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N° 341

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2022

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 273)
de finances pour 2023

TOME III

JUSTICE

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

 

PAR M. Éric POULLIAT,

Député

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 Voir les numéros : 292 – III – 30

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2022 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION ............................................ 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2023 DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

I. UNE PROGRESSION GLOBALE DE 7,5 % DU BUDGET PÉNITENTIAIRE

A. une année marquée par l’augmentation des crédits dédiés à la politique de réinsertion des personnes placées sous main de justice

1. Les aménagements de peines et mesures alternatives à l’incarcération

2. La politique de réinsertion et de prévention de la récidive

B. Une politique d’amélioration du parc pénitentiaire qui s’inscrit dans la continuité des efforts précédents

1. La poursuite du programme immobilier pénitentiaire

2. Un effort spécifique pour la maintenance et l’entretien des établissements pénitentiaires

3. La poursuite des efforts de sécurisation et de modernisation des établissements pénitentiaires

C. La poursuite des efforts budgÉtaires en direction des personnels pÉnitentiaires

1. La création de 809 emplois

2. La poursuite de la politique d’amélioration catégorielle

II. LES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE EN AUGMENTATION DE 10,5 %

A. Des efforts budgétaires en direction des personnels À la suite du Ségur de la santé en gestion 2022

1. Les trois objectifs stratégiques de la protection judiciaire de la jeunesse

2. Une augmentation de 13,6 % des dépenses de personnel

B. Une augmentation de 6 % des crédits hors masse salariale

1. Les mesures de prise en charge des mineurs délinquants et les mesures d’investigation

2. Les missions de soutien et de formation

SECONDE PARTIE : LA politique de réinsertion, un objectif central de la prise en charge des personnes placées sous main de justice

I. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation, au cœur de la politique de réinsertion

A. Les personnels d’insertion et de probation

1. Les différents métiers de l’insertion et de la probation

2. L’évolution des effectifs des SPIP

3. La politique de ressources humaines des personnels d’insertion et de probation

a. Des évolutions dans le recrutement des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation

b. Des difficultés rencontrées dans la politique de ressources humaines des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation

B. L’immobilier des SPIP

II. milieu ouvert et milieu fermé, le double champ d’intervention de la politique de réinsertion

A. La prise en charge en milieu ouvert, un enjeu fondamental et pourtant trop peu connu du travail des SPIP

1. Le développement du suivi en milieu ouvert pour les courtes peines, une volonté politique encore confrontée à des difficultés de mise en œuvre

2. La systématisation de certaines libérations sous contrainte : un enjeu de prise en charge de ces nouvelles sorties de détention

B. Les activités proposées au sein des détentions, un enjeu majeur en matière de réinsertion en milieu fermé

1. Des politiques d’établissement ambitieuses mais contraintes

a. La variété des activités proposées aux personnes détenues

b. Des situations variables selon le type d’établissement et en fonction des contraintes liées aux lieux de détention

2. L’implication de différents acteurs, dont l’articulation mériterait sans doute d’être clarifiée

C. La construction du parcours de sortie et la solidification du lien « dedans-dehors »

EXAMEN EN COMMISSION

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Pour ce premier budget de la mandature, les moyens octroyés à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse augmentent de manière significative. Cette dynamique engagée depuis 2017 témoigne de l’importance accordée par les pouvoirs publics aux questions carcérales et à la justice des mineurs.

Le montant des crédits du programme n° 107 consacré à l’administration pénitentiaire en 2023 s’élève ainsi à 4,927 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 7,5 % représentant une augmentation de 343 millions d’euros par rapport à 2022. Ces efforts budgétaires continuent de s’inscrire dans la logique de modernisation du service publique pénitentiaire prévue par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ([1]). Ils traduisent également les évolutions prévues en 2021 par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([2]). Ces crédits soutiennent trois priorités : renforcer la sécurité des personnels et des établissements, favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) et améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires ainsi que la prise en charge des PPSMJ en luttant contre la surpopulation carcérale.

Le programme n° 182 consacré à la protection judiciaire de la jeunesse suit la même dynamique, puisque le montant des crédits de paiement prévus pour 2023 s’élève à 1 087 millions d’euros, soit une hausse de 10,5 %, représentant une augmentation de 103 millions d’euros par rapport à 2022. Dans le cadre d’un nouveau plan stratégique national, établi pour la période 2022-2027, cette augmentation des moyens budgétaires et humains permettra notamment de consolider le rôle central de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dans la politique de la justice des mineurs.

*

*     *

Pour ce premier rapport de la législature, votre rapporteur souhaite orienter ses travaux vers les activités de réinsertion, en milieu fermé comme en milieu ouvert, et l’accompagnement vers la sortie s’agissant des personnes détenues.

Afin de rompre les parcours de délinquance, le suivi des personnes placées sous main de justice par les services d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire est essentiel. Ce suivi, qui contribue pleinement à donner son sens à la peine, est une composante fondamentale de la réponse pénale mise en œuvre dans notre pays.

C’est dans cette perspective que votre rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique du présent rapport au travail réalisé par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Leurs missions s’exercent dans un double contexte, à la fois en milieu fermé et en milieu ouvert, et aucun de ces deux champs ne doit être négligé. Lorsque la décision judiciaire implique un emprisonnement, la continuité de la prise en charge entre milieu fermé et milieu ouvert est, en outre, un élément nécessaire à la réussite du parcours de réinsertion d’une personne détenue.

 


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   PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS POUR 2023 DE L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Le projet de loi de finances pour 2023 marque le début de la nouvelle mandature, mais s’inscrit logiquement dans la continuité de la dynamique engagée depuis 2017, en prévoyant une nouvelle hausse des budgets alloués à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse.

Concernant l’administration pénitentiaire, l’augmentation de 8,6 % des crédits de personnels (y compris CAS pensions), qui pour 2023 s’élèvent à 3,1 milliards d’euros, devrait permettre la création de 809 emplois pour l’administration pénitentiaire. Hors masse salariale, l’augmentation de 5,7 % des crédits de paiement alloués à l’administration pénitentiaire¸ qui s’élèvent pour 2023 à 1,8 milliard d’euros, traduit de nouveaux efforts budgétaires, notamment en matière d’entretien et de maintenance, ainsi que pour la politique de réinsertion.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, les crédits de personnels, qui s’élèvent à 644,7 millions d’euros, augmentent de 13,6 %. Hors masse salariale, les crédits de paiement représentent un total de 442,6 millions d’euros, en augmentation de 6 % par rapport à l’année 2022.


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I.   UNE PROGRESSION GLOBALE DE 7,5 % DU BUDGET PÉNITENTIAIRE

L’administration pénitentiaire connaît, pour 2023, un renforcement significatif de ses moyens, avec une progression globale des crédits de paiement de 7,5 % par rapport à 2022.

(autorisations d’engagement, en millions d’euros)

 

Crédits votés en loi de finances pour 2022

Crédits demandés pour 2023

Évolution 2022-2023

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

3 538

3 451

- 2,5 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

2 562

1 498

- 41,5 %

Soutien et formation (Action 04)

444

461

+ 3,8 %

Total

6 544

5 410

- 17,3 %

 

(crédits de paiement, en millions d’euros)

 

 

 

Crédits votés en loi de finances pour 2022

Crédits demandés pour 2023

Évolution 2022-2023

Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice (Action 01)

3 110

3 313

+ 6,5 %

Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice (Action 02)

1 038

1 153

+ 11,1 %

Soutien et formation (Action 04)

436

461

+ 5,7 %

Total

4 584

4 927

+ 7,5 %

Source : projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 25.

Cette évolution s’inscrit dans la continuité des efforts budgétaires précédemment consentis dans les différentes lois de finances, avec des augmentations de 2,2 % en 2018, 5,7 % en 2019, 6,2 % en 2020, 7,8 % en 2021 et 7,4 % en 2022.

En incluant les dépenses relatives aux pensions, le budget de l’administration pénitentiaire s’élève à 4,927 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 343 millions d’euros par rapport à l’année dernière, soit une progression de 7,5 %.

Hors dépenses relatives aux pensions, le budget 2023 s’élève à 3,907 milliards d’euros, en hausse de 268 millions d’euros, soit 7,4 % d’augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

A.   une année marquée par l’augmentation des crédits dédiés à la politique de réinsertion des personnes placées sous main de justice

L’accompagnement des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) vers la réinsertion et la lutte contre la récidive sont une mission centrale de l’administration pénitentiaire. Les budgets alloués à cette politique connaissent cette année une augmentation importante de 34 % pour le budget des aménagements de peines et mesures alternatives à l’incarcération, d’une part, et de 13 % pour les actions de réinsertion et de prévention de la récidive, d’autre part.

1.   Les aménagements de peines et mesures alternatives à l’incarcération

Le projet de loi de finances pour 2023 met l’accent sur le développement des aménagements de peines et les mesures alternatives à l’incarcération. Ces politiques bénéficieront l’année prochaine d’une dotation de 53,4 millions d’euros en crédit de paiement et en autorisation d’engagement, soit une augmentation de 34 % par rapport à l’année 2022.

Comptabilisés au sein des dépenses de fonctionnement de l’action 01 ([3]), ces crédits se répartissent entre :

– les mesures liées à la surveillance électronique (28 millions d’euros, soit 4,5 % d’augmentation par rapport à 2022) ;

– le bracelet anti-rapprochement (BAR) (11,5 millions d’euros, soit 144,7 % d’augmentation ([4])) ;

– le placement à l’extérieur (13,9 millions, soit 67,5 % d’augmentation ([5])).

2.   La politique de réinsertion et de prévention de la récidive

En 2023, les crédits alloués à la politique de réinsertion des personnes placées sous main de justice sont portés à 122,6 millions d’euros, soit une progression de 13 % par rapport à 2022. Ces crédits soutiennent la mise en œuvre de plusieurs mesures de l’action 02 ([6]).

Ils financent tout d’abord des dépenses de fonctionnement pour un total de 106,7 millions d’euros, qui pourront être réparties entre les mesures suivantes :  

– la mise en place du statut du détenu travailleur (12,8 millions d’euros, soit 28 % d’augmentation par rapport à 2022) ;

– un dispositif de formation professionnelle des personnes détenues (17 millions d’euros, au même niveau que l’année précédente) ;

– le partenariat avec l’Éducation nationale pour l’enseignement des mineurs et des adultes (1,4 million d’euros, contre 1,3 million d’euros en 2022) ([7]) ;

– les autres actions de réinsertion, portées notamment par les services pénitentiaires d’insertion et de probation la diversification des actions de réinsertion offertes aux détenus (20,5 millions d’euros, soit 10,8 % d’augmentation) ;

– le renforcement des prises en charge collectives en milieu ouvert (nouvelle dépense de 4 millions d’euros) ;

– le travail en détention au sein du service général (51 millions d’euros, soit 15,4 % d’augmentation).

Les principales augmentations sont donc dédiées à la réforme du statut du détenu travailleur, comme l’a d’ailleurs fait remarquer la CGT insertion probation, lors d’une table ronde organisée par votre rapporteur. L’augmentation des « autres actions de réinsertion » semble quant à elle résulter d’une mesure de périmètre comme expliqué ci-après.

Ces crédits comprennent en outre des dépenses d’intervention pour un total de 15,8 millions d’euros. Ces dépenses sont consacrées :

– à la lutte contre la pauvreté à travers les aides aux indigents (8 millions, en augmentation de 14 %) ;

– aux subventions aux associations, destinées à financer notamment les activités culturelles et sportives des personnes détenues (7,8 millions, contre 10,5 millions en 2023, soit une diminution de 25 %).

Selon la direction de l’administration pénitentiaire, cette diminution des subventions aux associations s’explique par une mesure de périmètre. Ces crédits auraient été rebasculés afin de payer « à l’acte » les activités organisées en détention plutôt que de verser des subventions aux associations. En effet, le budget des « autres actions de réinsertion » est passé de 18,5 millions en 2022 à 20,5 millions en 2023, soit une augmentation 10,8 %. Cette hausse du budget dédié au financement des actions de réinsertion ne représente toutefois que 2 millions d’euros, tandis que la baisse des subventions aux associations s’élève à 2,7 millions d’euros. Votre rapporteur remarque en outre qu’il s’agit donc d’un financement au cas par cas des activités, ce qui n’assure pas la pérennité des actions de réinsertion menées par les associations.

B.   Une politique d’amélioration du parc pénitentiaire qui s’inscrit dans la continuité des efforts précédents

La poursuite de la réalisation des opérations immobilières correspondant au programme « 15 000 places », se traduit par un nouvel effort budgétaire, puisque les dépenses d’investissement (titre 5) augmentent de 14,6 millions d’euros, passant de 636,3 millions d’euros en 2022 à 650,9 millions d’euros en crédits de paiement pour l’année 2023. Hors partenariat public-privé, les crédits consacrés à la construction de nouveaux établissements et à l’entretien du parc immobilier pénitentiaire s’élèvent à 583,2 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à l’année dernière.

1.   La poursuite du programme immobilier pénitentiaire

Parmi ces crédits, d’investissement, 417,4 millions d’euros sont dédiés aux opérations menées par l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) au titre du « plan 15 000 ».

Au 1er juillet 2022, selon le projet annuel de performance, 2 081 places nettes ont été mises en service ([8]). D’ici la fin de l’année, 450 places supplémentaires seront encore ouvertes ([9]) ; l’effort mené en 2022 représentera donc au total 2 531 nouvelles places, soit près de 17 % de l’objectif des 15 000 places.

La majeure partie des autres opérations de construction ont d’ores et déjà été lancées : cinq en 2020 ([10]), quatre en 2021 ([11]) et sept en 2022 ([12]). Deux derniers chantiers doivent encore être lancés : la structure d’accompagnement vers la sortie (SAS) de Châlons-en-Champagne et le centre pénitentiaire de Magnanville.

En outre, un établissement pénitentiaire d’une dizaine de places sera construit à Wallis-et-Futuna ; 5,1 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits à ce titre dans le PLF pour 2023 ([13]).

2.   Un effort spécifique pour la maintenance et l’entretien des établissements pénitentiaires

L’entretien des établissements constitue l’une des priorités de l’administration pénitentiaire. À ce titre, sont prévus, parmi les crédits d’investissement demandés pour 2023, 124,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Votre rapporteur salue la pérennité de ces efforts, qui sont essentiels pour garantir la dignité des conditions de détention des personnes détenues comme celle des conditions de travail des personnels pénitentiaires. En effet, ces moyens destinés à l’entretien des établissements ont été en constante augmentation depuis 2017 : 80,7 millions d’euros en crédits de paiement au titre de la loi de finances initiale pour 2018, 100,6 millions en 2019, 110 millions en 2020 et en 2021, 120 millions en 2022.

En sus de ces crédits, 65 millions d’euros seront également consacrés à la réhabilitation du centre pénitentiaire de Faa’a en Polynésie française ([14]). Le lancement de ce chantier sera initié en 2023.

3.   La poursuite des efforts de sécurisation et de modernisation des établissements pénitentiaires

Pour 2023, les moyens alloués à la sécurisation des établissements pénitentiaires sont de 114 millions d’euros en crédits de paiement. Ils sont donc en diminution par rapport à l’année précédente où ils avaient été portés à 135,6 millions d’euros, ce qui représentait une augmentation de 113 % par rapport à l’année 2021. Cette diminution s’explique par l’effort budgétaire particulièrement important qui avait été mis en place l’année dernière, afin de mettre en œuvre un plan d’investissement spécifique en matière de protection des sites pénitentiaires. En particulier, plus de 35 millions d’euros ont été dédiés à un nouveau programme de protection, comprenant l’installation de clôtures, de portails sécurisés et de systèmes de vidéo-surveillance (incluant un lecteur de plaques d’immatriculation), qui sera déployé sur une quarantaine d’établissements exposés. La mise en œuvre de ce plan en 2022 explique ainsi la différence de crédits en 2023.

Ces crédits sont répartis entre différentes mesures :

– la sécurisation passive permettant de maintenir les établissements en condition opérationnelle (18,4 millions d’euros) ;

– la poursuite du déploiement de dispositifs de détection et de neutralisation des communications illicites (30 millions d’euros) ;

– la poursuite de la sécurisation périmétrique des établissements pénitentiaires (1 million d’euros) ;

– le déploiement du programme « mobilité », qui vise à doter les personnels de surveillance d’un terminal mobile polyvalent leur permettant d’assurer leurs différents types de communication (émetteur/récepteur, téléphone, messagerie) ainsi que la gestion des alarmes, et de disposer d’un accès à distance aux différentes applications (18,8 millions d’euros) ;

– l’achat de divers équipements de sécurité : portiques de sécurité à l’entrée et la sortie des bâtiments, véhicules, armes, munitions, gilets pare-balles, etc. (1,5 million d’euros) ;

– la lutte contre les drones malveillants (3 millions d’euros).

Par ailleurs, parmi les crédits dédiés à l’accueil et à l’entretien des personnes détenues, d’importants projets informatiques sont financés à hauteur de 19,7 millions d’euros afin de poursuivre le déploiement du numérique en détention.

C.   La poursuite des efforts budgÉtaires en direction des personnels pÉnitentiaires

Pour l’année 2023, les crédits du titre 2 alloués à l’administration pénitentiaire s’élèvent à 3,1 milliards d’euros (CAS pensions compris) en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une augmentation de 243 millions d’euros par rapport à 2022, ce qui représente une progression de 8,6 %. Hors CAS pensions et hors mesures de transfert, les crédits du titre 2 s’élèvent à 2 milliards d’euros, progressant de 8,8 % par rapport à 2022. Selon le projet annuel de performances, cette hausse est liée notamment à la prise en compte de la hausse du point fonction publique décidée en 2022, à la création de 809 emplois supplémentaires et aux mesures catégorielles nouvelles dont bénéficient les personnels pénitentiaires.

1.   La création de 809 emplois

Passant de 44 083 à 44 582,54 équivalents temps plein travaillé (ETPT), le plafond d’emplois de l’administration pénitentiaire progresse de 499,54 ETPT en 2023, dont 468,54 au titre de 809 créations nettes d’emplois et 159,98 au titre de l’extension en année pleine du schéma d’emplois 2022.

Ces recrutements se répartissent comme suit :

– 489 pour les nouveaux établissements qui seront ouverts ;

– 180 pour les équipes de sécurité pénitentiaire ;

– 35 pour la filière formation ;

– 30 pour les fonctions support ;

– 27 pour la surveillance électronique ;

– 25 pour le recrutement des référents locaux du travail pénitentiaire ;

– 15 pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ;

– 8 pour le service national du renseignement pénitentiaire.

2.   La poursuite de la politique d’amélioration catégorielle

La politique d’amélioration catégorielle est dotée pour 2023 d’une enveloppe de 34,2 millions d’euros, soit une augmentation de 52,6 % par rapport à l’année 2022.

D’une part, la poursuite des mesures déjà lancées sur les exercices précédents, dont une extension en année pleine est prévue en 2023 représente 16,5 millions d’euros ([15]).

D’autre part, les nouvelles mesures statutaires, pour les corps propres et pour les corps communs, mobilisent 5,1 millions d’euros.

Enfin, les nouvelles mesures indemnitaires, pour les corps propres et pour les corps communs, bénéficient de 12,6 millions d’euros.

Si ces efforts méritent évidemment d’être salués, votre rapporteur attire toutefois l’attention sur les difficultés évoquées par plusieurs syndicats des personnels pénitentiaires au cours de ses auditions.

Le syndicat national pénitentiaire des personnels de direction FO (SNP PD FO) s’est montré très inquiet du départ de plusieurs directeurs des services pénitentiaires. Il a indiqué qu’habituellement, environ 25 postes sont vacants au mois de juin et sont ensuite comblés dès le mois de septembre par l’arrivée de la nouvelle promotion de directeurs. Cette année, la situation est bien différente : 26 postes de directeurs sont actuellement vacants, alors que les nouveaux directeurs ont déjà été affectés. Cela représente 5 % du corps de directeurs des services pénitentiaires et risque de poser, à court terme, de réelles difficultés de gestion dans les détentions.

De telles difficultés d’attractivité ont été mentionnées par d’autres syndicats et pour d’autres corps. Le syndicat FO pénitentiaire a souligné que le dernier recrutement par concours de surveillants pénitentiaires n’était pas complet, mentionnant un taux de présentation au concours de 16 %. Ainsi, comme le souligne également l’UFAP-UNSa, les postes vacants ne seront pas couverts par les élèves actuellement en formation, dont le nombre est insuffisant. La CGT pénitentiaire alerte quant à elle sur une véritable fuite des personnels, y compris vers le secteur privé où les salaires sont souvent plus attractifs.

*

*     *

Votre rapporteur pour avis salue les nouveaux efforts budgétaires qui sont faits en direction de l’administration pénitentiaire. Après la mandature précédente, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit ainsi une forte hausse des crédits de paiement pour la sixième année consécutive.

Il souligne que, malgré certains retards dus notamment à la crise sanitaire, le plan « 15 000 » est en voie d’achèvement, puisque la quasi-totalité des chantiers prévus sont réalisés ou en cours de réalisation : seuls deux chantiers doivent encore être initiés.

Il s’inquiète toutefois des alertes lancées par tous les syndicats pénitentiaires auditionnés sur les difficultés rencontrées sur le terrain par les agents de l’administration pénitentiaire. Les différents métiers semblent continuer de souffrir d’un manque réel d’attractivité et les conditions de travail demeurent difficiles, la situation de surpopulation étant redevenue critique, après s’être pourtant améliorée durant l’épidémie de Covid-19.

 


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II.   LES CRÉDITS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE EN AUGMENTATION DE 10,5 %

À l’instar de l’administration pénitentiaire, la protection judiciaire de la jeunesse voit son budget augmenter pour l’année 2023. Elle est ainsi dotée de 103 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement, soit une importante augmentation de 10,5 % par rapport à l’année précédente. Son budget global passe ainsi de 984 à 1 087 millions d’euros en crédits de paiement.

(autorisations d’engagement, en millions d’euros)

 

Crédits votés en loi de finances pour 2022

Crédits demandés pour 2023

Évolution 2022-2023

Mise en œuvre des décisions judiciaires
(Action 01)

837

937

+ 11,9 %

Soutien (Action 03)

116

122

+ 5,2 %

Formation (Action 04)

39

44

+ 12,8 %

Total

992

1 103

+ 11,2 %

(crédits de paiement, en millions d’euros)

 

Crédits votés en loi de finances pour 2022

Crédits demandés pour 2023

Évolution 2022-2023

Mise en œuvre des décisions judiciaires
(Action 01)

830

918

+ 10,6 %

Soutien (Action 03)

114

124

+8,8 %

Formation (Action 04)

40

44

+ 10 %

Total

984

1 087

+ 10,5 %

(en millions d’euros)

Source : projet annuel de performances du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » annexé au projet de loi de finances pour 2023, pp. 18.

A.   Des efforts budgétaires en direction des personnels À la suite du Ségur de la santé en gestion 2022

1.   Les trois objectifs stratégiques de la protection judiciaire de la jeunesse

Dans la continuité de la réforme de la justice pénale des mineurs, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a actualisé ses programmes de travail et l’allocation de ses moyens autour de trois objectifs stratégiques :

– continuer à renforcer la lisibilité, la diversité et la qualité de sa mission judiciaire. Dans cette perspective, elle mettra en œuvre trois plans d’action structurants : le premier sur le milieu ouvert, le deuxième sur le placement et le troisième sur l’insertion ;

– conforter la crédibilité de son action par un accompagnement renforcé de ses professionnels et de ses partenaires du secteur associatif habilité, un pilotage réactif de l’activité et une allocation adaptée des moyens ;

– conforter le rôle de la DPJJ dans les politiques judiciaires de la jeunesse (prévention et lutte contre la délinquance, protection de l’enfance) et dans le pilotage de la justice des mineurs.

2.   Une augmentation de 13,6 % des dépenses de personnel

Les crédits du titre 2 s’élèvent à 644,7 millions d’euros pour l’année 2023 (CAS pensions compris). Ils sont en augmentation de 77,1 millions d’euros par rapport à 2022, soit une hausse de 13,6 %.

Hors CAS pensions, les crédits de titre 2 s’élèvent à 474 millions d’euros et progressent de 14,5 % par rapport à 2022.

Cette augmentation se répartit entre différentes mesures, notamment :

– la création nette de 92 emplois : ces créations d’emplois permettront notamment d’accompagner la mise en œuvre du plan d’actions Insertion et des orientations relatives aux États généraux du placement ;

– des mesures catégorielles (pour un coût de 48,5 millions d’euros).

B.   Une augmentation de 6 % des crédits hors masse salariale

Les crédits hors titre 2 de la protection judiciaire de la jeunesse s’élèvent à 459 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 442,6 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 8 % pour les autorisations d’engagement et de 6 % pour les crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

1.   Les mesures de prise en charge des mineurs délinquants et les mesures d’investigation

Regroupées au sein de l’action 01 ([16]), ces mesures voient les crédits de paiement qui leur sont attribués croître de 26,2 millions d’euros en 2023, soit une augmentation de 6,8 % par rapport à 2022.

Sur les 409,6 millions d’euros prévus au titre de cette action (hors titre 2), 120,6 millions sont affectés au secteur public (en augmentation de 5,2 %) et 289 millions le sont au secteur associatif habilité (en augmentation de 7,6 %) ([17]).

Concernant le secteur associatif habilité, ce budget permet le financement de 35 centres éducatifs fermés, 46 centres éducatifs renforcés, 33 autres structures d’hébergement habilitées et financées exclusivement par l’État, 44 services de réparation pénale et 99 services d’investigation éducative. Une seule nouvelle mesure est prévue en 2023 : l’électrification du parc automobile.

Concernant le secteur public, les crédits se répartissent entre :

– les dépenses hors immobilier qui concernent le fonctionnement (36,6 millions d’euros pour l’alimentation, les actions de formation et d’insertion et l’entretien du parc informatique notamment) et l’investissement (7 millions d’euros pour l’acquisition de véhicules automobiles) ;

– les dépenses d’intervention (22,6 millions d’euros pour les actions de justice de proximité, les subventions versées aux associations intervenant dans le champ de la protection de l’enfance et de l’enfance délinquante, les gratifications allouées aux jeunes placés par décision judiciaire dans le secteur public, la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle et les indemnités versées aux familles par jeune accueilli dans le cadre du dispositif de placement familial) ;

– les dépenses de l’occupant (31,2 millions d’euros pour les loyers et les travaux d’entretien courant notamment) ;

– les dépenses du propriétaire (23,2 millions d’euros pour financer en particulier la suite des opérations de travaux pour les CEF de Charente-Maritime, les études de maîtrise d’œuvre du CEF de Haute-Saône et les travaux de maintenance lourde ou de restructuration).

2.   Les missions de soutien et de formation

Dotée de 21,2 millions d’euros (hors titre 2) en 2023, contre 22,9 en 2022, l’action 03 ([18]), qui vise à financer la fonction support de pilotage, de gestion, d’animation et de coordination, voit ses crédits diminuer de 7,4 % ([19]). Parmi ces crédits, ce sont les dépenses hors immobilier qui connaissent une baisse de 4,4 millions d’euros pour s’établir à 7,8 millions en crédits de paiement pour 2023. À l’inverse, les dépenses immobilières augmentent de 2,7 millions d’euros, pour un total de 13,4 millions en 2023, en raison notamment de l’inflation des prix de l’énergie.

Enfin, l’action 04 ([20]), qui concerne la formation assurée par l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), voit ses crédits augmenter de 8,6 % par rapport à 2022, passant de 10,9 à 11,8 millions d’euros en crédits de paiement (hors titre 2).

*

*     *

Votre rapporteur pour avis salue les efforts réalisés par la protection judiciaire de la jeunesse pour prendre en compte les évolutions induites par l’entrée en vigueur du nouveau code de la justice pénale des mineurs au 30 septembre 2021.

 


—  1  —

   SECONDE PARTIE : LA politique de réinsertion, un objectif central de la prise en charge des personnes placées sous main de justice

La détention n’est qu’une étape dans un parcours de vie ; elle est presque toujours suivie d’une réintégration dans la société et, pour cette raison, votre rapporteur considère comme fondamental de préparer au mieux cette étape de la réinsertion. Dans cette perspective, il salue des budgets d’insertion en hausse, tant pour les activités de réinsertion que pour le développement des aménagements en fin de peine.

La réinsertion est aujourd’hui au cœur des missions de l’administration pénitentiaire et cette politique est tout particulièrement portée par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui interviennent aussi bien auprès des personnes détenues que des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) en milieu ouvert.

I.   Les services pénitentiaires d’insertion et de probation, au cœur de la politique de réinsertion

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire à compétence départementale. Créés en 1999, ils ont pour mission principale la prévention de la récidive et la réinsertion des PPSMJ. Ils assurent à la fois le contrôle des obligations prononcées par l’autorité judiciaire, notamment en milieu ouvert, et l’accompagnement personnalisé des PPSMJ.

Leur mission d’accompagnement les conduit à intervenir dans des domaines extrêmement variés, allant des activités socio-culturelles – nécessaire au développement du volet social de l’accompagnement – à l’insertion professionnelle, en passant par l’analyse criminologique. Cet accompagnement personnalisé est conçu en évaluant et en s’adaptant aux besoins de la PPSMJ en lien avec les partenaires impliqués. Les SPIP coordonnent ainsi les différentes composantes des parcours de réinsertion.

A.   Les personnels d’insertion et de probation

Entre 2007 et 2021, les personnels des SPIP ont connu une forte augmentation, de l’ordre de 160 %. Représentant 10 % des effectifs de l’administration pénitentiaire en 2007, ils forment aujourd’hui environ 14 % de ses effectifs totaux ([21]).

1.   Les différents métiers de l’insertion et de la probation

Les personnels en charge de l’accompagnement des PPSMJ sont les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP). Corps de direction, les directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (DPIP) sont responsables de l’organisation et du fonctionnement des SPIP et coordonnent l’action des CPIP et des autres personnels affectés en SPIP ([22])  dont ils ont la responsabilité.

La répartition des effectifs entre les SPIP se fait selon des organigrammes de référence construits par la direction de l’administration pénitentiaire. En 2022, la répartition des effectifs en SPIP est la suivante.

Répartition des effectifs en services pénitentiaires en 2022

en ETP   

Corps

2022

Directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation

483,2

Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation

3 702,0

CPIP stagiaires et élèves

622,0

Assistants de service social

104,1

Non-titulaires social médico-social & culture

540,9

Personnels de surveillance

356,4

Attachés d’administration

30,5

Secrétaires administratifs

156,5

Adjoints administratifs

579,9

Non-titulaires administratifs

121,5

Apprentis, autres non-titulaires

39,3

Effectif Global (en ETP)

6 736,2

Source : direction de l’administration pénitentiaire

2.   L’évolution des effectifs des SPIP

Au regard de l’évolution des missions qui lui sont dévolues, le renforcement de la filière insertion et probation constitue l’un des enjeux prégnants de l’administration pénitentiaire depuis plusieurs années.

Déjà sous la précédente mandature, la loi de finances pour 2014 ([23]) a permis la création de 1 000 emplois en SPIP sur la période 2014-2017. Cette dynamique s’est prolongée avec la loi de programmation et de réforme pour la justice ([24]) qui a planifié le renforcement des SPIP avec la création de 1 500 emplois supplémentaires sur la période 2018-2022 ([25]).

Du fait des délais de formation, les agents recrutés au titre de ces créations ont été affectés à partir de l’année 2020 pour les premiers, et le seront jusqu’à la fin de l’année 2024 pour les derniers.

évolution des effectifs en spip de 2018 à 2022

en ETP

Corps

2018

2019

2020

2021

2022

Directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (DPIP)

417,2

423,8

470,0

476,1

483,2

Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP)

3 102,1

3 295,3

3 351,0

3 520,5

3 702,0

CPIP stagiaires et élèves

463,5

446,0

536,5

653,0

622,0

Assistants de service social

54,8

81,6

107,4

100,5

104,1

Non-titulaires social médico-social & culture

406,1

349,4

570,2

564,1

540,9

Personnels de surveillance

295,2

318,4

319,2

312,9

356,4

Attachés d’administration

29,6

30,7

27,9

30,8

30,5

Secrétaires administratifs

142,8

150,9

149,6

146,3

156,5

Adjoints administratifs

545,0

561,0

576,1

574,6

579,9

Non-titulaires administratifs

81,8

90,7

100,0

100,2

121,5

Apprentis, autres non-titulaires

37,7

35,0

45,0

38,8

39,3

Effectif Global

5 575,7

5 782,8

6 252,9

6 517,7

6 736,2

Source : direction de l’administration pénitentiaire

3.   La politique de ressources humaines des personnels d’insertion et de probation

a.   Des évolutions dans le recrutement des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation

Depuis 2019, une politique de revalorisation des carrières des CPIP a été engagée. Positionnés en catégorie A, leur grille indiciaire a été revue et plusieurs mesures statutaires et indemnitaires sont intervenues au cours des précédentes lois de finances. Par ailleurs, leurs modalités de recrutement ont connu de profondes modifications visant à élargir les voies d’accès à ce métier.

L’évolution du concours des CPIP

Le décret n° 2019-50 du 30 janvier 2019 portant statut particulier du corps des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation a créé un concours externe sur titres, réservé aux candidats titulaires d’un diplôme homologué au moins au niveau 6 dans les domaines social ou éducatif, ainsi que le troisième concours pour des publics issus notamment du monde associatif.

Depuis quelques années, un nombre croissant d’élèves CPIP et directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (DPIP) dispose d’une expérience antérieure :

‒ en moyenne, sur la période 2015-2020, environ un tiers des élèves DPIP est issu du concours interne, parmi lesquels une large majorité de CPIP ;

‒ concernant les élèves CPIP, si leur majorité en formation est issue du concours externe (plus de 60 % en moyenne), environ un tiers de l’effectif total est recruté par le biais du concours interne. Les élèves CPIP ayant déjà travaillé dans l’administration pénitentiaire sont principalement d’anciens personnels de surveillance (56 % en 2019) et, dans une moindre mesure, des CPIP contractuels et des personnels administratifs.

Les élèves CPIP et DPIP sont majoritairement recrutés parmi les titulaires de diplômes universitaires dans le domaine juridique, la proportion d’élèves diplômés en sciences sociales étant marginale.

Source : direction de l’administration pénitentiaire

La loi de programmation et de réforme pour la justice ([26]) a planifié la création de 1 500 emplois sur la période 2018-2022, dont 900 emplois de CPIP. Ces recrutements en forte hausse, notamment au cours des années 2021 et 2022, visent, d’une part, à réduire le nombre de personnes suivies par conseiller et, d’autre part, à accompagner la mise en œuvre de la réforme des peines.

Recrutement des CPIP par voie de concours

Année de recrutement

Nombre d’emplois offerts

Nombre de candidats inscrits

Nombre d’emplois pourvus*

Hommes

Femmes

2018

181

3 902

46

148

2019

286

3 863

51

212

2020

281

2 437

45

189

2021

352

4 205

80

244

2022

302

3 857

67

225

Source : direction de l’administration pénitentiaire

Les élèves et stagiaires restant affectés à l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) jusqu’à leur titularisation, les effectifs présentés ci-avant ne prennent donc pas en compte les affectations à venir. 311 CPIP ont encore été affectés en septembre 2022, et 336 élèves, actuellement en cours de scolarité, devraient être affectés en septembre 2023.

Au total, selon la direction de l’administration pénitentiaire, le nombre de CPIP est passé de 3 295 ETP en 2020 à 3 702 en 2022 et sera porté à 4 324 à horizon 2024, en prenant en compte les recrutements 2021 et 2022 qui arriveront dans les services en 2023 et 2024 à l’issue de leurs deux années de formation.

Par ailleurs, pour l’année 2023, la direction de l’administration pénitentiaire prévoit le recrutement de 159 CPIP, dont 129 permettront de combler les départs intervenant au cours de l’année, tandis que 30 recrutements sont liés aux créations de postes visant à renforcer les SPIP.

b.   Des difficultés rencontrées dans la politique de ressources humaines des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation

Selon le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2023, le corps des DPIP bénéficie de deux mesures spécifiques :

– d’une part, une mesure indiciaire : une proposition de nouvelles grilles indiciaires pour le corps des DPIP a été sollicitée dans le cadre de l’élaboration du budget quinquennal 2023-2027. Elle prévoit une revalorisation de leur grille indiciaire avec, notamment, pour le grade sommital de DPIP de classe exceptionnelle, un accès à la hors échelle A en linéaire. Cette mesure sera financée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 à hauteur de 1,1 million d’euros (la dépense représentant 1,3 million d’euros en année pleine) ;

– d’autre part, une mesure indemnitaire d’un million d’euros qui interviendra en 2023.

Selon la direction de l’administration pénitentiaire, ces mesures visent à renforcer l’attractivité du corps et à fidéliser les agents.

Le concours de DPIP connaît en effet une baisse d’attractivité dont ont témoigné les différents personnels auditionnés par votre rapporteur. Plusieurs facteurs semblent expliquer cette évolution, comme l’augmentation de la charge de travail, liée au développement des mesures et actions conduites dans le cadre des politiques publiques d’insertion à mettre en place, et une concurrence avec les autres concours de la fonction publique de même catégorie. La diversité des concours offerts aux candidats crée une concurrence au sein même de l’administration pénitentiaire (entre les DPIP et les DSP), voire du ministère de la Justice (concours des greffes ou de la magistrature) et, plus largement, des autres ministères. Cette concurrence est renforcée par les similitudes entre les calendriers des épreuves des concours concernés.

Les syndicats représentant les DPIP rencontrés par votre rapporteur ont unanimement souligné que les mesures proposées par l’administration pénitentiaire leur semblaient insuffisantes au regard des responsabilités professionnelles exercées par ces personnels et des conditions de travail dans des SPIP, qui ont vu leurs missions augmenter au fil des années. À leurs yeux, les mesures proposées ne permettront ni de limiter les départs qui s’opèrent et se profilent, ni de renforcer l’attractivité de ce métier. Le syndicat Union nationale des DPIP CFE-CGC (UNDPIP CFE-CGC) a tout particulièrement souligné qu’à l’heure actuelle, certains DPIP gagnaient environ 150 euros de moins par mois que certains CPIP qu’ils encadrent et qu’avec les mesures proposées par l’administration, ils ne gagneraient qu’une trentaine d’euros de plus, ce qui leur semble insuffisant au regard des différences entre les deux corps. Pour eux, cette situation indiciaire ne correspond en effet ni à la réalité hiérarchique, ni aux responsabilités exercées. En cohérence, ils réclament donc une revalorisation statutaire et indiciaire.

La situation dénoncée par les personnels de SPIP et les syndicats d’insertion et de probation rencontrés par votre rapporteur lui semble tout à fait préoccupante. Il tient à souligner que le développement des missions des SPIP et de la prise en charge des PPSMJ en milieu ouvert est une réalité. Il résulte d’une volonté politique soutenue depuis plusieurs années par le législateur et ne saurait être mis en œuvre au détriment des conditions de travail des personnels concernés. Il s’agit sans doute de l’une des conditions requises pour aboutir à une application réussie de la politique de réinsertion.

B.   L’immobilier des SPIP

Au-delà des antennes situées au sein des établissements pénitentiaires, l’administration pénitentiaire occupe également des locaux spécifiquement dédiés aux SPIP. Répartis dans chaque département, ils forment un véritable maillage territorial.

      Source : direction de l’administration pénitentiaire.

Les locaux des SPIP sont aujourd’hui concernés par deux difficultés notables. D’une part, l’augmentation des effectifs : en effet, les récents recrutements nécessitent d’adapter l’organisation des services et leurs implantations immobilières. D’autre part, la question de la sécurisation de leurs locaux : afin d’améliorer les conditions de travail des personnels et intervenants et l’accueil des probationnaires, les locaux des SPIP font l’objet de travaux pour dissocier la zone d’accueil des publics et la zone administrative ainsi que pour sécuriser l’accès aux locaux. Ils sont aussi, parfois, inadaptés aux missions des SPIP et à la montée en charge de ces services, car trop anciens, vétustes ou exigus.

La prise en compte de ces évolutions a fait émerger de nombreux projets d’adaptation, d’extension, voire de relocalisation de SPIP. Depuis 2018, l’ensemble des opérations conduites dans ce cadre représente un coût total de 34 millions d’euros. Selon les réponses budgétaires transmises par l’administration pénitentiaire à votre rapporteur, la programmation pour 2023 prévoit un engagement de 8 millions d’euros et une consommation de crédits de paiement de 12,6 millions d’euros à ce titre.

Ainsi, 13 sites font l’objet de projets d’extension ou de relocalisation en phase d’étude préalable ou de maîtrise d’œuvre (dont notamment Draguignan, Nice, Limoges, Lure, Montbéliard, Laon, Lille, Saint-Omer, Saint-Nazaire, Toulouse) et 5 sites sont actuellement en travaux (Cusset, Charleville-Mézières, Nancy, Coutances, Rodez). Les travaux de relocalisation ou d’extension sont, quant à eux, achevés pour les sites de Gap, Rochefort, Compiègne, Aurillac, Le Puy-en-Velay, Laval et Saint-Malo.

*

*     *

Votre rapporteur salue les efforts engagés pour le renforcement de la filière insertion et probation. Il rappelle qu’au cours des dernières années, le législateur a résolument encouragé le recours aux alternatives à l’incarcération et aux aménagements de peines. La lutte contre la récidive et la construction des parcours de réinsertion sont aujourd’hui considérées comme une priorité et, à ce titre, il convient de garantir aux services pénitentiaires d’insertion et de probation des moyens, humains et budgétaires, à la hauteur de leurs missions.

 


—  1  —

 

II.   milieu ouvert et milieu fermé, le double champ d’intervention de la politique de réinsertion

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) interviennent aussi bien en milieu ouvert qu’en milieu fermé. Le suivi de la personne placée sous main de justice (PPSMJ) par le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) peut donc être effectué dans le cadre d’une antenne du SPIP dédiée au milieu fermé, d’une antenne dédiée au milieu ouvert ou bien d’une antenne intervenant dans les deux milieux.

Sur l’année 2022, un CPIP suit en moyenne 73 PPSMJ, milieu ouvert et milieu fermé confondus.

Évolution du nombre moyen de PPSMJ suivies par CPIP, par direction interrégionale des services pénitentiaires depuis 2019

 

Nombre moyen de PPSMJ suivies par CPIP

DISP

2019

2020

2021

2022

DISP BORDEAUX

71

67

71

75

DISP DIJON

79

72

76

73

DISP LILLE

67

62

65

67

DISP LYON

79

75

77

77

DISP MARSEILLE

70

69

73

76

DISP PARIS

90

67

72

73

DISP RENNES

77

71

74

70

DISP STRASBOURG

77

68

72

68

DISP TOULOUSE

81

73

75

79

MOM

79

77

84

82

Moyenne

77

70

73

73

          Source : direction de l’administration pénitentiaire

A.   La prise en charge en milieu ouvert, un enjeu fondamental et pourtant trop peu connu du travail des SPIP

Les PPSMJ en milieu ouvert sont suivies au titre d’une mesure judiciaire sans pour autant être placées sous écrou. Au 30 juin 2022, elles étaient 178 245 dans ce cas, ce qui représente une nette augmentation au cours des derniers mois, puisqu’en avril 2021 elles étaient 167 232. Sont également prises en charge en milieu ouvert les personnes écrouées mais non détenues : celles placées à l’extérieur (761 au 1er juillet) et celles détenues à domicile sous surveillance électronique (15 348 au 1er juillet) ([27]) .

Cela représente donc en tout plus de 180 000 personnes suivies par les SPIP en milieu ouvert. Les suivis en milieu ouvert sont donc bien plus nombreux qu’en milieu fermé, où sont détenues, au 1er septembre 2022, 71 669 personnes ([28]). En milieu ouvert, les SPIP sont les référents – voire souvent les seuls intervenants – du suivi des PPSMJ. Ce suivi est donc fondamental dans l’exécution des décisions judiciaires.

Dans ce cadre, les CPIP suivent d’ailleurs en moyenne davantage de personnes qu’en milieu fermé. Ainsi, pour l’année 2022, le nombre moyen de PPSMJ suivies par un CPIP est de 63 dans les antennes dédiées au milieu ouvert, tandis qu’il n’est que de 42 dans celles qui sont dédiées au milieu fermé. La moyenne est nettement plus importante dans les antennes mixtes, prenant en charge les deux milieux, où elle s’établit à 75 PPSMJ par CPIP.

1.   Le développement du suivi en milieu ouvert pour les courtes peines, une volonté politique encore confrontée à des difficultés de mise en œuvre

Le législateur a, depuis plusieurs années, développé les peines alternatives à l’incarcération, ainsi que les possibilités d’aménagement des peines et de libérations sous contraintes, permettant d’exécuter en milieu ouvert des peines d’emprisonnement – ou une partie de ces peines selon les cas.

La loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019 ([29]) s’inscrit pleinement dans cette logique, interdisant le prononcé de peines d’emprisonnement de moins d’un mois et rendant obligatoire l’aménagement des peines inférieures ou égales à six mois. Les aménagements de peine ont donc augmenté au cours des dernières années. Les libérations sous contrainte se sont, elles aussi, beaucoup développées, passant de 664 au 1er janvier 2016 à 1 408 au 1er janvier 2021 ([30]).

      Source : rapport du comité des États généraux de la justice, Rendre Justice aux citoyens, 8 juillet 2022.

Le nombre de PPSMJ en milieu ouvert est ainsi passé de 71 210 en 1980 à 165 907 en 2021, soit une progression de 132 % en une quarantaine d’années.

Dans l’esprit de ces orientations, le budget 2023 permettra d’amplifier ces efforts engagés au cours des dernières années, grâce à une progression des 34 % des crédits dédiés à cette politique. Ce budget représente ainsi 53,4 millions d’euros. Le syndicat national des directeurs pénitentiaires CFDT (SNPD CFDT) a toutefois souligné qu’en proportion du budget global de l’administration pénitentiaire et du nombre de personnes suivies en milieu ouvert, ce budget semblait encore trop faible.

Votre rapporteur a, toutefois, pu constater que certaines modalités d’aménagement et de libération sous contrainte sont trop peu utilisées, notamment le placement extérieur et la semi-liberté. La densité carcérale des quartiers ou centres de semiliberté n’est en effet que de 68,5 %, laissant de nombreuses places inoccupées, alors qu’il s’agit d’une modalité d’exécution des peines qui peut présenter un véritable intérêt en matière de réinsertion. Cela peut parfois s’expliquer par une difficile conciliation entre l’emplacement géographique du quartier ou du centre de semi-liberté, plus ou moins accessibles selon les cas, et la situation professionnelle et personnelle des PPSMJ.

La mesure de placement extérieur ne représente quant à elle que 6 % des aménagements de peines ([31]). Au 1er septembre 2022, seules 936 personnes sont placées à l’extérieur ([32]), alors qu’il existe plus de 1 800 places de ce type. Afin de progresser dans ce domaine, la direction de l’administration pénitentiaire a annoncé la mise en place de la plateforme numérique « placement à l’extérieur PE-360 » qui devrait permettre de favoriser la prospection de nouveaux lieux d’accueil et une meilleure visibilité des prestations.

S’agissant du placement à l’extérieur, l’Association nationale des juges d’application des peines (ANJAP) a expliqué à votre rapporteur que le nombre total de places prévues sur le territoire national était trop limité pour permettre une utilisation optimale de ce dispositif. Le nombre limité de places entraîne en effet des difficultés pour « faire coïncider les contraintes de la structure (localisation, public cible, durée d’accompagnement) avec celles de la PPSMJ (ancrage géographique, reliquat de peine, profil social) ». En outre, beaucoup de structures de placement à l’extérieur ont des critères d’éligibilité (elles acceptent par exemple uniquement les personnes sans domicile fixe, celles qui n’ont pas d’activité professionnelle ou encore celles qui ont une problématique addictive) ou, inversement, d’exclusion (par exemple selon la nature de faits ayant conduit à la condamnation, la présence d’une pathologie psychiatrique ou encore la situation irrégulière de la personne concernée). Ces critères d’éligibilité ou d’exclusion correspondent, en toute logique, au type de prise en charge proposée dans chacune des structures. L’ANJAP a également souligné l’efficacité de cette mesure en terme de prévention de la récidive compte tenu de la prise en charge pluridisciplinaire qu’elle propose et de son approche résolutive de problèmes.

Ses auditions et ses déplacements lui ont permis d’identifier une autre difficulté d’ordre opérationnelle : l’insuffisante autonomie budgétaire des SPIP. La gestion au niveau des inter-régions pénitentiaires prive les SPIP, qui sont organisés au niveau départemental, d’importantes marges de manœuvre dans l’organisation de leur travail et, tout particulièrement, dans l’établissement et la pérennité des partenariats locaux.

2.   La systématisation de certaines libérations sous contrainte : un enjeu de prise en charge de ces nouvelles sorties de détention

La mise en œuvre de la libération sous contrainte (LSC) de droit à partir de janvier 2023 va également modifier l’exécution des courtes peines ([33]). En effet, la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire a modifié l’article 720 du code de procédure pénale, afin de prévoir la systématisation des LSC pour les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de deux ans au plus et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois. La LSC est alors de plein droit, sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement ; un système de révocation et de réinsertion est prévu, ainsi que plusieurs exclusions de ce dispositif pour certains condamnés.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi au moment de son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale, cette nouvelle procédure de LSC de droit pourrait concerner environ 6 000 détenus et permettrait ainsi, non seulement d’accroître considérablement le nombre de « sorties non sèches » de détention ([34]), mais aussi de faire diminuer la population carcérale. Elle impliquera également une forte montée en charge de travail pour les SPIP.

Les syndicats d’insertion et de probation se sont d’ailleurs montrés inquiets quant à la mise en œuvre de cette disposition. Ainsi, l’UFAP-UNSa considère que les recrutements prévus en SPIP sont largement insuffisants au vu de cette surcharge de travail induite par la systématisation des LSC. Le SNEPAP‑FSU souligne, quant à lui, que le projet de loi de finances pour 2023 prévoit à ce titre le « fléchage » de 30 agents de surveillance électronique et estime que ce sera tout à fait insuffisant pour assumer la gestion des LSC qui s’effectueront, entre autres, sous la forme de détention à domicile sous surveillance électronique. Selon ce syndicat, 200 personnels de surveillance auraient dû être affectés en SPIP pour assurer cette gestion.

Dans cette perspective, le PLF pour 2023 prévoit toutefois 4 millions d’euros de crédits de paiement dédiés au développement des activités collectives de prise en charge en milieu ouvert : ces moyens pourront contribuer à mieux prendre en charge le surplus de suivis qui découleront des nouvelles LSC. La direction de l’administration pénitentiaire a notamment travaillé, en lien avec l’ENAP, à la création du programme ADERES destiné aux personnes sortant en libération sous contrainte. Organisé autour d’un module général et collectif (REPERES), axé sur l’entretien motivationnel et le travail sur les faits, il est complété par un module spécifique (ADAPT) portant sur les politiques sociales et d’accès aux droits. Déployé depuis septembre 2022 sur l’ensemble du territoire, ce programme a vocation à devenir le contenu de référence dans la prise en charge de ce public.

Plusieurs syndicats, notamment la CGT insertion probation, s’inquiètent toutefois de voir les prises en charge collectives se substituer aux prises en charge individuelles, au détriment de la personnalisation du parcours de réinsertion.

B.   Les activités proposées au sein des détentions, un enjeu majeur en matière de réinsertion en milieu fermé

Au 1er septembre 2022, 71 669 personnes sont détenues, pour un total de 60 715 places opérationnelles, soit une densité carcérale globale de 118 %. Parmi elles, 74 % sont condamnées et 26 % sont placées en détention provisoire. La densité carcérale – ou taux d’occupation – est supérieure à 100 % uniquement dans les maisons d’arrêt et quartiers maison d’arrêt, où elle atteint une moyenne 139,7 % et où sont incarcérées près de 68 % des personnes détenues ([35]).

Les personnes détenues sont prises en charge au sein des différents quartiers pénitentiaires par le personnel pénitentiaire. Dans ce cadre, ils sont également suivis par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).

1.   Des politiques d’établissement ambitieuses mais contraintes

a.   La variété des activités proposées aux personnes détenues

En vue d’assurer la réinsertion des personnes détenues, le code pénitentiaire les soumet à une obligation d’activité ([36]). Ces activités recouvrent plusieurs domaines : travail, formation professionnelle, insertion par l’activité économique, enseignement, activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques.

Ces dernières années, l’administration pénitentiaire a mis l’accent sur le développement de l’insertion par le biais du travail, et la mise en œuvre du nouveau statut du détenu travailleur vient parachever ces évolutions très positives. Si votre rapporteur salue les progrès effectués en matière de droits des personnes détenues dans ce domaine, il a toutefois été alerté, à plusieurs reprises, sur l’arrêt de l’activité de certaines entreprises concessionnaires qui semblent parfois découragées par ce nouveau cadre normatif du travail en détention. La réforme semblant trop récente pour en tirer des conclusions hâtives, votre rapporteur estime qu’une évaluation de cette réforme devra être conduite et appelle à un suivi étroit de l’impact de celle-ci sur les activités proposées dans le cadre des ateliers en concession.

Le travail en détention participe directement à la réinsertion des personnes détenues. Toutefois, votre rapporteur considère qu’il convient de veiller à ce que le travail qui leur est proposé ne soit pas uniquement occupationnel, mais participe réellement à la une construction d’un projet de sortie de détention et, idéalement, d’un projet professionnel.

Au-delà des activités de travail, de formation professionnelle et d’enseignement, qui s’appuient sur un cadre déterminé et des partenaires spécifiques, de très nombreuses activités culturelles, socio-culturelles et sportives sont proposées aux personnes détenues. En effet, la réinsertion ne passe pas uniquement par le travail et, dans cette perspective, les autres activités proposées aux personnes détenues ont toute leur importance.

L’apport socio-culturel de ces différentes activités permet aux personnes détenues de développer notamment les compétences sociales et les capacités relationnelles. Elles s’inscrivent souvent dans une logique d’autonomisation et de responsabilisation. Comme l’a souligné l’association des Anciens du Génépi, reçue par votre rapporteur, les activités ont, en outre, un effet positif sur la santé, permettant aux personnes détenues de penser à autre chose que leur condition actuelle et, ainsi, de se projeter vers l’avenir et la réinsertion. Elles facilitent également les relations avec les proches et les familles, en ce qu’elles valorisent les personnes détenues. Les syndicats de personnels de surveillance auditionnés ont, eux aussi, mis en avant l’importance des activités en matière de lutte contre les violences. Elles sont ainsi une composante de l’utilité du temps passé en détention.

Selon certains des professionnels de terrain rencontrés par votre rapporteur, toutes les activités ont leur importance en matière de réinsertion, tandis que d’autres considèrent qu’il convient de distinguer les activités occupationnelles des activités de réinsertion. Si les deux types d’activités doivent sans doute être distingués, votre rapporteur rappelle qu’ils ont chacun leur rôle à jouer dans l’accompagnement des personnes détenues et ne doivent pas être opposés. À la lumière de ses déplacements et de ses auditions, votre rapporteur tend ainsi à rejoindre la position portée par le récent rapport d’enquête de l’Assemblée nationale sur la politique pénitentiaire, selon laquelle « toutes ces activités organisées au sein de la détention participent du quotidien carcéral et des parcours de réinsertion. Elles ne doivent pas être négligées car elles sont à la fois nécessaires au respect des droits des personnes détenues, à l’utilité de la peine d’emprisonnement et à la préparation de la libération » ([37]).

b.   Des situations variables selon le type d’établissement et en fonction des contraintes liées aux lieux de détention

Comme votre rapporteur a pu le constater à l’occasion de son déplacement à l’établissement pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, les locaux de détention, notamment les plus anciens, ne prévoient pas toujours suffisamment de salles pour l’organisation des différentes activités. Le développement des activités socio‑culturelles et même la tenue de certaines activités scolaires peuvent donc être limités par le manque d’espaces dédiés.

Le syndicat UFAP-UNSa souligne également que la situation varie selon le type de structures pénitentiaires. Par exemple, quand les activités sont au sein d’un même bâtiment, il est plus facile d’organiser le déplacement des personnes détenues jusqu’aux activités.

En outre, comme le rappelle la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, auditionnée elle aussi par votre rapporteur, les organigrammes des personnels affectés en établissement pénitentiaire dépendent de la capacité d’accueil théorique de l’établissement et non pas du nombre réel de personnes détenues. Ainsi, dans les maisons d’arrêt les plus surpeuplées, les surveillants ne sont pas suffisamment nombreux, ce qui nuit nécessairement à l’accès aux activités, puisqu’ils n’ont pas toujours la possibilité, en fonction de la gestion de la détention, d’accompagner les personnes détenues aux activités organisées.

La concurrence entre activités ou avec d’autres types d’obligations (telles que les rendez-vous avocats, les parloirs, les promenades ou les rendez-vous médicaux) peut également poser difficulté dans l’organisation des activités. En vue de mieux organiser le programme des journées, le centre pénitentiaire de Fresnes a mis en place depuis le 6 septembre 2021 un système de journée continue. Les activités de travail sont concentrées de 7 heures 30 à 13 heures, ce qui laisse ensuite la seconde partie de journée libre pour d’autres types d’activités. Selon le personnel de Fresnes, cette évolution a été une réussite, car elle a permis d’accroître considérablement la participation aux activités, passée de 1 254 inscriptions en août 2021 à 2 787 en décembre 2021.

Les associations intervenant en détention auditionnées par votre rapporteur ont, par ailleurs, fait état d’autres problèmes du même ordre, qui tiennent selon eux plutôt de « frottements d’ordre logistique », mais peuvent, en effet, nuire à l’organisation et même au déroulement des activités. Ils ont par exemple souligné ne pas être informés spontanément par l’administration pénitentiaire de la raison de l’absence d’un détenu à une activité. Or, une absence volontaire ou involontaire n’implique pas la même chose en matière d’investissement dans ladite activité. 

La situation diffère également selon le type d’établissement. En effet, dans les établissements pour peine, qui ne sont pas concernés par la surpopulation carcérale ([38]) et dans lesquels les peines exécutées sont de plus longue durée, la construction du parcours d’exécution de peine se fait souvent de manière plus approfondie et facilite la participation des personnes détenues. À l’inverse, dans les maisons d’arrêt, malgré la diversité des activités et le dynamisme des agents et des partenaires, la participation aux activités est nécessairement limitée par la surpopulation ; des listes d’attente sont établies et l’adaptation des activités aux profils des personnes détenues est plus délicate.

2.   L’implication de différents acteurs, dont l’articulation mériterait sans doute d’être clarifiée

Certaines de ces activités culturelles, socioculturelles, sportives ou autres sont organisées par le directeur d’établissement et les personnels de surveillance, d’autres par les SPIP et leurs partenaires, des intervenants extérieurs qui peuvent proposer des activités très diverses. Dans les établissements pour peine ou dans certains modules respect, des activités peuvent également être mises en place par des personnes détenues.

Des moniteurs de sport pénitentiaires sont en outre chargés d’organiser, d’encadrer et d’animer les séances de sport proposées aux personnes détenues ([39]). Ils jouent donc un rôle important en matière d’accompagnement à la sortie et de réinsertion.

Des coordonnateurs culturels sont également recrutés, par le biais d’appels d’offres lancés par les directions inter-régionales des services pénitentiaires (DISP), et intégrés aux équipes des SPIP. Ils ont pour mission de concevoir et mettre en œuvre un programme d’actions culturelles au sein de l’établissement pénitentiaire. Selon l’UNDPIP CFE-CGC, ce programme est conçu en lien avec le DPIP et les équipes de CPIP, en évaluant les besoins et les demandes des PPSMJ, afin d’étayer une offre socio‑culturelle diversifiée s’étalant sur l’ensemble de l’année et ouvrant à différents champs de la culture. Les coordonnateurs culturels font également le lien entre les intervenants, les personnels de l’administration pénitentiaire et les personnes détenues. Salariés de droit privé, travaillant souvent pour des associations qui répondent aux appels d’offres lancés par les DISP, les coordonnateurs culturels ne sont donc pas agents de l’administration pénitentiaire. Plusieurs syndicats ont d’ailleurs mentionné qu’il serait plus pertinent de les intégrer pleinement au sein de cette administration. Sensible à cet argument, votre rapporteur s’interroge quant à la pertinence de cette organisation, qui peut nuire par exemple à la pérennité et à la cohérence des actions de réinsertion menées. Compte tenu notamment des spécificités de l’intervention en milieu pénitentiaire, il serait peut-être plus logique et, surtout, plus efficace que l’ensemble des intervenants du SPIP puisse être à part entière des personnels d’insertion et de probation.

Les acteurs intervenant dans l’organisation des activités proposées en détention sont donc nombreux et cette variété entraîne parfois des difficultés de coordination. En outre, selon les territoires, le réseau partenarial tissé peut être très différent, ce qui a évidemment un impact sur le type d’activités proposées aux personnes détenues. Afin de pallier ces difficultés, la direction de l’administration pénitentiaire annonce un budget de 500 000 euros dédié à la réalisation d’une cartographie nationale des actions et des partenariats sociaux, visant à mieux identifier et coordonner l’action des associations et autres partenaires sociaux en vue du renforcement des actions de réinsertion et de prévention de la récidive.

Une autre évolution importante doit être soulignée : celle du rôle du surveillantacteur. Une charte signée en avril 2021 par le Garde des Sceaux et les représentants nationaux des organisations syndicales des personnels de surveillance, à l’occasion d’une visite au centre pénitentiaire de Bordeaux‑Gradignan, consacre les « principes du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d’une détention sécurisée ». Cette évolution vise notamment à revaloriser et renouveler le rôle des personnels de surveillance, entérinant ainsi le rôle du surveillant dans la réinsertion des personnes détenues.

Dans cette même logique, les personnels de surveillance pourraient tenir un rôle plus développé dans l’organisation des activités proposées aux personnes détenues. C’est d’ailleurs déjà le cas dans certains établissements ; à Bordeaux‑Gradignan par exemple, les surveillants ont la possibilité de proposer des activités. Pour aller plus loin, la CGT insertion probation, comme le SNEPAP-FSU défendent la création de postes de surveillants dédiés aux activités – sur le modèle de ce qui existe pour les moniteurs de sport. Cela participerait selon eux d’une meilleure gestion de la détention et d’une diversification des métiers de surveillance.

C.   La construction du parcours de sortie et la solidification du lien « dedans-dehors »

Les SPIP privilégient une approche pluridisciplinaire et ont développé des pratiques opérationnelles précises, afin de permettre une prise en charge dans la durée de la personne placée sous main de justice. Les CPIP conduisent pour cela une évaluation fondée sur les besoins de la personne, pour établir un programme d’accompagnement et d’exécution de la peine. Lorsque l’accompagnement démarre en milieu fermé, il se poursuit ensuite en milieu ouvert.

Quel que soit le parcours débuté en détention, il importe en effet que celuici soit prolongé à l’extérieur. Cette transition n’est toutefois pas sans présenter des difficultés, non seulement d’un point de vue organisationnel, mais également en fonction de l’investissement des PPSMJ dans la démarche. Les associations partenaires de l’administration pénitentiaire rencontrées par votre rapporteur insistent particulièrement sur les implications du retour à la société pour les sortants de prison. Les anciennes personnes détenues se retrouvent alors confrontées à tout type de problèmes, de contraintes, d’empêchements. Certains sujets deviennent pour eux prioritaires, et leur implication dans les actions de réinsertion peut, en effet, en pâtir. Comme le soulignent toutefois les Anciens du Génépi, une telle prise de distance progressive vis-à-vis de l’accompagnement n’est pas forcément un échec.

La sortie de détention peut également poser des difficultés en matière de continuité du suivi. Par exemple, la PPSMJ ne sera pas forcément suivie par le même CPIP. Les transferts d’informations sont évidemment organisés et les SPIP font preuve d’un grand professionnalisme en ce domaine, mais cela implique parfois la rupture d’un lien de confiance qui avait pu s’établir dans le cadre de la détention. Cette rupture peut également venir d’un changement géographique, puisque la personne libérée ne va pas nécessairement rester dans le même secteur. Cela peut entraîner, en outre, une rupture avec les partenaires associatifs et institutionnels. Plusieurs des personnes rencontrées ont, par exemple, souligné les difficultés de liaison avec les missions locales lorsqu’une PPSMJ change de département.

Des progrès méritent toutefois d’être soulignés dans ce domaine. Par exemple, l’administration pénitentiaire offre maintenant aux personnes détenues la possibilité de passer les épreuves théoriques des certificats d’aptitude professionnelle (CAP), dont l’obtention demeure valable pendant cinq années, ce qui leur permet de passer par la suite les épreuves pratiques une fois sorties de détention. Une telle évolution est particulièrement positive et c’est tout à fait dans cette dynamique que votre rapporteur souhaite voir s’inscrire la construction des parcours de sortie.

De nombreux éléments entrent ainsi en compte dans cette construction du parcours de réinsertion : insertion professionnelle, acquisition de savoirs, liens familiaux et amicaux, liens sociaux, état de santé, lutte contre les addictions, accès aux droits, accès à l’hébergement, lutte contre la précarité… La sortie de la délinquance est en effet multifactorielle et, pour que la lutte contre la récidive soit efficace, l’ensemble de ces champs doit être pris en compte.

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*     *

Votre rapporteur tient à rendre hommage au travail conduit par les services pénitentiaires d’insertion et de probation et, plus généralement, par l’ensemble des agents pénitentiaires. Les actions et interventions visant à favoriser la réinsertion des personnes détenues n’ont eu de cesse de se développer et de se professionnaliser. Toutefois, il ne peut que constater que tant que la surpopulation demeure massive dans certains des établissements pénitentiaires, les activités ne peuvent pas être mises en place de manière parfaitement satisfaisante. Le SNPD CFDT rappelle que la surpopulation ne nuit d’ailleurs pas qu’aux activités, mais à toute la prise en charge en milieu pénitentiaire : elle dégrade les conditions matérielles de détention, les conditions de travail des agents, l’accessibilité des soins, ou encore les possibilités de travail et de formation.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa première réunion du mardi 25 octobre 2022, la Commission auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur les crédits de la mission « Justice » (Mme Sarah Tanzilli et M. Éric Poulliat, rapporteurs pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/0OW9vl

M. le président Sacha Houlié. Monsieur le garde des sceaux, les crédits de votre ministère présentent, pour la troisième année consécutive, une augmentation de 8 %. Bien évidemment, un bon budget n’est pas forcément un budget en augmentation – même si c’est toujours mieux. Il s’agit d’un rattrapage, tant la situation était dégradée depuis des décennies. Ce rattrapage est d’ailleurs loin d’être achevé et devra se poursuivre dans le cadre de la mise en œuvre des États généraux de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. La justice est à la croisée des chemins. Délaissée pendant près de trois décennies, elle fait l’objet, depuis cinq ans, d’un renforcement massif, traduction de la volonté claire du Président de la République et de la Première ministre, mais également la mienne, de considérer la justice pour ce qu’elle est : une institution essentielle qui fonde le pacte social.

Il vous revient, en tant que parlementaires, de poursuivre sur cette voie du renforcement de notre justice, ou de bifurquer vers les réflexes des décennies passées : sous-dotation chronique, effets d’affichage sans lendemain, court-termisme, etc.

Vous l’aurez compris, je vous propose de rester sur la voie de la restauration massive d’une justice rapide, efficace, proche de nos concitoyens, la justice de qualité que nous appelons tous de nos vœux.

En effet, après deux hausses de 8 % en 2021 et 2022, le projet de budget consacre une troisième augmentation consécutive de 8 % en 2023 au profit de notre justice. Ce sont ainsi 710 millions d’euros supplémentaires qui viendraient abonder en 2023 le service public de la justice, dont les crédits s’élèveraient au total à 9,6 milliards d'euros pour l’année 2023.

Si vous la votez, ce sera, en termes sonnants et trébuchants, la plus forte hausse de l’histoire du budget de la justice, comparée respectivement à celle de 660 millions d’euros l’année dernière et de 620 millions d’euros l’année précédente.

Cette hausse, pour massive qu’elle soit, a été calibrée pour que les services du ministère soient en mesure de l’exécuter pleinement et, ainsi, de combler de manière sérieuse et efficace des besoins forts. Car oui, les deniers publics doivent toujours être utilisés de la manière la plus efficace.

Pour 2023, l’augmentation est répercutée de la manière suivante sur les trois axes du ministère : 9 % de hausse pour les services judiciaires, soit un budget de 3,39 milliards d’euros; 7 % pour l’administration pénitentiaire, soit un budget de 3,91 milliards d’euros ; sans oublier, une hausse de plus de 10 % au bénéfice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), pour un budget de 917 millions d’euros.

En trois exercices, le budget de la justice a bénéficié de 2 milliards d’euros supplémentaires, passant ainsi de 7,6 milliards en 2020 à 9,6 milliards en 2023. Cela représente une augmentation de 26 % depuis mon arrivée, et de plus de 40 % depuis le début du premier quinquennat du Président de la République.

C’est donc un nouvel effort budgétaire inédit, s’inscrivant dans une trajectoire pluriannuelle inédite, que j’aurai l’occasion de vous présenter prochainement dans le cadre de la future loi de programmation pour la justice pour les années 2023 à 2027.

Le cap est clair : poursuivre le rattrapage de trente ans d’abandon humain, politique et financier de la justice, et mettre en œuvre les recommandations issues des États généraux de la justice, recommandations que j’ai soumises à concertation ces derniers mois.

Permettez-moi maintenant de vous présenter dans le détail ce que ces moyens supplémentaires permettront de financer en 2023 et dans les années à venir.

Premièrement, la justice, ce sont avant tout les femmes et les hommes engagés au quotidien au service de nos concitoyens pour la faire fonctionner contre vents et marées. Je veux ici rendre un hommage appuyé à leur engagement sans faille. Merci aux magistrats, greffiers, personnels pénitentiaires, juristes assistants, avocats, professions du droit et agents administratifs pour leur engagement dans l’œuvre de justice.

Pendant trois décennies, ces hommages ont eu lieu chaque année sans que les actes ne soient joints à la parole. Depuis 2017, nous nous sommes précisément donné les moyens de remplacer les mots par des actions concrètes de reconnaissance et de renforcement de notre justice.

Nous allons accentuer, dès 2023 et sur les cinq prochaines années, le rythme et l’intensité des efforts en faveur du renforcement des moyens humains.

C’est la raison pour laquelle ce budget acte le plan de recrutement le plus important de l’histoire du ministère : 10 000 emplois supplémentaires pérennes, des « sucres lents », si je puis dire, d’ici à 2027, dont 605 emplois en juridictions qui ont d’ores et déjà été pérennisés au titre de la justice de proximité à la mi-2022.

C’est inédit, et même si comparaison n’est pas raison, je rappelle que 7 270 emplois ont été créés au cours du premier quinquennat du Président de la République ; cela représente une hausse de 11 % des emplois du ministère de la justice, qui compte aujourd’hui 90 000 personnels.

Ces 10 000 emplois seront répartis finement, année après année, en fonction des besoins identifiés sur le terrain, mais également des nécessités opérationnelles résultant à la fois des campagnes de recrutement et de l’avancement des projets immobiliers très ambitieux du ministère.

Néanmoins, je peux d’ores et déjà vous annoncer que seront sanctuarisés 1 500 postes de magistrats et 1 500 postes de greffiers supplémentaires sur la durée de tout le quinquennat, afin de renforcer les effectifs en juridictions.

Le nombre de postes de magistrats et greffiers créés sous le premier quinquennat étant respectivement de 700 et 850, nous doublerons donc le rythme de ces recrutements essentiels.

Pour 2023, ce sont 2 253 personnels qui arriveront dans les établissements pénitentiaires, dans les juridictions et dans les structures de la protection judiciaire de la jeunesse. Pour mémoire, 720 créations d’emplois étaient prévues en 2022. Nous triplons donc le rythme des recrutements en une seule année.

Ces 2 253 personnels seront répartis de la façon suivante : 1 220 pour la justice judiciaire, avec notamment 200 magistrats et 191 greffiers ; 809 pour l’administration pénitentiaire ; 92 pour la protection judiciaire de la jeunesse. Le reste, soit 132 personnels, bénéficiera à la coordination de la politique publique de la justice.

Par ailleurs, 60 créations d'emplois sont prévues pour nos opérateurs : 26 pour l’École nationale de la magistrature (ENM), 19 pour l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) et 15 pour l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

Deuxièmement, pour assurer ce niveau inédit de recrutement, je souhaite renforcer encore l’attractivité des métiers de la justice par des revalorisations salariales. À cet égard, le budget pour 2023 rehausse les crédits consacrés aux mesures catégorielles, atteignant ainsi 80 millions d’euros en 2023. Cela représente un doublement de l’enveloppe déjà importante de 2022 et une multiplication par plus de cinq depuis 2019.

Comme je l’ai annoncé dernièrement, les magistrats bénéficieront à compter du 1er octobre 2023 d’une revalorisation inédite de 1 000 euros brut par mois en moyenne. C’est la juste reconnaissance de leur engagement pour faire fonctionner le service public de la justice dans des conditions parfois difficiles. Je suis particulièrement conscient des difficultés matérielles qui demeurent. C’est bien pour cela que je m’échine à décrocher les budgets les plus importants et j’accepte volontiers qu’ils soient comparés à ceux de mes prédécesseurs. Je me bats car j’ai la certitude qu’il reste beaucoup à faire. Contrairement à ce que certains ont pu croire, je n’ai jamais dit que la justice avait été réparée. J’ai dit que j’avais réparé l’urgence, mais un journal n’a pas jugé bon de reprendre l’intégralité de mes propos. Si je n’avais pas cette certitude, je ne me serais pas battu pour organiser les États généraux dont le but est de simplifier les procédures et de renforcer les moyens dont notre justice a tellement besoin.

À tous ceux qui donnent des leçons de morale à la majorité à longueur de journée, de tous bords, qui n’ont pas été capables de ramener un centime pour les magistrats, ni un centime pour les greffiers, ni un centime pour les agents pénitentiaires, ni un centime pour les « sucres rapides », je dis « ça suffit ! ». Oui, il reste beaucoup à faire, mais il n’est pas encore élu, le gouvernement qui aura fait mieux que nous en la matière… surtout quand on sait que nous avons fait plus en deux ans pour les moyens de la justice que la gauche en cinq ans, et que la droite pour laquelle les chiffres sont négatifs. Nous avons embauché 700 magistrats, alors que, sous François Hollande, ils n’étaient que 27 et que, sous Nicolas Sarkozy, on taillait à la hache dans la fonction publique et on ne remplaçait pas les magistrats qui partaient à la retraite.

Je le dis avec force, 2023 sera encore une grande année ; l’enveloppe catégorielle de 50 millions d’euros permettra d’atteindre deux objectifs : l’attractivité de tous les métiers de la justice, et la fidélisation des femmes et des hommes qui travaillent au service de la justice de notre pays.

L’effort inédit de revalorisation indemnitaire des greffiers et des directeurs de services de greffe sera poursuivi, et plus de 10 millions y seront consacrés en 2023. Au total, c’est une augmentation de 12 % dont bénéficieront les personnels de greffe entre 2021 et 2023. Par ailleurs, j’ai demandé au directeur des services judiciaires d’engager une réflexion sur une réforme du statut des greffiers.

En ce qui concerne les personnels relevant des corps spécifiques de la protection judiciaire de la jeunesse, 7 millions seront consacrés, cette année encore, à des revalorisations indemnitaires. Cette nouvelle étape vise bien sûr à poursuivre la convergence avec les rémunérations de corps équivalents.

Quant aux surveillants pénitentiaires, nous achevons en 2023 la revalorisation de l’indemnité pour charge pénitentiaire, qui est passée de 1 400 à 1 869 euros sur trois ans. Les surveillants pénitentiaires ont bénéficié en 2022 d’une réforme importante de leur statut et de leur rémunération. La fusion des grades de surveillant et de brigadier a permis de simplifier la carrière des agents et de revaloriser de façon importante le salaire indiciaire, notamment en début et en fin de carrière. Comme je l’ai toujours dit, cette réforme était une première étape.

Des travaux, qui seront engagés dès le début de l’année 2023 avec les organisations syndicales, porteront sur une revalorisation d’envergure de leur statut et de leur rémunération pour les années suivantes. Je tiens à rendre hommage aux personnels pénitentiaires, qui font un travail difficile de manière remarquable. Ils ont accepté, ce qu’ils n’avaient pas fait depuis vingt ans, de signer la charte « Principes du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d’une détention sécurisée », dont l’objectif est de dépasser le rôle du porteur de clés. Troisième force de sécurité du pays, ils sont absolument indispensables et pleinement engagés dans la barque républicaine et judiciaire à laquelle nous sommes tous très attachés.

Pour ouvrir les établissements pénitentiaires du plan 15 000 places, nous devons nous donner tous les moyens pour recruter plus et dans de meilleures conditions, et pour fidéliser les agents.

Nous devons porter une attention particulière à nos corps d’encadrement. Qu’ils soient directeurs des services de greffe, directeurs d’insertion ou de probation, directeurs de service à la protection judiciaire de la jeunesse ou directeurs des services pénitentiaires, tous ces agents assurent au quotidien une mission délicate dans des conditions difficiles et mettent en œuvre des politiques complexes en faveur des personnes que nous prenons en charge. Pour toutes ces raisons, près de 10 millions d’euros seront consacrés cette année à une revalorisation de leur régime indemnitaire, mais également indiciaire.

Troisièmement, les crédits permettront de poursuivre et de finaliser le plan de construction des 15 000 places de prison supplémentaires voulu par le Président de la République.

Environ la moitié des établissements seront opérationnels en 2024, sur la cinquantaine de chantiers en cours. De plus, à l’heure où je vous parle, dix-huit opérations sont en chantier dans toute la France, avec par exemple une nouvelle construction de 740 places à la prison des Baumettes, à Marseille, ou la réhabilitation de l’ancien centre des jeunes détenus de Fleury- Mérogis, qui permettra la création de 408 nouvelles places.

En 2023, pas moins de dix établissements pénitentiaires seront livrés : sept structures d’accompagnement vers la sortie (SAS), dont Avignon, Valence, Meaux ou Osny, et trois centres pénitentiaires, dont Caen et Troyes-Lavau que j’ai pu visiter en juillet dernier.

En 2023, plus de 441 millions d’euros sont inscrits au budget pour la réalisation du programme 15 000.

Celle-ci a été marquée, à ses débuts, par la difficulté des recherches foncières, souvent pour des raisons de faisabilité technique ou environnementale – découverte d’espèces animales protégées notamment –, mais également d’acceptabilité de la part des élus ou des riverains. En la matière, à l’instar des frites McCain, ce sont ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins… Ceux qui ont fait de la sécurité leur cheval de bataille ne sont pas au rendez-vous des obligations citoyennes et du courage nécessaire pour accepter l’implantation d’un établissement pénitentiaire dans sa commune ou sa circonscription.

La mise en œuvre du plan a également été entravée par des démarches contentieuses. Toutefois, puisque les terrains nécessaires au lancement de l’ensemble des projets sont désormais identifiés, les opérations ont pu entrer dans leur phase active et le rythme des livraisons va maintenant s’accélérer, pour s’échelonner jusqu’à fin 2027 et tenir ainsi les engagements du Président de la République.

Le plan 15 000 compte près de 2 000 places de SAS afin d’offrir un meilleur accompagnement aux détenus pour lutter avec acharnement contre la récidive. On parle tant des récidivistes – et oui, c’est un échec à chaque fois pour nous tous –, mais on ne parle jamais du détenu qui ne récidive pas. Et pourtant, on le sait, en évitant les sorties sèches, on diminue le nombre de récidives.

Le plan 15 000, qui portera à plus de 75 000 le nombre de places de prison, nous laisse entrevoir très sérieusement pour la première fois la possibilité d’atteindre notre objectif de 80 % d’encellulement individuel à l’horizon 2027. Nous vous proposerons donc de proroger, pour la dernière fois, le moratoire en la matière, pour que sa fin coïncide avec la sortie de terre de la totalité des constructions prévues dans le cadre du plan 15 000.

Enfin, je souhaite également engager les opérations nécessaires de réhabilitation des établissements pénitentiaires les plus vétustes, en particulier l’opération majeure et prioritaire de réhabilitation du centre pénitentiaire de Fresnes, dont monsieur le président, vous savez qu’elle est nécessaire puisque vous l’avez visité dernièrement avec les députés de cette commission, afin d’y montrer notamment que la prison, ce n’est pas le « Club Med » ou tout autre parc d’attractions auquel elle est parfois comparée.

La construction de nouveaux établissements et la rénovation des établissements existants améliorent non seulement la dignité des conditions de détention, mais aussi les conditions de travail du personnel. La prison doit assurer une réponse pénale ferme, sans démagogie, empreinte d’humanisme, mais sans angélisme. Les conditions de détention dignes permettent aux personnels pénitentiaires de mieux réinsérer les personnes détenues. Il faut faire une place au travail en prison dans les projets de construction ou de rénovation, par exemple en prévoyant des espaces pour stocker du matériel pour les entrepreneurs.

Quatrièmement, je souhaite moderniser et agrandir l’immobilier juridictionnel pour permettre l’accueil des renforts humains dans les années à venir.

Ce sont 502 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 269 millions d’euros en crédits de paiement immobiliers qui sont prévus en 2023 pour permettre : de poursuivre les opérations d’ampleur engagées lors du quinquennat précédent, notamment les chantiers des palais de justice de Lille, de l’Île de la cité à Paris, de Bayonne, etc. ; de poursuivre les études des projets de Cayenne, Cusset, Meaux, Moulins, Nancy, Nantes, Perpignan, etc. ; enfin, de lancer de nouvelles opérations immobilières comme à Argentan, Chartres, Colmar, Saint-Brieuc ou Verdun.

Cinquièmement, enfin, j’évoquerai certains budgets qui permettront de moderniser et d’améliorer concrètement le fonctionnement du service public de la justice et le bien-être de ses agents.

L’enveloppe des crédits consacrée aux dépenses de frais de justice sera portée à 660 millions d’euros pour renforcer les moyens d’enquête et d’expertise de la justice. Cette hausse de 12 millions d’euros porte à 170 millions l’effort consenti en faveur de ces moyens depuis mon entrée en fonctions et contribuera notamment à faciliter le déstockage des affaires, déjà engagé – il représente 30 % pour les affaires civiles à l’échelle nationale. Cela représente du temps judiciaire gagné et du temps d’attente en moins pour nos compatriotes lorsqu’ils sollicitent la justice.

Les crédits d’investissement informatique seront portés à 195 millions d’euros dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre du plan de transformation numérique ministériel. Ils concernent principalement les grands projets informatiques comme ASTREA, ATIGIP 360, PORTALIS ou la PPN – procédure pénale numérique. En parallèle, la mise à niveau technique des infrastructures, telles que les centres de production et le réseau, sera renforcée. J’ai dernièrement recruté un secrétaire général adjoint chargé du numérique, et des informaticiens seront déployés massivement, à raison d’un dans chaque juridiction, pour répondre immédiatement aux besoins du quotidien, notamment en cas de panne ou de bug.

Les crédits de l’accès au droit et à la médiation s’élèveront à 713 millions d’euros en 2023, ce qui représente une hausse de 33 millions d’euros par rapport à 2022, soit 5 %. Dans cette enveloppe, les crédits dédiés à l’aide juridictionnelle continueront de croître en 2023 pour atteindre 641 millions d'euros, ce qui équivaut à une hausse de 26 millions d’euros en une année, soit environ 4 %.

Parallèlement, l’aide aux victime est portée à 43 millions d’euros, soit une hausse de 7 %, ce qui traduit l’importance que j’accorde à cette politique, qui est une priorité gouvernementale.

Sur cette enveloppe, 16,1 millions d’euros seront dédiés aux violences intrafamiliales – VIF –, marquant un doublement du budget VIF, qui était de 8 millions d’euros à mon arrivée en 2020.

Enfin, le renforcement de l’action sociale offerte par le ministère à ses agents sera poursuivi, avec 38 millions d’euros mobilisés en 2023, soit 8 % de plus que les 35 millions d’euros de 2022.

Voilà les grandes lignes du projet de budget 2023 pour la justice, qui frôle désormais les 10 milliards d’euros.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Le budget qui nous est présenté aujourd’hui s’inscrit dans une dynamique de renforcement des moyens de la justice inédite sous la Ve République, et dont nous pouvons être fiers. Il est un signal majeur adressé à notre administration judiciaire. Pour renforcer l’attractivité des corps des magistrats et des greffiers, il prévoit ainsi une revalorisation importante des rémunérations. Pour améliorer le fonctionnement de notre justice et soulager les personnels, il prévoit la création de 1 220 postes en 2023, dont 200 magistrats et 191 greffiers. Pour anticiper l’arrivée de promotions plus importantes permettant d’atteindre l’objectif de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers supplémentaires d’ici la fin du quinquennat, nous renforçons les moyens de l’École nationale de la magistrature et de l’École nationale des greffes.

Pour ce qui concerne les quatre programmes liés à la justice judiciaire et à l’accès au droit, ces engagements forts se traduisent par l’augmentation de 7,2 % des crédits de paiement, traduction budgétaire des revalorisations et des recrutements, mais aussi de l’augmentation des crédits pour les associations d’aide aux victimes et les structures d’accès au droit.

Cette année, la thématique de cet avis budgétaire porte sur l’accès au droit et l’accompagnement des personnes victimes de violences intrafamiliales.

L’une des clés pour garantir que les victimes puissent exercer leurs droits est de multiplier les lieux et les dispositifs où elles seront en contact avec un professionnel susceptible de les accueillir et de les orienter. Les commissariats et les gendarmeries ont ainsi mis en place des procédures pour que la victime de violences conjugales puisse se signaler sans avoir à verbaliser la raison de sa venue. Le travail des associations d’aide aux victimes est, de ce point de vue, fondamental et je me réjouis donc que le budget alloué à ces associations augmente de plus de 11 % cette année. Des outils ont également été élaborés pour aider les professionnels en contact avec de potentielles victimes à évaluer correctement la situation : le ministère de l’intérieur a, par exemple, diffusé une grille d’évaluation du danger, qui comporte une vingtaine de questions.

Comme j’ai pu constater au cours des auditions auxquelles j’ai procédé, depuis le Grenelle des violences conjugales, en 2019, la lutte contre les violences conjugales a changé d’échelle. Des progrès réels ont été accomplis en matière d’accueil des victimes, grâce à ces outils, aux formations mises en place, à la meilleure coordination des acteurs au moyen des COPIL VIF, ou comités de pilotage dédiés aux violences intrafamiliales, pilotés par les juridictions, et surtout grâce aux moyens déployés – puisque l’enveloppe budgétaire allouée aux victimes de violences intrafamiliales a doublé entre 2020 et 2023, passant, comme l’a rappelé M. le ministre, de 8 à plus de 16 millions d’euros.

Des progrès peuvent encore être faits, notamment en formant encore plus largement les professionnels qui sont en contact avec les victimes, notamment les professionnels de l’enfance, en particulier les enseignants et les ATSEM – agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, qui sont en première ligne pour détecter les enfants victimes de violences dans le cercle familial et libérer leur parole.

L’accès au droit passe également par la connaissance des dispositifs de protection des victimes de violences intrafamiliales, au premier rang desquels les ordonnances de protection, première réponse judiciaire, qui n’est pas conditionnée au dépôt d’une plainte. Le nombre de demandes d’ordonnance de protection a augmenté de 73,4 %, entre 2018 et 2021, pour s’établir à 5 921, ce qui illustre la montée en puissance de ce dispositif. Le nombre de téléphones grave danger déployés a, lui aussi, explosé en quelques années, avec une augmentation de 700 % entre 2017 et 2022. L’objectif de 5 000 téléphones déployés sur tout le territoire devrait pouvoir être atteint d’ici à la fin de l’année.

Pour ce qui est de l’accès au droit et de l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales, en particulier mineures, le travail accompli par les administrateurs ad hoc est fondamental. Le rôle de ces administrateurs est de représenter un mineur dans une procédure judiciaire lorsque les représentants légaux de ce dernier ne sont pas en capacité de le faire ou que leurs intérêts divergent des siens. Or, leur nombre a tendance à stagner, voire à diminuer, et les conditions de leur indemnisation n’ont pas été revalorisés depuis 2007.

La protection des victimes de violences intrafamiliales doit aussi progresser sur le volet de la prise en charge des conjoints violents. Les centres destinés à cette fin, dont les premiers ont été ouverts après le Grenelle des violences conjugales, sont désormais au nombre de trente sur la totalité du territoire. Parallèlement à cela, l’expérimentation menée sur le contrôle judiciaire avec placement probatoire, lancée en 2020, qui permet l’éloignement du conjoint violent et sa prise en charge en présentiel, se voit prolongée d’une année. Nous aurons certainement à nous pencher sur l’articulation et la pérennisation de ces dispositifs. Il est donc nécessaire, pour les victimes, que nous poursuivions la création de lieux d’accueil des conjoints violents, condition indispensable du maintien au domicile conjugal, lorsqu’elle le souhaite, de la victime et de ses enfants.

Monsieur le ministre, après cette brève présentation de mes travaux, j’en viens à quelques questions.

Agir sur l’attractivité de la carrière de greffier est devenue une nécessité, comme l’atteste le taux de vacance de 7 % qui touche cette filière. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les travaux engagés pour réformer cette dernière ? La création d’une catégorie A des greffiers, qui permettrait de renforcer cette attractivité, est-elle envisagée ? Quelles seraient les implications budgétaires d’une telle évolution ?

Envisagez-vous de réévaluer les conditions d’exercice des administrateurs ad hoc, qui jouent un rôle fondamental dans la défense des intérêts de l’enfant victime ?

Intégrer les frais de signification au défendeur de la décision d’acceptation de l’ordonnance de protection dans les frais de justice, comme cela me l’a été suggéré à plusieurs reprises au cours des auditions auxquelles j’ai procédé, serait de nature à renforcer l’effectivité de la décision de justice. Est-ce envisageable ?

Plusieurs de mes interlocuteurs ont fait état de difficultés rencontrées avec les bracelets anti-rapprochement, qui émettraient des alarmes intempestives. Le ministère mène-t-il des actions correctrices ?

Pouvez-vous me confirmer que le groupement d’intérêt public nouvellement créé France enfance protégée lancera bientôt une campagne de sensibilisation sur les violences sexuelles commises sur les mineurs ? Cette question me paraît prioritaire, compte tenu du nombre de mineurs victimes chaque année de violences sexuelles, estimé à 160 000 par la Ciivise, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je tiens tout d’abord à rappeler les ordres de grandeur de ces deux budgets dédiés à l’administration pénitentiaire et à la protection judiciaire de la jeunesse.

Pour cette dernière, le budget global représente 1 087 millions d’euros en crédits de paiement, en augmentation de 10,5 %, soit 103 millions d’euros de plus par rapport à l’année précédente. Dans ce budget, les dépenses de personnel augmentent de 13,6 % et les crédits hors masse salariale de 6 %.

Quant à l’administration pénitentiaire, son budget global s’élève à 4,9 milliards d’euros en crédits de paiement, en augmentation de 7,5 %, soit 343 millions d’euros, par rapport à l’année 2022. Dans ce budget, les dépenses de personnel augmentent de 8,6 % et les crédits hors masse salariale de 5,7 %.

Ces deux budgets ont été en constante augmentation au fil des projets de lois de finances de la précédente législature. Ce nouveau projet s’inscrit donc dans la continuité de cette dynamique de progrès, que nous devons saluer car elle montre que notre majorité et le Gouvernement ont pris la pleine mesure des enjeux cruciaux que représentent la politique pénitentiaire et celle de la protection judiciaire de la jeunesse.

Avant d’en venir à la partie thématique de mon rapport, je tiens à rappeler que nous avons été confrontés, en 2017, au mauvais état d’entretien des établissements pénitentiaires, les budgets alloués à cette fin ayant été sous-évalués pendant des années, voire des décennies. En effet, alors que, selon une étude de la direction de l’administration pénitentiaire, le budget nécessaire à la maintenance du parc pénitentiaire est estimé à 140 millions d’euros par an, 60 à 80 millions d’euros seulement y ont été consacrés entre 2014 et 2016. Le résultat était désastreux, notamment parce que la vétusté de certains bâtiments menaçait la dignité des conditions de détention.

Je me réjouis de constater que nous avons redressé la barre : ces budgets ont été en constante augmentation depuis 2017, avec 80,7 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2018, 100,6 millions pour 2019, 110 millions pour 2020, 110 millions pour 2021 et 120 millions pour 2022. Cette année encore, le budget continue dans cette direction avec 124,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour la maintenance et l’entretien des établissements. Gageons que les prochaines années nous permettront d’atteindre le niveau approprié, selon l’évaluation réalisée par l’administration pénitentiaire.

J’en viens à présent à la seconde partie de mon rapport, que j’ai choisi cette année de consacrer aux activités de réinsertion, en milieu fermé comme en milieu ouvert. Je tiens à préciser que j’avais choisi ce sujet avant l’été, car je souhaitais notamment travailler sur les missions des services pénitentiaires d’insertion et de probation – SPIP. La polémique de cet été n’a fait que prouver la pertinence de ce choix, car nous devons visiblement faire encore preuve de pédagogie pour expliquer l’importance de la politique de réinsertion et des activités proposées aux personnes placées sous main de justice.

Du reste, le budget demandé pour 2023 ne s’y trompe pas, puisque les crédits destinés à cette politique sont, eux aussi, en augmentation, notamment pour le déploiement du bracelet anti-rapprochement, dont le budget augmente de près de 145 %, le développement du placement à l’extérieur, avec une augmentation de 67,5 %, et la mise en œuvre des réformes liées au travail en détention et au nouveau statut du détenu travailleur, avec un budget en hausse de 28 %. Je me réjouis de ces augmentations, qui montrent que la politique de réinsertion est aujourd’hui l’une des facettes essentielles de la politique pénitentiaire.

En milieu ouvert, nous devons continuer à développer toutes ces formes de suivi qui permettent de s’adapter au profil des personnes condamnées et, ainsi, de construire avec elles un parcours de réinsertion aussi adapté que possible. En milieu fermé, les activités proposées aux personnes détenues recouvrent plusieurs domaines : travail, formation professionnelle, insertion par l’activité économique, enseignement et activités éducatives, culturelles, socioculturelles, sportives et physiques. Toutes ces activités organisées dans le cadre de la détention contribuent au quotidien carcéral et aux parcours de réinsertion des personnes détenues. Si l’on comprend aisément l’apport des activités de formation, d’enseignement ou de travail, il ne faut pas perdre de vue que les autres activités ont également leur rôle à jouer. En effet, les apports socio-culturels permettent aux personnes détenues de développer notamment leurs compétences sociales et leurs capacités relationnelles, qui sont un maillon essentiel de la réinsertion.

En conclusion, il me semble important de rappeler que la politique de réinsertion est mise en œuvre notamment par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, souvent bien moins connus de nos concitoyens que les personnels de surveillance, alors qu’ils exercent des missions essentielles, assurant à la fois le contrôle des obligations prononcées par l’autorité judiciaire, notamment en milieu ouvert, et l’accompagnement personnalisé des personnes placées sous main de justice. Ils sont ainsi au premier rang de la lutte contre la récidive.

Monsieur le ministre, au cours des auditions et des déplacements que j’ai effectués, j’ai été alerté à plusieurs reprises par le manque d’attractivité des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les directrices et directeurs de ces services ont d’ailleurs engagé récemment un mouvement social pour réclamer une amélioration de leur statut. Je les ai reçus et j’ai pu échanger avec eux sur ce sujet. Comment le Gouvernement prend-il en compte ces enjeux et quelles mesures catégorielles sont – ou seront – adoptées en faveur de ces personnels dédiés à la réinsertion ? Envisagez-vous de continuer le recrutement des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation sur le reste de la durée du quinquennat ?

Je m’interroge également sur la mise en œuvre, en janvier prochain, de la nouvelle procédure de libération sous contrainte – LSC – de plein droit. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit à ce titre le « fléchage » de trente agents de surveillance électronique, nombre qui, selon plusieurs syndicats, risque d’être insuffisant pour prendre en charge les nouvelles mesures de détention à domicile sous surveillance électronique qui seront mises en œuvre dans ce cadre. Comment seront gérées les mesures prononcées en application de cette nouvelle LSC ?

M. Patrick Hetzel, rapporteur spécial. Ce budget pour 2023 semble traduire les premières conséquences que le ministère entend tirer des recommandations formulées par le comité des États généraux de la justice. C’est une bonne chose. Toutefois, derrière des effets d’annonce, la réalité est, hélas, bien plus complexe et ambiguë qu’il n’y paraît.

Pour ce qui est de la justice judiciaire, il convient, en premier lieu, de rappeler que les difficultés structurelles des juridictions sont considérables. À titre d’exemple, le taux de vacance des postes de greffiers s’établit à 7,2 %, soit 2,7 points de plus qu’en 2019, avant la crise du covid-19. De plus, les cibles fixées en matière de délais de traitement des affaires civiles repartent de nouveau à la hausse.

La Première ministre a annoncé dans son discours de politique générale la création de 1 500 postes de magistrats sur cinq ans. Si 200 ETP, ou équivalents temps plein, de magistrats sont prévus par le projet de loi de finances pour 2023, sans doute les 1 300 postes supplémentaires seront-ils pour plus tard. Le ministère reste néanmoins dans l’ambiguïté : ces emplois relèvent-il de la création de postes au sein des juridictions ou de l’ouverture de places supplémentaires à l’École nationale de la magistrature ? En d’autres termes, ces renforts seront-ils opérationnels en 2023 ou à compter de 2025 seulement ?

Vous avez en outre annoncé une revalorisation à hauteur de 1 000 euros, à partir d’octobre 2023, de la rémunération des magistrats, qui prendra la forme d’une hausse des primes forfaitaires et modulables versées à ces derniers. En réalité, nous voyons bien que cette revalorisation concernera en priorité les magistrats les plus expérimentés, puisque ces primes sont indexées sur le traitement indiciaire. Surtout, cette prime ne résoudra pas la question centrale de l’attractivité de la profession.

Pour ce qui est de l’administration pénitentiaire, en dépit de la livraison de nouvelles places de prison, la population carcérale continue de progresser bien plus vite. Le taux d’occupation des places en maison d’arrêt pourrait ainsi atteindre plus de 130 % en 2023. Dans ces conditions, comment espérer une véritable amélioration des conditions de détention ?

Le projet de loi de finances prévoit par ailleurs la création de 809 emplois. Or, ces postes concernent majoritairement des personnels de surveillance, pour lesquels, comme nous l’avons vu pour les derniers budgets, le schéma d’emplois est, hélas, systématiquement sous-exécuté : l’action ne suit pas les annonces.

Des moyens supplémentaires seront, en outre, alloués au bracelet anti-rapprochement. Néanmoins, comme l’a d’ailleurs indiqué aussi notre collègue Aurélien Pradié, ces outils ont connu de nombreux dysfonctionnements, ce qui a conduit le ministère à changer de prestataire en 2022. Cet exemple montre qu’en dépit de moyens supplémentaires, le pilotage fait toujours défaut.

Par ailleurs, l’article 44 du projet de loi de finances prévoit de prolonger de deux ans l’expérimentation rendant obligatoire une tentative de médiation préalable à la saisine du juge pour certaines affaires familiales. Sur le principe, j’y suis favorable, mais ce serait la troisième fois que nous prolongerions cette expérimentation alors que, selon les informations dont nous disposons, la Cnaf, la Caisse nationale des allocations familiales, n’a toujours pas donné son accord pour participer à son financement. On nous demande donc de nous prononcer sur un article sans savoir quelle en sera la véritable portée.

Enfin, permettez-moi de citer des acteurs du terrain judiciaire. Récemment, dans ma circonscription, à l’occasion de l’audience de rentrée, la présidente et la procureure du tribunal de Saverne ont dressé un état des lieux. La présidente a ainsi déclaré : « Nous sommes en situation de plein-emploi théorique. L’équilibre demeure fragile et, du côté des greffes, la situation est plus que délicate. Nous sommes en sous-effectif chronique, avec des postes non pourvus, nous obligeant à prioriser certains services et à ne traiter que les urgences pour d’autres. » La procureure a ajouté : « Le mérite de tous est grand, car la justice est le seul service public à devoir absorber chaque année, dans les faits et à moyens constants, une quantité énorme de réformes, et ce dans tous les domaines. » Comme vous le voyez, les choses sont un peu différentes sur le terrain de ce qu’elles sont dans vos discours.

Tous ces exemples montrent que, sans pilotage satisfaisant de ces moyens supplémentaires, la justice ne pourra sortir durablement de la crise qu’elle traverse encore aujourd’hui. Beaucoup reste donc à faire et, jusqu’à présent, les résultats ne sont malheureusement pas satisfaisants.

Monsieur le ministre, la justice de terrain, celle du quotidien, celle qui vit la réalité des tribunaux, est très éloignée de ce que vous venez de nous présenter. Quand accepterez-vous d’en venir enfin au principe de réalité ?

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux questions des représentants des groupes.

Mme Caroline Abadie (RE). Nous étudions aujourd’hui le budget de la mission Justice qui, dans la continuité des cinq années précédentes, est marqué par une hausse historique de 8 %, qui le porte ainsi à plus de 9,6 milliards d’euros. Depuis 2017, nous avons considérablement renforcé les moyens humains et techniques de la justice. Après une augmentation budgétaire de 40 % sur la période de 2017 à 2022, le budget que vous nous présentez conserve, monsieur le ministre, la même dynamique.

Au nom du groupe Renaissance, je salue votre travail et l’effort budgétaire réalisé. Votre engagement témoigne de votre volonté de pérenniser et d’améliorer les actions entreprises pour moderniser le service public de la justice au service des Français.

Ce budget pour 2023 promet d’ailleurs une trajectoire ambitieuse pour la prochaine loi de programmation, qui interviendra dans la continuité des États généraux de la justice, en engageant des projets structurants pour votre ministère. En effet, après la création de plus de 7 000 emplois durant le précédent quinquennat du Président de la République, 10 000 créations de postes sont annoncées pour la période de 2023 à 2027, dont 2 253 ETP dès 2023, au service de nouveaux établissements pénitentiaires, de la protection judiciaire de la jeunesse et, bien sûr, de nos juridictions.

Il s’agit d’augmenter les effectifs et les rémunérations pour valoriser à leur juste niveau les missions et attirer les meilleurs profils. Sont ainsi créés par ce projet de loi de finances 208 postes de magistrats et 191 postes de greffiers, avec l’objectif d’en créer 1 500 pour chacun de ces emplois sur la durée du quinquennat.

Ma première question porte donc sur le phasage de ce déploiement, en termes de formation, de recrutement et de déploiement dans nos tribunaux – j’en veux pour exemple le tribunal de Vienne, dont les effectifs étaient complets cette année pour les postes de magistrats, mais inférieurs au seuil pour les postes de greffiers.

Des efforts similaires renforcent et modernisent l’accès au droit. Je salue à cet égard la progression de 26 millions d’euros des crédits budgétaires alloués à l’aide juridictionnelle, volet essentiel de cette politique. Dans le même temps, une augmentation de 7 % vient abonder les crédits accordés à l’aide aux victimes, axée sur une prise en charge pluridisciplinaire et, plus spécifiquement, sur les victimes de violences conjugales. Ces moyens permettent de financer des outils majeurs de la protection des victimes, comme les 5 000 téléphones grave danger.

Je me réjouis de voir les moyens de l’administration pénitentiaire renforcés, avec un effort tout particulier consacré à la réinsertion. Renforcement des moyens humains pour les conseillers de probation et d’insertion, financement pour accompagner le déploiement du contrôle judiciaire sous placement probatoire pour les auteurs de violences conjugales, renforcement des moyens de l’Atigip, l’Agence nationale du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle : ce sont là autant de moyens mobilisés pour l’indispensable mission de réinsérer les personnes placées sous main de justice.

Pour ce qui est plus précisément de la formation professionnelle, quels sont les objectifs et le mode de cofinancement envisagés avec les régions dans le cadre de la convention signée avec elles en début d’année ? Je rappelle à cet égard que, depuis le transfert de cette compétence aux régions, le nombre de détenus formés est passé de 40 % à moins de 12 %.

Avec la poursuite du plan 15 000 places, nous disposons de deux leviers complémentaires qui permettront, je l’espère, de réduire la surpopulation carcérale, particulièrement en maison d’arrêt. D’où une question sur les réalisations qui sortiront de terre en 2023 : à combien de places supplémentaires le chiffre de dix établissements que vous avez évoqué peut-il correspondre ?

Je tiens, enfin, à saluer l’engagement de l’ensemble des personnels de la PJJ et de ceux de l’administration pénitentiaire, confrontés à des conditions de travail toujours très difficiles compte tenu de l’occupation carcérale croissante. Ce budget nous permet de dire que, si la prison punit et surveille, elle réinsère aussi.

La réunion, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures vingt.

M. Thomas Ménagé (RN). Le pragmatisme nous invite d’abord à saluer la hausse des crédits alloués à la justice par ce budget pour 2023. Néanmoins, le réalisme nous oblige à nous rendre à l’évidence en décelant sous cette hausse un véritable budget de l’impuissance. Non, il ne permettra pas de rompre avec le laxisme judiciaire face à l’insécurité qui gangrène notre pays depuis des années.

Monsieur le ministre, vos fonctions font de vous d’abord le garant de l’exécution des peines prononcées. Pourtant, tout est fait pour qu’elles ne soient plus exécutées. Je n’invente rien, ce sont vos chiffres qui le démontrent : seules 21 % des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à six mois font réellement l’objet d’une détention. Pire, vous souhaitez atteindre les chiffres de 18 % en 2023, 16 % en 2024, puis 14 % en 2025. Au lieu de poursuites en bonne et due forme après la commission d’un délit, les alternatives aux poursuites ou les peines alternatives, dont vous êtes friand et dont on sait pourtant qu’elles n’ont aucun effet, sont en constante augmentation. Le taux de rappels à la loi par délégué du procureur de la République passera ainsi de 30 % en 2020 à un objectif de 47 % en 2025. Le taux de peines alternatives à l’emprisonnement ferme passe, quant à lui, de 76,9 % en 2020 à un objectif de 81 % en 2025.

C’est donc sur cette base et sur ces prévisions que se fonde ce budget de la justice, qui témoigne d’un laxisme inacceptable pour les victimes et contre-productif pour prévenir la récidive. Beccaria disait que la certitude d’une punition, même modérée, fera toujours plus d’impression que la crainte d’une peine terrible si à cette crainte se mêle l’espoir de l’impunité. Vous devriez vous en inspirer. C’est tout le sens de nos propositions et du projet défendu par Marine Le Pen durant sa campagne présidentielle, proposant de privilégier les peines courtes, réputées plus efficaces pour prévenir la récidive et éviter que la petite délinquance du quotidien ne se transforme en grand banditisme.

Par votre intermédiaire, l’État abandonne progressivement l’une de ses missions régaliennes en la sacrifiant sur l’autel de la bien-pensance et de l’angélisme. Au bout du compte et comme toujours, cela pèse sur les Français, qui subissent l’insécurité au quotidien.

Sur le territoire dont je suis élu, le Loiret, un cas illustre toutes les contradictions et les injustices de votre politique. Le 20 septembre 2020, Valentin, 19 ans, était fauché par un automobiliste conduisant sous l’influence de l’alcool et de stupéfiants. Aujourd’hui, 25 octobre 2022, deux ans après les faits, la procédure est toujours en cours, interminable. Les parents de la victime m’ont fait part de leur immense chagrin et de ce qu’a d’insoutenable l’attente d’un jugement définitif et d’une réparation qui ne sera jamais à la hauteur de leur perte. Pendant ce temps, l’auteur est en liberté, a toujours son permis de conduire et, au volant de son véhicule, nargue les habitants de Montargis, dont les parents de Valentin et sa petite sœur.

Plus occupé, depuis votre nomination, à combattre le Rassemblement national qu’à apporter des réponses concrètes pour lutter contre la délinquance et à la criminalité, vous abdiquez une nouvelle fois, alors que l’insécurité vécue par nos concitoyens justifierait une réponse judiciaire forte. Ce budget révèle un projet politique : celui de l’impunité généralisée et du permis de commettre des infractions. Au fond, il dévoile une nouvelle corde à votre arc : la capacité de faire moins bien avec plus.

Qu’attendez-vous pour orienter ces hausses de budget vers le renforcement de la politique d’exécution des peines de l’ensemble des délinquants et pour rompre avec le marqueur de votre impuissance qu’est le déploiement massif des peines alternatives ?

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). L’augmentation de 8 % du budget de la justice, que vous jugez significative, sera très amoindrie par l’inflation. La France est à la traîne par rapport à ses voisins européens puisqu’elle dépense 72 euros par an et par habitant là où l’Italie en dépense 82, l’Espagne 88 et l’Allemagne 141. En outre, la France ne dispose que de 11 magistrats pour 100 000 habitants, contre le double pour l’Allemagne.

Un seul exemple suffit pour montrer à quel point vous êtes sinistrement déconnecté des besoins du terrain : le budget alloué à l’administration pénitentiaire, notamment pour la création de places de prison, est près de 8 fois plus élevé que celui de l’accès au droit et à la justice, et 4,5 fois plus élevé que celui de la protection judiciaire de la jeunesse. Votre budget est donc porté sur une politique carcérale et non sur l’amélioration en profondeur de ce service public en souffrance. Ainsi, l’aide juridictionnelle n’augmente que de 4,2 %, contre 15 % l’année dernière, au détriment des justiciables précaires. Tous les professionnels sur le terrain préconisent pourtant un élargissement massif de ce budget, indispensable pour l’accès aux droits des citoyens.

Par un heureux hasard, nous avons visionné hier soir, en collaboration avec le barreau de Paris, le documentaire « La justice à bout de souffle ». Les professionnels y sont unanimes pour dire que la justice va mal, très mal. Or le budget que vous nous présentez relève de l’indécence tant il est éloigné de la réalité des besoins.

Pour conclure, je citerai une greffière abordant la question des suicides et des conditions de travail déplorables : « Combien voulez-vous de morts ? ». Il est plus que temps de cesser cette politique d’investissement de façade dans la justice et d’agir pour remédier à la souffrance des professionnels et des justiciables dont vous devez défendre la cause.

M. Erwan Balanant (Dem). C’est un budget sans précédent de 9,6 milliards d’euros, en hausse de 8 % pour la troisième année consécutive que vous nous présentez. Nous pouvons le dire avec fierté : la justice se donne désormais les moyens de son action ; mais le chemin reste long tant l’administration judiciaire a été lésée pendant de nombreuses années. Ce budget n’est donc qu’une étape à valoriser.

Je tiens tout d’abord à saluer les efforts en faveur de la justice judiciaire, qui permettront de contribuer au déploiement de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire et de donner corps aux États généraux de la justice. Je salue également la hausse substantielle de 33 millions d’euros du budget alloué à l’accès au droit.

Le code de la justice pénale des mineurs, dont nous venons de souffler la première bougie, a déjà su montrer son efficacité. Jusqu’à l’année dernière, les délais de jugement pour les mineurs n’étaient pas encadrés. Un mineur était jugé en moyenne dans un délai de 18 mois, et 45 % d’entre eux avaient alors atteint la majorité. Désormais, de l’audience de culpabilité à l’audience de sanction, il ne s’écoule plus que 8 à 9 mois en moyenne : c’est inédit. Vous annoncez votre volonté de poursuivre l’évaluation de cette réforme à travers une trentaine d’indicateurs nationaux et locaux qui permettent d’apprécier l’application quantitative et opérationnelle du code à chaque stade de la procédure. Pourriez-vous préciser de quelle manière les moyens alloués à l’accompagnement de l’ensemble des réformes de 2023 toucheront spécialement la justice pénale des mineurs ?

Par ailleurs, dans un avis de juillet 2021, la Défenseure des droits a révélé que les chefs d’établissements étaient réticents à prendre en charge des cas de harcèlement scolaire lorsque des plaintes étaient en cours d’enquête ou ont été classées sans suite, alors que ces deux procédures sont compatibles et indépendantes. Ne serait-il pas intéressant, pour une meilleure compréhension des droits de nos enfants, d’accentuer le partenariat entre la justice et l’éducation nationale ?

M. Ian Boucard (LR). Monsieur le garde des sceaux, vous avez récemment déclaré que la justice, c’était difficile à rendre. Je vous rejoins totalement. Il faut donc lui donner des moyens à la hauteur des ambitions affichées. Comme chaque année, la majorité présidentielle et le Gouvernement se félicitent d’un budget de la justice présenté comme exceptionnel et historique, alors que chacun sait que rien ne va changer fondamentalement pour les justiciables. En 2023, la plupart de nos concitoyens devront toujours attendre près de deux années pour qu’une décision de justice soit rendue : cela n’est pas acceptable.

Il est vrai que le budget de la justice augmente chaque année – ni plus ni moins que le budget général. Cette augmentation sera-t-elle suffisante pour que la justice soit mieux rendue ? Assurément non. Malgré les hausses des crédits intervenues ces dernières années, notre système judiciaire se dégrade petit à petit, en raison notamment de crédits d’investissement qui ne peuvent pas être dépensés. En trois ans, une année complète de crédits n’a pas été dépensée. Le covid-19 n’explique pas tout : alors que 15 000 places de prison étaient prévues pendant le premier quinquennat, ce chiffre a été ramené à 7 000 places d’ici à la fin de l’année 2022, avec peut-être 8 000 places supplémentaires à l’horizon 2027. Alors que nous arrivons à la fin de la première échéance, seules 2 081 places ont été ouvertes, et il ne devrait y en avoir que 2 000 supplémentaires en 2023. Le compte n’y est pas ! Nos prisons sont délabrées et indignes, avec un taux d’occupation qui ne fait qu’augmenter, passant de quasiment 120 % en 2020 à 126 % en 2021. Quant à l’année 2022, elle s’annonce encore plus compliquée avec une estimation à 129 %.

Le temps d’attente pour les justiciables est insupportable. Le délai moyen de traitement pour les affaires civiles est passé de 17,9 mois en 2020 à 19,1 en 2021 pour la Cour de cassation, et de 17 mois à 17,5 mois en cour d’appel, soit plus d’un an et demi avant que ces juridictions ne prennent une décision. Ces lenteurs difficilement acceptables ne font qu’augmenter d’année en année.

Il y a néanmoins des points positifs dans ce projet de loi, notamment en ce qui concerne les créations d’emplois. En 2023, le ministère bénéficiera de la création de 2 253 équivalents temps plein (ETP), dont 1 220 dans les services judiciaires pour renforcer la justice de proximité et résorber la vacance d’emploi dans les greffes, 809 dans l’administration pénitentiaire pour l’ouverture de nouveaux établissements et 92 pour la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Toutes ces créations d’emplois ne seront pas de trop au regard de l’augmentation du nombre d’affaires à juger, de la paupérisation de nos prisons et du manque de sécurité latent.

En juin 2022, il y avait 241 361 personnes prises en charge par l’administration pénitentiaire, dont 71 678 placées sous écrou. Heureusement, les 43 000 agents des services pénitentiaires, dont près de 30 500 personnes de surveillance et 5 000 personnels des Spip (service pénitentiaire d’insertion et de probation) sont présents chaque jour pour contribuer à la réinsertion des détenus et assurer leur sécurité. Je souhaite d’ailleurs leur rendre hommage, car ils font beaucoup avec peu de moyens, tout en étant la cible de violences de la part de la population carcérale. Ces violences, en constante augmentation, nécessitent des investissements de sécurité beaucoup plus conséquents que ceux prévus dans le projet de budget pour 2023.

Enfin, la réforme du code de procédure pénale est réclamée à la fois par les forces de l’ordre et par une bonne partie de l’institution judiciaire. À une question de ma part sur ce sujet lors du Beauvau de la sécurité, vous m’aviez répondu, avec votre verve habituelle, que cela ne se réformait pas d’un coup de baguette magique. Cette réponse a désormais un an et demi et aucune réforme sérieuse ne vient pointer le bout de son nez. Où en sommes-nous de cette réforme, qui ne coûterait pas un euro de plus ?

Mme Cécile Untermaier (SOC). Le budget de la justice pour 2023 s’inscrit dans la continuité d’un effort significatif, avec une augmentation de 8 %. Les États généraux de la justice ont donné le tempo de la nécessité de maintenir cette trajectoire, tandis que les citoyens ont pris conscience du niveau de la justice en France, qui se situe en dessous de la moyenne européenne. Cela nous oblige.

Cet effort budgétaire n’est toutefois pas le plus remarquable : les 15 milliards d’euros alloués au ministère de l’intérieur accentuent le différentiel, alors qu’on sait combien justice, sécurité et libertés doivent fonctionner ensemble.

Une augmentation de 85 millions d’euros est consentie à la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que 92 créations de postes. C’est un effort manifeste, même si ce dernier chiffre peut paraître faible au regard de ce qui est demandé aux équipes mobilisées par la réforme de la justice pénale des mineurs. Il ressort des premières auditions que nous avons menées, avec mon collègue Jean Terrier, que les capacités de la protection judiciaire de la jeunesse pour réduire les délais ne sont pas aussi évidentes qu’on pourrait le croire. C’est normal, il faut changer les pratiques. Nous défendrons donc des amendements raisonnables, de nature à lui donner plus de souplesse dans l’exercice de ses missions, par exemple 50 postes supplémentaires de coordonnateurs, de formateurs et d’encadrement intermédiaire, ainsi que des psychologues, dont la jeunesse délinquante a besoin.

La détention provisoire ne diminue pas : elle s’élève toujours à 30 % des personnes détenues. Je sais que vous être résolu à y parvenir. Que doit-on faire pour cela ? Manque-t-on d’équipements, d’alternatives, d’éducateurs qui seraient en capacité de rassurer les juges pour prendre des décisions autres que l’enfermement ?

La question du numérique est tout à fait centrale dans les tribunaux judiciaires. Les logiciels sont extrêmement lourds à utiliser et ralentissent considérablement le travail des juges, alors la Cour de cassation et le Conseil d’État utilisent des logiciels tout à fait performants. Il faut absolument arriver à régler cette question. Avez-vous mesuré toute l’importance de ce sujet ?

M. Didier Lemaire (HOR). Le budget de la mission Justice augmente en 2023, la hausse s’élevant à 26 % depuis trois ans. L’objectif est triple : réduire les délais de traitement, particulièrement dans les contentieux du divorce et les contentieux portés devant le conseil des prud’hommes ; renforcer l’efficacité de la réponse pénale ; adapter et moderniser la justice en renforçant l’accès des usagers à leur dossier en ligne afin de faire baisser les frais de justice. Cette augmentation des crédits est cohérente avec les axes prioritaires défendus par le Gouvernement, à savoir le renforcement des moyens humains, l’amélioration des conditions de détention et le renforcement de certaines politiques pénales comme la lutte contre les violences intrafamiliales.

La France connaît un déficit de greffiers et de magistrats. Je me réjouis donc de la création de 10 000 emplois, dont 2 553 dès 2023, et du doublement de l’enveloppe consacrée aux mesures catégorielles, soit 80 millions d’euros pour renforcer l’attractivité des métiers. Sachant que notre pays comprend plus de 600 juridictions, pourriez-vous nous détailler la répartition de ces créations d’emplois ? Savez-vous d’ores et déjà dans quelles juridictions, quels services, quels territoires et quels délais ces nouveaux emplois seront pourvus ?

Le Gouvernement souhaite renforcer certaines politiques pénales, dont la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales. C’est indispensable, car celles-ci sont encore trop peu suivies de plaintes, en particulier lorsqu’il s’agit d’agressions à caractère sexuel. Je me réjouis donc que le budget consacré aux frais de justice augmente de 12 millions d’euros en 2023 et espère que cela encouragera les victimes à agir contre leurs bourreaux. En conclusion, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission.

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). J’ai bien noté que les crédits de la mission Justice augmentaient cette année. Malheureusement, le volontarisme que vous affichez ne suffira pas à combler l’immense retard que nous avons accumulé depuis de trop nombreuses années. Nous partons en effet de très loin : le personnel est à bout, il n’a plus les moyens de rendre une justice de qualité, la justice civile est débordée, les cabinets des juges pour enfants sont saturés, les procureurs sont en sous-effectif et les cadences sont infernales. La perte de sens est totale.

Au niveau européen, la France se situe dans les derniers rangs s’agissant des budgets attribués à la justice. L’Allemagne compte deux fois plus de juges, de procureurs, d’avocats et de greffiers que la France, et même l’Espagne, l’Italie et la Belgique font mieux que nous. Le résultat de ce manque d’investissement, c’est l’allongement sans fin des délais de jugement. Le recours à la justice est devenu un véritable parcours du combattant, les requérants ne sont plus écoutés, les juges des affaires familiales sont trop souvent contraints de traiter chaque dossier de divorce ou de séparation en quinze minutes, sans même prendre le temps de donner la parole aux couples. Quant aux juges des enfants, ils sont condamnés à renouveler les mesures de suivi éducatif sans voir les familles, le nombre de dossiers à gérer étant tel qu’ils ne peuvent les recevoir toutes. Les délais de jugement sont scandaleusement longs : en première instance, au civil, un dossier est instruit en moyenne en 420 jours en France contre 220 jours en Allemagne.

Face à cette justice en crise, face à l’urgence dans laquelle nous sommes, les mesures que vous annoncez ne sont pas à la hauteur. Les présidents des tribunaux demandent 1 500 magistrats immédiatement – pas sur cinq ans ! Or 200 magistrats en 2023, ce n’est pas suffisant. Même constat pour l’équipe autour du magistrat : le juge a besoin de greffiers et de juristes assistants. Là encore, les effectifs et les revalorisations que vous annoncez ne sont pas à la hauteur. Il faut recruter davantage de greffiers pour que leur charge de travail soit raisonnable, avec un ratio minimum de deux greffiers pour un magistrat. Il faut aussi rendre leur fonction plus attractive en améliorant leur statut, leur rémunération et les perspectives d’évolution, par exemple en passant tous les greffiers en catégorie A. Il faut aussi revaloriser la carrière des juristes assistants, qui doivent pouvoir bénéficier d’un statut pérenne et attractif. L’absence de perspective à long terme – ils sont recrutés pour trois ans, renouvelable une fois – les incite à chercher un emploi plus stable, même lorsqu’ils s’épanouissent dans leur mission.

Malgré des efforts notables, ce projet de budget reste en dessous des besoins et ne résout pas à lui seul les grandes difficultés auxquelles fait face la justice de notre pays.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Monsieur le garde des sceaux, le ministère dont vous avez la charge craque de partout : manque chronique de moyens humains et financiers, manque de considération. Cela fait de trop nombreuses années que la justice est délaissée par le pouvoirs publics. Ce n’est pas de votre seul fait, certes, mais c’est à vous qu’il appartient désormais de proposer un budget à la hauteur des enjeux. Le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice du 5 octobre dernier confirme que la France continue de figurer parmi les pays qui, à PIB comparable, investissent le moins dans leur justice. Les conséquences de ce manque de moyens sont terribles, tant pour les professionnels de la justice que pour les justiciables. Ainsi, les délais de traitement des affaires pâtissent de ce sous-investissement : en moyenne, un dossier en première instance pour une procédure civile est résolu en 637 jours en France, contre 237 jours dans le reste de l’Europe. La hausse du budget de plus de 8 % est un début, mais elle nous paraît encore trop faible au regard des besoins, d’autant qu’une large partie de celle-ci sera absorbée par l’administration pénitentiaire.

Je souhaite aborder en particulier la question de la dotation annuelle de l’aide juridictionnelle, qui est largement insuffisante. Dans le barreau où j’exerce, elle a été épuisée dès le mois de juin cette année, et la dotation complémentaire l’a été dès le mois de septembre. La modification des critères d’accès à l’aide juridictionnelle semble en être la cause, mais c’est surtout l’augmentation de la pauvreté en France qui entraîne une demande plus importante. Pour 2023, le budget accordé à l’aide juridictionnelle augmentera de 4,2 % : c’est un bon début mais cela nous paraît encore très insuffisant. La pauvreté en France explose : 12 millions de personnes vivent désormais en dessous du seuil de pauvreté, ce qui représente 18,46 % de la population ; à La Réunion, ce taux s’élève même à 20 %. L’augmentation des crédits de l’aide juridictionnelle doit donc accompagner cette réalité. Or, la pauvreté ne figure pas dans les différents critères d’analyse de votre ministère pour évaluer le besoin : pas de mention de l’explosion de ce phénomène, pas de prise en compte de ses conséquences directes, pas de projection sur l’augmentation des demandes d’aide juridictionnelle. Nous craignons donc que l’augmentation de la dotation pour 2023 soit bien en deçà de ce qui serait nécessaire.

En conclusion, le budget que vous présentez est encore très insuffisant au regard des besoins et des objectifs affichés. Je crains que, pour compenser cette insuffisance, vous ne décidiez dans un prochain projet de loi de réforme de la justice de généraliser quelques procédures complexes qui éloigneront encore plus le justiciable de la justice ou contribueront à diminuer le nombre d’affaires traitées à grands coups de caducité, de nullité ou d’irrecevabilité. Le besoin de justice est toujours plus important dans notre société où les inégalités se creusent. En tiendrez-vous compte ?

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Il n’est pas possible de nier les efforts budgétaires conséquents affichés dans le projet de budget pour 2023, avec 8 % d’augmentation en un an. Cependant notre groupe est partagé, car les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le problème semble être lié à un changement de paradigme.

S’agissant de la crise de recrutement qui frappe le système judiciaire, notre groupe relève l’écart entre les annonces de communication et les faits. Alors que la Première ministre, dans son discours de politique générale, annonçait 3 000 créations de postes réparties à égalité entre magistrats et greffiers, le budget 2023 nous semble loin de ce compte : il est prévu de créer « seulement » 200 postes de magistrats. Pourquoi reporter à demain, voire à la fin du quinquennat, le recrutement de 1 500 magistrats, alors que les tensions sur les juridictions judiciaires sont prégnantes ? S’agit-il de créations de postes immédiates, dès 2023 dans les juridictions, ou seulement de places supplémentaires à l’École nationale de la magistrature ?

Cette crise a un impact direct sur le principal indicateur de la mission : la durée de traitement des affaires judiciaires, au civil comme au pénal. Depuis la pandémie, le stock ne diminue pas, au point qu’il devient difficile de rendre justice dans un délai raisonnable. Outre les inégalités qui en découlent, la France s’expose à de nouvelles condamnations européennes pour ces délais excessifs. Le rapport du comité des États généraux de la justice, publié en juillet dernier, préconise comme piste d’amélioration de renforcer l’entourage du magistrat. Or, l’attractivité des emplois nous semble au point mort : les greffiers manquent à l’appel en dépit des crédits additionnels. Comment expliquer que le taux de vacance des postes de greffiers progresse et s’élève à 7,2 % ? Quelles sont les pistes explorées par le ministère pour pallier ce manque ?

S’agissant des prisons, là encore, notre groupe ne remet pas en cause la volonté de l’exécutif : des moyens sont prévus, 650 millions d’euros étant affectés aux investissements immobiliers. Cependant les indicateurs restent dans le rouge : le taux d’occupation des places en maison d’arrêt dépassera les 130 % en 2023, contre 119 % en 2020. Concrètement, quelles sont les projections d’évolution de ce taux d’occupation carcérale ?

Notre groupe s’inquiète également des faibles recrutements dans l’administration pénitentiaire. Comment expliquer que, chaque année, en dépit des créations annoncées, les prévisions sont atteintes d’une sous-exécution chronique ? Au-delà des efforts concernant la rémunération, quels sont les moyens déployés pour renforcer l’attractivité d’un métier qui souffre d’une image peu favorable ?

Enfin, notre groupe demande des éclaircissements sur la troisième demande de prolongation de l’expérimentation de la médiation préalable pour les affaires familiales. Depuis 2016, le Gouvernement n’a déployé le dispositif que dans onze juridictions, la pandémie n’étant sans doute pas la seule cause justifiant ce retard. Nous nous interrogeons également sur son financement : l’évaluation préalable évoque un coût total de 7,7 milliards sur 2023, dont seulement 2,8 pour l’État. En réalité, le coût pèse à 75 % sur les CAF (caisses d’allocations familiales). Comment le ministère peut-il le prolonger avant d’avoir obtenu les garanties que celles-ci poursuivront ce modèle de financement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la rapporteure pour avis, les greffiers bénéficieront à la fois d’une augmentation indemnitaire, à hauteur de 10 millions d’euros, et d’une revalorisation statutaire.

Le ministère travaille à une réforme de la mission et de la tarification des administrateurs ad hoc. Nous souhaitons qu’il y en ait un auprès de chaque enfant qui se présente devant une unité d’accueil pédiatrique des enfants en danger (UAPED). Et il faudrait qu’il y ait une UAPED par département : ce sont des lieux absolument essentiels, qui permettent de soigner les enfants et de les prendre totalement en charge, du point de vue médical, sanitaire, psychologique, psychiatrique et judiciaire. Il me semble d’ailleurs qu’il faudrait renommer ces « administrateurs ad hoc », car c’est un nom compliqué pour un petit enfant. Nous avons pensé à « parrain judiciaire », mais si vous avez d’autres idées, nous sommes preneurs.

Le financement de la campagne de sensibilisation sur les violences sexuelles commises sur les mineurs est prévu au sein du groupement d’intérêt public (GIP) dédié. C’est un sujet absolument prioritaire, vu le nombre de mineurs victimes chaque année, qui s’élève à environ 160 000 par an.

Deux voies sont ouvertes aux greffiers pour accéder à la magistrature. La première est le concours interne. En 2019, on comptait six greffiers sur les vingt-neuf lauréats et onze sur quarante-huit en 2021. Il existe aussi une possibilité d’intégration directe. Dans le cadre des États généraux de la justice, on réfléchit à la manière de mieux structurer l’équipe autour du magistrat, en créant un corps de catégorie A, auquel les greffiers, s’ils le souhaitent et s’ils en ont les compétences, pourront avoir accès. Cette idée, qui est très consensuelle, est en train de faire son chemin.

Les dysfonctionnements du bracelet anti-rapprochement (BAR) sont identifiés. M. Hetzel m’a reproché un manque de pilotage à ce sujet, mais dès que nous avons eu connaissance de ces problèmes, nous avons changé de prestataire. Et je peux vous dire que j’ai été directif, parce que j’ai envie que ça marche. Le bracelet anti-rapprochement est longtemps resté dans les tiroirs, mais j’ai demandé qu’on l’utilise bel et bien après l’affaire de Mérignac. Chaque BAR utilisé est immédiatement remplacé ; il en est de même des téléphones grave danger.

On a fait des progrès considérables, s’agissant des ordonnances de protection, qui peuvent désormais être prononcées en six jours, au lieu de quarante autrefois. L’expérimentation sur la réalité virtuelle, à laquelle je crois beaucoup, prendra bientôt fin et nous connaîtrons ses résultats scientifiques dans les prochaines semaines.

Monsieur le rapporteur pour avis, nous avons engagé plusieurs actions pour faire évoluer les missions confiées aux agents des services pénitentiaires d’insertion et de probation : 1 500 recrutements ont eu lieu depuis 2018, permettant de faire baisser le nombre de dossiers traités par ces agents de 80 à 71. On a également introduit des organigrammes de référence, qui sont très utiles. Le statut des CPIP s’est amélioré, avec leur passage en catégorie A et une revalorisation indemnitaire de 220 euros par mois en 2022.

Vous me demandez, à juste titre, ce que le ministère compte faire pour rendre le métier de directeur pénitentiaire d’insertion et de probation (DPIP) plus attractif. Les réformes interministérielles engagées depuis 2017 ont conduit à une revalorisation des salaires des CPIP, mais pas des DPIP. Le ministère s’est engagé, en 2022, à revaloriser les primes des DPIP d’environ 700 000 euros, qui viennent s’ajouter aux 600 000 euros octroyés à ce corps en 2021. Cette hausse va se poursuivent pour atteindre 1 million dans le PLF pour 2023. La revalorisation indiciaire, quant à elle, atteint 1,3 million. Il importe aussi de réformer leur statut pour rendre ces carrières plus attractives.

Vous craignez que les trente postes créés dans ce PLF ne suffisent pas à assurer le fonctionnement de la nouvelle procédure de libération sous contrainte de plein droit. Je précise que s’y ajouteront les soixante-dix postes affectés en renfort des pôles « placement sous surveillance électronique » en 2022.

Monsieur Hetzel, vous m’exhortez au réalisme. Soyons clairs : quand je dis que la justice a fait l’objet de trente ans d’abandon humain, budgétaire et politique, je pense aussi à votre famille politique. Nous avons embauché plus de 700 magistrats, alors que lorsqu’elle était au pouvoir, leur nombre diminuait, parce qu’on ne remplaçait même pas les départs à la retraite. Était-ce bien réaliste ? La critique est aisée, l’art est un peu plus difficile. On parle d’un budget, pas du tonneau des Danaïdes. Moi aussi, j’aimerais avoir plus de moyens.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). 15 milliards, par exemple ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je sais que vous vous voyiez à Beauvau, mais nous sommes entre gens sérieux. Certains de ceux qui disent que ces moyens ne sont pas suffisants n’ont pas voté le budget de l’année dernière, ni celui de l’année précédente.

Moins, ce n’est pas égal à plus : voilà une réalité arithmétique, mathématique. Que vous le vouliez ou non, et même si beaucoup reste à faire, la justice n’a jamais été budgétairement aussi bien dotée que depuis qu’Emmanuel Macron est Président de la République. Ces comparaisons vous font mal, mais c’est la réalité.

Nous avons fait beaucoup de choses, et nous pouvons en être fiers, même s’il reste beaucoup à faire :1 500 magistrats de plus, ce n’est pas rien ; 1 500 fonctionnaires de greffe de plus, ce n’est pas rien ; la mise en place d’une équipe autour du magistrat, ce n’est pas rien ; 200 créations nettes de postes de magistrats dès 2023, ce sera une promotion historique de l’École nationale de la magistrature.

Nous créons 1 000 postes de fonctionnaires contractuels : 191 greffiers, 400 juristes assistants et 429 autres postes. À cela s’ajoute la pérennisation de 605 postes de contractuels, obtenue dès 2022. Vous vous plaignez que cela prenne du temps, mais il faut former ces nouveaux fonctionnaires ; avant de les recruter, il faut les former. Soyons sérieux ! Le maître mot des États généraux de la justice, c’est l’effectivité. S’agissant de la prime des magistrats, je souhaite valoriser surtout les jeunes, aux alentours de 1 300 euros, car j’estime que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Certains syndicats ont crié à la victoire, d’autres ont dit que ce n’était pas leur préoccupation : ils peuvent toujours donner cet argent à des associations caritatives. Le taux de vacance des magistrats était de 5,77 % au 1er septembre 2017 et de 0,58 % au 1er septembre 2021 – je reconnais qu’il est un peu remonté au 1er septembre 2022 – du fait des créations massives de postes dont bénéficie le ministère.

Madame Abadie, votre investissement sur ces questions est impressionnant. Vous êtes l’une des spécialistes de la prison et vous en parlez avec beaucoup de nuances. Il serait bon que vous soyez suivie, car on ne peut pas, sur ces sujets, faire preuve de ce manichéisme intellectuellement très facile. En 2022, quatre établissements vont être livrés : Koné, en Nouvelle-Calédonie, et trois structures d’accompagnement vers la sortie (SAS) à Caen, Montpellier et Coulaines, près du Mans. En 2023, dix autres établissements seront livrés. J’ai passé mon été à visiter ces chantiers et j’ai insisté auprès des patrons de l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) sur le fait que nous devions tenir nos engagements. Ces prisons sont en train de sortir de terre et les députés qui le souhaitent peuvent venir les voir avec moi. Les députés du Rassemblent national étaient là quand j’ai visité le chantier de la SAS de La Farlède, près de Toulon.

Le coût prévisionnel total du programme 15 000 places s’élève à 4,5 milliards d’euros. Certains trouvent qu’il faudrait mettre moins d’argent dans la pénitentiaire et davantage dans le judiciaire ; d’autres pensent qu’il faudrait construire plus de places de prison. J’entends souvent un raisonnement qui est assez simple, pour ne pas dire simpliste : il consiste à dire que plus on construit de prisons, plus on les remplit. Mais alors, que faut-il faire ? Comment garantir la dignité de la détention ? Et quelle réponse pénale apporter ?

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). On libère !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, Ah oui, bien sûr, on libère ! Mesdames et messieurs du Rassemblement national, ça, c’est du laxisme !

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pas vous, maître !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Plus on en construit, plus on les remplit. Conclusion : il ne faut plus en construire ! Comment, dans ces conditions, règle-t-on le problème de nos prisons indignes ?

Vous m’avez interrogé sur la répartition des effectifs au sein des services judiciaires. Il y aura 2 253 créations de postes en 2023, contre 720 en 2022. Elles seront réparties de la façon suivante : 1 220 postes dans les services judiciaires (SJ), dont 200 magistrats, 91 métiers du greffe, 575 personnels d’encadrement et 254 personnels administratifs et techniques ; 809 postes à la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) ; 92 à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ; et 132, enfin, au sein du secrétariat général en charge du pilotage de la politique de la justice.

Vous m’avez également interrogé au sujet de l’Atigip et du transfert de la compétence de la formation professionnelle aux régions. Je ne peux pas vous en dire davantage, précisément parce que ce sont les régions qui gèrent cela, mais sachez que nous sommes extrêmement vigilants. La formation professionnelle et le travail en détention sont absolument essentiels : ce sont des éléments clés de la réinsertion. J’entends beaucoup de « y’a qu’à, faut qu’on », mais il y avait peu de monde au balcon quand il s’est agi de voter le contrat du détenu travailleur, dont je ne suis pas peu fier. Pour les détenus, cela permet d’avoir un travail rémunéré – 45 % du SMIC – et la prise en charge des droits sociaux et des formalités administratives par l’État. Pour les patrons, c’est un coût de production moins élevé. Le salaire permet en outre d’indemniser les victimes. Ce dispositif crée une boucle cinq fois vertueuse.

J’en viens aux questions qui m’ont été aimablement posées par le Rassemblement national, qui me taxe de laxisme. Je rappelle que, sous la droite classique, vous aviez voté des aménagements de peine jusqu’à deux ans d’emprisonnement. C’est nous qui avons limité cette possibilité aux peines d’un an. Par ailleurs, le rappel à la loi a été supprimé, et l’avertissement pénal probatoire n’a strictement rien à voir.

Vous me parlez du programme présidentiel de Mme Le Pen. Elle souhaitait qu’il y ait 9 000 magistrats, mais nous avions déjà allègrement dépassé ce chiffre, ce qui montre l’intérêt qu’elle porte à ce sujet ! Elle voulait une peine de perpétuité réelle, qui existe depuis des temps immémoriaux dans notre code pénal. C’est du reste la sanction qui a été infligée, dans le procès V13, à M. Salah Abdeslam. Elle voulait encore des courtes peines, comme aux Pays-Bas. Or, les Pays-Bas y ont renoncé, parce que ça ne marche pas. Vous nous avez menti pendant toute la campagne, et c’est insupportable.

Entre 2001 et 2020, en matière criminelle comme en matière délictuelle, on a enregistré une hausse de la sévérité des peines prononcées, que vous le vouliez ou non. Vous avez évoqué une affaire en particulier, dont je comprends bien qu’elle puisse choquer, mais des milliers de décisions de justice sont rendues chaque année. Si j’ai introduit la justice filmée, c’est justement pour que les gens comprennent à quel point il est difficile de prononcer une peine et à quel point la personnalisation de la peine est importante ; pour que les gens voient que, dans un jury populaire, certains peuvent trouver une peine trop sévère, et d’autres, la trouver trop légère. C’est le jury populaire, ce sont nos compatriotes, qui fixent le quantum de la peine.

Par ailleurs, la fréquence du prononcé de l’emprisonnement ferme est en hausse. Entre 2002 et 2005, l’emprisonnement était prononcé pour 20 % des condamnations et pour 59 % des récidives ; entre 2016 et 2019, ces proportions étaient de 27 et 68 %. Près de 116 000 peines d’emprisonnement ferme ont été prononcées en 2010, 120 000 en 2015 et 132 000 en 2019. Ce qui est extraordinaire, c’est que vous me reprochez à la fois le laxisme de la justice – en oubliant que le garde des sceaux ne peut pas donner de directives et que les magistrats sont indépendants – et la surpopulation carcérale. C’est extraordinaire !

De 2009 à 2021, le taux de poursuite s’est accru de près de deux points. Le nombre de classements sans suite pour inopportunité des poursuites est passé précisément de 182 552 à 173 999. Vous vous arrêtez sur une affaire en particulier, c’est ce que j’appelle la « fait-diversification de la justice ». Vous poussez des cris d’orfraie et c’est naturellement le garde des sceaux qui est responsable de tout. Et vous, vous avez la solution !

Vous avez mille fois raison de citer Beccaria : c’est un grand humaniste, et l’humanisme, c’est tellement important, quand on parle de justice ! Mais les chiffres que vous donnez au sujet de l’exécution des peines sont faux. Il y a une hausse de 35 % de la population de détenus. Elle est supérieure de 7,8 % à la hausse du nombre de places opérationnelles. Les peines fermes prononcées par les tribunaux correctionnels sont exécutées : à 72 % dans un délai d’un an ; à 85 % dans un délai de deux ans ; à 91 %, au-delà. Je trouve que ces délais sont encore trop longs et je travaille à les réduire, mais laissez-moi vous expliquer une chose : les peines qui ne sont pas exécutées ne constituent pas un stock de peines mortes.

Le mandat de dépôt à l’audience, c’est l’exécution immédiate, : la personne est menottée et elle part tout de suite en prison. En revanche, pour qu’une peine aménageable soit exécutée, il faut réunir le juge d’application des peines et les CPIP. Il faut faire des enquêtes, s’assurer que c’est faisable, voir si la personne a un domicile, une ligne téléphonique : tout cela prend un peu de temps, qui est un temps de non-exécution. Mais il n’y a pas un stock de peines mortes : vous racontez cela sur tous les plateaux de télévision et c’est faux ! Au mieux, c’est une méconnaissance. Au pire, c’est un mensonge, et c’est politiquement très grave. En décembre 2020, ce sont 100 613 peines d’emprisonnement ferme qui étaient en attente d’exécution. Il s’agissait principalement de courtes peines ; 97 % de ces peines étaient aménageables. Comparez nos chiffres à ceux des autres pays européens et vous verrez que nous n’avons pas à rougir des nôtres.

Monsieur Coulomme, comment pouvez-vous me demander combien de morts il faudra pour que je réagisse ?

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Je rapportais les propos tenus par une fonctionnaire dans le documentaire.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On n’est pas obligé de tout relayer. Je veux bien tout entendre, mais pas n’importe quoi. Cet après-midi, lors de questions au Gouvernement, on a évoqué deux morts, forcément tragiques. La première, c’est celle d’une magistrate de quarante-quatre ans qui a été foudroyée en pleine audience, à Nanterre, la semaine dernière. Sa famille et la communauté judiciaire sont sous le choc ; on ne peut pas instrumentaliser ce drame. La deuxième, c’est le suicide d’une jeune femme, survenu il y a quelques mois. J’ai demandé une inspection pour en savoir davantage et j’ai estimé qu’un certain nombre d’informations n’avaient pas à être rendues publiques. Cette mort non plus, on ne peut pas l’instrumentaliser.

On peut toujours faire mieux mais, avant de critiquer ce qui est fait aujourd’hui, j’invite chacun à se rappeler ce qu’il a fait en son temps. Sous la gauche, entre 2012 et 2017, le budget de la justice a augmenté de 14,9 % ; depuis 2017, il a augmenté de 44 %. Sous Mme Christiane Taubira, on avait une augmentation de 1 % par an ; aujourd’hui, elle est de 8 %. Mais je comprends que tout cela puisse vous déranger.

Vous avez dit que l’inflation annulait en grande partie cette hausse. Je vous rappelle que le taux d’inflation moyen national, qui concerne les consommateurs individuels, ne s’applique pas strictement à un ministère. Le plus grand coût lié à l’inflation pour la justice en 2023, c’est le financement de la revalorisation du point d’indice des agents publics de 3,5 %, ce qui représente 128 millions pour 2023, soit 70 % de l’inflation comptabilisée dans le budget de la justice pour 2023.

Je répète que plus n’est pas égal à moins. Et je ne rougis pas de comparer les budgets que nous avons obtenus avec ceux qui ont été obtenus par d’autres en d’autres temps – tout en reconnaissant qu’il reste des choses à faire. Aux députés du Rassemblement national qui m’ont demandé quand je comptais démissionner, je répondrai que si j’avais le sentiment d’avoir tout fait, je partirais.

Monsieur Coulomme, vous avez deux ans de retard. Les chiffres figurant dans le rapport de la commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) s’arrêtent en 2020. Or nous sommes en 2022, en train d’évoquer le budget 2023 de la justice…

En outre, la comparaison avec l’Allemagne n’est pas pertinente : en France, les juges consulaires et les conseillers prud’hommaux ne sont pas des magistrats professionnels, et le droit anglo-saxon est plus gourmand en magistrats que le nôtre – si vous me permettez l’expression. Le rapport ne dit pas autre chose – pas plus que la Cour des comptes.

Enfin, vous pourriez faire preuve d’honnêteté intellectuelle et rappeler que les années visées ne sont pas celles durant lesquelles j’ai été ministre.

Monsieur Balanant – j’associe également Cécile Untermaier et Jean Terlier –, je suis fier de notre résultat concernant le code de justice pénale des mineurs ! Pendant la campagne présidentielle, j’entendais le Rassemblement national plaider pour une réforme de la justice pénale des mineurs. Mais elle avait eu lieu et vous n’étiez pas à l’Assemblée nationale, où Mme Le Pen a surtout brillé par son absence !

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Elle a voté pour !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Les autres ne devaient pas le savoir, alors ! Cette réforme est opérationnelle, nous pouvons le dire après un an de mise en œuvre. Alors que les mineurs étaient jugés une fois sur deux quand ils étaient majeurs, ils le sont désormais dans un délai maximal de huit mois. Quand on s’attaque à la délinquance des mineurs, il est extrêmement important de lui apporter une réponse pénale très rapide.

Monsieur Balanant, je connais votre investissement concernant le harcèlement scolaire. Bien sûr, il faut renforcer les liens entre éducation nationale et justice. Mais, alors qu’on ne reproche pas la maladie au médecin, on reproche la délinquance au garde des sceaux. Pourtant, quand nous sommes saisis, il est déjà bien tard et mille raisons expliquent les faits : l’éducation, ce qu’on appelle la « culture de l’excuse » ou d’autres motifs sociologiques. Quand elle est confrontée à un féminicide qui n’a donné lieu à aucune alerte préalable, comment la justice peut-elle intervenir en amont ? La prévention, c’est essentiel. Les féminicides, c’est l’histoire de tout le monde, à commencer par les voisins.

Monsieur Boucard, vous m’interpellez sur la réduction des délais. Bien sûr, la justice est beaucoup trop longue, je l’ai dit dès mon arrivée au ministère. La plateforme citoyenne des États généraux de la justice le met en lumière, tout comme elle met également en avant la méconnaissance de la justice. Quand nous avons recruté des contractuels, on m’a regardé, au mieux, avec circonspection… et gratifié, au pire, d’un déluge de critiques au motif qu’il fallait embaucher des magistrats. Mais nous n’avions pas le temps de les former !

Dix-huit mois plus tard, on m’a demandé de pérenniser l’emploi de ces contractuels. C’est la démonstration que nous ne nous étions pas trompés. C’était audacieux mais, avec les magistrats qu’ils aident au quotidien, ils ont permis de faire diminuer le stock d’affaires civiles de près de 30 %. La baisse est également tangible au pénal. La justice va donc plus vite, mais elle doit aller encore plus vite, et être encore plus protectrice. C’est pourquoi nous proposons le recrutement de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, ainsi que de contractuels, et des moyens matériels.

Les dernières consultations des États généraux de la justice se sont terminées il y a quelques jours. Nous allons présenter les conclusions législatives et réglementaires mi-novembre – vous serez bien évidemment associés. Certaines mesures réglementaires, qui font l’objet d’un consensus, vont permettre d’alléger la procédure civile et donc d’aller plus vite – équipe autour du magistrat, médiation, etc. Il faut aussi inciter les avocats à aller vers cette dernière, c’est-à-dire les payer comme s’ils allaient au procès.

À la suite du rapport Sauvé, j’ai souhaité instaurer une nouvelle gouvernance. J’ai transmis ce rapport, ainsi que ses annexes, à tout le monde ; j’ai reçu tous les acteurs de la justice, sauf ceux qui n’ont pas souhaité franchir ma porte – c’est leur responsabilité –, et nous avons retenu toutes les propositions consensuelles. Pourtant, ce n’est pas de l’eau tiède ! Tout le monde a compris qu’il s’agissait d’une chance historique de moderniser la justice et de la rendre plus efficace, plus protectrice, plus rapide.

Madame Untermaier, vous comparez les 8 500 emplois du ministère de l’intérieur et les 10 000 créés sur le quinquennat au sein du ministère de la justice. Vous soulignez que la détention provisoire ne diminue pas. C’est vrai, et c’est une réponse à ceux qui affirment que la justice est laxiste. Non, la justice n’est pas laxiste, les prisons sont archipleines et la détention provisoire ne faiblit pas. On ne peut reprocher au ministère d’être laxiste tout en le blâmant de la surpopulation carcérale !

Je prends note de la création d’une mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, que vous corapportez avec M. Jean Terlier. Depuis l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, le nombre de mineurs détenus est en baisse de 12 %. C’est un succès, même s’il ne faut pas se réjouir trop vite, et analyser ces chiffres en détail. Les 92 créations d’emplois prévues à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans le projet de loi de finances pour 2023 s’inscrivent dans la continuité des 338 créations d’emplois entre 2018 et 2022. Nous accentuerons les efforts durant le quinquennat.

Vous m’interrogez sur les logiciels. Ceux de la Cour de cassation et du Conseil d’État fonctionnent très bien – mon directeur de cabinet peut en témoigner. Mais on ne peut nier le problème d’adaptation et de gestion des flux. Nous allons donc renforcer le réseau et proposons qu’un spécialiste informatique se rende dans les juridictions pour régler les problèmes locaux – l’idée est plutôt bien accueillie.

Monsieur Lemaire, je ne suis pas en mesure de vous dire combien de magistrats vont être affectés dans chaque juridiction, car c’est du ressort du dialogue de gestion piloté par la direction des services judiciaires. Du fait du défaut d’attractivité des juridictions de Cayenne et Mayotte, nous avons créé une brigade de soutien. Ainsi, des magistrats en poste en métropole pourront aller y travailler six mois, en ayant la certitude de retrouver leur poste. Le Conseil supérieur de la magistrature vient de donner son aval au dispositif.

Monsieur Iordanoff, j’ai déjà répondu sur les stocks. Il s’agit d’une préoccupation tout à fait légitime.

Madame K/Bidi, souvenez-vous de la mission relative à la profession d’avocat, dite Perben. Elle comprenait de nombreux avocats. Nous allons au-delà de ses préconisations concernant l’aide juridictionnelle (AJ) avec une hausse de plus de 50 % du budget, à 641 millions d’euros en 2023, contre 430 millions d’euros en 2020.

Monsieur Acquaviva, il est impossible de recruter simultanément 1 500 magistrats pour une raison simple : il faut les former et leur formation doit être de qualité, à hauteur de leurs futures responsabilités. Il faut donc prévoir des concours et des recrutements qui prennent en compte les locaux et les enseignants disponibles.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Rémy Rebeyrotte (RE). Pour désengorger les juridictions et éviter la correctionnalisation de crimes graves, des cours criminelles départementales ont fait l’objet d’une expérimentation. Leur généralisation, en cours, se poursuivra en 2023. Il n’existe pas encore de cours criminelles départementales dans le ressort de la cour d’appel de Dijon. Les magistrats, que j’ai rencontrés récemment avec Didier Paris, sont impatients qu’elles soient créées en Haute-Marne, en Côte-d’Or et en Saône-et-Loire. Pourriez-vous faire un premier bilan du fonctionnement de ces nouvelles institutions ? Qu’en est-il de leur déploiement ?

Mme Pascale Bordes (RN). Les avocats, acteurs clés de la démocratie, sont les vecteurs naturels de l’accès au droit. Ils sont pleinement engagés dans la défense de tous les justiciables, quels que soient leurs revenus. Cette défense s’organise notamment grâce à l’aide juridictionnelle, qui permet à toute personne dépourvue de ressources suffisantes d’accéder à un juge et de bénéficier d’une défense de qualité.

Cependant, tous les rapports concluent à l’insuffisance du budget de l’aide juridictionnelle pour couvrir tous les besoins des justiciables. On constate des évolutions, mais le budget ne permet pas d’assurer une rémunération acceptable des avocats qui interviennent à ce titre – tout au plus peut-on parler de rétribution. Depuis des années, les avocats travaillent en grande majorité à perte lorsqu’ils sont rétribués au titre de l’AJ, puisque l’indemnisation versée par l’État en fin de procédure ne couvre pas tous leurs frais.

Le nombre d’unités de valeur (UV) versées pour certaines procédures a augmenté, ainsi que leur montant – de 36 euros, alors que le rapport Perben préconisait 40 euros –, mais ce n’est toujours pas acceptable, encore moins en période d’inflation galopante. Les avocats ne peuvent continuer à être la variable d’ajustement d’un système à bout de souffle. La revalorisation de l’AJ est indispensable et urgente. Or, les crédits budgétaires qui lui sont consacrés en 2023 s’élèvent à 641 millions d’euros, en hausse de 4,2 %. Entendez-vous procéder rapidement à une revalorisation de l’AJ prenant réellement en compte l’inflation ?

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, comment allez-vous faire pour prolonger une dernière fois, jusqu’au 31 décembre 2027, le moratoire sur l’encellulement individuel, qui prend fin au 31 décembre 2022 ? On nous avait vendu la prolongation de ce moratoire jusqu’au 31 décembre 2022 en nous expliquant que la construction de nouvelles places de prison et la baisse des courtes peines allaient nous sauver. Cela n’a pas fonctionné. À l’inverse, la politique de déflation pénale des Pays-Bas a conduit à une diminution de l’incarcération et donc à la fermeture de prisons. Nous pourrions utilement nous en inspirer…

Vous avez évoqué la justice pénale des mineurs, mais qu’en est-il de la justice civile ? Dans le Nord, mais ailleurs également, les magistrats rencontrent de graves difficultés pour faire exécuter les décisions qu’ils ont prises dans l’intérêt supérieur des enfants, afin de les protéger. Cela ne peut plus durer ! Comptez-vous évoquer le problème avec les exécutifs des conseils départementaux ?

Mme Blandine Brocard (Dem). Les personnels de l’administration pénitentiaire exercent un métier extrêmement éprouvant. Ils ont tout mon soutien. Ils doivent être assurés de pouvoir rejoindre leur famille à l’issue de leur service.

Pour prévenir la récidive, nous devons rendre les détenus meilleurs à la sortie qu’ils ne l’étaient à leur entrée en prison, en évitant, par exemple, la radicalisation par contact avec les détenus radicalisés prosélytes, mais aussi en accompagnant les détenus vers la sortie. Les 130 millions d’euros affectés à la rénovation et à la modernisation du parc pénitentiaire poursuivent le même objectif.

Votre budget finance les mesures que nous avons adoptées lors de la précédente législature, notamment la création du contrat d’emploi pénitentiaire (CEP). Pouvez-vous nous en dire plus sur ce dispositif ?

Nous faisons face une crise des vocations au sein de la protection judiciaire de la jeunesse. Je suis très régulièrement alertée par des éducateurs qui craquent et sont tentés de baisser les bras. Il ne s’agit pas de jeunes éducateurs, mais de personnels avec quinze ou vingt ans de métier. Ils font face à une très forte hausse des violences et doivent souvent gérer des cas qui nécessiteraient une prise en charge psychiatrique, ou d’autres mesures plus fermes. Comment lutter contre ces comportements pour que le métier d’éducateur retrouve sa première vocation : l’éducation ?

M. Romain Baubry (RN). Vous avez évoqué la réinsertion des détenus : en quoi faire de la voile en Méditerranée participe à cet objectif ? Cela permet-il de lutter contre la récidive ?

Les mesures catégorielles de revalorisation des salaires prévues dans le budget pour le personnel pénitentiaire sont faibles et ne vont pas permettre à l’administration pénitentiaire de recruter, sauf à ce que, comme sous l’ancien quinquennat, vous ne construisiez aucune place de prison supplémentaire. Les directeurs obtiennent 31 % des revalorisations salariales. Mais ils ne sont pas derrière les portes des cellules ! Vous auriez dû consacrer davantage à ceux qui sont en première ligne, ceux sans qui aucune porte ne s’ouvre. Comment attirer des candidats si vous n’offrez même pas un salaire décent – alors que vous êtes incapables de proposer un rythme de travail digne ?

Le manque de personnel de surveillance est à l’origine d’assassinats en détention. J’espère que vous ne jetterez pas à nouveau en pâture des surveillants pénitentiaires, comme vous l’avez fait à Arles lors de l’affaire Colonna.

Les moyens prévus dans le budget ne permettront pas de compenser la carence de surveillance humaine et de lutter efficacement contre les projections de drogues, d’armes, de téléphones et les livraisons par drone. Il faut mieux assurer la sécurité périphérique et interne des établissements.

Mme Émilie Chandler (RE). Le Grenelle des violences conjugales de 2019 a abouti à la mise en œuvre de dix mesures phares en faveur des victimes. Parmi celles-ci, le contrôle judiciaire avec placement probatoire (CJPP) a été étendu à l’ensemble du territoire depuis le 1er avril. C’est une alternative à la détention provisoire, qui permet l’éviction immédiate d’un auteur de violences conjugales et sa prise en charge en hébergement adapté.

Dans les documents budgétaires, les crédits alloués aux services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) augmentent de 34 % afin de financer, notamment, l’extension géographique de l’expérimentation du CJPP. Quelle part des crédits sera destinée à cette expérimentation ?

M. Didier Paris (RE). Nous vivons une période charnière de l’histoire de la justice. Depuis trois ans, vous avez beaucoup œuvré pour la faire évoluer, en vous appuyant sur les États généraux de la justice. Vous avez réussi le tour de force de créer les conditions d’une justice qui s’adapte, qui se modernise, plus lisible, plus efficace, plus rapide. Les chiffres, exceptionnels, que vous venez de présenter le confirment. Nous en sommes tous conscients, en dépit de certaines prises de position politiques.

En prévision d’un éventuel projet de loi sur la justice, avez-vous réfléchi à une évolution de la gouvernance du système judiciaire qui permette de démultiplier les efforts budgétaires – modalités d’exécution du budget dans les juridictions, dialogue de gestion, liberté de décision, encore relativement faibles, réorganisation des cours d’appel, évolution du système numérique avec la nomination d’un secrétaire général adjoint, très attendue par le corps judiciaire.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Monsieur le ministre, il n’existe pas, ici, un « camp du laxisme ». Je ne peux que réfuter une telle prise de position, car le respect des droits humains n’est ni conditionnel, ni optionnel. Il faut combattre à tout prix ce terme, tout comme celui de droit-de-l’hommisme. En tant que parlementaires, nous devons tous œuvrer pour le respect des droits humains et il ne faut surtout pas banaliser les propos de ceux qui contestent la défense de ces droits.

Pourquoi y revenir ? Car la France a été condamnée pour ses conditions de détention à de multiples reprises, par la Cour européenne des droits de l’homme, par la Cour de cassation, et une décision du Conseil constitutionnel consacre l’interdiction de soumettre les personnes détenues à des conditions d’incarcération contraires à la dignité humaine. Pourtant, la surpopulation carcérale reste une réalité et la France continue à enfermer toujours davantage, à l’inverse de beaucoup de nos voisins européens.

Le plan immobilier pénitentiaire prévoit la création de 15 000 places supplémentaires d’ici à 2027. Peut-être n’en construira-t-on que 13 000, ou 11 000, mais cela reste symptomatique de l’enfermement comme slogan politique à succès. Pourtant, il faut le répéter, cela ne protège en rien nos concitoyens, car la prison ne protège pas, aujourd’hui, la société. Nous plaidons pour la régulation carcérale : il faut diriger les crédits vers l’insertion, vers les peines alternatives, mais aussi vers l’amélioration des conditions de travail des agents pénitentiaires.

M. Jean Terlier (RE). Vous avez fait preuve de courage en réformant le code de la justice pénale des mineurs. L’ordonnance de 1945, véritable totem, a été modifiée à quarante reprises, mais nul n’avait engagé une telle réforme structurelle, pourtant si nécessaire. Ses objectifs sont importants, dont l’ambition de réduire à 8 mois un délai de jugement qui s’élevait en moyenne à 18 mois, au point que les prévenus passaient souvent le cap de la majorité avant le jugement.

Les moyens financiers et matériels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont au rendez-vous : 1,1 milliard de crédits de paiement, 10,4 % de hausse du budget en 2022, 92 créations d’emploi en 2023, soit une hausse de 13,6 %.

La diminution du nombre d’affaires pénales concernant les mineurs, esquissée en 2021, se poursuit en 2022. Comment l’expliquez-vous ?

M. Timothée Houssin (RN). On ne peut que souscrire à l’objectif 2 du programme 166, « Renforcer l’efficacité de la réponse pénale, le sens et l’efficacité de la peine », mais les chiffres présentés le contredisent. Le taux d’alternative aux poursuites avec mesures de rappel à la loi passerait de 39 % en 2021 à 45 % en 2025. Avec 76 %, le taux de peines alternatives à l’emprisonnement ferme était déjà conséquent en 2021 et vous voulez le porter à 78 % en 2022, à 79 % en 2023, à 80 % en 2024 et à 81 % en 2025, comme si le fait de vider les prisons était en soi un objectif. Vous voulez en outre réduire le nombre de peines inférieures à six mois au profit d’une ridicule peine de détention à domicile, sous surveillance électronique, et la loi interdit de prononcer des peines d’emprisonnement de moins d’un mois ! C’est le monde à l’envers ! Au lieu d’une sanction réelle, dès les premières condamnations, à travers de très courtes peines, la non-incarcération pour de courtes peines est un objectif et pas même une manière de pallier le manque de places en prison !

En 2023, les autorisations d’engagement pour l’administration pénitentiaire diminuent de 17 %, et elles s’effondrent à partir de 2025, ce qui témoigne d’une politique et d’un budget de renoncement.

Par ailleurs, à moyen terme, les dépenses salariales stagnent : la hausse de 13 % en trois ans, compte tenu de l’inflation, ne correspond pas à une augmentation réelle des effectifs et des capacités d’incarcération. De plus, si les dépenses d’investissement atteignent 1 milliard en 2022 – ce qui, compte tenu du manque de places en prison, est insuffisant – elles s’effondrent de 80 % à l’horizon de 2025.

Il est question de l’ouverture de 15 000 places pour 2027, mais qu’avez-vous prévu pour la suite ? Il n’y a pas grand-chose. D’autres places disparaîtront-elles donc ? Quels objectifs fixez-vous à long terme, sachant que 86 000 personnes exécutent une peine privative de liberté et que nous n’avons que 60 000 places de prison ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire prévoit la généralisation des cours criminelles départementales à compter du 1er janvier 2023. Je me félicite de votre contact avec les magistrats de votre ressort, qui se montrent donc impatients. Je ne peux pas vous donner immédiatement des précisions à propos de la situation en Bourgogne, mais je vous les communiquerai. Outre que, grâce à cette réforme, les audiencements sont plus rapides, la durée du procès est un peu plus courte et la question lancinante de la correctionnalisation est réglée, puisque les victimes de viol acceptent de moins en moins que les dossiers soient traités en correctionnelle. J’ajoute que les taux d’appel ont été inférieurs à ceux des cours d’assises classiques – dont je rappelle qu’elles demeurent, évidemment.

S’agissant de l’aide juridictionnelle, nous avons, bien entendu, tenu compte du rapport Perben et nous avons même été au-delà de ses préconisations, puisque le budget est passé de 430 millions d’euros en 2020 à 641 millions en 2023, ce qui représente une augmentation de 50 %. J’avais promis que ces efforts seraient réalisés en trois temps, et nous y sommes. J’ai donc tenu mes engagements.

S’agissant du moratoire de l’encellulement individuel, dont disposait le projet de loi de finances rectificative pour 2014, nous suivrons les décisions du Conseil constitutionnel. Nous aurons l’occasion de débattre d’un amendement à ce propos jeudi matin en séance publique, dans le cadre de la discussion des crédits de la mission Justice.

Un problème se pose en effet pour les décisions civiles concernant les mineurs, sur lequel nous devons travailler. Peut-être convient-il, en effet, que la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) y soit à nouveau associée ?

Le métier d’éducateur n’est en rien facile, comme d’ailleurs tous ceux de la filière sociale. L’École nationale de PJJ propose une formation spécifique, initiale et continue, de l’ensemble des éducateurs. Des recrutements permettent un accompagnement professionnel et un travail d’équipe : tutorat lors de la prise de poste, échanges de pratiques, inter-visions, supervisions, interventions de psychologues dans un cadre pluridisciplinaire ; 338 postes ont été créés à la PJJ lors du précédent quinquennat, et nous prévoyons d’en créer 92 de plus en 2023, afin de renforcer le soutien aux équipes et l’accompagnement professionnel. Les évolutions statutaires et indemnitaires sont également importantes avec le passage de ces fonctionnaires, en 2022, en catégorie A et, pour les acteurs du travail social, avec le bénéfice du complément indiciaire, ce qui représente plus de 2 000 euros par an.

Je n’ai jamais humilié des gardiens de la maison d’arrêt d’Arles, et ce dossier a été géré par la Première ministre à la suite d’un décret de déport. Cela dit, ne vous gênez pas, il en restera toujours – du moins l’espérez-vous – quelque chose… Je n’ai rien à voir avec les décisions qui ont été prises.

Nous avons procédé à des revalorisations statutaires et indemnitaires inédites pour les agents pénitentiaires, qui sont la troisième force de sécurité de notre pays – je pense par exemple à la fusion des grades et à d’autres mesures que je vous invite à examiner. J’entends que vous demandiez plus, mais je note que, l’année dernière, vous n’étiez pas au rendez-vous du vote du budget qui a permis de telles avancées.

À la suite de la circulaire du 23 septembre 2020 en application de la loi du 30 juillet 2020, le contrôle judiciaire, alternative à la détention provisoire, a été très renforcé. Les modalités de prises en charge sont harmonisées à l’aide d’un référentiel et d’une convention tripartite type. Le contrôle judiciaire avec placement probatoire (CJPP) dispose de 175 places, pour une dotation de 2,6 millions d’euros. L’expérimentation a commencé fin 2020 à Nîmes et à Colmar. J’ai décidé de son extension à Bordeaux, Tour, Amiens, Cayenne, Draguignan, Saint-Étienne, Paris et Rennes à compter du 1er avril 2022. Un accompagnement des services est assuré par la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), avec des déplacements sur site. Au 31 juillet 2022, 97 personnes placées sous main de justice ont été prises en charge dans le cadre du CJPP depuis le début de l’expérimentation et 24 personnes ont fait l’objet d’un placement extérieur dans les mêmes structures, dans la continuité ou non du CJPP.

Nous réfléchissons à une nouvelle gouvernance, afin de donner au service public de la justice toute son efficacité. Sur le plan local, je demande un renforcement du dialogue entre les élus, la préfecture, les forces de sécurité intérieure, les magistrats du siège et du parquet. Sur le plan central, il doit en être de même, car le fonctionnement en silo du ministère est préjudiciable. Des difficultés de transmission existent, par exemple, entre la direction des services judiciaires (DSJ) et le secrétariat général. Les cultures doivent changer, de même que les structures en charge de l’administration doivent être renforcées – budget, ressources humaines, informatique – y compris sur le plan des juridictions.

Je précise par ailleurs qu’il n’est pas question de supprimer une cour d’appel.

Les mots, en effet, ne doivent pas être galvaudés. Ils ont un sens, un double sens et ils suscitent parfois des contresens. Un procès en laxisme m’est fait régulièrement. Il suffirait de cogner pour régler les problèmes de délinquance, nous dit-on. Si c’était vrai, nous le saurions depuis des siècles. Il est vrai que l’œil ne se regarde pas voir, mais je m’efforce d’être ferme sans être démagogue, et humaniste sans être laxiste.

Nos compatriotes les plus défavorisés peuvent bénéficier de l’aide juridictionnelle, mais aussi des point-justice, qui sont des lieux où, gratuitement et dans la confidentialité, ils peuvent recevoir leurs premiers conseils. J’ai d’ailleurs souhaité que les élèves de l’École nationale de la magistrature s’y rendent.

La régulation carcérale n’est pas possible avec des indices qui seraient immuables. Ce sont les juges qui prononcent les décisions – dont je ne cesse de répéter qu’elles sont de plus en plus lourdes – et non le garde des sceaux. Il est faux de prétendre que les lourdes peines seraient susceptibles d’éradiquer la délinquance. Les peines planchers ont été abandonnées aux États-Unis, où des gamins en état de récidive étaient condamnés à vingt ans de prison pour avoir volé une pizza sans que la délinquance diminue pour autant. Les petites peines, quant à elles, sont souvent désocialisantes et criminogènes, comme nous le savons depuis très longtemps. Si nous décidions de doubler le quantum des peines, pensez-vous que le nombre d’homicides diminuerait ? Non ! Vous êtes dans la posture, pas dans l’analyse, et vous flattez en permanence les plus bas instincts ! Les solutions que vous préconisez n’en sont pas.

J’attends les conclusions de votre mission, monsieur Terlier, mais peut-être est-ce un peu grâce à nous si la délinquance des mineurs a diminué ! Lorsqu’un gamin de 16 ans est considéré comme coupable, son suivi est organisé – c’est le moment probatoire – et il est jugé : un tel processus me semble plus adapté que de le juger à ses 22 ans, âge auquel soit il s’est endurci dans la délinquance, soit il s’en est sorti. Dans les deux cas, la procédure n’a plus de sens. Je suis plutôt fier du texte que nous avons défendu, dont nous saurons bientôt s’il a favorisé la baisse de la délinquance des mineurs.

L’administration pénitentiaire bénéficiera en 2023 de la création nette de 809 emplois : 489 consacrés à l’ouverture des nouveaux établissements, 320 afin de renforcer les effectifs existants répartis entre les services et les missions, 200 pour les équipes de sécurité pénitentiaire, 30 pour la surveillance électronique, 90 pour les autres missions – formation initiale, continue, développement du travail pénitentiaire, services pénitentiaires d’insertion et de probation, renseignement pénitentiaire et les différentes autres fonctions support.

M. le président Sacha Houlié.  Nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures trente avec l’examen des amendements à la mission Justice.


Lors de sa deuxième réunion du mardi 25 octobre 2022, la Commission examine les crédits de la mission « Justice » (Mme Sarah Tanzilli et M. Éric Poulliat, rapporteurs pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ORlwgt

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CL128 de M. Jean-François Coulomme, II-CL10 et II-CL11 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de doubler le montant de l’aide juridictionnelle. En dépit de la hausse intervenue ces deux dernières années, que le garde des sceaux juge historique, le compte n’y est pas. La raison en est simple : pour obtenir l’aide juridictionnelle à 100 %, une personne seule doit avoir un revenu mensuel inférieur à 965 euros. Le seuil suivant, permettant d’obtenir une prise en charge à 55 %, se situe entre 965 et 1 141 euros, soit moins que le Smic. Une personne au Smic relève donc du troisième seuil, qui ne donne plus droit qu’à 25 %. Cela signifie que des gens s’abstiennent de faire valoir leurs droits, en matière pénale comme en matière civile. Le doublement de l’aide juridictionnelle vise à la fois à relever les seuils et à augmenter les unités de valeur pour les avocats dans un certain nombre de contentieux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis (Justice et accès au droit). Vous souhaitez augmenter les crédits alloués à l’aide juridictionnelle de 650 millions d’euros. Ce budget a déjà considérablement augmenté ces dernières années grâce aux réformes mises en place pour revaloriser l’unité de valeur : son montant est passé de 32 euros à 34 euros en 2021, puis à 36 euros en 2022. L’enveloppe budgétaire est donc passée de 423 millions en 2019 à 641 millions en 2023, soit une augmentation de 51,5 %. À cela s’ajoute le mécanisme de l’aide juridictionnelle garantie, versée dans certaines procédures avant l’examen de l’égibilité du demandeur. C’est donc l’État qui doit recouvrer les sommes si le demandeur n’est pas éligible, et non l’avocat. Cette réforme sécurise les avocats qui sont des acteurs clés du service public de la justice. Le présent budget comporte de plus une hausse de 4,2 % des crédits de l’aide juridictionnelle, donc l’effort se poursuit. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Je ne considère pas qu’aucun effort n’a été fait mais l’aide juridictionnelle reste très insuffisante. On constate de plus en plus, notamment depuis la réforme de la justice pénale des mineurs, que les avocats ne viennent plus, parce que l’aide juridictionnelle ne paye pas les frais de déplacement et qu’ils ne sont pas payés si la personne n’est pas là. Le défenseur des droits des enfants qu’est l’avocat ne remplit donc pas sa mission. Vous êtes sur une voie de progression mais il faut faire mieux pour que les citoyens qui n’ont pas les moyens puissent tout de même bénéficier du ministère d’un avocat.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La hausse est certes significative mais elle ne suffit absolument pas à répondre aux besoins. Indemniser correctement les avocats permet aux justiciables de faire valoir leurs droits. Cela évite en outre que la situation ne se règle par d’autres voies, par exemple lorsqu’un contentieux au civil – affaires familiales, petits litiges commerciaux, contentieux de voisinage – dégénère au pénal. C’est donc plutôt un bon investissement que de permettre à un smicard de bénéficier de l’aide juridictionnelle à 100 %.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL123 de Mme Raquel Garrido et II-CL12 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit de majorer la rémunération des greffiers, qui seront appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans les juridictions. La rémunération des magistrats va connaître une majoration importante ; il nous semble essentiel d’en faire autant pour les greffiers.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Nous faisons déjà un effort conséquent avec la création de 191 postes de greffiers en 2023 et la perspective de 1 500 postes supplémentaires sur l’ensemble du quinquennat. Le recrutement en une seule fois de 4 000 greffiers serait de nature à baisser considérablement le niveau de la sélection. Avis défavorable.

Concernant la revalorisation de la rémunération des greffiers, le présent budget n’est qu’une étape dans la trajectoire de convergence indemnitaire commencée l’année dernière. En 2022, une enveloppe de 12,4 millions d’euros avait déjà été mobilisée en gestion pour rehausser le niveau de l’indemnité de sujétion. Le projet de loi de finances (PLF) prévoit une revalorisation de 1,75 million d’euros du régime indemnitaire à compter d’octobre 2023 et une revalorisation supplémentaire de 5 millions d’euros de l’indemnité de sujétion à compter de juillet 2023. Par ailleurs, le ministre a annoncé l’ouverture d’une réflexion sur le statut du greffier, avec la possibilité de créer une catégorie A. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Pour établir notre demande de 4 000 greffiers supplémentaires, nous sommes partis des besoins recensés par les organisations syndicales. Vous vous réjouissez aujourd’hui de recruter 1 500 greffiers alors qu’on nous répondait que c’était impossible lorsque nous le proposions ces dernières années : cela prouve qu’il est utile de vous mettre la pression avec nos amendements.

Une stratégie globale est nécessaire – agrandir l’École nationale des greffes, créer des antennes dans tout le pays – parce que les besoins sont colossaux. Le ministre n’a pas répondu à la question du rapporteur spécial concernant la baisse du nombre de greffiers entre 2019 et 2022 – je comprends qu’il ait trouvé cela gênant ! Alors que le taux de vacance de postes s’élève à plus de 7 %, il serait temps de recruter des greffiers, non seulement ceux qui ont été promis mais surtout ceux qui sont a minima nécessaires pour assurer le fonctionnement des juridictions.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Les greffiers étant des agents de catégorie B, leur grille de rémunération est très modeste, alors que reposent sur eux des responsabilités importantes. Pour améliorer l’attractivité de ce métier, nous proposons une augmentation conséquente de 2 millions d’euros : si elle adopte cet amendement, l’Assemblée nationale enverrait un signal de soutien à cette profession essentielle.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Je partage ce constat. C’est la raison pour laquelle je défends un budget qui prévoit une augmentation de la rémunération du régime indemnitaire mais également de l’indemnité de sujétion. Par ailleurs, l’attractivité de la carrière de greffier est un enjeu majeur. La création d’une catégorie A pour les greffiers expérimentés serait une solution pour offrir une perspective de carrière et renforcer l’attractivité de la fonction.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL122 de M. Jean-François Coulomme.

M. Thomas Portes (LFI-NUPES). Il vise à augmenter les crédits affectés aux dépenses des personnels concernant les magistrats. Le garde des sceaux peut bien multiplier les effets d’annonce, personne n’est dupe, surtout pas les professionnels. La justice est à l’agonie et, avec elle, ses personnels. Les politiques d’austérité brisent des vies, comme l’a démontré le drame survenu au tribunal de Nanterre, et remettent en cause l’accès à la justice des plus fragiles. Les magistrats sont à bout de souffle, au bord de la rupture. Combien faudra-t-il encore de tragédies avant que vous n’adoptiez des politiques publiques ambitieuses en la matière ?

L’urgence est de redonner des moyens humains et financiers afin d’en finir avec la précarisation de la justice et l’atteinte aux droits des justiciables. Cela passe par le recrutement massif de fonctionnaires. Notre groupe, en lien avec les organisations syndicales et professionnelles, estime les besoins à 13 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sur cinq ans. Nous vous proposons d’en embaucher 2 600 dès 2023.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. La mesure que vous proposez, le recrutement de 2 600 magistrats supplémentaires, coûte 569 millions d’euros, que vous prenez à l’administration pénitentiaire. Le projet de budget prévoit la création de 1 220 postes supplémentaires, dont 200 postes de magistrats, avec une perspective de 1 500 magistrats supplémentaires au total sur le quinquennat. Tout comme pour les greffiers, un recrutement en nombre très important ne peut pas se faire sans danger pour la qualité de la sélection et de la formation. Par ailleurs, il est excessif de parler d’austérité quand le budget augmente de 8 %. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Plutôt que de rester cantonné dans les murs de l’École nationale de la magistrature (ENM), il faut développer des antennes dans tout le territoire, en construisant des parcours de formation avec les instituts d’études judiciaires (IEJ), les facultés de droit et les professionnels du secteur, en développant des passerelles avec les avocats, en embauchant des gens aguerris ayant quinze ou vingt ans de barreau. C’est tout à fait faisable.

Pour ce faire, nous assumons pleinement de prendre des crédits à l’administration pénitentiaire. Plutôt que de consacrer 4,5 milliards d’euros à la construction de places supplémentaires, nous préférons que cette somme soit allouée à la justice judiciaire et aux mesures alternatives à l’incarcération, qui coûtent moins cher et obtiennent de meilleurs résultats. Nous sommes ainsi meilleurs gestionnaires que vous en la matière. La prison, c’est le seul domaine où les libéraux se fichent d’augmenter les dépenses !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL153 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il a pour objet d’augmenter le budget consacré à la construction de places de prison supplémentaires, afin d’améliorer les conditions de travail du personnel pénitentiaire et les conditions de détention. Il faut aller plus vite en la matière car c’est un enjeu sécuritaire.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis (Administration pénitentiaire et protection judiciaire de la jeunesse). Le PLF pour 2023 prévoit de consacrer 422 millions d’euros à la construction de nouveaux établissements, hors crédits de maintenance et d’entretien des établissements existants. J’en profite pour faire un point d’étape sur la mise en œuvre du programme « 15 000 » : au 1er juillet 2022, 2 081 nouvelles places ont été mises en service ; d’ici la fin de l’année, 450 places supplémentaires seront ouvertes, soit un total de 2 531 nouvelles places. Cela représente 17 % de l’objectif des 15 000, alors même que les projets de construction ont été très affectés par la crise sanitaire liée au covid-19. La suite est bien engagée : les travaux de cinq structures ont été lancés en 2020, quatre en 2021, sept en 2022. Seuls deux derniers chantiers doivent être engagés : la structure d’accompagnement vers la sortie de Châlons-en-Champagne et le centre pénitentiaire de Magnanville. Les choses avancent et les moyens dédiés à la construction de nouvelles places de prison sont considérables.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je tiens à signaler que le décrochage par rapport à la loi de programmation de la justice s’est fait avant la pandémie, dès l’exercice 2019, pour des raisons objectives que je ne contesterai pas. Toutefois, à l’époque, le ministère de la justice n’a pas été capable de demander à la direction du budget de réaffecter ces crédits à d’autres postes de dépenses : c’était possible mais la demande n’a pas été faite, causant une diminution sèche. Le premier budget de la loi de programmation pour la justice s’est ainsi retrouvé sous le seuil des 5 % qui avait été promis. C’est dommage parce que cela a fait perdre une année de crédits qui auraient pu être utilisés habilement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL154 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Il vise à revaloriser les salaires des personnels pénitentiaires. Cette administration fait face à un manque d’attractivité, alors que l’enjeu sécuritaire de la mission confiée à ces agents est important. N’oubliez pas que, souvent, un seul surveillant a la garde de plusieurs centaines de détenus. Prouvons-leur que nous avons conscience de la difficulté de leur métier en revalorisant leur salaire.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Depuis 2018, environ 20 millions d’euros par an ont été consacrés à des mesures catégorielles en faveur des agents de l’administration pénitentiaire. En 2023, l’enveloppe sera encore plus importante puisque 34 millions seront dédiés à cette politique d’amélioration catégorielle. Nous aussi, nous avons le plus grand respect pour le travail réalisé par les agents pénitentiaires, et nos efforts ne s’arrêtent pas au budget. Ainsi, l’année dernière, le garde des sceaux a signé avec les représentants nationaux des organisations syndicales des personnels de surveillance une charte consacrant les Principes du surveillant pénitentiaire, acteur incontournable d’une détention sécurisée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL151 de Mme Edwige Diaz.

Mme Edwige Diaz (RN). Il vise à diminuer de 50 millions d’euros les crédits consacrés à l’accompagnement des détenus, afin de renforcer les moyens de nos institutions judiciaires.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter le budget alloué à la justice judiciaire de 50 millions d’euros sans préciser vers quels postes vous fléchez ces crédits. Le montant des moyens alloués à la justice judiciaire est déjà en forte hausse : plus 7,8 %, après une augmentation de 3,4 % l’an passé. Cela permet de financer des recrutements de personnels mais aussi les revalorisations de rémunérations. Ce sont des réponses concrètes au manque de moyens que vous dénoncez. Je vous invite à retirer votre amendement et à voter ces crédits.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL120 M. Ugo Bernalicis.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous vous proposons de créer une ligne budgétaire pour augmenter le budget des placements à l’extérieur. Les Insoumis sont allés visiter la ferme de Moyembrie ; nous y avons rencontré des personnes qui apprennent à reprendre le travail, à mener une vie à peu près normale, à préparer un projet professionnel et, surtout, à vivre avec le regard des autres. Ce dispositif est plus efficace que l’incarcération car le taux de récidive est largement inférieur. De plus, il est moins cher : un placement à l’extérieur coûte 40 euros par jour, contre 120 euros pour la prison. Le ministre nous a dit tout à l’heure qu’il voulait augmenter le budget à 13,5 millions pour augmenter le prix de journée, c’est‑à‑dire pour financer davantage les associations qui s’en occupent. Pour notre part, nous proposons de le passer à 43,8 millions.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je ne partage pas totalement votre avis sur la non-nécessité de construire des places de prison car celles-ci permettent d’assurer des conditions d’accueil dignes. En revanche, je partage entièrement votre point de vue quant à la pertinence des mesures de placement à l’extérieur. Au 1er septembre 2022, seules 936 personnes étaient en bénéficiaient, alors qu’il existe plus de 1 800 places de ce type. Non seulement les places existantes ne sont pas assez utilisées – la mesure de placement à l’extérieur ne représente d’ailleurs que 6 % des aménagements de peine – mais il faudra en augmenter le nombre total pour faciliter le recours à cette mesure et permettre aux juges de disposer de places adaptées aux différents profils des personnes condamnées.

Dans le projet de loi de finances pour 2023, le budget dédié aux placements extérieurs est en hausse de plus de 67 % afin d’augmenter de 10 euros le prix de la journée payé à ces structures. De plus, la direction de l’administration pénitentiaire a annoncé la mise en place d’une plateforme numérique « Placement extérieur – 360 » pour favoriser la prospection de nouveaux lieux d’accueil et donner une meilleure visibilité aux prestations proposées, ce qui serait particulièrement utile pour les magistrats.

Le placement à l’extérieur est certes un élément important mais ce n’est pas la seule alternative à l’incarcération. Il n’y a pas de raison de lui dédier un programme spécifique. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). Nous ne vous avons pas attendus pour parler de la ferme de Moyembrie ! Lors de la précédente législature, quand Mme Braun-Pivet était présidente de la commission des lois, nous avions même organisé la projection du film À l’air libre.

Sortons de l’idée simpliste selon laquelle les bons voudraient que tout le monde soit dehors et les méchants, que tout le monde soit en prison. Il faut réfléchir avec sérieux à la politique pénitentiaire. Si nous construisons plus de places de prison, ce n’est pas nécessairement pour mettre plus de monde en prison, mais pour que les détenus vivent dans des conditions dignes.

Parallèlement, certaines peines alternatives fonctionnent très bien – la ferme de Moyembrie en est un exemple. C’est pourquoi le budget suit, afin de financer cette préoccupation.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Je suis satisfait de la tournure de la discussion puisque vous ne vous opposez pas frontalement aux placements extérieurs. Contrairement à ce que pensent certains collègues, Moyembrie n’est pas une ferme pédagogique. Les détenus qui y travaillent préparent un projet de vie. En outre, si cela peut vous convaincre – nous sommes, pour notre part, déjà convaincus –, je vais utiliser un argument de droite, mais il s’agit d’une utilisation efficace de l’argent public car cela limite le taux de récidive et permet de désemplir les prisons !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL118 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Contrairement à une idée malheureusement répandue, la construction de places de prison supplémentaires ne permet pas de lutter contre la surpopulation carcérale. On utilisait déjà les mêmes arguments il y a trente ans !

Nous avons construit 30 000 places de plus en vingt-cinq ans, soit une hausse de 60 % du parc carcéral. Pourtant, et contrairement à de nombreux pays européens, la surpopulation carcérale est toujours extrêmement importante en France. En outre, cela ne fait que repousser, année après année, nos engagements pris pour l’encellulement individuel. Si vous voulez créer 15 000 places supplémentaires, c’est pour enfermer plus, assumez-le, et non pour lutter contre la surpopulation.

À l’inverse, notre amendement plaide pour la réinsertion et le développement des peines alternatives, plus respectueux des droits humains. Il ne s’agit en aucun cas de revenir sur les peines prononcées par les juges.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Nous nous sentons tous concernés par la surpopulation carcérale, que l’administration qualifie parfois de « surencombrement ». Je me suis rendu, une nouvelle fois, à la prison de Bordeaux-Gradignan en tant que rapporteur pour avis et peux témoigner des conséquences néfastes de la surpopulation tant sur les conditions de détention des personnes incarcérées que sur les conditions de travail des agents pénitentiaires.

La majorité ne reste pas sans rien faire, bien au contraire. D’ailleurs, une évolution prochaine devrait permettre d’améliorer la situation : la mise en œuvre de la libération sous contrainte de droit, créée l’année dernière par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, effective au 1er janvier 2023. Dans quelques semaines, la libération sous contrainte sera systématique pour les personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée de deux ans au plus et auxquelles il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois.

L’impact sur la population carcérale devrait être important. On estime que cette nouvelle mesure devrait concerner environ 6 000 détenus et permettra non seulement d’accroître considérablement le nombre de sorties non sèches de détention – qui favorisent la réinsertion –, mais aussi de faire diminuer la population carcérale.

Pour finir sur une considération plus pratique, quand bien même nous mettrions en œuvre un mécanisme spécifique de régulation carcérale, je ne suis pas persuadé qu’il ait besoin d’un programme dédié.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Mettre en place un mécanisme de régulation carcérale implique de financer davantage d’aménagements de peine : quand un nouveau détenu arrive en prison, la personne la plus proche de la sortie doit pouvoir sortir par le biais d’un tel aménagement.

Je remarque avec gourmandise que vous êtes fiers de la nouvelle réduction de peine automatique que constitue la libération sous contrainte de droit à trois mois de la fin de la peine. C’est paradoxal : vous avez supprimé les réductions de peine automatiques et instauré un mécanisme de régulation carcérale qui ne dit pas son nom. Mais c’est parce que vous saviez que la réforme des réductions de peine risquait d’augmenter la durée de l’incarcération, et donc l’encombrement – pour reprendre l’expression – des établissements pénitentiaires.

Si nous passons notre temps à augmenter les quantum de peine, nous ne ferons pas baisser le nombre d’infractions, mais les juges prononceront juste des peines potentiellement plus sévères. La France n’est certes pas le pays qui incarcère le plus, mais nous sommes celui où le nombre de personnes placées sous main de justice est parmi les plus élevés. Si nous continuons à créer des peines alternatives sans toucher aux peines prévues par le code pénal, nous ne ferons qu’accroître le nombre de gens concernés…

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL129 de M. Ugo Bernalicis.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Les procédures judiciaires sont longues, complexes et souvent très coûteuses. Si l’accompagnement global permet aux victimes de mieux s’orienter et d’être soutenues tout au long de la procédure, aucune femme ne doit être bloquée par une barrière financière. Selon les avocats spécialisés, 40 % des femmes victimes de violences sont éligibles totalement ou partiellement à l’aide juridictionnelle, mais seules 19 % portent plainte, le montant de l’aide juridictionnelle étant trop faible. Ce budget devrait être doublé. C’est ce que nous proposons aussi par voie d’amendement.

Un autre levier d’action sur le coût des procédures consiste à aligner les montants de règlements des avocats qui interviennent au titre de l’aide juridictionnelle pour la partie civile sur les montants prévus pour le prévenu – 50 % plus élevés –, afin d’assurer une égalité de traitement.

En parallèle, il s’agit d’améliorer la formation des magistrats afin qu’ils puissent s’approprier l’ensemble du spectre des procédures, tant pour la protection des victimes que pour la prise en charge des auteurs. Pour remplir ces objectifs, notre amendement vise à créer un pôle judiciaire de lutte contre les violences intrafamiliales au sein des juridictions pour améliorer le traitement de ces affaires. Il comprendra des magistrats, ainsi que des officiers de police judiciaire spécialement formés. Des moyens spécifiques seront alloués pour réduire les délais dans les cas de violences sexuelles et sexistes.

Pour ce faire, nous proposons le transfert de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement de l’action 01 Garde et contrôle des personnes placées sous-main de justice du programme 107 Administration pénitentiaire destinés aux investissements immobiliers pour créer de nouvelles places de prison, afin d’abonder un programme nouvellement créé Création de pôles judiciaires de lutte contre les discriminations et les violences intrafamiliales, sexuelles, sexistes dans les tribunaux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous proposez de créer des tribunaux spécialisés dans les discriminations et les violences sexuelles. Je vous rejoins sur la nécessité d’une réflexion sur le traitement judiciaire des violences sexuelles ; le sujet a été abordé plusieurs fois au cours de mes auditions. Les filières d’urgence, créées après le Grenelle des violences conjugales, constituent une première réponse car elles garantissent un délai de traitement plus rapide des affaires de violences conjugales. Les résultats sont là : les délais de délivrance des ordonnances de protection ont nettement diminué et se rapprochent de six jours.

Mais, je vous rejoins sur ce point, il ne faut pas s’interdire d’aller au-delà. Mais s’il existe des juridictions spécialisées en matière de criminalité organisée qui ont fait leurs preuves, le contentieux des violences intrafamiliales est un contentieux de masse, contrairement à celui du crime organisé. La justice doit rester proche des victimes. En outre, la spécialisation des magistrats présenterait plusieurs risques : risque d’une désensibilisation des magistrats dédiés ; mais aussi, risque d’une déspécialisation des autres magistrats, alors que ces contentieux irriguent aussi les affaires gérées par les juges aux affaires familiales ou les juges des enfants.

Il me semble enfin nécessaire d’attendre les conclusions de la mission parlementaire sur les violences conjugales avant de se lancer. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL130 de Mme Edwige Diaz.

Mme Edwige Diaz (RN). L’administration pénitentiaire ne bénéficie pas des moyens nécessaires pour accomplir efficacement son rôle d’intérêt public. Entre la surpopulation carcérale, la violence généralisée et les trafics en tout genre, les prisons ont besoin de financements. L’amendement vise donc à transférer 20 millions d’euros issus des moyens informatiques du ministère vers la mission Garde et contrôle des personnes placées sous-main de justice.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. En 2023, le budget de l’administration pénitentiaire augmente déjà de 343 millions d’euros par rapport à 2022. Peut-être 20 millions d’euros en plus seraient-ils utiles, mais la hausse, de plus de 7 %, constitue déjà un effort important et cohérent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL145 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement vise à augmenter les crédits nécessaires à une conduite plus efficace de la politique pénale, car les tribunaux sont bien trop souvent débordés par le nombre de dossiers à traiter, tout en diminuant les crédits d’application de peines trop légères sur les mineurs, qui ont démontré leur inefficacité. Il s’agit donc de transférer 20 millions d’euros de la mission Mise en œuvre des décisions judiciaires vers la mission Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter le budget alloué à la justice judiciaire de 20 millions d’euros pour améliorer la conduite de la politique pénale, mais donnez peu de précisions sur le poste abondé.

La politique pénale est mise en œuvre par les magistrats : nous augmentons leur nombre et leurs rémunérations. Pour être efficace, elle s’appuie sur des greffiers : là encore, nous créons des postes de greffiers et nous augmentons leurs rémunérations. Il me semble donc que votre amendement est satisfait.

En outre, vous minorez les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse en raison, dites-vous de l’inefficacité de peines trop légères pour les mineurs. Je ne partage pas votre constat. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL125 de M. Jean-François Coulomme.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de financer 400 postes dédiés à l’accès au droit, à l’aide aux victimes et à l’aide juridictionnelle, au sein de services d’accueil unique du justiciable (SAUJ), des associations ou du ministère de la justice.

Nicole Belloubet nous expliquait déjà que tous les justiciables étaient accueillis par des personnels qui les aiguillent et les renseignent dans tous les tribunaux, mais nous avons tous constaté les vacances de postes dans les SAUJ ou les horaires restreints du fait du manque de personnel et de moyens. Pourtant, l’accès au droit, c’est la première étape, qu’on soit auteur ou victime, avant même d’entrer éventuellement dans un contentieux.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous souhaitez flécher 15 millions d’euros pour recruter 400 personnels dédiés à l’accès au droit, à l’aide juridictionnelle et à l’aide aux victimes. Il s’agit d’une augmentation globale, sans précision de l’affectation précise des personnels, notamment ceux dédiés à l’aide juridictionnelle. J’ai déjà indiqué nos efforts en faveur de l’aide juridictionnelle.

En outre, sur les six dernières années, le budget dédié aux associations d’aide aux victimes est passé de 26 à 43 millions d’euros, soit une hausse de 65,4 %. Ces chiffres me semblent éloquents quant à notre engagement en leur faveur. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Notre réflexion part des besoins. Je ne dis pas que la hausse du budget des associations d’aide aux victimes est une mauvaise chose mais, à chaque fois qu’on les reçoit en audition, ces dernières nous font part de grandes difficultés pour accompagner les victimes. Mentent-elles ? Si ce n’est pas le cas, le budget n’est donc pas en adéquation avec leurs besoins.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL133 et II-CL132 de Mme Julie Lechanteux.

Mme Edwige Diaz (RN). Les moyens manquent à l’administration pénitentiaire. Parallèlement, les crédits de paiement accordés à la mise en œuvre des alternatives pénales sont trop élevés alors que ces dispositifs n’ont aucune conséquence positive sur le comportement des jeunes délinquants condamnés, la majorité d’entre eux récidivant.

L’amendement II-CL133 vise à transférer 10 millions d’euros, l’amendement II‑CL132, 4 millions.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Le budget de sécurisation des établissements pénitentiaires est déjà de 114 millions d’euros ; le sujet est donc bien pris en compte. En outre, je m’inscris en faux contre vos arguments fallacieux concernant l’inefficacité de la prise en charge des mineurs délinquants. C’est au contraire un enjeu très important pour lutter contre la délinquance et la récidive. C’est la raison pour laquelle les crédits dédiés à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) augmentent de plus de 10 %.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL114 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit d’augmenter le budget de la protection judiciaire de la jeunesse afin que les juges puissent proposer des alternatives crédibles à l’enfermement des mineurs, et de recruter 100 équivalents temps plein, soit une personne par département, en plus des 92 créations de postes déjà prévues par le budget.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Vous le dites vous-mêmes dans l’exposé sommaire de votre amendement : tous les budgets de la protection judiciaire de la jeunesse sont en augmentation. Ses crédits augmentent de 10,5 % : son budget global passe de 984 à 1 087 millions d’euros en crédits de paiement ; les dépenses de personnels augmentent de 13,6 % ; les dépenses hors titre 2 de 6 %.

Certes, nous pourrions prévoir encore plus de moyens pour prendre en charge les mineurs mais, soyons réalistes, les efforts consentis sont déjà très importants et la création de 92 emplois constitue une orientation cohérente et pertinente.

M. Jean Terlier (RE). Je salue l’amendement de ma collègue Untermaier mais il est quelque peu prématuré. La mission que nous menons ensemble pour évaluer la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs a commencé il y a peu. Nous avons auditionné la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : elle estime que l’augmentation de son budget, très conséquente, permet à ce stade de couvrir tous ses besoins. En outre, la délinquance des mineurs a baissé. Quand, il y a deux ans, un éducateur gérait vingt-cinq mineurs, il en gère désormais vingt-trois.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Effectivement, nous avons entendu l’administration centrale qui estime que les progrès sont notables et qu’il n’y a pas de problème. Mais quand on connaît la protection judiciaire de la jeunesse, on ne peut pas dire cela. D’ailleurs, les présidents de tribunaux le confirment. Nous, parlementaires de la commission des lois, sommes responsables quand il s’agit de l’intérêt supérieur de l’enfant. Si nous ne pouvons plus modifier le budget d’une virgule, dites-le nous tout de suite ; nous ne déposerons plus d’amendements.

Je le répète, nous n’avons pas d’éducateurs spécialisés en nombre suffisant pour garantir la mise en œuvre des décisions des juges, tant en matière de protection judiciaire que d’action éducative.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). M. Terlier évoque une baisse de la délinquance des mineurs. J’en prends bonne note et j’espère que mes collègues de la commission également car cela va à rebours de l’ensauvagement dénoncé par certains !

Monsieur Terlier, vous évoquez un taux moyen d’encadrement, mais il est radicalement différent entre un établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), un accueil de jour et un centre éducatif fermé (CEF). En outre, certaines structures sont sous-utilisées et pourraient être mobilisées pour exécuter les mesures civiles de protection de l’enfance, qui ne le sont pas dans certains départements.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Attendons les conclusions de la mission d’information afin que la commission soit éclairée. Nous déciderons ensuite des éventuelles évolutions budgétaires ou législatives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL147 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit de soutenir la modernisation numérique du ministère. Alors que Bercy a su mettre en place sans difficulté le prélèvement à la source, dans les tribunaux judiciaires, on se noie dans toutes les procédures pénales ou civiles, de nombreuses applications sont proches de l’obsolescence, tandis que la consultation de certains dossiers continue de devoir se faire sur papier.

Le code de la justice pénale des mineurs prévoit la constitution d’un dossier unique de personnalité des mineurs. On nous a clairement dit que cela exigeait beaucoup trop d’investissement de la part des magistrats car le logiciel n’est pas au point !

Il y a urgence et on ne peut attendre 2024 pour mettre le paquet sur le numérique. En 2023, les crédits de paiement consacré à l’action informatique du ministère diminuent de 7,5 %. C’est incompréhensible.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. La diminution des crédits de paiement est liée à un changement de périmètre de l’action. Votre amendement propose d’allouer 10 millions de crédits de paiement supplémentaires aux projets informatiques pour améliorer les logiciels métiers dans le domaine de la justice pénale des mineurs. C’est un montant élevé.

Le ministère a prévu des moyens pour déployer le logiciel Parcours, et des renforts doivent numériser les dossiers uniques de personnalité que vous évoquez. La mission sera confiée à l’équipe constituée autour du magistrat, financée par l’enveloppe allouée à la justice judiciaire, qu’il ne faut donc pas réduire. Avis défavorable.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Si vous trouvez le montant trop élevé, vous pouvez sous-amender pour le réduire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL124 de Mme Raquel Garrido.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Dans un souci d’égalité devant la justice, considérant que la délinquance financière ou la délinquance en col blanc constituent de graves troubles à l’ordre public, considérant la faiblesse des moyens dédiés au parquet national financier (PNF) – composé de dix-huit magistrats –, considérant que, plus l’on construit de places en prison, plus on enferme, nous proposons de réduire les crédits alloués à ces constructions au profit du PNF, afin d’embaucher cinquante-cinq magistrats supplémentaires et de renforcer le sentiment d’égalité face à la justice. La sévérité du ministre de l’intérieur, soutenue par le garde des sceaux, devrait s’appliquer à tous.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Il est prévu dans ce budget la création de 200 postes supplémentaires de magistrats. Je ne dispose pas d’informations relatives aux affectations, mais je vous invite à interroger le ministre sur ce point en séance, et à poser également la question pour ce qui concerne les juridictions interrégionales spécialisées, qui sont elles aussi un pilier de la lutte contre la délinquance financière.

Il me semble qu’au-delà du PNF, c’est toute la chaîne judiciaire qui traite de la délinquance économique et financière qui devrait être renforcée. Les recrutements prévus dans ce PLF et pour la suite du quinquennat vont dans ce sens. Peut-être faudrait-il songer à élargir aussi le vivier des recrutements externes, afin d’attirer des profils spécialisés dans les matières économiques et financières, et plus à même d’être rapidement opérationnels.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. le président Sacha Houlié. Ce que vous avez dit concernant l’absence de fermeture de places dans les établissements dégradés est erroné, madame Martin, puisque le solde de 2 000 places ouvertes au cours du dernier quinquennat s’obtient par soustraction de 1 300 fermetures dans des établissements vétustes aux 3 300 ouvertures. Il y a donc bien un transfert de places.

Mme Caroline Abadie (RE). Je note une certaine constance dans les amendements déposés par La France insoumise – contrairement à d’autres, d’ailleurs : vous ne cessez de vouloir retirer des crédits à l’administration pénitentiaire pour les affecter à d’autres actions. Telle est la politique pénale que vous défendez, et c’est bien conforme à votre idéologie.

J’abonde dans le sens du président : des fermetures de places, il y en a eu. Le plan prévoit la création nette de 15 000 places. Si l’on veut qu’il y ait davantage de dignité en prison, il faut accepter de raser et de reconstruire. Nous en avons d’ailleurs discuté ensemble au sujet de la prison de Varces, madame Martin. En outre, en retirant 5 millions d’euros à l’administration pénitentiaire, vous pénalisez aussi le milieu ouvert et les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP). Les quelque 235 000 personnes actuellement placées sous main de justice ne sont pas toutes en détention.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Dont acte sur les fermetures et les ouvertures, mais je précise que ces crédits, nous les retirons non pas à l’administration pénitentiaire en général, mais aux programmes immobiliers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL141 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Cet amendement tend à assurer la bonne mise en œuvre du plan 15 000 places à l’horizon 2027. En effet, 15 000 places de prison supplémentaires, cela signifie 6 000 ou 7 000 postes supplémentaires dans l’administration pénitentiaire, tous métiers confondus. Or, le PLF ne prévoit la création en 2023 que de 1 900 places et 489 postes dédiés, soit 1 ETP pour 4 détenus : le compte n’y est pas. Un tel ratio n’est pas acceptable ; il y va de la sécurité des sites et de celle des détenus. Nous proposons donc 5 millions d’euros de crédits supplémentaires pour mettre en adéquation les places créées et les ressources humaines correspondantes.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Il y a un biais dans vos calculs. Comme je l’ai expliqué, l’ouverture des places est progressive et le recrutement de surveillants se fait en parallèle. Le nombre de 489 nouveaux surveillants correspond aux places ouvertes en 2023. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL146 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au II-CL114, qui visait au recrutement d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous proposons la création de 50 ETPT de personnel d’encadrement intermédiaire. S’il existe en effet un directeur interrégional, il manque un niveau de management intermédiaire, surtout au moment où des pratiques alternatives à l’enfermement se développent. Il s’agit d’ailleurs d’une demande des magistrats. Voici donc un amendement on ne peut plus « raisonnable » – pour reprendre l’expression du ministre.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. C’est une piste intéressante mais il me semble préférable d’attendre les conclusions de la mission d’information que vous effectuez avec Jean Terlier avant de décider d’une évolution budgétaire.

M. Jean Terlier (RE). Lors de son audition, la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) nous a en effet indiqué que si elle ne rencontrait pas de problème d’effectifs à proprement parler, il fallait peut-être repenser la logique de l’encadrement. Néanmoins, la refonte du droit pénal des mineurs ne datant que d’un an, il serait préférable d’attendre un peu, afin de pouvoir évaluer avec précision les besoins. Une telle mesure me semble prématurée.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je suis d’accord. Nous en reparlerons ultérieurement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL121 de M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit d’anticiper un peu, histoire de ne pas être coincés quand le ministre de l’intérieur aura constaté qu’il est impossible que la police judiciaire fasse partie de son projet de départementalisation de la police. La seule solution envisageable, partagée par les enquêteurs, les magistrats et un certain nombre de personnalités politiques, dont les membres du groupe La France insoumise, serait de détacher les officiers de police judiciaire auprès de l’institution judiciaire. Le montant inscrit dans l’amendement correspond aux dépenses du titre II de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Le ministre de l’intérieur pourra ainsi tirer dès la mi-janvier, avec le ministre de la justice, les conclusions des rapports de l’Assemblée nationale, du Sénat et des inspections générales de l’administration, de la justice et de la police nationale.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous proposez de rattacher budgétairement la police judiciaire à la mission Justice, et vous exprimez dans le même temps votre opposition à la réforme de la police judiciaire.

Selon vous, le rattachement de la police judiciaire au ministère de l’intérieur entrave l’efficacité des enquêtes et n’est pas compatible avec son indépendance. Pourtant, dans le rapport issu des travaux de la commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, le rapporteur, M. Didier Paris, faisait le constat inverse : « L’appartenance administrative de la police judiciaire au ministère de l’intérieur n’empêche pas l’autorité judiciaire de mener sa mission en toute indépendance ». Je crois, comme lui, que le système actuel est équilibré et n’appelle pas de transfert de la police judiciaire vers le ministère de la justice.

Quant à la réforme de la police judiciaire, elle sort de mon champ de compétences. Néanmoins, je crois que le constat est partagé par beaucoup d’une police très cloisonnée et dont les taux d’élucidation sont en baisse. Face à cela, nous avons une différence d’appréciation : vous souhaitez isoler la police judiciaire, nous voulons la rendre plus forte, en décloisonnant les équipes, pour éviter les doublons et la concurrence.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). S’agissant de la commission d’enquête, le rapporteur a travaillé comme bon lui semblait, j’ai présidé de même, et nos conclusions sont assez divergentes. Je reconnais toutefois que nos différents interlocuteurs ont été particulièrement taiseux ou évasifs sur le sujet. Néanmoins, François Molins a fini par vendre la mèche, en nous expliquant que la réforme de la police judiciaire faisait courir un risque élevé de parasitage de l’exécutif sur l’autorité judiciaire. Mais on peut toujours déclarer qu’on se fiche de son avis ou qu’il ne représente pas grand-chose. Allons donc voir l’article publié récemment par Le Parisien sur une affaire en cours, particulièrement intéressante puisqu’elle porte sur la remontée d’informations dans une affaire qui concerne nul autre que celui qui est l’artisan de la réforme de la départementalisation de la police. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris parce que l’autorité judiciaire se plaint de ne pas avoir été informée d’une affaire qui était connue depuis plus de quatre mois de tout le monde au sein de la police – jusqu’au directeur général de la police nationale. Des exemples de ce type, il y en a plein ! Les magistrats nous ont dit que quand ils demandent un service d’enquête, ils ne choisissent pas les enquêteurs : n’est-ce pas une entrave majeure à l’indépendance de l’autorité judiciaire ? N’importe quel magistrat avec qui vous aurez une discussion off vous expliquera qu’il existe bien des manières de ralentir une enquête ou de faire en sorte qu’elle n’aboutisse pas, et elles sont à la main de l’exécutif et du ministère de l’intérieur.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL137, II-CL134, II-CL135 et II-CL136 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Il est nécessaire d’accroître la sécurité active et passive des lieux de détention dans notre pays. Il y va de la protection du personnel pénitentiaire, et aussi des détenus, contre les agressions. En conséquence, ces amendements visent à augmenter les crédits dévolus à ces différents types de protection : de 3 millions d’euros pour le brouillage des communications téléphonique, de 1 million pour les dispositifs antiprojection, de 1 million pour la vidéosurveillance et les portiques, et de 600 000 pour la lutte antidrones – ce qui s’est passé lundi à la prison de Fresnes montre que c’est une urgence.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je vais récapituler les moyens attribués à ces actions dans le projet de loi de finances pour 2023. Les crédits consacrés à la poursuite du déploiement de dispositifs de détection et de neutralisation des communications illicites s’élèvent à 30 millions d’euros. La sécurisation passive bénéficie de 18,4 millions d’euros en crédits de paiement et 1,5 million d’euros permettent l’achat d’équipements de sécurité, dont les portiques. La lutte contre les drones malveillants est dotée d’un budget de 3 millions d’euros, montant qui s’inscrit dans la continuité des budgets précédents : 1 million en 2019, 3,6 millions en 2020, 3,2 millions en 2021, 4,7 millions en 2022.

Il me semble que le sujet est bien pris en considération par l’administration pénitentiaire et que les enveloppes sont proportionnées aux besoins.

Avis défavorable sur les quatre amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL138 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Nous proposons d’augmenter le budget dévolu aux bracelets anti‑rapprochement. Il s’agit d’un dispositif globalement intéressant, et plus particulièrement pour la protection et la prévention des violences faites aux femmes et des violences intrafamiliales. Nous souhaitons développer leur usage, sachant que 835 bracelets seulement sont aujourd’hui en circulation. C’est d’autant plus insuffisant que le délai entre la commission de l’infraction et la phase de jugement est souvent très long.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je suis heureux que vous souligniez la pertinence du bracelet anti‑rapprochement. Ce dispositif fait l’objet d’une montée en puissance dans le PLF, puisque les crédits qui lui sont dédiés augmentent de 144,7 %. Cette dotation de 11,5 millions d’euros permettra de moderniser les outils informatiques dédiés au suivi des mesures et de financer la pose de bracelets en tant que de besoin. La lutte contre les violences conjugales est une priorité de notre majorité et du ministère de la justice.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL139 de M. Philippe Schreck.

M. Philippe Schreck (RN). Amendement somme toute modeste : il vise à multiplier par deux la prime à destination des fonctionnaires pénitentiaires travaillant dans les établissements de Guyane et de Mayotte. La situation y est tendue et leur quotidien extrêmement difficile.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Au centre pénitentiaire de RemireMontjoly, en Guyane, la densité carcérale était au 1er septembre 2022 de 158,8 % à la maison d’arrêt et de 107,8 % au centre de détention. Au centre pénitentiaire de Majicavo, à Mayotte, elle était à la même date de 184,1 % à la maison d’arrêt et de 175,4 % au centre de détention.

Je ne nie pas que ces deux établissements se trouvent dans une situation problématique, mais il n’y a pas qu’eux, malheureusement ! Ainsi, à la prison de Bordeaux-Gradignan, la densité carcérale dépasse 200 % à la maison d’arrêt. Il est évident que les conditions de travail des agents pénitentiaires, ainsi que les conditions de vie des personnes détenues, s’en trouvent considérablement détériorées.

Il n’y a pas de raison objective de dédier une enveloppe budgétaire à ces deux centres pénitentiaires au détriment des autres. Avis défavorable.

M. Philippe Schreck (RN). La dotation spéciale pour cette catégorie de personnel existe déjà. L’amendement vise seulement à la porter de 100 000 euros à 200 000 euros.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Vous fléchez uniquement l’enveloppe vers les surveillants de Guyane et de Mayotte. Je ne suis pas d’accord avec ce point.

M. Philippe Schreck (RN). Elle est déjà fléchée !

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je suis donc défavorable à son augmentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL149 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant (Dem). En 2020, 89 victimes d’infanticide ont été enregistrées par les forces de sécurité. Parmi elles, 49 sont décédées dans le cadre familial. Les trois quarts des enfants étaient âgés de moins de cinq ans au moment du décès. Ce chiffre alarmant rend encore plus intolérable toute forme de violence subie par l’enfant dans le cadre intrafamilial. Notre société a le devoir d’être protectrice, surtout envers les plus fragiles.

Le présent amendement vise à systématiser le retour d’expérience des professionnels concernés en cas de décès d’un enfant dans le cadre familial. Un rapport devra être remis aux autorités compétentes pour comprendre les dysfonctionnements des dispositifs relatifs à la protection de l’enfance. Il est nécessaire de mieux évaluer les situations à risque et de développer les analyses rétrospectives.

Les retours d’expérience sont une source d’information essentielle pour comprendre le contexte, les actions qui ont suivi l’acte et les décisions prises. Pour cela, l’État a besoin du concours de différents services, qui doivent travailler de concert pour que les alertes soient transmises et les dispositifs adéquats actionnés. À l’heure actuelle, les alertes se font tardivement, les démarches à suivre en cas de suspicion sont méconnues, le personnel médical est débordé et les services concernés peinent à se coordonner. Aussi paraît-il essentiel de systématiser les retours d’expériences à l’échelle départementale et de les coordonner entre la police, la justice et l’éducation nationale.

M. Éric Poulliat, rapporteur pour avis. Je sais votre engagement en matière d’enfance en danger, monsieur Balanant. Nous sommes d’ailleurs tous deux membres de la délégation aux droits des enfants. Je rappellerai donc que la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) garantit et assure, directement ou par l’intermédiaire des associations qu’elle habilite et finance, la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs qui lui sont confiés par les magistrats. Elle fournit en outre une aide aux décisions de l’autorité judiciaire en matière civile et pénale. Elle contrôle et évalue l’ensemble des structures publiques et associatives accueillant les mineurs sous mandat judiciaire. Si le sujet que vous évoquez est d’importance, je ne suis pas certain que la PJJ ait un rôle à jouer. De surcroît, une enveloppe de 15 000 euros ne me semblerait guère efficace. Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). C’est avant tout de coordination interne, et non de fonds supplémentaires, dont on a besoin. On parle beaucoup des féminicides, mais les infanticides sont un angle mort. L’objet de cet amendement est de permettre à la PJJ d’examiner comment on peut améliorer les choses. Si vous voulez ajouter des crédits, je n’y suis pas opposé, mais ce n’est pas nécessaire. Et je veux bien entendre que c’est n’est pas du ressort de la PJJ mais il faut s’occuper de ce problème. J’attends vos propositions dans ce sens d’ici à la séance.

M. Philippe Pradal (HOR). C’est un sujet très important. Il est impossible de ne pas être choqué par ces infanticides. Pour avoir été président d’une fondation pédiatrique, je sais qu’en cas de maltraitances, même non suivies de mort et même en l’absence de signalement ou de plainte, des informations sont systématiquement collectées et laissées à la disposition de la justice. S’il y a infanticide, les services de santé transmettent nécessairement les informations. Si je comprends l’objectif de l’amendement, je ne pense pas que ce soit dans le cadre de cette mission et avec un tel montant que l’on pourra régler le problème – auquel nous devrions sensibiliser davantage le secteur de la santé.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Justice non modifiés.

Article 44

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 44 non modifié.

Après l’article 44

Amendement II-CL111 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Cet amendement vise à obtenir un rapport sur les besoins en nombre de magistrats. Le Gouvernement se targue de soumettre au Parlement un budget en augmentation mais celui-ci n’en est pas pour autant suffisant. Plutôt que de comparer systématiquement le budget proposé à celui de l’année précédente ou à ce qui se faisait sous la précédente législature, nous proposons d’analyser les besoins réels et que le Parlement en soit informé, de sorte que le budget soit en adéquation avec la réalité du terrain.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Vous vous inquiétez de la situation des magistrats et de leurs conditions d’exercice. Cette préoccupation, nous la partageons : en témoignent le présent budget ainsi que les deux précédents. Vous insistez sur les besoins à satisfaire mais j’appelle votre attention sur la nécessité de former des magistrats de qualité. Prenons garde à ne pas dégrader la qualité de la justice dans notre pays. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Pour que nous puissions être conscients des besoins et adapter ensuite les formations, il faut bien que nous disposions de données précises – que nous n’avons pas. Je maintiens l’amendement.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Dans d’autres domaines, cela ne vous a posé aucun problème de recruter en masse et de diminuer le niveau de formation des personnels… Ce fut le cas sous la législature précédente, quand vous avez décidé d’embaucher 10 000 policiers. Attention à la réversibilité des arguments !

J’ai désormais le privilège de l’ancienneté. Il y a cinq ans, j’étais déjà là, et nous vous disions que, vu le niveau des besoins, il fallait construire des écoles – de police, de magistrats, de greffiers –, car, à défaut, on fixerait chaque année des limites au recrutement. Pendant cinq ans, nous avons tiré la sonnette d’alarme et la majorité n’en a fait qu’à sa tête. Je vous en veux !

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Il faut relativiser, cher collègue. On parle quand même de 1 500 magistrats en cinq ans : ce n’est pas une paille, et c’est de surcroît inédit ! En outre, la formation d’un agent de police n’est pas tout à fait comparable à celle d’un magistrat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL113 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). La question de la formation des professionnels de justice amenés à être en contact avec des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles a été abordée à plusieurs reprises. De plus en plus de femmes sont victimes de ce type de violences et il est impératif que les professionnels qui, de l’enquête préliminaire jusqu’au jugement, se trouvent en contact avec elles soient formés. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. Le Gouvernement s’étant engagé à faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une cause nationale, cet amendement vise à ce que le personnel de justice, à chaque étape, bénéficie d’une telle formation, pour que les femmes puissent enfin être accueillies dans des conditions optimales.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Ayant choisi de consacrer la partie thématique de mon avis à la question de l’accès aux droits et de l’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales, je partage avec vous l’opinion que la formation des professionnels est une des clés pour améliorer l’accès aux droits des personnes victimes de violences sexuelles. Je crois néanmoins que la question se pose non pas tant pour les professionnels de justice, qui bénéficient d’une formation initiale, et, s’agissant des magistrats, d’un module obligatoire sur les violences intrafamiliales lorsqu’ils changent de fonction – que pour d’autres catégories de professionnels. On attend des propositions dans ce domaine. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL112 de Mme Emeline K/Bidi.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). Cet amendement traite d’une difficulté rencontrée dans les territoires d’outre-mer. Certains justiciables qui parlent créole et ne maîtrisent pas bien le français ne comprennent pas toujours les personnes qui leur font face – officiers de police judiciaire, magistrats, greffiers – et, réciproquement, ne sont pas compris par eux. D’où une inégalité criante, puisque, si vous parlez une langue étrangère, on vous octroiera un interprète qui comprend et parle votre langue, mais ce ne sera pas le cas si vous parlez créole. Voilà des années que cela dure et personne ne s’en préoccupe. Il convient d’y remédier.

Mme Sarah Tanzilli, rapporteure pour avis. Les experts, notamment les interprètes, sont indispensables au bon fonctionnement de la justice. Des efforts budgétaires ont été faits en ce sens ces dernières années, leurs indemnités ayant été revalorisées. Cela se traduit par une hausse de 2 % des crédits dédiés aux frais de justice dans le présent projet de budget.

D’autre part, l’article D. 594-16 du code de procédure pénale permet de désigner en cas de nécessité une personne majeure n’étant ni interprète ni expert judiciaire : cela permet à la justice de fonctionner en l’absence d’experts judiciaires à strictement parler.

Avis défavorable.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). J’ai connaissance de cet article. Il en a été fait usage devant la juridiction du tribunal de Saint-Denis de La Réunion pas plus tard que la semaine dernière, un magistrat ne comprenant pas le prévenu. Mais, d’une part, ce n’est pas systématique, ce qui pose un problème d’égalité devant la justice, d’autre part, cela ne se fait que devant les juridictions et pas, par exemple, au stade de la garde à vue. S’il est écrit sur le procès-verbal tout à fait autre chose que ce qui a été dit, cela peut porter préjudice à la personne jugée.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

 

 


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   Personnes entendues

   Mme Dominique Simonnot, Contrôleure générale

   M. André Ferragne, secrétaire général

 

   M. Laurent Ridel, directeur

   M. Pierre Azzopardi, chef du service de l’administration

 

   Mme Prune Missoffe, responsable analyses et plaidoyer

 

Audition commune de représentants des personnels de direction des services pénitentiaires :

   M. Ivan Gombert, secrétaire national

   Mme Sophie Burosse, secrétaire générale adjointe aux élections et à la probation

   Mme Flavie Rault, secrétaire générale adjointe à la détention

 

Audition commune de représentants des personnels de direction des services d’insertion et de probation :

   Mme Laura Soudre, secrétaire générale

   Mme Anne-Valérie Rio, représentante du syndicat pour la direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon

 

 

   M. Edouard Foucaud, vice-président

   M. Loïc Nael, trésorier

 

Table ronde des syndicats de personnels d’insertion et de probation :

   Mme Dorothée Dorleacq, secrétaire nationale

   M. Benjamin Bons, secrétaire national

   M. Alexandre Depin, trésorier national

   Mme Annabelle Bouchet, secrétaire nationale

   M. Eric Aouchar, secrétaire régional

   M. Simon-Pierre Lagouche, secrétaire national

   M. Jeremy Riviere, secrétaire régional

   Mme Farida Ed Dafiri, secrétaire générale adjointe

 

Table ronde des syndicats de personnels pénitentiaires de surveillance :

   M. Yoan Karar, secrétaire général adjoint

   M. Jérôme Nobecourt, secrétaire interrégional et membre de la commission exécutive

   Mme Valérie Vaissie, membre de la commission exécutive

   M. Samuel Gauthier, secrétaire général

   M. Emmanuel Chambaud, secrétaire général

   Mme Nolwen Dugué, secrétaire nationale

 

   M. Alexandre Depin, trésorier national,

   Mme Annabelle Bouchet, secrétaire nationale

   M. Frédéric Belhabib, conseiller technique et référent national des surveillants en charge de la détention à domicile sous surveillance électronique

   M. Sègla Gangbazo, président

   M. Darius Meri, membre

 

Table ronde d’associations intervenant en détention :

   M. Christophe Conway, président

   Mme Laetitia Lifar, cheffe de projet Insert'up

   Mme Valérie Pradalié, présidente

 

 


([1]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([2]) Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([3]) Action 01 : Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice.

([4]) Rappelant que le dispositif du BAR a été mis en place à compter de septembre 2020, le projet annuel de performance explique que la dotation prévue en 2023 permettra « de moderniser les outils informatiques dédiés au traitement du suivi des mesures » et « de financer la pose de bracelets en tant que de besoin », la lutte contre les violences conjugales étant une priorité du ministère. Il précise qu’au 1er septembre 2022, 835 BAR étaient déployés. (Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 45). 

([5]) Cette augmentation permettra notamment d’augmenter le prix de journée en placement à l’extérieur, qui a été établi en 2007 et non réévalué depuis : il sera revalorisé en 2023 de 10 euros pour permettre aux partenaires associatifs la couverture des charges de leurs structures d’hébergement. (Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 45). 

([6]) Action 02 : Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice.

([7]) Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 59 : « La rémunération des enseignants relève du ministère chargé de l’éducation nationale. Les dépenses assurées par l’administration pénitentiaire dans ce domaine recouvrent notamment l’achat de matériels d’enseignement et concernent à la fois les établissements en gestion déléguée et en gestion publique. »

([8])  Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 48.

([9]) 120 places pour le centre de détention de Koné, 90 places pour la structure d’accompagnement vers la sortie de Caen, 150 places pour celle de Montpellier et 90 pour celles du Mans-Coulaine.

([10]) Centres pénitentiaires d’Avignon-Comtat Venaissin, de Trembay-en-France, de Toulouse-Muret, de Saint-Laurent-du-Maroni et de Perpignan-Rivesaltes.  

([11]) Centres pénitentiaires de Nîmes, de Melun-Crisenoy, de Vannes et d’Angers.

([12]) Centres pénitentiaires de Noisreau, de Le Muy, de Pau et du Val d’Oise, ainsi que les InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi), de Donchéry et de Toul.

([13]) Cette opération sera menée par les services déconcentrés, et non par l’APIJ.

([14]) Cette réhabilitation sera conduite par l’APIJ.

([15]) Ce montant a été indiqué par l’administration pénitentiaire ; le projet annuel de performance fait lui état d’un montant de 16,3 millions d’euros (Projet annuel de performances du programme « Administration pénitentiaire » annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 35).

([16]) Action 01 : Mise en œuvre des décisions judiciaires.  

([17]) Pour mémoire, au 1er juin 2022, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse dispose de 1 242 établissements et services : 228 en gestion directe relevant du secteur public (soit deux de plus qu’en 2021) et 1 014 habilités et contrôlés par le ministère de la Justice relevant du secteur associatif (soit 25 de plus qu’en 2021).

([18]) Action 03 : Soutien.

([19]) Selon la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, cette diminution s’explique notamment par la réduction des besoins pour le parc informatique (diminution de 1,3 million d’euros en AE et CP) car l’achat d’ordinateurs portables pour les agents a été réalisé au cours des années 2021 et 2022 et leur renouvellement n’aura lieu qu’en 2025. La dépense est donc minorée sur ce poste pour l’année 2023. En outre, les dépenses de contentieux sont désormais imputées sur l’action 01 et non plus sur l’action 03.

([20]) Action 04 : Formation.

([21]) Rapport n° 4906 fait au nom de la commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, Mme Caroline Abadie, 12 janvier 2022.

([22]) Ces personnels sont notamment des assistants de service social, des personnels de surveillance et des personnels administratifs.

([23]) Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([24]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([25]) Ces créations d’emploi étaient prévues selon le rythme suivant : 150 en 2018, 400 en 2019, 400 en 2020, 300 en 2021 et 250 en 2022. En outre, 100 emplois de CPIP contractuels ont été créés en fin d’année 2020 dans le cadre du renforcement de la justice de proximité.

([26]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([27]) Source : Ministère de la Justice, Statistiques trimestrielles du milieu ouvert, 30 juin 2022.  

([28]) Source : Ministère de la Justice, Mesure de l’incarcération, indicateurs clés au 1er septembre 2022.  

([29]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([30]) Rapport n° 4906 fait au nom de la commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, Mme Caroline Abadie, 12 janvier 2022.

([31]) Source : Direction de l’administration pénitentiaire.

([32]) Parmi elles, 229 demeurent hébergées en établissement pénitentiaire.

([33]) Article 59 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : « VII.- L'article 720 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 11 de la présente loi, est applicable à l’ensemble des personnes condamnées exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction ».

([34]) La LSC est effectuée sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, d’un placement extérieur, d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle. Elle implique donc un suivi de la PPSMJ.

([35]) Source : Ministère de la Justice, Mesure de l’incarcération, indicateurs clés au 1er septembre 2022.

([36]) Article L. 411-1 du code pénitentiaire.

([37]) Rapport n° 4906 fait au nom de la commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, Mme Caroline Abadie, 12 janvier 2022.

([38]) Au 1er septembre 2022, la densité carcérale est de 94,2 % dans les centres de détention et les quartiers centre de détention. Elle est de 80,7 % dans les maisons centrales et quartiers maison centrale.

([39]) Il s’agit d’un concours spécialisé de personnels de surveillance dans le cadre de l’école nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP).