N° 337

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

TOME I

 

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

 

Action de la France en Europe et dans le monde ;

Français à l’étranger et affaires consulaires

 

PAR M. Vincent Seitlinger

Député

——

 

 Voir le numéro : 273

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Propositions

I. Loin du « réarmement » promis, le budget du quai d’orsay pour 2023 se limite au colmatage de notre diplomatie

A. Le Quai d’Orsay fait l’expérience d’une gestion budgétaire agitée en 2022

B. Plutôt que des choix forts, le budget traduit un « saupoudrage » des moyens nouveaux alloués au ministère

1. Déduction faite de l’inflation et du change, les hausses de crédits sur le programme 105 ne permettront pas de donner de l’ampleur aux nouvelles priorités

a. Les hausses de crédits en faveur de la communication et des contributions internationales, bien que limitées, vont dans le bon sens

b. Pour produire ses effets, la consolidation des soutiens de l’action diplomatique et consulaire doit se confirmer de façon pluriannuelle

2. Malgré des crédits en légère hausse, les indicateurs sur lesquels repose le programme 151 sont perfectibles

a. Les indicateurs de gestion et de performance du programme 151 sont en décalage avec la nature des tâches consulaires

b. Le MEAE connaît mal la situation des communautés françaises de l’étranger

i. Le plan de soutien des communautés françaises de l’étranger pour faire face aux conséquences de la pandémie mondiale était mal calibré

ii. En l’absence de données fiables sur la situation des Français de l’étranger, les crédits évolueront peu en 2023

II. Après les réductions massives d’effectifs, la réforme de la haute fonction publique a fait entrer le MEAE dans une crise profonde

A. Le PLF pour 2023 ne rEmédiera pas au mal-être qui s’est emparé du MEAE

1. Pendant des années, des efforts déraisonnables ont été exigés du Quai d’Orsay

2. Le PLF pour 2023 se situe très en deçà de ce qui est nécessaire au réarmement de notre diplomatie

a. La hausse des effectifs permettra, au mieux, de colmater certaines brèches

b. Le plan de modernisation des ressources humaines du ministère est peu lisible

3. Sans un effort plus conséquent, la situation du ministère continuera en se dégradant

a. Les conditions de travail des personnels se dégradent rapidement

b. Le réseau consulaire fait partie des points de vulnérabilité

B. La suppression du corps diplomatique est vécue comme le coup de grâce par les personnels du ministère

1. La réforme de l’encadrement supérieur de l’État n’a fait l’objet d’aucune discussion à l’Assemblée nationale

2. La réforme a des effets profondément perturbateurs sur la psyché du ministère

a. Le métier de diplomate est une vocation et ne peut s’exercer de manière intermittente

b. Les diplomates ne sont pas interchangeables

c. Le Quai d’Orsay est d’ores et déjà un ministère très ouvert

d. La réforme ouvre la voie à des nominations politiques

e. La carrière des secrétaires des affaires étrangères ne doit pas être sacrifiée

3. La réforme doit être suspendue dans l’attente des conclusions des États généraux de la diplomatie

III. Outre les questions relatives aux ressources humaines, Le Quai d’Orsay doit être attentif à plusieurs sujets structurants pour l’avenir de notre diplomatie

A. Pour être efficace, la lutte contre la désinformation exige certaines compétences

B. Le modèle des postes de présence diplomatique est utile mais il est nécessaire de remédier à certaines fragilités

C. Les contributions internationales de la France doivent s’insérer dans une stratégie globale et volontariste

D. La politique immobilière du MEAE restera problématique tant que son financement s’appuiera en partie sur les produits de cessions

Travaux de la commission

I. Audition de Mme catherine coloNna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Annexe n° 1 : liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis


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   Introduction

À l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, la ministre Catherine Colonna avait annoncé, non sans force : « le temps du « réarmement » de notre diplomatie est venu ». Pour autant, le projet de budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour 2023 est-il à la hauteur de cette annonce ? Pour le rapporteur pour avis, la réponse est simple : loin du réarmement promis, ce budget se limite au « colmatage » de notre diplomatie.

En 2023, la mission Action extérieure de l’État verra ses crédits augmenter de 160 millions d’euros. Cette hausse est néanmoins en trompe-l’œil. D’une part, une grande partie de ces crédits ne servira qu’à absorber les effets de l’inflation mondiale et du change, et non à financer de nouvelles actions. D’autre part, le Gouvernement préfère « saupoudrer » les moyens plutôt que de faire des choix forts en faveur de telle ou telle priorité. Il est ainsi difficile d’identifier un poste de dépense qui croît, en valeur réelle, de plus de quelques millions d’euros.

La grande annonce de ce budget est cependant la création d’une centaine d’équivalents temps plein (ETP), une première depuis trente ans pour le ministère. S’il faut s’en réjouir, cette création de postes n’est pas une révolution. 100 ETP, cela reste marginal au regard des milliers de postes supprimés au Quai d’Orsay au cours des trois dernières décennies. De manière révélatrice, la vingtaine d’ETP dont l’administration consulaire devrait bénéficier seront pour l’essentiel des missionnaires de renfort, ce qui montre bien les limites de l’effort entrepris. En tout état de cause, ce projet de budget risque de ne pas suffire à enrayer la dégradation rapide des conditions de travail au sein du ministère.

Dans ce contexte déjà très difficile, la suppression du corps diplomatique est vécue comme le coup de grâce par les personnels du ministère. Sur la forme, cette réforme, qui découle d’une ordonnance, contourne la représentation nationale. Sur le fond, elle pourrait, en remettant en cause l’idée même d’une diplomatie professionnelle, avoir des conséquences graves pour le rayonnement de notre pays. Le rapporteur pour avis appelle, à l’instar du Sénat, à suspendre la réforme dans l’attente des conclusions des États généraux de la diplomatie.

Outre les questions relatives aux ressources humaines, le Quai d’Orsay doit être attentif à plusieurs sujets structurants pour l’avenir de notre diplomatie. Tel est le cas de la lutte contre la désinformation et les discours hostiles à la France. Si celle-ci bénéficie de moyens nouveaux, la communication du ministère doit aussi reposer sur une politique des compétences, qui passe par le recrutement de spécialistes des réseaux sociaux et de locuteurs de langues ouest-africaines. Il est également nécessaire d’accentuer l’effort de remontée du niveau de nos contributions volontaires dans un contexte marqué par le décrochage, en dix ans, de notre pays du sixième au dixième rang dans le classement des contributeurs internationaux. Enfin, malgré l’engagement pris par le Gouvernement d’augmenter les crédits consacrés à l’immobilier, le financement de cette politique reste erratique. À cause d’un vaste imbroglio administratif, ces crédits n’ont pas augmenté cette année, avec pour effet de remettre en cause des opérations pourtant jugées impératives.

Compte tenu des efforts réalisés comme des carences qui caractérisent ce budget, le rapporteur pour avis s’abstiendra sur le vote de la mission Action extérieure de l’État du projet de loi de finances pour 2023.


   Propositions

15 propositions pour assurer la pérennité de l’outil diplomatique et consulaire

1) Renforcer la politique de communication du Quai d’Orsay par le recrutement de spécialistes des réseaux sociaux et de locuteurs de langues ouest-africaines.

2) Accentuer l’effort de remontée du niveau de nos contributions volontaires dans un contexte marqué par le décrochage de notre pays dans le classement des contributeurs internationaux.

3) Dans les pays dans lesquels la France ne dispose que d’un poste de présence diplomatique (PPD), envisager de nouveaux accords de représentation avec des pays européens, notamment dans le domaine consulaire.

4) À court terme, rester vigilant à la mise à disposition du MEAE des 36 millions d’euros sur le CAS 723, en veillant à ce que l’intégralité des crédits promis soient mis à disposition au plus tard à la fin 2023 et que le versement ne soit pas conditionné à des cessions supplémentaires de la part du Quai d’Orsay. 

5) À moyen terme, réduire le CAS 723 à une ressource d’appoint pour le financement de la politique immobilière du Quai d’Orsay.

6) Ajuster les moyens humains des antennes immobilières régionales à la hausse des moyens budgétaires consacrés à l’immobilier.

7) Lancer une évaluation des indicateurs de gestion et de performance du programme 151 qui reflètent mal la réalité des tâches consulaires.

8) Améliorer l’état des connaissances sur la situation des communautés françaises de l’étranger afin de fonder une appréciation plus rigoureuse des crédits nécessaires au soutien de nos compatriotes de l’étranger.

9) Lors des prochains exercices budgétaires, confirmer et amplifier la hausse des effectifs pour pouvoir vraiment parler de « réarmement » de notre diplomatie. 

10) Cibler une part non négligeable des créations de postes, envisagées et à venir, sur le réseau consulaire, actuellement sous très forte tension.

11) Revenir en arrière sur la politique de conversion, sur des postes de travail à l’étranger, de titulaires en agents de droit local (ADL).

12) Inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale une proposition de loi autorisant la ratification de l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, afin de débattre de cette réforme majeure.

13) Suspendre la réforme du corps diplomatique dans l’attente des conclusions des États généraux de la diplomatie.

14) Dans le cadre des États généraux de la diplomatie, s’assurer que les sujets de discussion soient déterminés par les personnels du ministère eux-mêmes, et non par une volonté venue d’en haut, et que ce moment de réflexion collective implique toutes les parties prenantes, y compris les parlementaires.

15) Garantir aux secrétaires des affaires étrangères (SAE) que, lorsque ces derniers accèderont au corps des administrateurs de l’État, ceux-ci puissent être exemptés d’une scolarité à l’INSP et puissent demeurer au MEAE.

 

 

 


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I.   Loin du « réarmement » promis, le budget du quai d’orsay pour 2023 se limite au colmatage de notre diplomatie

« Le temps du « réarmement » de notre diplomatie est venu » : c’est ainsi que Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, commentait, à l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs de l’été, les grands arbitrages rendus sur les moyens de son ministère pour 2023.

La révision à la hausse des effectifs et des crédits du Quai d’Orsay mérite en effet satisfaction. Si l’on laisse de côté la question des effectifs, qui sera traitée dans la deuxième partie de cet avis, les dotations du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) s’élèveront en 2023 à 6,65 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 542,6 millions d’euros (+9 %) par rapport à la loi de finances initiales (LFI) de 2022. Sans évoquer les crédits de l’aide publique au développement qui, comme les années passées, absorbent la plus grande partie de l’augmentation des moyens du ministère, ceux de la mission Action extérieure de l’État bénéficient d’une augmentation de 159,5 millions d’euros (+5,2 %) et atteignent un budget global de 3,22 milliards d’euros.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT
DE LA MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT EN 2023

(en millions d’euros)

Programme

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

Total pour la mission

3 059

3 218

5,21 %

dont P.105 Action de la France en Europe et dans le monde

1 954

2 083

6,61 %

dont P.151 Français de l’étranger et affaires consulaires

374

391

4,64 %

dont P.185 Diplomatie culturelle et d’influence

731

744

1,77 %

Source : projet annuel de performances (PAP) Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2023.

Pour le rapporteur pour avis, il est cependant excessif d’annoncer le « réarmement » de notre diplomatie. Si la ministre compare, dans son discours aux ambassadeurs, l’effort budgétaire en faveur du Quai d’Orsay avec celui dont a bénéficié et bénéficie encore le ministère des armées, nos forces militaires bénéficieront cette année d’une augmentation des crédits à hauteur de 3 milliards d’euros, soit une augmentation six fois supérieure et qui fait suite à des années de hausse de crédits, ce dont n’a pas bénéficié le MEAE ces dernières années.

Surtout, la hausse des crédits de la mission Action extérieure de l’État sera beaucoup moins structurante qu’elle ne l’est présentée. D’abord, parce qu’une part substantielle de ces moyens nouveaux sont destinés à prendre en compte les effets de l’inflation mondiale et du change, notamment vis-à-vis du dollar, sur les moyens de l’action diplomatique et consulaire. Ces hausses de crédits permettront de continuer à financer l’existant mais, par définition, les moyens nouveaux ne participeront pas au financement des nouvelles priorités du ministère. En outre, le Gouvernement a préféré « saupoudrer » les hausses de moyens en valeur réelle plutôt que de faire des choix forts en faveur de telle ou telle priorité. Il est en effet difficile de trouver, dans le projet de budget, un poste de dépense qui augmente, en valeur réelle, de plus de quelques millions d’euros. Le rapporteur estime donc que, loin du réarmement de notre diplomatie, ce budget permettra, au mieux, de colmater certaines brèches.

A.   Le Quai d’Orsay fait l’expérience d’une gestion budgétaire agitée en 2022

Si l’exécution budgétaire a encore été marquée, cette année, par les effets de la pandémie mondiale de coronavirus, ce sont principalement les répercussions de la guerre en Ukraine qui ont pour conséquence des dépenses imprévues, dont :

        une dépense de 2,2 millions d’euros réalisée par le centre de crise et de soutien (CDCS) pour gérer le retour des ressortissants français et de leurs ayants droit en Ukraine et, dans une moindre mesure, pour prendre en charge les frais de mission des agents venus en renfort dans les pays frontaliers et le fonctionnement de la cellule de crise ;

        une dépense conséquente liée à la réévaluation du montant des contributions internationales engendrée par la dépréciation de l’euro par rapport au dollar, qui s’est traduite par une perte au change estimée à 25 millions d’euros, et la nécessité d’abonder le budget de plusieurs organisations internationales, dont le Conseil de l’Europe après le départ de la Russie, la Cour pénale internationale pour lui permettre de mener à bien des enquêtes et la Facilité européenne pour la paix (FEP) dans le cadre des mesures d’assistance apportées à l’Ukraine ;

        la hausse des frais des ambassades et des dépenses de voyages et de missions sous l’effet de l’augmentation du coût de l’énergie et des transports ainsi que, de manière plus générale, de l’inflation globale et du change. D’après la direction des affaires financières (DAF) du Quai d’Orsay, le poste aux États-Unis a par exemple demandé, à la mi-gestion, un abondement de 600 000 euros, alors qu’il restitue habituellement environ 400 000 euros ;

        l’augmentation du budget d’un certain nombre d’opérations immobilières en France et à l’étranger, compte tenu de la hausse du coût de l’énergie et des matériaux de construction.

Interrogée par le rapporteur pour avis sur la capacité du ministère à faire face à l’ensemble de ces dépenses imprévues sous le plafond des crédits prévu par la LFI pour 2022, la DAF du ministère a répondu que le choix allait être fait de solliciter le dégel de la réserve de précaution mais qu’il ne paraissait pas nécessaire d’ouvrir des crédits exceptionnels par le biais d’une loi de finances rectificative (LFR).

B.   Plutôt que des choix forts, le budget traduit un « saupoudrage » des moyens nouveaux alloués au ministère

1.   Déduction faite de l’inflation et du change, les hausses de crédits sur le programme 105 ne permettront pas de donner de l’ampleur aux nouvelles priorités

Le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde, qui regroupe les moyens de l’action diplomatique aussi bien que de ses soutiens, devrait voir ses crédits hors masse salariale (« hors titre 2 ») croître de 77,8 millions d’euros (+5,9 %) pour s’établir à 1,31 milliard d’euros en 2023. Ces nouveaux moyens paraissent limités au regard de l’instabilité croissante du contexte international, qui est marqué par la multiplication des crises et l’affrontement croissant entre grandes puissances.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 105

Action

HT2

LFI

2022

T2

LFI

2022

Total

LFI

2022

HT2

PLF

2023

T2

PLF

2023

Total

PLF

2023

Évolution

FDC et ADP

2022

FDC et ADP 2023

01– Coordination de l’action diplomatique

24,9

73,2

98,1

28,3

78,4

106,7

+8,85 %

0

0,1

02 – Action européenne

132,1

11,7

143,8

122,3

12,5

134,8

-6,27 %

-

-

04 – Contributions internationales

652,2

-

652,2

707,5

-

707,5

+8,47 %

-

-

05 – Coopération de sécurité et de défense

36,3

73,7

110,0

36,4

79,0

115,4

+4,88 %

5,4

-

06 – Soutien

124,4

135,7

260,1

133,0

145,3

278,3

+6,97 %

0,4

0,4

07 – Réseau diplomatique

260,4

429,1

689,5

280,8

459,5

740,3

+7,36 %

2,9

4,6

Total

1 230,4

723,4

1 953,8

1 308,3

774,7

2 083,0

+6,61 %

8,7

5,1

Source : PAP Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2023.

a.   Les hausses de crédits en faveur de la communication et des contributions internationales, bien que limitées, vont dans le bon sens

L’action 1 du programme 105 regroupe les dépenses dites « d’état-major » du ministère : fonctionnement des cabinets, protocole, communication, presse et protection de nos ressortissants à l’étranger grâce à l’action du CDCS. Ces crédits augmenteront de 3,4 millions pour s’établir à 28,3 millions d’euros hors titre 2. Ces moyens nouveaux permettront de financer deux priorités que le rapporteur pour avis partage :

        la consolidation de la réserve pour crise du CDCS, qui est portée de 0,9 à 1,5 million d’euros, afin de répondre aux situations rencontrées par nos concitoyens et leurs ayants droit qui se retrouvent sur des zones de conflit, comme en Ukraine ;

        le renforcement de la politique de communication dont les moyens sont augmentés de 2,5 millions d’euros, c’est-à-dire quasiment doublés, ce qui est salutaire dans un contexte marqué par la prolifération de la désinformation et des narratifs antifrançais, en particulier sur le continent africain (cf. infra).

Les actions 2 et 4 regroupent les dépenses réalisées au titre des contributions européennes et internationales, qui représentent les deux tiers des crédits hors titre 2 du programme 105. Les contributions européennes et internationales devraient augmenter de 45,5 millions pour atteindre 829,8 millions d’euros en 2023. Si la guerre en Ukraine a pour effet de rehausser le montant de certaines contributions obligatoires ([1]), les contributions internationales de la France, qui sont payées pour l’essentiel en dollar, augmentent principalement en raison de l’effet change.

Si les contributions européennes et internationales obligatoires de la France ont eu tendance à baisser ces dernières années, compte tenu de la réduction de la quote-part française, elle-même liée à la réduction relative du poids économique de la France dans le monde, notre pays a entrepris d’accroître le montant de ses contributions volontaires pour continuer à peser dans le système international. De 29,8 millions d’euros en 2022, les contributions volontaires seront portées à 58 millions d’euros en 2023, si l’on inclut le million d’euros supplémentaire consacré au dispositif des jeunes experts associés (JEA), destiné à accroître la présence française dans les organisations internationales. Comme nous le verrons plus loin, la France a tout de même décroché par rapport à ses principaux partenaires dans le classement des principaux contributeurs aux organisations internationales.

L’action 5 porte les crédits de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), qui met en œuvre des projets destinés à renforcer les capacités de nos partenaires à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée. Ces moyens sont nominalement stables, à 36,4 millions d’euros, par rapport à 2022, après une baisse de quasiment deux millions d’euros décidée l’année précédente.

b.   Pour produire ses effets, la consolidation des soutiens de l’action diplomatique et consulaire doit se confirmer de façon pluriannuelle

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 poursuit le plan de consolidation des soutiens de l’action diplomatique et consulaire engagé en 2020. Dans des domaines – le numérique, l’immobilier et la sécurité – où les opérations coûtent cher, les quelques millions dégagés ne suffiront pas à rattraper le retard accumulé pendant des années. Faute de moyens substantiels, l’effort doit être maintenu sur la durée, ce qui n’est déjà pas le cas en matière immobilière.

L’action 6 du programme 105 finance le fonctionnement de l’administration générale, les dépenses liées à la gestion des ressources humaines et aux systèmes d’information et de télécommunication, ainsi que la politique immobilière et les opérations de sécurisation des emprises situées en France. Les crédits hors titre 2 de l’action 6 augmentent de 8,6 millions pour atteindre 133 millions d’euros.

Dans la continuité de la stratégie pluriannuelle sur le numérique mise en œuvre par le MEAE depuis 2020, la transition numérique du ministère bénéficiera d’une hausse de crédits de 4,4 millions permettant d’atteindre un budget global de 52,2 millions d’euros. Ces moyens nouveaux seront notamment consacrés au développement des outils de mobilité, à la lutte contre les cyberattaques et à la refonte de certaines applications, dont la plateforme « Diplomatie » qui héberge la correspondance des notes diplomatiques. Le rapporteur salue l’augmentation continue des crédits alloués au numérique ces dernières années, dans un contexte où la pandémie mondiale de coronavirus a mis en évidence le besoin d’un effort de modernisation massif des infrastructures numériques du ministère, ne serait-ce que pour répondre aux besoins engendrés par le télétravail. Les auditions ont révélé que la situation tendait à s’améliorer sur ce plan, malgré le manque persistant d’outils de mobilité. Alors que les crédits alloués à cette stratégie pluriannuelle sur le numérique devraient commencer à diminuer les prochaines années, le rapporteur appelle à rester vigilant quant aux besoins qui pourraient émerger des évolutions de l’environnement numérique.

L’action 7 regroupe les dépenses de fonctionnement et d’investissement des postes diplomatiques et consulaires, des frais de représentation aux véhicules, en passant par l’immobilier et la sécurisation des emprises. Les crédits hors titre 2 de l’action 7 sont portés à 280,8 millions d’euros par le biais d’une hausse de 20,4 millions.

L’entretien lourd à l’étranger bénéficiera d’une hausse de crédits de 8,5 millions et sera ainsi porté à 50,5 millions d’euros. À ces crédits budgétaires, il faut ajouter la mise à disposition de 36 millions d’euros de crédits supplémentaires non remboursables sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723, qui est alimenté par les recettes des cessions immobilières sur le patrimoine de l’État. Au risque d’une certaine insincérité, la présentation des documents budgétaires donne l’impression que le MEAE bénéficiera, en 2023, de ces 36 millions d’euros en plus des 36 millions qui lui avaient déjà été promis sur le CAS 723 en 2022, alors qu’il s’agit en réalité d’une seule et même enveloppe. À ce jour, le ministère n’a cependant perçu qu’un tiers des 36 millions d’euros promis en 2022 compte tenu d’un imbroglio administratif avec la direction de l’immobilier de l’État, qui gère le CAS 723 (cf. infra). Contrairement aux annonces du Gouvernement, les moyens consacrés à l’entretien lourd à l’étranger n’ont donc pas réellement augmenté entre 2021 et 2022, remettant en cause des opérations urgentes qui étaient programmées.

En complément, la sécurisation des emprises immobilières à l’étranger bénéficiera d’une dotation supplémentaire de 4 millions d’euros par rapport à 2022. Cette hausse de crédits paraît assez modeste lorsque l’on prend conscience que le MEAE est gestionnaire de 1 800 emprises, que les besoins de sécurisation sont très importants et en augmentation, en particulier s’agissant de la protection du réseau culturel et éducatif, et que ces opérations sont le plus souvent très coûteuses. Les dommages liés aux manifestations antifrançaises survenues au Burkina Faso dans la foulée du coup d’État début octobre, qui représentent un coût de 2 millions d’euros pour l’ambassade, montrent l’importance d’investir dans la sécurité des postes. Le ministère a par ailleurs perdu plusieurs véhicules blindés à la suite de la chute de Kaboul, en août 2021, et doit pouvoir reconstituer ses stocks.

Également compris dans l’action 7, les moyens de fonctionnement des ambassades sont en légère hausse, de 2,5 millions d’euros, non pas pour dégager des marges de manœuvre mais pour tenir compte des effets de l’inflation mondiale.

2.   Malgré des crédits en légère hausse, les indicateurs sur lesquels repose le programme 151 sont perfectibles

Le programme 151 rassemble les crédits qui financent les affaires consulaires. Hors élections, qui ont conduit le MEAE à bénéficier cette année d’une dotation exceptionnelle de 13,5 millions d’euros au titre de l’organisation des élections présidentielles et législatives à l’étranger, les crédits de ce programme progressent de 12,6 millions en 2023 pour atteindre 141,1 millions d’euros hors titre 2. Le rapporteur pour avis estime cependant que les indicateurs qui orientent les évolutions des crédits du programme d’une année sur l’autre doivent être revus.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DU PROGRAMME 151

Action

HT2

LFI

2022

T2

LFI

2022

Total

LFI

2022

HT2

PLF

2023

T2

PLF

2023

Total

PLF

2023

Évolution

FDC et ADP

2022

FDC et ADP 2023

01 – Offre d’un service public de qualité aux

Français

à l’étranger

44,8

179,5

224,3

33,6

193,6

227,2

1,29 %

-

-

02 – Accès des élèves français au réseau AEFE

95,5

-

95,5

105,7

-

105,7

+10,71 %

-

-

03 – Instruction des demandes de visa

1,6

52,6

54,2

1,7

56,7

58,4

+7,84 %

-

-

Total

142,0

232,0

374,0

141,1

250,3

391,4

+4,64 %

-

-

Source : PAP Action extérieure de l’État, projet de loi de finances pour 2023.

a.   Les indicateurs de gestion et de performance du programme 151 sont en décalage avec la nature des tâches consulaires

Depuis plusieurs années, l’administration consulaire poursuit d’importants efforts de dématérialisation qui devraient se traduire par de nouveaux progrès l’an prochain. Le premier semestre 2023 verra la dernière étape d’ouverture du registre de l’état-civil numérique, qui permettra d’établir des actes signés électroniquement. « Service France Consulaire », une plateforme téléphonique établie en France dans l’objectif de décharger les consulats des questions et des sollicitations les plus simples des Français de l’étranger, sera déployée à plus vaste échelle avec l’objectif de couvrir, en 2023, l’ensemble des pays européens (contre treize pays d’Europe actuellement), soit la moitié des Français de l’étranger.

Le rapporteur pour avis salue cet effort de modernisation de l’administration consulaire mais appelle à bien s’assurer qu’elle est conforme aux attentes des usagers comme des agents. Il a entendu les inquiétudes de certaines organisations syndicales et professionnelles du ministère, qui craignent notamment que « Service France Consulaire » ne soit qu’un intermédiaire sans valeur ajoutée entre les Français de l’étranger et les postes consulaires dans la mesure où cette plateforme ne peut répondre qu’aux questions les plus banales et les plus standardisées et uniquement aux horaires d’ouverture, entre 9 heures et 17 heures. Des agents des services visas ont par ailleurs expliqué au rapporteur que le nouveau logiciel « France Visas » se traduisait par un temps d’instruction supplémentaire, incompatible avec la situation à flux tendu de la plupart des services consulaires. Enfin, faute de payer leurs impôts ou de bénéficier de l’Assurance maladie en France, certains Français de l’étranger ont du mal à se connecter à « France Connect », point d’entrée d’un nombre croissant de procédures dématérialisées.

Surtout, la dématérialisation de l’administration consulaire a ses limites. Le service consulaire est, par essence, une activité profondément humaine. Seul un individu est en mesure de rendre visite à un Français en prison, d’apporter une aide à une femme victime de violences ou d’effectuer une visite à domicile pour mettre à jour des abus aux prestations sociales comme des situations sociales difficiles.

Or, ces tâches consulaires sont aussi les plus chronophages, les plus difficilement quantifiables et donc également les plus difficilement budgetisables. Il en découle une frustration légitime des personnels à l’égard des indicateurs de gestion, qui mesurent par exemple le nombre d’appels reçus, et qui sont en décalage avec le cœur de l’activité consulaire. Les indicateurs de performance – le nombre de documents délivrés par agent, par exemple –, qui orientent l’évolution des crédits budgétaires d’une année sur l’autre, souffrent des mêmes défauts. Alors que, pour la première fois, lors du PLF pour 2023, les objectifs et indicateurs pourront être amendés au cours de la procédure d’examen parlementaire, le rapporteur appelle à lancer une évaluation des indicateurs de performance du programme 151.

Proposition : Lancer une évaluation des indicateurs de gestion et de performance du programme 151 qui reflètent mal la réalité des tâches consulaires.

b.   Le MEAE connaît mal la situation des communautés françaises de l’étranger

i.   Le plan de soutien des communautés françaises de l’étranger pour faire face aux conséquences de la pandémie mondiale était mal calibré

Afin de soutenir les Français de l’étranger confrontés aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de coronavirus, la troisième loi de finances rectificative (LFR) pour 2020 avait ouvert, au-delà du socle budgétaire, 100 millions d’euros additionnels sur le programme 151, dont 50 millions pour l’aide à la scolarité et 50 millions pour le financement de l’aide sociale. Si le rapporteur reconnaît qu’il était difficile de prévoir l’incidence de la pandémie mondiale sur les Français de l’étranger, l’on peut aujourd’hui affirmer que les besoins ont été surévalués et que l’argent a été dépensé à des fins utiles mais différentes de ce pour quoi il a été voté.

Les 50 millions d’euros de réserve sur les bourses scolaires n’ont ainsi été que très partiellement consommés. L’excédent est venu alimenter la « soulte » de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui verse les bourses scolaires à l’étranger. Compte tenu du versement de dotations supérieures à la dépense effective des bourses, la soulte de l’AEFE a atteint un niveau sans précédent – 71,7 millions d’euros fin 2020 – qu’il a ensuite été nécessaire de résorber. Pour y parvenir, la subvention à l’AEFE a été revue à la baisse en 2021 – à 80,5 millions d’euros, soit 20 millions de moins que les crédits disponibles sur les bourses scolaires –, les crédits alloués en LFI pour 2022 ont été ponctuellement réduits – à 95,5 millions d’euros, soit 10 millions de moins que les crédits disponibles en 2021 –, une ponction de 10 millions d’euros a été effectuée au profit des établissements français au Liban et la délivrance de bourses cette année promet de dépasser les crédits votés en 2022, ce qui exigera une nouvelle ponction dans la soulte de l’AEFE. Cette soulte, qui s’établissait à 49,5 millions d’euros fin 2021, devrait revenir, a minima, à 15,5 millions d’euros fin 2022.

Le même constat peut être fait pour les 50 millions d’euros d’aide sociale exceptionnelle votés en 2020 pour aider les Français de l’étranger dans le contexte pandémique. Du fait d’une surévaluation des besoins des Français de l’étranger, mais aussi d’un manque de communication et de conditions d’octroi restrictives au début du dispositif, 25 millions sur les 50 millions d’euros de « secours occasionnel de solidarité » (SOS Covid) ont été reportés en 2021. À nouveau, faute d’avoir entièrement consommé l’enveloppe à la fin de l’année 2021, 6 millions d’euros d’aide sociale exceptionnelle ont été reportés en 2022, avant de prendre fin définitivement le 31 août dernier. Outre l’aide sociale, ces crédits auront aussi été mobilisés pour financer les campagnes de vaccination des Français de l’étranger et le dispositif de conversion en passe sanitaire. Les Français de l’étranger dans le besoin en raison des conséquences économiques et sociales que la pandémie continue de produire sont aujourd’hui invités à solliciter une aide sociale classique.

ii.   En l’absence de données fiables sur la situation des Français de l’étranger, les crédits évolueront peu en 2023

Retracés à l’action 2 du programme 151, les moyens destinés à favoriser l’accès des élèves au réseau de l’AEFE remonteront à 104,4 millions d’euros après la diminution ponctuelle de 10 millions d’euros décidée en 2022 pour résorber la soulte de l’AEFE. Fixés à 1,3 million d’euros, les crédits de l’accompagnement à la scolarité d’élèves en situation de handicap (ASESH) sont par ailleurs reconduits à l’identique. Même si la soulte de l’AEFE est désormais réduite, le MEAE estime qu’il pourra en exploiter le reliquat pour compléter la dotation budgétaire prévue, ce qui pourrait s’avérer nécessaire dans un contexte qui reste marqué par une situation économique dégradée et une forte inflation mondiale.

Compte tenu de cette conjoncture difficile pour les communautés françaises de l’étranger, les crédits des affaires sociales bénéficieront d’une hausse d’un million et atteindront 21,5 millions d’euros en 2023. La direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) anticipe en effet une hausse des demandes d’aides sociales classiques liée à la fin du dispositif d’aide exceptionnelle adopté en réponse à la pandémie et, compte tenu du contexte inflationniste, des demandes dans certains pays de réévaluation des taux de base qui servent au calcul des aides.

Le rapporteur pour avis partage également le sentiment d’une paupérisation des communautés françaises de l’étranger. Il regrette cependant le manque de données sur la situation des Français de l’étranger qui permettraient de fonder une appréciation plus rigoureuse des crédits nécessaires au soutien de nos compatriotes. Il ne conteste pas le choix de mettre fin au dispositif de secours occasionnel de solidarité qui se justifie par la reprise de l’activité observable partout dans le monde, par la diminution tendancielle des aides servies et par la levée, depuis un certain temps, de l’aide équivalente à destination des Français en métropole touchés par les conséquences économiques de la pandémie. Le rapporteur pour avis s’inquiète néanmoins d’une évaluation au « doigt mouillé » des demandes d’aide sociale et d’aide à la scolarité anticipées en 2023. L’inflation mondiale fait notamment craindre une sous-évaluation de l’aide sociale, dont les crédits augmentent certes d’un million d’euros, mais qui, pour la première fois depuis 2020, ne sera pas abondée par le report d’un montant d’aide sociale exceptionnelle.

Proposition : Améliorer l’état des connaissances sur la situation des communautés françaises de l’étranger afin de fonder une appréciation plus rigoureuse des crédits nécessaires au soutien de nos compatriotes de l’étranger.

 

II.   Après les réductions massives d’effectifs, la réforme de la haute fonction publique a fait entrer le MEAE dans une crise profonde

A.   Le PLF pour 2023 ne rEmédiera pas au mal-être qui s’est emparé du MEAE

1.   Pendant des années, des efforts déraisonnables ont été exigés du Quai d’Orsay

Ministère peu connu de la majorité des Français et parfois critiqué pour son prétendu faste, le MEAE a subi des réductions massives de personnels pendant des années. Comme le rappelait la ministre à l’occasion de son audition devant la commission des affaires étrangères, le 4 octobre 2022, les effectifs du ministère « ont baissé de 30 % sur les deux dernières décennies » alors même que le périmètre des missions diplomatiques et consulaires ne s’est pas réduit. Le schéma d’emploi est aujourd’hui arrivé à un seuil critique. Dans les ambassades, les diplomates sont souvent devenus minoritaires par rapport aux personnels de la mission de défense ou du service économique. Alors que le Quai d’Orsay est « à l’os », chaque effort supplémentaire qui est demandé au ministère a un coût pour le rayonnement de la France qui est absolument hors de proportion avec les économies réalisées.

Afin de préserver un maximum de moyens humains dans un contexte de réduction budgétaire, le MEAE a notamment mené une politique de conversion, sur des postes de travail à l’étranger, de titulaires en agents de droit local (ADL), souvent qualifiée d’« ADL-isation ». Cette politique a permis au ministère de réaliser des économies tout en limitant les suppressions de postes car les ADL coûtent en principe moins cher que les personnels expatriés qui bénéficient de plusieurs indemnités, dont l’indemnité de résidence à l’étranger (IRE).

Alors que les ADL représentent désormais le tiers des personnels du MEAE, le rapporteur pour avis estime que le ministère est allé trop loin en la matière. S’il n’est pas question ici de remettre en cause la loyauté de la grande majorité des ADL, ces derniers ne présentent pas toujours les mêmes garanties de sécurité que les personnels expatriés. C’est particulièrement le cas dans certains pays autoritaires, où ces agents locaux peuvent faire l’objet de pressions de la part des autorités, ou sur certains postes, qui conduisent à traiter des sujets sensibles. Dans le domaine consulaire, l’habilitation des ADL sur l’instruction des dossiers des demandeurs de visa peut également favoriser la fraude. Par ailleurs, les postes d’ADL ne se traduisent pas toujours par des économies pour le ministère car la masse salariale des recrutés locaux est beaucoup plus dynamique que celle des personnels expatriés. Dans les pays où l’inflation est très élevée, le ministère est aujourd’hui exposé à de nombreuses demandes des ADL portant sur le rebasage de leurs rémunérations.

Proposition : Revenir en arrière sur la politique de conversion, sur des postes de travail à l’étranger, de titulaires en agents de droit local (ADL).

 

2.   Le PLF pour 2023 se situe très en deçà de ce qui est nécessaire au réarmement de notre diplomatie

a.   La hausse des effectifs permettra, au mieux, de colmater certaines brèches

Après trois décennies de réduction des effectifs du Quai d’Orsay, c’est à l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian que revient le mérite d’avoir stoppé l’hémorragie des emplois du ministère en 2021 et 2022. En recréant des emplois pour la première fois depuis 1993, le PLF pour 2023 représente une rupture, qui était d’autant plus attendue que l’instabilité internationale s’accroît et que les moyens de nos principaux partenaires ont cru ces dernières années. Le projet de budget prévoit ainsi la création de 100 équivalents temps plein (ETP) pour répondre à des besoins prioritaires du ministère, ainsi que celle de 6 ETP pour doter la nouvelle délégation ministérielle à l’encadrement supérieur qui mettra en œuvre la réforme du corps diplomatique. Au total, en incluant cette augmentation de 106 ETP, le plafond d’emplois du ministère s’établira à 13 634 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

S’agissant de l’allocation des moyens humains nouvellement prévus l’année prochaine, la ministre a assuré qu’il n’y aurait pas de saupoudrage mais qu’elle ferait des choix assumés en faveur de certaines priorités. D’après la direction des ressources humaines du ministère, seront privilégiés, dans le réseau :

        les postes qui correspondent aux priorités diplomatiques françaises, notamment dans l’Indopacifique et en Europe de l’Est ;

        les postes dans lesquels il existe des besoins de sécurité et des besoins importants dans le domaine cybernétique ;

        les postes dans lesquels la charge de travail en chancellerie est trop significative ;

        les postes dans lesquels les secrétaires généraux d’ambassade (SGA) ont plusieurs casquettes et dont il est nécessaire de re-dédoubler les attributions ;

        les postes dans lesquels existent des besoins qui découlent du traitement des affaires consulaires (visas et administration des Français de l’étranger) ;

Des créations de postes auront également lieu en administration centrale pour répondre :

        aux besoins dans le domaine cybernétique ;

        aux besoins de communication.

Sur les 100 postes créés, le programme 105 devrait bénéficier d’environ 80 ETP supplémentaires tandis que le programme 151 en percevra une vingtaine.

Le MEAE souhaitant pourvoir les créations de postes au plus vite, dès début 2023, les nouveaux effectifs ne seront pas recrutés par concours, dont l’organisation est trop lente, mais par contrat ou dans le cadre de mobilités entrantes. Il est en revanche exclu de recruter des apprentis comme cela a été le cas en 2022 pour faire face à la présidence française de l’Union européenne (PFUE).

S’il faut se satisfaire de chaque création de poste au Quai d’Orsay, ces 106 effectifs supplémentaires n’en apparaissent pas moins marginaux une fois rapportés aux milliers de postes supprimés au cours des trois dernières décennies. Il faut bien mesurer que 106 ETP, c’est moins que les 160 ETP que le ministère a supprimés sur la seule année 2019, un an avant que la stabilisation des effectifs soit actée. Preuve s’il en est que ces créations de postes ne permettront que de traiter l’urgence, la plupart des ETP supplémentaires dont bénéficiera le programme 151 seront des missionnaires de renfort, affectés dans un nouveau centre de soutien spécialisé. Le rapporteur pour avis appelle donc à confirmer et amplifier la hausse des effectifs, afin de pouvoir vraiment parler de « réarmement » de notre diplomatie.

Proposition : Lors des prochains exercices budgétaires, confirmer et amplifier la hausse des effectifs pour pouvoir vraiment parler de « réarmement » de notre diplomatie. 

b.   Le plan de modernisation des ressources humaines du ministère est peu lisible

En 2023, les crédits de masse salariale hors CAS pensions du MEAE devraient s’établir à 1,062 milliard d’euros, ce qui représente une hausse de 51,7 millions d’euros (+ 4,9 %) par rapport à la LFI pour 2022.

Cette augmentation est tirée en large partie, non par des mesures de rémunération, mais par l’évolution tendancielle de la masse salariale dont 13,7 millions au titre du glissement vieillesse technicité (GVT) et 24 millions d’euros au titre de la prise en compte de l’inflation sur la rémunération des agents à l’étranger.

S’agissant des mesures catégorielles, le budget prévoit le parachèvement d’un « plan de modernisation des ressources humaines du ministère » doté de 20 millions d’euros sur la période 2021-2022. Peu lisible, ce plan correspond peut-être à ce qui a pu être préservé de la réforme du ministère initiée par l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian avant que celle-ci ne soit percutée par la réforme de la haute fonction publique voulue par le chef de l’État (cf. infra). Ses principales mesures sont indemnitaires et incluent la convergence des rémunérations entre agents contractuels et titulaires et la revalorisation des cadres salariaux des ADL.

D’après les organisations syndicales et professionnelles du ministère, aucune concertation, ni consultation, ni communication n’a eu lieu sur ce plan de modernisation des ressources humaines du Quai d’Orsay.

3.   Sans un effort plus conséquent, la situation du ministère continuera en se dégradant

a.   Les conditions de travail des personnels se dégradent rapidement

Les variables d’ajustement de l’écart grandissant entre l’importance des missions et la faiblesse des moyens sont les personnels du ministère eux-mêmes, qui ont de plus en plus de difficultés à épuiser toutes les commandes. Le malaise est particulièrement palpable en administration centrale et dans les postes en tension.

La dégradation des conditions de travail au MEAE se reflète au travers de plusieurs indicateurs parmi lesquels :

        le nombre d’heures supplémentaires et de congés non pris. Comme a pu l’entendre le rapporteur, il y a beaucoup d’agents, y compris de catégories B et C, pour lesquels la charte du temps de travail est une plaisanterie ;

        le nombre de remontées auprès des psychologues du ministère ;

        le nombre de missions de renfort, qu’elles soient déclenchées par une charge de travail excessive ou un besoin de remplacement pour cause de congé maladie ou maternité. D’après la direction des ressources humaines du ministère, les missions de renfort ont été multipliées par deux par rapport à 2021 et tous les besoins ne sont pas satisfaits ;

        le nombre de demandes de disponibilité pour des congés de formation professionnelle, qui traduisent la volonté de certains agents de se réorienter.

b.   Le réseau consulaire fait partie des points de vulnérabilité

Sous très forte tension, le réseau consulaire demeure dans une situation de sous-effectif chronique. De 2008 à 2021, le programme 151 a perdu 11 % de ses effectifs, soit 375 ETPT, alors que le nombre de Français inscrits au registre progressait de 12,4 % sur la période. En ne prévoyant qu’une vingtaine d’effectifs supplémentaires sur le programme 151, le PLF pour 2023 ne changera pas la donne.

Proposition : Cibler une part non négligeable des créations de postes, envisagées et à venir, sur le réseau consulaire, actuellement sous très forte tension.

Cette situation a des conséquences importantes pour les agents comme pour les usagers. Les personnels consulaires, malgré leur sens du service public, subissent une fatigue intense et des risques psychosociaux croissants. En retour, les usagers subissent une augmentation des délais de délivrance des titres d’identité et de voyage en même temps qu’une certaine dégradation du contact humain lorsqu’ils recourent au service public consulaire.

La reprise de la demande de visas à l’échelle mondiale a révélé que les services des visas des consulats étaient aujourd’hui particulièrement fragiles. De l’Inde jusqu’au Sénégal, plusieurs consulats éprouvent d’importantes difficultés à délivrer les visas dans des délais raisonnables. D’après la direction des ressources humaines du Quai d’Orsay, outre la baisse continue des effectifs, les personnels ont perdu certains repères, pendant la pandémie, pour traiter le plus efficacement possible les demandes de visas dans un contexte où, par ailleurs, les possibilités de se rendre en France pour suivre des formations se sont réduites. Il faut ajouter à cela que le nouveau logiciel « France Visa » se traduit par un temps d’instruction des demandes un peu plus long qu’auparavant et que la part des demandes de visas de long séjour, dont le traitement est plus chronophage, se serait légèrement accru.

À New Delhi, un consulat en détresse

En Inde, le réseau consulaire est composé de quatre consulats généraux, à Bangalore, Bombay, Calcutta et Pondichéry, et d’une section consulaire à New Delhi.

Les moyens de la section consulaire à New Delhi ont été fortement réduits ces dernières années. Le consulat a perdu plusieurs postes d’agents expatriés. Le consulat a récemment dû licencier deux ADL à la suite de la découverte d’une fraude aux visas. Malgré sept demandes de renfort formulées sur une année, seule l’une d’entre elles a été satisfaite, pour une durée de deux mois seulement.

Fortement sous dotée, la section consulaire à New Delhi peine aujourd’hui à remplir l’ensemble de ses missions. Le service de l’état-civil est partiellement fermé et ne répond plus qu’aux urgences. Le consul a par ailleurs dû reporter plusieurs fois ses tournées consulaires à Katmandou. En parallèle, le service des visas a été submergé par l’importance de la demande de visas au cours de l’été 2022. Fin septembre, en raison du manque d’agents instructeurs, le consulat avait accumulé un retard dans l’instruction de 3 000 demandes de visas.

Dans un contexte où les ADL ne peuvent plus, pour des raisons de sécurité, être habilités pour instruire les demandes de visas et où il ne semble plus être possible de recruter des volontaires internationaux sur des tâches consulaires, la création de postes d’expatriés semble être la seule option envisageable pour renforcer le consulat à New Delhi.

B.   La suppression du corps diplomatique est vécue comme le coup de grâce par les personnels du ministère

1.   La réforme de l’encadrement supérieur de l’État n’a fait l’objet d’aucune discussion à l’Assemblée nationale

La loi n° 2019-828 de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a initié un mouvement de réforme reposant sur trois composantes : le développement de la contractualisation, celui de l’interministérialisation et la fonctionnalisation des emplois.

En septembre 2020, l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian avait lancé une réforme des métiers diplomatiques et consulaires, qui visait tous les agents et toutes les catégories. Dans ce cadre, il avait confié à l’ambassadeur Jérôme Bonnafont une mission de réflexion et de proposition sur l’organisation des carrières diplomatiques dont le rapport, qui n’a pas été rendu public, a été remis au ministre au premier semestre 2021. La réforme des métiers diplomatiques et consulaires de l’ancien ministre Le Drian reposait ainsi sur trois priorités :

        l’ouverture du ministère, par le développement de la contractualisation, y compris sur des postes de catégorie A, le développement de la mobilité et le renforcement de la parité ;

        le renforcement de la formation tout au long de la carrière, par la création d’une école diplomatique et consulaire regroupant plusieurs dispositifs de formation ;

        la dynamisation de la gestion des carrières, par l’accélération des promotions et la convergence indemnitaire des rémunérations des personnels.

Annoncée par le président de la République à l’occasion de la convention managériale de l’État du 8 avril 2021, la réforme de l’encadrement supérieur de l’État a largement remis en cause la réforme interne du Quai d’Orsay, qui ne semble avoir survécu qu’au travers d’un plan de modernisation des ressources humaines du ministère aux contours flous et à l’ambition limitée (cf. supra).

La réforme voulue par le chef de l’État a pour objectif de rendre la haute fonction publique :

        plus ouverte, ce qui sous-tend la création du dispositif « Talents du service public » et la création, pour les élèves des « Prépas Talents », d’une nouvelle voie d’accès à différents concours de la haute fonction publique, dont celui de l’institut national du service public (INSP) ;

        mieux formée, avec le remplacement de l’école nationale de l’administration (ENA) par l’INSP, qui a vocation à assurer la formation initiale des hauts fonctionnaires qui rejoindront le corps des administrateurs de l’État, à assurer la formation de troncs communs des élèves de quatorze écoles d’encadrement supérieur de la fonction publique et de coordonner et assurer le suivi de la formation continue pour l’ensemble des cadres supérieurs de l’État ;

        mieux gérée, en améliorant le déroulement des carrières des cadres supérieurs de l’État. Cette ambition se traduit, d’une part, par la création du corps interministériel des administrateurs de l’État et, concomitamment, la mise en extinction d’une quinzaine de corps existants dont, pour le MEAE, les corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires ; elle se traduit aussi, d’autre part, par l’objectif d’une gestion des ressources humaines plus stratégique et davantage individualisée, animée par la nouvelle délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE).

Dans cette nouvelle architecture interministérialisée et fonctionnalisée, tous les fonctionnaires appartenant au nouveau corps des administrateurs de l’État seront amenés à servir au sein d’une succession de ministères, selon un parcours plus fluide, déterminé par les compétences, que chaque agent devra construire en se portant candidat aux offres de postes à pourvoir quand il le souhaitera.

Dans le domaine diplomatique, la réforme prévoit que, au-delà des seuls postes d’ambassadeurs sur lesquels le président de la République dispose déjà d’un pouvoir de nomination discrétionnaire, tous les postes jusqu’ici réservés aux corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires auront désormais vocation à être pourvus par des administrateurs de l’État.

Le rapporteur pour avis regrette que cette réforme, dont les conséquences sont profondes, n’ait fait l’objet d’aucune réelle discussion à l’Assemblée nationale. La réforme a en effet été menée par ordonnance grâce à l’autorisation donnée par l’article 59 de la loi de la transformation publique de 2019. L’ordonnance n° 2021-702 du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État qui en est issue a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale dans le délai imparti, avec pour effet de lui donner force juridique, mais n’a pas été inscrite à l’ordre du jour. Pour débattre de cette réforme d’importance, une proposition de loi proposant la ratification de cette ordonnance a été déposée au Sénat, qui l’a rejetée le 30 septembre 2021, exprimant ainsi ses profondes réserves à l’égard de la réforme de la haute fonction publique telle que menée par le Gouvernement.

Proposition : Inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale une proposition de loi autorisant la ratification de l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, afin de débattre de cette réforme majeure.

2.   La réforme a des effets profondément perturbateurs sur la psyché du ministère

La réforme du corps diplomatique a suscité des débats et des résistances importantes au sein du Quai d’Orsay, qui ont d’ailleurs trouvé à s’exprimer dans la presse ([2]). Fait relativement inédit pour le ministère, une grève très suivie a eu lieu le 2 juin dernier. Si elle a été encouragée par une majorité de syndicats, cette grève s’est caractérisée par un élément de spontanéité échappant en large partie à ces derniers. Au-delà des diplomates, cette réforme fait l’objet de critiques de la part de responsables politiques de tous bords, à l’exception sans doute des responsables de la majorité dont peu s’aventurent cependant à la défendre.

Reconnaissant « le trouble » qu’elle a suscité à l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, le président de la République a estimé que cette réforme était « bonne, en particulier pour le Quai d’Orsay », en ce qu’elle permettrait de rendre notre diplomatie « encore plus agile, encore plus experte, encore plus forte ». Sur un ton plus offensif, le chef de l’État a également expliqué aux ambassadeurs que « défendre un métier […] n’a jamais signifié défendre un corps ». Le rapporteur pour avis estime a contrario que la suppression du corps diplomatique telle qu’envisagée dans le cadre de cette réforme est une attaque portée au métier de diplomate et met en danger l’idée d’une diplomatie professionnelle.

a.   Le métier de diplomate est une vocation et ne peut s’exercer de manière intermittente

Caractérisé par l’expatriation, dont la pandémie a montré qu’elle était loin d’une sinécure, le choix de la carrière diplomatique conduit les personnels à accepter des sacrifices importants dans leur vie privée, dont la contrepartie est notamment de pouvoir faire l’ensemble de leur carrière au Quai d’Orsay.

Le rapporteur pour avis a bien entendu les déclarations des acteurs de la réforme selon lesquels celle-ci n’empêcherait nullement ceux qui le souhaitent – vraisemblablement la majorité – de faire l’ensemble de leur carrière au MEAE. Il n’ignore pas non plus que la réforme représentera, pour certains agents, une opportunité de s’oxygéner dans une autre administration pendant quelques années.

Mais, pour ceux qui s’aventureront à l’extérieur, rien ne garantit que le ministère saura garantir leur retour et la valorisation de leurs expériences. Surtout, la réforme conduira à un élargissement du vivier et à une concurrence accrue pour l’accès aux fonctions d’encadrement du Quai d’Orsay, qui est un ministère attractif. Dans ce contexte, comment garantir aux agents qu’ils pourront dérouler leur carrière au ministère si les administrateurs de l’État entrant au MEAE souhaitent y rester ?

Cette réforme représente une rupture du contrat de confiance entre le MEAE et les personnels qui y sont entrés dans l’idée d’y consacrer leur vie, de la même manière qu’elle dissuadera vraisemblablement de jeunes talents de se tourner vers la diplomatie s’ils n’ont pas la garantie d’avoir la carrière que ce choix leur promet.

b.   Les diplomates ne sont pas interchangeables

Estimer que les diplomates sont interchangeables, c’est ne pas croire à l’idée d’une diplomatie professionnelle et prendre le risque d’une diplomatie du service minimum. Sans préjuger des réflexions qui seront conduites sur ce sujet à l’occasion des états généraux de la diplomatie, le rapporteur pour avis estime que les diplomates ont des compétences spécifiques qui doivent être préservées.

Parmi ces spécificités, les diplomates sont des experts de la médiation. Ils exercent un métier de relations humaines, qui exige de savoir engager le dialogue avec l’autre, y compris avec des personnes qui représentent des pays inamicaux, et ce faisant de s’efforcer de rapprocher les positions des uns et des autres. Par ailleurs, même si tous les diplomates ne maîtrisent pas de langues rares, ils ont pour la plupart des connaissances linguistiques et culturelles qui les distinguent.

Surtout, l’apprentissage de la polyvalence se trouve au cœur de la carrière de n’importe quel diplomate. La maturation lente acquise par l’accumulation des expériences au sein du Quai d’Orsay est un prérequis pour l’exercice des responsabilités, a fortiori pour pouvoir devenir chef de mission diplomatique. Pour le rapporteur, il paraît très improbable qu’une personne qui n’a pas fait la majeure partie de sa carrière au Quai d’Orsay puisse faire un ambassadeur qualifié.

Les acteurs de la réforme plaident certes que les affectations au sein du nouveau corps interministériel des administrateurs de l’État seront assises sur un système de repérage et de gestion des compétences qui fera perdurer, en pratique, une « filière » diplomatique et qui fera obstacle aux nominations inadéquates.

Il s’agit toutefois d’un pari sur la capacité de l’État à gérer ses compétences sur lequel le rapporteur pour avis est pessimiste. En effet, le système de repérage des compétences et d’animation du vivier des cadres supérieurs de l’État, qui déterminera la manière dont seront gérées les carrières des diplomates, dépend de textes réglementaires qui ne sont pas encore publiés et qu’il est donc à ce stade impossible d’analyser. Mais au-delà des textes, lorsque l’on se rend compte de l’incapacité du MEAE, où l’évaluation des personnels est encore balbutiante, à gérer ses compétences, il est permis de douter que l’État puisse bâtir, à l’échelle interministérielle, une architecture de gestion des ressources humaines qui tienne ses promesses.

c.   Le Quai d’Orsay est d’ores et déjà un ministère très ouvert

La réforme voulue par le chef de l’État est fondée sur le postulat inexact selon lequel le MEAE serait une forteresse coupée du monde extérieur. Les chiffres démentent cette idée : le Quai d’Orsay est composé à 50 % de contractuels et environ 20 % des postes d’encadrement sont occupés par des personnels extérieurs. En ambassade, les diplomates travaillent en liaison étroite avec tous les services de l’État à l’étranger et développent une profonde connaissance de l’interministériel. Enfin, contrairement à l’idée reçue selon laquelle le MEAE serait un lieu de reproduction sociale, le concours d’Orient assure une forte mixité au sein du Quai.

d.   La réforme ouvre la voie à des nominations politiques

Si le président de la République dispose, en vertu de l’article 13 de la Constitution, d’un pouvoir de nomination discrétionnaire des ambassadeurs, la nomination de ces derniers demeure faiblement politisée en France, par contraste avec les États-Unis. Ceci ne signifie pas que la politisation soit totalement exclue. Nombre de diplomates ont pu, grâce à une expérience en cabinet ministériel ou à la cellule diplomatique de l’Élysée, connaître une forte accélération de carrière.

L’existence d’un corps ministériel est néanmoins une limite apportée à la politisation des nominations. Avec la réforme, certains fonctionnaires appartenant au corps interministériel des administrateurs de l’État pourront, après une expérience en cabinet ministériel, bénéficier d’une intervention d’un responsable politique pour obtenir une affectation sur un poste auparavant réservé à un diplomate de métier. La France irait alors plus loin que les États-Unis qui, hormis les postes de chef de mission diplomatique et de directeur d’administration centrale, réservent les postes au Département d’État aux personnels issus du Foreign Service.

Le rapporteur pour avis estime que le travail sur les compétences, comme les avis gardés secrets qui seront rendus par des commissions d’aptitude, sont de maigres garde-fous contre le risque de copinage sur les affectations au Quai d’Orsay.

e.   La carrière des secrétaires des affaires étrangères ne doit pas être sacrifiée

Les secrétaires des affaires étrangères, qui représentent la moitié des effectifs de catégorie A du ministère, sont la catégorie de personnels la plus mobilisée contre la réforme de l’encadrement supérieur de l’État. Les plus jeunes éprouvent, en particulier, un fort malaise par rapport à leur avenir au Quai d’Orsay.

Avant même le lancement de la réforme de la haute fonction publique, les secrétaires des affaires étrangères subissaient déjà une forme d’iniquité. S’ils sont nominalement des agents de catégorie A, ils occupent en pratique des postes de niveau A+. Contrairement à d’autres ministères qui différencient les tâches attribuées aux administrateurs civils et aux attachés d’administration centrale, au MEAE, les secrétaires et les conseillers des affaires étrangères occupent exactement les mêmes postes en début de carrière. Malgré cela, les conseillers sont mieux rémunérés que les secrétaires, à fonctions égales. Surtout, la carrière des secrétaires et des conseillers des affaires étrangères diverge au bout d’une dizaine d’années, lorsque les conseillers accèdent à des postes d’encadrement. Cette divergence de carrière se justifie, non par le mérite, mais par le concours d’entrée passé une dizaine d’années auparavant. Les secrétaires doivent quant à eux faire leurs preuves pour espérer devenir un jour conseillers et accéder, ainsi, à des fonctions d’encadrement.

La réforme crée aujourd’hui une série d’injustices nouvelles pour les secrétaires des affaires étrangères. En les laissant de côté, elle renforce le cloisonnement entre ces derniers et les nouveaux administrateurs de l’État affectés au Quai d’Orsay. En conséquence, les secrétaires éprouvent des inquiétudes sur le déroulement de leur carrière. Jusqu’ici, ils avaient la possibilité, au bout de quelques années, de passer le concours interne pour devenir conseillers, ou alors d’être promus conseillers au tour extérieur trois ans après avoir passé le principalat. Avec la réforme, rien ne garantit que, lorsqu’ils accéderont au corps des administrateurs de l’État, les secrétaires des affaires étrangères ne devront pas interrompre leur carrière pour aller se former à l’INSP et, qu’à l’issue de cette scolarité, ils ne se verront pas affectés dans un autre ministère, à l’encontre de leurs aspirations. À plus long terme, dans la suite logique de la réforme actuelle, les secrétaires des affaires étrangères craignent d’être interministérialisés avec les attachés d’administration centrale, dont ils ne sont pourtant pas les équivalents.

Pour éviter la perte d’attractivité du corps des secrétaires des affaires étrangères, liée à la remise en cause de leurs perspectives de carrière au Quai d’Orsay, le rapporteur pour avis appelle, non seulement à écarter l’idée d’une interministérialisation avec le corps des attachés d’administration centrale, mais aussi à garantir que les secrétaires des affaires étrangères accédant au corps des administrateurs de l’État seront exemptés d’une scolarité à l’INSP et pourront demeurer au MEAE.

Proposition : Garantir aux secrétaires des affaires étrangères (SAE) que, lorsque ces derniers accèderont au corps des administrateurs de l’État, ceux-ci puissent être exemptés d’une scolarité à l’INSP et puissent demeurer au MEAE.

3.   La réforme doit être suspendue dans l’attente des conclusions des États généraux de la diplomatie

Dans le contexte actuel, le rapporteur pour avis apporte son soutien à l’appel du Sénat ([3]) en faveur de « la suspension de la réforme […] le temps que les états généraux ou assises de la diplomatie, envisagés suite à la grève du 2 juin dernier, se tiennent et permettent l’écoute des personnels du Quai. »

Proposition : Suspendre la réforme du corps diplomatique dans l’attente des conclusions des États généraux de la diplomatie.

À l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, la ministre Catherine Colonna a abordé le « malaise » du ministère et confirmé la tenue « d’un moment d’écoute, de dialogue et de réflexion pour redéfinir le sens de l’action collective » au travers des « états généraux de la diplomatie » dont le principe a été approuvé par le président de la République. Ces états généraux doivent être lancés au mois d’octobre sous la conduite de M. Jérôme Bonnafont, qui en a été nommé rapporteur général. Le rapporteur pour avis appelle à faire de cette échéance un moment utile, qui ne soit pas qu’une grande célébration du métier de diplomate sans réel rendu.

Pour éviter l’échec, les états généraux de la diplomatie devront aborder la réforme de la haute fonction publique et les garanties qui doivent accompagner sa mise en œuvre.

Les garanties obtenues par l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian

Confronté à la décision d’inclure son ministère dans la réforme globale de l’encadrement de l’État, l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian a réussi à obtenir trois garanties pour préserver la qualité de l’outil diplomatique :

– le concours d’Orient restera une voie d’accès directe et spécifique au Quai d’Orsay ;

– les parcours et les carrières des agents qui ont rejoint le ministère comme secrétaires des affaires étrangères seront revalorisés et ces derniers pourront bénéficier de modalités de passage dans le corps des administrateurs de l’État qui seront en réalité plus favorables à celles existant aujourd’hui pour passer dans le corps des conseillers des affaires étrangères ;

– celles et ceux qui sont aujourd’hui en poste au Quai d’Orsay en tant que conseillers des affaires étrangères ou ministres plénipotentiaires et qui feront le choix de ne pas opter pour le reversement dans le corps des administrateurs de l’État, non seulement ne seront pas pénalisés mais pourront aussi poursuivre leur carrière au ministère dans des conditions satisfaisantes et au moins comparables à celles qui prévalent aujourd’hui.

Si ces aménagements sont importants, d’autres garanties devront être données pour lever les inquiétudes relatives aux conséquences de la réforme.

Mais les états généraux de la diplomatie devront aussi traiter des interrogations plus larges et plus profondes que la réforme de l’encadrement supérieur de l’État. La grève du 2 juin dernier a été catalysée par une accumulation de difficultés. Outre une incompréhension autour de la réforme, cette grève résulte d’une fatigue et d’une perte de sens liées à l’importance des économies demandées au ministère comme au renforcement des sujétions, qu’elles résultent de la charge de travail ou des contraintes de l’expatriation dans le contexte pandémique.

Le rapporteur pour avis suggère ici quatre grands sujets qui, outre la réforme du corps diplomatique, pourraient être évoqués à l’occasion des états généraux de la diplomatie :

        les moyens budgétaires et humains du Quai d’Orsay. Alors que le ministère a commencé à recréer des emplois pour la première fois depuis trente ans, le rapporteur estime qu’il pourrait être opportun d’adresser un signal selon lequel cette hausse des effectifs n’est pas conjoncturelle mais qu’elle est le résultat d’une prise de conscience de la nécessité d’une remontée en puissance du MEAE. Une programmation pluriannuelle pourrait être envisagée pour donner de la visibilité aux personnels ;

        l’image du Quai d’Orsay. Sauf lors de la gestion de crises, le MEAE pâtit toujours, dans l’opinion publique, d’une image de ministère privilégié qui s’accompagne de nombreux clichés. Cette image aussi négative qu’erronée explique, en partie, que ce ministère soit l’éternel perdant des arbitrages budgétaires. Les états généraux de la diplomatie pourraient être l’occasion d’imaginer les moyens de changer l’image du métier de diplomate ;

        les moyens d’équilibrer les sujétions et les compensations des agents. Ces dernières années, les personnels du MEAE ont subi une aggravation de leurs sujétions professionnelles : baisse des moyens, charge de travail en augmentation, expatriation rendue difficile dans le contexte pandémique… Ces sujétions se sont renforcées en parallèle d’une évolution sociétale conduisant les jeunes diplomates à s’interroger davantage sur le sens des tâches qui leurs sont confiées, à accepter plus difficilement certains types de rapports hiérarchiques mais aussi à accepter plus difficilement les sacrifices de leur vie privée liés à l’expatriation. Dans un contexte budgétaire contraint, qui rend difficile d’ajuster les compensations aux contraintes vécues, un nombre croissant de personnels ont l’impression que le contrat de confiance qui les lie au ministère est rompu. Même si la politique des ressources humaines du ministère ne se réduit plus à la gestion administrative des personnels, des progrès en la matière sont nécessaires, au-delà du plan de modernisation limité que contient le budget ;

        enfin, les spécificités des diplomates, les compétences que requiert ce métier et, partant, les modes de recrutement et de déroulement des carrières. Le rapporteur pour avis estime important de conduire une réflexion en profondeur sur les spécificités du métier de diplomate et sur les compétences qui le distinguent du reste des métiers occupés par les administrateurs de l’État. Cette réflexion doit intégrer les transformations du métier diplomatique et notamment deux d’entre elles. La diplomatie publique tend d’abord à occuper une part croissante de l’activité des personnels, au détriment des relations interétatiques et de la diplomatie du secret, ce qui rend important de valoriser davantage les qualités humaines et la maîtrise des outils numériques dans le recrutement et la formation des diplomates. La diplomatie tend également à devenir plus technique à mesure qu’elle intègre les sujets sanitaires, environnementaux ou scientifiques, dont les défis ne seront relevés que par la coopération internationale. Cette « technicisation » des sujets traités par les diplomates exige, peut-être, d’élargir le recrutement au-delà des profils généralistes, en privilégiant certaines compétences.

Pour le rapporteur pour avis, deux éléments conditionnent le succès des états généraux de la diplomatie. Les organisateurs de ce moment de réflexion collective doivent d’abord accepter que les sujets de discussion soient déterminés par les agents du ministère eux-mêmes et non par une volonté venue d’en haut. Ensuite, les organisateurs doivent également y associer tous ceux qui, comme les organisations syndicales et professionnelles du ministère, les chercheurs et les parlementaires, peuvent nourrir cette réflexion collective. L’état de notre diplomatie est, au final, une question qui doit concerner toute la société.

 

 

Proposition : Dans le cadre des États généraux de la diplomatie, s’assurer que les sujets de discussion soient déterminés par les personnels du ministère eux-mêmes, et non par une volonté venue d’en haut, et que ce moment de réflexion collective implique toutes les parties prenantes, y compris les parlementaires.

III.   Outre les questions relatives aux ressources humaines, Le Quai d’Orsay doit être attentif à plusieurs sujets structurants pour l’avenir de notre diplomatie

A.   Pour être efficace, la lutte contre la désinformation exige certaines compétences

Dans un contexte marqué par une extension de la compétition entre puissances à l’espace informationnel, la France est exposée à des manœuvres de désinformation et à des discours hostiles qui sont parfois le résultat de manipulations. Comme le rappelait le président de la République à l’occasion de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, la diplomatie française est confrontée au « narratif russe, chinois ou turc » qui explique aux opinions publiques, particulièrement sur le continent africain, « que la France est un pays qui fait de la néo-colonisation et installe son armée sur leur sol ». S’il est difficile d’en mesurer l’impact, ces campagnes de désinformation ne sont sans doute pas étrangères aux déboires de la France au Mali et, plus récemment, au Burkina Faso.

La diplomatie française est malheureusement restée assez passive face à ces attaques contre les intérêts français. Encore aujourd’hui, les ambassades de France ne sont pas toutes présentes et actives sur Twitter. En cause : un manque de sensibilisation des ambassadeurs à ces enjeux et des services de presse qui ne sont ni toujours bien pilotés, ni toujours bien équipés pour la guerre de l’information. Par ailleurs, l’opportunité d’une riposte à une tentative de désinformation visant les intérêts français est parfois difficile à évaluer, compte tenu de la nécessité d’éviter d’exposer la France à de nouvelles campagnes encore plus agressives ou de crédibiliser les mouvements ou les individus qui sont derrière ces attaques.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis soutient l’orientation donnée aux diplomates par le président de la République d’« associer davantage la société civile » en étant « plus réactifs sur les réseaux sociaux », en particulier en Afrique. Le budget traduit cette orientation en renforçant les moyens de la direction de la communication et de la presse du ministère de 2,5 millions d’euros. Ces moyens permettront de mettre en œuvre le plan de renforcement de la communication stratégique du ministère, adopté en décembre 2021. Ce plan repose sur quatre axes :

        doter le Département d’une nouvelle culture de la communication stratégique et d’un meilleur pilotage de la politique de communication, à travers, notamment, la création d’une troisième sous-direction chargée de la veille et de la stratégie au sein de la direction de la communication et de la presse du ministère et d’une cellule spécifique créée au sein de la direction des affaires stratégiques ;

        dynamiser et renforcer la présence du MEAE sur les réseaux sociaux, notamment pour toucher les jeunes publics. Une chaîne vidéo à destination de la jeunesse africaine doit ainsi être créée ;

        renforcer les capacités de veille sur les réseaux sociaux, à travers l’acquisition et le développement d’outils technologiques ;

        animer et renforcer le réseau, ce qui passe par la création d’un « fonds communication » doté d’un demi-million d’euros à destination des services de presse des postes.

Ce plan de communication paraît cependant omettre que, outre des moyens financiers, la lutte contre la désinformation exige des compétences spécifiques. La détection d’une attaque informationnelle sur les réseaux sociaux suppose des outils informatiques mais aussi des personnels qui maîtrisent les langues locales dans lesquelles sont généralement véhiculés les discours hostiles à la France. Si le Quai d’Orsay compte un certain nombre de locuteurs de swahili, peu de diplomates français maîtrisent des langues ouest-africaines comme le peul ou le bambara. Le rapporteur appelle donc à intégrer dans les épreuves obligatoires du concours d’Orient, heureusement maintenu, un choix plus vaste de langues rares qu’aujourd’hui.

Outre des capacités de détection, le ministère a besoin de moyens humains pour évaluer la portée de la désinformation et bâtir un contre-discours avec le bon vecteur. Le Quai d’Orsay doit donc également recruter des spécialistes des réseaux sociaux dont la compétence doit être fertilisée avec la compétence diplomatique.

Proposition : Renforcer la politique de communication du Quai d’Orsay par le recrutement de spécialistes des réseaux sociaux et de locuteurs de langues ouest-africaines.

Au Maroc, une ambassade confrontée aux discours antifrançais

Au Maroc, chaque publication de l’ambassade sur les réseaux sociaux est victime d’un flot de commentaires hostiles à la France, une tendance qui s’est renforcée depuis que les autorités françaises ont décidé, en septembre 2021, de réduire de 50 % le nombre de visas délivrés aux ressortissants marocains en raison d’une coopération consulaire difficile.

Les ripostes organisées par l’ambassade de France à Rabat sont rares, par crainte de susciter des réactions qui donneraient un écho encore plus grand aux discours antifrançais. Récemment, l’ambassade a néanmoins démenti la publication de fausses notes de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) auxquelles beaucoup ont cru, jusque dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Afin de ne pas se laisser entraîner dans une spirale négative, l’ambassade tente de se concentrer sur une communication « positive », qui insiste sur les succès de la relation bilatérale, comme le fait que les Marocains représentent le plus grand contingent d’étudiants étrangers en France ou que le Maroc représente le premier encours de l’Agence française de développement (AFD) dans le monde.

Conformément aux instructions du président de la République, l’ambassade à Rabat devrait prochainement se doter d’un porte-parole, traduisant la volonté d’une communication plus volontariste que ne l’incarne le conseiller presse.

La communication des ambassades pourrait également être améliorée par :

– une attention croissante portée aux pratiques des Instituts français, qui sont souvent des modèles du point de vue de la communication « positive » ;

– un renforcement de la coordination interservices en poste en matière de communication, qui pourrait être plus unifiée qu’elle ne l’est aujourd’hui ;

– une mobilisation plus fréquente du conseiller presse, qui n’est pas réservé exclusivement aux chancelleries, par les différents services pour leurs évènements.

B.   Le modèle des postes de présence diplomatique est utile mais il est nécessaire de remédier à certaines fragilités

En 2015, une réforme a conduit à réduire le format de certaines ambassades dans des pays jugés moins prioritaires au regard des intérêts français, afin de maintenir l’objectif d’universalité du réseau dans un contexte de diminution des moyens. Vingt-cinq ambassades ont ainsi été transformées en postes de présence diplomatique (PPD) ([4]). Le rapporteur pour avis s’est entretenu avec les chefs de poste au Népal et en Guinée-Bissau.

Cette réforme a permis au ministère – et c’était là son objectif principal – de faire des économies, notamment en dépenses de personnel. Alors que l’ambassade à Bissau comptait encore une trentaine de personnels à la fin des années 1990, elle ne compte plus que quatre agents expatriés et trois agents de droit local. Les suppressions de postes ne se sont pas toujours traduites par des économies et les coûts de personnel ont parfois été convertis en coûts de fonctionnement. Ainsi en a-t-il été des suppressions de postes d’agents de sécurité et de jardiniers, dont il a fallu externaliser les tâches.

Les postes dont le format a été réduit ont été contraints d’adapter leurs missions à l’évolution de leurs moyens. Au Népal, le PPD n’a plus que trois missions : l’animation des relations politiques, l’animation des relations économiques et les missions culturelles autour de l’Institut français et de l’école française. En revanche, les missions consulaires – aussi bien la délivrance de titres d’identité que de visas – ont été transférées au consulat de New Delhi, en Inde. De même, la France a renoncé à la mise en œuvre d’un programme bilatéral d’aide publique au développement au Népal, même si notre pays reste impliqué dans ce domaine par les contributions aux bailleurs européens et internationaux.

La viabilité du modèle des PPD n’est assurée que grâce aux soutiens importants dont bénéficient les postes concernés. Chaque PPD est rattaché à une ambassade mieux dotée qui lui apporte un appui, aussi bien de la part des services dits « métier » comme le consulat ou le service économique régional, que des services dits « support » comme l’antenne immobilière et le centre régional d’assistance informatique. En complément du soutien apporté par le poste de rattachement, les PPD bénéficient d’une attention particulière des administrations centrales à Paris. Enfin, les PPD bénéficient parfois d’un soutien de la part d’autres pays européens, au travers d’accords de représentation, et de l’Union européenne, qui organise des évènements permettant, lorsque le poste s’y associe, de porter la voix de la France.

Malgré tout, les PPD restent des structures fragiles. Les personnels qui y sont affectés doivent accepter une certaine solitude professionnelle et leurs analyses sont affaiblies par les faibles occasions données de confronter leurs idées. Surtout, la faiblesse des moyens exige de renoncer à certaines ambitions, ce qu’il peut être parfois difficile aux autorités hiérarchiques d’admettre. À titre d’exemple, les PPD ne pourront répondre à l’appel du président de la République d’associer davantage les sociétés civiles dans leur action, faute tout simplement d’en avoir les moyens.

Pour le rapporteur, la plus grande fragilité concerne l’action consulaire. Certes, les PPD sont en mesure de gérer l’urgence – la délivrance de laissez-passer, les visites aux détenus, l’organisation des élections – et bénéficient des tournées consulaires organisées par le poste de rattachement au bénéfice des Français sur place. Par ailleurs, pour gérer une grave crise consulaire comme celle liée au tremblement de terre à Katmandou en 2015, le PPD a besoin de soutien mais tel serait également le cas d’une ambassade dotée de plus de moyens.

Du point de vue de l’action consulaire, la principale fragilité des PPD concerne davantage l’activité courante que la gestion de l’urgence. Au Népal, les demandeurs de visa sont soumis à des délais de délivrance plus longs et des taux de refus plus élevés que les demandeurs indiens, ce qui tient en partie au fait que les agents instructeurs, basés à New Delhi, ont une moins bonne connaissance de ce pays. De leur côté, les Français résidant au Népal ne peuvent renouveler leurs titres d’identité qu’à l’occasion des tournées consulaires, qui ont été rendues impossibles pendant la pandémie mondiale et qui restent peu fréquentes en raison du niveau d’activité et de la faiblesse des moyens humains du consulat à New Delhi.

Compte tenu de ces difficultés et par soucis d’économie, d’autres pays que la France ont privilégié le modèle de l’ambassade régionale, compétente pour plusieurs pays, ou le modèle de l’ambassadeur non-résident, basé dans son pays d’origine mais effectuant des séjours fréquents dans son pays d’accréditation. Au Népal par exemple, seuls six pays européens disposent d’une ambassade : la Finlande, la Norvège, la Suisse, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France.

Le rapporteur pour avis estime néanmoins que le PPD, en ce qu’il permet de tendre vers l’universalité du réseau, reste le meilleur modèle dans un contexte budgétaire contraint. Résider dans un pays est en effet indispensable pour développer une connaissance fine de ses acteurs comme de ses modes de fonctionnement. C’est aussi un enjeu d’influence, les autorités locales étant naturellement plus attentives au discours d’un ambassadeur qui se déplace qu’au contenu d’une note verbale adressée depuis Paris. De façon plus inattendue, certains anciens ou actuels chefs de poste de PPD ont indiqué au rapporteur bénéficier d’une autonomie plus importante dans ces fonctions, qui favorisent la créativité et l’agilité. En définitive, le PPD présente des atouts importants, pour un coût modéré.

Pour autant, le PPD est un modèle qui peut encore être amélioré. D’abord, les administrations centrales, qui ne modulent pas toujours leurs attentes en fonction du format de chaque poste, pourraient être mieux sensibilisées sur les limites de l’action d’un PPD. Pour atténuer les effets de la solitude professionnelle, ces postes devraient par ailleurs être bien dotés en outils de mobilité. La réflexion engagée avec le ministère de l’intérieur pour envisager de donner aux PPD une compétence en matière de délivrance de titres d’identité doit aussi aboutir rapidement.

Enfin, chaque fois que cela paraît utile et à charge de réciprocité, des accords de représentation devraient être noués avec d’autres pays européens, notamment dans le domaine consulaire. En Guinée Bissau, un accord de représentation lie la France à l’Espagne, qui représente notre pays pour la délivrance de visas de court séjour. Au Népal, où la conclusion d’un accord de représentation avec la Suisse a échoué, une alternative doit être trouvée auprès d’un autre pays Schengen pour permettre la délivrance de visas depuis Katmandou.

Proposition : Dans les pays dans lesquels la France ne dispose que d’un poste de présence diplomatique (PPD), envisager de nouveaux accords de représentation avec des pays européens, notamment dans le domaine consulaire.

C.   Les contributions internationales de la France doivent s’insérer dans une stratégie globale et volontariste

Comme évoqué précédemment, le poids de l’ensemble des versements de la France au système onusien s’est progressivement réduit sur la dernière décennie. Cette réduction concerne principalement les contributions obligatoires, qui sont fonction de quotes-parts qui, dans le cas de la France mais aussi d’autres pays développés comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, diminuent en raison du recul de notre importance relative dans l’économie mondiale. Pour continuer de peser sur le système multilatéral, la France a entrepris de rehausser le montant de ses contributions volontaires avec toutefois une ampleur beaucoup plus limitée que nos partenaires.

En moins de dix ans, la France est ainsi descendue du sixième au dixième rang dans le classement des contributeurs internationaux et se place désormais très loin de nos partenaires, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni et a fortiori des États-Unis. Alors que, entre 2010 et 2019, les contributions de la France au système onusien ont baissé de 1,44 milliard à 1,10 milliard de dollars, sur la même période, celles de l’Allemagne (2e rang) ont augmenté de 1,73 à 4,1 milliards de dollars et celles du Royaume-Uni (3e rang), de 2,3 à 3,8 milliards de dollars. Le graphique ci-dessous illustre le décrochage de notre pays sur la dernière décennie.

 

Source : MEAE.

De façon positive, la France a récemment accentué son effort pour remonter le niveau de ses contributions volontaires. Ces cinq dernières années, le montant de nos contributions volontaires a ainsi doublé, un effort important mais qui doit être relativisé au regard du fait que les contributions volontaires ne représentent que 7 % du total des contributions de la France. En 2023, malgré l’effet de l’inflation et du change qui réduit l’importance de cet effort en valeur réelle, les contributions volontaires seront portées de 29,8 millions à 58 millions d’euros. Entre 2017 et 2023, les contributions obligatoires et volontaires de la France seront ainsi passées de 715 à 829 millions d’euros, soit une hausse d’environ 16 %. Les responsables du MEAE font ainsi valoir que la France est remontée au septième rang des contributeurs aux Nations Unies en 2020. Cette évolution est liée à l’augmentation de nos contributions volontaires mais aussi à la baisse des contributions d’autres pays dans le contexte de la pandémie, qui pourrait n’être que conjoncturelle. En tout état de cause, la France reste loin derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Le rapporteur pour avis estime que la trajectoire haussière de nos contributions volontaires n’est pas à la hauteur alors que la France aspire à continuer à peser dans le système international. Dans un rapport du Sénat publié en janvier 2022 ([5]), MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud appelaient eux aussi la France à « augmenter le niveau de nos contributions volontaires de sorte à réduire l’écart avec nos principaux partenaires au sein des organisations stratégiques par rapport à nos priorités. »

Proposition : Accentuer l’effort de remontée du niveau de nos contributions volontaires dans un contexte marqué par le décrochage de notre pays dans le classement des contributeurs internationaux.

Au-delà de la question des montants, la France doit également se soucier de l’allocation de ses contributions volontaires. Le Quai d’Orsay a ainsi réalisé ces dernières années une revue, qui a abouti à une évolution d’un saupoudrage à un meilleur ciblage de ses contributions volontaires relevant du programme 105, concernant plus particulièrement les organisations compétentes en matière de sécurité, le programme 209 portant quant à lui sur les contributions au bénéfice des organisations de développement. Ces contributions sont recentrées sur quatre priorités :

        le renforcement des outils de maintien de la paix et de prévention ou de médiation des conflits ;

        l’approfondissement de notre soutien aux organisations actives dans le champ de la sécurité internationale, au premier rang desquelles l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ;

        le placement d’experts auprès d’organisations internationales, matérialisé par le programme des jeunes experts associés (JEA), dont le nombre aura doublé, de 20 à 40, entre 2020 et 2023 ;

        le renforcement de l’attractivité de notre territoire pour les organisations internationales.

Le MEAE est cependant loin d’être le seul ministère à verser des contributions à des organisations internationales. Faute de coordination et de consolidation interministérielle, la France ne sait même pas combien elle verse à chaque organisation internationale, qui peut bénéficier de financements de plusieurs ministères. Comme le relèvent les sénateurs, « faute d’information centralisée, d’une part, et de volonté de l’organiser, d’autre part, l’État n’exerce ni suivi ni pilotage des contributions versées aux organisations internationales ». Le rapporteur appelle à confier au MEAE ce rôle de coordinateur interministériel.

D.   La politique immobilière du MEAE restera problématique tant que son financement s’appuiera en partie sur les produits de cessions

Pendant longtemps, le MEAE a conduit une politique immobilière totalement insoutenable. Conséquence d’une dotation budgétaire réduite à l’anecdotique, le financement des opérations immobilières du Quai d’Orsay reposait quasi exclusivement sur les ressources du compte d’affectation spéciale 723, alimenté par les produits de cessions du parc immobilier de l’État.

Ce mode de financement de la politique immobilière du ministère était aussi néfaste qu’inefficace. Le MEAE était en effet contraint de vendre les « bijoux de famille » pour entretenir un parc immobilier qui se réduisait comme une peau de chagrin. Par ailleurs, les produits des cessions, ponctionnés en partie pour contribuer au désendettement de l’État, ne permettaient pas de dégager des ressources suffisantes pour assurer un entretien satisfaisant du parc. Du consulat de France à Londres jusqu’aux campus diplomatiques à Bamako ou à Niamey, l’immobilier n’est souvent plus ni adapté aux besoins des personnels qui y travaillent, ni conforme à l’image que la France doit renvoyer dans le monde. Ce défaut d’entretien courant oblige aujourd’hui à devoir envisager des opérations très lourdes et fatalement plus coûteuses.

Compte tenu de cette situation fortement dégradée, le MEAE a lancé en janvier 2020 un plan de rattrapage sur l’immobilier à l’étranger qui prévoit environ 150 opérations prioritaires à mener entre 2021 et 2025. Si les opérations conduites sont diverses, la rationalisation et la densification des sites, comme celle conduite actuellement à Tanger, font partie des opérations privilégiées.

Le regroupement entre le consulat général et l’Institut français de Tanger : une opération immobilière utile

Le parc immobilier domanial français au Maroc est le troisième plus important en superficie à l’étranger, derrière le Liban et le Royaume-Uni. Le parc est composé de 72 bâtiments représentant une superficie de 64 000 mètres carrés et se trouve valorisé à 173 millions d’euros. Dans l’ensemble et par comparaison, le parc immobilier de l’État au Maroc est plutôt entretenu.

À Tanger, la principale emprise française est un parc d’un hectare et demi en cœur de ville, qui accueille le consulat général et la résidence de France, des lieux de prestige, connus de tous et emblématiques de la présence française.

La façade du consulat général depuis la place de France à Tanger

Après des années d’érosion des effectifs du poste, suivie de la suppression de l’activité visas qui s’est traduite par la suppression de 7 ETP supplémentaires, la question de l’occupation et du devenir du site du consulat s’est rapidement posée.

Une opération immobilière importante a ainsi été programmée. Dans un premier temps, la résidence, dont les appartements sont inoccupés, fera l’objet d’un important aménagement pour y installer à l’été 2023 les services consulaires, le rez-de-chaussée restant conservé pour les activités de représentation. Dans un deuxième temps, le bâtiment actuel du consulat sera aménagé pour y accueillir, à l’horizon 2024, la direction et une partie des services de l’Institut français.

Cette opération présente un double intérêt. D’abord, elle donnera une « vitrine » à l’Institut français, dont les sites actuels sont, non seulement sous tension mais dans un état déplorable malgré les travaux en cours. Ensuite, cette réorganisation devrait permettre certaines économies. Même si, contrairement à un regroupement similaire opéré à Fès, ce projet ne donnera pas lieu à la restitution d’un bien en location, il permettra la mutualisation de services de soutien (accueil, service technique, chauffeurs, gardiens) du consulat général et de l’Institut français. Les postes de consul général et de directeur de l’Institut français devraient même être fusionnés, ce qui sera un défi pour le titulaire de ce poste à « double casquette ».

Le rapporteur pour avis salue la remontée en puissance des moyens consacrés à l’immobilier décidée ces dernières années, même s’ils restent en deçà des 80 millions d’euros nécessaires chaque année pour mettre en œuvre toutes les opérations prévues par le plan de rattrapage sur l’immobilier à l’étranger. La dotation budgétaire consacrée à l’entretien lourd à l’étranger a ainsi été portée à 13 millions d’euros en 2019, 17 millions en 2020 et 41,7 millions en 2021.

La LFI pour 2022 prévoyait de poursuivre l’augmentation de ces moyens. Si elle maintenait à 41,7 millions d’euros les crédits consacrés à l’entretien lourd à l’étranger, elle garantissait, en plus de ces crédits budgétaires, un droit de tirage non remboursable fixé à 36 millions d’euros sur le CAS 723 permettant de consacrer, au total, 78 millions d’euros à la maintenance lourde des postes à l’étranger en 2022. Le PLF pour 2023 porte à 50,5 millions d’euros les crédits budgétaires et prévoit, à nouveau, la mise à disposition de 36 millions d’euros au titre du CAS 723.

Contrairement à ce que laissent paraître les documents budgétaires, au prix d’une insincérité certaine, le MEAE ne bénéficiera pas de deux enveloppes de 36 millions d’euros en 2022 et 2023. Ces 36 millions d’euros sont en réalité une seule et même enveloppe étalée sur deux années, le CAS 723 présentant l’intérêt d’échapper à la règle de l’annualité budgétaire.

À ce jour, d’après la direction de l’immobilier de l’État (DIE), l’autorité gestionnaire du CAS 723, seulement 12 millions sur les 36 millions d’euros d’autorisations d’engagement ont été délégués au MEAE et ces crédits n’ont fait l’objet que d’une consommation marginale.

D’après les responsables du MEAE, les échanges entre le ministère et la direction de l’immobilier de l’État pour acter une liste de projets éligibles aux financements du CAS 723 n’ont eu lieu que tardivement, en septembre. Selon la direction de l’immobilier de l’État, ce retard serait lié à la forte tension de trésorerie sur le CAS 723 en raison des avances qu’il a été amené à consentir par le passé, en particulier celle au MEAE qui n'a été que très partiellement remboursée. Selon les responsables du MEAE, la DIE monnayerait la disponibilité des crédits en imposant notamment des conditions nouvelles, dont l’élaboration de schémas pluriannuels de stratégie immobilière dans tous les pays, ce qui ne serait pas très pertinent.

Quelle que soit l’origine de ces difficultés, la moitié des financements envisagés pour mettre en œuvre le plan de rattrapage sur l’immobilier en 2022 manque à l’appel. En conséquence, le MEAE devra renoncer à plusieurs opérations envisagées, dont certaines peuvent être jugées impératives. Dans certains postes, des travaux de mise aux normes sont indispensables pour prévenir les départs de feu. Dans d’autres, des opérations de remise à niveau de voiries doivent être réalisées pour prévenir l’inondation des locaux diplomatiques et consulaires.

À court terme, le rapporteur pour avis appelle à rester vigilant à la mise à disposition du MEAE des 24 millions d’euros restants, en veillant à ce que celle-ci intervienne au plus tard l’année prochaine et qu’elle ne soit pas conditionnée à des cessions supplémentaires de la part du Quai d’Orsay, qui n’en a plus les moyens.

Proposition : À court terme, rester vigilant à la mise à disposition du MEAE des 36 millions d’euros sur le CAS 723, en veillant à ce que l’intégralité des crédits promis soient mis à disposition au plus tard à la fin 2023 et que le versement ne soit pas conditionné à des cessions supplémentaires de la part du Quai d’Orsay. 

À moyen terme, le rapporteur recommande de remettre en cause le CAS 723 comme mode de financement de la politique immobilière. D’abord, comme évoqué précédemment, il n’est pas sain de lier l’entretien du parc immobilier à la cession d’une partie du même parc. Ensuite, les difficultés de trésorerie du CAS montrent que cet outil n’est pas fiable dans une matière, l’immobilier, qui requière une visibilité pluriannuelle. Enfin, l’éclatement des crédits entre le programme 105 et le CAS 723 est une source de complexité pour les gestionnaires du MEAE dans la conduite des opérations immobilières. Au mieux, le CAS 723 doit représenter une ressource d’appoint de la politique immobilière du MEAE, ce qu’il n’est pas encore puisqu’il représente entre la moitié et le tiers des moyens de cette politique.

Proposition : À moyen terme, réduire le CAS 723 à une ressource d’appoint pour le financement de la politique immobilière du Quai d’Orsay.

L’augmentation des moyens budgétaires pose également la question des moyens humains affectés aux fonctions immobilières. En effet, la hausse des financements entraîne une augmentation du plan de charge et, pour les agents, une augmentation du nombre d’opérations immobilières à suivre. Or, les antennes immobilières régionales ne sont, le plus souvent, composées que de deux personnes, dont un volontaire international, ce qui est une source de fragilité. Le rapporteur appelle à rehausser les moyens humains en proportion des moyens budgétaires.

Proposition : Ajuster les moyens humains des antennes immobilières régionales à la hausse des moyens budgétaires consacrés à l’immobilier.

Enfin, sur un plan plus organisationnel, le rapporteur pour avis a observé une hétérogénéité des zones de compétence des services de soutien à vocation régionale. À titre d’illustration, le centre régional d’assistance informatique à Rabat est compétent pour l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye) quand l’antenne immobilière régionale est compétente pour le Sahel (Maroc, Mauritanie, Mali, Niger). Outre que ces découpages ne tiennent pas toujours compte de contraintes logistiques qui rendent difficile de projeter des personnels d’un pays à un autre, l’hétérogénéité des zones d’intervention des différents services régionaux peut être une source d’inefficacité pour des services qui peuvent avoir intérêt à se coordonner. Le rapporteur pour avis appelle à envisager les harmonisations possibles.

   Travaux de la commission

I.   Audition de Mme catherine coloNna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Lors de sa réunion du 4 octobre 2022, la commission a entendu Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2023.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, Madame la ministre, d’avoir accepté de venir dès le début de la session ordinaire 2022-2023 nous présenter le budget de votre ministère pour l’an prochain, qui déterminera vos marges d’action. Vous vous inscrivez dans une certaine continuité, puisque chaque premier mardi d’octobre le ministre de l’Europe et des affaires étrangères vient traditionnellement devant notre commission.

J’observe, pour commencer, que le budget de votre ministère, tel qu’il est prévu dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 devrait s’établir à un peu plus de 6,6 milliards d’euros, en progression de 542 millions d’euros, soit une augmentation assez importante de 9 %. Ce n’est pas trop décevant dans une période marquée par un souci de maîtrise des dépenses budgétaires – il ne faut pas dire qu’il s’annonce prometteur, car il ne faut jamais être trop optimiste.

Notre commission a désigné neuf rapporteurs pour avis. Dans les prochaines semaines du long marathon budgétaire qui s’ouvre, ils vont nous éclairer sur l’usage des crédits qui financent, directement ou indirectement, l’action extérieure de l’État, la politique d’influence et le rayonnement culturel de notre pays à l’étranger. Trois de ces rapporteurs ont la responsabilité d’examiner plus spécifiquement les programmes qui dépendent de votre département ministériel. En effet, le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) se répartit de manière un peu schématique entre deux missions : la mission Action extérieure de l’État et la mission interministérielle Aide publique au développement. Au sein de celle-ci, un programme budgétaire relève du Quai d’Orsay.

Les crédits de la mission Action extérieure de l’État s’élèvent à 3,1 milliards d’euros. Ils sont donc en hausse de 6,9 %. Pour mémoire, les dépenses de fonctionnement du ministère ne représentent que 17 % du total. Il faut saluer leur modestie. Quant aux contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, elles en représentent environ 27 %. Lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, au début du mois de septembre, vous avez vous-même annoncé que le temps du « réarmement » de notre diplomatie était venu, bien entendu au service de la paix.

De fait, nous pouvons nous réjouir collectivement que la mission Action extérieure de l’État bénéficie l’an prochain de la création nette de 100 équivalents temps plein (ETP). L’enjeu est de répondre aux besoins prioritaires que sont la présence dans la zone indopacifique, la capacité d’analyse politique, la sécurisation des emprises diplomatiques et la cybersécurité. S’y ajouteront 6 ETP pour la nouvelle délégation à l’encadrement supérieur. Cette création nette d’emplois est une première depuis 1993, même si votre prédécesseur avait eu le grand mérite de mettre un coup d’arrêt à la longue érosion des ressources humaines du Quai d’Orsay, qui était la norme de cet infortuné ministère depuis trop longtemps.

En matière d’immobilier, les moyens continueront leur progression. Nous y sommes très sensibles au sein de cette commission, comme en témoignent les critiques qui ont été effectuées dans le passé sur une gestion immobilière qui se voulait économe et qui était marquée du sceau de la ladrerie – ladrerie imposée au MEAE en interministériel. Les moyens continueront donc leur progression, pour atteindre 50,5 millions d’euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente une augmentation de 20 %. Le plan de sécurisation des emprises de nos ambassades pourra ainsi être poursuivi, ce dont nous ne pouvons que nous satisfaire.

Des financements seront également consacrés à la lutte contre la désinformation, notamment en Afrique. Notre stratégie d’influence se verra renforcée, grâce en particulier à des dotations en faveur de l’alliance internationale pour la protection du patrimoine des zones de conflit (ALIPH). Des crédits seront également affectés à la préparation de l’exposition universelle de 2025 à Osaka, et au soutien du réseau d’enseignement du français. Une aide spécifique de 10 millions d’euros a été octroyée aux établissements français du Liban. Pour être allé dans ce pays il y a quelques mois, je peux témoigner que ce ne sera pas du luxe.

Les dotations inscrites dans le programme 209 Solidarité avec les pays en développement de la mission Aide publique au développement s’élèvent à 3,3 milliards d’euros au total. Principal outil d’aide publique au développement du MEAE, elles augmenteront de 379,4 millions d’euros. Cette hausse devrait notamment permettre de plus que décupler la provision pour crise majeure, en la faisant passer de 23 millions d’euros à 270 millions d’euros. Les crédits destinés à la composante bilatérale de l’aide publique au développement (APD) française vont s’accroître de 300 millions d’euros et passer à 1,8 milliard d’euros. Cela correspond aux engagements pris à l’article 2 de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui constitue l’essentiel de l’œuvre législative de cette commission lors de la précédente législature. Elle a pour nous un caractère absolu.

Au titre de l’action humanitaire, les crédits globaux s’élèveront à 642 millions d’euros, contre 500 millions d’euros l’an passé et 154 millions en 2017. Ce n’est quand même pas rien ! L’aide alimentaire augmentera de 42 millions d’euros et le fonds d’urgence humanitaire bénéficiera d’une revalorisation de 30 millions d’euros. À cela s’ajouteront 75 millions d’euros pour l’initiative Food and agricultural résilience mission (FARM).

En définitive, chacun conviendra que le Gouvernement s’emploie à travers le PLF 2023 à revaloriser substantiellement les moyens accordés à nos services et à notre diplomatie. Je dois dire que, dans l’Assemblée nationale actuelle, il est infiniment préférable d’être président de la commission des affaires étrangères que rapporteur général du budget.

Ce rapide panorama me porte à croire que vous êtes, Madame la ministre, plutôt satisfaite des arbitrages effectués à l’occasion de ce projet de budget. Si vous trouvez que ce n’est pas assez, nous vous suivrons… Pour ma part, je vois beaucoup de points positifs dans les équilibres qui ont été trouvés.

Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Le 2 septembre 2022, lors de la Conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, j’avais réaffirmé qu’accroître notre ambition diplomatique impliquait d’augmenter les moyens du MEAE – comme cela avait déjà eu lieu depuis plusieurs années pour les autres ministères régaliens. Une augmentation avait été amorcée prudemment ces deux dernières années ; elle est renforcée dans le projet de budget qui vous est soumis. La hausse sensible des moyens du ministère bénéficie tant à la mission Action extérieure de l’État qu’à notre politique en matière d’APD. Vous l’avez souligné, ce budget prévoit aussi une hausse de nos moyens humains, inédite en près de trente ans, ce qui est très important pour le ministère.

Cette évolution prend tout son sens à la lumière de l’environnement international, que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer devant votre commission et qui ne s’est guère amélioré depuis. Un environnement brutal où il est urgent que la diplomatie intervienne encore plus activement. Les moyens supplémentaires que je m’apprête à vous présenter répondent à ces enjeux. Ils nous permettront de déployer une diplomatie combative, agile et innovante ; une diplomatie de résultats concrets, au service des Français.

Dans un premier temps, je vous présenterai l’économie générale de ce budget. Le MEAE comprend deux missions. La mission Action extérieure de l’État comporte les programmes 105 Action de la France en Europe et dans le monde, 151 Français à l’étranger et affaires consulaires et 185 Diplomatie culturelles et d’influence. La mission Aide publique au développement comprend le programme 110 Aide économique et financière au développement, qui est géré par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, qui relève du Quai d’Orsay.

La trajectoire d’augmentation de notre budget se confirme et s’amplifie. En 2023, il devrait ainsi atteindre 6,65 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), pour l’ensemble de ses missions, avec une augmentation de 543 millions d’euros – soit une progression de 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Cette hausse bénéficiera à hauteur de 160 millions d’euros à la mission Action extérieure de l’État, qui atteindra 3,218 milliards d’euros. Cela constitue une augmentation substantielle. Elle s’inscrit en outre dans la trajectoire d’augmentation des moyens de la mission Aide publique au développement. Le programme 209, rattaché au Quai d’Orsay, en bénéficiera à hauteur de 383,1 millions d’euros. Il atteindra 3,436 milliards d’euros et deviendra donc prépondérant dans le budget du ministère.

J’ajoute que les deux programmes de la mission Aide publique au développement, qui est pilotée par ce ministère et regroupe les programmes 209 et 110, atteindront 5,77 milliards d’euros. Cela représente une hausse de 17 % par rapport à 2022 et un doublement des crédits par rapport à 2017.

Par ailleurs, fait particulièrement notable cette année, nos effectifs vont croître pour la première fois en trente ans, avec 100 ETP supplémentaires. Les effectifs avaient baissé de 30 % au cours des deux dernières décennies et de 17 % depuis 2006 – et cela sans modification substantielle du périmètre du ministère. Le PLF 2023 marque une rupture avec cette tendance, qui n’était plus soutenable. Mon prédécesseur parlait d’hémorragie des emplois. Cette évolution était d’autant plus intenable que la situation internationale ne s’est pas améliorée et que les moyens de nos principaux partenaires ont crû ces dernières années. Le plafond d’emplois du ministère est ainsi porté à 13 634 équivalents temps pleins travaillés (ETPT). Pour un ministère comme le nôtre, il s’agit d’une augmentation substantielle. Elle visera pour l’essentiel à mieux répondre à des besoins accrus par la multiplication des crises internationales.

Afin de financer à la fois la hausse de notre plafond d’emplois et la poursuite des réformes en cours au sein du ministère, sa masse salariale connaîtra une hausse de 6 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022.

Ces moyens nouveaux permettront d’accélérer la réforme des ressources humaines, au bénéfice de toutes les catégories d’agents : titulaires, contractuels ou de droit local. Ces moyens nouveaux s’établissent à 15,7 millions d’euros. Ils permettront de financer la poursuite de la mise en œuvre du plan de modernisation des ressources humaines, amorcée dans le cadre de la loi de finances pour 2022, ainsi que des mesures nouvelles à hauteur de 8 millions d’euros.

Grâce à ces moyens, nous continuerons à renforcer l’attractivité des métiers diplomatiques, en agissant tout au long des carrières. Lors du recrutement d’abord, en adaptant les épreuves des concours à l’exercice de nos métiers mais aussi en diversifiant les viviers de recrutement, afin que le ministère reflète tous les visages de notre pays. Je veillerai ainsi à ce que soit poursuivie l’expérience très réussie des deux premières académies diplomatiques d’été de La Courneuve, où est implantée une partie du ministère.

Nous amplifierons ensuite notre effort de formation, initiale et continue, afin que nos agents disposent de toutes les compétences nécessaires à l’exercice de leurs métiers. C’est le sens de l’école pratique des métiers de la diplomatie (EDI), implantée à La Courneuve et créée à l’initiative de Jean-Yves Le Drian.

Enfin, les rémunérations doivent pouvoir garantir des conditions de vie et d’exercice professionnel satisfaisantes. Nous avons veillé à ce que les mesures bénéficient à toutes les catégories d’agents. Après le plan ressources humaines financé en 2022, qui a notamment permis une augmentation des rémunérations des titulaires comme des contractuels en administration centrale, nous poursuivrons en 2023 la mise en œuvre du plan de convergence des rémunérations entre agents titulaires et contractuels, en lui consacrant 6,4 millions d’euros. J’insiste sur ce point, parce que le MEAE emploie 52 % de contractuels. Il entend rester pionnier dans la mise en œuvre du principe « à fonction égale, salaire égal ». Une dotation de 1,6 million d’euros sera également consacrée à la revalorisation des volontaires internationaux, ces jeunes collègues qui font un travail remarquable dans nos ambassades. Enfin, 3 millions d’euros sont prévus pour l’harmonisation des rémunérations des agents de droit local.

Ces mesures salariales s’accompagnent en outre de dépenses visant à améliorer la vie et le parcours de nos agents. Le budget de 4,8 millions d’euros consacré à l’école pratique des métiers de la diplomatie, fortement augmenté en 2022, est reconduit en 2023. Il s’agit ainsi de consolider l’offre de formation accessible à tous les agents.

Pour répondre aux besoins, une attention particulière sera portée au logement social, y compris d’urgence, avec un budget de 2 millions d’euros, qui prolonge l’important effort d’augmentation du parc de logements consenti l’an dernier.

Face aux effets de l’inflation, nous avons prévu une provision de 24 millions d’euros destinée à soutenir la rémunération de nos agents à l’étranger, y compris ceux de droit local.

Enfin, le ministère va poursuivre la mise en œuvre de la réforme de la haute fonction publique, en faisant évoluer son organisation et son fonctionnement, afin de jouer pleinement son rôle de chef de file interministériel de l’action extérieure de l’État, rôle rappelé par le président de la République et la première ministre.

Après cette présentation générale, j’en viens à la mission Action extérieure de l’État, qui regroupe les programmes 105, 151 et 185.

Le PLF 2023 consacre le renforcement durable des moyens de notre diplomatie au service de trois priorités. La première concerne le programme 105. Il s’agit de nous donner les moyens d’agir efficacement dans un monde en voie de fracturation.

En ce sens, il est essentiel de maintenir un outil diplomatique universel, capable de se déployer partout dans le monde et d’agir dans la quasi-totalité des organisations régionales et internationales. La France dispose du troisième réseau diplomatique mondial, fort de 163 ambassades, de 16 représentations permanentes et de 90 consulats généraux. Nous sommes présents partout, et nous sommes en mesure de parler à tout le monde. C’est un atout majeur pour bâtir les coalitions qui nous permettent d’obtenir des votes favorables à l’organisation des Nations Unies (ONU), comme par exemple lors de la dernière Assemblée générale, où nous sommes parvenus à faire condamner l’agression en Ukraine et à isoler la Russie, ce qui n’était pas acquis. C’est également un outil puissant au service de nos ressortissants. C’est grâce à ce réseau universel que nous avons été en mesure de les aider pendant la pandémie de Covid-19, partout dans le monde.

Ainsi, en 2023, le programme 105 verra ses crédits croître de 77,9 millions d’euros, hors dépenses de personnel, pour s’établir à 1,308 milliard d’euros.

Cela concerne tout d’abord les contributions de la France aux organisations internationales et aux Nations Unies, qui matérialisent notre engagement en faveur du multilatéralisme, du maintien de la paix et de la sécurité internationale, ainsi qu’en faveur de la souveraineté de l’Union européenne (UE).

Au sein du programme 105, les contributions augmenteront de 45,5 millions d’euros pour tenir compte notamment des effets de change : plus de la moitié de nos versements sont réalisés en dollars américains, devise utilisée par les Nations Unies. Elles s’établiraient ainsi à 829,1 millions d’euros.

La contribution du MEAE à la facilité européenne pour la paix (FEP), fortement sollicitée dans le cadre des actions de soutien à l’Ukraine, s’élève à 67,8 millions d’euros ; l’autre part de la contribution française est financée par le ministère des armées.

Je me réjouis également de la hausse de 2,3 millions d’euros de la contribution française au budget de la Cour pénale internationale (CPI), dont l’activité augmente depuis l’agression russe en Ukraine et dont le travail est essentiel pour poursuivre les exactions et crimes de guerre perpétrés par la Russie. La lutte contre l’impunité est un axe fort de notre action car il n’y a pas de paix sans justice. J’ai ainsi reçu Karim Khan, le procureur de la CPI. De même, la contribution française au Conseil de l’Europe augmente de 4,8 millions d’euros, conséquence de l’exclusion de la Russie.

Enfin, nous poursuivons l’effort mené depuis 2020 pour les contributions volontaires sur les thématiques climatiques et de développement, assurées par le programme 209, qui augmenteront de 59 millions d’euros cumulativement avec celles retracées par le programme 105.

Alors que nos partenaires décident de hausses importantes de leurs contributions, cet effort vise à conforter l’action des organisations internationales sur des sujets prioritaires pour nos intérêts, ainsi qu’à consolider l’influence française dans le système multilatéral.

Les crédits du programme 105 augmenteront aussi pour l’entretien et la modernisation de l’exceptionnel patrimoine immobilier du ministère, en France comme à l’étranger. Ce patrimoine est un outil de travail mais aussi de rayonnement et d’influence. En 2023, nous pourrons nous appuyer sur les moyens supplémentaires affectés à la direction des immeubles et de la logistique du ministère, qui disposera d’un budget de 119,7 millions d’euros. Les crédits supplémentaires permettront de poursuivre la mise en œuvre de notre programmation immobilière.

J’ai par ailleurs décidé de quintupler la dotation annuelle aux projets de verdissement des ambassades et des consulats, qui atteindra ainsi la somme de 1 million d’euros. Ils ont été pionniers en la matière et aux avant-postes de la sobriété énergétique dans le service public dès la préparation de la COP 21. Ils ont été exemplaires et doivent le rester.

Dans un contexte de persistance et souvent d’aggravation de la menace, les moyens nouveaux du programme 105 concernent aussi la sécurisation des emprises. L’enveloppe croît de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 3 millions d’euros en CP. Cela permettra notamment de renforcer la sécurité des postes d’Islamabad, de Bagdad ou d’Addis Abeba et, plus largement, de sécuriser les ambassades là où nos agents sont exposés à des situations de crise ou d’instabilité.

La progression des crédits du programme 105 bénéficiera aussi au numérique, pour lequel nous continuons à consentir des investissements soutenus. Il s’agit d’améliorer l’efficacité de nos outils, de pallier les inégalités de déploiement selon les pays et de renforcer la cybersécurité de notre réseau, le deuxième le plus attaqué après celui de la présidence de la République.

La stratégie d’investissement numérique se poursuivra donc en 2023 et les moyens de la direction du numérique s’établiront à 52,2 millions d’euros, en augmentation de 4,4 millions d’euros.

Enfin, la hausse des crédits du programme 105 s’appliquera à la communication stratégique. C’est un enjeu de plus en plus pressant, alors que nous sommes confrontés à des opérations de désinformation et de propagande hostiles, souvent d’origine russe, qui visent à attiser les discours antifrançais sur les réseaux sociaux, notamment en Afrique ou en Europe. Afin de mieux lutter contre ces pratiques, nous augmenterons de 2,5 millions d’euros les moyens de la direction de la communication et de la presse.

S’agissant de communication stratégique, la deuxième priorité assignée à la mission Action extérieure de l’État et au programme 185 est de renforcer notre politique d’influence, à l’heure où nos compétiteurs en font un véritable outil de puissance. L’influence est au cœur de batailles mondiales de plus en plus féroces. Elle est nécessaire pour maintenir un espace de dialogue et de coopération avec les sociétés civiles, alors que les tensions entre États s’aggravent. L’apprentissage du français, l’enseignement supérieur ou le rayonnement de nos industries culturelles et créatives sont autant d’enjeux stratégiques.

En 2023, la diplomatie culturelle et d’influence verra ainsi ses crédits augmenter de 11 millions d’euros, après transfert de la subvention de l’opérateur Atout France au ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté numérique et industrielle. À périmètre constant, cela représente une augmentation de près de 40 millions d’euros. Le programme 185 disposera donc d’un budget total de 671,2 millions d’euros, hors dépenses de personnel.

Cette hausse permettra de soutenir les axes centraux de la diplomatie culturelle et d’influence.

Premier axe : l’éducation en français et à la française. Avec 566 établissements et près de 390 000 élèves dans 138 pays, le réseau d’enseignement français à l’étranger est un instrument unique d’influence. L’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) poursuit la mise en œuvre de son plan de développement, conformément à l’objectif de doublement du nombre d’élèves à horizon 2030, réaffirmé par le président de la République en mars 2018. Les moyens de l’agence seront renforcés à hauteur de 30 millions d’euros.

Deuxième axe : la diplomatie économique et la politique d’attractivité. Nous voulons aider l’offre française à rayonner à travers le monde et convaincre toujours plus d’entreprises étrangères d’investir en France. Pour la troisième année consécutive, la France a été en 2021 le pays européen qui a accueilli le plus d’investissements étrangers directs. Dans cette perspective, nous financerons en 2023 des contributions additionnelles à des événements qui renforceront la visibilité internationale de l’excellence française : coupe du monde de rugby et sommet Choose France en 2023, Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, Exposition universelle d’Osaka en 2025, entre autres. Le projet « marque France » va aussi monter en puissance dans les prochains mois. Cet effort, que l’opérateur Business France aura la charge de mettre en œuvre sous le pilotage du Quai d’Orsay, sera financé à la fois par des redéploiements et par des crédits nouveaux.

Enfin, l’année 2023 marquera la poursuite et le renforcement des dispositifs d’intervention du ministère en administration centrale et dans le réseau culturel, avec la reconduite des moyens de 2022. À cela s’ajouteront 2 millions d’euros pour les projets d’influence dans la zone indopacifique, pour renforcer l’attractivité française en matière d’expertise muséale et pour créer un fonds consacré aux innovations dans le domaine de la diplomatie d’influence.

La troisième priorité de la mission Action extérieure de l’État, c’est de mieux protéger et aider les Français de l’étranger. Comme chacun a pu le constater lors de la pandémie, le Quai d’Orsay est aussi le grand service public de nos concitoyens qui vivent hors de France.

En 2023, l’action consulaire retracée par le programme 151 sera dotée de 141,1 millions d’euros, hors dépenses de personnel – soit une légère baisse d’environ 900 000 euros en CP par rapport à 2022, année électorale. Le coût de l’organisation des élections présidentielle et législatives s’est élevé à 13,5 millions d’euros, somme qu’il est inutile d’inscrire en 2023 compte tenu de l’absence d’élections nationales. Pour autant, il est prévu d’augmenter de 12,6 millions d’euros les moyens consacrés aux Français de l’étranger et à l’action consulaire. La qualité du service rendu à nos compatriotes ne sera donc en rien entamée.

Alors que nombre d’entre eux sont confrontés à des contextes économiques dégradés, ils pourront continuer à compter sur une gamme d’aides sociales inégalée chez nos partenaires. Je voudrais que l’on mesure mieux qu’on ne le fait à quel point le niveau de service offert par les consulats et les ambassades est sans comparaison dans le monde.

Les bourses scolaires destinées aux enfants français qui étudient dans les établissements du réseau de l’AEFE retrouveront leur niveau de 2021, avec un budget de 105,8 millions d’euros, qui comprend des bourses spécifiques pour les enfants en situation de handicap. Des crédits supplémentaires seront alloués à l’aide sociale, les inégalités ayant progressé pendant la crise pandémique (16,2 millions d’euros en 2023, soit 1 million de plus qu’en 2022). Le dispositif de secours occasionnel de solidarité – dit « SOS Covid » –, qui représentait 12 millions d’euros en 2021 et 4,3 millions d’euros en 2022, sera remplacé par une aide sociale classique pour ceux de nos compatriotes qui en auraient besoin. Ils pourront en outre compter sur le soutien des organismes locaux d’entraide et de solidarité (dotés de 1,4 million d’euros en 2023) et sur celui des associations agissant en faveur des Français de l’étranger, grâce au dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l’étranger (STAFE) – 2 millions d’euros en 2023. Toutes ces aides sont distribuées en liaison avec les élus consulaires, qui constituent de précieux relais des besoins des Français de l’étranger et de nos actions.

Être aux côtés des Français de l’étranger, c’est aussi leur faciliter la vie en simplifiant leurs démarches. En ce sens, nous poursuivrons la modernisation de l’action consulaire à travers trois projets phares : la numérisation du registre de l’état-civil ; l’amélioration continue du dispositif de vote par internet ; la mise en place de l’expérimentation du service France Consulaire. Depuis ses débuts en octobre 2021, celui-ci a été étendu à treize pays : Croatie, Danemark, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Moldavie, Norvège, République tchèque, Roumanie, Slovénie et Suède. Son extension en Europe se poursuivra jusqu’en 2023, avec la Grèce dès cette année, puis la Bulgarie ou encore Chypre, avant de se prolonger dans le reste du monde en fonction des moyens disponibles.

Aider les Français de l’étranger, c’est également développer de nouveaux services, comme l’expérimentation du renouvellement des passeports sans comparution, qui débutera en 2023 au Canada et au Portugal. Ou encore le déploiement à grande échelle de la nouvelle application de rendez-vous consulaires.

J’en viens maintenant à notre action de solidarité à l’égard des pays en développement, conduite par le programme 209. La priorité du PLF 2023 est claire : renforcer et moderniser l’APD.

Ses crédits sont gérés par les programmes 209, qui relève du Quai d’Orsay, et 110, qui dépend de Bercy. La progression importante de ces crédits traduit les engagements pris lors du vote de la loi de programmation du 4 août 2021. Cet effort doit permettre de concrétiser l’ambition du président de la République en matière d’APD, en conservant une trajectoire très dynamique en volume. Cela représente près de 860 millions d’euros d’augmentation sur l’ensemble de la mission, dont 383,1 millions d’euros pour le programme 209 et 476 millions pour le programme 110.

En attendant le prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui devrait se tenir d’ici à la fin de l’année sous l’égide de la première ministre, nos priorités restent celles fixées par celui de 2018, confirmées par la loi du 4 août 2021. Il s’agit de cinq priorités sectorielles et de priorités géographiques. Les premières concernent la santé, le climat, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’éducation, la prévention des crises et le traitement des fragilités. Les secondes nous amènent à concentrer l’aide sur dix-huit pays d’Afrique subsaharienne et sur Haïti.

Au-delà de ces priorités, la capacité à répondre aux crises humanitaires est aujourd’hui un enjeu majeur. Ce projet de budget en prend pleinement la mesure. L’aide humanitaire programmée atteint ainsi 642 millions d’euros par le biais de trois canaux principaux : 200 millions d’euros mis en œuvre par le fonds d’urgence et de stabilisation (+ 30 millions d’euros) ; 160 millions d’euros destinés à l’aide alimentaire programmée (AAP) (+ 41,7 millions d’euros) ; 200 millions d’euros pour les contributions volontaires humanitaires aux Nations Unies (+ 19,5 millions d’euros). L’initiative FARM recevra 75 millions d’euros, afin de répondre à l’aggravation de l’insécurité alimentaire mondiale provoquée par l’invasion de l’Ukraine et par le blocus de la mer Noire.

Afin d’être les plus réactifs possible, cette programmation a été doublée par la constitution d’une provision pour crises majeures, que nous avons réussie à plus que décupler, en la portant de 23 millions à 270 millions d’euros. Un tel saut quantitatif devient qualitatif et il doit permettre de répondre efficacement à de nouvelles urgences humanitaires. En tout, ce sont donc 912 millions d’euros qui sont susceptibles d’être consacrés à l’aide humanitaire en 2023.

Je voudrais enfin rappeler que, conformément à la loi du 4 août 2021, la part d’aide bilatérale sera rehaussée, passant de 1,6 milliard d’euros en 2022 à 2,1 milliards d’euros en 2023. Outre l’aide humanitaire que je viens d’évoquer, cela se traduit par une augmentation de l’aide-projet (+84 millions d’euros), dont 20 millions d’euros pour les projets mis en œuvre par les organisations non gouvernementales (ONG) et 10 millions d’euros pour l’enveloppe allouée au fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI). Ces projets sont plébiscités par les ambassades du fait de leur impact rapide et visible. Leur enveloppe sera donc portée à 80 millions d’euros. Enfin, 20,6 millions d’euros supplémentaires seront affectés aux experts techniques internationaux (ETI), conformément à l’objectif présidentiel de doublement de leur nombre à l’horizon 2023.

La santé mondiale restera une priorité l’année prochaine. Je pense notamment au fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), qui a sauvé 50 millions de vies en vingt ans d’existence et qui, comme l’a rappelé récemment le président de la République, a l’ambition de faire disparaître ces maladies d’ici à 2030. Nous y prendrons toute notre part. Outre 70 millions d’euros pour la reconstitution 2020-2022 du fonds, nous allons lui consacrer 300 millions d’euros supplémentaires pour le prochain cycle triennal 2023-2025, soit près de 1,6 milliard d’euros sur l’ensemble de la période.

La part du programme 209 consacrée à la coopération européenne s’établira à 374 millions d’euros à travers le fonds européen de développement (FED). Elle poursuivra sa diminution jusqu’à extinction des projets démarrés dans le cadre du 11e FED, qui sera définitivement remplacé en 2027 par le nouvel instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI).

Les ressources du programme 209, comme celles du programme 110, sont complétées par le fonds de solidarité pour le développement (FSD), géré par l’Agence française de développement (AFD) pour le compte de l’État. Doté de 738 millions d’euros, dont 487 millions d’euros au titre de la quote-part du MEAE, le FSD poursuivra le financement de plusieurs fonds multilatéraux dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Avant de conclure, un mot du nouveau mécanisme de restitution des biens mal acquis, créé au sein de la mission Aide publique au développement par la loi de finances pour 2022. Sous la responsabilité du MEAE, le programme 370 doit permettre, à terme, de restituer sous la forme de projets de coopération et de développement avec les populations concernées les recettes issues de la cession de biens mal acquis. Les financements vont progressivement se mettre en place dès que les procédures judiciaires aboutiront. Le MEAE suit attentivement la montée en puissance de ce dispositif, qui dépend de l’avancée des procédures judiciaires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Vincent Ledoux (RE). Après avoir rapporté pour avis pendant cinq années sur le budget de l’action extérieure de l’État et après avoir déploré la lente érosion de ses moyens – tout en saluant l’action de votre prédécesseur pour atténuer et inverser la tendance – je ne peux qu’être heureux aujourd’hui de voir une rupture fondamentale. J’espère qu’elle se maintiendra tout au long de la législature qui commence.

Trois axes principaux sous-tendent votre action dans le monde. D’abord une vision réaliste des relations internationales car la violence et la force sont bien souvent nichées au cœur des stratégies d’influence. Votre prédécesseur avait l’habitude de dire que l’influence est une forme de guerre par d’autres moyens. Nous ne pouvons pas être dupes du hard qui prend les apparences du soft. Nous saluons donc l’augmentation des moyens destinés à lutter contre la désinformation et les propagandes toxiques, qui s’exercent violemment à l’encontre de la France – notamment en Afrique, mais pas seulement. Il faut impérativement répliquer à la hauteur des attaques que nous subissons, telle que celle qui est hélas intervenue ce week-end au Burkina Faso contre un établissement symbole du rayonnement culturel francophone.

Après la vision réaliste, je saluerai l’esprit d’ouverture. Nous ne pouvons et nous ne devons pas nous recroqueviller sur nous-mêmes, animés d’un esprit de défaitisme. C’est le sens de votre politique d’influence et de l’augmentation des moyens pour favoriser la présence de la France dans les grandes organisations internationales des Nations Unies. Parce que la conflictualité augmente, il faut plus que jamais réinventer toutes les formes de discussion, dans tous les forums possibles. Comme vous l’avez dit, nous devons parler partout et avec tout le monde.

Enfin, j’évoquerai le terme de réinvention – vous employez celui de réarmement – car le piège serait de se contenter d’énumérer les organismes et les dispositifs qui composent notre réseau d’influence. Vous avez heureusement choisi de conforter la vision du rôle du diplomate tel un ensemblier au service des divers atouts de notre diplomatie – et Dieu sait que j’ai pu constater l’excellence de nos diplomates pendant ces cinq années écoulées. Ce PLF constitue l’occasion de saluer leur action de par le monde, leurs qualités, leur dévouement et leur bonne volonté à mettre en œuvre cette feuille de route que je souhaite que nous votions. Le groupe Renaissance vous soutiendra pour l’appliquer et en assurer le plein succès.

Mme Marine Le Pen (RN). Ma première question est d’une actualité brûlante, puisqu’il semblerait qu’une émission du magazine d’investigation Complément d’enquête évoque la distraction ou la disparition de mobilier national à des hauteurs insoupçonnées, notamment dans votre ministère. Allez-vous ouvrir une enquête au sein du MEAE concernant le vol de ce qui appartient aux Français ?

Je vous remercie pour tous les chiffres que vous nous avez communiqués. Cependant, comme le disait Jean Bodin : « Il n’est de richesse que d’hommes ». Et j’ajouterai : que d’hommes de qualité car leur nombre ne fait pas tout. Je souhaite appeler votre attention sur la mise en extinction du corps des ministres plénipotentiaires et de celui des conseillers des affaires étrangères à partir du 1er janvier 2023, décidée par le président de la République. Le décret procédant pour cela à la fusion de ces deux corps a été signé le 16 avril 2022. Ces diplomates auront le choix entre demeurer dans un corps dit d’extinction ou être intégrés au corps des administrateurs de l’État, uniformisé et interministériel. Il s’agit de facto de privatiser la haute fonction publique et de promouvoir le népotisme, sous le prétexte de favoriser l’innovation et le dynamisme.

Ce projet est mortifère, notamment parce que les spécialités des hauts fonctionnaires ne sont pas interchangeables. Tous les fonctionnaires n’ont pas la fibre internationale, ni les diplomates la fibre préfectorale. Ce décret de mise en extinction vise un ministère déjà très éprouvé par une réduction d’effectifs de 50 % au cours des trente dernières années. Il est d’autant moins justifié que le Quai d’Orsay est l’une des administrations les plus ouvertes et diversifiées, avec 19 % des ambassadeurs et 41 % des chefs de service qui ne sont pas diplomates. Il en est de même pour les 52 % d’agents contractuels.

Lorsqu’on a choisi de consacrer sa vie au rayonnement et à la promotion de la France sur la scène internationale, à l’issue du concours le plus sélectif de la fonction publique, il serait absurde d’être contraint de mener une carrière systématiquement interministérielle et indifférenciée.

Il s’agit en réalité de la fin de toute spécialisation, pourtant gage de performance du réseau diplomatique. C’est la fin de la transmission de la mémoire de l’institution, de l’accumulation de l’expérience, du façonnement d’une culture et de compétences particulières. C’est condamner notre personnel diplomatique à l’éternel noviciat. À l’heure du retour de la guerre en Europe, de l’effondrement de l’influence française en Afrique et de la remise en cause de l’ordre international né en 1945, l’urgence est de renouer avec une politique étrangère puissante.

Ma question est simple : qu’en est-il des états généraux de la diplomatie, promis par le président de la République et censés être une plateforme de négociation au sujet de cette réforme ? Notre outil diplomatique et consulaire garantissait à la France de tenir un rang conforme à son siège permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies et à son statut historique de grande puissance. Le professionnalisme et la qualité dont est empreinte notre diplomatie sont salués dans toutes les enceintes internationales, par les alliés comme par les rivaux. Avec les deux concours du cadre d’Orient, cette diplomatie incarne l’exception française, que vous devriez protéger et non détruire. La fusion interministérielle serait fatale à la survie de l’excellence diplomatique française. Nous ne pouvons pas nous le permettre, à l’heure ou la Chine, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Turquie et les États-Unis renforcent leurs réseaux diplomatiques et consulaires.

Plus que jamais, je suis convaincue que nous devons renouer avec le concept d’État stratège, sans recours excessif à la privatisation de ses fonctions régaliennes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je tiens à rappeler que notre commission a désigné deux rapporteurs d’information, MM. Ledoux et Le Gall, sur cette question tout à fait importante de la réforme du corps diplomatique.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). En cette période de résurgence des conflits sur le continent européen et d’aggravation des crises de tous ordres au niveau mondial, la France se doit de disposer d’une action extérieure forte et d’un programme ambitieux de solidarité internationale. À la lecture du PLF 2023, nous notons quelques évolutions positives, comme l’augmentation des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État, ainsi que l’augmentation du plafond d’emplois du MEAE de 106 ETP.

Cette annonce nous semble néanmoins tardive et insuffisante, après des décennies d’affaiblissement de notre diplomatie. En effet, les effectifs du ministère ont été réduits de moitié en l’espace de trente ans. Le détricotage du troisième plus grand réseau diplomatique au monde serait de plus amplifié par la réforme prévoyant la suppression des corps diplomatiques. Les personnels de votre ministère ont lancé un mouvement de grève inédit en juin dernier pour dénoncer une réforme qui porterait aux nues le nivellement par le bas et l’ubérisation de notre diplomatie, tout en augmentant le pouvoir discrétionnaire sur les nominations des hauts fonctionnaires. Emmanuel Macron proclame sa volonté de dialoguer et de tenir des états généraux de la diplomatie, tout en répétant qu’il ne reviendra pas sur une réforme pourtant unanimement critiquée.

Quelles mesures envisagez-vous pour défendre une diplomatie professionnelle, capable de peser sur la scène internationale ? Cela passe par l’interruption de cette réforme et par l’engagement d’une politique volontariste, pour être à même d’assurer les vastes missions dévolues au ministère.

Je souhaite également attirer votre attention sur les moyens consacrés au programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires, pour lequel le PLF 2023 prévoit une légère hausse des crédits. Nombre de Français à l’étranger font face à des délais d’attente considérables pour effectuer des démarches administratives. Il faut s’interroger sur l’objectif de dématérialisation des services consulaires alors que nos concitoyens à l’étranger peinent à trouver un interlocuteur et un accueil humain. Quelles sont les mesures que vous prévoyez pour garantir une action consulaire de qualité ?

Le PLF 2023 ambitionne de porter à près de 6 milliards d’euros les crédits alloués à l’APD, afin que 0,55 % du revenu national brut y soit consacré. Cette hausse des crédits doit pourtant nous amener à une réflexion sérieuse et critique sur la manière dont elle est déployée. En effet, nous avons émis de nombreuses critiques quant à la transparence et au ciblage, géographique et thématique, des projets financés par l’APD. Il est en particulier regrettable que la politique d’aide au développement soit menée par une banque, ce qui constitue une contrainte structurelle qui implique la prééminence de prêts et entretient une logique de dépendance et d’endettement des pays bénéficiaires.

Quelles solutions peuvent être adoptées pour recourir davantage aux dons et aux subventions plutôt qu’aux prêts, afin de faire de l’APD un outil qui soit réellement au service de la solidarité internationale ?

M. Michel Herbillon (LR). Le 15 août 2022, les derniers militaires français de l’opération Barkhane ont quitté le Mali, ce qui met fin à neuf ans de lutte contre le terrorisme menée d’abord dans le cadre de l’opération Serval. Au total, cinquante-huit soldats français sont morts en moins d’une décennie en combattant les groupes armés salafistes djihadistes et pour défendre les valeurs auxquelles la France, l’Europe et plus largement le monde occidental, sont particulièrement attachés.

Samedi dernier, des manifestants ont tenté d’incendier l’ambassade de France, à Ouagadougou. C’est dans cette ville que le président Macron avait tenu un discours sur la refondation des relations entre la France et le continent africain en novembre 2017. L’institut français de Bobo-Dioulasso a été également pris pour cible. Au Mali comme au Burkina Faso, la France fait l’objet de nombreuses campagnes de désinformation. Notre pays et ses ressortissants y sont attaqués. Difficile de ne pas y voir l’action de la Russie et des milices du groupe Wagner, qui jouent un rôle majeur pour déstabiliser notre présence dans cette région de monde. En mars 2022, lors du vote sur la résolution à l’ONU contre la guerre en Ukraine, le Sénégal – avec qui la France entretient des relations étroites de longue date – a fait partie des pays africains qui se sont abstenus.

À l’occasion de la Conférence des ambassadrices et ambassadeurs, le président de la République et vous-même avez fortement insisté pour que notre diplomatie publique soit beaucoup plus offensive en Afrique. Vous avez pour cela nommé une ambassadrice chargée de la diplomatie publique en Afrique. Si je salue cette initiative, il n’en demeure pas moins qu’il convient de tirer les conclusions de cette année catastrophique pour l’influence de la France sur ce continent. Quelle analyse faites-vous de la situation et dans quelle mesure vous conduit-elle à redéfinir la stratégie de la France en Afrique ?

Par ailleurs, les priorités de la politique de développement au cours de ce quinquennat et la trajectoire de l’APD feront prochainement l’objet d’un comité interministériel. À cette occasion, et bien que cela puisse être malheureusement préjudiciable pour les populations, allez-vous défendre la remise en cause de l’APD dans des pays qui sont désormais résolument hostiles à la France ?

Toujours lors de la Conférence des ambassadrices et ambassadeurs, le président de la République a annoncé la tenue d’états généraux de la diplomatie d’ici à l’automne. Cette annonce fait suite notamment à la grève, historique, de nombreux diplomates contre la réforme de la haute fonction publique qui prévoit l’extinction du corps des conseillers des affaires étrangères et de celui des ministres plénipotentiaires. Je ne suis pas certain que cette réforme vise à, je vous cite, « renforcer l’attractivité du métier diplomatique ». Il est parfaitement anormal, Madame la ministre, que la commission des affaires étrangères n’ait pas été saisie de ce dossier, ni même informée. Le calendrier électoral ne saurait justifier ce défaut d’information.

Quand ces états généraux seront-ils organisés ? Et le seront-ils pour acter un état de fait ou peuvent-ils remettre en question cette réforme, qui risque de profondément affaiblir notre corps diplomatique pourtant considéré comme l’un des meilleurs au monde ?

Mme Laurence Vichnievsky (DEM). Avant d’en venir au budget, je souhaiterais connaître les modalités de retour de femmes et des enfants de djihadistes détenus sur le territoire syrien, en cours d’étude au sein du MEAE.

Le budget que vous présentez comporte de bonnes nouvelles. Il est en augmentation de 9 % ; il faut le souligner et s’en féliciter. Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) se réjouit de la création de plus d’une centaine de nouveaux emplois, pour la première fois depuis près de trente ans. Je tiens ici à saluer le travail de votre prédécesseur, Jean-Yves Le Drian, qui a beaucoup œuvré pour mettre fin au cycle néfaste de réduction des effectifs, entamé depuis de trop nombreuses années. Ces nouveaux emplois permettront de répondre à des besoins essentiels pour l’action de la France, notamment le renforcement de la capacité d’analyse politique dans les directions du ministère les plus exposées, afin de permettre de mieux anticiper les mouvements à venir dans un contexte géopolitique de plus en plus complexe.

Renforcer la présence française dans la zone indopacifique doit aussi être une priorité. Les événements actuels à l’Est de l’Europe ne doivent pas faire oublier que c’est dans cette zone que se situent de nombreux enjeux pour l’avenir du monde et sa stabilité. Il faut également saluer la revalorisation des moyens accordés à la diplomatie culturelle et d’influence, avec notamment la hausse du budget de l’AEFE, dont une partie viendra soutenir l’action, essentielle, de cette institution au Liban, pays qui nous est si cher.

L’augmentation des crédits de l’APD est essentielle ; avec de près de 380 millions d’euros, elle se situe dans la droite ligne de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Il est en effet primordial que la France continue d’être un acteur majeur dans l’accompagnement du développement équilibré des pays les moins avancés, pour aider les populations et préserver leur environnement.

Je terminerai par une interrogation au sujet du renforcement du budget destiné à la lutte contre la désinformation anti-française, comme celle que l’on connaît en Afrique, mais pas seulement. Pourriez-vous nous détailler cette mission et ses objectifs ?

Pour conclure, je vous assure du soutien de notre groupe lors de l’examen de ce bon budget, qui sera examiné par notre commission très prochainement.

M. Alain David (SOC). Je vous remercie pour cette présentation, qui reprend les informations qui figurent dans le dossier de presse. Nous aurions sans doute eu besoin de plus d’éléments, et notamment des projets annuels de performances, pour disposer d’une meilleure vue du PLF. Mais je ne doute pas qu’avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés nous présenterons quelques amendements, comme nous en avons l’habitude.

Les arbitrages budgétaires sont liés aux évolutions de la situation internationale et, en particulier, au conflit en cours entre la Russie et l’Ukraine.

S’agissant du rayonnement de la France à l’étranger, le secteur audiovisuel public extérieur est aussi l’une des voix de notre pays. France Médias Monde diffuse dans le monde entier – ou presque – une information objective et non partisane, lutte contre la désinformation, accompagne notre diplomatie ainsi que le commerce extérieur et transmet nos valeurs, en promouvant la francophonie.

La suppression de la redevance audiovisuelle va provisoirement être compensée par une part de TVA jusqu’en 2025. Après, c’est l’incertitude. Cette absence de visibilité suscite des inquiétudes. Vous avez à diverses reprises affirmé votre soutien à France Médias Monde. Pouvez-vous le confirmer de nouveau à l’occasion de ce projet de budget ?

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Tout d’abord, nous nous félicitons de la hausse des crédits accordés à votre ministère. Je souhaite néanmoins attirer votre attention sur le déficit commercial, qui va atteindre cette année un niveau record du fait de la conjoncture internationale, de l’envolée de la facture énergétique et de la dépréciation de l’euro.

Moteur traditionnel de notre commerce extérieur, le secteur aéronautique est confronté à de très sévères difficultés. Cette filière est dans une situation paradoxale. Le marché mondial de l’aviation commerciale reste en effet dynamique, grâce au renouvellement important de la flotte par des avions de nouvelle génération, qui consomment jusqu’à 25 % de carburant en moins. Durant la crise sanitaire, Airbus et ses sous-traitants ont su conserver une avance technologique indéniable, tout en avançant fortement vers la décarbonation. Pourtant, ils ne peuvent pas répondre à la demande, principalement en raison de la rupture d’approvisionnement de matériaux comme le titane – indispensable à la fabrication de certaines pièces – et de composants électroniques.

Le rapport remis au Gouvernement en janvier 2022 par Philippe Varin a souligné la fragilité des chaînes d’approvisionnement et la nécessité de retrouver une souveraineté industrielle. Cela concerne aussi bien l’aéronautique que les producteurs de batteries électriques ou le secteur éolien. Plusieurs rapports récents mettent en garde contre la menace de pénurie mondiale de certains matériaux, indispensables pour répondre au défi de la transition énergétique.

Les outils d’accompagnement des entreprises présentes sur le marché international sont appréciés et jugés performants. Il faut d’ailleurs saluer le travail de la direction de la diplomatie économique du MEAE. Mais ne faudrait-il pas se montrer plus innovants et plus combatifs, compte tenu de la menace de rupture des approvisionnements. Si elle n’est pas nouvelle, elle prend une tout autre ampleur dans le contexte géopolitique actuel.

Comment la puissance publique pourrait-elle aider davantage les acteurs concernés à sécuriser ces approvisionnements internationaux, à commencer par ceux de la filière aéronautique ?

M. Hubert Julien-Laferrière (ÉCOLO-NUPES). Je joins ma voix à celle de mes collègues pour vous dire que nous sommes satisfaits de l’augmentation sensible des crédits du MEAE, en particulier de celle de plus de 850 millions d’euros de la mission Aide publique au développement. Cette hausse devrait permettre de répondre aux objectifs de programmation financière, dans la continuité des augmentations opérées lors de la législature précédente. Nous espérons aussi qu’elle permettra de se rapprocher de l’objectif de 0,7 % du PIB, fixé par la communauté internationale dès les années 1960. Je souhaiterais à cet égard saluer le travail de notre commission au cours de la précédente législature car c’est un amendement qui a permis d’inscrire dans la loi de programmation l’objectif de 0,7 % en 2025.

Nous serons vigilants au sujet de l’allocation de ces ressources et du respect des objectifs et des priorités que vous avez vous-même rappelées. Pour ce qui est des instruments, la priorité doit être donnée aux dons plutôt qu’aux prêts.

La loi a défini dix-neuf pays prioritaires. Je voudrais rappeler à notre collègue Michel Herbillon que l’aide au développement ne se limite pas à l’aide budgétaire. Certains parmi ces pays prioritaires souffrent des crises actuelles, de la guerre et du terrorisme. Des ONG, à Bamako notamment, continuent malgré tout leur travail, ce qui permet de maintenir l’APD et de ne pas abandonner ces pays. Je tiens à rappeler aussi l’importance de l’aide bilatérale, dont le rattrapage budgétaire ne doit pas se faire au détriment de l’aide multilatérale, qui est indispensable contrairement à certaines idées reçues.

Je souhaite aborder la question du fonds de solidarité pour le développement et, en particulier, de la taxe sur les transactions financières (TTF). La part de cette taxe qui est consacrée au développement est plafonnée à 528 millions d’euros. Depuis maintenant plus de dix ans, les recettes augmentent mais ne profitent pas à l’objet pour lequel la taxe a été créée, c’est-à-dire l’APD. L’augmentation des recettes va en effet uniquement au budget général. J’essaie depuis des années de convaincre mes collègues et le rapporteur général du budget de mettre un terme à cette anomalie. Je n’y suis pas encore parvenu, malgré le soutien du ministre Jean-Yves Le Drian. J’espère que l’on arrivera enfin à faire en sorte que l’augmentation des recettes de la taxe sur les transactions financières soit effectivement affectée à l’APD.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Notre groupe se félicite de la hausse du budget du MEAE. J’espère pour ma part que ces moyens supplémentaires signifieront plus d’activisme de vos services en faveur de Mayotte et une diplomatie plus agressive pour défendre ce département français sur la scène internationale.

Le mercredi 28 septembre dernier, la commission des lois a auditionné Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer. Durant cette audition, la situation de Mayotte et la question de l’immigration comorienne ont été abordées par plusieurs collègues. En 2021, plus de 10 000 naissances ont eu lieu à Mayotte. On décrit souvent l’hôpital de Mamoudzou comme la première maternité d’Europe mais c’est oublier que parmi les 10 000 bébés qui y naissent, 7 400 le sont de mères comoriennes, souvent en situation irrégulière et qui espèrent accéder à la nationalité française grâce à ces enfants. La machine démographique et la poussée migratoire comorienne à l’œuvre à Mayotte déstabilisent profondément notre département. Violence, accaparement des terres, saturation des services publics, prolifération des trafics et croissance de l’économie clandestine, destruction de l’écosystème ne cessent d’être dénoncés et condamnés par les gouvernements successifs.

En même temps, ces gouvernements déploient depuis plusieurs décennies une stratégie d’aide financière aux Comores, en faisant d’ailleurs totalement abstraction de leur revendication territoriale sur Mayotte. Cette aide est présentée comme un investissement pour endiguer le flux migratoire. Lors de son audition, le ministre chargé des outre-mer a indiqué que 150 millions d’euros avaient ainsi été donnés à Mayotte.

Les crédits de la mission Aide publique au développement vont progresser de 37 %, pour atteindre 7 milliards d’euros en 2025. Des augmentations pour les crédits bilatéraux et multilatéraux sont prévues, dont les Comores vont bénéficier. Au regard de la hausse continue de l’immigration comorienne à Mayotte, quelle est la rentabilité de cet investissement en aide publique ? Va-t-on continuer à dépenser l’argent des contribuables français en pure perte au profit des Comores ? Peut-on continuer à financer un pays qui colonise et déstabilise ouvertement un département français ?

M. Nicolas Dupont-Aignan (NI). Tout le monde se félicite de la hausse des effectifs de votre ministère après tant d’années de réductions.

Concernant l’attractivité du métier, bon courage ! Parce que vous êtes celle qui est chargée d’enterrer le corps diplomatique, si j’ai bien compris. Comment rendre un métier attractif quand on détruit des siècles d’expérience ? C’est catastrophique et il faudra bien entendu revenir sur cette réforme. Mais l’attractivité dépend aussi d’une certaine idée de la France, que doit servir notre diplomatie.

J’ai été très surpris de voir votre ministère, et donc vous-même, se borner à « prendre acte » de l’enquête de Bakou sur le massacre des prisonniers arméniens par les soldats azéris. J’ai l’impression qu’il y a deux poids, deux mesures. Est-ce que les massacres sont seulement perpétrés par les Russes ? Quant à ceux commis par les Ukrainiens, par l’Arabie saoudite au Yémen ou par les Azéris, votre ministère en prend acte, mais il ne les condamne pas. Cela a beaucoup choqué les Arméniens, où qu’ils soient. J’aimerais connaître votre réaction sur ce communiqué très surprenant.

Que pensez-vous du sabotage des gazoducs Nord Stream ? Et de la déclaration de M. Zelinski, qui a dit vouloir tuer chaque Russe tant que Poutine sera au pouvoir ? N’avez-vous pas le sentiment qu’on bascule progressivement d’une protection légitime de l’Ukraine à une volonté de déstabilisation complète de la Russie ? Est-ce l’intérêt de la France ?

Enfin, trouvez-vous normal que Mme von der Leyen s’exprime au nom de la France ? Elle n’a été élue ni par les Français, ni par personne. La France, et donc le président de la République, accepte de plus en plus que Mme von der Leyen s’exprime en son nom, pour des sanctions, pour des remarques et pour jeter de l’huile sur le feu en Ukraine. Est-ce acceptable et est-ce conforme à une certaine idée de notre pays ? Au fond, n’y a-t-il pas un lien entre la destruction de notre corps diplomatique et la fin d’une France indépendante ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Vous me contraignez à un choix cruel en me demandant de répondre, dans un temps imparti nécessairement bref, sur le budget et à des questions d’actualité, voire de politique générale. Je m’efforcerai de faire un peu des deux, en risquant ainsi de mécontenter tout le monde et de ne donner satisfaction à personne.

Monsieur Ledoux a parlé du réarmement et même de la réinvention de notre outil diplomatique. Je tiens à préciser que nous sommes un ministère pacifique, même s’il faut parfois préparer la guerre pour assurer la paix. En employant le terme « réarmement », je m’inscrivais dans le mouvement général observé ces dernières années pour les ministères régaliens. Certains en avaient déjà amplement bénéficié, comme les ministères des armées, de l’intérieur et, désormais, de la justice. Il était temps qu’il en soit de même pour le Quai d’Orsay.

Le terme de réinvention est un bon terme. En évoquant ce concept, je voulais aussi dire qu’il faut que le MEAE développe davantage une culture de l’innovation. Le monde change, nous devons être agiles. Nous le ferons en matière de communication, dans la limite de nos moyens. Nous le faisons aussi à travers les stratégies d’influence, qui sont devenues capitales. Je crois au terrain et je soutiendrai les propositions qui en émaneront, si elles paraissent prometteuses. C’est ce que nous avons fait, Monsieur Julien-Laferrière, dans le domaine du développement. Nous avons soutenu des idées émises par les ambassades, avec des projets souvent modestes, rapidement réalisables, adaptés aux besoins locaux et visibles par les populations. Nous allons donc développer la flexibilité et la réactivité. Je concède que nous étions un peu en retard en la matière.

Madame Le Pen, je me réjouirais presque de vous entendre plus souvent. Merci de rappeler la qualité des ambassadeurs, des diplomates en général et celle de notre outil diplomatique. Mais j’aimerais tenter de corriger une confusion. La disparition de certains corps ne signifie ni la disparition des individus, ni celle des emplois. Au contraire, nous créons des emplois. Il fallait le faire, car il faut des gens pour assurer les missions et garantir que la machine fonctionne. Au demeurant, le décret du 16 avril dernier ne supprime pas les deux corps que vous citez. C’est au contraire le texte réglementaire qui matérialise les garanties obtenues par mon prédécesseur.

Les états généraux de la diplomatie vont s’ouvrir dès ce mois d’octobre, la décision ayant été prise par le président de la République et par la première ministre, sur ma proposition. Il est nécessaire de mener une réflexion avec tous ceux qui sont concernés : les élus, des partenaires extérieurs, les jeunes diplomates et toutes nos forces vives. Cette réflexion doit se projeter au-delà de la réforme des corps et permettre de répondre au besoin de sens du personnel tout en lui faisant connaître les priorités que l’État fixe. Un premier bilan de ces états généraux devrait pouvoir être réalisé au début de l’année prochaine. Il s’agira alors de dessiner les lignes directrices qui permettront de renforcer notre diplomatie.

Je n’ai pas vu l’émission de Complément d’enquête mais nous la regarderons avec attention. Le thème que vous mentionnez a déjà été exploré par le passé. Si des faits nouveaux qui relèvent de la justice étaient révélés, il y aurait bien entendu matière à enquête. Les registres du mobilier des ambassades sont très précisément tenus et font l’objet d’un examen annuel. Chaque ambassadeur doit signer les documents d’inventaire au début et à la fin de ses fonctions : il engage ainsi sa propre responsabilité.

Madame Leboucher a évoqué les services consulaires aux Français et les délais d’obtention de rendez-vous. Sans doute avez-vous perçu dans le vœu que j’ai formé une petite critique sur la situation actuelle. La pandémie de Covid-19 et les confinements successifs ont empêché pendant plusieurs mois les personnels de travailler au même rythme que d’habitude. Même si les services consulaires français n’ont jamais fermé – contrairement à ceux d’autres pays –, un retard certain s’est partout accumulé. Nous pensons pouvoir améliorer la situation dès la fin de cette année grâce à une nouvelle plateforme de prises de rendez-vous. Je profite de l’occasion pour appeler nos compatriotes à la responsabilité. Trop de rendez-vous sont pris mais ne sont pas honorés et restent bloqués car on ne prend pas la peine de les annuler. La nouvelle plateforme est en cours de déploiement et va être mise en place très bientôt. Dans les pays où les besoins sont les plus urgents, des renforts ponctuels d’effectifs pourront être déployés. Nous avons également travaillé avec le ministère de l’intérieur pour faciliter certaines démarches administratives, notamment en supprimant la deuxième comparution lors des renouvellements de passeport. Des expérimentations en ce sens sont menées dès cette année dans deux pays.

L’AFD est en effet une banque, et c’est nécessaire si nous voulons qu’elle lève des fonds sur les marchés internationaux et assure son rôle. Ne confondons pas l’instrument et le pilotage. L’AFD est un opérateur de l’État. Elle est placée sous la triple tutelle du MEAE, de Bercy et du ministre délégué chargé des outre-mer. Une programmation et un pilotage politique sont donc assurés et j’espère qu’un CICID se tiendra bientôt. Un comité du développement présidé par le président de la République sera peut-être même organisé, ce qui serait une bonne chose en début de législature.

Il faut relever que les dons ont nettement plus progressé que les prêts : c’est le résultat de ce pilotage politique. Ces dons représentent 1 milliard d’euros au titre de l’aide-projet, 80 millions d’euros s’agissant du FSPI – avec des projets innovants qui sont très utiles localement – et 600 millions d’euros au titre de l’aide humanitaire. Cela permet de concentrer les efforts dans les pays les plus fragiles, alors que les prêts vont bénéficier aux pays dits intermédiaires, que les ratios actuels d’endettement rendent éligibles aux mécanismes d’emprunts.

J’en viens au Burkina-Faso, premier sujet évoqué par Monsieur Herbillon. Notre priorité est et demeure la sécurité des ressortissants français. La situation a évolué dans le sens d’un relatif retour au calme. Néanmoins, nous avons pris tout de suite les mesures nécessaires. Un dispositif a été arrêté à cet effet, sur lequel je ne m’étendrai pas. Je rappelle qu’il s’agit d’une crise politique intérieure au Burkina Faso. Elle ne nous concerne pas directement et nous n’en sommes pas partie prenante. Il y a eu des actions de désinformation, très clairement organisées par des petits groupes qui ont peut-être été manipulés. Je ne ferai pas de commentaires sur les commanditaires potentiels ; certaines images en disent plus que je ne peux le faire dans ma fonction. Des appels irresponsables ont eu lieu sur les réseaux sociaux. Nous avons demandé qu’ils cessent. Nous avons pu arrêter des tentatives d’intrusion. La situation a évolué un peu plus favorablement mais nous restons mobilisés et prudents. Parallèlement, des missions diplomatiques s’organisent. Une mission de haut niveau de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se déroule sur place. Nous espérons qu’elle pourra apporter un peu de raison et rappeler que le Burkina Faso a besoin du respect du calendrier de retour à l’ordre constitutionnel, perturbé depuis trop longtemps. Les dommages subis par l’ambassade de France sont évalués entre 2 millions et 2,5 millions d’euros.

La situation générale au Sahel mériterait à elle seule un débat. Je rappelle simplement que, par notre engagement, nous avons évité que le Mali ne bascule et que Bamako ne soit prise par les groupes djihadistes. Mais cela n’a pas suffi à assurer la stabilité du pays. Je vous remercie d’avoir rendu hommage aux soldats français qui ont perdu la vie dans cette noble mission, qui a permis de marquer des points contre les groupes terroristes armés (GAT). Malheureusement, les autorités maliennes – issues d’un double coup d’État – n’ont pas poursuivi la même politique. Par leur action et par leurs alliances avec des mercenaires, elles ne font pas preuve de beaucoup d’efficacité dans la lutte contre les GAT.

Je reviens brièvement sur les questions de communication et de lutte contre la désinformation soulevées par Madame Vichnievsky. Nous voulons mieux anticiper les attaques informationnelles et voir d’où elles proviennent, en accroissant nos capacités de veille sur les réseaux sociaux. Une nouvelle sous-direction de la direction de la presse et de la communication du Quai d’Orsay sera désormais chargée de le faire. Une fois que l’on a veillé, observé et identifié, il faut ensuite agir. Nous nous employons à toucher de nouveaux publics, sur de nouvelles plateformes et dans de nouvelles langues, ce qui suppose des moyens. Il faut aussi que les ambassades soient en mesure d’être plus réactives, en augmentant leurs moyens à l’aune de ceux qui nous sont donnés. Il faut toujours se souvenir que les pays où sévit la désinformation sont les mieux armés pour lutter contre elle. L’action d’influence que nous menons et l’APD que nous leur apportons sont des moyens dont il ne faut pas oublier l’importance dans cette lutte contre les fausses informations.

Peut-être avez-vous appris qu’une nouvelle opération de rapatriement d’enfants retenus dans des camps en Syrie a été menée aujourd’hui. Je ne comptais pas la confirmer mais le parquet national antiterroriste l’a fait. Nous essayons de ramener ces enfants lorsque c’est possible et si nous pensons que les conditions locales le permettent. Nous n’assurons pas, bien évidemment, le contrôle effectif de ces territoires et les conditions sur place sont très difficiles. Ce sont des opérations délicates, sur lesquelles nous ne communiquons jamais en amont pour des raisons évidentes. Je rends hommage à tous les services de l’État qui sont impliqués dans ces opérations d’une très grande complexité.

Monsieur David, quelles que soient les modalités de financement de l’audiovisuel public, le MEAE restera vigilant à ce que les moyens accordés à l’audiovisuel extérieur soient maintenus, voire augmentés. Il est indispensable que ces médias puissent répondre à leur mission de presse libre et indépendante, qu’ils diffusent une information professionnelle et de qualité et qu’ils luttent contre la désinformation qui se répand à bas bruit. L’année 2023 sera celle de la consolidation du rôle de cet audiovisuel extérieur. Nous avons par exemple mis en place un dispositif d’accueil de journalistes ukrainiens en exil, grâce à France Médias Monde. Par le biais de RFI Romania, nous pouvons émettre une information fiable et de qualité, en ukrainien et en russe. Quant à votre réflexion sur le contrat d’objectifs et de moyens, elle dépasse ma compétence et concerne les années 2024 et 2025.

Monsieur Portarrieu a posé deux questions sur le déficit commercial. Je crois avoir répondu par anticipation en ce qui concerne les moyens que le MEAE peut consacrer à l’amélioration de l’attractivité de la France, avec plutôt de bons résultats. Cela ne suffit pas à réduire le déficit commercial mais c’est un sujet qui dépasse la compétence du seul MEAE. Vous avez également abordé la question de l’autonomie et de la résilience de certaines filières industrielles. Nous sommes bien informés des points d’attention particuliers que la société Airbus a évoqués s’agissant de certains métaux nécessaires. De manière plus générale, il faut diversifier nos fournisseurs. C’est ce qu’Airbus a entrepris de faire mais il lui faudra encore quelques mois pour être moins dépendante, d’un pays en particulier.

Monsieur Julien-Laferrière, les sommes mobilisées dans le cadre du FSD ne sont pas considérables. Il s’agit cependant d’un outil intéressant qui est plébiscité, tant par les ambassadeurs que par les pays ou les populations qui peuvent en bénéficier. Ce qui compte, ce n’est pas la provenance des crédits de l’APD, c’est leur total – et il augmente considérablement en volume. Vous me direz probablement que ce total ne progresse pas suffisamment en pourcentage. Mais l’objectif de 0,5 % prévu par la loi du 4 août 2021 pour cette année est atteint. Pour ce qui est des années suivantes, vous avez formulé un vœu par voie d’amendement, auquel je souscris. J’observe que la croissance du produit intérieur brut (PIB) permet une augmentation considérable en volume de notre aide au développement. Elle a doublé depuis 2017, ce qui est un beau résultat. Il est plus facile d’assurer le pilotage politique de l’APD dans le cadre de la mission Aide publique au développement plutôt qu’en dehors de celle-ci. Je souscris à la demande de votre assemblée d’assurer un pilotage politique étroit de ces activités, et notamment de l’AFD.

Madame Youssouffa, j’ai bien noté votre préoccupation. Nous sommes conscients des difficultés économiques, sociales et migratoires à Mayotte. Vous m’aviez interrogée à ce sujet lors des questions au Gouvernement. J’avais à cette occasion rappelé les chiffres des expulsions, qui sont très importants. Le faible niveau de développement de certains territoires, comme les Comores, conduit nombre de leurs habitants à émigrer. Nous ne sommes, par conséquent, pas favorables à la fin de l’APD. Au contraire, il faut trouver des solutions pour que les pays les moins avancés se développent, afin qu’il y ait moins d’émigration. On ne réglera pas ce problème si l’on n’agit pas sur les causes de ces migrations. Pour les Comores, un plan de développement de 150 millions d’euros est prévu. Il a pour objectif d’agir sur les causes pour prévenir davantage les départs de migrants clandestins vers Mayotte. Il s’agit de favoriser et de multiplier les possibilités de développement économique aux Comores, en ciblant en particulier l’île d’Anjouan.

Monsieur Dupont-Aignan, j’ai dit aujourd’hui même lors des questions aux Gouvernement que la France se tenait sans ambiguïté aux côtés du peuple arménien. J’ai rappelé notre souhait, qui est celui de tous les amis de l’Arménie, qu’une solution négociée et pacifique soit trouvée au conflit entre ce pays et l’Azerbaïdjan. Enfin, j’ai rappelé qu’en droit international exécuter des prisonniers de guerre constitue un crime de guerre. Il faudra donc que les auteurs de ces faits soient jugés. Nous avons immédiatement demandé une enquête indépendante.

En ce qui concerne l’Ukraine, ne confondons pas les choses. Si quelqu’un punit la Russie, ce sont ses responsables politiques et en particulier le premier d’entre eux, le président Poutine. N’oublions pas non plus que c’est l’armée russe qui est en Ukraine et non l’inverse. Elle y commet des crimes, des crimes de guerre et peut-être même des crimes contre l’humanité. Elle devra rendre des comptes. La position de la France a été rappelée hier par la première ministre et par moi-même lors du débat consacré à l’Ukraine, au titre de l’article 50-1 de la Constitution.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Nicolas Metzdorf. Les 28 et 29 septembre 2022, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, M. Louis Mapou, s’est rendu à Washington à l’invitation du président Joe Biden pour participer au premier sommet des pays insulaires du Pacifique. Je me félicite que la Nouvelle-Calédonie, ainsi que la Polynésie française, aient pu y être représentées. Cependant, je trouve regrettable l’absence d’un représentant du Gouvernement français, quel que soit son rang. La participation de l’ambassadeur relève du service minimal et ne peut constituer une présence politique suffisante lorsqu’on rencontre le président de la première puissance mondiale. Cela peut être perçu par bon nombre de nos concitoyens, notamment en Nouvelle-Calédonie, comme un abandon de souveraineté.

Que les collectivités autonomes du Pacifique soient mises en avant et deviennent, en quelque sorte, les porte-avions de la stratégie indopacifique est une excellente nouvelle. Mais cela n’exonère en aucun cas la République de sa responsabilité dans cette région du monde. Les collectivités autonomes sont des atouts et non des substituts. Pourriez-vous m’indiquer votre position et celle du Gouvernement lors des discussions à venir sur la coopération dans la zone indopacifique et la place que vous comptez y prendre ?

M. Vincent Seitlinger. Comme vous le savez, notre commission m’a nommé rapporteur pour avis sur les crédits de l’action diplomatique et consulaire dans le cadre du PLF pour 2023. Que dire de ce budget ? Il ressort de votre présentation que plusieurs postes budgétaires bénéficieront de légères hausses et il faut s’en satisfaire, même s’il aurait été bien préférable de disposer des bleus budgétaires avant votre audition, et ce d’autant plus que le Gouvernement avait promis d’associer plus étroitement le Parlement à la préparation du budget.

Il faut souligner deux choses. D’une part, ces hausses ne sont parfois que la prise en compte des effets de l’inflation, d’effets de change ou de l’évolution de quotes-parts. D’autre part, ce projet de budget laisse une impression générale de saupoudrage et il est difficile d’y déceler les principes directeurs. Vous parlez de réarmement de notre outil diplomatique ; je crois pour ma part qu’il s’agit au mieux de colmatage.

Cela étant dit, je souhaite vous interroger sur les crédits alloués à l’entretien immobilier. Le parc du ministère n’a cessé de se dégrader sous l’effet d’une politique insoutenable conduite depuis des années. Dans ce contexte, je salue bien sûr le renforcement des moyens en 2022 et ceux qui sont prévus pour 2023. J’ai appris toutefois que le ministère n’avait pas bénéficié cette année des 36 millions d’euros devant être versés par le compte d’affectation spéciale (CAS) 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État. Sans ces moyens – que la représentation nationale a pourtant votés – c’est la moitié du plan de rattrapage immobilier qui ne sera pas financée, tandis que de nombreux besoins ne seront pas satisfaits.

Comment envisagez-vous de récupérer ces crédits, dont votre ministère a fortement besoin ? Dès lors que le projet de budget que vous présentez repose à nouveau sur cette hypothèse de 36 millions d’euros de recettes provenant du CAS 723, quelle garantie avez-vous de ne pas être confrontée à la même difficulté en 2023 ?

Mme Nadège Abomangoli. Ce PLF présente un certain nombre d’éléments satisfaisants, que ma collègue Élise Leboucher a évoqués, mais également de grandes incertitudes liées au contexte de forte inflation en ce qui concerne la trajectoire des lignes budgétaires qu’elle a mentionnées. Comme mes collègues, je souligne qu’il est nécessaire que nous disposions bien plus en amont des annexes budgétaires, afin de poser des questions plus précises.

Je souhaite vous interroger sur les volets humain et financier de l’APD. Quels sont les moyens prévus en termes d’effectifs pour répondre aux ambitions affichées pour l’APD par la loi du 4 août 2021 ? Certes, le budget passe à près de 2 milliards d’euros en deux ans mais, pour ce qui est des emplois, le solde est négatif sur la même période : 29 ETP ont été perdus en 2022, 5 sont gagnés en 2023 ; le déficit est donc de 24 ETP. Quelle est la trajectoire prévue pour les emplois dans les années à venir ?

Du point de vue financier, une part trop faible de l’APD est financée par la TTF. Le montant annuel collecté par l’État bat régulièrement des records. Pourtant, la part destinée à la solidarité internationale reste bridée à un niveau inférieur aux besoins actuels, tandis que le taux de la taxe est inchangé depuis 2017. La modification de son taux et une affectation plus massive de cette taxe au FSD ne seraient-elles pas des mesures rapides et efficaces pour assurer le maintien de l’APD à un niveau élevé ?

Enfin, pourquoi la France mène-t-elle au Tchad une politique complaisante vis-à-vis de la junte de Déby, qui vient d’engager son pays dans une phase de transition permanente ? On a ajouté vingt-quatre mois aux dix-huit mois précédents, ce qui s’apparente désormais à une transition dynastique et pas à une transition démocratique. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont réagi. Qu’en est-il de la France ?

Mme Eléonore Caroit. Le président du Nicaragua, Daniel Ortega, ancien révolutionnaire sandiniste, et la vice-présidente qui est aussi son épouse, Rosario Murillo, mènent une politique agressive, répressive et totalitaire. Des centaines d’opposants ont été abattus ou ont disparu et pas moins de 200 sont actuellement emprisonnés. Hier, la Cour de Justice de Managua a indiqué que deux Franco-Nicaraguayennes étaient actuellement détenues et seraient jugées pour avoir conspiré, porté atteinte à l’intégrité nationale et diffusé de fausses nouvelles. Le MEAE a affirmé suivre de très près cette situation et avoir pris contact avec les autorités nicaraguayennes. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Le réseau de l’AEFE contribue à un enseignement d’excellence à la française et constitue, je vous cite, « l’un de nos meilleurs vecteurs d’expansion de la francophonie et d’une façon de voir le monde, de nos valeurs ». Or à la suite d’un recours, l’AEFE a été contrainte de modifier dans l’urgence le décret qui régit la situation administrative des personnels détachés qu’elle emploie. Cette modification entraîne un surcoût. De manière plus générale, l’ambition de doublement des effectifs à horizon 2030 nécessite un renforcement des moyens, notamment budgétaires, de l’AEFE. Une concertation générale est très attendue sur ce sujet et devait avoir lieu en octobre. Pourriez-vous aussi nous apporter des précisions sur ce sujet ?

Enfin, je vous remercie pour les créations d’emplois dans votre ministère, une première depuis trente ans. Comment ces 106 ETP vont-ils être répartis, notamment d’un point de vue géographique ?

M. Arnaud Le Gall. Je souhaitais aborder le sujet de la réforme des corps diplomatiques mais il a déjà été largement évoqué. Ce n’est pas hors sujet par rapport à l’examen du PLF pour lequel nous sommes réunis. Les budgets n’ont un sens que s’il y a des gens pour les mettre en œuvre. Contrairement aux libéraux, je pense que la destruction est rarement créatrice.

Le budget prévu pour l’action extérieure de la France bénéficie d’une très légère hausse au regard de l’inflation, mais d’une hausse malgré tout. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que cette augmentation des moyens, qui suit la précédente, était nécessaire, compte tenu de la saignée opérée au cours des trente dernières années. Pourtant, cette hausse ne doit pas empêcher de poser certaines questions de fond. L’an dernier, les 43 ETP qui avaient été créés portaient, sauf erreur de ma part, sur des postes d’apprentis. J’ai beaucoup de respect pour ces derniers et pour l’apprentissage, mais il n’en reste pas moins que ce ne sont pas des postes de diplomates occupant des postes à responsabilités et qu’il ne s’agit pas d’emplois pérennes. Quelles sont la nature et la répartition géographique des 106 ETP qui vont être créés ?

Pour revenir rapidement sur la situation au Sahel, nous avons condamné les tentatives inacceptables d’intrusion dans notre ambassade au Burkina Faso. Nous ne sommes pas dupes des propagandes qui sont menées, par les uns et par les autres. Il n’en reste pas moins que ces propagandes n’auraient aucune prise si notre action n’avait pas fait preuve de certains errements. Va-t-on assister à une révision profonde de la stratégie française au Sahel dans les mois qui viennent ?

Mme Sabrina Sebaihi. Je souhaiterais vous alerter sur le cas de M. Salah Hamouri, avocat franco-palestinien et défenseur des droits humains, en détention administrative en Israël de manière totalement arbitraire depuis mars 2022. Il est soumis à l’isolement et ne peut voir ni sa femme, ni ses enfants. L’acharnement israélien à son encontre lui a déjà fait perdre huit ans de sa vie dans les geôles de ce pays. L’ambassadeur de France en Israël, Éric Danon, et les services consulaires sont engagés pour soutenir cet homme. Cependant, la grève de la faim qu’il a entamée il y a dix jours pour réclamer le respect de ses droits l’a considérablement affaibli. Deux mesures d’urgence s’imposent. La première est de faire en sorte que Salah Hamouri accède en détention à des ressources de sucre et de sels minéraux. La seconde est de s’assurer qu’il ne soit plus placé à l’isolement.

Par ailleurs, je m’étonne que la France n’ait encore jamais réclamé clairement sa libération. Au vu des efforts de terrain restés lettres mortes, une prise de position publique du Gouvernement serait de nature à affirmer notre fermeté vis-à-vis de l’État d’Israël. Celui-ci méprise une fois de plus les droits humains des militants palestiniens. Que comptez-vous faire ?

Mme Ersilia Soudais. Je me joins également à ces propos sur Salah Hamouri, qui depuis près de vingt ans subit le harcèlement de l’État d’Israël : ce n’est rien pour un État, mais c’est une éternité pour un homme.

Il mène une grève de la faim depuis le 25 septembre 2022, avec vingt-neuf autres prisonniers politiques. Pour le punir, il a été placé à l’isolement dans une cellule de quatre mètres carrés sans fenêtre, avec seulement un matelas et des toilettes. Il n’a pas le droit de sortir, ni de voir la lumière du jour. Salah Hamouri est amaigri, affaibli et souffrant. On refuse de lui donner du sel, qu’il est vital de consommer pendant une grève de la faim. La santé de notre compatriote ne cesse de se dégrader. Aussi avons-nous été contraints de vous interpeller, par voie de communiqué, puis à vous adresser une demande urgente d’audience. Nous vous remercions d’ailleurs, Madame la ministre, pour la rapidité de votre réponse. Nous espérons qu’une date de rendez-vous nous sera très vite communiquée.

Salah Hamouri est un symbole de tous ces Palestiniens opprimés par l’État d’Israël, qu’un rapport d’Amnesty International a associé en février 2022 au système de l’apartheid. Salah Hamouri est aussi le symbole de ces familles que l’on brise, par racisme et par mépris des droits humains. Enfin, parce qu’il est notre compatriote, il est le symbole d’une France qu’on humilie au-delà de ses frontières. Ainsi, pour avoir écrit au président de la République française le 14 juillet 2022, Salah Hamouri a été transféré à Hadarim, une prison de haute sécurité.

La pression diplomatique de la France est-elle à la hauteur ou les autorités israéliennes nous baladent-elles en jouant la montre, le temps jouant contre Salah Hamouri ? Nous ne pouvons pas nous résoudre à attendre sa mort pour que la France hausse le ton. En répondant rapidement à notre courrier, vous semblez indiquer que vous prenez la mesure de l’urgence de la situation. Quelle mesure concrète envisagez-vous de prendre pour que l’État d’Israël respecte les droits de notre compatriote à vivre librement, où il le désire, entouré de sa famille ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez bien perçu Madame la ministre combien cette commission est inquiète non pas sur le budget mais sur les évolutions de la situation internationale et sur la manière pour la France d’y faire face. Le dialogue que nous aurons lors des prochaines semaines sera donc des plus soutenus.

Mme Catherine Colonna, ministre. Monsieur Metzdorf, les États membres du Forum des îles du Pacifique (FIP) ont été conviés par le président américain à Washington à la fin du mois de septembre 2022. La France n’est pas membre du FIP. En revanche, elle a obtenu en 2016 que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française puissent en devenir membres à part entière et être ainsi mieux insérées dans leur environnement. C’est à ce titre, et à ce titre seulement, que nos territoires ont été invités par les États-Unis. Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, j’ajoute que c’est bien par l’intermédiaire de l’État français que cela a été fait. La France a autorisé les gouvernements de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française à se rendre à Washington pour participer à cette réunion. Il n’y a donc pas d’atteinte à la souveraineté de l’État, avec laquelle nous ne saurions transiger.

Monsieur Seitlinger m’a interrogée sur les questions immobilières. Si l’on prend un peu de recul, on peut relever qu’au cours des dix dernières années le MEAE a procédé à 188 cessions, pour un montant de 789 millions d’euros. Sur ce total, 200 millions d’euros ont contribué au désendettement de l’État. Cette politique de cessions est aujourd’hui moins dynamique, d’abord parce qu’il y a moins de biens à vendre, ensuite parce que le marché immobilier est plus déprimé, ce qui rend les ventes moins intéressantes. Nous ne pouvons pas compter sur une ressource aléatoire pour répondre à des besoins permanents d’entretien des ambassades et résidences. C’est la raison pour laquelle le ministère a obtenu, grâce à la représentation nationale, un renforcement significatif de ses crédits budgétaires. Pour la troisième année consécutive, notre dotation augmente. Elle est aujourd’hui portée à presque 57 millions d’euros en AE. Cette tendance devra être confortée à l’avenir car nos besoins restent importants à l’étranger. Ils sont estimés non pas à 57 millions d’euros par an mais plutôt à 80 millions d’euros. Il y a donc encore beaucoup à faire.

Concernant l’autre volet de ce dossier des cessions de biens à l’étranger, nous devons encore récupérer 36 millions d’euros de versements issus du CAS 723. L’arbitrage rendu par nos autorités a été favorable. Nous attendons donc la fin de gestion pour les récupérer, comme il se doit. Je n’ai pas manqué de le rappeler à mon collègue ministre délégué chargé des comptes publics.

Madame Abomangoli, le programme 209 dispose de 1 458 ETP en 2022. Les choix de répartition pour 2023 seront examinés lors des réunions de programmation avec la direction des ressources humaines du ministère, au plus près des besoins. Il faudra prendre en compte l’augmentation de l’APD, et donc le besoin de personnel qualifié pour la mettre en œuvre. Tous les choix ne sont pas encore faits. J’en reste à me réjouir de cette augmentation des effectifs du ministère, la première depuis trente ans.

Quant à la TTF, comme j’ai pu le dire à Monsieur Julien-Laferrière, ce qui compte n’est pas d’où viennent les crédits mais qu’ils arrivent et qu’ils augmentent.

Nous suivons de très près la situation de nos deux compatriotes au Nicaragua, Madame Caroit. L’ambassade de France et les autorités françaises à Paris sont mobilisées. Nous avons déposé une demande d’accès consulaire à ces deux ressortissantes, cet accès étant garanti par la convention de Vienne.

Quant à l’AEFE, elle a réformé le statut de ses personnels expatriés et ses modalités de recrutement. C’est donc une avancée par rapport à la situation que vous avez évoquée. On peut s’en réjouir collectivement, en premier lieu pour les personnels concernés. Cette réforme entraîne un surcoût pour l’AEFE, que l’on évalue à environ 15 millions d’euros pour 2023. Le MEAE soutiendra l’AEFE en prenant en charge près de la moitié de cette somme, soit 7 millions d’euros.

Monsieur Le Gall, la répartition précise des 100 emplois créés cette année n’est pas encore finalisée, au-delà de la répartition générale de deux-tiers d’emplois à l’étranger et d’un tiers en France. J’éviterai le saupoudrage, au demeurant difficile au vu du nombre d’emplois créés. Toutes les catégories sont concernées par ces nouveaux postes de titulaires, en France et à l’étranger, expatriés et recrutés locaux. Permettez-moi de réserver les choix finaux à la direction des ressources humaines et à la direction générale de l’administration et de la modernisation du ministère.

Nous suivons le cas de notre compatriote Salah Hamouri depuis le départ, et pas seulement depuis la lettre que vous m’avez adressée, Madame Soudais. La diplomatie française a multiplié les contacts à tous les niveaux – à Paris, à Tel Aviv et à Jérusalem –, afin d’obtenir des explications et des assurances sur ses conditions de détention. Notre droit de visite consulaire a déjà été exercé à cinq reprises depuis le mois de mars, tandis que la famille de M. Hamouri a été reçue à de nombreuses reprises au Quai d’Orsay ; ce fut le cas hier encore.

Pour le reste, je ne commenterai pas vos propos sur la nature de l’État d’Israël, afin de ne pas avoir à m’en distancier.

J’indiquerai néanmoins que nous évoquons bien entendu la situation de M. Hamouri avec les autorités israéliennes. Le président de la République, lui-même, l’a fait lorsqu’il a reçu le premier ministre Lapid, il y a très peu de temps.

M. Hamouri doit être libéré. Il doit pouvoir mener une vie normale, là où il le souhaite, y compris à Jérusalem, où il est né et où il réside. Ses enfants et son épouse doivent en outre pouvoir s’y rendre et le retrouver. C’est ce que nous ne cessons de dire aux autorités de l’État d’Israël, y compris au plus haut niveau.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Madame la ministre, je formulerai trois remarques.

La première est que cette commission est convaincue que la France doit disposer d’un service diplomatique à caractère universel et convenablement doté. Nous estimons que l’avantage qu’en retire la France en matière d’image et d’influence sur tous les continents excède très largement les dépenses engagées.

La deuxième est que nous avons été très choqués par la politique immobilière menée par le passé – et heureusement interrompue par M. Jean‑Yves Le Drian –, qui consistait à vendre des actifs appartenant à la France, à verser le produit de ces ventes au budget général pour financer le déficit, et à présenter cela comme une mesure de rigueur financière. Il s’agissait en réalité d’un appauvrissement puisque nous perdions des actifs immobiliers, qui disparaissaient dans un puits sans fond. Nous sommes heureux que ce soit terminé et nous voulons désormais inverser la tendance. Des bâtiments historiques qui contribuaient à l’image de la France ont été perdus.

Troisièmement, nous estimons qu’il n’est pas possible d’imaginer faire des économies de gestion sur un budget aussi limité que celui du Quai d’Orsay car on arrive tout de suite à l’os et cela aboutit à des désastres. Conseiller maître honoraire de la Cour des comptes, je suis très attaché aux efforts de réduction de la dépense publique, mais comme le disait Georges Marchais : « Il faut prendre l’argent là où il est ».

II.   présentation de l’avis devant la commission des affaires étrangères et examen des crédits

Au cours de sa réunion du mercredi 19 octobre 2022, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les deuxième et troisième avis budgétaires inscrits à notre ordre du jour de ce matin sont ceux portant sur la mission Action extérieure de l’État, sur le rapport de MM. Vincent Seitlinger et Frédéric Petit. L’examen de cette mission fera l’objet d’une discussion globale, après la présentation de nos deux rapporteurs pour avis.

Les crédits de la mission Action extérieure de l’État s’élèvent à 3,1 milliards et sont en hausse de 6,9 %. Parmi les points remarquables, signalons la création de 100 équivalents temps plein (ETP).

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis (Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires). Lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs, la ministre Catherine Colonna a annoncé, non sans force : « Le temps du réarmement de notre diplomatie est venu ». Le projet de budget du Quai d’Orsay pour 2023 est-il à la hauteur de cette annonce ? Pour répondre à cette question, je me propose d’examiner l’évolution des crédits budgétaires et les priorités que ces évolutions permettent de financer, puis de m’intéresser aux moyens humains du ministère.

Les crédits de la mission Action extérieure de l’État augmenteront de 160 millions en 2023, ce qui paraît assez honorable. Il s’agit pourtant d’une hausse en trompe-l’œil. D’abord, parce qu’une grande partie de ces moyens nouveaux serviront à absorber les effets de l’inflation mondiale et du change, et non à financer de nouvelles actions ; ensuite, parce que le Gouvernement a préféré « saupoudrer » les moyens. Tout augmente mais il n’est pas facile de trouver un poste de dépense qui croît, en valeur réelle, de plus de quelques millions d’euros. Il s’agit donc moins d’un budget de « réarmement » de notre diplomatie que d’un budget de « colmatage ».

Je souhaite m’arrêter sur trois sujets qui me paraissent structurants pour l’avenir du ministère.

Le premier, c’est la communication. Notre pays est en train de perdre la guerre de l’information en Afrique, parce que nous n’avons pas pris ce sujet suffisamment au sérieux. Je rappelle qu’à ce jour, toutes nos ambassades ne tweetent pas et que, quand elles le font, leurs publications sont parfois accueillies sur les réseaux sociaux par un flot ininterrompu de commentaires hostiles à la France.

Il est vrai que ce budget prévoit une hausse de 2,5 millions d’euros des crédits alloués à la communication du ministère. Mais, d’une part cette somme paraît relativement modeste au regard des enjeux et, d’autre part, elle passe à côté du problème des compétences. Pour lutter contre la désinformation en Afrique de l’Ouest, le Quai a besoin de locuteurs en peul, en bambara et en wolof. Le Quai d’Orsay a également besoin de spécialistes des réseaux sociaux. La lutte contre la désinformation, c’est avant tout une question de ressources humaines.

Le deuxième sujet, ce sont nos contributions aux organisations internationales. Hors masse salariale, ces contributions représentent les deux tiers des crédits du programme 105. En moins de dix ans, notre pays a pourtant décroché du sixième au dixième rang dans le classement des contributeurs internationaux. Désormais, nous sommes très loin derrière des pays avec lesquels nous aimons nous comparer, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Pour tenter d’inverser cette tendance, le Quai est engagé dans un effort de remontée du niveau de nos contributions internationales. En 2023, c’est un nouvel effort qui sera fourni. Mais il faudra aller plus loin si nous voulons continuer à peser dans le système multilatéral.

Sur ce sujet, toujours, je tiens à alerter notre commission sur un point qui me paraît assez grave : nous ne savons pas combien la France verse à chaque organisation internationale. Tous les ministères versent des contributions mais il n’y a aucune consolidation des données. Il serait quand même utile d’y remédier.

Le troisième sujet qu’il me paraît important d’aborder, c’est celui de l’immobilier. Depuis quelques années, le Gouvernement a entrepris de rehausser la dotation budgétaire consacrée à l’immobilier. C’est évidemment une bonne chose car le financement et la gestion de l’immobilier étaient jusqu’ici très court-termistes. Mais, contrairement à ce qui était prévu, la hausse des moyens n’a pas eu lieu en 2022. En effet, la hausse des crédits cette année reposait sur une dotation de 36 millions sur le compte d’affectation spéciale (CAS) 723, un compte en banque de l’État alimenté par les recettes des cessions immobilières. Mais, à cause d’un véritable imbroglio administratif, le Quai n’a pas bénéficié des crédits promis.

Cette situation pose un double problème. Un problème de sincérité budgétaire, d’abord, dans la mesure où les documents budgétaires laissent penser que, non seulement le ministère a bénéficié de ces crédits en 2022, mais qu’il bénéficiera à nouveau de 36 millions sur le CAS 723 l’année prochaine. En réalité, il n’y a qu’une seule enveloppe de 36 millions – et pas deux –, que le ministère n’est même pas sûr de toucher. Cette situation pose surtout un problème pour le ministère puisque, sans cet argent, il faudra renoncer à des opérations prioritaires, tels que des travaux de mise aux normes pour prévenir des départs de feu ou des opérations de remise à niveau des voiries pour prévenir l’inondation des locaux.

Passons maintenant à la question des personnels. La grande annonce de ce budget, c’est la création de 100 ETP, une première depuis trente ans pour ce ministère. C’est évidemment une bonne chose mais cela reste marginal, au regard des milliers de postes qui ont été supprimés au cours des vingt dernières années. Le ministère a supprimé plus de postes sur la seule année 2019. Il est d’ailleurs assez intéressant de noter que la plupart des ETP dont bénéficiera le consulaire seront des missionnaires de renfort.

Ce budget risque de ne pas suffire à enrayer la dégradation rapide des conditions de travail au Quai d’Orsay. Plusieurs indicateurs attestent d’une situation qui empire, mais je n’en citerai qu’un : en un an, le nombre de missions de renfort a été multiplié par deux et, de l’aveu même de la directrice des ressources humaines du ministère, cela reste très insuffisant pour satisfaire tous les besoins qui s’expriment. Parmi les services qui souffrent le plus, il faut mentionner les consulats, en particulier les services des visas. À New Delhi, par exemple, les moyens ont été tellement réduits, que le service de l’état-civil est partiellement fermé et que le consulat a un retard d’environ 3 000 demandes de visas non traitées.

On comprend que, dans ce contexte déjà très difficile, la suppression du corps diplomatique soit vécue comme le coup de grâce par les personnels du ministère. Je rappelle que cette réforme, qui a été prise par ordonnance, n’a jamais fait l’objet d’aucune discussion devant notre assemblée.

En quoi consiste-t-elle ? Premièrement, elle rompt le contrat de confiance avec les personnels, qui ont choisi de devenir diplomates par vocation mais qui n’ont plus la garantie de pouvoir faire toute leur carrière au Quai d’Orsay. Deuxièmement, elle nie que les diplomates aient des compétences spécifiques et remet ainsi en cause l’idée même d’une diplomatie professionnelle, au moment où nous en avons le plus besoin. Troisièmement, elle ignore que, pour un ministère qui compte 20 % des postes d’encadrement occupés par des externes, le Quai d’Orsay est déjà une des administrations parmi les plus ouvertes. Quatrièmement, elle ouvre la voie à une politisation accrue des nominations au Quai d’Orsay en supprimant le garde-fou que représentait à cet égard l’existence de corps ministériels. Cinquièmement, elle sacrifie les secrétaires des affaires étrangères, dont l’évolution de carrière au sein du ministère risque d’être remise en cause.

Notre commission se penchera à nouveau sur ce sujet lorsque la mission d’information que nous avons créée sur cette réforme rendra ses conclusions, à la mi-décembre. Mais, parce qu’il y a une certaine urgence, j’appelle d’ores et déjà à suspendre la suppression du corps diplomatique, dans l’attente des états généraux de la diplomatie, qui débuteront prochainement, sous la houlette de l’ambassadeur Jérôme Bonnafont.

Le succès de ces états généraux dépendra de deux choses. D’une part, il faut que les organisateurs acceptent que les sujets de discussion soient déterminés par les personnels eux-mêmes, et non par une volonté imposée d’en haut. Deuxièmement, il faut qu’y soient associés tous ceux, chercheurs et parlementaires compris, qui peuvent contribuer à cette réflexion collective. Il serait périlleux d’oublier que l’état de notre diplomatie est une question qui doit concerner la société tout entière.

Je m’abstiendrai donc sur les crédits de cette mission.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie). La baisse des crédits est enrayée avec une hausse de 11 millions d’euros. Celle-ci intègre le transfert d’Atout France au ministère de l’économie, ce qui met un terme à un vieux débat entre notre commission et celle des affaires économiques. La majeure partie des crédits supplémentaires sont dédiés à l’enseignement français à l’étranger.

Plusieurs opérateurs sont concernés par le programme 185. L’Institut français a entamé il y a dix-huit mois une réforme que j’appelais de mes vœux. L’Institut de français Paris, dont l’organigramme a été modifié, sera désormais à même de jouer un rôle de tête de réseau des 94 instituts français dans le monde.

Le travail entrepris il y a quelques années commence aussi à porter ses fruits pour l’Alliance française. La Fédération des alliances françaises, financée par l’État, regroupe les quelque 850 alliances disséminées dans le monde pour former un outil très agile, dont l’impulsion part du bas.

Campus France fait face à un problème technique, d’ordre informatique, qu’il serait étonnant que l’État ne parvienne pas à régler : l’opérateur ne peut pas assurer le suivi de ses subventions car la gestion des bourses qu’il distribue entre dans le budget des différentes ambassades.

Les difficultés de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) l’empêchent pour le moment de remplir son objectif – le doublement, avant 2030, du nombre d’élèves accueillis dans l’enseignement homologué en France. Je vous présenterai, sous forme d’amendement, deux propositions. Le poste, hautement stratégique, de directeur de l’AEFE doit être retiré du mouvement des diplomates et le directeur nommé au titre de l’article 13 de la Constitution. Par ailleurs, un comité de gestion des établissements en gestion directe (EGD) doit être créé au sein de l’AEFE.

Si je suis d’accord avec mon collègue rapporteur pour dire qu’il existe un problème de gestion des ressources humaines au Quai d’Orsay, je serai plus prudent dans l’analyse. Je considère que ce problème tient moins au manque de moyens qu’au refus de considérer qu’il existe, au sein de la diplomatie française, des métiers techniques. L’école d’Orient n’est pas celle qui prépare le mieux à encadrer un service de visas, dont le fonctionnement s’apparente davantage à celui d’une sous-préfecture. Nos diplomates sont de grands serviteurs de l’État, mais leurs compétences ne correspondent pas toujours aux spécificités des postes qu’ils occupent.

La feuille de route de l’influence de la diplomatie française, publiée en décembre 2021 par l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, trouve sa traduction dans ce budget. C’est un grand motif de satisfaction car les crédits ne sont plus saupoudrés mais octroyés selon des lignes directrices claires. La vision large et décloisonnée qu’elle promeut est en train d’infuser, les services se coordonnent. Je rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, certains ambassadeurs ignoraient ce qui se passait dans le pays car l’information passait par d’autres canaux. Si je reprends l’exemple de la communication, l’administration a la possibilité de s’appuyer sur des locuteurs peuls : ils travaillent à France 24, chaîne du groupe France Médias Monde, placé sous la tutelle du ministère de la culture. Il s’agit simplement de casser les silos et d’apprendre à travailler ensemble. De ce point de vue, de grands progrès ont été réalisés dans les actions du programme 185.

La feuille de route définit des priorités géographiques claires, l’Europe revêtant un caractère essentiel pour la diplomatie d’influence. Or nos actions culturelles ne sont pas différenciées selon qu’elles sont menées au sein de l’Union européenne ou en dehors. Je le regrette car, en termes d’influence, l’ouverture d’un lycée français à Cracovie ou à Stuttgart n’a pas la même signification que l’ouverture d’un lycée français en Afrique subsaharienne ou en Amérique du Sud.

J’ai choisi cette année de me rendre en Géorgie, dans le voisinage de l’Union européenne. Ce pays, marqué par la guerre, accueille beaucoup de Russes que la diplomatie d’influence appelle « prioritaires ». J’ai pu constater que la feuille de route avait percolé sur le terrain. La conseillère culturelle y effectue un travail décloisonné, où tout a son importance, où tout est lié, depuis la présence au conseil d’administration du lycée français jusqu’aux contacts avec l’université franco-géorgienne, en passant par le soutien à un projet autour du vignoble, financé par le fonds de solidarité des projets innovants (FSPI). Elle ne se contente pas d’agir çà et là, elle mène des actions cohérentes.

En conclusion, j’insiste une nouvelle fois sur l’importance de lutter contre les silos, qu’il s’agisse de l’organisation de la diplomatie d’influence ou de notre action dans le monde. Je considère que la différentiation de nos actions en fonction des pôles géographiques est essentielle et que notre positionnement ne doit pas être le même lorsque nous agissons au sein de l’Union européenne.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs de groupes.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Rapportée à l’inflation, la légère hausse des crédits ne parvient pas à dissimuler la poursuite de la cure d’austérité. En trente ans, les effectifs ont été réduits de moitié, ce qui a rendu d’autant plus ardue la tâche de ces fonctionnaires dévoués. L’extinction des corps d’encadrement du ministère ayant été décidée par voie d’ordonnance, notre commission n’a pas été saisie ; je vous remercie d’avoir placé cette question au cœur des débats.

Car il y a péril en la demeure. Comment engager le ministère dans une démarche de recentrage sur son rôle de pilote de l’action à l’international tout en supprimant le corps des conseillers des affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires ? Comment opérer le basculement vers un modèle de diplomatie tout en sapant les fondations même de son fonctionnement ? D’ailleurs, cette réforme est-elle le produit d’une réelle volonté politique ou la simple conséquence d’une logique budgétaire aveugle et brutale ? Ce n’est pas avec de tels crédits qu’on réglera les problèmes structurels du Quai d’Orsay.

Nous demandons au Gouvernement de suspendre ce projet de réforme désastreux. Le groupe La France insoumise votera contre l’adoption de ces crédits.

Mme Liliana Tanguy (RE). Le groupe Renaissance ne peut que se satisfaire de l’augmentation des crédits de la mission et du budget total du ministère – respectivement de 6,9 % et de 9 %. Les effectifs croîtront pour la première fois depuis 1993, avec 100 ETP supplémentaires. Le Quai d’Orsay pourra ainsi assurer la représentation de la France, de ses intérêts et de sa culture et rendre les services accessibles à nos compatriotes expatriés.

Le réseau diplomatique français doit son troisième rang mondial, après ceux des États-Unis et de la Chine, à son maillage et au dynamisme des structures chargées de renforcer l’influence économique et culturelle du pays. C’est un bien précieux qu’il faut préserver.

La hausse des crédits vise à faire face aux crises internationales d’une gravité inédite. Les déséquilibres nés de l’invasion de l’Ukraine et les conséquences de la pandémie sont autant de phénomènes qui incitent la France à réinvestir la scène internationale. Les violentes attaques contre l’ambassade et l’institut français de Ouagadougou le montrent, nous devons être prêts à répondre aux menaces, d’où qu’elles viennent, et demeurer vigilants devant les opérations de désinformation. La hausse significative des moyens pour combattre les discours antifrançais est une bonne réponse, comme les investissements dans le numérique pour renforcer la cybersécurité.

L’augmentation des contributions permettra de financer le mécanisme de la facilité européenne pour la paix (FEP) et d’accroître notre sécurité collective.

La diplomatie culturelle et d’influence donne lieu à une compétition renouvelée. La revalorisation des crédits du programme est d’autant plus importante que notre pays dispose de réels atouts, comme le montre sa première place dans le classement international SoftPower30.

Nous saluons le renforcement des mesures de soutien à nos concitoyens de l’étranger, fragilisés par la crise sanitaire et économique.

Ce budget est adapté aux enjeux de cette année incertaine. Nous le voterons sans réserve.

M. Kévin Pfeffer (RN). Espérons que la mission d’information de notre commission fera la lumière sur les dessous de la suppression scandaleuse du corps diplomatique, décrétée par le président de la République sans aucun débat au Parlement et perçue comme un coup de grâce par les personnels, après trois décennies de suppressions de postes. Nous demandons une nouvelle fois la suspension de cette décision, qui entraînera une perte de compétences, au profit de nominations arbitraires.

La hausse des crédits, qui sera par ailleurs absorbée par l’inflation, ne suffira pas à réarmer la diplomatie et fera l’objet d’un saupoudrage.

La construction d’une diplomatie européenne, alors que la diplomatie devrait rester l’apanage des États nations, et de l’Europe de la santé, avec le renforcement du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), représentent des pertes évidentes de souveraineté pour la France.

« Le français sera la première langue de l’Afrique et peut-être du monde si nous savons faire dans les prochaines décennies » présageait avec optimisme Emmanuel Macron dans son discours de Ouagadougou. Mais il faut de la volonté politique : renforcer les moyens pour l’enseignement ne suffit pas. Malgré les subventions, la francophonie est en recul et la France perd son influence en Afrique, au profit de la Chine et de la Russie. L’usage du français sur les réseaux sociaux régresse, conséquence de l’absence tragique de géants français et européens du net. Au sein de l’Union européenne ou de l’organisation des Nations Unies (ONU), le français, langue diplomatique par excellence, est menacé par l’omniprésence de l’anglais.

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, le groupe Rassemblement national votera contre ces crédits.

M. Bruno Fuchs (DEM). Si nous sommes parvenus à une telle feuille de route, c’est en partie grâce à la persévérance de Frédéric Petit. L’influence française permet de préserver une vision du monde multilatérale, libérale et humaniste, contestée en de nombreux endroits du monde.

L’augmentation des crédits est certainement insuffisante au regard des crises successives, de l’inflation et de la hausse des prix de l’énergie. Je rejoins Vincent Seitlinger, il faut renforcer notre présence dans les grandes institutions internationales.

Il était temps de prendre à bras-le-corps le sujet de la désinformation antifrançaise en Afrique. Cette lutte exige des moyens humains supplémentaires, notamment des locuteurs dans les langues Ouest-africaines. Les crédits qui y sont dédiés – 2,5 millions d’euros – sont très en deçà de ce qui serait nécessaire pour faire face à l’urgence de la situation et à des concurrents très organisés. Que préconise le rapporteur dans ce domaine ?

Les refus de visas sont un drame pour de nombreux étrangers. La délivrance est complètement aléatoire, les critères de rejet obscurs. C’est, selon moi, la première cause d’insatisfaction, qui donne de la France une image très négative. Il faut d’urgence traiter cette question.

Remplir les engagements pris par le président de la République en 2017 et être à la hauteur de nos ambitions nécessite des moyens bien supérieurs. Nous courons un marathon : il nous faudra accélérer ces prochaines années.

M. Alain David (SOC). Compte tenu de l’inflation, la hausse des crédits est somme toute modeste, voire nulle. Elle ne peut pas dissimuler le tourment dans lequel se trouve la diplomatie française. Le corps diplomatique présentait certes des défauts mais la question de sa réforme aurait pu être au moins débattue au Parlement plutôt que réglée à bas bruit, en pleine campagne présidentielle. À la veille des états généraux de la diplomatie, c’est un bien mauvais signal.

Avant toute réforme, il conviendrait de définir les objectifs de la politique extérieure et de notre présence à l’étranger. Le président de la république s’est rendu au Liban en expliquant qu’il allait régler le problème en quelques semaines ; c’était il y a dix-huit mois et les Libanais ne veulent plus nous voir. Notre politique en Afrique est si désastreuse que nous avons été pratiquement chassés du Sahel. Au lieu de réfléchir, on tourne en rond et on décide de réformer la diplomatie. On est vraiment à côté de la plaque.

Le groupe Socialistes et apparentés demande au Gouvernement de suspendre la réforme, source d’un profond malaise et d’une rupture du contrat de confiance avec le personnel diplomatique. Nous demandons au président de la République, dont nous ne contestons pas la responsabilité en matière de politique extérieure, de définir clairement les contours de celle-ci. Nous nous abstiendrons lors du vote sur ces crédits.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous nous accordons tous pour constater que nous attendons beaucoup du rapport de notre mission d’information sur la réforme du corps diplomatique.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Dans un monde instable où les crises se succèdent, le groupe Horizons et apparentés salue la progression des moyens alloués à la diplomatie française, notamment la création d’une centaine de postes.

La cybersécurité, si importante pour l’influence et la crédibilité de la France, est enfin prise en compte. Nous nous réjouissons des crédits qui lui sont dédiés.

Il ne faut surtout pas relâcher les efforts en matière de lutte contre la désinformation en ligne et la propagande, voire les intensifier, tant cette menace est difficile à endiguer.

M. Aurélien Taché (ÉCOLO-NUPES). Je salue le travail de notre collègue Karim Ben Cheikh, rapporteur spécial de la mission Action extérieure de l’État. Nous approuvons l’augmentation des crédits alloués à la promotion de la France, à l’enseignement de notre langue et de notre culture à l’étranger mais nous tenons pour une faute le maintien du plan « Bienvenue en France », qui trie les étudiants en fonction de leur classe sociale et de leurs origines. Un étudiant marocain qui souhaiterait venir étudier en France a non seulement aucune chance de se voir délivrer un visa de long séjour mais il doit avoir économisé l’équivalent de deux ans de salaire pour faire face aux frais.

La création de 100 ETP supplémentaires ne doit pas masquer les réductions d’effectifs : la moitié des postes ont été supprimés en trente ans, dont un tiers ces dix dernières années. La hausse est en trompe-l’œil, d’autant que le ministère des armées bénéficie, lui, de 3 milliards supplémentaires. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence le fait qu’Édouard Philippe a annoncé en 2018 une réduction de 10 % de la masse salariale du Quai d’Orsay et 110 millions d’économies avant 2022.

Les diplomates sont très mobilisés contre la réforme, une première en soixante-dix ans. Il faut rendre hommage à ces personnels très compétents, qui exercent leur métier aux dépens de leur vie de famille et, parfois, de leur propre sécurité. Pour réarmer l’arsenal diplomatique et lui redonner sa grandeur dans un monde incertain, nous devons pouvoir nous reposer sur un réseau diplomatique fort. La paix n’a pas de prix.

Gardons aussi à l’esprit que les consulats sont le seul guichet pour la communauté française résidant à l’étranger. Le manque de personnels rallonge les délais pour la délivrance des documents officiels, empêche de maintenir les liens humains et de faire face à de nouvelles problématiques comme la prise en charge de la dépendance.

Les états généraux de la diplomatie doivent être l’occasion de repenser le statut de diplomate. Le groupe Ecologiste-NUPES est opposé à la réforme et souhaite une loi de programmation pour ce ministère régalien, le seul à en être privé.

M. Jean-Paul Lecocq (GDR-NUPES). Nous ne pouvons que nous réjouir de cette augmentation de 160 millions d’euros mais elle demeure insuffisante pour le « réarmement » – selon la terminologie de la ministre – de la diplomatie, surtout si on la compare à la hausse de 3 milliards du budget du ministère des armées.

La grève sans précédent du Quai d’Orsay, en juin, a révélé l’ampleur du problème : des personnels à bout, une explosion du nombre de missions demandées à la diplomatie, un recours plus important aux contrats à durée déterminée (CDD) ou locaux, des conditions d’emploi médiocres. La réforme doit être suspendue dans l’attente des conclusions de la mission d’information de notre commission.

L’influence française ne peut être que renforcée par les contributions supplémentaires aux instances multilatérales, au premier rang desquelles les Nations Unies.

Je ne cesse de dire que la crédibilité de la France passe aussi par un respect absolu du droit international. Je pense ici au problème français de la colonisation illégale de Mayotte, qui appartient en droit à l’archipel des Comores.

Quel type d’influence l’exécutif vise-t-il lorsque la France s’impose comme l’un des plus grands exportateurs d’armes ? Si la France perd du terrain, c’est que le Gouvernement n’est pas à l’écoute des peuples ; l’exécutif s’est acharné à rester en Afrique de l’Ouest contre l’avis des populations et voilà notre armée quasiment interdite de séjour.

L’influence de la France, et sa force, résident aussi dans le maillage consulaire. Il faut pourtant faire un choix : investir suffisamment pour maintenir ce précieux réseau ou abandonner notre présence dans certains territoires. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine penche évidemment pour l’amélioration de la qualité du service et des conditions de travail des agents consulaires.

Malgré l’augmentation des crédits, que nous saluons, le compte n’y est pas. Nous voterons contre ce budget.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). J’allais dire que les députés du groupe LIOT voteraient les crédits de la mission Action extérieure de l’État, j’allais évoquer la politique d’influence française, l’argent public dépensé et l’exigence légitime de résultats de la part des contribuables, j’allais faire part des interrogations de certains sur l’orientation de la politique étrangère.

Mais vous entendez mon émotion : je dois subir à nouveau les sorties d’un suppôt de Moscou, qui vient propager le discours sur une colonisation de Mayotte.

M. Jean-Paul Lecocq. C’est moi que vous appelez suppôt de Moscou ? Monsieur le président, c’est une insulte, car nous nous trouvons dans une situation de guerre causée par la Russie !

Mme Estelle Youssouffa. Monsieur, c’est une insulte que de dire que mon territoire, qui est français depuis 1841, est un territoire colonisé.

(M. Lecocq quitte la salle).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Madame Youssouffa, c’est une grave erreur que d’avoir usé, à l’encontre de notre collègue, de termes connotés dans l’histoire de la polémique politique et tout à fait inacceptables. Je comprends votre émotion, mais je vous demande de retirer votre propos et de reprendre votre intervention sur le fond.

Mme Estelle Youssouffa. Je retirerai mon propos quand M. Lecocq cessera ses esclandres pour divertir l’attention et assumera d’avoir dit devant la représentation nationale que mon territoire, français depuis 1841, est illégalement français. L’insulte n’est pas faite à M. Lecocq, mais aux Mahorais, qui se sont battus pour rester français et qui le sont de droit. On permet ici de redessiner les cartes et de reprendre la propagande de Moscou…

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’indignation de M. Lecocq et ma propre réprobation portent sur une mise en cause personnelle. Cela ne remet pas en question la légitimité de votre analyse sur le statut de Mayotte et votre émotion de savoir qu’elle n’est pas partagée par l’ensemble de nos collègues. On ne peut accuser un parlementaire, qui n’a en aucune façon marqué son allégeance à qui que ce soit, d’être manipulé par une puissance étrangère.

Mme Estelle Youssouffa. Ce discours a été prononcé à de nombreuses reprises par le ministre Lavrov. Quand je parle d’un suppôt de Moscou, je parle de quelqu’un qui, devant la représentation nationale, reprend le discours de la diplomatie russe sur Mayotte. Ce ne sont pas des accusations gratuites, c’est un constat.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je suis en désaccord avec M. Lecoq sur bien des points, mais il s’est clairement distingué, à plusieurs reprises, des positions de l’État russe. L’expression « suppôt de » présente un caractère injurieux. Mme la présidente de l’Assemblée nationale a récemment rappelé à quel point il était abusif de se lancer des accusations de cet ordre. Cela ne s’est jamais fait dans cette commission, vis-à-vis d’aucun groupe. Je respecte tous les groupes et tous les députés, et demande à tous les membres de la commission d’en faire autant. À défaut, cette commission perdra ce qui fait l’essentiel de sa qualité : l’aptitude à s’écouter, à se respecter et à se répondre.

Vous avez tout à fait le droit de faire valoir votre analyse sur le statut de Mayotte, que je partage au demeurant. En revanche, je vous demande de faire l’effort de déclarer que vous n’auriez pas dû employer cette expression regrettable à l’adresse de M. Lecoq, quelle que soit l’intensité de votre critique à l’égard de sa position.

Mme Estelle Youssouffa. C’est la deuxième fois que M. Lecoq tient de tels propos sur Mayotte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Et ce n’est probablement pas la dernière. Il a ses convictions. Nous sommes habitués, par exemple, à entendre sa position sur la question du Sahara occidental.

Mme Estelle Youssouffa. J’estime et je maintiens que les propos de M. Lecoq sont insultants pour ma personne et pour Mayotte. Ce qui est sous-entendu, c’est que ma présence ici est illégitime, que je n’ai pas ici ma place en tant que députée parce que Mayotte n’est pas française. C’est d’une extrême gravité.

Je refuse cette mise en scène, ce faux esclandre, dont certains sont coutumiers, qui vise à faire passer une telle énormité. Je suis très claire : je n’ai pas d’excuses à présenter. N’inversons pas les charges : si quelqu’un a lancé une injure, c’est M. Lecoq, non seulement à ma personne, mais à tous les habitants de Mayotte et aux anciens qui se sont battus pour que Mayotte reste Française. Je ne baisserai jamais la tête face à pareille insulte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Personne ne vous demande de baisser la tête, mais votre refus de présenter des excuses après une injure personnelle est un fait grave, dont je vais être obligé de tirer les conséquences.

Mme Estelle Youssouffa. Ce n’est pas une injure personnelle : je n’ai pas nommé M. Lecoq ; c’est vous qui l’avez fait. S’il s’est senti visé, c’est son problème.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cette dernière affirmation est bien peu courageuse de votre part, madame. Je vous prie de poursuivre votre exposé concernant l’avis budgétaire.

Mme Estelle Youssouffa. J’en ai terminé.

(Mme Youssouffa quitte la salle).

M. Michel Herbillon (LR). J’espère que mon intervention suscitera moins de polémiques…

Je remercie les rapporteurs pour avis pour leurs travaux. Nous nous réjouissons que les crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État soient une nouvelle fois en hausse cette année et que le budget global dépasse à nouveau la barre des 3 milliards d’euros, une première depuis 2016. Toutefois, à un moment où la situation exige que notre pays retrouve son rang sur la scène internationale, le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères souffre d’un certain manque d’orientation et de priorités stratégiques. Nous considérons en outre qu’il n’est pas à la hauteur des enjeux, ce que le rapport pour avis de mon collègue Vincent Seitlinger met parfaitement en lumière. Les différentes hausses de crédits permettront de continuer à financer l’existant, mais non les nouvelles priorités du ministère.

Nous entendons, une nouvelle fois, de nombreuses envolées et déclarations incantatoires. « Le temps du réarmement de notre diplomatie est venu », nous dit-on. Derrière ces phrases se cache en réalité un petit saupoudrage sans réelle stratégie. Le rapport nous éclaire sur un élément très grave : le profond mal-être qui s’empare des agents du ministère. Celui-ci a été plus que mis à contribution ; il a été l’une des variables d’ajustement utilisées pour réduire les déficits au cours des dernières décennies : les effectifs du Quai d’Orsay ont diminué de 50 % en trente ans, de 30 % en dix ans et de 15,43 % entre 2016 et 2019.

À cela s’ajoute désormais la réforme de la haute fonction publique, qui plonge le Quai d’Orsay dans une crise profonde. Après une grève historique en juin dernier, les organisations syndicales du ministère ont déposé récemment un recours devant le Conseil d’État contre la suppression du corps diplomatique. Les agents et les diplomates du Quai d’Orsay, comme les parlementaires, sont toujours dans l’attente de la tenue des états généraux de la diplomatie. Lorsque nous l’avons interrogée à ce sujet, la ministre a indiqué qu’ils s’ouvriraient au mois d’octobre. Or celui-ci approche de sa fin, et nous ne connaissons toujours pas la date des états généraux.

Il s’agit d’une réforme très grave. Notre commission s’est d’ailleurs emparée du sujet, sous votre autorité, monsieur le président. Je m’étonne vraiment – si on ne s’en étonne pas à la commission des affaires étrangères, où le fera-t-on ? – qu’une telle réforme, qui met en cause un outil diplomatique dont l’excellence est reconnue dans le monde entier, n’entraîne aucune réaction, ni aucune question, et que le Gouvernement ne réponde pas aux légitimes interrogations des parlementaires à ce sujet. Elle n’a fait l’objet d’aucune discussion à l’Assemblée nationale. J’approuve l’avis exprimé par mon collègue Vincent Seitlinger : elle doit être suspendue, dans l’attente des conclusions des états généraux de la diplomatie. À défaut, ces états généraux seront une mascarade.

Dans un contexte international instable, incertain et dangereux, ce budget ne permettra pas à notre pays, de notre point de vue, d’être à la hauteur des enjeux. C’est pourquoi le groupe Les Républicains s’abstiendra.

J’adresse trois questions aux rapporteurs pour avis : quelle est la stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour lutter contre la désinformation sur les réseaux sociaux ? Dans quelles zones géographiques les nouveaux postes seront-ils affectés ? Quelles sont les garanties obtenues ou conservées dans le projet de réforme de la haute fonction publique ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Christopher Weissberg. Merci aux deux rapporteurs pour avis de leur travail remarquable. Je suis en tout point d’accord avec Frédéric Petit – sans doute est-ce notre prisme de députés des Français de l’étranger.

Pour pouvoir nous déterminer sur la stratégie générale, il nous manque un regard sur le travail de l’AEFE, qui exerce pourtant une mission essentielle pour le rayonnement et l’influence de la France à l’étranger. J’ai rarement vu un directeur de l’AEFE s’exprimer devant l’Assemblée nationale pour expliquer sa stratégie. En France, on attache beaucoup d’importance aux statuts – sans doute cela tient-il à notre rapport à l’Ancien Régime – et pas assez aux fonctions et à la capacité à changer de métier. Peut-être faudrait-il, à la tête de l’AEFE, un autre profil qu’un fonctionnaire du Quai d’Orsay, par exemple une personne qui ait davantage d’expérience en matière de développement. Nous devrions parler davantage du fond, moins des statuts.

De moins en moins d’élèves formés dans notre réseau poursuivent leurs études dans notre système universitaire. Il y a trente ou quarante ans, les enfants de l’élite québécoise venaient étudier à la Sorbonne ; aujourd’hui, ils vont ailleurs. Quel est votre avis à ce sujet ?

Ce budget prévoit un renforcement des moyens humains, ce qui est une très bonne nouvelle. Quelle part des postes sera affectée aux services consulaires ? Il s’agit de métiers distincts de la diplomatie et d’un véritable service public. Le ministère déploie actuellement le service France consulaire, dans le cadre d’une stratégie générale de modernisation des services publics pour les Français de l’étranger.

Mme Nadège Abomangoli. Je souhaite évoquer la question des démarches consulaires, en particulier la délivrance des visas. En 2022, le nombre de demandes de visas a connu une hausse rapide, compte tenu notamment des effets de rattrapage par rapport à la période précédente. L’annexe au projet de loi de finances nous apprend d’ailleurs qu’un retour au niveau antérieur à la pandémie est attendu d’ici à 2024.

Toutefois, cette hausse ne semble guère préoccuper le Quai d’Orsay, puisqu’il n’alloue pas de moyens substantiels pour y faire face. De façon contre-intuitive, ce sont plutôt les économies et la baisse des coûts qui orientent ses choix budgétaires pour ce qui constitue, rappelons-le, une mission de service public. D’abord, le ministère recourt de manière croissante aux agents de droit local, ce qui a de nombreuses conséquences sur le plan social, puisque la France profite ainsi d’un droit du travail souvent moins-disant. Ensuite, il opère une transition à marche forcée vers la dématérialisation – nous l’avons déjà évoquée à plusieurs reprises au sein de cette commission. C’est une façon de masquer le détricotage du réseau consulaire français et, par la même occasion, de supprimer des interlocuteurs identifiables à contacter en cas de problème.

Le phénomène le plus inquiétant, à nos yeux, est l’externalisation du traitement des dossiers vers des opérateurs privés. Relevons que les multinationales VFS Global et TLScontact ont obtenu le quart des contrats. De nombreux concitoyens nous signalent des points noirs concernant cette externalisation : opacité de la démarche, explosion des délais, interrogations sur le traitement des données. VFS Global a son siège à Dubaï, ce qui peut nous inspirer quelques craintes. Disposez-vous d’éléments concernant la part croissante du privé dans les démarches consulaires ? Cette évolution inquiète fortement nos concitoyens.

Mme Amélia Lakrafi. Je reviens d’un déplacement dans les deux Congos. Là-bas comme ailleurs dans ma circonscription qui va de Madagascar aux Émirats arabes unis, les Français me parlent de leurs difficultés à obtenir des rendez-vous dans les consulats. Pour nos compatriotes vivant à l’étranger, le consulat est à la fois la mairie et la préfecture. Si je salue la numérisation d’un nombre croissants de services, nécessaire pour les agents qui traitent les dossiers, nos compatriotes ont besoin de voir les agents pour accomplir certaines démarches.

Les agents des consulats fournissent un travail tout à fait remarquable, et je tiens à les en remercier ici. Tel a notamment été le cas durant la crise sanitaire. J’indique au passage à plusieurs collègues qui se sont exprimés à ce sujet que, pour obtenir un passeport, il faut compter deux semaines à Kinshasa et trois semaines à Brazzaville, contre trois ou quatre mois en région parisienne.

Outre des facteurs liés au contexte actuel, les diminutions successives d’effectifs dont vous faites part dans votre rapport pour avis, monsieur Seitlinger, ont eu des conséquences sur la qualité du service dans les consulats, notamment une augmentation sensible des délais d’attente pour nos compatriotes. Notons que le sentiment antifrançais est pour partie alimenté par les critiques contre les services des visas.

Vous l’avez souligné, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une augmentation des effectifs inédite depuis 1993, de 106 ETP. Notre majorité a su prendre pleinement la mesure des besoins exprimés par les agents du ministère et les Français de l’étranger. Je salue cette évolution. Néanmoins, la hausse pourrait être bien plus importante. Comment ces effectifs supplémentaires seront-ils alloués ? Combien de ces postes seront affectés à l’administration consulaire ? Quels consulats seront concernés par ces renforts en moyens humains ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’observe qu’aucun représentant de groupe n’a pris la défense de la réforme du Quai d’Orsay. Certains s’y sont opposés, d’autres n’ont rien dit, mais personne ne l’a défendue. C’est selon moi un fait politique significatif, dont le Gouvernement et le président de la République devraient s’aviser. Ce type de réforme est jugé au mieux comme inutile et, très souvent, comme nocive ou toxique. À l’instar de la plupart d’entre vous, je suis assez critique sur cette réforme. Il est notoire que notre commission est plutôt unie sur ce point. Il arrive que se dégage ainsi un consensus négatif.

M. Michel Herbillon. Hélas, cela n’empêche pas le Gouvernement d’avancer dans cette réforme !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ne nous élevons pas au-dessus de notre condition, monsieur Herbillon.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Plusieurs d’entre vous – madame Leboucher, messieurs Pfeffer, David, Taché, Lecoq et Herbillon – souhaitent comme moi la suspension de la réforme du corps diplomatique. Au-delà de la mission d’information en cours, il faudra que nous soyons associés très étroitement aux états généraux de la diplomatie, pour pouvoir faire part de nos préoccupations. Monsieur Herbillon l’a souligné, nous sommes impatients de connaître la date de ces états généraux, annoncés il y a déjà un certain temps.

L’allongement des délais d’instruction des demandes de visas et de titres d’identité, relevée par monsieur Fuchs, monsieur Taché et madame Abomangoli, est en partie lié à l’épidémie de Covid, qui a été suivie par une forte augmentation des demandes. En outre, certains services se plaignent de recevoir de Paris des consignes qui ne sont pas nécessairement applicables dans leur pays ou leur zone géographique, ce qui complique la tâche des agents instructeurs. On leur demande parfois de retenir des critères qui ne sont pas pertinents.

Madame Abomangoli, l’externalisation porte non pas sur l’instruction des demandes de visas mais sur la phase qui la précède, à savoir l’accueil des demandeurs et le recueil des dossiers. Comme vous, je pense qu’il faut éviter que l’externalisation prenne trop d’ampleur mais il faut noter que de nombreux autres pays, notamment européens, se sont engagés dans cette voie.

Messieurs Fuchs et Herbillon, nous constatons tous que les 2,5 millions d’euros supplémentaires consacrés à la politique de communication ne seront pas suffisants au regard des enjeux en la matière. Il est prévu de renforcer la présence du ministère de l’Europe et des affaires étrangères sur les réseaux sociaux, notamment pour toucher les jeunes publics qui ont eu tendance à critiquer l’action de la France. Une chaîne vidéo destinée à la jeunesse africaine doit être créée. Le ministère veut en outre renforcer ses capacités de veille sur les réseaux sociaux pour être plus réactif.

Monsieur Herbillon et madame Lakrafi, les 106 ETP créés devraient prioritairement être affectés à la zone indo-pacifique et à l’Europe de l’Est. Pour le réseau consulaire, comme je l’ai relevé avec regret dans mon rapport, il s’agira pour l’essentiel de missionnaires de renfort, et non de postes destinés à regarnir les consulats de façon pérenne.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. S’il y a en ce moment une crise de la prise de rendez-vous dans les consulats, ce n’est pas en raison d’un manque d’effectifs ou de la réduction des crédits mais parce que l’on n’est pas capable, y compris à Paris, de commander un système informatique qui fonctionne et que les agents, au demeurant de grande qualité, ne savent pas utiliser ces systèmes – il y en a eu deux en trois ans. Les autres députés représentant les Français de l’étranger et moi pourrions vous raconter de nombreuses anecdotes attestant la désorganisation dans la prise de rendez-vous, y compris en Allemagne. Qui plus est, les consulats donnent parfois des réponses différentes, en s’appuyant sur les mêmes textes. C’est un problème d’organisation.

Nous saluons tous le temps que les fonctionnaires passent à traiter les dossiers. Qu’attend-on d’eux ? Qu’ils traitent des dossiers ou qu’ils répondent au téléphone pour noter des rendez-vous ? Il est évident qu’il faut numériser la prise de rendez-vous, tout le monde le fait désormais. Il faut que ce soit un système français et protégé, mis en place par des gens qui s’y connaissent. Les fonctionnaires traitent très bien les dossiers quand ils en ont le temps. S’ils doivent répondre au téléphone pour noter des rendez-vous, ils perdent du temps.

Parmi les 106 postes créés, six sont des postes de managers de la transition qui seront affectés à la direction des ressources humaines pour aider à la mise en œuvre de la réforme. Je m’en réjouis, car il est rare que l’on fasse ce genre de prévision.

Monsieur Pfeffer, le ministère a effectivement subi des réductions d’effectifs pendant trois décennies et a payé plus que sa part. En 2019, grâce à la mobilisation du Parlement – je rends grâce à tous les groupes qui se sont battus en ce sens au cours de la précédente législature –, nous avons heureusement mis fin à ces baisses.

Je suis évidemment opposé aux nominations arbitraires. Je propose d’ailleurs que notre commission se prononce désormais sur la nomination du directeur de l’AEFE. Mais ce n’est pas parce que l’on réforme une partie de la fonction publique qu’il y aura des nominations arbitraires ; le dire, c’est faire de l’affichage. Personne ne connaît exactement le contenu de la réforme. Nous verrons ce qu’il en sera et nous allons nous battre pour y être associés.

Il y a effectivement des divergences au sein de l’Union européenne mais nous les acceptons et elles ne nous empêchent pas d’être unis. Tel est précisément le message que nous avons à délivrer au monde : nous, Européens, avons des intérêts divergents et parlons vingt-quatre langues, mais nous ne nous faisons pas la guerre et nous travaillons ensemble. C’est notre modèle, et il faut le défendre, à plus forte raison en ce moment, car c’est ce que l’impérialisme moscovite est incapable de faire. Il ne faut pas avoir peur de ce modèle ; il ne faut pas renoncer en raison de ces divergences et rentrer chez soi.

Le discours de Ouagadougou affirme expressément que la francophonie, c’est le plurilinguisme. Depuis cinq ans, les langues véhiculaires sont enfin accueillies dans les écoles maternelles que nous aidons en Afrique. On ne peut pas commencer à éduquer un enfant en lui expliquant que sa mère et son père ne parlent pas la bonne langue ! Je suis d’accord avec vous, monsieur Fuchs, il faut consacrer davantage de moyens à la francophonie, et je me battrai en ce sens. Le modèle que nous défendons n’est pas celui de la russophonie. C’est un modèle très particulier, dans lequel nous acceptons les autres langues.

Plusieurs d’entre vous dénoncent une absence de volonté politique et en déduisent qu’il ne faut surtout pas faire la réforme du ministère. Celle-ci doit commencer par les ressources humaines, tout le monde constate que les blocages sont là. Je suis d’accord avec vous tous, le Parlement doit être associé, et je me battrai pour qu’il en soit ainsi. J’ai proposé au groupe de travail sur la réforme du corps diplomatique de m’auditionner car j’ai une expérience à partager. En tout cas, on ne peut pas en même temps pointer les problèmes et dire qu’il ne faut pas réformer.

M. Michel Herbillon. Pas détruire !

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Certes !

Vous dites qu’il n’y a pas de volonté politique. Or nous avons adopté la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. Qu’est-ce donc sinon l’affirmation d’une volonté politique qui encadrera notre action pendant les dix ans qui viennent ?

M. Michel Herbillon. Cela n’a rien à voir ! Êtes-vous d’accord avec la réforme du corps diplomatique ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je n’en connais pas plus que vous le contenu. Je dis qu’il y a bel et bien une volonté politique : la feuille de route de l’influence, la loi de programmation relative au développement. Maintenant qu’elle a été affirmée, il va falloir, dans ce cadre, se demander quels sont les meilleurs profils.

Je prends souvent l’exemple qui suit dans les réunions publiques. Dans la feuille de route de l’influence, nous disons que nous voulons contribuer au projet de Grande Muraille verte en Afrique. Pour ce dossier, il faudra recruter un profil très particulier et non s’en remettre au jeu des affectations. J’espère que cette personne sera nommée pour dix ans et aura déjà planté un arbre au cours de sa vie, qu’elle ait réussi le concours d’Orient ou non !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On pourrait ajouter une épreuve d’horticulture au concours d’Orient. (Sourires.)

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je sais que nous ne sommes pas tout à fait d’accord, monsieur le président…

De même, il est évident que l’AEFE doit être dirigée par une personne qui a une connaissance du développement des lycées à l’étranger. Certains ambassadeurs ont fait un passage très réussi à la tête de l’AEFE mais nous devons vérifier que le directeur a bien cette compétence.

Il y a effectivement du mal-être, monsieur Herbillon ; c’est le cas chaque fois que l’on réorganise. Je le dis depuis longtemps, nous devons veiller à ce qu’il y ait, dans la réforme, un volet d’accompagnement des agents à la transformation. Manager la transition, c’est un métier, hélas ignoré par le Gouvernement et beaucoup d’administrations.

Madame Leboucher, vous semblez dire qu’il faut choisir entre piloter et faire. Si nous voulions continuer à faire sans piloter, nous aurions effectivement besoin de moyens supérieurs. Pour ma part, j’estime que nous devons piloter mais que nous devons d’abord nous interroger sur la manière de piloter et sur ce qui doit être ensemble.

Dans nos rapports pour avis, nous contrôlons désormais les indicateurs relatifs à l’effet de levier. Et celui-ci n’a rien à voir avec une quelconque vente de nos intérêts à l’étranger !

Le budget de l’AEFE s’établit à 1 milliard d’euros, dont 500 millions d’argent public. Or le budget total de l’enseignement français à l’étranger est de 4 milliards ! Le gouvernement de M. Orbán finance le lycée français de Budapest, à hauteur de 120 000 euros, parce qu’il apprécie ce qui s’y fait et que des Hongrois le fréquentent. C’est cela, l’effet de levier, et cela fonctionne de la même manière pour les instituts français et les alliances françaises, ces dernières ne coûtant rien au budget de l’État.

Je prends toujours l’exemple, très symbolique, du lycée français d’Erbil, au Kurdistan irakien. Il est contributif au budget de l’État et a tenu pendant trois ans, grâce à deux mères de famille, à 30 kilomètres du front. Voilà comment la France fait et fera de l’influence, et non du colonialisme.

*

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE3 de M. Alain David.

M. Alain David. Cet amendement et les deux suivants sont défendus.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. La contribution française à la facilité européenne pour la paix est composée de deux quotes-parts, l’une versée par le ministère des armées, l’autre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. En raison de la guerre en Ukraine, celle du ministère des armées, qui finance la livraison d’armes, a augmenté. Mécaniquement, celle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui finance la livraison d’équipements non létaux, a diminué. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE4 de M. Alain David.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement, car il tend à prélever des crédits sur le programme Diplomatie culturelle et d’influence, dont je suis satisfait de voir le budget augmenter.

Pour le reste, le rattachement de l’opérateur Atout France fait l’objet d’une vieille querelle entre le Quai d’Orsay et Bercy. C’est une bonne chose qu’il ait passé un moment sous la tutelle du ministère des affaires étrangères car cela a permis de rompre avec le mode d’organisation antérieur. Désormais, l’opérateur fonctionne bien, avec le soutien des municipalités et des syndicats d’initiative, et il est assez présent à l’étranger. Techniquement, l’amendement n’est guère défendable car il vise à rétablir des crédits qui relèvent dorénavant de la mission Économie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE5 de M. Alain David.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Cet amendement me va droit au cœur, car il porte sur le développement de la coopération franco-allemande en matière de diplomatie d’influence. Toutefois, il me paraît superfétatoire car Français et Allemands travaillent déjà en commun en Ukraine, y compris sur des sujets culturels et de diplomatie d’influence. D’une manière générale, la projection du franco-allemand dans le monde est faite. J’avais visité il y a quelques années l’institut culturel franco-allemand (ICFA) de Ramallah et cela fonctionne.

Il me semble peu opportun à ce stade d’affecter des crédits spécifiquement à la création d’un ICFA à Kiev, sachant que nous avons du mal à maintenir ouverte l’école française. En outre, je ne suis pas sûr que l’on puisse flécher des crédits de manière aussi précise. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État non modifiés.

Après l’article 40 :

Amendement II-AE6 de M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. D’après ses statuts, l’AEFE accomplit deux missions : elle est chargée de développer le réseau d’enseignement à l’étranger, lequel comprend aujourd’hui environ 560 lycées et scolarise près de 400 000 élèves ; elle demeure gestionnaire directe d’une soixantaine d’établissements, dont le lycée de Madrid, par exemple.

Ces deux missions sont de plus en plus incompatibles, à un moment où l’on demande à l’AEFE de faire des missions de reconnaissance dans les zones géographiques où elle est susceptible d’étendre le réseau. De plus, elles sont entremêlées : il est très difficile d’identifier quelle part de la subvention de l’État aide les établissements en gestion directe et quelle part finance la mission de développement et d’influence de l’agence.

Je propose que, dans l’article L. 452-3 du code de l’éducation, relatif à l’AEFE, nous séparions ces deux missions, en créant, au sein de l’agence, un comité de gestion des établissements en gestion directe. L’ensemble du personnel et des fonctions de gestion de ces établissements serait rattaché au comité, qui percevrait les écolages versés par les familles, soit près de 300 millions actuellement. L’État subventionnerait l’agence de développement et d’animation du réseau dans son ensemble. Une convention de collaboration serait conclue entre le comité et l’agence.

Établir une telle distinction nous permettrait d’exercer un contrôle parlementaire beaucoup plus efficace sur l’agence et son budget, et de déterminer beaucoup plus précisément notre action en matière d’enseignement français à l’étranger.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’amendement tend-il à clarifier la manière dont les crédits sont répartis ? Ou bien s’agit-il de modifier l’affectation des crédits au profit des établissements gérés de manière autonome, au détriment des établissements gérés par la puissance publique ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. S’il existe aujourd’hui un déséquilibre, il est plutôt dans l’autre sens. Cet amendement permettra de faire la transparence sur l’utilisation de l’argent public.

Mme Liliana Tanguy. Le groupe Renaissance considère que cette question est légitime mais pas opportune dans un texte budgétaire. Nous souhaitons qu’un tel changement se fasse à l’issue d’une concertation entre l’AEFE et le ministère des affaires étrangères. Votre amendement implique, en effet, une modification de la structure de l’AEFE et de la gouvernance des établissements en gestion directe, de façon assez radicale. Nous appelons donc à voter contre.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Cela fait cinq ans que je parle de cette question avec les instances concernées et il y a au fond peu de résistance. Les gens sont conscients que la gestion est très différente selon que les lycées sont en gestion directe ou non, et ceux qui sont sur le terrain sont majoritairement d’accord avec moi. Il y a eu une concertation et l’évolution ne sera pas radicale. Par ailleurs, la Cour des comptes a repris l’AEFE : il y a eu des fausses factures, faites entre soi, pendant des années.

Nous n’atteindrons pas l’objectif fixé par le président de la République si nous ne séparons pas les fonctions à l’intérieur de l’opérateur. Tout le monde sait que le fait que l’AEFE soit d’un côté gestionnaire d’une soixantaine de lycées – je suis un défenseur des établissements en gestion directe, qui sont à la fois utiles et beaux – et, d’un autre côté, coordinatrice de l’ensemble du réseau pose des problèmes et nécessite une réorganisation. Chaque fois que je propose d’avancer, on me répond que ce n’est pas dans la loi définissant les statuts.

Mon amendement tend à réaliser enfin ce changement nécessaire, qui devra intervenir d’ici au 1er janvier 2024. Je suis tout à fait d’accord avec l’idée qu’il faut prendre le temps, pour ne brutaliser personne, même si les gens sont prêts : certains ne travaillent que pour la soixantaine de lycées gérés par l’AEFE. Cela aidera l’Agence à faire son travail et à constituer des équipes pour développer le réseau.

M. Bruno Fuchs. Frédéric Petit fait le même constat année après année, et ce qu’il propose n’a rien d’un bouleversement radical. C’est une amélioration simple et nécessaire, qu’il faut apporter maintenant. Nous sommes nombreux à penser que l’action publique prend trop de temps. Le moment de passer à l’acte est venu.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On voit que le Gouvernement ne veut pas être gêné par cet amendement et annonce donc une grande réforme pour plus tard. M. Petit soulève un vrai problème, auquel il esquisse une solution dans son amendement. Je voterai pour, même si je ne suis pas sûr qu’il soit constitutionnel et donc recevable. Nous abordons en effet, dans le cadre d’un avis budgétaire, une question relative à l’organisation de l’éducation nationale, qui impliquerait une modification du code de l’éducation. Cela dit, cela ne me gêne pas. Nous pouvons voter pour et faire ainsi un signe politique précis, en étant simplement conscients que l’amendement pourrait être considéré en séance comme irrecevable.

La commission adopte l’amendement.

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—  1  —

 

   Annexe n° 1 :
liste des personnes auditionnées
par le rapporteur pour avis

Auditions à Paris

 M. Fabrice Desplechin, conseiller syndical de la CFDT-MAE ;

 M. Franck Vermeulen, secrétaire général de l’ASAM-UNSA-MEAE ;

   M. Alain Maestroni et M. Yannick Guidoux de la CGT-MAE ;

 M. Antoine Starcky et M. Olivier Da Silva de la CFTC Affaires étrangères ;

 M. Didier Mari de l’USASCC ;

 M. Phi-Ho Nguyen de l’APMAE ;

 Mme Patrizianna Sparacino-Thiellay, présidente de l’ADIENA ;

 M. Pierre-Alain Voltz de l’OSAE.

 

Déplacement au Maroc

 

À Rabat

 

À Tanger

 

 


([1]) En 2023, notre contribution au FEP augmente et s’élève à 67,8 millions d’euros, celle au budget général de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) augmente de 3,7 millions d’euros dans la foulée des décisions adoptées au sommet de Madrid et celle au Conseil de l’Europe est rehaussée de 4,8 millions d’euros pour compenser le retrait de la Russie.

([2])  À titre d’exemple, voir la tribune du groupe Théophile Delcassé, réunissant une cinquantaine de diplomates et de fonctionnaires du ministère, publiée dans le journal Le Monde le 24 mai 2021. Accessible ici.

([3]) Rapport d’information fait par MM. Jean-Pierre Grand et André Vallini sur l’avenir du corps diplomatique au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, en juillet 2022.

([4])  Ces PPD ont été déployés, selon les modalités prévues par la circulaire ministérielle en date du 17 juillet 2015, en deux vagues. La première a concerné les postes suivants : Brunei, Cap-Vert, Érythrée, Guinée-Bissau, Honduras, Jamaïque, Kirghizstan, Libéria, Népal, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Tadjikistan, Trinité et Tobago et Zambie. La seconde a concerné le Botswana, Fidji, la Moldavie, le Monténégro, la Namibie, le Nicaragua, le Paraguay, le Salvador, les Seychelles, le Soudan du Sud, le Suriname et le Turkménistan.

([5]) Rapport d’information n° 392 fait par MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission des finances du Sénat sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, 26 janvier 2022 (session 2021-2022).