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N° 146

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2022.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances rectificative pour 2022,

 

 

 

 

 

Par Mme Céline CALVEZ,

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 17.


 


— 1 —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire de l’Article 1er

Article 1er Réforme du financement de laudiovisuel public – Suppression de la contribution à laudiovisuel public

Examen en commission

ANNEXE : TRAVAUX PRéALABLES

I. Travaux de la commission

II. Intervention de la rapporteure pour avis le mercredi 13 juillet 2022 dans le cadre de la Table ronde sur la réforme du financement de l’audiovisuel public

III. Auditions de la rapporteure pour avis

 


— 1 —

   Avant-propos

Laudiovisuel public, composé de cinq sociétés ([1]) – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde – et dun établissement public – lInstitut national de laudiovisuel (INA) –, est aujourd’hui essentiellement financé par une taxe affectée, la contribution à laudiovisuel public (CAP), dont les fondements ont été posés dès 1949, au moment de la création de la Radiodiffusion-télévision française (RTF).

Bien que parfois incompris des contribuables ou contesté par eux, lexistence dun impôt spécifique a longtemps assuré à l’audiovisuel public des ressources dynamiques, portées par la hausse du nombre de foyers équipés de téléviseurs, susceptibles daccompagner le développement de projets audiovisuels ambitieux.

Cependant, la contribution à laudiovisuel public fait lobjet, depuis plusieurs années, dimportantes critiques qui justifient aujourdhui la suppression de limposition, prévue par larticle 1er du présent projet de loi de finances rectificative.

En premier lieu, le rendement de la taxe nest plus aussi dynamique que par le passé, notamment du fait de la baisse tendancielle du taux d’équipement des foyers en téléviseurs. L’évolution des usages a en effet conduit à une marginalisation progressive mais continue de la place de la télévision dans les foyers français. Ainsi, si le téléviseur reste l’équipement ayant le plus fort taux de pénétration au sein des foyers, celui-ci enregistre un recul progressif, passant de 98,3 % à 91,3 % entre 2012 et 2021 ([2]) .

Si laugmentation du nombre de foyers, liée à la hausse des séparations et du nombre de personnes vivant seules, a pu un temps endiguer la baisse tendancielle du taux d’équipement de ceux-ci, il semble désormais que tel ne soit plus le cas, un premier recul du nombre dassujettis ayant pu être observé en 2020, à hauteur de 170 000 foyers.

De fait, le mécanisme de garantie prévu par larticle 46 de la loi n° 20051719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 (cf. infra), qui permet de compléter par des dotations issues du budget de l’État les éventuels écarts entre le rendement attendu de la CAP et les encaissements effectifs, a été activé à de nombreuses reprises depuis 2016, signe dun essoufflement notable du rendement de cet impôt.

En second lieu, la contribution à laudiovisuel public fait lobjet de contestations de plus en plus fondées quant à son caractère inéquitable. Le fait générateur du paiement de la CAP – la possession dun téléviseur – soulève, en raison de l’évolution des usages, un problème d’équité intergénérationnelle et sociale majeur, car déconnecté des usages des Français, ceux qui ne sacquittent pas de cet impôt étant aussi ceux qui ont les moyens financiers de soffrir dautres équipements que le téléviseur pour consommer les programmes de laudiovisuel public – quil sagisse des podcasts de Radio France ou des vidéos à la demande de France Télévisions ou dArte – et qui disposent des connaissances nécessaires à lutilisation des technologies liées à ces nouveaux écrans. De surcroît, les nombreux dispositifs dexonération qui se sont accumulés au fil du temps conduisent à des situations fiscales difficilement compréhensibles dans lesquelles, à revenus égaux, le non-paiement de la taxe nest lié qu’à l’âge du redevable.

La réforme de la taxe dhabitation entreprise sous la précédente législature, qui doit aboutir à la suppression de cette imposition dès 2023 pour les résidences principales, constitue dès lors loccasion de repenser le financement de laudiovisuel public. En effet, les collectes de la taxe dhabitation et de la CAP étant communs, la disparition annoncée de la première conduit naturellement à une refonte des modalités de collecte de la seconde et, au-delà, à une réflexion approfondie sur le sens même de cette taxation.

Si la modernisation de lassiette de la CAP ou la création dune nouvelle taxe affectée ont été privilégiées un temps, aucune des solutions avancées n’était réellement satisfaisante ni en matière de justice sociale, ni de consécration des missions de l’audiovisuel public comme faisant partie intégrante des dépenses nécessaires et essentielles de l’État, ainsi que l’avait indiqué la rapporteure dans son avis sur le projet de loi de finances initiale pour 2022 ([3]). Elle avait par ailleurs souligné, dans ce même avis, la nécessité d’une programmation budgétaire pluriannuelle pour l’audiovisuel public, à l’instar de ce qui est prévu dans les domaines de la recherche et la défense.

De surcroît, la voie de la « budgétisation » constitue vraisemblablement la solution plus rationnelle du point de vue des finances publiques, puisquelle permet de faire l’économie des frais de recouvrement et de contrôle de lactuelle CAP. En effet, la contribution à laudiovisuel public fait lobjet de tentatives de fraude importantes, accentuées par son caractère déclaratif ([4]) et requiert de ce fait des moyens humains et financiers importants : environ 29 millions deuros de frais de recouvrement sont ainsi prélevés chaque année sur le produit de la CAP et 2 000 équivalents temps plein y sont annuellement consacrés par la direction générale des finances publiques, notamment pour en assurer le contrôle ([5]).

Pour autant, lapparente simplicité de la réforme proposée par larticle 1er du présent projet de loi de finances rectificative, qui supprime la taxe affectée pour financer laudiovisuel public par le budget général, ne saurait masquer la nécessité dassurer le respect de la liberté de communication protégée par larticle 11 de la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789, comme celui des objectifs de valeur constitutionnelle de pluralisme et dindépendance des médias. En effet, comme la clairement indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009577 DC du 3 mars 2009 ([6]), la garantie des ressources de laudiovisuel public constitue lun des éléments assurant son indépendance.

Pour autant, le Conseil constitutionnel n’a pas, pour l’heure, indiqué qu’une taxe affectée constituait l’unique moyen d’assurer l’indépendance budgétaire de l’audiovisuel public. De fait, si le dispositif actuel offre certaines garanties, elles ne doivent pas être surestimées.

En premier lieu, si les organismes de laudiovisuel public bénéficient, à titre principal, dune ressource financière qui leur est propre, ils perçoivent actuellement des fonds issus du budget général pour une part non négligeable de leurs revenus. La contribution à laudiovisuel public dont le produit leur est affecté représente en effet, en 2021, 85 % de leurs dotations, les 15 % restants correspondant à la compensation par l’État des dégrèvements accordés à certains redevables.

En deuxième lieu, le mécanisme de garantie de ressources prévue au 3° du VI de larticle 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, bien qu’il donne aux bénéficiaires du compte de concours financiers une assurance annuelle quant aux moyens quils percevront effectivement, nonobstant le rendement réel de la taxe qui leur est affectée, il peut tout à fait être modifié à la baisse d’une année sur l’autre – ou même en cours d’année – et repose sur un abondement du budget général.

Si le montant de la dotation totale est voté chaque année par le Parlement – et peut donc être modifié chaque automne –, il nen demeure pas moins que le rendement relativement prévisible et dynamique de la CAP a pu placer ses bénéficiaires, jusqu’à une période récente, dans une posture de négociation plutôt favorable lors des arbitrages budgétaires. Néanmoins, depuis 2016, le mécanisme de garantie a dû être actionné presque chaque année, faisant donc reposer de plus en plus le financement de l’audiovisuel public sur le budget général.

De surcroît, le schéma budgétaire par lequel le produit de la taxe leur est effectivement attribué constitue une garantie non négligeable en cours dannée. En effet, le compte de concours financiers « Avances à laudiovisuel public » par lequel transitent les crédits que l’État avance aux bénéficiaires du compte – la CAP n’étant recouvrée par les services fiscaux qu’à la fin de lannée –, empêche, par nature, toute opération de virement ou de transfert de crédits qui résulterait de lapplication de larticle 12 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ([7]). Surtout, les opérations de mise en réserve et dannulation de crédits que connaissent les services de l’État trouvent difficilement à sappliquer ici, dès lors que le produit de la taxe est dû à leurs affectataires en application de la loi. De telles pratiques seraient toutefois juridiquement possibles en ce qui concerne la compensation des exonérations et dégrèvements versés par l’État.

Enfin, une forme de projection pluriannuelle est prévue par lintermédiaire des contrats dobjectifs et de moyens (COM) que concluent les organismes de laudiovisuel public avec l’État. Les trajectoires financières qui y sont inscrites nont pas de valeur contraignante pour l’État, ces documents ne formant qu’un contrat politique et moral que les gouvernements précédant 2017 n’ont pas toujours respecté.

Lensemble de ces dispositions rend ainsi difficilement concevable toute tentative dingérence du pouvoir exécutif dans la gestion quotidienne des entreprises de laudiovisuel public qui prendrait la forme dun chantage ou dune rétorsion budgétaire. En cela, le dispositif actuel remplit pleinement son office et assure lindépendance budgétaire de laudiovisuel public.

Pour autant, il ne saurait être synonyme dautonomie financière et empêcher ni la conduite dune politique publique ambitieuse dans le domaine audiovisuel, ni la contribution des organismes au redressement des finances publiques. Ainsi, la dotation des sociétés et établissement de laudiovisuel public fait lobjet, chaque année, dun débat et dun vote du Parlement dans le cadre du projet de loi de finances et peut également, en cours dannée, faire lobjet dun projet de loi de finances rectificative.

Comme la période récente la notamment montré, le dispositif prévu par larticle 46 de la loi de finances pour 2006 précité nempêche en rien la diminution structurelle des crédits alloués à laudiovisuel public, ou leur augmentation conjoncturelle en cas de crise, évolutions qui correspondent au fonctionnement normal des institutions démocratiques.

La rapporteure estime que les garanties qui existent aujourdhui en matière dindépendance budgétaire de laudiovisuel public ne doivent nullement être surestimées et que l’examen du projet de loi de finances rectificative peut constituer l’opportunité de conforter les principes sur lesquels doit reposer l’indépendance budgétaire de l’audiovisuel public : cohérence des moyens par rapport aux missions, prévisibilité pluriannuelle des trajectoires financières et encadrement des possibilités de régulation en cours d’année.

Bien que le compte de concours financiers par lequel transitent le produit de la CAP et la compensation budgétaire des exonérations et dégrèvements soit supprimé, le dispositif proposé à larticle 1er du projet de loi de finances rectificatives offre une garantie notable dindépendance aux organismes, puisquil prévoit que lintégralité de la dotation votée leur soit versée, en une seule fois, au début de lannée considérée, rendant impossible toute mise en réserve des crédits.

Sagissant de la prévisibilité financière pluriannuelle qui est aujourdhui permise par la conclusion des contrats dobjectifs et de moyens, elle se verrait également confortée par le dispositif proposé par le Gouvernement, puisque la trajectoire pluriannuelle des crédits de la mission « Audiovisuel public » serait nécessairement retranscrite au sein de la prochaine loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Néanmoins, la rapporteure estime qu’une étape supplémentaire pourrait être franchie par l’adoption d’une loi d’orientation et de programmation de l’audiovisuel public. Au-delà de l’inscription d’une trajectoire financière pluriannuelle, un tel débat serait l’occasion, pour le Parlement, de se prononcer sur les missions et les objectifs du service public audiovisuel, mais aussi sur l’organisation qui doit être la sienne pour répondre au mieux à ces missions, et dans le respect de la participation de chaque Français, selon ses moyens, à cet investissement crucial pour l’information, la création, la culture. Ce débat pourrait ainsi permettre au Parlement de se prononcer sur la mise en œuvre de programmes communs aux organismes de l’audiovisuel public, comme alternative possible à la fusion proposée par certains, mais aussi d’acter l’harmonisation des différentes temporalités auxquelles répondent aujourd’hui les mandats de leurs dirigeants comme les COM, pour gagner en cohérence.

 

La rapporteure est favorable à l’évolution dessinée par le présent projet de loi de finances rectificative en matière de financement de laudiovisuel public.


— 1 —

   Commentaire de l’Article 1er

Article 1er
Réforme du financement de laudiovisuel public – Suppression de la contribution à laudiovisuel public

I.   ÉTAT DU DROIT

Une redevance a été instituée par la loi du 31 mai 1933 au moment de l’essor de la radiodiffusion publique, puis élargie à la télévision par la loi du 30 juillet 1949.

C’est avec la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision que la redevance est devenue la contribution à l’audiovisuel public (CAP) : ce terme de redevance, qui continue d’ailleurs à être communément utilisé, était trompeur car il suggérait un service rendu alors que le fait générateur réside dans la possession d’un matériel (téléviseur ou « tout autre dispositif assimilé »).

A.   Principes et redevables de la CAP

Prévue aux articles 1605 à 1605 quater du code général des impôts (CGI), la CAP est due :

– par les personnes physiques imposables à la taxe dhabitation, si elles détiennent un appareil récepteur de télévision ou un dispositif assimilé permettant la réception de la télévision (dès lors quils sont munis dun écran, entrent dans cette catégorie les magnétoscopes, les lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD ainsi que les vidéo-projecteurs équipés dun tuner) pour lusage privatif de leur foyer au 1er janvier de lannée au cours de laquelle la CAP est due (1° du II de larticle 1605 du CGI) ;

– par les autres personnes physiques et par les personnes morales – dont des entreprises – qui détiennent dans un local situé en France un tel appareil au 1er janvier de lannée au cours de laquelle la contribution est due (2° du même II).

● Larticle 1605 bis du CGI, relatif aux personnes physiques imposables à la taxe dhabitation ([8]), dispose que la CAP est due une fois par ces personnes, indépendamment du nombre dappareils détenus, ceci sous réserve des dégrèvements prévus par la loi. À noter que la taxe dhabitation est amenée à disparaître pour les résidences principales à compter du 1er janvier 2023.

Plusieurs types de contribuables sont aujourdhui exonérés du paiement de la CAP :

– les personnes exonérées du paiement de la taxe dhabitation ;

– les personnes veuves, âgées ou infirmes et de condition modeste ;

– les personnes dont le revenu fiscal de référence est égal à zéro.

Au total, 28 millions de foyers ont été assujettis à la CAP en 2021, et parmi ces foyers, 23 millions sen sont effectivement acquittés, ce qui signifie que près de 5 millions de foyers en ont été exonérés.

● Pour les entreprises – et plus généralement pour les personnes physiques et morales autres que celles imposables à la taxe dhabitation ([9]) –, la CAP est due au titre de chaque appareil récepteur de télévision détenu au 1er janvier de lannée, aux termes de larticle 1605 ter du CGI. Différents aménagements sont toutefois prévus en plus de certaines exonérations et exclusions du champ :

– est ainsi prévu un abattement de 30 % à partir du troisième appareil et jusquau trentième ; cet abattement est porté à 35 % à partir du trente-et-unième appareil ;

– une minoration de 25 % est prévue pour les hôtels de tourisme dont la période dactivité annuelle nexcède pas neuf mois.

La CAP est déclarée sur lannexe de la déclaration de TVA faite par lentreprise redevable, ainsi quen dispose le 5° de larticle 1605 ter du CGI.

● Jusqu’à la loi n° 2003-1311 du 31 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, la redevance audiovisuelle était considérée comme une taxe parafiscale. De ce fait, le pouvoir réglementaire était compétent pour en fixer le taux. Elle est depuis considérée comme un impôt dont le montant est fixé par la loi de finances.

Le montant de la CAP est aujourdhui de 138 euros en France métropolitaine et de 88 euros en outre-mer (premier alinéa du III du même article 1605).

Dans les débits de boissons à consommer sur place, ce montant est multiplié par quatre. Le tableau suivant dresse la synthèse des montants applicables.

montants 2022 de la contribution à l’audiovisuel public
par appareil détenu

(en euros)

Nombre d’appareils

Établissements en métropole

Établissements en outre-mer

Débits de boissons en métropole

Débits de boissons en outre-mer

1 à 2

138

88

552

352

3 à 30

96,6

61,6

386,4

246,4

31 et plus

89,7

57,2

358,8

228,8

Source : https://entreprendre.service-public.fr.

La CAP des professionnels pèse essentiellement sur le secteur de lhôtellerie, de la restauration et des cafés ainsi que sur les salles de sport puisquelle est due pour chaque appareil détenu. Selon la Cour des comptes, les encaissements de CAP des professionnels (107 millions deuros bruts en 2021) nont pas retrouvé leur niveau davant crise (130 millions deuros bruts en 2019) du fait de la minoration de leur CAP en lien avec leur activité partielle ([10]).

Entre 2010 et 2018, le montant de la CAP a été indexé sur lindice des prix à la consommation hors tabac (second alinéa de ce même III) mais la loi n° 2018‑1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 y a dérogé, comme toutes les lois de finances postérieures. Larticle 88 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a également diminué le montant de la CAP dun euro (de 139 à 138 euros), afin de tenir compte de la trajectoire d’économies décidée par le Gouvernement.  Ce qui démontre que la CAP souvent considérée comme intouchable l’est pourtant par le Gouvernement et le Parlement.

B.   Les bénéficiaires : les six entreprises et établissement de l’audiovisuel public

● Aux termes du I de larticle 1605 du CGI, le produit de la CAP est affecté au financement de laudiovisuel public.

En sont bénéficiaires les trois sociétés nationales de programme mentionnées à larticle 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication :

–  France Télévisions ;

–  Radio France ;

–  la société en charge de laudiovisuel extérieur de la France, France Médias Monde.

En sont également bénéficiaires la société TV5 Monde, la société Arte France, mentionnée à larticle 45 de cette même loi, et lInstitut national de laudiovisuel (INA), établissement public mentionné à larticle 49 de ladite loi.

Laffectation de cette recette et sa répartition entre les six entités sont définies au niveau ministériel à loccasion de la conférence de répartition (qui réunit le ministère du Budget et le ministère de la Culture), retranscrites dans un compte de concours financiers puis discutées et votées par le Parlement chaque année.

Dotations aux entités de l’audiovisuel public
Loi de finances pour 2022

(en millions d’euros TTC)

France Télévisions

2 406,8

Arte France

278,7

Radio France

588,8

France Médias Monde

259,6

Institut national de l’audiovisuel

89,7

TV5 Monde

77,8

TOTAL

3 701,3

Source : Cour des comptes à partir des documents budgétaires.

Répartition de la dotation entre entités de l’audiovisuel public en 2022

http://www.senat.fr/rap/l21-163-319/l21-163-31914.png

Source : Commission des finances du Sénat, d’après les documents budgétaires.


C.   Des recettes et des dépenses retracées dans un compte de concours financiers

Au plan budgétaire, le compte de concours financiers « Avances à laudiovisuel public » a été créé au 1er janvier 2006 par larticle 46 de la loi n° 20051719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 en remplacement du compte davances n° 903-60 « Avances aux organismes de laudiovisuel public ».

Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 (extrait)

« VI.-1. À compter du 1er janvier 2006, il est ouvert dans les écritures du Trésor un compte de concours financiers intitulé :

Avances à l’audiovisuel public.

Le ministre chargé du budget est l’ordonnateur principal de ce compte, qui reprend en balance d’entrée le solde des opérations antérieurement enregistrées par le compte d’avances n° 903-60 Avances aux organismes de l’audiovisuel public.

Ce compte retrace :

1° En dépenses : le montant des avances accordées aux sociétés et à l’établissement public visés par les articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi qu’à la société TV5 Monde ;

2° En recettes : d’une part, les remboursements d’avances correspondant au produit de la contribution à l’audiovisuel public, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, le montant des dégrèvements de redevance audiovisuelle pris en charge par le budget général de l’État. Cette prise en charge par le budget général de l’État est limitée à 560,8 millions d’euros en 2022.

Les frais d’assiette et de recouvrement sont calculés conformément au XI de l’article 1647 du code général des impôts.

Le taux d’intérêt est celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance que les avances ou, à défaut, d’échéance la plus proche.

2. Les avances sont versées chaque mois aux organismes bénéficiaires à raison d’un douzième du montant prévisionnel des recettes du compte. Le montant des avances mensuelles est ajusté sur la base des recettes prévisionnelles attendues en fonction des mises en recouvrement dès que celles-ci sont connues.

Le solde est versé lors des opérations de répartition des recettes arrêtées au 31 décembre de l’année considérée.

Les versements ne peuvent avoir pour effet de porter les avances effectuées pendant l’année civile à un montant supérieur aux recettes effectives du compte.

3. Si les encaissements de contribution à l’audiovisuel public nets en 2022 sont inférieurs à 3 140,5 millions d’euros, la limite de la prise en charge par le budget général de l’État prévue au 2° du 1 est majorée à due concurrence. »

 

 

Le compte de concours financiers retrace :

– en dépenses : le montant des avances accordées aux entités de laudiovisuel public (via six programmes budgétaires correspondant aux six organismes de laudiovisuel public). Ces avances prennent la forme de virements mensuels ;

– en recettes : dune part, les remboursements davances correspondant au produit de la CAP (déduction faite des frais de recouvrement et de trésorerie) et, dautre part, le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget de l’État. Il sagit en réalité dun jeu d’écritures conduisant à alimenter le compte.

En cas d’écart entre le montant prévisionnel et limpôt effectivement collecté, un mécanisme budgétaire de garantie permet de sécuriser le financement de laudiovisuel public. Il est prévu par larticle 46 précité, modifié chaque année en loi de finances. Ce mécanisme est dailleurs régulièrement appliqué (sauf en 2018) depuis sa première mise en œuvre en 2010.

Ainsi, quel que soit le montant de la contribution effectivement collecté, l’État sengage, chaque année, à assurer à laudiovisuel public le financement décidé en loi de finances initiale.

En 2021, la CAP a représenté 3 188,6 millions deuros dencaissements nets, auxquels il convient dajouter 530,6 millions deuros de dégrèvements compensés par l’État (dont un ajustement par le mécanisme de garantie de 42,7 millions deuros), soit 3 719,1 millions deuros au total.

 

Recettes du compte de concours financiers 2016-2022

(en millions d’euros)

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022 (prévision)

Encaissements nets de CAP

3 111,2

3 174,0

3 220,5

3 236,4

3 135,5

3 188,6

3 140,5

Dégrèvements compensés par l’État

Dont mécanisme de garantie

617,1

 

 

103,3

592,2

 

 

28,9

588,6

 

 

623,3

 

 

71,3

653,5

 

 

111,4

530,6

 

 

42,7

560,8

 

 

Total

3 728,3

3 766,2

3 894,6

3 859,6

3 788,9

3 719,1

3 701,3

Source : Cour des comptes à partir de données PLF 2022 et DGMIC.

 

Une trajectoire quadriennale d’économies corrigée en 2021 et 2022 par les crédits du Plan de relance : un État qui respecte sa parole et soutient l’audiovisuel public

En 2018, le Gouvernement a arrêté une trajectoire d’économies de 190 millions deuros dici à 2022, confirmée par les contrats dobjectifs et de moyens (COM) signés au printemps 2021 avec les entreprises et établissement de laudiovisuel public. Ces économies résultent de la mise en œuvre dun plan de transformation des entités dans une logique de synergie.

La loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 prévoit une baisse de 17,7 millions deuros du concours financier à laudiovisuel public par rapport à la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 (0,5 % par rapport à 2021).

Si la trajectoire de baisse des crédits a été respectée, le Plan de relance en 2021 et en 2022 a permis aux opérateurs « de jouer leur rôle damortisseur de crise pour l’écosystème audiovisuel, artistique et culturel » ([11]).

Le programme 363 « Compétitivité » de la mission budgétaire « Plan de relance » a en effet prévu une dotation de 73 millions deuros pour laudiovisuel public, répartie sur les deux exercices et destinée à compenser à la fois le recul des ressources publicitaires (de 45 millions deuros en 2020 pour France Télévisions), le report sur 2021 dun certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire.

D.   Une contribution qui fait l’objet de deux prélèvements de l’éTAT

1.   Une taxe sur la valeur ajoutée de 2,1 %

Le III de l’article 257 du CGI soumet la perception de la CAP à la TVA afin, notamment, d’exonérer ses bénéficiaires du paiement de la taxe sur les salaires. Aux termes de l’article 281 nonies du CGI, cette TVA est perçue au taux particulier de 2,1 %. Les organismes de l’audiovisuel public doivent rétrocéder la TVA lorsqu’ils perçoivent de l’État leur dotation, déduction faite de la TVA payée sur leurs propres achats.

Cela étant, les montants de la CAP sont fixés « toutes taxes comprises » (TTC) et incluent le montant de la TVA à rétrocéder.

Ce montant représente, pour l’année 2022, 76 millions d’euros.

La fin de la collecte de cette TVA n’aura pas d’incidence financière sur la dotation à l’audiovisuel public mais le montant de la dotation doit être revu à la baisse, à hauteur de la TVA qui n’aura plus à être collectée auprès de ces organismes.

Le non-assujettissement des entités de l’audiovisuel public à la TVA aura deux conséquences fiscales :

– dès 2022, la perte du droit à déduction de TVA sur les achats de biens et de services de certaines entités (voir infra) ;

– à compter de 2023, le paiement de la taxe sur les salaires, qui alimentera les comptes de la sécurité sociale (voir infra).

2.   Un prélèvement de 1 % au titre des frais d’assiette et de recouvrement

Le XI de l’article 1647 du CGI prévoit un prélèvement annuel de 1 % pour frais d’assiette et de recouvrement de la CAP, soit 29 millions d’euros en moyenne. La disparition de la CAP permettra de redéployer ces ressources.

II.   Le projet de loi

A.   Une budgétisation encadrée, dès 2022

Le projet de loi supprime la contribution à l’audiovisuel public pour les particuliers comme pour les professionnels dès 2022 et abandonne le compte de concours financiers comme vecteur de financement de l’audiovisuel public. Ce financement est remplacé par la création d’une nouvelle mission budgétaire Audiovisuel public, organisée autour de six programmes correspondant aux six sociétés et établissement du secteur. La particularité de cette mission sera le versement de l’intégralité de ses crédits en une seule fois en début d’exercice, afin d’éloigner tout risque de régulation infra-annuelle.

● Un mécanisme transitoire est prévu pour 2022 afin de tenir compte :

– des encaissements de CAP au titre de 2022 déjà opérés entre janvier et juillet, pour les contribuables ayant choisi un prélèvement mensuel, et qui leur sera restitué ;

– des versements mensuels du produit de la CAP opérés entre janvier et juillet au bénéfice des entités de l’audiovisuel public ;

– de la suppression de l’assujettissement de l’audiovisuel public à la TVA à 2,1 %.

● En 2023, une mission budgétaire à l’abri de tout mouvement de régulation infra-annuelle viendra remplacer le compte de concours financiers. Le changement de statut fiscal des entités devra être pris en compte :

– le paiement de la taxe sur les salaires qui devra être compensé pour les entités de l’audiovisuel public mais qui aura un impact positif sur les recettes de la sécurité sociale. En application de l’article 231 du code général des impôts, dès lors que moins de 90 % des ressources d’une entité est assujettie à la TVA, la taxe sur les salaires est due (et payée l’année n+1). L’évaluation préalable de l’article estime ce montant à 100 millions d’euros pour le secteur. Dans sa Note d’analyse de l’exécution budgétaire du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » pour 2020, la Cour des comptes attirait l’attention sur cette mesure de soutien de l’État et avait calculé qu’« en appliquant le taux moyen de la taxe sur les salaires (13 % pour des entreprises de cette taille) à la masse salariale du secteur (1 600 millions d’euros), le montant de la taxe sur les salaires aurait été de 208 millions d’euros en 2019 » ;

– la perte, qui reste à quantifier précisément, du droit à déduction de TVA sur les achats des entités ([12]) dont les activités donnent lieu à valorisation économique. Il s’agit, par exemple, de la déduction d’achats matériels ou d’achats de programmes audiovisuels. Seront concernées les entités dont les ressources propres (seules alors soumises à la TVA une fois la CAP supprimée) représentent plus de 10 % de leurs ressources. Il semblerait qu’Arte France (éventuellement Arte GEIE) et France Médias Monde soient les seules concernées. L’administration fiscale pourrait être rapidement amenée à prendre un rescrit clarifiant la situation fiscale des entités de l’audiovisuel public.

L’évaluation préalable du dispositif qui accompagne le projet de loi et l’État B retracé à l’article 6 du présent projet de loi témoignent de ces anticipations. Le projet de loi de finances rectificative pour 2022 de la fin de l’année et le projet de loi de finances pour 2023 devront en faire état avec précision. Votre rapporteure sera attentive à la compensation, à l’euro près, de ces effets fiscaux induits. Les entités de l’audiovisuel public devront, de leur côté, en évaluer précisément l’impact et échanger avec les directions du budget et de la législation fiscale.

● À ce stade de la réforme et compte tenu du principe constitutionnel d’annualité budgétaire, aucun mécanisme de sécurisation pluriannuelle des subventions à l’audiovisuel public n’est prévu. Il conviendra d’inscrire législativement la programmation de la trajectoire budgétaire attendue pour les prochaines années au sein de la prochaine loi de programmation des finances publiques (LPFP) ou d’une loi d’orientation et de programmation spécifique à l’audiovisuel public, en lien avec les contrats d’objectifs et de moyens (COM) qui seront conclus pour les années à venir.

B.   Le dispositif

L’article premier du projet de loi s’articule autour de :

– la suppression de la CAP dans le code général des impôts (6° du II) ainsi que, en conséquence, la suppression de l’assujettissement des entités de l’audiovisuel public à la TVA à 2,1 % (1° à 3° du II) ;

– la clôture du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » par lequel transitent aujourd’hui le produit de la CAP ainsi que les compensations budgétaires de l’État au profit des entités de l’audiovisuel public qui sera remplacé par un dispositif de subvention par le budget de l’État à compter du 1er août 2022 (VII et 2° du VIII) ;

– la restitution de la part de la CAP déjà versée mensuellement par les particuliers au titre de 2022 (V).

– la compensation de la suppression sous la forme d’une subvention du budget général de l’État versée en une seule fois en début d’année et ce à compter du 1er janvier 2023 (VI).

Le projet de loi procède à la modification des dispositions de plusieurs codes et lois afin de tirer toutes les conséquences de la réforme ; il effectue également plusieurs coordinations (IV). Des dispositifs relatifs à la suppression des contrôles, redressements et sanctions entreront en vigueur de façon différée en 2025 compte tenu du droit de reprise de l’administration en matière de CAP (le délai dans lequel l’administration fiscale peut effectuer des redressements fiscaux est de trois ans).

1.   La suppression de la contribution à l’audiovisuel public

● Le 6° du II procède à la suppression de la CAP dans le code général des impôts. Il abroge :

– l’article 1605 qui institue la CAP, désigne ses bénéficiaires, décrit les principes de son fonctionnement et fixe son montant ;

– l’article 1605 bis qui définit les conditions de l’imposition pour les particuliers (y compris les dégrèvements) s’agissant des personnes redevables de la taxe d’habitation ;

– l’article 1605 ter qui définit les conditions de l’imposition des autres personnes physiques et des personnes morales ;

– l’article 1605 quater qui impose aux professionnels de faire remplir une déclaration à leurs clients à l’occasion de la vente de téléviseurs ;

– en conséquence, le XI de l’article 1647 qui prévoit un prélèvement par l’État de 1 % sur le montant de la CAP pour frais d’assiette et de recouvrement.

● Sont en conséquence également supprimés, en lien avec l’adossement de la CAP à la taxe d’habitation les mentions :

– des conditions de mensualisation et de recouvrement de la CAP dans le CGI (7° et 8° du II) ; 

– des dégrèvements dans le CGI (4°, 5° et 9° du II) et ses conséquences sur l’aide à l’équipement accordée à certains foyers (3° du VIII).

● Le III supprime les références à la CAP dans le livre des procédures fiscales (contrôles, obligations des professionnels, droit de reprise de l’administration, procédure de flagrance fiscale).

● Le 10° du II abroge les articles 1840 W ter et 1 840 W quater du CGI qui prévoient des sanctions à l’égard des redevables de la CAP et des professionnels parties au processus de recouvrement.

● Conséquence encore une fois de la suppression de la CAP, les entités de l’audiovisuel public n’auront plus à s’acquitter de la TVA perçue au taux de 2,1 % sur cette dotation (suppression des références dans le CGI aux 1° à 3° du II).

● Le I modifie le code du cinéma et de l’image animée pour supprimer la CAP de l’assiette de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision.

● Enfin, le 1° du VIII supprime de l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 la phrase suivante : « La principale source de financement de la société France Télévisions est constituée par le produit de la contribution à l’audiovisuel public. »

2.   La clôture du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » à la fin de l’année 2022

Le VII du présent article procède à la clôture du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public » au 31 décembre 2022 (2° du VII). Il organise surtout le versement des dotations des entités de l’audiovisuel public à compter du 1er août 2022 tout en entérinant les avances accordées jusqu’alors (sept douzièmes de la dotation totale) en modifiant l’article 46 de la loi du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 précitée.

Est ainsi conservé le dispositif qui retrace, au sein du compte, les dépenses constituées par les avances à l’audiovisuel public déjà versées et les recettes constituées par le produit de la CAP enregistrées jusqu’alors. Mais ce dispositif est complété afin qu’à compter du 1er août 2022, ne soit imputée sur le compte ni dépense, ni recette liée aux dégrèvements pris en charge par le budget de l’État jusqu’alors.

Ce qui a été versé aux entités de l’audiovisuel public est acquis et sera complété par le versement d’une dotation à titre de compensation pour la période courant du 1er août 2022 au 31 décembre 2022 (soit les cinq douzièmes de la subvention annuelle).

Un versement unique et intégral sera effectué dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi.

Le reste à verser pour la période d’août à décembre 2022 via la nouvelle mission du budget général Audiovisuel public s’élève à 1,52 milliard d’euros (en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement) comme le récapitule l’article 6 du projet de loi (État B). Ce montant est inférieur de 17 millions d’euros aux sommes attendues avant la réforme : c’est le résultat de la déduction du montant de la TVA à 2,1 % sur la CAP (31,7 millions) qui ne sera pas prélevée et de l’ajout de la compensation de la perte estimée du droit à la déduction de TVA sur les achats pour les entités de l’audiovisuel public qui ne pourraient plus être considérées comme des assujettis intégraux ([13]) à la TVA (+ 7,9 millions d’euros estimés pour Arte France, + 6,8 millions pour France Médias Monde).

Répartition des crédits pour LA PéRIODE D’août à décembre 2022
Mission « Audiovisuel public »

(en millions d’euros, TTC)

 

Reste à verser août-décembre 2022

Neutralisation de la fin de la collecte de 2,1 % de TVA sur la dotation

Neutralisation de la perte estimée du droit à déduction intégrale de TVA

TOTAL

France Télévisions

1 002,8

- 20,6

 

982,2

Arte France

116,1

- 2,4

7,9

121,6

Radio France

245,3

- 5

 

240,3

France Médias Monde

108,2

- 2,2

6,8

112,8

Institut national de l’audiovisuel

37,4

- 0,8

 

36,6

TV5 Monde

32,4

- 0,7

 

31,7

Audiovisuel public

1 542,2

- 31,7

14,7

1 525,2

Source : projet de loi de finances rectificative pour 2022 (n° 17), analyse par programme des modifications de crédits intervenues en gestion et motivation des modifications proposées par le projet de loi.

 

3.   Pour l’année 2022, la restitution de la part de la CAP déjà versée mensuellement par les particuliers

Le V du présent article prévoit d’imputer sur le montant de la taxe d’habitation mis en recouvrement le montant des mensualités de CAP déjà versées. Le cas échéant, si le montant de la taxe d’habitation restant à payer est inférieur à la part du montant de la CAP déjà payée, le solde sera restitué au contribuable.

Ainsi les contribuables bénéficieront dès 2022 de la suppression de cet impôt.

S’agissant des professionnels redevables de la CAP, son recouvrement s’opère au moment de la perception de la TVA, selon les règles de droit commun. Selon la direction de la législation fiscale, c’est également selon les règles de droit commun que le montant le cas échéant acquitté en 2022 sera restitué aux professionnels.

4.   À compter du 1er janvier 2023, une subvention du budget général de l’État

Le VI du présent article confirme la suppression de la CAP à compter du 1er janvier 2023 et précise qu’elle donnera lieu à une compensation sous forme de subventions du budget général de l’État versées aux six entités de l’audiovisuel public.

Le dispositif comporte une garantie importante aux yeux de votre rapporteure : le versement intégral du montant de la dotation dans un délai d’un mois maximum à compter de l’ouverture de la gestion, en début d’année.

Ce mécanisme permet d’engager l’État sans qu’il puisse agir sur le solde des crédits votés en loi de finances non encore décaissés. Mécaniquement, aucune modification infra-annuelle (gel de crédits, annulations ou reports) ne pourra être effectuée. Cette prévisibilité était attendue des présidents des sociétés et établissement de l’audiovisuel public.

Reste que l’existence de compensations budgétaires aux effets encore fiscaux incertains et qui ont vocation à être réévaluées en fin de gestion offre une possibilité de régulation qu’il conviendra de surveiller.


À moyens constants hors inflation, crédits Estimés en année pleine
Mission « Audiovisuel public »

 

 

Maintien de la dotation perçue en 2022 (année pleine avant réforme)

Neutralisation de la fin de la collecte de 2,1 % de TVA sur la dotation

Neutralisation de la perte estimée du droit à déduction intégrale de TVA (estimation)

Neutralisation de la taxe sur les salaires (estimation)

Effet supplémentaire

France Télévisions

2 406,8 millions d’euros

49,44 millions d’euros

Ne serait pas concerné mais serait estimé à
184 millions d’euros

52 millions d’euros

Au titre de la taxe sur les éditeurs (TST) France télévisions pourrait être amenée à verser 12 millions d’euros de plus au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) ([14])

Arte France

278,7 millions d’euros

5,76 millions d’euros

13 millions d’euros

Entre 1,7 et 1,8 millions

Effet miroir sur Arte GEIE financé paritairement par Arte France et Arte Deutschland.

Radio France

588,8 millions d’euros

12 millions d’euros

Ne serait pas concerné

Entre 27,9 et 29 millions d’euros

 

France Médias Monde

259,6 millions d’euros

5,28 millions d’euros

16 millions d’euros

11 millions d’euros

 

Institut national de l’audiovisuel

89,7 millions d’euros

1,92 millions d’euros

Information manquante

Information manquante

 

TV5 Monde

77,8 millions d’euros

1,68 millions d’euros

Ne serait pas concerné

Information manquante

 

Audiovisuel public (total)

3 701,3 millions d’euros TTC

76,08 millions d’euros

29 millions d’euros

100 millions d’euros

Effet de rattrapage de la TVA due sur les investissements passés en cours d’amortissement

 

Revalorisation contractuelle des droits d’auteur en fonction du chiffre d’affaires

Source : projet de loi de finances rectificative pour 2022 (n° 17), auditions de la rapporteure et calculs de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Larticle 6 (État B, répartition des crédits pour 2022 ouverts et annulés, par mission et programme, au titre du budget général) et larticle 8 (État D, répartition des crédits pour 2022 ouverts et annulés, par mission et programme, au titre des comptes spéciaux), retracent la répartition des crédits dans la nouvelle nomenclature budgétaire.

 


— 1 —

   Examen en commission

Le mercredi 13 juillet 2022 à 14 heures 30, la Commission procède à l’examen pour avis de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative pour 2022 (n° 17) ([15]).

Mme la Présidente Isabelle Rauch. La Commission s’est saisie pour avis de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui vise à supprimer la contribution à l’audiovisuel public (CAP) pour la remplacer par le versement d’une dotation budgétaire d’un montant équivalent dans des conditions sécurisées pour les sociétés et établissement de l’audiovisuel public.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Voici une réforme à laquelle nous avons beaucoup réfléchi au cours de la précédente législature.

Dès 2017, Mme Béatrice Piron a rendu un avis budgétaire dans lequel elle soulignait déjà le risque d’un essoufflement du rendement de la contribution à l’audiovisuel public. De fait, en 2020, le nombre de foyers s’acquittant de cet impôt a, pour la première fois, reculé.

Dès lors que la taxe d’habitation était appelée à disparaître en 2023, la réforme de la contribution à l’audiovisuel public était devenue indispensable puisque son recouvrement était adossé à celui de la taxe d’habitation. Le maintien de la CAP aurait rendu son coût de recouvrement exorbitant.

La CAP, qui existe depuis l’origine de la radiodiffusion publique, a progressivement perdu de sa pertinence. Elle s’est déconnectée des usages, du fait de l’émergence des smartphones, tablettes, ordinateurs portables, mais aussi des capacités contributives de nos concitoyens.

Les conditions dans lesquelles s’en acquittent 23 millions de foyers fiscaux sont parfois très inéquitables. À revenus égaux, les redevables paieront ou non la CAP, en fonction de leur âge ou de la date de leur entrée dans le dispositif. Certains la paieront alors qu’ils ne regardent ni n’écoutent les contenus produits par l’audiovisuel public ; d’autres en sont de grands consommateurs mais ne s’en acquittent pas car ils ne possèdent pas de téléviseur. On a connu des impôts plus justes !

Les raisons ne manquent donc pas de vouloir supprimer cette imposition, notamment pour rendre du pouvoir d’achat à 23 millions de Français.

Cependant, je comprends les inquiétudes des dirigeants de l’audiovisuel public quant à leur indépendance à l’égard du pouvoir politique. Nous devons proposer un dispositif qui offre un niveau de protection égal ou supérieur à celui qui existe. C’est à l’aune du dispositif actuel que nous devons évaluer celui qui nous est soumis.

Certains mythes entourent la CAP et le mécanisme budgétaire par lequel elle est affectée à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, ARTE, l’Institut nationale de l’audiovisuel (INA) et TV5 Monde.

On entend qu’une taxe affectée produirait des recettes pérennes et prévisibles. Ce fut vrai pendant longtemps mais le rendement de la CAP tend à s’éroder, ce qui a conduit le Gouvernement, presque systématiquement depuis 2016, à actionner le mécanisme de garantie des ressources, c’est-à-dire à compenser par le budget de l’État le niveau de la dotation. Oui, depuis de nombreuses années, la dotation des sociétés de l’audiovisuel public est budgétisée à hauteur de 400 à 700 millions d’euros. Il est donc faux d’affirmer que la taxe affectée offre une ressource garantie à l’audiovisuel public. C’est bien le Parlement qui vote la loi de finances et décide chaque année du montant de la redevance et des crédits qui seront attribués, en conformité avec le principe d’annualité budgétaire qui ne permet pas d’engager l’État au-delà de l’année.

Ce qui offre de la prévisibilité, ce sont les contrats d’objectifs et de moyens (COM). Certes, faute de valeur contraignante, ils n’ont pas toujours été respectés, sauf depuis 2018. Au cours des dix dernières années, l’écart cumulé sur les COM a dépassé le milliard d’euros mais, depuis 2018, les trajectoires négociées avec l’audiovisuel public ont été respectées. Qui plus est, l’État est intervenu auprès des sociétés pour leur permettre de surmonter les conséquences financières de la crise sanitaire. La parole de l’État a pu souffrir des pratiques précédentes mais l’État a su réaffirmer son soutien en respectant, dans la période récente, la trajectoire pluriannuelle fixée.

On entend souvent qu’un compte de concours financier empêcherait toute régulation budgétaire. Sans entrer dans le détail, ce n’est pas exact. Rien n’empêcherait Bercy de faire de la régulation, notamment sur les 15 % qui viennent du budget général et qui compensent les exonérations et dégrèvements de CAP. La pratique ne s’est pas imposée mais, d’un point de vue technique, c’est possible.

La suppression de la CAP a du sens parce que l’impôt est injuste et daté. La budgétisation est aussi la voie la plus rationnelle pour les finances publiques, car elle permet de réallouer à d’autres missions les moyens humains  2 000 personnes  affectés au recouvrement et au contrôle de la CAP. Il n’aurait pas été possible de conserver la CAP en l’état du fait de la suppression de la taxe d’habitation : le coût de sa gestion aurait été sans rapport avec son rendement.

La budgétisation est la voie la plus directe si l’on considère que l’audiovisuel public est un bien commun que chacun doit soutenir selon ses moyens. Son intégration dans le budget, au même titre que la justice ou l’éducation, serait une consécration. Parce qu’il répond à des missions essentielles, l’audiovisuel public doit être pleinement considéré.

Cela ne signifie pas que nous devons nous abstenir de prévoir toutes les garanties nécessaires au respect de l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public, dont la garantie des ressources est l’une des composantes, selon le Conseil constitutionnel.

Le versement unique du financement public en début d’année, comme le prévoit le texte, est une mesure de protection importante, équivalente à celle prévue par le compte de concours financier, qui fonctionnait par le versement d’avances, en ce qu’elle rend très difficile toute régulation budgétaire par la suite. L’intégralité de ce qui aura été voté en loi de finances sera versée aux sociétés de l’audiovisuel public.

De même, la mission et les programmes budgétaires sont conservés. Il n’y aura donc aucun risque de transfert financier vers d’autres missions ministérielles. Le Parlement disposera d’autant d’informations qu’aujourd’hui, compte tenu de la répartition des crédits par programme. Ceux-ci feront l’objet de projets et de rapports annuels de performance. Les effets fiscaux de la réforme seront aussi compensés.

Les COM seront renforcés par l’inscription des trajectoires financières des organismes de l’audiovisuel public au sein de la loi de programmation des finances publiques. Le dispositif me semble donc, à court terme, suffisamment protecteur.

Je souhaite que nous débattions, à moyen terme, des missions et des objectifs du service public audiovisuel ainsi que de l’organisation qui permettra de répondre au mieux à ses missions, en respectant la participation de chaque Français, selon ses moyens, à cet investissement essentiel pour l’information, la création et la culture.

Faut-il une entreprise unique, une société-mère qui pourrait financer des projets communs ou, dans un premier temps, des lignes budgétaires clairement identifiées dans le projet de loi de finances ? L’installation de groupements d’intérêt économique est une autre piste, déjà engagée pour le chantier de la mutualisation entre France Télévisions et Radio France. Il faut un pilote dans l’avion.

Je propose que nous en discutions au moment de rendre notre avis sur les prochains COM mais surtout dans le cadre d’une loi d’orientation et de programmation propre à l’audiovisuel public, qui ferait le lien entre les missions que nous assignons à l’audiovisuel public et les ressources que nous lui allouons, et qui permettrait d’orienter les investissements sur des missions prioritaires et d’harmoniser les différentes échéances, qu’il s’agisse des mandats des présidents ou des COM eux-mêmes.

Pourquoi ne pas en profiter pour réformer la loi organique relative aux lois de finances afin d’y détailler les éléments qui garantissent les ressources de l’audiovisuel public, ce que le Conseil constitutionnel considère comme essentiel ?

Pour l’heure, ce texte tire les conséquences des attentes de nos concitoyens qui s’inquiètent de la baisse de leur pouvoir d’achat. Il y avait urgence à agir. Adoptons ce texte et prenons le temps, dès après, de la réflexion pour décider ensemble de l’avenir de l’audiovisuel public.

M. Quentin Bataillon (RE). Je félicite madame la rapporteure pour la qualité de son rapport, fruit de l’expertise qu’elle a acquise dans le domaine de l’audiovisuel public au cours de son mandat précédent à l’Assemblée nationale.

Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir proposé au bureau que notre commission se saisisse pour avis de cet article, ce qui nous permet de mieux accompagner les sociétés de l’audiovisuel public. Leur existence, leur indépendance et leur programmation, dont la qualité est indéniable, sont indispensables à la vie démocratique de notre pays. Nous avons tous apprécié leur rapidité de réaction et leur inventivité pour nous proposer des programmes sans cesse renouvelés, durant le confinement. Ce fut particulièrement bénéfique pour les plus jeunes. C’est le sens du service public.

Pour préserver le pouvoir d’achat des Français et améliorer la lisibilité de notre fiscalité, il est temps de mettre fin à un impôt aussi injuste que la taxe d’habitation à laquelle il était adossé et qui prendra fin en janvier 2023. L’économie s’élèvera à 138 euros en métropole et 88 euros dans les territoires ultramarins pour 23 millions de foyers.

Cette redevance était injuste et obsolète, ne serait-ce que parce qu’elle reposait sur la possession d’un téléviseur. Non seulement elle imposait de recueillir une information qui ne nous concerne pas sur le mode de vie de nos concitoyens mais en plus elle ne distinguait pas selon leurs revenus. Elle ne tenait pas davantage compte de l’évolution des usages puisque nous sommes nombreux à regarder les programmes télévisés sur des tablettes numériques. D’autre part, sa collecte imposerait d’employer 2 000 fonctionnaires à temps plein pour un coût de 29 millions d’euros. Enfin, on ne compte plus les idées reçues qu’elle véhicule : non, la CAP ne garantit pas à elle seule les ressources financières des sociétés de l’audiovisuel public ; 15 % des dotations ne sont pas issues de la contribution mais relèvent du budget de l’État que nous votons chaque année. Du reste, le Parlement peut baisser le montant de cette contribution, comme ce fut le cas dans la précédente loi de finances. Ainsi, le vrai garant des ressources est le Parlement.

Cependant, nous ne sommes pas sourds aux inquiétudes des sociétés de l’audiovisuel public. Elles rappellent avec justesse que l’enjeu est la lisibilité financière pour plusieurs années, en cohérence avec les contrats d’objectifs et de moyens. Ce fut respecté entre 2020 et 2023. L’article 1er du projet de loi de finances rectificative (PLFR) prévoit de sécuriser le montant et son versement intégral aux organismes de l’audiovisuel public. Nous invitons à aller encore plus loin dans cette programmation financière qui est la seule garantie valable. Ce sera notre rôle lors de la prochaine loi de programmation des finances publiques à l’automne prochain. Nous pourrons débattre des priorités et des missions de ce service public essentiel et lui garantir les moyens de son indépendance.

Madame la rapporteure, l’idée du fléchage du produit d’un autre type de prélèvement obligatoire serait-elle pertinente, selon vous ?

M. Roger Chudeau (RN). L’article 1er du PLFR prévoit de supprimer la contribution à l’audiovisuel public. Cette contribution est versée par 23 millions de contribuables. Créée en 1981 pour contribuer au financement de l’audiovisuel public, elle est à présent frappée d’obsolescence : la diffusion par internet d’émissions d’actualité de toute nature ainsi que de courts et longs métrages échappe à toute taxation des consommateurs par l’État ; les téléviseurs, dont la possession entraîne le paiement de la redevance, sont de moins en moins utilisés par les ménages ; la valeur ajoutée de l’audiovisuel public par rapport aux propositions des chaînes du secteur privé est inexistante.

Une redevance ne se justifie donc plus.

Le montant de la redevance s’élève à 88 euros en outre-mer et 138 euros en métropole. Cette charge, dans le contexte économique et social que nous connaissons depuis trois ans, est un fardeau pour les Français dont les revenus sont modestes. L’aggravation des difficultés de nos compatriotes, du fait des choix hasardeux du Président de la République dans la conduite de sa politique économique, rend cette ponction bien trop lourde.

Notre groupe prend bonne note de la suppression de cette contribution et s’en réjouit d’autant plus que cette mesure était prévue dans le programme présidentiel de Marine Le Pen.

Nous déplorons cependant que le Gouvernement, fidèle au dogme macronien du « en même temps », ne tire pas comme conclusion de l’obsolescence de la redevance que l’existence et l’organisation actuelle du service public de l’audiovisuel sont dépassés. En quoi une grande démocratie comme la nôtre aurait-elle encore besoin d’un service public de l’audiovisuel ? Du point de vue des citoyens, qui veulent s’informer et se cultiver, ou de celui du consommateur qui cherche à se divertir, l’offre actuelle gratuite ou payante est pléthorique. Que vient faire l’État dans ce paysage ? Quelles informations supplémentaires France 2 apporte-t-elle par rapport à TF1, BFM ou CNews ? S’agit-il d’indépendance rédactionnelle ? Les chaînes publiques font-elles preuve d’indépendance lorsqu’elles déversent à longueur de journée un brouet politiquement correct, très influencé par la woke culture et la cancel culture d’outre-Atlantique, idéologiquement très marquées à gauche et d’une complaisance jamais démentie vis-à-vis du pouvoir ? Cet entre-soi, de nature systémique, jette le discrédit sur la prétention à l’indépendance du service public.

S’il s’agit de développer le podcast et la production artistique française dans le secteur concurrentiel mondial, de développer une chaîne audiovisuelle éducative, d’assurer la conservation patrimoniale de la production audiovisuelle, de porter la voix de la France à l’étranger et en outre-mer, de disposer d’un moyen de communication généraliste, un consortium national serait le bon format. Nous plaidons donc pour la création par regroupement d’un puissant groupe national capable de concurrencer les géants européens et américains.

C’est pourquoi nous regrettons la pérennisation par ce Gouvernement, grâce à l’argent des contribuables, d’un service public de l’audiovisuel qui a, depuis longtemps, cessé d’œuvrer pour l’intérêt général. Nous appelons à revoir intégralement les missions et l’organisation de l’audiovisuel français.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). La suppression de la contribution à l’audiovisuel public n’est pas à prendre à la légère. Cette question éminemment politique nous renvoie à notre conception du service public, de ses missions, de son indépendance. Or notre commission est saisie uniquement parce qu’elle l’a demandé et pour avis, car cette mesure est cachée dans un projet de loi de finances rectificative examiné en session extraordinaire, en plein cœur de l’été. Pourquoi une telle précipitation ?

Hier, la ministre de la Culture expliquait cette célérité par la volonté du Président de la République. Elle nous promettait d’ailleurs l’accès à un rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles, que nous n’avons toujours pas reçu. À présent que le Président de la République ne détient plus la majorité absolue au sein de cette assemblée, peut-être faudra-t-il s’habituer à faire autrement. Heureusement, nous avons pu rencontrer ce matin, in extremis, les responsables des sociétés et établissement concernés par la suppression de cette redevance. Il y a deux semaines, alors que s’ouvrait la législature, les salariés de ces mêmes établissements, en grève et mobilisés, nous alertaient. Au nom de mon groupe, j’ai rencontré bon nombre des syndicats et des acteurs : leurs propos confirment nos analyses, nos inquiétudes et notre défiance envers cette proposition.

Présenter cette suppression comme une mesure destinée à renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens est une arnaque. Ou trouverez-vous les 3,7 milliards promis à l’audiovisuel public ? Soit les recettes augmentent, ce qui suppose que vous augmentiez les impôts, soit vous transférez des crédits et on se demande quel autre service public sera sacrifié – pourquoi pas l’Éducation nationale ou la justice ? Bref, vous donnez d’une main ce que vous prenez de l’autre. Ce ne sont pas des tours de passe-passe qui nous donneront confiance dans les prétendues garanties que vous annoncez ou les contrats d’objectifs et de moyens, dont l’inefficacité est dénoncée par les acteurs de l’audiovisuel public.

Roselyne Bachelot, alors ministre de la Culture, affirmait que 1 euro investi dans France Télévisions générait 2,40 euros de valeur ajoutée. Cette valeur ajoutée, ce sont des emplois, des œuvres culturelles, des compétitions sportives, qui enrichissent notre culture commune et contribuent à notre rayonnement dans le monde. Ne plus garantir un financement, c’est laisser la mainmise aux acteurs du privé et à leurs agendas personnels, purement financiers ou idéologiques, comme celui de l’oligarque Bolloré, qui permet la diffusion de documentaires contre le droit à l’avortement sur ses chaînes de télévision et refuse de financer un film de François Ozon sous prétexte qu’il aborde le sujet de la pédocriminalité dans l’Église. Nous venons d’ailleurs d’assister à l’exultation de notre collègue d’extrême droite.

La budgétisation entraîne une insécurité permanente pour ceux qui dirigent les services mais aussi une précarisation de leurs salariés. Ce matin, Mme Ernotte nous apprenait qu’après cinq années de plans sociaux chez France Télévisions, nous arrivions au bout de l’exercice, laissant deviner l’état critique du service public.

Budgétiser, c’est transformer nos chaînes indépendantes en chaînes gouvernementales. Nous vous invitons donc à voter contre la suppression de la CAP et la budgétisation. Pourquoi prendre une telle décision alors que 80 % des Français y sont opposés et que Julia Cagé propose, dans son rapport, d’autres scénarios. Car, nous sommes d’accord, nous ne pouvons pas conserver la CAP en l’état. Elle doit être plus juste et adaptée aux nouveaux usages. Pourquoi ne pas la rendre progressive en prévoyant différentes tranches selon les revenus ? Les Français seraient 85 % à y gagner en pouvoir d’achat. Et si nous voulons augmenter le financement du service public de l’audiovisuel, nous pouvons taxer davantage les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft).

Je vous invite à suivre l’avis de la majorité des Français et à préserver le bien commun. Au contraire, si vous vous soumettez à la décision arbitraire du Président de la République, vous signerez l’arrêt de mort du service public de l’audiovisuel.

Mme Frédérique Meunier (LR). Durant la campagne électorale, le Président de la République a annoncé son intention de supprimer la contribution à l’audiovisuel public, au nom de la défense du pouvoir d’achat. On aurait espéré que cette mesure intervienne après un débat parlementaire autour d’une réforme de l’audiovisuel. Hélas, elle est prévue dès la prochaine loi de finances rectificative, accompagnée du remboursement des versements aux contribuables mensualisés. Une telle décision méritait mieux qu’un débat dans l’urgence.

L’audiovisuel public est l’un des vecteurs essentiels de la diversité culturelle. Il permet de financer la création cinématographique, de garantir sa pluralité et sa valorisation auprès de tous les publics. Il participe à la diffusion de documentaires, de débats, de programmes culturels, de fiction, d’animation et de cinéma, d’informations, à la radio ou à la télévision. Il contribue au rayonnement de la culture dans sa diversité, en France, en Europe et dans le monde entier.

Il est le garant d’une information plurielle et indépendante. D’ailleurs, il réalise la meilleure audience dans chacun de ces domaines.

Pour assurer son indépendance et son financement, son budget ne saurait être décidé par le Gouvernement ni soumis aux aléas du vote des lois de finances. Il doit disposer d’une recette affectée, pour garantir son indépendance économique et politique, au niveau de l’information ou de la diversité culturelle.

La suppression de la contribution à l’audiovisuel public nous plonge dans l’incertitude et nourrit l’inquiétude des responsables de l’audiovisuel public. C’est le lien entre les Français et l’audiovisuel public qui pourrait s’affaiblir. Nous devrons être attentifs à l’offre locale. Cette redevance garantit en effet le financement pérenne de l’audiovisuel public national et local. Nous devrons également réfléchir à la création d’un véritable média de service public, territorialisé, qui puisse décliner son offre éditoriale sur tous les supports.

Enfin, pour défendre un service public de l’audiovisuel fort, nous devrons nous assurer qu’il bénéficie d’un financement adapté, pérenne, garant de son indépendance, sur le modèle de nos voisins européens qui ont modernisé leur redevance audiovisuelle. Nous devons lui assurer les moyens de remplir ses missions et de se développer pour conquérir de nouveaux publics, investir dans une création diverse et déployer son offre sur tous les supports.

Notre groupe veillera aux garanties offertes par ce nouveau financement. Nos services publics sont déjà bien suffisamment malmenés.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Notre famille politique est attachée à l’existence d’un service public fort au sein du paysage audiovisuel, à l’heure où les réseaux sociaux sont le théâtre de vastes entreprises de désinformation et où certaines chaînes privées n’hésitent plus à relayer des fake news, ou prétendues vérités alternatives.

La politique mise en place par France Télévisions lors du premier confinement, en mars 2020, avec la programmation sur le canal de France 4 de cours dispensés par des professeurs de l’Éducation nationale, est un très bel exemple de l’utilité première du service public, seul à même de proposer un tel dispositif.

La suppression de la CAP est tout sauf une remise en cause des missions et de l’indépendance du service public. Cette mesure est proposée en raison de la caducité de la redevance liée aux évolutions technologiques et au changement dans les pratiques culturelles de nos compatriotes. De plus, elle était perçue avec la taxe d’habitation, supprimée sous la précédente législature pour plus de 80 % des foyers fiscaux.

Les 3,7 milliards d’euros que rapporte la CAP bénéficient à France Télévisions, Radio France, ARTE, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel et TV5 Monde. Elle touche 27,6 millions de foyers mais sa perception ne concerne que les foyers détenteurs d’un poste de télévision. Or près de 80 % des personnes âgés de 16 à 24 ans n’en possèdent pas, lui préférant l’ordinateur ou le téléphone portable. Il n’y a donc plus d’égalité fiscale devant cet impôt, qui n’est plus adapté à notre époque.

C’est pourquoi il convient de remplacer ce dispositif par un autre, garantissant la pérennité, la qualité, l’indépendance et les équilibres du service public de l’audiovisuel. La solution est la création, au sein du budget général de l’État, d’une mission Audiovisuel public. Celle-ci serait abondée de 1,5 milliard d’euros pour les derniers mois de 2022, répartis sur six programmes correspondant aux six opérateurs de l’audiovisuel public.

Nous saluons la visibilité pluriannuelle accrue et le versement en début d’année. Cette mesure va dans le bon sens car elle sécurise le dispositif, la dotation ne pouvant être ni gelée ni annulée unilatéralement par l’État. Il conviendra que l’évaluation des besoins nécessaires annuellement soit établie de manière impartiale par une commission indépendante. Il faut pour cela étudier dès à présent la création d’une telle commission, qui devra assurer l’existence et la permanence non pas, comme certains le craignent, d’un audiovisuel au service de l’État mais d’un service public audiovisuel exigeant. Notre groupe sera particulièrement attentif à ce sujet.

M. Inaki Echaniz (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés se prononce contre la suppression de la CAP. Vous ne pouvez pas ignorer les vives inquiétudes exprimées ce matin par les responsables des chaînes de l’audiovisuel public sur le manque d’indépendance, les moyens insuffisants, les conditions de travail dégradées et le rayonnement national et international en berne.

Il ne s’agit ni d’une réforme ni d’une mesure en faveur du pouvoir d’achat : c’est simplement l’application d’une doctrine toujours plus libérale. Où sont les garanties promises ? D’où viendront les 3,7 milliards ? Vous n’êtes pas prêts !

Nous nous étonnons également de l’incohérence de nos collègues du groupe Les Républicains, qui sont nombreux à avoir exprimé leur opposition à la suppression et leur attachement au service public de l’audiovisuel. Pourtant, ils ont rejeté en bloc les amendements examinés hier en commission des finances. Je les invite donc à prendre leurs responsabilités.

Pour notre part, nous proposons une véritable réforme, budgétée, équilibrée, juste socialement et fiscalement. La majorité des Français est contre cette suppression et votre argument sur la promesse présidentielle ne tient pas. Rappelons que si Emmanuel Macron a été élu Président, c’est uniquement pour faire barrage à Marine Le Pen. Or, une nouvelle fois, le Rassemblement national est l’allié objectif de la majorité dans la mise sous tutelle de l’audiovisuel avec, à terme, le même objectif de contrôle du contenu. Vous ouvrez une brèche dangereuse pour l’avenir : après l’école, l’hôpital, La Poste, l’Office national des forêts, vous continuez à appliquer votre politique libérale de casse des services publics. Nous, nous continuerons de les défendre pour plus de justice sociale.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Il est légitime que l’Assemblée s’interroge sur la pertinence d’une redevance qui existe depuis près de quatre-vingt-dix ans, comme le font d’autres pays européens – le Royaume-Uni a ainsi prévu de la supprimer en 2027.

Mon groupe est profondément attaché à l’indépendance et au financement de l’audiovisuel public, lequel n’a jamais été aussi nécessaire pour faire face aux campagnes de désinformation et à la place prise par les réseaux sociaux, ainsi que pour assurer aux Français un égal accès à la culture et au sport. Un audiovisuel public fort et indépendant est capable d’offrir des programmes différents de ce que produisent les acteurs privés. J’invite les députés du Rassemblement national à regarder de près les programmes de ces médias : les différences et les complémentarités sont significatives.

Nous avons entendu ce matin les inquiétudes des dirigeants de l’audiovisuel public. Pour préserver leur indépendance ainsi que leur capacité à investir et à offrir des programmes de qualité, ils ont besoin de garanties et de visibilité financière sur plusieurs années. Nous devons sécuriser leur programmation financière, par exemple en fléchant un prélèvement obligatoire – nous souhaitons qu’un tel dispositif puisse être étudié. Enfin, les effets fiscaux et financiers de la suppression de la CAP seront importants et devront être entièrement compensés : nous serons très vigilants sur ce point.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Si la commission des affaires culturelles examine cet article, ce n’est pas au titre du pouvoir d’achat. Cet aspect n’est d’ailleurs pas le plus important puisque les ménages les plus modestes sont exonérés de la redevance.

Le groupe des écologistes s’oppose à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Au lendemain des élections législatives, on nous avait parlé d’une nouvelle méthode, censée recourir à la concertation. Or cette réforme, pourtant importante, n’a donné lieu à aucune concertation. Elle aurait mérité une loi de programmation, avec un calendrier mieux ficelé – le changement du mode de financement intervient alors que les contrats d’objectifs et de moyens (COM) arrivent à échéance.

Autre problème de méthode, vous affirmez que le Parlement tranchera. Il n’en est rien : nous perdrons la capacité d’intervenir sur les recettes et les dépenses de l’audiovisuel public, notre rôle étant limité à l’approbation ou au rejet des crédits. Nous ne pourrons plus que déshabiller Radio France pour habiller France Télévisions.

Le contexte pose également problème. Votre réforme intervient alors que nous connaissons une concentration inédite des médias privés et une baisse continue des moyens alloués à l’audiovisuel public. Les patrons d’entreprises publiques eux-mêmes nous demandent d’arrêter la casse sociale et d’empêcher celle du service public.

Enfin, nous devons débattre de la question des recettes affectées. Une telle ressource permet de garantir l’indépendance du service public de l’audiovisuel, contrairement aux mesures que vous proposez – par exemple, le versement des fonds en une seule fois en début d’année –, qui ne sont que du bricolage.

En tant que commissaire aux affaires culturelles, je vous invite à vous détacher de la question du pouvoir d’achat et à vous concentrer sur ce qui fait notre raison d’être : les enjeux culturels, d’information et de service public.

M. Stéphane Peu (GDR-NUPES). Notre rapporteure pour avis nous propose de supprimer dès maintenant la redevance et renvoie à plus tard la réflexion sur l’avenir de l’audiovisuel public. La bonne méthode de gouvernement, qu’il soit national ou local, est de réfléchir d’abord et d’agir ensuite. Or vous nous proposez l’inverse : on a un peu de mal à croire à votre sincérité.

Alors que les acteurs du monde de l’audiovisuel, de la culture et de la création se sont unanimement exprimés contre votre réforme, vous la faites passer en catimini, au cœur de l’été, dans une loi de finances rectificative, sans la moindre concertation ni étude d’impact. Cela me rappelle furieusement les débats sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés sous la précédente législature : à six reprises, vous avez rejeté cette mesure alors qu’elle était souhaitée par l’ensemble des associations. Cette méthode de surplomb, de verticalité, d’arrogance et de mépris de la part du pouvoir en place n’est pas supportable dans les conditions politiques de cette législature : il va falloir apprendre à changer de ton, de registre et de méthode politique, sinon toutes vos promesses resteront à l’état de vœux pieux.

Plus dangereux encore, l’extrême droite est la première à avoir proposé une telle mesure – Zemmour et Le Pen l’ont demandé, Macron l’a fait ! Or j’ai bien écouté le député du Rassemblement national : il souhaite que l’on supprime non seulement la redevance mais aussi le secteur de l’audiovisuel public. Vous avez dit oui à la première proposition de l’extrême droite ; que répondrez-vous à la seconde ? En cédant au Rassemblement national, vous mettez en danger l’audiovisuel public.

Par ailleurs, en supprimant une recette affectée, vous mettez en question la notion d’indépendance. Un service public de l’audiovisuel et une radio-télévision d’État, ce sont deux choses différentes. La budgétisation complète, en lieu et place d’une recette affectée, fait courir le risque d’une étatisation de l’audiovisuel public, qui remettrait en cause son indépendance.

Les arguments que vous nous opposez concernant l’obsolescence ou l’injustice de la redevance n’ont pas de sens. Nous ferons en séance, par voie d’amendements, des propositions pour rendre la redevance plus juste, calculée à proportion des revenus de chacun. Quant à son obsolescence, nous souhaitons en effet que la redevance soit universelle et payée par tous, quel que soit le support utilisé, car nous bénéficions tous du travail de l’audiovisuel public.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Le sujet qui nous occupe est structurel et je regrette que nous l’abordions sous le seul angle budgétaire. Inséré dans le projet de loi de finances rectificative, il est présenté comme une mesure de pouvoir d’achat. Or sa suppression est loin d’être anodine et ne peut se résumer à faire gagner 88 ou 138 euros par an aux ménages concernés.

La suppression de la CAP est une réforme d’ampleur, qui nécessite un débat approfondi sur l’avenir de l’audiovisuel public dans tous ses aspects. Une telle réforme mérite un autre véhicule législatif qu’une loi de finances rectificative. Notre groupe a donc déposé un amendement de suppression de l’article 1er, car nous estimons que les conditions ne sont pas réunies pour supprimer purement et simplement la redevance.

Pour financer l’audiovisuel public, le Gouvernement propose de recourir au budget général de l’État, ce qui peut légitimement faire craindre pour la pérennité des ressources affectées à l’audiovisuel. La suppression de la CAP conduira en effet à une perte de recettes de plus de 9 milliards d’euros. Si les 3 milliards affectés à l’audiovisuel public sont pris sur le budget d’État, cela réduira d’autant les crédits accordés à d’autres dépenses, au détriment des citoyens. Ils risquent également de diminuer, avec un impact direct sur les ressources futures de l’audiovisuel public. Le Gouvernement s’est montré favorable à une garantie pluriannuelle, pour donner plus de visibilité, mais comment compte-t-il réellement l’assurer dès lors que la règle demeure celle de l’annualité budgétaire ?

Pour les mêmes raisons, nous devons entendre les craintes concernant la transparence et l’indépendance de l’audiovisuel public. Nous ne pouvons pas rendre son financement dépendant du bon vouloir de l’exécutif ou encore des cycles des majorités politiques. Maintenir une ressource affectée, c’est assurer un financement stable, pérenne, public, indispensable pour soutenir le cinéma, la fiction, le documentaire, la création, mais aussi et surtout un service public de l’information de qualité et indépendant.

Il faut toutefois reconnaître que la redevance audiovisuelle est un impôt régressif, injuste car uniforme, justifiant de ce fait une réforme. Celle-ci doit permettre de garantir tout à la fois l’équité de la justice fiscale, la pérennité des ressources ainsi que l’indépendance de l’audiovisuel public. La suppression de la CAP seule ne sera pas suffisante. Il faut donc réfléchir à d’autres formes de financement et se donner le temps de les appliquer dans le cadre d’une réforme d’ampleur, avec une vraie vision stratégique. Ce sujet, abandonné lors de la précédente législature, ne peut être traité en enjambant le débat citoyen et parlementaire.

Mme Emmanuelle Anthoine. Si on ne considère que l’offre télévisuelle, une enquête menée en décembre 2021 par Harris Interactive pour France Télévisions mesure à quel point les Français sont attachés à l’audiovisuel public : 64 % des répondants préfèrent les chaînes de télévision publiques aux chaînes privées, notamment parce qu’elles mettent en valeur le territoire. Pour les trois quarts des Français, la disparition de l’offre publique ferait courir le risque de perdre des programmes intéressants et accessibles gratuitement. Les Français restent donc attachés à leur service public et ce, même si 67 % d’entre eux sont conscients des gains de pouvoir d’achat que procurerait la suppression de la CAP. Ainsi, le fondement de votre mesure échoue à convaincre les Français, qui craignent davantage une perte de leurs services publics et vous demandent d’épargner l’audiovisuel public, l’un des derniers auxquels ils ont encore accès.

Comment envisagez-vous de maintenir un audiovisuel de qualité, utile à la société, auquel sont attachés les Français, alors que vous supprimez sa principale garantie d’indépendance ?

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Monsieur Bataillon, vous avez proposé de recourir à un fléchage d’une partie des prélèvements obligatoires. Or, à partir de 2025, toute affectation de taxe devra avoir un lien direct avec la mission de service public concernée.

Par ailleurs, la relation entre les Français et l’audiovisuel public n’est pas parfaite : tous ceux qui écoutent l’audiovisuel public n’y contribuent pas forcément, tandis que ceux qui y contribuent ne l’écoutent pas forcément. Créer un lien, cela peut passer par l’impôt, de la même façon que ceux qui payent l’impôt financent le service public de l’éducation, qu’ils aient ou non des enfants.

Monsieur Chudeau, vous voulez supprimer l’audiovisuel public parce que vous considérez qu’il n’a pas de valeur ajoutée : je le conteste. Un média soumis à la pression des annonceurs n’agit pas dans l’intérêt de tous les Français, mais seulement dans celui de ses annonceurs ou du public que ceux-ci veulent toucher. Ainsi, l’information sur France 2 est totalement différente de celle diffusée sur CNews. Seul le service public peut, à une heure de grande écoute, diffuser un téléfilm sur le viol suivi d’un débat raisonné sur la prévention des violences faites aux femmes. Du reste, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public n’entraînera ni la suppression ni même la réduction de l’audiovisuel public. C’est seulement une question d’organisation.

Madame Legrain, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public ne cache rien. Je regrette, moi aussi, que le rapport des inspections n’ait pas été porté à notre connaissance. J’appuie donc votre demande pour qu’il soit mis à la disposition des parlementaires.

Nous avons toutefois auditionné les quatre inspecteurs généraux, qui ont évoqué les différentes possibilités sur lesquelles ils avaient commencé à travailler, en particulier la possibilité de budgétiser. Ils veulent l’assortir d’une commission indépendante, dont ils ont une vision assez différente de celle proposée par le Sénat. Le rôle d’une telle commission devrait être discuté, en particulier au regard de celui de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), qui a déjà pour mission de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public et préside à la sélection des dirigeants de celui-ci.

Si la compensation devra se faire à hauteur de 3 milliards, celle-ci ne se fera pas en prélevant ce montant depuis une autre mission budgétaire ; le travail sera mené avec beaucoup de précision. Les 29 millions d’euros et les 2 000 emplois à temps plein économisés sur la collecte de la redevance seront redéployés et renforceront ainsi d’autres services publics.

Nous reviendrons, lors de l’examen des amendements, sur la taxation des GAFAM et sur tous les efforts qui ont été accomplis pour y parvenir, particulièrement au niveau européen.

Madame Meunier, quand le Président de la République a évoqué la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, il l’envisageait initialement pour 2023. Puis, compte tenu de l’urgence de la protection du pouvoir d’achat, il a proposé de le faire dès 2022, raison pour laquelle cette mesure se retrouve dans le présent texte.

Le lien entre les Français et la contribution à l’audiovisuel public est parfois mal compris. Certaines personnes qui écoutent la radio publique sont fières de vous dire qu’elles ne payent pas la CAP parce qu’elles ne possèdent pas de télévision, oubliant que cette contribution sert aussi à financer la radio. De plus, on observe un décrochage chez les jeunes de 16 à 24 ans, auxquels il va falloir expliquer qu’il s’agit d’un bien commun et que chacun doit y contribuer selon ses moyens.

La proposition sénatoriale de créer France Médias Régions doit être sérieusement étudiée car elle permettrait, outre de véritables gains de synergie, de parler de l’actualité de la ruralité.

Madame Bannier, je vous remercie d’avoir justement rappelé que le versement des crédits en début d’année est une garantie qu’il faut pérenniser – à cet égard, l’article 1er constitue une bonne surprise.

Plusieurs questions se posent au sujet du champ de compétence et des objectifs de la commission indépendante. Aura-t-elle seulement pour tâche d’apprécier l’adéquation entre les ressources et les missions ? Quelles personnes seront le plus à même d’en juger ? Nous accomplissons déjà ce travail, à travers l’examen des COM. Nous sommes également appelés à connaître de cette question aux côtés de l’ARCOM. La question, dès lors, est de déterminer la valeur ajoutée qu’apportera la commission. Sera-t-elle constituée d’auditeurs issus du public comme du privé ? Comprendra-t-elle des personnalités qualifiées en matière de ressources humaines ? Jusqu’où pourra-t-elle aller dans l’examen du budget et de la gestion des fonds de chaque entreprise – domaine qui relève de la compétence du conseil d’administration, comme l’a rappelé Delphine Ernotte ? Pourra-t-elle examiner les budgets ligne par ligne ? Ces questions ne sont pas encore tranchées.

Monsieur Echaniz, vous conviendrez avec moi que, même si on ne partage pas les idées de son voisin, on n’a aucune raison de s’interdire de goûter le même plat que lui. Nous pensons que la suppression de la CAP renforcera le pouvoir d’achat et, loin de défaire l’audiovisuel public, lui donnera une nouvelle impulsion, en renforçant le lien qui l’unit aux Français. Chacun y contribuera à la mesure de ses moyens.

Monsieur Patrier-Leitus, les effets fiscaux sont compensés mais, vous avez raison, on pourrait aller un peu plus loin dans leur prise en compte. Les répercussions budgétaires des mesures de compensation peuvent atteindre plusieurs millions. À titre d’exemple, les sociétés de l’audiovisuel public bénéficient de droits à déduction de la TVA sur leurs achats, parce que la CAP était soumise à une part de TVA. Ces sociétés accomplissent en effet de nombreux achats, dont le coût est accru par l’inflation. La direction du budget et les sociétés concernées examinent de près ces effets fiscaux. Nous pourrions envisager de préciser un peu plus dans le texte l’obligation de compensation, même si l’administration considère que cela tombe sous le sens.

Madame Taillé-Polian, des foyers sont aujourd’hui exonérés de la CAP, tandis que d’autres l’acquittent bien qu’ils ne soient pas soumis à l’impôt sur le revenu : c’est le cas de 5 millions de foyers, qui bénéficieront d’un gain de pouvoir d’achat net de 138 euros.

On aimerait toujours commencer par une loi de programmation mais, en l’occurrence, on a l’occasion de l’exiger. Il y a deux types de lois de programmation. La loi de programmation des finances publiques, qui sera discutée à l’automne, définira un premier cadre et déterminera la trajectoire de la mission budgétaire. Parallèlement, je nous engage vraiment à élaborer une loi d’orientation et de programmation sectorielle, qui nous permettrait d’aller beaucoup plus loin, en identifiant les points de synergie et les priorités, et en prévoyant la création de programmes qui s’ajouteraient aux six prévus.

La concentration des médias privés est en effet un véritable défi. Les règles sont parfois trop cloisonnées, qu’elles se focalisent sur la concentration verticale ou sur la concentration horizontale. C’est un chantier qu’il va falloir engager. La ministre Roselyne Bachelot avait demandé un rapport pour améliorer l’audit de la contribution à l’audiovisuel public, lequel, à ma connaissance, n’a pas encore été remis publiquement. Nous pourrions en faire la demande. Nous avons également suivi d’autres travaux – vous avez fait référence à ceux de Julia Cagé. Le financement de l’audiovisuel public nous permettra de contrebalancer la concentration des grands groupes, mais ce n’est pas l’objet de la discussion du jour.

Monsieur Peu, apprendre à changer de méthode, c’est peut-être s’engager à ce qu’on bâtisse cette loi de programmation et d’orientation. C’est au Parlement que cela peut se faire. Les parlementaires pourront plus facilement proposer ce texte s’ils sont unis sur l’ensemble des bancs ; tout ne sera pas alors à la main du Gouvernement.

Par ailleurs, comme je l’ai dit, la budgétisation existe déjà : ne la nions pas.

Monsieur Lenormand, il est beaucoup plus aisé d’assurer l’équité en recourant à l’impôt sur le revenu.

Madame Anthoine, les trois quarts des Français sont en effet attachés au service public audiovisuel, mais la même proportion d’entre eux sera satisfaite de bénéficier d’un gain de pouvoir d’achat. Ce n’est pas contradictoire.

 

La commission en vient à l’examen de l’article du projet de loi.

Article 1er : Réforme du financement de l’audiovisuel public – Suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Amendements de suppression AC2 de Mme Ségolène Amiot, AC4 de M. Bertrand Pancher et AC6 de M. Inaki Echaniz.

Mme Ségolène Amiot. Je suis abasourdie qu’un projet aussi dangereux pour l’audiovisuel public et la création culturelle soit ainsi voté en catimini, noyé dans un projet de loi de finances. Quel est l’enjeu réel cet article ? Vous voulez faire économiser 138 euros par an aux Français, alors que cela ne représente qu’un plein d’essence ? Si vous voulez être efficaces, bloquez les prix des carburants.

Vous voulez supprimer cette redevance et promettez d’en maintenir les finances, mais comment vous croire après cinq ans de coupes budgétaires sur l’audiovisuel ? Vous donnez de la main gauche pour reprendre de la main droite. Vous allez ouvrir la boîte de Pandore de la privatisation, déjà soutenue par un amendement de l’extrême droite, qui ne désire qu’un monopole « bolloréen » où toute diversité d’opinion sera censurée. Vous voulez supprimer la redevance ? Assumez-le ! Retirez cet article ou votez pour sa suppression. Prenons le temps de la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés et déposez un texte clair et complet avec vos propositions, afin de respecter le processus démocratique.

M. Stéphane Lenormand. Si nous demandons la suppression de cet article, c’est parce que nous voulons une réforme offrant une vision stratégique et ambitieuse de l’audiovisuel public et que la suppression pure et simple de la redevance ne peut en aucun cas en être la première étape. De nouvelles sources de financement assurant l’indépendance de l’information et la créativité artistique doivent être réfléchies et proposées, surtout, dans le contexte un peu inquiétant d’une forte concentration des médias dans les mains de quelques groupes privés.

M. Inaki Echaniz. Si la suppression de la redevance en 2023 figurait dans le projet d’Emmanuel Macron, pourquoi ne prenons-nous pas le temps d’une année pour en discuter ensemble, pour faire le point et proposer une véritable réforme cohérente et structurée répondant aux grands enjeux pour l’audiovisuel public ? Il faut prendre le temps, ne pas se précipiter, comme vous l’avez fait par le passé, pour construire ce parlementarisme, construire cette commission autour d’un programme de partage et de cohérence. Pourquoi, du reste, ne pas auditionner Mme Cagé, auteur d’un excellent rapport, global et circonstancié, qui analyse la situation de l’audiovisuel à l’échelle nationale et internationale ?

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Conformément à l’avis global que j’ai présenté, je donne un avis défavorable à ces trois amendements de suppression. On voit qu’il faut mettre fin à cette contribution, car le système actuel n’est pas exempt de défauts. Le choix de la budgétisation s’explique par le fait que, depuis la suppression de la taxe d’habitation, nous ne disposons plus du véhicule permettant de collecter cette contribution. Surtout, il s’agit de redonner du pouvoir d’achat dès 2022.

De toute façon, avec la suppression de la taxe d’habitation, la question se pose pour 2023. Nous acterions donc aujourd’hui une mesure qui permettrait de répondre très rapidement au souci principal des Français sans obérer, en vertu du dispositif de l’article 1er, la garantie que l’audiovisuel public verra son financement pérennisé et que les effets fiscaux seront compensés.

Mme Sophie Taillé-Polian. Nous reconnaissons unanimement que cet impôt doit évoluer, voire qu’il doit être supprimé, mais la question est de savoir pour quoi faire. Si nous concevons notre mission de parlementaires dans un esprit quelque peu offensif et pensons qu’il faut adosser cette réflexion à une loi de programmation, refusons cette suppression pure et simple – il y a sur la table de nombreuses autres propositions pour le pouvoir d’achat – et faisons en sorte que le travail soit réalisé correctement.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Il n’est pas nécessaire d’adosser cette suppression à une loi de programmation, mais il est important d’en prévoir une. Les deux choses sont indépendantes.

La commission rejette les amendements.

Amendement AC5 de Mme Sarah Legrain.

M. Paul Vannier. Nous sommes vos opposants, mais aussi les premiers proposants. Cet amendement tend à remplacer la redevance par une contribution universelle et progressive. Concrètement, il s’agit de faire moins payer les ménages modestes et davantage contribuer les ménages les plus aisés, en nous inspirant du rapport de Julia Cagé.

Notre proposition représente ainsi un gain de pouvoir d’achat pour 85 % des Français. Elle assure le maintien d’un financement affecté et dynamique, indispensable au développement d’un service public de qualité et indépendant du pouvoir politique, alors que la vôtre menace de transformer l’audiovisuel public en média d’État, tout en le plaçant dans l’incertitude permanente.

Notre proposition est opérationnelle, comme en témoigne l’exemple norvégien. Vous pouvez vous en saisir pour en conjuguer les vertus. Vous pouvez aussi la rejeter, et vous serez alors obtus.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Comme vous, je souhaite que cette contribution soit plus progressive, et je me suis intéressée au modèle suédois ou finlandais, qui applique une taxe affectée et progressive, dont le montant diffère donc selon les revenus. Ce modèle est intéressant, mais le système fiscal dans lequel il s’inscrit, reposant sur l’individu, diffère du nôtre, qui est assis sur le foyer. Une budgétisation m’a donc paru mieux permettre cette progressivité, afin que la contribution de chaque Français soit à la hauteur de ses moyens. La mesure proposée remédie à l’un des défauts de la CAP, qui était de toucher de manière identique tous les contribuables au-dessus d’un certain seuil, mais nous y parvenons également dans notre système fiscal en budgétisant ce financement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC8 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui vise à supprimer du livre des procédures fiscales un paragraphe qui sera vidé de sa substance par l’alinéa 20 de l’article 1er.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. L’amendement n’est pas utile : le paragraphe que vous mentionnez sera automatiquement abrogé s’il est vidé de son contenu. J’en demande donc le retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC9 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Rédactionnel lui aussi, il vise à corriger une erreur de référence.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. J’y suis favorable sur le fond, mais il est satisfait : un amendement identique a été adopté par la commission des finances.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC7 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. La suppression de la CAP aura des effets incertains sur la fiscalité. La charge du financement de l’audiovisuel public sera non pas supprimée, mais déplacée vers le budget général. Dès lors, de nombreuses questions se posent : quelles ressources viendront remplacer la CAP ? Quelles seront les garanties apportées à l’indépendance de l’audiovisuel public après la suppression de cette taxe affectée ? Compte tenu du solde public et à défaut de fiscalité nouvelle, comment le coût de la mesure sera-t-il absorbé ? Comment les moyens consacrés à l’audiovisuel public évolueront-ils ?

Il y a de grands risques que la suppression de cette recette fiscale soit compensée par l’augmentation d’autres recettes fiscales ou, à défaut, par un creusement du déficit public. Surtout, les garanties apportées à l’indépendance de l’audiovisuel public par l’existence d’une taxe affectée volent en éclats, son financement étant transféré au sein du budget général. Face à toutes ces interrogations sur les effets de la mesure, il convient d’en prévoir une évaluation indépendante.

L’évaluation des politiques publiques est une prérogative qui a été confiée au Parlement par l’article 24 de la Constitution. Saisissons l’occasion de cette réforme, dont l’évaluation est particulièrement nécessaire, pour nous emparer de cette mission. Ainsi, cet amendement prévoit une évaluation des incidences de la réforme du financement de l’audiovisuel public sur : la fiscalité et la répartition de la charge fiscale entre les contribuables ; le budget de l’État et le creusement du déficit public ; l’évolution du niveau de financement et des moyens de l’audiovisuel public ; l’indépendance de ce financement.

Cette évaluation serait réalisée au terme des deux exercices fiscaux soumis à la réforme. Elle donnerait lieu à un débat à l’Assemblée nationale et au Sénat, afin d’envisager les évolutions législatives à apporter.

Une telle clause de revoyure permettrait au Parlement de se prononcer sur le maintien, l’évolution ou la suppression de la réforme, après en avoir fait l’expérience et instruit son évaluation.

M. Roger Chudeau. Nous sommes évidemment favorables au contrôle, par la représentation nationale, du nouveau mode de financement de l’audiovisuel public ; un tel contrôle nous paraît légitime et nécessaire. Toutefois, nous ne voyons pas très bien l’intérêt de confier cette évaluation à un organisme de recherche public. L’Assemblée nationale peut parfaitement saisir la Cour des comptes à cette fin. Si vous modifiez cet aspect de votre proposition, madame Anthoine, nous voterons votre amendement.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. Il faut toujours évaluer, et nous devrons nous pencher sérieusement sur la question. J’émets un avis défavorable, car le Parlement est en mesure de faire lui-même cette évaluation.

Mme Emmanuelle Anthoine. Je retire l’amendement pour en revoir la rédaction.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AC1 de M. Rodrigo Arenas.

M. Rodrigo Arenas. Les acteurs que nous avons entendus ce matin ont été unanimes à propos de l’impact de la numérisation et du développement des supports numériques par le pôle public de l’audiovisuel. Ils ont souligné que les plateformes qui utilisent ces supports ont une activité qui dépasse de loin le champ de la télévision. Je rappelle le chiffre d’affaires réalisé en 2021 par certaines de ces plateformes : environ 257 milliards de dollars pour Google – soit une hausse de 41 % par rapport à 2020 ; 470 milliards pour Amazon ; 51,7 milliards pour Microsoft. Notre fiscalité n’est plus adaptée.

Le dispositif fiscal que nous proposons par cet amendement prendrait le relais de celui qui a été institué au cours de la législature précédente. Il s’agit d’avoir une fiscalité qui s’adapte aux usages du numérique. Avec les critères que nous avons retenus, il serait possible d’élargir l’assiette de la taxe et d’en augmenter le taux – le taux actuel étant dérisoire par rapport aux chiffres d’affaires réalisés.

Cette taxe procurerait une ressource supplémentaire et, si je puis m’exprimer ainsi, nous n’aurions pas à grappiller dans d’autres enveloppes pour compenser la suppression de la CAP, autrement dit à déshabiller Pierre pour habiller Paul.

Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis. La France a été aux avant-postes de la taxation des GAFAM. Il lui a même été reproché de taxer de manière disproportionnée certaines entreprises technologiques américaines. C’est un premier pas, dans un contexte bien connu d’évitement fiscal de la part des grandes entreprises multinationales. L’Union européenne puis l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont désormais pris le relais pour l’instauration d’une telle taxation au niveau international.

Je constate qu’il s’agit avant tout d’un amendement d’appel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifié.

 

*

*     *

En conséquence, sous réserve de l’amendement qu’elle propose, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative pour 2022 (n° 17).


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   ANNEXE :
TRAVAUX PRéALABLES

 

I.   Travaux de la commission

Les commissaires ont interrogé Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, sur la réforme proposée, à l’occasion de son audition du mardi 12 juillet 2022 à 17 heures 30 :

Lien vidéo : https://assnat.fr/9Z8L80

Lien vers le compte rendu : https://assnat.fr/0m2Wfi

La Commission a organisé une table ronde sur la réforme du financement de l’audiovisuel public réunissant les responsables des sociétés et établissement concernés, le mercredi 13 juillet 2022 à 9 heures 30 :

Lien vidéo : https://assnat.fr/Tczjwp

Lien vers le compte rendu : https://assnat.fr/uNs6hw

 


II.   Intervention de la rapporteure pour avis le mercredi 13 juillet 2022 dans le cadre de la Table ronde sur la réforme du financement de l’audiovisuel public

Madame la Présidente,

Je tiens à remercier les dirigeants des sociétés de l’audiovisuel public de leurs éclairages quant à l’importance économique, sociétale et démocratique de l’audiovisuel public en France, en Europe et à l'international.

Les défis de l’information face aux guerres médiatiques et fake news, les opportunités de l’innovation numérique, l’accès à la culture face à la fragmentation des offres de contenus et de notre société. Les enjeux sont vertigineux autant que mobilisateurs.

En regard de la priorité et l’urgence de la protection du pouvoir d’achat, nous sommes donc bien face à une question importante dont je me réjouis que la commission des affaires culturelles se saisisse. J’en rapporterai l’avis cet après-midi, faisant ainsi suite à cette audition des dirigeants de l’audiovisuel public, ainsi que d’autres. Je citerai ici l’ARCOM, la DGMIC ou encore les inspecteurs missions par le gouvernement sur la réforme du financement de l’audiovisuel public.

Car la réforme de l’audiovisuel public ne concerne pas que les sociétés de l’audiovisuel public, et c’est bien pour cela que c’est la représentation nationale qui se charge depuis des années de son financement.

Car oui la contribution à l’audiovisuel public ne vit pas sans le Parlement, contrairement à certains mythes véhiculés faisant du canal « redevance télé » l’Alpha et l’Omega de l’indépendance financière des sociétés de l’audiovisuel public.

15% des dotations ne sont pas issues de la contribution, mais relèvent du budget de l’État, au titre des compensations pour les foyers exonérés et en raison du principe de garantie de ressources. Le financement ne dépend donc pas intégralement de la CAP.

Et avec cette réforme, nous le Parlement nous continuerons à le faire, par la création de la mission budgétaire avec 6 programmes pour chacune des 6 sociétés qui sont devant nous.

Aussi le dispositif répond aux craintes de régulation infra-annuelle en versant l’intégralité des dotations dès le début de l’exercice.

J’entends la proposition de la présidente France médias monde de percevoir la CAP et de la rembourser aux 23 millions de foyer. C’est à expertiser certes, certains foyers - 5 millions - payent la CAP mais pas d’impôt sur le revenu, mais cela me permet de souligner que c’est bien la disparition de la taxe d’habitation qui nous pose la question du rapport entre le produit du recouvrement et le coût de perception : 29 millions d’euros par an, 2000 emplois temps plein.

Quant à la nécessaire prévisibilité de vos ressources financières dont je suis convaincue, de par les enjeux et vos métiers, c’est là pour moi un sujet qui ne dépend pas du tuyau, non elle ne dépend pas de la question de la CAP ou de la budgétisation, mais des Contrats d’objectifs et de moyens (COM) et de la loi de programmation des finances publiques, qui seront à discuter dans quelques mois. Au-delà de la trajectoire, nous sommes conscients qu’une nécessaire harmonisation doit exister entre les horizons des mandats des dirigeants, les COM et la trajectoire de ce que nous souhaitons investir dans les missions prioritaires de l'audiovisuel. Comment envisagez-vous la possibilité de prolonger les COM actuels et de travailler tous ensemble à une loi d’orientation et de programmation dédiée à l’audiovisuel public ?


III.   Auditions de la rapporteure pour avis

       Direction générale des médias et des industries culturelles (ministère de la Culture) – MM. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général, et Sébastien Croix, conseiller auprès du directeur général pour les questions juridiques, chef du bureau du régime juridique de l’audiovisuel, et Mme Marie de la Taille, cheffe du bureau secteur audiovisuel public

       Direction du budget (ministère de l’Économie et des finances) – MM. JeanMarc Oléron, sous-directeur de la 8e sous-direction, et Benjamin Thieulin, chargé du pôle médias

       Direction de la législation fiscale (ministère de l’Économie et des finances)  M. Christophe Pourreau, directeur

       Mission interministérielle sur la réforme de la contribution à l’audiovisuel public  MM. Guy Amsellem et Philippe Nicolas, inspecteurs généraux des affaires culturelles, et Mme Maroussia Outters-Perehinec et M. Philippe Vinçon, inspecteurs généraux des finances

       Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM)  M. Roch-Olivier Maistre, président, et Mme Justine Boniface, directrice de cabinet


([1])  Exception faite des chaînes parlementaires financées par l’Assemblée nationale et le Sénat.

([2])  CSA, Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine, Résultats des 1er et 2ème trimestres 2021 pour la télévision, janvier 2022.

([3]) C. Calvez, Avis n° 4597 présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2022, 20 octobre 2021.

([4])  Ainsi, pour l’année 2019, sur quelque 1,4 million de contribuables à l’impôt sur le revenu ayant déclaré ne pas disposer d’un téléviseur et non susceptibles de bénéficier d’une exonération à raison de leurs revenus, 56 000 ont été amenés, après contrôle, à s’acquitter de la CAP.

([5]) MM. R. Karoutchi et J.-R. Hugonet, Mission conjointe de contrôle sur le financement de l’audiovisuel public de la commission des Finances et de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, juin 2022.

([6]) Conseil constitutionnel, décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

([7]) Le dernier alinéa de l’article 20 de la LOLF dispose en effet qu’ « aucun des mouvements de crédits prévus aux articles 11 et 12 ne peut être effectué entre le budget général et un budget annexe. »

([8]) Au titre de locaux meublés affectés à l’habitation conformément au I de l’article 1408 du code général des impôts.

([9]) Notamment les hôtels, cafés, restaurants et salles de sport

([10]) Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021, compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », Cour des comptes, juillet 2022

([11]) Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021, compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public », Cour des comptes, juillet 2022.

([12]) Aux termes de l’article 271 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération »

([13]) C’est-à-dire considérés comme des opérateurs économiques assujettis à la TVA

([14]) Suppression de la CAP de l’assiette des dépenses liées aux services de télévision outre-mer

([15])  Lien vidéo :https://assnat.fr/BKLHJ2