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N° 285

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME X

INVESTIR POUR LA FRANCE DE 2030

PAR M. ALEXIS IZARD

Député

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 Voir les numéros : 273 et 292 (Tome III, Annexe 29).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

première partie : l’approfondissement en 2023 du programme d’investissements d’avenir au travers de « France 2030 »

I. La continuité entre le PIA et « France 2030 »

A. L’adjonction de « France 2030 » au PIA dans la loi de finances pour 2022

B. les modalités d’intégration des nouveaux crédits aux programmes du PIA

II. une trajectoire budgétaire sur 2023 conforme au déploiement du nouveau dispositif

A. L’Achèvement du PIA 3 et la montée en puissance du PIA 4 confortée par « France 2030 »

B. une dynamique d’évolution des crédits de paiement cohérente au regard des actions des programmes 424 et 425

seconde partie : « France 2030 » : un vecteur d’innovation à consolider

I. La transition agroécologique et la santé numérique au prisme de la gouvernance de « France 2030 » : les forces et les faiblesses d’une politique publique de soutien à l’innovation

A. la gouvernance de « France 2030 » reprend la logique dirigée et agile qui caractérisait le PIA 4

1. Des principes généraux de fonctionnement hérités des premiers PIA

2. La systématisation du pilotage interministériel mis en place par le PIA 4

3. Une approche pragmatique et ouverte des procédures d’allocation des financements

B. un dispositif dont la complexité et la lourdeur ne favorisent pas le déploiement des projets, en particulier dans le domaine de l’agroécologie et de la santé numérique

1. Des délais allongés et parfois pénalisants, notamment au stade de la gestation des projets

2. Un empilement d’acteurs qui nuit à la lisibilité du dispositif

II. L’autonomie industrielle de la France et de l’europe au travers du prisme de la production de batteries

A. la mobilisation française et, au-delà, européenne autour de l’émergence d’un « airbus de la batterie »

1. Les batteries au lithium-ion, aboutissement d’un long processus historique d’innovation

2. Le PIIEC, symbole européen de « l’Airbus de la batterie »

3. La multiplication des projets de gigafactories en France : ACC, Verkor et AESC Envision

B. Soutien public et innovation : les conditions de succès de l’autonomie industrielle européenne

1. Les faiblesses identifiées de l’Europe vis-à-vis de ses concurrents américains et chinois

2. Le nécessaire élargissement du dispositif des PIIEC aux métaux constitutifs des batteries

3. L’accélération des travaux de recherche sur le recyclage dans l’attente du déploiement des nouvelles générations de batteries

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE : La gouvernance de « France 2030 »

LISTE DES PERSONNES auditionnées


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   INTRODUCTION

Lors de la présentation, en 2009, de leur rapport intitulé Investir pour l’avenir, les anciens Premiers ministres et coprésidents de la commission sur l’emprunt national Alain Juppé et Michel Rocard appelaient la France à ne pas se laisser « écraser par la tyrannie du court terme », à devoir « toujours saupoudrer au lieu de choisir », bref à « subir au lieu de choisir ». Notre pays devait « réapprendre à voir large et loin » au travers d’une politique d’investissement ambitieuse. Ces propos résonnent avec ceux prononcés, près de douze ans plus tard, par le Président de la République Emmanuel Macron, lors de sa présentation du plan « France 2030 » le 12 octobre 2021 : cet investissement, « c’est le seul moyen de […] créer de la valeur dans la durée et donc notre capacité à […] choisir notre destin. »

Il serait naturellement inexact d’affirmer que rien n’aurait été fait au cours de la décennie 2010. Le Programme d’investissement d’avenir (PIA) a été le marqueur d’une politique de soutien à l’innovation massive et, surtout, protéiforme. Est-il nécessaire de rappeler que, derrière le campus de Paris-Saclay, le réacteur de recherche nucléaire Jules Horowitz à Cadarache ou la ferme agroécologique dite « de l’Envol » à Brétigny-sur-Orge (Essonne), c’est le même outil de financement public qui est à l’œuvre ?

Pour autant, l’ambition de « France 2030 », qui s’inscrit dans la continuité du PIA, ne peut se résumer à n’être qu’un simple prolongement des stratégies d’innovation antérieures. Il s’agit d’aller plus loin dans le déploiement de l’innovation, c’est-à-dire d’accompagner les acteurs industriels dans la diffusion de leurs technologies sur les marchés. Au-delà des outils de production, les entreprises peuvent avoir besoin de disposer d’infrastructures immobilières adaptées. Le soutien via le PIA 3 de l’entreprise Automative Cells Company (ACC) dans son projet d’installation à Douvrin (Pas-de-Calais) d’une « gigafactory » spécialisée dans la production de batteries électriques pour véhicules automobiles s’est porté, notamment, sur la construction de corps de bâtiments offrant un haut degré de protection contre l’humidité, condition essentielle à la fabrication de batteries au lithium-ion.

Le fonctionnement de « France 2030 », hérité du PIA, témoigne également de la volonté de s’affranchir des carcans procéduraux habituels. Les auditions menées dans le cadre du présent avis budgétaire ont permis de constater que le dispositif était marqué par une absence de « procédure-type », les circuits financiers étant formalisés par des conventions ad hoc entre un responsable central, le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), et des opérateurs, eux-mêmes amenés à développer des relations contractuelles avec les bénéficiaires des fonds.

La cohérence de l’ensemble du dispositif est assurée par les services du Premier ministre et, par délégation, les ministères concernés, au travers du pilotage de toute nouvelle mesure, qu’il s’agisse du lancement d’un appel à projets ou de la mise en place d’un grand projet de recherche dirigée (PEPR ([1])). La volonté de « cadrer » au niveau national les projets d’innovation est, sans aucun doute, un gage de bonne gestion. Tout au plus peut-on déplorer un excès de centralisme sur certaines étapes ainsi qu’un empilement des acteurs (SGPI, conseil interministériel de l’innovation, comité exécutif, comités de pilotage, comité « France 2030 », etc.) peu propice à la lisibilité des procédures et à la réactivité dans la prise de décision. Au cours des différentes auditions, les organismes de recherche et les opérateurs de « France 2030 » ont tous mis en avant les délais, parfois excessifs, pour valider un PEPR (deux ans pour le PEPR Prezode) ou pour sélectionner des candidats à un appel à projets (huit mois en moyenne pour les appels gérés par Bpifrance).

Ces lourdeurs ont, incontestablement, joué un rôle dans le retard pris dans la mise en œuvre des stratégies d’investissement relatives à l’agroécologie et à la santé numérique, deux des thématiques au cœur du présent avis.

S’agissant du plan « Batteries », troisième axe du présent rapport, le degré d’avancement des différentes actions apparaît satisfaisant. Outre l’entreprise ACC évoquée plus haut, deux autres acteurs (Verkor et AESC Envision) sont engagés dans la constitution d’un « nœud » de gigafactories dans les Hauts-de-France (Douvrin, Dunkerque et Douai) destiné à alimenter le futur marché automobile français et, au-delà, européen. Les sommes en jeu en France, supérieures à 1 milliard d’euros, illustrent la volonté de notre pays de couvrir un large pan de la chaîne de valeur autour de la batterie, depuis la recherche sur les futures générations de batteries (sodium-ion, lithium-soufre, etc.) jusqu’à la mise en place de cursus spécifiques de formation (« École de la batterie ») en passant, bien entendu, par le soutien apporté aux gigafactories (usines stricto sensu et centres de recherche et développement).

Tout en se félicitant des atouts d’une telle stratégie, qui permettra à la France de contribuer pleinement à l’émergence d’une autonomie énergétique européenne, votre rapporteur regrette toutefois que les activités de recherche sur le recyclage des batteries soient insuffisamment au cœur de « France 2030 » et encore trop laissées aux seules mains de l’initiative privée.

D’un point de vue plus général, il appelle le Gouvernement à sensibiliser la Commission européenne autour du nécessaire élargissement des outils de politique industrielle, en particulier les « projets importants d’intérêt européen commun » (PIIEC), à l’ensemble des activités économiques permettant d’assurer la disponibilité des métaux « critiques » sur notre continent, comme le soulignait en début d’année le rapport confié à M. Philippe Varin (cf. seconde partie infra).

* * *

Le projet de budget de la mission « Investir pour la France de 2030 » pour l’exercice 2023 traduit la mise en oeuvre des autorisations d’engagement (AE) allouées en 2022 et permet de doter les opérateurs des crédits de paiement (CP) nécessaires à la mise en œuvre des orientations stratégiques définies par le Président de la République l’an dernier. Il apparaît globalement équilibré et de nature à aider notre pays à poursuivre ses efforts d’innovation.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET CRÉDITS DE PAIEMENT
DE LA MISSION « investir pour la France de 2030 »

(En milliers d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

(%)

Autorisations d’engagement

34 009 300

262 500

- 99,2 %

Crédits de paiement

7 003 622

6 087 628

- 13,1 %

Source : PLF 2023.

Votre rapporteur vous propose donc de donner un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2023 de la mission « Investir pour la France de 2030 ».


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   première partie : l’approfondissement en 2023 du programme d’investissements d’avenir au travers de « France 2030 »

I.   La continuité entre le PIA et « France 2030 »

A.   L’adjonction de « France 2030 » au PIA dans la loi de finances pour 2022

Le terme de « France 2030 » renvoie aux propos tenus par le Président de la République lors de sa présentation au Palais de l’Élysée, le 12 octobre 2021, d’une stratégie d’investissement à l’horizon de l’année 2030, d’un montant de 34 milliards d’euros (Md€) sur une période de cinq ans. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, les crédits correspondants ([2]) ont finalement été rattachés à la mission « Investissements d’avenir » par un amendement du Gouvernement visant à placer les moyens de soutien à l’investissement sous le couvert d’une doctrine et d’une gouvernance partagées. L’intitulé de la nouvelle mission est actuellement inscrit à l’article 187 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances initiale pour 2022.

Le terme même d’« investissements d’avenir » est issu du rapport précité de la commission sur l’emprunt national, publié le 19 novembre 2009 et qui estimait nécessaire pour la France « « d’investir pour l’avenir » selon des voies nouvelles. Un dispositif budgétaire dérogatoire, piloté au niveau du Premier ministre, a été mis en place dès l’année 2010 sous le nom de « Programme d’investissements d’avenir » (PIA). Plusieurs autres PIA (2, 3 et 4) ont été créés successivement en 2014, 2017 et 2020.

Le dispositif « France 2030 » s’affiche comme la continuation des PIA précédents :

2010

2014

2017

2020

2021

PIA 1

PIA 2

PIA 3

PIA 4

France 2030

35 Md€

(AE)

12 Md€

(AE)

10 Md€

(AE)

20 Md€

(AE)

Continuation du PIA 4 + 34 Md€ (AE)

B.   les modalités d’intégration des nouveaux crédits aux programmes du PIA

Les dotations du PIA avaient été conçues pour être utilisées sur plusieurs années selon des modalités d’engagement et de paiement différentes de celles prévues par la loi organique n° 2021-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). L’engagement des crédits se matérialise ainsi par la conclusion d’une convention entre l’État et un opérateur chargé de gérer les fonds à destination des différents bénéficiaires (entreprises, organismes de recherche, etc.).

Flux État Opérateur

Flux Opérateur bénéficiaire

AE

CP

Engagement : décision du Premier ministre

Consommation de l’intégralité des AE lors de la signature de la convention

Crédits inscrits à chaque PLF annuel

Contractualisation entre l’opérateur et le bénéficiaire

Décaissement de l’opérateur au bénéficiaire

Source : Secrétariat général pour l’investissement (SGPI).

En raison de ces spécificités, le PIA n’apparaissait pas initialement en tant que tel dans la répartition des crédits annuels par mission. Le dispositif a été érigé en mission à part entière dès le projet de loi de finances pour 2017 (PIA 3) et décliné en trois programmes :

– soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche (P 421) : émergence d’acteurs répondant aux meilleurs standards internationaux dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

– valorisation de la recherche (P 422) : accompagnement des structures d’innovation et de transfert de technologie créées lors des PIA 1 et 2, qu’il s’agisse des sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) ou des « démonstrateurs territoriaux » (cf. pages 19 et 20 infra) ;

– accélération de la modernisation des entreprises (P 423) : industrie du futur, concours d’innovation, etc.

Deux nouveaux programmes sont venus étoffer la mission à compter du PIA 4 en 2020 :

– financement des investissements stratégiques (P 424) : programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR - cf. pages 15 et 16 infra), soutien au déploiement et démonstrateurs en conditions réelles ([3]), etc.

– financement structurel des écosystèmes d’innovation (P 425) : aides dites « bottom-up » : aides de guichet, concours d’innovation de Bpifrance, dotations en fonds propres, etc.

Les crédits alloués au titre de « France 2030 » (34 Md€) ont été intégrés aux autorisations d’engagement des programmes 424 et 425 dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2022.

(En milliers d’euros)

Programme

LFI 2021

PIA 4

LFI 2022

France 2030

Total (AE)

Financement des investissements stratégiques (P424)

12 500 000

27 998 300

40 498 300

Financement structurel des écosystèmes d’innovation (P425)

4 062 500

6 001 000

10 073 500

Total

16 562 500

34 009 300

50 571 800

Source : Projets annuels de performance 2022 et 2023 (montants en AE)

II.   une trajectoire budgétaire sur 2023 conforme au déploiement du nouveau dispositif

A.   L’Achèvement du PIA 3 et la montée en puissance du PIA 4 confortée par « France 2030 »

Les variations des crédits alloués au PIA d’un exercice à l’autre sont différentes de celles apparaissant sur les autres missions : les autorisations d’engagement font souvent l’objet d’un abondement significatif dès l’annonce d’un plan d’investissement, puis sont rapidement consommées au fur et à mesure de la contractualisation avec l’opérateur. Les crédits de paiement, pour leur part, font l’objet de tranches de versement plus ou moins régulières selon le degré de réalisation des projets par les opérateurs concernés. D’un point de vue général, les décaissements reflètent l’avancement d’un PIA.

En ce sens, l’évolution des crédits de la mission entre la LFI 2022 et le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 traduit parfaitement les suites du déploiement du dispositif « France 2030 » :

– remise à zéro ([4]) des autorisations d’engagement après les abondements massifs de 2021 et 2022 ;

– épuisement progressif des crédits de paiement ouverts sur les programmes relatifs aux PIA 1, 2 et 3 ([5]) (421, 422 et 423) ;

– poursuite en 2023 des décaissements entamés en 2022 au titre du PIA 4 et de « France 2030 », les crédits de paiement cumulés des programmes 424 et 425 progressant de 4,1 % entre 2022 (5,5 Md€) et 2023 (5,7 Md€).

Source : Analyse du PAP 2023.

B.   une dynamique d’évolution des crédits de paiement cohérente au regard des actions des programmes 424 et 425

Dans le PLF 2023, un ralentissement de la consommation des CP est anticipé sur les actions 02 « Maturation de technologies, recherche et développement, valorisation de la recherche » et 04 « Soutien au déploiement » du programme 424, qui regroupent diverses catégories d’appels à projets (respectivement 160 M€ et 625 M€, soit - 50 % et - 50,4 % par rapport à 2022).

D’autres dispositifs montent en puissance, en particulier l’action 06 « Industrialisation et déploiement » du programme 424 (1,4 Md€, soit + 57,7 %) afin de poursuivre la mise en œuvre de la stratégie nationale « Hydrogène » ([6]) et de mettre en place un programme de soutien aux industries de santé. La mise à disposition des start-ups de nouveaux outils de financement sur fonds propres, gérés par Bpifrance, aboutit logiquement à un quasi-triplement des crédits de paiement de l’action 03 du programme 425 (1,5 Md€, soit + 150 %).

La dotation allouée au PEPR (action 01 du programme 424) apparaît toutefois surprenante (200 M€, soit - 33,3 %), au regard du dynamisme de ce dispositif de financement « dirigé » de grands programmes de recherche. De nombreux PEPR sont, en effet, en cours de lancement : Prezode, Maladies infectieuses émergentes, Agroécologie et numérique et Batteries (cf. seconde partie infra).

Une réallocation des crédits de paiement au bénéfice des PEPR pourrait être envisagée à partir du programme 425.

   seconde partie : « France 2030 » : un vecteur d’innovation à consolider

La mission « Investir pour la France de 2030 » n’est qu’un des outils dont disposent les pouvoirs publics pour soutenir l’innovation dans notre pays. Au-delà des masses budgétaires, les mesures prises dans le domaine de la transition agroécologique, de la santé numérique et de la mobilité électrique (batteries) permettent de juger de la pertinence et de l’efficacité d’un dispositif ambitieux, mais complexe et sujet à des lourdeurs de procédures.

I.   La transition agroécologique et la santé numérique au prisme de la gouvernance de « France 2030 » : les forces et les faiblesses d’une politique publique de soutien à l’innovation

A.   la gouvernance de « France 2030 » reprend la logique dirigée et agile qui caractérisait le PIA 4

1.   Des principes généraux de fonctionnement hérités des premiers PIA

Le dispositif « France 2030 » s’inscrit dans la continuité du programme d’investissements d’avenir, dont il reprend les objectifs généraux et la logique de fonctionnement.

PIA et « France 2030 » : investir pour l’innovation et les filières stratégiques

Les deux démarches sont en effet inspirées par la nécessité d’un « effort exceptionnel d’investissement [public] dans des domaines qui représentent un enjeu stratégique de moyen ou long terme dans une logique transformante en vue de la transition vers un nouveau modèle de développement ([7]) », « France 2030 » ajoutant une dimension de soutien à la « croissance industrielle » en plus de l’investissement dans « l’innovation de rupture ([8]) ».

Les principes de fonctionnement du dispositif mis en place en 2010 ont été appliqués aux quatre PIA (2010, 2014, 2017 et 2020) et caractérisent toujours le programme « Investir pour la France de 2030 » :

– pilotage au niveau du Premier ministre ;

– désignation d’organismes opérateurs des crédits, qui seront autorisés à procéder à des engagements et à des décaissements dans le cadre de conventions de gestion (contractualisation) ;

–  étanchéité entre les crédits du PIA et les crédits des autres programmes ;

– pluriannualité des enveloppes.

Le rattachement de « France 2030 » à la mission « Investissements d’avenir » opéré par la loi de finances pour 2022 (cf. première partie supra) illustre la volonté de promouvoir une doctrine d’emploi et une gouvernance partagées.

1/ Comme pour les PIA, le secrétariat général pour l’investissement est le rouage central du dispositif. Placée sous l’autorité directe du Premier ministre, cette petite structure, dotée actuellement d’une quarantaine de personnes, prépare l’ensemble des décisions du Gouvernement sur les orientations stratégiques et les projets financés, ainsi que sur les contrats passés entre l’État et les organismes chargés de la gestion des financements. Selon les termes du décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 qui fixe ses attributions, le SGPI « coordonne la préparation des cahiers des charges » relatifs à la sélection des projets et « veille à l’évaluation des investissements ».

Le SGPI, successeur du Commissariat général à l’investissement

Le décret n° 2017-1706 du 18 décembre 2017 substitue formellement le SGPI au Commissariat général à l’investissement (CGI) mis en place en 2010 dans le sillage du « grand emprunt » et du PIA 1.

Comme l’indiquait René Ricol, premier Commissaire général à l’investissement (2010‑2012), le CGI est « une équipe opérationnelle réunissant des compétences de haut niveau en provenance du secteur public et privé » et organisée de manière « flexible » et « matricielle », c’est-à-dire autour de pôles thématiques aux périmètres évolutifs selon le déploiement du PIA.

Après Louis Gallois (2012-2014), Louis Schweitzer (2014-2017) et Guillaume Boudy (2018-2022), le SGPI est dirigé par M. Bruno Bonnell depuis le 31 janvier 2022.

2/ Les modalités de gestion et d’utilisation des crédits font l’objet de conventions conclues entre l’État et chacun des opérateurs en charge de la mise en œuvre des projets ou des stratégies d’investissement fixées au niveau national.

Le champ de ces conventions est large. À titre d’exemple, la convention du 2 juin 2021 conclue avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) et relative aux « programmes et équipements prioritaires de recherche » (PEPR) :

– décrit de manière précise la procédure à suivre pour sélectionner les bénéficiaires, y compris les pilotes scientifiques des PEPR ;

– désigne les autorités compétentes à chacune des étapes du déploiement et de la mise en œuvre des projets (Premier ministre, SGPI, comités, jurys, etc.);

– détermine les modalités de déclenchement des décaissements à l’initiative de l’ANR depuis le compte du Trésor public utilisé pour héberger les crédits du programme ([9]) ;

– dresse la liste les informations à faire remonter au SGPI, qu’il s’agisse des rapports financiers ou opérationnels ;

– fixe le contenu des conventions que l’ANR ou les pilotes scientifiques des PEPR peuvent conclure avec le bénéficiaire final des fonds.

3/ L’évaluation du dispositif est assurée par un comité de surveillance mentionné par la loi de finances rectificative pour 2010 au IV de son article 8. Composé actuellement de dix-huit membres, dont dix personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre ainsi que quatre députés désignés par le président de l’Assemblée nationale et quatre sénateurs désignés par le président du Sénat, ce comité est chargé de dresser un bilan annuel de l’exécution de la mission et, depuis la loi de finances pour 2021, « conseille le Gouvernement sur les priorités d’investissement du programme ([10]). »

Le comité de surveillance de « France 2030 », autrefois dénommé « comité de surveillance des investissements d’avenir » (CSIA), est une traduction concrète du rapport de la commission Juppé-Rocard précitée, qui préconisait la mise en place d’un « comité de surveillance de l’emprunt national ([11]) ». La commission assignait à ce comité de larges pouvoirs, y compris celui de préparer le dispositif de contractualisation avec les opérateurs et de contrôler l’emploi des fonds versés. Ces tâches, plus proches de la gestion que de l’évaluation, ont finalement été confiées au SGPI (cf. supra).

2.   La systématisation du pilotage interministériel mis en place par le PIA 4

Lors de son allocution du 12 octobre 2021, le Président de la République avait indiqué que la gouvernance devait être marquée par un « esprit commando ». Le dispositif « France 2030 » doit permettre de donner une impulsion nationale à des actions prédéfinies, couvrant l’ensemble du spectre de l’innovation et associant un large éventail d’expertises sans qu’il soit besoin pour autant de se limiter à un cadre méthodologique unique. En ce sens, « France 2030 » systématise la démarche dirigée mise en œuvre dans le cadre du PIA 4 et qui consiste à cibler au niveau interministériel les secteurs, marchés ou technologies qui sont considérés comme prioritaires pour la souveraineté de l’économie française ou pour la transition écologique et énergétique.

 

 

 

 

La gouvernance interministérielle du PIA 4

Dans son rapport d’évaluation du PIA de 2019, le comité de surveillance avait constaté que le pilotage centralisé du PIA s’était accompagné d’un éloignement des ministères du processus décisionnel et préconisé qu’un équilibre soit trouvé « entre un pilotage administratif centralisé, une gestion décentralisée et le bon niveau d’association des ministères et des autres parties prenantes ([12]) ».

La gouvernance du PIA 4 s’est, en conséquence, réorganisée autour d’un comité interministériel de l’innovation (C2I), présidé par le Premier ministre et composé des ministres concernés. Ce comité est chargé de valider les stratégies nationales, c’est‑à‑dire les secteurs vers lesquels se portera l’effort d’investissement, ainsi que les modalités d’exécution du programme, en particulier le montant des différentes enveloppes globales allouées à chaque stratégie ([13]).

Le C2I s’appuie sur un comité exécutif (Comex) pour organiser et suivre l’exécution des stratégies nationales. Présidé par le SGPI, le Comex est constitué du directeur général des entreprises, du directeur général de la recherche et de l’innovation, du commissaire général au développement durable ou son représentant ainsi que des directeurs d’administration centrale concernés ([14]).

Dès l’année 2021, le C2I avait défini dix-neuf stratégies nationales d’accélération, parmi lesquelles figuraient les technologies quantiques, la cybersécurité, l’hydrogène décarboné, la santé numérique, l’alimentation durable et favorable à la santé, la décarbonation de l’industrie, les systèmes agricoles durables et le cloud. Ces stratégies donnaient lieu à des déclinaisons opérationnelles précises, mises en œuvre par les opérateurs sous la direction du Comex.

Le dispositif des programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) est emblématique de cette volonté de cadrer les efforts de recherche en amont sans passer par la procédure classique des appels à projets. À l’opposé d’une « logique de guichet », les PEPR se caractérisent par la désignation ex ante par le C2I de pilotes scientifiques chargés de la conduite directe des travaux de recherche et de développement et l’élaboration par les pilotes d’un document de cadrage soumis à la validation du Comex.

L’exemple du PEPR sur l’agroécologie et le numérique

Issu de la stratégie nationale d’accélération sur les systèmes agricoles durables, le PEPR « Agroécologie et numérique » a été confié dès son lancement à l’Institut national de recherche pour l’agriculture et l’environnement (Inrae) et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), désignés pilotes scientifiques. L’Agence nationale de la recherche (ANR) reste l’opérateur du programme.

Selon les éléments fournis par l’Inrae, le document de cadrage du PEPR validé par le Comex le 12 juillet 2022 comportait cinq axes de travail, parmi lesquels figurait, par exemple, au titre des méthodes et technologies numériques :

« II-1 : Caractérisation génomique et fonctionnelle de la diversité génétique animale et végétale domestique comme clé de voûte de l’agroécologie : relier génome et phénome (AgroDiv)

« II-2 Holobiontes animaux : une nouvelle échelle biologique pour explorer la diversité génétique et améliorer les stratégies de sélection pour l’agroécologie (HOLOBIONTS). »

Le cadrage scientifique intervient donc avant la contractualisation avec l’opérateur.

Lors de leur audition du 8 septembre dernier, les représentants d’Inria se sont félicités de la logique structurante des stratégies d’accélération. Selon eux, la « culture de recherche de financement », trop présente en France, a tendance à l’emporter sur la « culture de l’impact ». Plaidant pour une rupture avec la logique de « saupoudrage » qui, selon eux, irrigue encore le dispositif « France 2030 », ils conçoivent leur organisme comme une « agence thématique de projets » et assument, dès lors, la volonté de ne pas participer aux appels à projets du volet exploratoire des PEPR, préférant se concentrer sur le seul volet dirigé ([15]).

Les dix objectifs de « France 2030 » annoncés par le Président de la République le 12 octobre 2021 correspondent plus ou moins aux stratégies nationales du PIA 4. Tout en demeurant centrée sur le soutien à l’innovation, la démarche adoptée se présente comme plus concrète et axée sur le déploiement opérationnel.

 

Les objectifs stratégiques de « France 2030 »

1/ Favoriser l’émergence d’une offre française de petits réacteurs modulaires d’ici 2035 ;

2/ Devenir le leader de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables en 2030 ;

3/ Décarboner notre industrie ;

4/ Produire en France à horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides chaque année ;

5/ Produire en France, d’ici 2030, le premier avion bas-carbone ;

6/ Investir dans une alimentation saine, durable et traçable ;

7/ Produire en France au minimum 20 biomédicaments, en particulier contre les cancers et les maladies chroniques, et créer les dispositifs médicaux de demain ;

8/ Placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs et des technologies immersives ;

9/ Prendre toute notre part dans l’aventure spatiale ;

10/ Investir dans le champ des grands fonds marins.

La gouvernance du dispositif, telle qu’elle a été présentée par les représentants du SGPI lors de leur audition du 28 septembre dernier, confirme la logique de pilotage interministériel mise en œuvre par le PIA 4.

Un « conseil d’orientation stratégique ([16]) », positionné au niveau du Président de la République, chapeaute l’ensemble du dispositif en fixant les grandes orientations, celles-ci restant déclinées par le C2I. Un « comité France 2030 », présidé par le Premier ministre, complète l’ensemble institutionnel en permettant à des acteurs extérieurs (organisations syndicales et patronales, associations d’élus locaux, etc.) d’effectuer un suivi transversal en amont de l’évaluation effectuée par le conseil de surveillance. Le Comex est, par ailleurs, confirmé dans son rôle de pilotage de la mise en œuvre des stratégies définies au niveau politique.

3.   Une approche pragmatique et ouverte des procédures d’allocation des financements

En dépit du changement de dénomination, « France 2030 » conserve également la flexibilité qui caractérisait le PIA en matière de constitution des projets et d’allocation des financements. Comme le soulignait le rapport précité du comité de surveillance de 2019, il convient de conserver « une approche pragmatique et pas uniquement normative pour laisser de la souplesse à l’outil ». Pour cette raison, il n’existe pas de procédure-type applicable à « France 2030 » : chacun des modes opératoires est défini dans les conventions passées entre le SGPI et les opérateurs, dont le nombre a été réduit à 4 dans le cadre du PIA 3 – à savoir l’ANR, la Caisse des dépôts et consignations, Bpifrance et l’Ademe –  contre 12 en 2015.

Dans son rapport de 2019 précité, le comité de surveillance des investissements d’avenir avait établi une nomenclature des procédures d’allocation constituée de sept catégories :

1/ Les appels à projets avec examen par un jury international ;

2/ Les appels à manifestation d’intérêt (AMI) avec examen par un comité de pilotage ;

3/ Les appels à projets avec examen par un jury d’experts ;

4/ Les appels à projets avec examen par un comité de pilotage ;

5/ La mise à disposition des fonds à l’opérateur, qui met en place des appels à projets conformément à des orientations fixées par un comité de pilotage ;

6/ Le dispositif de « guichet » simple avec gestion directe par l’opérateur ;

7/  La mise à disposition des fonds à l’opérateur avec gestion directe par celui-ci, la cible d’investissement étant définie dès la convention avec le SGPI.

Selon le comité de surveillance, la plupart des actions du PIA sur la décennie 2010 relevaient des catégories 1, 5 et 7 ([17]).

Sous réserve d’une modification des conventions conclues dans le cadre du PIA 4, le dispositif « France 2030 » devrait s’appuyer sur tout l’éventail des procédures existantes, qui est très large, et s’efforce d’associer autant que possible les expertises extérieures, qu’elles soient issues de départements ministériels, du monde universitaire ou du secteur privé. Ainsi, la procédure définie pour les PEPR intégrés à une stratégie nationale ([18]) s’appuie, pour la mise en place du document de cadrage, sur des comités scientifiques et technologiques de programme (CSTP) composés d’experts de haut niveau (chercheurs, universitaires, etc.) et chargés de présenter un avis au Comex avant que celui-ci ne valide la feuille de route ou décide, le cas échéant, d’arrêter le projet.

Au-delà des seuls PEPR, les procédures d’appels à projets à destination des entreprises, en particulier ceux relatifs à l’installation de démonstrateurs (cfinfra) et au soutien au déploiement industriel, comportent une phase d’instruction approfondie au cours de laquelle les opérateurs sont invités à recourir aux expertises des ministères compétents ou à des experts externes à l’administration ([19]).

La gouvernance de « France 2030 » se caractérise également par la mise en place de quatorze comités de pilotage ministériels (CPM) constitués par thématique (hydrogène, énergie, enseignement et formation, etc.) et comportant une déclinaison « opérationnelle » au niveau des directions générales des ministères (CPMO).

Ces instances, chargées notamment d’intervenir dans l’élaboration des cahiers des charges pour les appels à projets ou les appels à manifestations d’intérêt qui sont sous leur responsabilité, sont composées de représentants des ministères compétents assistés de personnalités qualifiées.

B.   un dispositif dont la complexité et la lourdeur ne favorisent pas le déploiement des projets, en particulier dans le domaine de l’agroécologie et de la santé numérique

1.   Des délais allongés et parfois pénalisants, notamment au stade de la gestation des projets

Avec une enveloppe de 1,5 Md€, le volet consacré aux investissements dans une alimentation saine, durable et traçable (objectif n° 6) est un élément important du dispositif « France 2030 ». Pour autant, plus de huit mois après la réunion du comité « France 2030 » du 1er février dernier, seules quelques actions ont été rendues publiques, parmi lesquelles figurent un appel à projets (AAP) de Bpifrance sur la résilience et les capacités agroalimentaires (300 M€ au total) ainsi qu’un AMI de la Caisse des dépôts visant à faire émerger des démonstrateurs territoriaux des transitions agricoles et alimentaires (152 M€ sur 5 ans).

L’AAP de Bpifrance comprend quatre volets : relocalisation de certains produits transformés, industrialisation de produits alimentaires nouveaux et innovants, robotisation de l’agriculture à des fins de transition agroécologique, soutien à des projets collaboratifs. L’AMI de la Caisse des dépôts porte sur la mise en place d’un démonstrateur territorial, c’est-à-dire un projet visant à mettre en œuvre des solutions innovantes dans une logique de réplicabilité, bénéficiant du soutien d’une collectivité territoriale et répondant à une logique de transformation du territoire.

Un démonstrateur territorial : l’exemple de la Ferme de l’Envol

L’AMI de la Caisse des dépôts est analogue à l’expérimentation « Sésame » menée en Essonne dans le cadre du volet « Territoires d’innovation » du PIA 3.

À travers une ferme située à Bretigny-sur-orge (Ferme de l’Envol), il s’agit de démontrer la viabilité et la rentabilité des fermes agroécologiques, à la fois respectueuses de l’environnement, créatrices d’emplois et répondant aux enjeux d’autonomie alimentaire des territoires. Affichant une production de 320 tonnes de légumes en 2021 (410 foyers nourris), la Ferme ambitionne de devenir à terme une des plus grandes fermes en polyculture élevage d’Ile-de-France.

Le projet a bénéficié, au total, d’un soutien financier de la Caisse des dépôts de plus de 6 M€ (subventions et crédits d’ingénierie), dont plus de 60 % ont été effectivement versés à ce jour.

                           Source : Cœur Essonne.

S’agissant des PEPR, certains dispositifs très attendus viennent à peine d’être lancés. On notera, sur ce sujet, que le Comex a validé le document de cadrage du PEPR sur l’agroécologie et le numérique (précité) le 12 juillet 2022, soit près d’un an après la désignation des pilotes scientifiques par le Premier ministre (6 août 2021). En matière de santé numérique, le volet scientifique du PEPR piloté conjointement par Inria et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) était toujours en attente de l’arbitrage final de l’État en septembre 2022 ([20]).

Il ressort des auditions avec les différents opérateurs et gestionnaires des PEPR que l’allongement des délais tient plus à la phase de gestation qu’à celle, postérieure, de la contractualisation, qui s’étale sur une durée allant d’un à quatre mois. À cet égard, le PEPR Prezode issu de la stratégie nationale « Maladies infectieuses et émergentes » et copiloté par l’Inrae est particulièrement emblématique : entre les premières réflexions (juin 2020) et la validation du document de cadrage par le Comex (11 juillet 2022), il se sera écoulé plus de deux ans.

 

État des lieux au 19 septembre 2022 du PEPR Prezode

 

Étape

Nature

Date

Pré-réflexion

Information officieuse des équipes de l’Inrae

Juin 2020

Lancement

Désignation des pilotes scientifiques par le Premier ministre

19 juillet 2021

Cadrage

Constitution du CSTP

Non précisée

Cadrage

Élaboration par les pilotes du projet de document de cadrage

21 septembre 2021

Cadrage

Audition du pilote scientifique par le CSTP

Non précisée

Cadrage

Avis rendu par le CSTP sur le document de cadrage

21 février 2022

Cadrage

Validation par le Comex du document de cadrage

11 juillet 2022

Finalisation

Envoi à l’ANR du cahier des charges des actions de mise en œuvre du document de cadrage.

En cours

Finalisation

Expertise de l’ANR

Finalisation

Avis du SGPI et décision de financement par le Premier ministre

Finalisation

Contractualisation entre les pilotes et l’ANR

Source : contribution écrite de l’Inrae (19 septembre 2022).

Un allongement des délais peut également être observé au cours de la phase d’instruction des dossiers présentés dans le cadre des appels à projets. Lors de son audition du 27 septembre dernier, Bpifrance a indiqué qu’il pouvait s’écouler jusqu’à 8 mois entre le début de l’instruction et la désignation des lauréats, ce délai n’incluant pas la phase préalable d’élaboration du cahier des charges.

Ces difficultés sont la conséquence du caractère interministériel attribué aux procédures, présent dès les premiers PIA mais qui s’est accentué avec le PIA 4 : le SGPI et le Comex (ou, le cas échéant, le comité de pilotage ministériel) sont sollicités directement à de multiples étapes, notamment en amont de la décision de financement : validation de la constitution des CSTP et des documents de cadrage (PEPR), adoption des cahiers des charges et présélection des dossiers (appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt), etc.

Le tableau ci-après, produit par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), schématise la procédure applicable aux appels à projets (AAP) dans le cadre du PIA :

Étape (pour chaque AAP)

SGPI

(Premier ministre)

Ministères concernés

Opérateur

Comités de pilotage minist.

Choix des thématiques abordées

valide

proposent

propose

Responsable

Élaboration du cahier des charges

valide

associés

propose

Responsable

Présélection des projets

associé

associés

associé

Responsable

Instruction des dossiers

informé

associés

responsable

Informé

Sélection des projets

Décision d’engagement

Avis SGPI

Décision PM

associés

propose

émet un avis

Notification des aides aux lauréats

responsable

informés

informé

Informé

Contractualisation (bénéficiaires)

informé

informés

responsable

Informé

Suivi des projets

informé

associés

responsable

Informé

Évaluation

associé

informés

associé

Responsable

Source : Contribution écrite de l’Ademe (30 septembre 2022)

Si l’on peut comprendre la volonté d’organiser au mieux un dispositif dirigé et dont les montants financiers sont significatifs, certains jalons de procédure pourraient être décentralisés au niveau des opérateurs afin de gagner du temps : cela pourrait être le cas, par exemple, de la constitution des CSTP pour un PEPR ou de la présélection des dossiers pour un appel à projets, dès lors que le cahier des charges aura été validé en amont.

Par ailleurs, la structure compétente pour suivre les dossiers (SGPI) est, avec une quarantaine de personnes, manifestement sous-dimensionnée. Lors de leur audition du 28 septembre dernier, les représentants du SGPI ont indiqué que, compte tenu de l’ampleur prise par le dispositif « France 2030 », les équipes devaient être, à moyen terme, renforcées grâce à l’élévation du plafond d’emploi de 25 emplois équivalents temps plein (ETPT).

* * *

Au titre des effets pervers de l’excès de centralisme, plusieurs opérateurs, notamment la Caisse des dépôts et consignations, ont évoqué les changements opérés sur la couverture de leurs frais de gestion au travers d’une réforme du conventionnement avec le SGPI.

Traditionnellement, la mise en œuvre d’une action du PIA donnait lieu à l’établissement d’une convention financière ad hoc entre le SGPI et l’opérateur concerné. La convention prévoyait les modalités de prise en charge du coût occasionné par la gestion de l’action, le plus souvent sous la forme d’un taux appliqué à une assiette de dépenses éligibles.

Face à la multiplication du nombre de conventions, qui avait dépassé les 110 sur les trois premiers PIA ([21]), le Gouvernement a décidé de calquer les conventions sur les actions des programmes 424 et 425, ce qui a contribué à en réduire le nombre et, par conséquent, à clarifier le système. Les modalités de prise en charge des frais de gestion ont consécutivement été modifiées et le SGPI a indiqué, lors de son audition par votre rapporteur, vouloir instaurer un mécanisme forfaitaire indifférencié. Les incertitudes qui entourent les modalités de calcul de la part revenant aux opérateurs inquiètent ces derniers, qui se voient contraints d’engager des dépenses en interne sans avoir de visibilité immédiate sur ce qui leur sera remboursé.

Votre rapporteur appelle donc le Gouvernement à :

– décharger autant que possible les instances centrales de gouvernance (Comex, CPM) en décentralisant au niveau des opérateurs la responsabilité de certaines étapes (constitution des CSTP et présélection des dossiers) ;

– renforcer significativement les effectifs du SGPI au-delà du relèvement effectué en 2022, afin de lui permettre de supporter la montée en puissance de « France 2030 » ;

– clarifier au plus vite vis-à-vis des opérateurs les modalités de calcul du remboursement forfaitaire de leurs frais de gestion au titre des actions de « France 2030 ».

2.   Un empilement d’acteurs qui nuit à la lisibilité du dispositif

Le choix de l’État de ne pas se laisser enfermer dans un cadre organisationnel uniforme pour mener à bien de grands projets d’investissement a abouti in fine à un foisonnement d’acteurs, qui nuit incontestablement à la lisibilité du dispositif.

Dans un rapport d’évaluation du PIA ([22]) publié en octobre 2021, la Cour des comptes notait déjà que « la multiplication d’instruments dont les objectifs et les cibles d’investissement sont en fait très proches contribue à rendre difficilement lisible la politique d’ensemble de soutien à l’investissement, à disperser les responsabilités, et à brouiller l’identité et les spécificités du PIA. L’articulation insuffisante entre ces différents instruments, même s’ils sont censés incarner une forme de continuité de financement, constitue un obstacle à la nécessaire optimisation des choix d’investissement. ».

Le schéma général d’organisation de la gouvernance de « France 2030 », joint en annexe, illustre la difficulté qui s’attache à concilier la nécessité d’une direction centralisée et la volonté d’associer la plupart des parties prenantes. D’une certaine manière, le comité « France 2030 » intervient, par ses bilans réguliers, dans l’évaluation du dispositif, ce qui relève également du domaine de compétences du comité de surveillance. On peut également être surpris de constater que le pilotage transverse des stratégies nationales et la validation des actions menées par les opérateurs relèvent de deux instances interministérielles et non d’une seule (le Comex et les comités de pilotage ministériels).

L’exemple de la politique de soutien à la filière de production d’hydrogène décarboné est, sur ce point, emblématique des effets pervers générés par l’empilement des dispositifs. Entre la clôture d’une des trois « relèves » de l’appel à projets sur les écosystèmes territoriaux géré par l’Ademe (septembre 2021) et la validation de 18 dossiers parmi les 59 déposés (avril 2022), sept mois se seront écoulés. Lors de son audition du 21 septembre dernier, l’Ademe a mis en avant la diversité des circuits financiers applicables (budget d’intervention de l’Agence, Plan de relance, « France 2030 »).

L’appel à projets « Écosystèmes territoriaux hydrogène »

Destiné à accompagner le développement de la filière hydrogène au sein des territoires, cet appel à projet (AAP) vise à la fois à soutenir la production et la distribution d’hydrogène à l’échelle d’un territoire, en se focalisant sur les usages industriels et la mobilité lourde : installation de stations d’hydrogène, déploiement de véhicules lourds et d’utilitaires, etc.

Doté d’un budget initial de 100 M€, dont 75 M€ au titre du budget d’intervention de l’Ademe et 25 M€ au titre du plan de relance, l’AAP bénéficie également de crédits suppémentaires de la mission « France 2030 ». Chacune de ces « briques » de financement donne lieu à une gouvernance spécifique, à laquelle la task force interministérielle (comité de pilotage) est censée apporter une forme de cohérence.

À la complexité inhérente au dispositif « France 2030 » s’ajoute, ici, la « comitologie » propre à l’Ademe, articulée autour de comités d’aides nationaux ou régionaux qui donnent leur avis sur les dossiers déposés en fonction de leur montant. On notera également que les préfets de région président les comités régionaux d’aides.

Une telle complexité et des délais ainsi allongés peuvent se révéler pénalisants pour des entreprises assujetties à des fluctuations de marché imprévisibles et, parfois, brutales. Il serait préférable que le temps de procédure s’adapte à celui des entreprises, et non l’inverse. Même si, aux dires des opérateurs, il est rare que des candidats à des AAP fassent défection au cours de l’instruction, cette hypothèse ne saurait être entièrement exclue dans la configuration actuelle.

La même logique d’empilement a pu être observée à l’occasion de la constitution de PariSanté Campus, un des projets majeurs de l’État en matière de mise en commun de l’innovation dans le domaine médical.

PariSanté Campus ou l’ambition d’une « usine à licornes » française

Lancée par le Président de la République fin 2020, l’initiative PariSanté Campus est un « consortium » regroupant, sur un site commun, des chercheurs issus d’organismes publics ou parapublics et des start-ups spécialisées dans le domaine médical. Le Campus, actuellement installé sur un site préfigurateur à Issyles-Moulineaux, a vocation à être transféré à l’horizon de 2028 dans les anciens locaux de l’Hôpital d’instruction des armées du Val-de-Grâce (Paris).

Les cinq fondateurs du Campus sont l’Inserm, Inria, l’université de Paris Sciences et Lettres (PSL), la Plateforme des données de santé ([23]) (Health Data Hub) et l’Agence du numérique en santé. En mars dernier, une soixantaine de start-ups ont été intégrées au Campus à la suite d’un appel à candidatures.

Selon l’Inserm, le Campus est un groupement d’intérêt scientifique (GIS) sans personnalité juridique. Bien qu’aucun des fondateurs n’ait de préséance officielle, c’est bien l’Inserm qui est responsable de la gestion du site préfigurateur et, en conséquence, intervient dans les recrutements et les affaires immobilières. Lors de son audition du 8 septembre dernier, le professeur Antoine Tesnière, directeur général du Campus, a confirmé que le financement du site était assuré jusqu’en 2028 grâce à l’enveloppe de 45 M€ obtenue au titre de la mission « Plan de relance » ([24]).

Désormais, il importe d’insuffler une dynamique d’innovation au sein du Campus et d’éviter que celui-ci ne devienne un simple « effet d’aubaine » pour des start-ups. Cela suppose que le Campus soit clairement identifié et dispose de moyens pour se développer. À cet égard, on peut regretter que, faute de personnalité morale, le GIS soit entièrement dépendant de ses fondateurs pour prendre des décisions engageantes sur le plan financier ([25]) et que, surtout, les moyens humains disponibles soient très limités : selon le professeur Tesnière, son équipe se composait à la date de son audition de seulement quatre personnes.

Votre rapporteur appelle le Gouvernement à :

– inviter le C2I à mettre en cohérence la gouvernance des actions de « France 2030 » lorsqu’elles correspondent à des thématiques de dispositifs antérieurs (plan de relance, PIA, etc.) ;

– étudier les possibilités d’un renforcement des moyens juridiques et humains alloués au PariSanté Campus.

II.   L’autonomie industrielle de la France et de l’europe au travers du prisme de la production de batteries

A.   la mobilisation française et, au-delà, européenne autour de l’émergence d’un « airbus de la batterie »

1.   Les batteries au lithium-ion, aboutissement d’un long processus historique d’innovation

Les batteries électriques, qui sont aujourd’hui essentielles au fonctionnement des appareils équipant les foyers français (téléphones, ordinateurs, véhicules, etc.), relèvent d’une technologie articulée autour de modes de fonctionnement simples et assurant un haut degré de performance énergétique. Le terme même de « batterie » indique qu’il s’agit d’une série d’accumulateurs électriques, c’est-à-dire de dispositifs électrochimiques réversibles fonctionnant selon des principes dégagés au cours du XIXème siècle.

La « pile de Volta » et la génération d’électricité par réaction chimique

La première pile électrique est issue d’un empilement de disques métalliques mis en œuvre par l’Italien Alessandro Volta en 1800. L’énergie électrique naît du transfert d’électrons (oxyréduction) entre deux métaux de nature différente, séparés par un électrolyte (à l’origine, un feutre imbibé d’acide).

La batterie se distingue de la pile par son caractère rechargeable : selon les premiers modèles au plomb inventés par le physicien français Gaston Planté en 1859, l’électricité permet d’effectuer le transfert d’électrons en sens inverse, c’est-à-dire de revenir à l’élément chimique.

Les batteries utilisées dans l’industrie automobile fonctionnent selon une logique similaire, mais bénéficient d’une performance bien plus élevée grâce aux composants utilisés. Le recours au lithium apparaît dans les années 1970 afin d’accroître le rendement électrique des batteries à partir des ions de lithium issus de l’oxydation de l’électrode négative (anode), qui sont transférés pour réduction vers une électrode positive (cathode) composée d’oxydes métalliques (notamment le cobalt). Le procédé, sujet à des risques de court-circuit par agglomération d’ions de lithium au niveau des électrodes, a fait l’objet d’une amélioration majeure dans les années 1980 par l’utilisation d’une anode en graphite, donnant naissance à la première batterie « lithium-ion » en 1991 ([26]).

Principe de fonctionnement d’une pile « lithium-ion »

Décharge : les ions de lithium vont vers la cathode, tandis que les électrons vont vers l’anode.

Anode (-)

(graphite)

Électrolyte (liquide)

Cathode (+)

(oxyde métallique)

Oxydation = libération d’ions de lithium depuis l’anode

Séparateur poreux

Réduction = insertion des ions de lithium dans l’oxyde

Recharge : les ions de lithium sont transférés de nouveau vers l’anode, tandis que les électrons vont vers la cathode.

Le succès du lithium auprès des industriels tient, tout d’abord, à son poids : avec une masse atomique de 6,9675 unités, il s’agit du métal le plus léger au monde ([27]). Il se caractérise également par une forte propension à libérer son électron le plus externe, ce qui en fait une substance très active au contact de l’eau ou de l’air. Dès lors, les batteries qui en contiennent affichent des performances élevées en termes de production d’énergie et même de durée de vie par rapport aux batteries construites à partir d’autres métaux (le plomb, par exemple).

Selon M. Yann Vincent, président-directeur général du groupe ACC ([28]), la technologie au lithium-ion est celle qui est actuellement recherchée par les grands constructeurs automobiles au niveau mondial, des différences étant susceptibles d’apparaître entre les modèles de batteries selon les composants de l’oxyde métallique installé pour faire fonctionner l’électrode positive. À cet égard, deux types de batteries dominent le marché : celles où la cathode est composée d’un oxyde de nickel, manganèse et cobalt (NMC) et celles où l’utilisation d’un phosphate de fer et de lithium (LFP) est privilégiée. D’un point de vue scientifique, si les LFP bénéficient d’un coût de production moins élevé que les NMC en raison d’une plus grande disponibilité de leurs composants ([29]), celles-ci affichent en revanche une densité énergétique supérieure ainsi qu’un niveau de cyclabilité (capacité de recharge) globalement équivalent.

Technologie de batterie

Densité énergétique

(en mégawattheure par kilogramme)

Cyclabilité

Plomb

Entre 20 et 30

Entre 200 et 300

LFP

Entre 90 et 120

Entre 1 000 et 2 000

NMC

Entre 150 et 200

Entre 1 000 et 3 000

Source : M. Cognet et M. Carboni, « Stockage de l’énergie : évolution des batteries », Cultures Sciences et Chimie, 2017

Les études de marché confirment la domination de ces deux technologies, qui représentaient déjà environ 85 % des batteries utilisées dans les véhicules électriques en 2015. La part des batteries NMC, de 50 % en 2015, devrait dépasser 70 % en 2025 ([30]). Dès lors, il n’est pas étonnant que les batteries NMC et LFP soient privilégiées respectivement par Stellantis et Renault, deux constructeurs impliqués dans le développement de « gigafactories » en France (cfinfra).

2.   Le PIIEC, symbole européen de « l’Airbus de la batterie »

Lors de son audition, M. Yann Vincent a fait état d’une « explosion » de la demande de batteries dans le monde : les ventes de véhicules électriques, qui s’élevaient à 3,2 millions d’unités en 2020, devraient atteindre 27 millions d’unités en 2030, dont 9 millions d’unités pour le seul continent européen (contre 1,4 million d’unités en 2020) ([31]). Selon les éléments fournis par ACC, la capacité de production de batteries nécessaire pour couvrir la demande européenne est estimée à 1 térawattheure, ce qui correspond à peu près à la capacité actuelle de production mondiale.

Le marché européen est extrêmement dépendant de ses concurrents asiatiques, notamment chinois. Selon les données fournies par le cabinet d’études britannique BMI ([32]), la Chine représentait 79,1 % des capacités de production des batteries au lithium-ion en 2021, contre 6,8 % en Europe (principalement en Hongrie) et 5,5 % aux États-Unis. Le chinois CATL représenterait, à lui seul, une capacité de production de 300 gigawattheures, soit près du tiers du marché mondial ([33]).

Les Européens ont rapidement pris conscience de la nécessité d’assurer leur indépendance dans un secteur industriel stratégique : dès le mois d’octobre 2017, la Commission européenne a réuni près de 750 acteurs publics et privés (entreprises, associations, centres de recherche, etc.) dans une « alliance européenne de la batterie ».

La France a joué un rôle important dans l’adoption, le 9 décembre 2019, d’un premier « projet important d’intérêt européen commun » (PIIEC) sur les batteries, c’est-à-dire d’un dispositif permettant aux autorités publiques nationales et locales de subventionner directement des acteurs économiques privés par dérogation aux règles qui régissent habituellement le marché unique européen.

 

Les PIIEC trouvent leur fondement juridique dans l’article 107, § 3, b) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que « peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur (...) les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ».

Dans une communication du 20 juin 2014, la Commission a défini trois critères d’admissibilité : (1) le contenu et les objectifs du projet doivent être clairement définis, (2) plusieurs États membres doivent y être associés et (3) il doit revêtir une importance quantitative ou qualitative. Des critères de compatibilité avec le marché intérieur ont également été fixés : (1) il doit y avoir « une nécessité et une proportionnalité de l’aide », (2) les effets positifs du projet doivent l’emporter sur les éventuelles distorsions de concurrence et (3) sa mise en œuvre doit s’effectuer en toute transparence.

Dans le cadre de ce qui a été qualifié « d’Airbus de la batterie » ([34]), le plafond des subventions a été fixé à 3,2 Md€ pour les sept États membres concernés ([35]), dont 960 M€ pour la France.

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Source : Commission européenne

La France a mobilisé l’essentiel des moyens autorisés par l’Union européenne (846 M€) pour soutenir l’émergence d’une importante chaîne de production (gigafactory) de batteries au lithium-ion sur le territoire national : c’est le projet ACC précité, qui devrait aboutir au lancement d’une usine d’une capacité de 40 gigawattheures à Douvrin (Pas-de-Calais) en 2025.

Le premier PIIEC a eu un véritable effet d’entraînement sur l’économie européenne, au point que la Commission européenne a autorisé la mise en œuvre d’un second PIIEC le 26 janvier 2021, à hauteur de 2,9 Md€ pour douze États membres ([36]). S’agissant de la France, les actions subventionnées portent sur les composants des batteries et non plus uniquement leur production.

Il s’agit, notamment, de favoriser la production de matériaux innovants utilisés pour séparer les deux électrodes (séparateurs à base de polymères fluorés d’Arkema ([37])) ou de produire le graphite nécessaire à l’anode (Carbone Savoie). Des projets de recherche sur le remplacement de l’électrolyte liquide par un matériau solide sont également en cours (cf. infra).

Pour la mise en œuvre des deux PIIEC, les principaux financements publics ont été alloués par Bpifrance au travers du PIA 3 ([38]) ou du Fonds pour l’innovation pour l’industrie ([39]).

3.   La multiplication des projets de gigafactories en France : ACC, Verkor et AESC Envision

L’impulsion donnée au travers des PIIEC devrait permettre l’émergence de « champions » européens ou, à tout le moins, installés sur le territoire de l’Union : on recense actuellement près de 30 projets de gigafactories répartis sur huit États membres (Espagne, France, Italie, Allemagne, Pologne, Slovaquie, Hongrie et Suède). En France, trois projets de gigafactories (ACC, Verkor et AESC Envision) sont engagés, portant sur une capacité de production totale de 86 gigawattheures au plus tard en 2030. Tous ces projets sont adossés aux besoins d’un constructeur automobile clairement identifié.

Projet

Constructeur automobile partenaire ou fondateur

Localisation de l’usine en France

Capacité de production envisagée en 2030

ACC

Stellantis et Mercedes‑Benz

Douvrin (Pas-de-Calais)

40 gigawattheures

Verkor

Renault

Dunkerque (Nord)

16 gigawattheures

AESC Envision ([40])

Alliance Renault - Nissan

Douai (Nord)

30 gigawattheures

La dimension européenne du projet ACC permet à cette co-entreprise franco‑allemande d’envisager un développement rapide : lors de son audition, M. Yann Vincent a confirmé que deux autres gigafactories de 40 gigawattheures chacune étaient envisagées, l’une à Kaiserslautern (Allemagne) ([41]) et l’autre à Termoli (Italie). ACC pourrait ainsi, à terme, assurer à lui-seul plus de 10 % des besoins européens.

 

 

La société Verkor, qui n’était qu’une start-up à sa création en juillet 2020, compte aujourd’hui 200 collaborateurs et envisage la construction d’une gigafactory de 1 200 personnes ([42]). Sa croissance illustre le dynamisme du marché européen et, en son sein, l’attractivité du territoire français.

Tout naturellement, ces projets ne sauraient réussir sans la mobilisation d’équipes formées dans les différents métiers nécessaires (ingénieurs, conduite d’installations, maintenance, etc.). Sur ce dernier point, les représentants d’ACC et de Verkor ont indiqué qu’il n’était pas toujours évident de recruter leurs personnels sur place, les « hyperspécialistes » étant souvent originaires des pays asiatiques (selon les termes employés par M. Yann Vincent lors de son audition).

À cet égard, votre rapporteur salue l’initiative lancée le mois dernier par Verkor et visant à organiser, sous le terme « d’École de la batterie », un consortium réunissant des universités (Lyon 1, Hautes Études-Sorbonne-Arts et métiers [HESAM]) et divers organismes de formation (IMT Grenoble, etc.) autour des métiers susceptibles d’alimenter l’industrie de la batterie. L’École de la batterie a bénéficié du soutien du dispositif « France 2030 » à hauteur de 13,9 M€ ([43]).

B.   Soutien public et innovation : les conditions de succès de l’autonomie industrielle européenne

1.   Les faiblesses identifiées de l’Europe vis-à-vis de ses concurrents américains et chinois

Au cours de leurs auditions respectives, les représentants d’ACC et Verkor ont exprimé quelques inquiétudes quant à la possibilité pour l’Europe de mener à bien son projet d’autonomie industrielle en matière de batteries.

1/ Les représentants de la société Verkor ont tout d’abord souligné la faiblesse relative du soutien public européen aux capacités de production. Tandis que la Chine et les États-Unis s’efforcent d’accompagner les mutations du marché par des taux de subvention significatifs, situés entre 20 % et 30 % ([44]), le ratio maximal de couverture des dépenses d’investissement en Europe est estimé, hors PIIEC, à environ 5 %. Malgré les nombreux projets de gigafactories annoncés, « une partie substantielle ne possèdent pas de financements ou de partenariats suffisants pour remplir leur ambition et ne verront donc probablement pas le jour ([45]) ».

Seul les PIIEC permettent véritablement d’impulser une dynamique, mais le dispositif met du temps à se mettre en place ([46]) et comporte des éléments de rigidité. La liste des entreprises concernées par le second PIIEC sur les batteries ne comprenait pas l’entreprise Verkor, qui venait juste d’être créée ([47]), alors qu’il s’agit aujourd’hui d’un acteur essentiel de la production française. Par ailleurs, le principe même de l’autorisation est loin d’être acquis : la Commission européenne contrôle strictement l’application des critères de validité des PIIEC et il lui est arrivé de s’opposer à la couverture de certaines dépenses de fonctionnement ([48]).

2/ S’agissant des PIIEC, M. Yann Vincent a, par ailleurs, rappelé qu’ils étaient plafonnés à un niveau de dépenses calculé à un instant donné. Or ce niveau est susceptible de varier très fortement en fonction du prix des matières premières qui composent les batteries des véhicules automobiles, c’est-à-dire du lithium et des métaux constitutifs de la cathode (surtout le nickel et le cobalt).

Assez logiquement, la croissance du marché fait actuellement monter les prix de ces métaux : selon Bloomberg ([49]), le prix du lithium au kilogramme aurait dépassé les 70 dollars en septembre dernier, ce qui représente une hausse de plus de 1 000 % par rapport au début de l’année 2020, époque où s’était constitué le premier PIIEC sur les batteries en Europe. Quant au nickel, dont les fluctuations en 2022 sont le reflet des tensions géopolitiques actuelles ([50]), son prix a doublé depuis 2018 ([51]). Dans une perspective plus large, la fabrication des batteries pose le problème de l’approvisionnement du continent en métaux stratégiques.

2.   Le nécessaire élargissement du dispositif des PIIEC aux métaux constitutifs des batteries

Conscient de la fragilité française et, au-delà, européenne en matière de métaux « rares », le Gouvernement français a réagi dès l’année dernière en confiant à M. Philippe Varin, ancien président de France Industrie, une mission sur la sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matières premières minérales. La mission a rendu son rapport aux ministres chargées de l’industrie et de la transition écologique le 10 janvier 2022.

Bien que le contenu du rapport n’ait pas été entièrement divulgué, le Gouvernement en a présenté les principales recommandations dès sa remise, à savoir la sécurisation des approvisionnements en métaux, la relocalisation des circuits primaires de fabrication, la promotion au niveau européen d’une norme de « mine responsable » dans la taxonomie applicable ainsi que la réforme de la gouvernance au niveau national, avec la création d’un délégué interministériel à la sécurisation de l’approvisionnement en métaux stratégiques.

Une partie importante de la réflexion du rapport porte précisément sur la sécurisation de la production de batteries par gigafactories sur le territoire français. Selon M. Varin, « à terme, nous devons pouvoir développer toutes les améliorations des technologies lithium-ion et aussi potentiellement des technologies alternatives. En effet, de nombreuses recherches sont menées aujourd’hui sur des batteries qui n’utiliseraient pas des métaux critiques ([52]). »

La mise en place, dans le cadre de « France 2030 », d’un appel à projets sur les métaux critiques doté d’un milliard d’euros (dont 500 M€ de subventions et 500 M€ de dotations en fonds propres) et géré par Bpifrance va dans le sens des préconisations formulées par le rapport Varin. Lors d’une audition devant la commission des affaires économiques du Sénat, le 16 février dernier, M. Varin a rappelé à quel point le soutien financier des acteurs économiques situés sur l’intégralité de la chaîne de valeur était un enjeu majeur et a suggéré de systématiser le recours aux PIIEC à l’échelle européenne ([53]).

Votre rapporteur appelle à un élargissement du périmètre du PIIEC ouvert en 2019 à l’ensemble des métaux constitutifs des batteries, y compris les aimants.

3.   L’accélération des travaux de recherche sur le recyclage dans l’attente du déploiement des nouvelles générations de batteries

Incontestablement, la réduction de la dépendance européenne aux métaux critiques passe par l’utilisation de composants plus disponibles et plus faciles à extraire. Interrogés à ce sujet en audition le 30 septembre dernier, les représentants du Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten), laboratoire du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) spécialisé dans la transition énergétique, ont indiqué que le remplacement du lithium par le sodium, métal alcalin environ mille fois plus abondant et nettement moins coûteux, permettrait de disposer d’une batterie à forte cyclabilité mais à plus faible densité énergétique.

Selon les chercheurs, la solution optimale consisterait à utiliser du soufre pour la cathode (Lithium‑soufre), ce qui permettrait de se passer du nickel, du manganèse et du cobalt tout en conservant un haut degré de performance énergétique. Pour autant, cette technologie est loin d’être aboutie à ce jour et l’émergence d’un modèle exploitable par les industriels pourrait prendre de nombreuses années. Le PEPR sur les batteries ([54]), initié dans le cadre du PIA 4 et confié au CEA et au Centre national de la recherche scientifique, désignés pilotes scientifiques, donne une impulsion à la recherche sur les batteries de nouvelle génération (sodium-ion, lithium‑soufre, etc.).

Le document de cadrage validé par le Comex le 21 juillet 2022 indique toutefois que priorité doit être donnée aux batteries dites de « quatrième génération », c’est-à-dire qui substituent à l’électrolyte liquide un composant solide, moins sujet aux risques d’incendie. Un autre volet important du PEPR est consacré à l’amélioration des systèmes de régulation de la batterie, c’est-à-dire le Battery Management System (BMS) : capteurs, logiciels, etc.

Dans l’attente des progrès espérés dans la recherche sur les nouvelles batteries, il importe de développer les techniques de recyclage des systèmes existants. Cette exigence est d’autant plus forte qu’elle est inscrite dans le projet de règlement européen sur les batteries, actuellement en cours de discussion au sein de l’Union européenne ([55]).

Le projet de règlement européen comporte, dans sa version déposée en décembre 2020, des objectifs chiffrés de composants recyclés dans les batteries, notamment :

– 4 % pour le lithium, 4 % pour le nickel et 12 % pour le cobalt au 1er janvier 2030 ;

– 10% pour le lithium, 12 % pour le nickel et 20 % pour le cobalt au 1er janvier 2035.

Au cours de leur audition, les représentants du Liten ont indiqué que la problématique du recyclage ne se limitait pas à la réutilisation de ces métaux rares, mais incluait également la récupération des divers matériaux constitutifs de la batterie, notamment de ses aimants ([56]). L’une des autres pistes de recyclage consiste à tirer profit des potentialités des batteries en fin de vie, qui conservent une capacité énergétique résiduelle proche de 80 % et peuvent donc être réintégrées dans un autre circuit industriel que celui consacré à l’alimentation des voitures électriques ([57]).

Dans le cadre de « France 2030 », un appel à projets (AAP) a été lancé à la fin de l’année 2021 par Bpifrance afin de soutenir les initiatives privées portant sur les solutions et technologies innovantes pour les batteries.

Bien que les activités de reconditionnement fassent partie des thématiques visées, on peut toutefois regretter que le sujet du recyclage ne soit pas abordé en tant que tel, le cahier des charges se contentant de renvoyer les soumissionnaires à un autre appel à projets consacré à la recyclabilité des matériaux et géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ([58]).

Selon les éléments fournis par le Liten, la problématique du recyclage des « éléments critiques » des batteries sera, toutefois, traitée dans le cadre d’un PEPR au champ d’action plus large, consacré à la recyclabilité des matériaux ([59]). Pour autant, il pourrait être opportun de mieux identifier l’effort de recherche en la matière par la mise en place d’un PEPR spécifique.

Votre rapporteur appelle le Gouvernement à soutenir plus activement les projets de recherche et développement visant à donner une « seconde vie » aux batteries, qu’il s’agisse des techniques de récupération des métaux ou du reconditionnement. Cet effort pourrait, par exemple, prendre la forme d’un PEPR spécifiquement consacré à cette question, avec des moyens conséquents.

 


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  EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2022, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Alexis Izard, les crédits du programme « Investir pour la France de 2030 » de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. Notre commission poursuit son examen pour avis de dix missions figurant dans la seconde partie du projet de loi de finances pour 2023 (PLF2023). Dans ce cadre, nous nous attachons davantage à l’étude d’une ou plusieurs thématiques choisies par le rapporteur pour avis qu’à celle des crédits, travail relevant des rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. « Entreprendre consiste à changer un ordre existant » : ainsi Joseph Schumpeter définissait-il l’innovation, dans son ouvrage sur la théorie de l’évolution économique publié en 1911. L’innovation ne se limite pas à la découverte d’une invention, elle participe aussi à son introduction dans le champ social et à la massification de ses usages. L’histoire de l’industrie européenne est émaillée des audaces technologiques qui ont permis de faire émerger le monde moderne. Le moteur à explosion a ainsi conquis ses lettres de noblesse lors de la course Paris-Bordeaux de 1895, qui fut également l’occasion pour Édouard Michelin de montrer l’intérêt des pneus en caoutchouc gonflables.

L’innovation ne naît pas toute seule, elle nécessite un effort d’investissement et un environnement propice à la diffusion de la connaissance. Sur ce point, force est de constater que, depuis de nombreuses années, la France, patrie de l’automobile et du TGV, avait tendance à se reposer sur ses lauriers. Dans le classement mondial de l’innovation établi chaque année par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, notre pays n’occupait plus que le vingt‑quatrième rang mondial en 2012.

La France n’est toutefois pas restée inerte au cours de la dernière décennie. Dès 2009, Alain Juppé et Michel Rocard, coprésidents de la commission sur l’emprunt national, avaient déjà alerté sur la nécessité d’investir pour l’avenir afin d’« en finir avec la litanie des mauvaises nouvelles, avec cette vilaine paresse qu’est l’acceptation du déclin » De cette prise de conscience est né, en 2010, le programme d’investissements d’avenir (PIA), dispositif public de soutien à l’innovation massif, agile et protéiforme.

C’est bien cet outil de financement public qui est à l’œuvre derrière le campus de Paris-Saclay, le réacteur de recherche nucléaire Jules Horowitz de Cadarache ou la ferme agroécologique de l’Envol, dans ma circonscription, à Brétigny-sur-Orge, et qui a permis à notre pays de remonter à la onzième place mondiale en termes d’innovation, en 2021.

Avec le dispositif France 2030 annoncé en octobre dernier par le Président de la République, le PIA passe à la vitesse supérieure. Non seulement les montants en jeu sont considérables – plus de 50 milliards d’euros, si l’on ajoute aux 34 milliards votés l’an dernier, les 16 milliards du PIA4 –, mais la philosophie de ce plan témoigne également d’une volonté d’accélérer le mouvement : au-delà des programmes de recherche dirigés et des dispositifs de valorisation, les fonds publics ont désormais pleinement vocation à accompagner les acteurs industriels dans la diffusion de leurs technologies sur les marchés.

Ainsi, quand, voilà trois ans, l’État a choisi de soutenir le projet de gigafactory de batteries de la coentreprise ACC à Douvrin, dans le Pas-de-Calais, son aide s’est étendue de la conception des machines et centres de recherche à la construction d’un corps de bâtiment offrant un haut degré de protection contre l’humidité – un environnement parfaitement sec est la condition nécessaire à la fabrication des batteries lithium-ion.

Le PIA et, désormais, France 2030 soutiennent l’installation de deux des trois gigafactories envisagées sur le territoire national à brève échéance. Selon les données fournies par les sociétés elles-mêmes, les projets français pourraient, avec 166 gigawattheures, couvrir en 2030 plus de 15 % des besoins du marché européen. Comme l’indiquait le Président de la République dans sa conférence de presse du 12 octobre 2021, il s’agit là d’une création de valeur dans la durée, qui aidera notre pays à rester maître de son destin dans le domaine de la mobilité électrique.

J’en viens au contenu de la mission Investir pour la France de 2030. À première vue, les crédits alloués aux programmes 421, 422, 423, 424 et 425 affichent une forte diminution entre 2022 et 2023, avec une baisse de 99 % en autorisations d’engagement et de 13 % en crédits de paiement. Cette évolution mathématique est trompeuse. C’est logiquement que les autorisations d’engagement diminuent cette année, car les 34 milliards d’euros inscrits dans la loi de finances de 2022 ont été intégralement consommés dès la conclusion d’un contrat entre le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et ses quatre opérateurs : l’Agence nationale de la recherche (ANR), la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence de la transition écologique (Ademe) et la Banque publique d’investissement (Bpifrance). Pour ce qui est des crédits de paiement, la diminution se concentre sur les trois premiers programmes – 421, 422 et 423 –, qui correspondent à la mise en œuvre des trois premiers PIA, actuellement en extinction.

En toute logique, les crédits alloués aux programmes 424 et 425, qui regroupent les fonds du PIA4 et de France 2030, progressent de plus de 4 % entre 2022 et 2023. L’année 2023 s’inscrit donc dans la parfaite continuité des orientations fixées l’an dernier.

Fidèle à la volonté du Président de la République d’insuffler un « esprit commando », le dispositif de France 2030 se distingue par l’absence de toute procédure-type, tout en étant réglé par des conventions entre le SGPI et ses opérateurs, puis entre ces derniers et les bénéficiaires des fonds. La cohérence d’ensemble est assurée par les services du Premier ministre et, par délégation, par les ministères concernés, au travers du pilotage de toute nouvelle mesure, qu’il s’agisse du lancement d’un appel à projets ou de la mise en place d’un grand projet de recherche dirigé, dit PEPR (Programmes et équipements prioritaires de recherche).

Cet encadrement national a son intérêt, puisqu’il substitue une stratégie et des moyens à une logique de guichet et de saupoudrage, décriée depuis longtemps par certains organismes de recherche tels que l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Tout au plus peut-on déplorer un excès de centralisme sur certaines étapes de procédure, ainsi qu’un empilement des acteurs peu propice à la lisibilité des procédures et à la réactivité dans la prise de décision. Tous les organismes de recherche et opérateurs de France 2030 ont souligné, lors des auditions, la longueur, parfois pénalisante, des délais de validation d’un PEPR ou de sélection des candidats à un appel à projets – deux ans pour la mise en place du PEPR Prezode, consacré aux pandémies d’origine animale.

Un effort doit donc être fait dans la simplification du dispositif : l’échelon central devrait intervenir uniquement en amont puis en aval, l’opérateur ayant vocation à être pleinement responsabilisé dans la constitution des instances d’expertise ou la présélection des dossiers. Incontestablement, ces lourdeurs ont contribué au retard pris dans la mise en œuvre des stratégies d’investissement relatives à l’agroécologie et à la santé numérique, deux des thématiques au cœur de l’avis que je vous présente.

Le troisième thème particulier que j’ai choisi d’explorer dans le cadre de mon rapport est celui des batteries électriques, une technologie dont les enjeux sont considérables.

L’Europe, qui a choisi de se détourner des véhicules thermiques en 2035, reste largement dépendante de la Chine, qui assure près de 80 % de la production mondiale de batteries au lithium-ion. Le géant chinois CATL représenterait à lui seul une capacité de production de 300 gigawattheures, soit près du tiers du marché mondial. Les quelque trente projets de gigafactories qui se développent actuellement sur le territoire de l’Union européenne ont, dès lors, vocation à empêcher que le marché de la mobilité individuelle sur notre continent soit indirectement aux mains de nos concurrents. L’expression « souveraineté européenne » prend ici tout son sens. Nos entreprises doivent couvrir à terme l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis la matière première jusqu’à l’assemblage de la batterie dans le moteur du véhicule, voire sa réutilisation après usage.

À cet égard, les auditions que j’ai menées en vue du présent avis budgétaire ont renforcé deux de mes convictions.

La première est que rien ne pourra se faire sans l’appui de l’Union européenne. N’en déplaise aux contempteurs du marché unique européen, celui-ci permet aux États de coopérer afin d’aider directement des entreprises dans le cadre des projets importants d’intérêt européen commun (Piiec). Ainsi, le projet de gigafactory d’ACC n’aurait pu voir le jour sans l’appui de la France, pour 846 millions d’euros, et de l’Allemagne, pour 437 millions.

Les Piiec sont des outils propices à l’impulsion d’une véritable politique industrielle à l’échelle du continent. Saisissons pleinement cette opportunité : comme le recommandait Philippe Varin dans son rapport remis au Gouvernement en début d’année, toute la chaîne d’approvisionnement de l’industrie en métaux critiques, tels le lithium, le nickel ou le cobalt, doit bénéficier d’un large soutien des États membres de l’Union européenne au travers d’un Piiec dédié.

Ma seconde conviction est que l’absence de métaux critiques sur notre continent pourrait être partiellement compensée par le recyclage des batteries. Même usagée, une batterie au lithium-ion conserve encore plus de 70 % de sa capacité et peut être réemployée dans d’autres machines. Ses matériaux peuvent également être récupérés, qu’il s’agisse des aimants ou des systèmes électroniques. Or, et c’est regrettable, les activités de recherche sur le recyclage sont encore trop peu au cœur de France 2030 et laissées à la seule initiative privée.

Certes, des PEPR portant sur la recyclabilité des matériaux à titre général et sur les futures générations de batteries sont en cours de déploiement, mais l’étape intermédiaire qu’est la réutilisation de tous les composants des différents modèles de batteries existants est encore insuffisamment mise en œuvre. C’est pourquoi j’insiste, dans mon avis budgétaire, sur la nécessité d’élargir l’effort de recherche français à cette thématique du recyclage des batteries.

Le projet de budget pour 2023 se situe dans la continuité du plan annoncé l’an dernier. À ce titre, il doit être conforté.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Paul Midy (RE). France 2030, c’est une politique d’investissement massif de 34 milliards d’euros, lancée par le Président de la République dans la continuité des PIA1, 2, 3 et 4. Elle a dix objets prioritaires : le développement des petits réacteurs modulaires (SMR) ; l’accession au rang de leader de l’hydrogène vert en Europe ; le développement des véhicules électriques ; la réalisation du premier avion bas-carbone en France ; l’alimentation durable ; les biomédicaments ; les technologies immersives ; le spatial et les grands fonds marins. Dans tous ces domaines, la France et l’Europe doivent être précurseurs. Nous devons inventer le monde, les industries et les emplois de demain. Ces sujets sont critiques pour réaliser la transition écologique et décarboner notre économie tout en lui assurant une dynamique de croissance.

Situé dans ma circonscription, Paris-Saclay rassemble 15 % de la recherche française. Sur ce territoire, qui est celui du dernier lauréat de la médaille Fields, Hugo Duminil-Copin, et du dernier lauréat du prix Nobel de physique, Alain Aspect, nous avons la chance d’attirer une grande partie des crédits des PIA et de France 2030. Toutefois, de nombreux acteurs que je rencontre évoquent la complexité des appels à projets et l’importance des moyens humains à mobiliser pour demander ces crédits, qui leur donnent parfois l’impression de ne rien faire d’autre que répondre à ces appels à projets.

Pour avoir une idée de la vitesse à laquelle nous avançons sur ces sujets, j’aimerais savoir quelle est la trajectoire des crédits de paiement réellement consommés.

Vous paraît-il possible d’améliorer la fluidité, la rapidité et l’agilité du traitement des appels à projets ? L’innovation est en effet une course contre la montre au niveau mondial, où chaque année compte : il est très important de pouvoir accélérer.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de l’agilité du dispositif, on peut en effet regretter un empilement des acteurs, qui peut parfois nuire à la lisibilité. C’est d’ailleurs un constat qu’a fait la Cour des comptes en 2021 dans son rapport d’évaluation du PIA, et c’est la raison pour laquelle mon rapport préconise de décentraliser les décisions afin de gagner le plus possible en agilité.

Pour ce qui est des crédits de paiement, pour la période de 2010 à 2017, durant laquelle nous ne disposions pas de détails annuels car ce dispositif n’était pas budgétisé, leur montant s’élevait à 22,7 milliards d’euros. En 2018, il était de 1,1 milliard d’euros, puis de 1 milliard en 2019, 2 milliards en 2020 et 3,8 milliards en 2021. Si ces montants peuvent paraître faibles, ils traduisent néanmoins la montée en puissance des projets et illustrent le temps du dispositif, c’est-à-dire l’allocation des différents projets dans le temps.

M. Lionel Tivoli (RN). France 2030 a été annoncée en grande pompe par M. Macron voilà moins d’un an en vue de transformer durablement certains secteurs clés de notre économie et de positionner la France en leader du monde de demain. C’est un plan ambitieux et volontariste. Pourquoi pas ? Chiche !

L’un des objectifs en était de faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et assortis d’une meilleure gestion des déchets. Or, alors que trente-deux des cinquante-six centrales de notre parc sont fermées, le milliard d’euros qui doit être investi d’ici à 2030 suffira-t-il à la fois à les remettre en route et à créer les six nouveaux petits réacteurs annoncés ?

La France veut devenir le leader de l’hydrogène vert, en produisant de l’hydrogène avec deux gigafactories d’électrolyseurs, afin de participer efficacement à la décarbonation de notre industrie. Plus de 8 milliards d’euros, au total, devaient être investis pour atteindre ces objectifs. Où sont-ils ?

France 2030 se propose également de produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. C’est faire fi de la gestion du recyclage des batteries, sans parler de l’alimentation de ces véhicules dans un contexte de renchérissement et de tensions sur la production électrique. C’est donc un ratage industriel, très coûteux pour les finances publiques.

France 2030 prévoyait de soutenir, à hauteur de 7,5 milliards d’euros, la production de vingt biomédicaments contre les cancers et les maladies chroniques, et la création de dispositifs médicaux de demain. Belle ambition ! Mais les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 en matière de régulation du médicament – notamment, pour ce qui concerne le médicament innovant – viennent de l’anéantir.

Les belles ambitions de France 2030 se heurtent visiblement au réel : des 34 milliards d’euros autorisés en loi de finances initiale l’an dernier, seuls 7 milliards ont été effectivement payés et, l’an prochain, 262,5 millions seulement sont proposés pour 6 milliards de crédits de paiement. Là est le juge ultime des politiques, aussi ambitieuses soient-elles : les moyens financiers qui leur sont alloués.

Force est de constater que les brillantes promesses industrielles d’octobre 2021 se sont réduites comme peau de chagrin. Au mieux, le bilan sera donc de 13 milliards d’euros effectivement engagés, alors que la barre du nécessaire était fixée à 34 milliards. Nous reconnaissons bien là la marque de toutes les initiatives de M. Macron : même lorsque nous pourrions partager ses ambitions pour notre pays, il nous ramène à la petitesse de son action, qui ne dépasse jamais le stade de la communication, aussi bruyante soit-elle.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Votre question comporte bien des éléments divers. Je soulignerai tout d’abord que 34 milliards d’euros, ce n’est pas rien. En 2023, les crédits de paiement représentent 6 milliards d’euros. Ce sont tout de même des sommes importantes !

On peut regretter, comme je l’ai dit dans ma réponse à la question précédente, le temps de mise en œuvre des crédits de paiement, mais il faut garder à l’esprit la temporalité des projets, qui sont de long terme et dont il faut donc attendre la réalisation.

Les petits réacteurs modulaires, que vous avez évoqués, représentent un investissement de 1 milliard d’euros.

Quant au recyclage des batteries, il importe en effet, comme je l’ai dit tout à l’heure, de consacrer les moyens nécessaires à la valorisation des matières premières pour tenter de garder notre indépendance dans ce secteur.

M. Laurent Alexandre (LFI-NUPES). J’ai examiné les propositions du Gouvernement en matière d’investissements d’avenir et de relance, ainsi que le rapport budgétaire pour avis correspondant. Je n’ai eu connaissance qu’hier du contenu de cet avis, et je redis notre regret que ce calendrier budgétaire forcé et brutal ne nous permette pas de prendre le temps d’un examen parlementaire plus rigoureux.

Sur le fond, vous nous proposez de donner un blanc-seing à un plan de relance qui n’a de relance que le nom – ou alors, c’est un plan de relance sans politique de relance. Or notre pays aurait besoin d’une véritable politique de relance, c’est-à-dire, d’abord, d’une politique de soutien à la demande par la planification écologique, et de soutien à la consommation populaire. Au lieu de cela, vous brodez des milliards d’euros autour de la vision dogmatique d’Emmanuel Macron, une politique de l’offre qui repose sur un logiciel économique périmé et est une impasse écologique totale. Vous catapultez des milliards d’euros d’aide publique sur les entreprises sans que les TPE et PME, qui constituent l’essentiel du maillage économique du pays, en bénéficient in fine. Vous catapultez des milliards d’euros d’exonération dont ne profitent que les grands groupes, sans vous assurer de contreparties écologiques et sociales. Nous connaissons les résultats de cette idéologie économique extrême : les superprofits et les dividendes explosent, les salaires et les pensions de retraite stagnent alors que les prix explosent, et nos industries et nos emplois locaux sont délocalisés pour produire toujours moins cher des produits de moins bonne qualité.

Je note, par exemple, que votre plan de relance prévoit 420 millions d’euros de soutien au secteur automobile. De qui vous moquez-vous ? La circonscription dont je suis élu a subi 333 licenciements par suite de la délocalisation de la fonderie SAM, parce que Renault n’a pas voulu s’engager à hauteur de 10 millions d’euros. J’ai rencontré hier les représentants de GM&S, autre fonderie du secteur automobile, qui a subi un plan social en 2017. Ces situations ne sont pas une fatalité, mais la conséquence de votre politique irresponsable. En subventionnant les grands groupes sans contrepartie, vous subventionnez les délocalisations et les licenciements.

L’innovation n’est pas, par elle-même, une source de progrès : tout dépend pour quels objectifs et pour quelles technologies. Pour des objectifs de développement humain ou de simple profitabilité ? Pendant des années, le Gouvernement a délaissé l’innovation technologique, ce qui nous place au onzième rang des pays les plus innovants. Nous avons les technologies nécessaires pour produire des éoliennes, mais nous sommes moins performants que les Danois, les Allemands ou les Espagnols.

Les choix politiques d’orientation des investissements de l’innovation technologique doivent être réfléchis du point de vue du progrès climatique et humain. Vous pourriez vous éloigner de vos idéologies et faire appel au bon sens pour que le budget de notre pays soit utile à l’économie, aux salariés et à l’écologie. Nous pourrions ainsi relancer la consommation populaire par le blocage des prix des produits de première nécessité et l’augmentation du Smic, des salaires et des pensions, au moins à la hauteur de l’inflation, taxer les superprofits et limiter la distribution de dividendes pour orienter les bénéfices vers l’investissement et l’emploi, et conditionner notamment toutes les aides publiques aux entreprises à des critères écologiques et sociaux…

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. Merci cher collègue, il reste peu de temps au rapporteur pour répondre.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. La décarbonation est au cœur de France 2030, qui prévoit notamment de consacrer 5 milliards d’euros à la décarbonation de l’industrie. Par ailleurs, 15 milliards d’euros, soit près de la moitié des fonds prévus, sont destinés à des acteurs émergents, et non aux grands groupes du CAC40.

M. Jérôme Nury (LR). M. le rapporteur pour avis a évoqué avec raison la complexité du PIA. Les entreprises se heurtent à des lourdeurs et à des délais souvent excessifs. Par ailleurs, les élus sont souvent exclus de la validation des dossiers, effectuée par Bpifrance ou par la direction générale des entreprises (DGE), ce qui pose un problème de démocratie. Les représentants que nous sommes ne sont jamais consultés à ce sujet.

La mise en œuvre du plan « Batteries » est lente. L’État et l’Union européenne lancent des injonctions à l’électrification massive de notre parc automobile. Or la filière de recyclage des batteries existantes n’est pas encore opérationnelle. Où partent-elles ?

La question de la souveraineté de la filière automobile française se pose, dès lors que nous devons nous procurer des terres rares en Afrique ou ailleurs pour produire des véhicules français équipés de batteries performantes. Là encore, le plan « Batteries » a été lancé il y a plusieurs années. Quand atteindra-t-il son efficacité concrète ?

Quant aux objectifs de France 2030, ils sont louables mais perfectibles. Nous souscrivons à ceux de diffusion des technologies sur les marchés et de progression dans l’innovation.

Vous dites, Monsieur le rapporteur pour avis, qu’il faut compléter les outils de production par des infrastructures immobilières adaptées. Je suis tout à fait d’accord avec vous, mais, dans les territoires, si une entreprise nous contacte pour en obtenir, nous ne parvenons pas à mobiliser le PIA ni France 2030. Nous obtenons souvent de l’argent de la région ou du département, mais l’État est absent. Or il s’agit d’un enjeu majeur en matière de développement économique.

En somme, France 2030 dispose certes de la somme importante de 34 milliards d’euros, mais ses effets dans les territoires, dans la vie réelle des entreprises de l’économie locale, sont peu visibles. Ce programme donne l’impression de s’inscrire dans la politique-fiction et non dans la politique-action. Nous ne pouvons que le regretter.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. La complexité du dispositif est incontestable. Elle tient en partie au changement de paradigme que représente le passage du PIA4 à France 2030. Le SGPI, placé sous l’autorité de la Première ministre, établira une convention avec chacun de ses opérateurs. Il peut résulter de ce changement de paradigme un certain retard.

Si le développement du plan « batteries » est long, c’est parce que nous partons de loin. L’entreprise ACC, dont nous avons auditionné les représentants, ouvrira sa gigafactory à la fin de 2023, donc dans peu de temps. Nous avons lancé les investissements au bon moment.

Mme Louise Morel (Dem). La mission Investir pour la France de 2030 est issue de l’annonce faite par le Président de la République en 2021 d’un grand plan d’investissement à horizon 2030, héritier des PIA, pour créer de la valeur dans la durée et renforcer la capacité de la France de choisir son destin. Ces investissements visent à transformer durablement des secteurs clés de notre économie et à positionner la France en chef de file de l’économie de demain, en soutenant le cycle de vie des produits – de l’innovation au déploiement et à l’industrialisation.

Cette mission bénéficie d’une enveloppe significative de 34 milliards d’euros, ce dont nous pouvons être fiers. Des gigafactories dans le domaine de l’hydrogène, des fonderies de semi-conducteurs et la création de bioclusters pour préparer les traitements médicaux de demain font partie des projets soutenus. La logique d’investissement réserve 50 % des dépenses à la décarbonation de l’économie et 50 % à des acteurs émergents porteurs d’innovations.

Dans le cadre des auditions que vous avez menées, vous avez probablement constaté que les batteries contiennent de nombreux métaux, notamment du lithium, du cuivre, du manganèse, du nickel et du cobalt. La batterie d’une Zoé contient 7 kilos de lithium, 11 kilos de cobalt, 11 kilos de manganèse et 34 kilos de nickel. Quelles sont les conséquences de l’extraction de ces métaux, dont la plupart sont des métaux rares, au regard de l’impact environnemental, de l’approvisionnement et du recyclage pour notre pays ?

Pouvez-vous nous éclairer sur la méthode de sélection des projets ? Dans quelle mesure les investissements sont-ils évalués à l’aune de l’objectif de décarbonation de l’économie ?

Notre groupe apportera son soutien aux crédits de cette mission, essentielle à l’avenir de notre souveraineté et à notre indépendance industrielle.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. S’agissant des matières premières, France 2030 consacre 1 milliard d’euros, à raison de 500 millions en fonds propres et 500 millions en subventions, à un appel à projets sur les métaux précieux. Cela répond aux préconisations du rapport Varin, qui rappelle la nécessité de sécuriser les approvisionnements et de relocaliser les circuits primaires. En ce sens, il serait pertinent d’élargir le périmètre du Piiec concerné à tous les métaux constitutifs des batteries, pour gagner en souveraineté.

S’agissant de la méthode de sélection des projets, les opérateurs se chargent du dernier kilomètre, en partant de la feuille de route établie et en suivant l’axe de la décarbonation de l’industrie, qui bénéficie de 5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros pour les petits réacteurs modulaires et 2,5 milliards pour moderniser le marché de l’automobile.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Le deuxième objectif stratégique de France 2030 est : « Devenir le leader de l’hydrogène vert et des énergies renouvelables ». L’atteindre suppose une massification et une accélération du déploiement des énergies renouvelables (ENR), ainsi que l’amplification de la recherche sur le stockage de ces énergies intermittentes et sur l’hydrogène vert. Nous soutenons les investissements stratégiques dans les batteries réalisés dans le cadre du Piiec et du PIA3. Il faudrait les étendre aux autres enjeux de stockage énergétique.

En revanche, s’agissant des ENR, nous ne sommes pas au rendez-vous. Le projet de loi visant à accélérer leur développement présenté par le Gouvernement se contente pour l’essentiel de créer un cadre administratif plus favorable en matière d’urbanisme. Il y manque une planification territorialisée de l’implantation de nouvelles installations pour atteindre nos objectifs énergétiques, ainsi que la trajectoire d’investissement y afférente. Nous espérions trouver dans le projet de loi de finances pour 2023 le pendant de ce texte en matière de moyens budgétaires. Il n’en est rien.

La mission Investir pour la France de 2030 dispose-t-elle des moyens pour atteindre ses objectifs ? Nous ne le pensons pas.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Les 34 milliards d’euros investis dans ce projet sont des moyens importants, sinon suffisants. La priorité donnée à la décarbonation de notre industrie, donc à sa transition, est essentielle. En matière de sobriété énergétique, elle fait nettement évoluer nos investissements.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Et à propos des ENR ?

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Cette question me semble hors sujet.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Elle ne me semble pas l’être à l’époque que nous vivons !

M. Paul Molac (LIOT). Le 12 octobre 2021, le Président de la République a annoncé une stratégie d’investissement à l’horizon 2030, allouant 34 milliards d’euros aux grands défis, notamment la transition énergétique de l’automobile et de l’aéronautique. Sa mise en œuvre avait fait un peu de foin, car elle prenait la forme d’un amendement au projet de loi de finances non assorti d’une étude d’impact, ce qui était une méthode pour le moins cavalière.

Il résulte du cumul du PIA3, du PIA4 et de France 2030 une certaine illisibilité des crédits d’investissements d’avenir, qui ne sont pas toujours évidents et identifiés. Tout en convenant d’une volonté d’investir, nous préférerions plus de clarté. Nous n’en sommes pas moins favorables aux orientations du plan France 2030, notamment celle qui attribue 50 % des financements à la décarbonation de l’industrie et 50 % à l’innovation.

Une question stratégique demeure. Nous avons besoin de métaux rares. Plusieurs chaînes de production sont à l’arrêt, faute de composants. Nous dépendons de la Chine pour en obtenir. Existe-t-il des stratégies consistant à nous approvisionner ailleurs et à relocaliser une partie de nos circuits d’approvisionnement ? Notre dépendance à la Chine limite notre souveraineté.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Ce sujet effectivement très important des métaux rares a été traité par le rapport Varin et, sur la base de ses recommandations, un investissement de 1 milliard d’euros est prévu dans France 2030. Les acteurs de la filière de production de batteries, que j’ai auditionnés, sont d’autant plus sensibles au problème que le prix des matières premières augmente. Un travail d’ampleur est mené à ce sujet pour gagner en indépendance et éviter de devenir dépendants de nos concurrents.

M. Paul Molac (LIOT). Une stratégie globale s’impose. Le Quai d’Orsay doit y être associé. Il ne s’agit pas uniquement d’une question industrielle. La politique extérieure de la France est aussi en jeu.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Le rapport Varin insistait aussi sur cet aspect-là.

Mme Anne-Laurence Petel, présidente. Nous en venons aux questions individuelles.

M. Dino Cinieri (LR). Le quatrième objectif stratégique de France 2030 est de produire en France près de deux millions de véhicules électriques et hybrides chaque année à l’horizon 2030. L’Europe viserait l’objectif de 25 % de la production mondiale de batteries à cette échéance. Tout cela répond aux attentes de nos concitoyens, d’autant qu’ils subissent depuis plusieurs jours des pénuries d’essence sur tout le territoire.

Toutefois, si les véhicules électriques sont indépendants des hydrocarbures, il leur faut quand même de l’électricité, ce qui, cet hiver, sera compliqué. En raison de la guerre en Ukraine, le prix des matières premières a considérablement augmenté, notamment celles nécessaires à la fabrication des batteries, telles que le cobalt, le manganèse, le nickel, le cuivre et l’aluminium.

Il est urgent d’accélérer les travaux de recherche sur le recyclage des batteries, dans l’attente du déploiement de nouvelles générations de batterie. Ce retard va malheureusement de pair avec notre retard technologique en matière de fabrication de batteries de qualité, qui est très pénalisant pour le déploiement des véhicules électriques dans les territoires ruraux.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Les ENR, au sujet desquelles vous avez choisi de ne pas me répondre, constituent la deuxième orientation de France 2030. Elles sont totalement dans le sujet. Certes, vous avez choisi d’examiner le thème particulier des batteries dans votre rapport, mais considérer les ENR comme hors sujet, c’est un peu fort !

M. Mathias Tavel (LFI-NUPES). Cent cinquante-six milliards d’euros par an – « un pognon de dingue », selon une expression utilisée par le Président de la République –, c’est le montant des aides versées chaque année aux entreprises dans notre pays, indépendamment des dispositions de relance que nous examinons. Celles-ci s’élèvent à 34 milliards d’euros, soit des sommes considérablement plus faibles que ce qui est déjà donné à vannes ouvertes, sans planification, sans contrepartie sociale et écologique, sans fléchage territorial. Le seul fléchage est sectoriel, et nous venons d’apprendre de M. le rapporteur pour avis que les ENR ne constituent pas une priorité à l’horizon 2030.

Ces 34 milliards ne seraient-ils pas mieux utilisés s’ils étaient fléchés, conditionnés et planifiés, notamment d’un point de vue territorial, pour développer des filières françaises, notamment en matière d’ENR ? Pourquoi ne pas prélever dans les 156 milliards d’euros gaspillés chaque année au profit des seules entreprises sans condition ni contrepartie ?

M. Jean-Pierre Vigier (LR). France 2030 vise à aller plus loin dans le déploiement de l’innovation, en accompagnant les acteurs industriels dans la diffusion de leurs technologies sur les marchés. Nous ne pouvons qu’y souscrire. Pour ce faire, il convient que la puissance publique soit en appui des acteurs économiques. Or la complexité et la lourdeur de certains dispositifs contrarient cet objectif clairement affiché. L’empilement d’acteurs est clairement une faiblesse nuisant à la lisibilité de France 2030.

Que suggérez-vous précisément pour que la gouvernance de France 2030 soit plus simple, donc à même de répondre aux défis stratégiques que ce plan doit relever ?

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Concernant les matières premières, des investissements sont prévus pour renforcer notre souveraineté. Par ailleurs, un volet important de France 2030 est consacré à notre indépendance énergétique. Les investissements prévus devraient apaiser les inquiétudes.

S’agissant des ENR, elles ne sont pas hors sujet, contrairement à votre question, Madame Battistel. Elles sont au cœur du projet France 2030.

Le fléchage des aides aux entreprises vers des sujets précis, en vue d’obtenir des réussites industrielles, est au cœur de France 2030.

La complexité du dispositif s’explique en partie par le changement de doctrine, qui a provoqué un embouteillage des décisions qui se résorbera progressivement. Il n’en faut pas moins lutter contre l’empilement des acteurs et donner aux opérateurs un peu plus de liberté et de responsabilité pour gagner du temps.

 

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030, non modifiés.

 

Mission Plan de relance (M. Alexis Izard, rapporteur pour avis)

 

Article 27 et État B : Crédits du budget général

 

Amendement II-CE65 de M. William Martinet.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Il est urgent d’investir massivement dans la rénovation thermique des logements pour réussir le pari de la transition écologique. L’amendement vise à doubler l’aide à la relance de la construction durable en prenant sur les crédits du programme 363 Compétitivité, dont les résultats sont loin d’être à la hauteur des 156 milliards dont il bénéficie ! Ce « pognon de dingue » serait mieux employé à aider les communes à développer les équipements publics, favoriser la sobriété énergétique et rééquilibrer l’aménagement du territoire.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement avait institué une aide à la relance de la construction durable dotée de 350 millions d’euros pour deux ans, entre 2020 et 2022, afin de soutenir et de relancer la construction de logements neufs. Il s’agissait d’accompagner financièrement les communes dans le développement d’équipements publics et d’accélérer une construction raisonnée en favorisant une utilisation plus efficace du foncier déjà urbanisé.

Cette disposition était rendue nécessaire par l’arrêt du secteur durant le premier confinement et un retard considérable des chantiers. Cela nous a permis de passer le cap de la relance, qui est à présent derrière nous.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE66 de M. William Martinet.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Il s’agit de soutenir la transition énergétique en augmentant les crédits alloués à la rénovation thermique. Plus de 5 millions de logements peuvent être considérés comme des passoires thermiques en France, et 20 000 seulement auraient cessé de l’être grâce au dispositif MaPrimRénov’. Nous devons accélérer ! De toute manière, à l’approche de l’hiver, l’argent que vous ne consacrerez pas à la rénovation énergétique sera dépensé pour aider nos concitoyens à se chauffer ou à compenser notre empreinte carbone !

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Les chiffres avancés dans l’argumentaire de l’exposé sommaire ne correspondent pas au projet de loi de finances de cette année, mais à celui de l’an dernier.

Concernant MaPrimRénov’, les différentes lignes budgétaires consacrées à la rénovation thermique des logements privés affichent une hausse de 16 % des autorisations d’engagement et de 24 % des crédits de paiement pour l’exercice 2023. Les crédits s’élèvent à présent à 2,8 milliards d’euros, sans compter les enveloppes consacrées à la rénovation énergétique des logements sociaux – l’enveloppe de 200 millions a été reconduite – ou des bâtiments publics – 520 millions.

Au total, 3,5 milliards sont dédiés à ces dépenses, ce qui dépasse les 3,2 milliards que vous demandez. Votre amendement est donc satisfait et je vous invite à le retirer, sinon avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous ne votons pas pour l’exposé des motifs mais pour l’amendement qui tend à augmenter les crédits disponibles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE67 de M. William Martinet.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Le volet du plan de relance consacré au soutien de la rénovation énergétique et de la réhabilitation lourde des logements sociaux est doté cette année de 187 millions d’euros en crédits de paiement. Une enveloppe de 445 millions d’euros a été prévue pour l’ensemble du plan de relance et, pour l’instant, seulement 45 000 logements locatifs sociaux ont été réhabilités.

Alors que les bailleurs souffrent des conséquences de l’application de la réduction de loyer de solidarité (RLS), il convient de prévoir un soutien supplémentaire aux bailleurs sociaux. Nous proposons par conséquent d’abonder de 36,5 millions les crédits de paiement du programme 362.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. À nouveau, vous reprenez les chiffres de l’an dernier. Cette année, le projet de loi de finances abonde d’ores et déjà la rénovation énergétique des logements sociaux à hauteur de 200 millions d’euros en provenance du fonds de concours qu’est le Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Ces aides, fléchées vers la réhabilitation lourde, s’ajoutent à l’enveloppe habituelle du FNAP, ce qui explique le passage de 535 à 764 millions du FNAP en fonds de concours.

Votre amendement est plus que satisfait. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE81 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Il s’agit de créer un dispositif de volontariat territorial solidaire, le VTS, à l’image du volontariat territorial en entreprise (VTE), créé en 2018. Ce VTS serait destiné aux associations qui comptent moins de 50 salariés, qui n’ont pas accès au VTE et dont les projets s’inscriraient dans une finalité d’utilité sociale. Si le VTS s’adresse au même public – CDD, CDI, apprentissage –, ce sont des associations qui porteraient le projet.

Dans un premier temps, les représentants des associations évaluent les besoins à 5 000 contrats de VTS équivalent temps plein, mais il conviendra sans doute de revoir ce chiffre. Il serait proposé 8 000 euros par contrat VTS.

Nous espérons que vous soutiendrez cet amendement. Nous devons soutenir nos associations, dont l’utilité n’est plus à démontrer. Malheureusement, après la crise sanitaire, elles doivent affronter la crise énergétique et elles craignent à présent que leurs dotations ne s’amenuisent.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Si je partage votre intention de permettre à des jeunes d’élargir leurs expériences dans la vie associative, il me semble qu’un tel dispositif aurait plus sa place au sein du programme Jeunesse et vie associative que dans le cadre du plan de relance, dont les crédits s’éteignent. Je remarque, par ailleurs, que vous n’avez déplacé que des crédits de paiement sans les autorisations d’engagement associées. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). L’engagement associatif est aussi respectable que le volontariat en entreprise, voire davantage en ce qu’il est mû par le souci de l’intérêt général. Si l’emplacement de cet amendement ne vous convient pas, libre à vous d’en proposer un autre, mais nous regretterions que votre réponse se résume à un refus catégorique. Nous ne pouvons continuer à proposer aux personnes qui souhaitent s’investir dans une association de simples engagements de service civique, payés au lance-pierre, alors qu’ils sont amenés à remplir des missions qui devraient être dévolues à des salariés, au terme de la signature d’un vrai contrat de travail ou d’apprentissage. Nous ne pouvons accepter cette forme de dumping social.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE82 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). L’innovation est toujours considérée comme relevant du domaine technologique. Seule la loi de 31 juillet 2014, dite « loi Hamon », envisage l’innovation sociale. À l’exception de quelques-unes de ses dispositions, aucune mesure législative n’a été prise en faveur de l’innovation sociale.

Nous proposons de créer un dispositif d’aide à l’innovation sociale, qui est tout à fait de nature à relever les défis révélés par la crise sanitaire et la crise énergétique. On ne peut pas préparer l’avenir en l’excluant de la réflexion, alors même qu’elle va de pair avec l’innovation technologique et écologique. Le principe de l’innovation sociale suscite un large engouement mais, dès qu’il s’agit d’investir dans cette voie, c’est un quasi-mépris qui se lit dans les crédits.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. L’action 07 que vous ciblez concerne davantage le soutien aux infrastructures et à l’activité économique dans les territoires que l’économie sociale et solidaire.

Sur le fond, si je peux approuver le principe de l’innovation sociale, j’estime qu’un tel dispositif aurait plus vocation à trouver sa place au sein de la mission Économie, qui comporte un volet consacré à l’économie sociale et solidaire, qu’au sein du plan de relance, dont les crédits sont en cours d’extinction. De surcroît, vous n’avez déplacé que les crédits de paiement sans les autorisations d’engagement associées.

Sauf erreur de ma part, vous avez déposé à la mission Économie un amendement de crédits similaire : il sera préférable de l’examiner dans ce cadre.

Avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou. L’innovation sociale n’est pas l’apanage de l’économie sociale et solidaire. Des entreprises classiques peuvent mener des projets dans ce domaine. À force de tenir un tel raisonnement, aucun crédit n’est accordé à l’innovation sociale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE68 de M. William Martinet.

M. William Martinet (LFI-NUPES). L’amendement tend à créer une ligne nouvelle au sein du plan de relance, dédiée à la lutte contre les expulsions locatives sans relogement. Nos concitoyens ont dû affronter la crise sanitaire qui s’est traduite, pour beaucoup d’entre eux, par une baisse de revenus qui les a exposés à l’expulsion de leur logement. La crise énergétique, qui fait exploser les tarifs de l’énergie peut, à son tour, placer les locataires dans l’impossibilité de régler leurs factures, sans compter que le Gouvernement prévoit de fermer des places d’hébergement d’urgence.

Nous proposons d’abonder à hauteur de 50 millions d’euros en crédits de paiement le fonds d’indemnisation des bailleurs en cas de refus d’accorder le concours de la force publique. Quand un ménage ne peut plus payer son loyer, il faut pouvoir indemniser le bailleur et trouver des solutions sociales.

M. Alexis Izard, rapporteur pour avis. Dans le cadre de la crise sanitaire, deux fonds spéciaux ont été créés pour mieux accompagner les locataires en situation d’impayés. Le fonds d’aide aux impayés de loyer, destiné à abonder le Fonds de solidarité pour le logement géré par les conseils départementaux et les métropoles, permet de doubler la capacité en matière d’aide au paiement des loyers, grâce à une dotation de 30 millions d’euros. Son objectif est de soutenir les collectivités en venant en aide aux ménages qui sont peu habitués à solliciter les services sociaux.

En cas de maintien dans le logement des ménages pour lesquels une expulsion avec concours de la force publique a été décidée, les bailleurs seront indemnisés à due concurrence, grâce à un abondement du fonds d’indemnisation des bailleurs à hauteur de 20 millions d’euros pour 2021.

La solution doit aussi passer par une meilleure réponse de l’État au besoin de relogement et un meilleur accompagnement par les services sociaux.

Avis défavorable.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Quand les mesures préventives n’ont pas donné de résultat, les bailleurs pressent les préfets pour qu’ils prennent la décision d’expulser le locataire. Or les préfets reconnaissent eux-mêmes que s’ils ne subissaient pas une telle pression, il serait possible, avec un peu de temps, de trouver une solution et d’éviter l’expulsion.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Plan de relance, non modifiés.


—  1  —

   ANNEXE : La gouvernance de « France 2030 »


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES auditionnées

Société Automotive Cells Compagny (ACC)

M. Yann Vincent, président-directeur général

M. Matthieu Hubert, secrétaire général

Mme Laure Jouffrai, directrice financière

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe)

M. David Marchal, directeur exécutif adjoint de l’expertise et des programmes

Mme Anne-Cécile Sigwalt, directrice des entreprises et transitions industrielles, en charge du programme « France 2030 »

M. Geoffrey Abecassis, responsable du plan de relance

Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Arnaud Torres, directeur des grands programmes d’investissement de l’État

Mme Cécile Schou, chargée de mission auprès de la direction générale

Bpifrance

Mme Sophie Remont, directrice de l’expertise et des programmes à la direction de l’innovation

M. Daniel Demeulenaere, directeur de la stratégie

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

Caisse des dépôts et consignations

M. Nicolas Chung, directeur de la mission Mandats et investissements d’avenir à la Banque des territoires

Mme Patricia Blanchandin, conseillère relations institutionnelles

Direction générale des entreprises (DGE) (en visioconférence)

M. Romain Bonenfant, chef du service de l’industrie

Mme Valérie Petat, cheffe de projet sur les batteries

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) (en visioconférence) *

M. François Legalland, directeur du laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (LITEN)

Mme Hélène Burlet, coordinatrice du programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR) sur les batteries

M. Thibault Taillandier, chargé des affaires publiques

Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) (en visioconférence)

M. Philippe Mauguin, président-directeur général

M. Louis-Augustin Julien, directeur du financement et des achats

M. Cyril Kao, directeur de l’enseignement supérieur des sites et de l’Europe

M. Marc Gauchée, conseiller du PDG pour relations institutionnelles

Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria)

M. Bruno Sportisse, président-directeur général

Mme Sandrine Mazetier, directrice des affaires publiques

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) (en visioconférence)

M. Gilles Bloch, président-directeur général

M. Damien Rousset, directeur général délégué à l’administration

Mme Anne-Sophie Etzol, chargée des relations institutionnelles

PariSanté Campus

M. Antoine Tesnière, directeur général

Secrétaire général pour l’investissement (SGPI)

Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe

Mme Camille Muller, directrice juridique et financière adjointe

Société Verkor (en visioconférence)

M. Gilles Moreau, co-fondateur et directeur de l’innovation

M. Maxime Morand, directeur de la stratégie

Mme Claire Stromboni, chargée des affaires publiques

Mme Solenn Le Bray, stagiaire

M. Manuel Wucher, stagiaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Programme et équipement prioritaire de recherche.

([2]) 34 Md€ en AE et 3,5 Md€ en CP.

([3]) Appels à projets de Bpifrance, de la Caisse des dépôts et consignations et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

([4]) 262,5 millions d’euros (M€) ont toutefois été ouverts en autorisations d’engagement afin de compenser sur l’action n° 2 du programme 425 (aides à l’innovation « bottom-up ») la suppression du Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII). Le FII était un fonds d’investissement en capital géré par Bpifrance à partir du produit de la cession d’actifs publics conformément à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (loi dite « Pacte »).

([5]) À l’exception du programme 421, où des projets engagés dans le cadre du PIA 3 se poursuivent (équipements structurants pour la recherche, initiatives d’excellence Idex des universités, etc.), pour un montant total de 262,5 M€.

([6]) Ensemble de politiques publiques (recherche, aides au déploiement, etc.) visant à développer les usages de l’hydrogène décarboné en France (septembre 2020).

([7]) Rapport de la commission sur l’emprunt national, 19 novembre 2009, p. 23.

([8]) Discours du Président de la République, 12 octobre 2021 (précité).

([9]) Les fonds alloués ne peuvent en effet pas entrer dans la comptabilité de l’opérateur, afin de préserver le principe d’étanchéité posé dès la mise en place du PIA.

([10]) Article 233 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([11]) Rapport de la commission sur l’emprunt national, p. 45.

([12]) Cf. « Le programme d’investissements d’avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder », novembre 2019, p. 9.

([13]) Convention du 8 avril 2021, modifiée par l’avenant n° 1 du 28 septembre 2022, entre l’État, l’Ademe, l’Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations, l’établissement public Bpifrance et la société anonyme Bpifrance encadrant les dispositions communes aux conventions relatives à la mise en œuvre du quatrième programme d’investissements d’avenir (article 2.1).

([14]) Ibid., art. 2.2.

([15]) Les PEPR dits « exploratoires » visent des secteurs en émergence avec des travaux de recherche dont les domaines d’application peuvent, pour certains, relever encore d’hypothèses de travail extérieures aux stratégies nationales. Ils sont constitués sous la forme d’appels à projets « classiques ».

([16]) Communiqué de presse du Gouvernement du 1er février 2022 : « Premier comité France 2030 ».

([17]) Rapport précité du comité de surveillance de novembre 2019, pp. 50 et 51.

([18]) Convention du 2 juin 2021 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir (action « Programmes et équipements prioritaires de recherche »).

([19]) Conventions des 8 avril et 4 juin 2021 entre l’État, l’Ademe, l’Agence nationale de la recherche, la Caisse des dépôts et consignations, l’établissement public Bpifrance et la société anonyme Bpifrance relatives au programme d’investissements d’avenir, article 2.1.

([20]) Contribution écrite adressée par Inria à votre rapporteur (23 septembre 2022).

([21]) Contribution écrite du SGPI (3 octobre 2022).

([22]) Cf. Cour des comptes, Le PIA : un acquis à consolider, un rôle spécifique à mieux définir, octobre 2021, p. 6.

([23]) Groupement d’intérêt public issu de l’ancien Institut national des données de santé, créé par un arrêté du 29 novembre 2019 afin de faciliter le partage des données de santé afin de favoriser la recherche et de répondre au défi de l’usage des traitements algorithmiques.

([24]) Action n° 4 du programme 363 (Compétitivité).

([25]) C’est l’Inserm, par exemple, qui a signé le bail du site d’Issy-les-Moulineaux.

([26]) Les batteries au lithium ont été développées initialement par le Britannique Stanley Whittingham (1977), alors chimiste au sein de la compagnie Exxon. C’est un chimiste japonais, Akira Yoshino, qui eut l’idée d’utiliser le graphite pour l’anode. Le groupe Sony est ainsi le premier à commercialiser ces batteries de nouvelle génération pour ses ordinateurs portables en 1991. S. Whittingham et A. Yoshino ont reçu, avec l’américain John Goodenough, le prix Nobel de chimie pour leurs travaux en 2019.

([27]) À titre de comparaison, le fer affiche une masse atomique de 55,845 unités.

([28]) Automative Cells Compagny, co-entreprise spécialisée dans la production de batteries en Europe. ACC est possédée à parité par Stellantis, Mercedes-Benz et Total Énergies.

([29]) Le nickel et le cobalt font partie des « métaux rares ».

([30]) Cf. « Developing a promising sector for Québec’s économy », Propulsion Québec, avril 2019, p. 12.

([31]) Source : étude du cabinet Roland Berger de 2020 (chiffres communiqués par ACC).

([32]) Benchmark Mineral Intelligence (BMI) - Note d’août 2022.

([33]) Cf. « L’électrification des transports publics : un marché à fort potentiel pour les industriels, opérateurs et investisseurs », Accuracy, septembre 2020, p. 5.

([34]) https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/09/la-commission-europeenne-autorise-une-aide-publique-de-3-2-milliards-d-euros-pour-developper-un-airbus-des-batteries_6022205_3234.html

([35]) Il s’agit de l’Allemagne, la Belgique, la Finlande, la France, l’Italie, la Pologne et la Suède.

([36]) Les sept membres initiaux ont été rejoints par l’Autriche, la Croatie, la Grèce, la Slovaquie et l’Espagne.

([37]) Cf. https://www.arkema.com/france/fr/newslist/news/global/corporate/2021/20211119-arkema-accelerates-its-investments-for-batteries/

([38]) Action n° 02 (Accompagnement et transformation des filières) du programme 423.

([39]) Cf. page 10 supra.

([40]) Filiale japonaise du groupe chinois Envision.

([41]) ACC a reçu, à cette fin, 437 M€ de subventions allemandes (BMW et Land de Rhénanie - Palatinat).

([42]) Données fournies en audition par les représentants de Verkor.

([43]) Première vague de lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir », copiloté par l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations.

([44]) L’Inflation Reduction Act du 16 août 2022 met en place un mécanisme d’aide directe pour des batteries au lithium-ion « produites ou assemblées en Amérique du Nord » (art. 4).

([45]) Contribution écrite de la société Verkor (23 septembre 2022).

([46]) Le premier PIIEC sur les batteries a été évoqué officiellement par la France et l’Allemagne dès le 18 décembre 2018 (déclaration conjointe de M. Bruno Le Maire et M. Peter Altmaier), soit un an avant son autorisation par la Commission européenne.

([47]) La société Verkor a été créée en juillet 2020, soit après la demande de PIIEC. Celui-ci est validé en janvier 2021.

([48]) Ce fut, notamment, le cas pour certaines dépenses de fonctionnement mises en œuvre dans le cadre du plan « Hydrogène ».

([49]) https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-09-16/lithium-smashes-new-record-as-supply-struggles-to-feed-ev-growth

([50]) La Russie est l’un des premiers pays producteurs de nickel au monde.

([51]) Environ 23 dollars le kilogramme aujourd’hui, contre près de 11 dollars fin 2018.

([52]) Géosciences n° 26 : Métaux critiques, concilier éthique et souveraineté ? (juillet 2022).

([53]) https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20220214/ecos.html

([54]) PEPR doté de 40 millions d’euros€.

([55]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux batteries et aux déchets de batteries (déposée le 10 décembre 2020).

([56]) Le groupe Orano travaille sur le sujet des aimants et a bénéficié, à ce titre, de crédits du plan de relance.

([57]) C’est, en grande partie, le sens du projet Phénix porté par la Société nouvelle d’affinage des métaux (SNAM).

([58]) Page 5 du cahier des charges disponible sur le site Internet de Bpifrance.

([59]) Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en est le pilote scientifique.