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N° 285

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIXIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME VIII

ÉCONOMIE

COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET ÉCONOMIE NUMÉRIQUE

PAR M. AurÉlien LOPEZ-LIGUORI

Député

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 Voir le numéro : 273 (Tome III, Annexe 21)


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

20 RECOMMANDATIONS

PremiÈre partie : Analyse budgÉtaire

I. PrÉsentation gÉnÉrale

A. Le programme 134 « DÉveloppement des entreprises et rÉgulations »

1. L’action n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique »

2. L’action n° 13 « Régulations des communications électroniques et des postes »

B. Le programme 343 « Plan France très haut dÉbit »

II. Le budget des principales entitÉs des programmeS

A. l’AutoritÉ de rÉgulation des communications Électroniques, des postes et de la distribution de la presse

1. Une autorité administrative indépendante au service de la régulation des réseaux de communications électroniques

2. Un budget et des effectifs en hausse pour l’année 2023

B. L’Agence nationale des frÉquences (ANFR)

1. Des missions en extension

2. Un budget en hausse dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques en 2024

SECONDE PARTIE : ANALYSE THÉMATIQUE

I. État des lieux des dÉploiements fixes et mobiles

A. LE plan France trÈs haut dÉbit

1. Un rythme de déploiement qui devrait permettre d’atteindre les objectifs fixés

2. Des ralentissements dans le déploiement de la fibre qui appellent la vigilance des pouvoirs publics

3. Une dynamique satisfaisante au sein des ZIP en dépit de fortes disparités

4. Faire preuve d’ambition pour assurer qualité et complétude des déploiements

5. Tableau de synthèse de l’avancement des déploiements « fixe »

B. le New Deal mobile

1. Une généralisation quasi complète des sites 4G

2. Une couverture ciblée des zones blanches qui progresse

3. Des progrès sur les autres obligations prévues par le New Deal mobile

4. Un cas particulier : le déploiement de sites mobiles en zone littorale

C. Les dÉploiements 5g

II. Un manque de visibilitÉ et d’anticipation sur la question des risques de coupure d’ÉlectricitÉ cet hiver qui doit Être corrigÉ

III. QUATRE PRIORITÉS POUR DÉFENDRE NOTRE SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE

A. INVESTIR MASSIVEMENT DANS NOTRE SECURITÉ NUMÉRIQUE

1. Un niveau de menace qui reste élevé dans un contexte géopolitique trouble

a. Les tendances observées en 2021 en matière de cyberattaques se sont confirmées en 2022

b. Des conséquences importantes sur les services publics et les acteurs économiques ciblés

2. Une cyber-protection française efficace mais qui doit être renforcée

a. Des efforts budgétaires à poursuivre en faveur de l’Anssi

b. Un travail de formation et de sensibilisation des acteurs indispensable

c. Une stratégie d’accélération 5G qui doit s’amplifier

d. Protéger effectivement nos infrastructures face aux équipements compromettants

B. RÉformer la fiscalitÉ du numÉrique pour mettre fin À une asymÉtrie injuste entre les acteurs nationaux et les gÉants du numÉrique

1. Une fiscalité spécifique élevée pesant sur les opérateurs de communications électroniques

2. Des pistes de réforme à explorer sans attendre

C. MIEUX SOUTENIR ET PROTÉGER les ACTEURS français DU NUMÉRIQUE

1. Le droit européen contraint excessivement la commande publique française

2. Des pistes de solution à explorer

a. Améliorer le référencement de l’offre numérique française et européenne

b. Mobiliser les marges de manœuvre réduites offertes par le cadre juridique actuel

c. Se fixer à moyen terme un objectif de sortie des solutions extra-européennes et s’en donner les moyens

d. Faciliter l’accès de nos entreprises aux financements européens

e. Protéger nos entreprises et notamment nos « licornes » face aux stratégies offensives

D. Garantir la protection effective des donnÉes

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes


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   INTRODUCTION

Le déploiement des réseaux « fixe » et « mobile » est un enjeu majeur pour notre pays : nos concitoyens attendent en effet avec raison de pouvoir disposer, sur l’ensemble du territoire, d’une disponibilité et d’une qualité de service irréprochable dans ces domaines devenus si critiques dans la vie de tous les jours. C’est le sens des actions menées dans le cadre du plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile, dont les résultats se font néanmoins encore attendre dans un certain nombre de territoires.

De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2023 doit être à la hauteur : donner davantage de moyens pour renforcer les déploiements, et ouvrir des perspectives pour garantir une équité de service partout sur le territoire. Dans le périmètre qu’il revenait à votre Rapporteur d’étudier, à savoir les crédits portant sur les communications électroniques au sein de la mission Économie, il apparaît que les budgets prévus sont, globalement, en hausse, pour les deux agences que sont l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), et l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Cette dynamique correspond à une extension relativement récente de leurs missions respectives, et à la participation de l’ANFR à l’organisation des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Plus globalement, les crédits dédiés au plan France Très Haut Débit sont d’un niveau relativement satisfaisant, qui correspond à la phase opérationnelle de la mise en œuvre du plan.

Néanmoins, les moyens alloués s’avèrent sur certains points insuffisants, et les difficultés de déploiement réelles. On observe ainsi un ralentissement du rythme de déploiement de la fibre en zone très dense et en zone moins dense d’initiative privée, sur lequel votre Rapporteur souhaite attirer l’attention des pouvoirs publics. De même, dans les RIP, si la dynamique est positive, de fortes inégalités de déploiement persistent entre les territoires. Le financement des raccordements complexes doit être revu à la hausse. Enfin, il existe également des retards à résorber sur le dispositif de couverture ciblée du New Dean mobile. Sur la 5G, il faut, en outre, être plus exigeant et envisager non seulement de demander le retrait d’équipements compromettant notre sécurité nationale, mais étendre son périmètre à l’ensemble du territoire national.

Enfin, ce rapport a une originalité : la question de la souveraineté numérique y est traitée dans un chapitre entier abordant la cybersécurité, la fiscalité, la commande publique et la protection des données.

La préservation de notre souveraineté numérique est un impératif trop souvent négligé et mis de côté par ce Gouvernement. Au-delà du déploiement des équipements 5G, il est indispensable que nous gagnions des marges de manœuvre sur la commande publique, excessivement contrainte par le droit européen. Votre Rapporteur insiste sur la nécessité de réserver les marchés publics aux entreprises françaises et européennes.

Votre Rapporteur souhaite par ailleurs que nous fassions évoluer notre fiscalité, pour mieux saisir les géants du numérique dans nos filets fiscaux. Il souligne l’asymétrie entre les opérateurs français soumis à une charge fiscale importante en pleine période d’investissement lourd et les grandes entreprises du numérique monopolisant la bande passante. En outre, il insiste pour que nous protégions mieux les données des citoyens français. Il estime qu’il n’est plus concevable que des entreprises extra européennes puissent potentiellement avoir accès à des données sensibles à l’occasion de contrats passés avec l’administration. Il nous faut également réaliser des efforts dans le domaine cyber, même si la France a la chance de disposer d’un écosystème d’acteurs publics et privés compétents et efficaces qui apportent une indispensable à nos concitoyens et à nos infrastructures.

En conclusion, votre Rapporteur souhaite insister sur la question de la gestion énergétique de cet hiver, et sur ses conséquences potentielles sur l’alimentation des infrastructures numériques. À ce stade, alors que des travaux sont engagés depuis le mois de juin, peu de choses apparaissent claires. Les mesures envisagées doivent impérativement, de surcroît, respecter les libertés individuelles des citoyens, puisqu’on ne saurait déroger à nos principes fondamentaux sous prétexte de sobriété énergétique.

 

 

*

*     *

Dans un esprit constructif, et en dépit de certaines limites, votre Rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits relatifs aux communications électroniques de la mission Économie. Il souhaite néanmoins que le financement des raccordements complexes au sein des réseaux d’initiative publique soient mieux pris en compte, raison pour laquelle il présentera un amendement sur ce sujet.

 

 


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   20 RECOMMANDATIONS

I. Donner aux acteurs publics du numérique les moyens de leurs ambitions

Recommandation n° 1 : Faire évoluer à la hausse les moyens consacrés à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) pour rester efficace face à la menace cyber.

Recommandation n° 2 : Faire évoluer à la hausse les moyens consacrés à l’éducation et à la sensibilisation à la cyber-sécurité.

Recommandation n° 3 : Faire évoluer à la hausse les moyens consacrés à l’Arcep et à l’ANCT afin de garantir un suivi efficace des déploiements fixe et mobile sur notre territoire.

II. Assurer des déploiements fixe et mobile de qualité

a) Déploiements « fixe »

Recommandation n° 4 : Faire preuve d’une vigilance accrue face au ralentissement des déploiements et aux retards constatés dans certaines zones pour garantir la réalisation des objectifs fixés, qui constituent des obligations pour les opérateurs concernés.

Recommandation n° 5 : Accroître le financement dédié aux raccordements complexes en zone publique pour assurer la complétude des déploiements.

b) Déploiements « mobile »

Recommandation n° 6 : Faire preuve d’une vigilance face aux retards de livraison de sites constatés dans certaines zones, notamment dans le cadre du dispositif de couverture ciblée.

Recommandation n° 7 : Engager une réflexion pour faciliter le déploiement de sites mobiles en zone littorale, en concertation avec les élus des territoires concernés.

Recommandation n° 8 : Faire évoluer le droit pour permettre à l’Arcep de réaliser des audits en cas de problème de qualité sur les réseaux, à la charge des opérateurs concernés.

Recommandation n° 9 : Anticiper la suite du New Deal mobile pour répondre aux attentes des collectivités territoriales en termes de demandes complémentaires de sites de couverture mobile.

III. Garantir la résilience de nos infrastructures numériques

Recommandation n° 10 : Proposer un véritable plan pour assurer la préservation des infrastructures numériques critiques indispensables au fonctionnement de la nation.

Recommandation n° 11 : Engager une réflexion pour actualiser et étendre le champ de la loi du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles à l’ensemble des acteurs extra-européens sur tout le territoire national.

Recommandation n° 12 : Engager au niveau de l’Union européenne une vraie stratégie de protection visant à privilégier le recours à des équipementiers européens dans le cadre du déploiement des réseaux.

IV. Défendre notre souveraineté numérique

Recommandation n° 13 : Engager une réflexion pour taxer les fournisseurs de contenus à hauteur de leur usage de la bande passante afin d’assurer leur juste participation au financement des réseaux.

Recommandation n° 14 : Imposer, dans la commande publique, un principe de faveur à destination des solutions numériques françaises et européennes.

Recommandation n° 15 : Se fixer comme objectif de faire sortir progressivement des grandes entreprises extra européennes du numérique les usages numériques de l’administration.

Recommandation n° 16 : Accélérer la mise à disposition des fonds dans le cadre des Piiec afin d’éviter que les projets concernés ne perdent en pertinence.

Recommandation n° 17 : Soutenir la formation dans le domaine du numérique, en particulier dans le cyber, afin de disposer d’un vivier de main d’œuvre correspondant à nos besoins.

Recommandation n° 18 : Faire évoluer la fiscalité des communications électroniques et du numérique pour mettre fin à l’asymétrie opposant nos acteurs et les géants du numérique.

Recommandation n° 19 : Instaurer dès l’école primaire des cours de sensibilisation d’hygiène cyber distincts des cours d’informatique classiques pour éduquer à cet enjeu dès le plus jeune âge.

Recommandation n°20: Porter au niveau européen la création d’une obligation de localisation des données des Européens dans des datacenters présents sur le sol européen.


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   PremiÈre partie :
Analyse budgÉtaire

Après une présentation générale des crédits des deux programmes de la mission « Économie » concernant spécifiquement les communications électroniques (I), le budget de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et celui de l’Agence nationale des fréquences seront étudiés en détail (II).

I.   PrÉsentation gÉnÉrale

Au sein de la mission « Économie », deux programmes comprennent des crédits intéressant les communications électroniques : le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » (A) et le programme 343 « Plan France Très Haut débit » (B). Bien entendu, de nombreux autres programmes, appartenant à d’autres missions budgétaires, contribuent au développement et à la régulation de la filière numérique sous ses différents aspects.

A.   Le programme 134 « DÉveloppement des entreprises et rÉgulations »

Le programme 134 porte l’ensemble des politiques publiques visant, d’une part, à développer la compétitivité des entreprises afin de créer un environnement favorable à la croissance économique, et, d’autre part, à garantir la régulation et la sécurisation des marchés, ainsi que la protection des consommateurs.

Ce programme concerne directement l’action de trois directions générales du ministère de l’économie, des finances et de la relance, à savoir la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale du Trésor (DGTrésor) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et leurs services déconcentrés, ainsi que le Conseil général de l’économie (CGE).

Les crédits afférents à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes, et de la distribution de la presse et à l’Autorité de la concurrence (ADLC) y sont également compris, de même que la subvention pour charges de service public qui finance l’Agence nationale des fréquences.

Au niveau global, le programme 134 est doté, au sein du projet de loi de finances pour 2023, de 2,27 milliards d’euros (Md€) en autorisations d’engagement (AE) et de 2,27 Md€ en crédits de paiement (CP), ce qui correspond à une hausse de ses crédits de 26 % (+ 483 millions d’euros [M€] en autorisations d’engagement et + 484 M€ en crédits de paiement).

Le plafond d’emploi pour ce programme s’élève à 4 478 équivalents temps plein (ETP), soit une hausse, au total, de 105 ETP.

Les crédits portant sur les communications électroniques sont regroupés au sein de deux actions parmi les huit que compte ce programme : il s’agit des actions n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique » et de l’action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes ».

1.   L’action n° 4 « Développement des postes, des télécommunications et du numérique »

a.   Description des crédits

L’action n° 4 porte sur le développement des postes, des télécommunications et du numérique.

Elle est dotée de 738,6 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2023, ce qui correspond à une hausse de 23 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement par rapport à l’année précédente (+ 3 %, soit + 24 M€).

La répartition des crédits budgétaires relevant de cette action par catégorie de dépenses est la suivante :

 Dépenses de fonctionnement : 45 M€ en autorisations d’engagement (contre 43,5 M€ en 2022) et 45 M€ en crédits de paiement (contre 44 M€ en 2022) ;

 Dépenses d’intervention : 689 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (contre 653,9 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2022) ;

 Dépenses d’opérations financières : 3,7 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (niveau identique à celui de 2022).

Cette action est mise en œuvre par la direction générale des entreprises. Y sont regroupés :

 les crédits à destination de l’Agence nationale des fréquences, qui prennent essentiellement la forme d’une subvention pour charges de service public (41,55 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement), dont l’analyse est proposée ci-après ;

 les marchés de prestations de la French Tech, qui permettent de mettre en œuvre une politique d’attractivité des start-ups françaises en France et à l’international (3,2 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– les crédits relatifs à l’initiative France Num pour la transformation numérique des très petites et moyennes entreprises (TPE/PME), qui correspondent notamment à la refonte de la plateforme numérique (francenum.gouv.fr), à l’animation d’un réseau d’experts du numérique, à la production de contenus internet et à la communication vers les TPE et PME sur les bénéfices de la transformation numérique (0,32 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– les crédits d’intervention affectés au commissariat aux communications électroniques de défense (27,78 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Il s’agit d’un service à compétence nationale rattaché au service de l’économie numérique, chargé notamment du lien avec les opérateurs dans les missions de défense non militaire et de la gestion de crise en matière de communications électroniques ;

 les crédits d’intervention affectés à la compensation par l’État des surcoûts de la mission de service public de transport postal de la presse (520 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement), à la compensation de la mission d’aménagement du territoire de La Poste (74 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement), ainsi que l’aide au transport de la presse (40 M€) et la franchise postale (40 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement contre 1,79 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement l’année dernière) ;

– les crédits versés aux organismes internationaux en matière de communications électroniques, notamment l’Union internationale des télécommunications (UIT), la Conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT) et l’Institut européen des normes de télécommunication (ETSI). Ces contributions sont fixées dans des cadres annuels ou pluriannuels (9,8 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement contre 9 M€ en 2022).

b.   Analyse des principales évolutions

Les crédits de cette action sont en hausse de 24 M€. Cette évolution correspond essentiellement à l’augmentation des moyens dévolus au soutien de l’écosystème Tech (+ 13 M€) et à la hausse de la compensation des charges liées au transport de presse (+ 10 M€).

L’année 2023 se traduira en effet par la reprise sur le programme 134 du financement du programme « French Tech Tremplin », initialement financé par le troisième « Programme Investissements d’Avenir » (PIA3) pour un montant de 13 M€. Au total, ce sont ainsi 18,3 M€ qui seront donc consacrés au soutien à l’initiative French Tech. Cette reprise s’explique par le fait que les crédits du PIA visent à accompagner la seule phase de lancement des projets. Une fois amorcée, leur soutien relève des programmes budgétaires.

Les crédits destinés à l’Agence nationale des fréquences radio (ANFR) sont également revus à la hausse pour lui permettre de faire face à ses nouvelles missions (augmentation de 1 M€ environ de la subvention pour charges de service public dont elle bénéficie).

Les crédits relatifs aux autres sous-actions de cette action sont stables.

2.   L’action n° 13 « Régulations des communications électroniques et des postes »

L’action n° 13 porte, pour sa part, sur le budget de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).

Elle est dotée de 22,1 M€ en autorisations d’engagement et 24,2 M€ en crédits de paiement pour l’année 2023.

Les crédits de cette action sont présentés plus en détail ci-après, dans la partie consacrée au budget de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

B.   Le programme 343 « Plan France très haut dÉbit »

Le programme 343 « Plan France Très Haut débit » (PFTHD) est placé sous la responsabilité de la direction générale des entreprises (DGE). Il constitue le support budgétaire du plan du même nom, qui avait été lancé en 2013 et qui visait une couverture complète du territoire :

– en « bon haut débit » d’ici 2020 (pic débit descendant supérieur ou égal à 8 Mbit/s) ;

– en « très haut débit » d’ici 2022 (pic débit descendant supérieur ou égal à 30 Mbit/s).

Ce plan est financé par l’État, les collectivités territoriales et le secteur privé. Ainsi, pour l’État, ce sont 3,3 Md€ qui y seront consacrés d’ici à 2022, soit environ la moitié du financement public, lequel représente environ un tiers du financement total qui se chiffre à plus de 20 Md€ ([1]).

Ce programme a fait l’objet de plusieurs ré-abondements, assis notamment sur le recyclage de crédits non utilisés lors des exercices précédents.

Une enveloppe de 280 M€, financée sur les économies réalisées jusqu’en 2022, est venue à l’appui du lancement d’un nouvel appel à projets publié le 20 février 2020 et visant à accompagner les départements qui ne se sont pas encore engagés dans cette démarche.

Face à la crise sanitaire et pour accélérer le déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire, le plan « France relance » a mobilisé, au total, 570 M€, sous la forme d’un redéploiement de 300 M€ de crédits non consommés, de 240 M€ portés par le programme 364 « Cohésion » de la mission « Plan de relance » du PLF 2021 et, enfin d’une enveloppe de 30 M€ ajoutée à l’occasion de l’adoption d’une troisième loi de finances rectificative au mois de juillet 2020.

Parmi ces 570 M€ complémentaires, le Gouvernement a indiqué que 420 M€ seront « fléchés » sur les départements qui ne disposent pas encore d’un projet financé pour la généralisation de la fibre à l’horizon 2025 et 150 M€ seront consacrés à la question des raccordements complexes ([2]).

Au total, le soutien de l’État dans le cadre du plan France Très Haut Débit s’élève, à la date du 31 décembre dernier, à 3,57 Md€ et mobilise les vecteurs suivants :

 le fonds pour la société numérique (FSN), à hauteur de 900 M€ ;

 le présent programme, à hauteur de 2,4 Md€ engagés à date, auxquels viennent s’ajouter les 30 M€ prévus dans le cadre de la loi de finances rectificative évoquée ci-dessus ;

 le programme 364 « Cohésion », qui contient 240 M€ supplémentaires en son action n° 7.

Un nouvel appel à projet « Création d’infrastructures de génie civil nécessaires aux raccordements finals », en date du 19 avril 2022, vient compléter l’appel à projet « RIP » en ouvrant une enveloppe de 150 M€ destinés à financer en deux temps – une première tranche en 2022 et une seconde en 2023 – les raccordements les plus complexes à réaliser. En effet et au terme d’une étude pilotée en 2021 par la direction générale des entreprises et l’Agence nationale de la cohésion des territoires, il est apparu que l’absence de génie civil en aval des points de branchement optique et en domaine public constitue un élément de complexité susceptible de concerner un nombre conséquent de locaux situés en zone d’initiative publique, qui pourrait constituer un frein majeur aux déploiements concernant le raccordement final des locaux concernés.

L’État renforce une nouvelle fois son intervention pour lever les derniers freins financiers au raccordement final en zone d’initiative publique en prenant en compte les cas d’infrastructures de génie civil manquantes sur le domaine public et ainsi assurer le succès plein et effectif du grand chantier du déploiement de la fibre sur tout le territoire.

L’engagement de la tranche 2023 représentera 61,3 M€ d’autorisations d’engagement, cumulés aux 88,7 M€ engagés en 2022, ce qui correspond à l’enveloppe de 150 M€ précédemment décrite.

2.   Analyse de l’évolution des crédits

Le présent projet de loi de finances prévoit, pour 2023, de doter le programme 343 de 74 M€ en autorisations d’engagement et de 437 M€ en crédits de paiement, répartis entre les actions n° 1 « Réseaux d’initiative publique » et n° 2 « Autres projets concourant à la mise en œuvre du plan France Très Haut Débit ».

Concernant l’action n° 1 « Réseaux d’initiative publique », les crédits ouverts, à savoir 68 M€ en autorisations d’engagement et 434 M€ en crédits de paiement, correspondent à la phase de déploiement opérationnelle du plan.

Concernant l’action n° 2 « Autres projets concourant à la mise en œuvre du plan France très haut débit », les crédits ouverts, à savoir 8 M€ en autorisations d’engagement et 3 M€ en crédits de paiement, ils apparaissent en forte diminution par rapport à la LFI 2022.

Pour mémoire, l’action 02 du programme 343 a été créée en loi de finances initiale pour 2022 à la suite d’une mesure de rebudgétisation de crédits PIA (hors RIP) dédiés au PFTHD sur le programme 343. Il s’agissait ici d’éteindre le portage de dispositifs par des fonds sans personnalité juridique pour faire suite notamment à des remarques de la Cour des comptes sur ce point. L’action 2 porte sur 3 dispositifs portés donc, jusque-là, par l’ancien programme 323 via des crédits PIA :

 l’appel à projets « Cohésion numérique des territoires » (CNT), dont le but est de permettre l’équipement en solution d’accès Internet sans fil (satellite, 4G fixe, BLR, etc.) des foyers qui pourraient ne pas bénéficier de bon haut débit filaire ;

 l’appel à projets « Continuité territoriale numérique » (CTN) qui vise, pour les territoires ultramarins, à apporter une aide à l’achat de capacités sur les systèmes de communications pour les fournisseurs d’accès à internet ;

 les frais de fonctionnement du plan.

Le niveau des crédits proposés au sein du PLF 2023 correspond aux anticipations d’exécution relatives à cette action.

Sur ce programme, il convient néanmoins de réaliser un effort plus significatif sur le financement des raccordements complexes. Votre Rapporteur proposera un amendement en ce sens, correspondant à sa recommandation sur ce sujet.

II.   Le budget des principales entitÉs des programmeS

Dans le cadre des crédits précédemment étudiés, deux entités principales interviennent en matière de communications électroniques et d’économie numérique. Elles ont un statut différent, mais sont toutes les deux dotées de l’autonomie financière : il s’agit de l’Arcep, qui est une autorité administrative indépendante, chargée de la régulation du secteur des télécoms (A), et de l’ANFR, qui est un établissement public administratif ayant pour objet de gérer les fréquences radioélectriques (B).

A.   l’AutoritÉ de rÉgulation des communications Électroniques, des postes et de la distribution de la presse

1.   Une autorité administrative indépendante au service de la régulation des réseaux de communications électroniques

L’Arcep est le régulateur du secteur des télécoms et des postes. Il s’agit d’une autorité administrative indépendante, qui dispose à ce titre de garanties statutaires importantes destinées à la préserver de toute interférence ([3]). Elle dispose en particulier d’une autonomie de gestion dans le cadre du budget qui lui est alloué chaque année par le Parlement.

Les compétences propres de l’Arcep sont définies par le code des postes et des communications électroniques (CPCE).

L’Autorité intervient afin de favoriser une concurrence équilibrée fondée sur l’innovation et l’investissement des opérateurs dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit fixe et mobile. Elle assure le suivi des déploiements fixe et mobile, détermine les opérateurs dits « puissants » sur les marchés pertinents ainsi que leurs obligations spécifiques et sanctionne leurs manquements, le cas échéant. Elle attribue également aux opérateurs les ressources en fréquences et numérotation et règle les différends entre opérateurs. Par ses actions, elle joue un rôle clef en matière de déploiement des réseaux numériques fixes et mobiles, d’aménagement et de connectivité des territoires.

L’Arcep est également dotée de missions de régulation dans le secteur postal, qui lui ont été confiées par le législateur en 2005. Elle est notamment chargée, dans ce cadre, d’évaluer le coût du service universel postal, afin de s’assurer que La Poste ne fait pas l’objet d’une surcompensation dans le cadre de l’exercice de cette mission de service public. Elle est également chargée de missions de régulation vis-à-vis des opérateurs de colis (enregistrement des opérateurs, collecte d’informations, etc.), depuis l’entrée en vigueur en 2018 du règlement européen relatif aux colis transfrontières.

Enfin, l’Arcep est dotée, depuis 2019, d’une mission de régulation du secteur de la presse et d’une mission de contrôle de l’action de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi). Elle est en outre garante de la neutralité de l’internet depuis que la loi lui a confié cette mission en 2015.

2.   Un budget et des effectifs en hausse pour l’année 2023

Le budget prévisionnel 2023 doit permettre à l’Arcep de mener à bien l’ensemble de ses activités : les crédits arbitrés après les conférences de répartition ont été fixés, hors titre 2, à 5,58 M€ en autorisations d’engagement et 7,62 M€ en crédits de paiement (avant application de la réserve de précaution) et à 16,62 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en titre 2 (avant application de la réserve de précaution).

La budgétisation pour 2023 maintient le niveau de crédits hors titre 2 attribués en LFI 2022, en intégrant les besoins liés à l’indexation du loyer sur l’indice des loyers des activités tertiaires, mais sans prendre en compte à ce stade les besoins liés à l’inflation sur la base des hypothèses macroéconomiques connues à ce jour.

Les crédits attribués en titre 2 tiennent compte de la hausse du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % au 1er juillet 2022. Le schéma d’emploi est nul et le plafond d’emplois autorisés fixé à 183 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

 

 

PLF 2023 en €

 

Titre 2

 

Hors titre 2

 

Total

Autorisations d’engagement

16 618 170

 

 

5 580 514

 

22 198 684

Crédits de paiement

 

 16 618 170

 7 618 067

 

24 236 237

 

Ce budget est donc en hausse de + 1,5 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Pour mémoire, le budget de l’Arcep était déjà en hausse en 2022 et 2021, dans un contexte d’attribution de nouvelles missions.

Les échanges menés avec l’Arcep font apparaître qu’en l’état, les perspectives budgétaires apparaissent satisfaisantes pour mener à bien les différentes missions confiées à l’Autorité. Des gains de productivité ont été effectués par l’Autorité, notamment dans le cadre de son déménagement. La volonté de mener à bien certaines missions en interne pour monter en compétences, notamment sur la collecte de données environnementales, pourrait bien nécessiter, à terme, des effectifs supplémentaires. Il conviendra donc d’être vigilant puisque toute nouvelle attribution de mission devra appeler les effectifs correspondants pour être effectuée dans des conditions satisfaisantes.

B. L’Agence nationale des frÉquences (ANFR)

L’ANFR a été créée par la loi n° 96‑659 du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications. Sur le fondement de l’article L. 97-1 du code des postes et des communications électroniques, elle a pour mission « d’assurer la planification, la gestion et le contrôle de l’utilisation, y compris privative, du domaine public des fréquences radioélectriques ».

Elle exerce son activité en concertation avec les onze administrations et autorités affectataires de fréquences radioélectriques, qui sont représentées à son conseil d’administration. Elle est organisée en six directions, avec onze implantations en métropole et quatre outre-mer.

Depuis 2007, l’Agence est opérateur principal au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulations ». Ses activités s’inscrivent ainsi dans l’action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information », gérée par la direction générale des entreprises (DGE).

1.   Des missions en extension

Les missions de l’Agence se sont progressivement renforcées, au fil des lois successives ([4]). À titre principal, elle exerce aujourd’hui les missions suivantes :

 la planification du spectre. Il appartient à l’Agence de répartir, après accord du Premier ministre, les bandes de fréquences. Elle coordonne également la position française en la matière, dans le cadre des négociations internationales ;

– la gestion des fréquences. L’Agence assigne les fréquences et elle gère l’implantation des stations radioélectriques, afin d’assurer une utilisation optimale des sites disponibles ;

– le contrôle des fréquences. L’Agence contrôle l’utilisation des fréquences et dispose à ce titre de pouvoirs d’inspection des sites. Elle est destinataire des réclamations portant sur les cas de brouillage et instruit ces dernières. Par ailleurs, elle s’assure du respect, par les terminaux, des normes européennes en matière radioélectrique. Il s’agit ainsi de l’une des seules agences publiques européennes à effectuer des tests aléatoires portant sur le débit d’absorption spécifique des téléphones portables.

L’Agence nationale des fréquences s’est également vu confier des missions dans les domaines suivants :

– la continuité de la réception des services de télévision. À ce titre, l’ANFR a repris une partie des activités du groupement d’intérêt public France Télé Numérique, après le passage à la télévision numérique terrestre (TNT), notamment le centre d’appels et le traitement des plaintes en brouillage des téléspectateurs. Elle a géré le plan d’accompagnement du transfert de la bande des 700 MHz (2015-2019), qui comprenait des actions de communication et la distribution d’aides financières (aides aux téléspectateurs et professionnels du spectacle). Elle gère également le fonds d’accompagnement de la réception télévisuelle (FARTV), qui aide les téléspectateurs à s’adapter au passage à la TNT, par l’acquisition d’équipements ou par l’adaptation de leur antenne, individuelle ou collective ([5]) ;

– l’exposition du public aux ondes électromagnétiques. Il s’agit d’une mission nouvellement confiée en 2014 et renforcée par la loi du 9 février 2015 ([6]). L’Agence gère ainsi le dispositif national de surveillance et de mesure des ondes, qui, adossé à un fonds, permet à toute personne de faire mesurer son exposition aux ondes électromagnétiques. L’ANFR est notamment chargée de publier des lignes directrices pour harmoniser la présentation des résultats des simulations de l’exposition générée par l’implantation d’une installation radioélectrique soumise à accord ou avis de l’ANFR, de mettre à la disposition des communes une carte des antennes-relais, de définir, recenser puis traiter les points atypiques et d’animer le comité national de dialogue pour assurer l’information de toutes les parties prenantes ;

 la diffusion par voie hertzienne terrestre, en France métropolitaine, de données horaires du temps légal français, mission confiée en 2019 à l’ANFR à la suite de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Élan ».

2.   Un budget en hausse dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques en 2024

Le budget de l’ANFR, dont la subvention pour charges de service public (SCSP) constitue la ressource principale, couvre les dépenses de ses activités, y compris la gestion de trois dispositifs comptablement individualisés :

– la surveillance et mesure des ondes (SMO) ;

– le plan d’accompagnement de la bande des 700 MHz (B700) ;

– l’accompagnement de la réception télévisuelle (FARTV).

Depuis 2019, la subvention pour charges de service public (SCSP) de l’ANFR avait été revue à la hausse (39,93 M€ en LFI 2019, puis 40,05 M€ en 2020 et 2021) pour tenir compte :

– de la nouvelle mission de diffusion du signal horaire au 1er janvier 2019 ;

– de la budgétisation (2,5 M€ en base PLF 2019) dans la SCSP du financement du dispositif national de surveillance et de mesure des ondes ([7]).

En 2023, la SCSP est en hausse, avec 41,55 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en lien notamment avec sa nouvelle mission de surveillance du respect des obligations en matière de contrôle parental et la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de 2024 (+ 1,19 M€ et + 10 emplois).

Une dotation en fonds propres de 3,7 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement vient s’y ajouter.

Au total, 45,25 M€ sont donc prévus en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en 2023 pour le budget de cet opérateur.

Le plafond d’emplois rémunérés fait également l’objet d’une forte hausse, avec + 12 ETP pour couvrir les besoins des JOP 2024 et l’élargissement de la mission de surveillance du marché des équipements

À périmètre constant, les réserves de l’établissement devront être mises à contribution pour absorber l’augmentation des rémunérations dans la fonction publique effectuée au 1er juillet 2022, l’inflation sur les coûts de fonctionnement de l’Agence (liée à l’usage des locaux, mais surtout aux déplacements effectués pour le contrôle de conformité des émetteurs et la résolution des brouillages) et la reprise de volume des missions à l’international pour préparer et assister à la prochaine Conférence mondiale des radiocommunications (CMR-23).


—  1  —

SECONDE PARTIE :
ANALYSE THÉMATIQUE

I.   État des lieux des dÉploiements fixes et mobiles

A.   LE plan France trÈs haut dÉbit

1.   Un rythme de déploiement qui devrait permettre d’atteindre les objectifs fixés

Lancé en 2013, le Plan France Très Haut Débit (PFTHD) vise à garantir une connectivité qualitative sur l’ensemble du territoire, reposant sur le déploiement des réseaux à haut et très haut débit, avec plusieurs objectifs étalés dans le temps :

– pour fin 2020, fournir à tous les Français un accès à un « bon haut débit » (BHD), soit un débit descendant d’au moins 8 Mbit/s ;

– pour fin 2022 : fournir à tous les Français un accès à « très haut débit » (THD), soit un débit descendant d’au moins 30 Mbit/s ;

– pour fin 2025 : généraliser la fibre optique ([8]).

Dans le cadre de ce plan d’investissement, les opérateurs privés déploient le réseau dans les zones les plus densément peuplées du territoire, alors que les collectivités territoriales, soutenues par l’État, interviennent dans les zones les plus rurales du pays. Tous les acteurs s’inscrivent dans l’objectif d’une généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné d’ici fin 2025.

Les données recueillies par votre Rapporteur lors de ses travaux confirment que la dynamique de couverture fixe est bonne et devrait permettre de respecter les objectifs précédemment fixés.

Au 30 décembre 2020, les estimations issues du site « Ma connexion internet » indiquaient que plus de 99 % des locaux étaient couverts avec un débit supérieur à 8 Mbit/s (BHD). Hors accès internet via satellite, auquel il peut être difficile de recourir dans certains cas (pose d’antennes en habitat collectif), ce chiffre s’établit autour de 97,5 %.

 

Couverture en bon haut dÉbit – zonages du plan France TrÈs Haut dÉbit

Éligibilité au BHD

par grande zone

Nombre total de locaux (en millions)

8 Mbit/s filaire

(au 30/12/20)

8 Mbit/s hors satellite

(au 30/12/2020)

Zones très denses

7,4

98 %

98 %

Zones moins denses

d’initiative privée

16,8

92 %

97 %

Zones moins denses

d’initiative publique (et AMEL)

17,6

76 %

98 %

National

41,9

86 %

98 %

Source : Arcep

Au 30 juin 2022, 82 % des locaux (soit 35,2 millions de locaux) étaient éligibles à l’accès au très haut débit, soit une évolution de + 8 points en un an. La croissance du THD filaire est portée par celle du réseau Fiber to the Home (FttH) : 75% des locaux sont éligibles à la fibre optique jusqu’à l’abonné.

Source : Arcep

Des offres hertziennes alternatives sont aussi disponibles à l’adresse (THD radio, 4G fixe) et garantiront l’accès des locaux, foyers ou entreprises, au très haut débit sur l’ensemble du territoire. En outre, des offres d’accès à internet par satellite à haute capacité, c’est-à-dire permettant le THD, sont disponibles depuis le premier semestre 2021 sur l’ensemble du territoire métropolitain.

Ainsi, grâce à la mobilisation d’un mix de technologies comportant une part très majoritaire de fibre complétée par des technologies hertzienne et satellitaire, l’objectif d’un accès au THD pour tous à la fin de 2022 devrait être tenu, y compris la part de 80 % d’accès en fibre optique.

Couverture en TRÈS haut dÉbit – zonages du plan France TrÈs Haut dÉbit

Éligibilité au THD

par grande zone

Nombre total de locaux (en millions)

30 Mbit/s

au 30/06/22 (en %)

France entière

42

75

Zones très denses

7,4

90 

Zones moins denses d’initiative privée

16,8

87 

Zones moins denses d’initiative publique (et Amel)

17,6

59 

National

41,9

70 

Source : Arcep

L’observatoire des marchés des communications électroniques mis en place par l’Arcep indique que la progression des abonnements au très haut débit se poursuit, mais à un rythme légèrement inférieur à celui des années précédentes.

Le nombre d’abonnements à très haut débit a en effet atteint 19,3 millions à la fin du mois de mars dernier. Ainsi que le relève l’Arcep, cette croissance reste soutenue malgré un ralentissement pour le troisième trimestre consécutif : + 845 000 au premier trimestre 2022, contre + 1,1 million un an auparavant. Ainsi que le relève l’Arcep, cette croissance continue d’être portée par la hausse du nombre d’abonnements en fibre optique de bout en bout, qui ont atteint 15,5 millions en mars 2022. Dans le même temps, la contraction du nombre d’abonnements à haut débit se poursuit à un rythme élevé, mais ralenti pour le troisième trimestre consécutif : - 715 000 au cours du premier trimestre 2022, contre – 870 000 un an auparavant.

Ces progrès ne doivent pas cacher, néanmoins, des rythmes de déploiement variables selon les zones définies par le plan et selon les stratégies et décisions des collectivités territoriales, ce qui rend nécessaire une analyse fine des dynamiques « zone par zone ».

2.   Des ralentissements dans le déploiement de la fibre qui appellent la vigilance des pouvoirs publics

Après des années 2020 et 2021 caractérisées par des rythmes extrêmement soutenus, le premier semestre 2022 est marqué par un net ralentissement du rythme des déploiements.

Source : Arcep

Dans les zones très denses, les échanges conduits avec l’Arcep font apparaître que le rythme insuffisant constaté ces derniers trimestres perdure. 85 000 locaux ont été rendus raccordables en zones très denses (- 54% par rapport au T2 2021). La production de nouvelles lignes a même baissé de plus d’un quart par rapport à la même période de l’année dernière.

Le rythme de déploiement des lignes FttH continue également de ralentir dans les zones moins denses d’initiative privée, par rapport au trimestre précédent, avec moins de 250 000 locaux rendus éligibles, soit un rythme comparable à celui observé au cours de l’année 2016.

Ces retards doivent être suivis avec vigilance par les pouvoirs publics. Les difficultés que rencontre l’un des quatre opérateurs, de façon spécifique, pour tenir ses engagements doivent être rapidement résorbées. Les difficultés liées à la crise sanitaire et/ou au contexte actuel ne sauraient être mobilisées à titre d’arguments explicatifs dans ce cadre.

Recommandation n° 4 : Faire preuve d’une vigilance accrue face au ralentissement des déploiements et aux retards constatés dans certaines zones pour garantir la réalisation des objectifs fixés, qui constituent des obligations pour les opérateurs concernés.

En zone très denses, il convient de réfléchir aux moyens d’inciter plus fermement les opérateurs à achever le déploiement de la fibre.

En zones d’appel à manifestation d’engagements locaux (Amel), 135 000 locaux ont été rendus raccordables au T2 2022. Au total, 900 000 locaux sont actuellement éligibles dans ces territoires (+ 100 % sur un an).

3.   Une dynamique satisfaisante au sein des ZIP en dépit de fortes disparités

En zones d’initiative publique (ZIP), la dynamique est à l’accélération, avec, au T2 2022, 0,77 million de locaux rendus éligibles, pour un total actuel de 9,6 millions de locaux éligibles (+ 46 % en un an).

Évolution du nombre de locaux rendus éligibles au FttH
en zone RIP en 2021-2022

 

2021 T3

2021 T4

2022 T1

2022 T2

Nombre de locaux (en millions)

16, 8

16,6

16,8

16,9

Taux de locaux éligibles au FttH (%)

45%

51%

54 %

59 %

Source : Arcep

Cette dynamique au sein des ZIP, qui s’amplifie depuis plusieurs trimestres, contribue à l’atteinte de l’objectif collectif de généralisation de la fibre optique sur le territoire national, en particulier dans les zones les plus rurales.

On constate cependant des situations contrastées d’un territoire à l’autre, selon le degré d’avancement de chaque projet. Certains projets achèvent ainsi leur déploiement (Oise, Loire, Val d’Oise par exemple) quand d’autres ont une échéance plus lointaine. Les projets de réseau d’intérêt public (RIP) sont en effet conduits à la maille départementale ou, dans certains cas, pluri-départementale. L’analyse des données de déploiement ([9]) à l’échelle régionale permet de mettre en lumière des degrés d’avancement inégaux entre les régions. La Bretagne, la Bourgogne‑Franche-Comté et certains territoires ultramarins (en particulier dans la zone atlantique) présentent ainsi un taux de couverture en fibre optique plus faible que la moyenne nationale observée sur la zone moins dense d’initiative publique, tandis que les régions Hauts-de-France et Île-de-France sont les plus avancées en matière de déploiement en FttH.

L’avancement inégal des déploiements entre projets – et donc entre régions – s’explique par de multiples facteurs :

 les caractéristiques géographiques des territoires concernés ont une forte influence sur la capacité des projets à progresser rapidement : la dispersion de l’habitat, la présence d’obstacles naturels (montagnes, littoral, etc.) ou les éventuels aléas climatiques (neige, tempêtes, incendies, glissements de terrain, etc.) sont autant de contraintes susceptibles de ralentir le rythme de déploiement d’un réseau en fibre optique ;

– la capacité de mobilisation des acteurs institutionnels locaux est également déterminante (délai d’octroi des permissions de voirie ou occupation du domaine public, par exemple), tout comme l’existence d’un tissu de PME ou de main-d’œuvre locale qualifiée mobilisables dans le cadre du chantier de la fibre. Enfin, la proportion d’infrastructures existantes et la capacité à les réutiliser (réseaux cuivre ou d’électricité notamment) peut impacter les déploiements.

Afin de pallier les difficultés pour raccorder certains logements et locaux professionnels, un soutien supplémentaire de l’État au financement de la création des infrastructures nécessaires aux raccordements finals, à hauteur de 150 M€, est prévu pour le soutien à la généralisation de la fibre optique (ou de débits équivalents). L’arrêté du 19 avril 2022, publié au Journal officiel du 23 avril 2022, a approuvé le cahier des charges de l’appel à projets « Création d’infrastructures de génie civil nécessaires aux raccordements finals ».

À ces caractéristiques locales préexistant aux déploiements s’ajoutent les choix stratégiques effectués par les collectivités territoriales (ou leurs groupements) qui portent des projets de RIP. Certaines ont fixé très tôt un objectif de généralisation du FttH sur leur territoire, lançant des marchés publics pour atteindre cet objectif, tandis que d’autres ont préféré procéder en plusieurs phases distinctes, afin de s’adapter aux évolutions du marché de la fibre optique et mobiliser progressivement les financements nécessaires aux investissements. Le montage opérationnel retenu influence également le calendrier de déploiement : les collectivités qui choisissent de mobiliser plusieurs partenaires privés doivent ainsi assurer leur coordination tout au long du projet.

La crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a eu des effets hétérogènes sur les territoires, ce qui a pu accroître les disparités préexistantes. Certains projets ont dû s’interrompre totalement, tandis que d’autres ont réussi à préserver une partie de leur activité. Certains territoires ultramarins ont ainsi été particulièrement pénalisés par la crise.

Si la gouvernance des projets de RIP relève de la compétence exclusive des collectivités territoriales au titre de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, celles-ci bénéficient néanmoins d’un suivi attentif et d’un accompagnement du gouvernement, qui a fait de la couverture numérique du territoire une de ses réformes prioritaires.

Pour faciliter l’atteinte de l’objectif, des travaux menés par la direction générale des entreprises et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) visent à lever les freins au déploiement au travers de travaux de normalisation et d’harmonisation et la diffusion de bonnes pratiques, en lien avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Les équipes du programme « France Très Haut Débit » de l’ANCT assurent un suivi individualisé de chacun des projets de RIP, permettant, le cas échéant, de mettre en place des ateliers spécifiques pour répondre aux porteurs de projets et traiter les problématiques opérationnelles rencontrées. Les services déconcentrés de l’État sont associés, en tant que de besoin, à la recherche de solutions et la mise en place d’instances locales de dialogue et de suivi.

Votre Rapporteur souhaite que les moyens budgétaires de l’Arcep et de l’ANCT soient revus à la hausse, en particulier pour cette dernière, qui va récupérer la gestion administrative et financière du fonds pour la société numérique (FSN) conformément aux recommandations formulées par la Cour des comptes sur ce sujet.

Recommandation n° 3 : Faire évoluer à la hausse les moyens consacrés à l’Arcep et à l’Anct afin de garantir un suivi efficace des déploiements fixe et mobile sur notre territoire.

4.   Faire preuve d’ambition pour assurer qualité et complétude des déploiements

Votre Rapporteur souhaite insister, dans le cadre du présent avis, sur les enjeux relatifs à la qualité et à la complétude des déploiements.

Sur le premier point, si des progrès ont été réalisés, à l’initiative des opérateurs et grâce à l’action proactive de l’Arcep, des situations problématiques semblent persister. Depuis 2019, l’Arcep a en effet organisé régulièrement des réunions avec les opérateurs d’infrastructures et les opérateur commerciaux, afin d’améliorer la qualité des raccordements et de l’exploitation des réseaux. Le plan d’action de l’Arcep sur ce sujet, publié en 2021, conformément à la feuille de route établie en novembre 2020, a permis de réaliser de réels progrès sur ce sujet. Les marges d’amélioration résident aujourd’hui dans une meilleure labellisation des intervenants et un renforcement des contrôles effectués sur le terrain. La mise en place par l’Autorité d’indicateurs de suivi de la qualité de l’exploitation des réseaux est une initiative qui doit être encouragée.

Sur le second point, la complétude, votre Rapporteur considère que l’État doit être particulièrement vigilant sur le financement de ces prises complexes. Si les acteurs ont salué l’attribution d’une enveloppe de 150 millions d’euros à cette fin, les moyens engagés ne suffiront pas et restent insuffisants. Les acteurs spécialistes de ce sujet ont souligné, en outre, la trop grande limitation des prises subventionables, d’une part, et soulevé la question de la péréquation, qui est pour eux centrale, d’autre part.

Recommandation n° 5: Engager des moyens financiers suffisants pour assurer la complétude des déploiements, en particulier dans les zones les plus reculées.

Dans cette optique, il pourrait être utile de permettre à l’Arcep de faire réaliser à la charge des opérateurs des audits quand une difficulté relative à la qualité du réseau « fixe » se présente.

Recommandation n° 8 : Faire évoluer le droit pour permettre à l’Arcep de réaliser des audits en cas de problème de qualité sur les réseaux, à la charge des opérateurs concernés.

5.   Tableau de synthèse de l’avancement des déploiements « fixe »

Source : Arcep

B.   le New Deal mobile

Le New Deal mobile, annoncé en janvier 2018, a pour objectif de généraliser une couverture mobile de qualité pour tous les Français. En priorisant l’objectif d’aménagement des territoires plutôt qu’un critère financier pour l’attribution des fréquences, l’État a ainsi décidé d’orienter l’effort des opérateurs vers la couverture du territoire, au moyen d’obligations de couverture inédites.

En juillet 2018, de nouvelles obligations ont été inscrites dans les autorisations en vigueur d’utilisation de fréquences, ainsi que dans les autorisations d’utilisation de fréquences qui prendront effet à compter de 2021 ou 2024 selon les opérateurs, délivrées en novembre 2018.

Ces nouvelles obligations sont les suivantes :

– passer en très haut débit mobile (4G) d’ici fin 2020 la quasi-totalité des sites mobiles existants ([10]) ;

– améliorer progressivement la qualité des réseaux mobiles, en posant des obligations de couverture en « bonne couverture » ;

– proposer des offres de couverture mobile à l’intérieur des bâtiments ;

– apporter le très haut débit mobile d’ici fin 2020 sur les axes routiers prioritaires, et, à terme, sur les principaux axes ferroviaires ;

– améliorer localement la couverture des territoires, via un dispositif de couverture ciblée répondant aux besoins des collectivités.

1.   Une généralisation quasi complète des sites 4G

Le tableau de bord du New Deal mobile publié par l’Arcep indique, au 30 juin 2022, qu’entre 98 % et plus de 99 % des sites mobiles étaient équipés en 4G selon les opérateurs. Hors sites partagés, il ne reste que quelques dizaines de sites non équipés en 4G par les opérateurs à cette date.

Concernant spécifiquement les sites relevant du programme historique « zones blanches – centres bourgs », pour lesquels l’échéance de fin 2020 concernait 75 % d’entre eux, l’Arcep indique être particulièrement attentive au rythme d’équipement en 4G. Au 30 juin 2022 et selon les déclarations des opérateurs, plus de 91 % de ces sites étaient équipés en 4G, contre un peu plus de 80 % en mars 2021.

2.   Une couverture ciblée des zones blanches qui progresse

À mi-2022, les opérateurs ont été invités sur près de 3 800 zones identifiées par arrêtés ministériels ([11]) à fournir, dans un délai maximal de 24 mois, de la couverture mobile en voix/SMS (en 3G) et un accès mobile à très haut débit (en 4G).

Ces opérateurs ont couvert 1 575 zones, en mettant en service en 3G et en
4G autant de sites dans le cadre du dispositif de couverture ciblée – et parmi lesquels on décompte 1 513 sites où Bouygues Telecom est présent, 1 539 sites où Free Mobile est présent, 1 533 sites où Orange est présent et 1 516 sites où SFR est présent.

Ces sites sont principalement des sites partagés par les quatre opérateurs (1 475 sites quadri-opérateurs), par trois opérateurs (32 sites) ou par deux opérateurs (37 sites).

Source : Arcep

Par ailleurs, 1 964 nouveaux sites devraient être mis en service d’ici deux ans, à savoir 756 sites au cours du prochain semestre et 1 208 sites d’ici six à vingt-quatre mois.

Il reste, à ce jour, environ 250 zones en attente de déploiement, c’est-à-dire non couvertes en voix/SMS et en 4G à l’échéance demandée, et pour lesquelles les opérateurs ont indiqué rencontrer des difficultés – oppositions de riverains ou de municipalités, refus ou blocages administratifs, difficultés techniques (collecte, énergie, etc.).

Une vigilance spécifique doit être accordée au déploiement effectif des sites relatifs au premier arrêté de janvier 2020.

Recommandation n° 6 : Faire preuve de vigilance face aux retards de livraison de sites constatés dans certaines zones, notamment dans le cadre du dispositif de couverture ciblée.

Certaines collectivités territoriales sont également en attente d’attribution de sites complémentaires, ce qui amène votre Rapporteur à plaider pour qu’un travail d’anticipation soit réalisé sur ce sujet.

Recommandation n° 9 : Anticiper la suite du New Deal mobile pour répondre aux attentes des collectivités territoriales en termes de demandes complémentaires de sites de couverture mobile.

3.   Des progrès sur les autres obligations prévues par le New Deal mobile

a.   La couverture à l’intérieur des bâtiments

Depuis 2018, les opérateurs proposent à leurs clients « grand public » des solutions de couverture mobile à l’intérieur des bâtiments, dites « Indoor », qui permettent grâce au réseau internet fixe de passer et recevoir appels et SMS sur Wi‑Fi.

Ces opérateurs mettent également à la disposition de leurs clients, entreprises et personnes publiques, des solutions de couverture mobile multi-opérateurs à l’intérieur des bâtiments. Un travail des opérateurs sur les solutions destinées aux entreprises est en cours, afin d’améliorer ces offres et d’en faciliter l’accès.

b.   La 4G fixe

Les opérateurs mobiles proposent des offres d’accès fixe à internet sur leurs réseaux mobiles à très haut débit (4G). Ils publient les zones géographiques dans lesquelles ces offres sont disponibles, permettant à chacun de savoir s’il est éligible à ces offres. En particulier, le service de 4G fixe doit être disponible, sous réserve de couverture et de capacité des opérateurs sur les zones arrêtées ([12]) par le Gouvernement, représentant près de deux millions de locaux.

Le New Deal mobile prévoit également 1 000 nouvelles zones couvertes par la 4G fixe. Le Gouvernement a publié deux arrêtés identifiant les zones à couvrir par Orange et SFR grâce à l’installation de nouveaux sites 4G :

– décembre 2019 ([13]) : 236 zones pour Orange et 172 zones pour SFR à couvrir d’ici avril 2022 ;

– novembre 2020 ([14]) : 73 zones pour Orange et 29 pour SFR à couvrir d’ici novembre 2022 ;

– un arrêté modificatif est venu retirer 24 zones à couvrir des deux précédents arrêtés.

– octobre 2021 : 204 zones pour Orange et 281 sites pour SFR à couvrir d’ici novembre 2022.

Les premiers sites du dispositif d’extension de la 4G fixe ont été mis en service en 2020 et, fin juin 2022, près de 350 sites étaient ouverts commercialement.

c.   L’amélioration de la qualité des réseaux

Les opérateurs doivent apporter un service voix/SMS en bonne couverture à 99,6 % puis 99,8% de la population selon diverses échéances étalées entre 2024 et 2031. Le rehaussement des exigences par rapport aux obligations précédentes, définies selon un système binaire couvert/non couvert, conduit mécaniquement à une densification du réseau et une amélioration de la qualité de service.

À fin juin 2021, les opérateurs couvrent chacun plus de 99 % de la population en « bonne couverture » en voix/SMS.

d.   Les axes routiers prioritaires et réseaux ferrés

Les opérateurs ([15]) sont tenus de couvrir les axes routiers prioritaires ([16])  en 4G, à l’extérieur des véhicules d’ici fin 2020 et à l’intérieur des véhicules d’ici 2022 ou 2025. Les opérateurs devront aussi couvrir 90 % des lignes du réseau ferré régional d’ici fin 2025.

Les cartes de couverture des opérateurs, qui permettent une première estimation des axes couverts, font apparaître pour trois opérateurs une couverture voix/SMS (2G/3G) et en très haut débit mobile (4G) sur plus de 99 % des axes routiers prioritaires. Un contrôle se fera à l’automne 2021 sur le terrain, par une campagne de couverture menée par l’Arcep.

On peut d’ores et déjà relever que les efforts de déploiement se reflètent dans l’amélioration de la qualité de service sur les axes de transport : sur les routes, le taux de pages Web affichées en moins de 10 secondes est ainsi passé de 79 % à l’été 2018 à 87 % à l’été 2019 et s’élève à 95 % en 2021.

Il convient néanmoins de travailler sur l’enjeu de la couverture à l’intérieur des véhicules, afin de ne pas donner le sentiment d’un écart entre la théorie et la pratique quant à la couverture mobile des axes routiers. Pour mémoire, les échéances de couverture à l’intérieur des véhicules sont prévues en 2022 pour Orange et SFR et en 2025 pour Bouygues Telecom.

e.   État des réseaux mobiles

Chaque opérateur mobile publie et met à jour quotidiennement, sur son site internet, la liste des antennes en panne ou en maintenance.

4.   Un cas particulier : le déploiement de sites mobiles en zone littorale

La loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral a posé le principe de l’extension de l’urbanisation en continuité.

Ce principe a ensuite été codifié à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme (auparavant L. 146-4-I), qui prévoit que, dans les communes littorales « l’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Jusqu’à peu, les pylônes édifiés en discontinuité de l’urbanisation étaient autorisés en considérant qu’il s’agissait d’installations techniques non constitutives d’extension d’urbanisation.

Le juge a cependant une vision de plus en plus restrictive sur ces points (d’abord sur les éoliennes, puis les parcs photovoltaïques). C’est ainsi qu’il a annulé le 11 décembre 2019 (requête n°1803614) un projet de téléphonie mobile. Cette analyse a été développée par le Conseil d’État dans un avis du 11 juin 2021 : elle repose sur le fait que les infrastructures de téléphonie mobile ne figurent pas parmi les constructions et ouvrages que le législateur a entendu faire bénéficier d’une dérogation à l’obligation de construire en continuité avec les agglomérations et villages existants.

L’extension de l’exception au principe de continuité d’urbanisation dans les zones littorales pourrait être utilement étudiée afin de faciliter les déploiements mobiles dans ces zones spécifiques.

Recommandation n° 7 : Engager une réflexion pour faciliter le déploiement de sites mobiles en zone littorale, en concertation avec les élus des territoires concernés.

C.   Les dÉploiements 5g

Le déploiement de la 5G a progressé en 2022 à la suite des attributions de fréquences dans la bande des 3,5 GHz aux opérateurs (novembre 2020) et du lancement par ces derniers de leurs premières offres commerciales.

Afin d’informer élus et citoyens de l’arrivée de la 5G sur leur territoire, l’Arcep publie un premier observatoire des déploiements commerciaux en 5G. Les données fournies à votre Rapporteur donnent à voir les progrès réalisés et le lancement d’une dynamique commerciale qui doit toutefois se consolider.

Évolution de l’ouverture commerciale des sites 5G –
30 novembre 2020 À 30 JUIN 2022

Évolution du nombre de sites 5G ouverts commercialement dans les différentes bandes de fréquences

Source : Arcep.

Au 30 juin 2022, les opérateurs ont déployé 14 457 sites en bande
3,4–3,8 GHz.

État des dÉploiements 5G des opÉrateurs – 2021

Source : Arcep

La première échéance pour les obligations relatives au déploiement de sites 5G en bande 3,4–3,8 GHz et la montée en débit des sites des opérateurs interviendra le 31 décembre 2022.

Les étapes suivantes pour l’introduction de la 5G, à l’horizon de 2023, sont notamment :

– le passage à une 5G « stand alone », c’est-à-dire qui ne repose plus sur le réseau 4G et permet l’introduction de fonctionnalités avancées de la 5G, notamment le network slicing pour répondre aux besoins différenciés des utilisateurs (par exemple, des services nécessitant une fiabilité accrue) ;

– l’attribution de la bande haute 26 GHz, qui doit permettre des débits plus élevés et répond en particulier à des besoins spécifiques de l’industrie.

Le déploiement de la 5G en Europe et dans le monde

Pour les déploiements futurs de la 5G, plusieurs bandes de fréquences ont été identifiées de manière coordonnée en Europe. La bande 3,4–3,8 GHz, identifiée en Europe comme la « bande‑cœur » de la 5G par ses propriétés physiques et la quantité de fréquences disponibles, offre un compromis entre couverture et débit. L’utilisation de cette bande-cœur sera complétée par d’autres bandes, aux propriétés différentes et qui contribueront chacune à donner sa pleine mesure à la 5G. Sont notamment identifiées la bande 700 MHz, déjà attribuée aux opérateurs en France métropolitaine fin 2015, et la bande 26 GHz, qui fera l’objet d’une attribution ultérieure.

À ce stade, 14 États membres de l’Union européenne et le Royaume-Uni ont attribué la bande 700 MHz : l’Allemagne, l’Autriche, la République tchèque, le Danemark, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

La bande 3,4–3,8 GHz a été au moins partiellement attribuée dans 17 pays de l’Union (Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Luxembourg, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et dernièrement Slovénie et Suède) et au Royaume-Uni.

La bande 26 GHz a été assignée dans 5 pays, à savoir la Finlande et la Grèce, qui ont attribué des licences nationales pour les opérateurs de réseaux mobiles et réservé du spectre dédié pour les verticaux, l’Allemagne, sous la forme de licences locales, l’Italie et la Slovénie.

En dehors de l’Union, d’autres pays ont déjà assigné des bandes de fréquences pour la 5G, mais pas toujours les mêmes que celles fléchées au niveau européen :

         La Corée du Sud a été le premier pays au monde à lancer la 5G avec de premières mises aux enchères, dès juin 2018, de licences dans les bandes 3,5 GHz (3 420–3 700 MHz) et 28 GHz (26,5–28,9 GHz) ;

         En Chine, des licences 5G ont été attribuées aux trois opérateurs mobiles du pays dans les bandes 3,4–3,6 GHz et 4,8–4,9 GHz, ainsi qu’à China Broadcasting Network dans la bande 4,9–4,96 GHz en juin 2019 puis, en février 2020, dans les bandes de fréquences 3,3–3,4 GHz et 700 MHz ;

         Aux États-Unis, la FCC a libéré une grande quantité de spectre en bandes millimétriques pour lancer la 5G, à savoir les bandes 28 GHz, 37 GHz et 39 GHz, des bandes supérieures de 26 GHz (25,25–27,5 GHz) et 42 GHz (42–42,5 GHz). Au-delà des bandes millimétriques, la bande 3,7–4,2 GHz a été achevée le 15 janvier 2021. Enfin, les opérateurs étaient attributaires de licences en bande basse (600 MHz et 850 MHz) et moyenne (2,5 GHz), qui ont pu être utilisées pour la 5G.

II.   Un manque de visibilitÉ et d’anticipation sur la question des risques de coupure d’ÉlectricitÉ cet hiver qui doit Être corrigÉ

Votre Rapporteur souhaite aborder succinctement la question des délestages, qui fait craindre une coupure d’alimentation de certaines infrastructures numériques pourtant essentielles pour le bon fonctionnement de notre pays.

Pour mémoire, le dispositif de délestage consiste à pratiquer des coupures exceptionnelles, localisées et tournantes, en cas de difficulté avérée d’approvisionnement en électricité afin de préserver l’équilibre offre-demande et éviter un black-out. Sa mise en œuvre en ultime recours par le Réseau de Transport d’Électricité (RTE) conduirait Enedis, entreprise de service public de la distribution d’électricité, à déclencher, par l’intermédiaire de ses agences de conduite régionale, une interruption de l’alimentation en électricité organisée de façon tournante pour limiter l’impact à deux heures environ par client durant les pics de consommation.

Il convient également de rappeler que le dispositif de délestage ne sera mis en œuvre qu’en dernier recours par RTE, faute de succès des mesures de sauvegarde décidées préalablement ([17]).

Lors de son audition par notre commission, le mardi 27 septembre dernier, le secrétaire d’État à la transition numérique Jean-Noël Barrot avait ainsi évoqué, à propos des délestages, « une solution de dernier recours », tout en soulignant par ailleurs que cette éventualité faisait l’objet de travaux au sein du Gouvernement afin « d’élaborer un dispositif technique permettant de préserver les nœuds de raccordement prioritaires du réseau de télécommunication, pour éviter qu’un délestage éventuel ne conduise à une perte de connectivité, y compris à l’extérieur de la maille de délestage concernée ».

Votre Rapporteur souhaite relever, en premier lieu, le manque de clarté des déclarations du Gouvernement sur ce sujet.

Les contours du plan d’action envisagé restent, à cette heure, particulièrement flous. Les échanges sur ce sujet ne semblent pas achevés à cette heure, alors que des travaux sont pourtant engagés depuis le mois de juin dernier avec les opérateurs, Enedis et les autorités administratives compétentes (ministère de l’économie et des finances, ministère de la transition énergétique, secrétariat général à la défense et à la sûreté nationale).

À ce stade, Enedis a indiqué à votre Rapporteur avoir, en collaboration avec les opérateurs télécoms, entrepris d’analyser « les sites de priorité P1 et P2 fournis par les opérateurs – entre 200 et 2000 sites selon l’opérateur – afin de déterminer les sites alimentés par des départs non délestables ». Sur cette base, « les opérateurs télécom travaillent actuellement à déterminer l’impact sur le fonctionnement de leur réseau. Ce travail sera poursuivi et affiné une fois arrêtées les listes définitives des clients prioritaires dans chaque département (échéance prévisionnelle à mi-octobre) ».

En outre, les pistes formulées à l’intention des opérateurs semblent, de l’aveu commun, peu pertinentes.

La proposition relative au fait d’éteindre de manière sélective certaines technologies ou bandes de fréquence se heurterait à un enjeu de réalisation technique, en plus d’avoir probablement une efficacité limitée.

En outre, il convient que les mesures prises respectent les libertés individuelles, parmi lesquelles celle du respect de la vie privée. Les propos tenus par le ministre concernant le fait de couper les box internet la nuit, apparaissent, de ce point de vue, inquiétant. Votre rapporteur prend acte de ses explications complémentaires, mais souhaite ré-insister sur ce point : on ne saurait, sous prétexte de sobriété énergétique, porter atteinte aux libertés individuelles fondamentales de nos concitoyens.

En second lieu et s’il est vrai, comme le relève Enedis, que le guide Orsec‑G5–Retap Réseaux du Gouvernement sur le rétablissement et l’approvisionnement d’urgence des réseaux d’électricité, communications électroniques, eau, gaz, hydrocarbures, prévoit que « l’utilisateur dont l’activité ne peut pas supporter une coupure ou une interruption d’un réseau doit s’équiper de moyens palliatifs propres », il apparaît évident, pour des raisons pratiques, que la sécurisation énergétique des sites mobiles, si elle peut s’étendre sur certains sites stratégiques, est impossible à mettre en œuvre de façon globale, faute de disponibilité des matériels concernés (batteries de secours) et de temps pour les installer.

Les opérateurs ont alerté votre Rapporteur sur les conséquences potentiellement catastrophiques de délestages touchant les infrastructures numériques. Il n’est pas besoin de rappeler les conséquences dramatiques de la rupture des communications d’urgence qui avait conduit, en 2021, près de six personnes à ne pouvoir être secourues, faute de possibilité de joindre les secours.

Ce scénario noir pourrait avoir pour conséquence de rendre plus difficile l’acheminement des communications d’urgence via les réseaux mobiles dans les zones délestées. Pour mémoire, l’essentiel de ces communications d’urgence transite en effet par les réseaux mobiles (pour plus de 90 % d’entre elles). En outre, les clients utilisateurs de réseaux de communications électroniques au sein du service public pourraient être, eux aussi, fortement impactés via des dénis de service concernant, entre autres, la téléphonie mobile de grandes entreprises (EDF, Enedis), d’institutions publiques (Assemblée nationale, Banque de France, ministères), de collectivités territoriales etc. Les capacités de défense des réseaux pourraient être, en outre, limitées en cas de cyberattaques.

Force est donc de constater que le principal scénario sur lequel le Gouvernement semble travailler est celui d’un hiver doux et sans coupure d’électricité, perspective optimiste dont il est difficile de jauger le réalisme à ce stade. Il apparaît donc impératif que les sites mobiles et infrastructures numériques soient inclus au sein des infrastructures ne pouvant faire l’objet d’un délestage de la part d’Enedis. Il convient également que le Gouvernement présente clairement ses orientations, par souci de transparence et pour lever les inquiétudes croissantes sur ce sujet.

Recommandation n° 10 : Proposer un véritable plan pour assurer la préservation des infrastructures numériques critiques indispensables au fonctionnement de la nation.

III.   QUATRE PRIORITÉS POUR DÉFENDRE NOTRE SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE

A.   INVESTIR MASSIVEMENT DANS NOTRE SECURITÉ NUMÉRIQUE

La sécurité numérique, qui correspond à la fois à la résilience de nos infrastructures numériques et aux pratiques d’hygiène numérique dans le cyberespace, doit continuer d’être, plus que jamais, une priorité pour les pouvoirs publics. Le contexte actuel, avec un état de la menace qui se maintient à un niveau élevé, plaide en faveur d’un effort accentué en ce sens, et d’une prise de conscience collective qui doit se poursuivre.

1.   Un niveau de menace qui reste élevé dans un contexte géopolitique trouble

Les échanges menés par votre rapporteur avec les spécialistes français de la cybersécurité font état d’un niveau de menace qui reste très élevé, en lien notamment avec le contexte géopolitique actuel.

a.   Les tendances observées en 2021 en matière de cyberattaques se sont confirmées en 2022

Les principales tendances observées en 2021 dans ce domaine se sont confirmées en 2022.

On observe une progressive convergence dans les techniques et outils employés par les groupes cybercriminels et les attaquants travaillant au profit d’intérêts étatiques. La montée en furtivité et en compétence de ces groupes, qui s’explique par une disponibilité accrue d’outils et de techniques parmi les plus perfectionnés, appelle une vigilance particulière.

Lors des auditions qu’il a menées, l’attention de votre Rapporteur a été attirée sur des tentatives de pré-positionnement au sein d’infrastructures nationales appartenant à des domaines critiques (transport, énergie, approvisionnement). Celles-ci pourraient offrir, à terme, des marges de manœuvre à d’éventuels assaillants souhaitant entreprendre des activités de sabotage.

Une dernière tendance est à l’œuvre, qui mérite d’être soulignée : les tentatives croissantes de compromission de cibles de haute valeur. Les cybercriminels tendent à attaquer, de façon récurrente, les prestataires de services d’hébergement, de maintenance logicielle ou les professions juridiques, ce qui leur permet d’exercer une pression plus importante pour obtenir des paiements ou d’accéder à des données d’intérêt faisant l’objet de divulgation ou de revente. Le ciblage de personnalités publiques par des outils de surveillance fait également partie des menaces visant des cibles de haute valeur. L’utilisation d’outils sophistiqués complique la détection de ce type de compromission et l’attribution des attaques à leurs commanditaires.

Les pratiques décrites ci-dessus concernent également les attaquants répondant à des intérêts étatiques, dans un but d’espionnage. Une part importante de cette activité peut être reliée à des modes opératoires attaquants en ligne avec les intérêts chinois.

b.   Des conséquences importantes sur les services publics et les acteurs économiques ciblés

L’impact des cyberattaques sur les services publics, d’une part, et sur le tissu économique, d’autre part, pourrait s’amplifier dans les mois à venir.

Il convient de rappeler que, du fait de la crise sanitaire, les établissements de santé ont augmenté leur vulnérabilité aux cyberattaques. Plusieurs établissements ont été ciblés par des groupes d’attaquants en 2020 et 2021, en particulier les centres hospitaliers de Dax-Côte d’Argent, de Villefranche-sur-Saône et d’Oloron-Sainte-Marie. Les conséquences sur les capacités opérationnelles de ces hôpitaux ont été très importantes et les ont obligés à fonctionner en mode dégradé. Quelques incidents de gravité faible à modérée ont également touché des entités contribuant à la gestion de la crise (Agence européenne du médicament, Inserm, Institut Pasteur), mais le niveau de menace général correspond au niveau observé avant le déclenchement de la crise sanitaire.

L’agression militaire de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a fait, en outre, craindre une hausse des attaques informatiques ciblant la France, du fait du soutien qu’elle apporte à l’Ukraine et de son rôle dans la mise en place de sanctions massives contre la Russie. Cependant, les attaques informatiques menées par la Russie ciblent principalement l’Ukraine et les intérêts français n’ont été touchés, à ce jour, que par « effet de bord ». Des « hacktivistes » pro-russes, sans liens avérés avec le gouvernement russe, ont pu cibler des intérêts français de façon ponctuelle, sans que ces actions aient entraîné de conséquences notables.

La poursuite des activités d’espionnage stratégique menées contre la France par des attaquants liés aux intérêts russes demeure cependant une préoccupation constante et incite à conserver un haut niveau d’alerte et d’anticipation de la menace. Par ailleurs, une attention particulière est portée à la menace potentielle visant les systèmes d’information d’entités de secteurs stratégiques, notamment celui de l’approvisionnement en énergie.

D’autres acteurs offensifs liés à des États ont par ailleurs utilisé le conflit en Ukraine de façon opportuniste pour cibler des intérêts français et poursuivront probablement, dans les mois à venir, ce type d’actions.

2.   Une cyber-protection française efficace mais qui doit être renforcée

Face à ce constat, votre Rapporteur observe que la France est dotée d’une capacité de cyber-protection qui s’est considérablement renforcée ces dernières années et apparaît relativement efficace. Dans le cadre de ses travaux, votre Rapporteur s’est concentré exclusivement sur la dimension défensive de cette question, à savoir la capacité des pouvoirs publics à renforcer le niveau de protection existant face à ces différentes attaques.

a.   Des efforts budgétaires à poursuivre en faveur de l’Anssi

La création d’une agence dédiée, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), en 2009 a permis une réelle montée en compétences dans ce domaine. L’Anssi a en effet pleinement pris sa place dans l’écosystème cyber français : elle porte non seulement la politique de cyber-protection nationale, mais elle participe également à la maturation de l’écosystème de la cyber-tech, dans le cadre du déploiement du campus Cyber.

Anssi et SGDSN : deux acteurs essentiels de la cyberprotection française

Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), anciennement secrétariat général à la défense nationale (SGDN), est un organisme interministériel placé sous l’autorité du Premier ministre. Il est chargé de l’assister dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationales. Depuis le 17 août 2020, le secrétaire général est le préfet Stéphane Bouillon.

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) est un service créé par décret en juillet 20091. Ce service à compétence nationale est rattaché au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). L’Anssi remplace la direction centrale de la sécurité des systèmes d’information, créée par décret en juillet 2001.

Les moyens et effectifs de cette agence doivent néanmoins être renforcés pour faire face à une menace croissante et à la sophistication des méthodes des attaquants. Aussi votre Rapporteur souhaite-t-il, dans le cadre des débats relatifs au présent projet de loi de finances, que ses effectifs soient revus à la hausse.

Recommandation n° 1 : Faire évoluer à la hausse les moyens affectés à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) pour rester efficace face à la menace cyber.

b.   Un travail de formation et de sensibilisation des acteurs indispensable

Au niveau national, l’effort en matière cyber doit être porté d’abord dans la sensibilisation des acteurs de petite taille et de taille intermédiaire, qui disposent souvent de moyens réduits pour faire face à des attaques et afin de renforcer la résilience de leurs systèmes d’information. De ce point de vue, il convient de continuer à rappeler l’importance de la diffusion d’une « culture de l’hygiène numérique » au sein des entreprises et des administrations publiques. Il s’agit aussi de proposer un accompagnement adapté aux acteurs touchés par des attaques, afin d’éviter qu’ils ne procèdent au paiement des rançons, venant ainsi nourrir le financement des attaquants sans garantie de récupérer, en contrepartie, leurs données.

Des efforts doivent également être engagés en termes de formation. Votre Rapporteur souhaite promouvoir les deux propositions suivantes.

Il conviendrait d’abord de soutenir l’intégration de la cybersécurité au sein des formations en informatique. Votre rapporteur souligne que cette pratique est davantage développée dans d’autres pays, par exemple en Israël, où les cours de cybersécurité, dispensés dès le plus jeune âge, sont distincts des enseignements relatifs à l’informatique. Il apparaît opportun de s’appuyer, à cette fin, sur l’existant. Le projet CyberEdu, lancé en 2013 et constitué désormais en association, propose des solutions utiles en ce sens ([18]).

Recommandation n° 2 : Faire évoluer à la hausse les moyens consacrés à l’éducation et à la sensibilisation à la cyber-sécurité

Recommandation n° 19 : Instaurer dès l’école primaire des cours de sensibilisation à l’hygiène cyber, distincts des cours d’informatique classiques, pour éduquer à cet enjeu dès le plus jeune âge.

Il conviendrait également d’accorder une importance toute particulière à la formation des personnels clés, c’est-à-dire œuvrant dans des domaines sensibles. Pour mémoire, l’Anssi propose un panel de 28 formations courtes au sein de son centre de formation à la sécurité des systèmes d’information (CFSSI) ([19]). Les formations délivrées sont ouvertes gratuitement aux personnels du secteur public et, depuis 2020, aux personnels d’entreprises désignées « opérateurs d’importance vitale » au titre des articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense ou « opérateurs de services essentiels » au titre de l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité.

Cette question va de pair avec celle de la labellisation des formations, qui permet d’en garantir la qualité. Le label SecNumEdu créé par l’Anssi est un outil opportun en ce sens ([20]) .

c.   Une stratégie d’accélération 5G qui doit s’amplifier

Les efforts budgétaires consentis en faveur de la stratégie d’accélération cyber doivent être maintenus et amplifiés.

Pour mémoire, dans un contexte d’augmentation forte de la cyber-menace, le Président de la République a annoncé, le 17 février 2021, une stratégie nationale de cybersécurité, qui mobilise 1 milliard d’euros, dont 720 M€ de financements publics. Cette stratégie est désormais intégrée au plan « France 2030 ».

Les objectifs fixés par cette stratégie sont les suivants :

– Augmenter le chiffre d’affaire de la filière à 25 Md€ en 2025 (contre 7,3 Md€ en 2019) et doubler la part des exportations dans ce chiffre d’affaires (en passant de 20 % en 2019 à 40 % du chiffre d’affaires en 2025).

– Positionner la France par rapport à la concurrence internationale en doublant notamment les emplois de la filière, pour passer à 75 000 en 2025 contre 37 000 aujourd’hui ;

– Structurer la filière et repositionner la France par rapport à la concurrence internationale en nombre d’entreprises ;

– Faire émerger trois « licornes » françaises en cybersécurité à l’horizon 2025 en s’appuyant sur les grandes start-ups du secteur et notamment celles membres du French Tech 120.

– Diffuser une véritable culture de la cybersécurité dans les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles, afin de leur permettre d’optimiser la sécurité de leurs réseaux.

– Stimuler la recherche française en cyber et l’innovation industrielle par des liens stratégiques entre la recherche publique et la R&D industrielle pour parvenir à plus de thèses et plus de brevets.

Cet effort notable doit être poursuivi et amplifié. Votre Rapporteur souhaite insister sur la nécessité de bien anticiper les besoins en main d’œuvre de ce secteur d’activité, qui devraient fortement croître ces prochaines années. En cinq ans, le nombre d’offres d’emploi cadre en cybersécurité, à titre d’exemple, a ainsi doublé. Cette évolution suit la dynamique mondiale d’une demande accrue des entreprises pour ces compétences.

Source : APEC

Sur ce sujet, l’Anssi a mis en place en 2021 un « Observatoire des métiers de la cybersécurité », en collaboration avec l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes et la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle. Cet observatoire a pour but de mieux connaitre les acteurs de la cybersécurité, mais également de dresser un état des lieux du marché en matière de sécurité des systèmes d’information (SSI). Plusieurs études ont été menées de front : un parallèle entre les références des offres d’emploi et les métiers identifiés dans la liste des métiers, une analyse massive des offres d’emploi en SSI en 2019 et l’élaboration d’un questionnaire à destination des professionnels de la cybersécurité (diffusé en avril 2021). Les résultats de cette étude ont été publiés en octobre 2021 et ils constituent aujourd’hui une référence dans le domaine du marché de l’emploi en cybersécurité.

Recommandation n° 17 : Soutenir la formation dans le domaine du numérique, en particulier dans le cyber, afin de disposer d’un vivier de main d’œuvre correspondant à nos besoins.

Il apparait enfin nécessaire de soutenir l’émergence d’un véritable espace européen de cybersécurité. L’Anssi et le SGDSN relèvent à raison, dans leur contribution écrite adressée à votre rapporteur, que « la résilience de la France dépend de celle de ses partenaires européens et internationaux, et de la sécurité et de la stabilité du cyberespace dans son ensemble. ». Il est donc impératif, dans cette optique, de « contribuer à la montée en résilience des institutions européennes, internationales et des partenaires de la France et [de] poursuivre la structuration d’un marché européen des produits et services de cybersécurité » ([21]) – ce qui doit se traduire notamment par le fait, pour la France, de porter des propositions permettant d’encadrer le commerce et de lutter contre la prolifération des armes cyber, grâce à une meilleure utilisation des outils de contrôle des exportations des biens et technologies cyber. Au niveau international, un référentiel commun de gestion de crise cyber permettrait également utilement aux États d’éviter les risques d’incompréhension et d’escalade incontrôlée. Au niveau national, le rôle de la commande publique vis-à-vis de notre écosystème « cyber tech » est également central dans cette perspective.

d.   Protéger effectivement nos infrastructures face aux équipements compromettants

Le déploiement des équipements de communications électroniques près de zones sensibles a fait l’objet d’un encadrement plus strict, à la suite de la loi 1er août 2019. Cette dernière a en effet introduit, à l’article L. 34-11 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), une obligation d’autorisation préalable, par le Premier ministre, de l’exploitation des appareils d’infrastructure des réseaux mobiles de 5e génération qui présentent, par leur fonctionnalité, un risque pour la sécurité de ces réseaux. L’Anssi assure, en lien étroit avec le SGDSN, l’instruction technique et administrative des demandes d’autorisation découlant de ce régime de contrôle.

Pour mémoire, ce dispositif complète d’autres cadres réglementaires similaires, dont la mise en œuvre est d’ores et déjà confiée à l’Anssi, et en particulier le régime de contrôle dit « R226 », découlant des articles 226-3, R. 226-3 et R. 226-7 du code pénal. Ce dernier soumet à autorisation la commercialisation (R. 226-3) et l’acquisition/détention (R. 226-7) de tout dispositif de nature à permettre une atteinte au secret des correspondances électroniques ou à la vie privée, parmi lesquels figurent de nombreux équipements d’infrastructure des réseaux mobiles. Les autorisations délivrées au titre du L. 34-11 du CPCE se substituent, pour les opérateurs concernés, aux autorisations jusqu’à présent délivrées au titre du R. 226‑7 du code pénal.

Votre Rapporteur considère que ce cadre a constitué une avancée afin de prévenir l’installation d’équipements provenant d’équipementiers étrangers pouvant faire peser sur nos infrastructures des risques de sécurité.

D’après les éléments fournis à votre Rapporteur, en 2021, comme en 2020, les demandes reçues par l’Anssi ne portaient que sur des « antennes » 5G, qui sont déployées par les opérateurs pour être interconnectées avec les infrastructures centrales dites de « cœurs de réseau » de 4e génération (déploiements 5G dit « non standalone », puisqu’ils s’appuient encore en partie sur les réseaux 4G). Les opérateurs n’ont en effet pas encore soumis de demandes d’autorisation relatives à des déploiements d’équipements de cœur de réseau, alors qu’il était anticipé qu’ils le feraient dès 2021. Certains opérateurs sont, par ailleurs, déjà en phase d’expérimentations pour leur futur cœur de réseau 5G, pour lesquelles un certain nombre de demandes d’autorisation R. 226 ont déjà été instruites début 2022.

Au total, l’agence a délivré, pour l’année 2021, 515 autorisations L.34-11 et 3 refus. Pour le premier semestre 2022, elle a délivré 21 autorisations et aucun refus. Une partie de ces autorisations concerne des mises à jour d’équipement préalablement autorisés.

Votre Rapporteur souhaite formuler plusieurs remarques à ce sujet.

Le présent régime d’autorisation doit être utilisé pleinement, et ne peut conduire à l’octroi d’un nombre d’autorisations important. Son objet est de prévenir l’installation d’équipements compromettant dans des zones sensibles et de sécurité. À terme, la question de l’extension de ce régime au-delà de ce seul périmètre, voire de l’interdiction du déploiement d’équipementiers non européens, se pose, au regard de l’actualité relative à ce sujet concernant l’interdiction de l’équipementier Huawei aux États-Unis.

Deuxièmement, une autre question est également majeure : celle du risque de passage d’équipementiers pour l’instant européens sous un pavillon non européen. En effet, dans ce type de circonstances, le même problème pourrait se poser, sans que le régime actuel n’offre de garanties. La solution la plus simple consisterait probablement à durcir le cadre actuel, tout en donnant de la visibilité aux opérateurs sur leurs déploiements, afin de trouver un juste équilibre entre sécurité nationale et prise en compte des stratégies économiques des opérateurs. Votre Rapporteur considère, sur ce sujet, qu’une réflexion doit être engagée pour aller plus loin et interdire le déploiement d’équipements provenant d’équipementiers dont les liens avec des puissances non européennes font peser un risque de sécurité sur notre pays.

En tout état de cause, le régime actuel devra évoluer, au moins sur le plan réglementaire. Il faudra en effet modifier leur champ d’application afin de les adapter aux évolutions technologiques et aux nouvelles réalités du marché des communications électroniques : cœur de réseaux localisés dans les infrastructures en nuage (cloud), opérateurs proposant des services aux citoyens français avec des infrastructures et des équipements localisés à l’étranger et déploiement de réseaux 5G par des opérateurs d’infrastructures vitales afin de moderniser leur réseau de radiocommunication privé (PMR).

Recommandation n°11 : Engager une réflexion pour actualiser et étendre le champ de la loi du 1er août 2019 visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles à l’ensemble des acteurs extra-européens sur tout le territoire national.

Recommandation n° 12 : Engager au niveau de l’Union européenne une vraie stratégie de protection visant à privilégier le recours à des équipementiers européens dans le cadre du déploiement des réseaux.

B.   RÉformer la fiscalitÉ du numÉrique pour mettre fin À une asymÉtrie injuste entre les acteurs nationaux et les gÉants du numÉrique

La fiscalité est un levier essentiel pour mieux défendre notre souveraineté numérique. En effet, les « géants du numérique » tendent à payer, en moyenne, moins d’impôts que les acteurs sectoriels français et européens : selon la Fédération française des télécoms (FFT), ces « géants du numérique » paieraient, en moyenne, trois fois moins d’impôts que les opérateurs, alors que ces derniers ne participent pas, stricto sensu, au financement des infrastructures numériques qu’ils utilisent. Les distorsions induites en défaveur des acteurs français et européens plaident donc pour une refonte des impositions et taxes existants, afin de corriger l’avantage accordé indûment à des acteurs principalement noneuropéens.

Dans cette perspective, votre Rapporteur a souhaité approfondir la question de la fiscalité spécifique applicable aux opérateurs de communications électroniques.

1.   Une fiscalité spécifique élevée pesant sur les opérateurs de communications électroniques

D’après les éléments fournis par la Fédération française des télécoms (FFT) lors de son audition, cette fiscalité spécifique représente plus de la moitié des impôts, taxes et redevances acquittés par les opérateurs dans notre pays.

Cette fiscalité spécifique représentait 1,4 Md€ en 2020 et le schéma suivant en détaille la répartition par taxe et impôt.

 

Source : FFT

Le niveau de cette fiscalité est particulièrement élevé en France. Chez nos voisins européens et comme l’indique l’administration dans sa réponse au questionnaire budgétaire de votre Rapporteur, les opérateurs de communications électroniques, qui s’acquittent certes d’une série de taxes ou redevances au titre de leur activité traditionnelle, « participent généralement peu au financement de l’industrie culturelle et des collectivités territoriales » – sauf en Espagne, où le modèle existant est assez proche du nôtre. Le poids de cette fiscalité s’est, en outre, accru ces dernières années, dans un secteur d’activité qui consent pourtant un niveau d’investissement élevé (10 Md€ en 2019).

 

Source : FFT

Face à la concurrence fiscale inéquitable entre géants du numérique et acteurs traditionnels, des efforts ont été consentis, aux niveaux national et européen, pour tenter de corriger cette situation. Un projet de taxe sur les géants du numérique a été débattu au sein de l’Union européenne, tandis que la France a mis en place, de son côté et dans l’attente de la mise en œuvre de cette dernière, une taxe nationale dédiée. Il s’agit de la taxe sur certains services numériques (TSN) créée par la loi du 24 juillet 2019.

Son taux correspond à 3% du chiffre d’affaires numérique réalisé en France par les acteurs concernés ([22]). Elle s’applique aux entreprises qui réalisent 750 M€ de chiffre d’affaires numérique au niveau mondial et 25 M€ de chiffre d’affaires numérique en France. La part des revenus rattachée au territoire national est calculée à partir des revenus mondiaux, auxquels est appliqué un coefficient de présence numérique en France.

Son rendement, en forte croissance, a atteint 474 M€ d’euros en 2021 ([23]).

Produit de la TSN sur la période 2019 2021

 

2019

2020

2021

Rendement (en M€)

277

375

474

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Cette taxe a néanmoins vocation à disparaître, consécutivement à l’adoption d’un accord au sein de l’OCDE autour d’un projet plus large d’impôt mondial sur les multinationales, signé en octobre 2021 par 136 pays.

Fort de cette expérience, qui démontre que des marges d’action existent à l’échelle nationale, votre Rapporteur souhaiterait défendre plusieurs réformes pouvant contribuer utilement à un rééquilibrage fiscal à court et moyen termes.

2.   Des pistes de réforme à explorer sans attendre

À court terme et dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances pour 2023, plusieurs actions pourraient utilement être engagées :

 un cantonnement de l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux mobiles, à défaut d’une refonte en profondeur, reste souhaitable. Le précédent avis budgétaire, présenté par notre collègue Éric Bothorel, ainsi que le rapport de l’Inspection générale des finances annexé proposaient plusieurs pistes intéressantes pour faire évoluer cette taxe.

Le manque de volonté dont fait montre le Gouvernement de se saisir de ce sujet est regrettable. De toute évidence, le maintien d’un impôt de production possédant une assise technologique est problématique, pour ne pas dire contradictoire avec la logique de promotion d’un déploiement maximal des sites mobiles sur le territoire national. Le débat est posé et les éléments sont connus : c’est le courage politique d’agir qui fait défaut ;

– une réforme de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, dont l’objet – à savoir, financer la fin de la publicité sur France Télévisions – semble avoir en partie disparu à la suite de la suppression de la part affectée à cette fin. Plusieurs pistes peuvent être envisagées, comme sa suppression pure et simple ou la révision de son assiette, afin d’accroître la participation des nouveaux acteurs du numérique. L’exemple espagnol peut être une source d’inspiration utile ;

– une réforme de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, sous la forme d’un recalibrage de son assiette afin, a minima, de mieux intégrer en son sein les activités des OTT ([24]) ;

– un cantonnement de la redevance pour copie privée, dont l’extension progressive aux différents supports semble totalement décorrélée des pratiques de consommation actuelles. Les échanges intervenus sur ce sujet, lors des débats relatifs à la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, ont témoigné de son acuité ainsi que du manque de transparence quant à l’utilisation des recettes tirées de cette redevance. Sur ce sujet, le rapport demandé par le Parlement au Gouvernement et qui doit être transmis avant le 31 décembre prochain, devrait apporter un éclairage utile.

Recommandation n° 18 : Faire évoluer la fiscalité des communications électroniques et du numérique pour mettre fin à l’asymétrie opposant nos acteurs et les géants du numérique.

Ces différentes réformes doivent pouvoir intervenir sans porter atteinte à l’équilibre des finances des collectivités territoriales.

À moyen terme et d’une façon plus globale, la taxation des géants du numérique pourrait être effectuée en utilisant, pour base, leur consommation de bande passante. Actuellement, plus de la moitié de la bande passante disponible est en effet occupée par un nombre réduit d’acteurs, extra-européens le plus souvent, pour des consommations de type streaming. Une telle taxe aurait pour mérite de conduire les acteurs du numérique à contribuer au financement des réseaux à raison de leur usage, mais il est vrai qu’il ne s’agit pas, techniquement, d’une méthode aisée à mettre en œuvre d’après les travaux de l’Arcep.

Recommandation n° 13 : Engager une réflexion pour taxer les fournisseurs de contenus à hauteur de leur usage de la bande passante afin d’assurer leur juste participation au financement des réseaux.

C.   MIEUX SOUTENIR ET PROTÉGER les ACTEURS français DU NUMÉRIQUE

1.   Le droit européen contraint excessivement la commande publique française

La commande publique peut être mobilisée comme un véritable levier pour développer le tissu productif national. Elle représentait, tous secteurs confondus, plus de 87 Md€ en 2019.

Ainsi que l’ont rappelé nos collègues Philippe Latombe et Jean-Luc Warsmann dans un récent rapport d’information sur la souveraineté numérique ([25]), les principaux géants du numérique, américains et chinois, ont été massivement soutenus par cet outil avant d’atteindre une taille critique leur permettant d’occuper des positions dominantes. Deux éléments essentiels ont présidé à la réussite des États-Unis et de la Chine dans ce domaine, en dépit de leurs modèles profondément différents : une volonté politique forte d’indépendance numérique et la mobilisation de la commande publique au bénéfice d’acteurs disposant, en outre, d’une réelle profondeur de marché ([26]).

L’outil de la commande publique doit donc être pleinement considéré pour ce qu’il est : à savoir, un outil de politique économique et industrielle et non un outil exclusif de maîtrise de la dépense des administrations.

À ce jour, la commande publique reste pourtant excessivement contrainte par le droit européen. Sauf dans des domaines spécifiques, il n’est ainsi pas possible, à cette heure, de privilégier ou d’écarter certaines entreprises dans les marchés publics au motif de la nationalité ou de la souveraineté numérique. L’article L. 2153-1 du code de la commande publique prévoit en effet un principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques issus de l’Union européenne avec ceux d’États parties à l’accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les entreprises françaises, européennes ou extra-européennes sont ainsi traitées de façon similaire. Le Buy American Act adopté en 1933 ou le Small Business Act visant à réserver certains marchés publics aux PME, adopté en 1953 aux États-Unis, n’ont pas d’équivalent au sein de l’Union européenne.

En outre, les administrations publiques restent, dans leurs pratiques d’achat, relativement rétives à la prise de risque. Sous le couvert affiché d’un primat du moindre coût (recherche du soumissionnaire le « mieux-disant »), leurs achats numériques s’orientent en conséquence vers des solutions qui bénéficient d’une forte visibilité, c’est-à-dire les solutions des acteurs dominants. Les petites ou moyennes entreprises ou les entreprises de taille intermédiaire peuvent, dès lors, rencontrer des difficultés pour accéder et bénéficier de la commande publique.

Votre Rapporteur plaide donc en faveur d’une meilleure prise en compte des enjeux de souveraineté au sein du code de la commande publique et du droit européen régissant cette matière.

2.   Des pistes de solution à explorer

Plusieurs pistes peuvent être explorées pour améliorer progressivement la situation actuelle et renforcer le soutien de la puissance publique aux acteurs français et européens.

a.   Améliorer le référencement de l’offre numérique française et européenne

La direction interministérielle du numérique (Dinum), chargée de coordonner les actions des administrations en matière de systèmes d’information, propose un catalogue de solutions et d’outils numériques à l’usage des administrations : le catalogue GouvTech.

Les échanges menés par votre Rapporteur ont fait apparaître une préoccupation réelle en faveur d’une commande publique mieux orientée ([27]). Votre rapporteur tient à saluer l’existence de ce catalogue, qui doit favoriser la création de services publics numériques performants et faciliter l’identification et le choix de solutions pertinentes. Il déplore néanmoins que les fournisseurs de solutions puissent librement demander le référencement de leur outil dans ce catalogue, sans prérequis de localisation, de nationalité, de certification en matière cyber ou de gages de confiance significatifs au titre de la souveraineté numérique. Du reste, ce catalogue peine malheureusement à être connu et est ainsi trop peu utilisé.

L’élaboration, par la Dinum, d’un label afin d’orienter les décideurs vers l’achat sécurisé de solutions nationales et européennes est une excellente initiative. En ce qui concerne la certification, plusieurs normes existent, en particulier s’agissant de garantir la sécurité du cloud (SecNumCloud, HDS en matière de santé, ISO 27001).

b.   Mobiliser les marges de manœuvre réduites offertes par le cadre juridique actuel

Il convient également de mobiliser les marges de manœuvre existantes en l’état actuel du droit.

Votre Rapporteur souhaite mentionner, par exemple, les dérogations possibles au principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques qui tiennent à la nature de l’achat. Elles concernent (1) les marchés publics de défense, dans des domaines qui comportent un enjeu de nature stratégique ; (2) les opérateurs de réseaux dans certaines conditions ([28]) ; et (3) la réalisation d’achats innovants (iii) ([29]).

D’autres dérogations peuvent être mobilisées, qui sont prévues notamment aux articles L. 2153-2 et suivants du code de la commande publique. Ces articles prévoient en effet que le principe d’égalité de traitement n’a pas vocation à être respecté vis-à-vis des entreprises des États non-parties à l’accord sur les marchés publics de l’OMC et que l’acheteur peut exiger une localisation de tout ou partie du marché sur le territoire d’États de l’Union européenne, afin de respecter des exigences sociales ou environnementales ou la nécessité d’assurer la sécurité des informations et des approvisionnements.

Il convient enfin de favoriser, au sein des marchés publics, le recours à l’allotissement géographique et technique afin de favoriser la candidature de PME implantées localement, spécialisées sur des segments du marché des softwares.

c.   Se fixer à moyen terme un objectif de sortie des solutions extra-européennes et s’en donner les moyens

À moyen-terme, il est nécessaire de se fixer un objectif clair et ambitieux, à savoir une sortie, au sein des administrations publiques françaises et européennes, des solutions numériques extra-européennes. L’évolution des débats sur ce sujet – qu’il s’agisse de réserver des marchés publics aux acteurs français et européens, par principe, ou de constituer une « infrastructure nation » – est positive et doit se concrétiser par des changements profonds dans les politiques menées.

Recommandation n° 15: Se fixer comme objectif de faire sortir progressivement les usages numériques de l’administration du giron des grandes entreprises extra-européennes.

L’adoption d’un Small Business Act répondrait à des attentes fortes et légitimes manifestées par France Digitale. Un tel dispositif à l’échelle européenne permettrait le développement d’un écosystème d’entreprises digitales européennes, en plus d’affirmer la souveraineté numérique qui en est le corollaire. Au niveau national, il est nécessaire d’inclure, dans notre droit de la commande publique, un principe de faveur à destination des solutions françaises et européennes.

Recommandation n° 14 : Imposer, dans la commande publique, un principe de faveur à destination des solutions numériques françaises et européennes.

d.   Faciliter l’accès de nos entreprises aux financements européens

En complément du levier de la commande publique, votre Rapporteur souhaite souligner l’importance de poursuivre les efforts d’investissement en faveur du soutien à l’écosystème « tech » et de protéger ses acteurs de prises de contrôle capitalistique incompatibles avec notre souveraineté numérique.

Différents progrès sont intervenus à l’échelle nationale. La Banque publique d’investissement (Bpifrance) mène une action volontariste en ce sens. Un effort de financement particulier et ciblé est ainsi réalisé en faveur des start-ups du numérique, notamment des deeptech, grâce à des subventions directes (sous forme de bourses French tech), à la mise à disposition d’avances remboursables, à des prêts d’innovation ou encore à des prêts d’amorçage.

Des financements permettent aussi d’accompagner la croissance des startups : c’est le deuxième axe de l’action de Bpifrance. Les programmes d’investissement d’avenir ont permis à Bpifrance d’investir au côté des fonds d’investissement, ces fonds en capital-risque étant essentiels pour permettre aux entreprises de croître et se développer. Ces éléments ont été confirmés par le directeur du numérique du secrétariat général pour l’investissement (SGPI) ([30]) à votre rapporteur, le SGPI pilotant cette politique d’investissement.

Enfin, au niveau européen, les projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) peuvent constituer un moyen pour favoriser le développement de compétences numériques dans l’Union et la relocalisation des industries du hardware. Certains opérateurs en font actuellement la demande pour affronter le « mur d’investissements » que demande la 5G standalone (et tout particulièrement la virtualisation des réseaux). Votre rapporteur souhaite cependant alerter sur les délais de traitement de ces Piiec. L’Union européenne devrait plutôt défendre un haut niveau d’ambition lors de leur mise en œuvre, tant en termes de gestion des demandes stratégiques et de financement que de calendrier.

Recommandation n° 16: Accélérer la mise à disposition des fonds dans le cadre des Piiec afin d’éviter que les projets concernés ne perdent en pertinence.

e.   Protéger nos entreprises et notamment nos « licornes » face aux stratégies offensives

Ces stratégies offensives peuvent prendre des formes très variées comme la prédation classique, des accords commerciaux avec transferts de technologie, etc.

En France, le dispositif de contrôle des investissements directs étrangers (IDE) est codifié au sein du code monétaire et financier. Ce contrôle s’est renforcé au fil des ans, ce qui traduit la volonté accrue de la France de préserver ses actifs stratégiques en étendant notamment le champ du contrôle des IDE aux technologies critiques (cyber-sécurité, intelligence artificielle, robotique, fabrication additive, semi-conducteurs, etc.). Ce mouvement de resserrement des contrôles doit continuer de s’accentuer dans la pratique.

Une autre voie pour assurer la protection des « pépites » est de substituer des financements français et européens aux financements américains ou chinois. Non seulement les fonds d’investissement français et européens doivent continuer de croître, mais il importe aussi de rapprocher les industries traditionnelles et les entreprises de la deeptech afin de créer des possibilités de coopération et de rachat. À ce titre, Bpifrance a lancé une plateforme de mise en relation Tech in Fab afin de favoriser le tissage de liens entre l’écosystème du digital et celui des entreprises françaises.

D.   Garantir la protection effective des donnÉes

La protection des données des citoyens français et européens est un levier pour garantir notre souveraineté dans le cyberespace. Cette préoccupation doit innerver l’ensemble des projets numériques portés par les acteurs publics et la doctrine numérique de l’État.

Au niveau européen, la prise de conscience du caractère crucial de cette question apparaît tardive. Au-delà du règlement général relatif à la protection des données (RGDP), dont de nombreux pays s’inspirent pour leurs propres législations, la mise en place du Data Governance Act constitue, certes, une initiative positive. Elle doit être suivie d’effet en termes d’application effective par les États-membres. L’initiative de cloud européen Gaia X apparaît, en revanche, compromise : si le projet initial pouvait sembler pertinent, l’association excessive d’acteurs non européens limite sérieusement son intérêt, tandis que sa temporalité fait craindre une efficacité limitée.

Au-delà des initiatives portées au niveau européen, il convient de rappeler qu’il faut mobiliser toutes les marges de manœuvre au niveau national. Des progrès restent à faire sur le plan économique et administratif. L’exemple du Health Data Hub et du choix effectué en faveur de Microsoft pour héberger nos données de santé est venu démontrer combien la question de la souveraineté numérique était insuffisamment prise en compte par les pouvoirs publics. Le choix d’héberger l’ensemble des données des Français chez un acteur américain, Microsoft, en témoigne : les garanties offertes au titre de l’application de législations extraterritoriales étaient notoirement insuffisantes, en dépit des exigences formulées dans ce cadre. De ce point de vue, votre Rapporteur ne peut que regretter que les contraintes de calendrier politique aient conduit à opérer un choix qui, sur le plan technique, était compréhensible, mais qui manquait cruellement de vision sur le moyen et le long terme. Faute de portage politique, la protection des données de santé, qui constitue à la fois un enjeu de protection de la vie privée, mais aussi – et surtout, en l’espèce – un enjeu économique ([31]) pour développer des solutions de santé numérique, a ainsi été sacrifiée sur l’autel d’une mise en œuvre technique souhaitée la plus rapide possible, mais qui n’a, de fait, pas abouti.

Sur ce sujet, votre Rapporteur prend acte des décisions du Gouvernement et de son changement de positionnement en faveur d’une sortie de l’hébergement chez Microsoft à l’horizon 2025. Il ne peut néanmoins que relever que, d’une part, cette sortie va prendre un temps notable, plus long qu’annoncé initialement par les ministres compétents en 2021, et que, d’autre part, elle conduit le projet, de facto, à ne pas réunir les conditions de la confiance dans une matière aussi sensible.

Il convient également de mettre en place, au niveau européen, une vraie obligation de localisation des données des Européens sur le sol européen. De ce point de vue, en dépit des annonces formulées en 2020 par le commissaire au marché intérieur Thierry Breton, les textes adoptés n’ont pas donné satisfaction à cet élément essentiel pour notre souveraineté numérique.

Recommandation n°20 : Porter au niveau européen la création d’une obligation de localisation des données des Européens dans des datacenters présents sur le sol européen.

Votre Rapporteur souhaite aussi rappeler que la filière cloud française doit être soutenue pour renforcer sa compétitivité et sa capacité d’innovation. Le positionnement des acteurs français sur des segments stratégiques en termes d’offre doit se poursuivre avec l’appui des pouvoirs publics. La stratégie d’accélération sur le cloud, annoncée par le Gouvernement, est une initiative positive. Mais les échanges menés avec les acteurs français qui investissent dans le cloud font apparaître des difficultés d’accès à certains fonds, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du projet important européen d’intérêt commun concernant le cloud. Il apparaît en effet que les demandes de soutien des investisseurs ne sont pas satisfaites, en raison de délais excessifs dans le déblocage des fonds au niveau européen. Il convient donc de rappeler, à l’intention des autorités compétentes, que le temps administratif et le temps économique doivent coïncider : face au retard pris par l’Europe sur le cloud, il n’est pas acceptable de compromettre des investissements qui sont consentis par les industriels et opérateurs pour renforcer l’offre de cloud française et européenne.

Enfin, la doctrine « cloud au centre » de l’État semble, en l’état des informations disponibles quant à son application, poser un principe utile en matière de protection des données sensibles. Pour mémoire, elle implique notamment que chaque produit numérique manipulant des données sensibles – que ces données relèvent des données personnelles des citoyens français, des données économiques relatives aux entreprises françaises ou d’applications métiers relatives aux agents publics de l’État – doit impérativement être hébergé sur le cloud interne de l’État ou sur un cloud commercial qualifié SecNumCloud par l’Anssi et protégé contre toute réglementation extracommunautaire. Elle devrait permettre de renforcer la résilience des administrations publiques concernant l’hébergement des données.


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

La commission a enfin examiné, sur le rapport de M. Aurélien
Lopez-Liguori, les crédits du programme « Communications électroniques et économie numérique » de la mission « Économie ».

M. Aurélien Lopez-Liguori, rapporteur pour avis. Chers collègues, je me réjouis de vous présenter le résultat des travaux que j’ai conduits en tant que rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux communications électroniques et à l’économie numérique. Nous parlons ici des programmes 134 Développement des entreprises et régulations et 343 Plan France très haut débit (PFTHD). Dans le cadre de cet avis, j’ai procédé à une quinzaine d’auditions, qui m’ont permis d’entendre les principaux acteurs du secteur.

Je me suis assigné deux objectifs : dresser un état des lieux des déploiements fixe et mobile et aborder la question complexe, mais essentielle, de la souveraineté numérique. Cette dernière question est en effet centrale pour notre avenir. Nous devons nous doter des moyens d’être les plus autonomes possible dans le domaine du numérique. Actuellement, force est de constater que le Gouvernement et l’Union européenne en font trop peu sur cette question, pour ne pas dire qu’ils prennent des mesures contre-productives.

S’agissant, en premier lieu, de l’évolution des crédits relatifs aux communications électroniques, la tendance est globalement à la hausse, en particulier pour le programme 134 et les budgets de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et de l’ANFR (Agence nationale des fréquences). À titre d’exemple, le budget de l’Arcep pour 2023 est en hausse de 1,5 % en autorisations d’engagement (AE) et de 1,4 % en crédits de paiement (CP) par rapport à l’année précédente. Je tiens à souligner que l’Arcep et l’ANFR nous ont fait part de leur satisfaction quant aux crédits qui leur sont alloués. S’agissant du plan France très haut débit, les crédits sont en baisse par rapport à l’année dernière, mais excèdent les chiffres de la loi de finances initiale pour 2021.

Cela étant, je voudrais attirer votre attention sur l’insuffisance du financement des raccordements complexes, lesquels nécessitent le traitement de 2,1 millions de prises, plus difficiles et coûteuses à réaliser, dans le cadre des réseaux d’initiative publique (RIP). Ces raccordements sont une condition d’équité territoriale et de respect de l’engagement du « 100 % Fibre » pris par le Gouvernement. J’ai déposé un amendement qui se situe dans la droite ligne des propositions faites par notre collègue Éric Bothorel l’année dernière et qui vise à faire passer l’enveloppe prévue de 150 à 200 millions d’euros.

Je voudrais à présent dresser un rapide état des lieux des déploiements du réseau fixe et du réseau mobile dans notre pays. Concernant le PFTHD, d’abord, on observe un ralentissement des déploiements après deux années records, en 2020 et en 2021. Ces ralentissements sont particulièrement notables en zone très dense. Il faut à ce sujet faire preuve de fermeté. L’Arcep nous a confirmé qu’elle suivait le dossier de près, en particulier concernant un opérateur qui rencontre des difficultés. Je recommande que soit lancée une réflexion sur les moyens financiers ou légaux permettant de contraindre les opérateurs à reprendre les déploiements.

Au sein de la zone d’initiative publique, la dynamique est relativement bonne, même s’il reste du chemin à parcourir. On constate cependant des situations contrastées d’un territoire à l’autre. Le déploiement est plutôt en avance dans l’Oise, la Loire ou le Val-d’Oise, par exemple, tandis que les échéances sont plus lointaines dans des départements comme la Marne et la Sarthe.

Concernant le mobile, la généralisation de la 4G est effective sur le territoire, mais certains retards persistent. Je souhaite, à cet égard, que l’Arcep continue d’être vigilante, d’autant que les opérateurs ne peuvent plus se cacher derrière la crise de la covid-19 pour justifier les retards.

Enfin, s’agissant de la 5G, je souhaiterais revenir, sous un angle plus politique, sur les enjeux de sécurité de nos infrastructures. La loi du 1er août 2019, dite loi « anti-Huawei », a permis des avancées incontestables en empêchant le déploiement des antennes 5G Huawei dans les sites et les zones sensibles, comme les bases militaires ou les lieux de pouvoir. Toutefois, ce texte n’est pas à la hauteur du moment politique. Comme aux États-Unis, nous devons étendre l’interdiction à l’ensemble du territoire national – et pourquoi pas européen ? Cette interdiction doit également frapper d’autres équipementiers extra-européens, comme Cisco, par exemple. Comment expliquer aux Français qu’on utilise des antennes 5G d’entreprises extra-européennes capables de collecter leurs données, alors même que l’État nourrit des soupçons d’espionnage à leur endroit ? Le risque de backdoor existe : les Français doivent le savoir.

J’ai souhaité aborder, dans le cadre de mon avis, plusieurs sujets d’importance sur le thème de la souveraineté numérique. Quatre points ont particulièrement retenu mon attention : la cybersécurité, la fiscalité, la commande publique et la protection des données.

Concernant la cybersécurité, on observe, tout d’abord, une convergence dans les techniques employées par les groupes cybercriminels et les attaquants travaillant au profit d’intérêts étatiques. Ces groupes sont de plus en plus furtifs, organisés et compétents. On note également des tentatives de prépositionnement de hackers au sein d’infrastructures nationales appartenant à des domaines critiques comme le transport, l’énergie, la santé, etc. Enfin, dernière tendance à l’œuvre : les tentatives croissantes de compromission de cibles de haute valeur.

La stratégie d’accélération cyber du Gouvernement est une bonne initiative, même s’il faut faire encore plus sur ce sujet. Notre écosystème cybertech mérite un soutien à la hauteur de ses besoins. Dans un contexte de menace cyber, le besoin en personnel qualifié est en constante augmentation. Nos auditions ont confirmé que notre système de formation était largement insuffisant. Il nous faut renforcer notre capacité de formation, tant à l’école que dans les entreprises, les administrations et les collectivités. Nous avons tous en tête les exemples d’hôpitaux récemment attaqués à Corbeil-Essonnes, Caen ou encore Arles, qui auraient dû être mieux protégés. Nous devons, parallèlement, inciter les entreprises et les administrations à élever leur niveau de protection face à une menace de plus en plus sophistiquée.

Il faut également que les Français acquièrent une hygiène cyber. Israël a, par exemple, créé des cours de cybersécurité distincts des cours d’informatique dès le primaire pour sensibiliser les enfants à ces enjeux. Le gouvernement israélien considère que chaque citoyen peut avoir à traiter, un jour, des données sensibles.

S’agissant de la fiscalité du numérique, je souhaite faire passer un message simple : il n’est pas acceptable que cette dernière soit une charge si lourde pour les acteurs français et européens, alors que les géants du numérique sont largement avantagés par leurs combines fiscales. La création de la taxe sur les services numériques, dite « taxe Gafam », a démontré qu’il est possible d’agir à l’échelle nationale sur de tels sujets. La France n’a pas attendu une réponse européenne et mondiale – qui arrivera… peut-être – pour créer sa propre règle. Il faut continuer en ce sens et ne pas se limiter. Il faut réfléchir à d’autres sujets sur lesquels on peut créer des règles dans l’attente d’éventuelles normes européennes ou internationales. Tout est question de volonté politique : quand on veut, on peut, et quand on peut, on fait !

Je propose de poursuivre les réflexions engagées sur l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux (Ifer) mobile et la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (Toce), sujets qui ont été abordés à plusieurs reprises lors de la législature précédente. Ces taxes représentent une charge pour les opérateurs français, d’autant plus qu’ils sont en pleine phase d’investissement.

Nous pourrions aller plus loin et creuser l’idée d’une taxe sur les grandes entreprises qui monopolisent la bande passante. Mettons tout en œuvre pour que les Gafam et les entreprises comme Netflix, pour qui notre pays est un juteux marché, participent proportionnellement à leur utilisation du réseau fourni et payé par les opérateurs français.

J’en viens à deux questions fortement corrélées : la commande publique et la protection des données.

La commande publique est fondamentale pour soutenir nos acteurs. Pourtant, en la matière, nous sommes contraints par l’Union européenne. Deux puissances, les États-Unis et la Chine, ont des champions du numérique, ; elles ont en commun d’avoir utilisé l’outil de la commande publique pour faire émerger leurs champions, qui se sont imposés au reste du monde.

L’Europe en a été incapable, trop occupée qu’elle est à assurer une pseudo‑concurrence libre et parfaite, qui n’existera jamais. Nous en voyons le résultat : nos acteurs sont excellents et compétitifs, mais nous n’avons aucun géant ; pas un seul Google européen, pas un seul AliBaba français ! Pire : si un acteur émerge, il est immédiatement racheté par des acteurs extra-européens : hier PriceMinister, aujourd’hui Excelya, demain à qui le tour ? Les règles européennes de la concurrence nous empêchent d’orienter la commande publique et les aides d’État vers nos propres entreprises.

Par ailleurs, la distribution de fonds dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec) n’est pas assez efficace. La plupart des opérateurs que nous avons auditionnés estiment que la Commission européenne prend trop de temps pour instruire les dossiers, alors même qu’une réactivité accrue est nécessaire. Le résultat est regrettable. Les entreprises innovantes en pâtissent et ne peuvent se développer aussi vite qu’elles le souhaitent. Cela n’est pas acceptable, ce n’est pas ainsi que nous ferons fructifier l’écosystème français et européen ni que nous imposerons nos règles en la matière.

S’agissant de la protection des données, nous avons auditionné plusieurs acteurs français des plateformes de données de santé, notamment le Health Data Hub. Nous avons constaté à quel point la question de la souveraineté numérique est secondaire aujourd’hui en France, nonobstant les annonces. Le choix de Microsoft pour un cloud de données de santé est choquant, d’autant que l’écosystème de la French Tech dispose de mille et une idées et pépites, susceptibles de concurrencer le géant du numérique.

Le Gouvernement doit prendre conscience du tournant qu’il doit opérer s’il veut protéger la souveraineté numérique française. Il doit promouvoir une obligation de localisation des données sur le sol européen. Cette promesse, jadis formulée par Thierry Breton, s’est volatilisée dans les projets de règlement européen Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), à notre grand regret.

J’en viens aux délestages, dont les effets sur les infrastructures préoccupent les opérateurs. En dépit des travaux entamés en juin dernier, rien n’est clair et rien n’est prêt. Tous les opérateurs ont exprimé leur désarroi à ce sujet.

Notre seule crainte est que l’impréparation du Gouvernement nous amène à une situation dramatique, par exemple en cas de coupure des communications d’urgence dans le cadre d’opérations de délestage. À l’heure actuelle, le retrait des antennes 5G des zones de délestage n’est pas prévu. J’appelle à faire preuve de clarté à ce sujet : nous attendons un plan permettant d’éviter que les antennes mobiles soient concernées par les plans de délestage.

Il y a trois jours, M. Jean-Noël Barrot a évoqué la possibilité de couper les box internet des Français, avant de se reprendre en précisant qu’il s’agissait de les mettre en veille la nuit. Il oublie que tout le monde ne travaille pas le jour, que les urgences fonctionnent aussi la nuit et que les libertés individuelles de chacun ne peuvent être remises en cause d’un claquement de doigts. Les Français ne doivent pas payer les frais de l’imprévoyance du Gouvernement. Cette phrase pourrait résumer l’ensemble de mon propos.

Compte tenu des observations qui précèdent, nous émettons un avis favorable à l’augmentation des crédits nécessaires à l’approfondissement du déploiement fixe et mobile, ainsi qu’à une prise de conscience tardive des enjeux de souveraineté numérique. Partisans d’un dialogue constructif, nous voterons les crédits du programme Communications électroniques et économie numérique.

Le rapport n’en démontre pas moins que l’engagement du Gouvernement en la matière est insuffisant. Certaines annonces sont positives, certains crédits augmentent, mais il faut aller plus loin. Les Français attendent beaucoup plus.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Éric Bothorel (RE). Le rapport formule une analyse positive des crédits du programme Communications électroniques et économie numérique. Les crédits du programme Développement des entreprises et régulations sont en hausse de 26 % et le budget de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse de 1,5 %. Plus de 45 millions d’euros sont alloués à l’Agence nationale des fréquences, pour préparer les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

Le rapport, dont je salue la qualité, se félicite du « succès du plan France Très haut débit, qui tiendra son engagement d’un accès pour tous au très haut débit (THD) d’ici fin 2022 », et de celui du New Deal mobile, qui « a permis d’équiper en 4G quasiment 100 % des sites mobiles ». Il rappelle « la nécessité absolue d’amplifier notre stratégie et notre culture cyber à travers un véritable espace européen de cybersécurité » et « la poursuite indispensable de la protection effective de nos données aux niveaux national et européen dans la continuité du règlement général pour la protection des données (RGPD), du Data Governance Act (DGA) et de notre doctrine “Cloud au centre ».

Monsieur le rapporteur pour avis, je me réjouis que votre rapport soutienne, sur le fond, l’action que nous menons, en France et ailleurs en Europe, depuis cinq ans. Toutefois, j’y vois un manque de cohérence de votre parti politique, qui a voté contre la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi Élan », et qui, au Parlement européen, n’a pas voté le Data Governance Act. Votre rapport salue pourtant les effets de ces textes, qui visent respectivement à accélérer le déploiement de la couverture mobile en France et à fixer un cadre pour le partage des données en Europe.

Notre commission est un lieu de dialogue honnête et constructif, contrairement à l’hémicycle hier soir. Par-delà les postures politiques, je suis heureux de débattre sur le fond en vue de poursuivre au mieux les politiques entreprises. Je forme le vœu que les comportements que nous adoptons en commission soient observés dans l’hémicycle, au profit d’un dialogue de qualité.

J’aimerais vous interroger sur la fiscalité des opérateurs de télécommunications, que vous qualifiez de « particulièrement élevée » dans votre rapport. Acceptez-vous de soutenir une réforme de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau qui, selon les modalités retenues, limiterait ou diminuerait des recettes dont je rappelle qu’elles sont, pour le mobile, perçues par les mairies ou les intercommunalités ? Êtes-vous prêt à soutenir la recommandation formulée à ce sujet dans le rapport pour avis sur le précédent budget ?

S’agissant de la mise en veille des box, elle concernera, d’après les précisions formulées en début de semaine, le décodeur TV et non la connexion internet. Nul ne sera privé, même en cas de mise en veille profonde, des usages domotiques.

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. S’agissant de notre absence de soutien à la loi Élan et au DGA, vous savez comme moi, Monsieur Bothorel, que l’on peut approuver certains points d’un texte et pas d’autres. Dans mon rapport, je me suis efforcé d’adopter un point de vue global sur la question du déploiement.

Pour ce qui concerne la fibre, ce que fait la France est excellent. Nous sommes l’un des premiers pays au monde et nous prenons de l’avance. S’agissant de la 5G, nous serons obligés, dans les années à venir, de démanteler la plupart des antennes faute d’avoir interdit Huawei sur notre territoire. Tel est pourtant le sens de l’histoire : les États-Unis, la Suède et le Royaume-Uni l’ont fait.

Nous ne pouvons pas vous suivre sur les questions de souveraineté numérique et de stratégie. Vous vous enfermez dans le respect du droit de la concurrence de l’Union européenne, qui, malheureusement, nous empêche d’être efficients et souverains en matière économique. Ainsi, les aides d’État sont autorisées dans les secteurs stratégiques, mais le numérique y échappe souvent. La concurrence libre et non faussée nous empêche de favoriser notre commande publique et d’orienter la régulation des investissements étrangers, secteurs stratégiques mis à part.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Votre rapport, dont je salue la précision, a le mérite de mettre en lumière des problèmes que nous découvrons ou que nous comprenons mieux.

Chacun peut convenir que la France peine à s’affirmer comme une puissance numérique, pour plusieurs raisons. Le déploiement des équipements haut débit progresse, mais ne doit pas masquer un cruel manque de souveraineté numérique, qui nous place sous la coupe de multinationales étrangères de plus en plus puissantes. Certains efforts méritent d’être salués. Il n’en faut pas moins prendre des mesures fortes, comme le démontre le rapport.

Notre situation est paradoxale. Alors même que Bruxelles érige la concurrence comme modèle à imposer à tous les secteurs, le monde du numérique est soumis au monopole de quelques multinationales américaines. L’hégémonie des Gafam plonge notre économie dans une situation de dépendance et de fragilité.

À l’aune des récentes crises, nous devrions tous être d’accord pour dire qu’il est plus que temps de mettre un terme à cette situation. La France a su constituer des groupes d’envergure mondiale, notamment dans les domaines de l’automobile, de l’énergie et de l’armement. En revanche, nous avons de grandes difficultés à faire émerger des équivalents nationaux – ou même européens – aux Gafam.

Si notre pays semble avoir en partie manqué le virage du numérique, nul n’imagine un instant qu’un déficit de qualification, d’ingénierie ou d’expertise en soit la cause. Issu moi-même de ce milieu professionnel, je pense que nous possédons des ressources pour inverser la tendance et développer le secteur du numérique français, si important pour notre compétitivité. Il faut, pour ce faire, mener une politique ambitieuse de soutien aux entreprises nationales et de lutte contre la concurrence déloyale. À défaut, la souveraineté numérique demeurera un vœu pieux ou un élément de langage.

Agir sur la commande publique, comme le préconise le rapport, me semble une piste intéressante. Nous pouvons également agir sur la fiscalité, qui tend à favoriser les grands groupes étrangers profitant de la juridiction européenne pour ne pas payer leurs impôts en France. De quels leviers d’action législatifs disposons-nous pour aider le secteur du numérique français à se développer et à affronter la concurrence ?

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. C’est avant tout le droit de la concurrence de l’Union européenne qui nous empêche d’assurer la souveraineté numérique de la France. Les contraintes imposées aux aides d’État et le règne de la concurrence libre et non faussée nous empêchent, hors domaines stratégiques, de développer la commande publique et de réguler les investissements étrangers. Privé de soutien, le numérique français est la proie des acheteurs étrangers.

Le principe d’égalité de traitement n’est même pas une règle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les États-Unis en sont membres, ce qui ne les a pas empêchés d’adopter des lois telles que Buy American Act et Small Business Act. L’Inde, membre de l’OMC, a interdit TikTok. Le Danemark, membre de l’Union européenne, a interdit le déploiement de Google dans les écoles. Tout est affaire de volonté politique. À ce sujet, le Gouvernement, malheureusement, en manque.

Nous militons pour l’amélioration du référencement de l’offre numérique. De façon générale, la seule question qui vaille est la suivante : comment réserver nos marchés publics aux acteurs français et européens ?

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). La tonalité de mes propos sera nettement différente.

Le rapport pour avis sur le programme Communications électroniques et économie numérique fait preuve d’amateurisme, ainsi que d’une déconnexion totale avec les enjeux actuels et futurs du secteur de l’économie numérique. La liste des acteurs auditionnés, qui ne comporte que les grands opérateurs et l’Arcep, mais pas la Commission nationale Informatique et libertés, le démontre.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez l’ambition de produire un rapport sur la souveraineté numérique. Mais quid des ONG telles que La Quadrature du Net et l’European Digital Rights (Edri) ? En matière de cybersécurité, quid de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (Enisa) et du leader français de l’hébergement de données OVHcloud ? Quid de la société civile, représentée par les associations de consommateurs et d’usagers ?

Le rapport témoigne d’une réelle méconnaissance du domaine. Comment ne pas relever la recommandation 13, consistant à taxer les fournisseurs de contenus sur la base du débit consommé sur le réseau ? Demander aux plateformes de consentir un effort financier supplémentaire peut sembler séduisant, mais la contrepartie est la suivante : plus elles financeront, plus elles pourront s’assurer un accès privilégié à la bande passante.

Il en résulterait un internet à deux vitesses, l’une pour les riches, l’autre pour les pauvres, ce qui signerait la fin de la neutralité du Net, à rebours du droit européen, qui a sanctuarisé ce droit fondamental en 2015. Pour éviter cet écueil, il est nécessaire d’opérer une taxation harmonisée à l’échelle européenne sur tout le portefeuille d’activités des Gafam et non sur leur usage des infrastructures.

Au sujet des technologies, le rapport évoque la nécessité d’un développement harmonieux des infrastructures et en profite pour vanter la 5G, dont nous savons pertinemment qu’elle est une catastrophe environnementale. Par ailleurs, l’argent placé sur la 5G n’est pas utilisé pour mettre véritablement en œuvre la fin du réseau cuivre. Cet arbitrage participe grandement à la fragmentation numérique de notre territoire.

Nulle part le rapport ne creuse le sujet de la précarité numérique et de l’illectronisme. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un budget pour la transformation numérique des administrations publiques. Toute digitalisation réalisée aux dépens des agents, des travailleurs sociaux et des bénéficiaires largement concernés par l’illectronisme induira une fragilisation des services publics et ne permettra pas de réduire le taux de non-recours aux aides. On ne trouve rien non plus, dans le rapport, sur le logiciel libre, qui, avec l’hébergement des données, est la clé de l’autonomie et de la souveraineté numériques.

Ce rapport, à l’image du projet de loi de finances dans lequel il s’inscrit, est une imposture sur les moyens d’affronter les grands impératifs de l’économie numérique, sur la place des solutions alternatives telles que le logiciel libre et des innovations telles que le calcul haute performance, et sur la dégradation des droits fondamentaux des usagers. Cette piètre analyse du secteur fait le jeu des puissants.

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. Mon amateurisme doit être partagé. Le nombre d’auditions est limité à quinze par rapport. Faute de pouvoir auditionner tout le monde, j’ai auditionné en priorité les agences de l’État.

Par ailleurs, mon rapport porte sur deux lignes de crédits budgétaires. L’illectronisme est certes un sujet important, mais il ne fait pas partie de mon périmètre. J’aurais bien rédigé un rapport de mille pages, mais j’ai dû me contenter de soixante-cinq. En matière de justice sociale, j’aborde la question des raccordements complexes. Je présenterai tout à l’heure un amendement visant à augmenter les crédits alloués au raccordement à la fibre des zones les plus difficiles d’accès.

À propos de la neutralité du Net, je suis surpris que La France insoumise reprenne les éléments de langage des grands acteurs du numérique que sont Google et Netflix, qui, pour éviter de payer, opposent à toute taxation de la bande passante la neutralité du Net. Madame Simonnet, vous défendez les capitalistes et les grandes entreprises du numérique, dont vous partagez les éléments de langage. Je trouve cela assez cocasse.

M. Jérôme Nury (LR). Le déploiement des infrastructures numériques fonctionne pleinement. La crise de la covid-19 et les confinements ont ralenti les travaux, mais il faut reconnaître que l’État a été présent au côté des territoires, en tant que maître d’ouvrage des réseaux d’initiative publique (RIP). Dans l’Orne, il finance trente des quatre-vingt-sept millions d’euros du plan numérique ornais (PNO), soit autant que la région Normandie, le reste étant financé par le conseil départemental.

Dans les territoires ruraux, ce déploiement arrive aux zones les moins denses. Il se heurte à des problèmes d’élagage, d’adressage et de coût en cas de raccordement complexe. L’enveloppe prévue à l’échelle nationale s’élève à 150 millions d’euros, ce qui est bien peu. Certaines prises coûtent 12 000 euros.

Le déploiement de la 4G a bénéficié, sur le fond et sur la forme, du New Deal numérique, qui a permis à l’État de contraindre les quatre opérateurs à implanter chacun 5 000 antennes dans des zones blanches ou grises, et aux départements de constituer des équipes-projets rassemblant, sous la tutelle du préfet, les acteurs de proximité, les collectivités locales et les opérateurs.

Plusieurs problèmes subsistent. L’attribution des antennes et des dotations afférentes est très disparate selon les départements. Dans l’Orne, seuls trois sites sont prévus, alors même que nos besoins sont immenses. Il faut introduire dans les dotations un taux de ruralité pour résorber les zones blanches ou grises, qui sont en plus grand nombre dans les territoires ruraux. Quant au New Deal mobile, il doit absolument être prolongé par un New Deal mobile 2, afin de poursuivre le déploiement de la 4G et d’y intégrer la 5G.

Sur ces trois points — dotation du New Deal mobile pour les territoires ruraux, New Deal mobile 2 et financement des raccordements complexes —, nous avons besoin d’une forte impulsion de l’État, qui semble insuffisamment mobilisé sur ces sujets majeurs pour notre territoire, notamment pour nos territoires ruraux.

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. En matière de déploiement de la fibre comme du réseau mobile, la disparité entre les zones est une évidence. Elle se double d’une disparité entre les opérateurs : ainsi, Orange progresse rapidement dans le déploiement de la fibre, alors que SFR, qui a appelé l’attention de l’Arcep, rencontre de gros problèmes.

En zone très dense, le déploiement de la fibre touche à sa fin. Les zones restant à raccorder sont les plus difficiles d’accès, dans lesquelles les opérateurs ne veulent pas investir. Dans les zones moins denses, qui sont pour l’essentiel des agglomérations de taille moyenne relevant de la zone d’initiative privée, les retards, souvent imputables à SFR, sont nombreux. Dans les zones d’appels à manifestation d’engagements locaux et les zones d’intervention prioritaires, qui sont pour l’essentiel des zones rurales, le déploiement de la fibre est conforme aux objectifs du Gouvernement.

Au sujet du New Deal mobile, 250 zones ne sont pas encore couvertes par un service de SMS, voix et 4G, ce qui est un gros problème. La cause en est l’opposition des riverains, et parfois les dispositions de la loi « Littoral », qui interdit la requalification des antennes en zone d’extension urbaine.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le rapporteur pour avis, je regrette comme vous la communication insuffisante et parcellaire du Gouvernement au sujet des risques induits par les délestages potentiels, cet hiver, pour l’acheminement des communications, notamment celles des services d’urgence. L’audition des responsables d’Enedis et de RTE, qui ont détaillé les mesures qu’ils ont prises, m’a partiellement rassurée.

Nous souscrivons à la recommandation 10 du rapport en faveur d’un véritable plan de préservation des infrastructures numériques critiques indispensables au fonctionnement de la nation. Les opérateurs font état d’une capacité à tenir deux heures grâce à des groupes électrogènes, qui toutefois ne leur permettent pas de redémarrer leurs installations. Cette question doit faire l’objet d’une attention particulière.

L’entretien du réseau cuivre est parfois éclipsé par l’attention logiquement portée au déploiement de la fibre. Lors de la précédente législature, notre ancienne collègue Célia Delavergne avait présenté, à l’issue d’une « mission flash », un plan d’action en dix mesures, afin d’assurer le maintien du réseau en bon état jusqu’en 2030. Qu’en est-il de son application ? Monsieur le rapporteur pour avis, quelles sont vos recommandations sur ce sujet sensible, notamment dans les zones rurales et de montagne ?

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. L’entretien du réseau cuivre ne fait pas partie du périmètre de mon rapport. Nous avons abordé le sujet avec l’Arcep, qui mène une réflexion à ce sujet. Il devrait être remplacé par la fibre d’ici 2030. Quoi qu’il en soit, les zones qui ne sont pas raccordées à la fibre ne doivent pas être condamnées à utiliser le réseau cuivre, qui est dans un état déplorable.

À propos des délestages, nous avons été choqués d’entendre les quatre opérateurs nous dire, en juin, que l’État leur a demandé d’équiper en batteries Huawei l’intégralité des antennes 4G et 5G en France, soit plusieurs milliers d’antennes, pour éviter les délestages. Leur réponse a été la suivante : un, on nous demande de démanteler les antennes Huawei et de les remplacer par des batteries Huawei ; deux, nous ne pourrons pas tenir la cadence en raison de la crise mondiale du lithium ; trois, cela représente les deux tiers de nos investissements annuels. Rien d’autre n’est prévu au sujet du délestage, ce qui est assez inquiétant. Nous avons rencontré des usagers des communications d’urgence, notamment des policiers et des gendarmes, qui n’étaient même pas au courant que des délestages peuvent advenir. Il s’agit d’un vrai sujet, auquel il serait bon que les ministres s’intéressent.

M. le président Guillaume Kasbarian. Pour ma part, j’ai deux questions. Avez-vous interrogé les institutions européennes ? Avez-vous interrogé les cabinets ministériels, notamment sur les délestages ?

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. Le ministre a évoqué les délestages en commission il y a deux semaines. Nous avons interrogé les administrations et les agences de l’État concernées.

M. le président Guillaume Kasbarian. Avez-vous contacté le cabinet du ministre pour l’interroger sur l’éventualité de délestages après avoir auditionné les opérateurs ?

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. Nous avons contacté la direction générale des entreprises (DGE).

M. le président Guillaume Kasbarian. Que vous a-t-elle répondu ?

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. Elle nous a indiqué que les opérateurs n’étaient pas favorables à l’installation de batteries au lithium et qu’Enedis ne parvient pas à élaborer des plans de délestage excluant les antennes 4G et 5G.

S’agissant des institutions européennes, j’ai été assistant parlementaire au Parlement européen pendant deux ans et demi. Je travaillais pour un député siégeant à la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, lorsque celle-ci a examiné le DSA, le DMA et le DGA. Je connais plutôt bien ces sujets.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il ne s’agit pas d’une mise en cause personnelle. J’aimerais savoir si vous avez interrogé l’institution en tant que rapporteur pour avis.

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. Pas dans la limite des quinze auditions qui m’était imposée. J’ai des échanges avec plusieurs amis travaillant à la Commission européenne et au Parlement européen, dans divers groupes politiques, ainsi qu’avec les acteurs du numérique. J’ai assisté au France Digital Day.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur le rapporteur pour avis, je ne me livre pas à l’exégèse de votre CV. Je vous ai posé une question simple pour savoir si vous avez interrogé les cabinets ministériels sur les observations des opérateurs ; vous y avez répondu.

S’agissant de la dimension européenne du sujet, que vous avez évoquée sous l’angle du droit de la concurrence et des aides d’État, vous n’avez pas formellement interrogé les institutions. Nul ne conteste votre expérience en la matière ; chacun en a une. J’ai moi-même travaillé sur les questions de concurrence, dans le cadre de la commission d’enquête sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle, notamment dans les cas d’Alstom, d’Alcatel et de STX. Nous nous sommes notamment intéressés à la protection des intérêts stratégiques.

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. J’ajoute que nous avons auditionné Enedis. Nous avons proposé au cabinet du ministre une audition conjointe avec la DGE, à laquelle il a refusé de participer.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CE94 de M. Aurélien Lopes-Liguori.

M. Aurélien Lopes-Liguori, rapporteur pour avis. L’amendement nourrit l’ambition d’augmenter le financement des raccordements complexes au sein des RIP. L’enjeu est de garantir une réelle équité dans l’accès à internet.

Il s’agit d’augmenter de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement les crédits de l’action Réseaux d’initiative publique du programme Plan France Très haut débit, et de réduire à l’identique ceux de l’action Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen du programme Stratégies économiques.

L’augmentation de l’enveloppe consacrée aux raccordements complexes de 150 à 200 millions d’euros est très raisonnable, compte tenu des besoins exprimés par les professionnels du secteur. Elle est un premier pas vers l’envoi d’un signal fort aux territoires concernés. Par ailleurs, cela rendra l’accès à internet plus uniforme sur le territoire.

Nous, élus du Rassemblement national, adoptons une position de dialogue constructif. Si une mesure est dans la bonne voie, nous la soutenons. L’amendement s’inscrit dans la continuité du rapport pour avis présenté par notre collègue Bothorel l’an dernier. Nous faisons un pas vers la majorité en approuvant les crédits du programme Communications électroniques et économie numérique ; à la majorité de démontrer qu’elle s’inscrit, elle aussi, dans le cadre d’un échange fructueux.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Guillaume Kasbarian. La commission des affaires économiques émettra un avis sur la mission Économie mardi prochain, à l’issue de l’examen de tous les programmes qui la composent.

 

Après avoir examiné les cinq avis budgétaires se rattachant à la mission Economie, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission lors de sa réunion du mardi 18 octobre 2022.

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

 

Directions et services de l’État

Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) / Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN)

M. Stéphane BOUILLON, secrétaire général

M. Guillaume POUPARD, directeur général de l’Anssi

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Antoine JOURDAN, sous-directeur des communications électroniques et des postes

Mme Lénaïg CATZ, directrice des projets Couverture numérique et Fréquences

Direction interministérielle du numérique (DINUM)

M. Xavier ALBOUY, directeur adjoint, directeur du programme interministériel TECH.GOUV

Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

M. Georges-Etienne FAURE, directeur du programme numérique

Établissements publics

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Laurent ROJEY, directeur général délégué au numérique

M. Zacharia ALAHYANE, directeur des programmes France THD et France mobile

Agence nationale des fréquences (ANFR)

M. Gilles BREGANT, directeur général

M. Christophe DIGNE, directeur général adjoint

 

 

 

 

Autorité administrative indépendante

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)

Mme Laure DE LA RAUDIÈRE, présidente

Mme Cécile DUBARRY, directrice générale

Mme Virginie MATHOT – DE RAINCOURT, conseillère de la présidente

Groupement d’intérêt public

Plateforme des données de santé (PDS), également appelée « Health Data Hub » (HDH)

Mme Stéphanie COMBES, directrice

Opérateurs de télécommunications

Orange *

M. Laurentino LAVEZZI, directeur des affaires publiques

Mme Claire CHALVIDANT, directrice adjointe des affaires publiques

Groupe Iliad/Free Mobile *

Mme Ombeline BARTIN, directrice des affaires publiques

Groupe Altice/SFR *

Mme Marie LHERMELIN, secrétaire générale adjointe / directrice des relations institutionnelles

Mme Roxane BESSIS, responsable des affaires publiques

Bouygues Telecom *

M. Anthony COLOMBANI, directeur corporate (affaires publiques, communication, RSE et mécénat)

M. Corentin DURAND, responsable du pôle affaires publiques

Fédération française des télécoms (FFT) *

M. Olivier RIFFARD, directeur des affaires publiques

Mme Claire CHALVIDANT, directrice adjointe des affaires publiques

Mme Aude BOISSERANC, responsable des affaires institutionnelles

Mme Roxane BESSIS, Responsable des affaires institutionnelles Altice

M. Corentin DURAND, Responsable du pôle affaires publiques Bouygues Telecom

Autres acteurs

Euris

M. Pedro LUCAS, Fondateur et CEO

Mme Céline SAVARY, Responsable qualité process

France Digitale *

Mme Marianne TORDEUX-BIKTER, Directrice des affaires publiques et européennes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Pour la description des résultats de ce plan, cf. infra, seconde partie.

([2]) Ces 150 M€ se décomposent de la façon suivante : 110 M€ figurant sur le programme 343 prévus en 2021 et dont le report est demandé pour 2022, 40 M€ de reprises d’engagement sur les projets.

([3]) Loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes.

([4]) Articles L. 43 et R. 20-44-10 du code des postes et des communications électroniques.

([5]) Décret n° 2017-1048 du 10 mai 2017 relatif au fonds d’accompagnement de la réception télévisuelle.

([6]) Loi n° 2015-136 du 9 février 2015 relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

([7]) Dans le cadre du mouvement engagé par le Gouvernement de suppression des taxes à faible rendement, la taxe additionnelle à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), qui finançait jusque-là le dispositif national de surveillance et de mesure de l’exposition aux ondes créé par l’article 42 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, lequel prévoyait la création d’un « fonds indépendant alimenté par la contribution des opérateurs de réseau émettant des ondes électromagnétiques », sera supprimée. Cette perte de recettes, dont le rendement anticipé était de 2,85 M€ en 2018, sera compensée par une augmentation, à hauteur de 2,5 M€, de la subvention de l’État.

([8]) Dès le début de 2020, le Gouvernement a souhaité aller plus loin que le très haut débit auprès des collectivités, et a fixé un nouvel objectif afin de répondre aux enjeux de la Gigabit Society, visant à généraliser les déploiements de fibre optique pour garantir sur l’ensemble du territoire l’adressage des enjeux européens.

([9]) Données issues de l’Observatoire du haut et très haut débit de l’Arcep pour le deuxième trimestre 2022, publiées le 8 septembre 2022

([10]) Le passage en très haut débit mobile concerne la totalité des sites mobiles existants en métropole, à l’exception des sites relevant du programme historique « zones blanches – centres bourgs », pour lesquels l’échéance de fin 2020 concerne 75 % d’entre eux, les 25 % restants devant passer en très haut débit mobile postérieurement.

([11]) Deux arrêtés ont été publiés en 2018, quatre arrêtés ont été publiés en 2019, trois arrêtés ont été publiés au titre de l’année 2020 et deux arrêtés ont été publiés au titre de 2021 ; un arrêté modificatif et un arrêté complémentaire ont été publiés en octobre 2020.

([12]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039682956/

([13]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039682939/

([14]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042506355

([15]) Bouygues Telecom, Orange et SFR

([16]) Les axes routiers prioritaires sont définis dans les autorisations d’utilisation des fréquences délivrées aux opérateurs de réseaux mobiles métropolitains comme étant « les autoroutes, les axes routiers principaux reliant, au sein de chaque département, le chef-lieu de département (préfecture) aux chefs-lieux d’arrondissements (sous-préfectures) et les tronçons de routes sur lesquels circulent en moyenne annuelle au moins cinq mille véhicules par jour, tels qu’ils existent au 1er janvier 2018. Si plusieurs axes routiers relient un chef-lieu de département (préfecture) à un chef-lieu d’arrondissement (sous-préfecture), le titulaire est tenu d’en couvrir au moins un. »

([17]) Ces mesures comprennent la mobilisation des entreprises, collectivités locales et particuliers pour baisser la consommation lors des signaux « Ecowatt rouge », le recours aux services contractualisés d’interruptibilité et la baisse de la tension sur le réseau public de distribution d’électricité.

([18]) Au cours de l’année 2019, le CFSSI a formé 1 800 agents du secteur public, ce qui démontre à quel point les ministères ont besoin de monter en compétence dans le domaine de la cybersécurité. L’année 2020 a été marquée par la crise de la covid-19, qui a provoqué l’annulation ou le report d’un grand nombre de formations, en particulier lors du premier confinement où les solutions de classes virtuelles n’étaient pas encore totalement développées. Par conséquent, le nombre de personnes formées en 2020 est très réduit. Par la suite, la mise en place d’une plateforme de classes virtuelles a permis d’assurer la continuité pédagogique au cours du second confinement et de proposer, au premier semestre 2021, un certain nombre de rattrapages de stages annulés en 2020.

([19]) À ces formations courtes s’ajoute une formation longue d’un an, permettant d’accéder au titre d’ « expert en sécurité des systèmes d’information ». Ce titre de niveau 7 (équivalent Bac + 5), enregistré au RNCP (nouvellement France Compétences), est délivré chaque année à une dizaine d’agents publics. Cette formation a été profondément revue en 2020. Malgré la crise de la covid-19, la continuité de l’enseignement a été assurée pour cette formation, moyennant quelques adaptations. Si la promotion 2021-2022 a été très réduite en raison de difficultés conjoncturelles de recrutement de candidats au sein des armées, la promotion 2022-2023 sera de taille plus conséquente, grâce notamment à une campagne massive de communication auprès des armées et sur certains réseaux sociaux.

([20]) Ce label s’adresse à des formations longues – principalement des formations initiales : licences, masters, mastères spécialisés, formations d’ingénieurs et, depuis 2018, formations de niveau 6 et 7 inscrites au RNCP – pour lesquelles la sécurité informatique est la thématique principale de la formation. Son objectif, outre la valorisation des formations, est de faciliter leur identification par les employeurs ou les étudiants. Les premières formations ayant reçu le label SecNumedu ont été référencées en janvier 2017. En août 2022, on compte 54 formations labellisées ou en cours de renouvellement (pour 44 labels), réparties comme suit : 15 licences professionnelles, 23 titres d’ingénieur, 6 diplômes de master, 7 mastères spécialisés, 3 titres RNCP niveau 7. On peut considérer, à ce jour, que l’essentiel des formations supérieures en cybersécurité sont intégrées à ce dispositif.

([21]) Contribution écrite adressée à votre Rapporteur par l’Anssi et le SGDSN.

([22]) Son assiette porte, pour mémoire, sur les recettes tirées :

– des prestations de ciblage publicitaire qui s’appuient sur les données collectées auprès des internautes, notamment via les moteurs de recherche et les réseaux sociaux ;

– de la mise à disposition d’un service de mise en relation entre internautes, que ce service permette ou non à ces internautes de réaliser des transactions directement entre eux ;

– de la vente des données utilisateurs à des fins publicitaires.

([23]) Le dynamisme des recettes s’explique principalement par l’accélération de la numérisation de l’économie pendant la crise sanitaire. Ces transformations ont notamment été favorables à l’activité des entreprises visées par la taxe – activités de plateformes d’intermédiation, de publicité ciblée en ligne et vente de données personnelles à des fins publicitaires.

([24]) Il s’agit des acteurs distribuant des contenus sans la participation d’un opérateur de réseau traditionnel.

([25]) P. Latombe et J.-L. Warsmann, rapport d’information n° 4299, Souveraineté numérique : modus operandi pour un cyberespace au service des citoyens, de l’économie et de l’État, juillet 2021.

([26]) Pour le cas américain, on peut citer l’action proactive de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), organisme éclairant la vision à moyen et long terme pour promouvoir les nouvelles technologies critiques. Le cadre historique est aussi éloquent, puisque pratiquement toutes les technologies clés (Internet, écrans tactiles, interfaces en réalité augmentée, etc.) ont pu être développées parce que l’État a largement investi dans leur développement, notamment via un mécanisme induit par le Small Business Act une loi orientant une partie significative de la commande publique vers des PME innovantes. Plus récemment, on peut mentionner le développement de la société SpaceX dans le domaine spatial, en fort lien avec les commandes de la NASA.

([27]) Audition de la Dinum, 30 septembre 2022.

([28]) L’article L. 2153- 2 du code de la commande publique permet d’écarter les offres composées à plus de 50 % de produits provenant d’États tiers à l’Union européenne, n’ayant pas signé l’accord sur les marchés publics de l’OMC.

([29]) Ce dernier dispositif, d’abord expérimental, a été pérennisé par le décret n° 2021-1634 du 13 décembre 2021. Il permet, en substance, aux administrations de passer, sans publicité ni mise en concurrence préalable, des marchés de travaux, fournitures ou services innovants de moins de 100 000 euros HT.

 

([30]) Audition de M. Georges-Etienne Faure, directeur du programme numérique du SGPI, 7 octobre 2022.

([31]) Le marché global français atteindrait les 27 milliards d’euros en 2025.