N° 337

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

 

TOME IX

 

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

 

 

 

PAR Mme Mireille CLAPOT

Députée

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 Voir le numéro : 273


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Le financement de l’union europÉenne

A. Un budget pour rÉparer les dommages Économiques et sociaux causÉs par la pandÉmie et faciliter la transition vers une Europe moderne et plus durable

1. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027, un budget de long terme

2. Le plan de relance européen

3. Un budget protégé contre les violations de l'État de droit

B. Les ressources de l’Union europÉenne

1. Les différents types de ressources permettant de financer le budget de l’Union

2. Les conséquences financières du retrait britannique

3. L’évolution des recettes du budget de l’Union

C. Les dÉpenses de l’Union europÉenne

1. Les principaux domaines d’action de l’Union européenne

2. Une mobilisation majeure de l’Union en soutien à l’Ukraine

II. Le budget annuel de l’union europÉenne pour 2023

A. UN BUDGET ENCORE EN COURS DE NÉGOCIATIONS ET SOUMIS À DES INCERTITUDES

1. Les propositions de la Commission pour soutenir la relance de l'Europe et relever les défis d'aujourd'hui et de demain

2. Une approche prudente du Conseil au regard du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement

B. L’Évaluation de la contribution française au budget de l’union europÉenne pour 2023

1. Une contribution en constante et nette progression depuis plus de vingt ans

2. Une contribution élevée enregistrant pour 2023 une légère baisse par rapport à l’an passé

COnclusion

travaux en commission

annexe  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE pour avis


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introduction

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR‑UE) à 24,5 milliards d’euros.

Le PSR‑UE est estimé en fonction des prévisions de recettes et de dépenses du budget de l’Union européenne pour 2023, des prévisions de recettes issues du comité consultatif sur les ressources propres de mai 2022, ainsi que d’une hypothèse de solde 2022 reporté sur 2023.

Le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne enregistre une baisse par rapport à celui voté en loi de finances initiale pour 2022, qui s’élevait à 26,3 milliards d’euros.

Le budget annuel de l’Union européenne pour 2023 est la troisième annuité du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur la période allant de 2021 à 2027. Ce cadre financier prévoit un plafond global de dépenses de 1 210 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans. Ce montant est revu annuellement en fonction des prévisions de paiement de la Commission européenne et sous l’effet des rehaussements d’engagements introduits par l’article 5 du règlement CFP ([1]).

Le CFP 2021‑2027 a permis à l’Union européenne de se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, bien que temporaire, incarnée par le plan de relance européen, Next Generation EU. Au risque de fragmentation que le retrait du Royaume-Uni et les conséquences de la crise sanitaire faisaient peser sur l’Union, les Européens ont ainsi répondu par la décision d’emprunter en commun, réaffirmant ainsi leur volonté de s’engager solidairement et dans la durée.

Le budget annuel de l’Union européenne pour 2023 aura un rôle important à jouer dans la définition et la réalisation des objectifs et des priorités politiques à long terme arrêtés par l’Union. Il devra ainsi contribuer au redressement et au renforcement de l’économie européenne au lendemain de la pandémie de la Covid‑19. Il devra également constituer un outil à même de permettre à l’Europe d’influer sur un monde confronté à un ensemble de crises protéiformes, qu’il s’agisse des conséquences de la guerre en Ukraine, de l’inflation ou encore du dérèglement climatique.

 


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I.   Le financement de l’union europÉenne

A.   Un budget pour rÉparer les dommages Économiques et sociaux causÉs par la pandÉmie et faciliter la transition vers une Europe moderne et plus durable

1.   Le cadre financier pluriannuel 2021-2027, un budget de long terme

Aux termes de l’article 312‑1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « le cadre financier pluriannuel vise à assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union dans la limite des ressources propres. Il est établi pour une période d’au moins cinq années. Le budget annuel de l’Union respecte le cadre financier pluriannuel ». Ainsi, le cadre financier pluriannuel définit une programmation pluriannuelle des finances de l’Union européenne et fixe des plafonds annuels maximaux de dépenses juridiquement contraignants.

Ce CFP est adopté au terme d’une procédure législative spéciale, requérant l’unanimité au Conseil, après approbation du Parlement européen qui se prononce à la majorité de ses membres. L’actuel cadre financier pluriannuel couvre une période de sept ans allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2027. Le cycle de négociation du CFP 2021‑2027, initié le 2 mai 2018 par une proposition de la Commission européenne, a permis d’aboutir à un accord entre les chefs d’États et de gouvernements lors du Conseil européen des 17‑21 juillet 2020, incluant un plan de relance européen baptisé Next Generation UE en réponse à la crise économique liée à la pandémie de la Covid‑19. Ses modalités de mise en œuvre ont ensuite été discutées entre les deux branches de l’autorité budgétaire, le Conseil et le Parlement européen, avant que ce dernier n’approuve le règlement, conformément à la procédure prévue par le traité, dans le cadre de l’accord interinstitutionnel trouvé le 10 novembre 2020 et adopté formellement le 16 décembre 2020.

Le CFP 2021‑2027 constitue le premier cadre financier pluriannuel à la suite du retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne.

Le cadre juridique du CFP 2021‑2027 comporte :

-         le règlement du Conseil du 17 décembre 2020 ([2]) fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, dit « règlement CFP », qui fixe les montants des plafonds annuels des crédits d’engagement par rubrique de dépenses et du plafond annuel des crédits de paiement ;

-         l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 ([3]) entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres ;

-         la décision du Conseil du 14 décembre 2020 ([4]) relative au système des ressources propres de l’Union européenne, dite « DRP » (décision ressources propres), entrée en vigueur le 1er juin 2021, après approbation par l’ensemble des États membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives.

L’accord final adopté prévoit un plafond en crédits d’engagement de 1 074,3 milliards d’euros et de 1 061 milliards d’euros en crédits de paiement en euros constants 2018. Conjugué à l’instrument de relance Next Generation EU doté de 750 milliards d’euros constants 2018, le budget de l’Union européenne doit permettre d’accorder des financements pour un total sans précédent de 1 824 milliards soit 1,8 % du revenu national brut de l’Union européenne, ce qui constitue un niveau historique dans la mesure où les précédents budgets pluriannuels de l’Union étaient proches de 1 %. Cela reste cependant un volume globalement modeste en comparaison, par exemple, avec le budget fédéral américain, qui représente environ 21 % du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis.

2.   Le plan de relance européen

a.   Next Generation UE, un instrument inédit et ambitieux

L’accord obtenu lors du Conseil européen le 14 décembre 2020 prévoit, outre le CFP 2021‑2027, un plan de relance européen Next Generation EU d’un montant de 750 milliards d’euros constants 2018 dont 360 milliards d’euros de prêts aux États membres et 390 milliards d’euros de subventions. Ces crédits seront engagés jusqu’en 2023 et déboursés jusqu’en 2026 pour accompagner la matérialisation de la relance dans l’Union et aider cette dernière à relever ses défis de long terme, notamment les transitions écologique et numérique, le renforcement de la compétitivité et de la cohésion sociale et territoriale.

Ce plan est financé par des émissions obligataires de l’Union sur les marchés. Les fonds ainsi empruntés viennent abonder plusieurs programmes portant sur les grandes priorités de l’Union européenne, notamment la recherche, la transition verte et agricole ainsi qu’un nouvel instrument dédié, la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Cet instrument a notamment vocation à soutenir les réformes structurelles et les investissements d’avenir orientés vers les transitions écologique et numérique et des projets favorisant la croissance potentielle. En revanche, ces financements ne peuvent être utilisés pour soutenir des dépenses de fonctionnement ou des initiatives pouvant porter atteinte à l’environnement.

Depuis l’entrée en vigueur de la FRR, le 19 février 2021, le Conseil a validé vingt-cinq plans nationaux de relance et de résilience (PNRR) pour un montant total de 490,1 milliards d’euros. Les deux plans restants – Hongrie et Pays‑Bas – ont été déposés mais n’ont pas encore fait l’objet d’une proposition d’exécution du Conseil.

Les Pays‑Bas sont le dernier pays à avoir officiellement déposé leur PNRR auprès de la Commission, le 8 juillet 2022, pour une enveloppe de 4,7 milliards d’euros sur laquelle la Commission a émis une évaluation positive, ouvrant ainsi la voie à un examen du Conseil.

S’agissant de la Hongrie, Budapest a officiellement soumis son PNRR à la Commission le 12 mai 2021 mais ce dernier n’a pas encore fait l’objet d’une proposition d’exécution de la Commission déclenchant son examen par le Conseil, car il nécessite des éléments complémentaires liés à la question de l’État de droit (cf. infra).

En chiffres, ce sont environ 112,8 milliards d’euros qui ont été déboursés à ce stade au titre de la FRR dont 79,4 milliards d’euros de subventions et 33,4 milliards d’euros de prêts, dont 56,6 milliards d’euros de préfinancements à vingt‑et‑un États membres. Onze États ont fait au moins une demande de décaissement régulier à ce jour (Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, France, Grèce, Italie, Lettonie, Portugal, Roumanie, Slovaquie). Au total, plus de trente demandes de décaissement devraient avoir lieu en 2022.

Par ailleurs, la Commission européenne a proposé le 18 mai 2022 dans son paquet REPowerEU, qui vise à réduire rapidement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes et à accélérer la transition écologique, d’abonder la FRR de 20 milliards d’euros pour financer des projets énergétiques dans le cadre de chapitres REPowerEU directement intégrés dans les PNRR. Les modalités exactes du financement de cette enveloppe supplémentaire et la clé d’allocation appliquée font actuellement l’objet de négociations. En outre, sur la question de la crise énergétique, la rapporteure tient à saluer la prise de position de la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, formulée le 14 septembre 2022 lors de son discours sur l’état de l’Union et visant à plafonner les recettes des entreprises qui produisent à faible coût de l’électricité, laquelle a estimé « que les bénéfices doivent être partagés et redirigés vers ceux qui en ont le plus besoin ».

b.   La mise en œuvre du plan français pour la reprise et la résilience

Le PNRR français a été adopté par le Conseil en juillet 2021. En août 2021, la France a bénéficié d’un préfinancement s’élevant à 5,1 milliards d’euros – soit 13 % de la somme totale prévue – non soumis à l’atteinte de cibles et jalons.

À plus long terme, et jusqu’en 2026, les fonds de la FRR seront versés selon une logique de performance, en fonction de la concrétisation des mesures figurant dans le PNRR français. La France a présenté à la Commission européenne sa première demande de versement le 26 novembre 2021 pour trente‑huit cibles et jalons. Cette demande a permis le versement de 7,4 milliards d’euros au cours du premier trimestre 2022.

La mise en œuvre des cibles et jalons suit son cours. Conformément au calendrier rappelé dans la circulaire relative à la mise en œuvre du PNRR ([5]), révisée à l’été dernier, la France présentera fin décembre 2022 sa seconde demande de paiement – soit environ 12,7 milliards d’euros – portant sur soixante‑cinq cibles et jalons. Il s’agit de la tranche de remboursement la plus élevée sur la période 2021‑2026.

À noter que le montant définitif des enveloppes FRR auxquels sont éligibles les États membres a été actualisé le 30 juin 2022 par la Commission européenne, conformément à l’article 11 du règlement FRR ([6]) qui introduit une clé dynamique de 30 % tenant compte des variations de PIB sur la période 2020‑2021. Eu égard aux bons résultats économiques de la France sur cette période de référence, l’enveloppe FRR de notre pays connaît une légère diminution et s’élève très exactement à 37 458 275 euros.

3.   Un budget protégé contre les violations de l'État de droit

De manière inédite, le budget de l’Union européenne est désormais protégé contre les violations de l’État de droit, grâce au règlement du 16 décembre 2020 ([7]) relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, entré en vigueur le 1er janvier 2021.

La création de ce régime vise à ce que, pour la première fois, les fonds de l’Union européenne soient protégés, y compris à titre préventif, contre des violations des principes de l’État de droit. Il permet de suspendre des engagements financiers ou des financements versés au titre du budget de l’Union – y compris de l’instrument de relance Next Generation EU – à un État membre lorsque celui‑ci commet une violation des principes de l’État de droit de nature à porter atteinte à la protection des intérêts financiers de l’Union. Ce n’est pas là un mécanisme punitif mais une procédure ayant pour unique objectif de protéger le budget de l’Union.

En mars 2021, la Hongrie et la Pologne avaient introduit des recours en annulation contre ce règlement en soutenant que le mécanisme ne présentait pas de lien précis avec le budget de l’Union et constituait en réalité un mécanisme de protection de l’État de droit visant à sanctionner certains États membres en contournant, par une procédure plus souple, la procédure prévue à l’article 7 du traité sur l’Union européenne. Dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), la Commission avait adressé, le 19 novembre 2021, des demandes d’information à Budapest et Varsovie portant, entre autres, sur la remise en cause de la primauté du droit de l’Union, le manque d’indépendance de l’autorité judiciaire en Pologne, la faiblesse des règles juridiques encadrant la passation des marchés publics ou encore l’inefficacité des services d’enquête en Hongrie.

Le 16 février 2022, la CJUE a rejeté le recours formé par la Hongrie et la Pologne et validé la légalité du règlement. Le 2 mars 2022, la Commission a publié ses lignes directrices précisant le règlement, étape préalable à la mise en œuvre de ce dernier.

À la suite de l’annonce d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le 5 avril 2022, de la mise en œuvre ce mécanisme à l’égard de la Hongrie, le collège des commissaires a adressé une lettre de notification déclenchant officiellement la procédure le 27 avril 2022, adoptant ainsi une approche différenciée entre la Hongrie et la Pologne. Cela a entraîné un dialogue qui a abouti à la proposition, par la Hongrie, d’une série de mesures correctives visant à répondre aux préoccupations soulevées par la Commission.

Bien que les dernières mesures correctives présentées en août et septembre 2022 aient été jugées insuffisantes par les services de la Commission, cette dernière a conclu que celles‑ci pourraient, en principe, être de nature à résoudre les problèmes soulevés, à condition qu’elles fassent l’objet de dispositions législatives et de règles pertinentes suffisamment détaillées, et qu’elles soient effectivement mises en œuvre. Dans l’attente, la Commission estime néanmoins qu’il subsiste un risque pour le budget de l’Union à ce stade. Aussi, à la suite d’une réunion exceptionnelle du collège des commissaires, le dimanche 18 septembre 2022, la Commission a émis une décision d’exécution en vue de priver la Hongrie de certains fonds européens via :

-         une suspension de 65 % des engagements au titre de trois programmes opérationnels de la politique de cohésion ;

-         une interdiction de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d’intérêt public dans le cadre de programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte.

Cette décision doit être soumise au vote du Conseil, qui aura un mois pour décider d’adopter ou non les mesures proposées. Ce délai peut être prolongé de deux mois au maximum, en cas de circonstances exceptionnelles. Dans l’intervalle, la Commission suivra la situation et tiendra le Conseil informé de tout élément pertinent susceptible d’avoir un effet sur son évaluation actuelle. La Hongrie s’est engagée à informer pleinement la Commission de la réalisation des principales étapes de la mise en œuvre de ses mesures correctives d’ici au 19 novembre 2022.

Afin d’aboutir à une issue favorable, le gouvernement hongrois s’est lancé dans une procédure accélérée de vote par le Parlement de tout un arsenal législatif. Il correspond à la mise en œuvre d’une partie des dix‑sept engagements répertoriés dans le projet de décision que la Commission a transmis au Conseil le 18 septembre 2022. Ainsi, les 3 et 4 octobre derniers, l’Assemblée nationale hongroise a adopté plusieurs textes dont :

-         une loi sur le contrôle de l’utilisation des fonds de l’Union européenne qui instaure notamment une « Autorité de l’intégrité » ;

-         une loi modifiant le code de procédure pénal révisant les règles de la procédure d’appel en cas de délits graves liés à la corruption, à des détournements de fonds ou des malversations ;

-         une loi renforçant les obligations de consultation publique dans le processus d’élaboration législative ;

-         une réforme de deux lois de 2015 et 2021 concernant la gestion des fondations d’intérêt public les soumettant à l’obligation de passer des appels d’offres publics.

Ces mesures nécessaires doivent être saluées, même si elles comportent encore des lacunes et appellent une grande vigilance quant à leur mise en œuvre concrète. Par ailleurs, d’autres évolutions législatives sont encore attendues.

L’issue des discussions à venir au Conseil concernant le mécanisme de conditionnalité à l’égard de la Hongrie est inconnue à ce stade. Celles‑ci seront néanmoins l’occasion de vérifier que le gouvernement Orban a engagé des réformes réelles au bénéfice de la protection de l’État de droit.

B.   Les ressources de l’Union europÉenne

1.   Les différents types de ressources permettant de financer le budget de l’Union

L’article 311 du TFUE stipule que « le budget [de l’Union] est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres ».

Le financement du budget de l’Union repose actuellement sur plusieurs types de ressources :

-         la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) versée par les États membres, au prorata de leur part dans le RNB total de l’Union. Créée par la décision du Conseil du 24 juin 1988 ([8]), cette ressource propre consiste en un prélèvement d’un pourcentage unique sur le RNB des États membres fixé dans la procédure budgétaire annuelle. À l’origine, cette ressource qualifiée d’équilibre, ne devait être perçue que si les autres ressources propres étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses de l’Union. Cependant elle finance aujourd’hui l’essentiel du budget et constitue ainsi la principale composante des ressources de l’Union et, partant, de la contribution française. Cette ressource a, en effet, triplé depuis la fin des années 1990 et représentait pour le budget 2022 de l’Union européenne plus des deux-tiers (67 %) des ressources ;

-         les ressources propres dites « traditionnelles » (RPT) constituées des droits de douane. Les administrations nationales agissent en simples intermédiaires en assurant la perception des ressources dues à l’Union. Pour le budget 2022 de l’Union les RPT représentaient 11 % des ressources ;

-         la ressource fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui est calculée par l’application d’un taux uniforme (0,30 %) à une assiette harmonisée de TVA pour l’ensemble des États membres. Bien que cette ressource ait été prévue par la décision de 1970 ([9]), il a fallu attendre l’harmonisation des systèmes de TVA entre les États membres, en 1979, pour qu’elle soit collectée. La ressource « TVA » représentait pour le budget 2022 de l’Union 11 % des ressources ;

-         la nouvelle ressource fondée sur les emballages plastiques non recyclés (ou « ressource plastique »). Il s’agit là de la première nouvelle catégorie de ressources propres introduite le 1er janvier 2021 par la décision de 2020 relative au système des ressources propres. Elle prend la forme d’une contribution nationale sur la base des quantités de déchets d’emballages en plastique non recyclés, avec un taux d’appel uniforme de 0,80 euro par kilogramme. Les contributions des États membres dont le RNB par habitant est inférieur à la moyenne européenne sont réduites d’un montant forfaitaire annuel correspondant à 3,8 kilogrammes de déchets plastiques par habitant. Les recettes générées par cette ressource représenteraient environ 4 % du budget de l’Union ;

-         les recettes diverses, qui comprennent notamment les impôts versés par le personnel de l’Union sur ses rémunérations, les contributions de pays tiers à certains programmes de l’Union, le reliquat des contributions du Royaume‑Uni et les amendes payées par les entreprises qui enfreignent les règles de concurrence ou d’autres législations. Ces autres recettes représentent habituellement entre 2 % et 8 % du total des ressources.

2.   Les conséquences financières du retrait britannique

Le Royaume-Uni était, en 2020, le troisième contributeur au budget de l’Union européenne en valeur, derrière l’Allemagne et la France, avec un montant de contribution de 19,7 milliards d’euros et le deuxième contributeur net au budget de l’Union derrière l’Allemagne et devant la France (avec un déficit net comptable estimé à 12,9 milliards d’euros en 2020). La perte pour le budget de l’Union, liée au retrait britannique, a été significative et a été compensée dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 par une augmentation des contributions des autres États membres.

Aussi, les conséquences financières du Brexit ont constitué un aspect crucial des négociations. L’accord de retrait, entré en vigueur le 31 janvier 2020, date à laquelle le Royaume‑Uni est devenu un État tiers, a ouvert une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020. Durant cette période, le pays a continué à respecter l’acquis communautaire sans pouvoir participer aux institutions et aux processus décisionnels mais en conservant un accès au marché intérieur et à l’union douanière. Parfois assimilée à tort à une « facture de sortie », le règlement financier a pour objectif de garantir que le Royaume-Uni honore toutes ses obligations financières contractées lorsqu’il était encore membre de l’Union.

Les montants dus par le Royaume‑Uni à l’Union, ainsi que tous les montants dus par l’Union au Royaume-Uni sur le périmètre du budget communautaire conduisent à une créance globale nette pour l’Union européenne de 41,8 milliards d’euros au 31 décembre 2021 (contre 47,5 milliards d’euros au 31 décembre 2020). La contribution globale du Royaume-Uni inclut également les paiements dus par l’Union au titre des corrections et ajustements sur ressources propres antérieurs à 2021.

Ces 41,8 milliards d’euros devront être acquittés par Londres sur plusieurs années. Pour 2022, le Royaume‑Uni doit payer 10,92 milliards d’euros (contre 6,8 milliards d’euros en 2021). La hausse constatée entre 2021 et 2022 est due uniquement à un décalage calendaire de paiement prévu par l’article 48 de l’accord de retrait.

Le règlement financier, prévu par l’article 139 de l’accord de retrait, détermine la part de la contribution britannique à appliquer aux engagements restants. Celle‑ci s’établit à 12,43 % et a été calculée en fonction des ressources mises à disposition par le Royaume‑Uni au cours des années 2014-2020, rapportées à l’ensemble des ressources mises à disposition par les autres États membres aux cours de la même période. Cette clé est ensuite appliquée aux différents engagements restants à liquider : reste à liquider ([10]), passifs se rapportant aux pensions de retraite et aux régimes maladie, sommes dues et liées à des cas contentieux en matière de protection des intérêts financiers de l’Union impliquant le Royaume-Uni, etc. Parmi ces différentes catégories, les sommes les plus élevées concernent le reste à liquider, qui correspond aux paiements restants à décaisser au titre du CFP 2014‑2020 (28,6 milliards d’euros) et les passifs liés aux pensions (14,8 milliards d’euros).

L’Union européenne rend compte deux fois par an au Royaume‑Uni des montants dus et ce dernier les acquitte sur une base mensuelle. Le rapport est mis à jour chaque année sur la base des chiffres réels. Le comité spécialisé de l’accord de retrait sur les dispositions financières se réunit au moins une fois par an pour permettre aux deux parties de discuter des difficultés et des points restants à traiter.

3.   L’évolution des recettes du budget de l’Union

Sur le long terme, la diminution de la part des ressources « RPT » et de celle de la ressource « TVA » au profit de la contribution « RNB » constitue une tendance de fond. La ressource plastique introduite par la nouvelle décision ressources propres à partir de 2021 ne devrait pas modifier cette tendance, son assiette étant elle‑même décroissante du fait de la diminution annoncée des emballages plastiques non recyclés. Le tableau ci‑après retrace l’évolution des recettes du budget de l’Union européenne en milliards d’euros entre 2000 et 2021.

Le graphique ci‑après retrace l’évolution des recettes du budget de l’Union européenne en pourcentage entre 1994 et 2021.

Il faut, par ailleurs, relever que des mécanismes de compensation sont accordés, par dérogation au régime de droit commun des ressources propres, à certains États membres dont la contribution a été considérée comme excessive au regard de leur prospérité relative, conformément aux conclusions du Conseil de Fontainebleau de 1984. C’est, sous l’empire de la décision relative aux ressources propres 2021‑2027, le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, des Pays‑Bas et de la Suède. La France représente le principal contributeur à ces « rabais » et ne bénéficie pour sa part d’aucun mécanisme de compensation. Lors des négociations sur la nouvelle décision sur les ressources propres (cf. infra), en parallèle de celles sur le CFP 2021‑2027, le Président de la République a indiqué à plusieurs reprises que la France s’opposait à « tous les chèques, toutes les ristournes, tous les rabais ». Les autorités françaises ont par ailleurs indiqué, au cours de ces négociations et dans le cadre des discussions sur le remboursement du plan de relance européen, qu’elles étaient en faveur de l’introduction de nouvelles ressources propres assises sur des politiques européennes de manière à sortir du débat sur le « juste retour » – retour défini comme les montants perçus nationalement au titre des politiques européennes diminués de la contribution au budget de l’Union – et ainsi mettre un terme aux demandes de corrections de certains contributeurs nets.

Pour la France, État membre ambitieux au niveau européen mais également largement contributeur net et assumant une grande part du financement des rabais, l’introduction de nouvelles ressources propres au profit du budget de l’Union européenne revêt un caractère politique prioritaire. Une telle évolution devrait permettre, notamment, d’éviter que le remboursement du prêt contracté par la Commission dans le cadre du plan de relance européen Next Generation UE ne se traduise, à l’issue du CFP 2021‑2027, par un nouveau ressaut de la contribution nationale française. Malgré la proposition d’introduction de trois nouvelles ressources propres de la part Commission en mai 2018 dans son projet de cadre financier pluriannuel 2021‑2027, le Conseil n’était pas parvenu dans l’accord de juillet 2020 à s’accorder sur la création immédiate de nouvelles ressources propres, à l’exception de la ressource plastique, qui ne constitue toutefois pas à proprement parler une ressource propre en ce qu’elle ne demeure qu’une modulation de la ressource RNB.

La question des nouvelles ressources propres

La Commission a présenté le 22 décembre 2021 une proposition de paquet législatif « ressources propres », dont l’objectif consiste :

- à mettre en place de nouvelles ressources propres afin d’assurer le remboursement du plan de relance européen entre 2028 et 2058 sans recourir à une augmentation des contributions des États membres conformément aux conclusions du Conseil européen de juillet 2020 et à l’accord interinstitutionnel de décembre 2020 ;

- à financer le futur Fonds social pour le climat (FSC) destiné à compenser l’impact de l’extension du marché carbone européen (ETS) au transport routier et au bâtiment prévue dans le cadre du paquet Climat « fit for 55 » ;

Sur la forme, la Commission propose deux textes juridiques amendant, d’une part, la décision ressources propres et, d’autre part, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021‑2027. La proposition comprend trois nouvelles ressources fondées sur le marché carbone européen (ETS), le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE relative à la réallocation des droits à imposer.

S’agissant de l’ETS, 25 % des recettes générées par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE - y compris celles tirées du projet d’extension aux secteurs du bâtiment et du transport routier - seraient affectées comme ressources propres au budget européen. Les recettes pour le budget de l’Union sont estimées par la Commission à 9 milliards d’euros par an sur la période 2023-2030 et à 12 milliards d’euros par an sur 2026-2030.

S’agissant du MACF, la Commission propose d’affecter 75 % des recettes générées par le mécanisme au budget européen (soit 0,8 milliard d’euros par an à partir de 2026) et de reverser les 25 % restants aux États membres.

S’agissant du pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE relative à la réallocation des droits à imposer, la Commission propose une ressource propre équivalente à 15 % de la part des bénéfices résiduels d’entreprises multinationales réaffectés aux États membres. Les recettes pour le budget de l’Union sont estimées entre 2,5 et 4 milliards d’euros par an.

Au total, ces trois ressources généreraient selon la Commission au maximum 13,5 milliards d’euros par an sur la période 2023-2030 et 17 milliards d’euros par an sur la période 2026-2030.

La France soutient fortement la mise en œuvre de nouvelles ressources propres qui constitue un enjeu à la fois politique et budgétaire. Parmi les autres États membres favorables à la création de nouvelles ressources propres figurent l’Italie et le Luxembourg. Parmi les États membres originellement réservés voire opposés par principe à des nouvelles ressources propres au motif notamment que ces dernières pourraient justifier une nouvelle hausse du budget de l’Union (Finlande, Suède), le Danemark se montre désormais ouvert aux discussions sur les nouvelles ressources propres. En outre, des États comme la Hongrie ou la Pologne se sont montrés opposés ou réservés sur la transformation de l’ETS en nouvelle ressource propre.

Au cours du premier semestre 2022, la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) a opté pour une approche séquencée privilégiant les progrès sur les textes sectoriels sur lesquels se fonderont les ressources propres. À ce titre, des progrès considérables ont été réalisés au cours des discussions au Conseil sur des textes complexes et techniques avec l’adoption de plusieurs orientations générales sur plusieurs textes phares (ETS, MACF, FSC).

La Commission prévoit de présenter en 2023 un nouveau paquet « ressources propres » qui pourrait inclure une taxe sur les transactions financières et une contribution financière liée au secteur des entreprises (BEFIT) dans l’optique de sécuriser le niveau de nouvelles ressources propres nécessaire à assurer le remboursement du plan de relance européen, soit 15 milliards d’euros par an.

C.   Les dÉpenses de l’Union europÉenne

1.   Les principaux domaines d’action de l’Union européenne

Aux termes de l’article 312 du TFUE : « les catégories de dépenses, d’un nombre limité, correspondent aux grands domaines d’intervention de l’Union ».

Les dépenses de l’Union s’inscrivent, depuis 1988, dans un cadre pluriannuel, où elles sont ventilées en rubriques correspondant aux grands domaines d’action de l’Union européenne et sont assorties de plafonds traduisant les grandes priorités budgétaires définies dans le cadre du cadre financier pluriannuel.

Les budgets annuels doivent respecter les limites fixées dans le cadre du CFP. Comme indiqué précédemment, les dépenses de l’Union pour la période 2021‑2027 s’élèvent au total à 1 824,3 milliards d’euros, dont 1 074,3 milliards d’euros pour le CFP et 750 milliards d’euros pour le plan de relance européen Next Generation UE. Les nouvelles ambitions budgétaires de l’Union européenne visent à soutenir la modernisation de l’Union au moyen de certains programmes phares tels qu’Horizon Europe (programme‑cadre de recherche et d’innovation de l’Union européenne), InvestEU (programme‑cadre de soutien à l’investissement) et le Fonds pour la gestion intégrée des frontières, ainsi que les transitions écologique et numérique par le biais du Fonds pour une transition juste et de Digital Europe (programme‑cadre pour une Europe numérique). La politique agricole modernisée reste la politique la plus importante en termes de dotation budgétaire, suivie de près par la politique de cohésion, toutes deux ayant pour objectif de soutenir les transitions numérique et écologique.

Le cadre financier 2021‑2027 prévoit ainsi une répartition du budget de l’Union en sept rubriques :

- rubrique 1 : marché unique, innovation et numérique ;

- rubrique 2 : cohésion, résilience et valeurs ;

- rubrique 3 : ressources naturelles et environnement ;

- rubrique 4 : migrations et gestion des frontières ;

- rubrique 5 : sécurité et défense ;

- rubrique 6 : voisinage et monde ;

- rubrique 7 : administration publique européenne.

Chaque rubrique est divisée en enveloppes thématiques détaillant les grands domaines d’intervention de l’Union européenne, regroupant les programmes européens y concourant.

La structure du CFP 2021‑2027 pour les crédits d’engagement en montants ainsi qu’en pourcentages est retracée dans le tableau ci-après.

RÉpartition des montants des crÉdits d’engagement
dans le cadre du CFP 2021‑2027

Source : Commission européenne

 

RÉpartition en pourcentage des crÉdits d’engagement
dans le cadre du CFP 2021‑2027

Source : Commission européenne

 

2.   Une mobilisation majeure de l’Union en soutien à l’Ukraine

Le budget européen a permis, à plafonds constants, de mobiliser des leviers importants de financement, afin de faire face à différentes catégories de dépenses en soutien à l’Ukraine.

La Facilité européenne pour la paix (FEP) mobilisée à hauteur de 2,5 milliards d’euros a ainsi permis d’apporter une aide sur le seul plan militaire à l’Ukraine de l’ordre de 2,33 milliards d’euros pour l’achat de matériel létal et 170 millions d’euros pour du matériel non létal. À noter que la FEP n’est pas financée via le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne mais par des contributions des États membres déterminées selon une clé de répartition fondée sur le revenu national brut.

Des aides à caractère humanitaire et macro‑financières ont également été déployées. Une aide d’urgence humanitaire de l’ordre d’environ 600 millions d’euros a ainsi été débloquée. Cette aide est notamment financée via :

-         un appui budgétaire additionnel de l’ordre de 120 millions d’euros au titre de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI – L’Europe dans le monde) ;

-         un rehaussement de l’enveloppe Ukraine d’aide humanitaire, portée à 93 millions d’euros (dont 8 millions d’euros destinés à la Moldavie) ;

-         un paquet IVCDCI de 330 millions d’euros, composé notamment de 141 millions d’euros de fonds réalloués au titre du plan d’action annuel 2021 et des 160 millions d’euros prévus dans le plan d’action annuel 2022.

Lors de la Conférence des donateurs du 5 mai 2022, la Commission a par ailleurs annoncé 200 millions d’euros d’aide supplémentaire aux déplacés (destinée à parts égales aux directions générales ECHO ([11]) et NEAR ([12])).

En outre, une assistance macro‑financière (AMF) de 1,2 milliard d’euros était prévue avant le déclenchement de la guerre et elle a été versée en intégralité au premier semestre 2022. Un dispositif d’AMF exceptionnelle de 9 milliards d’euros a été annoncé par la Commission dans une communication du 18 mai 2022 et a fait l’objet d’un accord du Conseil européen les 30‑31 mai 2022. Le premier volet de cette AMF exceptionnelle à hauteur de 1 milliard d’euros a été décaissé en deux tranches le 1er et le 2 août. Un accord a été trouvé fin juillet 2022 pour l’octroi d’un second volet d’AMF exceptionnelle de 5 milliards d’euros. La proposition législative a formellement été adoptée par le Parlement européen le 15 septembre 2022 et le Conseil de l’Union le 20 septembre 2022.

À court terme, il a été fait le choix de tirer profit de toutes les flexibilités offertes par le budget européen. Des mesures visant à réorienter des Fonds de cohésion de la période 2014‑2020 et à modifier le cadre réglementaire des instruments Justice et affaires intérieures (JAI) ont été mises en place, afin d’apporter un soutien aux États membres accueillant des réfugiés. Ces mesures permettront de mobiliser des ressources supplémentaires supérieures à 17 milliards d’euros pour les fonds cohésion et à hauteur de 420 millions d’euros pour les instruments JAI.

Des outils ont également été prévus afin d’aider les États membres et les entreprises européennes à faire face aux conséquences économiques de la crise, notamment un mécanisme d’encadrement temporaire permettant d’assouplir les règles en matière d’aides d’État et une mobilisation de 500 millions d’euros par la Commission en vue de soutenir les agriculteurs les plus touchés par la crise.

À ce jour, il est difficile de fournir un montant d’aide globale apportée par l’Union européenne à l’Ukraine dans la mesure où l’aide prend différentes formes (subventions, prêts) et est financée par le budget de l’Union, le plus souvent, ou des contributions des États membres. Le montant total apporté ou déjà engagé peut être estimé à plus de à 7,7 milliards d’euros.


II.   Le budget annuel de l’union europÉenne pour 2023

A.   UN BUDGET ENCORE EN COURS DE NÉGOCIATIONS ET SOUMIS À DES INCERTITUDES

Le budget annuel de l’Union européenne fixe l’ensemble des recettes et des dépenses de l’Union pour une année. Il garantit ainsi le financement des politiques et programmes de l’UE, conformément aux priorités politiques et aux obligations juridiques de l’Union.

Conformément à l’article 312 du TFUE, chaque budget annuel doit s’inscrire dans les limites des dépenses fixées par le cadre financier pluriannuel, le budget à long terme établi pour sept ans. En pratique, les crédits sont habituellement prévus en dessous des plafonds du CFP, afin de laisser une marge de manœuvre en cas de besoins non anticipés. Par ailleurs, le budget de l’Union doit être obligatoirement équilibré en recettes et en dépenses.

Le projet de budget annuel est proposé par la Commission européenne avant d’être approuvé par le Conseil et le Parlement européen.

1.   Les propositions de la Commission pour soutenir la relance de l'Europe et relever les défis d'aujourd'hui et de demain

La proposition de la Commission du 7 juin 2022 concernant le budget annuel pour 2023 – troisième budget relevant du CFP 2021‑2027 et troisième année de mise en œuvre de l’instrument de relance européen Next Generation EU – prévoit un budget à hauteur de 185,6 milliards d’euros en crédits d’engagement (soit 1,14 % du RNB) et 166,3 milliards d’euros en crédits de paiement (soit 1,02 % du RNB), auxquels s’ajoute une enveloppe estimée à 113,9 milliards d’euros sous forme de subventions dans le cadre du plan de relance européen. Hors instruments spéciaux, les crédits proposés par la Commission sont en hausse de 2,1 % en crédits d’engagement et en baisse de 2,7 % en crédits de paiement par rapport au budget 2022.

Une nouvelle fois, le budget annuel proposé par la Commission vise à mobiliser des investissements importants, dans le but de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, de stimuler la reprise économique en cours, de préserver la durabilité et de créer des emplois. Une part importante des fonds devrait être destinée à la lutte contre le changement climatique, conformément à l’objectif de consacrer 30 % des dépenses du budget à long terme et de l’instrument de relance Next Generation EU à cette priorité politique. En outre, la Commission a insisté sur la priorité donnée aux investissements verts et numériques et sur sa détermination à apporter des réponses urgentes aux différentes crises auxquelles l’Union est actuellement confrontée. Elle a, par ailleurs, indiqué que des propositions supplémentaires de financement visant à compenser les effets, tant externes qu’internes, de la guerre en Ukraine seront présentées dans le courant de l’année, sur la base d'une évaluation plus précise des besoins, en conformité avec les conclusions du Conseil européen du 31 mai 2022.

La Commission propose notamment d’allouer en crédits d’engagements les montants suivants :

2.   Une approche prudente du Conseil au regard du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement

La position du Conseil qui a été approuvée le 13 juillet 2022 propose un projet de budget annuel pour 2023 comprenant 183,95 milliards d’euros en crédits d’engagement et 165,74 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution par rapport à la proposition initiale de la Commission. Par rapport au budget approuvé par le Conseil et le Parlement européen pour 2022, il s’agit d’une augmentation de 8,29 % des crédits d’engagement et d’une diminution de 3,02 % des crédits de paiement.

Selon les termes de M. Zbyněk Stanjura, ministre des finances de la République tchèque : « le Conseil a décidé de suivre une approche prudente à l’égard du processus budgétaire annuel. Nous veillerons à ce que les ressources financières de l’Union européenne soient concentrées sur nos priorités actuelles. Nous avons donc ajusté plusieurs des chiffres proposés par la Commission. Je me réjouis que nous disposions à présent d'une base solide pour nos négociations avec le Parlement européen ».

En effet, le Conseil a choisi d’adopter une approche prudente compte tenu du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement notamment en raison de la guerre en Ukraine et des poussées inflationnistes. Le Conseil a insisté sur la nécessité de maintenir des marges de manœuvre dans le budget pour faire face aux nombreuses incertitudes découlant des différentes crises en cours.

Il a ainsi été proposé d’augmenter, par rapport à la proposition initiale de la Commission, les marges de 1,6 milliard d’euros en crédits d’engagement, soit une marge totale de 2,1 milliards d’euros. La marge en paiements est pour sa part augmentée de 530 millions d’euros par rapport à la proposition initiale de la Commission. Cette position préserve, en outre, certains programmes prioritaires comme Erasmus ou le Fonds européen de défense tout en maintenant un niveau élevé de marges pour faire face aux besoins liés notamment à la guerre en Ukraine.

La rubrique 7, relative aux dépenses administratives, a été un point difficile de la négociation entre les États membres du fait de l’ajustement salarial élevé (8,6 %) et des demandes d’effectifs supplémentaires du Parlement européen. La présidence tchèque a proposé de réduire les dépenses de cette rubrique de 62,5 millions d’euros afin d’éviter de recourir à l’instrument de flexibilité, réservé d’ordinaire aux situations d’urgence. Pour ce faire, elle a proposé une approche horizontale consistant à augmenter le taux d’abattement (soit le taux de vacance de postes) pour toutes les institutions, à l’exception du Parlement européen, de 1,8 %.

Le tableau ci‑après présente la position du Conseil sur le projet de budget annuel de l’Union européenne pour 2023 rubrique par rubrique.

 

 

Projet de budget 202 proposé par la Commisssion3

Ajustements du Conseil par rapport à la proposition initiale de la Commission

Position du Conseil

En M€ courants

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1. Marché unique, innovation et digital

21 568

20 901

-1 235

-378

20 333

20 523

2. Cohésion, résilience et valeurs

70 087

55 840

-238

-32

69 849

55 808

3. Ressources naturelles et environnement

57 223

57 445

-45

-6

57 178

57 439

4. Migration et gestion des frontières

3 727

3 067

-50

-50

3 677

3 017

5. Sécurité et défense

1 901

1 111

-12

-1,5

1 889

1 109,5

6. Voisinage et monde

16 782

13 774

0

0

16 782

13 774

7. Administration publique européenne

11 449

11 449

-63

-63

11 386

11 386

TOTAL

182 736

163 588

-1 641

-530

181 095

163 058

instruments spéciaux thématiques

2 855

2 680

0

0

2 855

2 680

TOTAL y compris instruments spéciaux thématiques

185 591

166 268

-1 641

-530

183 950

165 738

Source : Direction du budget

Durant les discussions portant sur le projet de budget au Conseil, la France s’est elle‑même attachée à demander une augmentation des marges, ainsi qu’une stabilisation des dépenses administratives passant notamment par une limitation de l’ajustement salarial.

Le Conseil ayant formellement adopté le 6 septembre 2022 sa position sur le projet de budget général pour 2023 par la voie d’une procédure écrite, la présidence tchèque dispose désormais d’un mandat pour négocier avec le Parlement européen le budget annuel de l’Union pour l’année à venir.

B.   L’Évaluation de la contribution française au budget de l’union europÉenne pour 2023

1.   Une contribution en constante et nette progression depuis plus de vingt ans

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de la contribution française au budget européen. Il comprend les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (« ressource TVA »), la ressource fondée sur le revenu national brut (« ressource RNB »), et depuis le 1er janvier 2021 la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés (« ressource plastique »), ainsi que diverses corrections accordées à certains États membres ou les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

La contribution française au budget de l’Union est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s’accroît dans les recettes fiscales nettes de l’État.

Le montant de la contribution française au profit de l’Union européenne, constituée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles (RPT) nettes des frais d’assiette et de perception, a été multiplié – en part des recettes fiscales françaises – par plus de deux en quarante ans, passant de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023, à périmètre constant.

Alors que les RPT sont restées, en moyenne, globalement constantes au cours de la période – bien que connaissant des variations d’une année sur l’autre –, la part de la ressource assise sur la TVA a constamment diminué. Elle a été compensée par la montée en puissance de la ressource assise sur le RNB. L’introduction de la nouvelle ressource assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés, à partir du cadre 2021‑2027, ne modifie pas les grands équilibres des ressources. En 2020, le produit des droits de douane sur les importations extérieures collectés aux frontières de l’Union européenne a fortement baissé en raison de la diminution du commerce extérieur de l’Union, conséquence de la crise sanitaire. Cette baisse n’est pas rattrapée en 2021, ni en 2022, d’autant que la part des droits de douane conservée par les États membres – et donc déduite de la contribution au budget de l’Union – a augmenté de 20 à 25 % dans le CFP 2021‑2027.

Le tableau ci‑après présente l’évolution de la contribution de la France au budget de l’Union pour la période 2009‑2023 :

Source : Direction du budget

La loi de finances initiale (LFI) pour 2021 avait prévu une hausse significative du prélèvement européen de l’ordre de 5,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, en raison notamment du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, alors deuxième contributeur net au budget européen, et de l’augmentation des dépenses requise pour répondre à la crise sanitaire. Le PSR‑UE était alors évalué à 27,2 milliards d’euros en LFI 2021 contre 21,4 milliards en LFI 2020. Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrivait dans cette même lignée avec une stabilisation du prélèvement européen à hauteur de 26,4 milliards d’euros.

In fine la LFI 2022 avait évalué à 26, 3 milliards d’euros le PSR‑UE, enregistrant une diminution de 41 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances suite à la prise en compte du montant agréé du budget annuel de l’Union européenne pour 2022 tel qu’adopté formellement par le Conseil le 23 novembre 2021 et par le Parlement européen le 24 novembre 2021 à la faveur du compromis trouvé entre les deux institutions le 15 novembre 2021. Au 30 septembre 2022, quatre projets de budgets rectificatifs ont été présentés par la Commission. Cumulés, les projets de budgets rectificatifs n° 1 (ajustement automatique des plafonds d’engagements), n° 2 (report du solde excédentaire de l’année antérieure), n° 3 (dépenses nouvelles liées à l’accueil et à l’enregistrement des réfugiés ukrainiens) et n° 4 (actualisation des bases et clés de contribution des États à la suite du comité consultatif des ressources propres) de mai 2022, ainsi que la budgétisation d’amendes et la variation de la contribution britannique au titre de l’accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier 2020 conduisent au total à une baisse du PSR‑UE. Seuls les projets de budgets rectificatifs n° 1 et 3 ont été, à ce jour et dans cet ordre, définitivement adoptés par l’autorité budgétaire.

Sur la base des différents éléments disponibles à date, ainsi que de divers ajustements techniques (recettes diverses, changement d’imputation des corrections sur les exercices antérieurs), la prévision du PSR‑UE est diminuée de 1 418 millions d’euros par rapport à la prévision inscrite en LFI 2022. Elle se trouve ainsi révisée à 24,9 milliards d’euros.  La baisse constatée à date résulte principalement d’effets favorables en recettes qui compensent l’actualisation à la hausse des dépenses de l’Union concernant notamment l’accueil des réfugiés ukrainiens. Plusieurs facteurs peuvent être soulignés :

-         les effets asymétriques en Europe de la reprise économique, qui se traduisent par une baisse relative de la part française dans le RNB européen ainsi que dans la ressource TVA et, partant, à une réduction de nos clefs de contribution nationale ;

-         l’augmentation des droits de douane versés au budget européen suite à la reprise du commerce international ;

-         un solde reporté et des recettes diverses (amendes et contribution britannique) plus importants qu’anticipés.

Ce montant est susceptible d’être revu à la hausse d’ici la fin de l’exercice, en fonction des budgets rectificatifs complémentaires que pourrait prochainement présenter la Commission.

2.   Une contribution élevée enregistrant pour 2023 une légère baisse par rapport à l’an passé

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, l’article 25 évalue le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne à 24,5 milliards d’euros. Cette estimation correspond à une diminution de 356 millions d’euros par rapport à l’évaluation révisée pour 2022. La stabilisation transitoire du PSR‑UE, après le fort ressaut enregistré en LFI 2021 (+ 5,7 milliards d’euros soit + 27 % par rapport à la LFI 2020) correspond aux facteurs précédemment évoqués.

La baisse transitoire anticipée sur les paiements de la cohésion et la montée en charge progressive des programmes de la nouvelle programmation 2021‑2027 conduisent par ailleurs à une baisse conjoncturelle des besoins de paiements par rapport à 2022 (-2, 6 %). Le niveau de ces dépenses sera vraisemblablement revu à la hausse dans le cadre de la lettre rectificative ([13]) et de la conciliation prévue début novembre entre Parlement et Conseil, le projet de budget initial présenté par la Commission ne tenant que partiellement compte de l’impact de l’inflation et des mesures en faveur de l’Ukraine.

La répartition de la contribution de la France au budget de l’Union européenne entre les différentes catégories de recettes (ressources propres traditionnelles, ressource TVA, ressource RNB, ressource plastique) en 2022 et 2023 est détaillée ci‑dessous.

 

Ventilation du prélèvement pour 2022

(en M€)

Ressource TVA

3 619

Ressource plastique

1 306

Ressource RNB (*)

20 017

Dont rabais forfaitaires

1 348

Prélèvement total

24 942

 

Ventilation du prélèvement pour 2023

(en M€)

Ressource TVA

3 797

Ressource plastique

1 295

Ressource RNB

19 494

Dont rabais forfaitaires

1 433

Prélèvement total

24 586

La part de la ressource RNB dans la contribution française à lUnion européenne devrait représenter, en 2023, 75 %, suivie de la TVA (13 %), des ressources propres traditionnelles après déduction des frais de perception (8 %) et de la contribution au titre des emballages plastiques non-recyclés (4 %).

Le tableau, ci-après, présente l’évolution de la composition de la contribution française au budget de l’Union entre 1995 et 2023.

L’évolution de la contribution française au budget de l’Union dans les recettes fiscales nettes de l’État a logiquement suivi celle du budget européen dans le PNB/RNB des États membres.

Elle a augmenté entre 1982 et 1994, passant de moins de 4 % à environ 6,5 % des recettes de l’État, pour couvrir la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion.

Elle est restée relativement stable entre 1994 et 2007, évoluant dans une fourchette comprise entre 5,5 % et 6,6 %.

Depuis 2008, elle recommence à augmenter, selon un profil plus erratique jusqu’à atteindre environ 8 % des recettes de l’État en 2020.

Enfin, avec le nouveau cadre 2021-2027, cette part a été amenée à augmenter du fait du départ du Royaume‑Uni de l’Union européenne. En 2020 et 2021, la hausse a été particulièrement marquée en raison de la diminution des recettes fiscales nettes de l’État à cause de la crise de la Covid-19. Elle était estimée respectivement à 9,9 % et 9,5 %. La reprise s’accompagne d’une baisse de cette part, qui devrait néanmoins rester à un niveau élevé (8,4 %) en 2023.


   COnclusion

 

Le cadre financier pluriannuel 2021‑2027 et ses déclinaisons annuelles constituent la traduction budgétaire des priorités politiques de l’Union européenne au service de ses citoyens. Ces instruments visent à donner à l’Europe les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique.

Les évolutions récentes en matière budgétaire, qu’il s’agisse de l’instrument de relance européen, de la mise en place d’une protection contre les violations de l’État de droit ou encore celles à venir concernant la création de nouvelles ressources propres, ont vocation à renforcer notre Union et notre capacité d’action collective dans un monde en crise.

Au bénéfice de ces remarques, la rapporteure pour avis se prononce en faveur de l’adoption de l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023.

 


—  1  —

 

   travaux en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2022, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le premier des avis budgétaires que nous sommes appelés à émettre n’est pas le moindre, puisqu’il porte sur le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne.

J’indiquerai à titre liminaire que, pour 2023, le prélèvement sur recette au profit de l’Union européenne est évalué à un peu moins de 24,6 milliards d’euros, en diminution de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 2022. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de la contribution française. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la ressource fondée sur le revenu national brut et la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés, introduite dans le cadre de la nouvelle programmation 2021-2027.

Le budget européen pour 2023 est le troisième du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur les années 2021 à 2027. Ce cadre pluriannuel a prévu un plafond global de dépenses de 1 210 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans.

La contribution de la France au budget communautaire est un marqueur de l’appartenance de notre pays à l’Union européenne. Nous devons honorer nos engagements envers nos vingt-six partenaires. Cela donne d’ailleurs un caractère tout théorique à nos échanges puisque nous n’avons guère d’autre possibilité que de voter ce prélèvement, à moins, si vous me passez l’expression, de vouloir « casser la baraque européenne ».

Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Nous examinons pour avis l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE). Ce montant devrait être de 24,5 milliards d’euros.

Je commencerai par vous présenter la procédure suivie pour déterminer le budget de l’Union pour 2023.

Ce budget constitue la troisième annuité du dernier CFP, qui prévoit un plafond global de dépenses de 1 210 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans. Ce budget de long terme a permis à l’Union européenne de se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, quoique temporaire, qui s’est concrétisée par le plan de relance européen Next Generation EU. Conformément à l’article 312 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, chaque budget annuel doit s’inscrire dans les limites des dépenses fixées par le CFP. En pratique, les crédits sont habituellement prévus en dessous des plafonds du CFP, de manière à laisser une marge de manœuvre en cas de besoins non anticipés – ce qui est particulièrement important par les temps qui courent. Le projet de budget annuel est proposé par la Commission européenne avant d’être approuvé par le Conseil et le Parlement européen.

La Commission a prévu le 7 juin 2022 un budget de 185,6 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 166,3 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoute une enveloppe de quelque 113,9 milliards d’euros de subventions dans le cadre du plan de relance européen. Une fois encore, le budget annuel proposé par la Commission vise à réaliser des investissements importants dans le but de renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe, de stimuler la reprise économique, de préserver la durabilité et de créer des emplois. En outre, une part importante des fonds devrait être destinée à la lutte contre le changement climatique, conformément à l’objectif de consacrer 30 % des dépenses du budget à long terme et de l’instrument de relance à cette priorité politique.

La position du Conseil, approuvée le 13 juillet 2022 et formellement adoptée le 6 septembre 2022 par la voie d’une procédure écrite, est un budget de 183,95 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 165,74 milliards d’euros en crédits de paiement, inférieur donc à la proposition de la Commission. Le Conseil a en effet opté pour une approche prudente compte tenu de l’instabilité du contexte actuel, notamment en raison de la guerre en Ukraine. Le Conseil insiste sur la nécessité de conserver des marges de manœuvre budgétaires pour faire face aux incertitudes découlant des différentes crises en cours. La diminution par rapport à la proposition initiale de la Commission permettrait d’augmenter les marges de 1,6 milliard d’euros en crédits d’engagement et de 530 millions d’euros en crédits de paiement. La rubrique 7 du budget de l’Union, relative aux dépenses administratives, a été un point difficile dans la négociation entre les États membres du fait de l’ajustement salarial élevé – une hausse de 8,6 % – et des demandes d’effectifs supplémentaires formulées par le Parlement européen.

La présidence tchèque dispose maintenant d’un mandat pour négocier avec le Parlement européen le budget de l’Union pour l’année à venir. Cette procédure devrait aboutir dans le courant du mois de novembre.

J’en viens à l’analyse de la contribution française. Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de celle-ci. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la TVA, la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) et, depuis le 1er janvier 2021, la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés.

La contribution française au budget de l’Union, composée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles, est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s’accroît dans les recettes fiscales nettes de l’État. Son montant a plus que doublé en quarante ans, passant, à périmètre constant, de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023. Cette évolution a logiquement suivi celle du budget européen dans le produit national brut (PNB) des États membres.

La loi de finances initiale (LFI) pour 2021 avait prévu une hausse significative du prélèvement européen, de l’ordre de 5,7 milliards d’euros, par rapport à la loi de finances initiale pour 2020, en raison notamment du retrait du Royaume-Uni, alors deuxième contributeur net au budget européen, de l’Union européenne et de l’augmentation des dépenses requise pour répondre à la crise sanitaire : il était évalué à 27,2 milliards d’euros, contre 21,4 milliards en 2020. Le projet de loi de finances pour 2022 s’inscrivait dans cette lignée, avec une stabilisation du PSR-UE à hauteur de 26,4 milliards d’euros ; la LFI l’avait finalement fixé à 26,359 milliards d’euros, la diminution de 41 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances étant liée à la prise en compte du montant du budget annuel de l’Union européenne pour 2022 tel qu’adopté formellement par le Conseil et le Parlement européen à la faveur du compromis trouvé entre les deux institutions.

Au 30 septembre 2022, quatre projets de budgets rectificatifs ont été présentés par la Commission. Cumulés, les projets de budgets rectificatifs, ainsi que la budgétisation d’amendes et la variation de la contribution britannique au titre de l’accord de retrait conduisent à une baisse du PSR-UE. Sur la base des différents éléments disponibles à ce jour, ainsi que de divers ajustements techniques, la prévision a été diminuée de 1 418 millions d’euros par rapport à la celle inscrite dans la LFI pour 2022. Elle se trouve fixée à quelque 24,9 milliards d’euros. Cette baisse résulte principalement d’effets favorables en recettes qui compensent l’actualisation à la hausse des dépenses de l’Union du fait notamment de l’accueil des réfugiés ukrainiens. On peut ainsi mentionner les effets asymétriques en Europe de la reprise économique, qui se traduisent par une baisse relative de la part française dans le revenu national brut européen ainsi que dans la ressource TVA et, partant, à une réduction de nos clefs de contribution nationale ; l’augmentation des droits de douane versés au budget européen par suite de la reprise du commerce international ; un report de solde et diverses recettes – amendes et contribution britannique – plus importants qu’anticipé.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, l’article 25 évalue le montant du PSR-UE à 24,5 milliards d’euros. Cette estimation correspond à une diminution de 356 millions d’euros par rapport à l’évaluation révisée pour 2022. La stabilisation transitoire du PSR-UE, après le pic enregistré dans la LFI pour 2021, correspond aux facteurs précédemment évoqués.

La ressource RNB devrait représenter, en 2023, 75 % de la contribution française à l’Union européenne, la ressource TVA, 13 %, les ressources propres traditionnelles, une fois les frais de perception déduits, 8 %, et la contribution au titre des emballages plastiques non recyclés, 4 %. Cette dernière ressource reste inférieure aux autres mais commence à devenir significative.

Je terminerai mon propos sur un point d’actualité, concernant l’une des innovations du dernier CFP. Le budget de l’Union européenne est en effet désormais protégé, y compris à titre préventif, contre les violations des principes de l’État de droit grâce au règlement du 16 décembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021. Le nouveau régime permet de suspendre des engagements financiers ou des financements versés au titre du budget de l’Union, y compris dans le cadre de l’instrument de relance Next Generation EU, à un État membre si celui-ci commet une violation des principes de l’État de droit de nature à porter atteinte à la protection des intérêts financiers de l’Union.

Sur cette base des demandes d’information ont été formulées par la Commission à la Hongrie et à la Pologne. Elles portent, entre autres, sur la remise en cause de la primauté du droit de l’Union, le manque d’indépendance de l’autorité judicaire en Pologne, la faiblesse des règles juridiques encadrant la passation des marchés publics et l’inefficacité des services d’enquête en Hongrie.

À la suite de l’annonce d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le 5 avril 2022, de la mise en œuvre de ce mécanisme à l’encontre de Budapest, le collège des commissaires a adressé une lettre de notification déclenchant officiellement la procédure le 27 avril 2022, adoptant ainsi une approche différenciée entre la Hongrie et la Pologne. Cela a entraîné un dialogue qui a abouti à la proposition par la Hongrie d’une série de mesures correctives visant à répondre aux préoccupations de la Commission.

Bien que les mesures correctives présentées en août et septembre 2022 aient été jugées insuffisantes, la Commission a conclu qu’elles pourraient, en principe, être de nature à résoudre les problèmes soulevés, à condition qu’elles fassent l’objet de dispositions législatives et qu’elles soient effectivement mises en œuvre. Elle estime néanmoins qu’il subsiste à ce stade un risque pour le budget de l’Union. Aussi, à la suite d’une réunion exceptionnelle du collège des commissaires, le dimanche 18 septembre 2022, la Commission a émis une décision d’exécution en vue de priver la Hongrie de certains fonds européens par le moyen d’une suspension de 65 % des engagements au titre de trois programmes opérationnels de la politique de cohésion et d’une interdiction de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d’intérêt public dans le cadre de programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte. Cette décision doit être soumise au vote du Conseil, qui aura un mois pour décider d’adopter ou non les mesures proposées. Ce délai peut être prolongé de deux mois au maximum, en cas de circonstances exceptionnelles.

Afin d’aboutir à une issue favorable, le gouvernement hongrois s’est lancé dans une procédure accélérée de vote par le Parlement de tout un arsenal législatif. Ainsi, les 3 et 4 octobre derniers, l’Assemblée nationale hongroise a adopté plusieurs textes, dont une loi sur le contrôle de l’utilisation des fonds de l’Union européenne qui établit notamment une « Autorité de l’intégrité », une loi modifiant le code de procédure pénale révisant les règles de la procédure d’appel en cas de délits graves liés à la corruption, à des détournements de fonds ou à des malversations, et une loi renforçant les obligations de consultation publique dans le processus d’élaboration législative, et elle a réformé deux lois de 2015 et de 2021 relatives à la gestion des fondations d’intérêt public, en soumettant celles-ci à l’obligation de passer des appels d’offres publics. Ces mesures doivent être saluées, même si elles comportent encore des lacunes et appellent une grande vigilance quant à leur mise en œuvre. Par ailleurs, d’autres évolutions législatives sont attendues.

En conclusion, je rappelle que le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et ses déclinaisons annuelles constituent la traduction budgétaire des priorités politiques de l’Union européenne au service de ses citoyens. Ces instruments visent à donner à l’Europe les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique.

Les évolutions récentes en matière budgétaire, qu’il s’agisse de l’instrument de relance européen ou de la mise en place d’une protection contre les violations de l’État de droit, ont vocation à renforcer l’Union et notre capacité d’action collective dans un monde en crise.

Je vous propose de nous prononcer en faveur de l’adoption de l’article 25 du projet de loi de finances pour 2023.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Merci, madame la rapporteure, de vous être avancée, avec le courage de Dante et Béatrice réunis, dans la « selva oscura » des finances de l’Union européenne. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Hadrien Ghomi (RE). Félicitations, madame la rapporteure, pour cet exposé très complet.

L’avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne est l’occasion de souligner une fois de plus la nouvelle dimension acquise par l’Union européenne au cours de ces dernières années. Rappelons qu’en réponse aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19, elle a su se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, qui s’est concrétisée sous la forme du plan de relance européen Next Generation EU. D’un montant de 750 milliards d’euros, à raison de 360 milliards de prêts aux États membres et de 390 milliards de subventions, ce plan a permis aux États membres d’investir massivement et de concert afin de relever les défis de long terme auxquels est confronté notre continent. Les nouveaux chocs que nous subissons doivent être autant d’occasions de nous dépasser.

À cet égard, il convient de saluer le fait que le budget européen continuera, pour une large part, de financer la lutte contre le changement climatique. Cela démontre qu’en dépit du défi de la souveraineté énergétique auquel les États sont confrontés par suite de la guerre en Ukraine, l’Union européenne fait le choix de ne pas renoncer à son ambition écologique et à l’objectif d’une réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Plus que jamais le principe d’une autonomie stratégique européenne apparaît comme une nécessité pour faire face aux troubles de la scène internationale. L’agenda de Versailles, élaboré sous l’impulsion de la présidence française de l’Union européenne, constitue à cet égard une base solide pour avancer vers le renforcement de notre défense collective.

Défendre l’État de droit, c’est promouvoir et soutenir nos valeurs démocratiques dans notre voisinage proche et à l’extérieur de nos frontières, tout autant que dans notre communauté d’États. De ce point de vue, la procédure de protection du budget contre les violations de l’état de droit mérite d’être saluée.

Le groupe Renaissance le dit clairement : nous ne transigerons pas avec nos valeurs. N’en déplaise à certains, nous réaffirmons que notre avenir se joue au sein de l’Union européenne, aux côtés de nos partenaires, avec une France qui sait tenir son rang et assumer son rôle de locomotive, comme elle l’a montré tout au long de la présidence du Conseil. Le prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne y contribue pleinement, c’est pourquoi nous voterons en sa faveur.

M. Michel Guiniot (RN). Notre pays est le deuxième contributeur au budget global de l’Union européenne, derrière l’Allemagne. Après avoir augmenté de plus de 20 % en dix ans, notre participation est en légère baisse pour la deuxième année consécutive. Mon groupe pourrait se réjouir de cette diminution ; malheureusement, ce n’est qu’un leurre : dans le projet de loi de finances, la contribution de la France est évaluée à 24,6 milliards d’euros pour l’année 2023, mais la loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative aux ressources propres de l’Union prévoit qu’elle s’élèvera à 31 milliards d’euros en 2027. Selon ces prévisions, notre contribution augmenterait de plus de 70 % en dix ans. Il n’est donc pas envisagé de réduire notre apport au budget européen.

Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie : nous payons beaucoup trop par rapport à ce que nous recevons de l’Europe. En cinq ans, notre contribution nette a plus que doublé : elle était de 4,3 milliards d’euros en 2017 et, avec le président Emmanuel Macron à la tête du pays, elle atteint quasiment 10 milliards. Selon notre analyse, c’est autant d’argent que nous versons en trop chaque année au budget européen.

Rien ne sert d’augmenter la part de notre contribution alors que les institutions européennes démontrent leur inefficacité – il n’est qu’à observer la crise de l’énergie, ou encore le fait que l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) a été pointée du doigt par la Cour des comptes européenne pour son manque d’efficacité. Cet argent versé à l’Union européenne ne produit vraiment pas les effets espérés. Cette Union européenne, dont de nombreux peuples ne veulent pas – ou plus – était censée amener le bonheur en Europe. Ce n’est absolument pas le cas. Cerise sur le gâteau, la guerre est de retour sur le vieux continent et frappe à notre porte. Nos enfants connaîtront-ils la paix ?

Pour toutes ces raisons – et il y en aurait beaucoup d’autres –, nous ne voterons pas ce budget.

M. Michel Herbillon (LR). Je salue le travail de Mme la rapporteure, qui éclaire un peu notre commission sur les procédures européennes, marquées par de nombreux allers-retours. En comparaison, les subtilités byzantines s’apparentent à des romans de la comtesse de Ségur…

L’article 25 du PLF pour 2023 a été adopté jeudi dernier, sans débat ni modification, par la commission des finances.

L’avis de Mme Clapot s’attache principalement à mettre en évidence l’action de l’Union européenne et indique très justement que la contribution de la France est en constante et nette progression depuis plus de vingt ans – l’augmentation est particulièrement marquée depuis le départ du Royaume-Uni, malgré une légère baisse cette année.

La question des nouvelles ressources propres de l’Union européenne demeure entière. Le 22 décembre 2021, la Commission européenne a proposé d’inclure au budget global de l’UE trois nouvelles ressources qui devraient produire jusqu’à 17 milliards d’euros par an. Ce montant est cependant insuffisant pour couvrir les besoins, notamment ceux en lien avec les mesures engagées par l’UE dans le cadre du dispositif de relance Next Generation EU, étant entendu, par ailleurs, que les sommes levées sur les marchés devront être progressivement remboursées à partir de 2028.

Ainsi, en 2021, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au système des ressources propres de l’Union européenne, j’avais expliqué, en tant qu’orateur du groupe Les Républicains, que nous accordions un soutien vigilant et exigeant à ce dispositif : un soutien en faveur de la création de nouvelles ressources propres pour l’Union européenne, mais un soutien vigilant et exigeant pour ne pas alourdir la pression fiscale sur les consommateurs européens et pour ne pas tomber dans la spirale de l’endettement. Si la réforme des ressources propres n’est pas suffisante pour rembourser les emprunts contractés par la Commission européenne, ce sont bien les États membres qui verront s’accroître leurs contributions respectives au budget communautaire. Pourriez-vous faire un point d’étape sur cette question des ressources propres, toujours évoquée mais jamais réglée ?

En ce qui concerne le dispositif de privation de fonds structurels du fait du non-respect de l’État de droit, vous avez indiqué que des négociations avaient eu lieu avec la Hongrie. Il serait souhaitable qu’elles se poursuivent, car plutôt que d’adopter une attitude extrêmement punitive, comme c’est le cas de certains parlementaires européens, il vaut mieux faire en sorte que la Hongrie corrige les dysfonctionnements. J’ajoute que, vis-à-vis de la Pologne, les critiques se font beaucoup plus modérées compte tenu de l’attitude exemplaire et même héroïque du gouvernement et de la population quand il s’est agi d’accueillir des réfugiés ukrainiens.

Sous la précédente législature, l’une de nos anciennes collègues avait inventé un ovni juridique et moral qui aboutissait à ce que la commission des affaires européennes de notre Assemblée se voie dotée d’une procédure d’alerte concernant les violations de l’État de droit. Heureusement, Les Républicains y avaient fait obstacle, soutenus ensuite par le président de l’Assemblée nationale. En effet, si nous devons rester très vigilants quant au respect de l’État de droit, la France n’est pas toujours en situation de donner des leçons.

Mme Sabine Thillaye (DEM). Je voudrais tout d’abord rappeler le soutien du groupe Démocrate aux Ukrainiens, qui ont été victimes une nouvelle fois de frappes multiples touchant des civils, y compris dans des villes situées loin du front. Ces événements montrent qu’il est essentiel que nous restions à leurs côtés. Nous en sommes conscients, du reste, comme en témoigne l’aide apportée par l’Union européenne à ce pays voisin depuis le début de la guerre. Vous indiquez dans le rapport que cette aide atteint d’ores et déjà 7,7 milliards d’euros. Si le conflit venait à perdurer, voire à s’aggraver, le montant devrait augmenter. L’aide à l’Ukraine n’est pas financée directement par le prélèvement sur recettes : elle relève de la facilité européenne pour la paix.

Pensez-vous qu’une révision du cadre financier pluriannuel doive être envisagée pour le mettre en adéquation avec les enjeux, ou bien peut-il rester en l’état ?

M. Guiniot disait qu’il n’y avait pas de résultats à espérer dans le cadre de l’Union européenne. Mais, comme le disait avec d’autres Alain Lamassoure, l’Union européenne est un géant aux pieds d’argile : avec un budget aussi réduit, il ne faut pas s’attendre à des miracles.

Des négociations sont en cours avec la Hongrie à propos du respect de l’État de droit. Ce pays finira-t-il par se plier aux règles et mener les réformes nécessaires ? Que se passera-t-il s’il ne le fait pas ? Que deviendront les fonds qui devaient lui être alloués ? Un mécanisme est-il prévu pour réorienter l’argent, par exemple au profit de la politique de sécurité et de défense ?

Je vous félicite pour votre travail, madame la rapporteure : il n’est pas facile de faire comprendre le fonctionnement du budget européen. Vous avez expliqué, notamment, que la diminution serait éphémère, puisque la Commission demande déjà une augmentation du budget de plus de 2 milliards d’euros, compte tenu de la situation internationale. De fait, nous devons nous y préparer : c’est une nécessité dans le contexte difficile que nous connaissons.

Communiquer autour des dépenses européennes, montrer ce que fait l’Union européenne au quotidien est une obligation légale. Or, on ne le fait pas suffisamment, même si, en France, le drapeau européen figure en tout petit sur les panneaux relatifs au plan de relance. Il faut informer davantage nos citoyens sur les politiques européennes et les financements qui en découlent.

L’échelle européenne est la seule qui soit adaptée pour faire face aux défis actuels. C’est pourquoi le groupe Démocrate soutiendra votre rapport et votera en faveur de l’article 25 du projet de loi de finances.

M. Alain David (SOC). Chaque année, notre commission est quelque peu associée aux travaux de nos collègues des finances en étant invitée à émettre un avis sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne. Celui-ci est évalué, pour l’année prochaine, à 24,5 milliards d’euros, en légère baisse par rapport à 2022. Toutefois, sa part dans les recettes fiscales françaises a considérablement augmenté au fil du temps, passant de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023. En conséquence, la contribution de la France représente 17,8 % des ressources du budget européen, juste derrière l’Allemagne, dont la part s’élève à 23,7 %. Comprise depuis 2003 entre 15,9 % et 18,1 %, notre contribution par rapport à celle de nos partenaires reste stable.

En regard de cette contribution, les dépenses réalisées en France étaient de 15,8 milliards en 2020, soit 10,8 % des dépenses de l’Union européenne. En volume, la France est toujours le premier bénéficiaire de la politique agricole commune (PAC) et le dixième bénéficiaire de la politique de cohésion ; elle reste également le premier bénéficiaire de la partie du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) consacrée aux ressources naturelles et du fonds européen de développement régional (FEDER).

Même si le fait de parler de juste retour ou de solde net n’est pas approprié – mon groupe n’a jamais goûté la phraséologie thatchérienne du « je veux récupérer mon argent » –, il convient de mentionner que la France est le deuxième contributeur net en volume du budget de l’Union européenne, à raison de 8,9 milliards d’euros, derrière l’Allemagne. Certes, cette manière très arithmétique d’envisager les choses a peu de pertinence au regard des effets collatéraux bénéfiques des politiques européennes mais le solde est encore amené à se dégrader du fait de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et de la fin de ses contributions au budget.

En conclusion, je signalerai deux points de vigilance.

D’une part, le budget de l’Union pour 2023 sera marqué par le plan de relance européen, doté de 750 milliards d’euros. Il conviendra d’être particulièrement attentif au comportement de certains États, comme la Hongrie, qui sont montrés du doigt en raison d’un risque de corruption et de détournements de fonds publics.

D’autre part, la participation de la France aux rabais dont bénéficient certains États membres est une source de déséquilibre financier. Alors que notre pays ne touche aucun rabais, il est le premier contributeur à ces mécanismes. La France participait déjà largement au versement du rabais sur la contribution britannique, qui d’ailleurs ne se justifiait plus. Cette question devrait faire l’objet d’une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Nous y serons vigilants.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). L’Union européenne doit continuer d’avoir les moyens de soutenir l’économie générale du continent, au lendemain de la pandémie de Covid-19 et alors que les crises se multiplient, avec les conséquences notables de la guerre en Ukraine – notamment le choc énergétique –, l’inflation ou encore le dérèglement climatique.

Il est difficile d’estimer le niveau du prélèvement sur recettes. Du reste, l’année 2020 nous a montré qu’en période de crise il pouvait varier dans des proportions importantes en cours d’exécution. Nous restons donc ouverts à la possibilité d’une révision de cette contribution. Le Conseil a d’ailleurs insisté sur la nécessité de conserver des marges de manœuvre dans le budget pour faire face aux nombreuses incertitudes découlant des crises.

Par ailleurs, le fait que la France soit un des principaux contributeurs nets d’un point de vue strictement financier ne doit pas occulter l’ensemble des avantages politiques et des externalités positives que l’appartenance à l’Union européenne nous confère. C’est le cas, par exemple, des fonds dont bénéficient directement les régions pour alimenter leurs projets.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de l’article 25 du PLF pour 2023. Comme le souligne fort justement Mme Clapot dans la conclusion de son rapport, il s’agit de donner à l’Europe « les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique ».

M. Aurélien Taché (ÉCOLO-NUPES). Mon groupe a toujours été favorable à une Europe intégrée, ayant les moyens de mener des politiques publiques aussi développées que possible dans un grand nombre de domaines. À cet égard, le prélèvement sur recettes est un outil indispensable. Nous soutiendrons donc l’article 25.

En revanche, j’appelle votre attention sur ce qui constitue l’un des principaux points noirs du budget européen, à savoir les sommes allouées à Frontex : 839 millions d’euros. Or la commission du contrôle budgétaire du Parlement européen a refusé de valider les comptes de cette agence en raison de nombreuses violations des droits fondamentaux. Frontex est pointée du doigt depuis octobre 2020 par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et par des experts. Plusieurs garde-côtes ont été impliqués dans des incidents comme le refoulement de bateaux transportant des migrants, et des cas de corruption ont été révélés. Je ne peux donc que regretter que des sommes aussi importantes soient consacrées à Frontex, alors même que les fonds affectés à la transition climatique, notamment, sont très largement insuffisants, et que la crise en Ukraine nécessite des moyens supplémentaires. Le prélèvement sur recettes pourrait donc être utilisé autrement que pour financer une agence qui n’a démontré que son inefficacité et son manque d’humanité.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Malgré les 24,5 milliards du prélèvement sur recettes, nous continuons d’avoir de sérieux doutes quant à l’impact de l’Union européenne sur la vie des peuples.

La réforme de la politique agricole commune est une catastrophe complète : la nouvelle PAC n’aide pas nos agriculteurs à prendre le virage écologique, qui sera pourtant indispensable. Le manque d’ambition sociale et agro-environnementale de l’Union européenne – et de la France – dans ce domaine aura des répercussions catastrophiques à terme.

En matière de commerce international, l’Union européenne continue à promouvoir les accords de libre-échange à tout-va.

Le traité sur la charte de l’énergie promu par l’Union européenne est un danger pour l’écologie. Il faut le remiser au placard de l’histoire. Or cela n’avance pas. La preuve en est que l’État français est attaqué par une entreprise allemande du secteur photovoltaïque, qui refuse l’évolution des prix décidée par la France. C’est un véritable scandale. L’Union européenne est d’ailleurs sourde aux revendications des peuples à ce sujet : alors qu’un million de personnes ont signé une pétition visant à sortir de ce traité, personne à Bruxelles n’a accepté d’en débattre.

Il en va de même pour l’accord de libre-échange entre le Mexique et l’Union européenne : Bruxelles n’a pas entendu l’appel lancé par plus de 130 organisations de la société civile, qui expliquent clairement pourquoi cet accord sera nocif pour le climat, l’environnement, l’agriculture durable, les droits des travailleurs – et j’en passe.

Pour limiter les critiques, l’Union européenne s’est contentée de dévoiler, en juin, un plan selon lequel les futurs accords de libre-échange devraient respecter les conventions de l’Organisation internationale du travail et les accords de Paris. Les choses avancent un peu – encore heureux ! Mais mes collègues et moi-même ne comprenons pas pourquoi Bruxelles avait besoin d’une telle opération de communication, alors même que l’Union européenne a refusé de renégocier les accords en vigueur.

Outre le commerce, l’Union européenne se transforme en une forteresse militarisée : non seulement elle se protège contre les migrants avec Frontex – cet État dans l’État que nous voulons démanteler –, mais elle se prépare à faire la guerre. Nous ne cessons de répéter que lorsqu’une institution comme l’Union européenne n’est pas capable de parler d’une seule voix sur le plan diplomatique, elle ne pourra pas diriger correctement une armée. Les moyens réservés au matériel militaire devraient plutôt être consacrés à la diplomatie, à la culture et à la paix. Si nous investissions autant d’argent dans la paix que dans la guerre, peut-être aurions-nous plus d’espoir dans l’avenir.

En ce qui concerne la recherche de la paix, je ne peux pas ne pas évoquer l’accord avec le Maroc. La France, au sein de l’Union européenne, s’est acharnée à y intégrer le Sahara occidental. Les derniers jugements ont pourtant été clairs : le Sahara occidental n’est pas marocain et il va falloir se préparer à organiser l’interdiction de l’importation des produits issus du pillage des ressources sahraouies. L’Union européenne doit faire respecter le droit international – c’est le premier pas vers la paix.

Enfin, sur la forme, comment accepter que nous discutions d’un budget de près de 25 milliards en trois minutes en commission et en cinq minutes en séance, soit moitié moins de temps que les années précédentes ? Qui veut tuer le Parlement commence par réduire le temps de parole des parlementaires.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR, comme tous les ans, votera contre ce prélèvement sur recettes.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Si je devais résumer cette réunion, je dirais que nous payons toujours plus pour une politique catastrophique que nous ne maîtrisons même pas.

J’avoue ne pas comprendre comment on peut arriver à de telles dépenses sans le moindre contrôle. La contribution nette de la France était de 1 milliard d’euros en 2000, de 4,3 milliards d’euros quand Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir, elle a atteint 9,4 milliards en 2020 et elle pourrait être de 31 milliards en 2027, selon les prévisions. Cela veut dire, comme le soulignait notre collègue socialiste, que nous contribuons pour une somme quasiment deux fois supérieure à celle que nous recevons. La générosité est quelque chose de très sympathique, mais je croyais que nous étions à l’euro près. Vous lancez une réforme des retraites dans le but d’économiser 7 milliards, mais vous en donnez 10 chaque année à l’Union européenne.

Si c’était pour une bonne politique, à la rigueur, pourquoi pas, mais non : c’est pour signer des accords de libre-échange catastrophiques pour nous, dont le dernier en date, avec la Nouvelle-Zélande, a été négocié dans l’opacité la plus totale. La politique énergétique est, elle aussi, absolument dramatique – on voit, du reste, où elle nous a menés –, avec des subventions permanentes aux éoliennes, ce qui est une hérésie, et une lutte contre le nucléaire. L’Union finance également les délocalisations vers les pays de l’Est. En effet, ces États, auxquels nous versons des crédits, subventionnent des entreprises pour qu’elles installent leurs usines sur leur territoire. Autrement dit, les impôts des Français servent à attirer leurs emplois dans d’autres pays. Je ne parle même pas des milliards d’euros versés directement à M. Erdogan, sans aucun contrôle de la France, ou de la faiblesse de l’Union vis-à-vis des États-Unis lors de la négociation de l’accord relatif aux données et vis-à-vis de la Chine.

Pour toutes ces raisons, et aussi incroyable que cela semble, la politique qui est conduite n’est pas européenne. De surcroît, nous maîtrisons de moins en moins ce qui se passe. Le président Macron fait de la figuration. Dans l’affaire des rabais, nous nous sommes fait escroquer. Il a très mal négocié le plan de relance, car sans accord sur les ressources propres, la part des États est calculée en proportion de la contribution au budget, ce qui veut dire que ce plan à 40 milliards va nous en coûter 70. Mme Thillaye parlait de la visibilité de l’Europe ; eh bien, mettez dans les logos ce que tout cela va coûter aux Français !

Le président du Conseil européen a disparu, c’est Mme von der Leyen qui s’exprime au nom des peuples, alors qu’elle n’a aucun mandat en ce sens, et M. Macron la laisse faire. Qui plus est, elle est soupçonnée de collusion avec les laboratoires pharmaceutiques. Or elle refuse d’obéir à la demande de la Cour des comptes européenne de publier les SMS qui la lient au président de Pfizer. Dans le même temps, la Commission lance des oukases contre certains pays. Je ne défends pas la Hongrie, mais si le ministre de la justice de cet État était mis en examen chez lui, je pense que l’on entendrait beaucoup les eurocrates. Il est vrai que la France n’a pas beaucoup de leçons à donner avec M. Kohler et M. Dupond-Moretti… Quoi qu’il en soit, on voit bien que les positions de l’Union européenne sont purement politiques. Ce qui s’est passé après les résultats des élections en Italie en témoigne également.

En un mot, je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais vous allez voter près de 10 milliards d’euros de contributions nettes à une politique qui fait du mal à la France et qui n’est pas maîtrisée, alors même que vous demandez toujours plus de sacrifices à nos concitoyens.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Frédéric Petit. Je remercie la rapporteure pour son travail extrêmement pédagogique et intéressant.

Un orateur a fait référence à une citation célèbre : « I want my money back ». Or, les impôts, ce n’est pas comme une épicerie : ils alimentent le collectif. Tout le monde passe son temps à dire, par exemple en France, qu’il faut que ce soient les plus riches qui payent. Certes, mais ils récupèrent aussi, en proportion, la même chose que les autres. Si l’on raisonne comme dans une épicerie, on met à bas le principe même de l’impôt. L’idée selon laquelle il faudrait recevoir en retour n’a aucun sens si l’on y réfléchit deux minutes.

En ce qui concerne l’État de droit, il est très important de préciser que les violations en question concernent la bonne utilisation de l’argent européen. Il ne s’agit pas de sanctionner les décisions d’un État dans le domaine sociétal, par exemple.

M. Michel Herbillon. C’est factuellement faux !

M. Frédéric Petit. En revanche, le fonctionnement de la justice peut être incriminé. Dans une démocratie, par exemple, on ne peut pas juger les juges. De même, il n’est pas possible que les procédures en matière d’appels d’offres soient défaillantes.

Depuis cinq ans, les États mis en cause ont systématiquement corrigé les problèmes ou ont cherché à le faire.

Il a été question de casser la baraque. Mais, mes chers collègues, en votant contre cet article, vous ferez un peu comme la nuit dernière : vous casserez ce que vous prétendez réformer.

M. Michel Herbillon. Vous n’êtes pas là pour donner des leçons !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne suis pas absolument convaincu, monsieur Petit, de la nécessité d’établir des analogies entre ce qui s’est passé la nuit dernière et ce qui se passe ici. J’espère, d’ailleurs, que nous garderons un peu plus de sérénité.

Mme Emmanuelle Ménard. Entre 2017 et 2027, la contribution de la France à l’Union européenne aura augmenté de 73,7 %. Une telle hausse pose évidemment question quand on sait que notre pays est contributeur net – ce qui signifie, concrètement, qu’il donne plus d’argent à l’Union européenne qu’il n’en reçoit sous forme d’aide. Depuis le Brexit, la France est le deuxième contributeur net au budget de l’Union européenne, derrière l’Allemagne. À l’heure où chaque euro compte, selon les mots du ministre de l’économie, et alors que la France s’apprête à verser 24,5 milliards d’euros, j’aimerais insister sur les termes « contributeur net », dont on parle assez peu au niveau européen, au point parfois de nous conduire à penser que l’Union européenne serait un jeu à somme positive dont tout le monde bénéficierait. Or il y a bien une différence entre celui qui donne plus qu’il ne reçoit et celui qui reçoit plus qu’il ne donne.

En décembre 2020, l’Union européenne a approuvé un plan de relance de 750 milliards d’euros, qui instaure une ressource propre de l’Union européenne et en promet d’autres. En attendant, c’est surtout un plan dont les emprunts sont cautionnés, et la France devra, une fois encore, rembourser plus qu’elle ne touchera. On nous explique que l’Union européenne participe à la relance française, puisque, au titre du fonds créé par ce plan, nous toucherons 39,4 milliards d’euros d’ici à 2026. Mais, selon les estimations, si la contribution de la France à l’Union européenne reste stable, le plan coûtera 70 milliards d’euros aux Français, au bas mot, car le remboursement des prêts est calculé en fonction de notre participation relative au budget européen. L’opération pourrait donc se révéler nettement défavorable. On me rétorquera probablement qu’il faut sortir de cette logique comptable et prendre en compte les engagements hors budget. Il n’en demeure pas moins que le constat pose une question, qui reste ouverte, naturellement : celle de la solidarité européenne et de son coût. Si je me sens profondément européenne, je me demande tout de même si la France a encore les moyens de ses ambitions.

M. Arnaud Le Gall. Au sein de mon groupe, nous n’avons strictement rien contre le principe de solidarité européenne, bien au contraire. Si ce principe s’appliquait aussi pour la répartition de l’impôt à l’intérieur de la nation, ce serait extrêmement positif… J’en appelle à nos collègues du groupe Renaissance : s’il est si important d’organiser, au niveau européen, la solidarité entre les États riches et ceux qui le sont moins, eh bien, faisons la même chose pour l’impôt au niveau national. Les gens s’y retrouveraient davantage. Puisque M. Petit s’est autorisé à établir un lien entre les votes de la nuit dernière et le débat d’aujourd’hui, je me permets quant à moi de faire cette observation.

La question n’est pas de savoir si la France est contributrice nette ou pas, mais quelle politique mène l’Union européenne. Or c’est là que réside le vrai problème : l’Union européenne une machine à « néolibéraliser ». Le néolibéralisme est inscrit dans la nature des traités régissant l’Union. On ne peut pas voter chaque année les budgets sans s’interroger sur l’usage qui en sera fait.

Pour ces raisons, et d’autres que nous expliquerons plus en détail en séance la semaine prochaine, nous voterons contre l’article 25.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je me permettrai, mes chers collègues, de faire une observation se fondant sur mon expérience personnelle. Certains d’entre vous savent que j’ai été, en un temps assez lointain, rapporteur général du budget de l’Union européenne au Parlement européen. Depuis lors, je n’ai plus le même regard sur les débats en commission relatifs à la contribution française au budget européen.

Plusieurs d’entre vous sont critiques à l’égard de la politique de l’Union européenne ; je les comprends. Ils ne partagent pas certaines options fondamentales, comme viennent de le rappeler, quoique sur des bases différentes, M. Le Gall et M. Dupont-Aignan. Il est normal que les adversaires de la politique de l’Union européenne soient critiques. Le problème est que les eurofervents, au nombre desquels je figure, sont quant à eux constamment frustrés. En effet, le contraste est important entre la clarté des missions de l’Union et le caractère obscur – je parlais tout à l’heure de « selva oscura » –, voire incompréhensible de la procédure budgétaire que nous subissons depuis des décennies.

D’une part, les missions géopolitiques de l’Union sont de plus en plus évidentes et impérieuses. Sur le plan technologique et économique, le continent doit se renforcer. Il importe qu’il préserve son indépendance ainsi que son rayonnement culturel et qu’il défende ses valeurs. Il doit affirmer sa solidarité envers ses voisins et déployer des efforts en matière de défense. Tous ces objectifs sont très clairs et devraient former la matière de nos débats.

D’autre part, cependant, les mécanismes régissant les ressources ne sont pas limpides. Du reste, celles qui sont proprement communautaires se réduisent. M. Petit l’a rappelé très clairement : le budget européen n’a pas pour objectif d’équilibrer les dépenses et les recettes de chacun, sinon il ne servirait à rien, il suffirait de dépenser chez soi – ce que pensent d’ailleurs certains de nos collègues. La question est de savoir quelle part nous accordons à la solidarité, quelle est la part des compétences que nous voulons transférer et celle que nous voulons maintenir au niveau des États.

La procédure budgétaire, quant à elle, est assez profondément biseautée. Même si le Parlement européen joue un rôle important, le budget résulte des décisions collectives du Conseil européen. Celui-ci est responsable, d’ailleurs, dans la mesure où ce sont les chefs d’État et de gouvernement qui le composent, mais il ne s’agit pas à proprement parler d’une procédure budgétaire : le budget est réglé par un arrangement entre les exécutifs.

Ces éléments produisent un sentiment de frustration dont il faut être conscient : l’Union européenne devrait faire des progrès dans le champ budgétaire et financier. J’ai le sentiment que, pour paraphraser la formule célèbre d’un écrivain antique reprise par La Rochefoucauld, les questions financières européennes sont comme le soleil et la mort : elles ne se peuvent regarder fixement. C’est bien dommage. Cela donne à nos débats un aspect fragmenté et les entoure d’une atmosphère de malaise absolument évidente.

Toutefois, cela ne m’empêche pas de considérer, premièrement, qu’il faut voter le prélèvement sur recettes, car c’est la clé du fonctionnement de l’Union européenne, et, deuxièmement, que le rapport de Mme Clapot est excellent.

Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Je vous remercie d’avoir été aussi nombreux à participer au débat. Vos interventions illustrent la vitalité démocratique de notre Assemblée, et c’est très bien. Je me doutais que des oppositions à ma recommandation de voter en faveur du prélèvement sur recettes se feraient entendre, car, s’agissant de l’Europe, depuis plusieurs années, des projets différents sont présentés par les candidats à l’élection présidentielle – c’était encore le cas cette année.

Pour ma part, je crois au projet européen. Dans un monde confronté notamment à une très grave guerre d’agression, la voix de l’Europe doit être entendue. Nous pouvons influer sur la marche du monde. L’Europe peut faire face aux nombreux défis auxquels elle est confrontée – qu’il s’agisse de l’écologie, de la transition numérique, de la santé des populations ou encore de la nécessité d’une défense commune –, mais cela passe par la mutualisation et la redistribution. Ce matin, nous abordons les enjeux européens à travers la perspective financière, mais cela ne doit pas nous conduire à remettre en cause l’ensemble du projet européen, et il faut bien que ce projet ait des moyens.

Monsieur Guniot, je ne sais pas si je peux vous répondre car je ne suis pas du tout d’accord avec ce que vous avez dit. L’Union européenne a besoin de moyens, et ces derniers doivent être de plus en plus fondés sur des ressources propres.

Les externalités positives qu’apporte l’Union sont largement à la hauteur de la contribution de la France mais je ne sais pas si j’arriverai à vous en convaincre.

Monsieur Herbillon, vous avez évoqué, notamment, les nouvelles ressources propres. Nous progressons dans ce domaine, même si nous n’y sommes pas encore tout à fait. Lors des six premiers mois de l’année, la présidence française du Conseil de l’Union européenne a été l’occasion de pousser beaucoup plus pour aboutir. Compte tenu de la nécessité de rembourser les emprunts, il faudra avoir trouvé une solution d’ici à 2028.

Votre question me donne l’occasion d’énumérer de nouveau les pistes : il y a le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne et le pilier I de la réforme de la fiscalité proposée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec une imposition des entreprises multinationales à 15 %.

M. Michel Herbillon. Où en sommes-nous ?

Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Je ne saurais vous le dire précisément. Les négociations sont en cours. Je ne suis pas sûre que la question soit traitée dans l’immédiat, compte tenu du calendrier et des propositions. Une telle négociation est une affaire de long terme. Quoi qu’il en soit, nous avons tout intérêt à ce qu’elle aboutisse. Je vous vois hocher la tête, mais il faut avoir confiance.

M. Michel Herbillon. Vous connaissez le proverbe chinois : « Il est plus tard que tu ne crois ».

Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Il pourrait y avoir également une contribution financière liée au secteur des entreprises et une taxe sur les transactions financières. Les négociateurs français et européens ont ces enjeux bien en tête mais il faut également tenir compte du fait qu’il existe des divergences entre les États membres.

Madame Thillaye, vous avez bien fait de rappeler la situation en Ukraine et notre soutien absolu à ce pays, dont les villes ont subi avant-hier un déferlement de bombardements à la suite des derniers revers infligés à la Russie, notamment l’explosion du pont de Kertch. Certains l’oublient parfois mais il existe un droit de la guerre, qui ne permet pas de bombarder massivement des civils. La Russie ne prend même plus la peine de donner de pseudo-justifications à ces bombardements en prétendant qu’ils visent des infrastructures militaires. Au nom de notre commission, je dénonce ces crimes de guerre et j’exprime notre soutien à la population ukrainienne.

Vous avez rappelé le montant de l’aide de l’Union européenne à l’Ukraine, soit 7,7 milliards ; heureusement que l’Union ajuste son budget pour dégager des marges de manœuvre au profit des personnes déplacées d’Ukraine ou du fonctionnement du pays. Dans l’ignorance de l’évolution de la situation, y compris après l’hiver, il faut se donner les moyens d’assurer ce soutien.

Les sommes destinées à la Hongrie et bloquées doivent être conçues comme un levier, qui est efficace. Je ne sais pas comment les choses se passeraient si nous ne parvenions pas à un accord – j’ignore si la situation s’est déjà présentée dans le passé –, mais soyons optimistes et considérons que, le cas échéant, l’Union aura su garder en réserve ces sommes, qui doivent profiter in fine au peuple hongrois, non être réinjectées dans le budget communautaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est arrivé avec des fonds structurels destinés à la Bulgarie : on séquestre l’argent, on ne le redistribue pas, et une fois l’affaire soldée, il est à la disposition du pays concerné.

Mme Mireille Clapot, rapporteure pour avis. Monsieur Taché, Frontex a été dans la tourmente. Vous ne serez peut-être pas d’accord, mais j’estime que l’Union européenne est en droit de protéger ses frontières, comme toute entité offrant certains avantages. Vu l’évolution de ces dernières années, le renforcement de Frontex – qui va en effet être doté de quelque 830 millions d’euros, mais aussi de 10 000 garde-frontières et garde-côtes – me semble intéressant.

Le 28 avril dernier, Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’agence, a démissionné. Beaucoup d’accusations ont alors été lancées de part et d’autre. Je pense comme vous que les valeurs de l’Union européenne, dont le respect du droit d’asile, doivent être respectées. Je suis donc opposée au refoulement a priori, qui, parce qu’il peut concerner des demandeurs d’asile persécutés dans leur pays, n’est pas conforme au droit international. Néanmoins, Frontex doit avoir des moyens, et je ne fais pas de lien entre ces derniers et les dérives de l’agence. Je reste prudente : la gouvernance va être confiée à une nouvelle équipe ; ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Continuons à regarder de près la manière dont Frontex agit – et, pour cela, il faut bien lui allouer des moyens.

Monsieur Lecoq, nous avons certains combats en commun, en particulier pour le devoir de vigilance des multinationales en matière de violation des droits humains et environnementaux tout au long de la chaîne de valeur. La loi française à ce sujet va être portée au niveau européen ; elle ne règle pas tout mais permet de responsabiliser les entreprises, donc, in fine, le consommateur.

Quant à votre tableau critique de l’Union européenne, tout n’est pas à jeter dans celle-ci, dont l’action rejoint d’autres de vos combats, notamment celui pour la paix. Sans les valeurs défendues par l’Union, que serait le monde, où il existe tant de grandes puissances belliqueuses ?

Concernant la politique agricole commune, on peut choisir de voir le verre à moitié plein. Nous avons besoin de conserver des agriculteurs sur notre territoire pour notre souveraineté alimentaire. À ceux qui soulignent que la France est contributrice nette, je rappelle que nous recevons beaucoup dans le cadre de la PAC. Ce n’est peut-être pas assez en faveur de l’écologie mais c’est déjà beaucoup mieux qu’avant. Les réformes de 2023 vont permettre de mieux concilier agriculture et respect de l’environnement. L’objectif de diminution de 55 % des émissions de gaz à effet de serre s’applique aussi à l’agriculture. S’y ajoute le recul des pesticides et l’augmentation des surfaces cultivées en agriculture biologique.

Quant aux liens avec le Maroc, le jumelage entre l’Assemblée nationale et le Parlement marocain est financé par l’Union européenne ; nous avons tout intérêt, pour ce pays et peut-être pour d’autres, à partager les bonnes pratiques de nos Parlements. L’Union est dans son rôle quand elle appuie ces démarches.

Monsieur Dupont-Aignan, j’étais curieuse de vous entendre et j’ai bien reconnu votre sens de la nuance. Vous n’êtes pas d’accord pour dire que l’Union européenne est formidable : quelle surprise ! Je ne pense pas réussir à vous convaincre mais nous en reparlerons.

Monsieur Petit, merci de vos remarques.

Madame Ménard, je le répète, je ne suis pas sûre que les considérations de contribution nette ou de juste retour reflètent l’ensemble des bénéfices que représente l’appartenance à l’Union européenne. Bien sûr, il faudrait avancer concernant de nouvelles ressources propres. Mais n’en restons pas à l’aspect comptable. Si je doute de parvenir à vous convaincre vous aussi, j’espère qu’une majorité d’entre nous approuvera le prélèvement sur recettes au profit de l’Union.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne peux vous redonner la parole au fond maintenant.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Alors je vous écrirai à propos des pouvoirs de Mme von der Leyen.

*

Article 25 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 sans modification.

 

 


—  1  —

 

 

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes
par lA rapporteurE pour avis

 

-     M. Emmanuel Chay, conseiller financier ;

-     Mme Hayat Chinabi, adjointe au conseiller financier ;

-     Mme Constance Deler, cheffe du bureau Parlements.


([1]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32020R2093

([2]) Ibid

([3]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.LI.2020.433.01.0028.01.FRA&toc=OJ:L:2020:433I:TOC

([4]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32020D2053

([5]) https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45359

([6]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32021R0241&from=EN

([7]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32020R2092

([8]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:31988D0376

([9]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A31970D0243

([10]) Le reste à liquider (RAL ou engagements restant à liquider) est la somme des engagements convenus mais qui n'ont pas encore été convertis en paiements. Étant donné que le budget de l’Union européenne finance des projets pluriannuels, les paiements s’effectuent sur plusieurs années.

([11])  Protection civile et opérations d’aide humanitaire européennes.

([12]) Direction générale pour le voisinage et les négociations d'élargissement.

([13]) La lettre rectificative a été transmise par la Commission le 5 octobre dernier et prévoit notamment une augmentation de 758,3 millions d’euros en crédits d’engagement et une augmentation de 2 394,9 millions d’euros en crédits de paiement.