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N° 286 rect.

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÉME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ

 

PAR Mme Aude LUQUET

Députée

——

 

 

 Voir le numéro : 273

 


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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. DES CRÉDITS RENFORCÉS POUR LES POLITIQUES DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

A. LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ

1. La création d’un fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires

2. L’OFB bénéficie d’une augmentation de crédits et de personnels en 2023

3. La gestion des milieux et la biodiversité

a. Espaces et milieux marins

b. Politique de l’eau

c. Le Conservatoire du littoral

d. Espaces naturels protégés

e. Natura 2000

f. Connaissance et préservation de la biodiversité

4. Une compensation en hausse des missions d’intérêt général de l’ONF à partir du programme 113

B. Les agences de l’eau bénéficient du fonds d’accélération et d’une stabilité de leurs effectifs

C. La renaturation des villes

D. LES AUTRES CRÉDITS PROPOSÉS POUR LE PROGRAMME 113

1. La politique des paysages et des sites (action n° 1)

2. Les crédits provisionnés pour le règlement des contentieux (action  2)

II. DES CRÉDITS EN LÉGÈRE HAUSSE POUR L’EXPERTISE, L’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET LA MÉTÉOROLOGIE

A. LES MOYENS ALLOUÉS AU CGDD (ACTION 10)

B. LES MOYENS ATTRIBUÉS AU Cerema

C. LA DOTATION DE L’IGN

D. LES MOYENS ALLOUÉS À MÉTÉO-FRANCE

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


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   INTRODUCTION

Le présent rapport examine les crédits inscrits par le projet de loi de finances pour 2023 au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » au titre du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Le programme 113 est le programme support des politiques des paysages, de l’eau et de la biodiversité. Il bénéficie de 274 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et en autorisations d’engagement (AE) dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, contre 244 millions d’euros en CP et en AE dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cela représente une augmentation des crédits de 12,4 % entre la LFI 2022 et le PLF 2023.

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » est doté de 497,7 millions d’euros en AE et en CP en PLF 2023, contre 471,1 millions d’euros en AE et en CP en LFI 2022. Cela représente une augmentation de 5,6 % des crédits affectés au programme.

La rapporteure pour avis se réjouit de la forte hausse des crédits proposée en PLF 2023 pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». En effet, les crédits passent de 21,6 milliards d’euros à 28,4 milliards d’euros en AE et de 21,2 milliards d’euros à 27,3 milliards d’euros en CP entre la LFI 2022 et le PLF 2023, soit une augmentation de 31 % des AE et de 28 % des CP.

Les effectifs de la mission connaissent une quasi-stabilité, passant de 35 669 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en LFI 2022 à 35 619 ETPT en PLF 2023. Cet infléchissement de l’effort demandé aux opérateurs du ministère de l’écologie est bienvenu. Dans le cadre des programmes 113 et 159, quelques opérateurs parviennent même à regagner des emplois, à l’instar de Météo-France (6 ETPT) et de l’Office français de la biodiversité (15 ETPT).

 

 


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I.   DES CRÉDITS RENFORCÉS POUR LES POLITIQUES DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

A.   LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » connaît un renforcement régulier de ses crédits depuis trois ans. Il est ainsi passé de 229 millions d’euros en LFI 2021 à 274 millions d’euros en PLF 2023 en AE et en CP. Cette augmentation de crédits du programme 113 devrait se poursuivre en 2024 (7 millions d’euros supplémentaires prévus dans la loi de programmation des finances publiques). Si ce renforcement des moyens financiers du programme est positif, il convient de rappeler que les crédits budgétaires ne représentent cependant qu’une petite fraction des dépenses de la sphère publique en matière d’eau et de biodiversité. Les dépenses les plus importantes sont réalisées par les agences de l’eau dont le budget est constitué de taxes affectées plafonnées à 2 198 millions d’euros en PLF 2023.

Évolution des crédits du programme 113 par action

           (en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

(en %)

(en %)

Action 01 – Sites, paysages, publicité

6 535 963

5 723 384

-12 %

6 533 223

5 900 309

-10 %

Action 02 – Logistique, formation et contentieux

5 391 546

11 181 600

107 %

5 375 430

9 905 435

84 %

Action 07 – Gestion des milieux et biodiversité

232 138 422

257 586 716

11 %

232 175 046

258 703 724

11 %

titre 2 (P217, A 13)

0

0

0

0

0

0

Total (hors titre 2)

244 065 931

274 491 700

12 %

244 083 699

274 509 468

12 %

Total y. c. titre 2

244 065 931

274 491 700

12 %

244 083 699

274 509 468

12 %

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Les crédits supplémentaires sur le programme 113 permettront notamment de financer une augmentation de la subvention pour charges de service public versée à l’Office français de la biodiversité (OFB) de 25 millions d’euros en 2023, puis en 2024 et 2025. Cette somme vise à couvrir l’augmentation du point d’indice des fonctionnaires et à résorber une grande partie du déficit accumulé depuis la création de l’OFB en 2020. Par ailleurs, l’Office national des forêts verra également ses crédits renforcés, au titre de sa mission d’intérêt général (MIG) de gestion des réserves naturelles, à hauteur de 2,5 millions d’euros en 2023 puis de 5 millions d’euros en 2024 et 2025. Enfin, une enveloppe budgétaire nouvelle est prévue pour indemniser les dégâts provoqués par les grands prédateurs (1 million d’euros en 2023, 2 millions d’euros en 2024 et 3 millions d’euros en 2025).

Il convient par ailleurs de souligner que, durant la période 2020-2022, les missions correspondant au périmètre du programme 113 ont également bénéficié des crédits de l’action 02 « Biodiversité, lutte contre l’artificialisation »  du programme 362 créé par le plan de relance. Cela représente un total de plus de 526 millions d’euros supplémentaires sur la période 2020-2022, dont les agences de l’eau ont bénéficié en premier lieu. La quasi-intégralité des crédits a été engagée (taux d’engagement de 99,6 % au 18 septembre 2022) sur la période 2020-2022, les CP ayant été consommés à hauteur de 47 % sur la même période. Le solde des décaissements de crédits de paiement devrait s’étaler jusqu’en 2026. Sur cette enveloppe globale, les principales mesures financées sont les suivantes :

– aires protégées (60 millions d’euros) ;

– restauration écologique (128 millions d’euros) ;

– protection du littoral (40 millions d’euros) ;

– modernisation des réseaux d’eau et d’assainissement (248 millions d’euros) ;

– plan Eau dans les départements d’outre-mer (DOM) (50 millions d’euros).

Pour 2023, la rapporteure pour avis se réjouit également de la création du Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (cf. infra).

Au niveau des effectifs en administration centrale et dans les services déconcentrés concourant aux missions du programme 113, inscrits dans le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie et de la mobilité durables » de la mission, 3 300 ETPT sont prévus en PLF 2023 contre 3 425 ETPT pour 2022. La rapporteure pour avis note que l’infléchissement des efforts demandés aux opérateurs ne s’applique toujours pas aux services déconcentrés et en particulier aux directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) qui continuent de perdre des effectifs. Or, ces emplois sont à 93 % des emplois de terrain, situés sur les territoires contre 7 % en administration centrale. Face aux enjeux croissants de la transition écologique, il apparait, pour la rapporteure, que nous soyons arrivés au maximum de ce que nous pouvions faire sur la réduction du nombre d’effectifs au sein de l’administration centrale et des services déconcentrés. Alors que les missions se multiplient, il convient d’assurer un portage humain de nos politiques à la hauteur des besoins.

Au niveau des opérateurs, le plafond d’emplois est en revanche fixé à 5 217 ETPT en PLF 2023, contre 5 131 ETPT en LFI 2022. Si l’on neutralise les transferts de personnels (69 ETPT sont transférés du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables » vers le programme 113 dans le cadre du transfert des laboratoires hydrobiologiques à l’OFB), seul l’OFB bénéficie d’une véritable augmentation d’effectifs en PLF 2023 à hauteur de 15 ETPT. Les plafonds d’emplois des agences de l’eau, des parcs nationaux et du Conservatoire du littoral demeurent stables par rapport à la LFI 2022.

Évolution des effectifs des opérateurs du programme 113

Équivalent temps-plein travaillés (ETPT)

LFI 2022

PLF 2023 (hors transferts)

PLF 2023 (avec transferts)

Agences de l’eau

1 497

1 497

1 497

Conservatoire du littoral

140

140

140

EPMP

8

8

9

OFB

2 643

2 658

2 727

Parcs nationaux

843

843

843

Total ETPT

5 131

5 147

5 217

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

1.   La création d’un fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires 

La succession des crises écologiques, illustrée à l’été 2022 par les épisodes caniculaires, la sécheresse, les incendies, ou encore les épisodes pluvio-orageux confirme la nécessité d’accélérer la transition écologique des territoires. Pour accompagner l’effort des collectivités territoriales, le PLF pour 2023 prévoit ainsi la création d’un fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (dit « fonds vert »), à hauteur de 2 milliards d’euros en 2023 (1,5 milliard d’euros dans les documents budgétaires) selon l’annonce du Gouvernement du 11 octobre 2022, c’est-à-dire après le dépôt du PLF. Un amendement devrait être déposé en ce sens pour augmenter le montant de ce fonds de 500 millions d’euros. Ce fonds est porté par un nouveau programme 380 au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

La création de ce fonds dédié pour accompagner les acteurs territoriaux dans la transition écologique constitue un signal fort et répond à la nécessité pour ces acteurs d’être appuyés au stade du diagnostic, de l’ingénierie ou du projet. Le nouveau fonds accélérera la transition écologique dans les territoires selon trois axes dont le détail sera précisé à l’occasion de la concertation avec les collectivités territoriales :

– le premier axe est celui de la « performance environnementale » qui vise à encourager les actions de performance énergétique. Il sera ainsi offert aux collectivités la possibilité d’accélérer la rénovation énergétique de leurs bâtiments ;

– le second axe portera sur l’« adaptation des territoires au changement climatique » : cette action permettra un ensemble de mesures destinées à la prévention des risques naturels, comme les inondations, les risques émergents en montagne ou sur le littoral (recul du trait de côte) ou spécifiques aux outre-mer (risques cycloniques par exemple). Cette action permettra également de concrétiser l’annonce du 14 juin 2022 d’un financement dédié à la renaturation des villes pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, à hauteur de 100 millions d’euros par an pendant cinq ans ;

– enfin, le troisième axe sera relatif à l’« amélioration du cadre de vie » : cette action permettra le soutien à des projets de sobriété en matière de mobilité (parking-relais, covoiturage, etc.), de sobriété foncière par la poursuite du renouvellement des friches ainsi que la restructuration des locaux d’activité engagée dans le cadre de la relance ou encore l’accompagnement des collectivités territoriales dans le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE-m) dans l’objectif notamment d’améliorer la qualité de l’air.

Les crédits du nouveau fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, et relatifs aux politiques de l’eau et de la biodiversité porteraient ainsi sur les dispositifs suivants (dans sa version initiale à 1,5 milliard d’euros) :

Répartition des crédits du fonds d’accélération de la transition écologique

            (En millions d’euros)

 

PLF 2023

 

AE

CP

Total programme 380

1 500

375

Dont stratégie nationale biodiversité 2030

150

37,5

Dont renaturation des villes

100

25

Dont adaptation au recul du trait de côte

15

3,75

Dont fonds friches

300

75

Dont éclairage

60

15

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Ce fonds a notamment parmi ses missions principales la charge de financer le fonds friche et la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB). Cette dernière traduit l’engagement de la France au titre de la convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992, prévu par l’article 8 de la loi dite « biodiversité » de 2016. Elle concerne les années 2022 à 2030 et succède à deux premières stratégies qui ont couvert respectivement les périodes 2004-2010 et 2011-2020. Elle a pour objectif de réduire les pressions sur la biodiversité, de protéger et restaurer les écosystèmes et de susciter des changements en profondeur afin d’inverser la trajectoire du déclin de la biodiversité. Ceci contribuera à l’atténuation du dérèglement climatique car les écosystèmes en bonne santé ont une meilleure capacité à stocker le carbone, à l’adaptation à ce même dérèglement et à l’amélioration du cadre de vie des habitants et de leur santé (accès aux espaces naturels, paysage, lutte contre les îlots de chaleur en ville).

Le fonds permettra d’accélérer la protection des territoires et des ressources : il cofinancera des solutions de protection des milieux (aires protégées par exemple) et des espèces animales et végétales emblématiques (par exemple les insectes pollinisateurs, qui assurent 35 % de notre alimentation), des opérations de restauration écologique (restauration de trames vertes). Sur les 150 millions d’euros visant à financer spécifiquement la stratégie nationale biodiversité, la répartition se fera de la manière suivante :

– 50 millions d’euros pour la mise en œuvre de la stratégie nationale 2030 pour les aires protégées ;

– 25 millions d’euros pour la protection des espèces, dont 15 millions pour des mesures favorables aux insectes pollinisateurs et 10 millions d’euros pour les espèces menacées ;

– 20 millions d’euros pour lutter contre les espèces exotiques envahissantes ;

– 20 millions d’euros pour la dépollution, notamment plastique, et des actions de retrait d’épaves abandonnées dans les aires protégées ;

– 35 millions d’euros pour résorber les « principaux obstacles » aux continuités écologiques.

2.   L’OFB bénéficie d’une augmentation de crédits et de personnels en 2023

Depuis le 1er janvier 2020, l’OFB assure la préservation et la restauration de la biodiversité. Cet établissement est le principal acteur en matière de biodiversité, qu’elle soit terrestre, aquatique ou marine. Il est placé sous la double tutelle des ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture. La première année d’existence de l’OFB n’a pas été sans difficultés, du fait notamment du rapprochement du statut des agents et des systèmes d’information.

La subvention pour charges de service public de l’OFB évolue de 53 millions d’euros en LFI 2022 à 75 millions d’euros en PLF 2023. Cette augmentation se traduit par 1 million d’euros de transfert entrant pour tenir compte du transfert des laboratoires d’hydrobiologie à l’OFB et par 25 millions d’euros d’augmentation de la subvention pour charges de service public, auxquels il convient de retirer 3,8 millions d’euros destinés à financer le réseau de suivi des eaux souterraines (réseau piézométrique) national, qui faisait l’objet depuis 2008 d’un versement de l’OFB au bureau de recherches géologique et minière (BRGM). Ce réseau sera dorénavant financé par le programme 113 à travers une dotation budgétaire dédiée pour plus de lisibilité.

L’établissement perçoit également une contribution des agences de l’eau fixée à 389,6 millions d’euros par l’article 135 de la LFI 2018. Il reverse par ailleurs 67,5 millions d’euros chaque année aux parcs nationaux.

Au niveau du plafond d’emplois, celui-ci augmente, passant de 2 643 ETP en LFI 2022 à 2 658 ETP en PLF 2023, soit 15 ETP supplémentaires. La hausse du schéma d’emplois correspond principalement à la création d’une nouvelle équipe au sein de la brigade mobile d’intervention « grands prédateurs terrestres », prioritairement dédiée aux Pyrénées et au Massif Central.

3.   La gestion des milieux et la biodiversité

L’action 7 est composée de six sous-actions : espaces et milieux marins ; politique de l’eau ; espaces naturels protégés ; Natura 2000 ; connaissance et préservation de la biodiversité hors espaces et milieux marins ; opérateurs.

a.   Espaces et milieux marins

La France attache une grande importance à la préservation du littoral et des milieux marins compte tenu d’une part, de la surface de son espace maritime (deuxième espace maritime sous juridiction au monde avec 11 millions de km², soit 20 fois le territoire métropolitain) et, d’autre part, de la richesse de la biodiversité dans ces espaces. En outre, l’océan absorbe 30 % des gaz à effet de serre et produit 50 % de l’oxygène mondial.

Le domaine public maritime naturel (DPMn) est l’un des plus vastes domaines publics de l’État. Il a, par essence, vocation à rester d’usage public pour être accessible à tous. L’État est propriétaire du sol et du sous-sol de la mer territoriale. Il est la seule autorité compétente en mer (sauf dans les collectivités d’outre-mer), et a donc une obligation de maintien de l’intégrité du domaine public maritime naturel. Les financements accordés dans le cadre de cette sous-action concernent ainsi pour l’essentiel des opérations incontournables d’entretien, de réparation, de mise en sécurité, de délimitation des espaces maritimes pour lesquels des risques de contentieux importants sont identifiés. Les zones Natura 2000 maritimes sont également financées par cette sous-action. En outre, cette sous-action finance les actions entreprises en matière d’atteinte ou de maintien du bon état écologique des eaux marines conformément à la directive-cadre du 17 juin 2008.

16,8 millions d’euros sont consacrés à cette sous-action en PLF 2023 contre 23 millions d’euros en PLF 2022. Cette réduction des crédits sur cette sous-action interroge à l’heure où le Gouvernement ambitionne de placer 10 % du territoire maritime sous un régime de protection forte.

On notera par ailleurs que seul 1,7 million d’euros finance les actions de l’État en matière de protection des récifs coralliens. Or, la France est le seul pays au monde à posséder des récifs coralliens dans les trois océans de la planète et les huit collectivités françaises d’outre-mer abritent près de 10 % des récifs mondiaux. À cet égard, le ministère en charge de l’écologie finance depuis vingt ans l’Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens) qui est une plate-forme de mise en réseau des acteurs pour la gestion durable des récifs coralliens et de leurs écosystèmes associés (mangroves, herbiers) mais la surveillance des 1 000 stations de récifs coralliens et leur protection nécessiteraient davantage de moyens. Il faut ainsi rappeler que ces écosystèmes permettent de protéger les côtes en absorbant 97 % de l’énergie des vagues et que les mangroves et les herbiers, écosystèmes associés aux récifs coralliens, sont des puits de carbone importants.
Les récifs coralliens sont également essentiels pour la recherche médicale : la moitié de la recherche sur les médicaments contre le cancer est basée sur les organismes marins. Ils sont également utilisés dans le traitement de maladies comme le paludisme ou la dengue.

b.   Politique de l’eau

Les crédits 2023 pour la politique de l’eau augmenteront de 1,9 million d’euros en AE et CP (21 millions d’euros au total) pour financer les mesures liées au « Varenne agricole de l’eau » et à l’adaptation au changement climatique. Cette sous-action finance notamment les dépenses consacrées à l’application des directives européennes relatives à la politique de l’eau (directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau), avec la mise en place d’un système d’information pour le suivi de la mise en œuvre de la planification dans le domaine de l’eau, l’animation et la concertation dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques, lesquelles portent en particulier le fonctionnement du Comité national de l’eau (CNE) et de ses comités consultatifs.

La police de l’eau est également financée à travers cette sous-action à hauteur de 5 millions d’euros. On rappellera utilement que, fin 2017, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure du fait de ses manquements aux obligations de la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines (DERU) concernant 364 agglomérations d’assainissement. Cette mise en demeure a été suivie le 14 mai 2020 d’un avis motivé portant sur 169 de ces agglomérations d’assainissement. Les actions de police sont un des leviers majeurs pour amener les collectivités à rendre conformes leurs systèmes d’assainissement. La mise en œuvre par les services des actions de contrôle permet de minimiser les risques de contentieux et de pré-contentieux. Par ailleurs, les services de la police de l’eau mettent en œuvre depuis 2017 la nouvelle procédure de l’autorisation environnementale qui constitue la pérennisation de l’expérimentation « autorisation unique au titre de la loi sur l’eau ».

c.   Le Conservatoire du littoral

Cet établissement public administratif, créé en 1975, assure la protection de 200 000 hectares sur plus de 750 sites représentant environ 1 600 km de rivages maritimes, soit 15 % du linéaire côtier. Acquérant des parcelles du littoral menacées, le Conservatoire du littoral en fait des sites aménagés et accueillants, dans le respect des équilibres naturels.

Depuis la loi de finances n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, les ressources principales dont dispose le Conservatoire du littoral sont issues du droit annuel de francisation des navires (DAFN), dans la limite d’un plafond. Ce plafond, qui représente la recette principale de l’établissement, est stable en PLF 2023 à hauteur de 40 millions d’euros.

L’action du Conservatoire du littoral est actuellement freinée par l’augmentation mécanique des coûts de gestion des espaces littoraux dont le périmètre s’accroît. En outre, le domaine protégé a connu une hausse de près de 50 000 hectares entre 2015 et 2020. Cela entraîne une augmentation conséquente des dépenses d’investissement pour le milieu naturel principalement liées au rôle de propriétaire du Conservatoire du littoral dans les nouveaux terrains acquis et mis en gestion. Il serait souhaitable que l’État en tienne compte et renforce les moyens du conservatoire.

d.   Espaces naturels protégés

Cette sous-action finance plusieurs actions de protection des espaces naturels. Créer des aires protégées est en effet le moyen le plus efficace pour lutter contre l’érosion de la biodiversité et participer à sa reconquête. L’ampleur de la crise actuelle a été rappelée par le dernier rapport de la plateforme gouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes) : un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction. Or, la France présente une diversité exceptionnelle de milieux naturels et d’espèces, sur terre comme en mer, en métropole et outre-mer, et porte une responsabilité particulière en matière de conservation de la biodiversité mondiale. Les écosystèmes français abritent environ 10 % des 1,8 million d’espèces connues sur notre planète. En particulier, les territoires d’outre-mer abritent 80 % de la biodiversité française.

L’objectif « phare » de développement du réseau d’aires protégées repose sur deux cibles complémentaires, définies à l’échelle du territoire national (terre, mer, tous les outre-mer, métropole confondus) :

 30 % du territoire national en aires protégées. Ce niveau de protection est en phase avec la définition de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ;

 10 % de protection forte. Il s’agit ici d’une approche développée au niveau français exclusivement, visant à rendre compte d’un niveau de protection plus exigeant que le niveau « aires protégées ».

À ce jour, la couverture du territoire national est de 33 % en aires protégées et 4,2 % sous protection forte. La protection forte ne vise pas l’exclusion a priori des activités humaines mais la réduction ou la suppression des pressions générées par ces activités, en fonction de leurs impacts sur les enjeux écologiques d’importance de la zone. L’atteinte de l’objectif de 10 % du territoire sous protection forte constitue encore aujourd’hui un facteur d’interrogation car les moyens consacrés à ces politiques  apparaissent insuffisants face aux besoins.

Parmi les axes à développer, l’article 23 de la loi Grenelle I ([1]) a prévu la constitution d’une trame verte et bleue (TVB), outil d’aménagement du territoire permettant de préserver et de remettre en bon état des continuités écologiques. Cet objectif est désormais inscrit dans le code de l’environnement (art. L. 371-1 et suivants du code de l’environnement). Le renforcement de la trame verte et bleue mobilise 60,75 millions d’euros en PLF 2023, soit 2,5 millions d’euros de plus qu’en PLF 2022.

Au sein de cette enveloppe, le ministère de la transition écologique contribue au budget des syndicats mixtes de gestion des parcs naturels régionaux (PNR) à hauteur de 7,5 millions d’euros en AE et en CP, via une subvention annuelle de fonctionnement représentant environ 5 % de leur budget.

L’État contribue également aux dépenses de fonctionnement (essentiellement les salaires) et aux petits investissements des 168 réserves naturelles nationales (RNN), ainsi qu’à la création de nouvelles réserves ou l’extension de réserves existantes, via une subvention de 26,5 millions d’euros.

Il finance également les conservatoires d’espaces naturels (CEN), associations à but non lucratif qui font l’acquisition de terrains dont la biodiversité est remarquable ou qui interviennent sous convention de gestion, à hauteur de 2,33 millions d’euros en AE et 2,43 millions d’euros en CP.

Les parcs naturels nationaux bénéficient quant à eux d’une subvention de 4,4 millions d’euros et d’effectifs stables pour 2023. En 2022, les parcs avaient bénéficié de 40 ETP supplémentaires pour renforcer leurs effectifs et accompagner la création du onzième parc national (parc national de forêts) avec 10 postes dédiés. Leurs moyens demeurent cependant très en deçà des besoins exprimés.

Enfin, cette sous-action finance également un soutien à la durabilité des écosystèmes forestiers à hauteur de 20 millions d’euros. L’objectif est de permettre à la fois une gestion conservatoire de certains sites remarquables ou sensibles et une gestion forestière intégratrice garante de la durabilité des écosystèmes forestiers et des différents services qu’ils rendent. Après l’organisation des assises de la forêt fin 2021 et leur clôture en mars 2022, la politique interministérielle de la forêt au service de la transition écologique est également renforcée via un accroissement conséquent des moyens dédiés à la biodiversité de l’Office national des forêts (ONF) (cf. infra).

e.   Natura 2000

Le réseau Natura 2000 trouve son fondement juridique dans la directive 2009/147 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (reprenant les termes de la directive « oiseaux » de 1979) et de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (dite directive « habitats »). Le réseau Natura 2000, avec son objectif de maintien ou de restauration du bon état de conservation des habitats et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire, est donc le levier principal de la politique de l’Union européenne pour la conservation de la biodiversité. Il est le principal réseau d’espaces naturels protégés avec 1 780 sites terrestres et marins, soit plus de 12,9 % du territoire terrestre métropolitain (7 millions d’hectares de surface terrestre) et 34 % de la zone économique exclusive métropolitaine (12 millions d’hectares).

La sous-action Natura 2000 est dotée de 28,2 millions d’euros en AE et en CP en PLF 2023 (28,5 millions d’euros en PLF 2022). La décentralisation de la gestion des sites Natura 2000 terrestre, introduite dans le cadre de la loi dite « 3DS » et prévu pour le 1er janvier 2023 comporte plusieurs volets : un premier relatif à la décentralisation juridique de la gestion, dont les travaux sont en cours au Conseil d’État, un deuxième travail de transfert des emplois aux régions, et enfin un travail de transfert des crédits de l’État et des crédits européens. Au niveau budgétaire, cela représente à peu près 13 millions d’euros de transfert annuel du programme 113 vers les régions et près de 50 ETP.

f.   Connaissance et préservation de la biodiversité

La sous-action 5 « Connaissance et préservation de la biodiversité » est enfin dotée de 48,3 millions d’euros en AE et 50 millions d’euros en CP, en hausse de 4 % par rapport à la LFI 2022.

Au côté de diverses actions d’acquisition de connaissances (inventaires taxonomiques des espèces) et de plans nationaux d’action (PNA) de protection des espèces, cette sous-action porte les crédits de la politique des grands prédateurs. Conformément à ses engagements internationaux et européens, la France conduit en effet une politique de protection des grands prédateurs (loup, ours, lynx), tenant compte des conditions d’acceptation de la présence de ces espèces sur les territoires. En complément des mesures prises par le ministère chargé de l’agriculture en faveur de la mise en place de mesures de protection contre la prédation des animaux d’élevage, le programme 113 est mobilisé pour assurer l’indemnisation des dégâts dans les élevages, ce qui permet d’adapter la protection des grands carnivores et de l’intégrer dans les usages de l’économie pastorale et rurale. Pour 2023, l’enveloppe dédiée à cette politique représente 11 millions d’euros qui permettront :

• Concernant le loup : de financer la mise en œuvre du PNA « loup et activités d’élevage » (coordination par le préfet d’Auvergne-Rhône-Alpes), d’indemniser les dégâts sur les cheptels d’animaux domestiques (par convention avec l’Agence de services et de paiements), de mettre en place des mesures de protection des troupeaux (clôtures, chiens de protection) et de financer des expérimentations pour améliorer le dispositif ;

• Concernant le lynx : de financer la mise en œuvre du PNA « lynx » approuvé en 2022 (coordination par le préfet de Bourgogne-Franche-Comté) et d’indemniser les dégâts ;

• Concernant l’ours : de financer la mise en œuvre du plan d’action « ours brun » et de la feuille de route « pastoralisme et ours » qui le complète (coordination par le préfet d’Occitanie) comprenant notamment des mesures d’accompagnement du pastoralisme face à la prédation, et d’indemniser les dégâts. Une revalorisation de cette enveloppe est nécessaire pour permettre la montée en puissance de l’appui au pastoralisme face à la prédation ursine dans les Pyrénées, l’amélioration des connaissances sur le comportement prédateur du loup et l’efficacité des moyens de protection, et le démarrage du nouveau PNA « lynx ».

Enfin, cette sous-action porte également 3,5 millions d’euros de crédits destinés au bien-être animal en application de la loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. En particulier, la détention d’animaux sauvages en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants sera interdite à partir du 1er décembre 2028, et il convient d’accompagner la cessation de ces activités (cirques, élevages de visons, parcs de cétacés). En conséquence, un plan comprenant des mesures pour accompagner les entreprises circassiennes et les professionnels impactés par cette disposition (reconversions professionnelles), ainsi que des mesures sur le devenir des animaux (création ou extension de refuges), a été élaboré et devra être financé sur plusieurs années.

4.   Une compensation en hausse des missions d’intérêt général de l’ONF à partir du programme 113

L’Office national des forêts (ONF) est un établissement public à caractère industriel et commercial créé par la loi du 23 décembre 1964 pour assurer la gestion des forêts publiques : forêts domaniales de l’État et forêts des collectivités publiques (collectivités territoriales et métropoles), qui représentent 25 % de la superficie forestière de l’hexagone (soit presque 5 millions d’hectares). L’office y assure les plans de gestion, programme les coupes et assure la surveillance des forêts. La réalisation des travaux forestiers relève, en revanche, du domaine « concurrentiel », ce qui signifie que les communes peuvent aussi faire appel à des opérateurs privés pour les travaux d’exploitation, d’entretien ou de reboisement. Toutefois, l’ONF a su organiser la mobilisation et la commercialisation des bois issus des forêts publiques qui représentent 40 % des bois mis sur le marché, alors que les forêts publiques n’occupent que 25 % du territoire boisé.

Après plusieurs années difficiles, la situation financière de l’ONF se redresse, notamment sous l’effet de l’augmentation des prix du bois qui améliore ses recettes commerciales. En 2022 et 2023, le budget de l’établissement pourrait ainsi redevenir excédentaire. La dette demeure toutefois importante avec un montant d’environ 380 millions d’euros. En outre, l’opérateur demeure soumis à une baisse continue de son plafond d’emplois, avec – 95 ETP en PLF 2023. Il y a ainsi un paradoxe qui consiste à verser davantage de moyens à l’ONF tout en affaiblissant les effectifs dont il a besoin pour opérer un maillage fin du territoire alors même que de nouvelles missions apparaissent, notamment en lien avec la préservation de la biodiversité. Rappelons à cet égard que l’ONF joue un rôle de premier plan en matière de prévention des atteintes et de police de l’environnement. La baisse des effectifs pose également un problème du point de vue des spécialistes des réseaux naturalistes dont s’occupe l’ONF à travers les programmes nationaux d’action qui visent à protéger certaines espèces menacées.

La rapporteure pour avis salue cependant le fait que la contribution du ministère de la transition écologique au fonctionnement de l’ONF, à partir du programme 113, évolue de 14,4 millions d’euros en PLF 2022 à 16,9 millions d’euros en PLF 2023. Cette participation concerne notamment l’extension et l’amélioration du réseau de réserves biologiques. En effet, les aménités forestières sont reconnues mais non rémunérées, ce que permet de compenser partiellement la dotation issue du programme 113. Cette dotation finance ainsi une mission d’intérêt général (MIG) dédiée à la biodiversité (création et gestion des réserves biologiques, plans nationaux d’actions en faveurs des espèces menacées, gestion des dunes littorales, forêts d’exception) et une partie de la MIG interministérielle sur les DOM (gestion des dépendances naturelles des cinquante pas géométriques, suivi et évaluation de l’impact de l’orpaillage sur les milieux en Guyane). Néanmoins, le modèle initial de l’ONF, fondé sur le principe selon lequel « le bois paye la gestion forestière », n’est plus opérant ; il est donc urgent de reconnaître encore davantage la valeur de ces « aménités » forestières. La part des dépenses de l’ONF financées par des MIG devrait ainsi s’accroître. L’ONF estime le besoin à près de 40 millions d’euros supplémentaires par an et souhaite la création d’une nouvelle MIG dédiée au renouvellement des peuplements forestiers.

En effet, l’état de nos forêts se dégrade principalement sous l’effet des dépérissements consécutifs aux sécheresses qui se cumulent depuis 2018 et de l’émergence de parasites ravageurs. Ce sont toutes les fonctions des forêts qui sont touchées simultanément. Dans ce contexte de fragilité de nos forêts face aux risques, des financements importants ont déjà été déployés pour l’adaptation de la forêt et de la filière au changement climatique dans le cadre de France relance 2020-2022. Prévus initialement à hauteur de 200 millions d’euros, ils ont été revalorisés et portés à 300 millions d’euros dont la destination est la suivante :

– 220 millions d’euros pour le renouvellement forestier, dont 50 millions d’euros pour l’ONF (objectif de 8 500 hectares) et 170 millions d’euros au titre du guichet ouvert pour les propriétaires privés et les collectivités (4 368 dossiers ont été déposés pour 110 millions d’euros représentant 26 000 hectares). Plus du tiers des dossiers déposés concernent des reconstitutions après scolytes ;

– 6 millions d’euros pour la filière graines et plants, à ce jour entièrement consommés ;

– 17 millions d’euros au titre des investissements dans la première transformation, qui ont permis d’aider 52 projets ;

– 27 millions d’euros pour l’acquisition de données Lidar à l’Institut géographique national (IGN) permettant de développer la connaissance des peuplements.

Pour l’année 2023, un montant de 20 millions d’euros est proposé dans l’optique de compléter l’enveloppe France 2030 de 200 millions d’euros dédiée aux opérations de renouvellement forestier pour accompagner les démarches territoriales et les actions d’observation des impacts du changement climatique sur les opérations aidées.

B.   Les agences de l’eau bénéficient du fonds d’accélération et d’une stabilité de leurs effectifs

Historiquement, les agences de l’eau avaient pour mission de veiller au « petit cycle de l’eau » : amélioration des systèmes d’assainissement, diminution des pollutions ponctuelles provenant des stations d’épuration urbaines et industrielles, renouvellement des réseaux d’eau potable et d’assainissement. Progressivement, et en particulier depuis le 11ème programme 2019-2024, leurs missions se sont élargies vers le « grand cycle de l’eau » et la biodiversité. Désormais, l’eau ne paie plus seulement pour l’eau, mais pour l’eau et la biodiversité, dont les agences sont les premiers financeurs. En outre, le soutien à la renaturation des villes prend une place croissante, en lien avec l’adaptation au changement climatique, avec un accent mis plus fortement sur la gestion des eaux pluviales avec l’enjeu d’infiltration de l’eau là où elle tombe, à la source, grâce à la désimperméabilisation des sols.

Sur le plan budgétaire, les ressources financières des agences de l’eau font toutefois face à des difficultés de deux ordres : l’existence d’un plafond « mordant » sur leurs ressources, de 2 198 millions d’euros en PLF 2023 (identique à la LFI 2022), et la mobilisation d’une partie des ressources sous plafond pour le financement d’autres politiques publiques conduites par le ministère (plan Biodiversité, parcs naturels, etc.). Ajoutons à cela que les agences doivent également se conformer à un plafond de dépenses fixé de manière réglementaire.

Dans le plan de relance, les agences de l’eau ont bénéficié de 300 millions d’euros de crédits budgétaires pour des actions de sécurisation des infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales en métropole (250 millions d’euros) et dans les outre-mer (50 millions d’euros). En outre, à la suite de la sécheresse de l’été 2022, le plan de résilience prévoit de solliciter les agences de l’eau, notamment pour la question de l’adaptation de l’agriculture. Dans ce cadre, le plafond de dépenses des agences a été relevé de 100 millions d’euros en AE en 2022, sans toutefois que des crédits de paiement soient alloués. Les trésoreries des agences de l’eau seront ainsi mises à contribution, à moins que les crédits correspondants soient financés par le fonds d’accélération de la transition écologique. En effet, les agences de l’eau pourraient intervenir dans le cadre du volet renaturation des villes (qui serait doté de 500 millions d’euros sur cinq ans) ou encore du volet de mise en œuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité (doté de 150 millions d’euros par an).

La rapporteure pour avis souligne qu’il est nécessaire de poursuivre l’effort de clarification des financements et des missions en matière de biodiversité, notamment en ce qui concerne l’OFB d’une part et les agences de l’eau d’autre part. Pour consolider les ressources globales affectées à la biodiversité, l’idée d’une taxe sur les atteintes à la biodiversité, sur le modèle de celle qui existe actuellement pour l’eau, serait à explorer en profondeur.

La rapporteure pour avis se réjouit de la stabilité du plafond d’emplois à 1 497 ETPT. Certes, ce maintien n’efface pas la baisse de 220 ETP au cours des six dernières années, mais il permet de mettre fin à cette spirale baissière au niveau des effectifs. En l’absence d’effectifs renforcés, le risque demeure toutefois élevé pour les agences de l’eau de perdre leur lien avec les territoires et de se transformer en simples « guichets » permettant de distribuer des aides, sans accompagnement ni contrôle. À titre d’exemple, l’agence de l’eau Seine-Normandie a ainsi perdu plus du quart de son effectif en dix ans. Des efforts de réorganisation, de simplification, de mutualisation interne ou inter-agences, d’externalisation, et de dématérialisation ont été faits pour pouvoir absorber des diminutions d’effectifs d’une telle ampleur, alors même que le périmètre des missions des agences de l’eau allait croissant. Cependant, les missions nécessaires à l’amélioration de la qualité des milieux aquatiques et à la protection des ressources en eau nécessitent une présence sur le terrain et une capacité d’animation et de conviction croissantes. En effet, il ne s’agit plus seulement de financer des travaux d’investissement dans des infrastructures d’assainissement ou d’alimentation en eau potable, mais de faire évoluer la vision des acteurs sur leur territoire et la façon dont ils peuvent l’aménager, de tirer parti des solutions fondées sur la nature, ou encore de faire évoluer l’agriculture vers l’agro-écologie.

À cet égard, l’évaluation de l’état écologique des masses d’eau montre que 43 % des masses d’eau sont en bon état en 2020 (autour de 41 % en 2015). Même si de nombreuses actions ont été mises en œuvre par les acteurs de l’eau pour préserver ou restaurer la qualité de l’eau et des milieux aquatiques, les progrès accomplis sont lents, en partie liés à l’inertie des milieux et des indicateurs biologiques qui nécessitent du temps pour retrouver un équilibre, mais également en raison d’un manque de moyens et d’effectifs persistant des agences de l’eau. France Nature environnement estime par exemple nécessaire de déployer environ 450 millions d’euros supplémentaires par an au profit des agences de l’eau pour conduire suffisamment d’actions de prévention et d’accompagnement dans la restauration des milieux aquatiques.

C.   La renaturation des villes

La rapporteure pour avis a tenu à apporter un éclairage particulier, dans le cadre de son rapport, sur la question de la renaturation des villes. En effet, alors que les changements climatiques et les vagues de chaleurs estivales démontrent, depuis plusieurs années déjà, le besoin de renaturation des villes, le Gouvernement a annoncé le 14 juin 2022 le lancement d’un programme de renaturation des villes, doté d’un fonds de 500 millions d’euros sur cinq ans. L’objectif de ce fonds est de cofinancer des solutions d’adaptation au changement climatique, fondées sur la présence de la nature en ville (refuge de biodiversité, lutte contre les îlots de chaleur, lutte contre les inondations, amélioration de la qualité de l’air, réduction des nuisances sonores…). C’est également une question de justice sociale : on observe une relation linéaire entre le taux de végétalisation des quartiers et la richesse des habitants, les plus défavorisés étant ceux qui subissent le plus l’absence de nature dans leur environnement.

Le fonds d’accélération portera ainsi les fonds dédiés à cette politique à hauteur de 100 millions d’euros en AE et 25 millions d’euros en CP en PLF 2023. Ces crédits serviront à l’atténuation du dérèglement climatique (stockage carbone), à la biodiversité (trame verte et bleue) et à l’amélioration du cadre de vie des habitants (dépollution, paysage). Ce programme répond à une demande sociétale, la « nature en ville » étant plébiscitée : 92 % des Français estiment en effet qu’il n’y a pas assez de « nature en ville » et 63 % qu’il est prioritaire d’accorder plus de place aux espaces verts et à la végétalisation dans le quartier dans lequel ils vivent. Cependant, les opérations de renaturation coûtent cher, bien que le coût final soit très dépendant du type de projet considéré. France Stratégie, dans un rapport remis en 2019, estime que le prix moyen de la renaturation d’un sol artificialisé « après dépollution, désimperméabilisation et construction d’un technosol est de 95 à 390 euros le m², sans compter le coût de déconstruction et le coût d’acquisition du terrain ([2]) ».

C’est pourquoi il convient d’insister sur la nécessité de privilégier la protection de la nature existante plutôt que la compensation en rappelant l’importance du triptyque « éviter, réduire, compenser » qui doit guider notre action dans les projets d’aménagement du territoire.

Au sein du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, la politique de la renaturation des villes est portée par les deux directions de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages et la direction de l’eau et de la biodiversité), en lien avec le Commissariat général au développement durable. Outre le ministère, la politique de nature en ville est portée auprès des collectivités par :

– le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) qui a notamment développé un outil « Sésame » (Services écosystémiques rendus par les arbres modulés selon l’essence) ([3]) ;

– l’Agence de la transition écologique (Ademe) qui publie un guide « aménager avec la nature en ville » ([4]) et a élaboré un outil « ArboClimat » dans l’objectif de réaliser des simulations prospectives de plantation d'arbres en ville et d’en évaluer les impacts sur divers indicateurs, et notamment sur le changement climatique ;

– les agences de l’eau ;

– l’Office français de la biodiversité (OFB), notamment à travers son programme « Territoires engagés pour la nature ».

Il convient également de noter que la Caisse des dépôts finance des actions en matière de biodiversité et de nature en ville, à travers son programme Nature 2050, de même que l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru). La majorité des aides apportées par les opérateurs de l’État concernant la renaturation des villes sont recensées sur la plateforme « Aides Territoires » ([5]) . Elles sont souvent mises en œuvre par les agences de l’eau qui prévoient d’engager 260 millions d’euros contre l’artificialisation sur la période 2019-2024. De surcroît, les plans de résilience initiés par les agences durant l’été 2022 doivent contribuer, entre autres objectifs, à améliorer la résilience des milieux naturels pour garantir la pérennité des usages, par notamment la désimperméabilisation des espaces urbains et la déconnexion des eaux pluviales pour infiltration et rechargement des nappes.

Malgré ces efforts, on constate l’existence de plusieurs freins opérationnels à la mise en œuvre de projets de nature en ville (y compris d’agriculture urbaine). Le premier d’entre eux réside dans la compétition pour l’usage du foncier dans la planification urbaine et dans la conception des projets d’aménagement. Les documents d’urbanisme ne font pas encore obligation de prévoir ou de protéger des espaces verts. À cet égard, plusieurs intervenants à la table ronde organisée par la rapporteure pour avis (voire liste en annexe) ont souligné la nécessité de protéger systématiquement les arbres anciens dans les documents d’urbanisme.

La création d’un « référent arbres » au niveau des intercommunalités serait également un atout permettant de s’assurer de la préservation du patrimoine naturel lors des opérations d’urbanisation. En outre, les mécanismes d’anticipation par les collectivités du coût complet d’un projet de végétalisation, c’est-à-dire les coûts d’investissement, mais également les coûts d’entretien des espaces de nature (coût de la gestion, notamment pour le personnel d’entretien, et de ressource en eau) demeurent lacunaires. Le référent pourrait aider à les établir. Ce même référent, ainsi que des comités citoyens, devraient également être systématiquement consultés pour donner un avis lors d’opérations pouvant impliquer le déclassement de zones protégées ou d’alignement d’arbres.

Pour aider à ce travail, les associations, notamment le Groupe national de surveillance des arbres et l’association Arbres, ainsi que le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-et-Marne, proposent également la mise en place d’un inventaire du patrimoine naturel remarquable sur le modèle des inventaires du patrimoine. En permettant de recenser et de classer le patrimoine naturel, notamment les arbres anciens, cet inventaire permettrait de mieux protéger la nature en ville face aux comportements de certains exécutifs locaux pour qui l’attrait du foncier exerce une forte pression.

En outre, ces associations, associées à plusieurs experts, ont élaboré un outil permettant de mesurer la valeur financière théoriquement attachée à un arbre ([6])  afin de démontrer la valeur perdue lorsqu’un arbre est abattu en fonction de ses caractéristiques naturelles. La rapporteure pour avis pense qu’un tel outil est utile pour évaluer avec précision les dommages créés par l’abattage d’arbres anciens et pour mieux évaluer les moyens à mobiliser en compensation, lesquels sont en général très insuffisants par rapport aux dommages. La généralisation de l’emploi de cet outil pourrait être soutenue par l'État.

Se pose enfin la question de l’incitation par la collectivité à la végétalisation des espaces privés par les propriétaires eux-mêmes. Pour cela, la rapporteure pour avis estime nécessaire de mettre en place un fonds pérenne et régulier de soutien à des opérations de renaturation, notamment lors d’opérations d’aménagement privées. Par exemple, en ce qui concerne la végétalisation des toitures, les bâtiments existants ne sont souvent pas dimensionnés pour supporter une charge supplémentaire importante en toiture et sont difficilement compatibles avec la végétalisation à coût raisonnable. Il est donc nécessaire que la végétalisation des bâtiments soit également implantée au cœur des projets de construction ou de rénovation.

On l’aura compris, la renaturation des villes passe par un soutien financier massif mais pas seulement, elle passe également par un meilleur accompagnement des collectivités territoriales et une plus grande sensibilisation des élus aux enjeux qui y sont liés. Ceci afin d’aller vers une meilleure prise en compte de la protection de la biodiversité dans les documents locaux d’urbanisme et d’aménagement du territoire.

D.   LES AUTRES CRÉDITS PROPOSÉS POUR LE PROGRAMME 113

1.   La politique des paysages et des sites (action n° 1)

L’action n° 1 « Sites, paysages et publicité » est dotée de 5,7 millions d’euros en AE et en CP dans le PLF 2023, en diminution de 12 % par rapport à la LFI 2022. Elle recouvre deux volets principaux : une meilleure connaissance des paysages, à travers notamment le développement des atlas de paysage, et la politique des sites inscrits et classés ainsi que l’appui au classement au patrimoine mondial de l’Unesco. L’objectif est d’inciter les acteurs concernés à adopter des mesures de protection ou de gestion des paysages et des sites remarquables.

2.   Les crédits provisionnés pour le règlement des contentieux (action n° 2)

Le programme 113 comporte une action n° 2 dont l’intitulé est légèrement remanié en PLF 2023 et qui devient « Innovation, territorialisation et contentieux ». Cette action est dotée de 11,1 millions d’euros en AE et de 9,9 millions d’euros en CP.

Elle comporte deux volets. Le premier volet, à hauteur de 6 millions d’euros en AE, porte sur des activités transverses du ministère tournées vers le déploiement et l’impact des politiques publiques, à travers des actions d’influence, de communication ou de modernisation digitale.

Le second volet, à hauteur de 5 millions d’euros en AE et CP, est destiné à provisionner des crédits pour faire face au règlement des contentieux attribués au programme (ingénierie publique concurrentielle, sites, publicité, eau et biodiversité). Des crédits sont ainsi provisionnés dès lors que la probabilité de condamnation de l’État est supérieure à 50 %.

II.   DES CRÉDITS EN LÉGÈRE HAUSSE POUR L’EXPERTISE, L’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET LA MÉTÉOROLOGIE

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » comporte les subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs suivants :

– le Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) ;

– l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ;

– Météo-France ;

– ainsi que les moyens du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Les crédits de paiement et les autorisations d’engagement du programme 159 augmentent légèrement, passant de 471 millions d’euros dans la LFI 2022 à 483,3 millions d’euros dans le PLF 2023, soit une augmentation de 2,6 % des crédits. Le CGDD et Météo-France bénéficient de dotations en hausse tandis que les crédits du Cerema et de l’IGN demeurent stables.

Évolution des crédits du programme 113 par action

(en euros)

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

 

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

 

 

 

(en %)

 

 

(en %)

Action 10 – Gouvernance, évaluation, études et prospective en matière de développement durable

15 203 180

17 703 180

16,44 %

15 203 180

17 703 180

16,44 %

 

 

 

 

 

 

 

Action 11 – Étude et expertise en matière de développement durable

188 966 458

188 966 458

0,00 %

188 966 458

188 966 458

0,00 %

 

 

 

 

 

 

 

Action 12 – Information géographique et cartographie

85 582 661

85 582 661

0,00 %

85 582 661

85 582 661

0,00 %

 

 

 

 

 

 

 

Action 13 – Météorologie

181 295 677

191 101 592

5,41 %

181 295 677

191 101 592

5,41%

titre 2 (P217, A 28)

 

 

 

 

 

 

Total (hors titre 2)

471 047 976

483 353 891

2,61 %

471 047 976

483 353 891

2,61%

Total y. c. titre 2

 

 

 

 

 

 

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

A.   LES MOYENS ALLOUÉS AU CGDD (ACTION 10)

Mis en place en 2008, le Commissariat général au développement durable (CGDD) éclaire et alimente, par la production de données et de connaissances, l’action du ministère sur l’ensemble de ses champs de compétences. Grâce à son positionnement transversal, il contribue à donner une perspective globale à l’action du ministère. Il pilote notamment le dialogue environnemental sur les choix et priorités politiques à travers le Conseil national de la transition écologique. Il remplit par ailleurs un rôle spécifique dans la préparation et le suivi des travaux du conseil de défense écologique, et apporte son appui au secrétariat du conseil.

L’action 10 rassemble les moyens nécessaires au Commissariat général au développement durable (CGDD) pour élaborer et mettre en œuvre la transition écologique vers un développement durable au travers des politiques publiques et des actions des acteurs socio-économiques. Les crédits de cette action augmentent à 17,7 millions d’euros en 2023 contre 15,2 millions d’euros en 2022, dont environ deux tiers de dépenses de fonctionnement et un tiers de dépenses d’intervention.

B.   LES MOYENS ATTRIBUÉS AU Cerema

Le Cerema est un établissement public à caractère administratif créé le 1er janvier 2014 et placé sous la tutelle du ministre chargé de la transition écologique. Il incarne, par son action au quotidien dans ses six domaines d’activité, le pragmatisme dont la transition écologique a besoin : bâtiments, expertise et ingénierie territoriale, environnement et risques, infrastructures de transports, mobilités, mer et littoral. Ses 25 implantations régionales garantissent l’accès des élus aux offres de service de l’établissement. Il prend part à France Relance à travers le programme national « Ponts et France vue sur mer ».

L’action 11 du programme 159 porte la subvention pour charges de service public du Cerema. En PLF 2023, cette subvention demeure stable à 189 millions d’euros. Cette inflexion est bienvenue dans la mesure où la SCSP du Cerema a déjà baissé de 2,3 % en moyenne annuelle depuis 2015, soit d’environ 27 millions d’euros entre 2015 et 2021. Un rapport de juin 2021 rendu par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ([7])  avait en effet fait le constat que « le pronostic vital de l’établissement apparaît aujourd’hui engagé sur sa trajectoire financière actuelle », ce qui s’accompagnait d’une recommandation de stabiliser les moyens financiers et humains du Cerema. Ces derniers sont ainsi stabilisés à hauteur de 2 495 ETP. La rapporteure pour avis se réjouit que cet appel ait été entendu par le Gouvernement.

Évolution des effectifs du Cerema

Effectifs du Cerema

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

ETPT

Sous-plafond

LFI

2899

2 796

2 695

2 594

2536

2 495

2 495

Réalisation

2 867

2 747

2 642

2 537

2 470

2 449,8 (prévision)

2 402,2

(prévision)

ETPT Hors plafond

Prévision

15

33

48

70

85

98

120

Réalisation

20

29,3

45

52,32

63,5

78,9 (prévision)

120

(prévision)

ETP Effectif réel sous plafond avec vacataires

Au 31-12

2 799,7

2 712,6

2 616,4

2 492

2 436,6

 

 

Au 30-06

 

 

 

 

 

2 470,3

 

Source : ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Le fonds d’accélération de la transition écologique portant également des crédits d’aide à l’ingénierie des projets environnementaux, la question de leur articulation avec les missions du Cerema demeure posée à ce jour. La rapporteure pour avis rappelle à ce titre que le Cerema dispose d’une expertise approfondie pour l’accompagnement des collectivités, notamment des plus petites, dans les projets environnementaux.

C.   LA DOTATION DE L’IGN

L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés du développement durable et des forêts. Les crédits qui lui sont versés dans le cadre de l’action 12 financent la production de l’information géographique, les activités de recherche de l’institut et son appui aux politiques publiques, en plus de ressources contractualisées (dont la majeure partie avec le ministère de la Défense).

Les missions de l’IGN sont extrêmement variées et utiles pour la société : réseaux géodésiques et de nivellement, photographies aériennes, mesures laser, images satellitaires, relevés de terrain, entretien des bases de données numériques structurées et fonds cartographiques, diffusion de l’information géographique et cartographique en France (Géoportail qui devient la Géoplateforme). Dans le contexte du réchauffement climatique, l’IGN surveille également l’évolution des forêts, des surfaces artificialisées et du trait de côte. Par ailleurs, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer a sollicité l’appui de l’IGN pour la définition et la mise en œuvre de la stratégie nationale sur le véhicule autonome, et plus particulièrement pour la définition de la cartographie haute définition dynamique nécessaire au déplacement des véhicules autonomes. Une expérimentation est en cours avec la région Île-de-France.

Au niveau financier, l’IGN fait toutefois face à des difficultés en matière de financement des investissements de production et de ressources propres, notamment du fait de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (dite loi « Valter »). La gratuité totale des données a pour conséquence une baisse de recettes pérenne d’environ 1,5 million d’euros pour l’IGN. À ce jour, presque 90 % des données de l’IGN sont déjà en accès libre et gratuit. Il est donc important de financer en contrepartie l’IGN par la subvention pour charges de service public car l’opérateur n’a pour l’instant pas bénéficié de compensations de la part de l’État.

Dans ce contexte, en PLF 2023, la subvention pour charges de service public versée à l’IGN est stable, à 85,6 millions d’euros contre 89,8 millions d’euros dans la LFI 2022. Elle représente 45 % du budget de l’IGN qui s’élève à près de 180 millions d’euros en 2022, avec 15 % de cette enveloppe qui provient des ressources commerciales et 40 % de ressources issues d’appels à projets.

En 2023, les effectifs de l’IGN seront également stables à 1 447 ETPT sous plafond (-10 ETPT en 2022 contre -36 ETPT en 2021). Cependant, l’évolution de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique a un impact en année pleine estimé à presque 3 millions d’euros, qui ne fait pour l’heure l’objet d’aucune compensation alors que l’engagement pluriannuel d’objectifs et de moyens (EPOM) 2022-2024, signé en janvier dernier entre l’État et l’IGN, le prévoit. En outre, l’opérateur devrait à nouveau perdre 35 ETP en 2024 mais la rapporteure pour avis insiste sur la nécessité de préserver ces emplois afin que l’IGN puisse être en mesure de renouveler son personnel vieillissant, notamment en recrutant plus largement parmi les élèves qui suivent le parcours de l’École nationale des sciences géographiques (ENSG) dont l’IGN est la tutelle directe. En effet, le secteur de l’information géographique est en pleine croissance et suppose de nouvelles compétences pour ne pas laisser les choix en matière de cartographie uniquement dans les mains des grandes entreprises privées comme Google et son application Openstreetmap.

À cet égard, l’IGN a initié la mise en place d’une « place à communs » qui équivaut à une place de marché pour les communs numériques. Ce dispositif comporte plusieurs volets : des « appels à communs » pour rassembler les acteurs intéressés autour de défis collectifs, une Fabrique des géo-communs pour développer ces thèmes en commun avec l’écosystème des acteurs du domaine, et la Géoplateforme nationale, infrastructure ouverte aux communs et aux acteurs publics pour l’hébergement et le partage de données ou de services applicatifs. Cette Géoplateforme sera enrichie en 2023 par les premiers services aux utilisateurs. Cela permettra d’élargir les communautés d’utilisateurs et de producteurs de données géolocalisées et de services actuellement fédérés autour du projet. Ces évolutions s’inscrivent dans le cadre de l’élargissement de l’accès aux données de l’IGN ainsi que dans un mouvement plus large de co-construction des données géographiques avec les acteurs de la société civile. Ce type d’initiatives pourrait faire l’objet d’un soutien financier spécifique de l’État car l’infrastructure de la Géoplateforme nationale, qui va contribuer à la diffusion des données géographiques en libre accès et permettre des mises à jour en mode partagé, génèrera des dépenses annuelles d’hébergement d’environ 1,8 million d’euros en fonctionnement et de 1,02 million d’euros en investissement à compter de 2024 au moment de son passage en production.

D.   LES MOYENS ALLOUÉS À MÉTÉO-FRANCE

Météo-France est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique. Ses missions sont nombreuses et évoluent, en particulier du fait du changement climatique. De très nombreux secteurs d’activité dépendent de la météorologie, tels que la Défense, la sécurité civile, la prévention des risques, l’aéronautique, l’agriculture, les transports, la production d’énergies renouvelables, le tourisme, etc. En France, 25 % à 30 % du PIB sont directement influencés par les conditions météo‑climatiques. À l’été 2022, le pic d’incendie connu par le pays a mobilisé les services de Météo-France de manière intensive, notamment pour le suivi des feux en Gironde, ce qui a démontré que le nombre de personnels serait nettement insuffisant pour faire face à plusieurs situations d’incendies de grande ampleur de la sorte. Or, ce risque devenant de plus en plus probable, la rapporteure pour avis insiste sur la nécessité de disposer de suffisamment de personnels pour améliorer la prévisibilité et le suivi des évènements climatiques extrêmes.

En PLF 2023, la subvention pour charges de service public (SCSP) versée à Météo-France à travers l’action 13 du programme 159 connaît ainsi une légère inflexion à la hausse, passant de 181,2 millions d’euros en LFI 2022 à 191,1 millions d’euros en PLF 2023. Météo-France dispose également de 85,5 millions d’euros de redevances aériennes pour la sûreté du trafic, qui ne compensent pas l’ensemble des frais engagés par l’opérateur pour cette mission, de recettes commerciales à hauteur de 35 millions d’euros, et de recettes diverses pour 36 millions d’euros, soit un budget global de 331 millions d’euros (auquel s’ajoute la contribution de la France à Eumetsat à hauteur de 64 millions d’euros mais qui ne fait que transiter par les comptes de Météo-France).

Cette augmentation de la SCSP s’explique néanmoins essentiellement par des mesures d’accompagnement des surcoûts provoqués par le coût de la revalorisation du point d’indice (3,15 millions d’euros en 2022 mais 6 millions d’euros en année pleine) ainsi que par la hausse des coûts de l’énergie (surcoût de 2,5 millions d’euros). Or, une augmentation réelle des moyens de l’opérateur est d’autant plus nécessaire que Météo-France va devoir assumer, comme l’ensemble des opérateurs de l’État, le maintien de certains de ses services dans un contexte de gratuité de l’accès aux données, qui pourrait lui faire perdre 5 millions d’euros en moyenne. En outre, si les dépenses d’investissement, hors supercalculateurs, sont stables depuis 2013 (autour de 15 millions d’euros), le besoin de renouvellement des équipements se fait plus pressant. En 2023, les seules dépenses dédiées aux supercalculateurs progressent de 12 millions d’euros dus à des opérations importantes de renouvellement des matériels associés (infrastructure réseau, équipements de post-production, etc.).

Au niveau des effectifs, Météo-France gagne 6 ETP en PLF 2023, pour un effectif total de 2 541 ETP contre 2 535 en LFI 2022, alors qu’une réduction de 35 ETPT était initialement prévue par le contrat triennal. Cette hausse du plafond d’emplois permettra d’accueillir de nouveaux élèves en formation à l’École nationale de la météorologie. En effet, ceux-ci sont comptés au sein du plafond d’emplois de l’opérateur. Cette intégration des élèves au plafond d’emplois, couplée à la réduction de celui-ci au cours des dernières années, a ainsi conduit à ralentir excessivement le renouvellement des emplois de l’opérateur, alors même que son personnel est vieillissant et que 60 % des effectifs devraient partir en retraite au cours des prochaines années. Météo-France a perdu 16,2 % de ses effectifs depuis 2016, soit près de 499 ETP supprimés.

À moyen terme, il sera enfin indispensable de dégager des crédits supplémentaires pour la modernisation des équipements de Météo-France ainsi que pour la prochaine génération de supercalculateur : l’opérateur fait ainsi état d’un besoin d’investissements de 32,8 millions d’euros en 2023 et de 26,8 millions d’euros pour 2024.

En outre, selon l’opérateur, les besoins en termes de rénovation thermique des différentes implantations représenteraient un coût global de 40 millions d’euros, mais les crédits pour 2023 ne s’élèvent qu’à 2 millions d’euros.

 


—  1  —

   Examen en commission

Après avoir auditionné M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, le 27 septembre 2022, M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports, le 4 octobre 2022, Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre chargée de la transition énergétique, le 5 octobre 2022, et Mme Bérangère Couillard, secrétaire d’État chargée de l’écologie, le 12 octobre 2022, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » le mercredi 19 octobre 2022, matin, après-midi et soir (voir tome XI de l’avis 286 rect. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/plf_2023).

À l’issue de cet examen, elle a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission modifiés.

 

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

Météo-France

Mme Virginie Schwarz, présidente directrice-générale

M. Christophe Morel, directeur de la stratégie

Office national des forêts (ONF)

M. Olivier Rousset, directeur général adjoint

Agence de l’eau Seine-Normandie

Mme Sandrine Rocard, directrice générale

Mme Stéphanie Mouriaux, directrice générale adjointe, chargée du secrétariat général

Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature

M. Brice Huet, adjoint de la directrice générale de l’aménagement, du logement et de la nature

M. Olivier Thibault, directeur de l’eau et de la biodiversité

M. Timothée Asensio Frery, conseiller parlementaire

France Nature Environnement*

M. Christian Hosy, coordinateur du réseau « Biodiversité »

M. Alexis Guilpart, coordinateur du réseau « Eau et milieux aquatiques »

Institut national de l’information géographique et forestière (IGN)

M. Sébastien Soriano directeur général

Mme Jeanne Strausz, secrétaire générale

Table ronde

Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-et-Marne

M. Augustin Bonnardot, forestier arboriste conseil

M. Grégorie Dutertre, directrice

Mme Ophélie Touzé, juriste

Arbres

Mme Sophie Barré, ingénieure du paysage, vice-présidente de l’association Arbres

Groupe national de surveillance des arbres

M. Thomas Brail, fondateur du groupe national de surveillance des arbres et grimpeur arboriste

Mme Anna Couroueau, architecte

M. Benoît Barstentein, notaire

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 

 

 


([1]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

 

([2]) https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-2019-artificialisation-juillet.pdf

([3]) https://www.Cerema.fr/fr/activites/services/integrer-arbre-vos-projets-renaturationurbaine-outil-sesame

([4]) https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/1170-amenager-avec-la-nature-en-ville-9791029711794.html#/44-type_de_produit-format_electronique

([5]) https://renaturation-des-villes.aides-territoires.beta.gouv.fr/ 

([6]) https://www.baremedelarbre.fr/ 

([7]) http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_no_013725-01_cle7e4d1f.pdf