandon définitif du projet de rapprochement entre le FIVA et l’ONIAM, afin de préserver l’identité et la culture propres au FIVA.

Votre rapporteur estime par ailleurs que la politique de regroupement des agences a, de manière générale, montré ses limites, en conduisant à des suppressions de missions et à un affaiblissement des politiques publiques. En témoigne, par exemple, la disparition de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), en charge de la gestion des stocks stratégiques – dont les masques de protection chirurgicaux, qui a été intégré au sein de Santé Publique France. La commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la gestion de la crise Covid-19 et ses conséquences a contribué à mettre à jour les effets de ces choix en matière de santé ([8]).

C.   programme 204 : des financements disparates dans le domaine de la santé, une politique publique difficilement identifiable

Le programme 204 est en quelque sorte le programme « fourre-tout », qui retrace les interventions résiduelles du ministère de la santé en matière de santé publique et d’offre de soins.

Le programme 204 « prévention, sécurité sanitaire et offre de soins »

Source : projet annuel de performances de la mission Santé annexé au PLF pour 2022.

1.   Un programme qui révèle, en creux, l’absence d’une véritable stratégie de prévention et de promotion de la santé

Dans la présentation du « bleu budgétaire » de ce programme, le Gouvernement met en avant la Stratégie nationale de santé (SNS) de 2017, et sa déclinaison en matière de santé publique avec le Plan national de santé publique (PNSP) de 2018, ainsi que le Plan national santé-environnement n° 4 (PNSE 4) présenté en mai 2021.

On ne retrouve cependant dans le programme 204 que des bribes de la mise en œuvre de ces divers plans, notamment via des dotations ou des subventions à des institutions ou associations diverses. Il est donc impossible en pratique de juger de l’efficience de ces financements par le prisme de ce programme budgétaire.

Dans le cadre du présent budget, l’augmentation des crédits sur l’action n°15 (+1,7 million d’euros) correspond principalement à la mise en œuvre du PNSE 4 ; le Gouvernement explique qu’« il s’agira notamment, en lien étroit avec les ARS et la déclinaison locale des PRSE, de mieux connaître les impacts de l’environnement sur la santé, de mieux former et informer les professionnels et le public, de  communiquer auprès des citoyens pour permettre à chacun d’évoluer dans un environnement favorable à sa santé et enfin de faire connaître et de valoriser les bonnes pratiques dans les territoires ».

Ces actions sont à mettre en regard avec les deux objectifs principaux visés dans le projet annuel de performances du programme 204 : l’amélioration de l’état de santé de la population et la réduction des inégalités territoriales et sociales de santé d’une part ; la prévention et la maîtrise des risques sanitaires d’autre part. Les indicateurs ne rendent compte que de manière extrêmement parcellaire de ces enjeux ; il est d’ailleurs patent que les actions financées ne sont pas à la mesure de ces défis pourtant bien identifiés.

La réduction des inégalités territoriales et sociales de santé est un enjeu central, dont la crise a montré l’acuité. Sans surprise, le taux de surmortalité en Seine‑Saint-Denis et dans de nombreux autres quartiers populaires a montré combien nous n’étions pas égaux face au risque. On pourrait également analyser les cartes de la vaccination. Quant à la progression des déserts médicaux, elle est un symptôme criant de ces disparités profondes. Lutter contre ces inégalités devrait être une priorité pour laquelle on ne trouve pas, dans le cadre du programme 204, les signes d’une mobilisation décuplée.

Quant à la prévention des risques sanitaires, elle exige une action vigoureuse en matière de promotion de la santé et de prévention. Les insuffisances de l’engagement public en la matière sont connues. Si les campagnes de communication ont leur utilité, elles ne sauraient suffire. Dans de nombreux lieux de vie, il faudrait se doter de moyens, notamment humains, pour faire de la santé un paramètre essentiel des choix. Nous manquons de volonté coordonnée en la matière. Si ces politiques avaient été plus volontaristes, le Gouvernement aurait-il eu à se poser la question de mesures coercitives d’ordre public en lien avec la campagne de vaccination ?

Il y a donc urgence à mettre en place une véritable politique de promotion et de prévention de la santé dans notre pays, qu’on ne décèle pas dans le programme 204.  

2.   Les principales dépenses financées

Au total, une fois neutralisé l’effet de la dotation d’investissement exceptionnelle de 45 millions d’euros accordée à l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna dans le cadre de la loi de finances pour 2021, au titre du Ségur de la Santé, la dotation du programme 204 apparaît essentiellement stable pour 2022, voire en légère décroissance. Derrière l’intitulé des actions financées par ce programme, on retrouve en réalité quelques grandes catégories de dépenses :

a.   La responsabilité contentieuse ou amiable de l’État en matière sanitaire

Ces dépenses sont portées par l’action n° 11, à hauteur de 52,4 millions d’euros dans le cadre du PLF 2022, contre 57 millions d’euros en 2021.

Sur ce total, 4,2 millions d’euros sont dédiés aux frais de justice de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), 5 millions d’euros aux frais de justice de la direction générale de la santé (DGS), et 43,2 millions d’euros sont délégués à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), dont 8 millions d’euros pour l’indemnisation des accidents vaccinaux et des victimes des mesures sanitaires d’urgence et 35 millions d’euros pour l’indemnisation des victimes de la Dépakine.

La mission d’information relative aux dispositifs médicaux ([9]) créée par la commission des affaires sociales avait conclu, dans son rapport publié le 6 mars 2019, à la nécessité de mettre en place des dispositifs d’indemnisation adossés à l’ONIAM pour assurer une réparation plus rapide des victimes d’accidents liés aux dispositifs médicaux. Le développement du recours à ces dispositifs médicaux dans les pratiques s’est hélas accompagné de plusieurs scandales sanitaires. Il est essentiel que l’ONIAM puisse se tenir aux côtés des victimes concernées.

Par ailleurs, l’ONIAM a mis en place, à compter de 2018, une nouvelle procédure de recouvrement de ses créances ; l’office les prélève à présent directement sur le compte des assureurs et industriels qui refusent de faire des offres amiables. Ces derniers ont déposé des recours contre cette procédure, mais le Conseil d’État a donné raison à l’ONIAM dans un arrêt du 9 mai 2019. Le rapport d’activité de l’ONIAM révèle qu’« en 2020, plus de 1 750 ordres à recouvrer ont été pris en charge par l’Agence comptable », et que « depuis 2018, l’ONIAM a émis 6 150 titres, correspondant à un montant de 150 millions d’euros ». Votre rapporteur estime qu’il s’agit d’une avancée qui doit être saluée, car il importe que les assureurs et industriels assument pleinement leurs responsabilités face aux accidents médicaux.

Votre rapporteur s’interroge néanmoins sur la baisse de 4,6 millions d’euros des crédits associés aux frais juridiques et contentieux dans le cadre de l’action n°11 par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, qui n’est nullement justifiée par le Gouvernement.

b.   L’agence de santé de Wallis-et-Futuna 

Le financement de cette agence, qui constitue le seul acteur de santé sur le territoire ultra-marin de Wallis-et-Futuna, est porté par l’action n° 19, à hauteur de 49,4 millions d’euros dans le cadre du PLF 2022.  Le financement de cette agence par la solidarité nationale s’explique par les caractéristiques particulières de ce territoire, explicitées par notre collègue Jeanine Dubié dans son avis sur le budget de la mission Santé dans le cadre du PLF 2021 ([10]).

Comme l’expose cet avis, l’agence de Wallis-et-Futuna a longtemps pâti d’être sous-dotée, ce qui l’a conduite à accumuler un passif et un retard d’investissement substantiels. La situation financière de l’agence a été apurée via une reprise de sa dette par l’Agence française de développement (AFD), et sa dotation a été augmentée au fil des années pour mieux correspondre aux besoins. En outre, une dotation d’investissement exceptionnelle de 45 millions d’euros a été accordée l’an dernier, dans le cadre du Ségur de la Santé, afin de mettre à niveau – voire reconstruire – les infrastructures de santé.

Dans le cadre du PLF 2022, l’augmentation de la dotation de l’agence se poursuit : elle atteint 49,4 millions d’euros en crédits de paiement, contre 47,8 millions d’euros en 2021. Ce réinvestissement de l’État à Wallis-et-Futuna était urgent et salutaire ; il devra se poursuivre pour faire face aux enjeux majeurs de santé publique sur ce territoire.

c.   Les deux derniers opérateurs restés dans le champ de la mission : INCa et ANSES

Comme votre rapporteur l’a exposé en première partie, la plupart des institutions et agences sanitaires autrefois financées dans le cadre de la mission Santé ont aujourd’hui été transférées dans le champ de la sécurité sociale. Restent seuls financés dans le cadre du programme 204 l’Institut national du cancer (INCa) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

       L’INCa (action n°14 – 40,8 millions d’euros)

Dans le cadre du PLF 2022, la dotation de l’INCa s’établit à 40,8 millions d’euros, financés sur l’action n° 14 du programme 204. Cela représente une quasi-stabilisation par rapport à 2021 (40,5 millions d’euros), abstraction faite du transfert l’an dernier de 5 millions d’euros, en provenance du programme 172 (« Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ») de la mission Recherche et enseignement supérieur, et fléchés pour la recherche sur les cancers pédiatriques.

Cette dotation supporte notamment la masse salariale de l’INCa, avec un plafond d’emplois établi à 131 équivalents temps plein travaillés (ETPT) sous plafond et 30 ETPT hors plafond. Auditionné par votre rapporteur, le Professeur Norbert Ifrah, président de l’INCa, a souligné la difficulté que représentait ce plafond d’emplois pour mettre en œuvre la stratégie de l’Institut. Il fait valoir un besoin supplémentaire de 25 ETPT, lequel ne peut être comblé par des contrats à durée déterminée, si tant est que ce soit souhaitable, s’agissant d’emplois « très techniques ».

Cette demande rejoint le constat effectué par la mission de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), qui a évalué les résultats du troisième plan cancer 2014-2019 ; il met en évidence le besoin de l’INCa de monter en compétence en termes d’expertise ([11]). Interrogée sur ce point par votre rapporteur, la direction générale de la santé constate « la vacance longue de plusieurs postes » de l’INCa, « liée à la difficulté de recruter des experts de haut niveau avec un profil adapté », et met en avant un problème d’attractivité des structures publiques dans ce domaine.

       L’ANSES (action n°15 – 22,5 millions d’euros)

Le programme 204 finance par ailleurs, sur l’action n° 15, une dotation destinée à l’ANSES, à hauteur de 22,5 millions d’euros dans le PLF 2022, stable par rapport à 2021. En raison du caractère transversal de son champ d’action, l’ANSES est financée par quatre ministères (agriculture, santé, écologie et travail), et six programmes budgétaires différents, avec le ministère de l’Agriculture comme chef de file. Sa dotation globale s’élève ainsi à 109,1 millions d’euros en 2021.

Les missions de l'ANSES, fixées par une ordonnance du 7 janvier 2010 ([12]), couvrent l'évaluation des risques dans le domaine de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en vue d'éclairer les pouvoirs publics dans leur politique sanitaire. Il s’agit d’enjeux décisifs afin de prendre en compte au mieux les enjeux de santé avec leurs urgences dans les transformations à l’œuvre. Il existe, à cet égard, une exigence de puissance publique. Et l’on constate des besoins de plus en plus fréquents de projection de l’agence dans les territoires, afin d’y faire parler sa capacité d’expertise. La demande de connaissances s’accroît, alors même que se fait jour, de façon criante, la nécessité de faire progresser la culture scientifique dans la société. L’État ne saurait laisser progresser la peur, ni les explications simplistes, ni le sentiment qu’il aurait des choses à cacher. À cet égard, l’ANSES peut être une pièce maîtresse pour faire progresser la connaissance partagée et pour agir en faveur de la prévention en santé, en modifiant nos modes de vie.

Auditionné par votre rapporteur, le directeur général de l’ANSES, M. Roger Genet, souligne que la dotation globalement stable de l’Agence est à mettre en rapport avec les nombreuses missions nouvelles qui lui échoient. La principale contrainte serait, là encore, le plafond d’emplois, établi à 1 296 ETPT sous plafond dans le cadre du PLF 2022, ce qui constitue un sérieux problème. M. Genet souligne la complexité engendrée par le financement multicanaux de l’Agence, avec un plafond d’emplois porté par le ministère de l’Agriculture – et donc des arbitrages en la matière pas toujours très favorables aux enjeux sanitaires.

Votre rapporteur estime que la volonté généralisée du Gouvernement de réduire les emplois statutaires doit être fortement mise en question, tant elle pèse sur les organismes et leurs moyens humains propres. Les exigences éthiques de l’ANSES, appelée à cultiver son indépendance avec jalousie et rigueur, à l’heure où la parole publique est souvent mise en question, supposeraient de lui en donner les moyens.

Il convient de noter que l’ANSES bénéficie, outre cette dotation, de 2 millions d’euros supplémentaires au titre de l’astreinte à laquelle l’État a été condamné par le Conseil d’État, pour dépassements répétés des seuils de qualité de l’air dans plusieurs zones de France ([13]). Votre rapporteur reviendra en deuxième partie sur cet enjeu spécifique, qui lui semble requérir une action politique urgente. Il soulève cependant la question du plan d’action adopté par le Gouvernement en réaction à cette condamnation, dont il ne perçoit aucune traduction budgétaire. Cette astreinte budgétaire ne saurait faire office de remède, et elle a vocation à se répéter aussi longtemps que dureront les dépassements…

d.   Les systèmes d’information ministériels en matière de santé publique

L’action n° 11 du programme 204 finance, à hauteur de 9,65 millions d’euros, le développement et l’exploitation des systèmes d’information de santé publique. Cela représente une hausse de 1,7 million d’euros par rapport à 2021.

Sur ce total, 4,5 millions d’euros sont affectés au financement socle du développement de la vingtaine de systèmes d’information du périmètre de la DGS. Par ailleurs, 5,15 millions d’euros sont affectés en 2022 au financement de priorités identifiées, notamment la pérennisation du système d’information de dépistage (SIDEP), lancé dans le cadre de la crise sanitaire, dans le but d’étendre son utilisation à d’autres pathologies infectieuses ou virales.

Au-delà des seuls projets développés dans le cadre du programme 204, le développement des outils numériques en santé est un enjeu décisif. Votre rapporteur s’interroge sur les capacités propres de la puissance publique en la matière. L’analyse de la ventilation de ces crédits serait un bon indicateur de la stratégie publique et de ses ambitions face à des besoins qui méritent un état des lieux. Votre rapporteur appelle ainsi le Gouvernement à fournir un rapport établissant un état des lieux précis de ses investissements dans le numérique en santé.

e.   Des subventionnements associatifs divers dans le champ de la santé

Les actions n° 11, 12, 14 et 15 financent, à hauteur d’une dizaine de millions d’euros au total, le partenariat établi par la DGS avec des associations nationales ou têtes de réseau dans plusieurs domaines de la santé publique, notamment :

– la santé sexuelle, la prévention des addictions, la promotion et prévention en matière de santé mentale (action n° 14) ;

– la santé des personnes en situation de vulnérabilité (action n° 12) ;

– la nutrition-santé et le sport-santé (action n° 15).

Ces subventionnements associatifs, qui concernent une myriade d’acteurs, représentent une masse financière globale globalement stable d’une année sur l’autre.

f.   Un rôle d’animation en matière d’études et de recherche en santé

Très peu de crédits se rapportent en réalité à la recherche en santé humaine dans le cadre de la mission Santé. Le ministère souligne que son action en la matière s’exerce plutôt à travers la tutelle de l’Inserm, la contribution à la programmation de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et de l’Institut pour la recherche en santé publique (IReSP), la participation au comité de programme européen « Santé, bien-être et vieillissement » et l’élaboration des volets recherche des plans et programmes en santé publique.

Dans le cadre de la mission Santé, ne sont financées que certaines interventions résiduelles visant, entre autres, à soutenir la base « Score Santé », les observatoires régionaux de santé, le fonctionnement de l’IReSP, et l’exploitation des données recueillies dans le cadre des grandes études de cohorte en population générale (CONSTANCES, ELFE), le tout pour un montant global d’1,6 million d’euros portés par l’action n° 11.

g.   Divers financements opérationnels imposés par l’urgence

Interrogée par votre rapporteur sur la cohérence interne du programme 204, la direction générale de la santé souligne que la permanence de ce programme aux mains de la DGS constitue une flexibilité appréciable pour gérer les imprévus et accueillir des financements ponctuels, notamment dans le cadre de la crise sanitaire :

« Le maintien du programme 204 au sein de la mission Santé a été souhaité pour préserver une grande réactivité en cas de besoin au DGS qui est le responsable de programme. La gestion de la crise sanitaire liée à la COVID 19 en est le parfait exemple. Le programme 204 a en effet constitué un outil budgétaire essentiel dans la gestion de la crise, puisqu’il a permis à la DGS, dans un contexte inédit, de renforcer immédiatement les capacités d’achat de Santé publique France », via « la création du fonds de concours « participations diverses aux politiques de prévention, de sécurité sanitaire et offre de soins ».

Par ailleurs, le programme 204 porte des dépenses de natures variées et cette souplesse permet de prendre en charge sans difficulté des dépenses imprévues souhaitées par le Gouvernement telles que le financement du nouveau centre international de recherche sur le cancer et le financement de la nouvelle académie de l'OMS à Lyon [à hauteur de 2,7 millions d’euros, portés par l’action n° 11 du programme 204 dans le PLF 2022]. »

Ces investissements semblent être de bonnes nouvelles pour l’avenir. Ils ne peuvent néanmoins suffire à justifier la cohérence du programme 204. S’il s’agit d’un programme pratique pour le Gouvernement, il l’est en effet nettement moins pour le Parlement. Et même s’il faut être capable d’une certaine réactivité face aux défis sanitaires, il n’est pas certain que ce programme permette, en l’état actuel des choses, de porter avec suffisamment d’ambition des stratégies lisibles et pertinentes sur la longue durée.


II.   les effets sanitaires de la pollution atmosphérique : un problème de santé publique majeur, une réponse politique évanescente

Le 22 septembre 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié de nouvelles lignes directrices relatives à la qualité de l’air ([14]), lesquelles « évaluent les effets de la pollution atmosphérique sur la santé et donnent des valeurs seuils au-delà desquelles elle lui est nuisible ». En s’appuyant sur l’état des connaissances scientifiques, l’OMS a ainsi révisé à la baisse ces valeurs seuils, notant au passage qu’« en 2019, 99 % de la population mondiale vivaient dans des endroits où les seuils préconisés dans les lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de l’air n’étaient pas respectés ».

Votre rapporteur estime que ce constat, pour le moins préoccupant, et auquel la France n’échappe nullement, doit guider une politique déterminée et prioritaire de lutte contre la pollution de l’air et de prévention de ses effets sanitaires. Il a donc choisi d’examiner, dans le cadre du présent avis, l’action des collectivités publiques en la matière, sans se cantonner aux frontières de la mission Santé, dont la faible surface, critiquée en première partie, n’offre que peu de prises pour cette analyse.

A.   les effets sanitaires catastrophiques de la pollution de l’air sont abondamment documentés sur le plan scientifique

La question n’est aujourd’hui plus de savoir si, oui ou non, la pollution de l’air est un enjeu de santé publique pour les Français. Comme le formule M. Roger Genet, directeur général de l’ANSES, « l’impact sanitaire majeur de la pollution atmosphérique est incontestable ». Les connaissances scientifiques disponibles permettent d’ores et déjà d’établir :

– que cet impact est avéré en deçà des seuils réglementaires (1) ;

– qu’il est multiforme (2) ;

– qu’il est plus important chez certaines populations vulnérables (3) ;

– qu’un renouvellement de l’action publique est indispensable et urgent en la matière (4).

1.   L’exposition chronique à la pollution de l’air a des effets sanitaires graves en France, même en deçà des seuils réglementaires

L’OMS souligne que la pollution de l’air est la première cause de décès liés à l’environnement dans le monde, avec 7 millions de morts recensés chaque année. En France, il n’existe pas d’estimation globale du nombre de décès annuels dus à la pollution de l’air en général. Santé publique France a néanmoins estimé à 40 000 le nombre de décès annuels dus à l’exposition aux particules fines PM2,5 entre 2016 et 2019 en France continentale ([15]), soit 7 % de la mortalité totale, et à 7 000 le nombre de décès annuels dus à l’exposition au dioxyde d’azote (N02) (1 % de la mortalité totale).

Le point important de ces statistiques est que ce ne sont pas principalement les pics de pollution, en dépassement des seuils réglementaires établis par l’Union européenne (cf. encadré), qui sont à l’origine des décès enregistrés, mais plutôt l’exposition chronique à un niveau de pollution même inférieur aux seuils réglementaires. En d’autres termes, tout niveau de pollution atmosphérique, même faible, a des effets sur la santé, il n’y a pas d’effet de seuil, et l’on ne peut donc pas se sentir « protégé » lorsqu’on se situe en dessous des seuils de l’Union européenne, car la pollution tue en dessous de ces seuils. La conclusion, pour l’action publique, est qu’il y a toujours une valeur ajoutée, sur le plan sanitaire, à chercher à réduire les concentrations de polluants dans l’air.

Les seuils réglementaires de limitation des concentrations de polluants
dans l’air extérieur en France

En matière de qualité de l'air, deux niveaux de réglementations imbriqués peuvent être distingués. Le premier niveau oblige les États membres européens, le deuxième l’État français.

Les directives européennes (directive 2008/50/CE et directive 2004/107/CE) sont transposées dans la réglementation française, qui peut ajouter des critères plus restrictifs que ceux imposés par la Commission européenne. 

Les critères nationaux de qualité de l'air sont définis, à l’échelle nationale, par le code de l'environnement (articles R. 221-1 à R. 221-3), le décret du 21 octobre 2010 ([16]) et l'arrêté du 16 avril 2021 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l’air ambiant.

Dans ce cadre, 13 polluants atmosphériques sont réglementés : le dioxyde d’azote, les oxydes d’azote, les particules fines PM10, les particules fines PM2.5, le dioxyde de soufre, l’ozone, le monoxyde de carbone, le benzène, les métaux lourds (plomb, arsenic, cadmium, nickel) et le benzopyrène. Les concentrations visées pour ces différents polluants sont présentées en annexe du présent rapport.

Les États membres de l’Union européenne sont tenus de mettre en place un dispositif de surveillance et de reporting des concentrations de ces polluants réglementés.

Ce constat ne fait plus débat sur le plan scientifique aujourd’hui : toutes les institutions auditionnées par votre rapporteur convergent sur l’idée que l’exposition chronique à la pollution de l’air est un problème majeur de santé publique : direction générale de la santé, Santé publique France, ANSES, Inserm…

C’est le caractère incontestable de ce constat qui a conduit l’OMS à réviser, le 22 septembre dernier, ses lignes directrices relatives à la qualité de l’air, en abaissant les valeurs seuils de concentration des polluants au-delà desquelles des effets sanitaires négatifs sont documentés sur le plan scientifique (cf. encadré).

Les nouvelles lignes directrices relatives à la qualité de l’air de l’OMS

Les Lignes directrices mondiales de l’OMS sur la qualité de l’air présentent des orientations sur les seuils et les limites des principaux polluants atmosphériques qui constituent des risques pour la santé. Elles ont été actualisées le 22 septembre 2021.

Ces lignes directrices sont applicables dans le monde entier aux environnements extérieurs et intérieurs et sont fondées sur l’évaluation par des experts des données scientifiques actuelles concernant plusieurs polluants.

– Valeurs recommandées pour les matières particulaires (PM) :

Particules fines (PM2,5) :

5 μg/m3 valeur moyenne annuelle

15 μg/m3 valeur moyenne sur 24 heures

Particules grossières (PM10) :

15 μg/m 3 valeur moyenne annuelle

45    g/m 3 valeur moyenne sur 24 heures

– Valeurs recommandées pour l'ozone (O3)

100 μg/m3 valeur maximale journalière sur 8 heures*

60 μg/m3 valeur moyenne sur 8 heures, saison de pointe**

* 99e percentile (c’est-à-dire 3-4 jours de dépassement par an)

** Moyenne de la concentration maximale journalière d’ozone en moyenne sur 8 heures pendant les six mois consécutifs où la concentration d’ozone en moyenne glissante sur six mois est la plus élevée.

– Valeurs recommandées pour le dioxyde d’azote (NO2) :

10 μg/m3 valeur moyenne annuelle

25 μg/m3 valeur moyenne sur 24 heures

– Valeurs recommandées pour le dioxyde de soufre (SO2) :

40 μg/m3 valeur moyenne sur 24 heures

Les précédentes valeurs seuils édictées par l’OMS se situaient déjà très nettement en-deçà des valeurs réglementaires de l’Union européenne. Leur révision à la baisse rend plus évidente encore la déconnexion des normes européennes avec les enjeux sanitaires : les normes européennes constituent peut-être le compromis acceptable sur le plan politique et économique, et jugé atteignable par les États de l’Union européenne ; mais elles ne correspondent pas pour autant à un niveau de pollution de l’air dont on pourrait se satisfaire sur le plan sanitaire.

2.   Le lien de causalité entre la pollution atmosphérique et de nombreuses maladies est désormais établi

Les données scientifiques disponibles montrent que la pollution de l’air affecte de nombreux organes, au-delà du système cardio-respiratoire auquel on pense spontanément.

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé la pollution de l’air parmi les « cancérogènes avérés » (groupe 1) pour les cancers du poumon. Les particules fines sont également classées comme « cancérogènes avérés », à l’origine de 3,6 % des nouveaux cas de cancers du poumon chaque année, mais aussi de 3 % des nouveaux cas de cancers du sein. Par ailleurs, le benzène, également cancérogène de groupe 1, est à l’origine de 5 à 18 % des nouveaux cas de leucémies. Le Pr Ifrah, président de l’Institut national du cancer (INCa), considère ainsi que l’impact de la pollution de l’air sur les cancers est « absolument indiscutable ».

Auditionnée par votre rapporteur, le Pr Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l’Inserm, explique que « les particules fines inhalées peuvent arriver dans la circulation sanguine et atteindre les différents organes où elles provoquent un processus inflammatoire à l’origine de maladies inflammatoires chroniques » et « pénètrent aussi le corps par le nez, la peau et l’ingestion ». Elle souligne que « les maladies pour lesquelles il existe des liens documentés sont les maladies cardiovasculaires, les maladies métaboliques, les maladies neurologiques, les maladies rhumatologiques, les cancers » et que « la pollution atmosphérique est liée à la mortalité toutes causes, et non seulement à la mortalité cardiopulmonaire, comme initialement invoqué ».

3.   La pollution de l’air affecte plus durement les plus vulnérables

L’exposition chronique à la pollution de l’air affecte davantage certaines personnes, en raison de leur âge et des autres facteurs environnementaux auxquels ils sont confrontés. Cette situation conduit, de manière croissante, les chercheurs à s’intéresser à la notion d’« exposome », qui se définit comme la totalité des expositions à des facteurs environnementaux que subit un organisme humain, de sa conception à sa fin de vie en passant par le développement in utero, complétant l’effet du génome.

Sans éluder les effets avérés d’expositions identifiées, notamment professionnelles, qui sont une problématique à part entière, cette notion d’exposome peut permettre d’appréhender la multiplicité des facteurs qui s’accumulent au cours de l’existence, avec des effets différés dans le temps, et peuvent concourir au développement de maladies liées à la pollution de l’air. Il convient à ce propos de considérer à la fois la qualité de l’air extérieur et celle de l’air intérieur. Il ne s’agit évidemment pas de diluer les éventuelles responsabilités à l’origine de ces différentes expositions, mais de mieux les identifier.

Cette approche amène à confirmer que la pollution de l’air affecte plus durement les populations des couches sociales moins favorisées. D’abord parce qu’elles y sont davantage confrontées en moyenne, exerçant des métiers plus fréquemment soumis à des expositions, habitant souvent plus près des axes routiers à forte circulation, ou dans des villes et quartiers où il existe une pollution de fond plus importante. Ensuite parce qu’elles sont davantage sujettes à d’autres facteurs de risques liés notamment à l’alimentation, au soin de soi, à l’habitat, etc. Les difficultés de l’existence ont des effets cumulatifs sur la santé globale de chaque personne.

La pollution de l’air affecte aussi particulièrement les enfants, dès leur vie in utero. Les données scientifiques montrent que les particules les plus fines parviennent à passer la barrière placentaire, qui constitue ordinairement un filtre très efficace, et affectent ainsi le développement du fœtus, avec notamment des retards de croissance aux conséquences à long terme. Une étude de l’Unicef parue en mars 2019 ([17]) souligne que la pollution de l’air a, en France, des conséquences multiples sur la santé des enfants : asthme et autres maladies respiratoires, obésité, diabète, dépression, troubles neurologiques…

4.   La complexité des liens entre polluants et maladies n’est pas un facteur pouvant justifier l’inertie de l’action publique

Cette approche par la notion d’exposome soulève la problématique de la complexité des interactions entre l’environnement et la santé humaine. S’agissant de la pollution de l’air, des liens statistiques ont été mis en évidence entre polluants et maladies, qui ont ensuite été étayés par des analyses toxicologiques. Mais, comme le souligne M. Genet, directeur général de l’ANSES, « il demeure très difficile d’établir les liens de causalité à l’origine ». En effet, on constate un délai de latence souvent long entre l’exposition et le déclenchement d’une maladie. Le Pr. Ifrah, président de l’INCa, explique que « la cancérogénèse peut être très compliquée, très longue », ce qui fait que les preuves scientifiques peuvent n’être établies que très tardivement. Il prend, dans un autre registre, l’exemple du Distilbène, pour lequel les premières études ont été diligentées dès les années 1960, alors que la preuve scientifique de l’effet tératogène de cette molécule n’a été apportée qu’en 2018.

Attribuer une pathologie à un polluant en particulier paraît d’autant plus complexe qu’outre les autres facteurs environnementaux auxquels les populations peuvent être exposées, il existe une zone d’ombre importante sur l’effet conjugué des irritants et polluants entre eux, ou « effet cocktail ». Les scientifiques savent qu’il n’est a priori pas possible d’additionner mécaniquement l’effet toxicologique identifié individuellement pour chaque organisme : les polluants interagissent entre eux et dans l’organisme, selon des combinaisons multiples et des processus très complexes qui sont encore largement méconnus.

Ces incertitudes ne doivent pourtant pas être un prétexte pour l’inaction. Comme le formule M. Guillaume Boulanger, responsable de l’unité « Qualité des milieux de vie et du travail et santé des populations » à Santé publique France : « On entend qu’il faut faire des études, et c’est vrai, mais on en sait déjà assez pour agir ».

Votre rapporteur considère pourtant que cette prise de conscience n’est que très partielle au sein de l’État français. En témoigne le fait que la France ne parvient toujours pas à respecter les normes européennes de qualité de l’air, et que, bien souvent, les plans et outils mis en œuvre à cette fin semblent n’avoir pour seule ambition que de se mettre en conformité avec la réglementation européenne, sans réelle visée sanitaire.

L’évolution de la qualité de l’air en France : progrès et stagnation

Globalement, la qualité de l’air s’est améliorée en France depuis les années 1990, de façon importante parfois, notamment pour les métaux lourds et le dioxyde de soufre, surtout grâce à une réduction importante des émissions industrielles. Cependant, la baisse de ces émissions a été plus importante entre 1990 et 2005 ; elle s’est ralentie depuis, pour atteindre un palier vers 2010-2015. Les concentrations dans l’air ont évolué de la même manière, quoique de manière moins marquée.

À l’heure actuelle, une quinzaine de territoires connaissent encore des situations de dépassements récurrents et structurels des normes de la qualité de l’air, en particulier pour le dioxyde d’azote, les particules fines PM2.5 et l’ozone. Cette situation a conduit la Cour de justice de l’Union européenne à lancer plusieurs procédures contentieuses contre la France.

Par ailleurs, saisi par plusieurs associations de défense de l'environnement qui critiquaient l’insuffisance des feuilles de route établies pour réduire la pollution de l’air en conformité avec les normes européennes, le Conseil d'État a rendu une décision le 10 juillet 202([18]), dans laquelle il ordonne à l'État de mettre en place les mesures nécessaires dans les zones qui connaissent encore des dépassements, sous peine d'une astreinte de 10 millions d'euros par semestre de retard. Les mesures adoptées étant jugées insuffisantes pour atteindre les objectifs visés à court terme, le Conseil d’État a finalement condamné l’État à verser une première astreinte de 10 millions d’euros dans une décision du 12 juillet dernier ([19]).

Il ressort de ces procédures que la qualité de l’air est, dans plusieurs régions de France, inférieure aux exigences de la réglementation européenne, qui est elle-même très en-deçà de ce qui serait souhaitable sur le plan sanitaire. Il ressort également que les outils et plans mis en place actuellement en France ne permettent plus de réduire de manière efficace ces concentrations.

Comme le formule la Cour des comptes dans son rapport sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air ([20]), « ces évolutions laissent penser que les gains (c’est-à-dire les baisses d’émissions) les plus immédiats et faciles à obtenir l’ont été et que la poursuite des diminutions d’émissions nécessitera de nouvelles mesures, plus ambitieuses et mieux ciblées ».

 


B.   Une réponse publique encore peu structurée, malgré la mobilisation croissante des acteurs locaux

Il ressort des éléments évoqués en première partie que la pollution de l’air est un enjeu de santé publique de premier plan, reconnu comme tel par tous les acteurs et décideurs rencontrés par votre rapporteur. C’est un enjeu sanitaire, c’est aussi un enjeu économique : la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air ([21]) avait ainsi estimé le coût économique de la pollution de l’air à plus de 100 milliards d’euros par an.

Pourtant, il n’existe pas de politique publique structurée de lutte contre les effets sanitaires de la pollution de l’air à l’échelle nationale, malgré une implication croissante des territoires les plus confrontés à cette problématique.

1.   Un système globalement performant de mesure de la qualité de l’air extérieur

La France dispose d’un dispositif efficace de mesure de la qualité de l’air, lequel doit cependant être en permanence adapté pour répondre aux nouveaux enjeux.

a.   Les AASQA et le réseau Atmo

La France a été un pays précurseur dans la mesure de la qualité de l’air. En 1954, après la catastrophe du « Grand smog » de Londres, le Laboratoire d’hygiène de la ville de Paris a ainsi mis en place les toutes premières stations de mesure de la qualité de l’air au monde. Des associations de surveillance de la qualité de l’air ont été créées il y a plus de 40 ans, à l’initiative de médecins préoccupés par cette problématique. La toute première d’entre elles a vu le jour en 1972, à l’Ouest de l’Étang de Berre, au moment même où s’édifiait le complexe industrialo-portuaire de Fos-Martigues. La loi sur l’air du 30 décembre 1996 ([22]) est venue formaliser un système national de surveillance de la qualité de l’air basé sur des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA).

Il en existe actuellement 18, soit une par région. Indépendantes sur le plan statutaire, ces associations sont cofinancées par l’État, les collectivités locales et les entreprises, qui peuvent par ce biais réduire leur imposition à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Elles sont regroupées au sein de la Fédération Atmo France, que votre rapporteur a auditionnée.

Les AASQA regroupent en leur sein l’État, les collectivités locales, les entreprises, les associations de défense de l’environnement, ainsi que des personnalités qualifiées.

Le financement de ce dispositif de surveillance de la qualité de l’air représente environ 70 millions d’euros annuels, dont 28 % provenaient de l’État en 2017 (programme 174 « énergie, climat et après-mines » de la mission Écologie, développement et mobilité durables), 23 % des collectivités locales et 45 % des dons des entreprises. La part de la contribution de l’État s’est accrue du fait de la crise sanitaire, qui a entraîné une baisse des recettes en provenance des entreprises. La contribution du programme 174 s’élève ainsi à 23 millions d’euros pour le réseau des AASQA dans le cadre du PLF 2022, plus 5,3 millions d’euros pour le laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA).

b.   Une mesure globalement performante, adaptée aux enjeux de chaque territoire

Les AASQA ont pour mission d’assurer la surveillance et l’évaluation de la qualité de l’air ambiant pour les polluants réglementés, sous la coordination scientifique et technique du laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air.

Les AASQA ont par ailleurs une mission plus générale d’information du public, de mise à disposition des données relatives à la qualité de l’air pour les différents acteurs concernés, notamment le préfet, et de documentation des émissions locales de polluants atmosphériques et de leur impact sur la qualité de l’air.

De l’avis général, ce dispositif de surveillance de la qualité de l’air est remarquable, grâce au travail des AASQA et aux outils de modélisation et d’analyse développés pour affiner les prévisions de concentration de polluants atmosphériques à l’échelle locale, analyser la composition chimique des particules, et ainsi en identifier les sources, ce qui peut permettre de cibler les mesures à mettre en place pour réduire la pollution.

Ce travail local des AASQA a, par exemple, permis de mieux caractériser les sources de pollution dans la vallée de l’Arve, où les concentrations de particules fines dans l’air étaient supérieures à la moyenne nationale, en faisant la part entre le chauffage au bois et les transports.

c.   Un dispositif à renforcer et adapter en permanence

Le dispositif de surveillance de la qualité de l’air doit s’adapter et se renouveler pour répondre aux enjeux qui émergent dans ce domaine. À l’heure actuelle, il ne permet pas encore de mesurer tous les polluants, dans tous les endroits de France.

La directrice de recherche de l’Inserm Isabella Annesi-Maesano considère que les données relatives à la qualité de l’air sont encore insuffisantes sur certains points du territoire français, du fait du manque de stations de mesure. Certaines ont été mises en usage il y a trop longtemps, d’autres ont été supprimées, ce qui fait que certaines zones se retrouvent sans capteur, avec des données intégralement issues des modèles de dispersion de la pollution de l’air. Elle mentionne par exemple la disparition de la station de mesure de la porte de Bagnolet, à proximité immédiate d’axes parmi les plus fréquentés de la région parisienne.

Par ailleurs, la surveillance effectuée par les AASQA repose essentiellement sur les polluants réglementés, ainsi que sur certains polluants faisant l’objet d’un suivi local, en raison d’émissions industrielles ou agricoles, par exemple. À cet égard, la possibilité de développer des mesures et des études en lien avec les singularités des territoires devraient pouvoir être mieux soutenues. Par ailleurs, de plus en plus d’inquiétudes se font jour, à l’heure actuelle, sur d’autres polluants non réglementés, et dont les effets sur la santé pourraient être très préoccupants. Il s’agit par exemple des particules ultrafines, ou nano‑particules, qui, du fait de leur taille, pourraient causer des dommages encore plus en profondeur dans les organismes, en passant par exemple la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau, et la barrière placentaire qui protège le fœtus. Il s’agit aussi des pesticides présents sous forme d’aérosols, ou encore des perturbateurs endocriniens et du carbone-suie.

Enfin, les AASQA soulignent qu’elles n’ont souvent pas les moyens d’intervenir en situation post-accidentelle, pour documenter une situation de pollution locale. Certaines AASQA le font, lorsqu’elles ont la ressource suffisante. Ainsi, après l’explosion de Lubrizol, en 2019, trois AASQA s’étaient portées volontaires pour participer à une expérimentation visant à préciser les modalités de leur intervention (Atmo Auvergne Rhône-Alpes, Atmo Sud et Atmo Normandie). Dans la foulée, Atmo AuRA et Atmo Normandie ont mis en place une force d'intervention rapide et Atmo Sud un QAPA (plan qualité pour l’évaluation de la Qualité de l’Air Post Accident).  Par la suite, l’idée s’est fait jour, exprimée par le Gouvernement, de systématiser l’association des AASQA en situation post-accidentelle, mais la chose n’est pas concevable sans des moyens dédiés. C’est pourtant une attente forte qui pèse sur les AASQA. À titre d’exemple, des incendies en Ardèche avaient suscité une inquiétude importante de la population, qui aurait voulu être informée sur les retombées en termes de pollution de l’air ; l’AASQA concernée n’était pas en mesure d’intervenir (Auvergne – Rhône-Alpes).

2.   Le parent pauvre : la mesure et la prise en compte des effets sanitaires de cette pollution

Même si le système de mesure reste perfectible, il existe une quantité importante de données disponibles sur la pollution de l’air sur notre territoire. Votre rapporteur constate cependant que ces données ne sont pas systématiquement exploitées pour améliorer la connaissance sur les effets sanitaires des polluants et mettre en place une véritable politique de prévention. Il estime que cette situation résulte de problèmes de gouvernance (entre l’écologie/le sanitaire et le national/le local) et de moyens.

a.   Un pilotage essentiellement « environnemental » des enjeux liés à la qualité de l’air à l’échelle nationale

Le ministère chef de file pour la qualité de l’air est le ministère de la Transition écologique. Le ministère de la Santé n’a en réalité que très peu de moyens dédiés. Au sein de la sous-direction de la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation de la direction générale de la santé, une seule personne travaille sur les enjeux de pollution de l’air, conjointement avec d’autres sujets de santé environnementale. Si le ministère de la santé est associé aux négociations, par exemple relatives aux seuils réglementaires de polluants, il est clair que c’est le ministère de la Transition écologique qui a la compétence, et, en son sein, la direction générale de l’énergie et du climat, qui a en charge conjointement la lutte contre le réchauffement climatique et la lutte contre la pollution atmosphérique.

Or, comme l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur, ces objectifs ne sont pas toujours convergents. Le schéma ci-après, tiré du rapport précité de la Cour des comptes ([23]), l’illustre assez clairement. Une étude de l’Agence européenne de l’environnement ([24]) relève ainsi que l’impact global de l’augmentation des énergies renouvelables sur la pollution de l’air est nettement défavorable pour les composés organiques volatiles et les particules fines PM2.5, du fait de la combustion de biomasse.

Le ministère de la Transition écologique est également de facto le pilote sur la recherche liée à la pollution atmosphérique. Il est ainsi naturellement moins enclin à financer des projets visant à mieux connaître les effets sanitaires de la pollution de l’air.

Protection de l’air et protection du climat :
deux objectifs pas toujours concordants

La direction générale de la santé souligne qu’en dépit de ces moyens limités en interne, le ministère peut s’appuyer sur l’expertise et les moyens d’action des agences sanitaires et instances sous sa tutelle : ANSES, Santé publique France, Haut Conseil de santé publique mais aussi Haute autorité de santé, pour les recommandations aux professionnels de santé. Elle s’appuie aussi sur le réseau des agences régionales de santé (ARS), qui ont presque toutes inclus des actions en lien avec la pollution de l’air dans leur plan régional santé environnement. Il n’en demeure pas moins que l’ancrage sanitaire de la politique de lutte contre la pollution de l’air apparaît faible à l’échelle nationale.

b.   Un défaut d’articulation entre l’échelon national et l’échelon local

En matière de lutte contre la pollution de l’air et ses effets sanitaires, les acteurs locaux sont les premiers concernés, dans la mesure où les caractéristiques des pollutions sont très diverses localement, en fonction des sources d’émissions, et où les collectivités locales se sont, de manière croissante, vu reconnaître des compétences importantes dans ce domaine.

Pourtant, le rapport précité de la Cour des comptes ([25]) souligne un défaut d’articulation entre les multiples acteurs qui interviennent dans la mise en œuvre de cette politique, alors même que l’implémentation d’une véritable politique de santé publique en la matière requiert l’intervention coordonnée de tous ces acteurs.

les différents acteurs en matière de lutte contre la pollution de l’air

Source : Cour des comptes

La Cour souligne le rôle important des régions, dotées de compétences élargies en matière de planification, de transports, de politique climat-air-énergie et d’aménagement, de même que leur implication inégale, « les régions les plus exposées aux épisodes de pollution étant les plus mobilisées ».

Elle met aussi en avant le rôle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour prévenir l’exposition des populations aux sources de pollution de l’air, en particulier au moyen de la planification urbaine.

Globalement, il semble que les instruments nationaux et locaux qui devraient jouer un rôle important pour prévenir les effets sanitaires de la pollution de l’air « ne se parlent pas beaucoup » (cf. schéma ci-dessous).

La Cour des comptes montre que les plans de protection de l’atmosphère (PPA) qui constituent la mise en œuvre locale du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), et sont adoptés par les préfets après consultation des collectivités locales, se cantonnent, pour la plupart, au seul respect des valeurs limites réglementaires, sans réelle appropriation par les acteurs locaux, alors même que leur mise en œuvre dépend surtout de leur action. La Cour dénonce aussi le fait que la mise en œuvre de ces PPA n’est pas évaluée, et qu’en particulier, leur impact en termes d’évolution des populations et superficies exposées n’est pas mesuré.

Le rapporteur a auditionné M. Éric Vindimian, membre de l’Autorité environnementale, chargée de rendre des avis sur les projets, plans-programmes et documents d’urbanisme susceptibles d’avoir un impact environnemental. Celui-ci souligne en effet que les PPA dont il a eu à connaître sont rarement animés par un objectif de santé publique en phase avec les enjeux locaux, mais plus souvent par le simple souci d’être en règle avec l’Union européenne. Il par exemple examiné le PPA des Bouches-du-Rhône qui ne traite pas de la question de l’ozone, ce polluant n’étant pas réglementé par l’Union européenne, alors même que cette région est la plus concernée de France par cette pollution.

Si les documents de planification étatiques paraissent peu adaptés aux enjeux locaux, on peut dire qu’à l’inverse, les documents de planification locaux sont encore peu irrigués par le souci de limiter les effets sanitaires de la pollution de l’air. C’est le cas, en particulier, des documents d’urbanisme. L’article L. 101-2 du code de l’urbanisme prévoit pourtant explicitement la prise en compte de la préservation de la qualité de l’air dans ces derniers. Cependant plusieurs avis de l’Autorité environnementale relève que cette prise en compte demeure insuffisante.

Auditionnées par votre rapporteur, les AASQA soulignent que globalement, les acteurs de l’urbanisme se sentent assez peu concernés par les problématiques de pollution de l’air, et critiquent ce fonctionnement « en silos » de l’action publique.

les différents outils de planification en matière de qualité de l’air

La Cour des comptes souligne que cette faible articulation entre les outils et plans d’action national et locaux pour la lutte contre la pollution de l’air résulte aussi d’un manque de clarté sur la répartition des engagements financiers respectifs de l’État et des collectivités locales en la matière, et appelle à leur « meilleure formalisation ».

c.   Un investissement insuffisant de la recherche en santé sur cette thématique

De nombreux acteurs auditionnés par votre rapporteur déplorent un manque de moyens pour améliorer la connaissance sur les effets sanitaires de la pollution de l’air pour les populations exposées, en dépit d’une demande sociale parfois très forte localement.

À l’échelle nationale, a été créé en 1997 le programme de surveillance Air et Santé (PSAS), en application de la loi sur l’air de 1996. Ce programme, aujourd’hui géré par Santé publique France, vise à surveiller les effets de la pollution atmosphérique sur la santé en milieu urbain. Il s’appuie sur les études épidémiologiques disponibles pour caractériser les effets à court et long termes de la pollution de l’air et réaliser des évaluations quantitatives (EQIS), méthodes permettant d’évaluer les bénéfices sanitaires attendus d’actions visant à réduire les niveaux de pollution.

Auditionnée par votre rapporteur, Mme Sylvie Medina, coordinatrice du PSAS à Santé publique France, explique que les moyens dédiés à ce programme sont aujourd’hui plus contraints que par le passé, notamment sur le plan de l’expertise territoriale, parce que les effectifs au sein des cellules d’intervention en région sont polyvalents et donc appelés à travailler sur d’autres thématiques, ce qui fait qu’il n’est plus possible de conduire de « grosses études » comme auparavant. D’autant que ces effectifs sont également largement sollicités au gré des urgences sanitaires, comme actuellement avec la Covid-19…

Sur les aspects épidémiologiques, Santé publique France s’appuie sur l’expertise de partenaires, notamment l’Inserm qui travaille de longue date sur cette thématique, dans le cadre de l’Institut de santé publique. La directrice de recherche à l’Inserm Isabella Annesi-Maesano, qui est spécialisée sur cette question, souligne cependant qu’il est compliqué de conduire des études à long terme sur les effets sanitaires de la pollution de l’air car ce n’est pas une thématique mise en avant dans le cadre des appels d’offres auxquels les chercheurs sont appelés à répondre pour bénéficier de financements. La chercheuse souligne que la volonté de privilégier des projets innovants dans le cadre des appels d’offres trouve sa limite lorsqu’il s’agit de répondre à des questions de recherche « très simples ». Elle a ainsi été appelée à se spécialiser sur les questions d’exposome, considérées par l’État comme un champ prioritaire dans le cadre des PEPR (programmes et équipements prioritaires de recherche) exploratoires.

Par ailleurs, votre rapporteur constate un fort besoin d’améliorer la connaissance de l’impact sanitaire de la pollution de l’air localement, en particulier lorsqu’il existe des sources importantes d’émissions de polluants. Ce besoin a été remonté par de nombreux acteurs auditionnés par votre rapporteur, à commencer par les AASQA, qui sont régulièrement sollicitées pour conduire des études épidémiologiques, mais dénoncent l’absence de moyens dédiés et la complexité de la collecte des données de santé. Pour ce faire, il faut se tourner vers les ARS, mais les moyens obtenus dans ce cadre sont ponctuels et aléatoires, en tout état de cause réduits, peu propices à la conduite de projets structurants.

La difficulté d’accès aux données de santé est une problématique récurrente soulevée par les chercheurs. Ils doivent le plus souvent, pour les obtenir, effectuer des demandes en ce sens auprès des comités d’éthique des hôpitaux ou auprès de la sécurité sociale, avec des succès inégaux ; la nécessité de connaître la localisation des patients pour mettre en relation l’épidémiologie et la pollution est souvent un facteur bloquant, du fait de la protection des données personnelles. En l’occurrence, ces données de santé peuvent tout simplement sauver des vies : cette manière d’invoquer le secret médical doit donc être interrogée. La tendance à la fermeture des registres est regrettée par nombre de chercheurs, qui y trouvaient une source d’informations très riche pour leurs travaux.

3.   La mobilisation croissante des acteurs locaux en réponse aux attentes exprimées par la population dans les territoires

a.   Une mobilisation qui résulte de l’action jugée insuffisante des pouvoirs publics, face une situation locale

Si la mobilisation des pouvoirs publics est encore très inégale face à l’enjeu sanitaire de la pollution de l’air, à l’échelle locale, de plus en plus d’acteurs s’engagent pour cette cause, en particulier dans les territoires les plus touchés par la pollution.

Votre rapporteur a auditionné le docteur Thomas Bourdrel, l’un des membres fondateurs du collectif « Strasbourg Respire », qui a vu le jour en mars 2014, après que la ville a connu un épisode de pollution atmosphérique majeur « dans l’indifférence générale ». Le collectif agit comme lanceur d’alerte sur les risques pour la santé liés à la pollution de l’air. Son action a permis de faire de cette question un sujet de discussion avec les responsables politiques locaux. Le collectif, composé de nombreux médecins, vise aussi à accélérer la prise de conscience du corps médical sur l’ampleur des effets sanitaires de la pollution de l’air. En effet, le Dr Bourdrel souligne que les maladies environnementales ne sont pratiquement pas enseignées en faculté de médecine, et que, par conséquent, les médecins, notamment les pneumologues et les cardiologues, ont tendance à minimiser les effets de la pollution de l’air. Le docteur s’est également lancé dans la recherche, afin d’approfondir les liens entre les maladies neurodégénératives et la pollution de l’air, en relation avec le laboratoire I-Cube, affilié au CNRS. Mais il ne bénéficie pas encore de financements dédiés.

Cette mobilisation des acteurs face à des situations locales jugées préoccupantes est, pour l’heure, la principale incitation pour agir concrètement sur la pollution de l’air et ses effets sanitaires. Cependant, la mobilisation locale se heurte aux difficultés évoquées précédemment : manque de moyens dédiés et pérennes, manque d’articulation entre les initiatives portées localement et les décisions prises à l’échelle nationale. Les AASQA soulignent cette difficulté au quotidien pour répondre au besoin d’accompagnement des acteurs locaux. Au-delà du caractère discrétionnaire et ponctuel des financements apportés par les ARS, déjà évoqué, M. Jacques Patris, président d’Atmo Hauts-de-France, dénonce « le bricolage » qu’ils sont « amenés à faire en tant que chercheurs et en tant qu’AASQA » : « aujourd’hui, ce sont des initiatives personnelles de chercheurs qui montent des programmes non agréés par le ministère. Pourtant, nous avons tout ce qu’il faut dans les AASQA pour pouvoir rendre le lien air-santé concret ».

b.   L’exemple de la zone de l’Étang de Berre

       Des enjeux spécifiques à l’origine d’une mobilisation précoce des acteurs locaux

Dans la circonscription de votre rapporteur, la pollution atmosphérique est un enjeu particulièrement grave en raison de la concentration très importante d’industries émettrices de polluants sur le pourtour de l’Étang de Berre (pétrochimie, chimie, sidérurgie, cimenterie), ainsi que d’une pollution importante liée aux transports (réseau routier, transports maritimes, aéroports). De ce fait, la mobilisation dans cette région a été plus précoce, et l’on peut déjà tirer certains enseignements des effets positifs et des limites de cette mobilisation locale.

Les données de l’observatoire régional de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) indiquent que l’état de santé des habitants de la zone de Fos-Berre est globalement moins bon comparé à celui de la population de la région PACA. On observe notamment une surmortalité de 3 % chez les hommes (toutes causes confondues) et une surmortalité par cancer de 4 % (9 % chez les hommes, ce pourcentage s’élève à 34 % si l’on compare uniquement le territoire de Fos sur Mer-Port-Saint-Louis-du-Rhône à la région PACA).

Pour l’heure, la causalité de ces statistiques dégradées n’est pas encore bien déterminée. L’ARS PACA souligne que « l’état de santé d’une population dépend de nombreux facteurs, la pollution n’influant généralement que de 8 à 10 % », tandis que les comportements individuels influeraient « jusqu’à 40 % et plus ». De fait, les liens entre les polluants, l’interaction entre eux et les maladies développées sont encore trop peu documentés.

Toutefois, les salariés-habitants de la zone sont doublement impactés. On ne saurait ignorer que nombre d’ouvriers ont été directement concernés par des expositions chimiques à leur poste de travail, pour lesquelles un cadastre avait d’ailleurs été constitué. Or les valeurs des normes d’exposition en milieu professionnel sont supérieures aux normes courantes. Là encore – et le délai de déclenchement des maladies n’arrange rien à la chose – il n’est pas toujours aisé d’exercer un suivi des populations concernés. Cela est plus vrai encore pour les travailleurs sous-traitants, précaires ou détachés. Cela appelle notamment la poursuite et l’amplification des démarches de cadastrage, utilisant les données disponibles et s’appuyant sur un réseau de terrain, afin d’agir concrètement.

Il convient de surcroît d’assurer par des moyens adaptés le suivi de la population générale pour embrasser l’ensemble des maladies environnementales.

Votre rapporteur a auditionné la chercheuse Sandra Perez qui a conduit une étude visant à mettre en relation les expositions à la pollution et les maladies développées sur le territoire ([26]), dans le cadre du contrat local de santé du Conseil de territoire du Pays de Martigues, qui intègre depuis 2015 un axe stratégique en santé-environnement afin de développer la connaissance, de contribuer à la réduction des risques et à la prise en charge des pathologies liées au travail et à la pollution atmosphérique sur le territoire. En utilisant l’intelligence artificielle, cette étude fait ressortir des liens entre polluants et pathologies, et permet de les préciser.

Depuis les années 1970, les élus du territoire ont été à l’initiative et en soutien de nombreuses actions afin d’agir sur ces enjeux de diverses façons. On peut mentionner « Airfobep », en 1972, pour mesurer la qualité de l’air, ainsi que le Centre d’Information et de Prévention sur le Risque Industriel et la Protection de l’Environnement (le Cyprès), mis en place en 1991. On peut également citer les initiatives nées au sein du mouvement mutualiste, qui ont fortement marqué le territoire, en particulier à Port-de-Bouc. Mis en place à l’initiative des élus fosséens, l’Institut Écocitoyen se veut une interface avec les citoyens, pour développer une vision globale de la santé et de l’environnement sur le territoire, et « définir une politique scientifique de territoire, qui ne traiterait pas les thématiques et les pollutions en silo  ([27]) ». Des associations sont extrêmement mobilisées, comme l’Association de défense et de protection du littoral du Golfe de Fos (ADPLG). Plus récemment, s’est constitué le Comité de surveillance de l’activité industrielle du golfe de Fos et son impact environnemental (CSAIGFIE), sur l’impulsion du syndicat CGT d’ArcelorMittal, regroupant de nombreux acteurs du mouvement social, associatif et citoyen.

Cette vitalité témoigne cependant d’un sentiment persistant de carence de la politique de santé publique nationale en matière de santé environnementale et d’appréhension des enjeux de la pollution atmosphérique. La singularité des enjeux dans ce territoire mérite une attention particulière qui n’a pas toujours été au rendez-vous. Par exemple, selon les informations recueillies par votre rapporteur, le maillage en instruments de mesure de la qualité de l’air sur le territoire, hérité de l’histoire, s’est dégradé avec la fusion entre Airfobep et Atmopaca en 2012, même s’il apparaît que ; grâce aux investissements, ces outils se sont améliorés au fil du temps.

Les études SCENARII et POLIS (cf. encadré), menées par AtmoSud et rendues publiques en janvier 2018, appellent la puissance publique à une mobilisation renouvelée, compte tenu des niveaux d’exposition constatés.


La qualité de l’air à l’Ouest de l’Etang de Berre

 

Dans le cadre du Plan Régional Santé Environnement, AtmoSud a conduit deux études, SCENARII et POLIS, intégrant l’ensemble des sources de pollution (industrie, transport, chauffage, navires…). Portant sur 39 substances, dont des polluants d’intérêt sanitaire très peu étudiés tels que le 1,3-butadiène et le 1,2-dichloroéthane, elles évaluent les risques sanitaires par polluant et en cumul. Ces études ont été cofinancées par la Région PACA, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, l’ARS et AtmoSud.

La conclusion est claire : « Malgré la diminution significative des émissions dorigine industrielle (de 30 à 70 % de réduction selon les polluants ces dix dernières années), des risques sanitaires persistent à long terme pour lensemble de la population de l’étang de Berre, notamment en lien avec le niveau de particules fines. »

 

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Exposition chronique par inhalation : indicateurs de risques cancérigènes cumulés pour les substances étudiées (carte issue des travaux de SCENARII).

 


       Un investissement encore insuffisant de l’État

Face à l’inquiétude et aux questionnements de la population, le secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles (SPPPI) de la région PACA ([28]), dont l’histoire singulière est profondément liée au territoire de l’Étang de Berre, a monté, en fédérant de nombreux acteurs du territoire, le projet « Réponses », destiné à instaurer un dialogue entre les parties prenantes, dont l’État, à fournir une information fiable et centralisée et à proposer des actions à mettre en place pour réduire l’exposition des populations à la pollution de l’air.

Plusieurs actions ont résulté de cette mobilisation, notamment la création d’un observatoire des cancers (rein, vessie, leucémie) ainsi que la mise en place d’une consultation spécialisée sur le risque de pathologies liées aux expositions professionnelles et environnementales au centre hospitalier de Martigues. Cette consultation vise à opérer un travail de détection des maladies environnementales parmi la patientèle de l’hôpital, en le rapportant au curriculum laborae des personnes, afin de détecter d’éventuelles expositions professionnelles.

Auditionnés par votre rapporteur, les responsables de cette consultation ([29]) ont néanmoins expliqué que ce projet avait été stoppé dans son déploiement, en vue d’être intégré dans le cadre de la consultation de pathologie professionnelle et environnementale (CPPE) de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM). Ce choix semble néanmoins contestable, dans la mesure où il existe un enjeu territorial très spécifique dans la zone de l’Étang de Berre, avec de surcroît une collaboration fructueuse entre l’hôpital de Martigues et les quatre communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) du territoire, qui pourrait être mise à profit pour développer un travail d’accompagnement et de recherche avec une réelle valeur ajoutée.

Par ailleurs, si des projets d’investissements sur les outils de production ont été annoncés par les industriels afin de réduire les émissions, il s’agit d’une bataille de longue haleine, qui doit être menée avec plus de constance par les pouvoirs publics. L’État gagnerait à pouvoir mieux coordonner ses services pour assurer le contrôle des émissions industrielles ; il devrait disposer d’une expertise propre en la matière, qui lui permettrait d’imposer les modifications nécessaires sans s’en remettre aux expertises des industriels eux-mêmes.

Les pouvoirs publics ont également un rôle à jouer concernant la desserte ferroviaire du Grand port maritime de Marseille-Fos, ainsi que le réseau routier dans son ensemble, emprunté massivement par des camions au sein même des agglomérations.

Loin des incantations, seuls un travail suivi et une volonté politique sans faille permettront d’améliorer véritablement la situation sanitaire pour les habitants et les habitantes du territoire. Cependant, une certaine méfiance demeure localement vis-à-vis de la parole publique, et quant à l’investissement réel de l’État pour préciser les liens entre les pollutions et les effets sanitaires observés et mettre en place une véritable politique de prévention et de protection des populations. La mise en convergence de l’ARS, de l’Université Aix-Marseille, d’Atmo Sud, du centre hospitalier de Martigues, des CPTS, de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) et des collectivités territoriales autour de ce défi atmosphérique, en associant le mouvement syndical, associatif et mutualiste, et en créant les conditions pérennes de la participation citoyenne, pourrait permettre de catalyser et dynamiser l’action publique.

C.   recommandations : mieux connaître pour mieux prévenir les effets sanitaires de la pollution de l’air, en s’appuyant sur les territoires

Votre rapporteur estime que l’abaissement des valeurs-seuils de qualité de l’air de l’OMS et la mise sous astreinte de l’État pour dépassements récurrents des seuils réglementaires de pollution de l’air doivent agir comme des révélateurs des carences de l’action publique en la matière.

Une véritable politique de lutte contre la pollution de l’air et de prévention de ses effets sanitaires doit voir le jour, avec un pilotage interministériel, des actions transversales et évaluées, des moyens dédiés, des mesures ciblées sur les polluants et les populations les plus à risques. Cette politique gagnera à s’appuyer sur l’expérience des territoires précurseurs en la matière.

1.   Instaurer un pilotage interministériel de la lutte contre la pollution de l’air et la prévention de ses effets sanitaires

Il n’est pas concevable que la lutte contre la pollution de l’air demeure l’affaire du seul ministère de la Transition écologique. La pollution de l’air est avant tout un enjeu sanitaire : il importe que le ministère de la Santé se saisisse pleinement de cette problématique, et qu’elle soit abordée dans un cadre transversal, où tous les ministères concernés (agriculture, logement, transports…) seraient associés. Le fonctionnement en silo des politiques publiques a été désigné comme un obstacle permanent au déploiement d’une véritable politique de santé publique sur la pollution de l’air lors des auditions de votre rapporteur.

Pour y mettre fin, votre rapporteur estime que cette thématique doit être examinée dans le cadre d’un comité interministériel convoqué à intervalles réguliers, sous la direction du Premier ministre, et qui associerait l’ensemble des ministères compétents, lesquels pourraient ainsi présenter concrètement les résultats obtenus par rapport à une feuille de route établie. Pour s’assurer d’une permanence de cette préoccupation, la désignation d’un délégué interministériel à la qualité de l’air semble être incontournable. Cette formule lui semble être la seule qui permette de garantir que cet enjeu de santé publique ne soit pas en permanence « placé sous le tapis » et sacrifié à d’autres priorités, option d’autant plus à craindre que les effets sanitaires en question peuvent sembler « invisibles », puisqu’ils ne se manifestent qu’à long terme et sont difficiles à attribuer précisément à une cause.

Dans le but de renforcer encore la transversalité de l’action publique en la matière, votre rapporteur estime qu’il faudrait en outre donner plus de pouvoirs au Conseil national de l’air, présidé par notre collègue Jean-Luc Fugit, que votre rapporteur a auditionné. Le Conseil national est en effet la seule instance qui réunisse à la fois l’État, les collectivités locales, les entreprises et les associations ou représentants de la société civile. Votre rapporteur estime qu’il faudrait rendre les avis de ce conseil obligatoires sur tout texte législatif ou réglementaire ayant une incidence dans ce domaine, et l’affranchir de la tutelle du ministère chargé de l’environnement, ce qui lui permettrait notamment de s’autosaisir de toute question dans son champ de compétences. Ces orientations rejoignent d’ailleurs les préconisations effectuées par la Cour des comptes, dans le rapport précité ([30]). Celle-ci appelle également à la publication systématique des travaux de ce conseil ; votre rapporteur y est également favorable.

Enfin, votre rapporteur juge particulièrement important de ne pas déconnecter les enjeux liés aux effets sanitaires de la pollution de l’air des enjeux de santé au travail. Il est fréquent que les expositions chroniques à la pollution de l’air aient lieu dans le cadre professionnel, il est donc essentiel d’avoir une vision d’ensemble de ces enjeux et d’avoir une action combinée sur les milieux de vie et sur les milieux professionnels. Il importe de ne pas occulter les enjeux de santé au travail.

2.   Désigner des territoires pilotes dans la lutte contre la pollution atmosphérique et ses effets

Certains territoires ont acquis une réelle maturité sur la problématique de la pollution de l’air et de ses effets sanitaires. La population s’est saisie de cet enjeu, auquel elle est désormais sensibilisée. Elle demande à en savoir plus sur les émissions de polluants, leurs interactions et leurs effets sur la santé ; on observe ainsi une demande sociale très forte pour des études épidémiologiques. Ne pas savoir, se sentir impuissant sont des facteurs puissants d’anxiété et de colère. Les acteurs du territoire ont appris à dialoguer et à travailler ensemble sur cette problématique, au sein des AASQA ou de structures ad hoc qui ont vu le jour à des échelles plus locales. Votre rapporteur songe à l’évidence à la zone de l’Étang de Berre, dont la situation a été présentée précédemment, mais à d’autres territoires aussi qui ont développé une démarche innovante en la matière (métropole de Strasbourg, vallée de l’Arve par exemple).

Votre rapporteur estime qu’une première étape pour impulser de manière très concrète une politique renouvelée de lutte contre la pollution l’air pourrait être de s’appuyer sur l’expérience de ces territoires, pour développer des nouveaux outils, des bonnes pratiques, une nouvelle gouvernance locale. C’est pourquoi votre rapporteur appelle à la désignation de territoires pilotes dans la lutte contre la pollution atmosphérique et ses effets. Ce label supposerait un niveau de mobilisation important des acteurs locaux, et permettrait de bénéficier d’un accompagnement de l’État dans le but d’affiner au maximum la connaissance des liens entre pollutions et pathologies sur le territoire, de réduire les sources d’émissions et de systématiser une démarche préventive visant à réduire l’exposition des populations. Ce label, marque d’une volonté politique, permettrait de faire converger des moyens et de mobiliser les énergies afin de progresser concrètement sur cet enjeu.

3.   Renforcer les moyens des AASQA et faciliter la conduite d’études permettant de documenter les situations locales

Les AASQA sont des acteurs clés dans le dispositif de lutte contre la pollution de l’air, avec une réelle expertise, un ancrage territorial ancien et une capacité à faire dialoguer tous les acteurs de la qualité de l’air. Leur statut indépendant est un autre atout. Au-delà de la surveillance des polluants réglementés, les AASQA sont sans cesse sollicitées pour de nouvelles missions : pour conduire des études épidémiologiques, pour monitorer une situation post-accidentelle, pour surveiller de nouveaux polluants…

En outre, les AASQA ont très à cœur la problématique sanitaire, qui est dans l’ADN de ce réseau, et seraient prêtes à contribuer davantage à la prévention sanitaire, si on leur en donnait les moyens. Elles pourraient, par exemple, définir localement quelles sont les populations les plus exposées, comment et où, ce qui permettrait ensuite de mettre en place des mesures de prévention adaptées.

Mais il faudrait pour cela qu’elles disposent de moyens adaptés. Alors que les recettes de dons libératoires en provenance des entreprises soumises à la TGAP ont eu tendance à chuter avec la crise sanitaire, il importe ainsi de définir des sources de financement complémentaires pérennes pour les AASQA. Votre rapporteur estime qu’il faudrait aller jusqu’au bout de la logique « pollueur-payeur » de la TGAP, en étendant l’assiette de cette taxe à tous les secteurs qui polluent, et pas seulement l’industrie. En effet, comme le souligne le rapport de la Cour des comptes, « si l’industrie au sens large reste de loin la principale source d’émissions pour bon nombre de polluants pris en compte par la TGAP air, cela n’est pas le cas pour le NOx [oxydes d’azote] produit à 58 % par les transports, pour le benzène (émis à 53 % par le secteur résidentiel tertiaire, à 30 % par les transports), pour les HAP [hydrocarbures aromatiques polycycliques] (émis à 63,3 % par le résidentiel-tertiaire et à 25,8 % par le transport routier et 4 % par l’agriculture/sylviculture) ou pour les poussières totales (29 % pour la part de l’industrie) » ([31]). L’avantage de cette option est en outre qu’elle préserverait l’indépendance des AASQA, laquelle serait nécessairement fragilisée en cas d’augmentation relative de la dotation des collectivités publiques, et en particulier de l’État.

4.   Renforcer la formation des professionnels de santé sur les effets sanitaires de la pollution de l’air

Votre rapporteur juge nécessaire que la communauté médicale puisse mieux se saisir de la problématique de la pollution de l’air. Cela permettrait d’agir pour que cet enjeu, dont il est question par le prisme du défi écologique, soit regardé, de manière complémentaire, par le prisme sanitaire. L’information et la sensibilisation de la population face à un sujet encore mal connu, et la mise en pratique de mesures de prévention seraient ainsi facilitées. Développer la connaissance, la conscience et la compréhension de ces enjeux viendrait utilement renforcer la culture en santé de la population. Ainsi, la construction démocratique des politiques de transition pourrait gagner en vigueur, si chacune, chacun, avait connaissance des effets très concrets de la pollution de l’air sur soi ou sur ses enfants, par exemple.

Votre rapporteur estime donc qu’il est prioritaire de mieux former les professionnels de santé aux effets sanitaires de la pollution de l’air, d’autant que ces effets sont abondamment documentés sur le plan scientifique. Il conviendrait de prévoir un module spécifique dans les formations initiales, et d’encourager des formations professionnelles sur cette thématique.

5.   Mettre en place des mesures de prévention à l’échelle locale, en ciblant les polluants et les populations les plus à risques

La prévention des effets sanitaires de la pollution de l’air   repose en premier lieu sur la réduction des émissions de polluants et l’amélioration de la qualité de l’air. Il convient pour cela que les enjeux de santé publique soient valorisés à leur juste niveau au moment de l’adoption du plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques, qui traduisent en droit français les exigences réglementaires établies au niveau de l’Union européenne. Dans la foulée de l’abaissement des valeurs-seuils de l’OMS, il est probable que les plafonds d’émissions et de concentrations de l’Union européenne, en cours de révision, seront revus à la baisse.

Il n’est pas utile d’attendre les nouveaux seuils de l’Union européenne pour étudier les nouvelles mesures à prendre et les nouveaux outils à mobiliser pour réduire, de manière beaucoup plus importante encore, les émissions de polluants dont on sait qu’ils sont nocifs même en-deçà des seuils réglementaires.

Dans cette démarche, il convient de cibler en premier lieu les polluants les plus nuisibles pour la santé. Le Dr Bourdrel, du collectif « Strasbourg Respire », souligne ainsi qu’en mettant tous les polluants « sur un pied d’égalité », on justifie parfois l’inertie des politiques publiques, alors qu’en réalité certains polluants sont beaucoup plus toxiques que d’autres. Par exemple, l’agrégat des « particules fines » n’est pas homogène : les particules issues de la combustion des matières organiques seraient ainsi beaucoup plus dangereuses que celles en provenance d’épandages agricoles, ou du Sahara, ou encore des freins des métros. Il convient donc d’établir une gradation permettant, sans s’empêcher de faire baisser toute émission atmosphérique polluante qui peut l’être, de savoir où doivent être engagés les efforts les plus significatifs.

Votre rapporteur estime par ailleurs qu’à court terme, il faut être plus proactif pour mettre à l’abri les populations les plus vulnérables et les plus exposées. Les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer de ce point de vue.

Auditionnée par votre rapporteur, l’association Respire a par exemple mentionné le chiffre de 467 établissements scolaires situés dans des endroits où les seuils de dioxyde d’azote sont dépassés à Paris et dans la petite couronne, selon les données d’AirParif en 2019. S’il semble que les murs d’enceinte des écoles assurent une certaine protection contre la pollution issue de l’axe routier, ce type de données supposerait une action plus volontariste, d’abord dans les choix d’implantation des écoles, mais aussi pour réduire au maximum le trafic routier à proximité des écoles déjà construites.

Cet enjeu est encore plus prégnant s’agissant des enfants des milieux sociaux défavorisés, qui cumulent les facteurs de risques. Le Pr Ifrah, président de l’INCa, dit vouloir engager un travail de grande ampleur avec les collectivités locales sur un plan « zéro exposition à l’école », lequel pourrait être mis en œuvre avec le conseil général de la Seine-Saint-Denis, qui doit construire plusieurs collèges dans les années à venir : il s’agit ainsi de prendre en compte le critère de la qualité de l’air dans le choix du lieu d’implantation, dans l’architecture et les matériaux utilisés, etc. Votre rapporteur estime que ce type de démarches doit être systématisé. En effet, des guides de bonnes pratiques existent déjà pour un urbanisme favorable à la santé ([32]), mais sont encore bien trop peu utilisés dans les faits.


   conclusion

 

 

Votre rapporteur a exprimé son grand scepticisme sur l’architecture de la mission Santé et sur la cohérence des financements qu’elle porte, lesquels ne se rapportent pas à une politique publique bien définie, contre l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances.

Votre rapporteur appelle ainsi le Gouvernement à revoir le périmètre de cette mission pour donner tout son sens au travail parlementaire.

Ne pouvant amoindrir les crédits de l’aide médicale de l’État, qui constitue une politique publique essentielle dont il appelle à la mise en œuvre pleine et entière, votre rapporteur est empêché de proposer des transferts en faveur de la promotion de la santé. Au regard des enjeux sanitaires, cette situation n’est pas acceptable, et votre rapporteur ne pourra approuver le budget de la mission Santé proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 ; à ses yeux, il demeure insuffisant pour donner les impulsions nécessaires.

Au bénéfice des éclairages apportés en seconde partie de son avis, votre rapporteur appelle par ailleurs à une mobilisation sans faille de la représentation nationale et du Gouvernement sur cet enjeu majeur de santé publique qu’est la pollution de l’air.


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   Travaux de la commission

Au cours de sa deuxième réunion du mercredi 27 octobre 2021, la commission des affaires sociales procède à l’examen des crédits de la mission Santé du projet de loi de finances pour 2022 (seconde partie) (M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis) ([33]).

I.   Audition du ministre

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. La mission Santé comporte deux programmes dont l’action est définie, pour une large part, dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Cette stratégie marque la priorité donnée à la prévention, à la qualité et à la pertinence des soins, à l’égal accès aux soins sur le territoire et à l’innovation.

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins vise à améliorer l’état de santé général de la population, dans un souci de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Il finance des plans et des programmes de santé, pilotés au niveau national par la direction générale de la santé et par la direction générale de l’offre de soins. C’est à ce titre que le programme, par exemple, participe pleinement au déploiement de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, annoncée au début de cette année par le Président de la République, avec une subvention d’un peu plus de 40 millions d’euros destinée à soutenir les actions de l’Institut national du cancer (INCa).

La sécurité sanitaire est également un champ important du programme 204 : il s’agit de garantir la protection de la population face à des événements sanitaires graves. Depuis mars 2020, le programme intègre en gestion une partie des dépenses liées à la lutte contre l’épidémie de la covid-19. Santé publique France a notamment abondé les crédits du programme à hauteur de 900 millions d’euros, par fonds de concours, pour financer des actions centralisées de lutte contre l’épidémie telles que l’achat de matériel et la fourniture de masques à des personnes en situation de précarité ou le déploiement de systèmes d’information, comme le fameux système d’informations de dépistage (SI-DEP). Le programme 204 joue ainsi un rôle fondamental en matière de santé publique, aussi bien dans une optique de prévention qu’au titre de la gestion de la crise.

Le programme 183 Protection maladie assure, en complément des politiques de sécurité sociale, la protection face à la maladie dans des situations relevant de la solidarité nationale. Il vise essentiellement à financer l’aide médicale de l’État (AME), dont la gestion est assurée par la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et qui s’adresse aux publics les plus défavorisés, dans un double objectif, humanitaire et sanitaire. Comme chaque année, je n’en doute pas, nous aurons l’occasion de revenir sur l’intérêt de l’AME. Selon la conception que je me fais de la solidarité, un malade doit être soigné, quelle que soit sa nationalité. Au‑delà même de cette conception, que je sais largement partagée, la crise sanitaire actuelle a démontré que notre santé collective était aussi celle des plus faibles et des plus fragiles d’entre nous. C’est l’honneur de notre pays que d’aider ceux qui souffrent sur son territoire, et il y va de notre santé publique en général. Pour ces raisons, nous continuerons en 2022 à financer l’AME, qui n’est certainement pas à l’origine d’un envahissement des hôpitaux par des personnes en situation de migration ; c’est tout simplement le moyen de solvabiliser une demande de soins qui serait de toute façon honorée. En effet, si vous êtes malade, les blouses blanches vous soignent, que vous ayez des papiers ou non.

Derrière ces programmes, il n’y a pas qu’une gigantesque machine administrative ; il y a une vision de notre politique de santé. La crise sanitaire liée à l’épidémie a accéléré et amplifié un certain nombre de pratiques. Je pense notamment au numérique en santé, qui est appelé à jouer demain un rôle central dans l’accès aux soins. Cette crise sanitaire a également apporté un démenti cuisant à tous ceux qui pointaient du doigt la prétendue désintégration de l’État social. Je l’affirme : l’État social a répondu présent et le « quoi qu’il en coûte » n’a pas été un simple slogan. Personne en France ne peut désormais l’ignorer.

M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis des crédits de la mission Santé. Les grandes orientations de la mission Santé que vous venez de nous exposer sont prometteuses, mais, quand on se penche un peu plus sur le détail – peut-être est-ce la raison pour laquelle votre intervention liminaire a été relativement brève –, on est un peu déçu.

Certes, on trouve dans la mission le budget de l’AME, qui en est le plus gros poste et en représente l’essentiel. Garantir l’accès aux soins à chacune et chacun, quelle que soit sa situation administrative et quels que soient ses moyens, c’est à la fois un geste d’élémentaire humanité et un geste élémentaire pour l’humanité – nous nous rejoignons sur ce point. La crise sanitaire nous a fait mesurer à quel point la santé est un bien commun : la santé de tous et de toutes est intimement liée à celle de chacune et chacun.

C’est pourquoi je ne comprends pas l’acharnement politique dont est victime l’AME, destinée aux femmes, aux hommes, aux enfants démunis, notamment en situation irrégulière. Nous devrions être fiers de cette solidarité. Pourquoi vouloir restreindre, limiter, rationner l’accès aux soins ? Contrairement ce que l’on entend parfois, la fraude à l’AME n’est pas un phénomène massif ; c’est le non-recours qui est massif. Seules 51 % des personnes éligibles à l’AME en bénéficient, comme l’indique une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé datée de 2019. L’AME représente moins de 0,5 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et seulement 1,5 % du montant des exonérations de cotisations patronales – vous reconnaîtrez là un de mes chevaux de bataille.

La mission Santé financera l’AME à hauteur de 1,1 milliard d’euros en 2022. Nous devrions absolument consolider cette politique, qui a tout de même subi quelques restrictions en 2020.

Pour le reste, on ne trouvera pas dans la mission Santé les moyens véritables d’une politique publique digne de ce nom en matière de prévention et de promotion de la santé, ni en matière d’accès aux soins. On n’y découvre que des financements épars pouvant se rattacher de près ou de loin à ces thématiques. Elle ne comprend plus désormais que les brisures, pour reprendre un terme employé par mon grand-père, autrement dit les restes des crédits autrefois à la main de l’État en matière de santé publique.

En effet, notre politique de santé publique a été très largement déléguée à des agences sanitaires, entre autres Santé publique France, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), dont le financement a été transféré à la sécurité sociale. Pourtant, les missions de ces agences relèvent non pas de la protection sociale, mais bel et bien de l’action publique en santé, qui est une prérogative de l’État. Qui plus est, leurs moyens ordinaires ne progressent pas : le plafond d’emplois les bloque dans la possibilité d’honorer leurs missions, qui ont tendance à s’étendre plutôt qu’à diminuer, ce qui a des implications locales. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est, monsieur le ministre ?

Ce transfert à la sécurité sociale nous prive, en tant que législateur, de toute marge de manœuvre concernant le financement de ces agences : qui d’entre vous a conscience d’avoir voté les crédits de Santé publique France dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ? Personne, tout simplement parce qu’il n’y a pas d’article dédié ! Cet aspect est devenu quasiment invisible, ce qui pose un vrai problème de démocratie sanitaire. J’appelle donc à réintégrer les agences sanitaires dans le budget de l’État.

En vérité, il ne reste plus grand-chose dans la mission Santé, hormis l’AME – ce qui n’est pas rien –, l’indemnisation des contentieux sanitaires, l’agence de santé du territoire des îles de Wallis et Futuna, les systèmes d’information du ministère et des subventions pour une myriade d’associations, utiles, relevant du champ sanitaire. Quelle est la politique suivie pour les systèmes d’information que je viens de mentionner ?

Je ne dis pas que ces actions sont inutiles, loin de là. Le mécanisme de financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), par exemple, fonctionne plutôt bien : il a permis de créer un espace dédié pour les victimes de cette catastrophe sanitaire, qui continue de tuer. Il faut désormais le consolider. Ne faudrait-il pas revaloriser les barèmes d’indemnisation ? Pouvez-vous nous confirmer l’abandon du projet de fusion entre le FIVA et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ?

Il y a donc des choses très utiles dans la mission Santé. Simplement, ces actions éparses ne font pas une politique de santé publique.

La réduction des inégalités territoriales et sociales de santé constitue un enjeu central pour notre pays, dont la crise a montré l’acuité. Comment jugez-vous l’efficacité des dépenses fiscales censées lutter contre la désertification médicale ?

La prévention et la promotion de la santé, qui figurent dans les intitulés des programmes, sont des enjeux tout aussi fondamentaux. Au-delà des campagnes de communication, il faut se doter de moyens humains pour faire de la santé un paramètre essentiel des choix. Si nos politiques en la matière avaient été plus volontaristes, aurions‑nous eu besoin d’une telle multiplication de mesures coercitives ? De toute évidence, dans une société malmenée et soumise à de nombreux défis, il est nécessaire de faire progresser la conscience sanitaire individuelle et collective, face aux mauvaises pratiques induites par le marché, aux addictions et aux nécessaires transformations de nos modes de vie. Il faut aussi donner un poids plus déterminant à la santé et à l’humain dans les choix politiques.

Au fond, les financements souvent disparates et faibles apportés par la mission Santé me semblent assez à l’image de l’engagement de l’État dans ce domaine : insuffisants. C’est pourquoi je n’appellerai pas à voter en faveur des crédits de la mission, soulignant que l’asymétrie des programmes et leur faible contenu nous privent, pour ainsi dire, de toute possibilité d’amélioration par voie d’amendement.

Afin de donner plus de chair à ce propos et d’esquisser des perspectives, j’ai choisi de centrer mes investigations et mon rapport sur les enjeux sanitaires liés à la pollution atmosphérique. Les lignes budgétaires n’en disent rien, alors que c’est une question de santé publique prégnante.

D’après Santé publique France, la pollution atmosphérique est la cause de 7 % de la mortalité annuelle en France ; 40 000 décès par an sont imputables aux particules fines inhalées ; 7 000 décès, soit 1 % de la mortalité annuelle, sont liés au dioxyde d’azote. Et c’est sans parler de tous les autres polluants que l’on ne sait pas encore bien mesurer : particules ultrafines, pesticides, perturbateurs endocriniens, etc.

La pollution de l’air, c’est donc, chaque année, des dizaines de milliers de morts prématurées, et pas seulement pour des atteintes cardiorespiratoires ; c’est le cancer du poumon, mais aussi le cancer du sein et la leucémie ; c’est l’asthme des enfants, mais aussi le diabète, l’obésité, les maladies neurodégénératives et d’autres encore.

La France est loin d’être exemplaire en ce qui concerne la qualité de l’air. L’État a récemment été condamné par l’Union européenne et par le Conseil d’État pour des dépassements répétés des seuils de concentration des polluants réglementés. Manifestement, notre plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques et ses déclinaisons locales, les plans de protection de l’atmosphère ne produisent pas les effets attendus. N’aurait-il pas mieux valu investir vraiment plutôt que de payer une amende de 10 millions d’euros, montant qui n’est d’ailleurs pas inscrit dans cette partie du budget ?

Ce qui me préoccupe, c’est que les seuils de l’Union européenne sont supérieurs aux normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui viennent du reste d’être abaissées.

Si nous avions une approche sanitaire de la question, nous chercherions constamment à réduire les émissions de polluants, mais nos politiques n’ont manifestement pas suffisamment cette ambition. Dans les années 1990-2000, nous avons réduit les émissions, surtout industrielles. Depuis lors, nous stagnons, à un niveau qui reste beaucoup trop élevé.

On ne se rend pas suffisamment compte qu’il s’agit d’un problème sanitaire majeur parce que le déclenchement différé des maladies atténue le sentiment d’urgence. Je suis élu d’une circonscription, à l’ouest de l’étang de Berre, dans un territoire plein de vitalité et de belles énergies, mais marqué par des pollutions atmosphériques liées aux industries ou aux transports. Les données de santé, trop restreintes, montrent néanmoins une prévalence de certaines maladies : davantage de cancers notamment, mais pas seulement. Certaines de ces maladies ont des causes professionnelles avérées. Ainsi s’explique au moins une partie des inégalités : ces maladies frappent davantage les ouvriers, y compris les ouvriers sous‑traitants, qui ont parfois des difficultés à se faire reconnaître.

Depuis des années, il y a des mobilisations locales, pour savoir, pour comprendre et pour agir. On progresse tout doucement, mais pas assez vite et pas assez fort, parce qu’on n’est pas soutenu par une politique franche de l’État dans ce domaine. À mes yeux, il faudrait instituer des territoires pilotes dans la lutte contre la pollution atmosphérique et ses effets sur la santé, en manifestant une volonté politique et en faisant converger des moyens.

Il faudrait que l’État et ses agences financent de la recherche et des études pour mieux documenter les pollutions locales et les situations épidémiologiques, en établissant des cadastres, en analysant les récits de travail et de vie, en évaluant les exposomes. Les émissions sont très diverses selon les territoires, et il faut traquer les maladies éliminables. Il faudrait que l’État et ses agences, en concertation avec les collectivités locales, mettent le paquet pour réduire les émissions, notamment les plus dangereuses pour la santé. Il faudrait que l’État prenne ses responsabilités en matière d’aménagement du territoire, d’infrastructures et de contrôle des industriels, qu’il joue un rôle moteur dans la transformation des outils et des modes de production. Il faudrait que l’État informe et sensibilise le corps médical et la population, qu’il prenne des mesures de prévention pour limiter l’exposition de cette dernière, en particulier des plus fragiles.

Mais, pour cela, il faudrait qu’il y ait un pilote à bord. Or le pilote sur les questions de pollution atmosphérique, ce n’est pas le ministre de la santé, ce n’est pas vous, et je le regrette. Cette question doit impérativement être traitée à un niveau interministériel, pour que les enjeux sanitaires ne soient plus occultés, pour que l’on appréhende les problèmes à travers le prisme sanitaire bien plus qu’on ne le fait.

Il est temps de nous doter des leviers contemporains d’une politique de santé publique ambitieuse, et qu’au sein de cette politique, la lutte contre la pollution de l’air et ses effets sur la santé devienne une cause mieux identifiée et suivie. Pour contredire Michel Jonasz, « l’air que l’on respire » n’est pas exactement « le même pour tous », même s’il finit par se brasser. Et, pour appuyer Clara Luciani, nous voulons « respirer encore ». Chères et chers collègues, j’en appelle à vous pour mettre en avant avec moi cet enjeu, qui nous concerne tous et auquel plusieurs d’entre vous, j’en suis sûr, sont sensibilisés dans leur territoire.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (LaREM). Les crédits de la mission Santé s’élèvent à 1,29 milliard d’euros. Cette mission a un champ d’action limité puisque 80 % des crédits sont consacrés à l’AME, les 20 % restants étant dédiés à la politique de prévention, de sécurité sanitaire et d’offre de soins financée par l’État, ainsi qu’au FIVA et à l’indemnisation des victimes de la Dépakine.

Au cœur du programme 183, nous retrouvons l’AME, budgétisée en 2022 à hauteur de 1,079 milliard, soit une progression de 2 %. Loin des caricatures qui reviennent chaque année lors du vote de ces crédits, je tiens à saluer l’engagement du Gouvernement dans la prise en charge des frais de santé des personnes démunies et vulnérables, en l’espèce des personnes migrantes les plus précaires, en vertu du devoir de solidarité nationale qui relève de l’État. Nous pouvons être satisfaits de la poursuite de cet engagement depuis 2017 et de l’attachement du groupe La République en Marche aux valeurs humanistes et de santé publique qui sous-tendent l’AME.

Ce système est à notre honneur. Il préserve au mieux ces femmes et ces hommes, déjà démunis, de pathologies beaucoup plus lourdes, chroniques ou invalidantes, qui les ostraciseraient davantage du reste de la société. Ce dispositif permet aussi de mieux maîtriser les dépenses publiques, en évitant les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l’urgence. Néanmoins, des détournements ont eu lieu, qui ont été mis en avant médiatiquement. Malgré le faible nombre de mis en cause, ils ont porté des coups au système. Cela a nécessité une réforme, que le Gouvernement a menée en 2019, pour mieux contrôler l’attribution de ce droit.

L’application de cette réforme se poursuivra en 2022, sachant que, pendant la crise sanitaire, des mesures exceptionnelles ont été prises pour garantir l’accès aux soins des étrangers en situation de précarité. La réforme, je le rappelle, consiste à renforcer la lutte contre le détournement de ce droit. Quel bilan peut-on en tirer ? Après la réforme, qu’en est-il des contrôles et de l’accessibilité des personnes concernées à l’AME ?

S’agissant des politiques de prévention, je souhaite vous interpeller sur le dépistage du cancer de la prostate. L’INCa, opérateur financé par les crédits que nous examinons, coordonne la mise en œuvre de la stratégie décennale de lutte contre les cancers, annoncée par le Président de la République le 4 février 2021. Son objectif est de réduire significativement le poids des cancers dans le quotidien des Français. Il s’agit notamment de faire advenir le dépistage de demain, d’étendre le dépistage et d’améliorer la balance bénéfices-risques.

Or, lors d’une table ronde consacrée au dépistage du cancer de la prostate – je vous remercie une nouvelle fois de l’avoir organisée, madame la présidente –, nous avons tous été surpris par l’opposition franche entre d’éminents spécialistes, certains étant favorables à un dépistage élargi, plus systématique et faisant appel à de nouvelles techniques, d’autres relatant les effets secondaires nombreux et invalidants de certains traitements actuels, qui dégraderaient la balance bénéfices-risques. Les experts étaient toutefois d’accord sur un point : ils regrettaient l’absence d’études et de données fiables sur la méthode de dépistage de ce cancer. Je proposerai en séance publique de consacrer des crédits à une étude permettant de déterminer objectivement comment mieux dépister ce cancer. Cela s’inscrit pleinement dans la volonté de développer la recherche et le dépistage de demain.

Malgré son champ restreint, la mission Santé finance des actions importantes. Elle est caractérisée par un maître mot : la prévention, pour l’ensemble de la population. C’est pourquoi le groupe La République en Marche votera ses crédits.

Mme Isabelle Valentin (LR). Cette année encore, la mission Santé revêt une dimension particulière et inédite en raison de la crise sanitaire qui frappe notre pays et des mesures d’urgence qui ont été prises. D’une manière générale, elle se démarque de deux autres catégories de textes essentiels relatifs à la santé, les lois dites « santé » et les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), en ce qu’elle prévoit exclusivement des financements issus du budget de l’État, et non de celui de la sécurité sociale. Son objet est triple : le financement de certains opérateurs de la prévention, l’indemnisation des victimes de l’amiante et l’AME.

Cette année, les crédits de la mission Santé s’établissent à 1,296 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 1,299 milliard en crédits de paiement (CP), montants l’un et l’autre en baisse par rapport à 2021.

Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins rassemble 17 % des crédits de la mission. Le montant prévu est en diminution d’environ 40 millions par rapport à 2021, évolution qui s’explique par la non-reconduction d’une dotation exceptionnelle de 45 millions en faveur de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Pourtant, la prévention en santé, constituée par un ensemble d’actions préventives, curatives, éducatives et sociales, est bel et bien la meilleure façon de faire baisser nos dépenses de santé.

Depuis 2020, le programme 204 sert de support indirect à la gestion financière de la crise sanitaire. Ainsi, les dépenses d’achat de matériel – masques, vaccins – et de prestations – transport, systèmes d’information – relèvent de Santé publique France, qui a reçu de l’assurance maladie une dotation exceptionnelle de 4,8 milliards d’euros.

Le programme 204 finance aussi le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine. Il y a deux ans, nous avons adopté une réforme de ce dispositif, à la demande de ma collègue Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission de finances. Cette réforme devait notamment permettre de réduire de trois à un mois le délai d’indemnisation des victimes par l’ONIAM. Toutefois, son application a été retardée en raison de la crise sanitaire, et il est dès lors difficile d’en établir un bilan complet. En tout cas, la trajectoire demeure toujours très éloignée des objectifs initiaux.

Les crédits du programme 183 Protection maladie s’établissent à 1,087 milliard d’euros, en AE comme en CP. Ce montant est en progression par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Il finance presque exclusivement l’AME, c’est-à-dire l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière – l’AME représente 87 % des crédits de la mission. Les dépenses restantes couvrent la participation de l’État au FIVA.

Pour la deuxième année consécutive, la dépense au titre de l’AME s’accroîtra et dépassera le milliard d’euros. Rappelons qu’elle ne couvre qu’une partie du coût des soins dispensés en France aux étrangers en situation irrégulière, ces soins ne se limitant pas à ceux qui sont prodigués dans le cadre de l’AME. Le coût total représente au moins 1,5 milliard.

Nous ne voterons pas ces crédits en diminution, d’autant que la prévention est très peu abordée.

Mme Perrine Goulet (Dem). La mission Santé revêt une importance particulière, puisqu’elle met en œuvre les outils et les circuits de financement de la stratégie nationale de santé définie par le Gouvernement. Il nous revient notamment de valider la cohérence des crédits avec les dispositions prévues par le PLFSS. Au regard des sommes engagées dans celui‑ci, les crédits de la mission peuvent sembler un peu dérisoires, mais ils s’élèvent tout de même à 1,3 milliard d’euros.

Le programme 183, doté d’un peu plus de 1 milliard d’euros, soit 84 % des crédits de la mission, finance l’AME et le FIVA. Le programme 204, dont le montant s’établit à 213 millions, finance certaines politiques de santé, de santé publique et d’offre de soins.

Malgré leur faible coût, il s’agit de financements essentiels pour l’universalité de l’accès aux soins. L’augmentation des crédits destinés à l’AME, en particulier, témoigne de la responsabilité dont notre pays fait preuve : la France alloue les moyens nécessaires à cette noble mission. Celle-ci répond à des objectifs humanitaires et de santé publique, et fait honneur à notre pays. Par ailleurs, il convient de poursuivre le renforcement de la lutte contre les fraudes, engagé il y a deux ans. Non seulement les fraudes grèvent le budget de l’AME et nuisent à l’atteinte de ses objectifs, mais elles apportent aussi de l’eau au moulin de ses contradicteurs.

Notre groupe souhaite que les débats à ce sujet soient les plus mesurés possible, surtout dans le contexte pandémique actuel. S’agissant d’une telle politique publique, il est nécessaire de sortir des caricatures en vogue et, plus encore, de la surenchère qui précède l’élection présidentielle. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous présenter les résultats des réformes relatives à l’AME engagées depuis le début de la législature ?

Le programme 204 a connu plusieurs modifications ces dernières années. Il est désormais accompagné d’un document de politique transversale, qui donne une visibilité sur l’ensemble des financements ministériels concourant à la politique de prévention en santé. Il s’agissait d’une proposition de notre groupe, destinée à consolider cette politique et à la rendre plus lisible. La prévention n’est pas, nous en sommes convaincus, l’affaire du seul secteur médical ou d’un seul ministère. Ce jaune budgétaire est donc bienvenu.

La LFSS 2020 a acté le passage de Santé publique France dans le giron de la sécurité sociale. Depuis lors, le rôle de cette agence a été largement mis en lumière par la crise sanitaire. Pouvez-vous nous faire un retour d’expérience concernant le changement de pilotage de Santé publique France, notamment au regard des dysfonctionnements qui ont pu apparaître ces derniers mois ?

Notre groupe attache un intérêt marqué à la prévention et milite depuis le début de la législature pour une politique de santé publique qui en fasse une priorité. Or les crédits du programme 204, qui financent plusieurs agences telles que l’INCa et l’ANSES, restent stables. Ne mériteraient-ils pas d’être densifiés pour que ces agences puissent relever les défis auxquelles elles font face ?

Nous pouvons partager certains aspects du constat dressé par le rapporteur pour avis à propos de la lisibilité du programme 204. Tout en étant moins radicaux que lui, nous estimons qu’il serait nécessaire de le rendre plus clair à l’avenir.

En tout état de cause, notre groupe votera les crédits de la mission, qui financent des politiques publiques essentielles, plus encore dans le contexte sanitaire auquel nous devons faire face depuis près de deux ans.

M. Boris Vallaud (SOC). La mission Santé est au cœur des préoccupations des Français. Nous sommes donc frappés que vous asséniez un coup de rabot budgétaire à chacun des deux programmes qui la composent.

Le programme 204 comporte les crédits relatifs à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, qui sont, vous en conviendrez, des enjeux majeurs. Or vous les réduisez de plus de 41 millions d’euros, soit une diminution de 16 %. En particulier, les crédits de l’action visant à aider les hôpitaux à se moderniser baisseront de 43 millions, autrement dit de 44 %. Pour justifier une telle décision après les vagues épidémiques que nous avons eu à surmonter avec dignité et courage, vous aurez du mal à trouver les mots.

En parallèle, de nombreuses actions voient leurs crédits stagner, ce qui revient, une fois l’inflation prise en compte, à une baisse de 1,5 %.

Tel est le cas de l’action Santé des populations, qui finance pourtant des actions essentielles pour des publics fragiles, comme les migrants. Des actions de prévention relatives à la santé de la mère et de l’enfant sont également concernées. Elles seront tout aussi essentielles en 2022. Dès lors, pourquoi réduire leurs crédits ?

Cela concerne aussi l’action Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, qui comporte des crédits pour la prévention des maladies neurodégénératives, la prévention des cancers et des addictions, comme le tabac et l’alcool, ou encore la santé sexuelle. La baisse des crédits en valeur nette que vous proposez reflète votre manque d’ambition pour des enjeux pourtant cruciaux.

Ensuite, alors que nous sortons tout juste d’une crise sanitaire grave, qui a mis en lumière bien des difficultés de notre système, comment comprendre la baisse en valeur nette des crédits de l’action correspondante ? Si nous avons bien compris que les 4,9 milliards d’euros fléchés dans le PLFSS pour gérer la crise de la covid-19 en 2022 serviront à la fourniture de vaccins et au financement de la prise en charge des tests, où sont les crédits pour reconstituer notre stock de masques ? Plus largement, où sont les crédits pour réarmer notre système de veille sanitaire et son opérateur, Santé publique France ?

Enfin, les crédits de l’action 18 Projets régionaux de santé sont nuls, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiements. Or les projets régionaux de santé, qui sont élaborés sous le pilotage de l’agence régionale de santé (ARS) territorialement compétente, sont cruciaux pour la construction d’une offre de soins et de santé, par parcours, qui réponde aux besoins des territoires, pour le développement de la prévention dans notre système de santé et pour la vie de la démocratie sanitaire. Nous sommes preneurs d’une explication concernant l’absence de crédits pour cette action.

Les moyens que vous proposez pour le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ne témoignent d’aucune stratégie d’envergure pour transformer notre système de santé. Vous n’avez pas de stratégie concernant la prévention et la promotion de la santé, pas plus que pour le développement de la démocratie en santé. Bref, en matière de santé, votre politique est gestionnaire, et elle ne répond pas aux enjeux que la crise a révélés.

Le second programme contient les crédits relatifs à la protection maladie, notamment l’AME. Là, la hausse des crédits dépasse à peine l’inflation – + 2 %, contre 1,5 % pour la hausse des prix en 2022. En outre, vous focalisez votre action sur « [la] mise en œuvre et [le] suivi des mesures de renforcement des contrôles décidées fin 2019 ». Comme l’AME permet de prendre en charge des soins urgents pour les plus défavorisés, ce n’est pas sur la lutte contre la fraude à l’AME qu’il faut se concentrer mais sur le non‑recours à ce dispositif et sur les nombreux obstacles administratifs à son accès. Selon une étude, un allocataire potentiel sur deux ne demande pas l’AME. Force est de constater que vous n’annoncez aucune mesure à ce sujet.

Alors que notre système de santé doit prendre un vrai virage, autour de la prévention, de la santé environnementale, de la construction de parcours de soins et de la démocratie sanitaire, et que l’AME doit toucher un public beaucoup plus large, vos réponses à ces enjeux majeurs sont proches du néant dans ce PLF. Voilà un certain nombre de raisons qui nous conduiront à ne pas voter les crédits de la mission Santé.

Mme Annie Chapelier (Agir ens). La mission budgétaire Santé se focalise sur l’AME. Sa dotation financière, de 1,3 milliard d’euros en crédits de paiement au total, permettra la prise en charge médicale des personnes en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois et dont les ressources sont faibles. L’AME donne droit à la prise en charge à 100 % des soins médicaux et hospitaliers dans la limite des tarifs de la sécurité sociale, sans nécessité d’avancer les frais, pour une durée d’un an renouvelable.

Alors que nous souhaitons aller vers une meilleure intégration des personnes réfugiées ou en situation irrégulière, apporter des soins dignes et nécessaires à toute personne est aussi de notre devoir. Mme Buzyn, lorsqu’elle était ministre des solidarités et de la santé, avait défendu l’AME en tant que droit à la santé pour tous. En octobre 2020, elle s’était engagée à travailler à préciser le panier de soins de l’AME. Je rappelle que des débats très tendus avaient porté sur les abus et les fraudes autour de l’AME, dont la ministre avait dû rappeler qu’elle constitue une aide d’urgence au champ d’action délimité.

Quelle est la liste des soins concernés à l’heure actuelle par ce dispositif ? Il me semble que, depuis le 1er janvier 2021, certains soins et traitements non urgents ne sont pris en charge qu’au bout d’un délai de neuf mois après l’admission à l’AME pour tout bénéficiaire ou pour qui n’a pas bénéficié de l’AME depuis plus d’un an, des exceptions étant toutefois prévues pour les soins hospitaliers comme pour ceux de ville.

La mission Santé finance également, à travers son programme 183, le FIVA, créé en 2001, et l’ONIAM. Une dotation financière de 35,2 millions d’euros est prévue, notamment en lien avec la Dépakine et le Mediator.

Nous nous souvenons tous d’Irène Frachon, la pneumologue qui a révélé le scandale pharmaceutique du Mediator. Elle a dû faire face à un nombre colossal d’obstacles pour réussir à faire condamner, le 29 mars dernier, les laboratoires pharmaceutiques Servier pour tromperie aggravée, à l’origine de graves effets secondaires et du désastre humain que nous connaissons. Au total, entre 1 000 et 2 000 personnes seraient décédées en France des suites de ces effets secondaires. Mme Frachon avait alors déclaré que « la médiatisation n’a jamais été une fin en soi. Elle est un moyen qui a permis, dans la douleur, d’obtenir la vérité. » Qu’en est-il des enquêtes sur la mise sur le marché de produits qui ne devraient pas s’y trouver ? Le crime pharmaceutique doit être puni, et cela ne peut reposer uniquement sur les lanceurs d’alerte.

Nous avons été très sensibles au rapport pour avis de M. Dharréville. Bien que nous regrettions la faible présence de politiques de prévention en matière de santé environnementale et d’éducation à la santé dans cette mission budgétaire, le groupe Agir ensemble la soutiendra, de même que l’ensemble du projet de loi de finances pour 2022.

Mme Valérie Six (UDI-I). Les crédits de la mission Santé, relatifs aux dépenses en santé de l’État, sont distinct de ceux de la sécurité sociale. L’un des objectifs de cette mission est de réduire les inégalités territoriales et sociales en matière de santé. Nous militons depuis plusieurs années pour une décentralisation du système de santé afin de permettre une prise de décision plus proche des territoires et une meilleure répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire. Mais l’instauration d’une convention sélective a été rejetée à l’issue d’un débat lors de l’examen du PLFSS.

De trop nombreux Français sont encore éloignés des soins dans des territoires où il n’y a pas de médecins à plusieurs kilomètres de leur domicile ou bien où il faut plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous. Résignés à l’absence d’offre de soins, beaucoup renoncent purement et simplement à se soigner. Un sondage publié dans le Journal du dimanche du 16 novembre 2019 révélait que 63 % des Français avaient déjà renoncé à des soins ou les avaient reportés, en raison de délais d’attente trop longs ou d’une distance trop importante à parcourir.

Le rapport d’information du 14 octobre dernier des sénateurs Philippe Mouiller et Patricia Schillinger dresse un état des lieux alarmant de l’accès aux soins dans notre pays. Ce rapport rappelle que le Conseil constitutionnel a reconnu expressément en 2012 le droit à la protection de la santé comme objectif de valeur constitutionnelle. Les rapporteurs du Sénat ont formulé plusieurs recommandations à l’État, parmi lesquelles la mise en question de la liberté d’installation des médecins.

Le rapport souligne que les tentatives d’ajustement de la répartition des professionnels de santé, en particulier des médecins, se heurtent à de fortes oppositions, et que le principe de liberté d’installation est insuffisamment mis en regard du principe d’égal accès aux soins et de la notion d’intérêt général. Le système social français solvabilise pourtant la patientèle médicale au travers des dispositifs de prise en charge des dépenses de santé. Ce constat conduit les rapporteurs du Sénat à s’interroger sur l’opportunité de renforcer des dispositifs d’incitation, voire d’adopter des mesures coercitives qui aménageraient la liberté d’installation des médecins. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que les inégalités d’espérance de vie s’accroissent à mesure que se creusent les inégalités dans l’offre de soins.

S’agissant du développement de la politique de prévention sanitaire dans le territoire des îles Wallis et de Futuna, nous saluons les mesures d’investissement prévues. Toutefois, le plan d’investissement pour 2022 sera financé par un report de crédits non consommés en 2021. Comment s’explique la non-consommation de ces crédits, et comment travailler à une rencontre plus efficiente entre les enveloppes budgétées et les projets envisagés ?

Nous nous interrogeons sur l’augmentation continue des moyens dédiés à l’AME, qui représente la grande majorité des crédits de cette mission. Des rapports de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances, mais aussi celui de notre collègue Véronique Louwagie, pointent du doigt les fraudes à l’AME et le dévoiement du dispositif. La réforme de l’AME devait permettre de mieux contrôler les dossiers déposés et de limiter la fraude, mais il semblerait qu’elle n’ait pas encore produit les effets escomptés.

L’AME est une mesure d’humanité, puisqu’une personne malade doit être soignée, d’où qu’elle vienne. Néanmoins, l’augmentation continue du coût du dispositif, qui est aujourd’hui équivalent au budget annuel de l’Assistance publique‑Hôpitaux de Marseille, et son dévoiement dénoncé par les rapports précités, nuisent à l’acceptabilité sociale de cette mesure. Compte tenu des effets très relatifs de la réforme de l’AME, notamment en raison de la crise sanitaire, comment comptez-vous remettre en œuvre cette réforme ?

Enfin, je tiens à saluer ce que vient de nous annoncer Charlotte Parmentier-Lecocq. Notre groupe est très investi en faveur de la prévention. Les crédits de cette mission budgétaire financent le fonctionnement des opérateurs de l’État en matière de prévention, notamment l’INCa. Nous plaidons pour une politique publique renforcée en matière de prévention, afin d’assurer une prise en charge précoce des pathologies.

Mme Jeanine Dubié (LT). L’an dernier, j’ai eu l’honneur de rapporter la mission Santé au nom de notre commission, et j’ai alors constaté son caractère assez hétérogène. Cette mission n’agrège en effet qu’une petite partie du financement étatique de la politique de santé publique, et elle a vu son champ rétrécir au fil des années sous l’effet de nombreux transferts à la sécurité sociale. Les derniers en date concernent Santé publique France, que la crise sanitaire a largement mise en lumière, et l’ANSM, en 2019.

Cet éclatement nous empêche d’avoir une vision globale en matière de santé publique, d’offre de soins et de prévention. La mission Santé finance des actions disparates, sans réelle cohérence d’ensemble, comme notre rapporteur pour avis l’a dit à juste titre. Je trouve donc intéressante sa proposition de rattacher les programmes de cette mission à celle intitulée Solidarité, insertion et égalité des chances.

Pour en venir concrètement au budget pour 2022, nous constatons deux tendances qui correspondent à des mouvements contraires dans chacun des programmes de la mission.

S’agissant du programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, les crédits seront en légère baisse, une fois neutralisée la dotation d’investissement exceptionnelle de 45 millions d’euros qui a été accordée à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna dans le cadre du Ségur de la santé.

Je me réjouis de l’augmentation de la subvention à cette agence, qui sera portée à 49,4 millions d’euros en CP, contre 47,8 millions en 2021. J’avais consacré mon rapport à cette agence très particulière, car financée intégralement par la solidarité nationale, pour des raisons à la fois historiques et liées aux caractéristiques de ce territoire très éloigné de la France hexagonale. Le sous-financement chronique de l’agence n’a pas permis d’améliorer l’accès aux soins des habitants de Wallis et Futuna, qui sont confrontés à des moyens inadaptés et à des bâtiments vétustes. Leur état de santé est plus que préoccupant, les taux de diabète, d’hypertension, de cancers et d’addictions diverses étant très élevés. Il était urgent de renforcer les moyens, alors que la crise sanitaire a accentué l’isolement du territoire, du fait des confinements successifs. Nous appelons à une vigilance redoublée et durable concernant ce territoire, pour que les investissements et les moyens soient pérennes.

Une autre préoccupation s’agissant de ce programme concerne notre politique en matière de santé publique, tout particulièrement dans le domaine de la prévention. Les deux principales agences financées par le programme reçoivent une dotation stable mais souffrent d’un manque d’effectifs pour assurer leurs missions. C’est le cas de l’INCa, qui indique un besoin de 25 équivalents temps plein (ETP) et des difficultés à recruter, mais aussi de l’ANSES. Ces deux agences sont pourtant essentielles en matière prévention et de recherche.

L’an dernier, j’appelais le Gouvernement à faire preuve de plus de volontarisme concernant des problématiques de santé publique reléguées au second rang, comme les maladies vectorielles à tiques. Je réitère cet appel, en particulier pour la maladie de Lyme. Notre rapporteur Pierre Dharréville insiste, lui, sur la lutte contre la pollution de l’air, et je ne peux que le rejoindre. De manière générale, l’État doit se saisir davantage des problématiques liées à la santé environnementale.

L’autre tendance de cette mission budgétaire est la hausse des crédits du programme 183, relatif à la protection maladie, cette hausse étant essentiellement liée à l’AME.

Notre groupe continue de déplorer les mesures prises en 2020 pour limiter l’accès à l’AME et à la protection universelle maladie. Nous n’oublions pas que ces restrictions avaient entraîné une baisse de 15 millions d’euros et que leur entrée en vigueur a eu lieu en pleine crise sanitaire. Le dernier rapport annuel de Médecins du monde sur l’accès aux droits et aux soins a de quoi nous inquiéter quant à la santé et à l’accès aux soins des plus précaires, notamment les personnes migrantes.

Nous continuons d’alerter sur le risque de non-recours à l’AME par des personnes qui y ont droit mais sont découragées par la complexité du dispositif. En période d’épidémie, retarder l’accès aux soins peut être dangereux pour l’ensemble de la société. Garantir un accès effectif est un devoir collectif, éthique et humanitaire.

M. Marc Delatte. En raison des complications qui en découlent, le diabète a un coût pour l’assurance maladie de 7,7 milliards d’euros. Le tabac est à l’origine de 75 000 décès par an et coûte 26 milliards d’euros, à multiplier par quatre pour arriver au coût social total. Les chutes de personnes âgées causent 12 000 décès par an et représentent un coût de 2 milliards d’euros. Comment renforcer la prévention primaire et secondaire ? Quels leviers actionner pour que chacun soit réellement un acteur de sa santé ? Comment réduire concrètement les inégalités sociales et territoriales en la matière ?

M. Jean-Louis Touraine. J’envisage de déposer en séance publique un amendement sur l’usage addictif du chemsex, en espérant que vos collaborateurs travailleront également sur la question d’ici là.

Ces pratiques récentes sont le fait de personnes, souvent jeunes, qui utilisent des produits psychoactifs avant et pendant des relations sexuelles pour amplifier les sensations et la durée des rapports ainsi que pour se désinhiber. D’abord en usage parmi les homosexuels, elles connaissent désormais un développement rapide chez les hétérosexuels et touchent de plus en plus de personnes en addiction. Il en résulte les méfaits de l’addiction mais aussi des accidents mortels par surdosage ou association inopportune avec d’autres produits. Plusieurs vagues de décès sont survenues depuis 2017 à Paris, à Lyon et probablement dans d’autres villes. À cela s’ajoute une transmission du virus HIV et d’autres maladies sexuellement transmissibles.

Du fait du caractère récent de ces pratiques, maintenant largement répandues, la parade en matière de santé, de prévention et d’addictologie n’a pas encore eu le temps de se développer. Seriez-vous d’accord, monsieur le ministre, pour réserver quelques moyens afin d’analyser et de prévenir ce fléau qui menace nos jeunes ? Accepteriez-vous de le faire dès cette année, avant que la progression en cours ne soit encore plus forte ?

M. Bernard Perrut. La gestion financière de la crise sanitaire est particulièrement exigeante. Face aux dépenses liées à l’achat de matériel, aux masques, aux vaccins, aux prestations de transport et aux systèmes d’information, Santé publique France a reçu une dotation exceptionnelle, ensuite reversée partiellement au programme 204 au moyen d’un fonds de concours, qui a lui-même reçu des versements complémentaires. La Cour des comptes s’est intéressée à cette situation relativement complexe et à la confusion des rôles entre Santé publique et le ministère de la santé, mais ce n’est pas la question que je souhaite vous poser.

Du fait des éléments financiers que j’ai rappelés, on pourrait penser que nos hôpitaux ont reçu les moyens nécessaires pour faire face. Pour prendre l’exemple d’un hôpital que je connais bien, et dans lequel vous vous êtes rendu, en 2020, 60 % seulement des surcoûts covid ont été couverts, et l’exercice est clos. Pour 2021, me dit-on, l’hôpital aurait reçu à ce jour 2,3 millions d’euros pour les surcoûts covid, alors que 8 millions ont été engagés. Pour la vaccination, un surcoût de 1 million n’est toujours pas couvert. J’aimerais donc savoir si tous les hôpitaux ont bien reçu les moyens nécessaires pour faire face à leur mission.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Les documents relatifs à la mission Santé ne précisent pas si les consultations et soins psychiatriques pour les personnes en situation irrégulière sur le sol français peuvent faire l’objet d’une prise en charge au titre de l’AME ou des soins urgents. Ils ne sont pas cités dans le panier de soins. L’accès à ces soins est pourtant fondamental pour les migrants, surtout compte tenu de leur parcours de vie souvent marqué par de nombreux traumatismes entraînant des conséquences sur la santé mentale. Ces soins sont-ils effectivement pris en charge ?

M. Thierry Michels. Comment améliorer la promotion et la mise en œuvre du dépistage gratuit du cancer du sein ? Le taux de participation des femmes de 24 à 74 ans connaît une baisse régulière depuis le début des années 2010. Quid, également, des femmes de plus de 75 ans, tout aussi concernées mais qui se sentent à tort exclues du programme de dépistage ? Quid, encore, des femmes éloignées des centres hospitaliers, vers lesquelles il faudrait aller ? Je pense à un déploiement généralisé d’unités mobiles de mammographie.

Quelles sont vos priorités en matière de recherche sur les causes des cancers du sein et de financement ? Les recherches menées au sein des hôpitaux universitaires de Strasbourg portent notamment sur l’incidence des facteurs environnementaux, grâce à des techniques d’exploitation massive des données et d’intelligence artificielle.

M. Alain Ramadier. À l’initiative de Véronique Louwagie, la loi de finances pour 2020 a modifié sur trois points le dispositif d’indemnisation des victimes de la Dépakine, dont le premier bilan était peu satisfaisant. La mise en œuvre progressive de la réforme et la crise sanitaire ont ralenti le fonctionnement du dispositif d’indemnisation. Méconnu des personnes concernées, ce dispositif connaît une trajectoire très éloignée des objectifs initiaux, qui contraste avec l’efficacité de celui des victimes du Mediator. Le refus persistant du laboratoire Sanofi de participer au processus d’indemnisation des victimes n’y est sans doute pas étranger. Quelles pistes pourraient être envisagées pour atteindre les objectifs fixés ?

M. Sébastien Chenu. Plus gros poste de la mission, l’AME représentera 1 milliard d’euros et sera en hausse de 2 % en 2022. Selon un rapport de l’IGAS, nous avons un des dispositifs les plus généreux de l’Union européenne et l’hypothèse d’une migration pour soins n’est clairement pas marginale. Plus d’un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration. La migration pour soins est donc une réalité.

Nous réaffirmons la nécessité de supprimer l’AME, sauf pour des soins urgents – c’était aussi l’objet d’une proposition de loi d’un ancien député LR, Yannick Moreau. Nous n’avons pas les moyens de faire supporter aux Français ce coût de 1 milliard d’euros. Le rapport de l’IGAS avance des propositions pour limiter les fraudes et les usages abusifs de l’AME. À un moment où l’hôpital crie famine – 20 % des lits sont fermés par manque de personnel –, qu’avez-vous retenu de ce rapport ? Que comptez-vous faire des préconisations de l’IGAS pour limiter les fraudes et les excès liés à l’AME ?

M. le ministre. Je voudrais tordre le cou à une idée que je vois monter dans le débat médiatique : un lit de médecine sur cinq serait fermé à l’hôpital. Étonné par ce chiffre, qui ne vient pas de mon ministère, j’ai saisi mes administrations centrales afin de savoir à quoi cela correspond.

S’il y a, comme chaque année à la période automnale, un certain taux d’absentéisme, des départs en vacances, parfois quelques démissions et des difficultés réelles pour maintenir ouvertes toutes les capacités hospitalières, j’aurais tendance à contester le chiffre de 20 %. Parce que j’aime profondément la science et qu’avant de m’exprimer, je fais des vérifications pour ne pas raconter n’importe quoi, j’ai demandé à avoir une étude aussi exhaustive que possible sur les fermetures de lits.

Pour l’instant, le seul chiffre dont je dispose porte sur un échantillon très parcellaire, de seize centres hospitaliers universitaires. Avec tous les biais qui peuvent exister, la dernière donnée qui m’est remontée est que 5 % des lits de médecine sont temporairement fermés – assez loin, donc, de 20 % du parc hospitalier. J’aurai l’occasion de communiquer sur ces chiffres, d’une manière très apaisée. Surtout, je continuerai de proposer toutes les solutions possibles pour permettre aux hôpitaux de fonctionner, même si, après quatre vagues de la pandémie de covid, et alors que l’automne a débuté et que beaucoup de soignants ont dû renoncer cet été à leurs congés et peuvent éventuellement commencer à les prendre, chacun peut comprendre que les tensions en ressources humaines puissent être vives à l’hôpital.

J’invite chacun à rester dans son rôle et à communiquer avec des données les plus précises possible. Je ne veux pas qu’on ajoute de l’anxiété dans le débat alors que l’hôpital tient bon depuis un an et demi – je crois qu’on peut collectivement en être fier.

S’agissant du rapprochement entre le FIVA et l’ONIAM, un rapport de l’IGAS a évoqué son intérêt, ce qui a pu créer un émoi auquel j’ai très vite répondu. J’avais même dit avant la publication du rapport que je n’avais aucun projet de fusion en la matière. Je ne nie pas l’intérêt que cela pourrait avoir mais les conditions ne sont clairement pas réunies. Il n’y aura aucun projet, ni avant-projet, tant que je serai le ministre en charge.

Nous pourrions avoir un débat très long sur la prévention en santé publique. Oui, la pollution de l’air est le premier risque environnemental. On estime que 40 000 morts prématurées par an lui sont imputables dans notre pays, et l’OMS considère aussi que la pollution de l’air est responsable de nombreux décès prématurés. Le coût de l’impact sanitaire est donc élevé. Il existe aussi une évaluation du coût social de la pollution de l’air intérieur : il serait de 19 milliards d’euros par an.

J’avais confié, quand j’ai été nommé, que je voulais prendre cette question à bras‑le‑corps. La crise du covid nous a fait prendre un retard, mais je vous rejoins totalement concernant l’objectif d’une santé publique plus globalisée. Quand une catastrophe se produit dans une usine, qu’on vous parle le lundi de la qualité de l’eau et le mercredi de l’impact sur l’air, cela n’a pas de sens : les Français veulent qu’on leur explique, de façon générale, l’impact sanitaire.

Nous devons être plus performants en matière de formation, d’information, de prévention et d’action dans les territoires. C’est un sujet que nous avons pris à bras‑le‑corps. Je ne vais pas énumérer tous les plans en vigueur et les observatoires qui existent, mais il faut évidemment continuer à le faire. Bien que la France soit très loin d’être à la traîne par rapport aux autres pays en matière de santé environnementale, on ne peut pas considérer que nos processus soient encore tout à fait aboutis.

Le plafond d’emplois des agences est en hausse, et cela faisait longtemps que cela n’avait pas été le cas. Il y a cinq emplois de plus à l’Agence de la biomédecine, cinq autres à l’ANSM et deux à l’ONIAM. Par ailleurs, les renforts de Santé publique France sont en train d’être consolidés, avec au moins 64 ETP supplémentaires.

S’agissant de la lutte contre la désertification médicale, l’efficacité des dépenses fiscales est réelle. Les mesures incitatives fonctionnent. Les ARS reçoivent beaucoup de demandes de jeunes médecins qui souhaitent s’installer : ils regardent quelles sont les conditions proposées, afin d’être correctement rémunérés.

Le dépistage du cancer de la prostate est une question majeure, et l’amendement que Mme Charlotte Parmentier-Lecocq prévoit de déposer en séance publique est intéressant. Ce cancer est le plus fréquent chez les hommes, et la troisième cause de mortalité par cancer. Le dépistage individuel est une pratique fréquente, mais la mise en place d’un dépistage systématique n’est recommandée ni en métropole ni aux Antilles par la Haute Autorité de santé, même pour les personnes à risque élevé. Il en est de même au niveau européen et au niveau de l’OMS. À l’inverse du cancer du sein, les sachants estiment qu’il n’y a pas lieu de proposer un dépistage systématique. Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter de chercher : je suis sûr qu’il faut explorer certaines pistes. Je rappelle en tout cas que notre stratégie décennale traite de la question du cancer de la prostate, notamment de son dépistage.

J’en viens à la question de l’AME.

D’abord, nous avons différé l’application de la réforme de l’AME en raison de la crise sanitaire, pour ne pas bousculer les choses.

L’AME et les soins urgents constituent des dispositifs généreux : et alors ? Ils sont à l’honneur de notre pays et, surtout, réalistes. Une personne malade qui se présente à l’hôpital sera soignée même si elle n’a pas les moyens de payer ses soins, et la facture incombera à l’hôpital. L’AME permet de solvabiliser une demande de soins qui, de toute façon, trouvera une réponse de la part des médecins, d’où que vienne la personne en demande et qu’elle ait des papiers ou non. La non-assistance à personne en danger ne fait pas partie de l’ADN des blouses blanches de notre pays, et ce n’est sûrement pas par l’AME qu’il faut aborder le débat sur l’immigration.

Le Président de la République a néanmoins souhaité que des dispositifs de contrôle soient mis en œuvre afin d’identifier tout mésusage. Parmi ceux qui ont été votés, la centralisation de la gestion dans quatre caisses pivots a permis de faire passer de 10 % à 13 % la proportion de dossiers doubles contrôlés par l’agent comptable – 1,3 % comportait une anomalie...

La CNAM a désormais accès à la base VISABIO pour contrôler d’éventuels visas dissimulés : ce n’est le cas que dans 0,35 % des demandes. Quel raz-de-marée !

M. Sébastien Chenu. Tout va bien !

M. le ministre. Par ailleurs, le nombre de bénéficiaires de l’AME en 2020 et au premier semestre 2021 ne marque pas de rupture tendancielle qui pourrait indiquer une hausse du non-recours, comme le craignaient les associations.

Enfin, nous avons prolongé les droits à l’AME pendant la crise sanitaire. La mesure 27 du Ségur de la santé, « Lutter contre les inégalités de santé », prévoit le financement de nouvelles équipes mobiles. Nous avons multiplié les permanences d’accès aux soins de santé et les opérations d’« aller vers », à la satisfaction des ARS et des associations.

Quant à l’évolution du panier de soins de l’AME, des mesures de resserrement autour des soins essentiels ont déjà été prises par voie réglementaire, en sorte que nous sommes parvenus à un équilibre. Depuis la loi de finances pour 2020, certaines prestations programmées non urgentes sont soumises à un délai d’ancienneté de neuf mois, mais, à partir du 1er janvier 2021, on pourra obtenir l’accord des services de contrôle médical de l’assurance maladie qu’elles soient effectuées avant expiration de ce délai si on les juge urgentes ou nécessaires. Cette mesure a donné lieu à de nombreux débats au Parlement ; elle a au moins cet avantage qu’elle permet de savoir combien de bénéficiaires de l’AME par an demandent à bénéficier d’une rhinoplastie ou d’une prothèse d’épaule : dix dossiers déposés dans toute la France !

Je confirme, par ailleurs, que l’AME couvre la prise en charge de soins psychiatriques, dans la limite du tarif de responsabilité.

Monsieur Vallaud, la baisse de 45 millions des crédits du programme 204 s’explique par la non-reconduction d’une subvention exceptionnelle du même montant versée l’année dernière à l’agence de santé de Wallis-et-Futuna. Le programme 204 ne connaît donc pas de baisse.

Les projets régionaux de santé (PRS) ne sont en effet crédités d’aucun euro : l’année dernière a été votée une bascule de ces crédits dans le Fonds d’intervention régional (FIR), qui entre dans le champ du PLFSS. Cette année, nous avons consacré 460 millions d’euros à ce même FIR pour des dépenses de prévention.

Mme Isabelle Valentin s’est inquiétée du manque de moyens consacrés à la prévention et de stratégie en la matière. Je ne citerai que quelques-uns des nouveaux plans emblématiques : le quatrième programme national nutrition santé (PNNS4), le quatrième plan national santé-environnement (PNSE4), la politique des 1 000 premiers jours, la stratégie décennale de cancérologie, le fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives.

J’en conviens, malgré une action sur les structures et les modalités d’intervention au service d’un objectif ambitieux, on ne touche pas toujours la cible, surtout lorsqu’il s’agit de jeunes. J’ai diligenté trois grandes missions en santé publique sur cette question. Un rapport admirable sur la santé et le bien-être des jeunes m’a déjà été remis et je réfléchis avec mon équipe aux suites à lui donner. La santé publique a en effet évolué, et je ne suis pas sûr qu’un adolescent de 17 ans prête encore attention au message : « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Les jeunes ont besoin d’autoévaluation, d’exprimer leurs besoins sur les réseaux sociaux, et cela passe par des applications sur smartphones. Il est donc grand temps de mettre les politiques de prévention au diapason de notre époque et de tenir compte des attentes de la population. Nous pourrions y travailler ensemble.

Madame Six, les 45 millions octroyés en 2021 à l’agence de Wallis-et-Futuna sont destinés à des investissements, dont la crise sanitaire a retardé l’instruction. Les crédits non consommés seront intégralement reportés et l’enveloppe préservée.

Madame Goulet, Santé publique France a joué et continue de jouer un rôle central et extrêmement actif dans la gestion de la crise sanitaire, notamment au regard des campagnes de prévention et de promotion de la vaccination, et d’achat de vaccins. Son financement est désormais dans le champ du PLFSS, ce qui a permis de rehausser le budget de Santé publique France de plus de 4 milliards.

Madame Dubié, l’ANSM se verra octroyer cinq ETP supplémentaires et l’INCa bénéficiera, grâce aux crédits prévus dans le cadre de la stratégie décennale de lutte contre le cancer – 650 millions pour le quadriennal 2021-2025 –, de financements pour des effectifs de recherche.

J’ai anticipé les inquiétudes de Jean-Louis Touraine s’agissant du chemsex, en confiant, il y a trois mois, une mission au président de la Fédération française d’addictologie, le professeur Amine Benyamina. Il me rendra ses conclusions avant la fin du mois de décembre : nous les intégrerons à la feuille de route relative à la stratégie nationale de santé sexuelle.

Bernard Perrut m’a interrogé sur la question du surcoût lié au covid-19 dans les hôpitaux. À ce stade, ont été provisionnés 1,4 milliard d’euros pour 2021 ainsi que 870 millions pour la vaccination et les tests, et 1,8 milliard a déjà été délégué. Nous travaillons au cas par cas à intégrer le solde dans les prochaines délégations de crédits dans l’optique de ne pas déstabiliser les budgets hospitaliers. Le budget voté hier en PLFSS est considérablement plus élevé que l’ensemble des surcoûts en question.

Mme Six m’a également interrogé sur l’impact de la crise sur le renforcement des mesures de lutte contre la fraude. Durant les deux premiers confinements, pour éviter les ruptures de droits, nous avons décidé de prolonger ceux-ci de trois mois pour 300 000 bénéficiaires. L’exigence du dépôt des dossiers au guichet a été suspendue, mais les autres mesures ont pu être mises en œuvre, notamment l’accès au fichier par les agents de la CNAM.

Le dépistage du cancer du sein a marqué un recul pendant le confinement – de mémoire, de 55 % à 53 %. On ne peut, de toute façon, pas se satisfaire de 55 %, et nous nous efforçons de renforcer l’accès au dépistage, notamment pour les femmes âgées de plus de 75 ans, sujet de la question de Thierry Michels. C’est un travail constant qui fait partie de la stratégie décennale de lutte contre le cancer.

S’agissant de la Dépakine, la loi de finances pour 2020 a fusionné en une instance unique le collègue d’experts et le comité d’indemnisation, et a instauré un régime de présomption d’imputabilité des dommages causés par ce médicament à un manque d’information de la mère sur ses effets indésirables. Sur les 809 dossiers déposés par des victimes directes au 31 juillet 2021, 185 sont clos à l’instruction et 263 ont fait l’objet d’un projet d’avis du collège d’experts soumis à contradictoire. Le montant total des offres proposées par l’ONIAM s’élève à 35,25 millions d’euros, sachant que 29,5 millions ont d’ores et déjà été versés aux victimes. Le non-recours au dispositif amiable est un enjeu, mais l’amélioration des délais de traitement et les montants versés doivent faire la preuve de tout leur intérêt.

 


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II.   examen des crédits

La commission examine ensuite les crédits de la mission Santé (M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis).

Article 20 et état B

Amendement II-AS126 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. Il s’agit de doubler les crédits de l’action 19 Modernisation de l’offre de soins du programme 204.

Le Gouvernement propose de baisser de plus de 44 % les crédits de cette action pour 2022, tant en AE qu’en CP. Or elle comporte des crédits essentiels à la modernisation de l’offre de soins, qui abondent notamment la stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail des professionnels de santé, la simplification des organisations et du quotidien des équipes soignantes, le financement d’études, d’enquêtes et d’expertises pour préparer la modernisation de l’offre de soins, et la transformation numérique de notre système de santé. Alors que le Ségur de la santé a fléché plus de 6 milliards d’euros sur l’investissement dans les hôpitaux, nous ne retrouvons pas cette ambition dans les crédits proposés par le Gouvernement dans le bleu budgétaire.

M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis. La diminution des crédits à laquelle vous faites allusion s’explique par le fait que l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, dont le budget représente l’essentiel des crédits de l’action 19, a bénéficié l’année dernière d’une dotation d’investissement exceptionnelle de 45 millions d’euros dans le cadre du Ségur de la santé, notamment à la suite de l’avis budgétaire de Jeanine Dubié. La dotation n’avait pas vocation à être reconduite pour 2022. Elle ne sera mobilisée que progressivement, pour conduire les travaux visant à remettre à niveau les infrastructures de santé dans le territoire. En 2021, 1,5 million d’euros seulement ont été dépensés sur la dotation, en raison de la crise sanitaire, qui a retardé certains chantiers. En dehors de cette dotation d’investissement, la dotation annuelle de l’agence de santé du territoire augmentera de 1,4 million en 2022, ce qui semble nécessaire pour satisfaire les besoins de santé de la population.

Je partage votre souhait de moderniser notre système de santé et d’abonder l’action 19 mais ce n’est pas en doublant ainsi ses crédits que nous y parviendrons.

Avis défavorable.

M. Boris Vallaud. Je ne vous en veux pas, monsieur le rapporteur pour avis...

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS125 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à doubler les crédits de l’action 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades du programme 204 – dont le Gouvernement propose la baisse en valeur réelle pour 2022 –, afin de déployer une politique ambitieuse de prévention. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), la France est l’un des pays occidentaux dont la part des dépenses de santé consacrée à la prévention, qui est de 2,5 %, est la plus faible. Dans certains pays nordiques, qui font figure d’exemple, cette part peut atteindre 15 %. En raison de ce déséquilibre structurel, notre système de santé est essentiellement réparateur et n’anticipe pas le risque de soins, ce qui a des conséquences graves pour nos concitoyens. Doubler les crédits de l’action 14 permettra de réduire les risques à long terme d’hospitalisation et de mortalité.

M. le rapporteur. L’amendement vise à augmenter les dépenses de prévention de 20 millions d’euros, un objectif auquel je suis sensible. Malheureusement, pour abonder le programme 204, il n’y a d’autre solution que de prélever des crédits sur la mission 183, qui comprend l’essentiel de la mission Santé, c’est-à-dire l’AME et une partie du FIVA. Or les crédits pour l’AME sont trop limités, et je ne suis pas favorable à leur réduction, comme certains le demandent – ce n’est pas le cas du groupe Socialistes et apparentés, qui proposera au contraire de les augmenter.

Il s’agit donc évidemment d’un amendement d’appel. J’ai moi-même renoncé à déposer des amendements, pour ne pas avoir à proposer de réduire les crédits de l’AME. Sur le fond, je suis très favorable à votre amendement. Néanmoins, j’émettrai un avis de sagesse, pour ne pas faire une entorse à la règle que je me suis fixée.

M. Boris Vallaud. Je remercie le rapporteur pour avis de son soutien de principe. Nous connaissons les contraintes liées à la recevabilité des amendements. Celui-ci a été déposé dans l’espoir qu’en séance, le Gouvernement « lève le gage » et reprenne à son compte une mesure de progrès.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Le groupe La République en Marche ne votera pas l’amendement, non pour les raisons évoquées par le rapporteur pour avis, mais parce que l’action 14 comprend la prévention des maladies chroniques ainsi que les plans pluriannuels largement abondés, tels que la stratégie décennale de lutte contre les cancers, le programme national de lutte contre le tabac ou la stratégie nationale de santé sexuelle. Le ministre a expliqué l’engagement fort du Gouvernement dans ce domaine et rappelé les financements correspondants.

M. le rapporteur. Je veux bien voter l’amendement, à condition que le Gouvernement « lève le gage », si je puis dire.

M. Boris Vallaud. Nous verrons comment nous pourrons rédiger l’amendement d’ici à la séance, pour suggérer que le gage soit levé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS123 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à doter l’action 18 Projets régionaux de santé de 19 millions d’euros. Dans le bleu budgétaire, les crédits associés sont nuls. Nous proposons de doter chaque ARS de 1 million, notamment pour évaluer la mise en œuvre du PRS en cours, préparer la concertation du prochain PRS, notamment en étant à l’écoute des corps représentatifs de la démocratie sanitaire, ou identifier des expérimentations de parcours de soins et de santé innovants à mener sous l’égide du FIR, qui seraient à inscrire dans le prochain PRS.

M. le rapporteur. L’action 18 est dépourvue de crédits car les projets régionaux de santé sont financés dans le cadre du PLFSS. On comprend mal, du reste, pourquoi la ligne a été maintenue. De fait, je l’ai dit, la mission ne comporte plus grand‑chose, et on peut s’interroger sur l’objet de nos discussions. S’il s’agit de faire revenir dans le budget de l’État des dispositifs qui ont été inclus dans le PLFSS, j’y suis favorable, à condition que l’on ne prélève pas les crédits de l’AME.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Le ministre a expliqué le transfert de ce dispositif vers le PLFSS. J’ajoute que les montants qui lui sont alloués ont été considérablement augmentés, notamment pour mener des actions de prévention, comme cela est proposé dans l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS121 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à augmenter de 20 % – et non de 2 %, comme le prévoit le PLF – les crédits dédiés à l’AME, pour faire face à la hausse du nombre de bénéficiaires enregistrés, qui est de 20 % depuis 2017, et couvrir les besoins de santé qu’elle engendrera. Ces crédits visent à financer les soins critiques dispensés aux plus démunis. Ce sont des crédits d’investissement pour l’avenir, qui traduisent un effort de solidarité auquel nous pouvons consentir sans grand débat.

M. le rapporteur. L’augmentation de 2 % de l’enveloppe de l’AME prévue par la mission Santé est à peine supérieure à l’inflation prévue en 2022, alors que le nombre des bénéficiaires ne cesse d’augmenter. Cet amendement, qui vise à augmenter les crédits de l’AME de 200 millions d’euros en 2022, nous semble juste. Il faut en effet mieux répondre aux besoins dans ce domaine, mais sans empiéter sur les budgets de prévention, que vous souhaitez augmenter par ailleurs. Je soutiendrai donc l’amendement, à condition, là encore, que le Gouvernement lève le gage.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Notre groupe votera contre. L’AME fait l’honneur de notre pays. Ses crédits sont en hausse et ont été calibrés en fonction du nombre de bénéficiaires. Nous contestons donc l’intérêt de l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS124 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement a pour objet de créer un nouveau programme dédié à la santé mentale et de le doter de 1,2 milliard d’euros pour l’année 2022. Ce programme est la traduction de la priorité collective que nous souhaitons donner à notre système de prise en charge de la santé mentale.

La santé mentale est la préoccupation quotidienne de nombreux Français. Son spectre est très large, et le coût de l’ensemble des troubles psychiques est élevé pour la société. Un pays qui va bien sur le plan de la santé mentale est un pays qui se porte bien. Les annonces du Président de la République ne sont pas à la hauteur de ce qu’attendent les professionnels. Nous proposons un véritable effort de remise à niveau de la santé mentale en France. Nous souhaiterions quant à nous, socialistes, en faire une priorité du prochain quinquennat.

M. le rapporteur. Je suis sensible à la question que vous soulevez. Une partie de ces crédits aurait probablement sa place dans le PLFSS ; il faudrait discuter de manière plus approfondie de ce que vous entendez faire. Quoi qu’il en soit, la création d’un programme consacré à la santé mentale dans la mission Santé, censée financer la santé publique, est une bonne idée. Cela permettra aux parlementaires de voter des crédits qui ont du sens. J’y suis donc favorable, avec les précautions précédemment mentionnées.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-AS122 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement propose de créer un nouveau programme Santé environnementale, doté de 500 millions d’euros. La sortie de la crise du covid-19 doit nous conduire à intégrer l’approche One Health de l’OMS à notre système de santé. La santé et l’environnement étant interdépendants, la politique doit les conjuguer pour améliorer l’état de santé général de la population. L’adoption de cette approche, qui s’appuie sur de nombreux travaux scientifiques, doit représenter un tournant pour la santé publique en France.

M. le rapporteur. L’exposé sommaire détaille les enjeux auxquels vous souhaitez vous attaquer, notamment la sensibilisation à l’alimentation, la transition des entreprises qui utilisent des produits dangereux pour la santé humaine tels que les produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Cela rejoint la préoccupation que j’exprimais tout à l’heure concernant les effets de la pollution atmosphérique sur la santé. Je suis très favorable à des politiques de santé environnementale plus offensives et lisibles. Encore faut-il définir une stratégie claire et un pilotage efficace de la politique de santé environnementale, ce qui n’est tout à fait le cas à l’heure actuelle.

Il est indispensable de se donner les moyens de conduire de telles politiques. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement, à condition que les crédits ne soient pas prélevés sur ceux de l’AME.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS120 de M. Joël Aviragnet.

M. Boris Vallaud. L’amendement vise à créer un programme nommé Inclusion numérique en santé. En effet, l’État et l’assurance maladie ont engagé de nombreux projets de transformation numérique à destination des acteurs de la santé ces dernières années, qui sont partiellement décrits dans le bleu budgétaire de la mission Santé : HOP’EN, l’espace numérique de santé, le répertoire des professionnels de santé...

Si la première jambe de la transformation numérique en matière de santé est bien de rendre plus efficaces les activités de soins, sa seconde jambe doit être l’inclusion des patients. Le numérique en santé ne peut pas être un facteur d’exclusion des patients. Or nous en voyons poindre ici le risque.

Concrètement, cela pourrait se traduire par la mise en place de bornes d’accès à l’espace numérique de santé dans tous les services publics de proximité, par des actions d’« aller vers » dans les zones les plus éloignées du numérique pour former aux outils de la santé grand public, par exemple avec la circulation d’un bus santé, ou encore par un programme de formation des professionnels de santé aux outils numériques, entre autres propositions.

M. le rapporteur. C’est une vraie question. Sur les équipements, j’ai interrogé le ministre tout à l’heure. Le programme finance en effet des investissements du ministère dans un certain nombre d’infrastructures numériques. Il serait utile que la commission se penche plus précisément sur l’usage que nous faisons du numérique, la manière dont nous y recourons, les besoins de notre système de santé en la matière et la manière d’y répondre. La puissance publique a-t-elle une capacité propre à faire face ? Quels sont les opérateurs qui interviennent ? Le champ d’investigation est vaste, pour mieux comprendre où nous en sommes dans ces mutations.

Cela dit, votre véritable préoccupation touche surtout à l’accès au numérique et à la lutte contre l’illectronisme. Jacques Toubon, alors Défenseur des droits, avait déjà alerté sur le recul de l’accès aux droits qu’occasionne le recours au numérique. On ne peut pas se satisfaire de la situation, mais le numérique ne doit jamais remplacer l’humain. Cela suppose d’avoir une réflexion plus approfondie sur l’inclusion numérique, notamment dans le domaine de la santé.

Je soutiendrai donc cet amendement, avec toutes les précautions d’usage.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Santé non modifiés.


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   annexe 1 :
Liste des personnes entendues par lE rapporteur

(par ordre chronologique)

  Table ronde réunissant les associations :

– Association nationale Respire  M. Tony Renucci, directeur général

– Unicef France *  Mme Jodie Soret, chargée des relations avec les pouvoirs publics

  Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA) – Mme Reine Landa, directrice exécutive

  Atmo France  M. Jacques Patris, président d’Atmo Hauts-de-France, président référent pour Atmo France sur les sujets de santé, M. Pierre-Charles Maria, président d’Atmo Sud, Mme Dominique Tilak, directrice d’Atmo Occitanie, directrice référente pour Atmo France sur les sujets de santé, M. Dominique Robin, directeur d’AtmoSud, et Mme Marine Tondelier, déléguée générale d’Atmo France, Fédération des AASQA

  Conseil national de l’air M. Jean-Luc Fugit, président

  Institut national du Cancer (INCa) – Pr Norbert Ifrah, président, et M. Thierry Breton, directeur général

  Dr Thomas Bourdrel, fondateur du collectif « Strasbourg Respire » et auteur de plusieurs publications scientifiques sur les effets sanitaires de la pollution de l’air

  Santé publique France  M. Guillaume Boulanger, responsable Unité Qualité des milieux de vie et du travail et santé des populations, et Mme Sylvia Medina, coordinatrice du programme de surveillance « Air et santé » à l’unité Qualité des milieux de vie et du travail et santé des populations

  Secrétariat permanent pour la prévention des pollutions industrielles  Mme Gwenaelle Hourdin, secrétaire générale

  Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)  M. Éric Vindimian, membre permanent de la formation de l’Autorité environnementale

  Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)  Pr Isabella Annesi-Maesano

  Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) M. Roger Genet, directeur général, Mme Agathe Denechere, directrice générale adjointe du pôle des affaires générales, M. Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle sciences pour l’expertise, et Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles

  Ministère des Solidarités et de la Santé Direction générale de la santé (DGS) – Mmes Caroline Paul, cheffe de bureau « environnement extérieur et produits chimiques » sous-direction « environnement et alimentation », et Valérie Gratpain, chargée de mission pollution de l’air extérieur et santé, pollens, biodiversité, espèces proliférantes

  Institut Ecocitoyen  M. Philippe Chamaret, directeur, et M. Julien Dron, responsable scientifique

  Mme Sandra Perez, maître de conférences à l’Université Côte d'Azur

  Hôpital de Martigues – Consultation du risque – Dr Michel Mouysset et Mme Cyrielle Orénès, responsables de la consultation ; M. Loïc Mondoloni, directeur du centre hospitalier de Martigues

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 

 


—  1  —

   Annexe 2 :
seuils réglementaires de l’Union européenne pour la qualité de l’air

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Arrêt C-636/18 de la Cour de justice de l’Union européenne du 24 octobre 2019.    

([2])  Décision n°428409 du Conseil d’État du 4 août 2021.

([3]) Mission Santé, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020, Cour des comptes.  

([4]) Loi organique n° 2011-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([5]) Article L. 254-1 du code de l’action sociale et des familles.

([6]) « Le recours à l’Aide médicale de l’État des personnes en situation irrégulière en France : premiers enseignements de l’enquête Premiers pas », Questions d’économie de la santé, n° 245, IRDES, novembre 2019.

([7])  Loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001.

([8]) Rapport d'information n° 3633 de M. Éric Ciotti fait au nom de la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid-19, publié le 8 décembre 2020.

([9]) Rapport d’information n° 1734 de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en conclusion des travaux de la mission d’information relative aux dispositifs médicaux, par M. Julien Borowczyk et M. Pierre Dharréville, mars 2019.

([10])  Avis n° 3488 présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2021, Tome I, Santé, Mme Jeanine Dubié.

([11]) « Évaluation du plan cancer 2014-2019 », rapport n° 2019-104R, IGAS/IGESR, juillet 2020.

([12]) Ordonnance n° 2010-18 du 7 janvier 2010 portant création de l'agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

([13]) Décision n° 428409 du Conseil d’État du 4 août 2021.

([14]) « Lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de l’air », septembre 2021 : https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/346555/9789240035423-fre.pdf?sequence=1&isAllowed=y

([15]) « Impact de la pollution de l'air ambiant sur la mortalité en France métropolitaine. Réduction en lien avec le confinement du printemps 2020 et nouvelles données sur le poids total pour la période 2016-2019 », Santé publique France, avril 2021.

([16])  Décret n° 2010-1250 du 21 octobre 2010 relatif à la qualité de l'air.

([17]) « Pollution de l’air et enfants », Unicef France, mars 2019.

([18]) Décision n° 428409 du Conseil d'État – 10 juillet 2020.

([19]) Décision n° 428409 du Conseil d’État – 12 juillet 2021.

([20]) « Les politiques de lutte contre la pollution de l’air », Cour des comptes, juillet 2020.  

([21]) « Pollution de l'air : le coût de l'inaction », rapport de Mme Leila Aïchi, au nom de la commission d’enquête du Sénat, 8 juillet 2015.

([22]) Loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

([23])  « Les politiques de lutte contre la pollution de l’air », Cour des comptes, juillet 2020.

([24])  European Environment agency, European topic center on climate change mitigation and energy, impacts of renewable energy on air pollutant emissions ; calculation of implied emission factors based on gains data and estimated impacts for the EU-28, mai 2019.

([25]) « Les politiques de lutte contre la pollution de l’air », Cour des comptes, juillet 2020.

([26]) « Étude AIR-SANTÉ en Pays de Martigues : apports de l’intelligence artificielle aux questions de santé environnementale », Sandra Perez, Université Côte d'Azur, Nice, France. 2019.

([27]) Propos tenus par M. Philippe Chamaret, directeur de l’Institut Écocitoyen, lors de son audition par votre rapporteur.  

([28]) Il convient de noter que le SPPPI PACA n’est, contrairement aux autres SPPPI, pas porté par l’État. Il a une structure associative qui confère à cette instance, financée conjointement par l’État, les collectivités locales et les industriels, le statut d’instance neutre, sans étiquette.

([29]) Dr Michel Mouysset et Mme Cyrielle Orénès.

([30])  «  Les politiques de lutte contre la pollution de l’air », Cour des comptes, juillet 2020. 

([31]) Données de 2015.

([32]) « Agir pour un urbanisme favorable à la santé », guide réalisé par l’EHESP et la DGS.  

([33]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11416402_61794a21beb81.commission-des-affaires-sociales--m-olivier-veran-ministre-des-solidarites-et-de-la-sante-sur-la-27-octobre-2021