Description : Description : Description : Description : Description : Logo2003modifN° 4601

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 (n° 4482)

 

TOME V

 

DÉFENSE

 

préparation et emploi des FORCES :

 

MARINE

PAR M. Didier Le Gac

Député

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 Voir le numéro : 4524 (annexe 12)



 


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SOMMAIRE

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Pages

 

1. Introduction

2. Première partie : Les crédits demandés par la Marine pour 2022

2.1. Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrit dans la continuité de la loi de programmation militaire

2.1.1. La Marine nationale est au cœur des enjeux de réarmement

2.1.1.1. La forte sollicitation de la Marine est appelée à se poursuivre

2.1.1.1.1. Un rythme d’engagement soutenu

2.1.1.1.1.1. L’Océan Indien

2.1.1.1.1.2. L’Océan Pacifique

2.1.1.1.1.3. L’Océan Atlantique

2.1.1.1.1.4. La mer Méditerranée

2.1.1.1.2. Un engagement appelé à se poursuivre en 2022

2.1.1.2. La loi de programmation militaire prévoit notamment le renouvellement des capacités navales

2.1.1.2.1. La modernisation des équipements

2.1.1.2.2. Le comblement des lacunes

2.1.1.2.3. L’accent porté sur le recrutement

2.1.1.2.4. La politique de fidélisation

2.1.2. Les crédits demandés pour 2022 correspondent à la programmation

1. Les dépenses de personnel

a. Une stabilisation des dépenses

b. Le renforcement de la réserve

2. Les dépenses d’équipement

3. L’investissement dans le maintien en condition opérationnelle des équipements

2.2. Le maintien de la trajectoire de la programmation militaire : clef de voûte de la remontée en puissance de la Marine

2.2.1. L’accélération du plan Mercator 2021

2.2.1.1. La mise en œuvre du budget 2021

a. Les commandes et les livraisons

b. Le rapport Malcor : la modernisation du service de soutien de la flotte

1. « Raccourcir les boucles d’échange »

2. « Rationaliser les organisations du SLM entre Brest/Toulon et intégrer l’atelier militaire de Cherbourg »

3. « Améliorer la formation globale de l’équipage sous couvert de la poursuite d’un renforcement du lien avec les ateliers du SLM pendant les arrêts techniques »

4. « Doter le SLM d’une comptabilité analytique (même imparfaite) qui lui permettra de faire un suivi prévisionnel de ses coûts »

2.2.1.2. La résilience de la Marine se heurte à des fragilités capacitaires identifiées

2.2.1.2.1. Les moyens de surveillance de nos approches maritimes connaissent des réductions temporaires de capacité

2.2.1.2.2. Une capacité de projection restreinte par le nombre de bâtiments ravitailleurs

2.2.1.2.3. Des capacités de guerre des mines soumises à des réductions temporaires de capacité inhérente à l’âge des chasseurs de mines « tripartites »

2.2.1.2.4. Des stocks de munitions en voie de consolidation

2.2.1.2.5. Une solution provisoire pour faire face à un manque d’hélicoptères légers

2.2.1.2.6. Un renouvellement bienvenu des capacités

2.2.2. 2022, année pivot pour la Marine nationale

2.2.2.1. Une priorité donnée aux programmes d’armement et d’innovation

2.2.2.1.1. Les préconisations de la Marine sur les programmes d’armement à accentuer dans une perspective de long terme

2.2.2.1.2. Une politique d’innovation volontariste

i. L’accent mis par la LPM sur le soutien à l’innovation

ii. Les mesures prises par la Marine afin de favoriser l’innovation

iii. L’exemple des drones aériens, de surface et sous-marins

2.2.2.2. La conduite des programmes d’armement reste un point de vigilance

2.2.2.2.1. Le retour d’expérience sur les programmes d’armement naval

2.2.2.2.2. Le suivi des discussions autour des projets phares

2.2.2.2.2.1. Le système de patrouille maritime future (PATMAR Futur)

2.2.2.2.2.2. Le Système de combat aérien futur (SCAF)

iii. Le système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F)

3. Deuxième partie : L’action de l’État en mer dans l’Atlantique

3.1. Une spécificité organisationnelle française reconnue, des moyens à renforcer en Atlantique

3.1.1. La dualité, spécificité du modèle français

3.1.1.1. L’Action de l’État en mer

3.1.1.2. Les dispositifs à l’étranger

3.1.1.2.1. Les garde-côtes

3.1.1.2.2. La coordination entre les administrations

3.1.1.3. Les différents acteurs de l’AEM

3.1.1.3.1. Le préfet maritime : une fonction interministérielle fondamentale

3.1.1.3.2. La Marine nationale

3.1.2. Un dispositif à renforcer pour la plus grande façade maritime de la métropole : L’Atlantique

3.1.2.1. Les enjeux et les moyens consacrés à l’AEM en Atlantique

3.1.2.1.1. Les enjeux généraux de la zone Atlantique

3.1.2.1.2. Les moyens dédiés à l’AEM en Atlantique

3.1.2.2. Un dispositif ORSEC qui a fait ses preuves

3.2. L’Atlantique : théàtre de multiples défis

3.2.1. Une gestion efficace de sujets imbriqués

3.2.1.1. Le sauvetage en mer : le rôle indispensable de la SNSM

3.2.1.2. La lutte contre les trafics : l’exemple du trafic de drogues

3.2.1.3. La sûreté maritime

3.2.1.4. La protection de l’environnement en mer

3.2.2. Les énergies marines renouvelables (EMR) : un exemple emblématique des enjeux futurs liés à la cohabitation des usages en mer

3.2.2.1. Une volonté politique affichée

3.2.2.2. Une acceptation sociale contrastée

3.2.2.3. Un encadrement juridique à préciser

4. Travaux de la commission

4.1. Audition de l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine

II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions et déplacements du rapporteur pour avis


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  1. Introduction

Depuis une quarantaine d’années et la « révolution de la containerisation », la mondialisation est avant toute une maritimisation, caractérisée par une expansion considérable du transport maritime. Cette densité de trafic porte également en germe des risques. Ainsi, le Pas-de-Calais voit par exemple passer quotidiennement 700 à 800 navires, le second détroit au monde par sa fréquentation, pour seulement 16 nautiques de large, avec les risques de collisions, de naufrages et de pollutions associés. Ailleurs, comme dans le golfe de Guinée ou le détroit de Malacca, la piraterie et le brigandage, qui sont loin d’être éradiqués, continuent à menacer le commerce maritime, tout comme les trafics illégaux – armes, drogues, êtres humains…- dont les flux, en mer, ne cessent d’augmenter. Alors que l’économie de nombre de pays repose sur les ressources halieutiques, le pillage ou la contestation des zones économiques exclusives (ZEE) établies sont des pratiques de plus en plus fréquentes. Dans le golfe de Guinée, par exemple, la pêche illicite est considérablement plus élevée que la pêche autorisée par les États riverains. Enfin, la crise sanitaire qui sévit depuis bientôt deux ans nous a révélé nos propres dépendances logistiques ainsi qu’une face cachée de la mondialisation dont certains n’avaient pas conscience.

La mer, cet espace commun à toute l’humanité, est devenue le théâtre par excellence de la compétition, de la contestation et de l’affrontement auxquels se livrent les États et les organisations qui souhaitent s’affirmer, parfois au mépris des accords internationaux et des alliances que l’on pensait solides. Ainsi, un nombre croissant d’acteurs – parfois non étatique –  ont un recours désinhibé à la force, voire à la violence en mer.

Certaines puissances comme la Chine, la Russie ou la Turquie renforcent considérablement leurs capacités navales (augmentation du nombre de bateaux et de sous-marins, déploiements lointains, modes d’action plus offensifs, contestation d’espaces au mépris du droit maritime international…) et poursuivent une stratégie du fait accompli, de territorialisation et de militarisation des espaces maritimes. Elles cherchent à contrôler les ressources de ces espaces, à maîtriser leurs approches aéromaritimes et les points de passage stratégiques, voire à acquérir la capacité d’en interdire l’accès (comme en Mer de Chine).

Aujourd’hui, la France fait encore partie du cercle très restreint des puissances qui disposent d’un outil naval complet et cohérent, permettant à la fois d’œuvrer sous la mer, en surface, dans les airs et de projeter de la puissance vers la terre pour défendre leurs intérêts vitaux et stratégiques.

Le rapporteur pour avis tient à souligner que l’enjeu pour la Marine nationale est dorénavant existentiel : rester crédible dans ce contexte international, et ce sur l’ensemble du spectre, du sauvetage en mer à la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire. Le durcissement des opérations menées en mer, ou depuis la mer, impose en effet de maîtriser les milieux (la mer, dont les fonds marins, l’espace terrestre littoral, l’espace aérien au-dessus de la mer et du littoral, le cyberespace et l’espace exo-atmosphérique) mais aussi les champs (électromagnétique et informationnel) dans lesquels opèrent nos adversaires potentiels. En particulier, dans le cadre de la prochaine stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, la Marine doit acquérir les moyens de surveillance et d’intervention qui lui font aujourd’hui défaut.

Enfin, le rapporteur pour avis note que la Marine est déployée depuis plusieurs années et de manière suivie sur quatre à cinq théâtres d’opérations (Afrique de l’Ouest, Atlantique Nord, Méditerranée orientale et centrale, Golfe Arabo-Persique et Pacifique) avec un format capacitaire que le dernier livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, daté de 2013, avait dimensionné pour un déploiement sur 1 à 2 théâtres opérationnels. La question de l’adéquation entre la dégradation désormais ancrée du contexte international et le format actuel de la marine, notamment en termes de frégates de premier et de deuxième rang - en métropole et outre-mer, devra donc être réétudiée à l’aune de la situation internationale, comme d’autres pays, amis et adversaires, l’ont fait récemment.

Le rapporteur pour avis se félicite qu’en 2022, comme les années précédentes de la LPM 19-25, la dynamique de modernisation et de renouveau de la Marine se poursuive dans les domaines clefs (livraison du deuxième sous-marin type Barracuda, livraison de la huitième et dernière FREMM, études de l’avant-projet sommaire du PA-NG…). Ainsi, grâce à la LPM 2019 – 2025, le dispositif aéromaritime ultramarin commence sa modernisation avec la mise à l’eau récente du premier POM (patrouilleur outre-mer) au chantier naval de Saint-Malo et la commande des 7 premières unités du programme d’avions de surveillance et d’intervention maritime, AVSIMAR, dont une partie seront basés outre-mer. Ce dispositif aéromaritime ultramarin devra bénéficier de toute notre attention dans les années à venir tant la vigueur du réarmement naval de nos compétiteurs, notamment en Indopacifique, pourrait augmenter significativement les menaces et la prédation sur nos ZEE. En particulier, le renouvellement des frégates de surveillance - dont le système d’armes actuel est principalement leur pavillon français, et qui naviguent régulièrement dans des zones de tensions importantes comme la mer de Chine méridionale, devra sans doute être programmé dès la prochaine LPM. Ce renouvellement pourrait s’inscrire dans le cadre du programme européen EPC (European Patrol Corvette), avec des partenaires comme l’Italie, l’Espagne ou encore la Grèce. Il renforcerait ainsi la coopération européenne dans le domaine du naval militaire.

Enfin, les conséquences de l’intensification du dérèglement climatique (montée des eaux, cyclones…) sont également une menace à prendre en compte pour nos territoires ultra-marins, notamment dans le pré-positionnement de capacités navales de secours aux populations. Ainsi, la perte de la capacité amphibie intra-théâtre, avec le retrait du service actif du dernier BATRAL en 2016, amoindrit singulièrement notre réactivité opérationnelle face aux conséquences d’une catastrophe naturelle.

La Marine doit enfin être capable d’améliorer les performances opérationnelles de ses unités en les adaptant tout au long de leur cycle de vie aux menaces modernes (lutte anti drones, attaques cyber…), sans attendre les traditionnelles rénovations à mi-vie. Aux yeux du rapporteur pour avis, cette agilité capacitaire paraît indispensable pour conserver l’efficacité opérationnelle nécessaire au combat naval moderne.

Le chef d’état-major de la Marine, l’amiral Pierre Vandier a déclaré devant la Commission de la Défense nationale et des forces armées le 13 octobre 2021 que le combat naval entre puissances n’est plus à exclure. Il ne serait cependant plus limité au milieu maritime, littoral ou hauturier, mais il engloberait tous les domaines, des opérations dans les fonds marins à l’observation depuis l’espace exo atmosphérique, en passant par la lutte dans l’espace informationnel et le cyberespace. La Marine doit dès lors être dimensionnée pour le conflit de haute intensité : elle est déjà en première ligne et doit mener des entraînements multi milieux et multi champs adaptés aux défis de la guerre moderne en mer, tout en entretenant en permanence l’esprit combatif de ses équipages. La qualité de ces derniers, leur fidélisation voire leur combativité dépendront aussi de la reconnaissance de leur double singularité de marins et de militaires, chantier qui ne fait que commencer avec la mise en œuvre de la NPRM (Nouvelle Politique de Rémunération des Militaires) et une juste retenue à l’égard de la directive européenne sur le temps de travail.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à ses questionnaires budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 58 réponses sur 58 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

 

  1. Première partie :
    Les crédits
    demandés par la Marine pour 2022
    1.      Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrit dans la continuité de la loi de programmation militaire

Pour la quatrième année consécutive, le projet de loi de finances est conforme aux prévisions de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025. Le rapporteur pour avis se félicite que l’engagement de l’État soit une nouvelle fois tenu.

La loi de programmation est un outil essentiel pour la remontée en puissance de nos armées, puisqu’elle prévoit une augmentation conséquente des ressources. À ce titre, la Marine nationale fait l’objet d’un effort, justifié par les évolutions de la situation internationale.

2.1.1.                La Marine nationale est au cœur des enjeux de réarmement

2.1.1.1.    La forte sollicitation de la Marine est appelée à se poursuivre

2.1.1.1.1.               Un rythme d’engagement soutenu

L’année 2021 est exceptionnelle à plus d’un titre pour la Marine nationale. Au premier semestre 2021, en application de la stratégie ambitieuse de la France pour l’Indopacifique, la flotte a notamment intensifié sa présence dans la région.

2.1.1.1.1.1.  L’Océan Indien

Le golfe Arabo-persique et la mer d’Arabie ont été les théâtres de plusieurs opérations. Un groupe de guerre des mines a été déployé en 2019 et en 2021, des bâtiments ont fait escale chez les principaux partenaires de la France et les frégates Courbet, Forbin, Jean-Bart, Chevalier Paul, Guépratte et Languedoc ont participé à l’opération de sécurité maritime européenne EMASoH en 2020 et 2021.

Le groupe aéronaval organisé autour du porte-avions Charles-de-Gaulle a été déployé cette année, menant des actions de coopération avec les nations riveraines, notamment l’Inde. De plus, des frégates patrouillent en permanence dans la région dans le cadre de l’opération AGENOR.

La Marine a mené des exercices de maintien de savoir-faire avec les partenaires régionaux de la France (États-Unis – Gaswex, Inde – Varuna, Oman – Khundjar Hadd, Arabie saoudite – White Shark et Lapérouse avec les États-Unis, l’Australie, le Japon et l’Inde).

Enfin, au sein de l’opération de coalition Combined maritime forces (CMF), la Marine poursuit sa lutte contre le terrorisme. Elle a notamment assuré le commandement de la Combined Task Force 150 (CTF) de mars à juillet 2020.

2.1.1.1.1.2.  L’Océan Pacifique

Dans le Sud-Est asiatique, les frégates de surveillance Vendémiaire et Prairial ont fait l’objet de déploiements réguliers. De même, les missions Jeanne d’Arc 2018 et 2021 se sont tenues dans le Pacifique, jusqu’en mer de Chine, permettant de mener des actions de coopération et de rayonnement avec l’Inde, l’Indonésie, le Vietnam, le Japon et Singapour.

En 2021, le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Émeraude accompagné d’un bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain et appuyé par deux frégates de surveillance a également été déployé dans cette région.

En outre, les transits réguliers en mer de Chine méridionale appuient les déclarations ministérielles et affirment l’attachement de la France au droit international et à la liberté de la navigation en haute mer. Auditionnée par le Sénat le 12 octobre 2021, la ministre des Armées, Florence Parly a ainsi précisé que le bâtiment de recueil de renseignements Dupuy de Lôme s’était rendu dans le détroit de Formose.

Dans le Pacifique Ouest, la frégate de surveillance et les avions de surveillance maritime type Guardian des Forces armées en Polynésie Française (FAPF) ont régulièrement participé au dispositif de contrôle des flux maritimes au large de la Corée du Nord.

2.1.1.1.1.3.  L’Océan Atlantique

En mer de Norvège et de Barents, la Marine a affirmé sa présence.

Au large de l’Afrique de l’Ouest, elle poursuit l’opération « CORYMBE », assurée soit par un porte-hélicoptère amphibie (PHA) escorté d’une frégate de surveillance ou d’un patrouilleur de haute mer, soit par l’un de ces deux derniers bâtiments. Dans le golfe de Guinée, la mission « CORYMBE » permet de nombreuses coopérations bilatérales et multilatérales avec les marines des pays limitrophes, avec pour objectif notamment la mise en œuvre du processus de Yaoundé. La Marine participe chaque année aux exercices African Nemo (quatre éditions par an) avec un patrouilleur de haute mer (PHM) et Grand African Nemo avec une frégate ou un PHA.

Dans le cadre de la Mission Foch 20, le groupe aéronaval Charles-de-Gaulle, intégrateur de partenaires régionaux dans les approches européennes, a été déployé.

En outre, la mission Jeanne d’Arc 2019 a mobilisé le PHA Tonnerre et la frégate La Fayette en Méditerranée, en océan Indien et en Atlantique

La Frégate multi-missions (FREMM) Bretagne a participé à l’exercice Formidable Shield de défense anti-missile en 2019 et la frégate de défense aérienne (FDA) Fordin à celui de 2021, ainsi qu’à l’exercice semestriel de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) Joint Warrior.

La Marine a également participé aux exercices Dynamic Guard, Dynamic Mangoose et Baltops conduits sous l’autorité de l’OTAN.

2.1.1.1.1.4.  La mer Méditerranée

La montée des tensions en Méditerranée centrale et orientale a poussé à renforcer les coopérations françaises afin de marquer la présence des marines européennes dans un espace à enjeux nationaux comme internationaux.

Tout d’abord, la Marine a développé sa présence dans l’est de la Méditerranée et en mer Noire afin d’entretenir la connaissance de ces zones et de participer aux mesures de réassurance de l’OTAN. En 2019, 2020 et 2021, le groupe aéronaval a été déployé en Méditerranée orientale dans le cadre de la lutte contre l’État islamique.

Au profit des missions de l’Union européenne Sophia (puis Irini) et Triton les déploiements de la frégate Jean-Bart et de l’aviso Premier Maitre l’HER se sont inscrit dans l’application du régime de sanctions visant les armes et le pétrole en Libye.

Par ailleurs, l’engagement de la France au sein du Standing NATO Maritime Groupe 2 (SNMG2) dans la lutte contre l’immigration clandestine et les trafics, a mené à de multiples déploiements de bâtiments de surface et d’aéronefs. La Marine a également participé aux exercices de l’OTAN Dynamic Manta et Dynamic Move ainsi qu’à l’exercice Caramel 21 avec Israël.

Dans le cadre de l’opération « Amitié » du 9 août au 4 septembre 2020, le PHA Tonnerre a été engagé afin d’apporter une assistance d’urgence au Liban.

En outre, dans le cadre de la mission « Clémenceau 21 », une opération conjointe du porte-avions Charles de Gaulle (Gallic Strike) avec le HMS Queen Elisabeth a été menée en juin 2021.

Enfin, en juin et juillet 2021, le groupement de plongeurs démineurs (GDP) Méditerranée a été déployé depuis le bâtiment-base de plongeurs démineurs (BBPD) Pluton afin de mener des actions de coopération à Beyrouth avec la marine libanaise, à Kotor en Albanie et à Split au Monténégro. En janvier 2021, le GDP a également participé à l’exercice Rais Amidou en Algérie.

2.1.1.1.2.               Un engagement appelé à se poursuivre en 2022

L’année 2022 constitue une opportunité stratégique majeure pour la Marine nationale dans la mesure où la France assurera en simultané la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022 et celle de l’Indian Ocean Naval Symposium (IONS), jusqu’à l’été 2023.

La Marine doit ainsi tirer parti de cette occasion unique pour faire avancer les travaux de sécurité maritime en lien avec la « boussole stratégique » de l’Union européenne. En ce sens, le conclave IONS organisé en novembre 2021 à Paris réunira les chefs d’état-major des marines des 25 pays membres ([1]) et des 8 États observateurs ([2]) autour des enjeux maritimes de l’océan Indien.

De surcroît, la planification de déploiements de moyens aéromaritimes stationnés en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française est en cours de finalisation. Elle permettra de poursuivre la coopération avec nos partenaires stratégiques en Asie-Pacifique.

2.1.1.2.    La loi de programmation militaire prévoit notamment le renouvellement des capacités navales

À la suite d’une réduction des moyens de la Marine nationale dans les deux dernières programmations militaires, le réarmement naval était devenu un impératif pour préserver les moyens d’action de la France. Dans ce contexte, la loi de programmation 2019-2025 répond pleinement à cet objectif. »

2.1.1.2.1.               La modernisation des équipements

Dans le domaine naval, la loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit le renouvellement d’une partie des équipements.

Sur le segment des frégates, les trois dernières frégates multi-mission (FREMM) sont livrées à la Force d’action navale. L’accélération des commandes des deuxième et troisième frégates de défense et d’intervention (FDI) ([3]), décidée par la ministre des Armées en février 2021 pour soutenir le chantier de l’industriel Naval Group à Lorient, permettra de maintenir les capacités de production en attendant que l’export à la Grèce soit consolidé.

Pour les autres types de bâtiments, les chantiers de « refonte à mi-vie » des frégates type La Fayette, sont programmés de 2021 à 2023. D’une durée de neuf mois, ils permettent de les moderniser et de les doter de nouvelles capacités tout en prolongeant leur durée de service au-delà de 2030.

Concernant les patrouilleurs, six patrouilleurs outremer ainsi que les deux premiers patrouilleurs océaniques (PO) ([4]) destinés aux façades métropolitaines seront réceptionnés. Huit autres patrouilleurs océaniques seront livrés entre 2026 et 2029 pour atteindre le format fixé par l’ambition 2030. Par ailleurs, les deux derniers bâtiments de soutien et d’assistance métropolitains (BSAM) ([5]) ont été livrés.

Les trois premiers sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Suffren seront également livrés sur la période, autorisant le retrait progressif de SNA de la classe Rubis. Les sous-marins de type Barracuda permettront de disposer d’une composante sous-marine aux meilleurs standards mondiaux qu’il conviendra toutefois de maintenir à niveau dans la durée. Ces nouveaux sous-marins permettront notamment d’élargir les possibilités de mise en œuvre du missile de croisière naval (MdCN) et de déployer des forces spéciales en immersion.

La rénovation des avions de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2) est pour sa part limitée à 18 aéronefs (tous livrés sur la période) dans un contexte de résurgence de la menace sous-marine dans nos zones d’intérêt. Le programme de remplacement des ATL2 (PATMAR futur) sera initié et préparé sur la période. Afin d’entamer le renouvellement de la flotte d’avions de surveillance et d’intervention maritime sept des douze avions Albatros sont commandés et les livraisons débuteront sur la période pour garantir la capacité d’intervention de la Marine. Le remplacement des avions Hawkeye de guet aérien embarqués et de commandement, capacité nodale du groupe aéronaval, est sanctuarisé par la commande de trois aéronefs passée en 2020. Le programme de système de drones aériens pour la Marine nationale (SDAM) sera préparé sur la période en vue d’une commande post loi de programmation militaire (LPM). Conformément aux annonces consécutives au « plan de soutien aéronautique » un démonstrateur sera mis en œuvre par la Marine à des fins d’évaluation opérationnelle à partir de 2023.

Dans le but de garantir la continuité de la capacité du groupe aéronaval (GAN) à l’horizon du retrait du service actif du Charles-de-Gaulle prévu en 2038 ([6]), et conformément aux orientations fixées par la loi de programmation militaire, la ministre des armées a lancé le programme de « porte-avions de nouvelle génération » (PA-NG) le 31 octobre 2018. Ce programme est dans sa phase de préparation qui vise notamment à consolider le besoin militaire et à définir les caractéristiques du projet (fonction, performances, contenu physique, calendrier, coûts), l’architecture capacitaire ou encore l’organisation industrielle pour entrer en phase de réalisation.

Le programme de pétroliers ravitailleurs est désormais lancé afin de doter la Marine de quatre pétroliers modernes (BRF ([7])), conformes aux derniers standards de la réglementation internationale et garantissant une autonomie d’emploi et de déploiement, notamment en soutien des groupes d’action navale (porte-avions, porte-hélicoptères amphibies et frégates engagées en appui de la composante océanique de la dissuasion). Les deux premières unités auront été livrées en 2025.

Le renouvellement des capacités hydrographiques et océanographiques sera initié durant la LPM avec le programme CHOF (capacité hydrographique et océanographique future), dont les premières commandes seront passées en 2025, pour deux bâtiments hydrographiques et océanographiques et leurs systèmes de drones associés.

La réalisation du nouveau programme système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F) de guerre de mines et de lutte contre les IED ([8]) maritimes a été lancée. Éloignant les marins de la menace, il relève d’un concept particulièrement innovant fondé sur des systèmes de drones et des bâtiments porteurs. Les premiers systèmes de drones ont déjà été commandés, les deux premiers bâtiments porteurs le seront en 2026.

En matière d’armement, la LPM permettra notamment la livraison d’un lot de torpilles lourdes F21 du programme Artemis et le lancement d’études d’intégration de missiles Aster 30 B1NT sur les frégates de défense aérienne, bâtiments responsables en tout premier lieu de la protection du Charles De Gaulle.

Dans le cadre de la LPM 2019-2025, les deux composantes de la dissuasion seront modernisées. La composante océanique bénéficiera notamment de la fin de la modernisation de l’ensemble des sous-marins lanceurs d’engins (SNLE) (adaptation au M51), de la mise en service du missile M51.3 et du lancement du développement de la future version du missile M51, en cohérence avec l’approche incrémentale retenue. Les travaux d’avant-projet détaillé du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G) ont permis de lancer début 2021 la phase de réalisation dans son étape 1.

2.1.1.2.2.               Le comblement des lacunes

Les équipements « à hauteur d’homme » ont souvent été négligés et éclipsés par les grands programmes emblématiques d’armement. La LPM corrige cette omission en accordant une place plus importante à ce poste essentiel pour l’amélioration des conditions de vie et de travail des marins.

Conformément aux engagements de la ministre, le Wifi a été déployé pratiquement partout, à l’exception d’une soixantaine de postes sur 16 000 qui posent problème, 3 500 places d’hébergements ont été rénovés au regard des nouvelles normes et le lancement du logiciel e-habillement s’inscrit dans une perspective similaire.

Cet effort doit néanmoins se poursuivre afin de doter les marins de conditions de travail satisfaisantes.

 

 

 

2.1.1.2.3.               L’accent porté sur le recrutement

Effectifs moyens réalisés (EMR) sur l’année, sur le périmètre ministériel de la mission « Défense » (plafond ministériel des emplois autorisés - PMEA) 2015-2020 et effectif moyen réalisé prévisionnel (EMRP) pour 2021 pour l’employeur Marine :

Périmètre PMEA

EMR

2015

EMR

2016

EMR

2017

EMR

2018

EMR

2019

EMR

2020

EMRP 2021 prév.

Officiers

3 749

3 711

3 765

3 771

3 861

3 937

3 937

Officiers mariniers

20 136

20 080

20 293

20 154

19 978

20 164

19 973

Militaires du rang

6 275

6 304

6 276

6 283

6 641

6 705

6 907

Volontaires (dont SMV)

981

1 111

1 000

902

431

342

230

Militaires

31 141

31 206

31 334

31 110

30 911

31 148

31 047

Personnels de catégorie A

378

415

420

401

422

418

404

Personnels de catégorie B

570

587

606

612

644

695

706

Personnels de catégorie C

928

964

972

1 017

1 055

1 074

1 137

Ouvriers de l’État

838

774

696

645

617

581

575

Civils

2 714

2740

2 694

2 675

2 738

2 768

2 822

TOTAL

33 855

33 946

34 028

33 785

33 649

33 916

33 869

Source : rapports annuels de performance (RAP)

D’ici 2025, l’augmentation des effectifs de la Marine nationale se justifie par :

1. la poursuite de l’effort entrepris dans le cadre de la LPM dans les domaines du renseignement, de la cyberdéfense et de l’action dans l’espace numérique, de la digitalisation et de l’intelligence artificielle, et du soutien aux exportations ;

2. la préparation du renouvellement de la composante océanique de la dissuasion nucléaire pour assurer la transition en matière de ressources humaines des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ;

3. le renforcement de l’environnement des forces marines visant à garantir durablement l’attractivité de la Marine nationale (recrutement notamment) et à consolider le maintien en condition opérationnelle naval compte tenu de la nouvelle génération de bâtiments (sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) type Suffren, frégates de défense et d’intervention (FDI) et porte-avions nouvelle génération (PANG).

 

 

4. Une politique de communication ambitieuse

Les campagnes de communication sont le moyen privilégié de renforcer l’attractivité du Ministère et d’atteindre ses viviers de recrutement. Elles sont aussi nécessaires pour pallier la faible implantation géographique de la Marine sur le territoire national et la méconnaissance du fait maritime par la population.

La campagne de communication de recrutement 2018-2020 « Ensemble nous sommes marins » s’est inscrite dans la continuité de la précédente dont l’accroche était « Faites un pas vers votre avenir » (2015-2017). Cette campagne valorisait le métier de marin en donnant de la visibilité à son quotidien. Les générations nées avec Internet et les réseaux sociaux aspirent à des expériences enrichissantes et multiples ainsi qu’à des aventures collectives. Dans leur rapport à l’emploi, cela se traduit par la recherche de métiers riches de sens, un attrait pour les modèles collaboratifs, la volonté d’évoluer et d’apprendre en permanence de façon pratique et par le biais des outils numériques.

La nouvelle stratégie de communication de recrutement 2021-2023 a été lancée en janvier 2021. La signature employeur de la Marine est désormais « Rares sont les métiers qui vous emmènent aussi loin ». Dans un environnement hors du commun, elle incarne la promesse de l’employeur qui repose sur trois piliers : une diversité de métiers, une formation continue et de multiples possibilités d’évolution. L’objectif est d’être audible et de se différencier sur un marché de l’emploi fortement concurrentiel. Par ailleurs, elle est couplée à d’autres dispositifs de marketing destinés à en amplifier l’impact (diffusions sur des médias spécialisés pour des populations ciblées, développement de la politique de mentorat, renforcement de l’action des conseillers en recrutement, etc.).

  1. Les outils

Chaque campagne de recrutement dure trois ans et bénéficie d’un budget global de conception et de conseil stratégique (à hauteur de 3 M€ pour les campagnes précédentes et de 4 M€ pour la campagne 2021-2023) ainsi que d’un budget de 4,50 M€ par an pour les frais d’achat d’espaces publicitaires pour les campagnes nationales.

La Marine met en œuvre trois à quatre temps forts médiatiques par an, d’une durée de trois à quatre semaines chacun. Les outils de la campagne actuelle ont été réalisés par Radancy, agence nouvellement titulaire du marché. Ils se traduisent par sept spots TV et plus de vingt visuels déclinés pour une part en campagne d’affichage et pour une autre part en numérique afin de cibler les internautes en fonction de leur cursus et niveau de formation, puis de les diriger vers les pages thématiques (par familles de métiers) conçues spécialement sur etremarin.fr ([9]).

Le plan média a été entièrement refondu pour favoriser un ciblage « qualifié », en adressant un message le plus personnalisé possible aux candidats potentiels.

6. Le Bilan des actions de communication

La campagne 2015-2017 a enregistré des performances satisfaisantes, permettant d’accompagner l’atteinte d’objectifs de recrutement en forte hausse (32 % entre 2014 et 2016). La campagne a été bien été mémorisée pour 59 % des Français (18-29 ans). 86 % estimaient que cette campagne leur plaisait et 78 % des jeunes déclaraient que la campagne « donne envie de s’engager ».

En 2020, et malgré la crise de la COVID-19, la valorisation des offres de la Marine sur les plateformes d’emploi et l’accélération de programmes ambassadeurs ont permis d’accroître le nombre de candidatures en ligne, tout en préservant la qualité des viviers ainsi constitués. Ces viviers sont parallèlement intégrés dans un outil de gestion dédié.

Au-delà des canaux de diffusion classiques, des outils innovants ont été déployés. Une pop-in ([10]) intégrée sur le site « etremarin.fr » et une communication adaptée sur les réseaux sociaux ont permis d’expliquer aux jeunes que l’ensemble des marins conseillers restaient à leur écoute pour les renseigner et les orienter sur l’offre employeur de la Marine, malgré le contexte sanitaire. La plateforme conversationnelle (tchat) « Pathmotion » disponible via le site « etremarin.fr » a également permis aux jeunes de poser directement leurs questions en ligne, enregistrant ainsi un pic de près de 200 échanges pour le seul mois d’avril 2020. Depuis novembre 2020, un module de prise de rendez-vous a été ajouté au site « etremarin.fr » afin de faciliter le contact entre le candidat et le Centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA). Il a déjà enregistré près de 1200 rendez-vous.

L’objectif en 2021 est de pondérer les candidatures en ligne, désormais qualifiées, par domaine d’activité, afin d’en assurer une répartition plus en cohérence avec les besoins de la Marine et les calendriers de formation en école.

2.1.1.2.4.               La politique de fidélisation

Dans le cadre de sa politique de fidélisation, la Marine s’attache à améliorer son analyse des causes de départ tout en suivant les populations sur lesquelles il faut porter l’effort pour maîtriser les flux sortant au travers de trois piliers : indemnitaire, carrière, et conciliation vie professionnelle/vie privée (V2P).

La principale mesure de fidélisation utilisée jusqu’en 2019 était la prime réversible de compétences à fidéliser (PRCF), accordée aux officiers mariniers de façon croissante les cinq dernières années du dispositif, permettant à la Marine de mieux fidéliser les marins détenant des compétences particulières et/ou les plus critiques.

À compter de 2019, la prime de lien au service (PLS) est venue remplacer ce dispositif en le complétant, puisqu’elle permet aussi de renforcer tant l’attractivité des carrières (accession à des cours ou volontariat sous-marin) que le recrutement, et puisqu’elle concerne également les officiers. Cette nouvelle prime offre par ailleurs davantage de souplesse d’emploi pour répondre aux besoins. En effet, elle permet à la fois de mieux contrôler les flux en fin de carrière, mais aussi d’orienter les flux au recrutement et en cours de carrière, en ciblant les compétences que la Marine souhaite fidéliser.

En 2020, 2021 primes de lien au service ont été versées aux officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots. En 2021, environ 2000 marins devraient être concernés de nouveau par la prime de lien au service.

Avant 2019, la Marine nationale mettait déjà en œuvre le double équipage pour 10 sous-marins et 11 bâtiments de surface.

Dans le cadre du plan Mercator et afin de gagner la « bataille de la fidélisation », le chef d’état-major de la Marine (CEMM) cherche à « mieux maîtriser les contraintes sur le personnel ».

L’extension à certaines unités de la force d’action navale du modèle à deux équipages constitue la mesure la plus emblématique de cette démarche. Il s’agit notamment de « limiter la suractivité et de rendre l’activité plus prévisible pour le marin et sa famille en combattant de la sorte les phénomènes d’usure ».

Au-delà de ces effets en ressources humaines (RH) positifs, le retour d’expérience de cette manœuvre, qui méritera d’être consolidé après une plus longue période d’exploitation, confirme également des gains opérationnels, en particulier l’augmentation du nombre de jours de mer des frégates multi-missions (FREMM) qui permettent de renforcer la tenue du contrat opérationnel.

Les types de bâtiments identifiés pour cette extension du principe de double équipage sont :

a)     les FREMM : bâtiments récents à équipage optimisé, dont le niveau de performance entraîne une forte demande opérationnelle, se traduisant par une activité sur toutes les mers, variée, dense et imprévisible ;

b)     les patrouilleurs de service public (PSP) cherbourgeois pour lesquels la conciliation entre vie professionnelle et vie privée (V2P) est particulièrement sensible du fait, d’une part, de missions exigeantes (trafic commercial en Manche / Mer du Nord, migrants, etc.) et, d’autre part, de l’éloignement des membres d’équipage résidant souvent loin de Cherbourg.

Des unités de ces catégories de bâtiment font ainsi l’objet d’une politique de double équipage, reposant sur le principe éprouvé de deux équipages (« A » et « B ») complets (du commandant au plus jeune matelot). Ces deux équipages alternent la prise en charge de leur bâtiment selon un cycle de quatre mois prédéfini, les périodes de quatre mois hors du bord étant consacrées à des activités organiques, notamment à l’entraînement du personnel sur simulateurs, au soutien du maintien en condition opérationnelle (MCO) et à la formation.

La ministre des Armées a validé le lancement de cette démarche pour deux FREMM (Aquitaine et Languedoc) et pour le PSP Flamant en 2019 ainsi que sa poursuite en 2020 pour la FREMM Bretagne et le PSP Cormoran (compensé par le retrait du service actif de la frégate La Motte-Picquet), puis en 2021 le passage à deux équipages du PSP Pluvier et de la FREMM Provence (compensé par le retrait du service actif de la frégate Jean Bart).

Si des surcoûts sont générés par l’activité supplémentaire liée au passage à deux équipages - de 120 jours de mer à 180 jours de mer pour chaque FREMM et de 100 à 150 jours de mer pour les PSP - l’impact en volume sur la gestion prévisionnelle des emplois et compétences est neutre. Au-delà du recrutement, la manœuvre contribue également à l’attractivité du métier, par la fidélisation des marins et leur appétence à naviguer.

Après une légère amélioration en 2016, la durée moyenne de service du personnel ayant quitté la Marine est globalement stable depuis cinq ans, toutes catégories confondues.

La durée moyenne de service des marins de carrière (26 ans pour les officiers mariniers, 30 ans pour les officiers en 2020) demeure supérieure à la durée ouvrant droit à la pension à liquidation immédiate (17 et 27 ans).

La moyenne de 13 ans de service en 2020 tient compte des durées de service des officiers à la fois sous contrat court (4 ou 8 ans) et sous contrat long (20 ans). La plupart de ces derniers servent jusqu’à leur limite de durée des services.

La légère baisse de durée moyenne de service concernant les officiers sous contrat à compter de 2019 s’explique par la fin de contrat de nombreux officiers de la filière « Commandement et Services », recrutés en nombre à partir de 2016 sur des contrats courts afin de répondre à une hausse rapide des effectifs. Ces profils n’ont pas vocation à être fidélisés en masse (besoin ponctuel).

Enfin, la direction du personnel militaire de la Marine (DPMM) continue de mener une politique restrictive concernant les éventuels accords de départ avant la fin des contrats d’engagement ou les demandes de départ anticipés d’officiers de carrière. Dans la même logique, la politique de renouvellement de contrat est actuellement favorable pour les officiers comme pour les autres catégories.

2.1.2.                Les crédits demandés pour 2022 correspondent à la programmation

Les crédits alloués à l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 « Préparation et emploi des forces » sont représentés dans le tableau suivant. Celui-ci précède une explication détaillée pour chacune des sous-actions.

Conformément à la trajectoire de LPM, les crédits dédiés à la préparation des forces navales sont en hausse en 2022. Cette hausse est principalement liée à l’augmentation des crédits dans le domaine de l’entretien programmé des matériels.

Crédits inscrits à l’action 3 « préparation des forces navales » du programme 178 « PRÉPARATION et emploi des forces »

 

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action / sous-action

LF1 2021

PLF 2022

Évolution 2022/2021

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2022/2021

03 Préparation des forces navales

3 776

4 051

+ 7 %

2 610

2 843

+ 9 %

03-01 Commandement et activités des forces navales

363

295

- 19 %

318

306

- 4 %

03-05 Ressources humaines des forces navales

67

70

+ 4 %

66

68

+ 4 %

03-07 Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales

2 982

3 321

+ 11 %

1 955

2 101

+ 7 %

03-08 Environnement opérationnel des forces navales

134

128

- 5 %

92

124

+ 34 %

03-11 Infrastructure marine

230

237

+ 2 %

179

244

+ 36 %

Source : ministère des Armées

La notification en 2021 d’un marché d’affrètement Remorqueur d’Intervention, d’Assistance et de Sauvetage (RIAS), couvrant plusieurs années et supposant un pic conjoncturel de consommation d’AE explique la diminution du montant d’AE alloué pour 2022 à la sous-action 01 « Commandement et activités des forces navales ». Cette sous-action reste relativement stable en CP.

L’augmentation en AE et en CP (+4 %) sur la sous-action 05 « Ressources humaines des forces navales », souligne l’effort de recrutement ainsi que le renforcement de la formation, notamment dans le domaine aéronautique.

La hausse des autorisations d’engagements et crédits de paiement sur la sous-action 07 « Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales » est liée à la programmation de plusieurs arrêts techniques majeurs d’unités de la force d’action navale (FAN). De même, outre la notification de plusieurs contrats pluriannuels d’entretien des matériels navals (Frégates, installations de tirs communes, bâtiments de projection), l’année 2022 verra également la poursuite de la stratégie de verticalisation initiée par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Cela concernera principalement les moteurs des hélicoptères hors NH90, la flotte Falcon 10 ainsi que les futurs hélicoptères interarmées légers (Guépard). Le niveau des crédits de paiement est en hausse conformément aux objectifs de la LPM et pour intégrer les premiers effets sur la remontée de la disponibilité des moyens de la Marine.

Après la notification en 2021 des deux principaux marchés pluriannuels de plastrons au profit de l’entraînement des forces, la sous-action 08 « Environnement opérationnel des forces navales » voit sa dotation au titre du PLF 2022 réduite en AE, du fait de l’absence de nouveau marché dimensionnant. En revanche, la dotation en CP est en augmentation pour intégrer les besoins dans le domaine des SIC (montée en puissance) et dans le domaine de l’entraînement (plan MERCATOR).

Le financement de la sous-action 11 « Infrastructure Marine » repose notamment sur des tranches fonctionnelles couvrant plusieurs années d’investissement sur différents programmes structurants des ports. L’alimentation initiale des tranches fonctionnelles ayant été réalisée lors des précédentes gestions, le besoin en AE pour 2022 est en hausse de seulement 3 % contre 36 % en CP. Les nouveaux engagements porteront, entre autres, sur des travaux de modernisation des bases navales de Brest et Toulon, ainsi que la poursuite des opérations de renforcement de la défense-sécurité des sites portuaires et des emprises aéroportuaires.

  1. Les dépenses de personnel
    1. Une stabilisation des dépenses

Le tableau ci-après présente l’évolution des dépenses concernant les personnels militaires.

Évolution des dépenses de personnel de la Marine nationale depuis 2017

En M€ courants (CASP inclus)

Années

Autres BOP

BOP Marine

Total

2017

104,4

2 669,6

2 774,0

2018

93,1

2 658,5

2 751,6

2019

83,9

2 735,3

2 819,2

2020

101,93

2 719,2

2 821,1

2021

Prév. : 101

Prév. CRG1 : 2 772,3

2 873,3

2022

Prév. : 101

PLF 2022 : 2 833,4

2 934,4

Pour 2017, 2018, 2019 et 2020 les dépenses du budget opérationnel de programme (BOP) Marine sont issues directement des données CHORUS. Les dépenses de personnel gérés par la Marine et payés sur les autres BOP sont issues des données des infocentres Rh@psodie ou de la banque de données des ressources humaines (BDRH).

Pour 2021, la prévision établie est indiquée, quant à 2022, le montant est issu de la pré-notification des crédits transmise en août 2021.

Les évolutions des dépenses de personnel ces dernières années, à la hausse et à la baisse, s’expliquent principalement par l’activité opérationnelle. Ainsi, en 2020, les prévisions de dépenses ont été en diminution par rapport à 2019, en raison principalement de la révision à la baisse du programme opérationnel des bâtiments, conséquence de la crise sanitaire et d’un retour à la normale des dépenses de réserve opérationnelle.

En 2021, une plus forte activité opérationnelle, en phase avec la norme d’activité définie par la loi de programmation militaire (LPM) explique la tendance haussière de la dépense. Enfin, la mise en œuvre du premier bloc de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), composé de l’indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM), au 1er janvier 2021 au profit des marins et des gendarmes maritimes a contribué à l’évolution à la hausse de ces dépenses.

Pour ces prochaines années, en dehors des dépenses liées aux activités opérationnelles, les dépenses de personnel devraient connaître une hausse liée à la mise en place des deux derniers blocs de la NPRM (2022 et 2023).

  1. Le renforcement de la réserve

La réserve opérationnelle est un enjeu primordial pour la politique de défense de la Nation. La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 fixe un objectif global de 40 000 réservistes sous engagement à servir dans la réserve (ESR), pour un emploi annuel moyen d’environ 37 jours. Ces réservistes représentent pour la Marine de l’ordre de 14 % des effectifs totaux, avec un objectif de 5 969 ESR pour 2021.

Nombre de marins réservistes par catégorie de personnel

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Réalisé au 30/06/2021

Objectifs 2021

Officiers

1 358

1 522

1 572

1 700

1 791

1 168

1 951

1 765

Officiers mariniers

2 107

2 219

2 490

2 801

3 053

2 773

2 179

2 734

Quartiers-maîtres et matelots

1 206

1 440

1 336

1 502

1 408

936

1 005

1 470

Total

4 671

5 181

5 398

6 003

6 252

5 377

5 135

5 969

Source : ministère des Armées

 

Le volume de ces contrats (5 377 au 31 décembre 2020) est en nette baisse par rapport à 2019 (6 252 ESR) (- 14 %, soit -10 % de la cible). Cette inflexion encore perceptible début 2021 s’explique entre 2019 et 2020 par la diminution de la masse salariale consommée par la réserve (de 29 M€ en 2019 à 21,90 M€ en 2020) pour un meilleur respect du budget attribué et par la crise sanitaire qui a limité les convocations et les activités des réservistes.

 

CRÉDITS DE RÉMUNÉRATION

CONSACRES A LA RÉSERVE OPÉRATIONNELLE DE LA MARINE NATIONALE

en millions d’euros

En M€

2015

2016

2017

2018

2019

2020

LFI 2021

Rémunérations brutes

(part indiciaire et part indemnitaire)

12,94

14,84

17,40

23,20

22,93

22,93

23,7

Mesures d’attractivité - Prime de fidélité

 

 

 

0,17

0,23

0,07

0,1

Mesures d’attractivité - Permis de conduire

 

 

 

0,28

0,26

0,03

0,0

Mesures d’attractivité - Allocation spécifique d’étude

 

 

 

0,44

0,40

0,11

0,2

Sous-total - Mesures d’attractivité

 

 

 

0,89

0,89

0,21

0,3

Total

12,94

14,84

17,40

24,09

23,98

23,14

23,9

Source : ministère des Armées
Les montants sont exprimés hors cotisations patronales.

  1. Les dépenses d’équipement

Conformément aux prévisions de la loi de programmation militaire visant à la remontée en puissance de la marine, le projet de loi de finances pour 2022 pourvoit au financement d’un ambitieux plan de commandes et de livraisons, ainsi qu’à l’entretien programmé des matériels.

Le tableau suivant présente les principales commandes et livraisons prévues pour la marine nationale en 2022.

Principales commandes et livraisons destinées à la marine POUR 2022

Programme 146

2022

Commentaires

Action Sous- action

 

Programmes

 

Commandes

 

Livraisons

8

45

HIL

0

([11])

Livraison du premier H160-B de la flotte intérimaire en 2022.

8

56

Flotte logistique

0

1

Livraison bâtiment ravitailleur de forces n° 1 (Jacques Chevallier)

9

56

MDCN

0

3ème lot BARRACUDA

Livraison du 3ème lot de missiles pour BARRACUDA

 

9

 

61

 

PDL NG

 

0

 

15

Réaménagement du calendrier de livraison en 2019.

Pods communs air et marine.

9

61

RMV SCALP EG

0

80

Livraisons de missiles rénovés (missiles communs air et marine)

9

69

ARTEMIS Torpille lourde

0

4ème et 5ème

lots

 

 

9

 

71

 

EXOCET

 

0

 

25

Livraison 25 missiles MM40 Block 3C, dont 4 missiles reportés de 2021 à 2022. Ce report

s’explique par un aléa de développement.

9

73

FREMM –FREMM DA

0

1

Seconde FREMM DA (Lorraine)

9

73

INFRA FREMM

1

 

 

9

74

BARRACUDA

0

1

Livraison du SNA de type « Suffren » n° 2 (Duguay- Trouin)

9

79

RMV FLF

0

1

Livraison FLF rénovée n° 2

9

85

SLAMF

0

1 + 1

Livraison MLCM ([12])  + SEDGM ([13])

9

86

ATL2 rénovation

0

4

10ème ATL2 Rénové

10

76

MICA

0

50

Remotorisation - Missiles communs air et marine.

10

76

MIDE

0

30

Missiles communs air et marine

Source : ministère des Armées

  1. L’investissement dans le maintien en condition opérationnelle des équipements

Le directeur central du service de soutien de la flotte (SSF), maître d’ouvrage délégué pour les opérations de maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements navals, a confirmé au rapporteur pour avis que les crédits correspondent à la trajectoire définie par la programmation militaire et sont cohérents avec les besoins de la Marine.

Cependant, les effets des efforts portés sur l’entretien ne se manifestent que sur le moyen terme. L’accroissement de l’activité opérationnelle ne devrait ainsi se traduire dans les indicateurs de performance qu’à compter de 2023, en réponse à la trajectoire croissante des crédits de paiement programmés entre 2019 et 2023.

De surcroît, au vieillissement des parcs se rajoutent des retards importants sur les programmes futurs, nécessitant de reporter le retrait de service actif des unités anciennes, dont la disponibilité moindre handicape la bonne réalisation de l’activité. Le retard du programme Barracuda, par exemple, implique de prolonger les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Rubis au-delà de ce qui était prévu (jusqu’à 38 ans, pour une durée de service initiale de 25 ans). L’arrivée des bâtiments neufs (2ème FREMM DA en 2021 et en 2023) devrait maintenir la dynamique de remontée de l’activité à partir de 2023.

Pour ce qui concerne les SNA, la disponibilité technique reste très irrégulière compte tenu de la diminution du parc (retrait de service du Saphir à l’été 2019), de l’ancienneté de ces unités et des aléas rencontrés. La prolongation du SNA Rubis jusqu’en 2023 doit néanmoins permettre de limiter l’impact opérationnel du décalage de la livraison des premiers sous-marins Barracuda sur cette composante. L’incendie du SNA Perle est sans impact sur la disponibilité en 2021 (ce SNA était prévu en arrêt technique majeur durant toute l’année 2021).

La ressource en crédits de paiement (CP) en 2022 consacrée au milieu naval hors dissuasion confirme la manœuvre dédiée à l’amélioration de la disponibilité des moyens nécessaires à l’atteinte des objectifs d’activité décrits dans la LPM.

La ressource en autorisation d’engagement (AE) est en forte hausse en regard de 2021. Ceci résulte du renouvellement de plusieurs contrats pluriannuels de MCO des principales unités de la Marine (renouvellement du marché FREMM, de la composante frégates, des bâtiments amphibie) programmés cette année.

Sur la partie dissuasion, suite aux engagements 2021 d’un arrêt technique pour un SNLE, la ressource permet de financer les opérations d’entretien courant de la composante dissuasion.

Concernant les munitions complexes de la Marine (missiles, torpilles, et principal anti air missile système (PAAMS), la ressource en AE et CP en 2022 permet de réaliser l’entretien primordial de nos équipements. Les engagements réalisés avant 2021 pour la rénovation des missiles EXOCET et ASTER ont fortement réduit les besoins d’engagement 2021 sur les munitions. Les AE 2022 sont en augmentation car il faut renouveler les contrats de MCO des ASTER et des torpilles.

L’aéronautique navale se caractérise par un nombre important des parcs à entretenir (aéronefs nouveaux, parcs vieillissants, micro-flottes de quelques appareils). Depuis 2015, l’évolution des crédits a permis globalement de stabiliser le taux de disponibilité technique, mais avec un risque élevé d’aléas, en particulier sur les flottes anciennes.

Face à cette situation, l’application de la décision relative au plan de transformation du MCO aéronautique a débuté en avril 2018, avec la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) et la signature de contrats globaux et pluriannuels de soutien dédiés. Ainsi, les flottes Rafale, Dauphin-Panther (hors moteur), Atlantique 2, Falcon 50 et Gardian bénéficient de contrats « verticalisés ». La mise en place de tels contrats pour les principales flottes doit se poursuivre avec un marché d’entretien des moteurs d’hélicoptères et une première phase de verticalisation du soutien pour le matériel d’environnement en 2022.

Ces contrats globaux, engageant les industriels et l’État sur plusieurs années, idéalement cinq à dix ans, reposent sur des objectifs de performance assortis d’obligations de résultat. Ils visent un redressement de la disponibilité des matériels les plus critiques, qui constituera le socle indispensable à la remontée d’activité à l’horizon 2023. La ressource financière dédiée à l’EPM de la composante aéronautique navale en 2021 ainsi qu’en 2022 demeure légèrement supérieure au niveau 2020 (+3 % en CP), en raison, d’une part, du coût de soutien intrinsèquement élevé des aéronefs de nouvelle génération à très forte plus-value opérationnelle (Rafale M, NH90 Caïman) et, d’autre part, d’une forte augmentation du coût de soutien des aéronefs vieillissants, frappés d’obsolescences parfois majeures.

Le vieillissement prononcé de la flotte Alouette III et le coût prohibitif de son MCO ont conduit la Marine à remplacer progressivement cet aéronef par une flotte intérimaire d’hélicoptères de location (classe Dauphin), en attendant l’arrivée dans les forces du HIL.

Pour 2022, la ressource mise en place en CP reste en adéquation avec les objectifs de la LPM, visant une amélioration de la disponibilité des moyens dans un premier temps, afin de prendre en compte, à compter de 2023/2024, une phase de montée en puissance de l’activité aérienne.

En conclusion, les ressources consacrées au maintien en condition opérationnel des équipements naval et aéronaval sont actuellement conformes aux prévisions de la LPM. Une remise en cause de ces ressources déséquilibrerait le MCO de la marine, déjà sous tension, et ne permettrait pas de conserver le modèle actuel optimisé ni de remplir l’objectif de remontée de l’activité.

Le tableau suivant présente l’évolution des dépenses de MCO :

Évolution des dÉpenses de MCO DES ÉQUIPEMENTS DE LA MARINE DEPUIS 2017

Les crédits destinés au maintien en condition opérationnelle (hors RCS ([14]) ) des équipements de la Marine correspondent aux opérations stratégiques (OS) « Entretien programmé des matériels » (EPM) et « Dissuasion ».

 

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Libellé sous-action

Titre

OS

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Maintien en condition opérationnelle du matériel des forces navales

3

EPM naval

691

682

919

830

1 114

853

1 688

884

637

880

1907

904

EPM aérien

658

553

569

569

2 423

607

1 751

592

1 628

608

1 122

667

EPM terrestre

 

 

4

4

8

8

8

8

12

12

12

12

Total EPM

1 349

1 235

1 492

1 403

3 545

1 468

3 447

1 483

2 277

1 500

3 041

1 584

Dissuasion

133

323

497

386

1 115

426

197

444

658

407

227

465

Total DIS

133

323

497

386

1 115

426

197

444

658

407

227

465

Total général

1 482

1 558

1 989

1 789

4 660

1 894

3 644

1 927

2 935

1 907

3 268

2 049

Source : ministère des Armées

 

2.2.     Le maintien de la trajectoire de la programmation militaire : clef de voûte de la remontée en puissance de la Marine

La loi de programmation militaire est ambitieuse pour la marine, puisqu’elle prévoit une modernisation et un renouvellement des équipements, ainsi qu’une hausse significative des recrutements. Lorsque la loi a été adoptée en 2018, elle était déjà un outil indispensable pour la régénération des capacités de la Marine.

2.2.1.                L’accélération du plan Mercator 2021

2.2.1.1.    La mise en œuvre du budget 2021

  1. Les commandes et les livraisons

Le tableau ci-après présente les principales commandes et livraisons de la Marine nationale qui se sont tenues en 2021.

Principales commandes et livraisons DE la marine EN 2021

Programme 146

2021

Commentaires

Action Sous- action

 

Programmes

 

Commandes

 

Livraisons

8

45

HIL

0

2*

Livraison du premier H160-B de la flotte intérimaire en 2022.

8

56

Flotte logistique

0

1

Livraison bâtiment ravitailleur de forces n°1

(Jacques Chevallier)

9

56

MDCN

0

3ème lot BARRACUDA

Livraison du 3ème lot de missiles pour BARRACUDA

 

9

 

61

 

PDL NG

 

0

 

15

Réaménagement du calendrier de livraison en 2019.

Pods communs air et marine.

9

61

RMV SCALP EG

0

99

Livraisons de missiles rénovés (missiles communs air et marine)

9

69

ARTEMIS Torpille lourde

0

4ème et 5ème

lots

 

 

9

 

71

 

EXOCET

 

0

 

25

Livraison 25 missiles MM40 Block 3C, dont 4 missiles reportés de 2021 à 2022. Ce report

s’explique par un aléa de développement.

9

73

FREMM – FREMM DA

0

1

Seconde FREMM DA (Lorraine)

9

73

INFRA FREMM

1

 

 

9

74

BARRACUDA

0

1

Livraison du SNA de type « Suffren » n°2 (Duguay- Trouin)

9

79

RMV FLF

0

1

Livraison FLF rénovée n°2

9

85

SLAMF

0

1 + 1

Livraison MLCM1 + SEDGM2

9

86

ATL2 rénovation

0

3

6 ATL2 rénovés

10

76

MICA

0

50

Remotorisation -  Missiles communs air et marine.

10

76

MIDE

0

30

Missiles communs air et marine

Source : ministère des Armées

* Afin d’éviter une rupture capacitaire, liée au retrait en service des Alouette III dès 2022, la loi de programmation militaire 2019-2025, prévoit la mise en place d’une flotte intérimaire d’une quinzaine d’hélicoptères légers, en attendant la livraison du premier Guépard. Ainsi 4 hélicoptères H160 ont été commandés en 2020 et 2 hélicoptères supplémentaires en 2021.

L’accélération du « Plan Mercator »

Pour faire suite au vote par la représentation nationale de la loi de programmation militaire 2019-2025, le chef d’état-major de la Marine a défini ses grandes orientations dans le plan stratégique MERCATOR paru en 2018. Il se déclinait en 4 grands axes : une marine d’emploi qui navigue sur toutes les mers du monde, une marine de combat qui s’appuie sur un entraînement poussé, une marine en pointe qui innove pour conserver l’ascendant sur l’adversaire et, enfin, une marine qui compte sur chacun.

Depuis sa parution, les tensions géopolitiques se sont amplifiées et le rythme des mutations stratégiques a augmenté.

Premièrement, plusieurs faits témoignent du retour des politiques de puissance. Le réarmement est général et la confrontation s’intensifie comme en témoignent l’emploi désinhibé de la violence, les démonstrations de force et les opérations en zones grises. En sus, l’affaiblissement du multilatéralisme, le non-respect des traités, l’utilisation partisane ou le contournement des organisations internationales et la politique du fait accomplit participent au mépris croissant du droit international. Enfin, les champs de conflictualité, notamment l’espace exo-atmosphérique, le milieu cybernétique, l’information publique et les fonds marins, s’étendent.

Deuxièmement, le changement climatique et ses conséquences sur les populations humaines sont de plus en plus perceptibles. Les phénomènes climatiques extrêmes se font plus fréquents et plus violents, tandis que les perspectives d’ouvertures de nouvelles routes maritimes attirent les convoitises et attisent les conflictualités.

Troisièmement, la crise sanitaire a brutalement révélé les fragilités de la mondialisation et des interdépendances associées et a accéléré la bascule des équilibres vers l’Asie.

Pour la Marine, cette accélération se traduit par le retour plausible du combat naval, et donc par la nécessité :

- d’être prête à remporter un affrontement de haute intensité ;

- d’opérer dans un spectre élargi de domaines de lutte (terre, air, mer, espace exo-atmosphérique, cyberdéfense, fonds marins, champs informationnel et électromagnétique)

- de poursuivre son intégration aux autres armées et son interopérabilité avec les Alliés ;

- d’accroître ses efforts pour intégrer et mettre en oeuvre des technologies toujours plus évoluées ;

- de renforcer sa résilience, tant matériellement qu’humainement ;

- de s’appuyer sur des marins aguerris capables de faire face à l’imprévu et développant tous leurs talents. Au-delà de la technologie, le facteur humain constitue probablement le principal défi à relever : c’est là que réside la clef du succès. Pour ce faire, la Marine poursuit son ambitieuse politique de recrutement, qui porte déjà ses fruits. Elle doit également assurer la génération de compétences de plus en plus complexes. Elle continue, enfin, à développer des outils de fidélisation (renforcement du Plan Famille, mise en place de la nouvelle politique de rémunération des militaires – NPRM -, amélioration des infrastructures d’hébergement, conciliation vie privée /vie professionnelle, etc.).

Face à ces évolutions franches, le chef d’état-major de la Marine a décidé d’accélérer la mise en oeuvre du plan Mercator, qui s’articule désormais autour de trois axes majeurs se déclinant en neuf grands projets à engager dès l’année 2021 :

Axe n° 1 « Marine de combat » (objectifs opérationnels) :

- Projet 1.1 : intensifier la préparation opérationnelle tout en accélérant la révision des concepts et des tactiques ;

- Projet 1.2 : intégrer les nouveaux domaines de lutte au combat naval ;

- Projet 1.3 : stimuler la réflexion stratégique.

Axe n° 2 « Marine en pointe » (objectifs capacitaires) :

- Projet 2.1 : accélérer la prise en compte de l’innovation et développer les partenariats ;

- Projet 2.2 : accélérer la numérisation de la Marine ;

- Projet 2.3 : anticiper la Marine du futur.

Axe n° 3 « Marine de tous les talents » (objectifs RH) :

- Projet 3.1 : renforcer la force morale, le leadership et le savoir-être de chaque marin ;

- Projet 3.2 : moderniser les capacités de formation et le développement des compétences ;

- Projet 3.3 : rénover la gestion des ressources humaines.

« Mercator Accélération 2021 » vise ainsi à donner une nouvelle impulsion et un cap compris, partagés et appliqués par tous, dans une logique de subsidiarité. Si les défis sont nombreux, notamment en termes de RH, l’atteinte de ces objectifs est essentielle pour ne pas risquer d’être déclassé face à nos principaux compétiteurs.

Source : ministère des Armées

  1. Le rapport Malcor : la modernisation du service de soutien de la flotte

Créé en 2000 au sein de la Marine nationale, le service de soutien de la flotte (SSF) comprend une direction centrale à Paris, des directions locales à Brest et à Toulon, et cinq antennes à Cherbourg et outremer (Antilles/Guyane, La Réunion, Nouvelle Calédonie, Polynésie française), rattachées à la direction locale de Brest.

Responsable du maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements de la Marine, le chef d’état-major de la Marine nationale, par délégation du chef d’état-major des Armées, a en outre la responsabilité et le contrôle de la performance du MCO naval. La mission du SSF, maître d’ouvrage délégué, est de garantir aux armées un niveau de disponibilité technique pour l’ensemble des moyens de son périmètre, compatible avec les objectifs fixés pour l’activité opérationnel.

Découlant des pistes proposées dans le rapport d’audit remis en décembre 2018 par M. Jean-Georges Malcor, quatre axes de modernisation ont été identifiés.

 

 

 

 Premier axe : l’adaptation de la gouvernance du MCO naval

Le rapport notait l’importance du renforcement de la présence du SSF dans les échanges avec ses partenaires étatiques et industriels et la place centrale qu’il occupe en interface avec les parties prenantes dont il doit fédérer les énergies.

La coordination entre le SSF et le service d’infrastructure a été formalisée au travers d’un protocole établi en décembre 2019. Il concrétise la volonté de fluidifier les échanges aux interfaces entre le maintien en condition opérationnelle et les infrastructures portuaires dans « une logique d’écosystème complet » tel que préconisé par le rapport de M. Malcor.

Parallèlement, le rapport recommandait également d’« impliquer plus le SSF dans tous les stades des programmes avec une capacité à peser sur les décisions comprenant un pouvoir d’arbitrage » afin de renforcer le continuum opérations d’armement. Le SSF et la DGA ont défini une stratégie commune pour la contractualisation des périodes de MCO initial. Plus largement, les décisions opératoires issues des groupes de travail conjoints ont été mises en application.

Dans un souci de cohérence de la filière RH du MCO naval, le rapport appelait le basculement, de la DGA vers la Marine, des fonctionnaires, contractuels et ouvriers de l’État du SSF.

Enfin, une note descriptive accompagnée d’un éclairage sur les marchés de MCO en cours a été mise en ligne sur la page Internet relative au SSF du site du ministère des armées afin d’éclairer les entreprises sur la stratégie industrielle mise en œuvre par le SSF.

 Deuxième axe : l’innovation appliquée au domaine du MCO naval

Le SSF a mis en place une organisation interne et un chargé de l’innovation pour piloter et structurer les innovations intéressant le MCO naval. Dans ce cadre, de nombreuses expérimentations ont été menées et sont en cours, notamment dans les domaines de la maintenance prédictive et de la fabrication additive.

Concernant la fabrication additive, les expérimentations réalisées à bord des bâtiments et au sein des ateliers du service logistique de la Marine ont été renforcées depuis 2020 par la fabrication et le contrôle de pièces de rechange plus compliquées. L’analyse de ces différents résultats a permis de poser les premières bases d’une stratégie d’emploi de ce procédé de fabrication.

Dans le domaine de la maintenance prédictive, les données d’exploitation collectées à bord de premiers bâtiments sont en phase d’analyse afin d’identifier les modulations pouvant être envisagées sur l’échéancier de contrôle de ces installations. En parallèle, le processus étatique de collecte des données d’exploitation des bâtiments de soutien et d’assistance métropolitain est désormais établi.

Ces données feront l’objet d’un marché d’analyse auprès d’industriels spécialisés afin d’évaluer l’éligibilité de ces bâtiments aux principes de la maintenance prédictive dans un contexte de mise en concurrence.

Afin d’intégrer tous les apports de la digitalisation du domaine, cette démarche incrémentale d’expérimentations s’accompagne d’une réflexion globale autour du système d’information du MCO naval et de la gestion des données d’exploitation et de maintenance. Cette réflexion s’est traduite par l’édition d’une trajectoire système d’information (SI) du MCO naval en 2020.

Troisième axe : l’évolution du service logistique de la Marine (SLM) à l’horizon 2025

Reconnaissant que la configuration actuelle, de « positionnement du SLM en-dehors du SSF » méritait d’être conservée, M. Malcor recommandait toutefois de :

1. « Raccourcir les boucles d’échange »

Un travail a été conduit sur les processus SSF et SLM afin d’améliorer le dialogue et les liens fonctionnels entre les deux entités. Ce travail inclut la définition et la valorisation des compétences voulues dans l’« assurance technique étatique » fournie par le SLM. Le renforcement du lien entre maîtrise d’ouvrage déléguée et maîtrise d’œuvre étatique devrait permettre de gagner dans certains domaines en délais de traitement et réactivité. Cela devrait aider notamment à fluidifier les approvisionnements logistiques hors contexte opérationnel (par exemple à l’entrée en arrêt technique) et ainsi limiter le nombre ou la durée des indisponibilités non programmées consécutives à un manque de rechanges ou d’approvisionnement.

2. « Rationaliser les organisations du SLM entre Brest/Toulon et intégrer l’atelier militaire de Cherbourg »

Les études prospectives sur le positionnement du SLM à l’horizon 2025 et sur la modernisation du MCO naval permettent de confirmer plusieurs optimisations visant à fermer certains ateliers ou à réduire le périmètre de leurs activités, en contrepartie de quoi des marchés externalisés devront être notifiés pour couvrir le besoin. Au bilan, les chantiers entrepris permettent de mieux centrer le SLM sur son cœur de métier et d’accroître ainsi sa compétence technique dans les domaines conservés, tout en opérant un gain de productivité. Le changement de statut de l’atelier militaire de soutien (AMS) de Cherbourg en une formation administrative « SLM Cherbourg » est intervenu en septembre 2020.

3. « Améliorer la formation globale de l’équipage sous couvert de la poursuite d’un renforcement du lien avec les ateliers du SLM pendant les arrêts techniques »

La finalité du compagnonnage est d’augmenter la résilience des équipages à la mer et au combat, et d’aider à la production du SLM dans le soutien des unités en arrêt technique. Un travail exhaustif a été mené pour quantifier le besoin d’appui à la pratique, en complément de formations dispensées par ailleurs, des marins embarqués au sein du SLM. Cela est traduit dans un protocole entre ALFAN et le SLM, ainsi qu’au sein de la liste des compétences à acquérir par les équipages.

4. « Doter le SLM d’une comptabilité analytique (même imparfaite) qui lui permettra de faire un suivi prévisionnel de ses coûts »

Pour le SLM, les principes de cette comptabilité analytique ont été fixés dans une directive en juillet 2019. Elle permettra dans un premier temps d’estimer et suivre les coûts de fonctionnement des ateliers du SLM et, dans un second temps, d’établir le coût de certaines prestations relatives au MCO naval et réalisées par les ateliers.

La production d’une comptabilité analytique pour le MCO naval a été officiellement lancée le 10 juillet 2020.

– Quatrième axe : la mise en place d’une formation « MCO maritime »

« Le compagnonnage, […] doit être complété par une politique de formation ambitieuse et pourquoi pas diplômante pour prendre en compte l’évolution des métiers »

Si cela ne peut être exprimé à ce stade que sur un mode qualitatif et a priori, la mise en place d’une telle formation a pour objectifs principaux de :

  1. Développer l’influence de la France à l’international et valoriser nos méthodes et savoir-faire (expertise nationale en intégrant les caractéristiques des modèles internationaux) ;
  2. Diffuser une vision et une expertise commune aussi bien au sein de l’État qu’avec les industriels, au travers de partage d’expérience et de mise en réseaux ;
  3. Consolider en interne un corpus commun des savoir-faire sur l’ensemble du domaine MCO.

La direction du personnel de la Marine a mandaté l’École navale pour mettre en place, avec l’aide de l’École nationale supérieure de techniques avancées Bretagne (ENSTA Bretagne), un mastère spécialisé « MCO maritime ». Ce mastère repose sur 6 mois de cours à l’École navale ou à l’ENSTA.

La prospection effectuée en parallèle a permis d’identifier une dizaine de pays susceptibles d’être intéressés.

2.2.1.2.    La résilience de la Marine se heurte à des fragilités capacitaires identifiées

Depuis 2000, de grands programmes d’armement ont renouvelé les moyens hauturiers de la Marine nationale. Les mises en service du porte-avions (PA), des trois porte-hélicoptères amphibies (PHA), des frégates de défense aérienne (FDA) puis des frégates multi-missions (FREMM) ont permis de conserver les capacités d’une Marine océanique, capable de se déployer loin et longtemps pour mener des actions de haute intensité. Le passage du groupe aérien au « tout Rafale », la mise en œuvre pour la première fois du missile de croisière naval en 2018 depuis une frégate, ainsi que les opérations de lutte contre Daech au Levant soulignent ces capacités.

Des fragilités demeurent pourtant dans des secteurs essentiels mais moins en vue. Il en résulte des réductions temporaires de capacité (RTC) bien prises en compte et que les programmes lancés ou en cours de lancement amèneront à résorber à l’horizon 2030.

2.2.1.2.1.               Les moyens de surveillance de nos approches maritimes connaissent des réductions temporaires de capacité

Le segment des patrouilleurs est particulièrement touché. En métropole, les patrouilleurs de haute mer (PHM) sont progressivement retirés du service depuis 2018 sans être encore remplacés. Les six navires restant ont tous entre 37 et 40 ans et, après des années de navigation, leurs structures présentent des fragilités imposant de fixer des limites de navigation et de vitesse en fonction de l’état de la mer.

Ces bâtiments concourent à la surveillance en profondeur de nos approches et participent directement au soutien de la dissuasion comme escorteurs d’accompagnement des sous-marins   nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) basés à l’Ile Longue. Leur remplacement, ainsi que le remplacement des patrouilleurs de service public (PSP), est prévu dans le cadre du programme de patrouilleur océanique (PO – dix unités prévues entre 2025 et 2030). La situation se résorbera à l’horizon 2030 avec la livraison des derniers PO.

Outre-mer, le retrait de service progressif depuis 2009 de l’ancienne génération de patrouilleurs (type P400) a engendré une RTC chronique depuis 2011, que la mise en service des trois patrouilleurs Antilles Guyane (PAG),     dont un ajouté par la LPM 2019-2025 et déjà admis au service actif, n’a que très partiellement comblée. Il manque actuellement 3 patrouilleurs par rapport au format 2030 qui en prévoit 9 en outre-mer. Le programme de construction de six patrouilleurs outremer, lancé en 2020, est fondamental pour retrouver une capacité crédible de surveillance de nos ZEE ultramarines en océan Indien et dans le Pacifique. Il comblera la RTC outre-mer à l’échéance de 2025.

2.2.1.2.2.               Une capacité de projection restreinte par le nombre de bâtiments ravitailleurs

Les désarmements de la Meuse en 2015 et du Var cette année engendrent une RTC. Les successeurs de ces bâtiments de commandement et de ravitaillement (BCR), les quatre bâtiments ravitailleurs de force (BRF), doivent être livrés entre 2022 et 2029 : la RTC va donc rester à 50 % jusqu’en 2027 et ne sera résorbée complètement qu’une fois le dernier BRF admis au service actif, en 2029. Cela engendre des fragilités opérationnelles et organiques.

En opérations, la RTC limite la capacité à opérer de façon autonome loin d’un point d’appui portuaire. Si une force navale est déployée sans ravitailleur national, elle dépend des ravitailleurs alliés pour rester à la mer ou est contrainte d’augmenter la fréquence des escales techniques pour ravitailler. Cela diminue le temps de présence dans la zone d’opérations. D’un point de vue organique, la RTC de ravitailleurs réduit les opportunités d’entraînement des unités au ravitaillement à la mer, manœuvre délicate nécessitant un entretien des compétences régulier pour être maîtrisée et réalisée en sécurité. Sur le long terme, c’est le maintien du savoir-faire qui est en jeu.

2.2.1.2.3.               Des capacités de guerre des mines soumises à des réductions temporaires de capacité inhérente à l’âge des chasseurs de mines « tripartites »

Le format permettant de tenir le contrat opérationnel s’établit à onze chasseurs de mines afin d’intervenir en soutien de la Force océanique stratégique (FOST) et du groupe aéronaval constitué autour du Charles-de-Gaulle, en protection de nos grands ports maritimes métropolitains, en appui d’une opération amphibie, en soutien d’une opération aéromaritime nécessitant une ouverture d’un détroit miné et conformément à nos accords de défense avec des pays amis. Ce format est actuellement réduit à dix chasseurs de mines. Leur renouvellement est engagé par la réalisation d’une combinaison associant systèmes de drones et bâtiments porteurs, le système de lutte anti-mines futur (SLAM-F). Les premiers drones devraient être opérationnels en 2024.

2.2.1.2.4.               Des stocks de munitions en voie de consolidation

Le plan stratégique Mercator décline, pour la Marine, la loi de programmation militaire 2019-2025.     Il comporte un axe « Marine de combat ». En raison du durcissement des opérations en mer, il est nécessaire de retrouver un niveau d’entraînement permettant aux équipages de faire face aux actions de haute intensité. Cet aguerrissement se traduit notamment par la volonté d’intensifier la pratique du tir à la mer, quantitativement et qualitativement. L’objectif est de tirer une munition complexe (missile ou torpille) par bâtiment au moins tous les deux ans. Le principal frein à la mise en œuvre de cette politique volontariste demeure le manque de munitions d’entraînement, lui-même causé par des stocks de munitions de combat réduits.

2.2.1.2.5.               Une solution provisoire pour faire face à un manque d’hélicoptères légers

Le segment des hélicoptères légers dans la Marine est dans une situation délicate. En effet, le parc est en partie constitué d’appareils très anciens comme les Alouette III qui seront toutes retirées du service en 2022. La Marine a donc choisi de se doter d’une « flotte intérimaire » (FI), permettant de limiter la RTC en attendant l’arrivée en service de l’hélicoptère interarmées léger (HIL) en 2029. Pour la FI, la Marine a recours à un contrat de location de deux types d’appareils : des H160-B, basés à terre, pour réaliser les missions de service public et de sauvetage en mer et des Dauphin qui seront « navalisés » pour être embarqués sur les frégates.

2.2.1.2.6.               Un renouvellement bienvenu des capacités

Le renouvellement des sous-marins nucléaires d’attaques (SNA) est désormais lancé : le Suffren, premier des SNA de type Barracuda, réalise ses essais depuis le 1er semestre 2020. Une attention toute particulière doit être portée au respect du calendrier des livraisons suivantes pour ne pas aggraver la RTC consécutive au désarmement du Saphir en 2019. Le programme AVSIMAR (avion de surveillance et d’intervention maritime) est destiné à renouveler le segment aérien de la sauvegarde maritime, constitué actuellement des Falcon 200 Gardian et Falcon 50 M. Ces aéronefs sont anciens, et leur remplacement s’impose dès 2025 pour assurer une capacité minimum à surveiller nos approches maritimes et notre ZEE et à y intervenir, notamment en cas de naufrage et de pollution maritime, événement survenant régulièrement dans nos zones de responsabilités.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2.2.2.                2022, année pivot pour la Marine nationale

2.2.2.1.    Une priorité donnée aux programmes d’armement et d’innovation

2.2.2.1.1.               Les préconisations de la Marine sur les programmes d’armement à accentuer dans une perspective de long terme

La LPM 2019-2025 a vocation à consolider le modèle d’une Marine océanique via des programmes renouvelant plusieurs de ses composantes.

En 2025, l’ossature de la Marine sera constituée : de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (durant la LPM, lancement du programme SNLE 3G de renouvellement de la composante océanique de la dissuasion) et six sous-marins nucléaires d’attaque (dont trois de type Barracuda en service en 2025) ; d’un porte-avions nucléaire avec son groupe aérien embarqué, de trois porte-hélicoptères amphibie, de quinze frégates (fin du programme de frégates multi-missions (FREMM), réalisation du programme de frégates de défense et d’intervention (FDI) et des hélicoptères de combat aéromaritime qui en renforcent l’efficacité ; d’avions de patrouille maritime rénovés pour faire face à la résurgence de la menace sous-marine (rénovation de 18 Atlantique 2) ; de moyens de protection, de surveillance et de soutien dans nos approches ou en haute mer : six patrouilleurs outremer (POM) pour les DOM/COM, disposant de drones aériens embarqués, quatre bâtiments de soutien et d’assistance métropolitain (BSAM) et quatre outre-mer (BSAOM) ; de moyens de guerre des mines (lancement du programme de système de lutte anti-mines du futur, SLAM-F) ; d’une dotation de munitions en phase de reconstitution, pour tendre à un objectif cohérent avec les missions de ces unités de combat et l’évolution des tensions constatée. D’autres programmes de renouvellement seront en phase de réalisation : ce sera notamment le cas du programme de patrouilleurs océaniques (PO), du programme de bâtiments ravitailleurs de force (BRF) et du programme d’avion de surveillance et d’intervention maritime (AVSIMAR). La réalisation de la LPM et des programmes d’armement associés permettra à l’horizon 2030 de garantir à la Marine des capacités équilibrées permettant de mieux faire face aux enjeux à venir qu’aujourd’hui. À ce jour, certaines capacités sont en effet en-deçà de l’ambition 2030, générant des réductions temporaires de capacité (RTC) que l’effort engagé dans le cadre de la LPM comblera progressivement.

Dans le cas où des ressources supplémentaires le permettraient, l’accélération de l’effort consacré à certains programmes permettrait de résorber plus rapidement ces fragilités capacitaires.

Les frégates de surveillance seront remplacées au début de la prochaine décennie par des corvettes hauturières. Actuellement, les premières commandes sont prévues en 2031 alors que les premiers retraits de service actifs des frégates de surveillance de type Floréal sont prévus en 2030. Le calendrier de remplacement pourrait donc être utilement anticipé pour éviter une réduction temporaire de capacité outre-mer entre 2030 et 2036, dans les zones les plus touchées par le retour des logiques de puissance en mer, et alors même que l’actualisation stratégique de 2021 plaide pour que le dispositif outre-mer intègre désormais tout le spectre de conflictualité, jusqu’à la compétition entre puissances.

La flotte de Rafale de l’aéronautique navale a fait l’objet des premières livraisons en 2000. Le parc est aujourd’hui vieillissant, il serait donc opportun d’assurer son renouvellement sans attendre la limite de maintien en service des cellules pour éviter tout « effet falaise ».

La situation des patrouilleurs en métropole sera critique avec une RTC marquée entre 2025 et 2030 : l’accélération des commandes et livraisons des patrouilleurs océaniques (PO) permettrait de limiter la durée de la période la plus sensible. La stratégie d’acquisition retenue pour ces unités de second rang permet en effet de confier, si nécessaire, la réalisation à plusieurs chantiers placés sous la supervision d’une maîtrise d’œuvre d’ensemble. Elle autorise donc, d’un point de vue industriel, une accélération.

Le parc des bâtiments de commandement et de ravitaillement (BCR) est descendu à 50 % de l’ambition 2030 avec le désarmement du Var cette année et va rester à ce niveau jusqu’en 2027 malgré l’arrivée des bâtiments ravitailleurs de flotte (BRF) à partir de 2023. Ce programme BRF, en cours de réalisation aux Chantiers de l’Atlantique, pourrait donc opportunément faire l’objet d’une accélération avec un concours de Naval Group et, pour la partie avant, de Fincantieri.

Les capacités de guerre des mines sont également dans une situation difficile en raison de l’âge des chasseurs de mines dit « tripartite » (CMT) qui en constituent le cœur. Ces unités vont être remplacées par une capacité associant des systèmes de drones en l’état de l’art et des unités de surface permettant la projection de ces systèmes « dronisés ». Les dates de livraison de ces nouvelles unités, qui s’étalent jusqu’en 2031, apparaissent tardives au vu du potentiel des CMT, ce qui plaide pour une accélération du calendrier actuel.

Les frégates de défense aérienne Forbin et Chevalier Paul ont été admises au service au début des années 2010 et doivent le rester jusqu’en 2037. Alors que les menaces de missiles modernes croissent, la mise à niveau de leur système d’arme est primordiale pour qu’elles continuent à disposer des capacités permettant d’assurer la protection du porte-avions Charles-de-Gaulle et des autres unités précieuses de la Marine. La refonte à mi-vie des FDA prévue en 2028 et 2029 fait partie des opérations qui gagneraient à être sanctuarisées et étoffées.

Le taux de disponibilité de l’hélicoptère Caïman ne répond pas encore aux objectifs théoriques envisagés au lancement du programme industriel. Il en résulte une montée en puissance de la flotte plus lente qu’espérée, alors même que la 27ème et dernière unité sera livrée à la Marine en 2021. Pour faire face à toutes les sollicitations opérationnelles, en particulier dans le domaine de la lutte anti sous-marine qui voit le retour en force de la flotte sous-marine russe en Atlantique, une augmentation du parc de Caïman de 10 unités permettrait de faire face au besoin opérationnel tout en assurant la capacité à générer les compétences des équipages.

L’accélération du remplacement de certains moyens de la gendarmerie maritime pourrait également être envisagée. Les patrouilleurs côtiers de gendarmerie (PCG) accusent pour certains plus de 40 ans d’âge et font face à une intensification de leur emploi en raison de l’augmentation du phénomène migratoire, notamment en Manche. Le remplacement des vedettes côtières de surveillance maritime va également débuter durant la LPM. L’accélération de ce programme serait aussi de nature à donner plus de résilience à la mission d’action de l’État en mer.

Dans le domaine aéromaritime, l’effort pourrait porter sur le programme AVSIMAR de renouvellement des moyens aériens de surveillance et d’intervention : une accélération des commandes et livraisons serait de nature à soutenir rapidement l’industrie de défense aéronautique française, et cet effort financier pourrait en outre être éligible à un financement de l’Union européenne (fonds européen pour la sécurité intérieure, fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche).

S’agissant de munitions et singulièrement des munitions complexes telles que les missiles intercepteurs surface-air de la famille Aster et les missiles antinavires Exocet MM40 block, les stocks pourraient à profit faire l’objet d’une accélération des calendriers de livraison prenant en compte l’effort de modernisation engagé dans le cadre de l’actuelle LPM.

2.2.2.1.2.               Une politique d’innovation volontariste

La réponse à cette question est composée de deux parties : la première relative à la loi de programmation militaire (LPM), la seconde, sur les mesures prises et le matériel en cours de développement.

  1. L’accent mis par la LPM sur le soutien à l’innovation

Traduction pour la marine par l’augmentation significative des budgets alloués aux projets d’innovation entre 2018 (date de la création de l’agence de l’innovation de la défense (AID) et 2021. Le montant global dédié aux projets d’innovation Marine est ainsi passé de 1 M€ en 2018 à 5 M€ en 2021.

Cette augmentation complète les dispositifs préexistants comme les études d’état-major « OPM 3 », pilotées par la marine nationale sur le P178 ayant vocation à financer l’achat de prestations intellectuelles ou de petits démonstrateurs, dans le cadre d’études simples ou incrémentales à fort apport opérationnel, les programmes relevant du P144 et apporte de nouvelles sources de financement de projets d’innovation Marine via les dispositifs de soutien suivants :

  1. projets d’accélération d’innovation, pilotés par l’AID sur le P144, dont la marine nationale bénéficie à hauteur de 1,50 M€, en moyenne, chaque année ;
  2. projets d’innovation Marine dont le budget annuel délégué par l’AID à la marine nationale est de 500 k€ sur le P144 ;
  3. projets de transformation digitale, pilotés par l’état-major des armées (EMA) sur le P178, dont la marine nationale bénéficie à hauteur de 200 k€, en moyenne, chaque année ;
  4. projets d’innovation et transformation digitale, dont le budget annuel délégué par l’EMA à la marine nationale est de 2 M€.
    1. Les mesures prises par la Marine afin de favoriser l’innovation

L’ensemble de ces dispositifs s’inscrit dans le cadre donné par le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DrOID). Ce dernier, validé par la ministre des Armées et diffusé annuellement, fixe les objectifs stratégiques de l’innovation de défense et les moyens associés à horizon six ans. Il fait l’objet d’une élaboration conjointe entre les états-majors, directions et services, sous pilotage AID. La Marine est ainsi directement impliquée dans les travaux d’orientation de l’innovation au sein du Ministère.

De même, la Marine nationale a mis en œuvre des mesures afin de favoriser l’innovation, en particulier l’innovation technologique.

En premier lieu, la Marine a mis en place une nouvelle organisation de l’innovation en juillet 2019. Cette dernière repose sur des pôles innovation mis en place par les directions, les services les autorités organiques et territoriales ainsi que par l’état-major de la Marine. Elle couvre les champs de l’innovation et de la transformation digitale dans une structure de gouvernance unique, au sein de laquelle les dossiers sont instruits collégialement par un comité innovation et transformation digitale nommé « de Broglie ». L’organisation s’appuie largement sur les moyens du ministère des Armées, principalement l’AID. Elle s’inscrit dans le nouveau cadre ministériel de gouvernance de l’innovation au sein des armées, décrit dans l’instruction ministérielle n° 2067 relative à l’innovation de défense (publiée en mai 2020).

Elle repose également sur une mise en commun des moyens de maquettage/prototypage au service des marins innovateurs, en s’appuyant sur les centres d’expérimentation (CEPN, CEPA 10/S), les labs (Fuscol@b, SLM L@b, Learningl@b, Navyl@b, Aérol@b, Labo numérique de CECLANT), les écoles de la marine nationale, les CENTEX, etc.

L’ensemble constitue le Marine Lab dont l’objectif est de permettre aux marins innovateurs de concrétiser leurs idées dans un cadre maîtrisé.

Elle s’appuie aussi sur le réseau de moyens du ministère : ID Lab de l’AID, partenariats d’innovation de DGA TN tels que GIMNOTE (groupe d’innovation pour la maîtrise navale en opération par la technologie et l’expérimentation) et ORION (organisation pour la recherche et l’innovation opérationnelle navale), etc.

Afin de promouvoir l’innovation et de fédérer la communauté, la Marine a organisé un certain nombre d’évènements à la fois en central et localement :

  1. Hackathons Marine (2017, 2018, 2021), processus créatif sous forme de challenge consistant à réunir une cinquantaine d’étudiants développeurs et à les impliquer dans une programmation informatique collaborative. L’objectif de ces Hackathons est d’améliorer la maîtrise de l’environnement maritime par le traitement de l’information (Big data) ;
  2. Réunions bilatérales entre le pôle ITD et l’état-major de la marine (EMM) et chacun des pôles ITD de la Marine ;
  3. Innovation Participative Tour, présentation du dispositif de soutien à l’innovation participative de l’AID aux marins (09/2020 : ALFUSCO, SLM ; 02/2021 : PEM, commando Hubert, service logistique de la Marine) ;
  4. Plénière du centre d’expertise des programmes navals (CEPN) (06/2021), exposition d’un panel représentatif des différents types d’expertises et de productions du CEPN ;
  5. SOFINS (06/2021), participation du Fuscol@b au stand du MINARM ;
  6. Opération i-naval : innovations du domaine naval de défense, expérimentations et mises en perspectives, évènement organisé conjointement par DGA techniques navales et la Marine (09/2021).

Enfin la Marine s’appuie sur le déploiement d’outils de gestion et de pilotage de l’innovation. Pour cela, la Marine s’est impliquée dans la démarche portée par l’EMA d’acquisition d’une plateforme informatique de recueil et de suivi de projets d’innovation. Cet outil devrait être déployé dans la Marine à compter de l’automne 2021. La Marine expérimente également l’outil utilisé par l’AID, « Startup Flow », permettant le suivi des startups innovantes.

Depuis sa création en août 2018, l’AID a apporté son concours à une trentaine de projets Marine. Les plus emblématiques et représentatifs sont les suivants :

  1. ARIANE, expérimentation de moyens de communication SATCOM en orbite moyenne « MEO » sur PHA ([15]) ;
  2. DRMC@ST, évaluation d’un service de transmissions haute fréquence discrète longue distance ;
  3. HB Hybride, développement d’une motorisation hors-bord hybride avec mode 100 % électrique en basse tension et de forte puissance, en parallèle de la propulsion thermique ;
  4. KEOPS 2 (kit d’élongation opérationnelle à pluralité de services), dispositif permettant la transmission vidéo entre bâtiment mère et embarcations lors de contrôles du trafic maritime ;
  5. EFLYCO, intégration de foils sur l’embarcation des commandos marines ETRACO afin de la rendre plus rapide, plus confortable, plus discrète et de réduire sa consommation ;
  6. ANAIS (analyse des incohérences de situation maritime), développement et expérimentation d’une brique logicielle de centralisation, d’agrégation et de présentation de données maritimes en vue de surveiller la situation et anticiper les risques ;
  7. ZEPHYR-H, système numérique de préparation, d’analyse, de création et de visualisation de diagrammes d’appontage pour hélicoptères.

iii. L’exemple des drones aériens, de surface et sous-marins

Les drones aériens à voilure fixe ou tournante

Les systèmes de drones aériens sont aujourd’hui une lacune capacitaire de la Marine qui ne dispose pas d’une trame complète mais seulement de premières capacités sur certains segments. Or, l’enjeu est de conserver la supériorité informationnelle sur les adversaires et d’acquérir du renseignement aux niveaux stratégique (renseignement), opératif (renseignement de théâtre) et tactique (conduite des opérations, coordination avec les moyens habités). Les ambitions de la Marine en matière de drone aérien à l’horizon 2030 sont décrites dans le plan Mercator : chaque bâtiment et chaque sémaphore devra disposer de son système de drones aériens.

Le programme SDAM, en phase de préparation, vise l’acquisition de 15 systèmes de drones tactiques VTOL pour opérer depuis les bâtiments dotés d’une plateforme aviation. Équipés de plusieurs capteurs, ces drones pourront opérer à une distance allant de 80 à 100 miles nautiques du bâtiment porteur et disposeront d’une autonomie de l’ordre de 10h. À ce jour, dans le cadre d’études de levée de risques, un démonstrateur réalisera une première campagne de vols sur un bâtiment de la Marine nationale en 2022. Le plan de soutien à l’aéronautique adopté par le ministère des armées prévoit l’acquisition d’un deuxième prototype, qui permettra à la Marine de conduire les premières évaluations opérationnelles, de participer pleinement à la définition de la série SDAM.

Le programme SMDM est en cours de réalisation, et permettra de doter les patrouilleurs de haute mer puis les frégates de surveillance d’un mini-drone à voilure fixe ALIACA.

Dans le cadre de la surveillance maritime, les travaux de l’incrément 2 du programme AVSIMAR2 étudient différentes options pour détenir des moyens complémentaires à la flotte d’avions Albatros objet de l’incrément 1 à l’horizon 2030 (mise en œuvre de drones MALE ou tactique à vocation maritime, complément avion, autres systèmes, …).

Les drones sous-marins et de surface

Dans le cadre du programme de renouvellement de la capacité guerre des mines (programme SLAMF) et du programme de renouvellement de la capacité hydrographique et océanographique (programme CHOF), les drones maritimes (de surface et sous-marins) sont appelés à jouer un rôle prépondérant. Dès 2023 pour le programme SLAM-F, ils permettront d’assurer un gain substantiel d’efficacité et également d’éloigner l’homme de la menace. Dès 2027 pour le programme CHOF, les drones maritimes apporteront un gain en productivité des relevés (réduction du temps de travail d’acquisition, autonomie, mise en œuvre avec des états de mer plus sévères, etc.).

La Marine estime que des drones de surface et sous-marins devraient permettre de contribuer à la maîtrise de l’espace aéromaritime et d’y agir, de perturber la compréhension de situation de compétiteurs et de gêner leur action.

2.2.2.2.    La conduite des programmes d’armement reste un point de vigilance

2.2.2.2.1.               Le retour d’expérience sur les programmes d’armement naval

Le programme BARRACUDA est un programme fédérateur, car il fait appel aux savoir-faire de différents sites industriels des deux maîtres d’œuvre Naval Group et TechnicAtome, mais également de nombreuses entreprises partenaires dont Thalès et MBDA.

Le retour d’expérience sur les retards du programme Barracuda, à la suite du décalage des livraisons des sous-marins liés aux étalements décidés lors des lois de programmation militaire de 2009 et 2014 et de retards industriels, porte essentiellement sur deux volets.

Le premier concerne les maîtres d’œuvre, avec la mise en place à partir de 2018 d’une réorganisation du chantier et d’une optimisation de l’ordonnancement des travaux. Sous l’impulsion de la maîtrise d’ouvrage assurée par la Direction générale de l’armement (DGA) et par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Naval Group et TechnicAtome ont ainsi mis en œuvre une série de mesures afin de sécuriser l’achèvement et les essais du Suffren, et renforcer leur maîtrise du calendrier en particulier en mettant en place une organisation intégrée. Cette organisation est dotée de moyens dédiés de montage et d’essais, mais aussi d’une cellule de pilotage renforcée disposant d’une autonomie de décision en matière technique et concrétisée notamment par la présence en son sein d’une équipe d’architectes. Les équipes ont été regroupées sur un plateau technique dédié, localisé à proximité immédiate du navire. Elles bénéficient de processus support réactifs dédiés (circuits courts de confection, plateau conformité, hot-line technique des équipes d’ingénierie système et des technologues). Ces mesures sont capitalisées pour les sous-marins suivants, afin de consolider le calendrier de l’ensemble de la série.

Le second volet concerne la mise en place d’une coordination des actions entre la DGA et la marine nationale, dont le service de soutien de la flotte (SSF), pour le retrait de service des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de type Rubis, en cohérence avec le calendrier des livraisons des SNA de type Suffren. Des mesures ont été prises afin de permettre la prolongation de vie des SNA de type Rubis.

Le programme Barracuda a par ailleurs confirmé la pertinence non seulement de plates-formes d’intégration à terre dédiées, pour permettre de gagner un temps précieux lors de l’intégration à bord et limiter de façon significative le besoin d’essais sur le bâtiment lui-même, mais également des plates- formes d’entraînement essentielles pour préparer les équipages à la prise en main d’un sous-marin moderne avec un grand nombre d’innovations techniques : mâts non pénétrants « tout optronique » remplaçant les périscopes traditionnels, forte automatisation, appareil à gouverner avec des barres en croix de Saint André, mise en œuvre du missile de croisière naval (MdCN), intégration des nouvelles torpilles lourdes F21, etc.

Enfin les commandes des sous-marins n° 5 et 6 ont été adaptées pour définir les modalités de traitement de leurs obsolescences ainsi que les mesures de sécurisation des fabrications de série critiques.

Le MdCN, destiné à l’équipement des frégates FREMM et des sous-marins BARRACUDA a également fait l’objet de retards, dus à des difficultés de mise au point au cours du développement. La qualification a été prononcée fin 2016 après un plan d’actions volontariste piloté par la DGA. À la suite de la livraison des premières munitions début 2017 pour l’équipement des frégates FREMM, la marine nationale a prononcé une première capacité opérationnelle en février 2017.

Ainsi, le retour d’expérience de la première utilisation opérationnelle du système d’arme MdCN sur FREMM en avril 2018 a permis d’identifier des pistes d’optimisation de la mise en œuvre opérationnelle de ce nouveau système d’arme. Ces améliorations, en cours de déploiement, bénéficient aux capacités de frappe dans la profondeur depuis les FREMM et les SNA du programme BARRACUDA.

2.2.2.2.2.               Le suivi des discussions autour des projets phares

2.2.2.2.2.1.  Le système de patrouille maritime future (PATMAR Futur)

Le programme Maritime Airborne Warfare System (MAWS) vise à renouveler les capacités de patrouille maritime françaises et allemandes à l’horizon 2030-2035.

La capacité est actuellement assurée par l’ATL2 pour la France et les P3 Orion pour l’Allemagne.

En avril 2018, les deux pays ont signé une lettre d’intention portant sur le lancement d’un programme commun.

L’hypothèse retenue est de partir d’une future plate-forme habitée existante et de l’adapter pour recevoir un système de mission de patrouille maritime. Une étude industrielle de faisabilité, cofinancée à parts égales par la France et l’Allemagne, est en cours. La part française est financée au programme 144. Elle sera réalisée en deux phases et contractualisée par la DGA. La première phase vise à définir et évaluer des architectures du système de combat. Elle a été notifiée le 27 octobre 2020 à Thales DMS, mandataire, en cotraitance avec German MAWS GbR (groupement constitué des trois sociétés allemandes ESG, Hensoldt et Diehl). La deuxième phase vise à impliquer les avionneurs et à définir les architectures possibles du système MAWS.

MAWS pourrait être compromis par le choix allemand d’abandonner en juin 2020 la rénovation des P-3C Orion qui l’a conduit rechercher une solution intérimaire pour laquelle l’Allemagne a finalement choisi d’acheter 5 avions Boeing P-8A. Cette décision a rompu l’équilibre de la coopération MAWS. La France analyse les suites à donner possibles mais la criticité du biseau ATL2 / MAWS milite pour lancer la phase 2 de l’étude le plus tôt possible en coopération ou en national.

2.2.2.2.2.2.  Le Système de combat aérien futur (SCAF)

Le Système de combat aérien futur (SCAF) sera le système de combat aérien du 21e siècle. Il rassemblera autour d’un nouvel avion de combat polyvalent, d’une famille de drones et d’un cloud de combat, système de systèmes adapté aux menaces aériennes de 2040 et exploitant le potentiel de l’intelligence artificielle, des moyens de combat collaboratif donnant une capacité de démultiplication des effets militaires en travaillant en réseau avec des plateformes aériennes (dites « enhanced legacy fighters »), navales et terrestres. Il devrait être mis en service à l’horizon 2040.

Initiée lors du conseil des ministres franco-allemand en 2017, élargie puis renforcée suite à la signature d’un accord-cadre par la France, l’Allemagne et l’Espagne lors du salon du Bourget 2019, la coopération pour la construction du SCAF s’affirme. Le projet franco-germano-espagnol, appelé « NGWS (next generation weapon system) within a FCAS », se concentre autour d’un aéronef de nouvelle génération complété par des objets aériens inhabités pouvant remplir des missions plus ou moins spécifiques pour remplacer à terme les flottes d’avions de combat Rafale et Eurofighter.

L’accord cadre porte sur les activités de R&T3 et de démonstrations qui s’étendent jusqu’en 2030. La France a été désignée nation leader de ce projet.

Deux types de travaux sont menés pour le projet NGWS :

  1. Des études d’architectures permettant d’établir les exigences du système de systèmes et des objets qui le composent, ainsi que de comparer les différents concepts : ces travaux sont en cours depuis le début de l’année 2019 (pilotées par Dassault, Airbus Gmbh et Indra).
  2. Des études de recherche et technologie (R&T) et un programme de démonstrations confiés pour la France à Dassault, Safran, MBDA et Thales, indispensables pour répondre aux évolutions nécessaires à venir dans le domaine de l’aéronautique de combat. Concernant ces études, la France a identifié sept piliers couvrant l’ensemble des invariants technologiques nécessaires au SCAF (avion de nouvelle génération (NGF), moteur, Cloud de combat, « Remote Carriers », démonstrations des architectures en laboratoire, capteurs et très haute furtivité). Une première partie d’études de R&T (dite phase 1A) a été lancée en février 2020 pour les cinq premiers piliers avec la signature du 2ème arrangement d’application par la France et l’Allemagne pour une durée initiale de 18 mois. L’Espagne a complètement rejoint ces travaux à travers d’un amendement au 2ème arrangement d’application entre États. Les travaux sur les deux piliers restants (capteurs et technologies de furtivité) ont été notifiés aux industriels des trois nations fin 2020. L’ensemble de cette première partie d’étude R&T doit s’achever début 2022. Une deuxième partie d’études R&T (dite phase 1B+2) couvrant la période 2021-2027 et formalisée d’une part par le 3ème arrangement d’application entre les trois États signé le 30 août 2021, et d’autre part un contrat dédié à notifier à l’industrie en 2021.

Une équipe commune de programme, localisée en France et comprenant des représentants de l’Allemagne, de l’Espagne et de la France assure la maîtrise d’ouvrage de NGWS au nom des trois nations.

Le programme n’est pas lancé en réalisation à ce jour, les coûts ne sont pas encore consolidés.

La prochaine phase de travaux, comportant un ambitieux volet R&T en vue de démonstrations en vol, est prévue de démarrer en 2021, comme indiqué supra.

  1. Le système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F)

La France et le Royaume-Uni ont décidé de s’engager dans une coopération bilatérale dans le domaine de la guerre des mines (dénommée MMCM : Maritime Mine Counter Measures) le 2 novembre 2010 lors du sommet franco-britannique de Lancaster House. Le périmètre de la coopération défini dans l’arrangement-cadre franco-britannique couvre la définition, la fabrication et l’évaluation d’un prototype fondé sur un système de drones déployable à partir de bâtiments porteurs ou depuis la terre ; il couvre également une période de deux ans de maintenance et de soutien aux activités d’évaluation du prototype (un exemplaire par nation).

En novembre 2019, les Britanniques ont confirmé leur volonté de poursuivre la coopération sur la phase de production. Un contrat avec Thales est ainsi prévu via l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (l’OCCAr) au profit des deux Nations, en conservant l’architecture industrielle appliquée pour la réalisation du prototype. Des modifications de ce prototype ont été agréées entre les deux Nations pour obtenir un système de drones opérationnel.

En 2020, les Britanniques ont souhaité décaler la signature du contrat de production, au motif du décalage à l’automne de leur processus de comitologie dépendant notamment des grandes orientations prises en entrée de leur Integrated Review of Defence and Security.

Conformément à la LPM, quatre systèmes de drones (dont la mise à hauteur du prototype) ont été commandés côté français.

 


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  1. Deuxième partie : L’action de l’État en mer dans l’Atlantique
     
    1.      Une spécificité organisationnelle française reconnue, des moyens à renforcer en Atlantique
      1.                 La dualité, spécificité du modèle français
        1.     L’Action de l’État en mer

 

L’Action de l’État en mer (AEM) désigne l’ensemble des opérations maritimes menées par le Gouvernement dans l’intérêt public sur ses propres ressources, à l’exception des missions de défense. Les préfets maritimes, ou les délégués du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, en outre-mer, représentants directs du Premier ministre et de chacun des membres du Gouvernement, sont les responsables de l’AEM dans leur zone maritime respective. Le Secrétaire général de la mer (SGMer) anime et coordonne leur action, sous l’autorité du Premier ministre.

La fonction garde-côtes organise la coordination et la mutualisation des moyens de l’ensemble des administrations intervenant en mer et sur le littoral. Le SGMer préside le comité directeur de la fonction, outil de coordination et de définition des politiques conduites au titre de la fonction garde-côtes. La Société nationale de sauvetage en mer y est aussi associée. Huit entités participent à la fonction garde-côtes : la Marine nationale, la Gendarmerie maritime, la Gendarmerie nationale, les Affaires maritimes, la Direction Générale des Outre-Mer, les Douanes, la Police aux frontières et la sécurité civile.

Le Centre opérationnel de la fonction garde-côtes, placé sous la responsabilité du SGMer, effectue la veille et l’analyse de la situation maritime, partage ces informations entre les autorités politiques et administratives, déclenche des alertes et assure le suivi des crises.

La protection des espaces maritimes français est assurée par les différentes administrations de l’État disposant de navires ou d’aéronefs en mesure d’intervenir en mer. Ces capacités sont recensées dans le schéma directeur de la fonction garde-côtes qui permet de s’assurer que la France dispose de capacités d’intervention adaptées en tout lieu. Le schéma directeur de la fonction garde-côtes est mis à jour annuellement par le SGMer et intègre les projets d’évolutions capacitaires des administrations.

Au-delà des capacités traditionnelles, la surveillance satellitaire et le partage d’informations permettent de déclencher des opérations de contrôle ou d’agir a posteriori (actions diplomatiques, non renouvellement de licences de pêche, etc.).

L’AEM est une organisation administrative et opérationnelle dans laquelle se réalisent les missions de protection et de sauvegarde des intérêts nationaux de la France en mer. Elle comprend 45 missions distinctes fixées par l’arrêté du 22 mars 2007 ([16]) et constitue un exemple particulièrement abouti de politique publique interministérielle.

Ces missions sont regroupées en dix domaines d’intervention :

  1. la souveraineté et la protection des intérêts nationaux ;
  2. la sauvegarde des personnes et des biens en mer ;
  3. la sécurité maritime ;
  4. la protection de l’environnement ;
  5. la gestion des espaces protégés ;
  6. la sûreté maritime ;
  7. le contrôle sanitaire et des conditions de travail en mer ;
  8. la gestion du patrimoine marin et des ressources publiques marines ;
  9. la police douanière fiscale et économique en mer ;
  10. la lutte contre les activités maritimes illicites.

Depuis les années 90, l’action de l’État en mer n’a cessé de croître et d’évoluer au travers notamment du renforcement de la protection des biens, des personnes et de l’environnement, du durcissement des opérations menées contre les trafics illégaux, de l’accroissement des enjeux économiques et des différents acteurs et enfin d’une augmentation des corpus réglementaires.

3.1.1.2.    Les dispositifs à l’étranger

3.1.1.2.1.               Les garde-côtes

Aux États-Unis, la United States Coast Guard (USCG) est l’administration dotée de moyens navals et aériens permettant de remplir des missions en mer (sauvetage, surveillance et police des pêches, sécurité de navigation) à l’échelle locale, régionale, nationale et internationale. Elle est dirigée par un amiral dont l’état-major est à Washington DC. Elle repose sur deux grands commandements (dirigés par des vice-amiraux) : l’un pour l’océan Pacifique (siégeant à San Francisco, Californie), l’autre pour l’océan Atlantique (siégeant à Portsmouth, Virginie). Le corps dispose également d’un service de renseignement, le Coast Guard Intelligence.

Au Royaume-Uni, la Maritime and Coastguard Agency (MCA) est une agence exécutive du ministère des transports. Elle est responsable de la surveillance du trafic maritime, de la coordination des opérations de recherche et de sauvetage, de la lutte contre la pollution et de l’intervention et assistance en mer. Le secrétaire d’État décide des objectifs stratégiques et des domaines politiques de l’action de la MCA.

En Espagne, avec la Guardia civil del mar, il s’agit de la force militaire de police du ministère de l’intérieur (équivalent de la gendarmerie française) qui détient des pouvoirs judiciaires et administratifs. Elle est directement placée sous l’autorité de différents ministères (dont celui de la défense) et de diverses administrations. Elle dispose à Madrid d’un centre opérationnel destiné aux missions (ordre public en mer) relevant de sa compétence.

En Allemagne, le Havariekommando - ou commandement général des urgences maritimes (CCME), est créé le 1er janvier 2003 avec une fonction garde côtes. Le CCME coordonne en cas de crise les actions des administrations dotées de moyens en mer et mène les opérations en cas de crise maritime majeure en mer du Nord et en mer Baltique. Il est basé à Cuxhaven et est dirigé par un haut fonctionnaire du gouvernement fédéral. Environ 40 personnes y sont employées.

3.1.1.2.2.               La coordination entre les administrations

Aux États-Unis, parallèlement à l’USCG, la douane, la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), l’Environment Protection Agency, le Mineral Management Service, le service de l’Immigration et la Marine ont des domaines de compétences spécifiques et des moyens propres.

Au Royaume-Uni, la MCA partage ses responsabilités avec d’autres départements ministériels (environnement et affaires rurales, énergie et changement climatique, affaires étrangères et Commonwealth, intérieur, défense…) et avec les autres services d’urgence pour la recherche et le sauvetage en mer. Les opérations relevant de la sûreté maritime, du trafic de drogue, de la migration illégale et de l’application de la réglementation sur les pêches sont coordonnées par d’autres entités gouvernementales (agence des services frontaliers, douane, gestion des pêches). En 2011, le RU a mis en place un centre inter-agences : le National Maritime Information Center (NMIC). Il rassemble les efforts des différentes agences du gouvernement pour créer une « situation commune » de l’activité maritime.

Le modèle espagnol repose sur deux entités principales : la guardia civil prolonge en mer les compétences territoriales et le rôle de prévention, de surveillance et de répression ; et la Sociedad de Salvamento y Seguridad Marítima (SASEMAR) est responsable de la sûreté, du sauvetage et secours en mer et de la lutte contre la pollution. L’Armada (marine espagnole) dispose pour sa part du centro operacional de vigilancia maritima (COVAM), qui fusionne l’information maritime issue de diverses sources.

En Allemagne, le Havariekommando exerce ses responsabilités en lien avec le gouvernement fédéral et les cinq États côtiers allemands. En cas de situation complexe, une équipe dirigeante est alertée et assure immédiatement la coordination des moyens fédéraux avec ceux des États côtiers.

3.1.1.3.    Les différents acteurs de l’AEM

3.1.1.3.1.               Le préfet maritime : une fonction interministérielle fondamentale

La conduite de l’AEM repose sur l’action d’une quinzaine d’administrations ([17]), rattachées de près ou de loin au fait maritime et à des niveaux de responsabilité différents. Au niveau central et à l’échelon national, le pilotage de l’AEM est assuré par le SGMer. Ce pilotage passe notamment par le comité directeur de la fonction garde-côtes, qui réunit les directeurs des administrations concernées.

Au niveau local, pour la conduite opérationnelle des actions en mer, chaque administration agit de sa propre autorité pour les activités relevant de ses compétences. Dès lors qu’une action nécessite une coordination entre différents services et administrations, une autorité de référence unique en mer dirige l’ensemble des actions et services mobilisés. En métropole, il s’agit du préfet maritime ([18]) et, dans les espaces ultramarins, du délégué du Gouvernement pour l’AEM, assisté du commandant de zone maritime. ([19])

Politique interministérielle par nature, la conduite de l’AEM est également une politique hybride relevant majoritairement d’acteurs étatiques, mais au titre de laquelle intervient également le secteur associatif. C’est par exemple le cas pour le sauvetage en mer, avec la participation essentielle de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

C:\Users\adeveaux--moncel\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\Schéma AEM.jpg

 

 

Source : préfecture maritime de l’Atlantique

 

3.1.1.3.2.               La Marine nationale

La Marine nationale est la première contributrice de la fonction « garde-côtes » en termes de moyens engagés.

Disposante de capacités duales d’information et d’intervention, elle est engagée au quotidien dans la quasi-totalité des missions de l’AEM. Elle s’appuie à la fois sur ses capacités côtières (sémaphores, patrouilleurs, hélicoptères, avions de surveillance) et sur ses moyens hauturiers pour l’intervention au large. Cela inclut les moyens de la gendarmerie maritime, formation spécialisée de la gendarmerie nationale, placée pour emploi auprès du chef d’état-major de la Marine, présente sur l’ensemble du littoral métropolitain et outre-mer mais également dans les emprises et points sensibles de la marine nationale et certains grands ports civils. En moyenne la Marine nationale consacre aux missions de l’AEM un quart de son activité, environ 4 % de son budget (rapport efficacité / coût optimisé grâce à une organisation adaptée et polyvalente) Cela mobilise en permanence quelques 2000 marins, outre-mer inclus.

Ainsi, en 2020, 174 197 heures de mer (dont 65 904 réalisées par la gendarmerie maritime) soit 7 258 jours de mer (40 % de l’activité de la fonction garde-côtes) et 6 878 heures de vol (60 % de l’activité de la fonction garde-côtes) ont été réalisées par la Marine au profit des missions de l’AEM.

 

 

Atlantique

Méditerranée

Manche Mer du nord

Polynésie française

Nouvelle-Calédonie

Antilles

Guyane

Sud Océan Indien

Heures de mer

64 056

45 835

14 312

9 410

7 721

4 790

5 573

22 301

Heures de vol

2 810

2 452

237

355

476

218

48

282

Source : ministère des Armées – Volume d’activité dédié à l’AEM par zone maritime en 2020

Au cours des trois dernières années, l’effort quotidien fourni par la Marine sur le territoire national au titre des missions de sécurité civile et de sûreté, est en nette croissance. Dans un contexte RH contraint, l’effort s’est intensifié pour passer de 1680 marins engagés quotidiennement sur le territoire national en 2017 à près de 2000 aujourd’hui. Cela fait peser une charge de travail accrue aussi bien sur les états-majors opératifs (commandements de zone maritime) que tactiques (PC de force navale, de base aéronavale, de groupement de fusiliers) lesquels doivent planifier, contrôler, conduire et coordonner ce surcroît d’activités.

De manière générale, dans le domaine de l’AEM, les perspectives d’engagement des moyens de la Marine demeurent à la hausse sous l’effet de la combinaison de multiples facteurs dont la compétition pour l’accès aux ressources, l’augmentation du trafic maritime ou encore le retour des États puissances et la contestation croissante du droit régissant les espaces maritimes. Les ZEE françaises n’échapperont pas à ces menaces et contestations si l’effort actuel mené par la Marine et les autres administrations intervenant en mer venait à être réduit.

3.1.2.              Un dispositif à renforcer pour la plus grande façade maritime de la métropole : L’Atlantique

3.1.2.1.    Les enjeux et les moyens consacrés à l’AEM en Atlantique

3.1.2.1.1.               Les enjeux généraux de la zone Atlantique

La zone maritime Atlantique s’étend sur les espaces maritimes compris entre les pôles et les continents africain, européen et américain. Elle inclut la ZEE de St Pierre et Miquelon et communique directement avec les zones maritimes Manche - Mer du Nord, Antilles, Guyane, Méditerranée, Pacifique et sud océan Indien.

Les enjeux AEM de cette zone maritime se répartissent entre, d’une part, les approches hexagonales (risques de sécurité civile, nécessité croissante de concilier les usages maritimes sur le littoral, protection de l’environnement, ordre public en mer…), et d’autre part, les espaces océaniques, théâtres d’une augmentation du trafic maritime et d’activités illicites toujours plus importantes (drogue, pêche INN ([20]), pollutions volontaires…).

Dans les approches maritimes en Atlantique, le risque principal provient du trafic maritime intense à proximité immédiate de la pointe du Finistère, risque aggravé par des conditions météorologiques et de navigation parfois très difficiles. Le dispositif de séparation de trafic d’Ouessant voit en particulier passer la majorité des marchandises dangereuses et des hydrocarbures remontant vers les ports d’Europe du nord et de la Baltique. Plusieurs des derniers incidents maritimes d’ampleur en Atlantique se sont produits dans cette zone (pollution maritime liée au naufrage de l’Erika en 1999 ou plus récemment au naufrage du Grande America en avril 2019).


 

3.1.2.1.2.               Les moyens dédiés à l’AEM en Atlantique

La façade Atlantique est scindée en deux grandes zones de responsabilités, partagées entre les CROSS CORSEN et ETEL pour ce qui concerne la surveillance de la navigation et la coordination des activités de sécurité et opérations de sauvetage.

C:\Users\adeveaux--moncel\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\Carte Atlatnique.png Elle comprend les zones de défense et de sécurité Ouest et Sud-Ouest, les régions Bretagne, Pays de la Loire et Nouvelle Aquitaine et dix départements.

Pour agir en mer et dans la frange littorale, l’État s’appuie sur la préfecture maritime Atlantique les préfectures départementales et régionales, les directions interrégionales de la mer (DIRM) de Nantes et Bordeaux, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), les tribunaux maritimes de Brest et de Bordeaux et enfin les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) dont les délégations à la mer et au littoral (DML) qui interviennent au niveau local (cultures et élevages marins, épaves, manifestations nautiques…).

La Marine nationale contribue en Atlantique à la sécurité maritime avec, entre autres :

– L’affrètement d’un remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage (RIAS) dont la mission principale est l’assistance et le sauvetage de navires en difficulté ou présentant un risque pour la vie humaine, les autres navires ou l’environnement ;

– L’affrètement d’un bâtiment de soutien spécialisé dans la lutte contre la pollution en mer (BSAA) ;

– La tenue d’alerte d’une équipe d’évaluation et d’intervention au profit du préfet maritime ;

– La tenue d’alerte d’aéronefs (avions et hélicoptères) au profit de la mission de secours maritime (SECMAR) ;

– La contribution de la compagnie de marins-pompiers de la base navale de Brest à la capacité de renfort et d’intervention à bord des navires (CAPINAV) ;

– Le soutien de la chaîne sémaphorique aux missions des CROSS en matière de surveillance de la navigation et de secours maritime.

– Le déploiement de différents navires BSAM ([21]), patrouilleurs, VCSM ([22])

En 2020 ([23]), 64 056 heures de mer (69 % de l’activité de la fonction garde-côtes en Atlantique) et 2 810 heures de vol (74 % de l’activité de la fonction garde-côtes en Atlantique) ont été réalisées par la MN et la GMAR au profit des missions de l’action de l’État en mer (AEM) dans la zone maritime Atlantique. ([24])

Les moyens nautiques consacrés à l’AEM en Atlantique

LE GAC_056_NP_REPONSE MINARM_pages-to-jpg-0004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AA : AM : affaires maritimes ; BNC : brigade nautique côtière ; BSAD : bâtiment de soutien, d’assistance et de dépollution ; BSAH : bâtiment de soutien et d’assistance hauturier ; DGDDI : direction générale des douanes et des droits indirects ; GM : gendarmerie maritime ; GN : gendarmerie nationale ; MN : marine nationale ; PCG : patrouilleur côtier de la gendarmerie ; PGC : patrouilleur garde-côtes ; RIAS : remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage ;

SC : sécurité civile ; ULAM : unité littorale des affaires maritimes ; VCSM : vedette côtière de surveillance maritime ; VGC : vedette garde-côtes ; VSMP : vedette de surveillance maritime et portuaire ; VSR : vedette de surveillance régionale.

Source : ministère des Armées ; réponse au questionnaire du rapporteur.

 

LE GAC_056_NP_REPONSE MINARM_pages-to-jpg-0005les moyens aeriens consacres À l’ARMEMENT EN ATLANTIQUE

Source : ministère des Armées ; réponse au questionnaire du rapporteur.

LE GAC_056_NP_REPONSE MINARM_pages-to-jpg-0007


  Source : ministère des Armées ; réponse au questionnaire du rapporteur

3.1.2.2.    Un dispositif ORSEC qui a fait ses preuves

Le dispositif d’Organisation de la Réponse de SEcurité Civile en mer pour la façade Atlantique, dénommé « dispositif ORSEC maritime pour l’Atlantique », définit l’organisation générale des secours permettant de faire face, sous l’autorité unique du préfet Maritime de l’Atlantique, à l’ensemble des crises de sécurité civile pouvant survenir en mer dans les zones sous sa responsabilité.

Ce dispositif comprend des dispositions générales et des déclinaisons spécifiques, dénommées « volets », concernant respectivement la recherche et le sauvetage de personnes en détresse en mer (SAR), l’assistance aux navires en difficulté (ANED), la lutte contre les pollutions marines (POLMAR) et la circulation ou navigation perturbée (CIRC).

La troisième version du dispositif ORSEC maritime pour l’Atlantique a été approuvée par le préfet Maritime le 18 août 2020

C:\Users\adeveaux--moncel\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.Word\ORSEC Atlantique.png Source : Préfecture maritime de l’Atlantique

 

 

L’ORSEC maritime en Atlantique repose sur les moyens présents sur la façade maritime mais également sur les moyens mobilisables en cas de crise soit dans le cadre de la coopération européenne (moyens de l’Agence Européenne de Sécurité Maritime) soit dans celui de conventions signées entre États (Exemple : le Biscaye Plan signé entre la France et l’Espagne).

Lors de la mise en œuvre de l’ORSEC, une autorité unique intervient : le préfet maritime qui est alors Directeur des opérations de Secours (DOS). Il a pour mission de mobiliser les moyens publics et éventuellement privés, de diriger et coordonner les actions de tous les intervenants, d’assurer et coordonner la communication, d’informer les niveaux administratifs supérieurs et enfin d’anticiper les conséquences de cette crise, par exemple sur l’environnement.

3.2.     L’Atlantique : théàtre de multiples défis

3.2.1.                Une gestion efficace de sujets imbriqués

L’action de l’État en mer recouvre un spectre très large de missions. Le rapporteur a souhaité en présenter certaines qui lui semblent emblématiques de la façade Atlantique.

3.2.1.1.    Le sauvetage en mer : le rôle indispensable de la SNSM

Fondée en 1967, la société nationale du sauvetage en mer (SNSM) assure aujourd’hui environ 80 % des sauvetages en mer, notamment à proximité des côtés et pendant la période estivale. Dans un souci de rationalisation de l’emploi des moyens, le CROSS, sous l’autorité opérationnelle du préfet maritime, n’engagera des moyens de la Marine nationale qu’en cas de fortes contraintes comme, par exemple, une importante élongation, des conditions météorologiques ou de mer très dégradées ne permettant pas d’employer des moyens d’autres administrations, plus légers.

Avec deux pôles de direction, 100 salariés, 9.000 bénévoles et un chantier naval à Saint Malo, la SNSM est une association loi 1901 exerçant une mission de service public pour 10 % du coût qu’aurait représenté cette gestion par un opérateur public ou privé. En effet, le budget de l’association est d’environ 40 millions d’euros, pour une valorisation du bénévolat est estimée à 400 millions d’euros.

Le financement repose à 75-80 % sur des fonds privés contre 20-25 % pour les collectivités publiques et territoriales. Si le bilan financier était fragile par le passé, les comptes de la SNSM ont aujourd’hui été assainis.

BILAN DES SUBVENTIONS DE FONCTIONNEMENT ET D’INVESTISSEMENT (2016 - 2021)

 

 Source : SNSM, au 27/09/2021

 

Sur les bases d’un rapport de l’Assemblée nationale et d’un processus de consultation des bénévoles initiés suite au naufrage du canot SNSM des Sables d’Olonne le 7 juin 2019 (3 sauveteurs en mer décédés en opération), la SNSM a entamé une mue profonde. Cela se traduit par :

– une réforme du processus décisionnel qui est désormais plus démocratique (passage de 300 membres électeurs à 3000 (voire 5.000) et prend davantage en compte le besoin de reconnaissance des bénévoles ;

– la modernisation et l’harmonisation de la flotte et des équipements (Plan Cap 2030 visant à acquérir 140 navires pour 100 millions d’euros en 8 ans) ;

– l’acquisition ou la refonte de locaux existants pour bénéficier d’espaces de travail plus adaptés ;

– l’amélioration des processus de formation et notamment la formation autonome de son personnel mécanicien.

La SNSM maintient pour l’ensemble de ses stations, un délai d’appareillage fixé à 20 minutes ([25]). En moyenne, ce délai a été réduit à 16 minutes en 2020. Disponible en permanence, la SNSM est particulièrement sollicitée les week-end et la nuit. Cela est particulièrement en Manche – Mer du Nord avec la recrudescence des flux migratoires par voie maritime.

Par ailleurs, afin de bénéficier de moyens complémentaires permettant de mieux répondre au besoin en fonction de la nature de la mission et du théâtre d’intervention, les stations se dotent progressivement d’un second moyen de type canot vedette ou semi-rigide. À terme, toutes les stations devraient accueillir un semi-rigide.

Enfin, dimensionné au juste besoin, le dispositif actuel de la SNSM doit être maintenu sur la côte Atlantique, d’une part parce qu’il est essentiel pour traiter l’ensemble des incidents et accidents en mer et, d’autre part, parce que certaines interventions d’ampleur nécessitent la mobilisation de tous les moyens disponibles.

Le drame des traversées de la Manche

Dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine en Atlantique, le seul « phénomène migratoire » récurrent réside dans la découverte régulière de passagers clandestins à bord des navires de la Brittany Ferries assurant les liaisons Espagne – Royaume Uni, donnant lieu aux procédures de consignation des passagers clandestins auprès du parquet du TGI de Brest.

Si on quitte ponctuellement l’Atlantique et que l’on s’intéresse à d’autres régions maritimes, il apparaît que l’espace littoral du Nord pas de Calais et de la Somme mais aussi de Mayotte et de Guadeloupe sont particulièrement concernés par les flux migratoires par voie maritime.

Concernant la Manche, au 10 octobre 2021, plus de 17 000 migrants avaient réussi la traversée jusqu’en Angleterre, soit deux fois plus qu’en 2020 selon le chiffre du ministère de l’Intérieur. Logiquement, la SNSM confirme avoir doublé son nombre d’interventions pour porter assistance aux migrants. À titre d’exemple, un article du Monde, paru le 10 octobre 2021 titrait « Plus de 1 400 migrants tentant de traverser la Manche secourus en trois jours ». Au-delà d’être un sujet de tensions entre Londres et Paris, ces traversées sont des drames humanitaires, dont l’augmentation multiplie les risques pour les migrants et les sauveteurs. La SNSM témoigne à ce titre que les interventions sont humainement particulièrement difficiles pour les sauveteurs, « notamment lorsqu’il s’agit d’enfants, de bébés ou de femmes enceintes ».

L’amiral Emmanuel de Oliveira, président de la SNSM attire en ces termes l’attention du rapporteur pour avis « si le préfet maritime ne fait en principe intervenir la SNSM que lorsque les moyens étatiques sont insuffisants, ce dernier recours est devenu quotidien ». Les passeurs organisent ainsi des opérations de saturation en lançant 100, 150 embarcations de fortune en direction des côtes britanniques, sachant pertinemment que la moitié sera en difficulté.

Pour faire face à l’évolution des missions, la SNSM s’est dotée de couvertures de survie, a renforcé ses capacités à délivrer les premiers soins et les stations ont effectué des collectes de vêtements chauds.

3.2.1.2.    La lutte contre les trafics : l’exemple du trafic de drogues

La zone maritime Atlantique est le théâtre de trafics illicites de stupéfiants : cocaïne et cannabis. Produit au Maroc, le cannabis est transporté vers l’Europe via la péninsule ibérique (flux de part et d’autre du détroit de Gibraltar). La cocaïne est principalement transportée depuis l’Amérique du sud, zone de production, vers l’Afrique, les Açores, l’Amérique du nord ou directement vers l’Europe.

Divers moyens de transport maritime sont utilisés, porte-conteneurs, navires de pêche, caboteurs, navires de plaisance voire semi-submersibles. La Marine nationale participe pleinement à cette lutte aux côtés d’autres administrations. Le rapporteur note que les saisies de stupéfiants opérées par la Marine au 1er octobre de l’année 2021 sont d’ores et déjà bien plus élevées que celles des années précédentes (facteur 3 à 4).

Des facteurs exogènes (utilisation accrue des voies maritimes et fluviales pendant la pandémie par les trafiquants, augmentation du volume des cargaisons expédiées) et endogènes (amélioration de la coopération opérationnelle internationales à l’échelle régionale avec nos partenaires, coopération toujours plus accrue en matière de collecte et de partage du renseignement et une adaptation continuelle des moyens de la Marine engagés dans la lutte contre les narcotrafics grâce au partage et à la capitalisation du retour d’expérience entre unités) peuvent expliquer ces saisies record.

Au sein de la zone maritime, la stratégie du bouclier à l’encontre des trafics à destination de l’Europe repose principalement sur la coopération de la douane française avec ses homologues espagnol et irlandais mais il est à noter que la Marine a procédé en Atlantique sud, à une saisie record de 6 068 kg de cocaïne en haute mer le 21 mars 2021 à bord d’un cargo battant pavillon de St Kits and Nevis.

3.2.1.3.    La sûreté maritime

Dans le domaine de la sûreté maritime, la menace terroriste demeure une priorité, notamment depuis les attentats de 2015. Des équipes de protection de navires à passagers (EPNAP), composées de gendarmes et parfois renforcées par des fusiliers marins, sont régulièrement déployées à bord des ferries assurant la liaison avec le Royaume-Uni. Le peloton de sûreté maritime et portuaire (PSMP) de St Nazaire, unité spécialisée de gendarmes maritimes, a pour mission d’assurer la surveillance et la sécurisation de l’espace portuaire, l’escorte des navires sensibles, et le contrôle de navires. S’y ajoute le PSMP-M chargé de la sûreté du port militaire de Brest et du port civil attenant. La Marine assure par ailleurs une alerte permanente d’intervention immédiate (hélicoptères et unité d’intervention) et une partie significative de l’intervention renforcée dans le cadre de l’application du plan Pirate-mer.

Des dispositifs particuliers de sauvegarde maritime (DPSM) pour la protection et la sécurisation de grands évènements peuvent être mis en place sur le littoral (sécurisation du G7 à Biarritz en août 2019 par exemple). Problématique de plus en plus prégnante, le maintien de l’ordre public en mer concerne aujourd’hui toutes les zones maritimes, et en particulier celle de l’Atlantique. Au-delà du BREXIT et de ses incidences sur le monde de la pêche, la multiplication des conflits d’usage (notamment avec le développement des énergies marines renouvelables), les menaces émergentes (contestations sociale et environnementale accrues) en font un sujet appelé à rester, dans l’avenir, au premier rang des préoccupations des autorités de l’État.

 

3.2.1.4.    La protection de l’environnement en mer

En ce qui concerne la protection de l’environnement, le renforcement des politiques publiques nationales et internationales en matière de protection du milieu marin s’est traduit depuis 2016 par une augmentation globale du besoin de surveillance et du contrôle. La contribution de la Marine en Atlantique est en progression constante depuis 4 ans dans ce domaine.

3.2.2.                Les énergies marines renouvelables (EMR) : un exemple emblématique des enjeux futurs liés à la cohabitation des usages en mer

3.2.2.1.    Une volonté politique affichée

La volonté politique s’inscrit d’une part, dans la loi « Énergie et Climat » qui fixe comme objectif d’avoir 33 % d’énergie renouvelable dans le mix énergétique national d’ici 2030 et la production d’1 GW d’éolien en mer, chaque année, à partir de 2024 et, d’autre part, dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de 2020. Cette dernière vise 40 % d’électricité renouvelable dans la consommation nationale en 2030 et un objectif de production de l’éolien maritime porté à 2,4 GW en 2023 et a minima à 5 GW en 2028

Dans cette perspective, le vent soufflant de façon plus régulière et plus intense en mer que sur terre, l’éolien maritime joue un rôle majeur. Cela est d’autant plus vrai que les éoliennes en mer sont au moins deux fois plus puissantes que les éoliennes terrestres.

Réalisations et projets EMR De nombreux projets, dont plusieurs sur la façade Atlantique, sont en cours de réalisation, avec des stades d’avancement variés.

 

3.2.2.2.    Une acceptation sociale contrastée

Alors que la construction de certains parcs éoliens en Atlantique se déroule sans difficulté majeure (exemple de Saint-Nazaire) d’autres sites comme celui de Saint Brieuc se heurtent à des difficultés d’avancement liées à une opposition locale forte notamment de la part des pêcheurs. Source : Préfecture maritime de l’Atlantique

COMPARATIF DES PARCS ÉOLIENS DU BANC DE GUÉRANDE ET DE LA BAIE DE SAINT-BRIEUC

 

Parc éolien du banc de Guérande

Parc éolien de la baie de Saint-Brieuc

Caractéristiques du parc

Appel d’offre

Appel d’offre n°1, 2011

Lauréat

Eolien Maritime France (EDF Renouvelables, Enbridge, Wpd)

Ailes Marines SAS (Iberdrola)

Type & technologie

Eolien posé, monopieu

Eolien posé, jacket 3 pieds

Turbine

Haliade 150-6 MW

Siemens Gamesa SG 8.0-167 DD

Puissance (totale/unitaire)

480 MW / 80 x 6 MW

496 MW / 62 x 8 MW

Dimensions éoliennes

Hauteur en bout de pale : 175 m

Diamètre rotor : 150m

Hauteur en bout de pale : 207 m

Diamètre rotor : 167m

Superficie du parc

78 km²

75 km²

Instruction administrative

Grande commission nautique

Mai 2015

Avril 2016

Obtention des autorisations

Mars 2016

Avril 2017

Purge de tout recours

Juin 2019

Décembre 2020

Gouvernance du projet

Information générale, prévue par le cahier des charges de l’AO

Instance de Suivi et de Concertation (ICS)

Suivi environnemental,

prévu par AUIOTA

Comité Technique Environnemental (CTE)

Comité de Gestion et de Suivi (CGS)

Travaux de construction

Date de démarrage

3 mai 2021

Durée prévue

2 ans

3 ans

Avancement

32 fondations/80 + OSS

+10 câbles inter-éoliennes

2 x 3 pieux (2 positions d’éoliennes)/62

Les technologies utilisées étant différentes, l’avancement n’est pas directement comparable (cependant Saint-Brieuc avait prévu de mettre une trentaine de positions en 2021)

Source : Préfecture maritime de l’Atlantique.

 Au cours de ses échanges avec la division AEM de la préfecture maritime de l’Atlantique et avec le commandant de la gendarmerie maritime en Atlantique, le rapporteur a pu noter l’importance des actions de concertation entre usagers ou encore la nécessité d’intégrer très en amont les contraintes liées à ces nouveaux usages en mer à nos procédures de secours et de sauvetage et le besoin de disposer de moyens permettant, le cas échéant, le maintien de l’ordre public en mer. La mise en place d’une telle politique publique, avec ce qu’elle comprend de lourds processus administratifs et d’impératif de dialogue, nécessite de pouvoir lui consacrer également des moyens humains. Cela est notamment nécessaire dans les préfectures maritimes, et en particulier celle de l’Atlantique compte tenu des élongations défavorables de cette façade maritime et de la pluralité des projets à différents stades de développement.

3.2.2.3.    Un encadrement juridique à préciser

La Direction des affaires maritimes (DAM) et la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) sont compétentes pour et l’accès aux sites d’énergies marines renouvelables et leur réglementation.

L’ordonnance relative aux espaces maritimes de 2016 prévoit un cadre général d’exploitation des ressources et de l’utilisation des milieux marins. Elle subordonne l’exploitation à la délivrance d’une autorisation unique en ZEE. Les installations en ZEE sont soumises aux lois et règlements concernant l’immatriculation et les titres de navigation. Elles sont donc, en creux, assimilées aux navires.

Le rapporteur pour avis souligne la nécessité de préciser le cadre juridique applicable, car la réglementation relative aux navires dans le code des transports ne convient pas (sécurité, normes de sécurité, exploitation).

Auditionné, M. Coquil, directeur de la DAM pointe deux axes de transformation majeurs. Premièrement, la DAM recommande d’harmoniser le statut des EMR dans les eaux territoriales et en ZEE, dans une logique de cohérence et de lisibilité. La modification de l’ordonnance de 2016 (en abrogeant l’article 30), est nécessaire pour éviter toute assimilation en ZEE entre EMR et navire. Deuxièmement, la direction recommande de créer un registre français pour immatriculer les objets qui ne sont pas des navires, dans une perspective similaire au cas des drones qui seront francisés et immatriculés à l’avenir, sans pour autant être assimilés à des navires pour autant. Les règles de sécurité seraient entièrement fondées sur les référentiels des sociétés de classification. Pour mémoire, il était prévu de le faire dans la loi « climat et résilience » mais cette proposition a été rejetée par le parlement. Le projet de loi 4D, (déconcentration, décentralisation, différenciation, décomplexification), qui incluait ce texte, ne l’a finalement pas retenu.

 

Par ailleurs, une mission d’étude et de proposition d’évolution du cadre juridique et fiscal applicable au développement de projets éoliens en mer en ZEE a été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), à l’Inspection générale des affaires maritimes (IGAM) et à l’Inspection générale des finances (IGF). Un rapport a été rendu en mai 2021 et a notamment examiné la question de créer une taxe spécifique en ZEE.

Des lignes directrices ont fait l’objet des procès-verbaux de la commission centrale de sécurité des navires, afin d’encadrer la sécurité des navires de maintenance en mer des sites éoliens.

La DAM a ainsi élaboré des notes techniques afin d’assister les autorités compétentes en matière d’autorisation d’installation de champs éoliens en mer. Ces notes traitent :

– des mesures de sécurité maritime applicables à la planification d’un champ éolien en mer (11 juillet 2016) ;

– des principes permettant d’assurer l’organisation des usages maritimes et leur sécurité dans et aux abords immédiats d’un champ éolien en mer (28 juillet 2017) ;

– de la gestion des opérations de recherche et de sauvetage dans et aux abords immédiats d’un champ éolien en mer (8 octobre 2018). La DAM est compétente pour déterminer les distances minimales d’éloignement des aérogénérateurs par rapports aux radars côtiers exploités par les CROSS. Ces distances sont précisées dans l’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent détermine.

En outre, la DAM a contribué à la refonte de l’instruction du Premier ministre relative à l’aide médicale en mer (28 juillet 2021). Cette instruction aborde l’aide médicale des travailleurs en mer, notamment dans les parcs éoliens, sans les distinguer des autres usagers de la mer.

Le droit concernant l’installation et la gestion des EMR se construit sur la base de l’expérience et non a priori, au risque de se tromper. La DAM agit néanmoins, par le biais d’instructions.

Pour ce qui relève des eaux territoriales françaises, la France applique aux professionnels travaillant sur les navires dédiés à la construction et l’entretien des champs éoliens en mer des conditions sociales résultant du droit du travail maritime français. Ce dispositif dit de "l’État d’accueil" permet d’assurer une concurrence loyale entre les opérateurs et vise à lutter contre le dumping social dans les eaux françaises. Il garantit par ailleurs la sécurité maritime notamment par l’application de la durée de temps de travail et de repos française plus stricte que celle applicable au niveau international (convention MLC).

 

Les éoliennes en mer n’étant pas des navires, l’Organisation maritime internationale (OMI), n’a pas engagé de travaux les concernant. Nonobstant l’absence d’obligation de notification pour soutage offshore - ce type d’opération est effectivement exclu partiellement du champ d’application des articles 41 et 42 de l’Annexe I de la Convention Marpol – le volet sécurité de ces opérations est détaillé via notamment le Guide international de sécurité pour les pétroliers et les terminaux (ISGOTT 6), publié par ICS et le Forum maritime international des compagnies pétrolières (OCIMF) en collaboration avec l’Association internationale des ports et havres (IAPH), toutefois un groupe de travail sur le sujet a été mis en place par le SGMer afin de créer un cadre réglementaire pour ces opérations qui n’étaient pas prévues par les opérateurs lors des demandes initiales.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1. Travaux de la commission
    1.      Audition de l’amiral Pierre Vandier,
      chef d’état-major de la Marine

La Commission a entendu l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa réunion du 13 octobre 2021.

Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122008_compte-rendu

 

 

 


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II. Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Didier Le Gac, les crédits relatifs à la « Marine » de la mission « Défense », pour 2022, au cours de sa réunion du 20 octobre 2021.

 

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). Je ne peux que me réjouir que, pour la quatrième année consécutive, le budget de la défense soit en hausse – 1,7 milliard d’euros supplémentaires le portent à plus de 40 milliards, conformément à la LPM. Grâce à celle-ci, la marine nationale, dont nous pouvons être fiers, a su rapidement se réarmer, tant en équipements qu’en ressources humaines. Le chef d’état-major, l’amiral Vandier, comme le faisait avant lui l’amiral Prazuck, nous le rappelle régulièrement : la menace, demain, viendra sans doute de la mer, après des années d’une lecture géopolitique plus terrestre.

La marine nationale est confrontée à deux phénomènes d’ampleur. Le premier est la contestation du droit et des espaces maritimes – ce qui n’est pas protégé est pillé et ce qui est pillé est contesté ; le second est le développement rapide de nouvelles puissances navales aptes à la défier, comme la Chine, pour ne pas la citer. Dans un contexte de réarmement naval mondial tout à fait inédit, la marine doit envisager un retour de la guerre en mer.

Les crédits de la marine figurent à l’action 03 Préparation des forces navales du programme 178 Préparation et emploi des forces. Cette action sera dotée de 4,05 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,8 milliards d’euros en crédits de paiement. Le PLF 2022 confirme l’effort de réarmement de notre marine nationale entrepris depuis le début de la LPM, avec de nombreuses livraisons, parmi lesquelles quatre avions de patrouille Atlantique 2 rénovés, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de type Suffren, une frégate multimissions à capacité de défense aérienne renforcée, une frégate de type Lafayette renforcée, un bâtiment ravitailleur de force, un module de lutte contre les mines SLAM-F, quinze stations navales connectées au satellite de télécommunications Syracuse IV, un lot de torpilles lourdes Artémis et vingt-cinq missiles Exocet.

Les grands programmes d’infrastructures, dont la maîtrise est cruciale, seront poursuivis en 2022, avec l’arrivée de nombreux bâtiments de nouvelle génération.

En pleine cohérence avec la politique d’innovation ambitieuse votée dans le cadre de la loi de programmation militaire et menée par le Gouvernement, et en concertation avec l’écosystème de l’innovation de défense, la marine continue d’innover en vue de conserver l’ascendant sur l’adversaire.

Un autre grand enjeu pour la marine nationale est le maintien en condition opérationnelle (MCO) des équipements, que l’on mesure en nombre de jours passés en mer par nos navires. L’investissement se poursuit en 2022, mais ses effets sur l’activité ne se manifesteront qu’en 2023. Symbole de la prise de conscience de ce caractère stratégique, les ressources consacrées au MCO passent le cap des 2 milliards d’euros en CP.

Un dernier motif de satisfaction concerne le plan stratégique Mercator. Dans un contexte d’amplification des tensions géopolitiques et du retour plausible du combat naval, la marine nationale a décidé d’en accélérer l’application autour de trois axes majeurs : une marine de combat, une marine en pointe et une marine de tous les talents. Cette stratégie très volontariste est primordiale pour garantir et développer notre capacité d’action sur tous les théâtres d’intervention – de deux dans le Livre blanc, ceux-ci sont passés à trois ou quatre, sur lesquels nous sommes mobilisés quasiment en permanence et simultanément.

Les crédits de la marine permettent la mise en œuvre de trois types d’engagement : la permanence de la posture de dissuasion, la défense de notre territoire maritime et l’intervention sur plusieurs théâtres d’opérations – Indopacifique, golfe de Guinée, Atlantique, Méditerranée centrale et orientale. Le retour des États puissance est avéré depuis quelques années et se traduit de plus en plus par un usage désinhibé de la force militaire. En réaction, notre marine doit se doter des moyens nécessaires pour manifester très concrètement l’attachement de la France au droit international et à la liberté de navigation.

L’action de l’État en mer (AEM) fait l’objet de la deuxième partie de mon avis. Elle désigne l’ensemble des opérations maritimes menées par le Gouvernement dans l’intérêt public, sur ses propres ressources, à l’exception des missions de défense. Elle concerne dix domaines d’intervention de la souveraineté, qui vont de la protection des intérêts nationaux à la protection de l’environnement ou encore la lutte contre les activités maritimes illicites, en passant par la sauvegarde des personnes et des biens en mer. Divisée en quarante-cinq missions, définies par l’arrêté du 22 mars 2007, l’action de l’État en mer est une politique interministérielle particulièrement aboutie, qui constitue le cadre légal des missions de protection et de sauvegarde des intérêts nationaux de la France en mer. Ce sujet recouvre des enjeux considérables, en augmentation continue depuis trente ans et toujours plus complexes, notamment du fait de nouveaux usages en mer, comme les parcs éoliens.

Spécificité organisationnelle française dont nous pouvons être fiers, les préfets maritimes, ou, en outre-mer, les délégués du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, sont les responsables de l’AEM. Leur action est animée et coordonnée par le secrétariat général de la mer (SGMer), sous l’autorité du Premier ministre. Le SGMer préside le comité directeur de la fonction garde-côtes, dont le rôle est d’organiser la coordination et la mutualisation des moyens des huit administrations intervenant en mer et sur le littoral : la marine nationale, la gendarmerie maritime, la gendarmerie nationale, les affaires maritimes, la direction générale des outre-mer, les douanes, la police aux frontières et la sécurité civile.

Première contributrice de la fonction garde-côtes au titre des moyens engagés, la marine nationale y consacre le quart de son activité. La gendarmerie maritime, quant à elle, voue entièrement son activité à l’action de l’État en mer. Dans la zone maritime atlantique, qui s’étend de la frontière espagnole jusqu’au Mont-Saint-Michel, la marine nationale contribue aux missions incombant à l’État en mer, sous l’autorité du préfet maritime de l’Atlantique et aux côtés des autres administrations.

Engagée au quotidien dans la quasi-totalité de ces missions, la marine s’appuie tant sur ses capacités côtières que sur ses moyens plus lourds pour l’intervention au large. Elle bénéficie également du concours indispensable de la gendarmerie maritime. Efficiente par nature, l’activité conduite dans le cadre de l’AEM demeure très difficilement dissociable de celle dévolue aux missions militaires, car elles sont souvent réalisées de conserve. Toutefois, au cours des trois dernières années, l’effort moyen journalier de la marine sur le territoire national a été très nettement accru, alors que le périmètre des ressources humaines demeure contraint. Le taux d’effort est passé de 1 680 marins engagés quotidiennement en 2017 à près de 2 000 en 2021.

Les perspectives d’engagement des moyens de la marine nationale dans le périmètre de l’AEM à l’échelon national augmentent en raison du nécessaire renforcement du contrôle des espaces maritimes, de la compétition pour les ressources halieutiques, de l’existence de zones de tension en de nombreux endroits du globe, et de l’exigence de protection de la frange littorale, croissante et amenée à durer. En particulier, des foyers de tension post-Brexit se profilent à nos portes, en Manche et en mer du Nord, dans le secteur de la pêche. La France et l’Europe doivent également assurer la surveillance des flux migratoires en mer, qui ne s’essoufflent pas, y compris dans la Manche et l’Atlantique. Les sauveteurs de la société nationale de sauvetage en mer (SNSM), dont je veux souligner le travail remarquable, interviennent, eux aussi, au secours des migrants et font face au doublement de leurs tentatives de traversée de la Manche.

La responsabilité de l’État s’accroît également dans le domaine de la protection des activités au-delà de la mer territoriale, notamment pour ce qui relève de la préservation du patrimoine naturel des espaces maritimes. Le Président de la République a récemment annoncé, au Congrès mondial de la nature, une extension des aires protégées. Cela devra se traduire par un accroissement des moyens à engager pour les protéger, y compris pour la marine et l’action de l’État en mer.

Les moyens pourraient toutefois venir à manquer. La SNSM, dont le financement repose à 75 % sur des fonds privés, est toujours plus sollicitée pour le sauvetage le week-end et la nuit. Sur la façade atlantique, les enjeux sont prégnants, qu’il s’agisse des trafics et de la pêche illicite, de la sûreté maritime ou de la protection de l’environnement.

Comme je le signale dans mon rapport, il faut faire preuve de vigilance concernant les énergies marines renouvelables. Il est regrettable que ce secteur en pleine expansion ne bénéficie pas d’un porteur plus identifié comme il y en a eu dans les années 1960, par exemple, pour le développement de l’énergie nucléaire.

M. Fabien Gouttefarde. L’European Patrol Corvette (EPC) est un programme européen placé sous la supervision de l’Italie et de la France, qui bénéficie du partenariat de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce. Il a pour objet la fabrication des navires de guerre, des corvettes lance-missiles, des patrouilleurs hauturiers. Le chef d’état-major de la marine portait un regard plutôt positif sur ce programme. Serait-il possible de l’accélérer et de l’élargir à d’autres partenaires ? Sur quels crédits budgétaires ses travaux sont-ils financés ?

Mme Patricia Mirallès. Du fait de la prise en compte de l’hypothèse d’un engagement majeur dans l’indicateur évaluant la capacité d’intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France, la réalisation du contrat opérationnel de la marine semble faible en 2021. En réalité, il est rempli à plus de 85 %. Reste que l’hypothèse d’un engagement majeur doit vraiment être prise en considération dans la préparation de nos forces ; il nous revient de donner à nos marins les moyens d’y faire face le funeste jour où elle trouvera une traduction concrète. Si ses capacités sont tout à fait cohérentes pour faire face aux défis actuels, la marine nationale trouverait-elle dans les programmes et investissements prévus dans le cadre du PLF et de la LPM les moyens d’une montée en puissance en adéquation avec les exigences de la haute intensité ?

M. Gwendal Rouillard. Nous sommes nombreux à considérer que, si la France souhaite concrétiser son ambition maritime, nous ne pouvons évidemment pas en rester au format actuel de la marine nationale. Si je salue la montée en puissance actuellement engagée et le travail de la ministre, il faut dire clairement, par exemple, qu’on ne peut s’en tenir au format actuel des frégates de premier rang. Ce débat annonce les discussions de la campagne présidentielle, mais alimente aussi les réflexions à tous les étages de l’État, y compris au sein du ministère des armées.

Le Président de la République avait souhaité que l’on engage une démarche franco-allemande au sujet des avions de patrouille maritime. Or les Allemands viennent d’acheter plusieurs avions P8 américains, ce qui soulève pour le moins des interrogations. Je ne voudrais pas qu’on mette ce sujet de côté, car ces avions participent à notre dissuasion nucléaire et de nos capacités de renseignement et de frappe.

On progresse trop lentement dans le domaine du MCO, en particulier pour nos hélicoptères Caïman. Il faudra faire preuve d’une vigilance permanente.

M. Jean-Louis Thiériot. L’un des intérêts du programme EPC serait de nous permettre de dégager des navires de premier rang pour des missions militaires potentiellement de plus haute intensité. Où en est ce programme EPC et quelles réflexions le format de notre marine vous inspire-t-il ?

Le calendrier prévu pour le programme des patrouilleurs outre-mer (POM) et des patrouilleurs océaniques est-il parfaitement respecté ? Pour la défense de nos zones économiques exclusives, c’est un enjeu majeur.

Plusieurs officiers en poste dans l’océan Indien m’ont fait part des difficultés liées à la disparition des bâtiments de transport léger (BATRAL). Si, demain, un problème survenait dans les îles éparses, nous ne pourrions plus y déployer une compagnie d’infanterie. Quelle est votre analyse de la situation ? Quelles réponses peuvent y être apportées ?

Mme Sereine Mauborgne. Quelle analyse faites-vous, sur le plan budgétaire, du double équipage ? Permet-il de rentabiliser les bateaux ? Engendre-t-il une complexité supplémentaire, notamment concernant l’habitat à bord ?

Je veux souligner l’importance de la base de Toulon et de la mer Méditerranée dans le cadre des préoccupations stratégiques et sécuritaires.

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. Tout en saluant les efforts du Gouvernement en faveur de l’équipement des outre-mer, notamment de la Martinique, je rappelle la nécessité d’assurer la surveillance des côtes. Face aux trafics croissants en Martinique et aux Antilles, une demande ancienne de fourniture d’un radar avait fait l’objet d’une promesse par le Gouvernement. Savez-vous où en est ce dossier ?

M. Jean Lassalle. Je me suis laissé dire que les champs électromagnétiques des grandes éoliennes pouvaient nuire aux installations de la marine. Avez-vous des informations à ce sujet ?

C’est dans la marine – et dans le cyber, la quatrième arme – que nous devons fournir les efforts les plus grands : la France est le deuxième domaine maritime et l’obligation d’être présent partout, dans un contexte de concurrence britannique, est incontournable. Je ne reviendrai pas sur la position allemande, mais quid de l’Union européenne alors qu’il faut investir bien davantage quand le combat pour la maîtrise de nouvelles terres ou de nouvelles mers – sans parler de celui pour l’énergie – se prépare ?

Mme Nathalie Serre. L’incident sur la Perle a retardé, par effet domino, le programme de construction du futur porte-avions. Avez-vous des informations sur le nouveau calendrier et les conséquences budgétaires ?

M. Thomas Gassilloud. Effectivement, les besoins sont immenses et le deuxième espace maritime mondial doit défendre ses intérêts et ses valeurs. Sans vouloir occulter le débat sur le dimensionnement des forces, je dirai que tout ne repose pas sur les armées : certaines nations, y compris les hyperpuissances, mettent en œuvre des stratégies plus larges et d’autres moyens – je pense aux nouvelles Routes de la soie, à l’usage de sociétés militaires privées pour sécuriser les navires, à l’emploi de bâtiments civils pour faire du renseignement. Avez-vous connaissance d’actions de ce type ? Avez-vous des idées pour dynamiser l’approche interministérielle, sécuriser les bâtiments commerciaux, faire du renseignement ou tout simplement affirmer notre présence ?

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis. Le projet de corvette européenne lancé par l’Italie et la France, puis rejoint par la Grèce et l’Espagne – le Portugal est observateur – bénéficiera du soutien de l’Agence européenne de défense (AED). Le programme sera conduit par la joint-venture réunissant les industriels Naval Group et Fincantieri. Par sa conception – un faible tirant d’eau, notamment –, cette corvette sera d’une grande souplesse et pourra assurer des interventions de diverses natures en différents endroits.

Lors de son audition, l’amiral Vandier a expliqué qu’il fallait réussir à passer de l’Europe de défense à la défense de l’Europe. On comprend les difficultés de l’Europe de la défense lorsqu’on rapporte les 7 milliards du Fonds européen de la défense (FED) – répartis sur vingt-sept pays – aux 1 000 milliards du budget total de la mandature.

Le chef d’état-major de la marine a souligné que le premier objectif assigné à la marine restait le combat. Il s’agit bien d’intensifier la préparation opérationnelle, de se préparer à une situation de haute conflictualité en mer, de se tenir prêts au combat naval. Je crois pouvoir dire que, grâce au plan Mercator, au MCO – le taux de disponibilité des bâtiments est de 80 %, contre 70 % au Royaume-Uni – ou encore au passage au double équipage, la marine nationale est prête pour un engagement majeur, de moins en moins hypothétique.

La question du format a été soulevée, comme celle des théâtres d’opérations, de plus en plus nombreux et éloignés, et plus généralement, du modèle d’armée : pour le moment, tenons-nous en à la LPM – toute la LPM, rien que la LPM ! Si on va jusqu’au bout de son exécution, la marine nationale, engagée dans un plan de renouvellement historique, aura franchi un cap important. En témoignent les programmes en cours – SNA nouvelle génération, sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) troisième génération, porte-avions de nouvelle génération, bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), programme SLAM-F, frégates multimissions (FREMM) et de défense aérienne (FREMM-DA), laser de dissuasion et d’interception (LDI), patrouilleurs océaniques et outre-mer (PO, POM) –, tout comme les centaines de millions d’euros investis dans les infrastructures.

Sur les avions de patrouille maritime, l’amiral Vandier a reconnu que le couple franco-allemand avait du plomb dans l’aile. Le MCO des hélicoptères est sans doute le point le plus délicat, puisque les Alouettes III sont des appareils très anciens et que les NH-90 ont un taux de disponibilité insatisfaisant. Les réductions temporaires de capacité qui en résultent font l’objet d’une attention particulière de la ministre.

Le calendrier du programme de patrouilleurs est tenu : la coque du premier POM vient de quitter Saint-Malo pour rallier Boulogne, où la Socarenam assurera son armement. Conformément à la LPM, les premiers PO auront été réceptionnés en 2025, les autres seront livrés entre 2026 et 2029. Les besoins sont importants, notamment dans l’océan Indien.

Je n’ai pas en revanche de réponse précise pour ma collègue Mme Kéclard-Mondésir concernant les radars aux Antilles, mais la surveillance des populations fait partie de l’action de l’État en mer.

L’incendie de la Perle aura donné lieu à un moment industriel absolument inouï puisqu’on a pris la partie avant d’un sous-marin pour la coller à un autre ! Cela n’a pas entraîné de retard dans le programme des SNA nouvelle génération et le Suffren sera livré définitivement à la marine d’ici à quelques semaines, suivi du Duguay-Trouin et du Tourville. Voir ces trois machines géantes, aussi complexes qu’une fusée Ariane, alignées dans un hangar où évoluent des centaines d’hommes, rend confiant dans les capacités industrielles de la France.

S’il est un sujet transversal et interministériel, c’est bien la mer. Vous avez raison de dire, Monsieur Gassilloud, que la stratégie doit être fondée sur la coopération avec d’autres secteurs. Je ne crois pas que les marins travaillent de manière isolée. Ils sont par ouverts sur le monde.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous en venons à l’examen pour avis des crédits relatifs à la préparation et à l’emploi des forces dans l’armée de l’air et de l’espace.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et à l’emploi des forces aériennes). Avant de vous exposer mon appréciation de l’évolution des crédits de l’armée de l’air et de l’espace proposés par le Gouvernement pour 2022, j’aimerais revenir en quelques mots sur les évolutions que celle-ci a connues depuis 2017. L’armée de l’air a ainsi changé de nom en 2020 pour devenir l’armée de l’air et de l’espace. Et bien qu’il ne soit pas encore aussi « grand » que le Président de la République l’avait souhaité, le commandement de l’espace poursuit sa montée en puissance.

Ses capacités ont fortement évolué : le couple A400M/MRTT a montré toute sa pertinence, tant au cours de la crise sanitaire qu’en Afghanistan, au Sahel ou au Levant. Les drones Reaper ont été armés, et leurs capacités accrues avec la mise en service opérationnelle du Reaper Block 5. Nos moyens spatiaux ont été modernisés et, sur terre, les radars de détection en partie renouvelés. Dans le même temps, les Mirage 2000N ont été retirés du service, de même qu’une partie des vieux ravitailleurs C-135, livrés du temps du Général de Gaulle..

Mais tout ne va pas pour le mieux : la flotte d’avions de transport présente encore de nombreuses fragilités, les hélicoptères sont vieillissants, nous manquons cruellement de capacités de défense sol-air et les avions de combat restent peu nombreux.

L’organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) a été profondément revue avec la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), venue remplacer la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD). La nouvelle démarche de globalisation et de verticalisation des contrats de maintenance commence à porter ses fruits, même si la disponibilité demeure insuffisante, notamment celle des hélicoptères ou des C-130 Hercules.

Le contexte opérationnel a également évolué. Au Levant, sur les 2 500 frappes effectuées depuis les bases aériennes d’Al Dhafra et H5 depuis 2014, à peine une soixantaine ont eu lieu ces deux dernières années. Au Sahel, les drones Reaper jouent un rôle déterminant en matière de renseignement comme de frappe, dont ils assurent une part croissante. La reconfiguration de l’opération Barkhane aura d’ailleurs peu d’impact sur l’armée de l’air et de l’espace, amenée à rester fortement engagée au Sahel, en particulier depuis la base aérienne projetée de Niamey.

L’armée de l’air et de l’espace est donc au rendez-vous des opérations, qu’il s’agisse de poursuivre les engagements ancrés dans le temps, de conduire un raid en Syrie lors de l’opération Hamilton, d’évacuer plus de 2 800 personnes de Kaboul, de porter secours à nos compatriotes des outre-mer frappés par l’ouragan Irma, de procéder à des évacuations sanitaires et de transporter du matériel médical dans le cadre de l’opération Résilience.

Ces rappels permettent d’apprécier l’évolution des crédits alloués à la préparation des forces aériennes. Pour 2022, ils s’élèvent à 3,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement (moins 56,9 %) et à 2,6 milliards en crédits de paiement (plus 6,07 %). La très forte baisse des AE s’explique par le fait que la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de MCO a atteint son pic en 2021, avec notamment la signature du contrat Boléro, relatif au moteur M88 du Rafale, et celle, prochaine, du contrat Balzac qui couvrira l’entretien des Mirage 2000 jusqu’à leur retrait de service. Les ressources affectées à l’entretien programmé des flottes aériennes s’élèvent à près de 3 milliards en AE et à 1,75 milliard en CP, des sommes considérables : en trois ans, ce sont 16,4 milliards qui auront été engagés. Il nous faudra veiller à ce que cette réforme porte réellement ses fruits.

En outre, les ressources allouées aux équipements d’accompagnement sont en augmentation ; 90 millions permettront de financer des travaux d’infrastructures – bâtiment du commandement de l’espace à Toulouse, préparation de l’arrivée des deux escadrons de Rafale à Orange.

Les ressources allouées à l’armée de l’air et de l’espace pour l’année 2022 me semblent donc plutôt satisfaisantes, et je ne vois pas de raison de m’opposer à leur adoption.

Je reste pourtant préoccupé. La trajectoire prévue par la LPM pour les dernières années de la programmation sera-t-elle respectée ? L’essentiel de l’effort financier porte sur la période 2023-2025 et si nous avons réussi à accroître le budget de la défense d’1,7 milliard d’euros par an, je crains que nos marges budgétaires, éprouvées par la crise sanitaire, ne permettent pas de l’augmenter encore de 3 milliards l’an prochain.

Je m’inquiète aussi des effets de l’ajustement annuel 2021 de la programmation militaire (A2PM) et de l’actualisation de la programmation militaire sur la trajectoire. L’A2PM a conduit à intégrer, sous enveloppe constante, les mesures du plan de soutien au secteur aéronautique ainsi que les douze Rafale commandés par la ministre en début d’année. Toujours sous enveloppe constante, de nouvelles priorités ont été intégrées, si bien que l’addition atteint plusieurs milliards et que nous ne savons toujours pas – du moins pas moins – par quelles économies ces dépenses seront compensées.

Nous avons seulement appris le retrait anticipé des Transall et d’ailleurs, les conséquences de cette décision, dans l’attente du programme Archange, m’inquiètent. En matière de renseignement d’origine électromagnétique, les C-160 Gabriel, par ailleurs appréciés de nos alliés, apportaient une capacité spécifique à laquelle les satellites ou les drones ne peuvent totalement se substituer. Quels autres renoncements ou ruptures capacitaires avons-nous dû accepter ?

Je m’inquiète aussi de la baisse du nombre d’heures de vol accordées pour la formation et l’entraînement des pilotes – la crise sanitaire a fait perdre à l’aviation de chasse 34 000 heures de vol, une dette organique qui ne pourra être résorbée. En 2022 seront programmées 162 heures par équipage, loin de la norme de 180 heures fixée par l’OTAN.

J’en viens à présent à ma partie thématique. En 2017, j’avais étudié l’impact du niveau d’engagement sur la préparation opérationnelle, l’usure des matériels et des hommes ainsi que le format de l’aviation de combat. Quatre ans et cinq rapports plus tard, j’ai souhaité mesurer le chemin parcouru et identifier les tensions qui continuent de peser sur la chasse française. Je me concentrerai sur deux points.

En premier lieu, les conséquences du succès à l’export du Rafale. Sur les 18 Rafale achetés à ce jour par la Grèce, 12 sont des avions d’occasion, tout comme les 12 avions que la Croatie doit acquérir : ce sont donc 24 Rafale qui seront prélevés sur le parc de l’armée de l’air et de l’espace, qui en compte 102. D’ici à la fin 2024, 27 Rafale seront livrés, suivis par 12 autres en 2025 pour compenser la commande grecque. Fin 2025, l’armée de l’air comptera donc 117 Rafale au lieu des 129 prévus par la LPM. J’ai bien noté que la ministre s’était engagée à passer une commande de 12 Rafale pour compenser la cession des appareils d’occasion à la Croatie, mais quand ? Ces incertitudes m’inquiètent d’autant plus que Florence Parly a récemment laissé entendre au Sénat que les Rafale remis à niveau grâce au produit de la cession croate pourraient être assimilés à des appareils de compensation… J’estime indispensable de procéder dès à présent à une commande ferme de 12 Rafale et je déposerai un amendement en ce sens en séance publique.

En outre, il convient d’identifier dès à présent les moyens de compenser les effets immédiats de ces prélèvements. Car il faut continuer à assurer les missions et à former les futurs équipages. Plusieurs pistes sont à l’étude : rehaussement capacitaire des Rafale – livraison de pods, de brouilleurs ou de radars à antennes actives –, amélioration de leur disponibilité, contribution de la marine aux missions assurées par l’armée de l’air et de l’espace – prise en charge d’un plot de police du ciel, délivrance de formations, réalisation de certaines opérations.

L’aviation de combat s’apprête à traverser une période difficile d’ici à 2025 – retrait annoncé des Mirage 2000-C, immobilisation annuelle d’une douzaine de Mirage 2000-D, besoins renforcés en appareils pour assurer la formation des pilotes étrangers, travaux de définition des futurs standards.

Avant d’être en mesure de gagner la guerre en 2040 – l’horizon du SCAF (système de combat aérien du futur) –, il faudrait être en mesure de la gagner en 2035… Le Rafale, qui évoluera dans des environnements toujours plus contestés en raison de l’amélioration constante des dispositifs de défense sol-air et de brouillage, devra être doté de moyens de connectivité, de systèmes guerre de navigation (Navwar) performants et éventuellement de moyens efficaces de suppression des défenses aériennes adverses. Les premières réflexions autour du standard F5 sont en cours mais veillons à ne pas oublier l’avant-SCAF !

D’autres défis pour l’aviation de combat, que je ne peux évoquer ici faute de temps, figurent dans mon rapport.

Je vous remercie de m’avoir accordé votre confiance tout au long de cette législature. Je remercie les services de la commission pour l’aide qu’ils m’ont apportée. Enfin, je remercie une personne que je ne nommerai pas, mais elle se reconnaîtra dans ces mots de René Char à Albert Camus : « Il est des rencontres fertiles qui valent bien des aurores. »

M. Jean Lassalle. Comme l’a dit le rapporteur avec beaucoup d’honnêteté et de clairvoyance, une passe difficile s’annonce pour l’aviation miliaire. Mais notre longue tradition et notre savoir-faire ne peuvent disparaître du jour au lendemain. Par ailleurs, ce n’est pas là que se situent les grands enjeux de demain. À cet égard, la marine me paraît se trouver dans une situation plus ardue.

M. Yannick Favennec-Bécot. Ce budget permettra-t-il de relever les défis posés au commandement de l’espace en matière d’observation, de télécommunication et de renseignements ?

Mme Sereine Mauborgne. Je salue votre engagement en faveur des hélicoptères Caracal, couronné de succès – comme quoi les rapporteurs budgétaires sont parfois entendus ! Je partage votre préoccupation sur le segment lourd des hélicoptères de transport. Preuve a été faite de l’engagement de la défense européenne en matière de soutien aux forces françaises, mais ne pensez-vous pas qu’on devrait imaginer une stratégie d’anticipation, notamment sur le maintien d’un segment solidaire au sein de l’Europe ?

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. L’armée de l’air et de l’espace n’a pas à se plaindre en effet, mes inquiétudes portent seulement sur cette période de transition pour l’aviation de combat. En outre, j’ajouterai que les chefs d’état-major sont rompus aux exercices interarmées, ils ont l’habitude de travailler ensemble, de manière très opérationnelle. La « guéguerre » entre les trois armées est définitivement terminée et il est inimaginable qu’un conflit puisse ne pas impliquer chacune d’entre elle ; c’est pourquoi toutes s’accordent pour chaque armée bénéficie de moyens adaptés à leurs missions

L’an dernier, j’ai consacré mon rapport à la montée en puissance du CDE. Les programmes CSO (composante spatiale optique), CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) et Syracuse se poursuivent de manière satisfaisante. On ne m’a pas fait part d’inquiétude particulière et je note que la préparation de l’avenir bénéficie de financements, notamment au travers du programme ARES de maîtrise de l’espace.

Chère Sereine Mauborgne, s’agissant de nos engagements et de l’Europe, je souhaite bien du plaisir à nos futurs dirigeants, car nous allons devoir maintenir nos actions au Sahel, agir plus ou moins seuls et demander toujours plus d’aide à nos alliés européens, voire aux Américains. Nous en avons déjà l’illustration avec les hélicoptères de transport lourd : nous avons besoin que le Royaume-Uni et d’autres nations continuent d’accepter de mettre à notre disposition de tels appareils. Et s’ils constituent, aux dires de l’armée de l’air et de l’espace, des forces spéciales comme de l’armée de terre, une ressource indispensable, je crois qu’à mon grand regret la France n’est pas en mesure de développer seule cette capacité – du moins n’en prend-elle pas le chemin. Nous pourrions envisager d’autres partenariats stratégiques, pourquoi pas avec les Grecs puisque nous venons de renforcer notre coopération bilatérale et dont le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace a dit qu’ils étaient très bienveillants à notre égard ?

M. Jean Lassalle. Je m’associe aux préoccupations exprimées par Mme Mauborgne et vous-même, Monsieur le rapporteur.

 

 

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Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous en venons cet après-midi aux interventions des orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et au vote sur les missions Défense, Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et Sécurités.

M. Jacques Marilossian. Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Pour la quatrième année consécutive, il est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les crédits de la mission Défense pour 2022 s’élèvent à 40,9 milliards d’euros, contre 32,3 milliards en 2017, soit un effort de 26 milliards en cinq ans.

Depuis 2017, la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement a permis de sortir nos forces armées d’un cercle vicieux fait de réductions des capacités, des effectifs, mais aussi des ambitions. Nos armées avaient fini par mettre en pratique un terrible concept : perdre la guerre avant la guerre. Nous avons mis fin à ce cercle vicieux pour leur redonner les moyens qui leur permettront d’assumer à nouveau la vocation mondiale de puissance d’équilibre de la France. Comme l’a dit Mme Parly, d’ici à 2030, la France doit pouvoir intervenir partout où ses intérêts sont en jeu, gagner sur tous les terrains et l’emporter face à tous les ennemis, seule ou en coalition.

En examinant chaque année le budget de la défense au sein de notre commission, nous avons contribué, à notre façon, selon nos sensibilités politiques, à soutenir le modèle d’armée complet, équilibré, dans la durée, qui est notre objectif depuis la revue stratégique de 2017. Je tiens à féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui ont apporté une pierre à l’édifice et ont contribué à la renaissance de nos forces armées – j’ai été moi-même rapporteur pour avis du budget de la marine pendant les trois premières années de la législature.

La ministre de la défense nous a annoncé, pour 2022, des livraisons d’équipements à hauteur de 23,7 milliards, mais aussi une commande militaire d’un montant de 36 milliards, dont plus de 8 milliards pour les programmes majeurs. L’ensemble des armées sont concernées, des véhicules blindés aux frégates, en passant par les équipements radio, les avions, les satellites, etc. N’oublions pas les 603 millions de commandes anticipées dans le secteur aéronautique, qui portent sur trois A330 de transport stratégique, huit hélicoptères Caracal et des systèmes de drone pour la marine. Ces commandes permettent à nos industries de défense d’innover et de produire. Elles sont le tissu indispensable à notre autonomie stratégique nationale mais aussi européenne. Nous pouvons nous féliciter que, face aux conséquences de la pandémie mondiale, qui ont logiquement affecté les livraisons, nous ayons pu ajuster les priorités aux disponibilités, tout en maintenant le niveau d’investissement.

La mission Défense prévoit d’importantes livraisons d’équipements en 2022, comme, par exemple, 245 véhicules blindés Griffon, les premiers engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, les drones Patroller, une frégate – La Lorraine –, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des capacités exploratoires pour les grands fonds marins, des avions ravitailleurs MRTT Phénix et des satellites.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) bénéficie en 2 022 d’un investissement de plus de 5 milliards d’euros ; 2,4 milliards sont consacrés au renouvellement de nos infrastructures, notamment pour les équipements à venir. Des moyens substantiels sont encore affectés, cette année, au renseignement, à l’espace, à la cyberdéfense – 376 nouveaux postes sont créés dans le cyber – et, bien sûr, à la dissuasion nucléaire, afin de préserver notre souveraineté.

S’agissant de la recherche, l’Agence de l’innovation de défense (AID) bénéficiera d’un soutien de plus de 1 milliard d’euros. Pour les hommes et leur famille, le budget 2022 consacre 2 milliards au plan famille, aux petits équipements du quotidien et aux structures d’hébergement. L’effort budgétaire consenti encore cette année n’ignore donc pas ce qui fait le cœur de nos armées : les femmes et les hommes, qu’ils soient sur terre, dans les airs ou en mer. Rappelons qu’en 2022, nous recruterons plus de 26 000 personnes.

Le budget 2022 est bien au service d’une démarche stratégique qui, comme l’a dit le chef d’état-major, nous permet de gagner la guerre avant la guerre. Plusieurs défis continueront cependant à se poser à nos forces armées dans le cadre de la prochaine législature et de la future loi de programmation militaire. Sur un plan opérationnel, j’en retiens deux en particulier : des tensions dans le recrutement et la fidélisation des hommes ; l’approvisionnement en munitions pour la préparation opérationnelle.

Enfin, sur le plan stratégique, nous devons poursuivre l’effort de défense, afin que la France puisse continuer à défendre sa souveraineté, à jouer son rôle de puissance d’équilibre dans le monde – je pense bien sûr à la zone Indo-Pacifique.

Avant de disposer d’une véritable défense européenne, autonome, dotée d’une boussole stratégique, nous devons nous préparer au retour du combat à haute intensité et aux défis que nous lancent les puissances autoritaires et agressives dans de nombreuses régions du monde. Poursuivre nos efforts, c’est bien l’ordre de marche qui doit être le nôtre !

Le groupe La République en marche votera ce budget.

M. Jean-Louis Thiériot. Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D’un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d’éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.

Cela étant, un phénomène s’est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s’est passé avec l’Australie et nous observons les actions en cours à l’égard de Taïwan. Il y a aujourd’hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l’amiral Vandier nous l’a rappelé.

D’autres questions restent ouvertes, comme l’a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d’occasion, puisque nous ne disposerons plus que d’un parc de 117 Rafale au lieu de 129.

Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n’en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l’armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.

Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s’abstiendra lors du vote de ces crédits.

Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l’actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n’ait pas été le cas.

Deuxièmement, j’avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd’hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d’armée complet, d’emploi, et notre capacité à jouer un rôle d’équilibre.

Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd’hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l’avenir, c’est à eux, d’abord, que nous devrons rendre des comptes.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ils ont aussi en mémoire les décennies de restrictions, qui n’ont pas encore été rattrapées. Je peux concevoir que vous fassiez le choix de l’abstention pour des motifs politiques, mais c’est plus difficile à comprendre pour nos soldats, qui ont subi, depuis vingt ans, les conséquences de choix budgétaires auxquels votre groupe a pris part.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre cinquième et dernier budget de la défense de la législature, qui est aussi le quatrième de la LPM 2019-2025, ainsi que les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et ceux de la gendarmerie.

La surprise réservée par le budget de la défense est qu’il est sans surprise. Il résulte d’une volonté politique et se concrétise par une augmentation des crédits de 1,7 milliard d’euros, laquelle respecte parfaitement les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Certaines recommandations du groupe Agir ensemble ont été prises en compte. Lors de l’examen du PLF 2021, nous avions alerté le Gouvernement sur deux points : le manque de déclinaison opérationnelle sur le retour de la haute intensité et la nécessité d’adapter notre stratégie au Sahel. Le budget répond à ces attentes. D’une part, il prévoit la livraison des capacités critiques nécessaires pour crédibiliser notre force armée dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. D’autre part, l’action Surcoûts liés aux opérations extérieures du programme 178 permet à notre dispositif militaire au Sahel d’évoluer.

Par ailleurs, le budget exploite l’hybridité pour offrir à la France de meilleurs leviers d’influence, notamment en consacrant 646 millions à l’espace, 231 millions au cyber et près de 400 millions au renseignement.

Je voudrais également souligner la complémentarité des plans France relance et France 2030, qui font la part belle aux enjeux militaires et de dualité, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’espace, du cyber et des fonds sous-marins. Ces crédits s’ajouteront au budget prévu par la LPM. La défense contribue ainsi à favoriser le développement technologique du pays.

Je rappelle aussi que les crédits du Fonds européen de la défense (FED), dont le montant annuel s’élève à 1,2 milliard d’euros, s’ajouteront aux efforts nationaux.

Cela étant dit, nous aurions aimé que le budget alloué aux forces des réserves suive la dynamique générale, notamment s’agissant de la réserve opérationnelle.

Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens alloués au cyber, au renseignement et à l’espace s’inscrivent dans un cadre équilibré, qui préserve le financement des autres armées. Avec Sereine Mauborgne, je serai particulièrement attentif aux effectifs de la force opérationnelle terrestre.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation envoie des signaux forts au monde combattant, dans le prolongement de ce qui a été fait depuis 2017. Cette année, on doit noter l’évolution du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). Par ailleurs, les crédits affectés à la journée défense et citoyenneté (JDC) sont en hausse de 2 millions d’euros et ceux dédiés au service militaire volontaire (SMV) sont confortés à un niveau de 3 millions d’euros.

Nous voterons donc sans réserve et avec enthousiasme les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En dressant le bilan de notre action depuis 2017, je ne vois pas un seul domaine dans lequel on aurait régressé. Jacques Marilossian et Thomas Gassilloud ont très bien décrit tout ce qui a progressé. Il y a des programmes dont le démarrage a été retardé, mais pour des raisons qui tiennent plus à la chronologie et à la préparation qu’au budget proprement dit. La trajectoire financière a été pleinement respectée depuis le début de la LPM.

Je tiens à rassurer ceux qui ont peur pour l’avenir. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous avons pesé, par notre soutien – je pense, par exemple, aux rapporteurs successifs du budget de la marine – sur cette évolution budgétaire.

Le Figaro d’hier faisait état de la bataille relative aux Small Modular Reactors (SMR), que j’évoque depuis plusieurs mois. Le Président de la République a souhaité que nous entrions dans la compétition, en développant une filière 100 % française du nucléaire civil faiblement enrichi à 4 ou 5 %. Ce projet résulte, pour partie, des travaux de notre commission. Naval Group et TechnicAtome développent les microcentrales les plus performantes en Europe, et probablement au monde. Là où les Américains ont inventé le nucléaire, nous concevons les micro-chaudières les plus compactes.

Au-delà de la trajectoire financière adoptée dans la LPM, nous avons su réagir au moment où il le fallait. Cela a été le cas pour le nucléaire, mais aussi pour la défense et l’espace. La ministre de la défense a ainsi augmenté les budgets pour permettre à Toulouse de remporter la compétition relative à l’implantation du centre d’excellence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour l’espace. Je citerai également notre action en matière de cybersécurité. En février 2018, Louis Gautier, alors à la tête du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous présentait la première revue stratégique de cybersécurité. Dès l’hiver suivant, la ministre exposait la doctrine de la lutte informatique offensive (LIO), autrement dit la capacité de riposte cybersécuritaire, dotée d’effectifs en hausse. Nous avons consolidé les domaines stratégiques à mesure que les besoins apparaissaient.

Des inquiétudes sont nées du fait que l’on puise dans les réserves de Rafale pour l’exportation, ce qui réduit notre parc à 117 avions au lieu de 129. C’est sans compter sur ce que nous allons peut-être vendre d’ici au prochain exercice budgétaire. Je compte bien que l’on obtienne de nouvelles commandes ! Peut-être pourra-t-on également « rétrofiter » des Mirage 2000, que l’on récupérera quelque part. On pourrait donc passer en dessous des 117 Rafale. Cela étant, je suis sûr que nous passerons la commande des douze Rafale évoquée par Jean-Jacques Ferrara ce matin et que nous atteindrons, à terme, le nombre d’appareils promis.

Le groupe Modem et démocrates apparentés votera évidemment ces budgets, mais nous voudrions que toutes les hypothèques soient levées. Nous ne pensons pas une seule seconde que l’effort que nous avons fait pendant cinq ans ne sera pas prolongé.

Mme Isabelle Santiago. Nos forces armées sont fortement mobilisées, depuis plusieurs années, dans le cadre des opérations extérieures et intérieures, sur fond de terrorisme et de crise sanitaire. Je salue le travail remarquable qu’elles accomplissent dans un contexte parfois difficile, compte tenu de la multiplication de leurs missions et de leurs engagements. Face à la montée des tensions internationales et aux menaces croissantes provenant des nouvelles tactiques de guerre hybride, les défis qui nous attendent n’ont peut-être jamais été aussi grands depuis la fin de la guerre froide. Nous mesurons jour après jour leur implication stratégique : je pense aux actions belliqueuses de puissances étrangères – Russie et Chine, pour ne citer qu’elles. L’environnement mondial est également soumis à de nombreux aléas potentiellement périlleux pour l’équilibre mondial et la paix, à l’image de l’architecture de sécurité liée à l’armement nucléaire et des tensions persistantes au sein de la zone Indo-Pacifique. Le PLF 2022 et sa mission Défense doivent s’adapter aux problématiques actuelles et à venir, ainsi qu’aux menaces grandissantes.

Je tiens à souligner ce qui va dans le bon sens. Les efforts budgétaires sont indéniables, dans la continuité d’actions déjà engagées, qui portent leurs fruits sur le terrain. La hausse de 1,7 milliard, inscrite dans la LPM, est, cette année encore, maintenue. Dans le même sens, l’effort substantiel consacré au programme 146 Équipement des forces est conforté : les crédits de paiement, qui excèdent légèrement 860 millions, financeront notamment les grands programmes d’armement, dont l’importance est cruciale. Nous notons une augmentation de 1 348 emplois comptabilisés en équivalents temps plein (ETP) entre la loi de finances initiale (LFI) 2021 et le PLF 2022. Relevons aussi les investissements en faveur des hommes, comme l’illustrent, par exemple, le plan famille et le plan ambition logement.

Mon groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points, notamment la baisse drastique des autorisations d’engagement des programmes 144, 178 et 146 par rapport à 2021, ce qui laisse craindre une baisse future des crédits de paiement. Des sujets primordiaux sont pourtant en jeu. Le programme 144 concerne l’anticipation des menaces, qui doit permettre d’adapter l’outil de défense aux risques émergents. Le programme 178 a trait, quant à lui, à l’amélioration de la préparation opérationnelle. La révision de la LPM indiquait que cette préparation devait faire l’objet d’une attention particulière, pour préparer nos armées aux conflits de haute intensité. Nous nous interrogeons sur la pérennité des hausses de crédits prévus par la LPM 2019-2025, dans la mesure où la marche sera encore plus haute à franchir à partir de 2023. En effet, à compter de cette date, les augmentations annuelles de crédits passeront de 1,7 à 3 milliards. Comment les objectifs financiers finaux de la LPM seront-ils tenus ?

Il n’en reste pas moins que les efforts sont indiscutables. Même si nous faisons usage de notre droit d’alerte sur plusieurs sujets, nos soldats et nos armées attendent un soutien massif et éclairé, que nous devons leur apporter. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

M. Yannick Favennec-Bécot. Depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI et indépendants se sont efforcés de faire preuve d’une opposition constructive à l’égard des mesures proposées par le Gouvernement et la majorité. Lorsque nous avons considéré qu’ils faisaient fausse route, nous avons affirmé notre opposition, parfois avec force, mais toujours avec l’intérêt général en ligne de mire. À l’inverse, lorsque nous avons estimé qu’une mesure allait dans le bon sens, ou qu’une réforme était bonne pour le pays, nous l’avons votée, en faisant fi de nos différences ou de nos nuances politiques. C’est sans doute cela, aussi, être centriste.

La mission Défense est dotée, pour 2022, d’un budget de 40,9 milliards d’euros. L’augmentation de 1,7 milliard de ses crédits par rapport à 2021 respecte les engagements pris dans le cadre ambitieux de la LPM. Disons-le sans ambages : ce budget nous satisfait pleinement. Alors que notre pays et notre économie ont été profondément bouleversés par la crise sanitaire, le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, privilégier le court terme et mettre un coup de canif dans la LPM, comme bien d’autres gouvernements l’ont fait par le passé. Tel n’a pas été le cas. Nos armées et nos militaires ne servent plus de variables d’ajustement, ce dont nous nous réjouissons. Avec ce budget, la parole donnée est respectée : c’est le minimum que nous devons à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection de la France, parfois, il faut le dire, au détriment de leur vie.

Je voudrais souligner les aspects les plus saillants du budget et renouveler les craintes que nous avions formulées en 2018 lors de l’examen de la LPM.

Parmi les éléments satisfaisants, je relèverai le milliard consacré à l’innovation, pour concevoir les technologies de demain, les 500 millions supplémentaires pour les programmes d’armement majeurs, les 337 millions destinés à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement de nos militaires, les 300 millions supplémentaires consacrés à l’entretien des matériels, la création nette de 450 postes dans des domaines aussi essentiels que le renseignement et la cyberdéfense, ou encore le nombre substantiel de nouveaux véhicules – 5 000 – destinés à nos gendarmes.

Concernant nos craintes, n’oublions pas que, si la LPM est respectée quasiment à la lettre, 2023 sera marquée par une hausse de 3 milliards du budget de nos armées. Cette marche sera haute, et son franchissement ne sera pas un cadeau pour le prochain gouvernement, compte tenu notamment des nombreuses dépenses réalisées dans le présent PLF. Dit autrement, nous considérons que, pour le bien et l’avenir de nos armées, il aurait fallu mieux répartir les efforts, afin de réduire à néant les risques de faiblir.

Cela étant dit, le groupe UDI et indépendants votera néanmoins les crédits de la mission Défense.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe se réjouit de la subvention de 56,36 millions d’euros au profit de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), ainsi que du maintien à 25 millions d’euros du budget consacré à l’action sociale. De même, notre groupe salue la volonté du Gouvernement d’augmenter le point de la PMI, qui s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises en faveur du monde combattant depuis le début de cette législature.

Toutefois, notre groupe regrette que la baisse naturelle du nombre des ayants droit et ayants cause se traduise par une énième baisse du budget de la mission. Maintenir le budget à hauteur de son niveau de 2021 aurait permis, sans doute, de répondre à de nombreuses requêtes légitimes formulées depuis longtemps par le monde combattant. Le groupe UDI et indépendants proposera, en ce sens, un certain nombre d’amendements en séance publique, afin de répondre aux attentes de ces femmes et de ces hommes.

Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernier exercice budgétaire, je vous remercie, Madame la présidente, pour votre bienveillance et votre sens de l’équité.

M. Alexis Corbière. Malgré les points de désaccord que je fais entendre, et même si cette commission mériterait d’être le lieu de débats un peu plus animés, je vous remercie moi aussi pour la présidence bienveillante que vous exercez.

C’est sans doute la dernière fois de la législature que nous nous retrouvons pour parler de ces sujets importants. Cette cinquième hausse successive du budget ne doit pas faire oublier l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire en 2021 – et l’absence de débat sur la question.

Trop souvent, la commission de la défense est une commission de la défiance vis-à-vis des parlementaires. Vous n’en êtes pas responsable, Madame la présidente : ce sont les institutions qui sont en cause. On discute chiffres et comptabilité, mais bien peu des grandes options stratégiques et géopolitiques ainsi que des conséquences que nous devons en tirer : ce ne sont pas des questions dont le Parlement se saisit. C’est là un problème de fond qui nous amènera à voter contre le projet de loi de finances, car c’est la seule manière que nous avons de manifester une opinion sur les grands choix en matière d’interventions militaires.

La LPM était censée faire l’objet d’une actualisation. Or cela n’a pas été le cas. L’environnement stratégique a pourtant connu une évolution extrêmement importante, et la pandémie a été un choc mondial. Tout cela aurait justifié des débats de fond sur les grandes orientations stratégiques à venir.

De plus, on nous soumet un budget à trous : il y a des trous capacitaires et d’autres qui sont liés aux surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures. Nos collègues du Sénat avaient ainsi identifié, concernant les OPEX, un surcoût de 8,6 milliards d’euros. Il m’a été répondu que les critiques du Sénat n’étaient pas pertinentes, mais les arguments avancés me laissent sur ma faim.

La LPM court jusqu’en 2025, soit au-delà de la fin du quinquennat. Une augmentation des crédits est proposée cette année, à hauteur de 1,7 milliard, mais les hausses les plus importantes sont prévues après ce quinquennat, ce qui revient à dire qu’il s’agit en réalité d’un programme électoral. Pourquoi pas, mais il faut le considérer comme tel : ce sont d’abord et avant tout des promesses qui sont faites dans l’hypothèse où la même équipe serait reconduite. On peut donc se demander si les prévisions se réaliseront dans le cas contraire. Je me méfie de cette manière de faire de grandes annonces dont l’exécution est renvoyée à une époque où le gouvernement et la majorité actuels ne sont pas assurés d’être encore aux responsabilités.

Par ailleurs, entre 2019 et 2025, 10 % de la hausse sera absorbée par la seule dissuasion nucléaire.

Nous regrettons aussi le niveau de disponibilité trop faible des appareils et l’insuffisance des moyens pour protéger les espaces maritimes. Au-delà de la bataille des chiffres, il faudra que nous ayons un jour, dans le cadre d’une vraie vie parlementaire, une réflexion collective sur la stratégie et la doctrine. Les conséquences géopolitiques de la pandémie ont changé la donne. Il en est de même du comportement de nos « amis » australiens et de l’affaire des sous-marins, qui doivent nous conduire à reconsidérer les modalités de notre participation à l’OTAN. Qu’attendons-nous pour remettre en cause notre participation à son commandement intégré ? Faudra-t-il subir de nouveaux affronts ?

L’enlisement militaire au Sahel, après huit années de guerre, devrait également nous amener à réfléchir. Depuis 2013, cinquante-deux de nos soldats sont tombés. Chaque fois que nous apprenons l’une de ces disparitions, nous sommes tous bouleversés. Mais cela devrait nous conduire à avoir une discussion politique sur les raisons de notre engagement et à envisager la possibilité de sortir de ce conflit. Nos armées font leur devoir avec beaucoup de courage, mais aucun plan politique n’accompagne l’intervention militaire. Or nous ne pouvons pas demander à nos soldats de régler des problèmes politiques.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je salue la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui sera porté à 15,05 euros à partir du 1er janvier 2022. C’est une bonne chose, mais le rattrapage est loin d’être terminé. Des écarts se sont creusés, et aucune réforme significative du système d’indexation du point n’a été engagée. La composition de la commission tripartite chargée de travailler sur le point PMI pose de nombreuses questions. Le niveau de vie des pensionnés militaires ne devrait pas être négociable. Il faut mettre en place un calendrier de rattrapage du point d’indice ; nous avons déjà perdu assez de temps. Il en va de même pour la demi-part fiscale des veuves de guerre.

Nous voterons contre ce budget en raison des nombreuses critiques que nous formulons à son encontre, mais aussi – et avant tout – car c’est pour nous une façon d’exprimer l’idée selon laquelle, dans le monde incertain qui se dessine devant nous, le Parlement doit plus que jamais se saisir de ces enjeux et mener des débats sur le fond, au lieu de se limiter à des discussions comptables.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes dans un temps de discussion budgétaire : il paraît logique que nous parlions un peu de chiffres… Par ailleurs, nous avons mené de nombreuses auditions sur les conséquences de la rupture de l’accord-cadre avec l’Australie et avons eu de multiples discussions géostratégiques autour de la question. Je serais d’ailleurs ravie que vous soyez présent la semaine prochaine, lorsque nous entendrons Philippe Errera et Alice Guitton sur les futures options stratégiques en Indo-Pacifique. Cela nous permettrait de bénéficier de votre éclairage.

Je m’attache à ce que nous ayons des discussions sur les grands enjeux et sur la nécessité d’adapter nos armées, tant dans leurs moyens que dans leur stratégie opérationnelle, pour faire face aux nouvelles formes de conflictualité.

M. Alexis Corbière. Vous parlez d’or, mais il était question dans mon propos de délibération et de vote, et vous me répondez en évoquant des auditions, alors qu’il est évident que nous en menons un grand nombre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous nous reprochez un manque de réflexion et de débat sur des questions essentielles, aussi je souligne que nous ne parlons pas seulement de chiffres.

M. Alexis Corbière. Les députés sont là pour décider, pas seulement pour auditionner.

Mme la présidente Françoise Dumas. Les auditions servent à nous éclairer pour qu’ensuite nous soyons en mesure de débattre et décider. Si vous considérez que notre commission n’est pas un lieu de dialogue et que les auditions que nous menons ne sont pas des moments de dialogue, j’aimerais que vous m’expliquiez où vous en trouverez !

M. Jacques Marilossian. Monsieur Corbière, vous critiquez la commission mais vous ne venez jamais aux réunions !

M. Alexis Corbière. Je constate que certains de nos collègues sont non seulement désagréables politiquement, mais en plus mal élevés !

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. C’est le dernier budget que nous examinons au cours de cette législature. Je profite donc de l’occasion pour vous remercier à mon tour de votre bienveillance et de votre écoute, Madame la présidente. J’inclus également dans mes remerciements votre prédécesseur : lui aussi s’est montré bienveillant, particulièrement à mon endroit.

Depuis 2017, les lois de finances successives témoignent d’un renforcement des missions régaliennes de l’État. C’est encore le cas avec le budget pour 2022 de la mission Défense, dont les crédits augmentent pour la troisième année consécutive. De ce point de vue, le projet de loi est en conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget de la défense augmente de 1,7 milliard d’euros. Depuis 2017, la hausse totale est de 7,7 milliards. Dans le monde troublé qui est le nôtre, c’est une bonne chose pour notre défense collective comme pour l’innovation de nos entreprises les plus performantes, et donc pour l’emploi. Cette montée en puissance devrait en effet permettre d’augmenter les capacités opérationnelles de nos armées, de renforcer les équipements et les infrastructures militaires, y compris dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité et de la maîtrise de l’espace, qui sont au cœur des enjeux actuels.

Toutefois, je voudrais relativiser cet effort, car si nos dépenses de défense ont augmenté de 4 %, l’augmentation moyenne en Europe est de 4,2 % et celles des États-Unis et de la Chine dépassent 6,6 %. Dans ce contexte, mon groupe souhaite vous faire part de ses inquiétudes. Comme l’an dernier, celles-ci concernent la compétitivité de nos industries de défense, fortement mises à mal par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques mondiales, mais aussi l’excessive externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, notamment en matière de transport et d’affrètement aériens, que la Cour des comptes avait déjà signalée en posant la question de la qualité et de la sincérité des contrats.

Dans la loi de finances initiale de 2021, le budget total de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élevait à 2 089 millions en crédits de paiement. Le PLF pour 2022 propose quant à lui de doter la mission à hauteur de 2 016 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire à la baisse. Ce projet de budget ne fait donc pas exception à la baisse annuelle des crédits de cette mission, en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations. Nous regrettons que ces financements n’aient pas été utilisés pour répondre à d’autres besoins et d’autres attentes. En revanche, nous saluons la revalorisation du point PMI.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR émet des réserves concernant ce budget. Pour ma part, à titre personnel, je le soutiens, compte tenu de l’écoute de la ministre des armées et de ses efforts en faveur des outre-mer, notamment la Martinique, où les besoins étaient importants à la suite de certains événements climatiques tels que l’ouragan Irma : Mme la ministre nous a fait parvenir des équipements.

Mme Sereine Mauborgne. M. Thiériot a parlé de l’abstention de son groupe. Je lui soumets donc cette citation d’Alphonse Allais : « Il y a des circonstances où il faut s’abstenir de jouer à la bourse, aux courses, au baccarat ou à la roulette : primo, quand on n’a pas les moyens et secundo, quand on les a ». Les militaires, eux, ne s’abstiennent pas, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont ils ont subi les conséquences dans les années 2010 – et les sous-officiers continuent à payer un lourd tribut à cette politique.

La commande de VBAE a effectivement été avancée, ce qui a nécessité un ajustement mineur de la trajectoire du programme SCORPION. Toutefois, celui-ci avait été accéléré en 2019, comme Thomas Gassilloud et moi-même le proposions en 2019 – cette recommandation figurait dans l’avis budgétaire relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres. Malgré le ralentissement que vous évoquez, la progression reste supérieure à la prévision initiale.

Par ailleurs, nos soldats sont fortement exposés à des risques de blessures, voire à la mort : au cours des seuls mois de décembre de l’année dernière et de janvier, cinq ont perdu la vie lors de missions de reconnaissance. Celles-ci requièrent à la fois de l’agilité et de la réactivité. La décision a donc été prise en urgence de consolider les véhicules blindés légers (VBL) MK1. Le programme a démarré en février 2020, et les premiers véhicules ont été projetés en opération extérieure dès le mois de juin – je salue à cet égard l’engagement de l’équipe de Clermont-Ferrand. Il était donc nécessaire d’engager l’acquisition de VBAE. Notre mission est de protéger nos soldats, pour eux et pour leur famille. Nous devons leur donner ce qu’il y a de meilleur.

M. Claude de Ganay. Je vous remercie au nom de notre groupe, Madame la présidente, pour le bon climat qui, dans l’ensemble, a régné dans la commission au cours de la législature. Au-delà de votre présidence et de celle de votre prédécesseur, les relations entre les commissaires ont été bonnes. Nous avons ainsi mené à bien des missions associant des représentants de partis différents. Il est agréable de le noter et de le rappeler. Je remercie également l’ensemble du secrétariat de la commission pour son travail.

Je ne relancerai pas le débat en répondant à Mme Mauborgne. J’indiquerai simplement que vous devez respecter notre choix. Notre abstention sera bienveillante. Nous avons souligné les efforts importants qui ont été consentis. Toutefois, nous sommes vigilants. Nous ne sommes pas à l’école, où chacun doit suivre le maître. Comme l’a rappelé M. Favennec-Bécot, la fameuse marche de 3 milliards est devant nous. L’ensemble des soldats qui nous écoutent se disent certainement que c’est une bonne chose que certains élus soient vigilants. De fait, nous devons savoir si les engagements seront tenus et si le mouvement engagé à travers la loi de programmation militaire se poursuivra. Nous avons tous souligné la pertinence de la LPM et salué la hausse des engagements financiers. Cela dit, comme l’ont souligné mes collègues rapporteurs pour avis s’agissant de l’armée de l’air et de la marine, un certain nombre d’interrogations demeurent. Il est sain, dans une démocratie, que certains se posent en vigies.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous extrêmement attentifs et vigilants, monsieur de Ganay.

Nous en arrivons aux amendements sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis. À l’issue de l’examen de chaque série d’amendements, nous émettrons un avis sur les crédits de la mission correspondante.

 

Mission Défense

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit ici d’une question dont on parle beaucoup : le prix du pétrole. Nous proposons d’augmenter la dotation en gazole, compte tenu des incertitudes géopolitiques et de la hausse du prix du baril.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). Je suis plutôt défavorable à l’adoption de cet amendement, que le groupe Socialistes et apparentés présente chaque année.

Un dispositif spécifique du service de l’énergie opérationnelle permet d’atténuer les variations annuelles du cours du baril et le compte 901 « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires » permet de constituer des stocks de carburants grâce à un découvert autorisé de 125 millions. La gestion de sa trésorerie est donc très proactive.

M. Fabien Gouttefarde. Mme Santiago est envoyée au charbon par son groupe mais, en effet, cette argumentation est répétée chaque année. L’article 5 de la loi de programmation militaire votée au début de la législature prévoit un mécanisme en cas de forte hausse des cours du pétrole.

Notre groupe vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN4 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis dans les douze mois à compter de la promulgation de la loi sur l’évaluation des programmes de coopération européenne dans le secteur de la défense.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (Équipement des forces-dissuasion). Si vous le permettez, je donnerai également un avis sur cet amendement et sur celui à venir, le II-DN9.

Depuis 2017, la réponse est identique. Mon prédécesseur Jean-Charles Larsonneur l’a donnée, comme je l’ai donnée l’année dernière. Lorsque nous jugeons qu’il est nécessaire de le faire, nous auditionnons des industriels et toutes les personnes que nous souhaitons. Je ne vois donc pas l’utilité d’un rapport global. En revanche, notre commission pourrait se saisir de points particuliers et auditionner le délégué général pour l’armement afin de les lui soumettre.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN5 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis afin d’évaluer nos équipements, notamment leurs coûts par rapport à ceux de nos alliés européens et au sein de l’OTAN.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Dans notre rapport sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, M. Fiévet et moi-même avions souligné combien les budgets doivent être lisibles quant aux actions menées dans les domaines de la biodiversité, de l’énergie et de l’environnement. Là encore, nous demandons un rapport sur ces questions.

Telle qu’elle est, la rédaction de cet amendement est problématique puisque nous demandons un rapport chiffré et l’inscription d’une ligne budgétaire transversale. Quel que soit votre vote, je le représenterai en séance publique dans une rédaction différente.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je m’associe aux propos de M. Gouttefarde. Nous verrons en l’occurrence ce que Mme la ministre dira dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

M. Charles de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante !

Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Avis favorable.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). Pareillement, pour nos marins !

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Abstention !

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous rappelle que ces crédits seront examinés en séance publique le mardi 26 octobre, après-midi et soir.

 


—  1  —

   Annexe :

Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 

1. Auditions

 Société nationale du sauvetage en mer  M. l’amiral Emmanuel de Oliveira, président ;

 État-major de la marine  M. l’ingénieur général de l’armement Guillaume de Garidel-Thoron, directeur central du service de soutien de la flotte et Mme le capitaine de corvette Amandine Kubié, assistante militaire du directeur central du SSF ;

 État-major de la marine  M. le général Xavier Facquet, commandant de la gendarmerie maritime et M. le capitaine de vaisseau Ludovic Segond, chef du bureau « finances »de l’État-major de la Marine

 État-major de la marine  M. le contre-amiral Eric Vernet, sous-chef d’état-major « soutiens-finances » ;

 Ministère de la Mer  M. Thierry Coquil, directeur des affaires maritimes à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer ;

 Ministère de la Mer  M. Thomas Pailloux, conseiller en charge de l’action de l’État en mer et des affaires régaliennes, directeur adjoint du cabinet de la ministre de la Mer.

2. Déplacements

 4 octobre ‒ Brest : réunions de travail avec M. le vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, préfet maritime de l’Atlantique, la division AEM de la préfecture maritime, la base navale de Brest.

 

 


([1])  Afrique du sud, Arabie saoudite, Australie, Bangladesh, Birmanie, Émirats arabes unis, France, Inde, Indonésie, Iran, Kenya, Malaisie, Maldives, Maurice, Mozambique, Oman, Pakistan, Qatar, Royaume Uni, Seychelles, Singapour, Sri Lanka, Tanzanie, Thaïlande et Timor oriental.

([2])  Allemagne, Chine, Espagne, Italie, Japon, Madagascar, Pays-Bas et Russie.

([3])  Anciennement « Frégates de taille intermédiaire » (FTI).

([4])  Anciennement « Bâtiment de surveillance et d’intervention (BATISMAR).

([5])  Anciennement « Bâtiment de soutien et d’assistance hauturiers » (BSAH).

([6])  Échéance calée sur la durée de vie de ses chaufferies nucléaires (40 ans depuis leur première divergence en 1998).

([7])  Bâtiment Ravitailleur de Forces, anciennement « FLOTLOG »

([8])  Improvised explosive device.

([9])  Le site « etremarin.fr » dispose depuis le printemps 2019 d’une plateforme conversationnelle (tchat) qui permet à chaque internaute qui le souhaite de poser une question aux marins ambassadeurs (des marins volontaires de profils et de spécialités variés), lui permettant ainsi de mieux connaître la Marine et son offre employeur (les métiers, le recrutement, etc.). La Marine est également présente sur la plateforme MyJobGlasses qui permet aux étudiants de rencontrer des personnes déjà dans l’emploi (en présentiel, en visioconférence ou au téléphone). Dans le contexte actuel, MyJobGlasses continue de mettre en relation jeunes et marins, en privilégiant le contact téléphonique. Le nombre de marins ambassadeurs sur cette plateforme est passé de 50 en 2018 à 300 en 2021.

([10])  Le terme pop-in est utilisé dans le domaine du webmarketing pour désigner un cadre qui va apparaître sur une page Web suite à une action de l’internaute.

([11])  Afin d’éviter une rupture capacitaire, liée au retrait en service des Alouette III dès 2022, la loi de programmation militaire 2019-2025, prévoit la mise en place d’une flotte intérimaire d’une quinzaine d’hélicoptères légers, en attendant la livraison du premier Guépard. Ainsi 4 hélicoptères H160-B ont été commandés en 2020 ainsi que 2 hélicoptères supplémentaires en.

([12])  MCLM : modules de lutte contre les mines.

([13])  SEDGM : système d’exploitation des données de guerres des mines.

([14])  Rémunération et charges sociales.

([15])  Porte-hélicoptères amphibie.

([16])  Arrêté du 22 mars 2007 établissant la liste des missions en mer incombant à l’État dans les zones maritimes de la Manche-mer du Nord, de l’Atlantique, de la Méditerranée, des Antilles, de Guyane, du sud de l’océan Indien et dans les eaux bordant les Terres australes et antarctiques françaises

([17])  Services du Premier ministre, Défense, Budget, Transports, Industrie, Intérieur, Santé, Environnement, Justice, Agriculture et Pêche, Emploi, Équipement, Culture, Affaires étrangères, Recherche, Outre-mer.

([18]) Le décret 2004-112 (modifié) dispose en son article 1 que « L’autorité [du Préfet maritime] s’exerce jusqu’à la limite des eaux sur le rivage de la mer. Elle ne s’exerce pas à l’intérieur des limites administratives des ports. Dans les estuaires, elle s’exerce en aval des limites transversales de la mer. »

([19])  Avec le cas particulier des zones maritimes océan Indien et océan Pacifique, où le commandant de zone maritime exerce les fonctions de délégué du Gouvernement pour l’exercice des pouvoirs de police en mer.

([20])  Illicite, Non déclarée, Non réglementée

([21])  Bâtiment de Soutien et d’Assistance Métropolitain

([22])  Vedette Côtière de Surveillance Maritime

([23])  Bilan AEM 2020 du CoFGC.

 

([25])  Ce délai d’appareillage n’est pas opposable au citoyen, car marées et saison estivale sont sources d’aléas.