N° 4601

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 (n° 4482)

 

TOME VI

 

DÉFENSE

 

préparation et emploi des FORCES :

AIR

PAR M. Jean-Jacques FERRARA

Député

——

 

 

 

Voir le numéro : 4524 (annexe 12).



 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

L’évolution favorable des crédits de l’armée de l’air et de l’espace ne lève pas toutes les interrogations

I. 2021, une nouvelle année d’intense activité pour l’armée de l’air et de l’espace

A. L’armée de l’air et de l’espace au rendez-vous des opérations

1. Un haut niveau d’engagement sur tous les théâtres

Sur le territoire national

En opérations extérieures

L’opération APAGAN

2. De la Méditerranée au Pacifique : démonstrations de puissance aux quatre coins du globe

B. Le renouveau des capacités se poursuit en 2021

1. Les équipements

Livraisons

b. Commandes

2. L’action de la DMAé commence à porter ses fruits

L’amélioration de la disponibilité des matériels est manifeste

La disponibilité des matériels reste pour autant perfectible

II. Au terme du quinquennat, la vigilance reste de mise

A. Les crédits de l’armée de l’air et de l’espace ouverts par le projet de loi de finances pour 2022

1. Présentation générale des crédits du programme 178 dévolus à l’armée de l’air et de l’espace

2. Présentation par nature et par opération stratégique

Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses d’investissement

Les autres crédits de la mission « Défense » consacrés à l’armée de l’air

B. Face à l’évolution du contexte stratégique, de nombreuses questions restent en suspens

1. Les inquiétudes nées de l’actualisation de la programmation

2. Les incertitudes sur la trajectoire au-delà de 2022 et « l’Ambition 2030 »

Inquiétudes sur l’aviation de combat

I. L’aviation de combat en tension

A. Un engagement opérationnel intense et permanent, non sans incidences sur la préparation opérationnelle

1. « Faire face » : la chasse au rendez-vous des opérations

Le cadre opérationnel fixé par la Revue stratégique et la LPM

Un niveau d’engagement élevé dans la durée

2. Une dette organique accentuée par la crise sanitaire

B. En cours de modernisation, l’aviation de combat présente toujours des fragilités

1. Malgré sa diversité, un parc toujours plus performant

Le « tout Rafale » est encore loin

Une modernisation continue des avions de combat

2. Des vulnérabilités persistantes

Des équipements de mission insuffisants

Des munitions en trop faible nombre

Une disponibilité encore perfectible

II. Les points d’attention du rapporteur

A. Accompagner les aviateurs

1. Achever la réforme de la formation des équipages de chasse

Un premier bilan positif

Une réforme à finaliser

2. Relever le défi de la fidélisation

Les personnels navigants

Les mécaniciens

B. Compenser les succès du rafale à l’export

1. Le soutien à l’export est facteur de tensions accrues

Sur le parc

Sur la préparation opérationnelle

2. Mettre en œuvre rapidement les indispensables mesures de compensation

Le rehaussement capacitaire

Le soutien opérationnel

C. Préparer l’avenir

1. Les implications de défi de la haute intensité

2. Les futurs avions de combat

Les prochains standards du Rafale : ne pas baisser la garde

Le SCAF : paré au décollage ?

Travaux de la commission

I. Audition du Général Stéphane MILLE, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace

I. Examen des crédits

Annexe :  Travaux du rapporteur pour avis


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« Ils étaient sur les lignes de front.

Entre la brume et le sol il y avait une sorte de couloir

fuligineux où l’avion s’engouffra de plein jet. »

 

« L’avion roulait avec de rapides cahots, puis il n’y eut plus de secousses, mais un glissement doux. Ils avaient quitté le sol. Et le vent de la marche et le vent de l’hélice le baignèrent de cette ivresse du large qui grise les marins, au départ, sur la proue des navires »

Joseph Kessel, l’Équipage.

   Introduction

L’armée de l’air et de l’espace expérimente quotidiennement le durcissement du contexte stratégique. Au Levant, par exemple, les Rafale déployés sur la base aérienne projetée H5 en Jordanie, depuis laquelle ils effectuent des missions de renseignement et de frappe sol-air en Irak et en Syrie, évoluent dans un environnement toujours plus contesté en raison de la présence croissante de nos compétiteurs tant dans les airs – Iran, Russie, Turquie – qu’au sol, avec le déploiement de systèmes de défense sol-air performants, à l’instar des S-400 russes en Syrie. L’amoindrissement du nombre de frappes – sur les quelques 2 500 frappes effectuées au total depuis la base aérienne 104 d’Al Dhafra et, surtout, depuis la BAP H5 depuis 2014, à peine une soixantaine ont eu lieu au cours des deux dernières années – ne s’est ainsi pas accompagné d’une baisse de l’intensité des engagements.

La prolifération des systèmes de défense sol-air rend d’ailleurs aujourd’hui beaucoup plus prégnantes les stratégies de déni d’accès (A2/AD – anti-access/area-denial), comme en Libye, où les systèmes russes et turcs déployés limitent la liberté de mouvement et d’action des armées de l’air. En outre, le rapporteur soulignait déjà l’an dernier qu’il avait suffi à la Russie de déployer quatre MiG-29 sur le théâtre libyen pour en perturber l’accès.

De telles contraintes ne se ressentent pas encore au Sahel, où l’armée de l’air et de l’espace intervient sur une large partie du spectre, y compris en appui des forces spéciales. La puissance et la réactivité de l’arme aérienne apportent des succès probants, d’autant que l’armement des drones Reaper, intervenu à la fin de l’année 2019, a doté les armées françaises d’une nouvelle capacité de frappe. Malgré les tensions qui pèsent aujourd’hui sur la relation bilatérale franco-malienne, la reconfiguration de l’opération Barkhane pourrait n’avoir que peu d’impact sur le niveau d’engagement de l’armée de l’air et de l’espace au Sahel, en raison de la persistance des besoins de renseignement et d’intervention depuis les airs. Si la supériorité des armées de l’air occidentales n’est donc pas encore contestée en BSS, certaines technologies à bas coût comme le brouillage GPS de faible puissance commencent toutefois à essaimer sur les théâtres de crise de basse intensité.

La dégradation du contexte international se traduit aussi par des tensions dites « sous le seuil » comme par des crises soudaines et brutales, auxquelles l’armée de l’air et de l’espace est la première – et parfois la seule – à pouvoir répondre grâce à sa réactivité. Ce fut notamment le cas cet été, avec le déclenchement de l’opération Apagan par le chef de l’État, le 15 août 2021. En moins de deux semaines, le double pont aérien dressé entre Kaboul, Abu Dhabi et Paris a permis d’évacuer plus de 2 800 personnes, Français ou Afghans, menacés par le retour au pouvoir des talibans. Ce faisant, la France a démontré sa capacité à intervenir en tous lieux pour porter secours à ses ressortissants, grâce à la performance des aviateurs et de ses aéronefs, en particulier du couple constitué par l’A400M et le MRTT.

Le théâtre national n’échappe pas à une intensification des opérations aériennes. D’abord, car l’accélération des désordres du monde impose plus que jamais de tenir la posture permanente de dissuasion nucléaire, à partir des trois bases aériennes à vocation nucléaire de Saint-Dizier, Avord et Istres. En outre, car la mission de police du ciel est exigeante. En 2021, les aéronefs en alerte sur les différents plots répartis sur le territoire national – chasseurs et hélicoptères – ont déjà effectué près de 160 décollages réels, dont six pour accompagner des bombardiers russes à long rayon d’action évoluant au large de nos côtes. En outre, les crises humanitaires et de sécurité civile n’ont pas faibli. Après avoir porté secours aux Français touchés par l’Ouragan Irma, en 2017, ou par les sévères inondations dans l’Aude en 2018, l’armée de l’air et de l’espace a continué d’apporter en 2021 une contribution essentielle à l’opération Résilience, déclenchée en 2020 dès les premiers temps de la pandémie de Covid-19.

Alors que le Parlement est saisi de l’examen du dernier projet de budget de la XVème législature, le rappel du contexte opérationnel permet d’éclairer l’évolution des crédits alloués à l’armée de l’air et de l’espace. Et ce d’autant que l’année 2021 a été marquée par la publication de l’actualisation de la Revue stratégique de 2017 ([1]), suivie d’une actualisation de la programmation militaire dont le Parlement n’a pas eu connaissance. Prévue par l’article 7 de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM) ([2]), l’actualisation de la programmation n’a en effet pas fait l’objet d’un examen par le Parlement, le Gouvernement refusant par ailleurs d’en transmettre les détails aux parlementaires.

Cette forme de déni de démocratie est regrettable, et prive le Parlement d’expression quant aux priorités stratégiques de la Nation. Les auditions conduites par le rapporteur et la commission de la Défense nationale de l’Assemblée nationale, comme les travaux menés par le Sénat ([3]), ont néanmoins permis d’un peu lever le voile sur les mesures décidées par le Gouvernement dans le cadre de l’ajustement annuel 2021 de la programmation militaire (A2PM). Il en ressort que malgré l’évolution favorable des crédits de l’armée de l’air et de l’espace et, plus largement, de la Défense, un certain nombre de questions demeurent et sont sources de préoccupations. C’est en particulièrement le cas pour l’aviation de combat, dont le format comme les équilibres généraux sont érodés par les conséquences des succès du Rafale à l’export.

C’est à ces questions qu’est consacré le présent avis budgétaire sur les crédits proposés en projet de loi de finances pour l’armée de l’air et de l’espace. Centré sur le programme 178 « Préparation des forces », il ne peut faire l’économie d’une évocation plus large des crédits inscrits au sein de la mission « Défense », qui contient également les programmes 144 « Environnement et prospective de défense », 146 « Équipement des forces » et 212 « Soutien de la politique de défense ».

La première partie du présent avis s’intéressera à l’appréciation des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2022 s’agissant de l’armée de l’air et de l’espace. Elle sera aussi l’occasion pour le rapporteur de dresser une forme de bilan de la législature s’agissant de l’armée de l’air et de l’espace.

Sa seconde partie portera, cette année, sur les tensions qui pèsent sur l’aviation de combat, d’autant plus préoccupantes que le niveau d’engagement des chasseurs demeure élevé, que la France doit se préparer à l’hypothèse d’un conflit de haute intensité, et préparer l’avenir en conséquence.

À l’heure d’ouvrir son dernier avis budgétaire de la législature, le rapporteur tient à saluer l’engagement sans faille des femmes et des hommes de l’armée de l’air et de l’espace qui, nuit et jour, du Pacifique à l’Atlantique, veillent sur la sécurité des Français et de la Nation. Il adresse ses remerciements les plus sincères aux aviateurs rencontrés sur les différentes bases aériennes sur lesquelles il a pu se rendre. Cette année, le présent avis est notamment le fruit de déplacements sur les bases aériennes de Cognac, Djibouti et Saint-Dizier.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, l’ensemble des réponses lui étaient parvenues.

 

   L’évolution favorable des crédits de l’armée de l’air et de l’espace ne lève pas toutes les interrogations

I.   2021, une nouvelle année d’intense activité pour l’armée de l’air et de l’espace

A.   L’armée de l’air et de l’espace au rendez-vous des opérations

1.   Un haut niveau d’engagement sur tous les théâtres

Sur le territoire national

L’engagement des forces aériennes sur le territoire national est resté intense au cours de l’année 2021, notamment dans le cadre de leurs missions permanentes.

● Depuis 1964, les forces aériennes stratégiques (FAS) tiennent en permanence l’alerte nucléaire, depuis les trois bases aériennes à vocation nucléaire (BAVN) de Saint-Dizier, d’Avord et d’Istres.

Depuis le retrait des Mirage 2000N en 2018 et l’engagement de celui des ravitailleurs C135 – livrés du temps du Général de Gaulle – la composante nucléaire aéroportée de la dissuasion française repose essentiellement sur deux escadrons de Rafale stationnés sur la BAVN 113 de Saint-Dizier, armés du missile nucléaire air-sol de moyenne portée améliorée (ASMP-A) – en cours de rénovation – ainsi qu’une flotte de ravitailleurs associant les C135 vieillissants et les premiers A330 Phénix MRTT, stationnés sur la BAVN 125 d’Istres. Pour garantir la crédibilité de la dissuasion nucléaire et être en mesure de répondre à tout moment à un ordre du chef de l’État, les FAS s’entraînent et se préparent en permanence, en particulier dans le cadre des exercices pluriannuels Banco, Palmier ou Poker. Conduits quatre fois par an, l’exercice Poker prend la forme d’un raid nucléaire, conduit sur le territoire national et se terminant par une frappe « simulée ». Cet exercice mobilise une cinquantaine d’avions, parmi lesquels des chasseurs – Rafale et Mirage, ces derniers accompagnant les porteurs de l’arme nucléaire afin de supprimer les défenses adverses et de faciliter la pénétration des Rafale des FAS derrière les lignes « ennemies » – des avions ravitailleurs ainsi qu’un avion de guet aérien Awacs. Des moyens de défense air-air et sol-air sont également déployés. Pour la composante nucléaire aéroportée, la tenue d’un exercice Poker permet de « montrer sa force pour ne pas avoir à l’utiliser », selon les mots du Maréchal du Lyautey : chacun d’entre eux est observé avec attention tant par nos alliés que nos compétiteurs stratégiques, qui mesurent ainsi la crédibilité de la dissuasion nucléaire française.

● En outre, l’armée de l’air et de l’espace est fortement engagée au titre de la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A), tant pour porter secours à des aéronefs en détresse que pour assurer la mission de police du ciel ([4]). Mise en œuvre depuis quatre plots « chasse » et quatre plots « hélicoptères », la PPS-A est parfois médiatisée lorsqu’un avion de chasse est contraint de franchir le mur du son pour la réalisation de sa mission, comme ce fut notamment le cas en septembre 2020 en région parisienne, ou en août 2021 dans l’Est de la France. Alors que le ciel français est quotidiennement survolé par près de 12 000 aéronefs, 154 décollages ([5]) ont eu lieu sur alerte réelle au cours des huit premiers mois de l’année 2021. À six reprises, il s’est agi de contribuer aux mesures de sûreté aérienne, avec nos voisins européens, sur des avions russes à long rayon d’action au large de nos côtes. De manière plus ponctuelle, l’armée de l’air et de l’espace a déployé plusieurs dispositifs de sûreté aérienne (DPSA), bulles de protection aérienne destinées à renforcer la protection de certains événements, à l’instar du 14 juillet ou de certains lancements effectués depuis le centre spatial guyanais (CSG) de Kourou. Au total, onze DPSA étaient programmés sur l’ensemble de l’année 2021.

● L’armée de l’air et de l’espace contribue également aux missions intérieures, qu’il s’agisse de l’appui à l’opération Harpie de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane – des avions de transports Casa et des hélicoptères Puma assurent des missions de transports et, potentiellement, d’appui feu – ou de la participation des aviateurs à l’opération Sentinelle. Déployés à Paris, Lyon et Bordeaux, ils assurent principalement la protection des aéroports civils, et peuvent être amenés à opérer sur certains sites sensibles comme des gares ou lieux de culte. En 2021, 105 aviateurs sont engagés en permanence dans le cadre de Sentinelle.

● S’agissant des missions de service public et de secours aux populations, l’armée de l’air et de l’espace a continué, en 2021, de participer à l’opération Résilience : un A400M a ainsi acheminé un module militaire de réanimation (MRR) en Martinique au profit du CHU de Fort-de-France et un hélicoptère Puma de la base aérienne 367 de Cayenne déployé aux Antilles a réalisé 14 évacuations médicales entre la Guadeloupe et Saint-Martin. L’armée de l’air et de l’espace est également intervenue en soutien de nos partenaires étrangers, à l’instar du transport vers Tunis, le 17 juillet 2021, d’une citerne de 4 200 litres d’oxygène liquide sous pression.

En outre, les hélicoptères des bases aériennes de Cazaux et Solenzara, en alerte permanente, ont effectué de nombreux sauvetages ([6]) et, comme chaque année, l’armée de l’air et de l’espace a contribué à la mission Héphaïstos de lutte contre les feux de forêt, dans le cadre de laquelle 50 militaires ont été mobilisés entre le 25 juin et le 17 septembre dans près de 23 départements du sud de la France.

L’activité de la base aérienne 126 de Ventiseri-Solenzara

De manière permanente, l’escadron d’hélicoptères 1.44 stationné sur la base aérienne se tient en alerte dans le cadre de sa mission de SAR (Search and rescue), et a effectué depuis le début de l’année deux missions de sauvetage à la suite d’accidents aériens.

En outre, les Puma de « Zara » ont également été engagés à plusieurs reprises dans le cadre de missions de service public, et ainsi effectué trois évacuations sanitaires au profit de quatre patients, dont deux grands brûlés dans un accident aérien, ainsi que six opérations de secours en mer et deux missions d’observation de la pollution maritime, au lendemain de la détection de nappes de pétrole par une patrouille de deux Mirage 2000 de l’escadron 2/5 de la base aérienne d’Orange, alors en campagne d’entraînement.

La base aérienne a également fortement contribué à l’opération Résilience, qu’il s’agisse de l’acheminement de patients atteints du Covid-19 vers les hôpitaux du sud de la France, ou de l’installation sur la base d’une antenne médicale permettant de vacciner les populations militaires et leurs familles. À l’heure de l’élaboration du présent rapport, 1 068 doses de vaccins ont été administrées, ce qui a permis de désengorger les centres de vaccination situés à proximité. En outre, un infirmier du centre médical de la base apportait une fois par semaine son soutien au centre de vaccination de Prunelli pour participer à la vaccination.

L’escadron de sécurité incendie et de sauvetage (ESIS) 1H.126, dont les personnels sont pour la plupart formés au domaine de la défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC), a assuré la désinfection d’infrastructures et d’aéronefs.

Plus largement, l’ESIS a appuyé l’action des services incendie et de secours de Haute-Corse et de Corse-du-Sud dans le cadre de demandes de concours : à trois reprises en février 2021 pour lutter contre des feux de forêts ayant touché les communes de Sari-Solenzara, Quenza et Bavella ; en juillet pour contenir un feu survenu dans une casse automobile.

En matière de lutte contre les incendies, la base aérienne a contribué à la campagne Héphaïstos, en coordination avec le 2e régiment étranger de parachutistes de Calvi, au travers notamment de la création de modules adaptés de surveillance (MAS) chargés d’assurer une présence et une surveillance dans les zones à risques. Du 6 juillet au 31 août, ces modules ont permis de surveiller les massifs forestiers et d’informer les populations des risques d’incendie. L’ESIS a assuré l’organisation et la gestion opérationnelle de la campagne.

En opérations extérieures

L’engagement de l’armée de l’air et de l’espace en opérations extérieures est resté intense en 2021.

● Au Levant, où la France est engagée depuis 2014 au travers de l’opération Chammal – contribution nationale à l’opération de la coalition internationale Inherent Resolve (OIR), conduite sous leadership américain – les avions de l’armée de l’air et de l’espace évoluent dans un environnement toujours plus complexe et contesté. Le déploiement d’aéronefs performants par des puissances non occidentales – à l’instar de la Russie ou de la Turquie – comme de systèmes de défense sol-air performants rend les missions aériennes toujours plus sensibles. La dégradation du contexte dans la troisième dimension constituait d’ailleurs l’une des raisons de la « bascule » opérée à l’été 2016 entre les Mirage 2000D et les Rafale, plus polyvalents et mieux armés pour faire face à un environnement contesté et encombré – à titre d’exemple, les Mirage 2000D sont des appareils spécialisés dans l’attaque air-sol, et n’étaient pas équipés d’un canon, les rendant vulnérables dans l’éventualité d’un combat aérien. Si le nombre de frappes effectuées par les avions de combat a très fortement décru au cours des dernières années, la France réalise de nombreuses missions de renseignement et est ainsi à même de caractériser par elle-même l’évolution de la menace terroriste et des positions de Daech. En mai 2021, le seuil des 10 000 heures de vol a été atteint par les Rafale.

L’année 2021 a été marquée par les premières missions opérationnelles du nouveau standard F3R du Rafale, qui permet une meilleure intégration avec nos alliés grâce à des capacités de liaison de données tactiques accrues. En outre, un Awacs et un système de défense sol-air Mamba ont été déployés, respectivement au printemps et à l’été 2021, le dispositif général étant également renforcé ponctuellement par des avions ravitailleurs, dont un MRTT en 2021. Dans le cadre d’un partenariat militaire opérationnel (PMO), des exercices conjoints ont également été conduits mettant en œuvre des Rafale français et des F16 jordaniens.

● En bande sahélo-saharienne (BSS), l’armée de l’air et de l’espace reste fortement engagée, même si ses missions continuent d’évoluer vers un rôle de réassurance et d’appui des forces partenaires. En BSS, l’armée de l’air et de l’espace déploie un large éventail de capacités, permettant d’assurer des missions de renseignement, de surveillance, de frappe de précision, de ravitaillement, d’évacuation médicale et de transport de fret et de personnels, y compris au profit des partenaires. Plus important déploiement français en opérations extérieures, le dispositif aérien de Barkhane s’appuie sur les deux bases aériennes projetées principales de Niamey et N’Djamena, où stationnent sept Mirage, deux ravitailleurs (un C135 et un A330 Phénix), des avions de transport tactiques (parmi lesquels deux CASA, un C130J et un ou deux A400M), des moyens ponctuels de renseignement (ALSR, Transall Gabriel) ainsi que trois drones Reaper stationnés en permanence à Niamey.

L’arme aérienne est déterminante au Sahel, d’autant plus qu’elle ne souffre d’aucune contestation, malgré l’apparition de systèmes de brouillage du signal GPS – pour l’heure rudimentaires. La neutralisation récente d’Abou Walid Al Sahraoui, chef de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), est ainsi intervenue au terme d’intenses opérations aériennes, comme l’a publiquement indiqué le ministère des Armées. ([7])

L’armement des drones Reaper, effectif depuis décembre 2019, a constitué un véritable game changer, en offrant une capacité de frappe à un outil dont la mission première demeure le renseignement, comme l’a confirmé lors de son audition devant la commission le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace. Les drones réalisent toutefois une part croissante des frappes effectuées au Sahel, à hauteur de 50 % selon les données publiées dans le rapport d’information sur l’opération Barkhane de Mmes Sereine Mauborgne et Nathalie Serre ([8]). L’entrée en service opérationnel du block 5 du Reaper, en mai 2021, a apporté de nouvelles capacités, qui devraient être renforcées en 2022 avec la livraison attendue de nouveaux armements – les Reaper français emportent à ce jour la bombe GBU-12, et pourront à terme emporter des bombes GBU-49 et des missiles Hellfire – ainsi qu’une charge de renseignement d’origine électromagnétique.

La reconfiguration du format de l’opération Barkhane pourrait n’avoir que peu d’impact sur le niveau d’engagement de l’armée de l’air et de l’espace au Sahel. Au regard des besoins en matière de renseignement, d’évacuation sanitaire, d’intervention et de réassurance, les moyens aériens demeureront précieux et l’armée de l’air et de l’espace pourrait ainsi rester fortement engagée, en particulier depuis la base aérienne projetée de Niamey ou dans le cadre de partenariats militaires opérationnels. Notons d’ailleurs que le détachement chasse de la base aérienne projetée de Niamey a été fortement sollicité, début octobre, au profit des convois logistiques dans le nord du Mali mis en œuvre dans le cadre de cette reconfiguration. Comme l’indique le ministère des Armées, « ces missions ont permis, à l’aide de deux contrôleurs aériens avancés (Joint terminal attack controller, JTAC), d’appuyer la force en déplacement dans des secteurs où la menace était forte. Des engins explosifs improvisés ont détruit des véhicules civils du convoi sans faire de victimes, et l’appui des Mirage 2000 a permis de tenir l’ennemi à distance. » ([9])

L’opération APAGAN

Engagée en Afghanistan en 2001, la France s’en était retirée en 2014, après y avoir déployé, sur l’ensemble de la période, environ 60 000 soldats. Après la signature des accords de Doha, le 29 février 2020, entre l’administration Trump et les talibans, il ne faisait guère de doute pour quiconque que les talibans finiraient par reprendre le pouvoir à Kaboul. Face à la détérioration du contexte sécuritaire, la France avait appelé ses ressortissants et les Afghans ayant travaillé pour elle et se sentant menacés à quitter le pays dès le printemps. Le 13 juillet, les Français encore sur place étaient appelés à quitter le pays par un vol spécialement affrété quatre jours plus tard « en raison de l’évolution de la situation sécuritaire dans le pays et compte tenu des perspectives à court terme », le communiqué de presse de l’ambassade de France précisant alors qu’« aucun vol spécial supplémentaire ne pourra être affrété » après cette date ([10]).

Toutefois, en raison de l’accélération de la dégradation de la situation sécuritaire, l’opération Apagan a été déclenchée le 15 août 2021 ([11]). Celle-ci a pris la forme d’un double pont aérien dressé entre Kaboul, Abu Dhabi et Paris.

Dispositif du double pont aérien de l’opération Apagan

Source : ministère des Armées.

Entre le 16 et le 29 août, des avions A400M et C130 ont effectué 26 vols tactiques entre Kaboul et Abu Dhabi, tandis que les MRTT et avions « blancs » de l’Esterel ont assuré le second tronçon du pont aérien, entre Abu Dhabi, avec 16 vols. L’opération Apagan est un incontestable succès, avec plus de 2 800 personnes évacuées, dont environ 2 600 Afghans menacés par les talibans. Elle a démontré l’efficacité du couple constitué par l’A400M et le MRTT : doté de capacités de contre-mesures, les A400M ont pu évoluer depuis l’aéroport de Kaboul ; les MRTT ont permis aux armées d’assurer l’ensemble du processus de rapatriement.

En outre, elle a démontré l’intérêt de disposer de points d’appui robustes, à l’instar de la base aérienne 104 d’Al Dhafra, et plus largement de l’ensemble du dispositif des forces françaises aux Émirats arabes unis (FFEAU). Alors que le dispositif prépositionné a pu, par le passé, être perçu comme une source aisée d’économies, nul ne pourrait aujourd’hui mettre en cause son apport stratégique. Le rapporteur l’a d’ailleurs également constaté lors de son déplacement auprès des forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj), effectué du 19 au 23 septembre 2021.

Les enseignements du déplacement du rapporteur auprès des FFDj

● Djibouti occupe une position stratégique à plusieurs titres.

Premièrement, car le pays voit passer devant ses côtes près de 20 % du trafic maritime mondiale. 20 000 cargos transitent en effet annuellement par le Bab El Mandeb, unique point de passage maritime entre le Golfe d’Aden et la Mer Rouge, c’est-à-dire entre l’Asie et l’Europe par la voie du Canal de Suez. Ce trafic représente aussi 4,8 millions de barils par jour. Pour la France, 15 % du commerce extérieur entre la France et l’Asie y transite.

Deuxièmement, car Djibouti se trouve au cœur d’un réseau de huit câbles sous-marins, qui en fait un « hub numérique » particulièrement sensible, entre l’Asie et l’Europe.

Troisièmement, Djibouti constitue le port d’une partie de la Corne de l’Afrique et en particulier de l’Éthiopie : 90 % du commerce extérieur de l’Éthiopie transite par Djibouti.

De manière plus générale, Djibouti se trouve au cœur d’un espace « bouillonnant », marquée par une forte pression terroriste (Shebab en Somalie, Al Qaida dans la péninsule arabique – AQPA de l’autre côté du détroit ; rappelons que c’est à Djibouti qu’a été arrêté, en décembre 2018, le djihadiste français Peter Cherif, suspecté d’être le commanditaire des attentats contre Charlie Hebdo), ainsi que par une forte instabilité régionale (tensions persistantes avec l’Érythrée, guerres civiles en Somalie, en Éthiopie – conflit du Tigré – au Yémen, où les rebelles Houthis – soutenus par l’Iran – affrontent les forces du Gouvernement – soutenues par une coalition menée par l’Arabie saoudite).

● Dans ce contexte, Djibouti a développé une stratégie d’alliances multiples, qui s’est traduite par l’implantation de nombreuses bases militaires étrangères, alors que pendant des décennies seule la France a été présente. Aujourd’hui, cinq pays disposent de bases militaires dans le pays, dont trois des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies : une base américaine (2002), qui sert de point d’appui aux États-Unis, notamment pour la conduite de certaines opérations en Somalie ou au Levant ; une base japonaise (2011), le Japon accompagnant les autorités djiboutiennes dans la lutte contre la piraterie et la constitution d’une garde-côte ; une base italienne (2012), qui y mène des opérations de coopération et de formation de forces de police déployées en Somalie pour l’essentiel ; une base chinoise, enfin, (2017), qui y dispose de sa seule base militaire à l’étranger, point d’entrée en Afrique et hub régional pour les opérations de maintien de la paix notamment, avec des infrastructures impressionnantes (notamment un port dédié, en plus de celui construit pour le trafic civil, et un quai susceptible d’accueillir un porte-avions), dont on ignore beaucoup de choses et qui alimente nombre de fantasmes.

En outre, la mission européenne de lutte contre la piraterie Atalante prend appui à Djibouti (port-escale et volet aérien avec les appareils de patrouille maritime accueillis par la base aérienne 188).

● La France dispose à Djibouti de sa plus importante base militaire à l’étranger. Si un accord de défense a été signé entre nos deux pays dès l’indépendance du Territoire français des Afars et des Issas, survenue le 27 juin 1977, la coopération franco-djiboutienne dans le domaine de la défense s’inscrit aujourd’hui dans le cadre d’un traité de coopération en matière de défense (TCMD) signé en 2011 et entré en vigueur le 1er mai 2014. Ce traité comporte une clause de sécurité, laquelle précise les formes de la participation de la France à la défense de l’intégrité territoriale de Djibouti, en particulier en matière de défense aérienne et de police du ciel. Cet accord se trouve au cœur de notre coopération bilatérale et scelle une alliance unique sur le continent.

● Aujourd’hui, les FFDj représentent près de 1 600 militaires et des moyens militaires importants : quatre avions de chasse Mirage 2000-5 (escadron de chasse), un avion de transport tactique Casa et trois hélicoptères Puma (escadron de transport), deux radars Centaure, quatre hélicoptères Puma et trois hélicoptères Gazelle (détachement de l’aviation légère de l’armée de terre), des moyens de battellerie de la marine nationale, des capacités d’infanterie/blindé/artillerie/génie, répartis entre la base aérienne 188 « Colonel Massart », le 5e régiment interarmes d’outre-mer (5e RIAOM) et la base navale.

● De manière plus précise, la base aérienne 188, qui constitue l’outil de combat de l’armée de l’air et de l’espace en Afrique de l’Est, offre à la France un concentré de puissance aérienne, immédiatement disponible à 6 000 kilomètres de Paris. La base est ainsi à même d’offrir des capacités de commandement et de conduite d’une opération aérienne, d’établissement d’une situation aérienne générale, de renseignement, d’intervention de multiples ordres, d’accueil de personnes ou de fret et de relais et point d’appui grâce à deux plateformes aéronautiques sécurisées (Amboui et Chabelley).

L’activité de la base aérienne est intense, avec 15 décollages sur alerte de police du ciel en 2020, 25 évacuations médicales et autant de vies sauvées chaque année, 70 interventions de secours à personne par les pompiers de l’air. L’escale, quant à elle, accueille 16 000 personnes et traite environ 1 300 tonnes de fret par an, en faisant une des plus importantes bases de l’armée de l’air et de l’espace.

La BA 188 fait aujourd’hui face à plusieurs enjeux d’avenir. D’ici 2030, elle accueillera ainsi de nouveaux radars pour la mission de police du ciel ainsi que des hélicoptères Caracal qui remplaceront les Puma vieillissants. Les Mirage 2000-5 devront également être remplacés par des Rafale d’ici la fin de la décennie.

● Les FFDj constituent aujourd’hui une base opérationnelle avancée (BOA), c’est-à-dire une réserve opérationnelle, aguerrie et immédiatement projetable sous très court préavis dans leur zone de responsabilité permanente au titre de la fonction intervention. Les FFDj poursuivent ainsi trois missions :

- protéger les intérêts français dans la zone et mettre en œuvre le traité de coopération militaire bilatérale avec la République de Djibouti en contribuant à la défense de son territoire, de son espace aérien et de ses eaux territoriales ;

- soutenir les opérations françaises et multinationales. C’est notamment le cas de l’opération Atalante, exécutée par la force navale de l’Union européenne de lutte contre la piraterie au large de la Somalie, et dont l’état-major de soutien logistique (FHQSA) est hébergé à Djibouti, sur la base française ;

- œuvrer à la stabilisation régionale, au travers notamment de missions de coopération avec les pays voisins, dans le but former des armées d’emploi, qui ont notamment vocation à être déployées au sein de la mission de l’Union africaine en Somalie ;

● Pour la France, disposer d’une présence militaire à Djibouti répond aussi à plusieurs enjeux :

- protéger ses ressortissants. La zone de responsabilité permanente (ZRP) des FFDj couvre en effet le Soudan, le Soudan du sud, l’Ouganda, le Kenya, la Somalie, le Yémen, l’Érythrée et l’Éthiopie (en plus de Djibouti), pays qui accueillent autour de 8 300 Français et 19 000 Européens ;

- constituer un point d’appui opérationnel dans un nœud stratégique. Les FFDj peuvent ainsi contribuer aux opérations menées par la France, tant au Levant qu’au Sahel (en juin puis en août 2021, le Casa des FFDj a été déployé au sein de Barkhane et au bénéfice des Éléments français du Gabon et des Forces françaises en Côte d’Ivoire). Djibouti constitue par ailleurs la porte vers l’espace indo-pacifique, chaque jour plus stratégique ;

- bénéficier, grâce à une relation de confiance nouée durant des années, de zones précieuses d’entraînement et de préparation opérationnelle, pour l’ensemble des armées. À ce titre, évoquons notamment l’exercice d’entry force conduit en janvier 2021 ([12]), qui a mobilisé un très grand nombre d’aéronefs et de personnels.

● Intense et vigoureuse, la relation bilatérale est néanmoins dans une phase de reconstruction. En effet, du début des années 2000 au milieu des années 2010, les relations bilatérales ont été marquées par un relatif éloignement entre nos deux pays. Il est temps de retisser des liens de pleine confiance, alors que le TCMD arrive à son terme en 2024 et que, jusqu’à présent, les négociations n’ont pas abouti. Seule une lettre d’intention a été signée à l’occasion de la dernière visite du président Ismaïl Omar Guelleh en France en février 2021.

Aux yeux du rapporteur, il est indispensable d’achever les négociations permettant de renouveler le TCM, et ainsi de conforter la relation bilatérale, dans l’intérêt des deux pays.

Aujourd’hui, la participation de la France à la mission de police du ciel garantit aux autorités djiboutiennes le maintien de leur souveraineté, de même que les missions de SAR assurées par les forces françaises permettent de conférer le caractère « international » à l’aéroport de Djibouti.

Dans un contexte géopolitique et stratégique bousculé, et alors que le territoire djiboutien accueille des emprises américaine et chinoise, la France fait figure d’allié historique et privilégié pour Djibouti, offrant une troisième voie aux autorités locales. C’est du moins ce qu’il ressort de l’entretien du rapporteur avec le ministre de la défense de Djibouti, M. Hassan Omar Mohamed Bourhan. Ce dernier lui a d’ailleurs rappeler l’indéfectibilité des liens du sang qui unissent la France et Djibouti depuis la Première Guerre mondiale.

Pour la France, il s’agit de maintenir, voire développer, un point d’appui stratégique (aérien et maritime), alors que l’on a mesuré toute l’utilité de tels points d’appui lors de l’opération APAGAN comme à la suite du passage aux Antilles de l’Ouragan Irma (renfort des Forces françaises en Guyane). Dans un monde de plus en plus instable, marqué par la concomitance des crises, leur brutalité, leur imprévisibilité, et alors que la France est le seul pays sur lequel le soleil ne se couche jamais, le rapporteur considère qu’il est indispensable de renforcer le dispositif pré-positionné.

Et d’œuvrer à l’affermissement de la relation bilatérale avec Djibouti, carrefour entre le Sahel, le Levant, l’Indo-Pacifique où vivent nombre de nos concitoyens dans les outre-mer (La Réunion, Mayotte, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie) ou à l’étranger, où malgré l’alliance AUKUS, la France et l’Europe déploient une vision stratégique singulière, au service de la paix.


2.   De la Méditerranée au Pacifique : démonstrations de puissance aux quatre coins du globe

L’activité opérationnelle de l’armée de l’air et de l’espace a également été marquée, en 2021, par la reprise des exercices et missions d’entraînement de grande envergure, qu’ils soient menés seuls, en interarmées ou en interalliés. Ces démonstrations de force ont non seulement permis aux aviateurs de rattraper certains retards dans la préparation opérationnelle nés de la crise sanitaire, mais aussi de mettre en exergue les capacités de projection de puissance de l’armée de l’air et de l’espace à tous les coins du globe.

Ainsi en est-il par exemple de l’exercice Rhéa de contre-terrorisme, mené en Crète le 13 mars dernier, simulant une prise d’otage par des terroristes sur un navire commercial. Au cours de cette opération interarmées et multi-domaines, 450 militaires des forces spéciales et conventionnelles ont été projetés en quelques heures sur la zone d’intervention, située à 2 000 kilomètres des côtes françaises. Plusieurs aéronefs ont été déployés – deux Rafale, un C-130J, un C-135, un Awacs, des hélicoptères Caracal – dans une opération de démonstration de force destinée, dans un contexte de recrudescence des tensions en Méditerranée, à témoigner à nos compétiteurs stratégiques de la capacité de la France à intervenir loin de ses bases et à assurer la sécurité du bassin méditerranéen contre tout type de menace, y compris en mer.

Quelques semaines auparavant, la mission Skyros avait déjà démontré la capacité de l’armée de l’air et de l’espace à se projeter « vite et fort » selon les mots d’une personne auditionnée, en direction de l’espace indo-pacifique. Après une phase de préparation opérationnelle à Djibouti, quatre Rafale, deux A400M Atlas et un A330 Phénix ont ainsi relié, entre le 20 janvier et le 5 février, l’Inde, les Émirats arabes unis, l’Égypte puis la Grèce. Cette mission poursuivait également un objectif de « rayonnement », au travers de la mobilisation d’aéronefs de dernière génération et de l’organisation de missions conjointes avec les armées partenaires.

Sur le plan de la seule démonstration de puissance, la mission Heifara et l’opération Wakea ont été d’une toute autre ampleur, et « marqué l’histoire de l’armée de l’air et de l’espace », selon les mots du général Philippe Lavigne, alors son chef d’état-major.

La mission Heifara et l’opération Wakea

Conduite entièrement depuis le centre air de planification et de conduite des opérations (CAPCO), nouvellement créé sur la base aérienne de Lyon-Mont-Verdun, et intégrant des volets spatial et cyber, la mission Heifara a consisté à déployer vers la Polynésie française, en juin 2021, trois Rafale, deux A330 MRTT Phénix et deux A400M, en moins de 40 heures. À leur arrivée à Tahiti, les Rafale ont simulé une mission de pénétration d’un espace aérien contesté achevée par une frappe, elle aussi simulée.

Par la suite, du 27 juin au 5 juillet, les avions français ont rejoint Hawaï pour participer à des entrainements de haute intensité avec l’US Air Force dans le cadre de la mission Wakea. Afin d’éprouver l’interopérabilité entre nos armées, F-22 Hawaiian Raptors et Rafale ont réalisé des missions de combats aériens, ravitaillés par les A330 Phénix et les KC-135 américains, tandis que les équipages des deux A400 M Atlas et C-17 ont effectué des vols tactiques et des missions de simulation de largage.

Devant la commission de la Défense le général Lavigne, alors chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, présentait la double-mission comme visant « à démontrer notre capacité à protéger nos concitoyens sous court préavis et rapidement, partout dans le monde. Elle vise à assoir notre crédibilité opérationnelle et valoriser la modernisation de la LPM avec le Rafale, dans sa dernière version, le MRTT et l’A400M. ».

Au total, les avions français ont réalisé près de 500 heures de vol et plus de 100 sorties en moins de 20 jours, parcourant près de 35 000 kilomètres.

Source de la carte : état-major de l’armée de l’air et de l’espace.

En outre, l’année 2021 a également vu l’organisation du premier exercice de grande ampleur dans le domaine spatial, avec la mission AsterX, organisée du 8 au 12 mars 2021 à Toulouse, en partenariat avec le Centre national d’études spatiales (CNES) et plusieurs industriels français. Piloté par le commandement de l’espace (CDE), l’exercice consistait en la simulation d’une crise géopolitique, incluant potentiellement une attaque spatiale. Associant toutes les unités opérationnelles du CDE – le centre de commandement et de contrôle des opérations spatiales (C3OS) de Paris, le centre militaire d’observation par satellite (CMOS) de Creil, et le centre opérationnel de surveillance militaire des objets spatiaux (COSMOS) de Lyon – une soixantaine de participants, cet exercice a conduit à simuler « 10 000 objets, cinq applicatifs opérationnels, 18 événements spatiaux, et une gestion du temps originale permettant de compresser quatre semaines réelles en quatre jours d’entraînement » selon le communiqué de presse du ministère des Armées ([13]).

B.   Le renouveau des capacités se poursuit en 2021

1.   Les équipements

L’armée de l’air et de l’espace n’a été que peu concernée par les retards sur les programmes d’armement générés par la crise sanitaire. Au contraire, elle avait enregistré la livraison d’un 17ème A400M et largement bénéficié du plan de soutien au secteur aéronautique proposé par le Gouvernement. Le rapporteur déplore toutefois que le secteur de la Défense n’ait pas fait l’objet d’un plan de relance à part entière, comme l’avait d’ailleurs proposé un rapport de la commission de la Défense ([14]). Un tel plan aurait pu accentuer le soutien au secteur de la Défense, en intégrant par exemple, comme il l’avait lui-même proposé ([15]), le renouvellement des flottes d’hélicoptères des armées les plus vieillissantes. Ce faisant, l’État aurait par ailleurs apporté un soutien nécessaire à Airbus Helicopters, dont la robustesse est indispensable à l’autonomie stratégique française et européenne sur ce segment opérationnel.

Quoiqu’il en soit, l’année 2021 a toutefois vu la poursuite du renforcement des capacités de l’armée de l’air et de l’espace, au travers de nouvelles livraisons et commandes.

Livraisons

Il ne s’agit pas ici de lister l’ensemble des livraisons intervenues cette année ou prévues d’ici la fin de l’année. Toutefois, le rapporteur note, concernant l’aviation de combat, la livraison des dix premiers Mirage 2000-D rénovés. En 2021, l’armée de l’air et de l’espace recevra également quinze pods de désignation laser de nouvelle génération (PDL-NG) Talios et 90 missiles SCALP rénovés.

S’agissant des capacités de transport tactique et de ravitaillement en vol, deux C130-H modernisés et le sixième MRTT Phénix sont attendus d’ici la fin de l’année, le cinquième ayant été livré dans le courant du mois de septembre.

Le rehaussement des capacités de commandement et de conduite des opérations aérospatiales se poursuit dans le cadre de la modernisation du SCCOA, avec la livraison d’ici la fin de l’année d’un radar à haute et moyenne altitude rénové et d’un radar 3D, de trois radars à moyenne et basse altitudes 3D, d’un radar fixe d’approche, de deux radars tactiques 3D et enfin d’un système de contrôle local d’aérodrome.

De manière complémentaire, doivent être lancés d’ici la fin de l’année depuis le centre spatial guyanais (CSG) de Kourou une constellation de trois satellites Cérès, destinée à accroitre la capacité de renseignements électromagnétiques, ainsi qu’un satellite Syracuse IVA, visant à renouveler les satellites Syracuse 3A et 3B et à répondre aux besoins des forces en matière de télécommunications.

b.   Commandes

L’armée de l’air et de l’espace a de nouveau bénéficié, en 2021, de commandes structurantes pour sa remontée en puissance, en premier lieu dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique annoncé par le Gouvernement en juin 2020. En effet, alors que les trois A330 avaient été commandés rapidement – deux ont été livrés fin 2020, le troisième est attendu en 2022 – ce n’est qu’en 2021 qu’ont été notifiées les commandes relatives aux huit hélicoptères Caracal destinés à remplacer une partie de la flotte vieillissante de Puma et au troisième avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR), dont la livraison est attendue en 2023.

En outre, l’année 2021 a également vu la commande, dès janvier, des 12 Rafale destinés à remplacer ceux qui ont commencé à être prélevés au sein de l’armée de l’ait et de l’espace au profit de la Grèce. Ces appareils seront livrés en 2025.

Enfin, à titre d’illustrations, le rapporteur note que la direction générale de l’armement a également notifié les commandes :

– de neuf avions PC-21 qui seront livrés sur la base aérienne de Cognac, dans le cadre de la réforme de la formation des pilotes de chasse ;

– d’un lot de missiles MICA NG opérationnels et d’entraînement, dans le cadre de la stratégie de remontée en puissance des stocks de munitions dont disposent les armées. Leur livraison n’interviendra pas avant 2026 ;

– d’ici la fin de l’année, les premiers systèmes de drones MALE européens.

2.   L’action de la DMAé commence à porter ses fruits

L’amélioration de la disponibilité des matériels est manifeste

● Dans son premier avis budgétaire sur les crédits de l’armée de l’air, paru à l’automne 2017, le rapporteur avait mis en lumière la complexité des opérations de maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, illustré par un schéma de l’organisation de la maintenance du Rafale sur la base aérienne de Mont-de-Marsan.

illustration de la maintenance du Rafale sur la base aérienne 118

Source : rapport pour avis du rapporteur sur le PLF 2018.

Complexe tant au niveau du soutien industriel (NSI) qu’au niveau du soutien opérationnel (NSO), le MCO aéronautique ne donnait par ailleurs pas satisfaction, en raison de taux de disponibilité bien trop faibles.

● Pour rappel, afin de remédier à cette situation insatisfaisante, deux actions majeures ont été engagées :

– en interne, l’état-major de l’armée de l’air et de l’espace a engagé des efforts dans le cadre de son programme « NSO 4.0 », qui vise à moderniser les opérations de soutien mises en œuvre par les escadrons de soutien technique aéronautique (ESTA) et d’améliorer la performance du NSO selon quatre axes : une meilleure organisation, un ordonnancement des visites d’entretien rationalisé, l’encouragement au lean management – c’est-à-dire à la mise en place d’une gestion allégée de l’outil industriel – et une mesure plus fine de la performance du MCO ;

– une profonde réforme du MCO aéronautique, décidée par la ministre des Armées, qui a abouti au remplacement de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (SIMMAD) par une direction de la maintenance aéronautique (DMAé), ainsi qu’à l’adoption d’une démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintenance, renforçant la responsabilité des industriels. Cette démarche s’est accompagné d’une hausse considérable des ressources allouées en engagements à l’entretien programmé du matériel (EPM). Ainsi, les ressources affectées à l’entretien programmé des flottes aériennes s’élèvent à près de 3 milliards d’euros en AE et 1,75 milliard d’euros en CP en PLF 2022. 9,3 milliards seront engagés en 2021 et plus de 4,1 milliards l’ont été en 2020, Soit un total de 16,4 milliards en trois ans. Il faudra donc veiller à ce que cette réforme porte réellement ses fruits.

● Plus de trois ans après la création de la DMAé, force est de constater que la disponibilité tend à s’améliorer. Et plusieurs contrats ont d’ores et déjà été signés, dont :

– le contrat Rafale Verticalisé (RAVEL), qui porte sur l’entretien du Rafale hors moteurs, notifié auprès de Dassault Aviation, et a notamment permis de réduire le nombre d’aéronefs en attente d’avis techniques de la part de l’industriel ;

– le contrat pour les hélicoptères lourds et de manœuvre (CHELEM), notifié par la DMAé à Airbus Helicopters et Héli-Union ;

– le contrat BOLÉRO, notifié à Safran Aircraft Engines pour le maintien en condition opérationnelle des moteurs M88 de Rafale.

Concernant l’A400M, un contrat a été signé en 2019 entre Airbus et l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr). Il prévoit notamment la mise en place d’un plateau à Orléans réunissant l’armée de l’air et de l’espace, la DMAé, Airbus et le service industriel de l’aéronautique (SIAé). La disponibilité et l’activité de l’aéronef a augmenté de 50 % en 2020.

Évolution de la disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels depuis 2017

disponibilité technique opérationnelle (DTO)

2017

2018

2019

2020

2021 prévisions

2022 prévisions

Combat/chasse

92%

86%

85%

82%

85%

84%

Avions de transport tactique

60%

64%

57%

65%

71%

85%

Avions d’appui opérationnel

112%

115%

85%

115%

78%

91%

Vecteur ISR

-

-

70%

72%

65%

96%

Avions à usage gouvernemental

90%

93%

100%

100%

89%

94%

Hélicoptères

70%

71%

76%

88%

74%

78%

Défense sol-air

81%

83%

82%

77%

75%

73%

Source : projet annuel de performance.

La disponibilité des matériels reste pour autant perfectible

L’amélioration globale de la disponibilité des matériels doit toutefois être nuancée.

● D’abord, car l’ensemble des taux de DTO susmentionnés sont significativement inférieurs à 100 % pour les flottes les plus critiques en opérations (aviation de combat, aviation de transport tactique, hélicoptères). Or, la DTO correspond au rapport entre le nombre de matériels disponibles constaté et le nombre nécessaire afin d’honorer le scénario le plus dimensionnant des contrats opérationnels fixés en loi de programmation militaire (LPM) et de garantir la préparation opérationnelle qui en découle. En d’autres termes, l’armée de l’air et de l’espace ne serait globalement pas à même de répondre intégralement et immédiatement au seuil haut de ses contrats opérationnels.

Certes, le PAP fixe des objectifs ambitieux pour l’année 2023 – 109 % pour l’aviation de combat ou 93 % pour l’aviation de transport tactique – que le rapporteur appelle à appréhender avec prudence. En effet, il rappelle que 20 points séparent la prévision du PAP 2021 et la prévision actualisée par le PAP 2022 s’agissant de l’aviation de combat (de 105 % à 85 %) ou 83 points pour les vecteurs ISR (148 % contre 65 %) et 23 points pour les hélicoptères de manœuvre et de combat (97 % contre 74 %).

● Ensuite, car l’étude de la disponibilité technique (DT) des aéronefs est encore moins glorieuse que celle de la disponibilité technique opérationnelle (DTO) susmentionnée ([16]). Malgré les demandes répétées des parlementaires de tous bords, le Gouvernement se refuse à publier dans le PAP les données de disponibilité technique. En outre, contrairement aux pratiques du début de la législature ([17]), le Gouvernement transmet aujourd’hui ces éléments aux parlementaires estampillés « diffusion restreinte – spécial France », ce qui ne correspond pas à un niveau de classification mais vise, sans doute, à faire pression sur les parlementaires pour les dissuader de publier des informations pourtant essentielles à la juste compréhension de l’état de capacités. Une telle situation est regrettable.

Le rapporteur se bornera donc à faire mention de données déjà largement connues : le taux de disponibilité technique des Rafale air et marine dépasse de peu les 55 % ; celui des Mirage 2000D est bien inférieur ; les avions de transport tactique et les hélicoptères de manœuvre présentent des taux de disponibilité technique allant de 20 % à 40 %.

● De manière plus générale, le PAP souligne que les difficultés les plus importantes concernent l’aviation de chasse, en raison de la crise logistique rencontrée sur les Mirage 2000 au cours du premier trimestre 2021 ainsi qu’aux succès à l’export du Rafale, ainsi que les avions de transport tactique, du fait principalement des difficultés rencontrées sur la flotte C130H.

● Enfin, le rapporteur rappelle qu’il est encore trop tôt pour mesurer finement les effets de la réforme de la maintenance aéronautique engagée par la ministre des Armées. Les contrats signés l’ont été récemment – voire très récemment dans le cas du contrat BOLÉRO, signé en août 2021 – et n’ont pu produire leurs pleins effets. Certains contrats ne sont pas encore signés, à l’instar du futur contrat BALZAC, qui portera sur le soutien des Mirage 2000, hors moteurs, et dont la signature est attendue d’ici la fin de l’année. La DMAé devra également définir les concours de la maintenance du futur Guépard.

II.   Au terme du quinquennat, la vigilance reste de mise

A.   Les crédits de l’armée de l’air et de l’espace ouverts par le projet de loi de finances pour 2022

1.   Présentation générale des crédits du programme 178 dévolus à l’armée de l’air et de l’espace

Au sein du programme 178 « Préparation et emploi des forces », les crédits alloués à l’armée de l’air sont inscrits à l’action 4 « Préparation des forces aériennes ». Ces crédits doivent permettent aux forces aériennes de conduire les missions qui leur sont assignées par la loi de programmation militaire :

– la protection aérienne du territoire national et des populations grâce à leurs moyens de détection, d’identification et d’intervention dans son espace aérien et dans ses approches, sous la responsabilité du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes ;

– la dissuasion nucléaire au travers de la mise en œuvre de la composante aéroportée, sous la responsabilité du commandement des forces aériennes stratégiques ;

– l’intervention visant à protéger nos ressortissants, à défendre les intérêts de la France, à honorer nos alliances et à respecter nos engagements internationaux.

Les crédits de l’action 4 se répartissent en huit sous-actions :

– la sous-action 2 « commandement et activités centralisées des forces aériennes », qui couvre le périmètre des organismes du niveau d’état-major d’armée dont, cette année, les escadrilles air-jeunesse instituées sur la volonté du chef d’état-major ;

– la sous-action 3 « activités des forces aériennes », qui regroupe les unités du commandement des forces aériennes (CFA) et du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), implantés respectivement sur les bases aériennes 106 de Bordeaux-Mérignac et 942 de Lyon-Mont-Verdun ;

– la sous-action 4 « activités des forces aériennes stratégiques », qui regroupe l’ensemble des unités des forces aériennes stratégiques (FAS), c’est‑à‑dire la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire ;

– la sous-action 5 « ressources humaines des forces aériennes », qui regroupe la direction des ressources humaines de l’armée de l’air ainsi que les écoles et établissements ou centres d’enseignement ;

– la sous-action 6 « entretiens et équipements des forces aériennes », qui regroupe l’ensemble des moyens destinés à assurer la mise en œuvre et le soutien techniques des forces aériennes en optimisant la disponibilité des aéronefs et des moyens aéronautiques associés. Cette sous-action couvre ainsi une partie des activités du CFA, qui assure le niveau de soutien opérationnel des équipements aériens, et de la direction de la maintenance aéronautique ;

– la sous-action 9 « service industriel aéronautique » (SIAé), qui ne bénéficie d’aucune dotation budgétaire, le paiement des factures correspondantes à l’entretien du matériel étant imputé sur la sous-action 6.

– la sous-action 11 « infrastructures aériennes », qui recouvre les dépenses pour la construction, la modernisation et le maintien en condition des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air, auparavant en partie inscrites au programme 212 ;

– la sous-action 12 « activités spatiales », qui retrace les crédits nécessaires à la montée en puissance du commandement de l’espace.

Selon le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022, les enjeux majeurs de l’armée et de l’espace pour l’année prochaine sont les suivants :

« – l’optimisation des processus (MCO aéronautique, simplification et modernisation des états-majors, des formations ainsi que des processus de gestion des administrés, adaptation des recrutements et politique d’emploi des réservistes opérationnels) ;

– la poursuite du renouvellement et la modernisation des matériels de l’AAE (notamment le Rafale F3R, l’A400M, le C130J, le Reaper « block 5 », le MRTT ou encore le matériel de lutte anti drones) et le retrait de certaines flottes (que sont le M2000C et le C160) ;

– la préparation de la montée en puissance des futurs escadrons RAF5 et RAF6 à Orange ;

– la poursuite de la montée en puissance du commandement de l’espace, ayant trait à l’exploitation des nouveaux effecteurs spatiaux Cérès et Syracuse 4A ou à l’accréditation par l’OTAN ;

– le soutien à l’exportation du Rafale ou la prospection du MAMBA ;

– le commandement de la composante aérienne de la Nato Response Force (NRF) 2022. » ([18])

En PLF 2022, les crédits de l’action 4 représentent 3,88 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) contre 9 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2021, et 2,6 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) contre 2,4 milliards en loi de finances initiale pour 2021. Ils représentent 26,1 % des crédits du programme.

CrÉdits de l’action 4 « PrÉparation des forces aÉriennes » du programme 178 pour 2022 par sous-action (en millions d’euros)

S/Action

Rubrique

AE
LFI 2021

AE
PLF 2022

CP
LFI 2021

CP
PLF 2022

SA 04-02

Commandement et activités centralisées des forces aériennes

20,6

17,3

(- 16%)

20,2

16,4

(- 19%)

SA 04-03

Activités des forces aériennes

262,5

261,2

(- 1%)

260,7

266,5

(+ 2%)

SA 04-04

Activités des forces aériennes stratégiques

935,2

60

(- 94%)

158,8

160,9

(+ 1%)

SA 04-05

Ressources humaines des forces aériennes

127,2

128,1

(+ 1%)

125,8

122,9

(- 2%)

SA 04-06

Entretien et équipements des forces aériennes

7 550,4

3 201,1

(- 58%)

1 784,3

1 917,8

(+ 7%)

SA 04-11

Infrastructures aériennes

84,4

145,9

(+ 73%)

82,8

94,9

(+ 15%)

SA 04-12

Activités spatiales

26,2

68,7

(+162%)

25,7

28,1

(+ 9%)

TOTAL

9 006,5

3 882,1

(- 57%)

2 458,3

2 607,6

(+ 6%)

 Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2022.

2.   Présentation par nature et par opération stratégique

Les ressources affectées à l’armée de l’air et de l’espace nécessitent une analyse plus fine du détail des opérations stratégiques.

Les dépenses de fonctionnement

L’agrégat budgétaire « fonctionnement » retrace les crédits affectés à deux opérations stratégiques : une opération « activités opérationnelles » et une activité « fonctionnement et activités spécifiques ». En PLF 2022, le montant de la dotation est de 500,2 millions d’euros en AE et 458,86 millions d’euros en CP.

● Premièrement, l’opération stratégique « activités opérationnelles » est dotée de 423,13 millions d’euros en AE et de 379,79 millions d’euros en CP, ce qui représente une hausse de 9 % des AE par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, les crédits de paiement étant relativement stables. Toutefois, d’importants mouvements ont affecté les diverses opérations budgétaires.

De fait, l’opération budgétaire « activité et entraînement des forces » connaît une croissance de près de 42 % d’AE, à hauteur de 173,51 millions d’euros, hausse que l’on retrouve pour les CP qui s’établissent à 130,89 millions d’euros en PLF 2022. Celle-ci trouve son explication dans la prise en compte des ressources budgétaires liées aux services spatiaux, des crédits nécessaires au financement des activités d’entraînement et de préparation opérationnelle des forces ainsi que la location d’heures de vol et l’achat de télécommunications.

L’opération budgétaire « déplacements et transports », dotée d’environ 34,48 millions d’euros en AE et en CP, voit quant à elle ses ressources se réduire de 14 % du fait des restrictions de déplacements et des annulations d’exercices, ladite opération portant principalement sur les missions de personnel, hors activités de formation, réalisées principalement dans le cadre des activités de préparation opérationnelle ainsi que celles générées par les déménagements des unités et le transport opérationnel. Cette réduction des ressources a par ailleurs entraîné une baisse des AE et CP de 18 % pour l’opération budgétaire « Alimentation ».

De plus, cette opération stratégique retrace les crédits affectés aux opérations budgétaires relatives aux carburants opérationnels, en diminution de 5 % en raison de l’arrêt prévu du C160 à la fin de l’année 2021, de la réduction de l’activité de l’Alphajet et de la baisse du prix de cession.

● En second lieu, l’opération stratégique « fonctionnement et activités spécifiques » est dotée, en PLF 2022, de 77,07 millions d’euros en AE et de 79,08 millions d’euros en CP, soit une hausse de respectivement 3 % et 7 % des ressources, qui s’explique par l’évolution des ressources budgétaires dans le domaine des « prestations intellectuelles ». Plus précisément, cette opération stratégique est notamment composée de quatre opérations budgétaires :

– l’opération budgétaire « mobilité des personnels », marquée par une stabilité des AE à 15,23 millions d’euros et une légère diminution de 8 % des CP qui s’élèvent désormais à 13,91 millions d’euros. Cette opération porte sur les crédits destinés à financer l’ensemble des dépenses relatives au transport de personnes et de mobilier ;

– l’opération budgétaire « prestations intellectuelles », voyant une forte augmentation de 135 % des CP pour 2022 s’élevant 11,64 millions d’euros, malgré une baisse des AE de 22 % par rapport à la LFI 2021, soit 3,96 millions d’euros. Cette évolution traduit la conclusion d’un marché important d’assistance à l’entraînement collaboratif des forces aériennes au profit du centre d’expertise aérienne militaire (CEAM) cette année.

– l’opération budgétaire « Soutien des ressources humaines », pour laquelle les AE s’élèvent cette année à 18,86 millions d’euros, autrement dit une hausse de 12 % comparativement à l’année passée, et les CP à 15,77 millions d’euros, soit une légère baisse de 4 %. Elle couvre les dépenses de formation et d’instruction, tout comme les divers frais de recrutement du personnel ;

– enfin, l’opération budgétaire « subventions et transferts », dotée identiquement de 26,77 millions d’euros en AE et en CP, retrace désormais les crédits de fonctionnement et d’investissement de l’école de l’air, ainsi que sa masse salariale. Cette évolution découle du changement de statut de l’établissement, devenu, le 1er janvier 2019, un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

Les dépenses d’investissement

Les dépenses d’investissement se répartissent en quatre opérations stratégiques :

● Premièrement, l’opération stratégique « dissuasion », reprenant les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels des forces aériennes stratégiques, à l’instar des Rafale affectés à la mission de dissuasion, des ravitailleurs C135 et des avions de transport et de ravitaillement MRTT Phénix, ainsi que le financement de l’entretien des infrastructures de dissuasion depuis l’année dernière. Pour l’année 2022, sa dotation prévisionnelle est marquée par deux tendances distinctes. La première est la nette hausse des crédits correspondant à l’entretien desdites infrastructures de dissuasion, et plus particulièrement à la mise en place d’un programme prévu en programmation dans le domaine, pour lequel les AE ont augmenté de plus de 150 % pour atteindre 5,1 millions d’euros et les CP de 85 % pour s’élever aujourd’hui à 3,7 millions d’euros. Parallèlement, la prévision de crédits dévolus à l’entretien programmé des matériels des flottes aéronautiques voit une forte baisse des AE à 37,7 millions d’euros, inhérente au volume important de contractualisation de marchés pluriannuels, et un montant de CP stable, en conformité avec la LPM 2019-2025.

● Deuxièmement, l’opération stratégique « entretien programmé des matériels », regroupant les ressources affectées à l’entretien programmé des matériels des forces non stratégiques. Sa dotation prévisionnelle s’élève à 3 milliards d’euros en AE, soit une diminution de 59 % par rapport à 2021 du fait du « pic » atteint en 2021. La globalisation et la verticalisation des contrats se poursuivront en 2022 avec les contrats de maintenance d’Alphajet, des HIL Guépard et du soutien des moteurs d’hélicoptères. Concernant les CP, la croissance de 8 %, conforme à la trajectoire de la LPM 2019-2025, porte les crédits prévisionnels à 1,76 milliard d’euros.

De manière plus précise, l’essentiel des ressources est affecté à l’opération budgétaire « entretien programmé des matériels des flottes aériennes », hors Rafale, dotée de 2,44 milliards d’euros en AE et 1,21 milliard d’euros en CP.

Les autres opérations budgétaires bénéficient généralement de dotations moindres comparativement à l’année précédente :

– l’opération budgétaire « EPM des munitions aériennes », dotée de 276,06 millions d’euros en AE et de 123,43 millions d’euros en CP. Seule opération ayant connu une croissance notable de 165 % des AE, cette évolution s’explique par la contractualisation du marché SAMP/T prévue en 2022.

– l’opération budgétaire « EPM du matériel terrestre », concernant l’entretien du matériel terrestre de l’armée de l’air. À la suite du renouvellement du marché pluriannuel MARTHA en 2021, elle n’est dotée quant à elle que de 42 millions d’euros d’AE et 30,2 millions d’euros en CP.

– l’opération budgétaire « démantèlement milieu aérien », qui couvrait jusqu’alors le financement des activités de démantèlement sur le site de Châteaudun. Du fait de la fermeture programmée du site cette année, elle est dotée de 4,7 millions d’euros en AE et de 6,38 millions d’euros en CP.

● Troisièmement, l’opération stratégique « équipements d’accompagnement » retrace l’ensemble des ressources destinées à l’acquisition et au suivi des petits équipements, des matériels de maintenance, des véhicules spécialisés ou au renouvellement des munitions. La hausse soulignée l’an dernier se poursuit, avec une dotation de 198,45 millions d’euros en AE (soit + 24%) et de 164,65 millions d’euros en CP (soit + 5%), en raison notamment de l’acquisition de munitions aériennes destinées à soutenir l’entraînement des forces et de la remontée des stocks d’ici 2025. L’opération budgétaire « Armements et munitions » présente à cet effet une évolution de plus de 64 % en AE et 29 % en CP.

● Quatrièmement, enfin, l’opération stratégique « infrastructures » retraçant les crédits nécessaires à la construction, la modernisation et l’entretien des infrastructures opérationnelles de l’armée de l’air et de l’espace. Cette opération est dotée de près de 140,75 millions d’euros en AE et 91,23 millions d’euros en CP afin de permettre de financer la construction d’un bâtiment pour l’accueil du commandement de l’espace à Toulouse, l’adaptation des aires aéronautiques d’Orange pour l’arrivée du Rafale, la fiabilisation du centre de détection et de contrôle de Cinq-Mars-la-Pile et l’adaptation des installations sportives de Salon-de-Provence.

Les autres crédits de la mission « Défense » consacrés à l’armée de l’air

Si le présent avis porte essentiellement sur les ressources inscrites au sein du programme 178, le rapporteur souhaite présenter à grands traits l’ensemble de l’effort budgétaire au profit des forces aériennes. Afin de ne pas outrepasser la mission qui lui a été confiée, il se propose de simplement évoquer quelques points saillants permettant d’illustrer la diversité des actions concernées.

● Premièrement, concernant le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », une part des ressources affectées aux études amont, dont les crédits sont retracés au sein de la sous-action 3 de l’action 7, se rapporte directement aux forces aériennes.

Plus précisément, l’opération budgétaire « aéronautique et missiles », dotée de 242,2 millions d’euros en AE et de 258,11 millions d’euros en CP, continuera de financer les études de maturation des différentes briques technologiques dans le domaine de la guerre technologique, de l’autoprotection et de la localisation qui seront utilisées par les aéronefs du SCAF ainsi que pour la préparation des évolutions du Rafale. De même, des travaux concernent l’amélioration de l’autoprotection et de la coopération entre drones et hélicoptères.

Dans le domaine de la frappe en profondeur, des études porteront sur le démonstrateur de planeur hypersonique, les matériaux énergétiques de défense ainsi que le partenariat d’innovation technologique franco-britannique dans le domaine des technologies de missiles.

Quant à elle, l’opération budgétaire « espace », dotée de 99,36 millions d’euros en AE et de 85,09 millions d’euros en CP, participera à financer les études relatives aux démonstrateurs de moyens d’action dans l’espace, à la surveillance de l’espace tout comme au renseignement spatial et la communication militaire.

Le rapporteur note en revanche la persistance de la faiblesse des ressources allouées au profit de la composante héliportée. Avec quelques millions d’euros, ce niveau semble insuffisant pour préparer les technologies nécessaires à l’évolution des hélicoptères. D’autant plus que les États-Unis semblent déployer sur ce segment une démarche offensive en direction des pays européens autour de leur projet d’hélicoptère de nouvelle génération (Next generation rotor craft – NGRC), faisant crainte l’apparition d’un scénario « façon F-35 » évinçant les industriels européens.

● Deuxièmement, le programme 146 « Équipement des forces » retrace les financements liés à l’acquisition de nouvelles capacités. Pour l’armée de l’air et de l’espace, l’année 2022 sera riche et devrait voir la livraison d’un Rafale – le premier depuis 2016 –, de deux aéronefs A400M, trois MRTT Phénix, d’un A330 issu du plan de soutien au secteur aéronautique, de treize Mirage 2000D rénovés, d’un C130 modernisé, de 15 pods Talios et d’une centaine de SCALP rénovés. Une profonde modernisation du SCCOA et le développement de capacités spatiales sont aussi attendus dans le cadre des programmes Cérès ou Syracuse IV.

● Troisièmement, le programme 212 « Soutien de la politique de défense » retrace un certain nombre de crédits intéressant directement l’armée de l’air. C’est ainsi le cas de l’opération budgétaire « restructurations des sites », les principales opérations structurantes prévues en 2022 concernant les bases aériennes d’Évreux et de Nancy-Ochey, à hauteur respectivement 7,9 et 4 millions d’euros et destinées à accueillir les flottes de C130H, CASA et de Mirage 2000B d’entraînement avec leurs simulateurs.

B.   Face à l’évolution du contexte stratégique, de nombreuses questions restent en suspens

1.   Les inquiétudes nées de l’actualisation de la programmation

L’actualisation de la Revue stratégique de 2017 ([19]) a mis en lumière l’accélération des désordres du monde décrits quatre ans auparavant, en particulier dans les nouveaux champs de la conflictualité où se déploient des stratégies hybrides facilitées par les mutations technologiques. Lors de son audition devant la commission de la Défense, le 30 juin 2021, le général Lavigne, alors chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, notait ainsi que « dans le domaine spatial, la conflictualité se traduit par des actes bien plus qu’inamicaux, commis dans un espace non souverain et peu visible, générant un risque d’escalade entre puissances majeures (…) La perspective du combat mené dans et depuis le milieu aérospatial nécessite de s’inscrire dans une logique multi-milieux – terre, air, mer, cyber, espace – et multi-champs – électromagnétique, informationnel » ([20]). À un autre bout du spectre, l’Actualisation stratégique soulignait l’importance d’accroître les efforts dans le domaine de la lutte anti-drones. L’identification de nouvelles évolutions stratégiques – bien plus larges que les seuls exemples évoqués ci-dessus – a conduit à actualiser la programmation militaire, conformément à l’article 7 de la LPM.

Or, contrairement à ce que prévoyaient cet article comme les débats tenus lors de l’examen du texte, le Gouvernement a fait le choix de ne pas soumettre au Parlement son projet d’actualisation, faisant ainsi preuve d’une forme de déni de démocratie. L’ajustement annuel 2021 de la programmation (A2PM) et l’impact de l’actualisation sur la trajectoire de la programmation sont donc sources de préoccupations.

L’A2PM a en effet conduit à intégrer, sous enveloppe constante, les mesures du plan de soutien au secteur aéronautique ainsi que les 12 Rafale commandés par la ministre des Armées au début de l’année 2021, ainsi qu’une partie des mesures décidées dans le cadre de l’actualisation de la programmation. Celle-ci a donc conduit à intégrer dans la programmation un certain nombre de nouvelles priorités, et ce également sous enveloppe constante.

Au final, l’addition se compte en milliards, et nul ne sait réellement quelles économies ont été décidées pour les compenser.

Dans un rapport ([21]) ayant fait grand bruit, la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a identifié un périmètre d’actualisation de 8,6 milliards d’euros, se répartissant entre les surcoûts constatés du fait de l’actualisation de la Revue stratégique et des différentes annonces intervenues (7,4 milliards d’euros), et les surcoûts à prévoir pour atteindre les objectifs fixés par la LPM 2019-2025 quant à la préparation des forces (1,2 milliard d’euros).

Tableau estimatif global du périmètre budgétaire de l’actualisation

Source : Commission des affaires étrangères et de la défense d’après l’analyse des chiffrages de l’État-major des armées () et les estimations des rapporteurs pour avis budgétaires de la commission des affaires étrangères et de la défense (**).

Même si les conclusions du Sénat s’avéraient surévaluées – ce que la ministre des Armées n’a jamais démontré – les seuls effets du plan de soutien au secteur aéronautique (PSA) et de la commande grecque porte les économies à réaliser à un niveau de près de 1,5 milliard d’euros – 600 millions d’euros au titre des commandes du PSA au profit de l’armée de l’air et de l’espace et 12 Rafale neufs, pour un coût estimé à 1,2 milliard, auquel il convient de déduire environ 400 millions d’euros issus de la vente des appareils d’occasion à la Grèce ([22]).

Outre le rapport du Sénat, les auditions conduites par le rapporteur et la commission de la Défense nationale de l’Assemblée nationale ont néanmoins permis d’un peu lever le voile sur les mesures décidées dans ce cadre. C’est ainsi qu’il a été décidé d’anticiper le retrait des Transall, y compris des Transall Gabriel, dotés de capacités de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) des plus performantes. Or, dans l’attente de l’achèvement du programme Archange, dont la livraison n’est pas attendue avant 2025, le rapporteur s’inquiète des conséquences de cette décision. Bien que la France dispose d’autres capacités de renseignement d’origine électromagnétique, les C160 Gabriel apportaient une capacité spécifique, à laquelle les satellites ou les drones ([23]) ne peuvent se substituer. En outre, l’apport du Gabriel était particulièrement reconnu par nos alliés.

En conséquence, le rapporteur s’interroge sur les autres renoncements ou ruptures capacitaires décidés pour compenser le coût des décisions prises dans le cadre de l’A2PM 2021 et de l’actualisation.

2.   Les incertitudes sur la trajectoire au-delà de 2022 et « l’Ambition 2030 »

La trajectoire budgétaire de la LPM présente des fragilités structurelles, rappelées par le rapport du Sénat précité :

« – Seules les cinq premières annuités de 2019 à 2023 ont été votées pour un montant global de 197,8 milliards d’euros renvoyant les deux dernières annuités 2024-2025 à un arbitrage ultérieur prenant en compte la situation macroéconomique à la date de l’actualisation et l’objectif de porter l’effort de défense à 2 % du PIB en 2025 ;

– l’objectif en valeur de la LPM de 295 milliards d’euros sur toute la période n’est évoqué que dans le rapport annexé à l’article 2 de la LPM, il reste ainsi 97 milliards d’euros sur lesquels pèsent une incertitude programmatique pour 2024 et 2025 ;

– le rythme de progression annuelle des crédits est déséquilibré. Il est construit suivant une courbe « douce » (+ 1,7 Md € par an) jusqu’en 2022, jusqu’au terme du quinquennat actuel, puis selon une pente plus prononcée (+ 3 milliards d’euros par an) à compter de 2023 jusqu’en 2025, renvoyant ainsi l’essentiel de l’effort budgétaire à une majorité présidentielle potentiellement différente. »

Trajectoire budgétaire de la LPM 2019-2025

Source : Commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat. En milliards d’euros.

Le flou budgétaire est ainsi connu. À l’approche de la dernière année de la législature, il y a encore davantage lieu de s’inquiéter de notre capacité à augmenter le budget de la Défense de près de 3 milliards en 2023 et 2024, alors que nos marges budgétaires, déjà étroites, se rétréciront encore en raison des effets de la crise sanitaire.

Une telle situation est d’autant plus préoccupante que l’évolution du contexte stratégique suscite des questionnements majeurs quant à l’accentuation de l’effort de défense, allant au-delà de l’Ambition 2030 décrite par le rapport annexé de la LPM.

Pour l’armée de l’air et de l’espace, il faudra ainsi poursuivre les initiatives en direction de la défense spatiale, engagées notamment dans le cadre du programme à effet majeur Arès ([24]), mais également en faveur du rehaussement des capacités de protection et de défense sol-air, notamment dans le cadre de la lutte anti-drones.

Il conviendra également de veiller à la poursuite de la remontée en puissance de l’aviation de transport tactique et stratégique, en lançant notamment le successeur des Casa, ainsi que de poursuivre la modernisation de la composante héliportée, au-delà du Guépard : le développement du standard 2 du Caracal, le remplacement des Puma et la définition du futur hélicoptère de manœuvre de nouvelle génération ne peuvent plus être repoussés.

Enfin, alors que l’éclatement d’un conflit de haute intensité est aujourd’hui considéré comme une hypothèse de travail, s’y préparer constitue une impérieuse nécessité. Pour l’armée de l’air et de l’espace, il s’agira d’être en mesure de garantir « la conquête de la supériorité aérienne dans un environnement contesté, c’est-à-dire « non-permissif » et caractérisé notamment par le retour de l’attrition. » ([25])

Dans la perspective de la préparation de la prochaine LPM, le rapporteur estime ainsi que la question de la masse devra être discutée, dans un contexte de réduction continue des moyens de l’armée de l’air et de l’espace.

Évolution du parc de l’armée de l’air et de l’espace depuis 1990

Source: IFRI, étude précitée.

 

Surtout, la haute intensité impose de disposer d’une aviation de combat robuste et au plus niveau de performance. La France s’y prépare, en continuant de moderniser sa flotte et en étant l’une des principales forces motrices du système de combat aérien du futur (SCAF). Pour autant, l’aviation de combat présente également des fragilités auxquelles est consacrée la seconde partie du présent rapport.


—  1  —

   Inquiétudes sur l’aviation de combat

I.   L’aviation de combat en tension

A.   Un engagement opérationnel intense et permanent, non sans incidences sur la préparation opérationnelle

1.   « Faire face » : la chasse au rendez-vous des opérations

Le cadre opérationnel fixé par la Revue stratégique et la LPM

La Revue stratégique de 2017 dispose que « la supériorité aérienne est un prérequis des opérations militaires », précisant que « cette aptitude couvre les savoir-faire et capacités requises pour réduire les menaces aériennes adverses à un niveau conférant la liberté d’action nécessaire aux forces terrestres et navales » ([26]). L’arme aérienne se trouve donc au cœur des différents contrats opérationnels décrits dans le rapport annexé à la LPM.

Celui-ci prévoit ainsi que les armées pourront être engagées dans la durée et simultanément sur trois théâtres d’opération, avec la capacité à assumer le rôle de Nation-cadre sur un théâtre et à être un contributeur majeur au sein d’une coalition dans le cadre d’opérations dites de « gestion de crise ». En pratique, cela impliquerait, pour l’armée de l’air et de l’espace, la capacité à mobiliser deux à trois bases aériennes projetées incluant leur poste de commandement air (PC Air), 14 avions de chasse, quatre avions de ravitaillement en vol MRTT, cinq avions de transport tactique, jusqu’à six systèmes de drones moyenne altitude longue endurance-MALE (dont l’armement programmé permettra d’élargir le champ d’emploi opérationnel), un à deux avions de guerre électronique, un plot d’hélicoptères de manœuvre pour les missions de recherche et sauvetage au combat (RESCO) et jusqu’à sept avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR).

En outre, les armées doivent pouvoir en parallèle être engagées dans une opération majeure de coercition dans un contexte de combats de haute intensité, ce qui suppose, pour l’armée de l’air et de l’espace, de pouvoir déployer une capacité de commandement d’opérations aériennes de type Joint Force Air Command (JFAC), jusqu’à 45 avions de chasse hors groupe aérien embarqué, neuf avions de transport stratégique et de ravitaillement, 16 avions de transport tactique, quatre systèmes de drones armés, jusqu’à quatre avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR), deux à trois bases aériennes projetées, des moyens de défense anti-aérienne de théâtre, des moyens de sauvetage au combat.

Enfin, dans le cadre de l’échelon national d’urgence, la force interarmées de réaction immédiate (FIRI) d’alerte comprend notamment une dizaine d’avions de chasse, notamment pour la frappe immédiate, des aéronefs de transport et de ravitaillement, des aéronefs de renseignement, un plot d’hélicoptères de manœuvre pour les missions de recherche et sauvetage au combat (RESCO).

Dans ce contexte, la LPM prévoit que l’armée de l’air et de l’espace puisse mettre en œuvre un SCCOA rénové, 185 avions de chasse polyvalents, 53 avions de transport tactique dont des A400M, quatre avions de détection et de contrôle aérien, 15 avions ravitailleurs MRTT, 40 hélicoptères légers, 36 hélicoptères de manœuvre, huit systèmes de drones de surveillance MALE, huit ALSR, trois avions de renseignement et de guerre électronique ainsi que huit systèmes sol-air de moyenne portée.

Un niveau d’engagement élevé dans la durée

Les scénarios décrits par les contrats opérationnels sont largement réalisés aujourd’hui avec, par exemple, le déploiement de trois bases aériennes projetées, en Jordanie, au Tchad et au Niger, soit le niveau maximal envisagé. En outre, malgré le rehaussement du nombre d’avions de chasse déployables dans le cadre du contrat de gestion de crise – passage de 12 à 14 d’une LPM à l’autre – et la baisse d’intensité de l’activité des avions de chasse au Levant, les hypothèses de la LPM sont durablement dépassées, avec le déploiement d’une vingtaine d’avions de combat – sept Mirage 2000 en bande sahélo-saharienne dans le cadre de l’opération Barkhane et 11 dans le cadre de l’opération Chammal, dont six depuis la base aérienne 104 d’Al Dhafra ([27]) – contre les 14 prévus.

Ce surcroît d’engagement est à apprécier au regard des autres missions conduites par la chasse, au premier rang desquels les missions permanentes de posture nucléaire et de posture de sûreté aérienne. Comme le rapporteur l’a montré en première partie du présent rapport, ces deux missions sont particulièrement exigeantes, et génératrices d’un haut niveau d’activité. Au titre de la PPS-A, il a ainsi été indiqué au rapporteur, lors de son déplacement sur la base aérienne de Saint-Dizier, que 1 200 décollages avaient été effectués au cours de l’année 2020, dont les deux-tiers dans le cadre de missions d’entraînement et un tiers sur alerte réelle. Le seul plot de permanence opérationnelle de la base aérienne de Saint-Dizier a assuré 340 missions, dont 120 missions réelles. Au cours des huit premiers mois de l’année 2021, près de 160 missions de police du ciel ont été déclenchées sur alerte réelle. S’ajoutent les missions liées à la posture permanente de dissuasion, dont les quatre exercices annuel Poker.

Le rapporteur souligne d’ailleurs que les Rafale des forces aériennes stratégiques (FAS) de la base aérienne de Saint-Dizier participent également à la mission de police du ciel, et qu’à l’inverse les forces conventionnelles prennent part aux missions de dissuasion, la réalisation d’un raid nucléaire mettant également en œuvre des avions n’emportant pas l’arme nucléaire afin de faciliter la pénétration et de supprimer les défenses aériennes.

En outre, doivent également être prises en compte les interventions ponctuelles, à l’instar de l’opération Hamilton déclenchée en avril 2018, ou plus régulières, comme la participation de la France à la mission Baltic Air Policing, opération de police du ciel au profit des pays baltes dans le cadre des mesures de réassurance de l’Otan. Le dernier déploiement de l’armée de l’air et de l’espace française dans ce cadre a eu lieu au printemps 2020.

En raison de l’intensité des engagements en opérations extérieures, certaines unités y sont ainsi engagées de manière continue depuis de nombreuses années.

Participation de la chasse aux OPEX

Opérations extérieures

Moyens chasse

Pamir / Afghanistan

M2000D

Rafale

Épervier / Tchad

F1 CT-CR

M2000D

Hérodote / Libye

Rafale

Barkhane / Tchad

M2000D

M2000N

Rafale

Barkhane / Niger

M2000C

M2000D

Ambre / Ukraine

M2000D Rafale

Chammal / EAU-Jordanie

M2000D

M2000N

Rafale

Baltic Air policing / Pologne – Pays baltes

Rafale

M2000-5

Source : ministère des Armées.

2.   Une dette organique accentuée par la crise sanitaire

Au même titre que la disponibilité des matériels, le niveau d’engagement opérationnel a un impact direct sur la capacité de l’armée de l’air et de l’espace à former et entraîner les équipages de manière organique, c’est-à-dire sur la préparation opérationnelle. Dans ce contexte, les évolutions divergent selon les théâtres. C’est ainsi que le ralentissement des opérations aériennes conduites au Levant dans le cadre de l’opération Chammal a légèrement relâché la pression qui pesait sur la flotte Rafale. Aujourd’hui, seulement 25 % de l’activité aérienne est réalisée en opérations extérieures, après un pic à près de 45 % lors du déploiement des Rafale sur la base aérienne projetée en Jordanie, en 2016. L’activité organique apparaît donc relativement préservée. La situation n’est pas comparable s’agissant de la flotte de Mirage 2000D, dont l’activité en opérations extérieures reste très soutenue, avec près de 42 % de l’activité réalisée au Sahel.

 

RÉPARTITION DES HEURES DE VOL (HdV) ORGANIQUES ET OPÉRATIONNELLES PAR FLOTTE, 2013-2020

Source : ministère des Armées.

Le niveau d’engagement en opérations extérieures complexifie la programmation des activités d’entraînement nécessaires au maintien des compétences à un haut niveau. Et ce d’autant que les opérations actuellement conduites au Levant et en BSS ne couvrent pas l’ensemble du spectre des compétences requises pour les équipages de chasse, à l’instar du suivi de terrain, de la frappe dans la profondeur ou de l’acquisition de la supériorité aérienne dans un environnement contesté. Ces compétences de haut du spectre doivent être entretenues au travers d’exercices réguliers, au risque de les voir s’éroder ou, pire, jamais réellement acquises. Cette situation a conduit à mettre en place des formations différenciées, afin de s’assurer que l’ensemble des compétences requises soit détenues par un noyau dur de personnels, au risque de disposer de personnels spécialisés ne pouvant pleinement exploiter les potentialités de leurs aéronefs, en particulier sur Rafale, avion polyvalent.

En outre, le niveau d’engagement en opérations extérieures n’est pas sans conséquence sur la formation des jeunes, en raison de l’absence des cadres – déployés sur les théâtres extérieurs – et d’une disponibilité des matériels encore trop faible, en particulier s’agissant des flottes de Mirage 2000. Bien qu’ils ne soient pas entièrement imputables au niveau d’engagement opérationnel, les retards de formation des jeunes équipages varient de 3 à 12 mois selon les flottes.

Ce décalage a des conséquences immédiates sur la tenue des contrats opérationnels. En effet, on constate aujourd’hui une dichotomie entre les objectifs de préparation fixés par ces contrats et la capacité réelle de l’armée de l’air et de l’espace à les respecter. Selon les informations transmises au rapporteur, les principales difficultés semblent porter – pour l’ensemble des flottes – sur les disparités d’activités entre le personnel apte à la mission de guerre (AMG) et celui à l’instruction, conjuguées au niveau de disponibilité des flottes.

Taux global de réalisation des normes d’entraînement des pilotes aptes aux missions de guerre

Source : ministère des Armées.

Plus globalement, la préparation opérationnelle des équipages pâtit d’un nombre d’heures de vol insuffisant, en-deçà des objectifs proposés chaque année en projet de loi de finances ou prévus par la LPM.

Préparation et activité opérationnelle, en nombre d’heures de vol par pilote et par type d’aéronefs

Par ailleurs, cette dette organique a été doublement creusée en 2020 en raison de la crise sanitaire.

D’une part, sur un plan quantitatif, 34 000 heures de vol ayant été « perdues » par les équipages de chasse du fait de l’annulation d’un grand nombre d’activités. Cette dette organique ne pourra être complètement résorbée, mais commencera à l’être dès l’an prochain, avec l’adjonction de 3 000 heures de vol annuelles supplémentaires en 2022 et 2023. Toutefois, le nombre d’heures programmées en 2022 ne sera que de 162 par équipage, encore loin de la norme de 180 heures fixée par l’OTAN.

D’autre part, sur le plan qualitatif, en raison du report ou de l’annulation de nombreux exercices interalliés de préparation opérationnelle, nationaux et interalliés, dont la tenue est essentielle pour garantir la robustesse des forces aux missions de « haut du spectre ». L’an dernier, le rapporteur notait déjà que 18 entraînements avaient ainsi été annulés en France, soit 65 % des activités initialement prévues, à l’instar de l’exercice Atlantic Trident réunissant habituellement des éléments des forces aériennes américaines, britanniques et françaises. Ce taux a atteint 95 % pour les exercices qui auraient dû se tenir à l’étranger. Selon les informations transmises au rapporteur dans le cadre de ses travaux, ces annulations ont « érodé certaines compétences » ([28]), en particulier dans le domaine de l’entrée en premier (entry force). Ces érosions ont toutefois pu être en partie stoppée avec la reprise de certaines activités dès la fin de l’année 2020, comme l’exercice Volfa de préparation à la haute intensité, organisé sur la base aérienne de Mont-de-Marsan en présence des armées de l’air espagnole et grecque. D’autres exercices « qualifiants » ont par la suite pu être ré-organisés, à l’instar des exercices Iniochos, Atlantic Trident ou encore Red Flag Rescue. Si la situation semble donc s’améliorer, il convient toutefois de demeurer vigilant face aux conséquences des retards constatés et aux fragilités structurelles de la préparation opérationnelle, liées au manque de disponibilité des équipements et à leur trop faible nombre.

En outre, le rapporteur souligne l’importance pour l’armée de l’air et de l’espace de pouvoir continuer à bénéficier de zones d’entraînement vastes et relativement libres d’emploi sur le territoire national, d’autant que l’accroissement des performances des matériels s’accompagne du besoin d’accroître la taille des zones d’entraînement, ne serait-ce qu’en raison de l’accroissement de la portée du radar comme des missiles équipant le Rafale F3-R. Il y a là un point d’attention majeur dans la perspective de l’ouverture du ciel unique européen.

B.    En cours de modernisation, l’aviation de combat présente toujours des fragilités

1.   Malgré sa diversité, un parc toujours plus performant

Le « tout Rafale » est encore loin

Selon le calendrier initial du programme Rafale, l’ensemble des Rafale commandés par la France auraient dû être livrés à ce jour. Les nombreux décalages décidés au fil du temps ont toutefois conduit à étaler le calendrier de livraison des avions et, à ce jour, l’ère du « tout Rafale » est encore loin pour l’armée de l’air et de l’espace.

Malgré le retrait du Mirage 2000N en 2018, le parc d’avion de combat repose encore fortement sur la « gamme des 2000 », dont une large part est d’ailleurs en cours de rénovation. De manière plus précise :

– les Mirage 2000C, opérationnellement déclassés et à bout de potentiel, seront retirés du service à l’été 2022. La fin de leur activité sur la base d’Orange permettra de conduire les travaux d’infrastructure nécessaires à l’ouverture du 5e escadron Rafale sur cette même base à l’été 2024 ;

– les 7 derniers Mirage 2000B ([29]), utilisés uniquement pour la formation sur Mirage 2000, seront relocalisés à l’été 2022 d’Orange vers Nancy où ils assureront cette même mission. Le retrait de service des Mirage 2000B débutera à l’horizon 2029, en parallèle de la baisse du nombre de pilotes affectés au sein d’escadrons de Mirage 2000. Le dernier appareil à être retiré du service le sera en 2032.

– le parc de Mirage 2000D de l’AAE est en cours de rénovation, à hauteur de 55 appareils. La quinzaine d’appareils non rénovés sera progressivement retirée d’ici 2030, le dernier des 55 Mirage 2000D rénové devant être livré à l’armée de l’air et de l’espace en 2025 ;

– les Mirage 2000-5, stationnés à Luxeuil, seront progressivement retirés du service au fur et à mesure des livraisons de Rafale de la cinquième tranche de production, dont la commande est programmée en 2023 pour une livraison entre 2027 et 2030.

En parallèle, la montée en puissance du Rafale se poursuivra de manière quasi continue jusqu’en 2030.

Évolution prévisionnelle du parc d’avions de combat de l’armée de l’air et de l’espace

Aéronefs

2019

Fin 2022

2025 (prévisions LPM)

Fin 2025 (prévisions post actualisation)

Ambition 2030

Mirage 2000C

12

0

0

0

0

Mirage 2000B

7

7

7

7

-

Mirage 2000D R3

70

41

0

0

0

Mirage 2000D rénovés

0

23

55

55

55

Mirage 2000-5

28

28

28

28

0

Rafale

102

97

129

117 (voire moins)

185

Total

219

196

219

207

240

Source : ministère des Armées, avec les corrections du rapporteur pour intégrer les prélèvements attendus au profit de la Croatie.

Le nombre d’avions de combat fixé par l’Ambition 2030 est trompeur. Le rapport annexé à la LPM prévoit que l’armée de l’air et de l’espace puisse mettre en œuvre « dans les années à venir », 185 avions polyvalents. Il s’agit de l’objectif final du format de l’aviation de combat, du moins s’agissant des capacités de l’armée de l’air et de l’espace, le nombre total d’avion de combat devant à terme être de 225 en intégrant les 40 Rafale mis en œuvre par la marine nationale. Or, comme  la cible fixée par l’Ambition 2030 pour le parc d’avions polyvalents (185) « ne sera probablement pas atteinte en 2030 » ([30]), l’armée de l’air et de l’espace continuera de mettre en œuvre une flotte mixte constituée de Rafale et de Mirage 2000D, avec un nombre total d’avions accru pour compenser la non-polyvalence des Mirage 2000. Le nombre d’avions attendu est ainsi d’environ 160 Rafale et une cinquantaine de Mirage 2000D. En outre, les Mirage 2000D ont vocation à être retirés du service au début de la prochaine décennie.

Une modernisation continue des avions de combat

Au-delà de la livraison d’appareils neufs – qui s’accompagne d’un rehaussement capacitaire – les avions du parc voient également leurs performances accrues en raison de programmes de rénovation et de l’intégration de nouveaux standards.

La rénovation de 55 Mirage 2000D a ainsi été engagée en 2016, dans le cadre d’un contrat notifié par la DGA à Dassault Aviation et MBDA. Le chantier de rénovation est quant à lui pour partie confié au service industriel de l’aéronautique (SIAé) en septembre 2018. Les livraisons des avions rénovés s’échelonneront de 2021 à 2025, dix et 13 appareils devant être respectivement livrés en 2021 et 2022.

Bien que bienvenu, ce programme de rénovation n’en demeure pas moins partiel. Il porte en effet sur la modernisation de l’avionique, l’adjonction d’un canon air-sol, ainsi que le remplacement des missiles d’autoprotection Magic, d’ancienne génération, par des missiles MICA. En revanche, comme le rapporteur le regrettait déjà dans son avis sur le PLF 2018, aucune amélioration significative des capacités air-air n’a été prévue, ce qui ne permettra pas au Mirage 2000D de tenir la posture permanente de sûreté alors que le Mirage 2000C va être retiré du service, le système de guerre électronique n’étant pas amélioré. Il en ressort donc un constat amer, la flotte de Mirage 2000D risquant d’être déclassée sur la scène internationale, d’autant plus dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité, voire même d’un conflit de moyenne intensité, comme c’est aujourd’hui le cas au Levant en raison de l’encombrement croissant du ciel comme du déploiement de systèmes de défense sol-air performants.

S’agissant du Rafale, le déploiement du standard F3-R, qualifié par la DGA à l’automne 2018, s’accompagne d’un fort rehaussement capacitaire, avec notamment la possible intégration du pod de désignation laser Talios – en nombre toujours insuffisant – et du missile air-air longue portée Météor qui, associé au radar RBE2 à antenne active (AESA), lui permettra d’engager des cibles à une centaine de kilomètres de distance. En outre, le système de guerre électronique SPECTRA a été amélioré. Le standard F3-R succèdera définitivement et complètement au standard F3-4+ à compter de l’été prochain.

Demain, le standard F4 sera déployé en plusieurs phases (F4-1, F4-2, post F4-2), le début des expérimentations sur le F4-1 étant prévu à compter de la fin de l’année 2022, après un premier vol effectué dès septembre 2020. Le standard F4 comprend d’importantes améliorations des capacités du Rafale, en particulier dans le champ de la connectivité. Le premier incrément prévoit également l’accroissement de dispositifs de contre-contre-mesure électronique (CCME) ou l’intégration de la bombe AASM de 1 000 kilogrammes. Il convient également de noter que l’incrément capacitaire F4.3 améliorant la connectivité du Rafale a été décalé d’une année, ce qui n’est pas sans conséquence dans le contexte de préparation du système de combat aérien du futur (SCAF).

2.   Des vulnérabilités persistantes

Des équipements de mission insuffisants

Autrefois maladroitement désignés sous le nom d’« optionnels », les équipements de mission continuent de représenter une source de fragilité, essentiellement en raison de leur trop faible quantité, déjà problématique au moment de l’engagement des forces aériennes françaises au Kosovo à la fin des années quatre-vingt-dix.

● C’est en particulier le cas des pods de désignation laser, indispensables à l’intégration de nos avions de combat dans des opérations conduites en coalition. Les pods de désignation laser Damoclès, qui équipent Rafale et Mirage 2000D, donnent en ce sens plutôt satisfaction, en ce qu’ils permettent aux aviateurs d’effectuer des frappes air-sol de manière sereine. En revanche, ils sont vieillissants – le premier a été livré en 2003 – et connaissent un nombre de pannes croissant. En revanche, les performances des pods PDL CTS et Atlis, emportés sur Mirage 2000D, ne sont plus adaptées aux exigences requises par nos alliés. L’Atlis est ainsi limité aux missions conduites de jour, tandis que la qualité et la stabilité de l’image et de la tâche laser du PDL-CTS sont notoirement insuffisantes.

Dans ce contexte, le déploiement dans les forces des pods de désignation laser de nouvelle génération (PDL-NG) Talios représentent une réelle avancée sur les plans technologique et opérationnel.

Toutefois, malgré les plans d’action lancés avec l’industriel depuis 2017 pour renforcer les stocks de rechanges et pour améliorer la disponibilité technico-opérationnelle des pods de désignation laser, celle-ci n’a été, hors TALIOS, que de 34 % au premier semestre 2021 – 75 % pour le pod TALIOS – contre 48 % en 2020, 43 % en 2019, et 54 % en 2018. Ce taux est insuffisant pour répondre aux exigences des engagements opérationnels et de la préparation opérationnelle des équipages d’autant que le nombre de pods acquis avait été déterminé en se fondant sur une hypothèse d’un taux de disponibilité de 75 %. Au-delà des difficultés rencontrées par l’industriel, la faible disponibilité des pods de désignation laser s’explique aussi par leur utilisation intensive et les conditions climatiques abrasives (chaleur, poussière, etc.) rencontrées en opérations, tant en BSS qu’au Levant, sources de vieillissement prématuré. Leur nombre est également très insuffisant au regard du nombre d’avions de combat, ce qui grève la préparation opérationnelle.

pods de désignation laser au sein de l’armée de l’air et de l’espace

Type

Porteur

Nombre

Talios

Rafale

12 ([31])

Damocles

Rafale et Mirage 2000D

21

Atlis

Mirage 2000D

9

CTS

Mirage 2000D

20

Source : ministère des Armées.

● La performance des nacelles de renseignement d’origine image (ROIM) et d’origine électromagnétique (ROEM) est largement reconnue la nacelle RECO NG, intégrée au système d’arme du Rafale, fournissant une imagerie d’excellente qualité et répondant parfaitement aux exigences des théâtres extérieurs actuels. En revanche, leur nombre (12) comme leur taux de disponibilité sont très insuffisants : 48 % au premier semestre 2021, contre 38 % en 2019 et 2020 et 46 % en 2018, essentiellement en raison des conditions climatiques difficiles au Levant.

Concernant le Mirage, la nacelle ASTAC est ancienne et inadaptée aux radars de vielle et de poursuite sol-air actuellement déployés sur certains théâtres, bien qu’elle puisse apporter un complément intéressant de manière ponctuel. L’armée de l’air et de l’espace n’en dispose par ailleurs que d’un très faible nombre, avec quatre unités.

● D’autres équipements de mission, font défaut, comme :

– les ROVER, qui permettent la transmission des images,

– les équipements Mids, qui permettent d’équiper les avions du standard de liaison de données tactiques L16. Leur nombre permet tout juste d’équiper le parc de Rafale. Le rapporteur juge d’ailleurs indispensable de lancer les travaux d’adaptation nécessaire sur la flotte de Mirage 2000D, qui restera opérationnel jusqu’au début des années 2030 ;

– les systèmes de détecteurs de départ missile, la disponibilité des équipements ne permettant pas de pourvoir l’ensemble de la flotte ;

– l’optronique secteur frontal (OSF), dont le nombre permet d’équiper environ 70 % des Rafale ;

– les lance-missiles du Météor, dont la livraison a plusieurs fois été retardée par rapport au calendrier initial et qui sont en nombre insuffisant.

 

Des munitions en trop faible nombre

En outre, l’armée de l’air et de l’espace ne dispose pas de munitions en nombre suffisant. Pour rappel, les avions de combat de l’armée de l’air et de l’espace peuvent mettre en œuvre des missiles Mica et Météor pour le combat air-air, ainsi que des bombes AASM et GBU – avec kits de guidage (laser ou GPS) ou non, et de différentes puissances – et des missiles SCALP pour la frappe air-sol.

En raison de l’intensité des missions effectuées au Levant et en BSS, le nombre de munitions air-sol consommées a été très important entre 2015 et 2020, avec un pic en 2016, au cours de laquelle une large part des 2 500 frappes effectuées au Sahel ont été réalisées. Cette situation a créé une forte tension sur les stocks de munitions, alors même que ceux-ci étaient en cours de constitution. Dans ce contexte, des ressources supplémentaires – à hauteur de 102 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2017 et de 148 millions d’euros entre 2017 et 2019 – ont été prévues pour procéder à des commandes de recomplètement. Aujourd’hui, le ministère des Armées considère que « les livraisons progressives des différentes munitions, combinées au maintien du niveau de consommation constaté depuis 2018, permettent ainsi de rejoindre le niveau des stocks et de garantir à l’armée de l’air et de l’espace ses capacités de frappe » ([32]).

Toutefois, le rapporteur s’inquiète du faible nombre global du nombre de munitions, notamment dans un contexte de haute intensité, comme du manque de cohérence et de continuité de la politique d’acquisition. À titre d’exemple, alors que le nombre de missiles Météor initialement prévus était de 200, la cible a été ramenée à 100, avant d’être rehaussée à 160, le tout pour un coût final sans nul doute supérieure à celui initialement envisagé.

En outre, le faible nombre de munitions empêche les équipages de s’entraîner à les employer. Or, comme l’ont confié au rapporteur plusieurs des aviateurs rencontrés lors de ses déplacements, « une munition qu’on ne tire pas, on ne la connaît pas ». Au regard du faible nombre de Météor, il apparaît inenvisageable que les équipages de chasse puissent effectuer des tirs d’entraînement. S’agissant des missiles MICA, malgré la commande de nouveaux lots destinés à la préparation opérationnelle, seul deux tirs d’entraînement peuvent être effectués par an pour l’ensemble de la 4ème escadre de chasse, stationnée sur la base aérienne de Saint-Dizier. En la matière, la situation n’a eu de cesse de se dégrader au fil des années.

Une disponibilité encore perfectible

Comme indiqué en première partie du présent rapport, la disponibilité des avions de combat demeure largement perfectible, malgré les premiers effets positifs du contrat RAVEL sur la disponibilité de la flotte Rafale, grâce notamment à une réduction des attentes de décisions et des attentes de pièces de la part de l’industriel. Dassault Aviation présente un taux de disponibilité de 84 % sur les appareils dont elle a la charge, contre les 76 % prévus au contrat. Mais si l’industriel présente un taux de satisfaction du contrat supérieur aux objectifs assignés, la disponibilité de la flotte doit être appréhendée dans son ensemble. Ainsi, en prenant en compte les problématiques liées au moteur et le niveau de soutien opérationnel (NSO), la disponibilité technique opérationnelle (DTO) du Rafale (air et marine) atteint 55,8 % au premier semestre 2021, contre 50,4 % en 2020. Cette évolution reste à relativiser, dans la mesure où le taux actuel apparaît très proche de celui constaté en 2018 (55,7 %), et pas si éloigné de celui des années 2017 (53,2 %) et 2019 (52,2 %). En outre, l’immobilisation des appareils en cours de conversion vers le standard F3-R doit également être prise en compte.

La disponibilité des Mirage 2000 reste grevée par de nombreuses difficultés liées à l’obsolescence des pièces, notamment au niveau de la coque radar, ainsi que la crise logistique du début de l’année 2021. Les taux de disponibilité apparaissent ainsi bien plus faibles que ceux du Rafale, avec par exemple, pour la flotte de Mirage 2000D, un taux de 32,4 % au premier semestre 2021, contre 37,7 % en 2020 et 39,9 % en 2019. L’immobilisation de certains appareils en cours de rénovation doit bien sûr être prise en compte.

De manière générale, le niveau insuffisant de la disponibilité des matériels participe de l’érosion opérationnelle des unités, en allonge les délais nécessaires à l’acquisition des compétences et en privant les équipages d’un nombre d’heures de vol suffisant pour les entretenir.

Il convient toutefois de noter que le niveau de disponibilité des avions engagés sur les théâtres extérieurs donne tout à fait satisfaction, avec un taux supérieur à 90 % entre 2016 et 2021. À titre d’exemple, la disponibilité des Rafale déployés en opérations extérieures s’est établie à 91,4 % en 2020 et celle des Mirage 2000 à 93,7 % sur la même période.

Quoiqu’il en soit, le rapporteur restera vigilant aux évolutions de la disponibilité et aux effets de la signature des contrats RAVEL, BOLÉRO et BALZAC.

II.   Les points d’attention du rapporteur

A.   Accompagner les aviateurs

1.   Achever la réforme de la formation des équipages de chasse

Un premier bilan positif

Ainsi que le rapporteur l’avait présenté dans plusieurs de ses précédents avis, l’armée de l’air et de l’espace a initié il y a quelques années un programme ambitieux de modernisation de la formation des pilotes de chasse baptisé Fomedec, acronyme de Formation modernisée et entraînement différencié pour les équipages de chasse. Le projet a été lancé avec la notification du contrat à la société Babcock Mission Critical Services France à la fin de l’année 2016, transféré à la société Cognac Formation Aéro depuis le 1er novembre 2018.

Le projet Fomedec a permis de fusionner les troisième et quatrième phases de formation des pilotes de chasse. Dorénavant, l’ensemble de la formation intermédiaire est effectué sur la base aérienne de Cognac, au sein de l’école de pilotage de l’armée de l’air, sur des avions PC-21 qui ont remplacé les 30 TB30 Epsilon et les 25 Alphajet jusqu’à présent mis en œuvre sur deux sites. La réforme s’est ainsi accompagnée de la fermeture de la plateforme de Tours, site accueillant à présent une large part des effectifs de la direction des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace.

Comme le rapporteur a pu le constater à l’occasion de son récent déplacement sur la base aérienne de Cognac, cette évolution a permis :

– d’augmenter très sensiblement le champ couvert dans la formation des équipages, la simulation embarquée à bord du PC-21 permettant de reproduire le fonctionnement du système de navigation et d’attaque d’un avion de combat moderne ;

– de réaliser des économies complémentaires grâce à des coûts en maintien en condition opérationnelle (MCO) du PC-21 très inférieurs à ceux de l’Alphajet.

Les premières promotions de stagiaires sur PC-21 ont été brevetées en 2020 et ont terminé leur formation en mai 2021. Deux ans après le lancement effectif du projet, le retour d’expérience apparaît très positif, même s’il est encore trop tôt pour retirer des enseignements plus affinés, les premiers élèves-pilotes venant de rejoindre les escadrons de transformation sur Mirage 2000 et Rafale. Lors de son déplacement à Saint-Dizier, le rapporteur s’est toutefois vu confirmer que les premiers signes étaient encourageants.

Une réforme à finaliser

Aujourd’hui, il s’agit de finaliser la réforme de la formation des équipages de chasse, selon deux modalités formant le programme Mentor :

– dans un premier temps, substituer à la phase 4, qui se déroule actuellement sur Alphajet à Cazaux, une phase complémentaire à Cognac. L’ensemble de la formation spécialisée des pilotes de chasse se déroulerait ainsi sur un seul site – contre trois précédemment – à partir d’un seul appareil ;

– dans un second temps, réformer complètement la phase élémentaire, dès lors orientée autour de trois axes de formation au pilotage : l’acquisition des bases, la voltige, le vol en formation. Cette phase initiale s’étalerait à l’avenir sur 24 mois avec 275 heures de vol contre 33 mois et 315 heures de vol aujourd’hui. Sa mise en œuvre passerait par le remplacement des Cirrus par un autre appareil plus moderne équipé d’un turbopropulseur, adapté aux zones aériennes locales caractérisés par une altitude élevée.

Le marché correspondant à la première phase – dite Mentor 1 – a été notifié à l’été 2021. Il porte notamment sur l’acquisition de neuf appareils PC-21 complémentaires et de moyens complémentaires, dont un simulateur de mission (FMS) et un simulateur simplifié (PTT), dont les livraisons sont attendus en 2022 et 2023. À terme, l’ensemble de la flotte sera acquis par l’État mais la maintenance restera totalement externalisée dans un marché unique.

À terme, les projets Fomedec et Mentor permettront de réduire de près de 10 mois la durée de la formation des équipages de chasse.

2.   Relever le défi de la fidélisation

Les personnels navigants

Depuis le milieu des années 2010, l’armée de l’air et de l’espace fait face à de nombreux départs de ses personnels navigants, en raison de la forte atractivité du secteur aéronautique civil – qui concerne d’abord les équipages de transport – ainsi que d’un effet de « cohorte ». En effet, d’importants recrutements d’officiers pilotes et navigateurs sous-contrat avaient été effectués à la suite des attentats du 11 septembre 2001, ces personnels arrivant aujourd’hui en fin de contrat.

De manière générale, l’état-major de l’armée de l’air et de l’espace estime que le déficit de personnels navigants est de 13 % au niveau des officiers – soit 300 personnels – et représente plus précisément un manque de 167 personnels navigants dans les escadrons, escadrons et équipes de marques de l’armée de l’air et de l’espace, dont 65 personnes pour l’aviation de combat.

Dans ce contexte, un certain nombre de mesures ont été prises par la direction des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace afin d’optimiser les cursus de formation, mais aussi de renforcer l’attractivité de l’armée de l’air et de l’espace et de fidéliser davantage les personnels.

À titre d’exemple, la prime de lien au service (PLS) mise en œuvre depuis 2019 a permis de stabiliser les départs, et ce d’autant que la crise sanitaire s’est accompagnée d’une crise du secteur de l’aéronautique civil stoppant la vague de départ.

Les mécaniciens

Les tensions « RH » pèsent également fortement sur les mécaniciens, en particulier au niveau des officiers et des sous-officiers, sous l’effet de phénomènes de cohortes et des réductions de formats décidées dans le cadre des précédentes lois de programmation militaire. Cette situation concerne du reste l’ensemble des personnels des escadrons de soutien technique aéronautique (ESTA) et pas uniquement les mécaniciens intervenant au profit des escadrons de chasse. Il ressort des travaux du rapporteur que la chaîne de recrutement apparaît désormais sous-dimensionnée et que le déficit de cadres ne permet pas de satisfaire toutes les compétences liées aux spécificités d’emploi propres aux aviateurs et à l’activité opérationnelle extrêmement soutenue. Ces « trous » ont été notamment relevés par le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace lors de son audition devant la commission de la Défense. Et ce d’autant que l’augmentation des départs des chefs d’équipe expérimentés entraîne une usure prématurée de la main d’œuvre qualifiée et crée un climat de travail difficile imposant une mobilité fonctionnelle et géographique parfois anxiogène.

De manière globale, le déficit en personnels mécaniciens est de 5 %, soit 482 personnes. D’importantes mesures de fidélisation ont été mises en œuvre par la direction des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace, parmi lesquelles une meilleure valorisation des parcours professionnels et de nouvelles indemnités, comme une prime de haute technicité (PHT) élargie ou la prime de lien au service (PLS)

Si la crise du secteur aéronautique a freiné les départs de mécaniciens militaires vers le secteur privé, il ne fait toutefois guère de doute que la reprise du trafic aérien constituera un enjeu de premier ordre pour la DRHAAE, qui devra piloter finement les départs.

B.   Compenser les succès du rafale à l’export

1.   Le soutien à l’export est facteur de tensions accrues

Sur le parc

Ainsi que le rapporteur l’a déjà évoqué, les succès du Rafale à l’export ne sont pas neutres pour l’armée de l’air et de l’espace, au sein de laquelle sont prélevés les appareils acquis d’occasion par la Grèce et la Croatie ([33]). S’il faut évidemment saluer ces commandes, qui marque une « européanisation » du Rafale et viennent conforter le plan de charge de Dassault Aviation, 24 avions, dont quatre biplaces, seront ainsi prélevés au sein de la 4e escadre de Saint-Dizier (deux fois deux Rafale B) et de la 30e escadre de Mont-de-Marsan (deux fois dix Rafale C).

En pratique, l’armée de l’air et de l’espace perd l’équivalent de plus d’un escadron. Relancée à plusieurs reprises, le Gouvernement a fini par reconnaître que l’objectif de 129 Rafale en 2025 ne serait pas atteint. En revanche, il maintient que l’Ambition 2030 demeure valide. Une étude plus fine de l’évolution du parc de Rafale détenus par l’armée de l’air et de l’espace éclaire davantage les tensions qui pèsent sur la flotte d’ici la fin de la programmation comme à l’horizon de l’Ambition 2030.

 

Évolution du parc de Rafale d’ici 2025 et 2030

 

Nombre de Rafale en parc

Commentaires

2020

102

Dont 14 « cannibalisés » selon la ministre des Armées

2021

96

6 prélèvements au profit de la Grèce

2022

97

1 livraison au titre de la tranche 4T2

2023

98

- 6 prélèvements au profit de la Grèce

- 6 prélèvements au profit de la Croatie

- 13 livraisons au titre de la tranche 4T2

2024

105

- 6 prélèvements au profit de la Croatie

- 13 livraisons au titre de la tranche 4T2

2025

118 ([34])

(sans nouveau décalage)

- 12 livraisons de compensation de l’export grec au titre de la 4T+

- 1 livraison au titre de la tranche 4T2

Cible LPM

129

 

Écart cible et prévision actualisée

- 11

sans nouveau décalage

Le chef de l’état-major de l’armée de l’air évoque un écart de 12 à 20 appareils

2030

Entre 148 et 160

- commande attendue en 2023 de 30 avions au titre de la 5ème tranche (« 5T »), pour une livraison à compter de 2027

- incertitude sur la compensation du prélèvement de 12 appareils au profit de la Croatie

Ambition 2030

185 ([35])

 

Source : travaux du rapporteur.

En outre, ces prélèvements interviennent alors que durant la même période, 12 Mirage 2000C et 13 Mirage 2000D non rénovés seront retirés du service.

Sur la préparation opérationnelle

En outre, la réduction du format de l’aviation de combat n’est pas la seule conséquence du succès à l’export du Rafale. Celle-ci emporte également de sérieuses conséquences sur la formation des équipages de chasse. Elle intervient en effet alors que s’ouvre une période de hausse du besoin de formation sur le Rafale, à hauteur de 50 %, essentiellement en raison des départs massifs de pilotes en fin de carrière, qui devront être compensés par des jeunes pilotes devant recevoir leur formation initiale au sein de l’escadron de transformation Rafale (ETR).

Par ailleurs, la montée en puissance d’un nouvel escadron Rafale à Orange visant à compenser la réduction de la flotte Mirage 2000 devra également être assumée par l’ETR.

Or, comme le rapporteur a pu le constater lors de son déplacement sur la base aérienne de Saint-Dizier, l’activité de l’ETR – environ 60 sorties par semaine – se situe d’ores et déjà en deçà du besoin actuel, évalué à 80 à 90 sorties par semaines. Cette situation est déjà source de retards de formation, à hauteur de six semaines.

La diminution du parc de Rafale – et en particulier le prélèvement de quatre appareils biplaces – viendra accroître les tensions sur l’ETR.

En outre, les contrats d’export en direction de la Grèce et, demain, de la Croatie, intègrent un volet de formation des pilotes. La formation des personnels étrangers – quatre à six par an entre 2021 et 2024 – devrait ainsi induire un retard de quatre à six mois sur la formation d’un pilote français, surtout en 2023. Interrogé à ce sujet par le rapporteur, le général Lavigne, alors chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, avait indiqué que « la formation des chasseurs est un point sur lequel je reste vigilant. Dans le cadre des exportations de Rafale, nous la limitons aux primo-formateurs – pilotes, mécaniciens, spécialistes de la guerre électronique et pompiers – avant de passer la main à Dassault Aviation, car nous n’avons pas aujourd’hui la capacité de former davantage. Nous assurerons donc la formation de douze pilotes croates, et nous avons fini celle des pilotes grecs ».

En outre, au-delà de la réduction mathématique du parc, la mobilisation de personnels pour la préparation des appareils et le prélèvement de pièces de rechange et d’équipements affecte la capacité de maintenance et, de facto, la disponibilité de la flotte restante. Le nombre d’heures de vol sur Rafale sera donc diminué d’autant, à hauteur de 1 800 heures par an selon les estimations transmises au rapporteur par le ministère des Armées, soit l’équivalent de l’activité minimale de 13 à 15 pilotes en escadron selon leur niveau de qualification.

Dans ces conditions, dans l’hypothèse du maintien du niveau d’engagement opérationnel actuel, et en tenant compte de l’évolution nécessaire de la population « personnel navigant Rafale », le niveau minimum d’activité défini pour le maintien de la capacité opérationnelle des équipages ne pourra être assuré. Pour les jeunes pilotes en unités, le déficit par rapport à l’activité minimale requise est estimé à 15 %. Il pourrait atteindre 25 % pour les pilotes plus qualifiés.

Dans ces conditions, des mesures de compensation doivent être mises en œuvre d’urgence. Elles pourraient prendre différentes formes.

2.   Mettre en œuvre rapidement les indispensables mesures de compensation

Le rehaussement capacitaire

La réduction du format de l’aviation de combat doit être compensée sur le plan capacitaire, selon trois axes :

– en premier lieu, par le recomplètement de la flotte. Les 12 appareils prélevés au profit de la Grèce seront remplacés par des appareils neufs, livrés en 2025 dans le cadre d’une tranche dite 4T+. En revanche, si la ministre s’est engagée à ce que soit passée une commande de 12 Rafale neufs pour compenser le prélèvement effectué au profit de la Croatie, aucune information précise n’a été donnée quant au calendrier de commande et de livraison de ces appareils. Certes, la confirmation de la commande est encore en attente, et devrait intervenir d’ici la fin de l’année 2021. Elle ne semble toutefois faire aucun doute pour les armées comme pour le Gouvernement. En conséquence, il est indispensable de notifier une commande ferme de 12 appareils. Le rapporteur a d’ailleurs déposé un amendement en ce sens dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances ;

– en deuxième lieu, il est indispensable de rehausser le niveau capacitaire des appareils restant en parc. Lors d’une récente audition devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, la ministre des Armées a confirmé qu’allaient être engagés des travaux de remise à niveau de 14 appareils « cannibalisés », c’est-à-dire se trouvant actuellement stockés et servant de réservoirs de pièces de rechange pour les autres appareils. Insupportable et difficilement compréhensible pour le citoyen, une telle situation doit cesser et ces appareils rééquipés et remis en état de vol. Du point de vue du rapporteur, une telle opération s’inscrit en outre dans le cadre de la refonte du cadre de la maintenance aéronautique, censée notamment diminuer le délai de livraison des pièces de rechange.

De manière plus générale, c’est l’ensemble de la flotte qui pourrait bénéficier de mesures de rehaussement capacitaire, au travers d’un accroissement du nombre d’équipements de mission faisant actuellement défaut. Et ce d’autant plus que l’export s’accompagne d’une diminution de certains équipements – à titre d’exemple, les Rafale prélevés au profit de la Grèce sont équipés de radars à antenne active, contrairement aux appareils destinés à la Croatie.

Il ressort des différentes auditions conduites par la commission et le rapporteur qu’une partie du produit de la vente des Rafale à la Croatie pourrait ainsi être réinvestie au profit de l’acquisition d’équipements, à l’instar de radar AESA, de pods TALIOS, ou d’équipement d’optronique secteur frontal ;

– en troisième lieu, une partie du produit de ces ventes pourrait également être investie en vue de l’amélioration de la disponibilité de la flotte, au travers de l’acquisition de divers lots techniques permettant reconstituer les stocks, ou d’augmenter les moyens d’entretien du matériel au sein des ESTA.

Ces réflexions vont évidemment dans le bon sens. Toutefois, le rapporteur s’inquiète du calendrier de leur mise en œuvre ainsi que des éventuelles arrières pensées du Gouvernement. C’est ainsi que lors d’une récente audition, la ministre des Armées a laissé entendre qu’in fine, le rééquipement des 14 appareils rééquipés viendrait conforter le parc de Rafale de l’armée de l’air et de l’espace, et que celle-ci bénéficierait ainsi d’une situation plus favorable au terme de la décennie, avec un parc plus récent et rehaussé. S’il est incontestable qu’en l’absence de nouveaux décalages ou prélèvements l’aviation de combat apparaîtra plus robuste en 2030, il parait en revanche inenvisageable de considérer que le rééquipement de ces 14 appareils puisse, d’une manière ou d’une autre, être vue comme la compensation du prélèvement des 12 appareils au profit de la Croatie.

Le soutien opérationnel

Sur la base des engagements opérationnels actuels, l’armée de l’air et de l’espace devra être en mesure de déployer en permanence, d’ici 2025, environ 13 Rafale entre les plots de posture permanente de sûreté aérienne – avec un plot supplémentaire à Orange dès l’été 2022 du fait du retrait des Mirage 2000C – la BAP H5 en Jordanie et les forces françaises aux Émirats arabes unis. Un déploiement en BSS en compensation de la diminution de la flotte Mirage 2000D ne serait pas possible faute de lot de déploiement supplémentaire. En outre, ces engagements s’ajoutent à la tenue des postures permanentes, des missions particulières ou alertes.

Dans ce contexte, l’état-major des armées a engagé une réflexion sur la manière dont l’armée de l’air et de l’espace pourrait être soutenue au cours des deux à trois ans à venir, en particulier par la force maritime de l’aéronautique navale, c’est-à-dire les unités de Rafale mises en œuvre par la marine nationale. Plusieurs pistes pourraient être envisagées, parmi lesquelles :

– la prise en charge par la marine de l’un des quatre plots de PPS-A, en particulier le plot « Ouest » ;

– la participation des Rafale de la marine nationale à certains déploiements sur les théâtres extérieurs, comme cela a pu déjà être le cas par le passé, notamment au Levant ;

– la participation des équipages de l’aéronavale à la formation de certains pilotes étrangers.

Le rapporteur n’ignore pas les tensions comme les contraintes qui pèsent sur l’aéronavale, en premier lieu desquelles le calendrier de déploiement du groupe aéronaval. Il lui semble toutefois possible d’identifier les voies et moyens de soulager l’impact de l’export sur l’activité de l’armée de l’air et de l’espace, dans l’intérêt de toutes les armées.

C.   Préparer l’avenir

1.   Les implications de défi de la haute intensité

Aujourd’hui, l’hypothèse de travail de toutes les armées portent sur l’éclatement d’un conflit de haute intensité, sans doute corrélé à des événements hybrides et « sous le seuil ». Pour l’armée de l’air et de l’espace, il s’agit donc de se préparer à un affrontement brutal, face à des armées robustes. Lors de sa dernière audition devant la commission de la Défense, le général Lavigne, alors chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, indiquait ainsi que « les conflits que nous avons connus – la guerre des Malouines en 1982, la guerre du Golfe en 1991, et, plus récemment, le conflit de 2008 entre la Géorgie et la Russie – mettent l’accent sur le risque d’attrition, que confirment les grands exercices que nous menons aujourd’hui. » Ajoutant que « le plus récent exercice, Atlantic Trident, conduit en mai 2021 sur la base de Mont-de-Marsan, a rassemblé pour la première fois des Rafale F3-R, des F35 de l’US Air Force, de l’US Marine Corps ainsi que des F35 de la Royal Air Force, embarqués sur le porte-avions Queen Elizabeth. Suivant des scénarii très réalistes, 40 avions ont évolué dans de vastes zones, tirant un nombre important de munitions pour atteindre les objectifs et limiter les pertes. À titre d’exemple, sur une mission d’une heure et trente minutes, 75 missiles ont été fictivement tirés et 25 avions ennemis abattus, ce qui laisse présager un fort risque d’attrition dans ce type de conflit. »

En conséquence, la préparation à la haute intensité implique indéniablement de se poser la question du format de l’armée de l’air et de l’espace et, en particulier, du format de l’aviation de combat. Au fond, la question est celle de la masse. L’étude de l’IFRI précitée consacre un chapitre à la question de « La masse dans la guerre aérienne de haute intensité ». Celui-ci souligne notamment que « l’une des conséquences principales de cette nouvelle situation stratégique est le retour probable de l’attrition (pertes de pilotes, destructions d’appareils, épuisement des ressources, etc.), une donnée quasiment absente de la planification depuis 30 ans. En effet, les taux de pertes enregistrés lors la guerre du Golfe (1991) et du Kosovo (1999) s’élevaient respectivement à 0,3 ‰ et à 0,5 ‰ par sortie aérienne réalisée, et étaient encore plus faibles, sinon nuls, lors des conflits afghans, irakiens ou libyens du début du XXIe siècle. » Or, il apparaît aujourd’hui que « même la prise en compte de taux d’attrition modérés, de l’ordre de 4 à 8 % – tels que subis respectivement par l’aviation israélienne au début de la guerre du Kippour (1973) et argentine au cours de la guerre des Malouines (1982) – ne paraît pas soutenable pour les armées de l’air occidentales, du fait des contraintes du temps de paix ainsi que de l’inadéquation avec le modèle de formation des pilotes. » En effet, « dans les premiers temps d’une opération de haute intensité, où le rythme des sorties quotidiennes peut aller jusqu’à 2,8 vols par avion, un taux d’attrition initial de 1 % par mission verrait le format d’une flotte se réduire de moitié au bout de 24 jours. Avec une attrition initiale de 5 %, cette situation pourrait être atteinte après seulement cinq jours. »

Rappelons que les contrats opérationnels définis par la LPM prévoient que l’armée de l’air et de l’espace puissent être en mesure d’engager le déploiement de 45 avions dans le cadre d’une opération de coercition majeure. Ces éclairages amènent à s’interroger sur la « masse » de l’aviation de combat, c’est-à-dire le nombre d’avions. Alors que l’Ambition 2030 assigne un objectif de 185 Rafale à l’horizon de 2030 – objectif qui ne sera pas atteint – la même étude rappelle que la LPM 1997-2002 prévoyait la livraison à l’armée de l’air de 236 Rafale d’ici 2025, chiffre ramené successivement à 234 en 2009, puis à 228 en 2012, avant de passer à 185 en 2014, en vue de disposer pour l’ensemble des armées d’un parc de 225 avions de chasse polyvalents au-delà de 2035. Pourtant, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale prévoyait une cible de 300 avions de combat polyvalents (marine nationale comprise) – dont 270 en ligne… L’érosion du parc et des ambitions concerne du reste l’ensemble des capacités de l’armée de l’air et de l’espace. Les mêmes constats s’appliquent aux ressources humaines, l’armée de l’air et de l’espace ayant perdu un tiers de ses effectifs en vingt ans, alors même que ses missions n’ont cessé de s’étendre, en particulier sous l’effet de la montée en puissance des composantes spatiale et de drones.

D’ailleurs, toute réflexion sur le format de l’aviation de combat doit s’appréhender de manière globale, c’est-à-dire en intégrant l’ensemble des vecteurs, et en particulier les drones, afin de déterminer la juste répartition des missions entre ces deux types d’aéronefs et, ce faisant, le juste format de chaque flotte. Ce sont notamment à de telles questions que devra répondre la prochaine programmation.

Au-delà, s’agissant de l’aviation de combat, se posent évidemment des questions liées :

– aux stocks de munitions. L’étude précitée souligne ainsi que « la composante aérienne pourrait se voir clouée au sol faute de missiles au bout d’une dizaine de jours seulement, et cela sans tenir compte de l’attrition, de la disponibilité technique ni de la probabilité de destruction des missiles eux-mêmes » ;

– au niveau quantitatif et qualitatif des équipements de mission ;

– au niveau de préparation opérationnelle des équipages de chasse. À l’heure de la haute intensité, il convient en effet de s’assurer de la maîtrise des savoir-faire les plus complexes notamment dans les domaines de l’entrée en premier, de l’action dans la profondeur et de la supériorité aérienne. Les récents exercices et démonstrations de force de l’armée de l’air tendent à le démontrer, mais la maîtrise de ces capacités continue de constituer un sujet de préoccupation : in fine, le rapporteur craint que l’on ne puisse pas exploiter pleinement la polyvalence du Rafale, les futurs équipages étant contraints de se spécialiser faute d’un nombre d’heures suffisant pour l’entraînement. Et en la matière, la simulation ne permet qu’une compensation partielle.

2.   Les futurs avions de combat

Les prochains standards du Rafale : ne pas baisser la garde

Le développement du prochain standard du Rafale est en cours, et malgré le décalage d’une année du troisième incrément du F4, il n’y a pas pour l’heure de motif d’inquiétude. En revanche, le rapporteur appelle à ne pas baisser la garde pour la préparation des standards qui lui succèderont, c’est-à-dire des standards F5 puis F6. En effet, alors qu’une large part de l’attention médiatique et politique est accaparée par la préparation du système de combat aérien du futur, à l’horizon 2040, il importe de ne pas négliger la préparation de l’avenir « intermédiaire », c’est-à-dire à l’horizon de 2035. À cette date, le standard F4 du Rafale pourra paraître en partie obsolète face à des environnements de guerre électronique dense et des systèmes de défense sol-air encore plus performants qu’aujourd’hui, à l’instar des systèmes russes S-500. En outre, le Rafale aura à évoluer face à des avions de combat plus performants, mettant en œuvre des technologies auxquels les Européens n’auront pas forcément accès « sur étagère ».

En outre, ce futur avion devra être en mesure d’emporter l’arme nucléaire – l’ASN 4G est attendu à l’horizon 2035, et potentiellement d’assurer la mission nucléaire durant plus d’une décennie. En effet, même si le calendrier du SCAF était respecté, il est peu probable que la France décide de basculer sur le futur avion de combat (Next generation fighter) la responsabilité de la composante nucléaire aéroportée dès 2040, du moins pas intégralement. C’est notamment pour cette raison qu’un standard F6 succèdera sans doute à un standard F5. Autour de Dassault Aviation, l’ensemble de la base industrielle et technologique de défense nationale sera en mesure de doter la France des meilleures technologies, qu’il s’agisse de MBDA, Thales, Safran ou Airbus, alors que commenceront à pouvoir être intégrés des éléments du futur SCAF, en particulier dans le domaine de la connectivité et des équipements d’accompagnement. Il conviendra toutefois de rester vigilant pour allouer les ressources nécessaires à la préparation de ces futurs standards, au risque d’être déclassé. Car avant de gagner la guerre à l’horizon de 2040, encore faut-il être en mesure de ne pas être vaincu en 2035…

Le SCAF : paré au décollage ?

Le SCAF et, en son sein, le NGF, constitue des enjeux prioritaires pour l’armée de l’air et de l’espace. Après une phase marquée par, semble-t-il, les atermoiements de certaines parties et les inquiétudes nées de l’annonce par les Britanniques du projet Tempest concurrent, le SCAF semble enfin paré au décollage, avec la signature par l’Allemagne, l’Espagne et la France, le 30 août 2021, d’un accord intergouvernemental trilatéral (dit « IA3 ») encadrant les activités de recherche et de technologie, de démonstration et de consolidation de la coopération planifiées sur la période 2021-2027. Si les discussions se poursuivent au niveau industriel, entre Dassault Aviation et Airbus, elles ont d’ores et déjà bien avancées entre les différents chefs d’état-major des trois armées de l’air. Ces derniers ont engagé dès 2018 un travail de définition des besoins opérationnels. Aujourd’hui, 90 besoins opérationnels principaux l’ont été, qui concernent les différents piliers.

Pour rappel, les différentes phases d’élaboration du SCAF et les financements associés sont les suivantes :

– phase 1A – 150 millions d’euros ;

– phase 1B – 700 millions d’euros, dont 500 millions pour l’avion ;

– phase 2 – 6,5 milliards d’euros, dont 2 milliards pour l’avion. L’objectif est de lancer la phase 2 en 2025 afin d’être en mesure de faire voler un démonstrateur à l’horizon 2027.

Dans cette perspective, il est indispensable de tenir les délais et de créer les conditions d’un accord industriel entre Airbus et Dassault Aviation en vue du lancement de la phase 1.B. Pour l’heure, il semblerait que les choses achoppent sur le mode de gouvernance retenu ainsi que les garanties de protection de la propriété intellectuelle. En mars 2021, M. Éric Trappier, président-directeur général de Dassaut Aviation, n’avait pas caché réfléchir à un « plan B » ([36]).

Si l’hypothèse d’un échec du SCAF peut être envisagée, le rapporteur estime en revanche que tout doit être fait pour qu’elle ne se réalise pas. Car en la matière, un échec n’est pas une option, ne serait-ce que pour des questions budgétaires. Rappelons à cet égard que le coût de développement du Rafale était de 47 milliards d’euros, et qu’il est difficile, au regard de l’état des finances publiques nationales, d’envisager que la France puisse seule concevoir ce futur avion de combat.

L’avion de combat du futur sera donc européen, ou il ne sera pas.



   Travaux de la commission

I.   Audition du Général Stéphane MILLE,
chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace

La Commission a entendu le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4601), au cours de sa réunion du 14 octobre 2021.

Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122012_compte-rendu

 



I.   Examen des crédits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Ferrara, les crédits relatifs à « Préparation et emploi des forces : Air » de la mission « Défense », pour 2022, au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2021.

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces aériennes). Avant de vous exposer mon appréciation de l’évolution des crédits de l’armée de l’air et de l’espace proposés par le Gouvernement pour 2022, j’aimerais revenir en quelques mots sur les évolutions que celle-ci a connues depuis 2017. L’armée de l’air a ainsi changé de nom en 2020 pour devenir l’armée de l’air et de l’espace. Et bien qu’il ne soit pas encore aussi « grand » que le Président de la République l’avait souhaité, le commandement de l’espace poursuit sa montée en puissance.

Ses capacités ont fortement évolué : le couple A400M/MRTT a montré toute sa pertinence, tant au cours de la crise sanitaire qu’en Afghanistan, au Sahel ou au Levant. Les drones Reaper ont été armés, et leurs capacités accrues avec la mise en service opérationnelle du Reaper Block 5. Nos moyens spatiaux ont été modernisés et, sur terre, les radars de détection en partie renouvelés. Dans le même temps, les Mirage 2000N ont été retirés du service, de même qu’une partie des vieux ravitailleurs C-135, livrés du temps du Général de Gaulle.

Mais tout ne va pas pour le mieux : la flotte d’avions de transport présente encore de nombreuses fragilités, les hélicoptères sont vieillissants, nous manquons cruellement de capacités de défense sol-air et les avions de combat restent peu nombreux.

L’organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) a été profondément revue avec la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé), venue remplacer la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD). La nouvelle démarche de globalisation et de verticalisation des contrats de maintenance commence à porter ses fruits, même si la disponibilité demeure insuffisante, notamment celle des hélicoptères ou des C-130 Hercules.

Le contexte opérationnel a également évolué. Au Levant, sur les 2 500 frappes effectuées depuis les bases aériennes d’Al Dhafra et H5 depuis 2014, à peine une soixantaine ont eu lieu ces deux dernières années. Au Sahel, les drones Reaper jouent un rôle déterminant en matière de renseignement comme de frappe, dont ils assurent une part croissante. La reconfiguration de l’opération Barkhane aura d’ailleurs peu d’impact sur l’armée de l’air et de l’espace, amenée à rester fortement engagée au Sahel, en particulier depuis la base aérienne projetée de Niamey.

L’armée de l’air et de l’espace est donc au rendez-vous des opérations, qu’il s’agisse de poursuivre les engagements ancrés dans le temps, de conduire un raid en Syrie lors de l’opération Hamilton, d’évacuer plus de 2 800 personnes de Kaboul, de porter secours à nos compatriotes des outre-mer frappés par l’ouragan Irma, de procéder à des évacuations sanitaires et de transporter du matériel médical dans le cadre de l’opération Résilience.

Ces rappels permettent d’apprécier l’évolution des crédits alloués à la préparation des forces aériennes. Pour 2022, ils s’élèvent à 3,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement (moins 56,9 %) et à 2,6 milliards en crédits de paiement (plus 6,07 %). La très forte baisse des AE s’explique par le fait que la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de MCO a atteint son pic en 2021, avec notamment la signature du contrat Boléro, relatif au moteur M88 du Rafale, et celle, prochaine, du contrat Balzac qui couvrira l’entretien des Mirage 2000 jusqu’à leur retrait de service. Les ressources affectées à l’entretien programmé des flottes aériennes s’élèvent à près de 3 milliards en AE et à 1,75 milliard en CP, des sommes considérables : en trois ans, ce sont 16,4 milliards qui auront été engagés. Il nous faudra veiller à ce que cette réforme porte réellement ses fruits.

En outre, les ressources allouées aux équipements d’accompagnement sont en augmentation ; 90 millions permettront de financer des travaux d’infrastructures – bâtiment du commandement de l’espace à Toulouse, préparation de l’arrivée des deux escadrons de Rafale à Orange.

Les ressources allouées à l’armée de l’air et de l’espace pour l’année 2022 me semblent donc plutôt satisfaisantes, et je ne vois pas de raison de m’opposer à leur adoption.

Je reste pourtant préoccupé. La trajectoire prévue par la LPM pour les dernières années de la programmation sera-t-elle respectée ? L’essentiel de l’effort financier porte sur la période 2023-2025 et si nous avons réussi à accroître le budget de la défense d’1,7 milliard d’euros par an, je crains que nos marges budgétaires, éprouvées par la crise sanitaire, ne permettent pas de l’augmenter encore de 3 milliards l’an prochain.

Je m’inquiète aussi des effets de l’ajustement annuel 2021 de la programmation militaire (A2PM) et de l’actualisation de la programmation militaire sur la trajectoire. L’A2PM a conduit à intégrer, sous enveloppe constante, les mesures du plan de soutien au secteur aéronautique ainsi que les douze Rafale commandés par la ministre en début d’année. Toujours sous enveloppe constante, de nouvelles priorités ont été intégrées, si bien que l’addition atteint plusieurs milliards et que nous ne savons toujours pas – du moins pas moins – par quelles économies ces dépenses seront compensées.

Nous avons seulement appris le retrait anticipé des Transall et d’ailleurs, les conséquences de cette décision, dans l’attente du programme Archange, m’inquiètent. En matière de renseignement d’origine électromagnétique, les C-160 Gabriel, par ailleurs appréciés de nos alliés, apportaient une capacité spécifique à laquelle les satellites ou les drones ne peuvent totalement se substituer. Quels autres renoncements ou ruptures capacitaires avons-nous dû accepter ?

Je m’inquiète aussi de la baisse du nombre d’heures de vol accordées pour la formation et l’entraînement des pilotes – la crise sanitaire a fait perdre à l’aviation de chasse 34 000 heures de vol, une dette organique qui ne pourra être résorbée. En 2022 seront programmées 162 heures par équipage, loin de la norme de 180 heures fixée par l’OTAN.

J’en viens à présent à ma partie thématique. En 2017, j’avais étudié l’impact du niveau d’engagement sur la préparation opérationnelle, l’usure des matériels et des hommes ainsi que le format de l’aviation de combat. Quatre ans et cinq rapports plus tard, j’ai souhaité mesurer le chemin parcouru et identifier les tensions qui continuent de peser sur la chasse française. Je me concentrerai sur deux points.

En premier lieu, les conséquences du succès à l’export du Rafale. Sur les 18 Rafale achetés à ce jour par la Grèce, 12 sont des avions d’occasion, tout comme les 12 avions que la Croatie doit acquérir : ce sont donc 24 Rafale qui seront prélevés sur le parc de l’armée de l’air et de l’espace, qui en compte 102. D’ici à la fin 2024, 27 Rafale seront livrés, suivis par 12 autres en 2025 pour compenser la commande grecque. Fin 2025, l’armée de l’air comptera donc 117 Rafale au lieu des 129 prévus par la LPM. J’ai bien noté que la ministre s’était engagée à passer une commande de 12 Rafale pour compenser la cession des appareils d’occasion à la Croatie, mais quand ? Ces incertitudes m’inquiètent d’autant plus que Florence Parly a récemment laissé entendre au Sénat que les Rafale remis à niveau grâce au produit de la cession croate pourraient être assimilés à des appareils de compensation… J’estime indispensable de procéder dès à présent à une commande ferme de 12 Rafale et je déposerai un amendement en ce sens en séance publique.

En outre, il convient d’identifier dès à présent les moyens de compenser les effets immédiats de ces prélèvements. Car il faut continuer à assurer les missions et à former les futurs équipages. Plusieurs pistes sont à l’étude : rehaussement capacitaire des Rafale – livraison de pods, de brouilleurs ou de radars à antennes actives –, amélioration de leur disponibilité, contribution de la marine aux missions assurées par l’armée de l’air et de l’espace – prise en charge d’un plot de police du ciel, délivrance de formations, réalisation de certaines opérations.

L’aviation de combat s’apprête à traverser une période difficile d’ici à 2025 – retrait annoncé des Mirage 2000-C, immobilisation annuelle d’une douzaine de Mirage 2000-D, besoins renforcés en appareils pour assurer la formation des pilotes étrangers, travaux de définition des futurs standards.

Avant d’être en mesure de gagner la guerre en 2040 – l’horizon du SCAF (système de combat aérien du futur) –, il faudrait être en mesure de la gagner en 2035… Le Rafale, qui évoluera dans des environnements toujours plus contestés en raison de l’amélioration constante des dispositifs de défense sol-air et de brouillage, devra être doté de moyens de connectivité, de systèmes guerre de navigation (Navwar) performants et éventuellement de moyens efficaces de suppression des défenses aériennes adverses. Les premières réflexions autour du standard F5 sont en cours mais veillons à ne pas oublier l’avant-SCAF !

D’autres défis pour l’aviation de combat, que je ne peux évoquer ici faute de temps, figurent dans mon rapport.

Je vous remercie de m’avoir accordé votre confiance tout au long de cette législature. Je remercie les services de la commission pour l’aide qu’ils m’ont apportée. Enfin, je remercie une personne que je ne nommerai pas, mais elle se reconnaîtra dans ces mots de René Char à Albert Camus : « Il est des rencontres fertiles qui valent bien des aurores. »

M. Jean Lassalle. Comme l’a dit le rapporteur avec beaucoup d’honnêteté et de clairvoyance, une passe difficile s’annonce pour l’aviation miliaire. Mais notre longue tradition et notre savoir-faire ne peuvent disparaître du jour au lendemain. Par ailleurs, ce n’est pas là que se situent les grands enjeux de demain. À cet égard, la marine me paraît se trouver dans une situation plus ardue.

M. Yannick Favennec-Bécot. Ce budget permettra-t-il de relever les défis posés au commandement de l’espace en matière d’observation, de télécommunication et de renseignements ?

Mme Sereine Mauborgne. Je salue votre engagement en faveur des hélicoptères Caracal, couronné de succès – comme quoi les rapporteurs budgétaires sont parfois entendus ! Je partage votre préoccupation sur le segment lourd des hélicoptères de transport. Preuve a été faite de l’engagement de la défense européenne en matière de soutien aux forces françaises, mais ne pensez-vous pas qu’on devrait imaginer une stratégie d’anticipation, notamment sur le maintien d’un segment solidaire au sein de l’Europe ?

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis. L’armée de l’air et de l’espace n’a pas à se plaindre en effet, mes inquiétudes portent seulement sur cette période de transition pour l’aviation de combat. En outre, j’ajouterai que les chefs d’état-major sont rompus aux exercices interarmées, ils ont l’habitude de travailler ensemble, de manière très opérationnelle. La « guéguerre » entre les trois armées est définitivement terminée et il est inimaginable qu’un conflit puisse ne pas impliquer chacune d’entre elle ; c’est pourquoi toutes s’accordent pour chaque armée bénéficie de moyens adaptés à leurs missions

L’an dernier, j’ai consacré mon rapport à la montée en puissance du CDE. Les programmes CSO (composante spatiale optique), CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) et Syracuse se poursuivent de manière satisfaisante. On ne m’a pas fait part d’inquiétude particulière et je note que la préparation de l’avenir bénéficie de financements, notamment au travers du programme ARES de maîtrise de l’espace.

Chère Sereine Mauborgne, s’agissant de nos engagements et de l’Europe, je souhaite bien du plaisir à nos futurs dirigeants, car nous allons devoir maintenir nos actions au Sahel, agir plus ou moins seuls et demander toujours plus d’aide à nos alliés européens, voire aux Américains. Nous en avons déjà l’illustration avec les hélicoptères de transport lourd : nous avons besoin que le Royaume-Uni et d’autres nations continuent d’accepter de mettre à notre disposition de tels appareils. Et s’ils constituent, aux dires de l’armée de l’air et de l’espace, des forces spéciales comme de l’armée de terre, une ressource indispensable, je crois qu’à mon grand regret la France n’est pas en mesure de développer seule cette capacité – du moins n’en prend-elle pas le chemin. Nous pourrions envisager d’autres partenariats stratégiques, pourquoi pas avec les Grecs puisque nous venons de renforcer notre coopération bilatérale et dont le chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace a dit qu’ils étaient très bienveillants à notre égard ?

M. Jean Lassalle. Je m’associe aux préoccupations exprimées par Mme Mauborgne et vous-même, Monsieur le rapporteur.

 

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Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous en venons cet après-midi aux interventions des orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et au vote sur les missions Défense, Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et Sécurités.

M. Jacques Marilossian. Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Pour la quatrième année consécutive, il est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les crédits de la mission Défense pour 2022 s’élèvent à 40,9 milliards d’euros, contre 32,3 milliards en 2017, soit un effort de 26 milliards en cinq ans.

Depuis 2017, la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement a permis de sortir nos forces armées d’un cercle vicieux fait de réductions des capacités, des effectifs, mais aussi des ambitions. Nos armées avaient fini par mettre en pratique un terrible concept : perdre la guerre avant la guerre. Nous avons mis fin à ce cercle vicieux pour leur redonner les moyens qui leur permettront d’assumer à nouveau la vocation mondiale de puissance d’équilibre de la France. Comme l’a dit Mme Parly, d’ici à 2030, la France doit pouvoir intervenir partout où ses intérêts sont en jeu, gagner sur tous les terrains et l’emporter face à tous les ennemis, seule ou en coalition.

En examinant chaque année le budget de la défense au sein de notre commission, nous avons contribué, à notre façon, selon nos sensibilités politiques, à soutenir le modèle d’armée complet, équilibré, dans la durée, qui est notre objectif depuis la revue stratégique de 2017. Je tiens à féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui ont apporté une pierre à l’édifice et ont contribué à la renaissance de nos forces armées – j’ai été moi-même rapporteur pour avis du budget de la marine pendant les trois premières années de la législature.

La ministre de la défense nous a annoncé, pour 2022, des livraisons d’équipements à hauteur de 23,7 milliards, mais aussi une commande militaire d’un montant de 36 milliards, dont plus de 8 milliards pour les programmes majeurs. L’ensemble des armées sont concernées, des véhicules blindés aux frégates, en passant par les équipements radio, les avions, les satellites, etc. N’oublions pas les 603 millions de commandes anticipées dans le secteur aéronautique, qui portent sur trois A330 de transport stratégique, huit hélicoptères Caracal et des systèmes de drone pour la marine. Ces commandes permettent à nos industries de défense d’innover et de produire. Elles sont le tissu indispensable à notre autonomie stratégique nationale mais aussi européenne. Nous pouvons nous féliciter que, face aux conséquences de la pandémie mondiale, qui ont logiquement affecté les livraisons, nous ayons pu ajuster les priorités aux disponibilités, tout en maintenant le niveau d’investissement.

La mission Défense prévoit d’importantes livraisons d’équipements en 2022, comme, par exemple, 245 véhicules blindés Griffon, les premiers engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, les drones Patroller, une frégate – La Lorraine –, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des capacités exploratoires pour les grands fonds marins, des avions ravitailleurs MRTT Phénix et des satellites.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) bénéficie en 2022 d’un investissement de plus de 5 milliards d’euros ; 2,4 milliards sont consacrés au renouvellement de nos infrastructures, notamment pour les équipements à venir. Des moyens substantiels sont encore affectés, cette année, au renseignement, à l’espace, à la cyberdéfense – 376 nouveaux postes sont créés dans le cyber – et, bien sûr, à la dissuasion nucléaire, afin de préserver notre souveraineté.

S’agissant de la recherche, l’Agence de l’innovation de défense (AID) bénéficiera d’un soutien de plus de 1 milliard d’euros. Pour les hommes et leur famille, le budget 2022 consacre 2 milliards au plan famille, aux petits équipements du quotidien et aux structures d’hébergement. L’effort budgétaire consenti encore cette année n’ignore donc pas ce qui fait le cœur de nos armées : les femmes et les hommes, qu’ils soient sur terre, dans les airs ou en mer. Rappelons qu’en 2022, nous recruterons plus de 26 000 personnes.

Le budget 2022 est bien au service d’une démarche stratégique qui, comme l’a dit le chef d’état-major, nous permet de gagner la guerre avant la guerre. Plusieurs défis continueront cependant à se poser à nos forces armées dans le cadre de la prochaine législature et de la future loi de programmation militaire. Sur un plan opérationnel, j’en retiens deux en particulier : des tensions dans le recrutement et la fidélisation des hommes ; l’approvisionnement en munitions pour la préparation opérationnelle.

Enfin, sur le plan stratégique, nous devons poursuivre l’effort de défense, afin que la France puisse continuer à défendre sa souveraineté, à jouer son rôle de puissance d’équilibre dans le monde – je pense bien sûr à la zone Indo-Pacifique.

Avant de disposer d’une véritable défense européenne, autonome, dotée d’une boussole stratégique, nous devons nous préparer au retour du combat à haute intensité et aux défis que nous lancent les puissances autoritaires et agressives dans de nombreuses régions du monde. Poursuivre nos efforts, c’est bien l’ordre de marche qui doit être le nôtre !

Le groupe La République en marche votera ce budget.

M. Jean-Louis Thiériot. Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D’un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d’éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.

Cela étant, un phénomène s’est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s’est passé avec l’Australie et nous observons les actions en cours à l’égard de Taïwan. Il y a aujourd’hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l’amiral Vandier nous l’a rappelé.

D’autres questions restent ouvertes, comme l’a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d’occasion, puisque nous ne disposerons plus que d’un parc de 117 Rafale au lieu de 129.

Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n’en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l’armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.

Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s’abstiendra lors du vote de ces crédits.

Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l’actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n’ait pas été le cas.

Deuxièmement, j’avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd’hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d’armée complet, d’emploi, et notre capacité à jouer un rôle d’équilibre.

Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd’hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l’avenir, c’est à eux, d’abord, que nous devrons rendre des comptes.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ils ont aussi en mémoire les décennies de restrictions, qui n’ont pas encore été rattrapées. Je peux concevoir que vous fassiez le choix de l’abstention pour des motifs politiques, mais c’est plus difficile à comprendre pour nos soldats, qui ont subi, depuis vingt ans, les conséquences de choix budgétaires auxquels votre groupe a pris part.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre cinquième et dernier budget de la défense de la législature, qui est aussi le quatrième de la LPM 2019-2025, ainsi que les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et ceux de la gendarmerie.

La surprise réservée par le budget de la défense est qu’il est sans surprise. Il résulte d’une volonté politique et se concrétise par une augmentation des crédits de 1,7 milliard d’euros, laquelle respecte parfaitement les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Certaines recommandations du groupe Agir ensemble ont été prises en compte. Lors de l’examen du PLF 2021, nous avions alerté le Gouvernement sur deux points : le manque de déclinaison opérationnelle sur le retour de la haute intensité et la nécessité d’adapter notre stratégie au Sahel. Le budget répond à ces attentes. D’une part, il prévoit la livraison des capacités critiques nécessaires pour crédibiliser notre force armée dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. D’autre part, l’action Surcoûts liés aux opérations extérieures du programme 178 permet à notre dispositif militaire au Sahel d’évoluer.

Par ailleurs, le budget exploite l’hybridité pour offrir à la France de meilleurs leviers d’influence, notamment en consacrant 646 millions à l’espace, 231 millions au cyber et près de 400 millions au renseignement.

Je voudrais également souligner la complémentarité des plans France relance et France 2030, qui font la part belle aux enjeux militaires et de dualité, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’espace, du cyber et des fonds sous-marins. Ces crédits s’ajouteront au budget prévu par la LPM. La défense contribue ainsi à favoriser le développement technologique du pays.

Je rappelle aussi que les crédits du Fonds européen de la défense (FED), dont le montant annuel s’élève à 1,2 milliard d’euros, s’ajouteront aux efforts nationaux.

Cela étant dit, nous aurions aimé que le budget alloué aux forces des réserves suive la dynamique générale, notamment s’agissant de la réserve opérationnelle.

Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens alloués au cyber, au renseignement et à l’espace s’inscrivent dans un cadre équilibré, qui préserve le financement des autres armées. Avec Sereine Mauborgne, je serai particulièrement attentif aux effectifs de la force opérationnelle terrestre.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation envoie des signaux forts au monde combattant, dans le prolongement de ce qui a été fait depuis 2017. Cette année, on doit noter l’évolution du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). Par ailleurs, les crédits affectés à la journée défense et citoyenneté (JDC) sont en hausse de 2 millions d’euros et ceux dédiés au service militaire volontaire (SMV) sont confortés à un niveau de 3 millions d’euros.

Nous voterons donc sans réserve et avec enthousiasme les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En dressant le bilan de notre action depuis 2017, je ne vois pas un seul domaine dans lequel on aurait régressé. Jacques Marilossian et Thomas Gassilloud ont très bien décrit tout ce qui a progressé. Il y a des programmes dont le démarrage a été retardé, mais pour des raisons qui tiennent plus à la chronologie et à la préparation qu’au budget proprement dit. La trajectoire financière a été pleinement respectée depuis le début de la LPM.

Je tiens à rassurer ceux qui ont peur pour l’avenir. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous avons pesé, par notre soutien – je pense, par exemple, aux rapporteurs successifs du budget de la marine – sur cette évolution budgétaire.

Le Figaro d’hier faisait état de la bataille relative aux Small Modular Reactors (SMR), que j’évoque depuis plusieurs mois. Le Président de la République a souhaité que nous entrions dans la compétition, en développant une filière 100 % française du nucléaire civil faiblement enrichi à 4 ou 5 %. Ce projet résulte, pour partie, des travaux de notre commission. Naval Group et TechnicAtome développent les microcentrales les plus performantes en Europe, et probablement au monde. Là où les Américains ont inventé le nucléaire, nous concevons les micro-chaudières les plus compactes.

Au-delà de la trajectoire financière adoptée dans la LPM, nous avons su réagir au moment où il le fallait. Cela a été le cas pour le nucléaire, mais aussi pour la défense et l’espace. La ministre de la défense a ainsi augmenté les budgets pour permettre à Toulouse de remporter la compétition relative à l’implantation du centre d’excellence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour l’espace. Je citerai également notre action en matière de cybersécurité. En février 2018, Louis Gautier, alors à la tête du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous présentait la première revue stratégique de cybersécurité. Dès l’hiver suivant, la ministre exposait la doctrine de la lutte informatique offensive (LIO), autrement dit la capacité de riposte cybersécuritaire, dotée d’effectifs en hausse. Nous avons consolidé les domaines stratégiques à mesure que les besoins apparaissaient.

Des inquiétudes sont nées du fait que l’on puise dans les réserves de Rafale pour l’exportation, ce qui réduit notre parc à 117 avions au lieu de 129. C’est sans compter sur ce que nous allons peut-être vendre d’ici au prochain exercice budgétaire. Je compte bien que l’on obtienne de nouvelles commandes ! Peut-être pourra-t-on également « rétrofiter » des Mirage 2000, que l’on récupérera quelque part. On pourrait donc passer en dessous des 117 Rafale. Cela étant, je suis sûr que nous passerons la commande des douze Rafale évoquée par Jean-Jacques Ferrara ce matin et que nous atteindrons, à terme, le nombre d’appareils promis.

Le groupe Modem et démocrates apparentés votera évidemment ces budgets, mais nous voudrions que toutes les hypothèques soient levées. Nous ne pensons pas une seule seconde que l’effort que nous avons fait pendant cinq ans ne sera pas prolongé.

Mme Isabelle Santiago. Nos forces armées sont fortement mobilisées, depuis plusieurs années, dans le cadre des opérations extérieures et intérieures, sur fond de terrorisme et de crise sanitaire. Je salue le travail remarquable qu’elles accomplissent dans un contexte parfois difficile, compte tenu de la multiplication de leurs missions et de leurs engagements. Face à la montée des tensions internationales et aux menaces croissantes provenant des nouvelles tactiques de guerre hybride, les défis qui nous attendent n’ont peut-être jamais été aussi grands depuis la fin de la guerre froide. Nous mesurons jour après jour leur implication stratégique : je pense aux actions belliqueuses de puissances étrangères – Russie et Chine, pour ne citer qu’elles. L’environnement mondial est également soumis à de nombreux aléas potentiellement périlleux pour l’équilibre mondial et la paix, à l’image de l’architecture de sécurité liée à l’armement nucléaire et des tensions persistantes au sein de la zone Indo-Pacifique. Le PLF 2022 et sa mission Défense doivent s’adapter aux problématiques actuelles et à venir, ainsi qu’aux menaces grandissantes.

Je tiens à souligner ce qui va dans le bon sens. Les efforts budgétaires sont indéniables, dans la continuité d’actions déjà engagées, qui portent leurs fruits sur le terrain. La hausse de 1,7 milliard, inscrite dans la LPM, est, cette année encore, maintenue. Dans le même sens, l’effort substantiel consacré au programme 146 Équipement des forces est conforté : les crédits de paiement, qui excèdent légèrement 860 millions, financeront notamment les grands programmes d’armement, dont l’importance est cruciale. Nous notons une augmentation de 1 348 emplois comptabilisés en équivalents temps plein (ETP) entre la loi de finances initiale (LFI) 2021 et le PLF 2022. Relevons aussi les investissements en faveur des hommes, comme l’illustrent, par exemple, le plan famille et le plan ambition logement.

Mon groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points, notamment la baisse drastique des autorisations d’engagement des programmes 144, 178 et 146 par rapport à 2021, ce qui laisse craindre une baisse future des crédits de paiement. Des sujets primordiaux sont pourtant en jeu. Le programme 144 concerne l’anticipation des menaces, qui doit permettre d’adapter l’outil de défense aux risques émergents. Le programme 178 a trait, quant à lui, à l’amélioration de la préparation opérationnelle. La révision de la LPM indiquait que cette préparation devait faire l’objet d’une attention particulière, pour préparer nos armées aux conflits de haute intensité. Nous nous interrogeons sur la pérennité des hausses de crédits prévus par la LPM 2019-2025, dans la mesure où la marche sera encore plus haute à franchir à partir de 2023. En effet, à compter de cette date, les augmentations annuelles de crédits passeront de 1,7 à 3 milliards. Comment les objectifs financiers finaux de la LPM seront-ils tenus ?

Il n’en reste pas moins que les efforts sont indiscutables. Même si nous faisons usage de notre droit d’alerte sur plusieurs sujets, nos soldats et nos armées attendent un soutien massif et éclairé, que nous devons leur apporter. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

M. Yannick Favennec-Bécot. Depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI et indépendants se sont efforcés de faire preuve d’une opposition constructive à l’égard des mesures proposées par le Gouvernement et la majorité. Lorsque nous avons considéré qu’ils faisaient fausse route, nous avons affirmé notre opposition, parfois avec force, mais toujours avec l’intérêt général en ligne de mire. À l’inverse, lorsque nous avons estimé qu’une mesure allait dans le bon sens, ou qu’une réforme était bonne pour le pays, nous l’avons votée, en faisant fi de nos différences ou de nos nuances politiques. C’est sans doute cela, aussi, être centriste.

La mission Défense est dotée, pour 2022, d’un budget de 40,9 milliards d’euros. L’augmentation de 1,7 milliard de ses crédits par rapport à 2021 respecte les engagements pris dans le cadre ambitieux de la LPM. Disons-le sans ambages : ce budget nous satisfait pleinement. Alors que notre pays et notre économie ont été profondément bouleversés par la crise sanitaire, le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, privilégier le court terme et mettre un coup de canif dans la LPM, comme bien d’autres gouvernements l’ont fait par le passé. Tel n’a pas été le cas. Nos armées et nos militaires ne servent plus de variables d’ajustement, ce dont nous nous réjouissons. Avec ce budget, la parole donnée est respectée : c’est le minimum que nous devons à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection de la France, parfois, il faut le dire, au détriment de leur vie.

Je voudrais souligner les aspects les plus saillants du budget et renouveler les craintes que nous avions formulées en 2018 lors de l’examen de la LPM.

Parmi les éléments satisfaisants, je relèverai le milliard consacré à l’innovation, pour concevoir les technologies de demain, les 500 millions supplémentaires pour les programmes d’armement majeurs, les 337 millions destinés à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement de nos militaires, les 300 millions supplémentaires consacrés à l’entretien des matériels, la création nette de 450 postes dans des domaines aussi essentiels que le renseignement et la cyberdéfense, ou encore le nombre substantiel de nouveaux véhicules – 5 000 – destinés à nos gendarmes.

Concernant nos craintes, n’oublions pas que, si la LPM est respectée quasiment à la lettre, 2023 sera marquée par une hausse de 3 milliards du budget de nos armées. Cette marche sera haute, et son franchissement ne sera pas un cadeau pour le prochain gouvernement, compte tenu notamment des nombreuses dépenses réalisées dans le présent PLF. Dit autrement, nous considérons que, pour le bien et l’avenir de nos armées, il aurait fallu mieux répartir les efforts, afin de réduire à néant les risques de faiblir.

Cela étant dit, le groupe UDI et indépendants votera néanmoins les crédits de la mission Défense.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe se réjouit de la subvention de 56,36 millions d’euros au profit de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), ainsi que du maintien à 25 millions d’euros du budget consacré à l’action sociale. De même, notre groupe salue la volonté du Gouvernement d’augmenter le point de la PMI, qui s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises en faveur du monde combattant depuis le début de cette législature.

Toutefois, notre groupe regrette que la baisse naturelle du nombre des ayants droit et ayants cause se traduise par une énième baisse du budget de la mission. Maintenir le budget à hauteur de son niveau de 2021 aurait permis, sans doute, de répondre à de nombreuses requêtes légitimes formulées depuis longtemps par le monde combattant. Le groupe UDI et indépendants proposera, en ce sens, un certain nombre d’amendements en séance publique, afin de répondre aux attentes de ces femmes et de ces hommes.

Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernier exercice budgétaire, je vous remercie, Madame la présidente, pour votre bienveillance et votre sens de l’équité.

M. Alexis Corbière. Malgré les points de désaccord que je fais entendre, et même si cette commission mériterait d’être le lieu de débats un peu plus animés, je vous remercie moi aussi pour la présidence bienveillante que vous exercez.

C’est sans doute la dernière fois de la législature que nous nous retrouvons pour parler de ces sujets importants. Cette cinquième hausse successive du budget ne doit pas faire oublier l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire en 2021 – et l’absence de débat sur la question.

Trop souvent, la commission de la défense est une commission de la défiance vis-à-vis des parlementaires. Vous n’en êtes pas responsable, Madame la présidente : ce sont les institutions qui sont en cause. On discute chiffres et comptabilité, mais bien peu des grandes options stratégiques et géopolitiques ainsi que des conséquences que nous devons en tirer : ce ne sont pas des questions dont le Parlement se saisit. C’est là un problème de fond qui nous amènera à voter contre le projet de loi de finances, car c’est la seule manière que nous avons de manifester une opinion sur les grands choix en matière d’interventions militaires.

La LPM était censée faire l’objet d’une actualisation. Or cela n’a pas été le cas. L’environnement stratégique a pourtant connu une évolution extrêmement importante, et la pandémie a été un choc mondial. Tout cela aurait justifié des débats de fond sur les grandes orientations stratégiques à venir.

De plus, on nous soumet un budget à trous : il y a des trous capacitaires et d’autres qui sont liés aux surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures. Nos collègues du Sénat avaient ainsi identifié, concernant les OPEX, un surcoût de 8,6 milliards d’euros. Il m’a été répondu que les critiques du Sénat n’étaient pas pertinentes, mais les arguments avancés me laissent sur ma faim.

La LPM court jusqu’en 2025, soit au-delà de la fin du quinquennat. Une augmentation des crédits est proposée cette année, à hauteur de 1,7 milliard, mais les hausses les plus importantes sont prévues après ce quinquennat, ce qui revient à dire qu’il s’agit en réalité d’un programme électoral. Pourquoi pas, mais il faut le considérer comme tel : ce sont d’abord et avant tout des promesses qui sont faites dans l’hypothèse où la même équipe serait reconduite. On peut donc se demander si les prévisions se réaliseront dans le cas contraire. Je me méfie de cette manière de faire de grandes annonces dont l’exécution est renvoyée à une époque où le gouvernement et la majorité actuels ne sont pas assurés d’être encore aux responsabilités.

Par ailleurs, entre 2019 et 2025, 10 % de la hausse sera absorbée par la seule dissuasion nucléaire.

Nous regrettons aussi le niveau de disponibilité trop faible des appareils et l’insuffisance des moyens pour protéger les espaces maritimes. Au-delà de la bataille des chiffres, il faudra que nous ayons un jour, dans le cadre d’une vraie vie parlementaire, une réflexion collective sur la stratégie et la doctrine. Les conséquences géopolitiques de la pandémie ont changé la donne. Il en est de même du comportement de nos « amis » australiens et de l’affaire des sous-marins, qui doivent nous conduire à reconsidérer les modalités de notre participation à l’OTAN. Qu’attendons-nous pour remettre en cause notre participation à son commandement intégré ? Faudra-t-il subir de nouveaux affronts ?

L’enlisement militaire au Sahel, après huit années de guerre, devrait également nous amener à réfléchir. Depuis 2013, cinquante-deux de nos soldats sont tombés. Chaque fois que nous apprenons l’une de ces disparitions, nous sommes tous bouleversés. Mais cela devrait nous conduire à avoir une discussion politique sur les raisons de notre engagement et à envisager la possibilité de sortir de ce conflit. Nos armées font leur devoir avec beaucoup de courage, mais aucun plan politique n’accompagne l’intervention militaire. Or nous ne pouvons pas demander à nos soldats de régler des problèmes politiques.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je salue la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui sera porté à 15,05 euros à partir du 1er janvier 2022. C’est une bonne chose, mais le rattrapage est loin d’être terminé. Des écarts se sont creusés, et aucune réforme significative du système d’indexation du point n’a été engagée. La composition de la commission tripartite chargée de travailler sur le point PMI pose de nombreuses questions. Le niveau de vie des pensionnés militaires ne devrait pas être négociable. Il faut mettre en place un calendrier de rattrapage du point d’indice ; nous avons déjà perdu assez de temps. Il en va de même pour la demi-part fiscale des veuves de guerre.

Nous voterons contre ce budget en raison des nombreuses critiques que nous formulons à son encontre, mais aussi – et avant tout – car c’est pour nous une façon d’exprimer l’idée selon laquelle, dans le monde incertain qui se dessine devant nous, le Parlement doit plus que jamais se saisir de ces enjeux et mener des débats sur le fond, au lieu de se limiter à des discussions comptables.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes dans un temps de discussion budgétaire : il paraît logique que nous parlions un peu de chiffres… Par ailleurs, nous avons mené de nombreuses auditions sur les conséquences de la rupture de l’accord-cadre avec l’Australie et avons eu de multiples discussions géostratégiques autour de la question. Je serais d’ailleurs ravie que vous soyez présent la semaine prochaine, lorsque nous entendrons Philippe Errera et Alice Guitton sur les futures options stratégiques en Indo-Pacifique. Cela nous permettrait de bénéficier de votre éclairage.

Je m’attache à ce que nous ayons des discussions sur les grands enjeux et sur la nécessité d’adapter nos armées, tant dans leurs moyens que dans leur stratégie opérationnelle, pour faire face aux nouvelles formes de conflictualité.

M. Alexis Corbière. Vous parlez d’or, mais il était question dans mon propos de délibération et de vote, et vous me répondez en évoquant des auditions, alors qu’il est évident que nous en menons un grand nombre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous nous reprochez un manque de réflexion et de débat sur des questions essentielles, aussi je souligne que nous ne parlons pas seulement de chiffres.

M. Alexis Corbière. Les députés sont là pour décider, pas seulement pour auditionner.

Mme la présidente Françoise Dumas. Les auditions servent à nous éclairer pour qu’ensuite nous soyons en mesure de débattre et décider. Si vous considérez que notre commission n’est pas un lieu de dialogue et que les auditions que nous menons ne sont pas des moments de dialogue, j’aimerais que vous m’expliquiez où vous en trouverez !

M. Jacques Marilossian. Monsieur Corbière, vous critiquez la commission mais vous ne venez jamais aux réunions !

M. Alexis Corbière. Je constate que certains de nos collègues sont non seulement désagréables politiquement, mais en plus mal élevés !

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. C’est le dernier budget que nous examinons au cours de cette législature. Je profite donc de l’occasion pour vous remercier à mon tour de votre bienveillance et de votre écoute, Madame la présidente. J’inclus également dans mes remerciements votre prédécesseur : lui aussi s’est montré bienveillant, particulièrement à mon endroit.

Depuis 2017, les lois de finances successives témoignent d’un renforcement des missions régaliennes de l’État. C’est encore le cas avec le budget pour 2022 de la mission Défense, dont les crédits augmentent pour la troisième année consécutive. De ce point de vue, le projet de loi est en conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget de la défense augmente de 1,7 milliard d’euros. Depuis 2017, la hausse totale est de 7,7 milliards. Dans le monde troublé qui est le nôtre, c’est une bonne chose pour notre défense collective comme pour l’innovation de nos entreprises les plus performantes, et donc pour l’emploi. Cette montée en puissance devrait en effet permettre d’augmenter les capacités opérationnelles de nos armées, de renforcer les équipements et les infrastructures militaires, y compris dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité et de la maîtrise de l’espace, qui sont au cœur des enjeux actuels.

Toutefois, je voudrais relativiser cet effort, car si nos dépenses de défense ont augmenté de 4 %, l’augmentation moyenne en Europe est de 4,2 % et celles des États-Unis et de la Chine dépassent 6,6 %. Dans ce contexte, mon groupe souhaite vous faire part de ses inquiétudes. Comme l’an dernier, celles-ci concernent la compétitivité de nos industries de défense, fortement mises à mal par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques mondiales, mais aussi l’excessive externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, notamment en matière de transport et d’affrètement aériens, que la Cour des comptes avait déjà signalée en posant la question de la qualité et de la sincérité des contrats.

Dans la loi de finances initiale de 2021, le budget total de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élevait à 2 089 millions en crédits de paiement. Le PLF pour 2022 propose quant à lui de doter la mission à hauteur de 2 016 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire à la baisse. Ce projet de budget ne fait donc pas exception à la baisse annuelle des crédits de cette mission, en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations. Nous regrettons que ces financements n’aient pas été utilisés pour répondre à d’autres besoins et d’autres attentes. En revanche, nous saluons la revalorisation du point PMI.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR émet des réserves concernant ce budget. Pour ma part, à titre personnel, je le soutiens, compte tenu de l’écoute de la ministre des armées et de ses efforts en faveur des outre-mer, notamment la Martinique, où les besoins étaient importants à la suite de certains événements climatiques tels que l’ouragan Irma : Mme la ministre nous a fait parvenir des équipements.

Mme Sereine Mauborgne. M. Thiériot a parlé de l’abstention de son groupe. Je lui soumets donc cette citation d’Alphonse Allais : « Il y a des circonstances où il faut s’abstenir de jouer à la bourse, aux courses, au baccarat ou à la roulette : primo, quand on n’a pas les moyens et secundo, quand on les a ». Les militaires, eux, ne s’abstiennent pas, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont ils ont subi les conséquences dans les années 2010 – et les sous-officiers continuent à payer un lourd tribut à cette politique.

La commande de VBAE a effectivement été avancée, ce qui a nécessité un ajustement mineur de la trajectoire du programme SCORPION. Toutefois, celui-ci avait été accéléré en 2019, comme Thomas Gassilloud et moi-même le proposions en 2019 – cette recommandation figurait dans l’avis budgétaire relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres. Malgré le ralentissement que vous évoquez, la progression reste supérieure à la prévision initiale.

Par ailleurs, nos soldats sont fortement exposés à des risques de blessures, voire à la mort : au cours des seuls mois de décembre de l’année dernière et de janvier, cinq ont perdu la vie lors de missions de reconnaissance. Celles-ci requièrent à la fois de l’agilité et de la réactivité. La décision a donc été prise en urgence de consolider les véhicules blindés légers (VBL) MK1. Le programme a démarré en février 2020, et les premiers véhicules ont été projetés en opération extérieure dès le mois de juin – je salue à cet égard l’engagement de l’équipe de Clermont-Ferrand. Il était donc nécessaire d’engager l’acquisition de VBAE. Notre mission est de protéger nos soldats, pour eux et pour leur famille. Nous devons leur donner ce qu’il y a de meilleur.

M. Claude de Ganay. Je vous remercie au nom de notre groupe, Madame la présidente, pour le bon climat qui, dans l’ensemble, a régné dans la commission au cours de la législature. Au-delà de votre présidence et de celle de votre prédécesseur, les relations entre les commissaires ont été bonnes. Nous avons ainsi mené à bien des missions associant des représentants de partis différents. Il est agréable de le noter et de le rappeler. Je remercie également l’ensemble du secrétariat de la commission pour son travail.

Je ne relancerai pas le débat en répondant à Mme Mauborgne. J’indiquerai simplement que vous devez respecter notre choix. Notre abstention sera bienveillante. Nous avons souligné les efforts importants qui ont été consentis. Toutefois, nous sommes vigilants. Nous ne sommes pas à l’école, où chacun doit suivre le maître. Comme l’a rappelé M. Favennec-Bécot, la fameuse marche de 3 milliards est devant nous. L’ensemble des soldats qui nous écoutent se disent certainement que c’est une bonne chose que certains élus soient vigilants. De fait, nous devons savoir si les engagements seront tenus et si le mouvement engagé à travers la loi de programmation militaire se poursuivra. Nous avons tous souligné la pertinence de la LPM et salué la hausse des engagements financiers. Cela dit, comme l’ont souligné mes collègues rapporteurs pour avis s’agissant de l’armée de l’air et de la marine, un certain nombre d’interrogations demeurent. Il est sain, dans une démocratie, que certains se posent en vigies.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous extrêmement attentifs et vigilants, monsieur de Ganay.

Nous en arrivons aux amendements sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis. À l’issue de l’examen de chaque série d’amendements, nous émettrons un avis sur les crédits de la mission correspondante.

 

Mission Défense

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit ici d’une question dont on parle beaucoup : le prix du pétrole. Nous proposons d’augmenter la dotation en gazole, compte tenu des incertitudes géopolitiques et de la hausse du prix du baril.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). Je suis plutôt défavorable à l’adoption de cet amendement, que le groupe Socialistes et apparentés présente chaque année.

Un dispositif spécifique du service de l’énergie opérationnelle permet d’atténuer les variations annuelles du cours du baril et le compte 901 « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires » permet de constituer des stocks de carburants grâce à un découvert autorisé de 125 millions. La gestion de sa trésorerie est donc très proactive.

M. Fabien Gouttefarde. Mme Santiago est envoyée au charbon par son groupe mais, en effet, cette argumentation est répétée chaque année. L’article 5 de la loi de programmation militaire votée au début de la législature prévoit un mécanisme en cas de forte hausse des cours du pétrole.

Notre groupe vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN4 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis dans les douze mois à compter de la promulgation de la loi sur l’évaluation des programmes de coopération européenne dans le secteur de la défense.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (Équipement des forces-dissuasion). Si vous le permettez, je donnerai également un avis sur cet amendement et sur celui à venir, le II-DN9.

Depuis 2017, la réponse est identique. Mon prédécesseur Jean-Charles Larsonneur l’a donnée, comme je l’ai donnée l’année dernière. Lorsque nous jugeons qu’il est nécessaire de le faire, nous auditionnons des industriels et toutes les personnes que nous souhaitons. Je ne vois donc pas l’utilité d’un rapport global. En revanche, notre commission pourrait se saisir de points particuliers et auditionner le délégué général pour l’armement afin de les lui soumettre.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN5 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis afin d’évaluer nos équipements, notamment leurs coûts par rapport à ceux de nos alliés européens et au sein de l’OTAN.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Dans notre rapport sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, M. Fiévet et moi-même avions souligné combien les budgets doivent être lisibles quant aux actions menées dans les domaines de la biodiversité, de l’énergie et de l’environnement. Là encore, nous demandons un rapport sur ces questions.

Telle qu’elle est, la rédaction de cet amendement est problématique puisque nous demandons un rapport chiffré et l’inscription d’une ligne budgétaire transversale. Quel que soit votre vote, je le représenterai en séance publique dans une rédaction différente.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je m’associe aux propos de M. Gouttefarde. Nous verrons en l’occurrence ce que Mme la ministre dira dans l’hémicycle.

 

La commission rejette l’amendement.

 

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

M. Charles de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante !

Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Avis favorable.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). Pareillement, pour nos marins !

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Abstention !

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 

Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous rappelle que ces crédits seront examinés en séance publique le mardi 26 octobre, après-midi et soir.


—  1  —

   Annexe :

Travaux du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

1. Auditions

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace – M. le général de corps aérien Manuel Alvarez, directeur des ressources humaines ;

 Direction générale de l’armement  Mme l’ingénieur générale hors classe de l’armement Eveline Spina, directrice des plans, des programmes et du budget et M. Alexandre Barouh, directeur chargé de la sous-direction des plans et des programmes ;

 État-major des armées  M. le colonel Pierre Gaudillière, représentant la division « études, synthèse, management général », M. le colonel Noël Farnault, représentant la division « cohérence capacitaire » et M. le capitaine de vaisseau Frédéric Bordier, représentant la division « emploi » ;

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace  M. le général d’armée aérienne Stéphane Mille, chef d’état-major et Mme la colonel Anne-Laure Michel, assistant militaire ;

 Dasssault Aviation  M. Bruno Giorgianni, secrétaire du comité de direction, directeur des affaires publiques et sûreté, directeur de cabinet du président-directeur général ;

 État-major des armées  Mme l’ingénieur générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche, directrice de la maintenance aéronautique ;

 Safran Aircraft Engines  M. Christophe Bruneau, directeur de la division moteurs militaires ;

 Thales  M. Philippe Duhamel, directeur-général adjoint, Mme Isabelle Caputo, directeur des relations avec le Parlement ;

 État-major de l’armée de l’air et de l’espace  M. le général de division aérienne Laurent Rataud, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes (SCPP), M. le colonel Philippe Suhr, chef du bureau finances et M. le colonel François Tricot, chef du bureau développement capacitaire ;

 Airbus  M. Philippe Coq, directeur des affaires publiques, M. Cyrille Fèvre, responsable « grands comptes » pour Airbus Helicopters, M. le général (2S) Guy Girier, conseiller défense du président, M. Patrick Oswald, directeur des affaires gouvernementales des activités spatiales et de défense et M. Olivier Masseret, directeur des relations avec le Parlement ;

 MBDA  M. Jean-René Gourion, directeur du Business Développement France et Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement.

2. Déplacements

 Base aérienne 709 de Cognac-Châteaubernard – rencontre avec M. le colonel Nicolas Lyautey, commandement de la base aérienne, et les personnes de la base ;

 Commandement des forces aériennes (CFA) – rencontre avec M. le général Christophe Vuillemin, commandant en second du CFA ;

 Djibouti

 entretien avec M. Arnaud Guillois, ambassadeur de France ;

 entretien avec M. Hassan Omar Mohamed Bourhan, ministre de la Défense de Djibouti ;

 entretien avec M. le colonel Mahamad Moumin Abdi, directeur de l’Académie militaire interarmées (AMIA) et visite de l’AMIA ;

 entretien avec M. le général Stéphane Dupont, commandant les forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) ;

 entretien avec M. le colonel Sébastien Botheron, chef de corps du 5e régiment interarmes d’outre-mer (5e RIAOM) – PC tactique déployé Ali Sabieh ;

 entretien avec M. le capitaine de frégate Thomas Couturier, commandant en second de la base navale française de Djibouti – visite de l’escale marine ;

 entretien avec M. le colonel Olivier Saunier, commandant la base aérienne 188 « Colonel Émile Massart », et rencontre avec l’ensemble des unités : escadron de transport, escadron de chasse, GRIN, centre de conduite des opérations aériennes, escadron de sécurité incendie et de sauvetage (pompiers), centre militaire de contrôle, escale, escadron de protection ;

 visite du centre médico-chirurgical interarmées (CMCIA) ;

 Base aérienne 113 de Saint-Dizier – rencontre avec M. le colonel Tanguy Benzaquen, commandant de la base aérienne, et les personnels de la base.

 


([1]) Actualisation stratégique, présentée par la ministre des Armées le 21 janvier 2021. Accessible à partir de ce lien.

([2]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Accessible à partir de ce lien.

([3]) Rapport d’information n° 697 sur l’actualisation de la programmation militaire 2019-2025. Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. 16 juin 2021. Accessible à partir de ce lien.

([4]) Pour davantage de développements sur la PPS-A, voir le rapport d’information n° 2166 de MM. Jean-Jacques Ferrara et Christophe Lejeune sur l’action aérospatiale de l’État. 17 juillet 2019. Accessible à partir de ce lien.

([5]) 119 décollages pour l’aviation de chasse et 35 pour les hélicoptères entre le 1er janvier et le 23 août 2021.

([6]) Parmi lesquelles : une pilote et deux élèves au large d’Ajaccio en mars, un marin espagnol au large du bassin d’Arcachon en avril, un passager anglais du Queen Elizabeth au large de La Rochelle en octobre.

([7]) Communiqué de presse du ministère des Armées du 16 septembre 2021, accessible à partir de ce lien.

([8]) Rapport d’information n°4089 de Mmes Sereine Mauborgne et Nathalie Serre sur l’opération Barkhane, 14 avril 2021. Accessible à partir de ce lien.

([9]) Point de situation des opérations du vendredi 15 au jeudi 21 octobre 2021. Accessible à partir de ce lien.

([10]) « La France appelle tous ses ressortissants à quitter l’Afghanistan », Le Figaro, 13 juillet 2021, Accessible à partir de ce lien.

([11]) Audition par la commission de la Défense nationale et des forces armées de Mme Florence Parly, ministre des Armées, sur le bilan de l’opération Apagan, 14 septembre 2021. Compte rendu accessible à partir de ce lien.

([12]) Présentation de cet exercice sur le site internet du ministère des Armées.

([13])  Accessible à partir de ce lien.

([14]) Rapport flash de MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot sur « La place de la Défense dans la politique de relance », présenté le 21 juillet 2020. Accessible à partir de ce lien.

([15]) Rapport flash de MM. Jean-Pierre Cubertafon et Jean-Jacques Ferrara sur « Les hélicoptères des armées », présenté le 15 juillet 2020. Accessible à partir de ce lien.

([16]) Le parc de référence DT englobe les aéronefs en exploitation et ceux en maintenance opérationnelle ou industrielle.

([17]) À titre d’exemple, le rapporteur avait publié, en 2017, les taux de DT de l’ensemble des aéronefs de l’armée de l’air et de l’espace.

([18]) Projet annuel de performance de la mission « Défense », annexé au PLF 2022, p.146.

([19]) Présentée par la ministre des Armées le 21 janvier 2021 et accessible à partir de ce lien.

([20]) Audition du général Philippe Lavigne par la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, 30 juin 2021. Compte rendu accessible à partir de ce lien.

([21]) Rapport d’information n° 697 sur l’actualisation de la programmation militaire 2019-2025. Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. 16 juin 2021. Accessible à partir de ce lien.

([22]) « Le prix d’un Rafale « tout équipé, c’est une centaine de millions d’euros », selon le PDG de Dassault Aviation Éric Trappier », La France commande 12 Rafale à Dassault Aviation, Le Point, avec l’AFP, 29 janvier 2021. Accessible à partir de ce lien.

([23]) Notons que pour l’heure, les Reaper ne sont pas encore dotés d’une charge utile ROEM. Les appareils du block 5 pourraient l’être en 2022.

([24]) Voir l’avis budgétaire du rapporteur sur le PLF 2021, dont la partie thématique porte sur la montée en puissance du commandement de l’espace. Accessible à partir de ce lien.

([25])  Institut français des relations internationales (IFRI), « La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité », juin 2021. Accessible à partir de ce lien.

([26]) Revue stratégique de 2017, paragraphe 295.

([27]) Ces appareils sont comptabilisés dans le dispositif de l’opération Chammal, comme en atteste le dossier de presse de l’opération publié par le ministère des Armées. Accessible à partir de ce lien.

([28]) Réponse adressée par écrit au questionnaire budgétaire du rapporteur.

([29]) Les Mirage 2000B ne comptent pas dans le parc d’avions de combat de l’armée de l’air et de l’espace.

([30]) Réponse apportée par écrit par le ministère des Armées au questionnaire adressé par le rapporteur.

([31])  46 à livrer d’ici 2023 pour l’AAE et la marine nationale.

([32]) Réponse au questionnaire adressé par le rapporteur.

([33]) S’agissant de la Croatie, la confirmation de la commande de 12 appareils d’occasion est attendue d’ici la fin de l’année 2021.

([34]) Ce chiffre se fonde sur la livraison de 30 appareils d’ici fin 2025, chiffre indiqué par écrit au rapporteur, alors qu’il ressort de ses auditions seules 29 livraisons pourraient intervenir. Un décalage d’un appareil est donc à prendre en compte.

([35]) Indiqué dans l’Ambition 2030, ce chiffre ne sera toutefois pas atteint, comme l’admet d’ailleurs le ministère des Armées. À cet horizon il convient davantage d’avoir en référence le chiffre de 159 Rafale et une cinquantaine de Mirage 2000D.

([36]) Compte rendu de l’audition de M. Trappier devant la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, 10 mars 2021. Accessible à partir de ce lien.