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N° 341

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2022

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 273)
de finances pour 2023

 

 

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

 

PAR M. Ugo BERNALICIS

Député

——

 

 Voir les numéros : 292 - III - 3


 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2022 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 95 % des réponses au questionnaire thématique étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui souhaite remercier le Gouvernement et les services de l’État de leur diligence.

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

Première partie :  les crÉdits pour 2023 de la mission  « administration générale et territoriale de l’État »

I. Le programme 354 « Administration territoriale de l’état »

A. Périmètre et principaux chiffres

B. Une augmentation des crédits tardive demandée depuis longtemps

C. Des progrès qui ne résolvent pas des problèmes de fond

1. Les secrétariats généraux communs (SGC)

2. Les délais d’obtention des titres

II. Le programme 232 « Vie politique »

A. Des crédits en baisse en raison du calendrier électoral

B. Une amélioration de la gestion des élections qui doit se poursuivre

III. Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »

A. Périmètre et priorités du programme

B. La transformation numérique du ministère doit faire l’objet d’une vigilance accrue

C. Le CNAPS, Un opérateur stratégique pour le bon déroulement des jeux olympiques de 2024

Deuxième PARTIE :  l’accueil des usagers

I. Une dégradation de la qualité de l’accueil des usagers sous l’effet d’une succession de réformEs

A. une réduction rapide et mal pilotée du nombre d’agents dans l’administration territoriale de l’état

1. Une réduction des effectifs guidée par la volonté de réduire à tout prix la dépense publique

2. Des solutions coûteuses pour pallier au manque d’effectifs et de moyens

a. La contractualisation

b. La dématérialisation

c. Un report des coûts sur les tiers

d. L’externalisation

B. Une dégradation des services rendus aux usagers

1. Des délais en hausse

2. L’incapacité de la dématérialisation à répondre à l’ensemble des besoins

3. Des répercussions sur les conditions de travail des agents

II. L’urgence d’agir face au creusement du fossé entre les usagers et les services publics

A. La nécessité de prévoir la permanence d’un accompagnement humain de qualité, y compris en direction des agents

B. Renforcer le réseau des maisons France services

1. Un dispositif qui tente de répondre au recul des services publics dans les territoires

2. Des freins à leur efficacité qui doivent être levés

Liste des recommandations

Examen en commission

Personnes entendues


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MESDAMES, MESSIEURS,

La mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe trois programmes et dix-huit actions. Elle finance notamment deux opérateurs – le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – ainsi qu’une autorité administrative indépendante – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Ces trois programmes, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, ont pour objectifs d’assurer la présence et la continuité de l’État sur le territoire en s’appuyant sur le réseau des préfectures et sous-préfectures et en coordonnant les administrations déconcentrées (programme 354 « Administration territoriale de l’État), de garantir le bon déroulement des élections (programme 232 « Vie politique ») et de financer les fonctions supports du ministère de l’Intérieur (programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »).

Pour 2023, les crédits de la mission atteignent un montant total de 4,57 milliards d’euros, soit une hausse de 4,14 %, néanmoins inférieure au niveau de l’inflation. Elle résulte de l’augmentation des investissements de long terme et de l’amorce d’un rattrapage très partiel des coupes budgétaires qui se sont succédées depuis la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP), initiée en 2007, jusqu’au « Plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), achevé en 2022.

Comme l’a constaté la Cour des comptes ([1]), la réduction trop rapide et mal pilotée du nombre d’agents et le recours à la contractualisation et à l’externalisation ont été des erreurs lourdes de conséquences pour les services publics dans les territoires, et donc pour les citoyennes et les citoyens. La création en 2023 de quelques 25 emplois supplémentaires n’est qu’une goutte d’eau au regard des 4 748 postes supprimés entre 2010 et 2021.

Le projet de loi de finances pour 2023 est donc un aveu d’échec pour la politique menée par le Gouvernement depuis 2017, dans la continuité des politiques publiques précédentes de « transformation » ou de « modernisation » de l’action publique (commission de simplification administrative, loi organique relative aux lois de finances, révision générale des politiques publiques, modernisation de l’action publique, action publique 2022). La stratégie de réduction des dépenses consacrées à l’accueil des usagers au profit de la dématérialisation et de la mutualisation des fonctions supports dans les secrétariats généraux communs a conduit à une grave dégradation du délai de traitement des demandes des usagers et des conditions de travail des agents. C’est la démonstration que cette stratégie avait pour principale finalité la réduction du nombre de fonctionnaires.

Votre Rapporteur pour avis s’est intéressé dans le détail aux réformes qui ont conduit à cette situation. Leur analyse démontre que la dématérialisation, utile sur le principe, a isolé une partie de la population des services publics et a dégradé considérablement la qualité du service rendu. Les saisines du Défenseur des droits en la matière ne cessent d’ailleurs de croître. Les efforts engagés avec le développement du réseau France services couvrent très difficilement le recul constaté et nourrissent des craintes tant leur structuration semble fragile et précaire sur les territoires.

L’accompagnement des usagers dans les points d’accès au numérique ou dans les maisons France services est actuellement insuffisant dès lors qu’il est confié à des volontaires en service civique ou à des agents qui n’ont pas d’interlocuteurs dédiés dans les administrations supports. Il est donc urgent de rétablir de l’humain dans les relations entre l’État et les usagers en leur permettant de réaliser leurs démarches dans des accueils physiques auprès d’agents qualifiés.

    


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   Première partie :
les crÉdits pour 2023 de la mission
« administration générale et territoriale de l’État »

 

La mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe trois programmes et dix-huit actions. Elle porte également le financement de deux opérateurs – le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – et d’une autorité administrative indépendante – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Ces trois programmes, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, ont pour objectifs :

 d’assurer la présence et la continuité de l’État sur le territoire aux moyens des préfectures et sous-préfectures et en coordonnant des administrations déconcentrées (programme 354 « Administration territoriale de l’État) ;

 de garantir le bon déroulement des élections (programme 232 « Vie politique ») ;

 de financer les fonctions support du ministère (programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »).

Les crédits de la mission sont en hausse de 4,14 %, soit un montant total en crédits de paiement de 4,57 milliards d’euros contre 4,38 milliards en loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cela s’explique notamment par la forte augmentation des investissements dans le numérique (+ 78,9 %) et l’immobilier (+ 40,1 %) sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », qui devrait se poursuivre en 2024 et 2025. Des économies conséquentes sont permises par la réduction des crédits du programme « Vie politique »
(- 75,5 %), directement corrélé aux échéances électorales et qui avait été fortement abondé pour l’année 2022. Enfin, les crédits du programme « Administration territoriale de l’État » connaissent une légère augmentation (+ 6,9 %) résultant du rattrapage des coupes budgétaires des années précédentes et de la hausse des dépenses de fonctionnement liées notamment à l’inflation.

Les effectifs augmentent également, passant de 40 275 à 40 439 équivalents temps plein travaillé (ETPT), principalement au profit du programme 354 (+ 208 ETPT). Il s’agit essentiellement de transferts d’emplois (+183 ETPT) mais aussi d’un renforcement des effectifs de l’administration territoriale (+25,75 ETPT) qui ont été excessivement réduits au profit de la dématérialisation, de l’externalisation et du recours à des vacataires en contrat infra-annuel, y compris des volontaires en service civique.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION (2020-2025)

(en millions d’euros)

 

Exécution 2020

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Prévision 2024

Prévision 2025

P. 354 – Administration territoriale de l’État

2 224,2

2 362,5

2 412,0

2 578,9

2 620,1

2 659,1

P. 232 – Vie politique

222,1

366,1

488,6

119,6

235,7

84,0

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

1 427,2

1 514,0

1 486,6

1870,2

2 095,4

2 650,8

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État »

3 873,5

4 242,5

4 387,2

4 568,8

4 951,3

5 394,0

Source : documents budgétaires, Cour des comptes, calculs commission des Lois.

 

 

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE LA MISSION (2017-2023)

(en ETPT)

 

Exécution 2017

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2020

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

P. 307 – Administration territoriale

25 985

25 659

24 885

P. 354 – Administration territoriale de l’État

26 714

28 707

29 082

29 290

P. 232 – Vie politique

50

48

49

54

57

65

55

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

6 432

6 859

7 253

11 378

11 564

11 128

11 094

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État »

33 124

32 566

32 187

38 146

40 328

40 275

40 439

P. 333 – Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

1 919

1 957

1 954

Transferts issus de la mission Sécurités (base 2020)

4 365

4 365

4 365

Mission AGTE « format 2020 »

39 408

38 888

38 506

38 146

40 328

40 275

40 439

Source : documents budgétaires, Cour des comptes, calculs commission des Lois.

 


I.   Le programme 354 « Administration territoriale de l’état »

A.   Périmètre et principaux chiffres

Le programme 354 « Administration territoriale de l’État » est né en 2020 de la fusion du programme 307 « Administration territoriale » et du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Il regroupe les emplois du réseau des préfectures et sous-préfecture, des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) et des secrétariats généraux communs (SGC) ainsi que les emplois de directeurs des directions départementales interministérielles (DDI). Il porte également les crédits d’investissement et de fonctionnement de ces structures, de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône et des administrations déconcentrés Outre-mer. Enfin, il finance un opérateur : l’Agence nationale des titres sécurisés.

Les crédits du programme 354 sont en hausse de 6,9 % et s’établissent à 2,58 milliards d’euros pour 2023 contre 2,41 milliards d’euros en LFI pour 2022. L’augmentation porte principalement sur les dépenses d’investissement (+17,2 %) et, dans une moindre mesure, sur les dépenses de personnel (+7,6 %). Selon le projet de loi d’orientation et de programmation pour le ministère (Lopmi), ces crédits devraient atteindre 2,62 milliards d’euros en 2024 et 2,66 milliards en 2025.

Les crédits se déclinent en six actions :

– L’action 1 « Coordination de la sécurité des personnes et des biens » (+ 15,1 %) qui finance les effectifs en charge de la conduite opérationnelle de la gestion des crises, de la prévention des risques notamment en matière de sécurité routière et des missions de police administrative spéciales ;

– L’action 2 « Règlementation générale, la garantie de l’identité et la délivrance des titres » (- 14,5 %) qui couvre le droit des étrangers (asile, titre de séjour, reconduction, naturalisation), la délivrance des titres sécurisés (permis, passeport, carte d’identité et carte grise), l’organisation des élections et le suivi des associations ;

– L’action 3 « Contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales » (+ 15,7 %) qui regroupe les emplois consacrés à l’accompagnement des élus et au contrôle de leurs actes.

– L’action 4 « Pilotage territorial des politiques gouvernementales » (+ 29,1 %) qui assure le financement des emplois des hauts fonctionnaires du programme (préfets, sous-préfets, chargés de mission des SGAR, directeurs départementaux) et bénéficie pour 2023 d’importants transferts d’emplois depuis d’autres administrations.

– L’action 5 « Fonctionnement courant de l’administration territoriale » (+ 1,3 %) qui couvre les dépenses de fonctionnement quotidiennes, notamment la gestion des parcs informatique et automobile ou encore les frais d’organisation et de communication des manifestations publiques ;

– L’action 6 « Dépenses immobilières de l’administration territoriale » (+ 6,8 %) qui concerne l’entretien courant des bâtiments, y compris le nettoyage ou encore les fluides, dont le coût est particulièrement exposé à l’inflation.

Évolution des crédits du programme 354 PAR ACTION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2022

PLF 2023

Var.

LFI 2022

PLF 2023

Var.

Action 1 : Coordination de la sécurité des personnes et des biens

164,4

189,3

+ 15,2 %

164,4

189,3

+ 15,2 %

Action 2 : Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres

567,3

484,8

- 14,6 %

567,3

484,8

- 14,6 %

Action 3 : Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

122,5

141,8

+ 15,7 %

122,5

141,8

+ 15,7 %

Action 4 : Pilotage territorial des politiques gouvernementales

604,0

780,4

+ 29,2 %

604,0

780,4

+ 29,2 %

Action 5 : Fonctionnement courant de l’administration territoriale

658,0

666,2

+ 1,25 %

650,9

659,1

+ 1,3 %

Action 6 : Dépenses immobilières de l’administration territoriale

347,4

527,5

+ 51,8 %

302,8

323,5

+ 6,8 %

Total

2 463,7

2 790,1

+13,3 %

2 412,0

2 578,9

+ 6,92 %

Source : documents budgétaires.

B.   Une augmentation des crédits tardive demandée depuis longtemps

Comme l’indique le projet annuel de performance, cette augmentation « met ainsi fin à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux ». Elle vient compenser – encore partiellement – les coupes budgétaires excessives dictées par la volonté de réduire à tout prix les dépenses publiques au mépris des alertes lancées depuis de nombreuses années quant à la dégradation des services de l’État dans les territoires. Selon la Cour des comptes, depuis 2010, 11 763 ETPT ont été supprimés dans l’administration territoriale et 4 748 dans le réseau des préfectures, soit 14 % des effectifs initiaux et même 24 % pour les seules sous-préfectures ([2]).

Le « Plan préfectures nouvelle génération 2022-2025 » (PPNG) avait pour objectif le recours massif à la dématérialisation, la fin de l’accueil physique des usagers en préfecture et la mutualisation des fonctions support pour redéployer des effectifs sur des missions prioritaires. Non seulement la dématérialisation et la mutualisation rencontrent des difficultés dans les secrétariats généraux communs (voir ci-après) mais, dans le même temps, les promesses en matière de renforcement du réseau des préfectures n’ont pas été tenues : sur les 1 000 ETPT qui devaient être redéployés sur des actions prioritaires, la Cour des comptes ne recense que 528 ETPT supplémentaires à périmètre constant ([3]). Le recours aux contrats infra-annuels a en revanche considérablement augmenté passant, en masse salariale, de 11,3 millions d’euros en 2010 à 67,2 millions d’euros en 2021 ([4]).

Votre Rapporteur constate que le Gouvernement prend enfin acte de l’échec de la stratégie qu’il a mise en œuvre depuis cinq ans en annonçant le renforcement des effectifs et des moyens consacrés à l’accueil des usagers. Cela va indéniablement dans le bon sens mais nourrit une incompréhension de la part des citoyens et des agents qui regrettent l’absence de vision de long terme de leur ministère.

La nouvelle doctrine, inscrite dans le plan « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » (MPP), prévoit de renforcer les moyens affectés à six missions : sécurité et lutte contre le séparatisme, coordination des politiques publiques, accueil des usagers, droit des étrangers, gestion de crise et sécurité civile, accompagnement et conseil aux collectivités territoriales. Les effectifs d’agents titulaires consacrés aux missions d’accueil devraient donc progressivement augmenter dans les trois prochaines années. Ce point devra faire l’objet d’un suivi précis tant les garanties apportées à ce sujet sont floues.

Pour 2023, cette hausse reste particulièrement modeste. En effet, si les emplois du programme sont en hausse de 208 ETPT (sur un total de 29 290), cela résulte principalement de transferts au sein du ministère ou en provenance d’autres administrations (+183 ETPT). Les créations nettes représentent 25 ETPT, soit une progression des effectifs de 0,09 %. De l’aveu du ministère de l’Intérieur, l’augmentation des effectifs programmée sur les cinq prochaines années, à hauteur d’environ 350 ETPT, ne compensera qu’une seule des dix dernières années de réduction d’effectifs. Le chemin sera donc encore long pour compenser les baisses subies par l’administration territoriale de l’État.

En outre, les dépenses de fonctionnement augmentent mécaniquement du fait de l’inflation, tirant les crédits du programme vers le haut. Dans les réponses au questionnaire de votre Rapporteur, le ministère de l’Intérieur a précisé que l’inflation « touche tout particulièrement les dépenses de carburant et d’énergies et de fluides, dont il est prévu qu’elles évoluent respectivement de + 45 % et de + 10 % par rapport à 2021, impliquant un surcoût estimé, à ce stade, à 8 M€ à la fin de l’année 2022. [Selon les hypothèses retenues pour 2023,] le surcoût lié à la hausse des prix a été estimé à 11,80 M€, entièrement couvert par la hausse des crédits affectés au programme ».

C.   Des progrès qui ne résolvent pas des problèmes de fond

1.   Les secrétariats généraux communs (SGC)

D’autres réformes poursuivent leur cours malgré d’importantes difficultés. C’est le cas de la création des secrétariats généraux communs, nouveaux services déconcentrés interministériels placés sous l’autorité du préfet dans le but d’assurer de manière plus efficace la gestion des fonctions support au niveau déconcentré (ressources humaines, immobilier, logistique, système d’information…).

Force est de constater que cette réforme, qui renforce la mainmise du ministère de l’Intérieur sur les autres administrations déconcentrées, a été insuffisamment préparée et menée à marche forcée, malgré un report de six mois lié à la crise sanitaire. De l’aveu du ministère de l’Intérieur, la mutualisation ne présente pas, à ce jour, les gains escomptés notamment en raison de l’absence de convergence des systèmes d’information. Les agents des différentes administrations peinent à être coordonnés et certains d’entre eux demandent à retourner dans leur administration d’origine. Les organisations syndicales auditionnées ont alerté votre Rapporteur sur l’augmentation considérable des situations de souffrance au travail et des risques psychosociaux dans ces services.

Selon le ministère de l’Intérieur, cette situation est en cours d’amélioration grâce à deux plans d’actions lancés en octobre 2021 et en juin 2022 qui accélèrent la convergence des différentes procédures. Il a été précisé auprès de votre Rapporteur qu’aucune réduction d’effectif n’est prévue à court et moyen termes dans les secrétariats généraux communs. Ce point devra faire l’objet d’un suivi particulier, car la tentation sera grande puisque les réductions d’effectifs étaient l’objectif initialement poursuivi.

2.   Les délais d’obtention des titres

La situation en ce qui concerne les titres sécurisés et les droits des étrangers est également inquiétante. Les indicateurs des documents budgétaires présentent un doublement des délais moyens d’instruction des titres sécurisés entre 2020 et 2022 pour les cartes d’identité, les passeports et les permis de conduire. Plus inquiétant encore, les objectifs cibles pour 2023, 2024 et 2025 sont à la hausse pour les passeports et les cartes d’identité.

Délais moyens d’instruction en CERT des titres

 

2020

2021

2022

2023 (cible)

Passeport

5,7 jours

10,4 jours

12 jours

15 jours

Carte nationale d’identité

7,5 jours

13,8 jours

15 jours

15 jours

Permis de conduire

6,5 jours

11,2 jours

8 jours

15 jours

Source : documents budgétaires

Ces délais d’instruction viennent s’ajouter au délai nécessaire pour obtenir un rendez-vous en mairie afin de déposer son dossier. Cette mission a été transférée aux communes, provoquant de grandes inégalités de traitement sur le territoire et obligeant à l’État à venir pallier les manquements.

En ce qui concerne les demandes de titre de séjour et de naturalisation, la situation est sensiblement la même. Au premier semestre 2022, le délai moyen de renouvellement d’un titre de séjour était d’environ 75 jours et celui de délivrance d’un premier titre était d’environ 110 jours ([5]). Selon la Défenseure des droits, auditionnée par votre Rapporteur, de nombreux étrangers se trouvent contraints de recourir à des prestataires privés pour obtenir un rendez-vous. La création d’indicateurs relatifs au traitement des demandes de renouvellement de séjour et au délai d’enregistrement des demandes d’asile est bienvenue et permettra de mieux évaluer la qualité du service rendu et les besoins. Une attention particulière devra y être apportée dans le cadre de la mise en service de l’application ANEF (administration numérique pour les étrangers en France).

Dans son rapport de février 2022, « Dématérialisation, des services publics : trois ans après, où en est-on ? », la Défenseure des droits observe que si la numérisation simplifie certaines démarches, elle peut également faire naître de graves problèmes d’accès aux droits, non seulement pour les publics éloignés du numérique (personnes âgées, en situation de précarité, détenus...) mais aussi pour les jeunes (25 % des 18-25 ans rencontrent des difficultés pour réaliser seuls leurs démarches en ligne). La Défenseure des droits, qui est intervenue une cinquantaine de fois pour présenter des observations devant les juridictions administratives à ce sujet, recommande donc d’augmenter les moyens consacrés à l’accueil physique et téléphonique.

Il apparaît ainsi indispensable de ne pas précipiter les réductions d’effectifs et de moyens tant que les gains attendus de la dématérialisation d’une procédure ou de la mutualisation d’une fonction ne sont pas pleinement réalisés.

Recommandations :

– Attendre que les gains attendus de la dématérialisation ou de la mutualisation soient réalisés avant de procéder au redéploiement des effectifs et des moyens concernés ;

– Renforcer les moyens consacrés à l’accueil physique et téléphonique des usagers pour les aider dans leurs démarches administratives.

II.   Le programme 232 « Vie politique »

A.   Des crédits en baisse en raison du calendrier électoral

Les crédits du programme 232 sont directement corrélés au calendrier électoral. Du fait des élections présidentielles et législatives, les crédits de l’action 2 « Organisation des élections » avaient été portés à 411,1 millions d’euros en 2022. Ces dépenses couvrent les frais relatifs à l’organisation matérielle du scrutin, au remboursement des dépenses électorales des candidats et à la propagande officielle (y compris audiovisuelle). En 2023, deux élections auront lieu : les élections sénatoriales et les élections territoriales en Polynésie Française. Compte tenu du faible coût de leur organisation, les crédits de cette action sont ramenés à 42,6 millions d’euros, soit une baisse de 89,6 %.

Cette évolution du calendrier électoral a également un effet sur les moyens de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dont les crédits diminuent de 6,2 % (action 3). Lorsque des échéances électorales importantes sont prévues, la CNCCFP recourt, en plus de son socle d’agents permanents, à des agents supplémentaires qui ne seront pas nécessaires en 2023.

Seuls les crédits de l’action 1 « Financement des partis » sont maintenus à l’identique. Ils s’élèvent à 68,7 millions d’euros, un chiffre stable depuis dix ans. Le financement se décompose en deux fractions égales : la première en direction des partis politiques qui ont présenté des candidats ayant chacun obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ; la seconde vers les partis et groupements politiques en fonction du nombre de députés et de sénateurs qui s’y sont rattachés.

Au total, le programme « Vie politique » connaît une diminution de 75,5 %, passant de 488,6 millions d’euros à 119,6 millions d’euros.

Évolution des crédits du programme 232 PAR ACTION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2022

PLF 2023

Var. ()

LFI 2022

PLF 2023

Var. ()

Action 1 : Financement des partis

68,7

68,7

0 %

68,7

68,7

0 %

Action 2 : Organisation des élections

414,3

37,7

- 90,9 %

411,1

42,6

- 89,6 %

Action 3 : Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

7,8

7,0

- 10,9 %

8,9

8,3

- 6,2 %

Total

491,3

113,4

- 76,9 %

488,6

119,6

- 75,5 %

Source : documents budgétaires.

B.   Une amélioration de la gestion des élections qui doit se poursuivre

De manière générale, le coût de l’organisation des scrutins présidentiels et législatifs connaît une augmentation faible et régulière résultant notamment de l’augmentation du nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales et, dans une moindre mesure, d’une hausse des dépenses engagés par les candidats.

évolution du coût d’organisation (total et par électeur) des élections présidentielles et législatives depuis 2002

(en millions d’euros)

 

2002

2007

2012

2017

2022

Élection présidentielle : coût total (M€)

200,4

209,8

185,6

200,8

221,2

Élection présidentielle : coût par électeur (€)

4,54

4,54

4,87

4,72

Élections législatives : coût total (M€)

134,4

147

161,1

167,6

150,2

Élections législatives : coût par électeur (€)

3,72

3,90

3,74

3,97

Élections présidentielle et législatives : coût total (M€)

334,8

356,8

346,7

368,4

371,4

Source : réponses aux questionnaires et documents budgétaires.

À la suite de la gestion désastreuse de la distribution de la propagande électorale lors des élections départementales et régionales de 2021, le ministère de l’Intérieur a souhaité réinternaliser la mise sous pli. Soixante-et-une préfectures l’ont fait tandis que quarante-cinq ont maintenu l’externalisation. Concernant l’acheminement, le contrat passé avec la société Adrexo a été résilié en août 2021 et un nouveau contrat a été conclu en urgence avec La Poste.

Pour suivre l’évolution de la situation, un indicateur relatif au taux de plis non distribués sera mis en place à partir de 2023. Selon les informations transmises par le ministère à votre Rapporteur, la situation s’est améliorée puisque, en 2022, le taux national de plis non distribués est de 7,6 % pour l’ensemble des quatre tours de scrutin contre respectivement 9 % et 20 % pour La Poste et Adrexo en 2021. Votre rapporteur précise que ce sont les chiffres fournis par les prestataires attributaires du marché.

De manière générale, le coût de l’organisation des scrutins présidentiels et législatifs connaît une augmentation faible et régulière résultant notamment de l’augmentation du nombre d’électeurs inscrits sur les listes électorales et, dans une moindre mesure, d’une hausse des dépenses engagés par les candidats.

Il est à souligner qu’il n’existe pas de provision pour une élection nationale non prévue (référendum, dissolution…). à ce sujet, le ministère de l’Intérieur a indiqué que « les crédits inscrits en projet de loi de finances pour le programme 232 " Vie politique " correspondent aux besoins effectifs pour les scrutins effectivement prévus l’année suivante. Aussi, aucune provision n’est inscrite au projet de loi de finances si l’élection n’est pas certaine ».

III.   Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »

A.   Périmètre et priorités du programme

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » regroupe neuf actions correspondant :

– aux missions de pilotage et d’expertise (État-major, services centraux, affaires juridiques et frais de contentieux) ;

– aux fonctions support (numérique, action sociale et formation et affaires immobilières) ;

– aux effectifs de certaines administrations (délégation à la sécurité routière, direction générale des étrangers en France) ;

– à des politiques spécifiques ou transversales (tutelle administrative des congrégations religieuses et application du régime concordataire d’Alsace et de Moselle, fonds interministériel de prévention de la délinquance).

Évolution des crédits du programme 216 PAR ACTION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2022

PLF 2023

Var. ()

LFI 2022

PLF 2023

Var. ()

Action 1 : État-major et services centraux

650,6

722,9

+ 11,1 %

649,6

722,0

+ 11,1 %

Action 3 : Numérique

296,5

543,0

+ 83,2 %

273,8

489,8

+ 78,9 %

Action 4 : Action sociale et formation

69,9

80,6

+ 15,4 %

70,7

81,4

+ 15,2 %

Action 5 : Affaires immobilières

105,2

263,1

+ 150,2 %

164,6

230,5

+ 40,1 %

Action 6 : Affaires juridiques et contentieuses

87,9

90,5

+ 2,95 %

88,0

90,6

+ 3,0 %

Action 7 : Cultes et laïcité (action nouvelle)

2,1

2,1

0 %

2,1

2,1

0 %

Action 8 : Immigration, asile et intégration

41,2

41,9

+ 1,73 %

41,2

41,9

+ 1,7 %

Action 9 : Sécurité et éducation routières

127,3

127,6

+ 0,23 %

127,3

127,6

+ 0,2 %

Action 10 : Fonds interministériel de prévention de la délinquance

69,4

84,4

+ 21,6 %

69,4

84,4

+ 21,6 %

Total

1 450,0

1 956, 2

+ 34,9 %

1 486,6

1 870,2

+ 25,8 %

Source : documents budgétaires.

Le programme finance également un opérateur : le Conseil national des activités privées de sécurité (voir ci-après).

Au total, les crédits de ce programme s’élèvent à 1,87 milliard d’euros, soit une hausse de 25,8 % par rapport à la LFI pour 2022. En revanche, les effectifs du programme diminuent de 34 ETPT en 2023, principalement au profit du programme 354 « Administration territoriale de l’État ». Le schéma d’emploi est en diminution de 7,28 ETPT. Pourtant, selon le projet de Lopmi, les crédits devraient continuer de croître pour atteindre 2,10 milliards d’euros en 2024 et 2,65 milliards en 2025.

Votre Rapporteur alerte sur le fait qu’aucun moyen humain supplémentaire n’est prévu dans les documents budgétaires pour mettre en œuvre, suivre et exécuter cette hausse de 25,8 % des crédits ce qui laisse craindre un défaut de pilotage. Cette crainte est d’autant plus légitime que plusieurs projets informatiques ou immobiliers ont été retardés ou avortés du fait de ce manque de pilotage dans la mandature précédente.

Cette hausse porte principalement sur deux actions :

– l’action 3 « Numérique » dont les crédits augmentent de 78,9 % et qui finance à la fois la maintenance des applications et du parc informatique et le développement de futures applications. De nombreux projets sont en cours, notamment l’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) qui permettra la dématérialisation des démarches d’asile, d’immigration et de naturalisation, et le réseau radio du futur (RRF) qui doit fournir un système de communication haut débit commun aux services de secours et de sécurité. Ces projets sont d’autant plus coûteux qu’ils font l’objet d’une mauvaise évaluation initiale quant au besoin en financement et à leur durée (voir tableau) ;

Coût et durée des principaux projets informatiques du programme 216

 

Coût

(en millions d’euros)

Écart entre le coût initial et le coût actualisé

Durée

(en mois)

Écart entre la durée initiale et la durée actualisée

Réseau radio du futur

320,1

+ 95,1 %

84

+ 75,0 %

Infrastructure nationale partageable des transmissions

144,7

+22,0 %

94

- 21,7 %

France Visas

99,6

+ 398 %

144

+ 140 %

Administration numérique pour les étrangers en France

82,3

+ 55,5 %

96

0 %

Système d’informations pour la logistique opérationnelle

31,6

- 11,7 %

94

+ 100 %

Modernisation des centres d’informations et de commandement

20,4

- 17 %

101

+ 16,1 %

PC STORM

19,9

+ 0,4 %

88

+ 4,8 %

Source : documents budgétaires.

– l’action 5 « Affaires immobilières » dont les crédits de paiement augmentent de 40,1 % et les autorisations d’engagement de 150,2 %. C’est la conséquence de l’augmentation des frais de fonctionnement sous l’effet de l’inflation et de l’engagement de projets de grande ampleur : réhabilitation et maintenance lourde du patrimoine immobilier du ministère et financement du site unique du renseignement intérieur (valeur totale de ce projet s’élève à 1,29 milliard d’euros).

Trois autres priorités sont identifiées pour ce programme :

– le renforcement de l’expertise contentieuse grâce au développement des pôles d’appui juridique qui interviennent en soutien dans le traitement des contentieux. Au total, les frais de contentieux (refus de concours de la force publique, attroupements, accidents de la circulation, litiges relatifs au droit des étrangers) et la protection fonctionnelle des agents représentent une dépense de 90,5 millions d’euros. L’indicateur du taux de réussite de l’État devant les juridictions est en baisse, s’établissant à 75,5 % pour une cible de 80 % ;

– le financement de la prévention de la délinquance via le fonds interministériel pour la prévention de la délinquance (84,4 millions d’euros, en hausse de 21,6 %) piloté par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). L’effort fourni se concentrera sur la lutte contre la radicalisation et le séparatisme, et plus particulièrement en direction des jeunes. Votre Rapporteur insiste sur la nécessité de prévenir également les dérives des discours identitaires d’extrême-droite ;

– l’amélioration de la qualité et de l’efficience des fonctions support, notamment via la politique d’achat et la modernisation de la gestion des ressources humaines.

B.   La transformation numérique du ministère doit faire l’objet d’une vigilance accrue

Votre Rapporteur estime qu’une attention particulière doit être portée à la gestion des projets numériques. Outre les enjeux techniques et financiers, notamment l’anticipation et la maîtrise de leur coût et de leur durée, il s’agit d’une action stratégique aux conséquences importantes pour les agents et les usagers (voir seconde partie).

 En ce qui concerne les fonctions support, au regard des difficultés inhérentes à la mise en place des secrétariats généraux communs, il apparaît nécessaire d’accélérer la convergence des logiciels métiers, notamment en matière de ressources humaines.

 En ce qui concerne la dématérialisation, le développement des nouvelles applications doit s’accompagner d’un effort important de maintenance et du maintien d’une procédure alternative dans le cadre d’un accueil physique et téléphonique. Le ministère de l’Intérieur estime que la mise en place de l’ANEF permettra d’économiser 15 millions d’euros annuellement ainsi que 200 à 250 ETPT. Ces moyens devront être redéployés pour assurer l’accompagnement des usagers.

Recommandations :

– Prévoir les effectifs suffisants pour assurer le bon pilotage des grands projets, notamment immobiliers et numériques ;

– Redéployer les économies réalisées grâce à la dématérialisation vers l’accompagnement des usagers les plus en difficulté ;

C.   Le CNAPS, Un opérateur stratégique pour le bon déroulement des jeux olympiques de 2024

Le Conseil national des activités privées de sécurité, chargé de la régulation de l’ensemble des activités privées, est financé sur le programme 216 par une subvention pour charges de service public à hauteur de 17,5 millions d’euros pour un effectif total de 231 ETPT.

Ces moyens lui permettent d’assurer ses missions de police administrative (instruction, délivrance, suspension et retrait des autorisations des entreprises et des agents de sécurité privée), de contrôle et de sanction ainsi que de conseil et d’assistance à l’égard du secteur. Il réalise des contrôles ciblés selon un programme défini avec sa tutelle et à partir des signalements reçus. Son organisation a été réformée en profondeur par l’ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du CNAPS.

CNAPS : une réforme interne en deux temps

Au 1er mai 2022, le CNAPS a recentralisé les décisions vers le directeur général qui délègue une partie de son pouvoir vers les autorités locales. Le directeur traite les retraits de titre, les cas sensibles et les recours gracieux. Ce mécanisme doit permettre d’unifier la jurisprudence et de répondre dans des délais plus courts. Les sanctions relèvent du directeur général pour les amendes jusqu’à 5 000 euros, les avertissements et les blâmes. Au-delà c’est la commission nationale qui est compétente.

Au 1er septembre 2022, le CNAPS a mis en place sa nouvelle gouvernance autour d’un conseil d’administration, d’une commission de discipline et d’une commission d’expertise. Cette dernière pourra se réunir selon différents formats regroupant des professionnels des différentes activités concernées (vigiles, détectives privés, gardes du corps, transporteurs de fonds etc.).

Pour faire face à l’augmentation prévisible de son activité à l’approche de la Coupe du monde de Rugby en 2023 et des Jeux olympiques en 2024 ([6]), le CNAPS bénéficiera, à titre temporaire, de 10 ETPT supplémentaires (231 contre 221 en 2022). Ce gain en emploi devrait s’accompagner d’un soutien financier à hauteur 200 000 euros par an en 2023 et en 2024. Cette somme, indiquée à votre Rapporteur dans le cadre des auditions menées, n’est pas mentionnée dans les documents budgétaires. Ces crédits sont pourtant indispensables, notamment pour assurer un niveau élevé de contrôle qui semble pour l’instant insuffisamment anticipé.

Recommandation : Augmenter les moyens de contrôle du CNAPS à l’approche des grandes compétitions sportives et inscrire dès le budget pour 2023 le soutien financier apporté au CNAPS en plus des 10 ETPT supplémentaires.

 

*

*     *


—  1  —

 

Deuxième PARTIE :
l’accueil des usagers

Tant la diminution des moyens depuis 2007 que le choix de prioriser la dématérialisation sur l’accueil des usagers ont affecté la qualité du service rendu par l’administration territoriale de l’État, malgré l’engagement des agents. En particulier dans les territoires péri-urbains et ruraux, les citoyens ont observé un recul de la présence de l’État, ressenti comme un abandon et un manque d’intérêt pour leur situation.

Le constat – annoncé depuis longtemps par votre Rapporteur, dressé récemment par la Cour des comptes et acté par le Gouvernement dans le budget pour 2023 – est partagé : il est nécessaire de rétablir de la proximité et de la qualité de service pour tous les usagers sur l’ensemble du territoire. Cela a été dit précédemment, les moyens mis en œuvre par le projet de loi de finances pour 2023 sont encore insuffisants mais ils amorcent un changement de philosophie.

Votre Rapporteur a donc concentré ses travaux sur l’analyse des causes de la dégradation de l’accueil des usagers : la réduction des effectifs, l’externalisation, le recours aux vacataires, la dématérialisation. Il constate que cette stratégie a eu des effets néfastes sans permettre de réelles économies compte tenu du report du coût des missions autrefois assurées par l’État vers les usagers, qui doivent s’équiper et faire eux-mêmes les démarches, et vers des tiers (élus, associations, organismes privés lucratifs…). Fort de ces enseignements, votre Rapporteur émet différentes recommandations pour améliorer l’accueil des usagers et concilier la dématérialisation avec l’exigence d’adaptabilité et de qualité du service public.

I.   Une dégradation de la qualité de l’accueil des usagers sous l’effet d’une succession de réformEs

A.   une réduction rapide et mal pilotée du nombre d’agents dans l’administration territoriale de l’état

1.   Une réduction des effectifs guidée par la volonté de réduire à tout prix la dépense publique

La situation de l’administration territoriale de l’État, en particulier dans les préfectures et les sous-préfectures, est emblématique de la stratégie poursuivie par les gouvernements qui se sont succédés ces dernières années. Sous l’effet des théories du New public management et de la rigueur budgétaire, les effectifs ont été réduits et les citoyens ont été éloignés au profit de la dématérialisation, de l’externalisation et du recours à des vacataires.

Depuis 2007, les réformes de l’État territorial se sont multipliées :

– la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP) qui a abouti à la réorganisation de l’administration territoriale de l’État (RéATE) en 2010 ;

– la « Modernisation de l’action publique » (MAP) à partir de 2012 avec la réforme de la carte des régions en 2016 ;

– « Action publique 2022 » depuis 2017 qui a mis en œuvre le « Plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), la création des secrétariats généraux communs et la réorganisation des périmètres des directions départementales et régionales interministérielles.

Chacun à leur manière, ces plans ont réduit le nombre d’agents titulaires, notamment ceux chargés de l’accueil des usagers ou du contrôle de légalité. Sur la période de 2017 à 2022, PPNG prévoyait volontairement la réduction des guichets d’accueil – accessibles uniquement sur rendez-vous et pour un nombre limité de démarches, principalement celles concernant les étrangers – et le redéploiement des agents concernés sur des missions dites « prioritaires ».

Dans un rapport d’avril 2022, la Cour des comptes constate que « tous ministères et tous niveaux confondus, les effectifs de l’ATE sont passés de 82 429 ETPT à 70 666 ETPT entre 2012 et 2020, soit une réduction de 14 % » ([7]) et que « entre 2010 et 2020, les effectifs physiques des préfectures hors corps préfectoral sont passés de 27 613 à 23 652, soit une baisse de 14 % » ([8]). Elle estime que le réseau des préfectures a contribué à la réduction des effectifs « la plupart du temps très au-delà de leur poids dans les effectifs ministériels » ([9]). Dans les sous-préfectures, qui incarnaient la présence de l’État et la proximité des services publics pour les citoyens, cette diminution a atteint 24 %.

Par ailleurs, comme l’a souligné le secrétaire général de la Préfecture de Seine-Saint-Denis lors de son audition, la prise en compte des évolutions démographiques a été insuffisante, conduisant à aggraver le décalage entre le nombre d’habitants et le nombre de fonctionnaires. Le ministère de l’Intérieur a indiqué travailler actuellement à un « rebasage » des effectifs pour les mettre en adéquation avec la population et les besoins de chaque territoire.

Recommandation : Procéder au « rebasage » des effectifs par préfecture en fonction de leur niveau d’activité et de l’évolution démographique du territoire.

2.   Des solutions coûteuses pour pallier au manque d’effectifs et de moyens

Pour faire face à la réduction des effectifs, l’État a eu recours à différentes méthodes de gestion publique qui n’ont fait qu’aggraver la situation des agents et des usagers, en particulier les plus fragiles.

a.   La contractualisation

La Cour des comptes souligne la « dépendance aux contrats infra-annuels » de l’administration territoriale de l’État. Ces contrats permettent en effet des recrutements sans peser sur le schéma d’emploi, qui est apprécié au 31 décembre de chaque année. La masse salariale allouée à ces contrats a été multipliée par six, passant de 11,3 millions d’euros en 2010 à 67,2 millions en 2021. Ils représentent aujourd’hui 10 % des emplois en préfectures ([10]).

Ces contrats font naître de la précarité pour les agents et de l’instabilité pour l’administration. Ces agents sont souvent peu formés et n’ont pas le temps de maîtriser l’ensemble des procédures qu’ils ont à traiter. Plus récemment, les préfectures ont recouru massivement aux volontaires en service civique pour être au contact des usagers. Ces agents contractuels ou vacataires remplissent de plus en plus souvent des missions permanentes autrefois confiées à des titulaires.

Votre Rapporteur recommande donc de plafonner le recours aux agents contractuels et aux vacataires afin de mieux faire respecter la loi qui prévoit que « des agents contractuels de l’État peuvent être recrutés pour faire face à un accroissement temporaire ou saisonnier d’activité, si cette charge ne peut être assurée par des fonctionnaires de l’État » ([11]). Le ministère de l’Intérieur a indiqué vouloir mener un effort en ce sens grâce au renforcement des effectifs, notamment sur les missions d’accueil.

b.   La dématérialisation

La réduction des effectifs, en particulier dans les services assurant un accueil des usagers, devait être compensée par les gains issus de la dématérialisation. Des moyens humains ont donc été convertis en crédits d’investissement pour financer des projets informatiques coûteux, souvent retardés ([12]).

En outre, après leur développement et leur mise en service, ces applications impliquent des frais d’entretien élevé. Les moyens consacrés à la maintenance augmentent, d’autant que le nombre d’heures d’indisponibilité des applications est en hausse (8h01 en 2020, 17h28 en 2021, cible de 20h en 2022 et de 30h en 2023) ([13]).

Enfin, la dématérialisation expose les services de l’État à des risques de piratage. Des logiciels malveillants ont pu bloquer des centaines de créneaux de rendez-vous pour ensuite les remettre en vente sur internet. Selon la préfecture de Seine-Saint-Denis, les enquêtes pour remonter ces filières sont complexes et ont déjà démontré que ces pratiques étaient souvent le fait de réseaux criminels étrangers. Des moyens conséquents sont donc également consacrés à la mise à jour de ces applications et au renforcement de la sécurité informatique du ministère.

c.   Un report des coûts sur les tiers

Le coût des démarches a également été reporté directement sur les usagers, qui doivent désormais s’équiper et disposer d’une connexion internet. En l’absence d’alternative à la procédure numérique, la question de l’accès gratuit à internet, en particulier pour les plus vulnérables, se pose dès lors que l’État fait des économies en demandant aux personnes de réaliser elles-mêmes ce que les administrations faisaient il y a quelques années.

Le report du coût des procédures pèse également sur les associations, les travailleurs sociaux et même les élus locaux ou les parlementaires sur lesquels l’État compte pour aider les usagers.

d.   L’externalisation

Enfin, un certain nombre de dispositifs d’accompagnement ont été externalisés. Il s’agit notamment des plateformes d’assistance téléphonique auxquelles certaines administrations ont recours, par exemple l’ANTS. Outre le manque de formation des travailleurs de ces structures, les performances de ces prestataires sont loin des exigences des services après-vente du secteur concurrentiel en matière de taux de réponse et de délai d’attente.

L’externalisation a également consisté à encourager le recours à des prestataires privés pour faciliter les démarches, les rendant ainsi payantes. Autrefois monopole du service public, cette activité fait désormais intervenir de nombreux acteurs du secteur privé qui se rémunèrent en facilitant la réalisation de certaines démarches – par exemple les demandes de carte grise – qui sont devenues difficilement accessibles aux usagers en raison des délais nécessaires, de leur complexité et de l’absence d’agents pour les accompagner.

Recommandations :

– Plafonner le recours aux contrats infra-annuels dans l’administration territoriale de l’État ;

– Garantir un accès gratuit à internet sous condition de ressources ;

– Rétablir la gratuité de l’ensemble des démarches administratives, y compris les appels vers les administrations et leurs plateformes téléphoniques.

B.   Une dégradation des services rendus aux usagers

Les transformations à l’œuvre n’ont pas permis de répondre à ce qui aurait dû être leur objectif : l’amélioration du service rendu par l’État aux usagers. Guidés par la réduction des dépenses publiques, les suppressions de postes et leur remplacement par des outils numériques, des prestataires privés et des agents vacataires ont conduit à une diminution de la qualité de l’accueil du public et du déroulement des démarches administratives.

1.   Des délais en hausse

Dans le domaine des titres de séjour et des titres sécurisés, les délais pour obtenir un rendez-vous, faire instruire son dossier et obtenir la délivrance du titre n’ont cessé de s’accroître jusqu’à ce que le Gouvernement intervienne face à l’urgence de la situation.

Le recueil des dossiers de renouvellement des passeports et des cartes d’identité a été confié aux communes pour réduire les dépenses des préfectures et sous-préfectures. Les moyens mis en œuvre par celles-ci varient fortement d’un territoire à l’autre. En l’absence d’obligation de réaliser la démarche dans sa commune de résidence, certaines communes ont proposé peu de rendez-vous et d’autres ont été débordées par le nombre de demandes. Dès janvier 2022, le délai moyen a commencé à se dégrader et atteignait déjà 27 jours. En avril 2022, il était passé à 65,6 jours, avant de culminer à 77 jours au début du mois de mai. Il est redescendu depuis à 48 jours. Les préfectures, auxquelles cette mission venait d’être retirée, ont dû venir en aide aux communes pour prévoir des rendez-vous supplémentaires.

Dans les centres d’expertise et de ressources titres (CERT), rattachés aux préfectures, les délais d’instruction ont également augmenté faute de moyens humains suffisant et, en bout de chaîne, la production des titres a également connu des difficultés augmentant le délai d’impression et donc le délai total d’obtention des documents.

Les délais sont également élevés pour les démarches réalisées par les étrangers en France souhaitant régulariser leur situation ou demander la naturalisation.  La Défenseure des droits a été très mobilisée sur ce sujet, eu égard aux conséquences de ces retards sur la vie des personnes concernées, qui ont besoin d’être en situation régulière pour accéder à un emploi ou à des prestations sociales, envoyer leurs enfants à l’école et pouvoir sortir et entrer librement du territoire.

Face à l’embolie des prises de rendez-vous, les demandeurs ont saisi les juridictions administratives, qui ont ordonné des référés mesures utiles (RMU) pour imposer aux préfectures la création de nouvelles plages de rendez-vous. Plus de 2 000 RMU ont ainsi été prononcés en Seine-Saint-Denis. Les gains d’effectifs tirés de la dématérialisation se sont donc finalement traduits par une surcharge de travail pour les juridictions administratives et pour les services contentieux des préfectures, et par une inégalité de traitement entre les usagers qui bénéficient de l’assistance d’un avocat pour réaliser leurs démarches et les autres.

2.   L’incapacité de la dématérialisation à répondre à l’ensemble des besoins

La dématérialisation devait compenser la réduction des effectifs autrefois consacrés aux relations avec les usagers. Pour de nombreuses personnes, elle apporte effectivement un confort et un gain de temps importants. Cependant, même pour ces personnes, les démarches en ligne peuvent conduire, selon les termes de la Défenseure des droits, à des « blocages incompréhensibles » ou simplement des bugs.

Mais ce sont les publics en difficulté avec le numérique ou avec les démarches administratives qui rencontrent le plus d’obstacles. Il s’agit des personnes qui ne sont pas équipées ou ne savent pas utiliser le numérique – par « illectronisme » ou en raison de leur précarité –, des personnes pour lesquelles des démarches adaptées n’existent pas – situation de handicap, majeurs protégés, détenus – ou encore des personnes qui ne maîtrisent pas les exigences de l’administration même s’ils sont à l’aise avec l’informatique – c’est le cas des jeunes ([14]).

La mise en place des points d’accueil numérique (PAN) créés dans 173 sous-préfectures ([15]) n’apporte qu’une solution partielle. Ces espaces sont presque exclusivement confiés à des volontaires en service civique dont la formation ([16])  et l’encadrement sont très limités. Ils assurent en réalité une « aide au clic » qui peut répondre à certains besoins mais ils ne sont pas en mesure d’apporter une réponse à une situation complexe.

Votre Rapporteur a reçu plusieurs témoignages évoquant des usagers qui créent une adresse de messagerie dans un PAN mais ne la consultent pas, avec le risque de manquer une démarche ou la date d’un rendez-vous, voire de perdre le bénéfice d’une aide. Certaines préfectures ont également expérimenté le « zéro papier », jusqu’à empêcher aux usagers de repartir avec un document écrit en guise de récépissé ou de rappel pour leur prochain rendez-vous. Ces pratiques doivent être mieux réfléchies pour répondre avant tout aux besoins des citoyens.

Il est important de mieux identifier les problèmes pouvant résulter de la dématérialisation. Or les enquêtes de satisfaction réalisées au terme de la démarche excluent les personnes devant y renoncer en cours de route. Votre Rapporteur recommande sur ce point d’améliorer les dispositifs de recueil des dysfonctionnements, tout au long des démarches, notamment lorsqu’un blocage apparaît.

Enfin, votre Rapporteur estime, comme la Défenseure des droits ([17]), qu’il serait utile de permettre aux détenus, qui ont besoin de réaliser de nombreuses démarches pour préparer leur réinsertion, d’accéder aux sites internet de l’administration.

Recommandations :

– Réaliser des enquêtes de satisfaction tout au long du processus pour permettre de signaler des dysfonctionnements ;

– Permettre aux personnes détenues d’accéder aux sites internet de l’administration pour réaliser les démarches nécessaires à leur réinsertion.

3.   Des répercussions sur les conditions de travail des agents

Les agents titulaires qui sont restés en poste ont vu leurs conditions de travail se dégrader et ont le sentiment qu’on ne leur donne pas les moyens nécessaires pour réaliser leur mission de manière satisfaisante. Il en va de même pour les contractuels – notamment les vacataires – placés en situation de précarité et insuffisamment formés pour réaliser leurs tâches.

Les agents sont également touchés par la dématérialisation qui déshumanise les relations de travail : demande de « tickets » pour obtenir un acte de maintenance informatique, utilisation de boîtes fonctionnelles ou de « chatbot » pour échanger avec les ressources humaines, traitement des dossiers sans entretien avec les usagers etc. Dans les secrétariats généraux communs, la mutualisation des fonctions support, sans que les outils numériques et les installations immobilières ne suivent, a provoqué de nombreuses situations de souffrance au travail (voir première partie de l’avis).

Par ailleurs, les vacataires et les jeunes en service civique qui assurent des missions d’accueil se trouvent confrontées à des situations potentiellement conflictuelles et à des tâches répétitives, avec une formation et un encadrement minimaux. À titre d’exemple, les agents chargés d’accueil peuvent suivre une formation à la gestion des conflits mais celle-ci n’est dispensée qu’en ligne, empêchant toute mise en situation pratique.

Dans ces conditions, plusieurs préfectures peinent à recruter et fidéliser des jeunes en service civique. Lorsque leurs tâches sont plus diversifiées, ces expériences peuvent pourtant devenir enrichissantes et certains volontaires ont été embauchés à la fin de leur mission. L’accueil des usagers ne peut cependant reposer sur eux seuls.

Recommandations :

– Ne pas réduire les missions des services civiques en préfecture à l’accueil numérique, renforcer leur formation et ne pas leur confier des postes permanents ;

– S’assurer de la bonne application de la charte signée par le ministère de l’Intérieur auprès de l’agence du service civique.

II.   L’urgence d’agir face au creusement du fossé entre les usagers et les services publics

La réduction brutale de l’accès des usagers aux préfectures et les dysfonctionnements dans les démarches administratives font naître une défiance des citoyens à l’égard des services publics et, plus largement, de l’État. Le Gouvernement en a pris récemment conscience même si les mesures annoncées – à rebours de la politique menée depuis cinq ans – restent modestes.

Le développement du réseau France services va dans le bon sens en rapprochant les services publics des usagers et tente de réparer les dégâts causés. Leur développement implique néanmoins des ajustements et n’exclut pas le renforcement de l’accueil dans les préfectures et sous-préfectures.

A.   La nécessité de prévoir la permanence d’un accompagnement humain de qualité, y compris en direction des agents

Parmi les démarches individuelles des usagers, seules les demandes de titre de séjour et de naturalisation n’ont pas encore été intégralement dématérialisées. Elles le seront dans le cadre de l’administration numérique des étrangers en France (ANEF). Les préfets sont néanmoins libres de définir les modalités de dépôt de dossier et de réception des usagers et il existe presque toujours une étape dématérialisée (prise de rendez-vous, dépôt des pièces justificatives…). Hormis les démarches relatives aux droits des étrangers, celles qui continuent d’être réalisées en préfecture concernent essentiellement les professions réglementées (voir encadré).

Liste des démarches non dématérialisées réalisables en préfecture

– Demandes de titre de séjour et de naturalisation,

– Demande de cartes professionnelles de transport de personnes (Taxi, VTC),

– Autorisation d’exploitation des auto-écoles et centres de sécurité routière,

– Habilitation des professionnels au Système d’immatriculation des véhicules,

– Demande de carte de guide conférencier,

– Habilitation des opérateurs et des chambres funéraires,

– Autorisation de feux d’artifice, déclaration de manifestations sportives et culturelles

– Démarches relatives à la vidéoprotection,

– Agrément des gardes particuliers,

– Démarches relatives aux associations.

Compte tenu des obstacles rencontrés par les usagers, il apparaît indispensable de maintenir – pour les publics en difficulté mais aussi pour toutes les personnes rencontrant un problème – un interlocuteur physique, soit en accueil dans les préfectures, soit par téléphone. Cet interlocuteur doit être qualifié, connaître précisément la démarche et avoir les moyens d’apporter une solution.

Il s’agit de faire respecter le principe d’adaptabilité du service public pour que toutes les démarches soient accessibles à tous les citoyens, sans exception. Comme l’a indiqué la Défenseure des droits : « en matière d’accès aux droits, le seul taux de réussite satisfaisant est 100 % ».

Saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2021-313 du 24 mars 2021 relatif à la mise en place d’un téléservice pour le dépôt des demandes de titres de séjour, le Conseil d’État a estimé indispensable qu’une voie alternative à la dématérialisation reste ouverte. Plus précisément, il a indiqué que : « Eu égard aux caractéristiques du public concerné, à la diversité et à la complexité des situations des demandeurs et aux conséquences qu’a sur la situation d’un étranger, notamment sur son droit à se maintenir en France et, dans certains cas, à y travailler, l’enregistrement de sa demande, il incombe au pouvoir règlementaire, lorsqu’il impose le recours à un téléservice pour l’obtention de certains titres de séjour, de prévoir les dispositions nécessaires pour que bénéficient d’un accompagnement les personnes qui ne disposent pas d’un accès aux outils numériques ou qui rencontrent des difficultés soit dans leur utilisation, soit dans l’accomplissement des démarches administratives. Il lui incombe, en outre, pour les mêmes motifs, de garantir la possibilité de recourir à une solution de substitution, pour le cas où certains demandeurs se heurteraient, malgré cet accompagnement, à l’impossibilité de recourir au téléservice pour des raisons tenant à la conception de cet outil ou à son mode de fonctionnement » ([18]).

Afin de prendre en compte la décision du Conseil d’État, le ministère de l’Intérieur, dans un arrêté dont le projet de rédaction a été transmis à votre Rapporteur, prévoit la permanence d’une assistance téléphonique et d’un formulaire ainsi que d’un accueil physique. Ce dernier serait confié aux points d’accueil numérique.

Votre Rapporteur insiste donc sur la nécessité d’être encore plus ambitieux et d’inscrire dans la loi un principe intangible selon lequel toute démarche peut être réalisée de manière non dématérialisée si l’usager le souhaite, soit grâce à l’accompagnement d’un agent (en accueil physique ou par téléphone), soit en réalisant directement la démarche au guichet. Cela concernera un nombre limité de personnes mais réduira drastiquement les freins à l’accès aux droits dans ce domaine.

La mise en place d’une telle alternative est tout à fait réalisable comme le montre l’exemple de la préfecture de Seine-Saint-Denis qui a bénéficié de moyens exceptionnels pour faire face à la hausse des demandes de titres et à l’arrivée des réfugiés venus d’Ukraine. Le renfort en effectifs – à hauteur de six ETPT pour six mois –, la mise en place d’actions « d’aller vers » en proposant les rendez-vous sur demande et en organisant des permanences, a permis de résorber le stock. Le nombre de procédures de référés mesures utiles engagées pour obtenir des rendez-vous a immédiatement diminué (394 en juin 2022, 173 en juillet, 19 en août, 17 en septembre).

Recommandation : Garantir systématiquement la possibilité pour l’usager de réaliser sa démarche administrative en dehors des outils numériques.

B.   Renforcer le réseau des maisons France services

1.   Un dispositif qui tente de répondre au recul des services publics dans les territoires

En vue de compenser ce recul de l’État dans les territoires, de nouvelles structures ont été créées pour accueillir les usagers et les aider dans leurs démarches. Les maisons France services, anciennement Maisons de services au public (MSAP), ont été créées par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe.

Animées et coordonnées par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et ses référents départementaux, elles sont co-financées via le Fonds national France services auquel chaque partenaire du programme participe de manière forfaitaire ([19]). Pour sa part, le ministère de l’Intérieur y investit 4,6 millions d’euros en 2022. Il est également hébergeur de maisons France services puisque 32 sous-préfectures assurent un portage direct de ces structures.

Sur les 2 379 maisons France services, 65 % sont portées par des collectivités territoriales, 18 % par La Poste, 15 % par des points d’information médiation multi-services (PIMMS), le reste par les MSA et certaines sous-préfectures. Pour beaucoup d’entre elles, il s’agit de la labellisation d’un dispositif existant, accompagnée d’un soutien financier ([20]).

Contributions au fonds national France services en 2022

CNAV

2 193 425 euros

CAF

3 965 038 euros

CNAM

4 639 938 euros

MSA

2 193 425 euros

Pôle Emploi

4 639 938 euros

La Poste

4 639 938 euros

DGFIP

4 639 938 euros

Ministère de la justice

2 193 425 euros

Ministère de l’Intérieur

4 639 938 euros

Total

33 745 000 euros

Source : ANCT

L’État intervient aujourd’hui à hauteur de 30 000 euros par espace, pour un coût de fonctionnement évalué par l’ANCT entre 110 000 et 150 000 euros par an, soit un reste à charge d’au moins 80 000 euros pour les porteurs de projet. Pour limiter ce report de charge de la part de l’État sur d’autres acteurs, le montant de cette aide pourrait être augmenté.

Indéniablement, ces lieux sont utiles car ils répondent à une attente des citoyens et démontrent la nécessité de rétablir des services publics dans les territoires après les en avoir fait progressivement disparaître. Au total, l’ANCT estime que les maisons France services ont réalisé 3,5 millions d’accompagnements en 2021. Ce chiffre est à relativiser car, sur la même période, la Défenseure des Droits a vu le nombre de saisines concernant les relations entre les usagers et les services publics augmenter de 18 %, notamment en raison de l’accroissement simultané des procédures dématérialisées.

Les agents présents ne relèvent pas des organismes participant au dispositif mais de la structure d’hébergement (fonctionnaires territoriaux, membres d’associations…). Ils interviennent donc en facilitateur mais pas directement au nom des organismes supports. Outre le financement, les partenaires assurent la formation de ces agents et réalisent, occasionnellement, des permanences.

2.   Des freins à leur efficacité qui doivent être levés

Votre Rapporteur partage l’avis du directeur général de l’ANCT : l’extension de ce dispositif, très rapide, doit désormais être consolidée pour s’assurer de la qualité du service rendu.

En effet, dès lors que l’accueil du public est assuré par des agents n’appartenant pas aux administrations avec lesquelles les usagers souhaitent entrer en contact, il est indispensable que les agents disposent d’interlocuteurs dédiés. Il faut également, dans la mesure du possible, qu’ils soient formés pour pouvoir répondre à certaines requêtes des usagers, éventuellement en accédant à quelques-unes des fonctionnalités des logiciels métiers des administrations partenaires.

La Défenseure des droits a ainsi signalé des situations dans lesquelles les agents des maisons France services n’ont pas d’autres solutions que de reproduire la démarche en présence de l’usager sans apporter un réel gain d’efficacité. La mise en place récente du dispositif « Administration + » devrait améliorer la situation. Selon l’ANCT, cet outil permet à l’agent de « contacter un partenaire afin de résoudre un problème complexe ou un blocage administratif ; en retour, l’opérateur doit apporter une réponse dans les 72 heures ».

Les administrations et organismes participant au dispositif ne semblent pas toujours jouer le jeu, soit en ne désignant pas d’interlocuteur, soit en fermant leur guichet lors de l’arrivée d’une maison France services. Comme l’indique la Défenseure des droits dans son avis au Parlement : « Dans certains départements, les associations signalent déjà […] que des organismes de sécurité sociale refusent de prendre en charge une partie des démarches à leurs guichets et renvoient les assurés vers les espaces France services, voire, sur certains territoires, ferment encore des guichets, comptant sur France services pour prendre en charge la relation à l’usager » ([21]). Cet effet de substitution des guichets existants par des maisons France services est difficile à quantifier mais justifie qu’un audit précis soit réalisé et que le cahier des charges de la labellisation prévoit ces cas de figure pour les éviter.

Recommandations :

– Augmenter la participation de l’État dans le financement des maisons France services ;

– Évaluer le fonctionnement des maisons France services et adapter le cahier des charges pour limiter l’effet de substitution à des guichets existants ;

– Identifier des interlocuteurs dans les administrations support des maisons France services pour procéder aux démarches.

    


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   Liste des recommandations

– Attendre que les gains attendus de la dématérialisation ou de la mutualisation soient réalisés avant de procéder au redéploiement des effectifs et des moyens concernés ;

– Renforcer les moyens consacrés à l’accueil physique et téléphonique des usagers pour les aider dans leurs démarches administratives ;

– Prévoir les effectifs suffisants pour assurer le bon pilotage des grands projets, notamment immobiliers et numériques ;

– Redéployer les économies réalisées grâce à la dématérialisation vers l’accompagnement des usagers les plus en difficulté ;

– Augmenter les moyens de contrôle du CNAPS à l’approche des grandes compétitions sportives et inscrire dès le budget pour 2023 le soutien financier apporté au CNAPS en plus des 10 ETPT supplémentaires ;

– Procéder au « rebasage » des effectifs par préfecture en fonction de leur niveau d’activité et de l’évolution démographique du territoire ;

– Plafonner le recours aux contrats infra-annuels dans l’administration territoriale de l’État ;

– Garantir un accès gratuit à internet sous condition de ressources ;

– Rétablir la gratuité de l’ensemble des démarches administratives, y compris les appels vers les administrations et leurs plateformes téléphoniques ;

– Réaliser des enquêtes de satisfaction tout au long du processus pour permettre de signaler des dysfonctionnements ;

– Permettre aux personnes détenues d’accéder aux sites internet de l’administration pour réaliser les démarches nécessaires à leur réinsertion ;

– Ne pas réduire les missions des services civiques en préfecture à l’accueil numérique, renforcer leur formation et ne pas leur confier des postes permanents ;

– S’assurer de la bonne application de la charte signée par le ministère de l’Intérieur auprès de l’agence du service civique ;

– Garantir systématiquement la possibilité pour l’usager de réaliser sa démarche administrative en dehors des outils numériques ;

– Augmenter la participation de l’État dans le financement des maisons France services ;

– Évaluer le fonctionnement des maisons France services et adapter le cahier des charges pour limiter l’effet de substitution à des guichets existants ;

– Identifier des interlocuteurs dans les administrations support des maisons France services pour procéder aux démarches.


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   Examen en commission

Lors de sa seconde réunion du mardi 18 octobre 2022, la commission des Lois a examiné pour avis les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/3zegcK

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Cette mission est constituée du programme 354 Administration territoriale de l’État, du programme 232 Vie politique et du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. J’ai consacré mon étude thématique à l’accueil des usagers dans les services publics, notamment dans les préfectures et les sous-préfectures, ainsi que dans les maisons France services.

Lorsque nous vous alertions sur les suppressions d’effectifs dans les administrations déconcentrées, nous nous entendions dire qu’il n’y avait pas de difficultés et que les gains d’effectifs dus à la dématérialisation seraient redéployés, surtout dans les services d’accueil des étrangers. La Cour des comptes s’est chargée de rétablir la vérité, dans un rapport paru le 14 avril 2022 sur « Les effectifs de l’administration territoriale de l’État ». Elle s’y montre très sévère avec la politique menée dans le cadre des réformes successives, notamment du programme Action publique 2022 et de la mise en œuvre du Plan préfectures nouvelle génération (PPNG). Elle montre que le gain en équivalents temps plein travaillé (ETPT) ne correspond pas aux objectifs que le ministère s’était lui-même fixés et que les redéploiements promis au lendemain de la mobilisation des gilets jaunes pour renforcer l’échelon départemental n’ont pas été tous réalisés. Elle indique, sans doute avec plus d’autorité que moi, que le recours aux contrats infra-annuels a augmenté, pour un coût qui est passé de 10 à plus de 60 millions d’euros, entraînant de nombreuses difficultés de gestion des personnels.

La Défenseure des droits a remis deux rapports, en 2019 et en 2022, sur la dématérialisation des services publics. Elle note que celle-ci est souvent à l’origine des signalements concernant les relations entre les administrations et les citoyens, en augmentation de 18 %. Nous avons dénoncé les conditions dans lesquelles les étrangers sont accueillis dans les préfectures et les sous-préfectures, notamment en Seine-Saint-Denis, où un business a prospéré pendant quatre ans – il fallait débourser 500 euros pour une prise de rendez-vous – avant qu’une nouvelle procédure y mette fin.

Le Conseil d’État également a rendu, le 3 juin dernier, une décision relative à la dématérialisation des titres de séjours par l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef). Il a invité le ministère de l’intérieur à prévoir un accompagnement adapté et une voie de substitution non dématérialisée. La préfecture de Seine-Saint-Denis a remis en place, grâce au concours de six ETP, une procédure d’accueil et de suivi du dossier par un même agent – c’est donc bien qu’un tel dispositif était possible et qu’il peut être dupliqué. Les agents, qui ont été les premiers à souffrir des réformes successives, sont heureux d’y participer.

La réforme des secrétariats généraux communs, d’ordre réglementaire, nous a échappé, mais rien n’empêche que nous nous intéressions à ses conséquences. Toutes les organisations syndicales dénoncent les situations de grande souffrance qu’elle a entraînées, alors que les objectifs de la mise en commun des fonctions supports – ressources humaines, paye, exécution de la dépense – ne sont pour l’instant pas atteints.

Il est prévu de faire machine arrière et de recréer des filières d’accueil dans les préfectures et les sous-préfectures. Nous nous en réjouissons, même si le projet n’a pas de traduction budgétaire ou organisationnelle et qu’il n’est encore qu’à l’état d’ébauche, comme l’a indiqué le secrétaire général du ministère. Un document sur les missions prioritaires des préfectures (MPP) fait état des moyens de fidélisation des agents. Il évoque le complément de rémunération que sont les nouvelles bonifications indiciaires (NBI) – mais d’autres agents se les verront supprimer puisqu’elles sont appliquées à périmètre constant – ainsi que des bons d’achat, pour des vêtements ou le coiffeur – j’ignorais que les agents de préfecture étaient si mal coiffés !

Si l’on veut que ces nouvelles filières d’accueil voient le jour, il faut rémunérer et former les agents correctement. Le ministère, que j’ai interrogé sur ce point, m’a expliqué sérieusement qu’il existait une formation à distance sur la gestion des conflits… Par ailleurs, le premier accueil en préfecture, comme le démontre le rapport de la Cour des comptes, est assuré par des jeunes en service civique, envoyés, sans formation aucune, au-devant d’usagers souvent mécontents. On me l’a expliqué à la préfecture de Seine-Saint-Denis, les services ont du mal à recruter, puis à garder ces jeunes sur toute la durée de leur service.

Le ministre a parlé de 208 ETPT supplémentaires pour le programme 354. Une lecture attentive du projet annuel de performance (PAP) montre cependant qu’il ne faudra compter, pour toute la France, que sur 25 ETPT supplémentaires, puisque 183 ETPT sont transférés d’un autre programme. Je vous laisse juges de l’adéquation de ces chiffres avec les constats dressés par la Cour des comptes et la Défenseure des droits.

Autre point d’alerte, le programme 216 perd des ETPT alors que, pour conduire, encadrer les projets et dépenser les 15 milliards d’euros prévus par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), il faut des effectifs supplémentaires. Ne croyons donc pas aux phrases grandiloquentes qui annoncent que, pour la première fois dans l’histoire, les effectifs sont stabilisés. On en a tant supprimé ces dernières années qu’il y a urgence à les rétablir.

L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), chargée de piloter, avec peu de moyens, les maisons France services, n’a pas produit d’état des lieux sur leur déploiement. Certaines maisons sont des endroits qui existaient déjà et qui ont été, en quelque sorte, repeints ; d’autres, créées ex nihilo, fonctionnent bien. Toutefois, les agents disent avoir eux-mêmes des difficultés pour établir des contacts privilégiés dans les administrations et aider ainsi les personnes. La Défenseure des droits a même expliqué que, dans certaines villes, les administrations fermaient leurs accueils physiques et renvoyaient les usagers à la maison France services. Il faut que nous restions très vigilants.

Vous l’aurez compris, je rends un avis très critique sur ces programmes. Vous trouverez aussi dans mon rapport une focale sur le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), dont les missions et l’activité prendront une certaine ampleur à l’approche des Jeux olympiques.

M. le président Sacha Houlié. Il est vrai que les préfectures ont manqué de moyens, notamment pour la numérisation des procédures, et que les difficultés qui en ont découlé ont été encore aggravées par la crise sanitaire. Le renouvellement des titres, transféré pour partie aux collectivités, n’a pas été sans entraîner quelques incompréhensions chez nos concitoyens.

Je n’ai pas vos réserves sur la qualité des réseaux préfectoraux, qui se trouve renforcée par le recrutement de personnes non issues du sérail, ce qui participe de l’attractivité des métiers.

Je suis tout à fait en désaccord avec vous sur les maisons France services, alors que j’étais de ceux qui n’y croyaient pas lors de leur création. Plus personne ne se plaint aujourd’hui de difficultés d’accès aux services publics dans les territoires ruraux alors que la grogne était forte en 2019. Certes, tout n’est pas optimal et il est vrai que certaines administrations dans les territoires urbains ont tendance à se délester sur le réseau pour des raisons de simplification. Mais dans l’ensemble, c’est une réussite.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je ne suis pas opposé aux maisons France services, bien au contraire ! Je fais part des dysfonctionnements qui ont été constatés, souvent par les agents qui y travaillent. Alors que des moyens ont été mis pour le déploiement de ce réseau et qu’on accompagne les personnes qui ont des difficultés avec le numérique, on continue de dématérialiser les procédures, si bien que le taux de saisine de la Défenseure des droits a augmenté de 18 % ! Il faudra que les administrations se résignent un jour à réorganiser des accueils téléphoniques. Il faudra même aller au bout de la démarche et garantir à chacun la possibilité de se rendre physiquement dans les lieux pour faire ses démarches. La numérisation concerne, en réalité, 80 % des personnes. La Défenseure des droits nous a expliqué que les jeunes, entre 18 et 25 ans, sont ceux qui se plaignent le plus des difficultés d’accès aux services publics. Ne croyez pas que faire une démarche en ligne, c’est comme poster sur TikTok… Il ne faut pas mégoter sur les moyens, sinon c’est la défiance envers la République et ses institutions qu’on nourrit.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean Terlier (RE). Je crois, monsieur le rapporteur pour avis, que votre vision des maisons France services est un peu trop urbaine. Dans le Tarn, les vingt-cinq maisons France services, qu’elles aient été créées ex nihilo ou constituées à partir de structures déjà existantes, fonctionnent très bien et ce sont toujours les citoyens les plus éloignés des services publics qui en profitent.

La mission Administration générale et territoriale de l’État (AGTE) poursuit son objectif de modernisation de l’action publique, tant dans son organisation que dans ses moyens. Un effort budgétaire inédit est consenti avec 500 millions d’euros de crédits supplémentaires, hors programme 232, afin de financer les ambitions du projet de Lopmi. Le projet de loi prévoit notamment une augmentation des moyens humains, juridiques, budgétaires et matériels de 15 milliards. Pas moins de 8 500 postes seront créés au cours du quinquennat, avec un triple objectif : engager la transformation numérique du ministère ; rapprocher les services des citoyens ; mieux prévenir les crises.

Après deux ans de stabilisation des effectifs de l’administration territoriale de l’État, les effectifs des préfectures et des sous-préfectures augmenteront pour la première fois depuis dix ans. Conformément à l’engagement du président de la République, quarante-huit postes seront créés dès 2023 – concrètement, le Tarn gagne un quatrième sous-préfet.

L’effort de modernisation de l’action publique se poursuit. L’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) bénéficiera d’un relèvement du plafond des taxes qui lui sont affectées, à hauteur de 22 millions, pour financer des projets tels que l’identité numérique.

La tendance au recul des services publics s’inverse et l’État renforce sa présence dans les territoires, avec la création de plus de 2 000 espaces France services. Si le programme est une réussite dans la ruralité, les territoires urbains en bénéficient aussi. À Castres, agglomération de 40 000 habitants, la réouverture en sous-préfecture d’une maison France services est particulièrement bienvenue.

Les effectifs des services locaux de l’État ont cessé de décroître et le niveau départemental, celui de la proximité, a été revalorisé. Ces services continueront de renforcer leur présence dans les zones périurbaines et rurales, notamment celles qui connaissent une démographie dynamique.

Le groupe Renaissance votera ces crédits.

M. Stéphane Rambaud (RN). La mission AGTE est dédiée à trois objectifs : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des libertés publiques ; assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République ; mettre en œuvre, localement, les politiques publiques nationales. Elle regroupe les crédits consacrés au fonctionnement des services déconcentrés du ministère, à ses fonctions support ainsi qu’aux subventions et aides publiques dont il assure la gestion. Les crédits s’élèvent à 3,75 milliards d’euros ; 53 % d’entre eux vont au programme 354, 43 % au programme 216 et 4 % au programme 232.

La modernisation de l’action publique, le renforcement de l’efficacité des services déconcentrés, la création de nouveaux emplois dans les préfectures et les sous-préfectures font partie des ambitions affichées du budget.

Je ne demande qu’à croire le PAP, mais je ne peux juger de la pertinence de ces informations. Il faudra m’expliquer comment on entend faire mieux avec moins de crédits, puisque la mission AGTE était dotée de 4 milliards en 2022.

Où en est-on du projet de création d’un site unique du renseignement intérieur ? Les 28 millions destinés à la construction du futur site de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen seront-ils suffisants ? Comment s’articulent-ils avec les 30,5 millions en crédits de paiement (CP) prévus pour ce projet immobilier ? Que deviendront les locaux de Levallois-Perret, qui ont coûté si cher ?

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). En écoutant l’analyse de notre rapporteur, je me disais qu’il n’était question que d’une seule chose : le service public comme patrimoine de ceux qui n’ont rien.

Pour que le service public puisse assurer ses missions, il faut en garantir l’accessibilité physique et matérielle. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’arrêt de la saignée dans les effectifs, mais cela n’est pas suffisant et je crains qu’il ne faille de nombreuses années pour récupérer tout ce qui a été supprimé.

Avec les difficultés de renouvellement des cartes nationales d’identité (CNI), des passeports et des titres de séjour, nous sommes devant un paradoxe : c’est le système lui-même qui crée des situations de non-accès aux droits – un comble ! Les procédures, désormais assurées par les collectivités pour le compte de l’État, se sont allongées, la production est débordée : il faut désormais soixante-cinq jours pour une CNI, parfois cent jours dans certains départements, contre un jour et demi en avril 2021. Les moyens humains manquent, c’est évident.

Pour la continuité du service public, les moyens qui permettent au système de fonctionner – immobilier, numérique, maintenance des matériels, développement des applications – doivent être mobilisés. Cependant, je rejoins le rapporteur pour avis lorsqu’il nous invite à aller au bout de la démarche. La Défenseure des droits l’a noté, la hausse des signalements est due à la poursuite de la dématérialisation ; nous devons donc être très prudents à l’égard des développements qui sont prévus. C’est en tout cas l’avis du Conseil d’État, qui a demandé au Gouvernement de prévoir une solution de substitution non dématérialisée.

Que la sécurité privée se soit développée de façon exponentielle après les attentats de 2015, avec un élargissement du cadre réglementaire en matière de fouilles ou de contrôle, devrait nous interroger. Il convient de rapporter les 183 000 salariés des 12 000 entreprises privées – pour un chiffre d’affaires de 8 milliards – aux 224 000 policiers et gendarmes. On nous explique qu’il faudrait prévoir 20 000 à 25 000 salariés supplémentaires pour la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques. Il y a là matière à réflexion : des missions de service public aussi majeures peuvent-elles être assurées dans ce cadre ?

Pour conclure, une remarque sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) : il est toujours surprenant, pour un élu local qui demande une subvention pour des médiateurs de nuit, de se voir opposer la mise en œuvre d’un réseau de vidéosurveillance.

M. Alexandre Vincendet (LR). Le budget de cette mission ne peut être décorrelé cette année du projet Lopmi, dont l’article 2 prévoit une progression constante des CP et des plafonds des taxes affectées – 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans. Pourtant, nous ignorons quel montant sera affecté à la mission AGTE.

Le programme 354, placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère, concentre plus de la moitié des crédits de la mission. Il permet de financer les 74 000 agents du réseau de l’administration territoriale de l’État. Dans son rapport sur les effectifs de l’administration territoriale pour la période 2010-2020, la Cour des comptes souligne que l’effort demandé chaque année aux services depuis la réorganisation de 2010 a mené à la suppression cumulée de 14 % de l’effectif initial, soit 11 763 ETPT. La baisse est d’une ampleur identique pour le seul périmètre des préfectures ; compte tenu des crises successives auxquelles le pays a été confronté, il est essentiel de consolider l’échelon départemental.

Les efforts de modernisation entrepris en 2018 doivent être poursuivis. Dans le cadre du programme national d’équipement (PNE) des préfectures, près de 100 millions ont été consacrés à l’entretien lourd, au développement durable et à la sécurisation du patrimoine immobilier, tandis que 14 millions permettaient de financer des opérations de sécurisation des installations.

À compter de 2023, les services dont l’activité constitue un enjeu majeur pour le ministère – instruction et délivrance des titres de séjour, lutte contre le séparatisme et la radicalisation, communication et gestion de crise, accueil des usagers – bénéficieront de 210 nouveaux ETP ces trois prochaines années. Si l’on peut se réjouir des moyens humains supplémentaires accordés à la lutte contre le séparatisme et la radicalisation, on peut s’interroger sur la priorité accordée aux délais de traitement des demandes de titres de séjour quand 7 millions de Français se voient imposer une attente interminable pour refaire leur CNI ou leur passeport. Je rappelle que de nombreux Français n’ont pas pu partir en vacances cet été.

Le groupe Les Républicains a toujours prôné une meilleure accessibilité des citoyens aux services déconcentrés de l’État. Nous saluons la création, sur le quinquennat, de 8 500 postes au sein du ministère et la hausse des effectifs de l’administration territoriale, avec la création de quarante-huit postes en 2023 et la réouverture de six sous-préfectures.

Le niveau exceptionnel d’investissement pour le numérique de l’ATE – près de 90 millions entre 2019 et 2022 – a permis de répondre au développement massif du télétravail et de faire converger les infrastructures départementales, métropolitaines et ultramarines pour tirer les conclusions de la nouvelle organisation territoriale de l’État (OTE). Alors que nos concitoyens sont nombreux à accéder difficilement aux services territoriaux de l’État, nous ne pouvons qu’espérer un réarmement de l’État dans ce domaine.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Le groupe Démocrate salue l’effort budgétaire inédit de 500 millions, qui s’inscrit dans le cadre de la future Lopmi. Il se traduira par un renforcement de la présence de l’État dans les territoires, une augmentation des effectifs – 210 ETP sur trois ans, dont 48 dès l’année prochaine – étant prévue pour les préfectures et les sous-préfectures. Celles-ci pourront ainsi assurer les missions que le Gouvernement a désignées comme prioritaires : la lutte contre la radicalisation et le séparatisme, le pilotage des crises, l’accompagnement des étrangers et l’accueil du public.

Nous sommes particulièrement attachés à la décentralisation et à la territorialisation de l’action publique. Or nos concitoyens se heurtent souvent à des délais de délivrance importants et à des obstacles liés à la numérisation des formalités. Il a été décidé de déployer les maisons France services dès 2019 sur l’ensemble du territoire. Dans le Loir-et-Cher, 19 maisons France services ont été labellisées, où les habitants effectuent leurs démarches de proximité et bénéficient d’un accompagnement physique personnalisé. Les retours sont excellents, et le maire de Montrichard Val de Cher me faisait part récemment de sa fierté d’avoir la maison la mieux notée du département. Si le chemin est encore long à parcourir, on peut se réjouir d’apporter une réponse concrète à la fracture territoriale.

Le président de la République a inauguré la semaine dernière la sous-préfecture de Château-Gontier, fermée en 2016 ; d’autres sous-préfectures rouvriront bientôt, et avec elles de nouveaux points d’accueil où les agents pourront instruire plus rapidement les demandes. L’État doit entendre les difficultés et apporter des solutions au plus près des territoires : un plan d’urgence a été mis en place en mai pour réduire les délais de délivrance des CNI, qui sont passés de 55 jours à 38 jours en septembre ; les dispositifs de recueil des empreintes digitales ont été également renforcés. Ne pensez-vous pas, monsieur le rapporteur pour avis, que les maisons France services pourraient avoir leur place dans cette chaîne ?

Nous sommes convaincus que c’est en retissant le lien entre l’État et les citoyens que nous parviendrons à redonner confiance dans l’action publique. Ce budget en nette augmentation participe de cet objectif et est résolument tourné vers les territoires.

Le groupe Démocrate soutiendra cette dynamique.

M. Hervé Saulignac (SOC). Cette mission concerne très directement la présence de l’État sur l’ensemble du territoire, donc sa capacité à mettre à mettre en œuvre les politiques publiques nationales. Les deux dernières années ont été marquées par une nouvelle organisation territoriale, avec un schéma d’emplois qui a mis fin à la suppression des effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures, initiée en 2007 par la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Pourtant, je veux souligner combien la création de 208 ETP sur trois ans paraît bien modeste face aux enjeux. Beaucoup de sous-préfectures sont dormantes et l’accueil du public a vécu. Heureusement, les députés assurent une partie du travail, assistés d’un ou deux collaborateurs ; ils doivent souvent intercéder pour ceux de leurs concitoyens qui ne parviennent pas à entrer en contact avec les services de l’État. Les maisons France services n’ont pas tout réglé, forcément, et il peut paraître ubuesque d’en voir certaines ouvrir au sein même des sous-préfectures. On finit par se demander s’il n’aurait pas mieux valu y laisser des fonctionnaires – cela aurait coûté moins cher !

Les préfectures ont accéléré la dématérialisation durant la pandémie, peut-être parce que leurs services ont alors pu trouver le temps nécessaire : il n’est à présent plus possible de prendre un rendez-vous physique avec les services de l’État – un onglet existe sur la plupart des sites des préfectures mais il n’est pratiquement jamais opérationnel. En Ardèche, on ne peut prendre de rendez-vous que pour les passages en commission médicale pour les permis de conduire.

En conséquence, des dizaines de milliers de personnes n’ont pas accès à leurs droits, notamment les publics étrangers qui, pour demander leur titre de séjour ou leur régularisation, ont besoin, plus que tout autre public, d’un échange physique, d’autant que nombre d’entre eux n’ont pas accès à internet. Les préfectures sont d’ailleurs parfois condamnées par le tribunal administratif, à la suite de référés mesures utiles, pour avoir refusé ces rendez-vous.

Que les documents budgétaires aient porté le délai cible pour le renouvellement des titres de séjour à cinquante jours pour 2023, contre trente jours en 2022, atteste de la difficulté des services à traiter ces renouvellements. Le ministère de l’intérieur a conscience de ces difficultés : en juillet 2021, le ministre s’était engagé à inscrire à la mission en charge des services des étrangers un plan de soutien triennal de 570 ETP. Avec ces nouveaux moyens, un calendrier de réouverture de services est-il prévu ?

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Avec plus de 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement, les crédits alloués au pilotage territorial des politiques du Gouvernement connaissent une évolution substantielle et nécessaire.

Après la suppression cumulée de 14 % de l’effectif des services déconcentrés, soit près de 12 000 ETP, depuis 2010, le budget pour 2023 consolide l’échelon territorial, si important pour les élus et nos concitoyens. Les crédits ainsi débloqués permettront l’instruction et le suivi des dossiers au quotidien dans les sous-préfectures et les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR). Le groupe Horizons salue cette initiative, qui contribuera à renforcer les administrations et à rééquilibrer les territoires.

Nous avons également noté l’augmentation du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, dans lequel figure notamment le Fonds interministériel de prévention de la délinquance. Dans les territoires ruraux, cet outil a donné aux élus la possibilité de déployer la vidéoprotection dans le cadre du contrat d’engagement républicain, tout en luttant contre les dérives sectaires et séparatistes. Le FIPD est doté d’environ 80 millions en 2023, en augmentation de 10 millions.

La réouverture des sous-préfectures est un symbole fort pour les élus et pour nos concitoyens. Elle doit s’accompagner d’un renforcement encore plus net des services existants, pour permettre le fonctionnement courant de l’administration des territoires. La création de 210 ETP sur trois ans dans les services chargés des étrangers y contribue, mais ces postes sont aussi nécessaires en matière d’animation des politiques publiques interministérielles, de contrôle de légalité des actes des communes et pour mieux accompagner le soutien aux aléas climatiques.

La répartition des emplois entre préfectures sera progressivement rééquilibrée en tenant compte de la réalité des territoires. Comment ce rééquilibrage se fera-t-il dans les départements du Nord, de la Corse et de la Manche : combien d’emplois seront concernés ? S’agira-t-il de créations d’emplois nets ?

Le groupe Horizons votera les crédits de cette mission.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). M. le ministre veut faire disparaître les files d’attente devant les préfectures par le biais de la dématérialisation – des personnes qui ont traversé la moitié de la planète pour fuir la guerre, la misère, les persécutions ne font probablement pas assez propre dans nos centres-villes…

On annonce des robots d’accueil, des visioplaintes, un traitement quasi automatisé des demandes d’asile, et ce traitement dématérialisé serait aussi envisagé pour les violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes. Quand on connaît la réalité du travail des personnels dans les préfectures, en dehors des cabinets, on pourrait se réjouir de cette possibilité d’allégement des tâches. Or ce n’est pas tant de cela que l’on a besoin que de personnels supplémentaires. Selon les spécialistes, la dématérialisation, par sa déshumanisation, peut aussi provoquer un recul de la confiance dans les institutions et creuser davantage la rupture entre les Français et celles-ci. Comment traiter des violences intrafamiliales de façon dématérialisée ?

Ce qui se dessine à travers cette simplification, ce n’est pas plus de services publics, c’est moins d’accueil et plus de limitations pour les personnes. Certes, les maisons France services sont censées apporter une aide pour les démarches de proximité. Mais pourquoi mettre les moyens, en personnel et en dotations, dans des créations quand on pourrait renforcer l’existant ?

Depuis des années, pour demander une subvention nationale ou européenne, les paysans doivent remplir des formulaires d’une telle complexité qu’ils en sont réduits à payer les services de l’État pour les accompagner dans cette démarche. Pour les paysans, qui ne touchent que 300 à 500 euros par mois, la dématérialisation c’est 50 à 80 euros par acte, parce qu’ils n’ont pas de temps à y consacrer – avant, ils étaient accompagnés d’un bout à l’autre de la procédure de dépôt de dossier, et ne perdaient ni temps, ni argent. Voilà la réalité que l’on promet à tous les Français et aux personnes qui ont fui l’horreur pour venir chez nous.

L’an dernier, 26 millions d’euros ont été affectés à la dématérialisation, et on nous promet de nouvelles dotations. Peut-être pourrait-on envisager d’autres perspectives ?

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Dois-je me réjouir de cette mise en lumière du manque d’accompagnement de la dématérialisation ? J’ai eu si longtemps l’impression de passer pour une ringarde qui voulait empêcher la numérisation ou la dématérialisation lorsque j’en pointais les dysfonctionnements !

À titre personnel, je m’en satisfais tout à fait, car elle me permet de gérer à distance nombre de tâches et d’alléger ma charge mentale. En tant qu’élue d’une circonscription populaire, en revanche, je vois de plus en plus de personnes dont les problèmes se sont aggravés, qui éprouvent une colère grandissante envers les services publics censés leur apporter des réponses et garantir l’égalité. La dématérialisation est une fracture supplémentaire dans le pays, et la présence des services publics ne se pose pas seulement dans les zones rurales. Dans ma permanence, en zone très urbanisée, je dois traiter de façon récurrente les problèmes liés aux permis de conduire, aux cartes grises, mais aussi aux services des étrangers.

L’État, c’est affolant, a accordé en quelque sorte une délégation de service public gratuite à nombre d’associations et d’élus. On finit par trouver normal que certains actes relevant auparavant des agents en préfecture soient à présent effectués par des associations – d’ailleurs, largement discriminées pour la plupart – ou par des élus qui pourraient avoir d’autres missions à accomplir. À la préfecture test des Hauts-de-Seine, la dématérialisation a été amorcée depuis longtemps. Lorsque la création d’un point d’accueil a été envisagée pour aider les usagers, on m’a dit sans plaisanter qu’il fallait demander un rendez-vous en ligne pour y accéder – au moins ai-je pu obtenir l’installation d’un numéro de téléphone.

Ce n’est là qu’une « aide à cliquer », alors que les usagers les plus vulnérables ont plutôt besoin d’une aide pour constituer les dossiers, comprendre les consignes. Essayez de déposer un dossier dématérialisé au service chargé des étrangers. Je l’ai fait plusieurs fois sans être sûre d’avoir fait les choses correctement ; quant à joindre le service pour s’assurer du bon dépôt du dossier, demander quel est le temps d’attente et, le cas échéant, faire une relance, il n’y a personne pour répondre ! L’enjeu ici est tout autre que la possibilité de régler des petites choses par voie dématérialisée ; c’est la possibilité de rester dans le pays, d’avoir un boulot, d’ouvrir un compte en banque, de scolariser ses enfants.

S’il y a des moyens supplémentaires, nous les prendrons, évidemment, car ils sont nécessaires. Mais on sait qu’un agent d’accueil qui n’accueille plus, ou de plus en plus mal, est exposé aux risques psychosociaux, à la souffrance au travail, et finit par partir. S’ensuit un turnover qui augmente, au point que dans nombre de services de préfectures, les vacataires sont plus nombreux que les titulaires. Et le traitement des dossiers se passe encore plus mal.

La dématérialisation n’accélère donc pas non plus le rythme de traitement des dossiers ; elle a même plutôt tendance à le ralentir et à créer mal-être au travail et incertitudes pour les usagers.

M. Paul Molac (LIOT). La réouverture de six sous-préfectures est certes un symbole, mais ne réglera pas grand-chose : ce n’est pas tant un échelon administratif supplémentaire que nos concitoyens demandent, mais des services publics locaux, proches de préférence, et qui fonctionnent. L’installation des maisons de services au public (MSAP) n’avait pas été simple : les fonctionnaires territoriaux avaient dû se former, des bugs informatiques se produisaient – j’ai eu quelques déboires pour immatriculer un tracteur un peu trop âgé…

La situation, pour les cartes grises, s’est un peu améliorée. Pour les passeports et les CNI, il ne faut pas être pressé. En passant par la voie ordinaire, j’ai obtenu un rendez-vous dans un délai de quatre mois pour renouveler mon passeport ; en faisant jouer la carte de député pour aider des citoyens dont la date de départ se rapproche, on peine tout de même à obtenir des rendez-vous plus rapidement. Quant aux étrangers, la situation est gaguesque : certains titres ne sont pas renouvelés à temps ; à Rennes, deux Marocains ont été envoyés directement à La Cimade par la préfecture, pour être aidés.

Finalement, je suis content des maisons France services, où les fonctionnaires sont bien formés car ils se sont frottés à la réalité. Certes, l’État se décharge sur les collectivités territoriales, mais le service est là – c’est toujours ça de gagné.

Le projet de Lopmi souligne la question des moyens numériques. Le contact de proximité sera-t-il maintenu dans les territoires ruraux ? Pour mon passeport, j’ai obtenu un rendez-vous dans une mairie à 20 kilomètres de mon domicile, mais certains devront en parcourir 50 ou 60.

Je termine avec la propagande électorale, dont je me suis occupé sous le quinquennat Hollande. Je reste attaché à la propagande papier, qui est bien souvent le seul lien direct des citoyens avec leurs futurs élus. La distribution en avait été très perturbée lors des élections régionales et départementales de juin 2021 ; elle s’est améliorée lors de l’élection présidentielle et des élections législatives. Il faudra veiller à ce que les commissions de propagande se tiennent assez tôt pour que l’impression et la distribution se fassent dans la plus grande fluidité. 

M. Rémy Rebeyrotte (RE). La Défenseure des droits s’est montrée moins sévère que le rapporteur, et même plutôt optimiste, vis-à-vis des maisons France services, tout en soulignant la nécessité d’une mission d’évaluation en 2023 ou 2024, après un temps de fonctionnement du dispositif. La satisfaction est plutôt bonne, tant pour l’accueil des jeunes, auxquels la e-administration pose aussi des problèmes, que pour celui des plus âgés. Dans ma circonscription, les maisons France services ont ramené au service des citoyens des administrations qui avaient quitté le territoire.

Je suis d’accord avec le rapporteur, les préfectures, qui sont au cœur de notre vie administrative, doivent revoir et privilégier l’accueil, de la même façon que le font toutes les communes, qui maintiennent quelques heures d’ouverture pour accueillir le public, au moins par téléphone.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Ma sévérité à l’égard des maisons France services est plutôt une exigence : ces structures doivent fonctionner, elles ne peuvent pas décevoir. Or, dans certains endroits, elles ne sont pas correctement déployées – la Défenseure des droits l’a signalé sans que les préfectures qui pilotent ce déploiement en tiennent toujours compte.

Certaines maisons France services sont ouvertes dans des sous-préfectures. Ne serait-il pas plus simple de rouvrir les sous-préfectures ? Même si on peut se faire plaisir avec un label, l’important est d’avoir un accueil, quelqu’un auprès de qui les citoyens peuvent trouver des réponses et un accompagnement. Il ne faudrait pas, toutefois, que le bon démarrage des maisons France services serve de prétexte à certaines administrations pour fermer leurs accueils physiques – un phénomène déjà commencé et signalé par la Défenseure des droits et les agents. Je me dois d’alerter à ce sujet et aussi de mettre un bémol à la réussite des maisons France services : on en ouvre de plus en plus, à la satisfaction du public, et pourtant la Défenseure des droits constate une augmentation de 18 % des saisines.

Le problème perdure donc parce qu’on démultiplie les expériences de dématérialisation dans de nombreux domaines. Cette conduite du changement pourrait servir de cas d’école pour enseigner aux fonctionnaires ce qu’il ne faut pas faire : surtout, ne pas retirer les effectifs des structures avant de constater les gains concrets dans les procédures. Cela figure dans mon rapport et la Cour des comptes l’a également pointé. Ce ne sont pas 240 ETP, que l’on ne retrouve d’ailleurs pas dans le budget pour 2023, qui compenseront les centaines d’effectifs supprimés au sein des préfectures dans les cinq dernières années – depuis 2010, selon la Cour des comptes. Cela repart dans le bon sens, certes, mais trop timidement, et les problèmes persistent.

Le gain est plus appréciable dans les zones rurales, car les structures sont créées ex nihilo, sur l’emprise de chefs-lieux de canton. Mais il bénéficie surtout à l’administration, car le gain de temps résulte non pas de l’accélération des procédures, mais du report de la constitution des dossiers sur l’usager. Quand l’usager n’y arrive pas, parce que ses informations ne rentrent pas dans les cases du logiciel ou que celui-ci ne fonctionne pas toujours comme on l’espérait, on en arrive aux situations ubuesques décrites par M. Molac : les services de l’État le redirigent vers des associations.

Au nom de la majorité, M. Terlier a reconnu que l’on inversait la dynamique de recul des services publics. C’est bien de reconnaître ses erreurs, mais c’est aussi dommage d’avoir alerté en vain, en étant pris, comme l’a dit Elsa Faucillon, pour des ringards. Ces points d’accueil ne peuvent pas être que de l’aide au clic. Selon la Défenseure des droits, certains problèmes des personnes en situation d’illectronisme pourront être résolus dans les maisons France services, mais, pour celles qui n’utilisent pas habituellement d’adresse mail, ils perdureront. C’est pourquoi il faut que le législateur décide de garantir une procédure papier pour toute personne qui en fait la demande. C’est une exigence démocratique, pour rendre effectif l’accès au droit.

Monsieur Rambaud, je ne connais pas les projets immobiliers du ministère s’agissant de l’emprise territoriale de la DGSI. Le programme 216 pilotera de nombreux projets immobiliers et numériques au titre des 15 milliards d’euros de la Lopmi. Or, pour 2023 et les années suivantes, je ne vois pas d’effectifs dédiés à leur gestion. Il faut pourtant des gens pour dépenser 15 milliards, pour suivre les volets informatique et immobilier des projets, vérifier l’avancement des chantiers, traquer les malfaçons. Le schéma d’emplois indiqué dans le PAP pour 2023 est de moins 7 équivalents temps plein – sans même parler du plafond, qui est en baisse.

Élisa Martin a évoqué le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, dont la moitié finance des dispositifs de sécurisation ou de vidéosurveillance. Or ceux-ci n’ont pas démontré leur efficacité pour prévenir la délinquance. Plusieurs études, dont une de la gendarmerie, ont même montré le contraire. Il faudrait que ces crédits servent vraiment à la prévention de la délinquance.

En matière de radicalisation, j’ai été quelque peu choqué par les éléments de langage relatifs au contre-discours employés sur le compte Twitter du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à évaluer l’usage des crédits gérés par le FIPD, au regard de la pertinence et des effets.

Monsieur Vincendet, le détail de la ventilation des 15 milliards d’euros a été promis au rapporteur de la Lopmi, M. Boudié, qui s’est engagé à le transmettre aux commissaires aux lois. J’attends, comme tout le monde, ce document, non sans saluer le tour de force du ministre, qui a réussi à obtenir 15 milliards, avant d’expliquer à quoi ils allaient servir !

Madame Jacquier-Laforge, la délivrance des cartes d’identité et passeports s’améliore, mais on partait de loin. Les gains escomptés de la spécialisation et du découpage des procédures n’ont pas été obtenus. Il faut écouter les alertes et arrêter de conduire des réformes en quatrième vitesse, sans agents, sans encadrement, car on finit par externaliser même au sein de ces services. L’Agence nationale des titres sécurisés passe ainsi des marchés publics pour des plateformes téléphoniques : ce sont désormais des salariés au lieu de fonctionnaires du service public qui répondent aux questions des usagers. La précarité et la paupérisation sont en marche !

Monsieur Saulignac, il était important que des référés mesures utiles soient déposés et que les avocats se saisissent de la question. Depuis juillet dernier, on ne peut plus prendre de rendez-vous en ligne à la préfecture de Seine-Saint-Denis, et c’est tant mieux car cela a mis fin au business qui était apparu dans ce domaine. En revanche, pour une démarche simplifiée, il est possible de solliciter le service, qui donne une date.

Il n’est pas vrai que 2021 et 2022 ont marqué la fin des schémas d’emplois négatifs. Ces deux années, le périmètre budgétaire a été modifié : on est passé du programme 333 au programme 354, avec des transferts d’agents des directions départementales interministérielles, ce qui a permis d’afficher une non-diminution de façade. Le rapport de la Cour des comptes indique que, dans l’intervalle, des économies ont bien été réalisées et que, pour l’ensemble de l’administration de l’État, il y avait bien une diminution. C’était d’ailleurs le but des réformes successives et de la mise en place des secrétariats généraux communs, qui n’ont pas fonctionné.

Madame Poussier-Winsback, j’attends, comme vous, des détails sur le rééquilibrage des dotations des préfectures. Le secrétaire général du ministère, que nous avons interrogé lors de l’audition sur la Lopmi, a indiqué avoir pris connaissance du rapport de la Cour des comptes, et qu’il ferait des rééquilibrages à l’occasion des nouvelles arrivées d’effectifs. C’est souhaitable car plusieurs sous-préfectures sont en sous-administration.

Quant au contrôle de légalité, la Cour des comptes a été claire : les engagements pris pour le renforcer n’ont pas été honorés. Il continue donc d’être sous-doté, et des décisions qui ne sont pas examinées par les préfectures vont au contentieux.

Monsieur Molac, la situation de la propagande électorale était « moins pire » lors des élections présidentielle et législatives, mais on ne peut se satisfaire de 10 % à 20 % de non-distribution. Chaque fois, cela éloigne des gens du vote, ce qui a des conséquences directes sur l’abstention.

La promesse de réinternaliser la distribution dans les préfectures n’a pas été tenue, et plus de 40 % de la propagande a continué d’être externalisée pour les élections présidentielle et législatives – on est obligé de croire sur parole les prestataires pour ces chiffres, ce qui n’est guère satisfaisant. L’État n’est jamais mieux servi que par lui-même pour garantir la bonne tenue des élections.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Rambaud, selon les informations communiquées à la Délégation parlementaire au renseignement, le programme immobilier de la DGSI devrait voir le jour à Saint-Ouen à l’horizon 2026 : des crédits de 1,2 milliard d’euros ont été inscrits dans le budget.

(…)

La commission en vient à l’examen des amendements sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CL103 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. La Cour des comptes a évalué les réductions d’effectifs dans les préfectures et les sous-préfectures à environ 4 000 agents depuis 2010. Cet amendement propose de leur affecter des effectifs supplémentaires, afin que le nombre d’agents soit suffisant pour assurer l’accueil des usagers.

Les 67 millions d’euros inscrits au profit du programme Administration territoriale de l’État sont financés par une réduction des crédits de l’action 03 Numérique du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. Cela répond à une certaine logique : moins de développement numérique et plus d’agents pour l’accueil physique.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Cet amendement souligne notre attachement à une présence humaine et à un accueil physique dans de bonnes conditions. Une alternative à la dématérialisation doit continuer d’être proposée. C’est nécessaire pour garantir l’accès au droit de tous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL107 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. L’amendement vise à augmenter le nombre d’emplois au sein du programme 216. Le projet de Lopmi prévoit en effet des investissements colossaux dans des projets qu’il faudra bien piloter.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). C’est une question d’efficacité : il faut que les projets majeurs, en matière de numérique ou d’immobilier, soient menés à bien, conformément à la volonté politique affichée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL104 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Chers collègues de la majorité, il serait souhaitable, pour mettre en œuvre votre propre politique, que vous votiez cet amendement. J’ai fait mon travail de rapporteur pour avis et constaté que les 200 000 euros promis au Cnaps, en plus des 10 ETP, n’apparaissent pas. Ce ne peut être qu’un oubli, que je vous propose de réparer.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le recours massif aux sociétés de sécurité privée est un problème en soi. Il faut absolument qu’on donne au Cnaps les moyens d’assurer le contrôle des 20 000 ou 25 000 personnes supplémentaires qui seront embauchées à l’occasion de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL17 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Les préfectures doivent mieux accompagner le public confronté à la dématérialisation des procédures, notamment pour les demandes de titre de séjour.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. La majorité s’honorerait de voter cet amendement symbolique – il augmente les crédits du programme de 1 euro – ; elle tirerait ainsi les conséquences de l’avis du Conseil d’État sur la dématérialisation des demandes de titre de séjour.

Je rappelle que c’est à la suite de cet avis que la préfecture de Seine-Saint-Denis a réorganisé l’accueil en ses murs. Il serait souhaitable que les autres préfectures fassent de même, si ce n’est pour rendre l’accès aux droits effectifs, du moins pour éviter d’autres contentieux administratifs.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État non modifiés.

La commission examine ensuite pour avis les amendements sur les articles rattachés à la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Avant l’article 41

Amendement II-CL110 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je propose de préciser dans la loi que le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) a aussi pour mission de lutter contre les discriminations et les provocations à la haine et que les dispositifs de vidéoprotection n’entrent pas dans son champ. Ainsi, son activité correspondra au nom qui lui a été donné.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous devons lutter contre les discriminations, car la France est un pays républicain qui, normalement, ne fait pas le tri entre les gens. Par ailleurs, notre société est confrontée à des incitations à la haine fondée sur la religion, des députés s’adonnant régulièrement à ce type de provocations. Il faut que l’Assemblée envoie un signal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL106 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je propose qu’un rapport évalue l’activité du FIPD et son pilotage par le CIPDR. Il analyserait notamment les financements dédiés à la vidéoprotection et au contre-discours, ainsi que leurs résultats en matière de réduction de la criminalité et de prévention de la radicalisation. Nous disposons en effet d’éléments qui tendent à montrer que la vidéoprotection est inefficace – hormis en matière de surveillance et de contrôle des populations, une politique que d’autres que nous défendrons. Que des moyens soient dédiés au contre-discours a fait beaucoup réagir, notamment dans la sphère médiatique. Enfin, la déradicalisation a donné lieu à des gabegies financières, des charlatans ayant proposé leurs services pour des sommes importantes.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Indépendamment des crédits qui lui sont consacrés, le FIPD doit être en soi vertueux. Nous demandons à vérifier que les subventions qu’il accorde ont un effet sur la prévention de la délinquance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL105 du rapporteur pour avis.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je demande un rapport sur les moyens de l’ANTS et sur les conséquences du recours à des services privés pour faciliter la délivrance de certains titres. Cette externalisation engendre des surcoûts parfois cachés, car ils n’apparaissent pas en dépenses de personnels – on a supprimé des postes d’agent – mais en dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, le travail sur ces plateformes téléphoniques est sujet à des risques psychosociaux aggravés.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il serait quand même étonnant que cette demande de rapport soit rejetée par la majorité, nous privant ainsi de moyens de contrôle sur l’effectivité des politiques et l’usage des deniers publics.

M. le président Sacha Houlié. La commission des lois a pour habitude de rejeter ces demandes de rapport car ses membres se voient confier des missions de contrôle – M. Bernalicis est bien placé pour le savoir.

La commission rejette l’amendement.

 


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   Personnes entendues

   M. Olivier Jacob, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale

   M. Jean-Gabriel Delacroy, sous-directeur de l’administration territoriale

   M. Cyrille Maillet, directeur général

   M. Frédéric Antiphon, secrétaire général

   Mme Valérie Régnier, directrice des étrangers et des naturalisations

   Mme Claire Hédon, défenseure des droits

   Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale

   M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation

   Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire

   M. François-Antoine Mariani, directeur général

   M. Xavier Giguet, secrétaire général

   Mme Béatrice Angrand, présidente

   Mme Élodie Morival, directrice générale

   M. Paul Afonso, secrétaire général

   M. David Mario Libouban, secrétaire général adjoint 

   Mme Christine Marot, secrétaire générale

   M. Frédéric Guillo, secrétaire général adjoint

   Mme Karine Tartas, secrétaire générale adjointe

   M. Michel Giordano, secrétaire général adjoint

   M. Gérard Delahaye, membre de la commission exécutive 

   M. Christophe Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, président de l’association

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022.

([2]) Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022, pp. 6, 11 et 13.

([3]) Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022, p. 14.

([4]) Ibidem, p. 16.

([5]) Données publiées sur les sites des préfectures.

([6]) Le nombre d’agents de sécurité privée supplémentaires nécessaires pour couvrir ces évènements est estimé entre 20 000 et 25 000 (Cour des comptes, note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021).

([7]) Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022, p. 6.

([8]) Ibidem, p. 7.

([9]) Ibidem. p. 11.

([10]) Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022, p. 16.

([11]) Article L. 332-22 du code général de la fonction publique.

([12]) Voir tableau p. 17.

([13]) Indicateur de performance 3.1, PAP « Conduite et pilotage de l’intérieur », n° 216.

([14])  Selon la Défenseure des droits, 25 % des 18-25 ans indiquent rencontrer des difficultés pour réaliser seuls des démarches en ligne (14 points de plus que la moyenne).

([15]) Réponses au questionnaire budgétaire.

([16]) La formation obligatoire des volontaires en service civique consiste dans une formation aux premiers secours (PSC 1) et deux journées de formation civique et citoyenne, sans lien direct avec la mission.

([17]) Avis de la Défenseure des droits relatif à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2023, 4 octobre 2022, n° 22-03, p. 7.

([18]) Conseil d’État, 3 juin 2022, n° 452798, cons. 10.

([19])  Les contributions sont fondées sur une clé de répartition liée à leur nombre d’usagers potentiels au niveau national par an :

– Plus de 12 millions d’usagers potentiels : contributions de 13,75 % ;

– Entre 5 et 12 millions d’usagers potentiels : contribution de 11,75 % ;

– Moins de 5 millions d’usagers potentiels : contribution de 6,5 %.

([20]) Le nombre de créations nettes d’espace d’accueil n’a pas pu être transmis à votre Rapporteur.

([21]) Avis de la Défenseure des droits relatif à la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2023, 4 octobre 2022, n° 22-03, p. 19.