N° 337

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273),

 

 

TOME VIII

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

 

Action audiovisuelle extérieure

 

 

 

 

 

PAR M. Alain DAVID

Député

——

 

 

 

 

Voir le numéro : 273


 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. L’audiovisuel extérieur a connu une année charnière, entre réaffirmation des priorités stratégiques et crises internationales

A. Pour France Médias monde, un bilan positif et une situation financière stabilisée

1. Un bilan positif, marqué par une progression des audiences et une montée en puissance des projets éditoriaux du groupe

a. Une progression pluriannuelle des audiences en linéaire et en numérique qui va au-delà des effets de la pandémie de Covid-19

b. Une offre multilingue dont le renforcement se poursuit

c. Une stratégie numérique qui poursuit son déploiement

d. Un partenariat audiovisuel franco-allemand devenu structurant

e. Un renforcement des coopérations entre sociétés françaises de l’audiovisuel public qui ne doit pas remettre en cause les missions propres à l’audiovisuel extérieur

2. Une situation financière stabilisée mais qui n’est pas exempte d’incertitudes

B. Pour TV5 Monde, l’année écoulée a été marquée par plusieurs avancées

1. Une année qui a permis de poursuivre la mise en œuvre des priorités fixées dans le plan stratégique de la chaîne

a. L’accroissement de la « découvrabilité » audiovisuelle francophone à travers le développement de TV5Mondeplus

b. La sensibilisation des publics aux enjeux environnementaux

c. La réaffirmation d’axes stratégiques antérieurs

d. La poursuite d’une dynamique favorable en matière d’audiences

2. Une situation financière stabilisée mais qui reste exposée à différents risques

C. les tensions géopolitiques récentes sont venues souligner l’importance de notre audiovisuel extérieur

II. une année marquée par la réforme inaboutie du financement de l’audiovisuel public, qui gagnerait à s’inspirer des pays d’europe du nord

A. une réforme hÂtive, qui ne permet pas de répondre à toutes les questions posées

1. Le mode de financement de l’audiovisuel public constitue un critère essentiel de son indépendance et, dans le cas de l’audiovisuel extérieur, de sa perception et de sa crédibilité

2. Un financement universel et progressif permettrait de garantir indépendance, stabilité et équité, sans fragiliser le pouvoir d’achat des Français

B. Le cas de la suède : une réforme aboutie pour un financement stable et équitable de l’audiovisuel public, dans un pays où les coopérations audiovisuelles pourraient monter en puissance

1. Un audiovisuel public solide dont le financement a été réformé dans la concertation

2. Une coopération audiovisuelle bilatérale et régionale qui pourrait prendre de l’ampleur

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis


—  1  —

 

   introduction

Pour notre audiovisuel extérieur, qui s’appuie sur France Médias Monde – société regroupant la chaîne de télévision France 24 et les radios RFI et MCD – et sur la chaîne multilatérale francophone TV5 Monde, l’année écoulée a été à bien des égards une année charnière.

Les derniers mois ont été marqués par la réforme du financement de l’audiovisuel public, qui est passée par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) ou redevance audiovisuelle, au profit d’un financement reposant sur l’attribution d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Or, le mode de financement est l’un des critères déterminants de l’indépendance de l’audiovisuel public, et ce critère prend une importance particulière pour notre audiovisuel extérieur, qui est soumis aux classifications et perceptions de ses pays hôtes et des populations qui y vivent. Pour France Médias Monde, un financement direct sur le budget de l’État entraînerait le risque d’être requalifié en média d’État, au même titre que certains médias propagandistes et à l’exact opposé de sa raison d’être, à savoir la mise à disposition d’une information fiable et indépendante. Telle qu’elle a été conçue, la réforme actuelle ne résout pas non plus le problème du caractère inégalitaire de la redevance, alors même que des réformes en ce sens ont été mises en œuvre dans plusieurs pays du d’Europe du Nord, tels que la Suède, en instaurant une contribution affectée, universelle et progressive pour l’audiovisuel public.

La réforme adoptée l’été dernier, qui du point de vue du rapporteur pour avis n’a pas fait l’objet d’une concertation et d’une pédagogie suffisantes, doit être remise dans un contexte géopolitique auquel notre audiovisuel extérieur a tout particulièrement été exposé. RFI et France 24 ont ainsi fait l’objet de coupures au Mali et en Russie, où TV5 Monde a aussi subi des restrictions. Si ces mesures sont le signe de la capacité de nos médias à déranger ceux qui abusent du pouvoir et bafouent les droits fondamentaux, elles soulignent également l’importance cardinale d’une réaffirmation des garanties apportées à l’indépendance de notre audiovisuel extérieur.

En outre, dans un contexte de guerre de l’information, on peut saluer la hausse des dotations publiques allouées à France Médias Monde (284,7 millions d’euros) et à TV5 Monde (79, 96 millions d’euros), mais il faut impérativement les remettre dans un contexte de hausse généralisée des moyens fournis par nos principaux concurrents et en isoler l’effet « optique » dû à la compensation d’effets fiscaux et des effets de l’inflation. Le contexte actuel reste incertain et la visibilité limitée pour nos médias extérieurs, qui continuent à mettre en œuvre une série de projets ambitieux et plébiscités, autour de priorités stratégiques claires telles que le plurilinguisme, la promotion de la francophonie ou la lutte contre la désinformation.


—  1  —

 

I.   L’audiovisuel extérieur a connu une année charnière, entre réaffirmation des priorités stratégiques et crises internationales

A.   Pour France Médias monde, un bilan positif et une situation financière stabilisée

1.   Un bilan positif, marqué par une progression des audiences et une montée en puissance des projets éditoriaux du groupe

Pour France Médias Monde (FMM), société en charge de l’audiovisuel extérieur et qui regroupe la chaîne de télévision France 24 ainsi que les radios Radio France internationale (RFI) et Monte Carlo Doualiya (MCD), l’année écoulée a permis d’atteindre la quasi-totalité des objectifs fixés par l’actuel contrat d’objectifs et de moyens (COM) du groupe, qui porte sur la période 2020-2022. Pour rappel, le document comporte cinq axes communs à l’ensemble des entreprises de l’audiovisuel public ([1]) et cinq axes propres à FMM.

L’exécution du contrat au cours de l’exercice 2021 a en particulier été marquée par les dynamiques suivantes :

-         la progression des audiences des médias édités par le groupe : en 2021, RFI, France 24 et MCD ont touché 244,2 millions de contacts hebdomadaires (soit une hausse de 36,9 millions ou + 18 % par rapport à 2019 et + 4 % par rapport à l’objectif fixé pour 2021). Sur le numérique, ce sont plus de 2,2 milliards de vidéos et sons qui ont été lancés en 2021 (+ 37 % par rapport 2019 et + 12 % par rapport à l’objectif fixé) ;

-         le renforcement de l’offre multilingue proposée par l’entreprise : programmation sur RFI de deux heures quotidiennes en fulfulde et en mandenkan dans le cadre du projet Afri’Kibaaru, passage à une diffusion 24 heures sur 24 de la version hispanophone de France 24 en Amérique latine et à budget constant grâce à la baisse des coûts techniques, renforcement de l’offre pluri-médias arabophone autour de France 24 et MCD qui ont développé leurs coopérations éditoriales, se traduisant par des synergies ;

-         la poursuite de la transformation numérique ;

-         la poursuite des efforts de gestion (en particulier sur la masse salariale) et l’augmentation des ressources propres qui ont permis de préserver sur la période les équilibres budgétaires, tout en poursuivant le développement des missions internationales ;

-         le développement de la coopération internationale avec la poursuite d’InfoMigrants (désormais disponible en six langues avec le lancement du bengali en mai 2021) et le lancement d’ENTR en mai 2021, offre numérique plurilingue à destination des jeunes Européens lancée avec le partenaire allemand Deutsche Welle et cofinancée par la Commission européenne ;

-         la poursuite du développement de synergies à l’échelle du secteur audiovisuel public.

 

a.   Une progression pluriannuelle des audiences en linéaire et en numérique qui va au-delà des effets de la pandémie de Covid-19

En 2021, les chaînes de FMM ont réalisé des performances moindres qu’en 2020, année marquée par un niveau historique de consultation des contenus numériques dans le contexte de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 ([2]). Les niveaux enregistrés sont toutefois globalement supérieurs à ceux observés en 2019. Ainsi, les environnements numériques de RFI, France 24 et MCD ont vu leur audience s’élever à 74,5 millions de contacts par semaine (en progression de 17 % par rapport à 2019). FMM enregistre 47 millions de visites mensuelles (+ 13 % par rapport à 2019).

Audiences cumulées de France médias monde

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)

En 2021, 244,2 millions de personnes ont eu chaque semaine au moins un contact avec un contenu linéaire ou numérique édité par FMM, niveau en légère baisse par rapport à 2020. Parmi ces contacts, la société compte 169,7 millions de téléspectateurs et d’auditeurs hebdomadaires sur les antennes linéaires du groupe (+ 2,3 % par rapport à 2020) et 74,5 millions d’utilisateurs sur les environnements numériques (- 12,6 % par rapport à 2020).

La consommation délinéarisée de vidéos et de sons édités par FMM, tous environnements confondus, s’établit à près de 2,2 milliards de vidéos et sons consultés en 2021, soit une baisse de 10 % par rapport à 2020. Le nombre de contacts hebdomadaires en 2021 reste cependant supérieur à celui enregistré en 2019 (+18 %) et supérieur à l’objectif fixé dans le COM.

Sur les réseaux sociaux, RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya atteignent, fin 2021, un total de 94 millions d’abonnés sur Facebook, Twitter, YouTube et Instagram, soit une progression de 10 % par rapport à 2020.

Détail des principaux résultats d’audience numérique de France médias monde en 2021 (en millions)

 

Fréquentations mensuelles (en visites)

Démarrages mensuels

Audio & Vidéo

Abonnés Twitter

Abonnés Facebook

TOTAL FMM

(incluant InfoMigrants)

46,3

185,8

27,4

50,5

RFI

21,2

36,5

7,6

18,9

France 24

23,2

132,8

19,6

25

MCD

1,9

12,3

0,4

2,5

Source : DGMIC

Concernant plus spécifiquement France 24 ([3]), en 2021, l’audience hebdomadaire linéaire s’établit à 97,8 millions de téléspectateurs, en baisse de 0,7 million par rapport à 2020, soit - 1 %.

En Afrique francophone, l’audience hebdomadaire de France 24 s’établit à 28,1 millions de téléspectateurs, en hausse de 0,3 million par rapport à 2020 (+ 1 %). La chaîne réussit à maintenir ses performances et à enregistrer des progressions dans certaines capitales comme Kinshasa (République démocratique du Congo) et Brazzaville (République du Congo). France 24 reste ainsi la chaîne d’information internationale la plus regardée dans cette zone et parvient à se maintenir parmi les dix chaînes les plus regardées quotidiennement dans une large majorité des capitales mesurées.

Dans la zone Afrique du Nord Moyen-Orient, l’audience hebdomadaire de France 24 s’établit à 23,4 millions de téléspectateurs, niveau en baisse par rapport à 2020 (26,6 millions). Les baisses se concentrent sur les pays du Maghreb, en particulier au Maroc.

En Europe, l’audience hebdomadaire de France 24 s’établit à 9,3 millions de téléspectateurs (en hausse de 1,9 million par rapport à 2020). Cette hausse est liée à l’élargissement des cibles mesurées par l’étude Global Web Index (mesure auprès des internautes de 16-64 ans) qui complète l’étude Affluent Europe (mesures auprès des leaders d’opinion).

En Asie, l’audience hebdomadaire de France 24 s’établit à 17,7 millions de téléspectateurs, en baisse de 0,7 million par rapport à 2020, mouvement principalement lié à un recul de la consommation télévisuelle en Indonésie.

En Amérique du Nord, l’audience hebdomadaire de France 24 s’établit à 4,2 millions de téléspectateurs. L’audience enregistrée aux États-Unis a ainsi presque triplé dans ce pays depuis 2019 et enregistre des résultats supérieurs à 2020.

En Amérique Latine et aux Caraïbes, après une année marquée par une progression de l’audimat dans le contexte de la crise sanitaire, l’audience hebdomadaire de France 24 s’établit à 3,8 millions de téléspectateurs (contre 4,2 millions en 2020). Elle reste supérieure au niveau de 2019 (3,1 millions). Le passage à 24 heures de diffusion quotidienne de France 24 en espagnol n’ayant eu lieu qu’à fin septembre 2021, ses effets ne sont pas encore visibles sur les audiences.

France 24 enregistre une fréquentation de 23,2 millions de visites par mois sur l’ensemble de ses environnements propres (-19 % par rapport à 2020, +28 % par rapport à 2019). La consommation délinéarisée de programmes vidéo et audio, environnements propriétaires et tiers confondus, s’établit à 2,6 millions de démarrages mensuels (-27 % par rapport à 2020, +44 % par rapport à 2019).

En 2021, l’audience hebdomadaire broadcast de RFI s’établit à 61,4 millions d’auditeurs, en hausse de 5,7 % par rapport à 2020 ([4]) .

En Afrique francophone, zone dans laquelle RFI réalise plus de 50 % de ses audiences hebdomadaires mesurées, l’audience de la radio s’établit à 33,6 millions d’auditeurs, en hausse de 3,7 millions par rapport à 2020. RFI est en progression, grâce notamment à la hausse de 10 points en un an de l’audience de RFI à Kinshasa et à l’intégration de deux nouvelles mesures qui créditent RFI de 3 millions d’auditeurs.

En Europe, l’audience hebdomadaire de RFI s’inscrit en légère hausse entre 2020 et 2021 (+ 0,2 million d’auditeurs). L’écoute de RFI România est notamment en progression.

En Asie, l’audience hebdomadaire linéaire de RFI s’établit à 0,1 million d'auditeurs, en baisse de 0,9 million par rapport à 2020. Cette baisse est liée notamment à l’actualisation de la mesure d’audience au Cambodge qui datait de 2013. Le pays a entre-temps connu une évolution des usages marquée par un abandon massif de la consommation du média radio au profit du numérique. Ainsi, le Cambodge rassemble 4,2 millions d’abonnés à Facebook (les vues sur ce réseau ont progressé de 193 % par rapport à 2020).

En Afrique non francophone et dans la zone Amérique latine et Caraïbes, aucun renouvellement de mesure n’a été mené en 2021.

Au Maghreb, l’audience hebdomadaire de RFI s’établit à 2,3 millions d’auditeurs, en augmentation de 300 000 personnes par rapport à 2020, alors même qu’elle ne dispose d’aucun émetteur dans la région, où les pays n’autorisent pas la diffusion par voie hertzienne des radios internationales – l’écoute est possible par satellite (moyen de réception très utilisé dans cette zone) et à travers les offres numériques.

Sur le numérique, RFI enregistre une fréquentation de ses environnements propres de 21,2 millions de visites mensuelles, en baisse de 37 % par rapport à 2020, et en hausse de 1,4 % par rapport à 2019. La consommation délinéarisée de programmes vidéo et audio, environnements propriétaires et tiers confondus, s’établit à 4,1 millions de lancements par mois (- 14,5 % par rapport à 2020, stable par rapport à 2019).

L’audience hebdomadaire broadcast de MCD s’établit à 10,4 millions d’auditeurs, en hausse de 11 % par rapport à 2020 ([5]).

L’audience progresse au Maghreb (4 millions d’auditeurs hebdomadaires contre 3,8 millions en 2020 et 2,6 millions en 2019), et notamment au Maroc, grâce aux radios partenaires, à l’écoute par satellite et en direct sur YouTube. La reprise de la diffusion en modulation de fréquence (FM) de MCD au Soudan depuis avril 2020, a permis d’enregistrer plus de 300 000 auditeurs hebdomadaires lors d’une mesure fin 2020 (mesure qui n’a pas pu être actualisée en 2021).

La fréquentation des environnements numériques propres de MCD atteint 1,9 million de visites mensuelles (-26 % par rapport à 2020, -9 % par rapport à 2019).

b.   Une offre multilingue dont le renforcement se poursuit

Placé au cœur de la politique éditoriale des chaînes de France Médias Monde, le plurilinguisme fait l’objet de plusieurs projets en cours, tout en étant un vecteur d’évolutions des pratiques. Après avoir atteint des niveaux record en 2020, les audiences des contenus en langues étrangères de FMM sont en forte progression, tant en linéaire (+ 27 % en deux ans), que sur le numérique (+ 28 % en deux ans).

En Afrique, RFI dispose de deux pôles de production en langues africaines implantés localement : une rédaction en haoussa à Lagos et une rédaction en kiswahili à Nairobi.

En 2021, la société a poursuivi sa stratégie de renforcement de sa production de contenus en langues vernaculaires africaines grâce à des financements de l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre de projets en partenariat avec Canal France international (CFI) :

-         RFI a renforcé son offre en langues africaines, notamment à travers la poursuite du déploiement du projet Afri’Kibaaru : création à Dakar d’une rédaction quotidienne en fulfulde et en mandenkan proposant deux heures de programmes, doublement de la production de l’information (deux heures par jour), enrichissement de l’offre en haoussa (deux heures trente quotidiennes) et déploiement d’un volet formation piloté par CFI pour renforcer les compétences des médias locaux ;

-         l’offre en haoussa a également été renforcée en 2021 à travers le lancement d’un magazine humanitaire « Da Rabon Ganawa » (Retrouvons-nous), à destination des familles séparées du fait des violences qui touchent la région du lac Tchad, et en particulier le Nord-Est du Nigeria, et d’un magazine consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes, Rayuwata, réalisé dans le cadre du projet Afri’Kibaaru.

L’un des objectifs du groupe pour la période 2022-2023 est la poursuite du projet Afri’Kibaaru, qui doit permettre le renforcement de la production de contenus de la société en langues africaines (mandenkan, fulfulde, kiswahili et haoussa). Les premiers résultats d’une étude Kantar menée en 2021 dans dix-neuf villes et localités du Sahel montrent que les programmes sont suivis par 56 % des habitants âgés de 15 ans et plus et qu’ils touchent particulièrement les jeunes et les femmes. Le renouvellement du financement par l’AFD et le renforcement du projet sont actuellement à l’étude (la convention en cours arrive à échéance fin 2023).

Autre fait majeur, la progression de l’espagnol, portée par le passage à 24 heures de diffusion quotidienne de la déclinaison hispanophone de France 24, effectif depuis le 24 septembre 2021. Cette bascule, réalisée à budget constant, s’est accompagnée d’un redéploiement budgétaire au bénéfice de la montée en puissance de l’offre éditoriale.

La chaîne, qui est reçue dans 14,6 millions de foyers (+ 23 % par rapport à 2020), est désormais suivie par près de 3 millions de téléspectateurs mesurés dans trois pays (Argentine, Colombie et Mexique). Cette montée en puissance doit permettre la conclusion de nouveaux contrats de diffusion, qui devraient se traduire dans un deuxième temps par des hausses d’audience (voir supra).

La déclinaison hispanophone de France 24 est venue compléter la diffusion préexistante de RFI en Amérique latine, principalement assurée par la reprise de programmes par des radios partenaires (540 en espagnol pour 760 au total dans cette zone), la chaîne disposant d’un nombre limité de fréquences FM locales. Elle rassemble 12 millions d’auditeurs (audiences mesurées dans quatre pays latino-américains).

Dans le cadre de sa stratégie éditoriale à horizon 2022 déclinée dans son COM 2020-2022, FMM développe une offre pluri-médias arabophone autour de France 24 en arabe et MCD dont la notoriété et l’audience sont croissantes et complémentaires. Cette offre repose sur la mise en place de mutualisations entre les deux médias arabophones dans le cadre d’une reconfiguration de la grille de MCD. Cette évolution éditoriale passe également par la poursuite du développement numérique arabophone (montée en puissance du numérique arabophone, lancement par MCD en coopération avec France 24 d’une offre 100 % numérique en arabe dédiée au Maghreb s’appuyant sur les langues de RFI et la culture data…). En s’appuyant sur ses points forts et en capitalisant sur sa complémentarité avec France 24, MCD a fait évoluer son offre de programmes avec une nouvelle grille lancée en mai 2021.

Pour rappel, la dynamisation du pôle arabophone au sein de France Médias
Monde, au même titre que le développement de la production de RFI en langues africaines, fait partie des objectifs déclinés par la feuille de route de l’influence, présentée le 14 décembre dernier par le précédent ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ([6]).

La portée stratégique de la politique de langues de FMM est apparue manifestement dans le traitement éditorial de l’offensive russe sur l’Ukraine, qui fait l’objet d’un développement distinct (voir infra). FMM renforce son offre et son action à destination des publics d’Europe centrale et orientale, en capitalisant notamment sur la présence de RFI România à Bucarest pour l’enrichir d’une nouvelle langue, l’ukrainien.

La politique de langues de FMM est également un terrain d’innovations numériques, comme en attestent la reprise de vidéos de France 24 sous-titrées et le développement d’outils d’intelligence artificielle, potentiel accélérateur de la capacité à enrichir la production grâce à la traduction et à la transcription automatisée de contenus, sous le contrôle éditorial systématique des journalistes. En outre, il faut mentionner le passage au 100 % numérique de plusieurs rédactions de RFI (anglais, persan et russe).

c.   Une stratégie numérique qui poursuit son déploiement

Déjà largement engagée depuis plusieurs années et réaffirmée dans le COM 2020-2022 de l’entreprise, la stratégie numérique de FMM s’articule autour des priorités suivantes :

-         l’effacement des frontières entre médias « traditionnels » et médias numériques à travers le développement de nouvelles compétences au sein des équipes, l’innovation dans les formats (vidéos mobiles, podcasts natifs, formats écrits, formats spécifiques aux réseaux sociaux, etc.) et la bascule de certaines rédactions au tout-numérique (antennes de RFI en russe, persan et anglais) ;

-         la poursuite d’une stratégie d’hyper-distribution des contenus édités par le groupe, dans le but d’investir les principaux carrefours d’audience (réseaux sociaux et plateformes vidéos et audio notamment). FMM poursuit le développement de partenariats, tant avec les autres médias de l’audiovisuel public (participation à TV5Mondeplus à la plateforme de Radio France) qu’avec des sites ou plateformes (Apple News, AiryTV, Huawei vidéos). FMM dispose d’accords de syndication avec des sites d’information étrangers, comme en Amérique latine (Eju.tv et Hoy Bolivia en Bolivie, Infogate au Chili) ou en Afrique (TNN en République démocratique du Congo). Au global, la syndication externe représente en 2021 entre 2 et 3 millions de visites par mois en moyenne, les nouveaux partenariats signés l’année dernière contribuant à 10 % de ce total ;

-         une démarche d’innovation éditoriale ambitieuse, autour notamment de la « culture data », qui permet aux rédactions de bénéficier d’éléments d’aide à la décision afin d’adapter leur production éditoriale aux spécificités et aux publics de chaque plateforme numérique. Dans ce domaine, les antennes en langues étrangères de RFI ont été précurseurs, et depuis 2021, une expérimentation pilote est menée par MCD, qui a détaché deux de ses journalistes au sein des rédactions en langues étrangères de RFI pour développer des contenus sur le Maghreb en arabe sur le site de MCD, bénéficiant ainsi de leur expertise en matière de « data ». Les premiers résultats sont satisfaisants, certaines vidéos ayant cumulé plusieurs centaines de milliers de vues sur des sujets d’information liés à la zone Maghreb ;

-         la poursuite des travaux autour de l’intelligence artificielle (retardés en raison de deux cyberattaques d’envergure intervenues en 2021). Des travaux sont en cours pour transcrire et sous-titrer automatiquement des contenus de France 24. Début 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine, des contenus de France 24 ont ainsi pu être sous-titrés en russe et diffusés sur les réseaux sociaux de RFI en russe. Des tests se poursuivent pour le sous-titrage en ukrainien et dans d’autres langues étrangères comme le roumain.

La stratégie de développement numérique a vocation à être renforcée à travers différents projets, qui seront examinés dans le cadre de l’élaboration du prochain contrat d’objectifs et de moyens de l’entreprise. Parmi les pistes retenues, on peut mentionner l’augmentation de la production numérique (en français et en langues étrangères), des investissements supplémentaires dans les environnements propres pour améliorer la qualité des offres, l’expérience utilisateur et le référencement naturel, la poursuite de la stratégie d’hyper-distribution raisonnée compte tenu du caractère international de FMM, le renforcement du pôle data numérique pour apporter plus de données et d’outils d’aide à la décision pour les rédactions ou encore le déploiement à l’échelle du groupe de projets pilotes en matière d’innovation technologique et numérique, notamment autour de l’intelligence artificielle pour enrichir les contenus et les offres en langues étrangères (voir supra).

 

Une image contenant table

Description générée automatiquement

Source : DGMIC

d.   Un partenariat audiovisuel franco-allemand devenu structurant

FMM a développé un important partenariat de coopération bilatérale avec l’audiovisuel extérieur allemand (Deutsche Welle – DW) autour de projets d’envergure, auxquels le rapporteur pour avis avait accordé une attention particulière dans son avis budgétaire sur les crédits alloués à l’audiovisuel extérieur par le projet de loi de finances pour 2021.

Il faut ainsi mentionner ENTR, offre plurilingue 100 % numérique à destination des jeunes Européens lancée en mai 2021 et disponible sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, YouTube). Sur ce média interactif disponible en six langues (français, anglais, allemand, polonais, roumain, portugais), les journalistes traitent de problématiques et de sujets qui suscitent l’intérêt et l’engagement des jeunes : climat, santé, culture, solidarités, logement, emploi, etc. En un an, de mai 2021 à mai 2022, ENTR a cumulé 53 millions de pages et vidéos vues. Cette offre s’inscrit dans le cadre de la collaboration audiovisuelle et culturelle entre la France et l’Allemagne, telle que dessinée par le traité d’Aix-la-Chapelle ([7]), et bénéficie d’un financement européen à hauteur de 40 % de son budget. Le cofinancement de l’Union européenne pour la deuxième phase du projet a été renouvelé en janvier 2022, à la suite d’un appel à projets.

ENTR présente une forte dimension partenariale, au-delà du binôme franco-allemand. L’offre s’appuie sur une dizaine de médias partenaires en Europe issus de plusieurs États membres : Allemagne (Deutsche Welle, Zeit online, Fondation Genshagen), Portugal (RTP Rádio e Televisão de Portugal), Pologne (Onet, site d’information du groupe RASP - Ringier Axel Springer Polska), Roumanie (RFI România et G4 Media - Group 4 Media Freedom and Democracy) et la rédaction roumaine de DW basée à Bonn et Irlande (Tailored Films).

InfoMigrants, lancé en 2017, constitue une expérience de collaboration réussie entre FMM et DW, rejoints par l’agence de presse italienne ANSA. Site d’information destiné aux migrants et adapté pour un usage en mobilité, l’offre est disponible en six langues (français, anglais, arabe, dari, pachtoune et, depuis mai 2021, bengali) et a enregistré 86,9 millions de contacts en 2021 (+ 20 % par rapport à 2020). Elle est accessible sur Facebook, Viber, Instagram, Twitter, Telegram et YouTube. En août 2021, la rédaction s’est particulièrement mobilisée autour de la crise en Afghanistan, notamment à travers ses journalistes qui travaillent en dari et en pachtoune (langues majoritairement parlées dans le pays). Depuis le début de la guerre en Ukraine, InfoMigrants couvre également largement la situation des Ukrainiens ayant fui le pays à travers ses contenus numériques, en particulier en français et en anglais.

Le cofinancement de l’offre InfoMigrants a été renouvelé par la Commission européenne dans le cadre d’un appel à projets pour la période 2023-2024, qui intègre un volet de formation sur le traitement journalistique des migrations.

À noter qu’outre ces offres communes, FMM et DW mènent également des coopérations éditoriales ponctuelles à l’occasion de temps forts de l’actualité, comme en septembre 2021 à l’occasion des élections fédérales allemandes (avec notamment l’organisation de débats communs en anglais).

e.   Un renforcement des coopérations entre sociétés françaises de l’audiovisuel public qui ne doit pas remettre en cause les missions propres à l’audiovisuel extérieur

Conformément aux priorités définies dans les contrats d’objectifs et de moyens 2020-2022 des différentes entreprises de l’audiovisuel public, la dynamique de renforcement des coopérations a été accentuée, portant tant sur le domaine éditorial que sur la gestion et les moyens. Pour rappel, les COM comportent une annexe commune énumérant une série de projets de coopération prioritaires.

Au plan éditorial, FMM s’efforce d’apporter dans chaque projet collaboratif sa signature internationale. C’est le cas pour franceinfo mais aussi pour Culture Prime et Lumni, projets auxquels s’ajoutent des interventions régulières des journalistes de FMM sur les antennes nationales du service public. FMM, France Télévisions, Radio France et ARTE fournissent également des programmes à TV5 Monde pour alimenter sa plateforme de vidéo à la demande TV5Mondeplus (voir infra).

Lancée en 2016 par FMM, Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), l’offre d’information de franceinfo, média global, poursuit son développement et est devenue la première plateforme numérique d’information consultée quotidiennement par les Français, avec 3,2 millions d’internautes chaque jour.

L’offre éducative Lumni, lancée en novembre 2019, a été enrichie à l’automne 2021 d’une offre pédagogique d’accompagnement (Lumni Etudiants) qui s’adresse aux lycéens en terminale et aux étudiants, en particulier en première année de licence. Au total, Lumni a réuni 1,2 million de visiteurs uniques par mois en 2021 (contre 1,7 million l’année précédente dans le contexte particulier de la crise sanitaire).

L’offre culturelle Culture Prime, lancée en novembre 2018, compte désormais plus de 2 600 vidéos produites sous ce label commun. Ces courts modules sont principalement publiés sur Facebook ([8]) et donnent lieu à une publication croisée par l’ensemble des médias des partenaires. Chaque mois, les vidéos Culture Prime totalisent en moyenne plus de 22 millions de vidéos sur l’ensemble de ses supports.

La coopération éditoriale des sociétés de l’audiovisuel public passe aussi par des objectifs transversaux, à commencer par la lutte contre la désinformation. Les entreprises de l’audiovisuel public ont lancé, en juin 2018, Vrai ou Fake ?, un espace de vérification des faits et de lutte contre les fausses informations et les rumeurs, accessible depuis le site internet de franceinfo, et de son application. Dans le prolongement de cette action, la réflexion se poursuit pour assurer une meilleure coordination et visibilité des ressources éducatives proposées par chaque entreprise de l’audiovisuel public, en lien avec les ministères de la culture et de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Pour l’audiovisuel extérieur – FMM mais aussi TV5 Monde – la lutte contre la désinformation constitue un engagement quotidien, directement porté par le travail des journalistes au service d’une information fiable et qualitative et soutenu par des contenus dédiés et par des actions de formation, auxquelles contribue l’opérateur Canal France international, agence française de développement médias financée par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) ([9]) et filiale de FMM.

La lutte contre la désinformation, priorité pour notre audiovisuel extérieur

 

France Médias Monde (FMM) et TV5 Monde sont engagées dans la lutte contre la désinformation à travers le développement de ressources et d’outils spécifiques.

FMM propose à ses publics plusieurs programmes récurrents de décryptage des fausses nouvelles (sur France 24, Info ou Intox, sur RFI, Les dessous de l’infox) et déploie un réseau de 5 000 contributeurs à travers le monde, les Observateurs de France 24, qui relaye des contenus amateurs (vidéos, textes, photographies) faisant l’objet d’une vérification par la rédaction de la chaîne. L’ensemble des offres développées par FMM a été regroupé en 2019 sous le label « Stop l’infox » accessible sur les différents sites du groupe et décliné en quatre langues.

Dans le cadre de la crise sanitaire, des ressources dédiées ont été conçues par FMM comme les modules vidéos Coronaverif sur RFI en français et en langues africaines, ou encore le test d’actualité « Quid du Covid » sur France 24. La rédaction des Observateurs de France 24 s’est également mobilisée à travers la production de modules Info ou Intox et au sein de l’initiative internationale #CoronaVirusFactsAlliance.

Canal France International (CFI) déploie de nombreux projets visant à renforcer les capacités des médias locaux, notamment en matière de lutte contre les fausses informations. CFI a renforcé ses actions dans le contexte pandémique de 2020-2021 (lancement des projets Désinfox Afrique et MédiaSahel).

TV5 Monde édite une chronique hebdomadaire, À vrai dire, proposée sur le site de la chaîne francophone et des environnements numériques édités par des tiers. Compte tenu du succès de cette rubrique, TV5 Monde a décidé de la diffuser sur ses antennes en l’intégrant dans le journal 64 minutes, le monde en français depuis janvier 2020.

FMM et TV5 Monde contribuent par ailleurs au dispositif de vérification des faits et de réfutation des fausses nouvelles Vrai ou fake, commun à l’ensemble de l’audiovisuel public français et disponible sur le site francetvinfo.

Enfin, l’engagement de FMM via CFI et de TV5 Monde dans la lutte contre les infox s’inscrit depuis plusieurs années dans le cadre d’une politique plus large en faveur de l’éducation aux médias et à l’information qui se déploie en France et à l’international.

L’audiovisuel extérieur développe avec des acteurs européens et internationaux des partenariats axés autour de la lutte contre la désinformation. Les offres ENTER et Infomigrants y contribuent directement, et FMM est partie prenante des principaux réseaux de fact-checkers européens (Fact Check EU à l’occasion des élections européennes en 2020) et internationaux (International Fact Checking Network). La société est également membre du DG8, groupe réunissant huit diffuseurs publics internationaux qui échangent régulièrement autour de la lutte contre les infox.

FMM s’associe avec des groupes privés comme Google pour développer Objectif Désinfox ou Meta pour le compte duquel le groupe public a produit une série de vidéos pédagogiques en 2022 en partenariat avec l’institut Poynter et Mediawise diffusées sur les supports de Meta (WhatsApp, Facebook, YouTube) et les environnements propriétaires de FMM.

TV5 Monde collabore avec les rédactions de ses chaînes partenaires : RTBF, RTS, Radio-Canada, Télé-Québec et Monte-Carlo-Riviera (en 2023).

Source : DGMIC

Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 qui auront lieu à Paris, une réflexion est menée sur les coopérations possibles autour de l’évènement.

De nombreuses coopérations ont également été développées concernant la gestion ou les échanges techniques.

Ainsi, si la consultation citoyenne sur l’audiovisuel public lancée en septembre 2020 par les entreprises du secteur n’a pas été renouvelée en 2021, les échanges entre les sociétés de l’audiovisuel public se poursuivent en vue de créer les conditions de l’élaboration d’un véritable baromètre commun.

Sous l’impulsion du Club achats de l’audiovisuel public créé en 2017, la mise en œuvre de synergies achats entre les entreprises concernées a progressé de façon significative en 2021, tant en nombre de marchés groupés passés (de 26 à 40) qu’en montants financiers engagés (de 30 à 45 millions d’euros). Le montant mutualisé dans les marchés groupés est en progression de 140 % depuis 2020 et a été multiplié par 2,4 depuis 2019.

Dans le domaine informatique, le principe d’un nouveau Club data animé par l’INA a été annoncé en 2021, pour une mise en œuvre en 2022. Il vise à partager les bonnes pratiques entre ses différents membres, pour ce qui concerne la gouvernance des données au sein des entreprises de l’audiovisuel public.

Des échanges sont également nourris en matière de cybersécurité et sur les usages possibles de l’intelligence artificielle, notamment pour le sous-titrage (voir supra), de nature dans les deux cas à faciliter l’interopérabilité des équipements.

En matière de sécurité, l’expertise particulière des journalistes de France Médias Monde, plus habitués aux reportages de terrain y compris dans des zones de crise et de conflit, s’avère précieuse pour l’ensemble des journalistes du service public.

Si ces coopérations et synergies présentent d’indéniables atouts, le rapporteur pour avis tient à souligner que l’exercice présente des limites, tout particulièrement au regard des spécificités de l’audiovisuel extérieur dont la mission première est l’international. Les projets éditoriaux de France 24 – qui ne peut pas diffuser plus de 20 % de sujets nationaux – et de France Télévisions diffèrent par nature, et cela vaut également pour franceinfo. Le rapporteur pour avis invite à considérer avec prudence les propositions de fusion des sociétés de l’audiovisuel public en une société unique ([10]), qui restent étudiées parmi les pistes d’avenir malgré l’abandon en 2020 du projet de holding de l’audiovisuel public.

2.   Une situation financière stabilisée mais qui n’est pas exempte d’incertitudes

Au plan financier, France Médias Monde a connu ces dernières années une forte contrainte budgétaire, qui s’est traduite par plusieurs plans d’économies impliquant des efforts importants pour le groupe (plan de départs volontaires ([11]), réduction des coûts de distribution, modération salariale, renégociation des contrats, etc.).

Le PLF pour 2023 prévoit une dotation publique de 284,7 millions d’euros, contre 254,2 en 2022. Cette hausse est pour partie apparente : 22 millions d’euros correspondent à la compensation des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (voir infra), soit un assujettissement à la taxe sur les salaires et la fin de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Une autre partie de cette revalorisation vise à prendre en compte les effets de l’inflation (à hauteur de 2,5 % du budget), répondant ainsi pour partie à une demande formulée par les syndicats en interne. L’entreprise travaille actuellement à la mise en place d’un dispositif apte à compenser les effets de l’inflation de manière équitable pour toutes les catégories de personnel, en incluant les correspondants.

La dotation du groupe pour 2023 correspond ainsi davantage à une logique conservatoire qu’à une dynamique de hausse. Elle a le mérite de sécuriser l’existant, mais ne fixe pas de nouveau cap ni ne s’accompagne d’une visibilité ou d’une garantie au-delà de 2023, dans un contexte particulièrement incertain pour l’avenir du financement de l’audiovisuel public (voir infra).

Comme le rapporteur pour avis le souligne régulièrement, la dotation allouée à France Médias Monde doit être resituée dans une perspective mondiale de guerre de l’information et d’une concurrence exacerbée, nourrie tant par des partenaires européens comme la Deutsche Welle que par de nouveaux acteurs dont la déontologie pose question.

Dans ce contexte, France Médias Monde doit continuer à s’appuyer de façon déterminante sur des financements extérieurs pour la conduite de certains projets, qu’il s’agisse de la Commission européenne (ENTR, Infomigrants) ou de l’Agence française de développement. Or, il s’agit de financements sur projet, dont la durée est limitée dans le temps et crée une forme de vulnérabilité pour l’entreprise.

C’est l’une des raisons pour lesquelles l’entreprise plaide depuis plusieurs années pour obtenir la possibilité de recourir directement au programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », abondé par les crédits du MEAE. En effet, la direction générale du Trésor intègre d’ores et déjà une partie des activités de FMM dans son décompte de l’aide publique au développement nationale, à hauteur de 20 millions d’euros par an environ. L’équivalent de cette somme pourrait être redéployé sur d’autres postes de dépense, et l’apport d’un financement sur le programme 209 permettrait à FMM de pouvoir mobiliser de façon plus rapide et réactive des fonds, là où l’Agence française de développement privilégie une approche par projets et sur le temps long. Le rapporteur pour avis y voit une piste intéressante, qui fait toutefois l’objet d’une opposition nette du MEAE ([17]).

cid:image001.png@01D8DFF7.F85277E0

Sources : France Médias Monde, Direction générale du Trésor

Dans ce contexte, en 2021, l’indicateur de ressources propres a atteint 12,5 millions d’euros, soit 0,6 million d’euros en-deçà de l’objectif du COM, en raison d’un niveau de subventions des bailleurs de fonds inférieur aux prévisions (5 millions d’euros contre 6,1 millions d’euros) du fait du retard de certains projets dans le contexte de la crise sanitaire.

FMM a malgré tout pu obtenir en 2021 un résultat net excédentaire de 2 millions d’euros, en amélioration de 2,7 millions d’euros par rapport à la perte prévisionnelle de 0,7 million d’euros, du fait d’importantes économies générées par la baisse d’activité induite par la crise sanitaire, l’entreprise n’ayant pas encore retrouvé en 2021 son niveau d’activité normale.

Le budget 2022 de FMM prévoit un déficit net de - 2,5 millions d’euros du fait du décalage de 2021 à 2022 de certains projets et opérations exceptionnelles, de la prise en compte de charges ponctuelles (non reconductibles sur les années futures) pour accompagner certaines directions ainsi que de la poursuite de la crise sanitaire sur le premier semestre. Hors ces éléments à caractère exceptionnel, le budget 2022 de FMM reste à l’équilibre.

Par rapport au budget 2021, les nouveaux besoins de financement pour 2022 s’élèvent à 6,2 millions d’euros et prennent en compte :

-         une baisse des ressources publiques de 1 million d’euros dont 0,5 million d’euros sur la contribution à l’audiovisuel public (de 254,7 millions d’euros en 2021 à 254,2 en 2022) et 0,5 million d’euros lié à la non-reconduction en 2022 de la subvention exceptionnelle allouée dans le cadre du plan de relance en 2021 ;

-         une augmentation de 2 millions d’euros des charges de personnel dans le cadre du glissement annuel de la masse salariale et du renforcement nécessaire de certaines directions et d’autres évolutions diverses ;

-         l’augmentation de 0,4 million d’euros des opérations spéciales avec la coupe d’Afrique des Nations, la coupe du monde de football au Qatar et le Sommet de la francophonie ;

-         la hausse des coûts techniques, due principalement à l’augmentation des contrats de maintenance et des coûts des outils techniques et licences, au renfort de la cybersécurité ainsi qu’au rafraîchissement de l’habillage ;

-         la poursuite du projet ENTR en coopération avec la Deutsche Welle ;

-         d’autres évolutions de dépenses pour un montant global net de 0,8 million d’euros.

Ces besoins de financement sont en grande partie couverts par les éléments favorables suivants, pour un montant global de 4,4 millions d’euros :

-         une augmentation nette des ressources propres de 0,4 million d’euros ;


-         les économies liées à la mise en œuvre du plan de départs volontaires pour 0,2 million d’euros ([18]), à la politique complémentaire d’incitation au départ de collaborateurs volontaires pour l’essentiel non remplacés (1,4 million d’euros) ainsi qu’à certains autres départs non-remplacés et effet de noria (0,3 million d’euros) ;

-         la baisse des impôts de production dans le cadre du plan de relance (baisse de moitié du taux de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) pour un montant de 1,3 million d’euros ;

-         la poursuite de la réduction des coûts de distribution avec la renégociation de contrats de France 24 pour une économie nette globale de l’ordre de 0,8 million d’euros.

Concernant les personnels, l’augmentation des charges de personnels entre 2021 et 2022 prend en compte le glissement de la masse salariale lié aux accords d’entreprise dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (2 millions d’euros), le renforcement de certains secteurs de l’entreprise ainsi que l’impact en masse salariale des nouveaux projets (ENTR). Ces éléments sont en partie compensés par les économies liées à l’effet en année pleine du plan de départs volontaires, ainsi qu’à l’accompagnement au départ de collaborateurs occupant des postes non-éligibles au plan, et pour l’essentiel non-remplacés.

Si l’indicateur de décompte des équivalents temps plein (ETP) fixé par le COM pour 2021 s’est établi à 1 758 contre un objectif de 1 750, ce dépassement peut s’expliquer par la sous-estimation du besoin en ETP pour la mise en œuvre de projets financés par des ressources externes au stade de l’élaboration du COM ([19]).

Malgré la perspective d’obtention d’une prime liée à l’inflation, les représentants du personnel de FMM entendus par le rapporteur pour avis ont souligné le risque de perte d’attractivité du groupe pour les journalistes et l’ensemble des personnels, dans un contexte où l’audiovisuel public dispose de moins de moyens que ses concurrents. Le risque d’une perte de motivation en interne et d’une perte d’attrait de l’extérieur ne doit pas être négligé, au risque de fragiliser les compétences qui font vivre les chaînes du groupe.

B.   Pour TV5 Monde, l’année écoulée a été marquée par plusieurs avancées

1.   Une année qui a permis de poursuivre la mise en œuvre des priorités fixées dans le plan stratégique de la chaîne

Le plan stratégique 2021-2024 de TV5 Monde est principalement axé sur les deux points inédits et sur la poursuite d’objectifs déjà affirmés par le précédent plan stratégique.

a.   L’accroissement de la « découvrabilité » audiovisuelle francophone à travers le développement de TV5Mondeplus

Lancée le 9 septembre 2020, TV5Mondeplus est une plateforme de vidéo à la demande développée par TV5 Monde et consommée gratuitement dans plus de deux cents pays et territoires (hors Chine et Pays-Bas). Son catalogue, passé progressivement de 5 456 à 7 019 heures, est généraliste (films de cinéma, séries de fiction, documentaires, magazines), francophone et ajusté localement en fonction de la disponibilité des droits et sous-titrages (français, anglais, espagnol, arabe et allemand – le roumain est prévu pour la fin de l’année 2022). Il est constitué d’apports des diffuseurs actionnaires de TV5 Monde, d’acquisitions directes de la chaîne francophone et de partenariats culturels (Collège de France, Muséum d’histoire naturelle, Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture UNESCO).

Au premier semestre 2022, TV5Mondeplus a enregistré 10,5 millions de visites (Maghreb, France, Espagne et République démocratique du Congo en tête), en hausse par rapport au premier semestre 2021 (8,3 au premier semestre 2021) et 4,8 millions (3,3 au premier semestre 2021) de vidéos démarrées (monde arabe, Europe et Amérique latine en tête). Les fictions (films, téléfilms, séries) représentent 75 % des visionnages pour 29 % du catalogue. Enfin, la durée moyenne de visionnage a doublé depuis 2020 (22,5 minutes).

De façon plus générale, la chaîne poursuit le déploiement de sa stratégie numérique autour des axes suivants :

-          adaptation des contenus et des offres numériques à la consommation en mobilité (à l’issue du plan stratégique 2017-2020, plus de 60 % de la consommation des offres numériques de TV5 Monde était réalisée en mobilité contre 33 % en 2016) ;

-          développement de la présence sur les réseaux sociaux. Au premier semestre 2022, les comptes de la chaîne sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube etc.) rassemblaient une communauté de 17,8 millions d’individus ;

-          consolidation de l’offre de webcréations qui donne une exposition à de jeunes talents francophones édités par la chaîne depuis 2019. Au premier semestre 2021, ces contenus ont comptabilisé plus de 720 000 lectures sur les environnements propres de TV5 Monde (36 % depuis TV5Mondeplus, 34 % depuis l’offre Afrique et 28 % depuis l’offre « langue française »).

b.   La sensibilisation des publics aux enjeux environnementaux

La chaîne poursuit la sensibilisation aux enjeux environnementaux à travers plusieurs initiatives. Les plus marquantes de 2021 ont été la case hebdomadaire de 52 minutes Oxygène, le nouvel habillage antenne et les 2 962 heures de programmes et d’information labellisés « chaîne de la planète ». Le lancement d’une nouvelle émission évènementielle de 90 minutes A la vie, à la terre (quatre numéros par an), dédiée aux enjeux environnementaux et ayant pour ambition la compréhension du quotidien des populations autochtones confrontées aux effets du changement climatique, a eu lieu en octobre 2022.

Cette démarche est déjà bien identifiée par les publics de la chaîne. Ainsi, fin 2021, dans le cadre de l’étude d’audience TV Africascope (Kantar), 77 % des téléspectateurs africains considéraient que TV5 Monde explique bien les enjeux liés à la protection de l’environnement et 76 % que la chaîne sensibilise bien les plus jeunes à la préservation de la planète. De même, un sondage trilingue auprès de 2 267 internautes utilisateurs des offres numériques début 2022 attribue une note moyenne de 7,6/10 sur le développement durable, supérieure, selon Harris Interactive, aux notes habituelles.

c.   La réaffirmation d’axes stratégiques antérieurs

Le plan stratégique 2021-2024 a par ailleurs réaffirmé les orientations prioritaires établies dans le plan 2017-2020 :

-         poursuite des développements éditoriaux et des partenariats ciblant le continent africain (poursuite du développement de la chaîne jeunesse TiVi5 dont le succès est croissant, maintien des investissements dans la production africaine originale, avec une augmentation significative en 2021 ;

-         adaptation des offres de la chaîne aux usages et attentes des publics jeunes (développement de webcréations ([20]) comme Damoiselle (webcréation historique et humoristique) est en tête des audiences de la plateforme en 2022, élargissement de la distribution de TiVi5 au monde arabe le 28 janvier 2022, croissance de la consommation des chaînes en over-the-top (OTT) ([21]) depuis un téléphone mobile (360 millions d’abonnés en 2020, 440 en 2021, 492 en 2022, essentiellement en Asie) ;

-         enrichissement de l’offre pédagogique de TV5 Monde d’apprentissage du français avec une augmentation des exercices autocorrectifs mis à disposition (3 300 en 2020, 3 945 en 2021, 4 200 en 2022).

En 2023, la chaîne entend poursuivre ces objectifs auxquels s’ajouteront le développement d’un format de série quotidienne africaine (pour un lancement en 2024), le renouvellement du dispositif de diffusion et le développement du sous-titrage des journaux en français, en augmentant le développement de la haute-définition (HD) en Amérique latine.

La fin de l’année 2022 sera marquée pour la chaîne par le XVIIIe « Sommet des Chefs d’État et de Gouvernement ayant le français en partage » prévu les 19 et 20 novembre et qui aura pour thème : « Connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l’espace francophone ».

Pour mémoire, son statut d’opérateur audiovisuel de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), confère à TV5 Monde un siège au sein des instances officielles de l’Organisation. À cet égard, Yves Bigot, PDG de TV5 Monde prend part et s’exprime lors du Conseil permanent de la Francophonie (CPF), de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) et assiste aux travaux du Sommet des chefs d’État et de gouvernement ayant le français en partage.

Seul média dont la présence est autorisée dans l’enceinte officielle des travaux du Sommet, TV5 monde en assurera par ailleurs une couverture conséquente en mobilisant massivement ses équipes de production et sa direction de l’information.

Ainsi, plusieurs rendez-vous phares de TV5 Monde seront délocalisés à Djerba :

- le magazine « Internationales » pour lequel plusieurs invitations à des chefs d’État ont été lancées parmi lesquels les présidents français et tunisien ;

- le magazine « Maghreb Orient Express », qui fera l’objet d’une production et d’un contenu éditorial dédiés en vue de sa diffusion le 18 novembre ;

- la grande tranche d’information quotidienne de TV5 Monde : « 64 minutes, le monde en français ».

Les différentes éditions des journaux de TV5 Monde reviendront sur les enjeux et le déroulement du Sommet au travers de duplex, de reportages tournés en amont spécialement pour l’occasion ou encore d’invités en plateau, et apporteront un éclairage plus vaste sur le pays hôte. Enfin, une émission spéciale sera consacrée au Sommet le 19 novembre, à l’occasion de la cérémonie officielle d’ouverture.

Les dispositifs numériques de TV5 Monde relaieront également les différentes informations liées au sommet et à ses activités annexes (village de la Francophonie, forum économique, etc.).

Pour rappel, l’appui à l’enseignement du français fait partie des missions confiées à TV5 Monde par la Charte TV5 (article 10) approuvée par l'ensemble des gouvernements bailleurs ([22]). Le site Apprendre, destiné aux apprenants de français langue étrangère, est disponible en huit langues en plus du français : allemand, anglais, arabe, coréen, espagnol, japonais, portugais et vietnamien.

La contribution de TV5 Monde à la promotion de la langue française passe ainsi par de nombreux canaux, qui incluent la plateforme francophone TV5Mondeplus ainsi que la disponibilité en français de certaines déclinaisons régionales du site de la chaîne (Europe, États-Unis, Amérique latine, Japon et Maghreb) et le lancement de comptes Facebook et Twitter locaux visant à cibler les publics francophiles locaux ([23]).

d.   La poursuite d’une dynamique favorable en matière d’audiences

L’année 2021 a également vu la chaîne confirmer ses bons résultats en termes d’audiences.

Audience cumulée hebdomadaire en millions de téléspectateurs par semaine

 

2019

2020

2021

Audience cumulée hebdomadaire

59,10

59,18

59,57

TV5MONDE : Afrique francophone

46,21

46,65

49,26

TV5MONDE : Europe

4,92

5,85

5,28

TV5MONDE : Afrique du Nord / Moyen-Orient

4,58

3,95

3,86

TV5MONDE : Asie

3,39

2,73

1,17

Nombre de pays

24

24

24

Source : DGMIC

 

En 2021, l’audience agrégée de TV5 Monde et de la chaîne jeunesse TiVi5 a atteint 59,57 millions de téléspectateurs pour vingt-quatre pays étudiés (entrée du Tchad et sortie du Vietnam), soit un niveau en légère hausse par rapport à 2020. Si l’on neutralise les changements structurels liés au Tchad et au Vietnam, l’audience progresse de 1 % en un an.

En Afrique francophone, depuis 2018, l’audience des chaînes TV5 Monde Afrique et TiVi5 est agrégée. Ce choix méthodologique résulte du fait que le nombre de téléspectateurs qui consomment les deux offres augmente fortement (2 millions en 2019, 4 millions en 2020, 6 millions en 2021) avec la progression de la distribution et de la notoriété de la chaîne jeunesse. Ainsi, en Afrique francophone, 49,26 millions de téléspectateurs regardent chaque semaine l’une des deux chaînes TV5, un résultat en progression notable. TV5 Monde se classe parmi les cinq chaînes internationales les plus regardées chaque semaine en 2021 dans cette zone.

En Europe, la chaîne a enregistré 5,85 millions de téléspectateurs hebdomadaires en 2020 (+ 18,3 % par rapport à 2019) dans le contexte particulier de la crise sanitaire, dont l’effet se tasse en 2021. En France, le nombre de téléspectateurs a progressé de 38 % entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2020.

En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, TV5 Monde est confronté à une tendance baissière notamment liée au marché marocain, où les diffuseurs locaux ont bénéficié de reports d’audience au cours des périodes de confinement de la population, et où l’offre pirate francophone « Electro TV » a été très regardée jusqu’à sa fermeture fin octobre. TV5 Monde demeure toutefois la chaîne francophone la plus regardée au Maroc et la deuxième en Algérie.

En Asie, la baisse d’audiences constatée en 2021 résulte de l’arrêt de la mesure d’audience souscrite par TV5 Monde au Vietnam.

2.   Une situation financière stabilisée mais qui reste exposée à différents risques

Le PLF pour 2023 prévoit une dotation de 79,96 millions d’euros pour TV5 Monde, en progression de 3,8 millions d’euros par rapport à 2022, afin de financer les surcoûts liés à l’inflation, au glissement de la masse salariale, ainsi qu’aux évolutions de dépenses engagées. Cette dotation comprendra également 0,6 million d’euros visant à compenser les effets fiscaux induits par la suppression de la CAP, parallèlement aux mesures prises pour France Médias Monde.

Cette revalorisation devrait aussi permettre à la France de rattraper son retard de contribution vis-à-vis de ses partenaires dans la gouvernance de la chaîne, qui repose sur un partenariat multilatéral. Ce retard s’élève à 1,2 million d’euros par an depuis 2018). Dans ce contexte, la hausse annoncée devrait être très bien accueillie par les partenaires, dont la position « officielle » sera connue à la fin du mois de novembre 2022. La dynamique française est de nature à inciter nos partenaires à augmenter leurs propres contributions, ce qui aurait des retombées positives pour la chaîne.

La situation budgétaire n’en demeure pas moins tendue pour plusieurs raisons :

-         surcoûts importants liés à la guerre en Ukraine pour la distribution et l’information ;

-         effets de l’inflation qui s’imposent progressivement et ont un impact direct sur les contrats à renouveler mais aussi sur les matières premières et sur le coût des déplacements ;

-         la renégociation historique avec la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) d’un contrat datant des années 1990 et qui ne tenait pas suffisamment compte des développements numériques ;

-         le marché publicitaire mondial dont la reprise demeure lente et volatile ;

-         la baisse nette des recettes de distribution.

À cela s’ajoute la nécessité d’atténuer les effets de l’inflation sur les personnels de la chaîne. Ainsi, l’enveloppe salariale est en croissance pour la première fois cette année depuis plus d’une décennie et cette croissance a été sanctuarisée, de même que les primes.

2021 a aussi été marquée par un fait concernant la gouvernance et le financement de la chaîne : la finalisation de l’adhésion de la principauté de Monaco au groupe. Le diffuseur public nouvellement créé, Monte Carlo Riviera, va ainsi intégrer le capital de TV5 Monde et obtenir un siège au sein de son conseil d’administration. La principauté de Monaco devient le sixième gouvernement bailleur de fonds de la chaîne ([24]), et l’on peut d’ores et déjà noter que grâce aux nouveaux financements monégasques, et après toute une année de préparation en 2021, la chaîne jeunesse ludo-éducative Tivi5Monde est désormais accessible en HD sur le satellite Arabsat, donc sur tout ou partie du monde arabe.

Dans la continuité de l’adhésion de Monaco, des démarches ont été entreprises auprès du Luxembourg depuis 2018 en vue d’une adhésion comme nouveau partenaire. Le Québec, qui assure actuellement la présidence tournante de la chaîne, doit prendre contact avec le gouvernement luxembourgeois au cours des prochains mois pour échanger sur ce sujet.

L’intégration de pays africains à la gouvernance de TV5 Monde avait également été évoquée au début de la présidence française. À l’issue des discussions réalisées avec les partenaires, il s’est avéré que l’élargissement de TV5MONDE dans le cadre des statuts actuels n’est envisageable que par une adhésion formelle à la chaîne sous la forme d’une entrée au capital et au Conseil d’administration. Or, le seuil minimal d’adhésion étant fixé à 4 millions d’euros, l’entrée de pays africains à la table de gouvernance semble à ce stade peu réaliste pour des raisons financières.

Un travail a été accompli sous présidence française pour envisager une coopération avec des pays africains sous une forme plus souple et moins contraignante que l’adhésion. La formule d’association doit ainsi être privilégiée : elle impliquerait une contribution financière moins importante, mais également une intégration plus limitée aux organes de gouvernance. Il a été convenu avec les partenaires francophones que cette question serait abordée après la finalisation de l’adhésion de Monaco, et une première réunion de travail a pu avoir lieu en septembre dernier pour aborder le sujet.

C.   les tensions géopolitiques récentes sont venues souligner l’importance de notre audiovisuel extérieur

Pour notre audiovisuel extérieur, et tout particulièrement pour France Médias Monde qui ne bénéficie pas du statut protecteur conféré à TV5 Monde par son statut de chaîne multilatérale ([25]), les derniers mois ont été marqués par un contexte géopolitique tendu. L’offensive russe sur l’Ukraine, initiée le 24 février dernier, ainsi que l’amplification des tensions dans le Sahel, ont eu un impact direct sur les chaînes, qui n’en ont pas moins mis en place un suivi approfondi des différentes crises.

Pour le rapporteur pour avis, les coupures dont France Médias Monde a fait l’objet apparaissent comme le signal manifeste de la qualité du travail fourni par les journalistes, au service d’une information indépendante, fiable et approfondie.

1.   La coupure de FMM au Mali et réponse de la France

Suite à la diffusion d’un reportage sur les exactions de la milice Wagner, la diffusion de RFI en FM et la distribution de France 24, ainsi que les sites internet de ces deux médias, ont été suspendus par le régime malien le 17 mars 2022. Cette décision arbitraire a été validée a posteriori par l’autorité de régulation malienne. Le 27 avril, après une procédure non conforme aux termes de la convention signée avec FMM en 2018, la Haute Autorité de la communication (HAC) du Mali a signifié à FMM la suspension définitive de ses médias dans le pays.

Depuis la première suspension, FMM mobilise toutes les solutions techniques pour continuer de rendre accessibles les offres de RFI et France 24. Les deux chaînes ont perdu 80 % de leur audience, mais RFI reste accessible en ondes courtes en français, en mandenkan et en fulfulde, sur les réseaux sociaux – Facebook, Twitter, YouTube – par VPN et par satellite. Cependant, les réseaux privés virtuels (VPN) ne sont que peu développés en Afrique et les ondes courtes ne représentaient que 20 % de l’audience. France 24 est quant à elle accessible par réception satellitaire directe, sur YouTube, sur Facebook et par VPN. Outre ces accès, il est également possible de se connecter aux sites de RFI et France 24 au Mali via des sites miroirs mis en place en partenariat avec Reporters sans frontières dans le cadre de l'initiative « Collateral Freedom ».

FMM a entrepris des démarches juridiques afin de faire annuler la décision d’interruption et faire connaitre la diffamation dont elle a été l’objet - RFI a ainsi été qualifiée de « radio des 1 000 collines », en référence au génocide rwandais. Le MEAE a publié un communiqué de presse appelant les autorités de la transition à reconsidérer leur décision.

Le 30 mai 2022, les présidents des instances de régulation du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Benin - au titre de la plateforme des régulateurs des pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) - et de la Guinée se sont rendus, à leur initiative, à Bamako pour une mission de médiation. Ils ont ensuite reçu une délégation de FMM, conduite par la PDG, à Dakar le 22 juin. Suivant les recommandations de la plateforme, FMM a ensuite adressé un courrier au président de la HAC du Mali lui faisant part de la disposition de FMM à suspendre les procédures de recours prévues et à signer une nouvelle convention de diffusion de RFI en FM au Mali. Aucune réponse n’est parvenue pour l’instant à FMM.

2.   La coupure de France Médias Monde en Russie et la réponse de la France

L’Union Européenne a interdit de diffusion Russia Today le 1er mars 2022, dans le cadre des sanctions prononcées en réponse à l’offensive lancée sur l’Ukraine. Cette décision, contestée par RT auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne, a été entérinée. En réaction, le régulateur russe a suspendu en avril dernier France 24 des offres des câblo-opérateurs et des bouquets satellitaires en Russie, privant 27 millions de foyers de sa réception. La chaîne est aujourd’hui présente uniquement en réception directe auprès de 1,5 million de foyers. Concernant RFI, la Russie a coupé le 15 avril dernier l’accès au site internet de la radio, en russe comme dans toutes ses autres langues.

Les médias de FMM restent présents sur les différents réseaux sociaux encore accessibles dans le pays. Il est également possible de se connecter au site de RFI en Russie par VPN ou via un site miroir mis en place en partenariat avec Reporters sans frontières. Si la diffusion de RFI en ondes courtes a été envisagée, elle n’a pas été retenue compte tenu de la possibilité d’accéder aux contenus de FMM sur YouTube en Russie.

TV5 Monde a aussi été impactée par le conflit : depuis le 5 mars 2022, TV5 Monde Europe n’est plus disponible en Russie en diffusion classique. Canal+International, à travers sa filiale Thema Russia, a suspendu la distribution de la chaîne sur ce territoire suite à l’adoption par la Douma d’une loi pénale punissant de cinq à quinze ans de prison toute information considérée comme fausse sur l’usage des forces militaires russes. N’ayant pas les moyens techniques, et ne souhaitant pas amputer ses programmes d’information, TV5 Monde a été contraint à ce renoncement temporaire. Dans ce contexte et depuis le 4 mars 2022, TV5 Monde a pris de manière provisoire et dans l’urgence une capacité sur le satellite HB13 afin d’assurer une meilleure accessibilité de la chaîne dans l’ensemble de la région et notamment en Ukraine. Ce satellite permet aussi à la chaîne sous-titrée en russe d’être distribuée en Russie auprès de 1,7 million de foyers en réception directe. Par ailleurs, toutes les offres numériques, y compris d’information, sont disponibles en Russie.

 

La mobilisation de notre audiovisuel extérieur sur le conflit en Ukraine

 

Dès le déclenchement du conflit russo-ukrainien le 24 février, FMM a déployé un dispositif important pour couvrir le conflit avec l’envoi d’équipes sur les différents théâtres d’opérations. Durant les premiers mois de l’offensive, FMM avait quotidiennement sur place une quinzaine de journalistes, se relayant toutes les deux semaines. Les équipes présentes sur le terrain font l’objet d’un suivi sécuritaire et d’un arrimage permanent par le directeur de la sûreté éditoriale du groupe, qui apporte aussi son expertise à d’autres rédactions de l’audiovisuel public. Ce dispositif n’a pas eu de conséquences sur les équilibres financiers du groupe, les surcoûts induits par cet évènement ayant été compensés par les recettes supplémentaires générées sur YouTube grâce à cette couverture exceptionnelle. Ces dernières témoignent également de l’engouement des auditeurs et téléspectateurs pour les contenus d’information de FMM, France 24 étant le média français le plus visionné sur YouTube. France 24 a créé une nouvelle chronique, « Vu de Russie », présentée par l’ancienne correspondante de la chaîne en Russie. Les contenus de médias ukrainiens sont également diffusés sur le site de RFI, dont la rédaction en russe a par ailleurs augmenté d’un tiers sa production en numérique pour couvrir le conflit et ses conséquences.

La mobilisation de FMM se matérialise également par l’ouverture d’un centre régional à Bucarest accueillant des journalistes ukrainiens en exil, en lien avec CFI. Adossé à la rédaction de RFI România, ce « hub » a été créé pour permettre aux journalistes ukrainiens de poursuivre leur mission d’information, développer une offre d’information numérique de RFI en ukrainien, et renforcer la production de contenus numériques de proximité en russe, dans une optique de lutte contre la désinformation. Concrètement, le dispositif repose sur trois composantes : une aide directe aux journalistes (octroi de logements, d’une allocation de vie, aide psychologique etc.) ; le renforcement des capacités éditoriales de l’équipe, avec la mise en place de formations durant tout l’été ; et le renforcement de l’offre éditoriale et la production de contenus fiables sur le conflit. Ce projet est cofinancé par le MEAE à hauteur de 1,5 million d’euros sur deux ans (1 million d’euros issu d’un fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), et 500 000 euros issus du centre de crise et de soutien). Une volontaire internationale a également été recrutée à Bucarest pour renforcer ce dispositif. Pour l’instant, 17 journalistes en bénéficient, dont 5 à distance, faute de pouvoir quitter le territoire ukrainien.

Sources : FMM, Direction de la diplomatie d’influence (MEAE)

 

 

 

 

 

 

II.   une année marquée par la réforme inaboutie du financement de l’audiovisuel public, qui gagnerait à s’inspirer des pays d’europe du nord

Annoncée sous le précédent quinquennat et plusieurs fois reportée, la réforme du financement de l’audiovisuel public a été portée par la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, qui acte la suppression de la contribution à l’audiovisuel public dès 2022 ([26]) et met en place en substitution l’affectation d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.

Si la remise en cause de la CAP – ou « redevance audiovisuelle » – répond à des évolutions dont la prise en compte était nécessaire, la réforme mise en œuvre présente, pour le rapporteur pour avis, plusieurs limites et risques. Ceux-ci tiennent notamment aux garanties apportées à notre audiovisuel public en matière d’indépendance et de pérennité des ressources et ont une acuité particulière pour notre audiovisuel extérieur, dont la perception et la classification à l’étranger pourraient être revues et fragilisées. Pour le rapporteur pour avis, la mise en place d’une contribution à la fois affectée, universelle et progressive, sur le modèle adopté par plusieurs pays européens, permettrait de conserver les atouts de la redevance tout en garantissant un mode de financement plus juste et plus adapté à l’évolution des usages. En effet, la suppression de la taxe d’habitation (TH) ne justifie pas à elle seule la suppression de la redevance – qui était collectée indépendamment de la TH jusqu’en 2005 – et l’argument d’un renforcement du pouvoir d’achat ne serait pas remis en cause par l’instauration d’un impôt progressif. Pour le rapporteur pour avis, cela ne saurait justifier l’absence de débat préalable sur le sens et l’avenir de notre audiovisuel public, plébiscité par une majorité de Français. De façon générale, les éléments d’information sur les conséquences de la suppression de la CAP n’ont pas été fournis aux contribuables et citoyens à un niveau exigé en démocratie par de tels enjeux.

A.   une réforme hÂtive, qui ne permet pas de répondre à toutes les questions posées

1.   Le mode de financement de l’audiovisuel public constitue un critère essentiel de son indépendance et, dans le cas de l’audiovisuel extérieur, de sa perception et de sa crédibilité

Pour rappel, la redevance a été mise en place en France dès 1933 afin de financer la radio publique, avant d’être élargie en 1949 au financement de la télévision. Adossée à la taxe d’habitation, elle devait être acquittée par tout foyer ou toute entreprise possédant un téléviseur au 1er janvier de l’année d’imposition. En 2022, elle concernait ainsi 27,61 millions de foyers dont 22,89 la payant effectivement ([27]). S’élevant en 2022 à un montant annuel par foyer de 138 euros en métropole et de 88 euros en Outre-mer, elle rapportait environ 3,7 milliards d’euros par an directement affectés au financement de l’audiovisuel public et répartis entre les différentes sociétés existantes, dont France Médias Monde (7 % du total en 2022) et TV5 Monde (2,1 %). Le financement de l’audiovisuel public permet ainsi le financement du service public de l’information mais aussi de la création audiovisuelle.

Parmi les principaux atouts de la redevance figure le principe d’un financement directement affecté aux sociétés de l’audiovisuel public, en garantissant ainsi l’indépendance des médias vis-à-vis du Gouvernement ainsi qu’une stabilité et visibilité des ressources allouées, bien que la redevance ait été désindexée de l’inflation en 2018, conformément à la trajectoire de réduction des dotations publiques allouées à l’audiovisuel public établie cette année-là.

Pour l’audiovisuel extérieur, cette garantie d’indépendance revêt une importance particulière : elle engage la crédibilité de nos médias à l’étranger, dans un contexte de guerre informationnelle où certains médias officiels, étroitement liés à leurs États d’origine, s’apparentent à des outils de propagande. À l’heure où la crédibilité et la légitimité des médias de service public français sont fréquemment attaquées dans certaines régions du monde, en Afrique notamment, une budgétisation pourrait constituer un argument supplémentaire auprès de certains relais d’opinion cherchant à démontrer une proximité excessive entre l’audiovisuel public français et les autorités politiques.

Le contexte géopolitique sensible permet de comprendre les réactions suscitées par les déclarations du président de la République sur l’audiovisuel extérieur, à l’occasion de son discours à la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs. Le chef de l’État a appelé les diplomates à « mieux utiliser » France Médias Monde, décrit comme « absolument clef ([28]) ». Les sociétés des journalistes de France 24 et RFI ont publié en réaction des communiqués rappelant que ces médias n’étaient ni un média gouvernemental ni la voix officielle de la France. D’une part, il est important de rappeler que dans ce même discours, le président de la République a indiqué qu’il ne s’agissait « pas de faire de la propagande », mais de « défendre l’information libre dans un cadre construit ». D’autre part, les communiqués des sociétés de journalistes sont venus souligner la sensibilité de la perception de France Médias Monde à l’étranger, où de telles déclarations ne sont pas à l’abri d’instrumentalisations.

Le mode de financement de l’audiovisuel public peut aussi avoir des conséquences d’ordres juridique et matériel sur la diffusion de nos médias extérieurs. Le régulateur régional du Land de Berlin a ainsi alerté en juin dernier les équipes de France Médias Monde à ce sujet. En effet, le cadre légal allemand impose une obligation de « Staasferne » soit « éloignement » vis-à-vis de l’État pour autoriser une radiodiffusion, dès lors, « toute influence dominante de l'État doit être exclue, tant sur le plan du droit des sociétés et de l'organisation que sur le plan financier ou économique ». Or, dans le cas d’une budgétisation, les garanties d’indépendance exigées ne seraient plus vérifiées et le régulateur se verrait dans l’obligation de ne pas renouveler l’attribution de fréquence dont bénéficie RFI à Berlin depuis 1994 et valant jusqu’en 2023.

Ainsi, la mise en place d’un financement budgétisé risquerait d’entraîner une fragilisation de la diffusion et de la position de France Médias Monde à l’étranger. De façon générale, de nombreuses études ont pu établir une corrélation entre le mode de financement de l’audiovisuel public et la qualité de la démocratie. On peut citer l’étude menée par les chercheurs Timothy Neff et Victor Pickard, qui ont pu conclure que les médias publics permettaient une meilleure connaissance des citoyens sur les affaires publiques, une réduction des inégalités informationnelles et une couverture de l’actualité plus diversifiée et critique, tout particulièrement lorsqu’ils disposent de moyens suffisants et d’une protection de toute interférence politique ([29]).

La solution retenue lors du vote de la loi de finances rectificative d’août 2022 repose sur le principe d’un financement affecté, mais présente plusieurs limites, à commencer par sa portée limitée dans le temps. En effet, en vertu de l’article 2 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les impositions directement affectées à un tiers ne peuvent être maintenues « que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ([30])». Si la jurisprudence fait encore défaut sur l’application de cette disposition, le législateur a pour en tenir compte voté le principe d’une affectation d’une fraction du produit de la TVA uniquement jusqu’au 31 décembre 2024. En effet, il y a lieu de s’interroger sur la conformité du dispositif adopté à la loi organique.

Saisi sur la loi de finances rectificatives pour 2022, le Conseil constitutionnel a été amené à réaffirmer la décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, qui reconnaissait le pluralisme et l’indépendance des médias comme des objectifs à valeur constitutionnelle. Pour autant, il n’a pas, dans sa décision n° 2022-842 DC du 12 août 2022, jugé que l’existence d’un secteur audiovisuel public financé par une redevance avait le rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR). Le Conseil constitutionnel a validé le dispositif d’affectation d’une fraction de la TVA, en émettant deux réserves d’interprétation. Par ces deux réserves, « le Conseil constitutionnel juge qu'il incombera au législateur, d'une part, dans les lois de finances pour les années 2023 et 2024 et, d'autre part, pour la période postérieure au 31 décembre 2024, de fixer le montant de ces recettes afin que les sociétés et l'établissement de l'audiovisuel public soient à même d'exercer les missions de service public qui leur sont confiées ([31])». Pour le rapporteur pour avis, on peut regretter l’absence d’inscription dans la loi du pourcentage de TVA qui sera affecté à l’audiovisuel public. En l’état, si le montant alloué au titre de l’année 2022 est défini comme équivalent au produit de la CAP au titre de la même année, aucune garantie n’est fournie pour les années suivantes, a fortiori au-delà de 2024.

Malgré tout, ce mécanisme reste préférable à la budgétisation, option d’abord privilégiée par le Gouvernement et susceptible d’être proposée comme solution de long terme à partir de 2025, dans un contexte où le refus de créer de nouveaux impôts crée un cadre de réforme très contraint.

Comme l’a rappelé le rapport sur la réforme du financement de l’audiovisuel public remis par l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l’Inspection générale des finances (IGF) le 13 juillet 2022 ([32]), un tel scénario « modifierait profondément la situation actuelle, dans le sens d’une « normalisation » de l’audiovisuel public ». Sans autre disposition, cela reviendrait à inclure la mission audiovisuel public dans la norme de dépense – là où la redevance et la TVA se situent dans la partie recettes des lois de finances – et donc dans la mécanique d’arbitrages annuels des crédits. De même, le secteur se retrouverait soumis aux différents mécanismes de régulation infra-annuelle (mise en réserve automatique des crédits en début d’exercice et propositions d’annulation le cas échéant).

Différents risques liés à la budgétisation sont mis en avant par le rapport : volatilité des financements et manque de visibilité, risque d’attrition comme on l’a vu en Espagne, aux Pays-Bas ou au Danemark, où la mise en place d’une budgétisation s’est accompagnée d’une réduction des financements publics, risque d’incitation à un recours accru à la publicité et surtout risque d’atteinte à l’indépendance éditoriale des sociétés. Pour le rapporteur pour avis, la mise en place d’un tel mode de financement créerait le danger majeur d’une vulnérabilité des journalistes aux orientations politiques des gouvernements, là où l’indépendance des sociétés apparaît comme une condition sine qua non de la fourniture d’une information fiable et impartiale. Enfin, en cas de budgétisation, l’audiovisuel public risquerait d’être perçu à l’étranger comme un média d’État et non comme un média de service public, ce qui serait particulièrement dommageable pour l’audiovisuel extérieur et notamment pour France Médias Monde (voir supra), qui ne bénéficie pas comme TV5 Monde du statut de chaîne multilatérale, plus protecteur en termes de classification et de perception.

Ce risque porte notamment sur les réseaux sociaux et les plateformes de partage de vidéos, qui utilisent des méthodologies définies en interne et non uniformisées pour qualifier les contenus de médias publics. Ces méthodologies tiennent compte du mode de financement de leurs éditeurs et peuvent potentiellement affecter l’image de ces derniers. S’il est difficile de se prononcer de façon définitive sur le risque de requalification en média d’État de France Médias Monde, celui-ci ne saurait être négligé.

YouTube appose un marquage (« chaîne de service public » ou « financé entièrement ou partiellement par le gouvernement ») sur les contenus de médias d’information recevant un financement public selon des critères définis en interne, qui ne se limitent pas au mode de financement ([33])Twitter identifie les médias « liés aux États » et ne jouissant pas d’une « indépendance éditoriale ». Cette indépendance n’est pas acquise « lorsque l’État exerce un contrôle sur le contenu éditorial via des ressources financières, des pressions politiques directes ou indirectes et/ou un contrôle de la production et de la distribution ». Les fonctions de recommandation et d’amplification des tweets émis par les médias identifiés comme étant liés à un État sont désactivées par le réseau social ([34]) . Enfin, Facebook prévoit un marquage pour les « médias contrôlés par l’État », définis comme étant les organes de presse dont la rédaction serait contrôlée en totalité ou en partie par le gouvernement. Cette appréciation repose sur des recherches et évaluations propres à Facebook, sur la base de critères tels que la structure de propriété des médias concernés, leur politique de gouvernance et leurs sources de financement, ainsi que l’application de processus protégeant l’indépendance éditoriale. Un marquage implique l’affichage de la mention « média contrôlé par l’État » sur la section « Transparence » de la page du média en cause.

Si l’attribution d’une fraction de TVA est plus proche d’un financement sur redevance que la budgétisation, la mission IGAC-IGF juge que « la possibilité d’une censure ne semble pas non plus pouvoir être exclue » et que scénario « doit s’accompagner des mêmes garanties qu’un financement par le budget de l’État ». En d’autres termes, le financement doit être vu comme l’un des piliers garantissant l’indépendance de l’audiovisuel public, et la réflexion sur le financement doit pouvoir inclure la possibilité de garanties supplémentaires. Cela pourrait passer par la mise en place d’une commission garante de l’indépendance financière de l’audiovisuel public ou encore par l’adoption d’un cadre pluriannuel contraignant réaffirmant les missions de l’audiovisuel public et l’indépendance des sociétés – sur le modèle de la Charte royale de la BBC ou de la licence pluriannuelle utilisée en Suède et portant sur une durée de huit ans (voir infra) -, de préférence désynchronisé du calendrier électoral. Pour l’audiovisuel extérieur, de telles garanties seraient de nature à éviter une classification comme média officiel d’État.

L’attention portée à l’indépendance de notre audiovisuel public importe d’autant plus que si les Français sont fortement attachés à la liberté de la presse et des médias (à hauteur de 77 % selon la dernière étude menée par Kantar pour le journal La Croix), un grand nombre d’entre eux estiment que les médias et journalistes ne sont pas assez indépendants ou du pouvoir politique (62 %), ou des intérêts et des milieux économiques (59 %).

2.   Un financement universel et progressif permettrait de garantir indépendance, stabilité et équité, sans fragiliser le pouvoir d’achat des Français

Ces risques ne signifient pas pour autant que la contribution à l’audiovisuel public ne présentait pas des limites dont il était nécessaire de tenir compte.

Tout d’abord, la CAP n’était plus adaptée à l’évolution des usages : le taux d’équipement des téléviseurs des foyers français est ainsi passé de 98 % en 2012 à 92 % en 2020, entraînant une diminution de l’assiette de la taxe, alors même que le nombre d’écrans par foyer augmente et que la consommation de contenus audiovisuels dépend de moins en moins de l’équipement en téléviseurs. Ceci plaide pour un élargissement de la contribution à l’audiovisuel public au-delà des seuls foyers possédant une télévision. Comme le souligne Mme Julia Cagé dans une étude publiée en juin 2022 par la fondation Jean Jaurès, « Une autre redevance est possible », 68 % des pays membres de l’Union européenne de radio-télévision dotés d’une redevance la font porter sur l’ensemble des appareils connectés voire sur l’ensemble des foyers.

Si la suppression à horizon 2023 du support de la CAP, la taxe d’habitation, a pu être présentée comme un argument plaidant en faveur de suppression de la redevance, ce lien mérite d’être nuancé. Comme le souligne également Julia Cagé dans l’article cité, ce lien n’existait que depuis 2005 et les personnes exonérées de la taxe d’habitation mais détenant un poste de télévision devaient s’acquitter de la CAP. En outre, de nombreux modes de prélèvement de la redevance existent chez nos voisins européens (facture d’électricité en Italie, prélèvement direct par l’agence des chaînes publiques en Allemagne, etc.).

En revanche, le caractère inégalitaire de la CAP, qui pesait proportionnellement plus sur les plus modestes, ne fait aucun doute et présente en cela des points communs avec la TVA, impôt indirect s’appliquant uniformément à tous les consommateurs quel que soit leur niveau de revenus.

Pour le rapporteur pour avis, la réforme du financement de l’audiovisuel public n’a pas fait l’objet de la préparation et de la concertation nécessaires. Présentée avant tout comme une mesure de pouvoir d’achat, elle a fait l’économie d’une véritable réflexion stratégique sur l’audiovisuel public, ce que les sénateurs Roger Karoutchi et Jean-Raymond Huguonet ont également déploré dans leur rapport remis en juin 2022 ([35]).

Si la redevance a pu faire l’objet de critiques, tenant notamment aux limites présentées ci-dessus, le sondage réalisé dans le cadre de la dernière vague de l’enquête électorale de 2022 a pu montrer que la préférence des Français allait au maintien d’un financement affecté de l’audiovisuel public et plus encore à une réforme de la redevance au profit d’une nouvelle forme de contribution affectée, trois scénarios étant proposés : remplacer la redevance par une contribution de 0,25 % proportionnelle aux revenus, remplacer la redevance par une contribution pro­gressive en fonction du revenu, remplacer la redevance par une contribution progressive payée à la fois par les ménages et par les entreprises. Ces trois scénarios, correspondant aux réformes mises en place respectivement en Suède – où le rapporteur pour avis s’est rendu en mission (voir infra) – en Norvège et en Finlande, ont obtenu le soutien de 34,5 % des sondés, 16 % souhaitant le maintien de la redevance et 20,6 % son remplacement par une budgétisation. En excluant les personnes ayant répondu « ne sait pas » à la question posée, la part des sondés favorable au financement affecté est plus importante encore.

Source : Julia Cagé, « Une autre redevance est possible », fondation Jean Jaurès éditions

La mise en place d’une contribution affectée mais aussi progressive en fonction du niveau de revenus, dont le montant et l’affectation seraient contrôlés par un organisme indépendant, est l’objectif visé par la proposition de loi n° 165 déposée le 25 juillet 2022 et dont le rapporteur pour avis est l’un des co-signataires. Dénommée « contribution progressive au financement de l’audiovisuel public » (CPAP), cette nouvelle contribution serait d’un montant nul pour les foyers dont le revenu fiscal de référence se situe au niveau du premier et du deuxième décile (soit inférieur à 17 820 euros selon les données 2021 de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et d’un montant de 190 euros pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 65 251 euros (dixième décile) et 100 000 euros ([36]) . Une telle réforme permettrait de dégager environ 3,5 milliards d’euros pour l’audiovisuel public et donc d’en stabiliser les ressources, tout en assurant un gain de pouvoir d’achat pour la majorité des foyers.

Pour le rapporteur pour avis, une telle réforme apporterait un gain en termes de justice fiscale et d’équité, tout en maintenant un lien direct entre le citoyen et l’audiovisuel public, qui verrait son indépendance et ses ressources garanties. En outre, la mise en œuvre réussie de réformes similaires dans plusieurs pays européens doit nous encourager à regarder dans cette direction.

B.   Le cas de la suède : une réforme aboutie pour un financement stable et équitable de l’audiovisuel public, dans un pays où les coopérations audiovisuelles pourraient monter en puissance

La Suède est l’un des pays européens ayant choisi de mettre en place une contribution affectée et progressive pour assurer le financement de son audiovisuel public, qui occupe une place majeure dans le paysage audiovisuel national. Il s’agit aussi d’un pays avec lequel notre coopération audiovisuelle bilatérale pourrait monter en puissance, en s’appuyant notamment sur une approche régionale.

1.   Un audiovisuel public solide dont le financement a été réformé dans la concertation

L’audiovisuel public suédois compte trois entreprises : Radio Suède (SR), Télévision Suède (SVT) et la Société suédoise de radiodiffusion éducative (UR).

L’audiovisuel public suédois occupe une place importante dans le paysage audiovisuel national, manifestée par d’importantes parts d’audience (plus de 70 % pour la radio et 35 % pour la télévision, ce qui place les deux chaînes SVT et UR à égalité avec la première chaîne de télévision privée). Son financement repose quasi exclusivement sur les ressources publiques, qui représentent 96 % des ressources totales de l’audiovisuel public suédois (la publicité étant interdite sur les chaînes publiques), contre environ 89 % en France. En valeur absolue, les ressources publiques représentaient en 2020 812 millions d’euros soit 0,18 % du produit intérieur brut (PIB) (contre 3,7 milliards d’euros soit 0,16 % du PIB en France).

Les trois sociétés qui constituent l’audiovisuel public sont détenues par la Fondation de gestion de Radio Suède, Télévision Suède et de la Société suédoise de radiodiffusion éducative (Förvaltningsstiftelsen för Sveriges Radio AB, Sveriges Television AB och Sveriges Utbildningsradio A) depuis les années 1990. La Fondation n’intervient pas au plan éditorial mais a pour mission de garantir l’indépendance de l’audiovisuel public vis-à-vis de l’État, notamment en détenant et en gérant les parts des trois sociétés.

L’indépendance de l’audiovisuel public suédois a fait l’objet de débats et de réformes ces dernières années, dans le but d’en renforcer les opérateurs. Ainsi, le cadre légal et règlementaire apporte une première base pour garantir cette indépendance, la loi interdisant toute forme de censure par une autorité publique, tandis que les licences de radiodiffusion des sociétés ne sont pas modifiables durant leur période de validité.

Il existe un contrôle de l’État sur l’audiovisuel public, qui s’exerce de façon indirecte et passe par différents canaux :

-         nomination par le gouvernement des treize membres du conseil d’administration de la Fondation sur proposition des partis politiques siégeant au Parlement ;

-         définition par le gouvernement et le Parlement du cadre règlementaire de l’audiovisuel public, qui repose principalement sur deux lois (loi fondamentale sur la liberté d’expression de 1991 et loi sur la radio et la télévision de 2010) ainsi que sur l’octroi aux entreprises d’une licence de radiodiffusion qui règlemente leurs activités et autorise la transmission de leurs programmes ;

-         contrôle via la commission suédoise de radiodiffusion, chargée de vérifier la conformité des programmes des entreprises avec leurs licences de radiodiffusion et de produire chaque année une évaluation de l’accomplissement des missions de service public. Ce mode de contrôle contribue aussi à renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public, la commission étant indépendante de l’État.

Enfin, le Parlement vote le montant de la « taxe du service public » mise en place en 2018 dans le but de financer exclusivement l’audiovisuel public (voir infra).

Le lien étroit entre financement et indépendance a été réaffirmé à l’occasion de la réforme de 2018, qui a mis fin au système de financement instauré dans les années 1950. Celle-ci s’élevait à environ 227 euros par foyer, seuls les foyers déclarant détenir un téléviseur étant concernés.

Depuis le 1er janvier 2019, ce financement repose sur une taxe payée par tout individu de 18 ans ou plus disposant d’un revenu professionnel imposable. La taxe s’élève à 1 % de ce revenu, avec un plafond à 123 euros par personne et par an. Elle est ainsi due indépendamment de la possession d’un téléviseur ou assimilé, ce qui permet de garantir une équité renforcée, tant du point de vue des modes de consommation de l’audiovisuel que du point de vue des revenus de chacun. En outre, le choix d’un prélèvement proportionnel au revenu permet de se prémunir des effets de l’inflation, qui peut ronger les recettes fiscales.

L’un des objectifs principaux de cette réforme, au même titre qu’un renforcement de l’égalité, était d’assurer un financement durable, stable et indépendant de l’audiovisuel public, dans un contexte comparable à celui que connaît la France (baisse du taux d’équipement des foyers en téléviseur en parallèle d’une consommation croissante de contenus issus de l’audiovisuel public).

La réforme visait également à améliorer l’efficacité du recouvrement, là où le système de redevance donnait lieu à des fraudes par absence de déclaration. Le recouvrement de la nouvelle taxe est assuré par l’Agence des impôts, qui la reverse sur un compte spécifique de l’Agence de la dette, distinct du budget de l’État. La mise en œuvre récente de la réforme ne permet qu’une analyse limitée de ses effets, mais il semble qu’elle ait induit une légère hausse du montant des ressources publiques allouées aux trois sociétés : entre 2018 et 2020, elles ont augmenté en valeur nette de 4 %, passant de 779 à 812 millions d’euros.

En outre, la réforme mise en œuvre en Suède a fait l’objet d’un travail approfondi de préparation et d’une importante concertation. Les consultations préalables ont été menées auprès de la justice suédoise, de plusieurs administrations économiques et financières et d’universités. Les entreprises de l’audiovisuel public, ainsi que leurs concurrentes du secteur privé ont également pu livrer leurs commentaires, de même que des associations professionnelles. La nécessité de revoir le système de redevance a fait l’objet d’un large soutien, bien que certains aspects de la réforme aient pu faire l’objet de désaccords : les trois entreprises de l’audiovisuel public étaient ainsi favorables à une participation des personnes morales, et notamment des entreprises, au financement de l’audiovisuel public, dont elles bénéficient.

Au plan politique, la loi sur le financement à long terme et l’indépendance accrue du service public a été votée par tous les partis, à l’exception du parti d’extrême-droite les Démocrates de Suède, membre de la coalition au pouvoir, sortie gagnante des élections du 13 septembre 2022. En 2017-2018, le Parlement s’était saisi de la question par le biais d’une évaluation portant sur le rôle et l’avenir de l’audiovisuel public. En amont de la réforme, une commission transpartisane associant tous les partis représentés au Parlement et présidée par une personnalité indépendante – M. Sture Nordh, que le rapporteur pour avis a pu rencontrer en Suède – a été mise en place afin de formuler des propositions. La commission avait conclu en faveur d’un modèle permettant un financement indépendant, prévisible, apte à fournir des ressources suffisantes aux sociétés concernées et solidaire.

Il faut également souligner que cette réforme a été très bien accueillie par la population, qui manifeste un haut niveau de confiance dans l’audiovisuel public (de l’ordre de 75 %, selon une étude réalisée par l’Institut SOM de l’université de Göteborg). Là encore, la recherche en sciences de la communication et des médias a mis en évidence les liens entre le mode de financement des médias publics et la bonne santé démocratique. Les travaux des universitaires américains Benson, Powers et Neff sur la confiance accordée aux médias publics ont mis en avant l’importance de plusieurs facteurs clés : modalités de financement, pluriannualité, existence de chartes protégeant l’indépendance des médias, autonomie des organes de régulation et force des liens des médias avec leurs publics ([37]).

2.   Une coopération audiovisuelle bilatérale et régionale qui pourrait prendre de l’ampleur

Si l’audiovisuel public fait toujours l’objet de débats aujourd’hui en Suède, sa réforme a permis d’en consolider l’assise et les moyens. Il n’existe pas à ce jour de coopération entre médias français et suédois. Toutefois, l’audiovisuel fait partie des activités du service de coopération et d’action culturelle (SCAC) / Institut français de Suède. À ce jour, des marges de progression existent dans ce domaine – ainsi la coopération en Suède porte essentiellement sur le cinéma, tandis que les médias, les jeux vidéo ou la régulation audiovisuelle sont moins exploités – et la possibilité de créer un poste d’attaché audiovisuel régional est actuellement à l’étude. Pour le rapporteur pour avis, qui a déjà souligné à plusieurs reprises dans les avis budgétaires remis sur l’audiovisuel extérieur durant la précédente législature l’importance de notre réseau international d’attachés audiovisuels, il s’agit d’une piste très intéressante, qui favoriserait la montée en puissance de notre coopération culturelle dans le champ audiovisuel en Europe du Nord (Danemark, Suède, Norvège, Finlande, Islande).

En matière audiovisuelle, le marché régional est difficile d’accès depuis plusieurs années. En 2020, les ventes de programmes français ont enregistré leur niveau le plus faible, à 3,3 millions d’euros. Les pays nordiques sont parmi les plus avancés en matière de délinéarisation des contenus, avec une forte présence des plateformes américaines de vidéos à la demande. D’après Unifrance, la Suède est le partenaire le plus important de la zone, suivi de la Finlande, la Norvège et le Danemark.

S’agissant du secteur des médias, France 24 est diffusée dans les cinq pays à des degrés divers. À l’exception de la Finlande, où la chaîne est présente dans 91 % des foyers, il est difficile de pénétrer les autres pays de la zone, notamment à cause des coûts de diffusion importants. Une négociation est en cours pour être à nouveau diffusée avec un budget annuel moindre dans les pays de la zone à l’exception de la Finlande. TV5 Monde, quant à elle, bénéficie d’une certaine notoriété au Danemark, tandis que la Suède représente un marché important. Malgré cela, la pénétration de la chaîne ne connaît pas une grande progression dans la zone et une marge de progression existe pour l’identification d’évènements pour faire rayonner les contenus francophones, qui serait facilitée par la présence d’un attaché audiovisuel sur place dans la région.

À noter que depuis 2011, l’Institut français de Suède (IFS) ne dispose plus de locaux et l’équipe s’est installée dans l’ambassade de France à Stockholm. L’IFS ne reçoit plus de public et ne dispense plus de cours de français. Il a dû développer une nouvelle manière de travailler, en nouant des partenariats avec des institutions suédoises pour maintenir la visibilité de ses actions.

Depuis 2021, deux partenariats structurants permettent à l’IFS de disposer d’une double-vitrine (cinéma et médiathèque) dans deux tiers lieux identifiés désormais comme des accès directs à la culture française.

Après un premier partenariat de trois ans (2018-2021) avec le cinéma Capitol, l’IFS a noué en septembre 2021 un nouveau partenariat avec le cinéma Zita situé dans le centre de Stockholm. Lieu emblématique pour les cinéphiles (ouvert en 1913, il s’agit du plus ancien cinéma de la capitale), le Zita est le principal cinéma d’art et d’essai de Suède, fréquenté par 70 000 spectateurs par an. D’une durée de trois ans renouvelables, le partenariat qui lie l’IFS au Zita permet de disposer chaque année d’une exclusivité d’utilisation de quinze créneaux pour la projection de films français ou francophones. Ces projections s’inscrivent dans le cadre d’une programmation qui existe déjà depuis plusieurs années (« les mardis français »), mise en place par le cinéma Zita en partenariat avec le Festival du Film français (Franska Film Festivalen).

Les relations privilégiées de l’IFS avec le cinéma Zita ont bénéficié à d’autres événements qui ont pu être organisés dans ce même cinéma : festival du film européen (initiative du réseau européen EUNIC), dont la première édition a eu lieu en octobre 2021 ; festival de courts-métrages francophones à l’occasion du mois de la francophonie en mars 2022, organisé notamment avec plusieurs ambassades francophones.

Au terme de presque une année de partenariat, le bilan est largement positif. Les « mardis français » ont pu être étendus à quarante-cinq semaines par an et les lieux se prêtent aussi à l’organisation de projections-débats d’idées type la Nuit des Idées.

À l’automne 2021, l’IFS a également noué un partenariat avec la bibliothèque internationale de Stockholm. Il permet de mettre à disposition du public une offre de littérature française et francophone élargie. Il s’agissait de renouveler le fonds français vieillissant déjà existant de la bibliothèque et de faire en sorte que tous les genres (sciences humaines, fiction, jeunesse, bande dessinée etc.) soient représentés. Ainsi, l’IFS fournit des ouvrages en français, dont la liste est établie de façon conjointe avec deux bibliothécaires francophones de la bibliothèque, et sur lesquels apparaissant le logo de l’IFS.

Outre les deux partenariats permanents et structurants décrits ci-dessus, l’IFS s’efforce de développer des partenariats avec d’autres institutions stockholmoises autour d’événements précis. Depuis plusieurs années, l’IFS a noué un partenariat avec Serieteket, la bibliothèque de Stockholm spécialisée dans la bande dessinée, à l’occasion du festival de BD annuel, Seriefestivalen. L’IFS a également poursuivi son association avec ses partenaires historiques : Kulturnatt Stockholm (initiative de la mairie de Stockholm qui consiste à ouvrir au public les portes de plusieurs lieux emblématiques de la ville – parmi lesquels la résidence de France – jusqu’à minuit), CinemaQueer, Tempo Dokumentärfestival, REX animation film festival, etc.

L’IFS cherche aussi à déployer son action hors de Stockhom, avec des initiatives telles que le tour de Suède de l’IFS, dont la première édition a eu lieu au printemps 2022 avec des étapes dans onze villes du pays, ou le séminaire sur les forêts, dans le grand nord à Umeå (30 et 31 mai 2022), évènement labellisé présidence française de l’Union européenne qui a permis d’organiser deux jours de rencontres et de visites entre des chercheurs et acteurs du domaine de la foresterie français et leurs homologues suédois et de jeter les bases d’un nouveau partenariat sur les forêts.

L’IFS s’attache également à mettre en place des projets régionaux à l’échelle de la zone nordique (principalement Danemark, Finlande, Norvège) : organisation annuelle du prix FINA (French Institutes Nordic Awards) destiné à un jeune scientifique, tournée French Express (musique contemporaine), projets menés dans le cadre du projet Novembre numérique, présence au salon du livre de Göteborg (qui a une portée régionale), dossiers communs pour les appels à projets, etc. Le souhait de créer un poste d’attaché audiovisuel régional compétent pour la zone nordique serait de nature à accroître les synergies entre les cinq instituts.


—  1  —

 

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 26 octobre 2022, la commission examine le présent avis budgétaire.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La mission Médias, livre et industries culturelles, dotée de 700 millions d’euros sur le budget général, regroupe des crédits consacrés à la politique en faveur du développement et du pluralisme des médias, ainsi qu’à la politique en faveur du livre, de la lecture publique et de l’industrie musicale.

Notre commission s’intéresse plus particulièrement, dans cette enveloppe, aux moyens accordés à France Médias Monde, au titre du programme 844, et à TV5 Monde, au titre du programme 847, vecteurs audiovisuels essentiels au rayonnement de notre pays à l’international.

Notre rapporteur pour avis, M. Alain David, a judicieusement choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à une approche comparative des modes de financement de l’audiovisuel public en Europe, en concentrant particulièrement son attention sur la Suède, qui a remplacé sa redevance forfaitaire par une contribution universelle et progressive. Je m’en félicite d’autant plus que j’ai été très gêné, et même frustré, au mois de juillet, de voir apparaître en séance publique, au sein d’un texte de portée très générale, l’examen de cette question, qui n’avait pas été préalablement documentée.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Après deux années marquées par la pandémie de Covid-19, notre audiovisuel extérieur a de nouveau connu une période dense et mouvementée. L’année 2022 a été une année charnière pour France Médias Monde, société chargée de l’audiovisuel extérieur qui regroupe la chaîne de télévision France 24 et les radios RFI et MCD – Radio France internationale et Monte Carlo Doualiya –, ainsi que pour TV5 Monde, chaîne multilatérale francophone dont la France est l’un des bailleurs de fonds.

Tout d’abord, il faut dire un mot de la situation géopolitique, à laquelle nos médias ont été particulièrement exposés. À la suite de la diffusion d’un reportage sur les exactions de la milice Wagner, la diffusion de RFI en FM et la distribution de France 24, ainsi que les sites internet de ces deux médias, ont été suspendus par le régime malien le 17 mars 2022. Cette décision arbitraire a été confirmée par le régulateur malien des médias et, malgré de nombreux courriers adressés par la partie française et le recours à une médiation, aucune justification crédible n’a été fournie.

Deuxièmement, à la suite de l’interdiction par l’Union européenne de Russia Today (RT) le 1er mars 2022, au titre des sanctions prononcées après le déclenchement de l’offensive contre l’Ukraine, le régulateur russe a coupé l’accès à France 24 et RFI. En outre, TV5 Monde n’est plus disponible en Russie en diffusion classique depuis mars 2022.

Si, au Mali comme en Russie, les chaînes restent très partiellement accessibles par VPN ou grâce à des sites miroirs, ces coupures sont une preuve éloquente de la qualité du travail fourni par nos médias extérieurs qui, à l’exact inverse d’un média de propagande, ont la capacité de déranger ceux qui s’adonnent à des abus de pouvoir. Je dois aussi signaler que France Médias Monde s’est pleinement mobilisée dès le début du conflit en Ukraine pour assurer une couverture fiable et complète de celui-ci. Un centre régional a été ouvert à Bucarest, avec le soutien financier du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et l’appui de la rédaction roumaine de RFI. Ce centre permet à des journalistes ukrainiens de poursuivre leur mission d’information en développant une offre numérique en ukrainien et en russe, qui favorise la lutte contre la désinformation.

L’année 2022 a ainsi souligné à gros traits le rôle stratégique de notre audiovisuel extérieur et l’importance vitale de son indépendance, garantie de sa crédibilité à l’étranger. Cet aspect n’a pas suffisamment été pris en compte par le Gouvernement dans sa réforme du financement de l’audiovisuel public. En effet, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public – la redevance –, ainsi que son remplacement par l’attribution d’une fraction du produit de la TVA ont été votés cet été dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2022. Il s’agit certes d’une solution moins dommageable que ne l’aurait été la budgétisation d’abord envisagée par le Gouvernement, qui présente un risque important car elle mettrait fin au principe d’affectation des ressources, garantie majeure d’indépendance et de stabilité. Cependant, si le financement par la TVA permet de maintenir le principe d’une affectation, aucun pourcentage n’a été fixé dans la loi, ce qui prive nos médias d’une nécessaire visibilité de leurs ressources. Surtout, la solution retenue pose question quant à sa conformité à la loi organique du 28 décembre 2021, qui prévoit que les impositions directement affectées à un tiers ne peuvent être maintenues que « si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ». Enfin, la TVA ne permet pas de répondre à l’un des principaux défauts de la redevance : son caractère inégalitaire, du fait d’un montant unique, dissocié du niveau de revenu.

La réforme de la redevance était donc une nécessité, justifiée tout d’abord par une inadaptation croissante aux usages. En effet, la consommation de contenus audiovisuels dépend de moins en moins de la possession d’un téléviseur, qui est pourtant la condition d’assujettissement à la redevance.

Néanmoins, pour toutes les raisons que j’ai exposées, la réforme n’est pas satisfaisante. Le modèle nordique, et notamment suédois, présenté dans mon rapport, possède en revanche de nombreux atouts : la redevance forfaitaire a été remplacée en 2019 par une contribution à la fois universelle et progressive, qui maintient le principe d’un financement affecté indépendant du budget de l’État. Tous les Suédois de 18 ans et plus disposant d’un revenu imposable doivent s’en acquitter à hauteur de 1 % de leurs revenus, un plafond ayant été fixé à 123 euros par an, ce qui représente environ 10 euros par mois et 30 centimes par jour. Cette réforme, très bien accueillie par la population, devrait aujourd’hui nous inspirer : elle permettrait d’instaurer un financement stable, affecté et équitable, assurant un gain de pouvoir d’achat pour près de neuf foyers sur dix à budget constant.

Il me semble d’autant plus nécessaire d’envisager une telle réforme que le spectre de la budgétisation menace toujours nos médias. Or, en cas de budgétisation, notre audiovisuel extérieur risquerait d’être perçu à l’étranger comme un média d’Etat, au même titre que Russia Today ou son équivalent chinois, dont l’impartialité est loin d’être garantie, et non comme un média de service public. Cette menace pèse aussi bien sur le plan règlementaire – le Land de Berlin a ainsi signifié qu’en cas de budgétisation, RFI perdrait sa licence de diffusion en ondes FM – que sur le plan politique, comme on le constate en Afrique subsaharienne, où la crédibilité de l’audiovisuel public français fait déjà l’objet de critiques, au moment même où la guerre informationnelle fait rage. Face à une telle menace, ne nous enfermons pas dans le court-termisme d’un refus dogmatique de toute création d’impôt.

Dans ce contexte, les déclarations du président de la République lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs appellent quelques remarques. Une invitation a été faite à « mieux utiliser » France Médias Monde ; en réaction, les sociétés de journalistes du groupe ont tenu à rappeler leur indépendance totale à l'égard de l’État. En effet, dans la situation actuelle, de telles déclarations, sorties de leur contexte, peuvent nourrir les discours de contestation que subissent nos médias dans certains pays.

Ainsi, les dotations publiques allouées à France Médias Monde et à TV5 Monde dans le projet de loi de finances pour 2023 doivent être replacées dans un contexte de hausse généralisée des moyens consacrés à l’audiovisuel extérieur. À titre indicatif, le budget de l’allemand Deutsche Welle, partenaire de France Médias Monde sur plusieurs projets, a atteint 396 millions d’euros en 2021, en hausse constante depuis plusieurs années. La même année, le budget cumulé des médias russes RT et Sputnik était évalué à 430 millions d’euros. En 2023, France Médias Monde bénéficiera, quant à elle, d’une dotation de 284 millions d’euros et celle de TV5 Monde sera de près de 80 millions d’euros. Dans les deux cas, toutefois, ces hausses correspondent pour l’essentiel à la compensation des effets de l’inflation et des effets fiscaux induits par la suppression de la redevance. Les deux entreprises se sont en effet mobilisées pour compenser les effets de l’inflation sur les salaires, en utilisant notamment des dispositifs de prime. Nous devons néanmoins être vigilants quant au risque de perte d’attractivité de notre audiovisuel extérieur face à des concurrents privés : les compétences des journalistes et de l’ensemble du personnel sont essentielles et une fuite des cerveaux aurait des conséquences très dommageables.

Les budgets sont donc en hausse mais ils relèvent d’une approche conservatoire, après quatre années de réduction des dotations allouées à l’audiovisuel public. Les entreprises ont dû faire d’importants efforts pour répondre à cette contrainte et il serait dangereux d’aller plus loin dans cette direction, malgré une tentation nourrie par les bons résultats enregistrés. En effet, les audiences en linéaire et en numérique progressent pour France Médias Monde comme pour TV5 Monde, au-delà de l’effet exceptionnel provoqué par la pandémie. À titre indicatif, France 24 est devenu le premier média français consulté sur YouTube.

France Médias Monde a poursuivi la mise en œuvre de sa politique éditoriale multilingue, autour notamment du projet Afri’Kibaaru, financé en partie par l’Agence française de développement. Ce projet, qui a permis de développer la diffusion de RFI en langues africaines, autour de deux rédactions locales implantées à Dakar et à Lagos, s’accompagne d’actions de formation des journalistes et permet de consolider la présence de RFI en Afrique subsaharienne, dans le contexte de tensions que je vous ai présenté. On peut aussi signaler le passage réussi, à budget constant, à vingt-quatre heures de diffusion quotidienne de la déclinaison hispanophone de France 24, qui rencontre un succès grandissant en Amérique latine.

Il s’agit là d’exemples parmi d’autres du travail accompli au quotidien par France Médias Monde, qui participe aussi activement à la lutte contre la désinformation. Les différents programmes que j’ai cités y contribuent, aux côtés de modules spécifiquement dédiés à la vérification de l’information.

Pour TV5 Monde, l’année écoulée a été marquée par la poursuite de la mise en œuvre de son plan stratégique autour de deux priorités principales : l’accroissement de la découvrabilité audiovisuelle francophone grâce au lancement, voilà un an, de la plateforme francophone de vidéo à la demande TV5Mondeplus, gratuite et disponible quasiment partout dans le monde, et la sensibilisation des publics aux enjeux environnementaux par le lancement et la labellisation de programmes.

TV5 Monde est également très présente en Afrique, où la chaîne coopère avec les médias locaux et contribue à la promotion de la langue française. En 2022, les réflexions sur une possible association de pays africains à la gouvernance de la chaîne ont progressé, sans aller jusqu’à envisager une adhésion pleine sur le modèle de ce qui a été accompli cette année avec Monaco.

L’année écoulée a mis notre audiovisuel public sous le feu des projecteurs mais un débat national demeure nécessaire afin de mieux informer nos concitoyens sur les spécificités de notre audiovisuel extérieur. Ce dernier est pourtant un élément essentiel de la présence de la France à l’étranger. C’est un outil de rayonnement, qui apporte une précieuse contribution à notre diplomatie, à notre économie, à la transmission de valeurs et à la voix de la France et de la francophonie. Malgré un soutien réaffirmé au travail de nos médias, j’appelle, compte tenu des difficultés que rencontre ce secteur, à voter contre les crédits de l’audiovisuel extérieur, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux auxquels nous devrons faisons face. Nous avons besoin de moyens supplémentaires pour faire rayonner la France dans le monde.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

Mme Julie Delpech (RE). Je félicite tous les opérateurs de notre audiovisuel extérieur, qui portent les valeurs de la France au-delà de nos frontières, pour la qualité de leur travail d’information. Nos médias extérieurs conduisent une série de projets ambitieux et plébiscités autour de priorités stratégiques telles que le plurilinguisme, la promotion de la francophonie ou encore la lutte contre la désinformation.

Le PLF pour 2023 prévoit une dotation publique à France Médias Monde de 284,7 millions d’euros, contre 254,2 millions en 2022. Cette hausse, que vous jugez apparente, permet néanmoins de continuer à assurer la pérennité de notre action audiovisuelle extérieure. Il faut également saluer la dotation de près de 80 millions pour TV5 Monde, en progression de 3,8 millions par rapport à 2022. Cette augmentation des budgets répond à une demande des syndicats.

Dans un contexte de guerre de l’information, l’audiovisuel est un instrument du soft power. On doit lui accorder les moyens de réussir, conformément à nos ambitions et à la stratégie d’influence française.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera en faveur de ces crédits.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). L’été dernier, en accord avec les citoyens français, nous avons supprimé la redevance audiovisuelle. Depuis plusieurs années, nos compatriotes manifestent un sentiment de défiance envers l’audiovisuel public. Le taux d’équipement en téléviseurs est passé de 98 % à 92 % des ménages entre les années 2010 et l’année 2020. Les Français se désintéressent de la télévision et ce phénomène s’accentuera à mesure du renouvellement des générations. Un sondage du 12 juillet 2018 indique que 56 % des Français sont satisfaits des programmes proposés par l’audiovisuel public ; c’est bien peu comparé au Royaume-Uni, qui enregistre 86 % de taux de satisfaction, ou à l’Allemagne, où ce taux atteint 60 %. Le même sondage révèle que 53 % des Français jugent l’audiovisuel public partisan.

Malgré cela, le secteur audiovisuel public a décidé d’ignorer toute remise en question. Ses turpitudes n’épargnent pas nos médias extérieurs. Si France Médias Monde participe au rayonnement culturel de la francophonie et ne bénéficie pas, à ce titre, de moyens suffisants pour rivaliser avec ses concurrents étrangers, il en est autrement de TV5 Monde. J’ai regardé une vidéo de cette chaîne, sur YouTube, en date du 24 octobre dernier, consacrée à l’actualité internationale. Sur une durée de vingt minutes, on y trouve un reportage relatif à l’élection du Premier ministre britannique, non sans critiques envers Boris Johnson et le Brexit, une couverture de la guerre en Ukraine, la relation d’une manifestation pour le climat, à Bruxelles, regroupant à peine 20 000 participants et un reportage sur la lutte contre les gangs au Salvador, qui dénonçait les conditions de détention de criminels ayant brisé des vies. L’intégralité de ces reportages était très orientée.

Je voudrais dire un mot de la nouvelle offre de web création de TV5 Monde, par laquelle la chaîne finance des créateurs de contenus internet. On y trouve, parmi les bénéficiaires de subventions, une certaine Camille Ghanassia, auteure notamment d’une web série intitulée « Le meufisme », qui promeut l’idéologie déconstructiviste sans retenue. Alors que ces médias sont là pour informer, faire rayonner et mettre en avant la France et les Français, ils se retrouvent à faire de la propagande idéologique et partisane. C’est une raison suffisante pour que le groupe Rassemblement national vote contre les crédits proposés.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). La dotation publique en faveur de France Médias Monde et de TV5 Monde atteint 365 millions d’euros, soit près de 35 millions supplémentaires par rapport à 2022. Cette progression est toutefois due essentiellement à l’inflation et à la compensation de la fin de la redevance audiovisuelle, subitement supprimée après des concertations minimales. Une fois l’illusion de l’augmentation de la dotation dissipée, on réalise que le Gouvernement a préféré maintenir le statu quo sur l’action de l’audiovisuel extérieur. Rappelons que France Médias Monde a dû mener, sous le précédent quinquennat, une recherche effrénée d’économies en raison du resserrement de son budget. Ces crédits ne compensent donc pas ces baisses. C’est d’autant plus étonnant que l’information a pris une importance considérable sur le plan international. France Médias Monde a ainsi réalisé, au cours des derniers mois, de très bonnes audiences, en progression de 18 % sur deux ans – et de 37 % pour la diffusion numérique. France Médias Monde et TV5 Monde deviennent des maillons incontournables du soft power français, alors que la France réduit depuis des années la voilure de son action culturelle diplomatique – je pense en particulier aux instituts français.

Le président Macron a évoqué, ces dernières semaines, l’importance d’avoir des relais d’information partout dans le monde. Ceux-ci doivent toutefois disposer d’une indépendance claire ; or, cette condition a été mise à mal par la suppression de la redevance audiovisuelle. Cette mesure pourrait remettre en cause la diffusion de certaines chaînes du réseau à l’international. M. Macron a oublié d’envisager les conséquences concrètes d’une décision, qui apparaît irréfléchie. Notre commission devrait engager une réflexion sur le sujet et s’efforcer d’identifier une solution de financement pérenne des deux groupes.

L’exigence d’indépendance est d’autant plus impérieuse que l’action française en Afrique est de plus en plus décriée, en partie en raison d’opérations d’influence menées par des États étrangers. Le choix du Mali de couper la diffusion de France Médias Monde doit nous alerter.

La France insoumise appelle à la vigilance sur le processus de renouvellement à la tête de France Médias Monde. Nous tenons à maintenir l’audiovisuel public à l’abri des réseaux d’influence du pouvoir en place. La nomination récente d’Aurore Bergé au conseil d’administration de France Télévisions a suscité l’émoi, à juste titre, à la suite, qui plus est, de la suppression de la redevance.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission.

Mme Michèle Tabarot (LR). Le rapport met en exergue l’importance de l’audiovisuel extérieur dans un monde où les tensions géopolitiques sont de plus en plus pressantes. RFI, France 24 et TV5 Monde ont ainsi fait l’objet de coupures et de restrictions de diffusion au Mali et en Russie. Depuis de nombreuses années, la France a développé une stratégie d’influence, notamment sur le continent africain. L’audiovisuel extérieur constitue précisément une clé non négligeable du rayonnement français. Aussi devons-nous lui donner des moyens suffisants. Notre stratégie d’influence est aujourd’hui contrariée par un certain nombre États, qui ont des prétentions sur des pays où nous sommes implantés. Pensez-vous que nous accordons à l’audiovisuel public extérieur les moyens nécessaires à cette stratégie ?

M. Frédéric Petit (DEM). Le bilan de l’action de l’audiovisuel extérieur est globalement positif. Les audiences sont en hausse, l’offre multilingue a été renforcée – France 24 émet en continu en quatre langues, grâce au travail de quatre rédactions –, il existe des coopérations européennes étendues et la transformation numérique se poursuit.

Dans la réflexion sur le financement de notre audiovisuel, en particulier de notre audiovisuel extérieur, nous devons accorder une place centrale à l’indépendance des médias. Qu’entend-on par un média public ? Il s’agit là d’une zone grise de la législation internationale. L’origine du financement ne suffit pas à déterminer s’il s’agit de propagande ou d’audiovisuel public – le Land de Berlin a ainsi évoqué la charte de la BBC. Nous devons mener un travail approfondi, au sein de la commission, pour trouver la bonne formule. Je note que France Médias Monde forme depuis six mois des journalistes ukrainiens en exil sur des questions comme la neutralité.

L’audiovisuel public est utile même à ceux qui ne le regardent ou ne l’écoutent pas. Il est profitable à la société, car il élève le débat et donne des repères. En ce sens, l’audiovisuel public est une politique publique, ce qui justifiait la réforme de la redevance. Le problème central est le rapport entre le financement de l’audiovisuel intérieur et extérieur.

Nous voterons en faveur de ces crédits.

M. Guillaume Garot (SOC). La coupure de la diffusion de France Médias Monde, en mars dernier, au Mali et en Russie, a mis en lumière la force que constitue l’indépendance de ce média et la gêne qu’elle cause à des pays voulant asseoir leur propagande. Ni France Médias Monde, ni TV5 Monde ne sont des outils de propagande officiels, des médias gouvernementaux : telle est la singularité française – je le dis en particulier à Mme Robert-Dehault.

Certaines déclarations ont suscité de vives réactions des journalistes, telle celle du président de la République, qui a incité les diplomates à « mieux utiliser le réseau France Médias Monde ». La réforme du financement de l’audiovisuel a jeté le doute sur l’indépendance à long terme de notre action audiovisuelle extérieure. Ce n’est pas un bon signal car la suppression de la redevance soumet le budget de ce service public à une fraction d’un impôt perçu par l’État. Nous soutenons la pérennisation d’un financement autonome et progressif de l’audiovisuel public dans son ensemble. Nous serons très vigilants, lors de chaque examen budgétaire, sur l’attribution des moyens, qui sont, pour l’heure, insuffisants.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Dans un contexte de crise, le groupe Horizons et apparentés salue la hausse des crédits dédiés à notre audiovisuel extérieur. Il souligne le bilan positif de France Médias Monde et se félicite que sa situation financière soit enfin stabilisée. Cette entité joue un rôle essentiel, en ce qu’elle diffuse une information fiable aux téléspectateurs, aux auditeurs et aux internautes du monde entier. Son rôle se trouve accru par les tensions internationales, qui multiplient les risques de désinformation et les tentations d’ingérence. Les rédactions de France Médias Monde contribuent à diffuser la culture francophone et les valeurs démocratiques sur tous les continents. C’est une composante importante de la politique de rayonnement et d’influence de la France qu’il faut soutenir avec détermination. Le modèle suédois mériterait d’être étudié ; des coopérations pourraient être engagées.

M. Aurélien Taché (ÉCOLO-NUPES). Je voudrais dire d’emblée que nous ne voterons pas ces crédits.

Je m’interroge sur le rôle qu’a joué la désinformation russe sur la présence française au Sahel et l’échec de l’opération Takuba. L’attraction nouvelle qu’exerce la Russie en Afrique se traduit par l’apparition de points d’appui militaro-économiques et de campagnes de diffusion de fausses informations promouvant des thèses anti-impérialistes et ciblant spécifiquement la France et les pays occidentaux. Tous les supports sont mis à profit, parfois en langue locale. Que faisons-nous pour contrer l’influence des fake news étrangères ? Nos médias peuvent-ils lutter contre la défiance grandissante des populations africaines à notre égard ?

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Alors que, cette année, un budget spécifique vise à renforcer le pôle communication du Quai d’Orsay et sa présence sur les réseaux sociaux afin de contrer la désinformation, et alors que l’on cherche des solutions pour que la France soit mieux comprise dans le monde et réagisse aux attaques dont elle est l’objet sur internet, le Gouvernement semble enfin décidé à augmenter un peu le budget de France Médias Monde. Avec une audience de 251 millions de personnes et 2,3 milliards de vidéos vues et de démarrages audio, France Médias Monde, qui reçoit une dotation de 285 millions d’euros, est un formidable outil d’information, dont la fiabilité permet de lutter contre la fausse information et la propagande. Pourtant, même avec une augmentation de 25 millions, que nous saluons, la structure de cette entité reste affaiblie par les 16 millions d’économies imposées depuis 2017. L’ambition de créer une BBC à la française n’est toujours pas à notre portée. De fait, le groupe britannique dispose d’un budget de 100 millions supérieur à celui de France Médias Monde. Les plans d’économies successifs ont perturbé le service. Nous espérons que l’augmentation proposée par le budget 2023 permettra un réel renforcement à long terme de ce service public.

Nous espérons également que France Médias Monde pourra continuer à faire son travail sans interférence politique car, en septembre dernier, Emmanuel Macron avait suscité une vive polémique en déclarant que ce groupe avait vocation à « combattre les narratifs mensongers », après avoir évoqué le « narratif russe, chinois ou turc ». Ces propos nous ont profondément choqués, en ce qu’ils démontrent la volonté de l’exécutif de faire de France Médias Monde un instrument politique, ce qui mettrait à mal sa légitimité. Les journalistes ont d’ailleurs tenu à rappeler leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique ; notre groupe soutient totalement cette démarche.

La position de France Médias Monde est quelque peu ambiguë car le groupe est tenu d’informer le public hors de nos frontières tout en étant un opérateur de l’influence française parfois voulue par le pouvoir politique. Outre l’expression de cette volonté de maîtrise, l’exécutif reste très ambigu sur les financements de l’opérateur. La contribution à l’audiovisuel public ayant été supprimée, le versement d’une fraction de la TVA adossée à une taxe affectée n’est en effet un montage financier ni sérieux, ni crédible.

Notre commission gagnerait à auditionner plus souvent cette entité, afin de mieux comprendre les enjeux internationaux auxquels elle est confrontée et de mieux percevoir sa valeur ajoutée, notamment l’usage qu’il fait de multiples langues vernaculaires.

Nous doutons que nous soyons amenés à nous prononcer sur ce budget dans l’hémicycle mais, si tel était le cas, les élus de notre groupe voteraient contre les crédits insuffisants et précaires qui nous sont proposés.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Ayant exercé pendant plus de quinze ans l’activité de journaliste, principalement à l’international, et ayant travaillé pour TV5 Monde, mon expérience nourrit mon opinion sur l’audiovisuel extérieur français, qui me paraît confronté à deux problèmes principaux.

Premièrement, la logique de la réduction des coûts et des effectifs signifie une perte sèche de talents et de compétences. Alors que les uns et les autres se targuent de lutter contre les fausses informations, éliminer des postes de journalistes semble contreproductif. Dans un secteur hautement concurrentiel, qui exige un investissement particulier pour cultiver les profils d’exception, cette vision comptable explique en partie la faible audience de l’action audiovisuelle extérieure de la France par rapport à celle de ses concurrents. Produire de l’information de qualité exige de nombreux journalistes, dont la liberté et l’indépendance dépendent aussi de leur sécurité financière.

Deuxièmement, je discerne un mélange des genres entre l’influence politique mise en avant par le chef de l’État, les membres du Gouvernement et certains élus, et le discours d’impartialité et de neutralité journalistique. Je reste dubitative quant à la possibilité de faire cohabiter de façon étanche ces deux logiques, qui sont ontologiquement incompatibles : j’en veux pour preuve les attaques orchestrées par les puissances étrangères contre les médias français. Les médias sont effectivement des outils d’influence ; ils sont perçus comme tels, et on parle de « guerre informationnelle » à dessein.

L’ambiguïté ne trompe personne. Il est impératif pour la clarté du message qu’envoie l’audiovisuel extérieur français mais aussi pour la sécurité même des journalistes, d’exprimer aux niveaux budgétaire et politique la totale indépendance et la sanctuarisation du financement de l’action audiovisuelle extérieure de la France, faute de quoi nous perdrons en crédibilité, en savoir-faire et en audience.

L’affectation d’une part de la TVA n’est pas une solution satisfaisante. Nous devons réfléchir à de nouvelles formes de financement qui garantissent l’indépendance de l’audiovisuel public. Il nous faut assurer la stabilité, la transparence et la pérennité de ces ressources par un financement adapté aux nouvelles formes de consommation, universel et progressif.

En attendant, ce budget scelle l’incertitude et entérine la politique de réduction des effectifs menée depuis cinq ans. Pour ces raisons, je m’abstiendrai de voter ces crédits.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous passons aux questions des autres députés.

M. Bruno Fuchs. On ne peut pas comparer notre financement, qui est destiné à un service public indépendant et qui a vocation à renforcer la présence française, avec les crédits dédiés aux médias de propagande pure, en particulier russes ou chinois. Il faut mener des stratégies antipropagande, au moyen de budgets et de modalités d’action spécifiques, qui ne passent pas par les médias de service public.

On peut discuter de moyens supplémentaires mais on ne sera jamais à l’échelle de notre ambition. N’est-ce pas le moment de penser à un média européen très puissant vis-à-vis de nos partenaires africains ? Il manque également un média francophone panafricain. En effet, TV5 est un média occidental – qui réunit le Canada, la Suisse, la Wallonie et la France –, dont les programmes ne correspondent pas nécessairement aux attentes des publics africains. Enfin, France Médias Monde bénéficie de financements de l’Agence française de développement pour mener des projets spécifiques. Ne pourrait-on pas imaginer une ligne budgétaire destinée à la valorisation de l’action française dans les pays où l’on fournit de l’aide au développement ?

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je me joins aux compliments adressés à notre rapporteur pour avis, en soulignant l’intérêt de la proposition qu’il a faite en partant de l’exemple suédois.

Il existe une inégalité structurelle : comme le disait le grand polémiste d’extrême droite et ultramontain qu’était Louis Veuillot, « je vous demande la liberté au nom de vos principes et je vous la refuse au nom des miens ». Certains de nos concurrents, notamment russes, s’arrogent ainsi un monopole de la propagande au nom de leurs principes et exigent de nous le pluralisme au nom de nos propres principes, ce qui nous place en situation d’infériorité.

Je reviens sur le financement, dont nous avons beaucoup débattu en juillet. Deux questions, sur lesquelles je ne me prononcerai pas, se posent.

La première concerne le lien entre la contribution de chacun et ses revenus. Ce qui nous est proposé avec la TVA, c’est un système proportionnel, limité par le fait que le taux d’épargne est beaucoup plus fort lorsque les revenus sont élevés. Devons-nous au contraire considérer que l’audiovisuel est un bien culturel que l’on paie en fonction de sa valeur, indépendamment du revenu de chacun ? Dans une librairie, on ne paie pas les livres en fonction de son revenu. Ou bien devons-nous considérer, comme notre rapporteur pour avis et de nombreux parlementaires, notamment de gauche, que le prélèvement doit être progressif ? Il existe encore une autre solution, qui avait été défendue par notre collègue Stéphane Peu, ce dont je l’avais félicité, qui est un prélèvement strictement proportionnel, sur la même base que celle de la TVA mais en corrigeant le biais que j’ai indiqué.

La deuxième question est celle de l’indépendance des médias. Comme l’a rappelé le rapporteur pour avis, la loi organique de 2021 dispose que les impositions directement affectées à un tiers doivent être « en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées », ce qui est très contraignant. Je ne suis pas sûr qu’il existe un lien entre les revenus et l’activité en question. Par ailleurs, si on établit un lien avec le revenu, comme en Suède, la contribution doit-elle baisser en cas de récession ? Et qui décide ? Nous sommes tous d’accord pour préserver le système de l’arbitraire gouvernemental. Sommes-nous aussi d’accord pour le préserver de l’autorité parlementaire ? S’agissant du véhicule, faut-il prévoir un compte d’affectation spéciale et comment peut-on intervenir annuellement pour réguler les crédits ?

M. Alain David, rapporteur pour avis. Il faudra réfléchir à toutes ces questions dans les années ou même les semaines qui viennent car il est urgent de trouver des solutions concernant le financement de l’audiovisuel public.

Les Suédois ont abordé le sujet d’une manière différente. Il est vrai qu’ils ont un attachement particulier à leur audiovisuel public. L’hiver dure cinq ou six mois chez eux… Toute une réflexion a été menée autour de deux questions posées aux Suédois, à travers leurs forces vives : qu’attendez-vous de l’audiovisuel public et quelle participation envisagez-vous ? Il existe une fondation, chargée de faire fonctionner l’audiovisuel public suédois en toute indépendance. Une coalition qui n’était pas nécessairement favorable à cette indépendance est arrivée au pouvoir mais l’audiovisuel public suédois est à l’abri de tout changement politique grâce aux verrous existants. Le Parlement perd-il ainsi de son pouvoir ? Certainement, mais le pouvoir appartient au peuple suédois. S’agissant du financement, tout Suédois de plus de 18 ans et assujetti à l’impôt sur le revenu paie une contribution, progressive et relativement modique, puisque son montant est compris entre 3 ou 4 euros et 10 euros par mois maximum. Les Suédois trouvent que leur audiovisuel public, dont j’ai rencontré la présidente, fonctionne très bien. Le système me paraît en effet très démocratique, très ouvert et équilibré.

Quelles difficultés la suppression de la redevance suscite-t-elle pour nos médias ? C’est un choc pour eux : la redevance permettait une certaine indépendance par rapport au pouvoir. La contribution de l’État, en revanche, peut être modifiée d’une année sur l’autre, au gré des capacités financières ou des priorités déterminées par le pouvoir en place. On peut comprendre que les équipes au sein de nos médias demandent de la visibilité : ce sont des professionnels, qui ont une carrière et un outil de travail, mais aussi des salariés, qui ont une famille à nourrir. La suppression de la redevance a été faite hâtivement. On l’a annoncée au nom du pouvoir d’achat, sans avoir réfléchi à une solution de remplacement mais en soulignant qu’on ne créerait pas d’impôt supplémentaire, ce qui nous a menés à une impasse. Saurons-nous trouver les mots pour convaincre l’exécutif ? Je me tourne vers la majorité…

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La majorité pense aussi qu’on ne détruit vraiment que ce qu’on remplace.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Compte tenu de son intérêt pour le rayonnement de la France, la transmission des valeurs et la francophonie, nous devons donner suffisamment de visibilité à notre audiovisuel extérieur. Nous accompagnerons la majorité. Il faut avancer sur ce sujet avant de perdre toutes les forces vives de notre audiovisuel. Les sollicitations sont très fortes : nos concurrents n’hésitent pas à dépouiller de leurs meilleurs éléments ceux qui sont en difficulté.

Quand on regarde les budgets de la Deutsche Welle et de la BBC, on voit bien qu’il y a un déséquilibre. Néanmoins, ne comparons pas nos budgets avec ceux des médias de propagande russe ou chinois. Ils ont d’autres objectifs, d’autres moyens et d’autres façons de travailler.

Des collaborations importantes existent avec la Deutsche Welle et la BBC. Les Allemands, toutefois, ont commencé à réagir : ils émettent des réserves sérieuses quant aux collaborations possibles à l’avenir si nous continuons sur cette voie en ce qui concerne le financement de l’audiovisuel public, c’est-à-dire si l’indépendance de celui-ci disparaît. Ils sont indépendants et veulent un partenaire indépendant, ce qui est tout à fait normal.

S’agissant de la création d’un média européen, pourquoi pas. J’ai échangé avec la direction de la Deutsche Welle et celle de la BBC : elles ne sont pas opposées à cette idée mais la question de notre mode de fonctionnement se pose. Là aussi, il faut une indépendance suffisante de notre côté pour que de véritables partenariats puissent se développer.

Notre audiovisuel extérieur est apprécié dans le monde pour son esprit de liberté, son indépendance et son objectivité. On a vu à l’occasion du printemps arabe, en particulier en Tunisie, que les jeunes s’étaient tournés vers France Médias Monde, qu’ils préféraient aux médias arabes, souvent tentés par la propagande, venant d’un côté ou d’un autre. Les prises de position des Maliens et des Russes étaient partisanes – comme nous avons supprimé du paysage Russia Today, c’était un peu la réponse du berger à la bergère.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ou plutôt du loup à l’agneau ! (Sourires.)

M. Alain David, rapporteur pour avis. Notre audiovisuel extérieur forme des journalistes étrangers, en particulier des Ukrainiens. France 24 est également active en Amérique du Sud.

Il faut consolider cet outil pour le rayonnement de la France. Nous devons absolument trouver des solutions pour l’aider. Essayons d’imaginer un financement original, en nous inspirant des pratiques étrangères qui fonctionnent bien.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE13 de Mme Laurence Robert-Dehault.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Cet amendement concerne un autre sujet que l’audiovisuel extérieur. Je propose en effet d’annuler la baisse des crédits alloués à l’action Livre et lecture du programme 334. Certes, la tendance générale est que les Français lisent de moins en moins, ou du moins différemment, mais 65 % d’entre eux, selon un sondage de l’institut Ipsos, aimeraient lire davantage. Bien que le recul de la lecture ne soit pas une fatalité, la tendance observée commande à l’industrie du livre de se renouveler pour s’accorder avec les nouvelles pratiques, comme le développement de la lecture numérique.

Les 20 millions d’euros de crédits que je demande de ne pas supprimer pourraient, par exemple, soutenir la collecte et la préservation des collections par la Bibliothèque nationale de France, pour garantir, à l’heure du numérique, la constitution d’une mémoire commune et durable. Ces 20 millions d’euros pourraient également soutenir les associations qui œuvrent au développement de la lecture auprès des jeunes et des seniors en situation d’exclusion, du public hospitalisé ou des personnes handicapées.

Les Français lisent moins, c’est une réalité, mais il ne faut pas tomber dans le cynisme et accepter ce constat sans agir. Selon 90 % des Français qualifiés de « grands lecteurs », la lecture contribue à l’épanouissement personnel.

M. Alain David, rapporteur pour avis. Cet amendement relève plutôt de la commission des affaires culturelles. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). J’aurais aimé que nous puissions débattre de manière approfondie de cet amendement !

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles relatifs à l’Action audiovisuelle extérieure non modifiés.

 


—  1  —

 

   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis

À Paris

 

               M. Yves Bigot, directeur général

               M. Thomas Derobe, secrétaire général de TV5Monde

 

               Mme Marie-Christine Saragosse, présidente directrice générale ;

               M. Victor Rocaries - directeur général en charge du pôle ressources ;

               Mme Fanny Boyer – adjointe au directeur de la communication et des relations institutionnelles.

 

               M. Matthieu Peyraud, directeur de la diplomatie d’influence ;

               Mme Marianne Carré, sous-directrice de la culture et des médias ;

               Mme Marguerite Hitier, responsable du pôle médias et cinéma ;

               Mme Aurélie Lachkar, rédactrice.

 

               M. Ludovic Berthelot, chef du service des médias ;

               Mme Elizabeth Le Hot, cheffe de service, adjointe au directeur général des médias et des industries culturelles.

 

               Mme Dalila Gomri, FO

               M. Christophe Loisiel, FO

               M. Soufiane Errami, CFTC

 

En Suède (15 et 16 septembre 2022)

 

 

               M. Étienne Le Harivel de Gonneville, ambassadeur

               Mme Katerina Doytchinov conseillère de coopération et d’action culturelle et directrice de l’institut français de Suède

               M. Pierre Moncorgé, attaché presse et communication

               M. Christian Gianella, chef du service économique régional

 

 

               M. Sture Nordh, président de la commission transpartisane sur le financement de la radiodiffusion du service public

               M. Martin Persson, secrétaire principale de la commission transpartisane sur le financement de la radiodiffusion du service public,

               M. Linus Fredriksson, directeur pour les médias et la démocratie au ministère de la Culture

 

 

               Mme Maria Bergerlind Dierauer

 

 

               Mme Helena Stålnert, présidente

 


([1]) France Médias Monde, France Télévisions, Radio France, l’Institut national de l’audiovisuel public et la chaîne franco-allemande Arte.

([2])  Pour mémoire, pour des raisons de coûts ou d’indisponibilité des données dans certaines zones de diffusion des médias de FMM, cette mesure n’est pas un état exhaustif de leurs audiences.

 

([3])  Les mesures d’audience linéaire de France 24 sont fondées sur les résultats obtenus dans 76 pays des 180 pays où la chaîne est diffusée, soit 2 pays de plus qu’en 2020 (Ukraine et Rwanda).

([4])  Les mesures d’audience broadcast de RFI sont basées sur les résultats obtenus dans 35 des 150 pays où la station est diffusée. Un nouveau pays entre dans le périmètre mesuré en 2021 : le Rwanda (apport de 150 000 auditeurs hebdomadaires supplémentaires).

 

([5])  Les mesures d’audience de MCD sont fondées sur les résultats obtenus dans 14 des 20 pays où la chaîne est diffusée.

([6])  https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/feuille-de-route-influence_print_dcp_v6_cle8f2fa5.pdf

([7]) Le traité d’Aix-la-Chapelle est un traité bilatéral entre la République fédérale d'Allemagne et la République française, signé le 22 janvier 2019 à Aix-la-Chapelle par la chancelière Angela Merkel et le président Emmanuel Macron.

([8]) En 2021, l’offre s’est déployée sur d’autres réseaux sociaux (Instagram, TikTok). Un community manager commun a été recruté en 2021 pour coordonner l’offre de Culture Prime sur les différents réseaux.

([9])  Ce financement se fait sur le programme 209, Solidarité avec les pays en développement. En 2023, l’enveloppe dédiée à CFI s’élèvera à 10,6 millions d’euros, en augmentation de 3 millions d’euros par rapport à 2022.

([10]) Il s’agit notamment d’une des pistes du rapport des sénateurs Roger Karoutchi et Jean-Raymond Huguonet remis en juin dernierhttps://www.senat.fr/rap/r21-651/r21-6511.pdf

([11])  21 départs ont été réalisés dans le cadre du plan de départs volontaires, pour un coût total de 3,8 millions d’euros et une économie récurrente en année pleine de 1,6 million d’euros (l’objectif initial visait 30 départs et 3 millions d’euros d’économie en année pleine). Dix départs complémentaires (net des remplacements) sont intervenus après le plan de départs pour un coût total de 3,2 millions d’euros et une économie récurrente en année pleine d’1,5 million d’euros, permettant d’atteindre l’objectif initial d’économies.

([12]) https://static.dw.com/downloads/59980378/evaluationsbericht-2021.pdf p18

([13])https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1000946/BBC_Annual_Report_and_Accounts_2020-21.pdf> 50

([14])  Deutsche Welle, « RT, une chaîne de propagande russe appréciée en Amérique latine » – 25 mai 2022

([15]) Le Monde, « Le continent africain dans le viseur de la chaîne russe RT  » – 28 mars 2022

([16])  Selon un rapport de Reporters sans frontières intitulé « Le nouvel ordre mondial de l’information selon la Chine » et paru en 2019, la Chine aurait investi 6 milliards d’euros sur les dix dernières années pour développer son audiovisuel extérieur, montant qui aurait augmenté depuis pour atteindre 1,3 milliard d’euros par an.

 

([17])  La position exposée devant la commission des Affaires étrangères et de l’éducation de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2020 par l’ancien ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lors des débats sur la politique culturelle et d’influence est toujours d’actualité : « S’agissant du versement d’une subvention à l’audiovisuel extérieur par l’Agence française de développement (AFD), je n’y suis pas favorable, car ce serait une confusion des genres. En revanche, je suis prêt à examiner une contribution par projets, dès lors que ceux-ci seraient bien identifiés, par exemple sur le Sahel, un sujet lourd d’actualité ».

([18])  Les économies liées à la mise en œuvre du plan de départs volontaires s’élèvent à 1,7 million d’euros pour 2022 avec 21 départs. Au budget 2021, FMM prévoyait 30 départs au 1er juillet 2021, l'économie sur l'année 2021 s'établissait donc à 1,5 million d’euros. Les 21 départs réalisés ont donc entraîné moins d'économies que prévu (1,7 million d’euros au lieu de 2,1) car contrairement à ce que FMM anticipait, ce ne sont pas les plus hauts salaires qui se sont déclarés en faveur du PDV.

([19])  Lequel reposait sur les sous-jacents suivants : 19 ETP financés par des ressources externes et 1731 ETP financés par la CAP. La réalisation 2021 s’analyse de la façon suivante : 1758 ETP dont 30 ETP financés par des ressources externes et 1728 ETP financés par la CAP.

 

([20]) Programmes numériques de format court confiés à de jeunes talents francophones

([21]) Un service par contournement, en anglais over-the-top est un service de livraison d'audio, de vidéo, de films et d'autres médias n’impliquant pas la participation d'un opérateur de réseau traditionnel

([22])  Canada, Fédération Wallonie-Bruxelles, France, Québec et Suisse

([23])  Pages Facebook des chaînes TV5 Monde Asie Pacifique, Amérique latine, Maghreb-Orient, États-Unis accompagnées pour certaines de comptes Twitter en langue locale

([24]) Pour rappel, TV5 monde est détenue est détenue à 49 % par France Télévisions. France Médias Monde en possède 12,64 %, Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF) et la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) en détiennent chacun 11,11 %, Radio-Canada 6,67 %, Télé Québec 4,44 %, Arte France 3,29 % et l'INA 1,74 %

([25])  C’est grâce à ce statut que TV5 Monde est la seule chaîne francophone non chinoise présente en Chine ou est présente dans les locaux de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) à New-York par exemple.

([26])  Le 6° du II de l’article 1er supprime les articles 1605 à 1605 ter du code général des impôts, qui fondent le régime de la contribution à l’audiovisuel public. Aux termes du A du IX du même article, cette abrogation est rétroactive au 1er janvier 2022.

([27])  Certaines personnes en étaient exonérées, notamment celles ayant un revenu fiscal de référence égal à 0, les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou encore les bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH).

([28])  https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/09/01/discours-du-president-emmanuel-macron-a-loccasion-de-la-conference-des-ambassadrices-et-des-ambassadeurs

([29])  Timothy Neff et Victor Pickard, « Funding Democracy: Public Media and Democratic Health in 33 Countries », The International Journal of Press/Politics, 2021. Etude citée par Julia Cagé dans son étude publiée en juin 2022 par la Fondation Jaurès, « Une autre redevance est possible ».

([30]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044589827

([31])  https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2022-842-dc-du-12-aout-2022-communique-de-presse

([32])  https://www.culture.gouv.fr/Espace-documentation/Rapports/Reforme-du-financement-de-l-audiovisuel-public

([33])  A titre d’exemple, YouTube précise qu’Al Jazeera est « financée entièrement ou partiellement par le gouvernement qatari » tandis que la RTVE, financée par le budget général de l’État espagnol, est « une chaîne du service public espagnol ».

([34])  La liste précise de ces médias n’est pas rendue publique. Twitter cite la BBC et MPR comme exemples d’entités non labellisées car jouissant d’une indépendance éditoriale.

([35])  https://www.senat.fr/rap/r21-651/r21-6511.pdf rapport d’information n°651 du 8 juin 2022 sur le financement de l’audiovisuel public

([36]) La proposition de loi prévoit également la création de deux tranches supplémentaires au sein du 10e décile pour adapter le montant aux très hauts revenus (pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est compris entre 100 001 euros et 150 000 euros, le montant de la CPAP serait de 200 euros ; pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 150 001 euros, le montant de la CPAP sera de 220 euros).

 

([37])  Rodney Benson, Matthew Powers, Timothy Neff, « Public Media Autonomy and Accountability : Best and Worst Policy Practices in 12 Leading Democracies », International Journal of Communication 11(2017). On peut aussi mentionner l’étude menée par les chercheurs Neff et Pickard sur 33 pays, qui a montré qu’un financement pluriannuel, combiné à des protections juridiques permettant d’assurer l’indépendance politique et économique des médias de service public, sont positivement corrélés avec la santé démocratique des pays étudiés.