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N° 341

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2022

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 273)
de finances pour 2023

TOME VII

SÉCURITÉS

PAR M. Thomas RUDIGOZ,

Député

——

 

 

 Voir les numéros : 292 – III– 42

 


En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2022 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, la totalité des réponses au questionnaire thématique étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui souhaite remercier le Gouvernement et les services du ministère de l’Intérieur de leur diligence.


  1  

SOMMAIRE

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Pages

PREMIÈRE PARTIE :

LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2023

I. Les crédits du programme 176 Police nationale

A. Les dépenses de personnel

B. Les dépenses de fonctionnement

C. Les dépenses d’investissement

II. Les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale

A. Les dépenses de personnel

B. Les dépenses de fonctionnement

C. Les dépenses d’investissement

SECONDE PARTIE :

L’activité de l’office anti-stupéfiants (OFAST)

I. L’OFAST exerce aujourd’hui un leadership indispensable afin de lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants

A. La naissance d’un chef de file de la lutte anti-stupéfiants

1. L’échec de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS)

2. L’émergence de l’OFAST en tant que service à compétence nationale

a. Son rôle

b. Son budget

c. Son effectif

B. Un leadership fondé sur trois piliers complémentaires

1. « Comprendre » : le pôle stratégie

2. « Cibler » : le pôle renseignement

3. « Agir » : le pôle opérationnel

C. Un maillage territorial cohérent

1. Les antennes

2. Les détachements

3. Les CROSS

a. Les CROSS départementales

b. Les CROSS thématiques

D. Des relations permanentes avec l’ensemble des acteurs institutionnels

1. Les liens avec l’autorité judiciaire, les autres administrations et les services de renseignement

a. Avec l’autorité judiciaire

b. Avec les autres administrations

c. Avec les services de renseignement

2. Un exemple d’outil coopératif : le fichier anti-stupéfiants (FAST)

3. La coopération européenne et internationale

a. En matière d’analyse stratégique

b. En matière de renseignement

c. En matière opérationnelle

d. Les actions menées dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (PFUE) au cours du premier semestre 2022

II. Une activité en pleine croissance confrontée à des enjeux complexes

A. Le bilan des saisies réalisées en 2021

B. Les enjeux multiformes de la lutte anti-stupéfiants

1. Le développement continu des trafics

2. La professionnalisation des groupes criminels

3. Les violences et pratiques corruptrices engendrées par les trafics

4. L’impact économique majeur des trafics

C. Les défis que l’OFAST doit relever

1. Les défis organisationnels

2. Les défis juridiques

3. Les défis opérationnels

Examen en commission

Déplacements effectués et personnes entendues


  1  

 

 

Mesdames, Messieurs,

Le budget présenté par le ministère de l’Intérieur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 s’inscrit dans une trajectoire amorcée dès 2017. Les crédits de paiement affectés à la police nationale observent ainsi une augmentation de plus de 6 % et s’élèvent à 12,4 milliards d’euros. Les dépenses en faveur de la gendarmerie progressent de la même façon, et atteignent près de 10 milliards d’euros. Les budgets de la police et de la gendarmerie présentent donc une hausse cumulée de près de plus d’un milliard et trois cents millions d’euros par rapport à 2022. Cette évolution concrétise pleinement les engagements pris par le Président de la République à l’issue du « Beauvau de la sécurité » organisé au cours de l’année 2021, avant d’être prochainement entérinés par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur adopté en première lecture par le Sénat le 18 octobre dernier.

Le renforcement de l’ensemble des moyens dévolus aux forces de l’ordre, qu’il s’agisse de la création de 8 500 postes de policiers et de gendarmes à l’horizon 2027, du développement des outils numériques mis à leur disposition ou de la rénovation et construction de nouveaux locaux, est une condition indispensable au bon accomplissement de leurs missions. Les efforts budgétaires consentis depuis le début de la précédente mandature sont à la hauteur des enjeux auxquels la police et la gendarmerie sont confrontées sur le terrain, afin de lutter efficacement contre la délinquance et la criminalité.

Outre l’analyse de l’évolution des crédits de la mission Sécurités, la partie thématique du présent rapport pour avis est consacrée à l’activité de l’Office anti-stupéfiants (OFAST). Le plan national anti-stupéfiants élaboré en 2019 a ainsi permis la création de l’OFAST, organe interministériel placé sous l’autorité de la direction centrale de la police judiciaire et opérationnel depuis 1er janvier 2020. Près de trois ans après son lancement, il est apparu nécessaire d’établir un premier bilan de son action en tant que chef de file de la lutte anti-stupéfiants.

La hausse du volume des saisies de cannabis, de cocaïne et d’héroïne témoigne autant de la réussite des administrations engagées dans la lutte contre le trafic de drogue – police, gendarmerie, douane, finances publiques, armées… – que de l’augmentation de la production et du transit de stupéfiants sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Le rôle qu’exerce l’OFAST contribue aujourd’hui à combattre ce fléau sécuritaire, sanitaire et social, dont la dimension transfrontalière exige l’intensification de la coopération européenne et internationale en la matière.

 


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   PREMIÈRE PARTIE :

   LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2023

Le budget des deux programmes Police nationale et Gendarmerie nationale continue de croître en 2023, poursuivant la trajectoire définie dès le début de la précédente mandature.

I.   Les crédits du programme 176 Police nationale

Les crédits du programme Police nationale pour 2023 s’élèvent à environ 12,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 12,37 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 12 et 11,63 milliards d’euros en AE et en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cela représente une hausse de 5,86 % pour les AE et de 6,38 % pour les CP. Cette augmentation porte l’effort budgétaire global en faveur de la sécurité à hauteur de + 700 millions d’euros pour 2023.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 176 POLICE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2022

PLF 2023

Évolution

2022/2023

Ouverts en LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2022/2023

176 Police nationale

11 999 246 390

12 702 800 038

+ 5,86 %

11 630 482 080

12 372 926 960

+ 6,38 %

01 – Ordre public et protection de la souveraineté

1 467 793 550

1 488 463 529

+ 1,41 %

1 467 793 550

1 488 463 529

+ 1,41 %

02 – Sécurité et paix publiques

3 370 144 824

2 831 071 118

– 16,00 %

3 370 144 824

2 831 071 118

– 16,00 %

03 – Sécurité routière

470 684 852

398 355 293

– 15,37 %

470 684 852

398 355 293

– 15,37 %

04 – Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

1 060 938 948

1 046 278 161

– 1,38 %

1 060 938 948

1 046 278 161

– 1,38 %

05 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

3 194 736 209

2 765 912 363

– 13,42 %

3 194 736 209

2 765 912 363

– 13,42 %

06 – Commandement, ressources humaines et logistique

2 434 948 507

4 172 719 574

+ 71,37 %

2 066 183 697

3 842 846 496

+ 85,99 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2023.

A.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 pour l’année 2023 s’élèvent à 10,83 milliards d’euros en AE et en CP, en augmentation de 4,96 % par rapport à l’année précédente.

Le plafond d’emplois du programme atteint 151 020 ETPT. En 2023, les effectifs de la police nationale progresseront de 1 907 emplois. Ces créations contribuent à atteindre l’objectif de recrutement de 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires sur la période 2023-2027, à la suite des 10 000 recrutements réalisés entre 2017 et 2022.

 

 Catégorie d’emplois

Evolution des effectifs par rapport à 2022

Personnels administratifs de catégorie A

+ 91

Personnels administratifs de catégorie B

+ 331

Personnels administratifs de catégorie C

+ 331

Personnels techniques

+ 40

Ouvriers de l’État

– 10

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement

– 213

Corps d’encadrement et d’application

+ 1 462

Personnels scientifiques

+ 87

Adjoints de sécurité

– 212

Total

+ 1 907

       Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2023.

B.   Les dépenses de fonctionnement 

Les dépenses de fonctionnement (titre 3), imputées exclusivement sur l’action n° 6, connaissent en 2023 une augmentation de 5,86 % en AE, s’élevant à 1,12 milliard d’euros contre 1,06 milliard d’euros ouverts en LFI pour 2022.

Cette évolution s’explique notamment par l’enveloppe de 21 millions d’euros consacrée au renouvellement pour quatre ans du marché de téléphone.

Le montant des dépenses consacrées à la formation atteint 43,3 millions d’euros en 2023, soit une hausse de près d’un million et demi d’euros par rapport à 2022, ce qui permet de financer le recrutement des réservistes de la police nationale, à la suite de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure qui a créé la réserve opérationnelle. Renouvelée en 2023, la gratuité du train pour les policiers dans le cadre de la mesure « Voyager – Protéger » s’élève à près de 38 millions d’euros.

Les crédits du titre 3 permettent également de renforcer les moyens notamment dévolus à l’entretien et à la réparation des véhicules ([1]) et à l’achat d’équipements de protection et d’intervention destinés aux unités de sécurité publique engagées dans des opérations de maintien de l’ordre ([2]).

Votre rapporteur pour avis approuve plus particulièrement l’effort budgétaire consenti en faveur de la transformation numérique et technologique de la police, à hauteur de 170 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 23 % des dépenses en la matière par rapport à 2022. Cette trajectoire s’inscrit dans le cadre de la création de l’agence numérique des forces de sécurité intérieure prévue en 2023.

C.   Les dépenses d’investissement

Les crédits d’investissement (titre 5) demandés pour 2023 s’élèvent à 712,8 millions d’euros en AE et 458,52 millions d’euros en CP, ce qui constitue une augmentation annuelle de plus de 20 %.

Outre la poursuite du renouvellement du parc automobile incluant le déploiement des nouveaux véhicules de maintien de l’ordre, l’essentiel de l’enveloppe budgétaire est consacré à la construction et à la rénovation du parc immobilier, soit 476,4 millions d’euros en AE et 226,18 millions d’euros en CP. Comme les années précédentes, ces nouvelles ressources serviront à financer l’achèvement de diverses opérations de travaux et la réalisation de nouveaux projets immobiliers tels que la construction de l’hôtel des polices de Marseille.

II.   Les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale

Les crédits demandés pour 2023 au titre du programme Gendarmerie nationale atteignent 10,37 milliards d’euros en AE et 9,91 milliards d’euros en CP contre 9,94 milliards d’euros ouverts en AE en loi de finances initiale pour 2022 et 9,31 milliards d’euros en CP. Cela représente une hausse de 4,29 % en AE et de 6,39 % pour les CP.

 

 

 

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME n° 152 GENDARMERIE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2022

PLF 2023

Évolution

2022/2023

Ouverts en LFI 2022

PLF 2023

Évolution

2022/2023

152 – Gendarmerie nationale

9 941 164 076

10 367 449 313

+ 4,29 %

9 315 038 356

9 910 086 369

+ 6,39 %

01 – Ordre et sécurité publics

3 612 061 779

3 892 444 875

+ 7,76 %

3 612 061 779

3 892 444 875

+ 7,76 %

02 – Sécurité routière

744 705 379

767 429 771

+ 3,05 %

744 705 379

767 429 771

+ 3,05 %

03 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 252 632 779

2 412 873 179

+ 7,11 %

2 252 632 779

2 412 873 179

+ 7,11 %

04 – Commandement, ressources humaines et logistique

1 054 396 908

1 103 072 495

+ 4,62 %

1 054 396 908

1 103 072 495

+ 4,62 %

05 – Exercice des missions militaires

140 825 571

159 753 050

+ 13,44 %

140 825 571

159 753 050

+ 13,44 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2023.

A.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 demandés pour 2023 sont en hausse de 6,91 % par rapport à la loi de finances pour 2022, s’élevant ainsi à 8,35 milliards d’euros en AE et en CP. Le plafond d’emplois s’élève à 102 162 ETPT. En 2023, les effectifs de la gendarmerie nationale progresseront de 950 emplois.

 

Catégorie d’emplois

Évolution des effectifs par rapport à 2022

Personnels administratifs de catégorie A

+ 10

Personnels administratifs de catégorie B

+ 91

Personnels administratifs de catégorie C

– 4

Personnels techniques

+ 123

Ouvriers de l’État

– 20

Officiers de gendarmerie

– 159

Officiers du corps technique et administratif

– 2

Sous-officiers de gendarmerie

+ 1 809

Sous-officier de soutien technique et administratif

+ 202

Volontaires

– 1 100

Total

+ 950

       Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2023.

B.   Les dépenses de fonctionnement

La dotation de titre 3 s’élève en 2023 à 1,75 milliard d’euros en AE et 1,29 milliard d’euros en CP, contre 1,80 milliard d’euros en AE et 1,21 milliard d’euros en CP en LFI pour 2022, soit une hausse significative de 6,54 % en CP.

Outre l’augmentation des dépenses relatives à la formation initiale et continue des gendarmes (20 millions d’euros en CP, soit une hausse de 24,5 % par rapport à 2022), un effort budgétaire massif est réalisé afin des renforcer les moyens technologiques nécessaires à la coordination des unités de gendarmerie : 120,7 millions d’euros en CP sont ainsi consacrés à l’acquisition de nouveaux moyens de télécommunication et à la modernisation des systèmes informatiques, contre 86 millions d’euros l’année dernière.

C.   Les dépenses d’investissement

Après une augmentation majeure de 2021 à 2022 (+ 65 %), le budget d’investissement s’élève à 250,9 millions d’euros en AE et 260,7 millions d’euros en CP, soit une diminution d’environ 8,37 % par rapport à l’année précédente. Cette baisse s’explique principalement par l’achèvement progressif du plan de renouvellement des véhicules de la gendarmerie mobile initié en 2020.

Conformément à la trajectoire définie par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI), 86,5 millions d’euros en CP sont affectés à des projets de réhabilitation immobilière, tels que la rénovation du centre national de formation des unités mobiles de la gendarmerie à Saint-Astier et de l’école des officiers de la gendarmerie nationale à Melun.


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   SECONDE PARTIE :

   L’activité de l’office anti-stupéfiants (OFAST)

La lutte contre le trafic de stupéfiants constitue l’une des priorités du ministère de l’Intérieur. Le démantèlement des réseaux criminels exige une mobilisation totale de l’ensemble des administrations concernées par ces enjeux. Appréhender les trafics de drogue sous tous leurs aspects sécuritaires, judiciaires, économiques, sanitaires, internationaux implique de mener des actions combinées, simultanées et coordonnées afin d’affaiblir la production, l’acheminement et la consommation de stupéfiants sur le territoire national, où plus de 900 000 usagers quotidiens de cannabis sont aujourd’hui dénombrés ([3]). La violence engendrée par ces trafics, qui représentent 80 % des règlements de comptes et 25 % des armes saisies chaque année ([4]), alimente chaque jour l’insécurité caractérisant de nombreuses zones urbaines densément peuplées et déjà confrontées à des situations sociales difficiles.

Dans ce contexte, le plan national de lutte contre les stupéfiants publié le 17 septembre 2019 a abouti à la création de l’Office anti-stupéfiants (OFAST), opérationnel depuis le 1er janvier 2020. Structure interministérielle placée sous l’autorité de la direction générale de la police nationale, l’OFAST constitue le visage national de la lutte anti-stupéfiants. Il exerce à ce titre un leadership indispensable à la réussite de la stratégie des pouvoirs publics contre le trafic de drogue (I). Si son activité semble aujourd’hui porter ses fruits, les enjeux et défis auxquels l’OFAST est confronté demeurent nombreux, appelant des réponses tant organisationnelles, juridiques qu’opérationnelles (II).

I.   L’OFAST exerce aujourd’hui un leadership indispensable afin de lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants

A.   La naissance d’un chef de file de la lutte anti-stupéfiants

1.   L’échec de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS)

Créé par le décret du 3 août 1953 en réponse aux recommandations de la Convention internationale sur les stupéfiants du 26 juin 1936 ([5]), l’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) présentait une dimension essentiellement opérationnelle, ayant pour mission de procéder à des enquêtes en matière de trafics nationaux et internationaux de stupéfiants.

Rattaché à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) au sein de la sous-direction pour la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière (SDLCODF), l’OCRTIS est progressivement apparu comme un organe insuffisamment structuré et dépourvu de l’autorité nécessaire afin de conduire, à l’échelle nationale, le combat contre le trafic de drogue. Inchangées depuis 1953, les dispositions réglementaires régissant son action témoignaient d’une organisation et d’un fonctionnement obsolètes, présentant des dysfonctionnements majeurs.

La multiplicité des services impliqués, un partage lacunaire des informations recueillies et le travail trop cloisonné des services pouvaient alors nuire à la qualité des enquêtes menées par l’OCRTIS. Un double reproche lui fut ainsi adressé : être, d’une part, un « prédateur de dossiers » et non un coordinateur efficace des services de police, de gendarmerie ou de douane et, d’autre part, ne pas disposer d’un leadership suffisant afin de mettre fin à une forme de concurrence malsaine susceptible d’exister entre ces derniers.

La création de l’OFAST décidée en 2019 visait donc à mettre un terme à cette situation, dans le but d’identifier de façon claire et univoque un véritable chef de file de la lutte anti-stupéfiants.

2.   L’émergence de l’OFAST en tant que service à compétence nationale

a.   Son rôle

Initialement décidée lors du Conseil de défense et de sécurité nationale du 25 juin 2019, la création de l’OFAST a été opérée par le décret n° 2019-1457 du 26 décembre 2019, complété par l’arrêté du 27 décembre 2019 portant création de ses antennes et détachements territoriaux. Mis en place le 1er janvier 2020, l’OFAST répond à une volonté de mieux organiser et structurer la lutte contre le trafic de stupéfiants, dans le prolongement du plan national de lutte contre les stupéfiants du 17 septembre 2019, dont il se voit le confier le pilotage.

L’OFAST a été désigné chef de file de la lutte contre les trafics de stupéfiants, à l’image du rôle qu’exerce la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en matière de lutte antiterroriste. À ce titre, l’OFAST représente donc le maître d’œuvre de la politique publique définie par le Gouvernement.

L’interministérialité caractérise la composition et le fonctionnement de l’OFAST : outre la collaboration avec de nombreux partenaires ministériels (secrétariat général de la mer, ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ministère des armées, etc.), l’OFAST réunit l’ensemble des services concernés par la lutte contre le trafic de stupéfiants : police, gendarmerie, douane, autorité judiciaire, administration pénitentiaire et finances publiques. Cette interministérialité est rendue nécessaire par la nature même de ses missions, laquelle mobilise différents acteurs dans leurs champs de compétence respectifs. En tant que chef de file, l’OFAST joue un rôle structurant dans la coordination et l’animation du réseau d’acteurs intervenant à différents niveaux dans la lutte contre le trafic de stupéfiants, ce qui implique leur adhésion au dispositif mis en œuvre.

Contrairement à l’OCRTIS, l’OFAST dispose du statut de service à compétence nationale, directement rattaché à la direction centrale de la police judiciaire. Cette forme juridique souple favorise une certaine autonomie de gestion et d’organisation interne nécessaire au pilotage des missions qui lui sont dévolues.

Enfin, la création de l’OFAST répond à un certain nombre d’objectifs qui constituent des points de césure par rapport à l’OCRTIS :

   professionnaliser le renseignement grâce aux 104 cellules du renseignement opérationnel sur les stupéfiants (CROSS) présentes dans chaque département métropolitain et ultramarin et au développement des unités permanentes de renseignement ;

   créer une division de l’appui opérationnel pour la conduite des enquêtes financières ou patrimoniales et développer la coopération internationale ;

   approfondir l’analyse stratégique.

b.   Son budget

S’il ne bénéficie pas d’un budget en propre, l’OFAST dépend du budget opérationnel de programme (BOP) de la DCPJ et de son unité d’œuvre (UO) pour les services centraux, relevant du programme 176 (police nationale) de la mission « Sécurités ».

Le budget global (dépenses de fonctionnement) alloué à l’OFAST au titre de l’année 2022, s’élève à 628 000 euros en autorisation d’engagement et 658 300 euros en crédits de paiement ([6]) .

Le fonds de concours « drogues », constitue également une source de financement importante pour les projets dédiés à la lutte contre les trafics de stupéfiants retenus à la suite d’un appel à projets. Au titre de l’année 2022, la DGPN a alloué à la DCPJ la somme de 6,7 millions d’euros pour financer 33 projets dont 20 sont directement portés par l’OFAST à hauteur de 1,4 millions d’euros, tels que l’acquisition d’équipements et l’organisation d’actions de coordination et de missions de coopération opérationnelles et de renseignement.

c.   Son effectif

Compte tenu de la diversité des corps d’appartenance et des administrations de rattachement représentées au sein de l’OFAST, le recrutement présente une dimension protéiforme : le mode de sélection dépend à la fois du corps d’appartenance et du pôle recruteur ([7]).

La procédure de recrutement diffère également selon les pôles de l’OFAST, en raison de leurs missions propres. Ainsi, alors qu’au sein des pôles stratégie et renseignement, le recrutement s’effectue sur dossier et entretien, les recrutements pour le pôle opérationnel, ainsi que pour le groupe d’appui observation (GAO) ([8]), s’effectuent sur la base d’un stage probatoire et de tests et épreuves physiques, afin de s’assurer de l’aptitude physique et psychologique des candidats à assumer des missions spécifiques.

En toute hypothèse, tout recrutement est nécessairement précédé d’un entretien. Si aucun examen de recrutement n’est organisé, quel que soit l’administration de rattachement ou le poste à pourvoir, une habilitation secret-défense peut néanmoins constituer un prérequis à l’occupation de certains postes.

Toutefois, contrairement à certains de ses homologues étrangers, telle la Drug Enforcement Administration (DEA) aux États-Unis, l’OFAST ne fait pas procéder à des enquêtes patrimoniales, pas plus qu’à des tests de détection de produits stupéfiants, lors de ses recrutements. Si l’absence de ces enquêtes ou tests ne semble pas avoir soulevé de véritable difficulté jusqu’à présent, votre rapporteur pour avis considère cependant qu’il serait pertinent de mettre en œuvre des procédures similaires, aussi bien lors de la phase de recrutement des agents qu’après leur entrée en fonctions.

Au 1er septembre 2022, l’OFAST comprend un effectif de 190 ETP au service central basé à Nanterre ([9]) et de 475 ETP au niveau territorial.

Pour conduire ses missions, l’office est dirigé par un contrôleur général de la police nationale, secondé par un magistrat de l’ordre judiciaire, détaché dans un emploi de contrôleur général.

L’OFAST central comprend 51 femmes (soit 27 % de l’effectif global) et 139 hommes. Cet effectif se compose de personnels issus d’administrations variées (police, gendarmerie, douane, finances publiques, administration pénitentiaire, justice), ainsi que de 6 officiers de liaison étrangers.

 

 

Composition de l’effectif de l’OFAST central au 1er septembre 2022

Police nationale

Gendarmerie

Douane

Justice

Impôts

Officiers de liaison

TOTAL

151

24

7

1

1

6

190

Parmi les effectifs de la police nationale, 128 sont membres des services actifs ([10]) et 23 des personnels administratifs, techniques et scientifiques (PATS) dont seize administratifs, six contractuels et un apprenti.

Ces personnels exercent des fonctions diverses selon leur affectation : enquête et investigation, analyse, production documentaire ou de statistiques, évaluation, suivi de l’activité et prospective, gestion de la coopération internationale, coordination et pilotage de l’activité de l’OFAST.

Votre rapporteur pour avis considère que la composition de l’OFAST reflète utilement la dimension interministérielle de son action, en intégrant en son sein l’ensemble des administrations parties prenantes. Il suggère de poursuivre et d’amplifier l’ouverture des recrutements à d’autres corps d’agents publics, à l’image, par exemple, de la marine nationale ou de l’aviation civile, au regard des problématiques spécifiques inhérentes à l’acheminement par la voie maritime ou aérienne des produits stupéfiants. La diversification des profils est une condition de la réussite des missions dévolues à l’OFAST en tant que chef de file du combat contre la drogue.

B.   Un leadership fondé sur trois piliers complémentaires

Les missions de l’OFAST se définissent autour de trois piliers qui structurent son organisation interne :

   « Comprendre » : à travers le pôle stratégie qui analyse et diffuse de la connaissance en matière de produits, de trafics et de routes d’acheminement notamment via la production d’un document annuel intitulé « état de la menace » ;

   « Cibler » : à travers le pôle renseignement qui développe le recueil du renseignement sur le territoire national et à l’étranger ;

   « Agir » : à travers le pôle opérationnel qui assure la conduite des investigations (cyber, financières, internationales) dans le cadre des enquêtes judiciaires, leur coordination à travers le réseau des CROSS et les relations avec les partenaires internationaux.

1.   « Comprendre » : le pôle stratégie

Dirigé par une administratrice des douanes, le pôle stratégie est principalement chargé de trois missions.

La première consiste à diffuser la connaissance en matière de produits, de trafics et de routes, en établissant notamment chaque année un « état de la menace » sur la base de ses travaux.

L’état de la menace

 

Élaboré pour la première fois en mai 2021, l’état de la menace est un document d’une cinquantaine de pages analysant la physionomie des trafics de stupéfiants, les évolutions de la production mondiale et européenne, le rôle des cartels étrangers, l’analyse des zones de transit et de consommation, les modes d’acheminement, les profils, stratégies et moyens des groupes criminels, les caractéristiques de la délinquance et de la criminalité entourant le trafic de drogue, les réseaux de blanchiment d’argent et les menaces, notamment sanitaires, induites par la consommation de stupéfiants. Ce document a vocation à être actualisé à la fin de l’année 2022.

La deuxième mission vise à réaliser un bilan statistique des saisies de stupéfiants et à garantir le suivi du plan national de lutte contre les stupéfiants et du plan de lutte contre les addictions mis en œuvre par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA).

La troisième mission a pour objet d’engager les actions internationales de coopération stratégique, institutionnelle ou technique utiles à l’OFAST. Dans cette optique, mais aussi au profit des acteurs nationaux, il produit, en lien avec les structures dédiées de formation (police, gendarmerie, douane, Justice, centre interministériel de formation anti-drogue), des outils de formation adaptés aux besoin des acteurs chargés de la lutte contre les stupéfiants.

2.   « Cibler » : le pôle renseignement

Appartenant au second cercle des services de renseignement ([11]), l’OFAST met en œuvre les techniques de renseignement conformément aux articles  L. 811-2 et L.811-4 du code de la sécurité intérieure ([12]).

Dirigé par un colonel de la gendarmerie nationale, le pôle renseignement est notamment chargé de :

   recueillir les renseignements opérationnels relatifs aux trafics de stupéfiants susceptibles de concerner le territoire national ou impliquant des ressortissants français ;

   analyser et enrichir les renseignements par des investigations administratives à l’étranger comme sur le territoire national ;

   diffuser, selon les règles de protection du secret, le renseignement élaboré au profit de l’OFAST, des services et unités d’enquête nationaux et étrangers et des services nationaux de renseignement.

3.   « Agir » : le pôle opérationnel

Dirigé par un commissaire divisionnaire de police, le pôle opérationnel est chargé d’assurer la conduite des enquêtes judiciaires et leur coordination, lorsque plusieurs autres services y prennent part.

Outre une volonté de développer la coopération internationale opérationnelle, en systématisant la relation avec Europol et les autres acteurs de la coopération policière internationale, de nouvelles missions d’appui viennent compléter son activité :

   un groupe d’appui et d’observation (GAO) permanent, dédié aux surveillances et à l’intervention ;

   une cellule financière, interface des services plus spécialisés et pouvant développer le premier niveau d’investigations financières et patrimoniales ;

   une cellule cyber, en capacité d’exploiter des informations circulant sur les réseaux dans les affaires de trafic de stupéfiants du niveau de l’office.

Votre rapporteur pour avis considère que la mise en place d’équipes communes d’enquête rassemblant temporairement des forces de sécurité de plusieurs pays européens pour une durée limitée et dans un but précis, constitue un vecteur de réussite des investigations conduites par l’OFAST, au regard du caractère souvent transfrontalier des affaires sur lesquelles l’Office travaille ([13]). Parce qu’elles permettent la collecte et l’échange directs d’informations et d’éléments de preuve sans devoir passer par les canaux traditionnels de l’entraide judiciaire, ces équipes communes d’enquête représentent un outil de coopération performant qui facilite la coordination des enquêtes et des poursuites menées simultanément dans plusieurs États.

En outre, le pôle opérationnel comprend une entité implantée dans les deux grands aéroports parisiens, la brigade des plateformes aéroportuaires (BPA) qui comprend trois groupes d’enquêtes judiciaires : deux groupes implantés à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle et un groupe à l’aéroport d’Orly, pour un total de 22 agents. Elle vise notamment à lutter contre les groupes criminels chargés de l’importation de stupéfiants sur le territoire français opérée par des passeurs (« mules »).

L’ensemble des effectifs de l’OFAST dispose d’une compétence nationale d’officier de police judiciaire.

C.   Un maillage territorial cohérent

À l’échelon local, le réseau de l’OFAST se décline en 14 antennes et 10 détachements ([14]), notamment chargés d’animer les 104 CROSS.

Le maillage territorial de l’OFAST se trouve ainsi particulièrement étendu et son pouvoir d’action s’en trouve décuplé, lui permettant de tisser un véritable réseau, notamment en outre-mer, et de couvrir l’intégralité des ressorts juridictionnels. La liste des antennes et détachements est fixée par l’arrêté du 27 décembre 2019. Le réseau des antennes et détachements de l’OFAST n’est cependant pas figé. Il peut ainsi être étendu ou modifié, en fonction de nécessités opérationnelles ou stratégiques identifiées par l’OFAST.

1.   Les antennes

L’OFAST compte 14 antennes dont 12 sont rattachées à la direction générale de la police nationale : Ajaccio, Bordeaux, Cayenne, Fort de France, Dijon, Lille, Lyon, Marseille, Orléans, Rennes, Strasbourg, Versailles. Créées en 2021, Les antennes de Papeete et de Saint-Denis de la Réunion sont rattachées à des groupements de Gendarmerie.

Véritables chefs de file dans les territoires, elles sont ainsi chargées du pilotage des CROSS implantées dans leur ressort, mais également de la remontée centralisée de l’information opérationnelle et de l’élaboration d’un état de la menace au niveau territorial. À ces fins, elles pilotent directement la CROSS du chef-lieu de leur implantation et sont le point de contact unique des autres CROSS de leur ressort.

Disposant de capacités d’analyse, elles collectent les renseignements et informations en provenance des CROSS qui viennent alimenter un état de la menace, qu’elles élaborent, à leur niveau, selon leur ressort de compétence territoriale. Ces productions sont diffusées à l’ensemble des services partenaires au niveau local (police, gendarmerie, douanes, autorités préfectorales et judiciaires).

Outre la conduite de leurs propres enquêtes en lien avec l’autorité judiciaire locale, les antennes de l’OFAST exercent également des missions de conseil et d’appui opérationnel au profit de l’ensemble des autres services de la sécurité publique ou de la gendarmerie nationale en charge de la lutte contre les trafics au plan local. Les antennes diffusent également, à leur initiative ou à la demande des services et unités, des notes et documentations sur les nouveaux phénomènes constatés localement ainsi que sur les tendances du trafic.

2.   Les détachements

L’OFAST compte à ce jour 10 détachements (Bayonne, Grenoble, Le Havre, Montpellier, Mulhouse, Nantes, Perpignan, Pointe-à-Pitre, Toulouse, Saint-Martin). Placés sous l’autorité des antennes dont ils dépendent, les détachements ont une vocation exclusivement opérationnelle. Ils ne mettent en œuvre aucune mission d’analyse ou de coordination. En revanche, ils pilotent la CROSS du chef-lieu de leur implantation et, à ce titre, s’assurent de la bonne transmission des informations et du renseignement à destination de l’antenne dont ils dépendent.

3.   Les CROSS

a.   Les CROSS départementales

Les CROSS sont chargées de capter et de faire circuler le renseignement opérationnel en matière de stupéfiants. Qu’elles soient permanentes ou non, en fonction de l’intensité ou de l’étendue des trafics, les CROSS représentent des structures d’échange et de partage du renseignement sur les trafics.

Elles sont ainsi chargées d’organiser et d’animer l’échange de renseignements afin de :

   centraliser et analyser toute l’information sur les trafics existant dans leur ressort, y compris celle qui est adressée par les citoyens  ([15])  en vue d’élaborer une territorialisation de la menace ([16])  ;

   mettre à disposition de tous les services et unités contributeurs, l’ensemble du renseignement, les informations opérationnelles portant sur le segment supérieur de trafics, les éléments relatifs aux cibles d’intérêt prioritaire, puis les transmettre à l’antenne de l’OFAST territorialement compétente ;

   proposer aux instances de coordination, réunissant l’ensemble des chefs de service (police, gendarmerie, douane) et animée par le pilote, de procéder, le cas échéant, aux « déconflictions » ([17]) nécessaires entre services le plus en amont possible de la saisine judiciaire ;

   transmettre, dans le cadre des instances stratégiques de coordination, les informations ainsi consolidées au procureur de la République compétent pour qu’il définisse la stratégie judiciaire à adopter : ouverture de procédure, cible, saisine du ou des service(s) en charge de l’enquête, stratégie d’enquête ;

   proposer aux autorités locales (préfets et procureurs de la République), dans le cadre des instances de pilotage renforcé, une stratégie locale permettant d’améliorer la lutte contre les trafics.

Instances de partage interservices à finalité opérationnelle implantées dans chaque département métropolitain et ultramarin  ([18]), les CROSS n’ont pas vocation à réaliser elles-mêmes des enquêtes administratives ou judiciaires. Cependant, elles peuvent communiquer à l’un des acteurs de leur ressort tout renseignement utile, soit pour diligenter une enquête administrative ou judiciaire, soit pour mettre en œuvre des techniques de renseignement.

Des représentants de chacune des forces de police ([19]), de gendarmerie et de la douane sont présents au sein des CROSS.

Les CROSS permanentes et non-permanentes

 

Le fonctionnement des CROSS diffère selon qu’il s’agisse de CROSS permanentes ou non.

Les CROSS permanentes disposent d’effectifs propres. Le pilote de la CROSS organise, à échéance régulière, des réunions pour favoriser le partage de l’information et pour fixer les orientations de recherche et de captation du renseignement en fonction des stratégies définies dans le cadre de l’instance de pilotage renforcé. La complémentarité recherchée de l’action des services d’investigation agissant dans les cadres judiciaire et administratif vise le démantèlement durable des réseaux et la prévention de la résurgence des trafics.

Dans le cadre de CROSS non-permanentes, il appartient au pilote de définir, en lien avec les autres partenaires, la périodicité des réunions, en veillant à ce qu’elles se réunissent au moins une fois par mois.

Depuis le 1er septembre 2022, une évolution du dispositif visant à rationaliser les structures existantes est envisagée afin d’adapter le réseau des CROSS aux spécificités propres à chaque territoire, tout en conservant le cadre du département comme base de référence.

b.   Les CROSS thématiques

Au-delà des CROSS déployées dans les départements, deux CROSS thématiques ont été créées en septembre 2021 afin de renforcer la lutte contre le trafic de stupéfiants dans les ports et les aéroports. Ces entités non permanentes sont co-pilotées par l’OFAST et la DNRED.

D’une part, une CROSS portuaire a été mise en place afin de répondre à l’enjeu majeur que constitue l’acheminement de cocaïne par voie maritime à destination de la France et de l’Europe, ce qui représente 84 % de la cocaïne saisie en France en 2021. Associant la gendarmerie maritime, la police aux frontières, le service central du renseignement territorial et les services territoriaux concernés, cette instance de coordination vise à recueillir, traiter, enrichir et diffuser les renseignements relatifs au trafic de stupéfiants via les ports commerciaux. Elle doit ainsi favoriser l’identification des groupes criminels impliqués, des personnels privés et publics compromis, ainsi que des nouvelles routes ou modes opératoires, dans le but d’éclairer et de permettre la coordination des stratégies d’entrave les plus adaptées.

D’autre part, suivant les mêmes finalités, une CROSS aéroportuaire co-pilotée par les mêmes acteurs a été créée dans le but de cerner les enjeux qui entourent le trafic de stupéfiants sur les plateformes aéroportuaires. Dans ce cadre, la thématique du vecteur postal constitue un sujet primordial traité au sein de cette instance.

D.   Des relations permanentes avec l’ensemble des acteurs institutionnels

1.   Les liens avec l’autorité judiciaire, les autres administrations et les services de renseignement

a.   Avec l’autorité judiciaire

L’OFAST est le point de contact naturel et l’interlocuteur privilégié de la juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée (JUNALCO) ([20]), implantée au tribunal judiciaire de Paris et agissant sur le fondement du quatrième alinéa de l’article 706-75 du code de procédure pénale.

Sous la direction de la JUNALCO, des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ou, le cas échéant, des juridictions territoriales non-JIRS, l’OFAST conduit des enquêtes judiciaires en propre, principalement sur le segment supérieur des trafics de stupéfiants correspondant aux cibles d’intérêt prioritaires ou High Value Targets ([21]).

Favorisant l’approche globale de la lutte contre les trafics, l’OFAST sollicite dans ce cadre, et en tant que de besoin, la co-saisine de structures spécialisées dans la lutte contre le blanchiment ([22]). Les co-saisines sont aussi territoriales et concernent le réseau territorial de l’OFAST ou d’autres services et unités de la gendarmerie nationale.

L’autorité judiciaire occupe une place prépondérante dans l’action et les échelons de direction de l’OFAST, l’adjoint au chef de service étant par ailleurs un magistrat en position de détachement.

b.   Avec les autres administrations

Afin d’assurer le suivi et l’évaluation de la politique publique de lutte contre les stupéfiants, le plan de 2019 prévoit un comité de pilotage interministériel associant les ministres de l’intérieur, de la justice, de la santé, de la défense, des affaires européennes, des douanes, de l’outre-mer, ainsi que le secrétaire général à la mer, qui se réunit une fois par an. Chacune des 55 mesures du plan de lutte contre les stupéfiants est pilotée par un service relevant de différents ministères. Le pilotage de l’ensemble, comme la coordination interservices, incombent à L’OFAST.

Dans une démarche d’évaluation de la performance, chacune de ces mesures a été déclinée en plans d’action assortis d’indicateurs et d’échéanciers. De nombreuses mesures ont, à ce jour, connu des avancées significatives, voire sont, pour certaines d’entre elles, considérées comme finalisées  ([23]).

Les relations régulières avec la douane présentent un caractère particulièrement constructif. Avec 16 douaniers affectés à la structure centrale de l’OFAST et dans les territoires, la participation de la douane est indispensable au bon fonctionnement de l’Office, en permettant une meilleure mise en commun des pratiques, ainsi qu’un partage accru du renseignement. La mise en place d’instances de partage et de coordination stimule les liens entre l’OFAST et la douane qui co-pilotent conjointement les CROSS thématiques.

Interlocuteur privilégié de l’OFAST, la direction générale des finances publiques (DGFiP) contribue également à la mutualisation d’informations. Elle apporte son expertise, notamment en matière de lutte contre l’économie souterraine, en identifiant le patrimoine provenant des trafics de stupéfiants. Au niveau central, l’OFAST bénéficie d’un agent de la DGFiP à plein temps apportant une expertise spécifique sur les questions patrimoniales et financières. À l’échelle territoriale, certaines antennes bénéficient de la présence d’agents de la Brigade nationale d’enquêtes économiques (BNEE). Les CROSS disposent aussi de référents de la DGFiP. En application de la convention d’accès aux applications de la DGFiP entre la DGPN et la DGFiP signée le 6 septembre 2021, l’OFAST dispose enfin d’un accès aux fichiers relevant de la DGFiP dans le cadre de ses missions d’investigation ([24]).

Par ailleurs, au regard de l’importance du vecteur maritime dans l’acheminement des stupéfiants, l’OFAST est aussi un interlocuteur du secrétariat général à la mer, notamment dans le cadre des demandes d’interception en mer prévues par l’article 17 de la convention de Vienne du 19 décembre 1988.

c.   Avec les services de renseignement

L’OFAST entretient des relations régulières avec les services de renseignement du premier cercle : DNRED, TRACFIN, DGSI et DGSE. Elle se traduisent par des échanges d’informations opérationnelles et d’analyses stratégiques. Tous ont été sollicités pour contribuer à l’élaboration de « l’état de la menace » dont ils ont été rendus destinataires.

Depuis sa création, l’OFAST a été destinataire de 49 notes stratégiques et opérationnelles émanant de la DGSE, dont sept ont permis d’initier des dossiers de renseignements et deux des enquêtes judiciaires. La coopération avec TRACFIN s’est développée s’agissant des cibles d’intérêts prioritaires et des « mules » identifiées en Guyane et de l’envoi réciproque de notes de renseignement et de signalement.

Relevant des services du second cercle, le service national de renseignement pénitentiaire (SNRP) entretient des rapports croissants avec l’OFAST. Le détachement d’un personnel de l’administration pénitentiaire issu du SNRP auprès du pôle renseignement a contribué à améliorer le suivi des individus condamnés pour trafic de stupéfiants et à faciliter l’élaboration de stratégies communes visant des objectifs d’intérêt prioritaire.

En outre, le service central du renseignement territorial (SCRT) a transmis à l’OFAST plusieurs notes de renseignement portant notamment sur « l’ambiance dans les quartiers » et les liens éventuels avec les trafics de stupéfiants. Ce service participe aux CROSS thématiques portuaire et aéroportuaire. Il est associé aux comités de pilotage relatifs à la mise en œuvre du plan anti-stupéfiants et est intégré à la liste de diffusion des productions d’analyses stratégiques de l’OFAST.

2.   Un exemple d’outil coopératif : le fichier anti-stupéfiants (FAST)

Le Fichier anti-stupéfiant (FAST) est une version modernisée du Fichier national des objectifs stupéfiants (FNOS). Sa création a été annoncée à l’occasion du comité interministériel de lutte contre les stupéfiants en date du 28 mai 2021. L’objectif est d’aboutir à « alimentation exhaustive » du fichier par tous les services engagés dans la lutte anti-stupéfiants.

 

Le Fichier national des objectifs stupéfiants (FNOS)

 

Encadré par l’arrêté du 11 juillet 2012 portant autorisation d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « fichier national des objectifs en matière de stupéfiants » (FNOS), ce fichier permet l’inscription d’individus constituant des objectifs des services conduisant des enquêtes en matière de stupéfiants.

La création du FNOS est née du constat de la nécessité de se doter d’un outil de coordination mieux adapté, permettant de rapprocher les enquêtes qui convergent vers les mêmes objectifs et d’éviter ainsi des interactions imprévisibles susceptibles de nuire à la qualité des investigations, de fragiliser juridiquement les procédures, voire de mettre en danger la sécurité des personnels engagés dans des opérations de surveillance, filature ou interpellations.

Le FAST fonctionne sur des principes identiques au FNOS, notamment son organisation en quatre silos (DCPJ, DCSP, DGGN, DNRED), ainsi que le principe du hit / no hit  ([25]), afin de garantir un niveau élevé de confidentialité et de confiance entre services. Ainsi, lorsque la création d’une fiche par un service présente des similitudes avec une fiche créée antérieurement, un message est adressé au premier service inscripteur. Une mise en relation peut alors s’opérer et permettre aux services concernés de se coordonner.

Son fonctionnement repose sur trois principes :

   la prééminence du « judiciaire » sur le « pré-judiciaire » pour favoriser les futures « déconflictions » ;

   l’interdiction d’inscrire des objectifs non réellement travaillés en phase pré-judiciaire ;

   l’interdiction d’inscrire des sources humaines de renseignement.

Le FAST permet, d’une part, d’octroyer au chef de l’OFAST ainsi qu’à son adjoint, une visibilité sur les objectifs inscrits dans les quatre silos cités précédemment, et d’autre part, d’autoriser les services spécialisés à inscrire des objectifs travaillés dans un cadre administratif ([26]).

Par ailleurs, de nouveaux outils statistiques (nombre de fiches inscrites, nombre de hits…) ont été élaborés de manière à pallier les déficiences du FNOS en la matière.

Le FAST est un fichier d’inscription et de « déconfliction » et non de consultation : il n’est pas possible de consulter simplement le FAST pour savoir si un individu est inscrit comme objectif par un autre service. Les services inscripteurs sont principalement les services spécialisés de la police judiciaire (DCPJ, DRPJ Paris) et les unités spécialisées de la gendarmerie nationale (SR), et par exception, les services concourant aux missions dites de « sécurité publique » : les sûretés départementales (DCSP, DSPAP), le SCRT (DCSP), la DRPP (PP), et les brigades de recherches de la gendarmerie nationale (DGGN).

Une première version du FAST a d’ores et déjà été mise en production. Outre le changement du nom sur l’application, cette version comporte la création d’un profil spécial permettant au chef de l’OFAST et à son adjoint d’avoir une visibilité complète sur les quatre silos et la possibilité de procéder à des inscriptions dans le cadre des enquêtes administratives.

Parallèlement, une refonte complète de l’outil actuel (FAST v2) a été engagée et devrait aboutir au cours de l’année 2023. Les travaux portent notamment sur le développement technique de la future application, la déclaration juridique du nouvel outil et son homologation au regard des règles relatives à la sécurité des systèmes d’information (SSI).

3.   La coopération européenne et internationale

La position centrale de l’OFAST en matière de coopération européenne et internationale a été consacrée par le décret du 26 décembre 2019 qui prévoit notamment que l’OFAST constitue, pour la France, le point de contact central dans les échanges internationaux.

L’OFAST a placé la coopération internationale au cœur de son organisation, dans la mesure où l’Office est composé de trois pôles, dont chacun comporte une section ou un groupe dédié à l’international.

a.   En matière d’analyse stratégique

Deux principaux objectifs sont poursuivis : consolider un bouclier extérieur pour protéger la France des trafics de stupéfiants et mettre fin aux trafics qui ont réussi à atteindre le territoire national. Dans cette perspective, l’OFAST a identifié les États dans lesquels le trafic de stupéfiants cible fortement la France en termes de flux de produits (pays de production, de transit et de rebond), de groupes criminels (pays abritant des groupes criminels français ou étrangers en lien avec le territoire national) ou de flux financiers (pays où sont blanchis les avoirs criminels issus du trafic de stupéfiants en France) et avec lesquels il est nécessaire de construire, de rétablir ou de compléter la coopération. Pour chacun de ces pays, les outils de coopération bilatérale les plus adaptés ont été identifiés, notamment dans le cadre de missions institutionnelles réalisées dans les pays concernés ([27]).

S’agissant des États-membres de l’Union européenne, au-delà des relations qui ont pu être nouées dans un cadre bilatéral, l’OFAST a également développé une coopération stratégique singulière en s’engageant dans les programmes portés par les instances européennes (EUROPOL, EMPACT ([28]), FRONTEX, etc.) en matière de trafics de stupéfiants et de grande criminalité.

L’OFAST exerce ainsi le rôle de co-pilote de la priorité CCH (cannabis, cocaïne, héroïne) du cycle politique d’EUROPOL de lutte contre la grande criminalité. Cette position lui permet de contribuer aux orientations stratégiques de cette thématique, en portant la voix française auprès de ses partenaires étrangers. Également porteur de projets, l’OFAST s’implique dans plusieurs initiatives et programmes internationaux en s’appuyant sur les dispositifs de financement nationaux (fonds de concours MILDECA) et européens destinés à soutenir des actions d’ordre stratégique ou opérationnel au bénéfice de la France et de ses partenaires. Enfin, rattaché à l’antenne OFAST Caraïbe, le Centre interministériel de formation anti-drogue (CIFAD), service interministériel basé à Fort-de-France, participe à la transmission du capital de connaissances acquis par l’OFAST en réalisant des actions de formation en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants dans les États de la Caraïbe et d’Amérique latine, contribuant ainsi à son rayonnement sur la scène internationale.

b.   En matière de renseignement

L’OFAST est chargé de centraliser l’ensemble des renseignements opérationnels relatifs aux stupéfiants recueillis à l’étranger concernant des ressortissants français ou le territoire français, ou en France concernant des réseaux actifs sur le territoire national ou à l’étranger, et de traiter les demandes émanant des services français ou étrangers.

À l’étranger, le pôle renseignement procède à la collecte des renseignements, dans le cadre d’accords bilatéraux portant par exemple sur la surveillance et la filature, analyse et exploite les renseignements recueillis à l’étranger ou par le biais de partenaires étrangers et effectue tous les actes d’enquêtes administratives nécessaires à l’exploitation des renseignements.

Parmi les instruments de coopération internationale en matière de stupéfiants axés sur le renseignement, le centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (Maritime Analysis and Operations Centre Narcotics – MAOC-N), régi par un accord signé à Lisbonne le 30 septembre 2007 par l’Irlande, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la France et le Royaume-Uni, a pour objet de recueillir et d’évaluer les informations reçues, afin d’aider à déterminer les meilleurs choix opérationnels en matière de lutte contre le trafic illicite de stupéfiants par voie maritime et aérienne dans la zone des opérations. Disposant d’un centre opérationnel commun, il vise également à renforcer le renseignement à travers l’échange d’informations entre les parties et avec Europol, et de veiller à la disponibilité des moyens des différents États membres, dans le but de faciliter les opérations d’interception.

L’OFAST peut également s’appuyer sur le Centre de coordination pour la lutte antidrogue en Méditerranée (CECLAD-M), créé en 2008. Implanté dans les locaux de l’OFAST à Nanterre, le CECLAD comprend un représentant espagnol, un représentant marocain et deux représentants sénégalais.

Enfin, l’OFAST bénéficie du concours de deux unités permanentes de renseignement (UPR) ([29]) franco-espagnole et caribéenne, ainsi que d’une équipe dédiée franco-colombienne créée en 2013 ([30]). Ces outils partenariaux permettent l’approfondissement et le renforcement de la coopération opérationnelle régionale avec des zones d’intérêt au regard des flux de stupéfiants. Il est fondé sur le principe de la présence semi-permanente d’enquêteurs français au sein d’une instance dans la zone considérée, en lieu et place de l’implantation d’un officier de liaison français.

c.   En matière opérationnelle

L’activité opérationnelle de l’OFAST est prise en charge par le groupe de coopération internationale opérationnelle (GCIO), rattaché au pôle opérationnel. Elle se traduit par la gestion de messageries dédiées à la coopération internationale, la centralisation et la diffusion aux autorités concernées des demandes et autorisations relatives aux demandes de mise en œuvre des opérations de surveillance prévues par le code de procédure pénale et par le code des douanes, la préparation et le suivi des actions de coopération policière s’inscrivant dans un cadre judiciaire bilatéral ([31]), en particulier des opérations de livraisons surveillées impliquant la coopération d’un ou plusieurs pays partenaires ([32]).

En outre, l’OFAST dépêche des agents de son pôle opérationnel afin d’armer l’OTF (Operational task force) d’EUROPOL, groupe temporaire de travail réunissant des représentants de différents États membres pour tout dossier nécessitant une collaboration européenne, à l’image du décryptage des messages provenant de la messagerie sécurisée Sky ECC.

d.   Les actions menées dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (PFUE) au cours du premier semestre 2022

Le 17 février 2022, l’OFAST a organisé à Paris un séminaire européen dans le cadre de la PFUE intitulé « Trafics de stupéfiants : l’innovation au cœur de la riposte européenne ».

Cet événement s’est articulé autour de l’innovation en matière de lutte contre les trafics de stupéfiants, avec une attention particulière portée sur la coopération européenne, et a rassemblé, en visioconférence et sur site, 150 personnes parmi lesquels des représentants des différentes administrations françaises partenaires (ministère de l’Intérieur, ministère de la Justice, ministère de l’Économie et des Finances, services du Premier ministre), ainsi que des représentants d’administrations originaires de 22 États membres de l’UE et des représentants d’institutions, organisations ou agences internationales, parmi lesquelles la Commission européenne, Europol, Eurojust, Interpol, la MILDECA, et de deux États tiers (États-Unis et Royaume-Uni).

Structuré autour de tables rondes traitant chacune de moyens et d’objectifs identifiés en réponse au sujet figurant à l’ordre du jour, ce séminaire a permis des échanges nourris entre les participants, autour de pistes de réflexion communes : privilégier une approche globale de la lutte contre les trafics, développer les accords juridiques entre pays, maîtriser les environnements technologiques et mieux contrôler les espaces maritimes.

Le 8 avril 2022, la MILDECA a également organisé la réunion des coordonnateurs nationaux en matière de drogues, sur le thème : « les drogues à l’ère du numérique ».

Parmi les pistes de réflexion et de coopération dégagées, les opérations de démantèlement menées conjointement par plusieurs polices européennes à l’image de l’opération Encrochat ou Sky ECC, ont vocation à se généraliser. Il a aussi été rappelé le besoin de spécialisation des juridictions et leur coopération avec les autres acteurs, afin de mobiliser certains outils juridiques comme l’enquête sous pseudonyme utilisés par la douane française. Enfin, il apparaît essentiel d’accroître les partenariats public-privé, notamment avec les grandes entreprises du numérique, afin de permettre le déréférencement de certains contenus et leur signalement.

À ce titre, le règlement européen Digital Services Act (DSA) adopté le 5 juillet 2022 trouvera toute son utilité dans le cadre de la lutte contre les trafics de stupéfiants en ligne. Le texte prévoit que les fournisseurs de services doivent informer les autorités administratives et judiciaires des suites données à leurs injonctions d’agir contre un élément de contenu illicite, ainsi qu’à leurs injonctions de fournir des informations sur les utilisateurs de services.

II.   Une activité en pleine croissance confrontée à des enjeux complexes

A.   Le bilan des saisies réalisées en 2021

Si les deux confinements mis en œuvre en 2020 dans le cadre de la crise sanitaire ont eu indubitablement un effet perturbateur sur les trafics de stupéfiants, celui-ci se reflétant dans des niveaux de saisie globalement en baisse, la situation apparaît différente en 2021. Les saisies sont majoritairement en hausse ([33]) avec toutefois un contraste selon les produits considérés.

S’agissant du cannabis, les saisies s’élèvent l’année dernière à 111,9 tonnes avec 72,4 tonnes de résine et 39,5 tonnes d’herbe. Le total des quantités de cannabis (herbe et résine) saisies a ainsi augmenté de 16 % entre 2020 et 2021. La tendance observée en 2020 selon laquelle la part de l’herbe représentait presque la moitié des saisies de cannabis ne s’est pas poursuivie en 2021. Les saisies d’herbe constituent 35,3 % du total du cannabis saisi contre 64,7 % pour la résine. De plus, les quantités saisies de résine ont augmenté de 44 %, passant de 50,2 tonnes en 2020 à 72,4 tonnes en 2021.

Les saisies de cocaïne ont doublé entre 2020 et 2021, passant de 13,1 à 26,5 tonnes. Cette très forte augmentation s’est en particulier illustrée sur le vecteur maritime avec des saisies de grande ampleur réalisées dans les ports français, en particulier au Havre et à Dunkerque, au sein de conteneurs. Au total, 10,3 tonnes de cocaïne ont été saisies dans le port du Havre et 1,5 tonnes dans le port de Dunkerque.En parallèle, l’acheminement de cocaïne par vecteur aérien via les « mules » de Guyane diminue légèrement mais demeure à un niveau important. 842 mules ont ainsi été interpellées en 2021, ayant conduit à la saisie de 1,9 tonne de cocaïne (soit - 3,8 % par rapport à 2020), représentant 7,4 % du total de la cocaïne saisie.

Les saisies d’héroïne sont en hausse de 16 % en 2021, atteignant au total 1,3 tonne. Les saisies se localisent principalement dans le nord de la France, zone de consommation, ainsi que dans l’est, principalement considéré comme une zone de transit. Enfin, les saisies d’ecstasy et MDMA s’élèvent à 1 454 085 comprimés en 2021, ce qui représente une augmentation de 18 % par rapport à 2020. En 2021, l’OFAST a fourni des renseignements ou est intervenu dans le cadre de demandes d’entraide issues de procédures judiciaires dont il était saisi. Cet appui a conduit à la saisie, à l’étranger, de plus de 7,6 tonnes de cocaïne et de 39,9 tonnes de cannabis ([34]). Le démantèlement de 325 réseaux et de 274 points de deal ([35]) a également été effectué.

En conséquence, cette activité soutenue a induit une forte hausse de l’activité judiciaire.

C:\Users\fpetaux\Desktop\Saisies.pngSource : Comité interministériel de lutte contre les stupéfiants, 2 mars 2022.

B.   Les enjeux multiformes de la lutte anti-stupéfiants

1.   Le développement continu des trafics

Représentant la part la plus importante de la criminalité organisée en France, le trafic de stupéfiants ne cesse de s’accroître, tout comme ses conséquences directes : nombre de faits de trafic constatés et de mis en cause, quantités de produits stupéfiants saisies, nombre de consommateurs, violences en lien avec les trafics, revenus générés par cette criminalité, phénomènes corruptifs et coût sanitaire et social de la toxicomanie.

L’explosion de la production mondiale des principaux produits stupéfiants (cannabis, cocaïne et héroïne) et l’aggravation des propriétés psychoactives de certains d’entre eux ([36]) se conjuguent avec une offre mondiale de drogues de synthèse (ecstasy, MDMA, amphétamine, méthamphétamine, nouveaux produits de synthèse - NPS -) en plein essor.

En quête de rentabilité et de réduction des risques, les trafiquants s’adaptent et modifient ainsi les lieux de production comme les voies d’acheminement. La situation géographique stratégique de la France, située à proximité des principaux pays producteurs mondiaux et européens de résine de cannabis (Maroc), d’herbe de cannabis (Espagne, Pays-Bas, Belgique), de cocaïne (proximité des Antilles-Guyane avec la région andine) et de drogues de synthèse (Pays-Bas, Belgique, République tchèque), l’expose par nature aux trafics et font d’elle une zone de transit et une zone de rebond pour les flux de stupéfiants. En outre, la relocalisation de la production est également observée, avec un regain de la cannabiculture sur le sol français depuis 2016.

La diversification des modes d’acheminement des produits stupéfiants complexifie encore davantage la lutte menée contre ceux-ci. Que cette diversification porte sur les routes ou les modes de transport empruntés, elle demeure principalement motivée par la volonté de déjouer les dispositifs répressifs mis en place, voire, dans certains cas, résulte d’actions stratégiques visant à se saisir de nouvelles opportunités, à l’image de l’ouverture de nouvelles plateformes logistiques. En la matière, les groupes criminels rivalisent d’agilité et d’ingéniosité par l’utilisation de modes opératoires et de techniques de dissimulation innovantes. L’OFAST identifie ainsi de nombreux moyens distincts : recours au fret maritime, routier, aérien, permettant d’acheminer de grosses quantités tout en limitant les risques de contrôle du fait de la masse des flux mondiaux de marchandises, aux « go fast », « go slow » ([37]) sur le vecteur routier, à des avions privés ou à des drones, ou encore à l’envoi postal massif de petites quantités.

L’expansion de la production et des flux de stupéfiants répond à une consommation elle-même en hausse, généralisée à l’ensemble du territoire, ne se limitant plus aux seuls centres urbains, mais se diffusant dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que dans les territoires ultramarins.

2.   La professionnalisation des groupes criminels

Une multitude de groupes criminels français et étrangers, petite structure de quartier ou organisation criminelle transnationale, gangrène l’ensemble du territoire national et constitue une délinquance quotidienne et visible qui entretient un climat d’insécurité.

À côté de multiples micro-réseaux autonomes et localement circonscrits se livrant à des petits trafics ([38]), des organisations criminelles puissantes et dotées de capacités financières importantes émergent. L’OFAST considère que le trafic de stupéfiants est généralement l’apanage de groupes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville avec, à la marge, une réorientation de l’activité de certains groupes criminels français spécialisés dans d’autres formes de délinquance (vols à main armée, proxénétisme, etc.) vers le trafic de stupéfiants, plus rémunérateur. Les cibles d’intérêt prioritaire françaises (ou high value targets – HVT) se trouvant à la tête des grandes organisations criminelles françaises d’envergure internationale, sont en majorité issues de cette criminalité.

L’OFAST souligne que certains groupes criminels adoptent une organisation segmentée, assurant le continuum entre les commanditaires et le bas du réseau tout en compartimentant les tâches et divisant le travail dans une logique de coupe-circuit conçue pour complexifier la détection du réseau et le protéger des actions des services répressifs. Grâce à leur agilité organisationnelle et aux connexions avec la communauté de la criminalité organisée, les réseaux fonctionnent de manière opportuniste et s’adaptent rapidement aux évolutions qui perturbent leurs trafics. Le recours massif aux nouvelles technologies de communication ([39]) leur permettent de conquérir de nouveaux marchés, en adoptant les techniques de marketing et de vente en ligne des entreprises commerciales et en développant les transactions d’achat-vente des produits stupéfiants sur les espaces numériques, hors de l’espace public.

3.   Les violences et pratiques corruptrices engendrées par les trafics

Dans un contexte de concurrence, les violences liées aux rivalités entre groupes criminels, perpétrées en vue de faciliter les trafics, obtenir des complicités, conquérir des territoires ou garantir une impunité, ainsi que celles liées à la consommation de drogues, sont en progression constante.

L’OFAST relève que la jeunesse des victimes témoigne d’une évolution générationnelle dans le trafic de stupéfiants ([40]). La « militarisation », illustrée par l’usage croissant d’armes à feu, dont des armes de guerre, en étant une autre facette.

L’OFAST rappelle que les actions violentes ne se limitent pas au seul réseau d’acteurs impliqués dans les trafics. Elles peuvent par exemple viser les dockers susceptibles de faciliter les opérations de « sorties » des drogues, telles que les menaces, enlèvements et séquestrations, mais aussi les forces de l’ordre, exposées à des attaques de commissariat, guet-apens et autres représailles. Dans l’Union européenne, certains groupes criminels n’hésitent pas à prendre pour cible des agents publics et privés qui participent directement ou non à la lutte contre le trafic de stupéfiants, tels que des magistrats ou des journalistes.

La dégradation et la destruction des biens publics (matériels de vidéosurveillance, éclairages publics), les comportements délinquants induits par la consommation de stupéfiants (cambriolages, vols, violences intrafamiliales, agressions) sont autant de formes de violences que distille le trafic de stupéfiants dans la société.

La puissance financière qui caractérise le trafic de stupéfiants permet également d’exercer une influence corruptrice facilitant son organisation, en visant aussi bien les agents publics que les opérateurs privés, en particulier ceux chargés du contrôle des flux de personnes et de marchandises ([41]). L’OFAST a ainsi observé que la tentative de corruption d’employés municipaux dans l’objectif d’obtenir un accès facilité à des équipements communaux servant au transport et au stockage des produits stupéfiants se répand. L’OFAST considère également que la corruption de la sphère politique doit être une autre source de vigilance à court terme. Cette menace pourrait se manifester en France par des tentatives d’infiltration du milieu politique, en particulier au niveau local ([42]).

4.   L’impact économique majeur des trafics

Véritable économie parallèle échappant au contrôle de l’État, le trafic de stupéfiants génère en France un chiffre d’affaires annuel estimé selon l’OFAST à au moins 3,5 milliards d’euros ([43]).

Cette difficulté à quantifier précisément les volumes financiers concerne également le blanchiment des revenus tirés des trafics de stupéfiants. Si une partie des profits finance le train de vie courant des acteurs de ce trafic, les bénéfices de ce dernier trafic de stupéfiants sont blanchis pour être réintroduits dans l’économie légale, en France ou à l’étranger. Reposant sur des montages juridiques et financiers complexes présentant souvent une dimension internationale, les modes opératoires sont multiples. En France, les profits peuvent être injectés directement dans le chiffre d’affaires de commerces de proximité appartenant au cercle familial ou à un prête-nom. Les nouvelles technologies, principalement les crypto-monnaies, représentent d’autres vecteurs de blanchiment, en raison de leur soustraction au système bancaire classique et aux contrôles inhérents à celui-ci. Dans ce cadre, certains groupes criminels européens développent une expertise dans ce domaine et offrent leurs prestations aux trafiquants de stupéfiants.

Deux secteurs de l’économie légale sont principalement utilisés pour le blanchiment de l’argent de la drogue : le secteur financier, permettant une « bancarisation » des espèces, et les secteurs non financiers propices à la fraude ([44]). Si l’objectif est de donner une apparence légale aux gains criminels, cette infiltration permet aussi de détourner des activités licites pour les besoins du trafic de stupéfiants. La perméabilité entre les activités légales et le blanchiment de la manne financière que représente l’argent de la drogue est source de déséquilibres économiques. Par ailleurs, le blanchiment est générateur d’autres infractions économiques et financières (fraudes sociales et fiscales, travail dissimulé, corruption, etc.) et de concurrence déloyale.

C.   Les défis que l’OFAST doit relever

À l’issue des déplacements qu’il a accomplis au service central de l’OFAST à Nanterre et à l’antenne de l’OFAST de Lyon, votre rapporteur pour avis considère que l’organisation et l’activité de l’OFAST se révèlent particulièrement performantes. Près de trois ans après sa création, le bilan de son action, en tant que chef de file de la lutte anti-stupéfiants, apparaît tout à fait satisfaisant. L’OFAST a rapidement acquis une véritable identité ainsi qu’une autorité incontestable afin de mener à bien le combat contre le trafic de drogue, en privilégiant, à raison, une approche à la fois globale et précise des multiples enjeux qui caractérisent ces activités criminelles.

Cependant, plusieurs défis d’ordre organisationnel, juridique et opérationnel se dessinent à court terme.

1.   Les défis organisationnels

Le réseau des antennes, des détachements et des CROSS doit être suffisamment souple afin de s’ajuster au mieux à l’évolution rapide des trafics. La nécessaire stabilité des structures existantes ne doit pas être une source d’inertie portant préjudice à l’efficacité des missions accomplies par l’OFAST, tant au niveau central que territorial. Il en est de même s’agissant de l’implantation des officiers de liaison à l’étranger qui nécessite des adaptations régulières pour répondre à une menace grandissante ([45]).

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis souligne la nécessité de garantir une bonne articulation entre l’action menée par l’OFAST et les directions départementales de sécurité publique (DDSP). Deux écueils doivent être évités : d’une part, le risque d’un « conflit de priorités » susceptible de naître entre le travail nécessairement long de démantèlement des filières et l’urgence quotidienne de démantèlement des points de deal eu égard aux répercussions qu’ils font peser sur les habitants des zones concernées et, d’autre part, le délaissement potentiel de cibles situées « au milieu du spectre », pouvant aussi bien échapper à l’attention de l’OFAST qu’à celle des agents de la sécurité publique. Ces enjeux missionnels apparaissent d’autant plus cruciaux qu’ils doivent être appréhendés à la lumière de la réforme actuelle visant à « départementaliser » la police nationale, dans le but d’améliorer la synergie entre les différentes directions ([46]).

2.   Les défis juridiques

Les spécificités de la lutte contre le trafic de stupéfiants peuvent justifier une adaptation du cadre législatif et règlementaire afin de renforcer l’opérationnalité des moyens dont disposent les enquêteurs.

Il convient en effet d’adapter le traitement juridique des investigations relatives aux communications cryptées. L’OFAST considère que l’évolution récente de la jurisprudence relative à la captation de messageries cryptées a montré la fragilité du cadre applicable ([47]).

De façon plus concrète, l’extension de la mise en œuvre des techniques spéciales d’enquêtes aux personnes en fuite ([48]) prévue par l’article 8 du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) est particulièrement attendue afin d’appréhender les individus recherchés dans le cadre de procédures pour trafics de stupéfiants.

L’élargissement des moyens de renseignement en phase « pré-judiciaire », par le biais d’interceptions des communications satellitaires et de captation de données ou l’installation de dispositifs de géolocalisation à l’étranger, représente également une piste de réflexion intéressante susceptible de renforcer l’arsenal dont disposent l’OFAST et l’ensemble des forces de sécurité afin de lutter contre le trafic de drogue.

Enfin, dans une perspective plus large, votre rapporteur pour avis a été sensibilisé à l’enjeu récurrent auquel sont confrontés les services enquêteurs : la clarification et la simplification de la procédure pénale. La complexification croissante du cadre procédural ne facilite pas l’accomplissement des missions des forces de l’ordre, s’agissant plus particulièrement de la lutte anti-stupéfiants qui concerne des activités délictuelles et criminelles souvent sophistiquées, notamment au regard de leur dimension transfrontalière.

3.   Les défis opérationnels

Les rapides évolutions technologiques dont bénéficient les trafiquants rendent indispensable l’adaptation des moyens matériels dont bénéficient les services afin de mener à bien leurs missions. La création en 2023 de l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI) vise justement à renforcer la réactivité de la réponse numérique de la police et de la gendarmerie en la matière.

Deux enjeux se distinguent plus particulièrement. D’une part, il semble nécessaire d’accélérer la mise en place du système de traitement centralisé des lecteurs automatiques des plaques d’immatriculations (LAPI). Ce dispositif doit à terme permettre à la police, à la gendarmerie et à la douane d’accéder directement aux données de tous les capteurs LAPI, quelle que soit l’administration en charge du capteur.

D’autre part, la mise en place d’un système harmonisé de sécurisation vidéo des emprises portuaires dans tous les ports ([49]) facilitera la coordination entre les services afin de lutter plus efficacement contre l’acheminement de stupéfiants par la voie maritime.


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   Examen en commission

Lors de sa première réunion du mardi 18 octobre 2022, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Sécurités » (MM. Éric Pauget et Thomas Rudigoz, rapporteurs pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/9cUicT

M. le président Sacha Houlié. Nous abordons l’examen pour avis des missions relevant du ministère de l’intérieur et des outre-mer en présence du ministre Gérald Darmanin. Après qu’il nous aura présenté les grandes lignes de ses budgets, nous engagerons la discussion des missions Sécurités et Immigration, asile et intégration.

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Les crédits budgétaires que je vous présente ont vocation à augmenter les moyens nécessaires au fonctionnement du ministère de l’intérieur, dont j’ai l’honneur de commander les femmes et les hommes courageux.

Sous le quinquennat précédent, 10 milliards d’euros avaient été octroyés au ministère de l’intérieur ; en 2023, la marche budgétaire que forment le projet de budget et le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), donne une traduction concrète à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), adoptée cet après-midi au Sénat par une très large majorité.

La mission Sécurités prend en charge la stratégie du doublement de la présence des forces de l’ordre sur l’espace public. Nous vous demandons la création de 8 500 emplois au ministère de l’intérieur, dont 3 818 équivalents temps plein (ETP) au titre de 2023. Les re-créations de postes de policiers et de gendarmes sont prévues pour intervenir au cours des deux premières années budgétaires, de sorte que nous soyons prêts à recevoir la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024.

La police et la gendarmerie nationales seront les bénéficiaires de 95 % de ces créations d’effectifs. Sur ces 2 850 nouveaux ETP, 1 640 seront répartis dans les dix-huit unités de forces mobiles (UFM), dont onze nouvellement créées – sept de gendarmerie mobile et quatre de compagnies républicaines de sécurité (CRS) – et 1 266 seront envoyés dans les circonscriptions de sécurité publique prioritaires, c’est-à-dire là où la délinquance est la plus forte et où le nombre de policiers fait le plus grandement défaut. Les réserves opérationnelles de police et de gendarmerie seront également renforcées, jusqu’à atteindre 50 000 personnes en 2027.

La politique territoriale du ministère s’affirme, en premier lieu, par la re-création, pour la première fois, des effectifs des préfectures – 50 l’année prochaine, un peu moins de 400 au cours du quinquennat. En second lieu, par l’augmentation des crédits de vidéoprotection qui progressent tous les ans de 5 millions d’euros dans le cadre de la Lopmi, et qui viendront abonder le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), bien connu des élus. En troisième lieu, par des moyens, hors personnel, extrêmement élevés : 4 800 nouveaux véhicules seront acquis pour la police nationale et la gendarmerie nationale, après les 13 310 qui sont venus remplacer les sept huitièmes des deux parcs, dans le cadre du plan de relance. Une attention particulière sera accordée à la nouvelle politique d’achat, à hauteur de 250 millions d’euros, des tenues des policiers : elles seront désormais fabriquées en France, dans un tissu français, ce qui n’était pas le cas dans les derniers appels d’offres lancés par le ministère d’intérieur. La première marche du réseau Radio du futur, accepté par le Sénat, sera engagée cette année, à hauteur de 250 millions d’euros – l’appel d’offres a été lancé et le marché signé avec la société Airbus. Trente-six nouveaux hélicoptères viendront équiper la gendarmerie nationale et la sécurité civile.

J’en viens à la cybercriminalité, menace à la fois actuelle et pour demain. En 2021, les forces de l’ordre ont enregistré 260 000 procédures judiciaires liées à la cybercriminalité, soit une progression de 20 %. Plus de la moitié des escroqueries sont le fait de cyberattaquants ; elles touchent sans distinction nos concitoyens et les entreprises.

Le budget pour 2023 prévoit la création de cyberpatrouilleurs, en augmentation de 50 %, la mise en place du numéro d’urgence « 17 cyber », en attendant le vote de la Lopmi pour engager d’autres volets de notre politique de lutte contre la cybercriminalité. Celle-ci ne se substitue pas à la présence sur la voie publique ou sur le terrain, elle la complète.

Les investissements très importants pour la modernisation des services numériques du ministère de l’intérieur se poursuivent. En 2023, 700 millions sont consacrés au seul numérique du ministère, à la fois pour renforcer Pharos et la plateforme Thésée, lancée en mars dernier et dédiée à la lutte contre les e-escroqueries ; mettre en œuvre la plainte en ligne – la visio-plainte –, que la Lopmi autorise ; développer l’application « Ma Sécurité » et le portail de signalement des violences conjugales, lancé par la Première ministre.

Les outre-mer, puisque j’en suis le ministre, bénéficieront d’un effort sans précédent, avec une forte progression des effectifs et des moyens budgétaires. Pour Mayotte, l’effort prend la forme du plan Shikandra 2, sur lequel je travaille à la suite de ma visite sur ce territoire. Pour la Guyane, il s’agit du renforcement des effectifs que j’ai annoncé lorsque je m’y suis rendu, de l’opération Harpie, qu’il convient sans doute de revoir de fond en comble, ainsi que la re-création des brigades de recherche de gendarmerie de Saint-Laurent-du-Maroni et des antennes de l’Office anti-stupéfiants (Ofast) à Cayenne. Je ne vais pas détailler toutes les annonces pour chaque territoire d’outre-mer, mais je voulais faire un zoom particulier sur Mayotte et la Guyane.

Nous préparons activement la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques de 2024. Les marches budgétaires, en termes de création d’effectifs comme en moyens budgétaires, sont très importantes – déjà 200 millions s’ajoutent aux moyens budgétaires et matériels évoqués pour les JO.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis (Sécurité). Le budget que vient de présenter le ministre de l’intérieur s’inscrit dans une trajectoire amorcée dès 2017, qui s’amplifie sans discontinuer depuis la précédente législature. Les crédits de paiement (CP) affectés à la police nationale connaissent ainsi une augmentation de plus de 6 %, atteignant 12,4 milliards d’euros. Ceux de la gendarmerie progressent de la même façon et atteignent près de 10 milliards d’euros. Les budgets de la police et de la gendarmerie présentent donc une hausse cumulée de près de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2022 : nous ne pouvons que nous réjouir de la concrétisation, dans le projet de loi de finances pour 2023, des engagements pris par le Président de la République et le ministre de l’intérieur à l’issue du Beauvau de la sécurité.

Ces engagements doivent aussi trouver leur place dans la Lopmi, adoptée en première lecture par le Sénat et que notre commission examinera au début du mois de novembre.

Je n’entrerai pas dans le détail de la répartition des crédits, le ministre en ayant déjà brossé un tableau complet.

Le renforcement de l’ensemble des moyens, qu’il s’agisse de la création de 8 500 postes de policiers et de gendarmes, du développement des outils numériques mis à leur disposition ou de la rénovation et de la construction de nouveaux locaux, est une condition indispensable au bon accomplissement de leurs missions, dont on mesure chaque jour l’importance pour la sécurité de nos compatriotes. Permettez-moi d’avoir une pensée pour nos forces de l’ordre blessées ces derniers mois dans l’exercice de leurs fonctions, face à des délinquants et criminels de plus en plus déterminés.

Je souhaiterais soulever deux points en particulier.

Premièrement, les documents budgétaires font état du recrutement de 1 462 personnes au sein du corps d’encadrement et d’application de la police nationale. Cette hausse correspond-elle majoritairement à l’embauche de nouveaux gardiens de la paix ? Quelle sera la catégorie d’emploi des 5 400 futurs assistants d’enquête dont la Lopmi prévoit la création ?

Deuxièmement, au sein du programme Gendarmerie nationale, le montant des dépenses d’investissement diminue de 8 % par rapport à l’année dernière. Une telle évolution s’explique sans doute par l’achèvement du plan de renouvellement des véhicules de la gendarmerie mobile. Une autre explication pourrait-elle être un effet de décalage sur l’exécution des crédits de paiement dû au calendrier de réalisation des 200 brigades de gendarmerie que vous avez annoncé le mois dernier devant notre commission ?

J’ai choisi, cette année, de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à l’activité de l’Office anti-stupéfiants (Ofast). La lutte contre le trafic de drogue constitue, monsieur le ministre, l’une de vos priorités. L’Ofast, organe interministériel créé dans le cadre du plan national contre les stupéfiants et placé sous l’autorité de la direction centrale de la police judiciaire, est opérationnel depuis 1er janvier 2020. Après trois ans de fonctionnement en tant que chef de file de la lutte anti-stupéfiants, il m’est apparu nécessaire de faire le bilan de son action.

L’organisation et le fonctionnement de l’Ofast soulignent à quel point la lutte contre les trafics de stupéfiants exige une approche à la fois globale et territoriale. Globale, car il est nécessaire de combiner efficacement l’ensemble des dimensions stratégiques et opérationnelles pour « comprendre », « cibler » et « agir », selon les trois piliers de l’Ofast. Territoriale, car ce sont dix antennes, quatorze détachements et près d’une centaine de cellules départementales du renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross) qui assurent au quotidien le combat de terrain contre les réseaux de trafiquants de drogue. La finesse de ce maillage territorial et le développement d’actions de coopération européenne et internationale de grande envergure permettent aujourd’hui à l’Ofast de jouer pleinement son rôle de chef d’équipe, en disposant d’une autorité incontestable et reconnue à l’échelle internationale.

Cependant, la hausse du volume des saisies de cannabis, de cocaïne et d’héroïne témoigne autant de la réussite de l’ensemble des acteurs engagés dans cette lutte – police, gendarmerie, douanes, finances publiques, marine nationale – que de l’augmentation de la production et du transit de stupéfiants sur notre territoire.

Cette situation constitue un triple fléau, sanitaire, social et sécuritaire, et les habitants des quartiers les plus défavorisés en sont les premières victimes. Nous avons le devoir collectif de continuer à combattre avec la plus grande vigueur les acteurs de ces trafics, en anéantissant leurs ressources par la fermeture des points de deal, qui génèrent en moyenne 20 000 à 80 000 euros de chiffre d’affaires chaque jour, et à mettre hors d’état de nuire les dealers et les commanditaires.

Je salue ici le dévouement exemplaire et le dynamisme des agents de l’Ofast, notamment de sa directrice Mme Stéphanie Cherbonnier. Bien que dans l’ombre, ces femmes et ces hommes sont le visage de la lutte contre le trafic de stupéfiants. Ils supportent avec courage et détermination les risques physiques auxquels leur mission les expose.

Pour réussir, l’action de l’Ofast suppose également de relever des défis à la fois juridiques, opérationnels et organisationnels.

Le travail de l’Ofast doit se faire en bonne articulation avec celui des directions départementales de la sécurité publique. Il faut tout faire pour empêcher tout conflit de priorité entre le nécessaire travail à long terme de démantèlement des filières et l’urgence quotidienne de fermeture des points de deal dans les quartiers. Il est également indispensable de consacrer des moyens d’action adaptés pour lutter contre tous les trafiquants, notamment ceux, qui, se situant au « milieu du spectre », peuvent aussi bien échapper à l’attention de l’Ofast qu’à celle des policiers de la sécurité publique. Cette exigence apparaît d’autant plus cruciale dans la perspective de la réforme visant à « départementaliser » la police nationale dans le but d’améliorer la synergie entre les différents services de police et d’encore mieux lutter contre cette criminalité organisée.

Il me paraît donc primordial que les forces de sécurité engagées dans la lutte anti-stupéfiants soient renforcées, en moyens et en effectifs, au cours des prochaines années. C’est à cette condition que le combat contre le trafic de drogue finira par être gagné.

M. Éric Pauget, rapporteur pour avis (Sécurité civile). Les crédits du programme Sécurité civile, avec 640,6 millions d’euros, ressortent en hausse de 12,8 % par rapport au précédent exercice. Cette augmentation s’inscrit dans le cadre un peu plus général de la Lopmi et le déblocage de 15 milliards au cours des cinq prochaines années pour le ministère de l’intérieur. Toutefois, en tenant compte de l’inflation, ce budget n’augmente vraiment que de 8,2 %.

Seulement 8 % du budget total de la sécurité civile est à la charge de l’État, l’ensemble, qui représente 7,3 milliards d’euros, étant essentiellement assumé par les départements et les communes, qui financent les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis). La sécurité civile coûte un peu plus de 100 euros par an et par Français ; c’est peu au regard du grand dévouement de nos sapeurs-pompiers et de l’ensemble des personnels de la sécurité civile de notre pays, mais aussi par rapport à ce qui peut être sauvé par leur action.

Pour la seconde partie de mon rapport, j’ai choisi comme thématique la prévention et la lutte contre les feux de forêt.

La stratégie française repose sur deux principes : l’anticipation des risques et une réponse dite du vite et fort, dès le premier départ de feu. Cette doctrine a montré son efficacité puisque l’essentiel des feux est éteint sans avoir atteint 10 hectares. Toutefois, les incendies de l’été dernier ont montré que le risque s’étend désormais à l’ensemble du territoire alors qu’il touchait jusqu’à présent essentiellement le sud du pays. Or tous les Sdis ne disposent pas des mêmes moyens pour y faire face.

S’agissant de la prévention des risques, plusieurs pistes peuvent être envisagées : renforcer les sanctions à l’égard des pyromanes et des incendiaires criminels – j’ai déposé dernièrement une proposition de loi en ce sens ; généraliser les comités communaux de feux de forêt et harmoniser leurs missions, disparates selon les communes et pas forcément connues de tous nos maires ; mieux faire respecter l’obligation légale de débroussaillement – 30 % seulement des foyers concernés respectent cette obligation ; consolider le maillage d’équipements de défense contre les feux de forêt – certains espaces boisés exposés à ce risque n’en sont pas encore dotés ; définir des critères de défendabilité des massifs, qui fixeraient des standards de protection et objectiveraient les besoins en équipements.

Deuxième sujet important, le financement des Sdis est trop souvent ramené à leur coût alors que leur action est à valoriser financièrement. L’Assemblée des départements de France et la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France nous appellent à valider une méthode qu’ils appellent « le calcul de la valeur du sauvé ». Ce calcul permet de valoriser l’action de nos forces de sécurité civile mais aussi de prendre en compte ce que les assurances auraient dû financer si leur action n’avait pas été mise en œuvre.

Avec le changement climatique, la pression sur les Sdis va s’accroître. Il est donc essentiel de renforcer leurs moyens. Je propose de le faire par trois mesures d’ordre fiscal : l’augmentation de la fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance qui est versée par l’État aux départements pour financer les Sdis ; l’exonération du malus écologique qui s’applique désormais à l’ensemble de leurs véhicules ; l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), au même titre que l’armée qui ne la paie pas pour ses véhicules. Des marges de manœuvre financières non négligeables pourraient être ainsi dégagées et affectées à la lutte incendie.

Le rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement sur l’évolution du financement des Sdis ne nous a pas encore été transmis. Pourriez-vous néanmoins nous indiquer quelles mesures sont envisagées pour raffermir les capacités d’investissement des Sdis ?

Quel regard portez-vous sur les propositions d’ordre fiscal que je viens d’énoncer ?

Dernier sujet, largement partagé par les différents organismes audités : le besoin d’une gouvernance plus proactive et volontariste des politiques publiques touchant à la sécurité civile, dont le champ s’étend largement au-delà du seul ministère de l’intérieur. Un regroupement des services, aujourd’hui disséminés entre plusieurs ministères – intérieur, transition écologique, Europe et affaires étrangères, défense, santé – au sein d’une délégation interministérielle consacrée à la sécurité civile qui serait placée sous l’autorité du Premier ministre est-elle envisageable ?

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sabrina Agresti-Roubache (RE).  Je salue ici un budget historique. Il est conforme à la trajectoire de la Lopmi, qui prévoit 15 milliards d’euros sur cinq ans. Il augmente de 1,2 milliard par rapport au budget de 2022 et prévoit la création de plus de 3 018 postes, dont 2 874 postes de policiers et gendarmes.

Conformément à l’engagement du Président de la République de réarmer les territoires, la mission budgétaire Administration générale et territoriale de l’État voit les effectifs des préfectures et sous-préfectures augmenter pour la première fois depuis dix ans. Quarante-huit postes viendront renforcer dès 2023 les services à fort enjeu pour le ministère de l’intérieur. De nouvelles sous-préfectures viendront compléter un réseau au sein duquel des espaces France Services continueront à être développés.

L’État a inversé la dynamique de recul des services publics et a renforcé sa présence dans les territoires. Depuis 2018, plus de 2 000 espaces France Services ont été créés dans tous les départements pour permettre aux citoyens d’effectuer leurs démarches de proximité et bénéficier d’un accompagnement physique personnalisé.

L’identité numérique du citoyen, développée depuis 2017, constitue désormais le pivot de nouvelles perspectives au sein du ministère de l’intérieur et des outre-mer et, plus largement, le développement des services à l’usager qui réclame un haut niveau de confiance.

La mission Sécurités concourt aux actions du ministère de l’intérieur et des outre-mer et vise à assurer la sécurité intérieure, prévenir et lutter contre le terrorisme, poursuivre l’effort contre toutes les formes de délinquance, garantir la protection des Français, maintenir les capacités de gestion de crise et intensifier la lutte contre l’insécurité routière. Des moyens inédits en la matière seront déployés.

Un effort de recrutement considérable est prévu en 2023 : 2 874 postes supplémentaires permettront de créer onze unités de forces mobiles afin de sécuriser les grands événements sportifs à venir, ainsi que d’engager l’implantation de 200 nouvelles brigades de gendarmerie.

Des projets numériques structurants portés par la nouvelle Agence du numérique des forces de sécurité, instituée à partir du 1er janvier 2023, permettront de répondre aux prochains enjeux sécuritaires, y compris dans le cadre de l’organisation prochaine, en France, de grands événements.

Les efforts en matière d’immobilier seront poursuivis, avec la réhabilitation des commissariats, des casernes de gendarmerie ou des bases de sécurité civile.

Le doublement de la présence des forces de l’ordre sur le terrain sera notamment assuré par le recrutement de policiers et gendarmes, dans la continuité du plan « 10 000 jeunes », déployé au cours du précédent quinquennat. Entre 2023 et 2027, le ministère de l’intérieur et des outre-mer bénéficiera de 8 500 créations d’emplois. Je l’entends dans ma circonscription, à Marseille, nos concitoyens veulent voir plus de « bleu » dans la rue. Nous répondons à leur demande en déployant ces efforts inédits pour leur sécurité. En prenant le tournant du numérique, en agissant dans la proximité et en prévenant mieux les crises futures, le Gouvernement et la majorité répondent aux défis présents et à venir.

Une question pour finir. L’augmentation des effectifs de la police et de la gendarmerie est une vraie bonne nouvelle pour nos concitoyens. Quels moyens seront mis pour leur formation ?

M. Jordan Guitton (RN). Je veux, tout d’abord, rendre hommage à nos forces de l’ordre, à nos policiers et à nos gendarmes qui travaillent sans relâche pour protéger nos concitoyens. Je veux aussi remercier tous nos sapeurs-pompiers et l’ensemble de la sécurité civile de leur engagement, pour leur détermination et leur action quotidienne face aux incendies de haute intensité qui ont touché la France l’été dernier.

Les forces de l’ordre et les serviteurs de la sécurité civile méritent la reconnaissance de la nation. Nous nous devons de donner tous les moyens à ces héros du quotidien afin qu’ils puissent nous protéger dans les meilleures conditions. C’est la raison pour laquelle ces moyens doivent augmenter, et nous le demandons depuis de nombreuses années. C’est aussi la raison pour laquelle, au sein du groupe Rassemblement national, nous défendons une vision sécuritaire ambitieuse, nourrie par le programme présidentiel de Marine Le Pen, adoubée par 13,2 millions de Français.

Il est nécessaire d’accorder les moyens à la justice et aux forces de sécurité d’exercer leur mission. Il faut aussi combattre le crime par une réponse opérationnelle à la hauteur des menaces et simplifier les procédures pour faciliter le travail des enquêteurs. Enfin, il convient de moderniser l’institution judiciaire et rendre une plénitude de compétences aux maires. C’est pourquoi les crédits budgétaires doivent servir l’action de nos forces de l’ordre et les protéger en mettant en œuvre le principe de présomption de légitime défense pour les policiers. Ils le réclament, nous le réclamons haut et fort depuis de nombreuses années. Qu’attendez-vous pour le faire ?

L’urgence est d’augmenter les moyens de la politique de sécurité, car la France n’y consacre finalement qu’un peu plus de 1 % de son PIB, ce qui est peu comparé aux autres pays européens.

Vous livrez des chiffres de la délinquance très souvent optimistes dans les médias et dans vos interviews, mais depuis la suppression de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, qu’en est-il de la transition avec le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMI) ? N’y a-t-il pas un problème d’indépendance qui affecterait la publication de ces chiffres ?

S’agissant des crédits budgétaires, je note que les crédits de la mission Sécurités augmentent effectivement : plus 6 % pour la police nationale, plus 4 % pour la gendarmerie nationale, plus 13 % pour la sécurité civile. Plus largement, votre projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur propose d’augmenter le budget de votre ministère de 15 milliards d’euros sur cinq ans. Pourquoi n’avez-vous pas abondé de manière plus significative les budgets des premières années de cette loi de programmation : il est urgent d’agir, tout de suite, dès l’année prochaine ! L’augmentation est d’autant plus nécessaire que l’inflation du nombre de délits et de crimes est, elle aussi, bien réelle dans le pays, et que nos concitoyens attendent des actes forts de votre Gouvernement.

Vous rattrapez depuis 2017, il faut le dire, les mauvais choix de votre ancien parti politique qui avait supprimé 12 000 postes de policiers et de gendarmes en 2010 et 2011. Avec les réformes des gouvernements précédents, nous sommes revenus au niveau des effectifs de policiers et de gendarmes de 2011, mais la situation sécuritaire n’est plus du tout la même.

Vous parlez de la Lopmi comme d’une réforme inédite. Oui, les budgets de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile augmentent, mais ils restent encore largement insuffisants face à l’urgence de la situation. Le budget de votre ministère ne progresse que de 1,2 milliard d’euros en 2023 et de seulement 880 millions en 2024 par rapport à 2023.

Selon les chiffres de la Banque de France, en 2023, l’inflation se situera à 4,7 %. En réalité, compte tenu de cette inflation, l’augmentation par rapport à 2022 du budget de votre ministère pour 2023 s’établit à seulement 273 millions. C’est bien là le problème principal de cette loi de programmation budgétaire : elle paraît augmenter les budgets, mais eu égard à la situation économique réelle du pays, elle demeurera insuffisante, les crédits engagés ne permettront qu’une petite amélioration de la situation de nos forces de l’ordre et, de manière générale, de notre sécurité. Nous sommes loin d’une révolution !

Enfin, quelle conséquence aurait l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution sur les crédits que nous votons et discutons ce jour ? Les chiffres annoncés dans ce PLF seront-ils maintenus ? Quelles garanties pouvez-vous apporter quant à l’application stricte et réelle de ce budget ? Il y va de la sécurité de notre pays, première des libertés, comme le dit si bien Marine Le Pen.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). L’organisation de la mission budgétaire Sécurités et la répartition des crédits traduisent deux aspects : les priorités du Gouvernement dans la lutte contre la délinquance telle que lui-même l’analyse, et les conditions dans lesquelles la sûreté peut être garantie pour tous. J’emploie le terme de sûreté à dessein, en ce qu’il recouvre la préservation des personnes et des biens, mais aussi la protection des citoyens vis-à-vis des institutions. Tel est l’esprit dans lequel nous avons rédigé quelques amendements.

La vision gouvernementale s’arrête souvent à la délinquance de voie publique, j’en veux pour preuve la communication ferme qui a été faite autour des points de deal et de leur supposée réduction. De ce point de vue, le compte n’y est pas : les contrôles systématiques n’amènent qu’au déplacement des points de deal, et les personnes qui habitent à proximité n’y gagnent pas une vie plus sereine. Les policiers ont clairement le sentiment de vider la mer avec les mains. Or le sens est devenu un élément majeur pour ceux qui exercent ce beau métier de policier ou de gendarme, les difficultés de recrutement actuelles en attestent. Qui plus est, cela correspond à une forme de contrôle social, cette pression s’exerçant toujours sur les mêmes territoires et franges tendanciellement défavorisées de la population.

La logique et l’efficacité voudraient qu’on mobilise les crédits pour lutter contre la délinquance en col blanc et financière, et contre le crime organisé ; c’est le moyen évident de lutter contre le trafic de stupéfiants.

La deuxième forme de délinquance qui nous paraît devoir être visée sont les violences faites aux femmes, fort multiples dans une organisation sociale patriarcale. Nous soutiendrons un amendement visant une sensibilisation globale des services de police en systématisant la formation à l’accueil et le soutien d’intervenants sociaux.

S’agissant de la police judiciaire, vous faites parfois fortement consensus – ici, contre la réforme de la police judiciaire. Mon groupe partage les arguments à la fois de préservation des missions de lutte contre les délits du haut du spectre, et leur indépendance, liée à n’importe quel État de droit. Nous proposons donc d’analyser les coûts, en particulier des recrutements destinés à ces fameuses directions départementales au détriment des moyens dits de technopolice.

La loi de finances doit également concourir à créer les conditions de l’indépendance de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), indispensable pour renouer les liens de confiance entre la police et la population, qui participent du bon ordre.

Nous sommes favorables au recrutement de policiers ; encore faut-il qu’il y ait des écoles pour les former – une dizaine d’entre elles a été fermée.

Enfin, nous présenterons un amendement concernant la sécurité civile qui réclame, elle aussi, planification, organisation et capacité à se projeter, en particulier par l’achat de matériels modernes et adaptés.

M. Alexandre Vincendet (LR). Les députés Les Républicains sont extrêmement attentifs à la mission Sécurités. Celle-ci voit ses crédits augmenter de 1,05 milliard d’euros –6,75 % en CP et 6,82 % en AE –, ce qui porte son budget total à 15,77 milliards. Nous saluons cette progression favorable à la sécurité des Françaises et des Français, en ces temps où, certains quartiers de nos grandes villes deviennent des zones de non-droit et où la lutte contre toutes les formes de délinquance doit disposer de moyens à la hauteur des enjeux.

La progression des crédits, conséquence partielle du Beauvau de la sécurité et des premières mesures liées à la Lopmi, devrait bénéficier à la police nationale et à la gendarmerie, à raison respectivement de 54 % et 43 % des crédits, et se traduire notamment par la création de 2 857 nouveaux emplois, soit un triplement du volume constaté en 2022.

Le Gouvernement commencera donc à tenir sa promesse de doubler les effectifs sur la voie publique et d’armer les onze nouvelles unités de forces mobiles en 2023, alors que les forces de sécurité ont enregistré une hausse record des coups et blessures volontaires de plus de 21 % en trois ans, ce qui en porte le nombre au niveau historique de 260 500 en un an, soit plus de 700 agressions par jour – ce n’est pas acceptable.

Dans la même perspective, 276 millions d’euros sont affectés au recrutement et à la formation des réserves opérationnelles – autre défi pour les prochaines années –, avec un objectif fixé à 30 000 réservistes au sein de la police nationale.

Manquent toutefois tous les indicateurs relatifs aux objectifs annuels du Gouvernement, censés rendre compte de l’efficacité – ou non – de sa politique. Par exemple, les atteintes aux biens constatées en zone police sont indiquées comme étant en baisse en 2022, mais aucune donnée ne vient étayer cette affirmation, alors qu’elles ont augmenté entre 2020 et 2021. Il en est de même pour les crimes et délits commis à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique – nous le regrettons.

En matière de stupéfiants, la France est le pays d’Europe qui compte proportionnellement le plus de consommateurs. Il faudra bien relever le défi que constitue la lutte contre ce qui est devenu un fléau.

Le programme Police nationale présente un plafond d’emploi fixé à plus 1 907 ETPT, auxquels s’ajoutent sept emplois pour le renforcement de l’évaluation de l’encadrement supérieur de la police. Cette évolution permettra le doublement de la présence policière sur la voie publique, l’augmentation du nombre de compagnies de CRS, le renforcement de la filière investigation par la création de postes d’assistants d’enquête, et l’accroissement du nombre de formateurs.

Il me semble urgent de fournir à toutes les casernes et commissariats un matériel informatique fonctionnel. Un surcroît d’investissements dans la police technique et scientifique est également indispensable pour accélérer l’investigation et augmenter le taux d’élucidation des crimes et délits.

Le programme Gendarmerie nationale représente 43 % de la mission et dispose de 9,9 milliards en crédits de paiement – plus 595 millions d’euros –, soit une augmentation de 6,39 %.

La Lopmi prévoit la création, à partir de 2023, de 200 brigades, essentiellement en milieu rural, afin de densifier le maillage territorial de la gendarmerie et empêcher la formation de zones blanches sécuritaires, en métropole comme en outre-mer. Aucun territoire ne doit être oublié, car, que l’on vive en milieu urbain ou en milieu rural, la liberté d’aller et de venir en paix est la première des libertés publiques.

Le programme Sécurité et éducation routières, qui représente 0,32 % de la mission, est doté de 74,4 millions en CP, en hausse de 48,36 %. Il a pour objet la lutte contre l’insécurité routière, dont la finalité est de faire baisser le nombre de personnes tuées ou blessées sur les routes de France – un objectif que nous partageons tous.

Enfin, le programme Sécurité civile regroupe l’ensemble des politiques du ministère de l’intérieur dédiées à la protection des populations et à la gestion de crise. Il représente 2,79 % de la mission et dispose de 640,1 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 12,76 %.

Les feux de forêt, plus nombreux et d’une exceptionnelle intensité en 2022, ont fortement mobilisé toutes les forces de sécurité civile sur une grande partie de notre territoire, brûlé plus de 60 000 hectares et conduit au déplacement de près de 55 000 personnes. Afin de mieux faire face à ces phénomènes appelés à être de plus en plus fréquents, une hausse des crédits était évidemment nécessaire.

Nous saluons la volonté du Gouvernement d’accorder plus de moyens aux forces de l’ordre et en attendons des résultats concrets sur l’ensemble du territoire. À cet égard, nous serons attentifs à l’évolution des indicateurs de la délinquance.

Mme Élodie Jacquier-Laforge (Dem). Cette année, la mission Sécurités, dotée de plus de 15 milliards d’euros, consacre de nouveaux moyens humains, financiers et juridiques, pour assurer la sécurité intérieure, lutter contre le terrorisme et la délinquance, gérer les crises et l’insécurité routière.

Les moyens humains ont vocation à renforcer la présence sur le terrain. Policiers et gendarmes devraient voir leurs rangs grossis par la création de près de 8 500 postes. Vont ainsi pouvoir bénéficier directement d’une hausse de personnel, notamment, les transports en commun et la voie publique.

Quatre unités de forces mobiles seront créées en vue de l’organisation de la Coupe du monde de rugby et des Jeux olympiques. Elles constitueront indéniablement une force de protection et de sécurité supplémentaire pour la tenue de ces événements internationaux. Le groupe Démocrate se réjouit que de nombreux supporters et supportrices venus du monde entier pourront ainsi profiter pleinement des festivités. À l’issue de ces événements, vers quelle mission seront redirigés ces CRS ?

Le déploiement du réseau Radio du futur, dont j’aimerais avoir le détail, mettra-t-il fin aux zones non couvertes, par exemple la commune de Presles, en Isère ?

Les forces de l’ordre, dans leur lutte contre la délinquance du quotidien, se heurtent parfois à des obstacles juridiques. Par exemple, l’amende forfaitaire délictuelle (AFD) a été instaurée pour pénaliser l’occupation des parties communes d’immeubles ou de terrains, et l’usage illicite de stupéfiants, afin de simplifier la procédure pénale. Or cette amende forfaitaire délictuelle ne peut être utilisée lorsque les protagonistes sont mineurs ou en cas de récidive. J’ai été interrogée à ce sujet : une évolution est-elle envisagée pour élargir son recours ?

Des moyens supplémentaires sont consacrés à la lutte contre la cybercriminalité, qui se manifeste par des attaques contre nos hôpitaux ou des institutions publiques, rendant plus vulnérables les données personnelles de nos concitoyens. Il nous appartient de nous saisir sans attendre de cette question, comme le font au quotidien les services du ministère de l’intérieur, que je veux soutenir ici. Le groupe Démocrate comprend la nécessité d’intervenir dans ce domaine par le recrutement de profils plus scientifiques et plus techniques pour assurer la sécurité numérique dans l’ensemble du territoire.

Cette protection concerne également les nouvelles méthodes de travail qui s’appuient sur la dématérialisation et la progression de l’utilisation des outils numériques. Ceux-ci doivent être obligatoirement protégés en testant les failles et en informant correctement les personnels. La protection des données doit être assurée pour les démarches dématérialisées, comme les procurations électorales, mais elle doit également s’adapter à toute la population, sans négliger les citoyens qui se retrouveraient en difficulté face à l’accès aux outils numériques. Une attention particulière doit également être portée aux personnes, surtout les jeunes enfants, qui utilisent l’espace numérique sans en connaître les dangers. Protéger, c’est assurer la sécurité physique mais également informer.

Le groupe Démocrate sera attentif aux propositions qui contribueront à protéger tous les citoyens dans le cyberespace et aideront les forces de l’ordre à assurer la protection et l’accompagnement de nos concitoyens.

S’agissant du programme Sécurité civile, les mégafeux de cet été sont le signe que nous devons nous adapter extrêmement rapidement aux effets du dérèglement climatique, ce que seul un travail de coopération interministérielle permettra. Le renforcement des moyens aériens de la sécurité civile est primordial, et le texte le prévoit. Avec la multiplication des vagues de chaleur et la hausse globale des températures dans les prochaines années, nous devons renforcer la prévention et la lutte contre les incendies.

Le groupe Démocrate salue le développement d’une gendarmerie verte, dédiée notamment à la protection de l’environnement. Elle sera le symbole de l’exemplarité dont doivent faire preuve nos institutions dans l’action pour notre survie. Quelle sera la feuille de route de ces gendarmes affectés à la protection de l’environnement ?

M. Roger Vicot (SOC). Ce projet de budget est plein de surprises. La première est plutôt bonne : 15 milliards, une somme rarement atteinte pour une loi d’orientation et de programmation, dont 8 milliards répondent à des nécessités – par exemple avoir des logiciels qui fonctionnent. Vous avez travaillé sur l’immobilier, les véhicules, l’informatisation, la digitalisation, les grands événements à venir, toutes choses absolument nécessaires. Mais le diable se cache dans les détails et certains points nous paraissent encore un peu flous – on le sait, quand c’est flou, il y a un loup !

Parmi ces loups, nous en avons soulevé un, au travers des réponses, voire des non-réponses, qui nous ont été apportées, qui est lié aux créations de postes. S’agit-il de créations de postes nettes ou ces créations seront‑elles annulées par les départs à la retraite au cours des années qui viennent ? Nous présenterons des amendements sur ce sujet.

Autre loup, le nombre des formateurs suivra-t-il celui des créations de postes ?  Dans le PLF2022, les formateurs supplémentaires de la police nationale se comptait quasiment  sur les doigts de la main – ils étaient passés de 267 à 281. Nous nous en inquiétons d’autant plus que vous prévoyez également d’augmenter le nombre d’officiers de police judiciaire (OPJ) jusqu’à 26 000 dans les années qui viennent.

Même si le Sénat en a considérablement réduit la voilure, il conviendra également d’étudier très attentivement le sujet des amendes forfaitaires délictuelles. Le texte initial prévoit la multiplication des infractions prises en charge par les AFD. De 11, elles passeraient potentiellement à 3 400 puisque seraient concernés tous les délits donnant lieu à une condamnation de prison jusqu’à un an. Se poseraient alors des questions quant à l’individualisation de la peine et l’égalité territoriale, dans la mesure où les policiers seront les seuls à décider de ces AFD.

Autre interrogation liée à la formation, celle des assistants d’enquête dont on ne sait pas exactement quelle sera la mission. On nous dit qu’ils seront, auprès des OPJ, un peu les équivalents des greffiers de justice. Comment tout cela fonctionnera-t-il précisément ?

Concernant la réforme de la police judiciaire, monsieur le ministre, vous avez écarté les critiques d’un revers de main un peu rapide. Sauf à penser que la Conférence nationale des procureurs généraux, les procureurs de la République, les policiers de la PJ, les policiers qui expérimentent cette réforme et les avocats sont dans l’incapacité de la comprendre, expliquez-moi ce très fort mouvement national d’opposition à la réforme de la PJ ? Nous pensons que la PJ doit être soignée ; or les crédits qui lui sont destinés baissent de presque 13,5 %.

Enfin, sur la sécurité civile, de nombreux départements ont fait l’expérience d’incendies ravageurs cet été. Les Sdis, les pompiers et les soldats du feu sont en difficulté financière. Ils font appel à l’État : vous devez répondre à cet appel.

M. Didier Lemaire (HOR). Le budget de la mission Sécurités augmente pour l’année 2023, en cohérence avec les objectifs du projet de Lopmi pour les cinq prochaines années.

Je me réjouis de la hausse des crédits des programmes Police nationale et Gendarmerie nationale. Elle permettra le recrutement de 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires d’ici à 2027, dont 950 emplois à temps plein en 2023. C’est une bonne chose qui s’inscrit dans la continuité de l’action menée par la majorité depuis 2017.

Nous connaissons, en France, un déficit de gendarmes, de policiers et de policières. Dans la troisième circonscription du Haut‑Rhin que j’ai l’honneur de représenter, les huit brigades sont parfois contraintes de fermer l’accueil au public, en semaine comme le week-end, en raison d’un manque d’effectifs. Les brigades de bourgs centres tels que Saint-Louis et Altkirch sont tout autant affectées que celles de villes de taille plus modeste. Même les communautés de brigades, dites COB, instaurées ces dernières années, ne suffisent plus à couvrir de façon quotidienne les besoins du territoire. Outre le défaut d’accueil du public, donc de lien avec la population, à une époque où les violences intrafamiliales et les cambriolages sont en hausse, je crains l’épuisement des personnels, qui restent motivés et dont je salue ici l’engagement quotidien.

Les critères de répartition des nouveaux agents sont-ils déjà établis ? J’insiste à nouveau sur l’attention qu’il faudra porter aux communes les moins dotées.

Le budget du programme Sécurité civile est en hausse d’environ 13 % par rapport à 2022. Je suis particulièrement attentif à ce sujet. Notre pays a connu cet été 8 850 feux de forêt de toute taille et d’intensité diverse sur une grande partie de notre territoire. Des régions autrefois épargnées ont été touchées durement et violemment. Je me réjouis que votre ministère ait bien conscience des enjeux qu’implique la sécurité civile de demain. Les phénomènes naturels extrêmes s’accélèrent en France, contraignant l’État et les collectivités territoriales à affronter des crises majeures qui se succèdent, voire se conjuguent.

Si les feux de forêt sont à 92 % d’origine humaine, l’évolution du climat devient un facteur aggravant dans le départ des incendies. La politique de prévention, sur laquelle repose la doctrine française de lutte contre les feux de forêt, doit être renforcée. Les communes peuvent y participer pleinement en créant des réserves communales ou intercommunales de sécurité civile, des plans communaux de sauvegarde ainsi que des comités communaux Feux de forêt. Le Gouvernement envisage-t-il d’accompagner les communes dans leurs actions de prévention du risque en général auprès de la population et dans l’éducation aux risques incendie en particulier ? Si oui, comment ?

L’éducation de nos concitoyens et concitoyennes doit intervenir à l’échelon le plus proche possible de leur vie et peut être orchestrée par des maires volontaires, qui ressentent parfois le besoin d’être guidés dans cette démarche. Je crois savoir que votre ministère travaille à des mesures qui consisteront peut-être à faire évoluer la part du produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) reversée aux Sdis et à accompagner les entreprises qui souhaitent libérer leurs salariés sapeurs-pompiers volontaires mais ne le peuvent pas pour des raisons économiques. Ces mesures impliqueront, j’en suis sûr, plus de moyens d’action et de prévention, et le développement d’une véritable culture du risque.

Le groupe Horizons votera en faveur des crédits de ces missions.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). De loi de finances en loi de finances, les ministres nous présentent des crédits en augmentation. Je ne conteste pas la nécessité de ces moyens, mais je m’interroge sur l’application, l’effectivité et les conséquences de ces augmentations.

En 2019, avant vos prises de fonctions au ministère de l’intérieur, l’ONU dénonçait l’usage excessif de la force dans les stratégies de maintien de l’ordre choisies en France face aux gilets jaunes. En 2020, la presse espagnole en disait autant des interventions brutales et violentes choisies cette fois pour « gérer » les actions de soutien aux migrants à Paris, particulièrement place de la République. En 2022, hier, c’est un rapport indépendant britannique qui a dénoncé les agressions criminelles, les charges continues et aléatoires de la police à l’encontre des supporters et l’utilisation injustifiée de gaz lacrymogènes lors de la soirée connue aujourd’hui sous le nom de fiasco du Stade de France.

Dans cette petite portion de faits, je suis gênée par l’image qui est renvoyée de la France et des Français, celle d’un pays incapable d’adopter des doctrines de maintien de l’ordre dignes du XXIe siècle, celle d’un pays rétrograde. En tant que femme politique, citoyenne et législatrice, il m’est difficile de le tolérer. Pourtant, nous allons octroyer de nouveaux budgets sans que cette doctrine, cette logique, qui se transmet de ministre en ministre, ne soit changée ni même évoquée.

Ce n’est pas le travail des policières et policiers ou des gendarmes qui est en cause, ce sont bien les décisions, les orientations de leurs décideurs qui sont vilipendées par l’Europe tout entière et qui, tout comme notre inaction climatique, font de nous le vilain petit canard de l’Europe. Si au moins la police s’en portait bien, si la population se disait en sécurité partout dans les territoires, ce ne serait pas bien grave que l’Europe se moque de nous. Le problème, c’est qu’à la fin du mois de juin, trente-quatre policières et policiers et quatorze gendarmes s’étaient donné la mort, dont dix dans la police dès le mois de janvier– des chiffres jamais enregistrés jusque-là. Quant au sentiment d’insécurité, sa réalité parfois, chacun le connaît.

Aujourd’hui, c’est la police judiciaire qui gronde. Hier, trente-six villes ont connu des manifestations d’agents de police. À Strasbourg, où je suis élue, 50 policiers enquêteurs et magistrats étaient dans la rue ; ils étaient 50 à Nîmes, 90 à Nice, entre 200 et 300 à Nanterre, 150 à Lyon, 150 à 200 à Montpellier, ces agents qui ont coutume d’observer religieusement le devoir de réserve.

Suffit-il d’affecter 15 milliards d’euros supplémentaires à la sécurité intérieure pour améliorer la qualité du service rendu au citoyen et l’exercice des policières et des policiers ? Plus de bleu est-ce vraiment mieux de bleu ? Cela assurera-t-il aux policiers sur le terrain, qui en ont assez, qu’hormis des chiffres présentables, la qualité de leurs conditions de travail va s’améliorer ?

Monsieur le ministre, je n’ai pas ciblé particulièrement vos politiques et votre personne. Je n’attaque pas des personnes, je remets en question une doctrine politique. J’espère donc que votre réponse sera dénuée du cynisme que vous m’avez déjà opposé et que nous pourrons travailler sérieusement, dans le respect de la démocratie parlementaire.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). On nous demande de voter des crédits sans examen préalable de la loi directement concernée : nous ne savons pas comment ces crédits qui concernent la Lopmi, discutée au Sénat à l’heure où nous parlons, seront déployés au cours des cinq prochaines années.

On nous présente des moyens qui font la part belle au volet répression au détriment de la sécurité de proximité. On ne peut que déplorer que ce choix de votre ministère. Les actions relatives à la sécurité, à la paix publique et à la sécurité routière sont dépouillées de centaines de millions d’euros pour alimenter les dépenses d’investissement en casques pare-balles et boucliers de maintien de l’ordre pour des agents qui en ont certainement besoin. Les crédits amputés concernent la lutte contre la délinquance, l’accueil et le contact avec les usagers. De même, pour la gendarmerie nationale, on nous annonce la création de 200 brigades et le recrutement de près de 1 000 ETP, sans préciser qu’un tiers de ces nouvelles unités seront itinérantes et se déplaceront dans les communes rurales, déjà abandonnées par bien des services publics et de proximité.

On nous demande d’acter la restructuration de la police judiciaire, une réforme pourtant décriée par l’ensemble des parties concernées. D’un côté, les moyens des forces de l’ordre augmentent, mais pour créer des unités de forces mobiles destinées à combler artificiellement des manques, au détriment d’une présence continue sur le terrain ; d’un autre côté, la police judiciaire est dépouillée de 429 millions d’euros, alors que vous avez vous-même reconnu que nous manquons d’environ 5 000 OPJ. Apparemment, la solution pour trouver les moyens humains qui manquent cruellement est toute trouvée : avec la Lopmi, il sera désormais possible aux élèves policiers et gendarmes de passer les concours d’OPJ dès la fin de leur scolarité au lieu de trois ans après leur prise de fonction.

Quelle garantie avons-nous que la réforme n’affectera pas le niveau de formation, de pratique et d’expérience OPJ ? Comment juguler la criminalité, dont les méthodes et la spécialisation sont de plus en plus insidieuses, si vous mettez aux enchères l’expertise des enquêteurs et enquêtrices de la PJ ? Nous n’avons eu aucun retour sur l’expérimentation de la réforme en cours dans différents endroits du territoire, dont la Guyane. C’est bien dommage.

Nous estimons que la politique du chiffre du Gouvernement ne pourra aboutir qu’à des pratiques contre-productives, loin du terrain et de la population, que l’on prive de la proximité avec les forces de l’ordre censées la protéger, et loin de l’intérêt de la police et de la gendarmerie, que l’on prive du sens de leur mission en les nomadisant, en les rendant interchangeables et en empêchant leur enracinement local.

Enfin, la dématérialisation des plaintes doit être abordée avec précaution et systématiquement accompagnée d’alternatives physiques. Si le numérique peut être une aubaine, il encourage aussi la désertion des services publics de nos territoires.

M. Paul Molac (LIOT). Notre groupe ne peut que saluer l’engagement budgétaire en faveur des policiers et des gendarmes, avec des crédits de la mission Sécurités qui progressent de 1 milliard sur un an.

Les hasards du calendrier font que nous allons devoir voter les crédits d’une mission avant même d’avoir pu débattre du projet de Lopmi. C’est un problème, car ces crédits correspondent à la trajectoire prévue à son article 2. Cela ressemble à un vote a priori. Comment décider de l’utilisation de crédits en 2023 avant même d’avoir pu débattre des priorités pour nos policiers et nos gendarmes ?

La réforme de la police judiciaire se traduit budgétairement par le recrutement de 2 800 officiers de police judiciaire dès 2023. Comment seront-ils déployés sur le territoire ? Cette réforme a créé de vives tensions sur le terrain. Les enquêteurs redoutent la départementalisation de leur travail et la fusion avec les effectifs de sécurité publique qui s’occupent de la délinquance du quotidien. Cette fusion ne conduira-t-elle pas à mobiliser les OPJ pour des missions de plus faible importance, qui ne relèvent pas, en principe, de leur compétence ? La culture du corps risque d’être brisée. En dépit des hausses de moyens, la fusion et les difficultés qui en résulteront nécessairement risquent d’affaiblir la capacité d’action des enquêteurs.

S’agissant de la gendarmerie nationale, notre groupe salue la création de 200 nouvelles brigades qui viendront densifier le maillage territorial, après des années de suppression de brigades.

Dans la concertation entre élus locaux et préfets qui est évoquée pour le déploiement des brigades, de quelle marge de manœuvre disposeront les élus locaux ? Vous annoncez vouloir tenir compte des spécificités territoriales. Si on prend l’exemple de la Corse, dont les spécificités géographiques sont évidentes, quelles adaptations pourraient être envisagées ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur le rapporteur Rudigoz, les 1 472 postes de gardiens de la paix, qui constituent le corps d’encadrement et d’application (CEA) de la police nationale, correspondent tous à des créations nettes. Et, monsieur Vicot, elles s’ajoutent aux recrutements qui viennent compenser les départs à la retraite ou les cessations d’activité dans la police nationale. Pour la Métropole lilloise, dont vous êtes élu, ce seront 260 policiers supplémentaires, tous départs confondus. Parmi les grands auteurs que vous avez cités, Martine Aubry a salué, une fois n’est pas coutume, l’action du ministre de l’intérieur en disant que c’est ce qu’elle attendait, même si c’est depuis longtemps.

D’une manière générale, il est difficile pour le ministre de l’intérieur d’évoquer les effectifs par conscription, car il ne peut répartir que ceux qui sortent de l’école. Une fois intégrés, on ne peut pas les forcer à prendre les postes ouverts. Nous entreprenons une réforme parallèle à la réforme de la police nationale, qui n’aura pas de conséquences budgétaires, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir.

La Lopmi a fait l’objet de nombreuses interpellations, mais je n’entre pas dans le sujet. Il sera largement traité le moment venu et, si la commission m’y invite, je répondrai, comme toujours, à son invitation pour répondre aux questions des parlementaires.

Les assistants d’enquête seront bien issus du personnel administratif, technique et scientifique du ministère de l’intérieur. Il ne s’agit pas de recruter des contractuels ou de créer un nouveau corps de fonctionnaires. Ces personnes appartiennent à la communauté des policiers mais ne sont pas des policiers stricto sensu ; elles ne portent pas d’armes. Grâce à des formations et à des qualifications, elles obtiendront le grade d’assistant d’enquête.

J’en viens aux 200 brigades de gendarmerie.

Dès 2023, 950 effectifs supplémentaires sortis d’école arriveront dans les brigades territoriales de la gendarmerie nationale. Je serai en mesure de créer quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze brigades de gendarmeries, après accord sur leur implantation et les conditions de leur accueil.

La Guyane recevra quatre nouvelles brigades de gendarmeries. C’est vous-même, monsieur Rimane, avec le président Serville, qui avez demandé à avoir deux brigades fluviales, plus adaptées à la réalité guyanaise. Par nature, donc, elles seront itinérantes.

Le lieu d’installation des brigades n’est pas prédéfini. Le choix sera fait à l’issue de réunions que j’ai demandé à tous les préfets de la République d’organiser. J’ai moi-même lancé une consultation dans le Cher et je ferai de même dans d’autres départements. Les maires et les parlementaires seront conviés à ces réunions pour évoquer, avec les commandants de groupement, la délinquance en zone de gendarmerie dans chaque département, et pointer les difficultés. Il en est sûrement résulté de la suppression de 500 brigades en vingt ans, dont nous devrons tenir compte pour en recréer 200 en cinq ans.

Réimplanter des brigades là où elles ont été supprimées, pourquoi pas, mais il faut aussi prendre en considération les populations qui ont pu évoluer ou les axes routiers qui ont pu être créés. Divers projets, commerciaux, d’infrastructures, agricoles ou autre, sont également susceptibles de voir le jour. Il faut les envisager sur cinq ans, car on crée une brigade pour qu’elle corresponde aux besoins de la population et à la délinquance de demain.

J’ai proposé que les commandants de groupements et les préfets établissent une carte des implantations qu’ils jugeraient utiles, qu’ils soumettront pour réflexion à l’Association des maires et à l’Association des maires ruraux. D’autres réunions seront organisées vers février-mars pour procéder aux restitutions et s’accorder avec les élus sur les lieux d’implantation des brigades. Ceux-ci dépendent aussi des possibilités de les accueillir, qui peuvent prendre la forme aussi bien d’anciennes casernes militaires désaffectées, que de projets de réhabilitation ou de construction, ou de mise en commun avec les polices municipales ou les casernes de pompiers. L’imagination est au pouvoir ! Des crédits sont prévus pour accompagner ces rénovations ou constructions.

On peut imaginer qu’il y ait entre deux et cinq brigades par département : les départements les plus urbains n’ont pas besoin de brigade de gendarmerie, contrairement aux départements ruraux qui en nécessitent davantage.

À la fin, bien évidemment, c’est le ministre de l’intérieur qui signera l’implantation de ces brigades, après consultation des élus. Je suis donc à votre disposition quel que soit votre groupe politique. L’écriture de ces 200 brigades pourrait être terminée vers mars-avril puis il faudra que les militaires et leurs familles s’installent, ce qui supposera un accompagnement social soutenu.

Pour résumer, l’imagination est au pouvoir, les effectifs et les crédits pour l’immobilier sont là. Une consultation est lancée d’aujourd’hui jusqu’en décembre ; la décision du lieu d’implantation sera prise entre janvier et mars-avril. Je suis prêt à revenir devant votre commission pour justifier des implantations.

M. Rudigoz nous a dit le plus grand bien de l’Ofast, qui est une préfiguration de la réforme de la police nationale par le décloisonnement des services et la réunion dans la Cross d’éléments territoriaux et départementaux. Il faut bien comprendre que le point de deal en bas de l’immeuble à Tourcoing est parfois lié à la drogue qui arrive de Colombie ou d’ailleurs par le port du Havre. Ce lien particulier entre la délinquance du quotidien et la grande criminalité fait de l’Ofast un service très intéressant. C’est l’exemple de ce qui fonctionne en interservices et en départemental. D’ailleurs, le président de la commission des lois a pu le constater lors d’un déplacement aux Antilles.

La lutte contre la drogue fonctionne, même si elle est toujours à gagner, toujours à mener. Vous ne pouvez toutefois pas nier, madame Martin, que le nombre de points de deal dans votre département est passé de 374 à 81 – au niveau national, il est passé de 3 952 à 3 245, soit une baisse de 20 %. Certes, ils se récréent parfois. J’aurais été un drôle de maire, au temps où je l’étais, si j’avais répondu aux personnes qui se plaignaient de la saleté de la rue : « À quoi bon la nettoyer, dans deux jours, elle sera de nouveau sale ? ». C’est cela la mission de la police et la gendarmerie nationales, c’est d’intervenir. « Là où il y a de l’homme, il y a de l’hommerie ». Oui, la délinquance revient, et il faut réintervenir.

La sécurité n’est pas n’importe quelle politique publique. Elle est moins structurelle puisqu’elle s’inscrit dans l’urgence, et sans cesse il faut remettre l’ouvrage sur le métier – « La mer, la mer toujours recommencée ! » Personne ne vient à bout de toute forme de délinquance immédiatement et la délinquance n’existe plus seulement dans les rêves.

S’agissant de la sécurité civile, M. le rapporteur Pauget a dressé un certain nombre de constats avec lesquels je pourrais être d’accord. Je me permets toutefois de rectifier la part qu’il a attribué à l’État dans son budget total : certes, il prend en charge 8 % et les Sdis le reste, mais ceux-ci sont financés pour un quart par l’État, à hauteur de 25 milliards d’euros.

Je n’ai pas encore reçu le rapport sur le financement des Sdis que j’ai commandé à l’Inspection. La TSCA est versée aux départements, qui la reversent théoriquement aux Sdis, mais chacun sait qu’elle n’est pas reversée de manière homothétique, selon que les départements, qui doivent aussi assumer des dépenses sociales, disposent ou pas des ressources suffisantes – cela dit sans les critiquer. Je pense que les inspecteurs, qui traitent également d’autres sujets, auront achevé leur travail à la fin du mois d’octobre. Je le communiquerai aux présidents de commission avant sa publication. J’ai reçu une première note de synthèse. Là encore, je suis à votre disposition pour venir discuter des pistes proposées dans ce rapport intéressant.

Serais-je favorable à une niche fiscale ? Je suis un peu gêné pour vous répondre en cette période budgétaire. J’ai été ministre des comptes publics, je sais que, par nature, le titulaire du portefeuille est favorable à des dispositions fiscales supplémentaires. Elles répondent à une cohérence dont on peut toujours discuter. Je reconnais volontiers que le malus écologique sur les véhicules polluants des Sdis, qui n’ont pas d’autre choix que d’utiliser ceux-là, pose une difficulté de compréhension. La mesure a certes un fondement écologique mais il est vrai qu’en l’absence d’avancée dans la conception de ces matériels lourds, elle peut être perçue comme un handicap pour eux.

L’armée ne paie pas la TICPE, certes, mais cela est assez logique : la fiscalité étant versée à l’État, taxer l’armée reviendrait à ce qu’il se taxe lui-même – un système chadokien, en somme. La TICPE a été imaginée dans un souci écologique ; c’est donc un sujet plus vaste que le financement des Sdis. Je suis ouvert à ces questions.

Le Président de la République reçoit les acteurs de la sécurité civile pour réfléchir à l’adaptation du système aux changements climatiques. Cela demandera très certainement des moyens supplémentaires, notamment pour encourager le volontariat des sapeurs-pompiers. La difficulté ne tient pas tant à la quantité de volontaires qu’au nombre de jours qu’ils consacrent au volontariat. La vocation ne se perd pas, ce sont les employeurs, le plus souvent privés mais aussi publics, qui ne mettent pas suffisamment les pompiers à disposition. Au lieu de voir une richesse dans les sapeurs-pompiers, ils y voient sans doute une difficulté de fonctionnement pour leur entreprise ou le service public. Lorsque sont survenus les incendies en Gironde, j’ai dû moi-même appeler les employeurs pour qu’ils libèrent les sapeurs-pompiers volontaires. Ce n’est pas tout à fait normal et peut-être y aurait-il des choses à prévoir dans la loi. Nous aurons sans doute l’occasion de reparler prochainement de la sécurité civile, pourquoi pas en organisant une séance spécifique sur la question.

Madame Agresti-Roubache, il faut en effet former les formateurs, et cela prend un peu de temps. C’est pourquoi nous prévoyons dans la Lopmi la re-création de 252 postes de formateurs supplémentaires pour la gendarmerie nationale et de 447 pour la police nationale, qui va de pair avec les effectifs en formation initiale et continue.

Monsieur Guitton, concentrer les effectifs en début de programmation, c’est ce que nous faisons : sur les 8 500 postes prévus, nous en créons 5 500 en deux ans, et nous re-créons les onze unités de forces mobiles au cours des deux premières années également. Après, la difficulté est de recruter et de former plus de 3 000 personnes, ce qui pour les écoles de police et de gendarmerie sera une prouesse. L’année dernière, nous avons recruté et formé 1 800 personnes directement opérationnelles, et nous allons quasiment doubler la mise deux années de suite. Ce qui demande des écoles de police, des formateurs et du temps, puisque nous avons élargi la formation à douze mois, nous allons le faire, en 2023, sans école de police supplémentaire car nous n’aurions pas le temps d’en construire. Ce sera une grande réussite.

Les 15 milliards de la mission, dites-vous, seraient en fait moindres du fait de la forte inflation. Votre démonstration est fausse. D’abord, le budget du ministère de l’intérieur est aux deux tiers composé de crédits de titre 2 (T2), c’est-à-dire de dépenses de personnel sur lesquelles l’inflation n’a pas de conséquence – le point d’indice est autre chose. Le PLF a été construit sur une hypothèse de 4,7 % d’inflation, conformément aux prévisions de la Banque de France. Si l’inflation peut avoir une incidence, c’est sur les véhicules ou l’immobilier, donc sur un tiers du budget.

Ensuite, espérons que l’inflation ne se situera pas à 6 % ou 7 % pendant cinq ans. D’ailleurs, la Banque de France, que vous avez citée, évoque une inflation de 4 % l’année prochaine et aux alentours de 1 % par la suite. L’hypothèse vous sert, mais l’honnêteté commande de préciser qu’elle se limite à l’année 2023. Donc, sur les 15 milliards, on ne parle que des 3 milliards inscrits la première année, marquée par une inflation forte, dont les deux tiers ne sont pas concernés par l’inflation.

Pour être complet, en 2023, l’inflation représente 210 millions d’euros sur les 8 milliards, hors T2. Je ne pense pas qu’il y ait là de quoi affirmer que « votre fille est muette », pour citer Molière. Votre argumentation est sans doute séduisante politiquement, mais elle n’est pas vraie budgétairement. Il faut s’en réjouir. On peut être en désaccord sur la façon d’utiliser les moyens, mais tout le monde constate les augmentations sans précédent des crédits.

Pour ce qui est du service de sécurité du ministère de l’intérieur, il est totalement indépendant. Il publie les statistiques de la délinquance qui dépendent de l’Insee, sur lesquelles n’avons pas le droit d’intervenir. Je découvre les chiffres de la délinquance quand ils sont publiés par le SSMI. Si un jour, à Dieu ne plaise, vous êtes ministre de l’intérieur, vous découvrirez, comme moi, les chiffres dans le journal – je vois M. Bernacilis qui opine, c’est que cela doit être vrai ! – et vous pourrez les commenter et les interpréter.

Madame Martin, vous avez évoqué la nécessité de formation relative aux violences intrafamiliales. Je n’ai pas pris connaissance de vos amendements, mais tous les policiers et gendarmes reçoivent désormais une formation initiale dès l’école. Ceux que nous devons former sont les personnels qui sont sortis de l’école de police ou de gendarmerie il y a plus de trois ans, quand la formation n’était pas dispensée. Les deux tiers le sont à ce jour, il en reste donc un tiers.

Ce qui manque le plus pour les 400 000 enquêtes sur violences intrafamiliales ouvertes chaque année par la police et la gendarmerie, ce sont les OPJ. Il en manque d’ailleurs partout. Au passage, la Lopmi et la réforme de la police nationale n’emportent aucune baisse des crédits de la police judiciaire et de la délégation à la sécurité routière – je ne sais où vous l’avez lu. En matière de violences intrafamiliales, j’attends et je souhaite de tout cœur la justice spécialisée évoquée par Mme la Première ministre, sur le modèle de l’Espagne. Il s’agirait d’une grande avancée.

Je rejoins en grande partie le constat de M. Vincendet.

Madame Jacquier-Laforge, outre les onze unités de force mobile que nous recréons, nous en libérons sept autres qui tiennent certains sites à Paris – l’Élysée, les ambassades des États-Unis et d’Israël, le ministère de l’intérieur – alors qu’elles ne doivent pas être utilisées pour cela. En tout, nous formerons donc dix-huit unités de force mobile supplémentaires.

À quoi serviront-elles après les JO ? Les unités de force mobile, notamment la gendarmerie mobile, servent beaucoup en outre-mer pour répondre aux difficultés de délinquance – sept escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sont actuellement présents en Guyane. Elles contribuent aussi à l’ordre public, en fonction des manifestations. Vingt UFM déployées aux frontières ont permis de réaliser 10 000 procédures de non-admission d’étrangers irréguliers, contre 3 000 il y a encore un an et demi. Il n’y a jamais eu autant de policiers aux frontières.

Enfin, lorsque je pérennise des unités de force mobile auprès des préfets, comme je l’ai fait à Perpignan – ce dont le maire même se félicite dans la presse –, à Marseille ou à Lyon, la délinquance baisse drastiquement, car nous pratiquons la sécabilité, qui consiste patrouiller à deux ou à trois. Maintenant que les CRS et les gendarmes acceptent de le faire, j’utilise les unités de force mobile pour saturer le terrain, grâce à quoi les chiffres de la délinquance baissent fortement dans ces communes.

Avec la gendarmerie verte, l’idée est de former 3 000 gendarmes dans les brigades pour lancer des enquêtes dans le cadre de cellules départementales des atteintes à l’environnement et à la santé publique (Caesp) sur les questions relatives au bruit, aux décharges et aux pollutions de l’eau, par exemple.

Je veux rassurer une nouvelle fois M. Vicot sur le fait que les créations de postes sont bien nettes. Je n’entre pas dans le débat sur la réforme de la police nationale ; je ne partage pas son opinion mais nous aurons l’occasion d’en reparler dans le cadre du débat sur la Lopmi.

Monsieur Lemaire, les créations de brigades de gendarmerie répondront en grande partie au problème d’accueil que vous soulevez. Pour éduquer la population à la sécurité civile, nous allons créer, sur le modèle japonais, une journée dédiée à tous les risques, qu’ils soient naturels, de sécurité civile ou bactériologiques. C’est un point fort de la Lopmi qui a été peu évoqué au Sénat et je vous remercie de votre question.

Madame Regol, oui, les crédits supplémentaires amélioreront le service public de la sécurité, c’est bien pourquoi je les propose. Il me semble que la présence sur la voie publique permet de résoudre un grand nombre de problèmes de sécurité. Certes, ce ne sont pas des policiers dans la rue qui empêchent les violences dans les couples ou dans les foyers, mais ils ont un effet évident sur les violences faites aux personnes.

Le ministère de l’intérieur, les policiers et les gendarmes sont des urgentistes de la situation. Ils ne sont pas ceux qui règlent structurellement le problème de la délinquance d’un pays. J’ai été élu local suffisamment longtemps pour savoir que ce sont l’urbanisme, la politique de peuplement, l’éducation, les inégalités de naissance, une partie de l’immigration non intégrée, les difficultés économiques, la pauvreté qui en sont responsables. Il se trouve que je porte des crédits qui, comme le dit M. Rimane, « font de la répression ». À chacun sa tâche, si l’éducation nationale faisait de la répression et moi de l’éducatif, ce serait sans doute difficile à comprendre.

Je suis d’ailleurs un peu étonné de votre propos, monsieur Rimane. Le président de la commission des lois était là lorsque le président Serville m’a demandé d’autoriser la légitime défense pour les policiers en Guyane – vous ne l’avez pas contrarié. Je vous le dis, je n’accepterai pas la répression à tous crins que vous prônez.

Monsieur Molac, je pense avoir répondu sur les brigades de gendarmerie. Pour ce qui est de la réforme de la police nationale, nous en débattrons dans un autre cadre.


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Lors de sa deuxième réunion du mardi 18 octobre 2022, la Commission examine les crédits de la mission « Sécurités » (MM. Éric Pauget et Thomas Rudigoz, rapporteurs pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/IcycMK

Article 27 et État B

Amendement II-CL4, II-CL5, II-CL2, II-CL3 et II-CL6 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Le ministre a confirmé des créations nettes d’emplois, mais mieux vaut prévenir que guérir. L’amendement II-CL2 vise à créer 1 000 emplois supplémentaires dans la police nationale et, pour cela, à affecter 64 millions d’euros au programme 176 Police nationale en prélevant un montant équivalent sur le programme 152 Gendarmerie nationale, étant entendu que nous appelons le Gouvernement à lever le gage.

L’amendement II-CL3 présente une disposition miroir en faveur de la gendarmerie : la création de 1 000 emplois supplémentaires par l’affectation de 64 millions au programme 152 Gendarmerie nationale, compensés par un prélèvement d’un montant équivalent sur le programme 176 Police nationale. Là encore, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.

Les derniers amendements tendent à augmenter les crédits affectés à la formation des policiers et des gendarmes et à renforcer les moyens dédiés à la police judiciaire, notamment lorsqu’elle prête son concours à la justice. Nous avons prévu des compensations mais nous préfèrerions que le Gouvernement lève le gage.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Les transferts financiers que vous proposez tendent à contourner l’article 40 de la Constitution, mais seul le Gouvernement est autorisé à lever le gage de ces amendements.

Concernant les effectifs, le Gouvernement s’est engagé à ouvrir 8 500 postes dans la police et la gendarmerie entre 2023 et 2027. Durant le précédent mandat, 10 000 postes avaient déjà été créés. Plus de 1 900 postes le seront dès l’année prochaine dans la police et plus de 900 dans la gendarmerie.

D’autre part, la nouvelle formation initiale des gardiens de la paix a été augmentée et s’étend désormais sur vingt-quatre mois : douze mois en école, contre huit auparavant, qui intègrent six semaines de formation en alternance, puis douze mois de formation d’adaptation au premier emploi dans le service d’affectation. Il est prévu d’attribuer 252 formateurs supplémentaires à la police nationale et 247 à la gendarmerie nationale.

Enfin, il reviendra au projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure de prévoir les crédits affectés à la police judiciaire. Rappelons cependant que la formation de tous les nouveaux policiers à la compétence d’officier de police judiciaire et la création des futurs assistants d’enquête prévue par le projet de Lopmi visent précisément à soutenir l’activité de police judiciaire. Pour nous éclairer, Mme Marie Guévenoux et M. Ugo Bernalicis conduisent une mission d’information sur la réforme de la police judiciaire. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice ont saisi l’Inspection générale de l’administration (IGA), l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’Inspection générale de la justice pour réaliser un audit. Lorsque les conclusions des audits et de la mission seront communiquées au ministre, celui-ci présentera aux syndicats les mesures qu’il compte prendre. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL83 de Mme Élisa Martin. 

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous proposons que la France étende sa flotte de bombardiers d’eau pour pouvoir mettre fin aux incendies plus rapidement et venir en aide à nos voisins.

M. Éric Pauget, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Je partage votre proposition d’augmenter les moyens de la sécurité civile. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL78 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’Office national des forêts (ONF) a perdu près de 2 000 emplois ces dernières années. Cette institution manque de moyens matériels et humains pour remplir ses missions de police de l’environnement. Ses agents réalisent un travail essentiel pour lutter contre les atteintes à l’environnement, protéger les forêts, notamment contre les risques d’incendie, et prévenir le réchauffement climatique.

Alors que l’ONF aurait besoin de 500 équivalents temps plein, elle n’en compte plus que 300. Nous vous proposons d’affecter 20 millions d’euros à la création de ces 200 postes et au financement de leur formation.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Vous proposez de prélever une somme très importante, 20 millions d’euros, du programme Sécurité et éducation routières, pourtant essentiel. Le budget du programme 161 Sécurité civile de la mission Sécurités s’établit à 640,6 millions en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 13 % par rapport à 2022.

D’autre part, le ministre vient d’annoncer la formation de 3 000 gendarmes en 2023 pour assurer la sécurité environnementale. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). C’est vrai, on peut penser qu’il y aurait d’autres manières de gager cette somme. Le Conseil d’État a condamné l’État français à payer deux astreintes de 10 millions d’euros pour ne pas avoir pris des mesures de nature à réduire la pollution de l’air. S’il n’avait pas été condamné, il aurait eu à sa disposition ces 20 millions !

Vous créez 3 000 agents verts. Sur le papier, c’est très beau, mais la réalité est moins reluisante : ces agents sont simplement des référents. Or, nous avons besoin d’agents assermentés, capables d’agir pour protéger nos forêts et nos cours d’eau, pour empêcher les industriels de polluer nos nappes. Pourquoi nous priver des agents de l’ONF qui sont formés et assermentés ? Nous ignorons tout de la formation des agents que vous créez. Finalement, ils vous coûteront plus cher que si vous aviez renforcé les effectifs de l’ONF.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Les gendarmes verts joueront un rôle répressif. Contrairement à une idée très répandue, ce n’est pas en réprimant que l’on prévient ! De nombreuses études l’ont montré : aggraver l’échelle des peines ne réduit pas le nombre d’infractions. Les agents de l’ONF menaient des actions de prévention, ne serait-ce qu’en entretenant les domaines, notamment les forêts privées qui représentent la plus grande partie des forêts de notre pays. Un incendie se propage moins vite et est plus facilement maîtrisé dans une forêt bien gérée. Hélas, l’ONF, en tant que coopérateur de l’État, a subi les fameuses coupes budgétaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL79 de M. Antoine Léaument. 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’amendement tend à créer une nouvelle ligne budgétaire pour lutter contre la délinquance économique et financière, la criminalité organisée et le trafic d’armes. Depuis le Livre blanc de la sécurité intérieure de 2020 jusqu’à la LOPMI de cette année, en passant par la réforme de la police judiciaire, on a le sentiment que la politique de sécurité du Gouvernement se résume à augmenter la pression pénale sur les populations les plus précaires et à concentrer son action sur les infractions qui leur sont propres – atteintes aux personnes, délinquance sur la voie publique, troubles à l’ordre public etc. Il ne s’agit pas d’excuser cette délinquance, mais les moyens supplémentaires que vous accordez semblent relever d’une forme de populisme pénal à finalité électorale. Or, sans mesure de prévention, ces dispositions ne seront pas efficaces. Vous ne devez pas donner l’impression de ne vous attaquer qu’à la petite délinquance pendant que la grande délinquance financière serait négligée. La fraude et l’évasion fiscale nous font perdre 80 milliards d’euros chaque année et la fraude aux cotisations patronales, 7 ou 8 milliards. Si nous luttions plus efficacement contre les trafics d’armes, nous subirions peut-être moins de tirs de mortiers et d’attaques à main armée.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Les moyens supplémentaires que nous accordons à la police et à la gendarmerie nous permettront de lutter contre toutes les formes de délinquance, pas seulement la petite délinquance de quartier. Les programmes Police nationale et Gendarmerie nationale progressent de 1,3 milliard d’euros par rapport à l’année dernière.

La lutte contre la délinquance économique et la criminalité implique une détermination totale, y compris au niveau budgétaire. C’est dans cet objectif que les services de police ont systématisé la saisie d’avoirs criminels au travers de l’activité de la plateforme d’identification des avoirs criminels et de l’office central pour la répression de la grande délinquance financière. Ils ont également renforcé le traitement de l’information criminelle par le déploiement des antennes territoriales du service d’information du renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Vous oubliez le trafic d’armes et la grande délinquance. Votre projet de réforme de la police judiciaire donne le sentiment que vous voulez lutter contre cette délinquance par des enquêtes au long cours. Or, vous lutteriez plus efficacement contre le trafic d’armes ou de drogue en démantelant les réseaux plutôt qu’en contrôlant ceux qui vendent des boulettes de cannabis. Les trafics de drogue et d’armes sont liés à la délinquance financière, puisqu’ils s’appuient sur des réseaux de blanchiment d’argent.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Je vous invite à lire, dans mon rapport, la partie relative à l’Office français antistupéfiants (Ofast), dont il est essentiel de maintenir les budgets. Le travail de proximité est important.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL75 de M. Jordan Guitton. 

M. Jordan Guitton (RN). Il s’agit d’orienter les dépenses vers des missions plus urgentes afin de mieux protéger les Français. La Direction centrale de la police aux frontières est en sous-effectif et il est primordial d’augmenter leur budget, afin qu’ils puissent exercer leur travail dans des conditions plus dignes.

Face à l’ampleur de l’immigration illégale, cet amendement tend à diminuer les moyens liés à la sécurité routière, afin de renforcer ceux de la police nationale pour contrôler les personnes aux frontières et lutter plus efficacement contre l’immigration clandestine.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Les crédits des programmes Gendarmerie nationale et Police nationale connaissent une hausse historique. Surtout, l’action 04 Police des étrangers et sûreté des transports internationaux regroupe plus de 15 000 ETP pour contrôler les flux migratoires, garantir la sûreté des transports et lutter contre l’immigration clandestine. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). C’est en effet une hausse historique, mais je ne crois pas que le service de la police aux frontières était le moins doté. À titre de comparaison, vous prévoyez 5 600 agents pour la police judiciaire. On a compris quelles étaient vos priorités.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL84 de M. Antoine Léaument. 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel tend à vous alerter sur l’absence, dans votre texte, de dispositif susceptible de relever l’enjeu de lutte contre les violences faites aux femmes.

Nous vous proposons de créer un programme pour garantir un meilleur accueil aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les commissariats.

Le programme du candidat Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle prévoyait d’allouer 1 milliard d’euros aux associations de lutte contre les féminicides. Il reste beaucoup à faire au niveau de la police, de la justice, des hébergements d’urgence, de l’école. En l’espèce, il s’agit d’éviter aux femmes d’être victimes deux fois: lorsqu’elles subissent les actes incriminés et lorsqu’elles en font part aux services de police. Un tiers seulement des victimes osent porter plainte et 80 % des plaintes sont classées sans suite. Seules 6,6 % des agressions donnent lieu à une plainte qui aboutit. Nous avions également proposé de former les agents pour les sensibiliser au caractère particulier de ces plaintes et s’assurer que les victimes déclarant des violences conjugales se verraient systématiquement communiquer leurs droits.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. À la suite du Grenelle des violences conjugales, nous avons pris des mesures pour améliorer l’accueil réservé aux victimes dans les commissariats. Une formation spécifique est prévue dans les écoles de police et de gendarmerie, ainsi que des modules de formation continue à ceux qui n’auraient pas pu suivre la formation initiale. Environ deux tiers des effectifs sont formés. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’Espagne a mené des expérimentations dont il résulte que les formations en psychologie permettent aux policiers et aux gendarmes de mieux recueillir la parole des victimes. Les agents de police, sur le terrain, sont les premiers à demander à suivre une telle formation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL82 de Mme Élisa Martin. 

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nicolas Sarkozy a supprimé dix écoles de police. L’amendement tend à financer la réouverture d’écoles nationales de police et à porter à deux ans la formation des élèves gardiens de la paix.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Les crédits dévolus à la formation des policiers progressent de 3,5 % en 2023, et je ne crois pas que des écoles de police aient été fermées.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Nicolas Sarkozy a bel et bien fermé des écoles de police et certaines n’ont pas été rouvertes. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a fallu recruter 10 000 policiers et ramener la durée de la formation à neuf mois.

Vous prévoyez un nouveau recrutement massif sans pour autant ouvrir de nouvelles écoles. Cela fait cinq ans que je dépose des amendements en ce sens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL74 de M. Jordan Guitton 

M. Jordan Guitton (RN). Pour renforcer la lutte contre les feux de forêt, cet amendement tend à transférer des crédits de la sécurité routière à la sécurité civile.

M. Éric Pauget, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL76 de M. Jordan Guitton

M. Romain Baubry (RN). Durant ces vingt dernières années, plus de 1 200 policiers ont mis fin à leurs jours, sans que rien ne puisse enrayer cette vague de suicides. Nous vous proposons de doubler les moyens du programme de mobilisation contre le suicide, afin de financer la construction de structures qui permettraient aux forces de l’ordre de sortir du contexte professionnel, à la suite d’un attentat, d’une fusillade, d’une confrontation à la mort ou de la succession d’interventions difficiles.

L’administration n’a rien prévu pour mettre au vert les fonctionnaires de police qui auraient besoin de prendre du recul hors du commissariat, loin de leur hiérarchie ou des psychologues de l’administration. Le fait de se retrouver dans une structure neutre, face à des professionnels qui ont vécu les mêmes traumatismes, leur permettrait de trouver des oreilles attentives au récit de leur expérience. L’objectif est de prévenir une souffrance causée par une pression quotidienne, avant d’entrer dans une spirale infernale dont il leur sera impossible de ressortir et qui pourrait les conduire à passer à l’acte.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation, mais nous ne pouvons pas doubler le budget du programme de mobilisation contre le suicide, qui s’élève à un million d’euros, sans avoir pris le soin d’évaluer la pertinence de ce dispositif. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL81 de M. Antoine Léaument 

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous vous proposons d’ouvrir des crédits pour assurer un contrôle externe de la police. Selon un sondage YouGov, 70 % des Français seraient favorables à une réforme de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) qui la rendrait indépendante du ministère de l’intérieur. Le fait qu’elle dépende du directeur général de la police nationale pose un problème. Selon l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. D’autre part, l’article 15 de ce même texte dispose que la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. L’instance de contrôle doit être indépendante et dépendre du Défenseur des droits.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Il serait préférable de déposer cet amendement au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur.

Remarquons cependant qu’à la lumière des conclusions du rapport de la commission d’enquête de nos anciens collègues Jérôme Lambert et Jean-Michel Fauvergue, présenté l’année dernière, la direction de l’IGPN a été confiée, pour la première fois de son histoire, à une magistrate judiciaire. C’est une première étape. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL80 de Mme Élisa Martin 

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous proposons de financer un audit financier du coût global de la réforme de la police judiciaire, laquelle prévoit de créer des postes de directeurs départementaux de la police nationale et de renforcer la fonction état-major.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait par les travaux que conduisent Mme Marie Guévenoux et M. Ugo Bernalicis, qui se conjuguent à un prochain rapport du Sénat et aux rapports des inspections préalablement demandés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL72 de Mme Elsa Faucillon.

M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Il s’agit d’attirer l’attention sur les crédits de l’action Sécurité et paix publiques du programme 176.

Le Gouvernement met en avant la poursuite de la trajectoire d’augmentation définie lors de la législature précédente, avec une croissance d’environ 700 millions d’euros. Les effectifs de la police nationale devraient même progresser, avec 1 907 emplois. Mais en fait ce n’est qu’un rattrapage.

Deux écueils persistent. D’une part, le recours massif aux réservistes révèle l’insuffisance de l’effort consenti et l’ampleur des disparités territoriales en matière d’effectifs. D’autre part, on observe une baisse de 16 % des crédits de l’action Sécurité et paix publiques en 2023, soit un montant de 500 millions d’euros. Il y a peut-être une explication rationnelle, mais nous y voyons la confirmation des orientations du projet de Lopmi et de votre refus de faire évoluer les missions de la police nationale pour rétablir le lien de confiance indispensable entre nos concitoyens et les acteurs de la paix publique.

La doctrine actuelle de maintien de l’ordre augmente le risque d’emploi excessif de la force, mais aussi un manque de réactivité des services pour intervenir localement ou prendre en charge des victimes. Cela nous ramène au problème de l’encadrement d’une police débordée, désorientée et mal considérée, qui peine à trouver les moyens de répondre à la demande croissante de sécurité.

Le PLF privilégie la répression au détriment de la prévention, avec une baisse des crédits relatifs à la sécurité publique et à la sécurité routière. Il convient de changer d’orientation.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Le PLF n’affaiblit pas la sécurité publique, puisque les effectifs de celle-ci bénéficient d’une augmentation de près de 260 agents.

Les débats sur les conséquences de la suppression de la police de proximité sont récurrents, et je rappelle que cette suppression a été décidée bien avant la législature précédente.

Le ministre de l’intérieur a donné des consignes aux directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) afin que la réorganisation des services permette d’affecter davantage de policiers sur le terrain. Cette réorganisation n’est pas achevée dans tous les départements et il est encore trop tôt pour en dresser un bilan, mais elle va dans le sens d’une plus grande proximité entre les policiers et les citoyens.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). A-t-on des nouvelles de la police de sécurité du quotidien ?

M. le président Sacha Houlié. Vous poserez la question au ministre de l’intérieur lorsqu’il viendra présenter le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), le 2 novembre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL73 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cet amendement donne l’alerte sur la situation de la police judiciaire (PJ), dont les crédits reculeront l’an prochain de plus de 400 millions d’euros.

C’est une manière d’apporter notre soutien aux membres de la PJ, qui sont vent debout contre le projet de réforme. Il est difficile de ne pas voir les prémices de la mutualisation dans ce projet de budget. Celle-ci se traduira par le rattachement de la quasi-totalité des effectifs de la PJ aux commissariats, qui sont eux-mêmes placés sous l’autorité du préfet, fonctionnaire en lien étroit l’exécutif. Ni la PJ, ni la justice, ni surtout nos concitoyens n’ont à gagner quoi que ce soit dans cette réforme.

Suivant l’avis de M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités non modifiés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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   Déplacements effectués et personnes entendues

   Mme Stéphanie Cherbonnier, directrice, contrôleure générale des services actifs de la police nationale

   M. Christian de Rocquigny, directeur-adjoint, contrôleur général des services actifs de la police nationale

   M. Christophe Allain, directeur zonal de la police judiciaire sud-est

   M. Julien Mathonnet, chef de l’antenne, commissaire de police

    


([1]) 49,9 millions d’euros en 2023 contre 45,3 millions d’euros en 2022.

([2]) 34,9 millions d’euros en 2023 contre 27,5 millions d’euros en 2022.

([3]) Réponse ministérielle du 5 avril 2022 à la question n° 40874 (AN, 15e législature) de François-Michel Lambert.

([4]) Selon les chiffres communiqués par Stéphanie Cherbonnier, directrice de l’OFAST, le 1er février 2022.

([5]) Reprises par l’article 35 de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 de l’ONU qui préconise la création d’un service de coordination nationale de lutte contre les stupéfiants dans chaque État.

([6]) À titre de comparaison, le budget 2021 s’élevait à 561 226 euros en autorisation d’engagement et 645 440 euros en crédits de paiement. Par ailleurs, le budget des dépenses gérées et financées par le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur s’élève à 69 149 euros en 2022 au titre des moyens d’équipement (véhicules, armes et matériels attribués au groupe d’appui observation [GAO] du pôle opérationnel de l’OFAST).

([7]) Les recrutements des effectifs policiers se font par télégramme d’appel à candidature.

([8]) Il s’agit d’une unité chargée de mener des opérations de surveillance et d’intervention, sur le modèle des forces d’intervention spécialisée de la police (RAID) et de la gendarmerie (GIGN).

([9]) L’effectif cible est fixé à 230 ETP.

([10]) Parmi les effectifs policiers, 5 sont issus du corps de conception et de direction, 18 du corps de commandement et 105 du corps d’encadrement et d’application.

([11]) Le premier cercle regroupe la direction générale de la sécurité intérieure, la direction générale de la sécurité extérieure, la direction du renseignement militaire, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense, TRACFIN et la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. Les services relevant du second cercle disposent d’un recours aux techniques de renseignement restreint et strictement proportionnel aux finalités qu’ils poursuivent.

([12]) Dans le cadre de la prévention de la délinquance et de la criminalité organisée, l’OFAST peut ainsi recourir aux techniques visant à accéder aux données de connexion en temps différé, à la géolocalisation en temps réel, au balisage, au recueil de données de connexion par IMSI catcher, à l’interception de sécurité et à la captation de paroles et d’images.

([13]) Ce dispositif s’est notamment montré très utile lors d’une récente opération de saisie de stupéfiants menée conjointement par la Belgique et l’antenne lyonnaise de l’OFAST.

([14]) L’OFAST exerce une autorité fonctionnelle sur les personnels de gendarmerie et de police travaillant au sein des antennes et des détachements, rattachés soit aux directions zonales de la police judiciaire (DZPJ) ou aux directions territoriales de la police nationale (DTPN), soit à la gendarmerie nationale. Sur le ressort de la préfecture de police de Paris, la brigade des stupéfiants de la direction régionale de la police judiciaire est l’interlocuteur de l’OFAST et coordonne l’action des CROSS implantées à Paris et dans les départements de la petite couronne.

([15]) Grâce notamment aux plateformes en ligne de signalement « Moncommissariat.fr » ou « Magendarmerie.fr ».

([16]) C’est l’objet de l’application « Cartofast » mise à jour chaque trimestre par les CROSS qui recense l’ensemble des points de deal sur le territoire national et contient des informations actualisées sur leurs principales caractéristiques.

([17]) L’objectif est d’assurer une coordination optimale des actions menées individuellement par chaque service.

([18]) La dernière CROSS a été créée en 2021 à Saint-Martin.

([19]) Sécurité publique, police judiciaire, police aux frontières.

([20]) Créée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.

([21]) Ces cibles sont recensées dans un document intitulé « Top Nat » identifiant les 50 individus les plus recherchés.

([22]) Tels que l’Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) et le service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF).

([23]) Il en est ainsi de la coordination des acteurs chargés de l’analyse en vue de l’élaboration de « l’état de la menace » (mesure 4), de la finalisation de la cartographie des points de deal (mesure 5), de la finalisation de la mise en place des CROSS (mesure 14), de la livraison du cahier des charges du portail de signalement (mesure 16) ou de l’offre de formation en matière de stupéfiants (mesure 50).

([24]) Il s’agit de la Base Nationale des Données Patrimoniales (BNDP), du Fichier des Contrats de Capitalisation et d’Assurance Vie (FICOVIE), du Fichier des Comptes Bancaires (FICOBA), de l’Interface des Traces Métiers (ITM) et du fichier PATRIM (estimation d’un bien).

([25]) Système d’alerte par lequel le service utilisateur est averti de l’inscription préalable de l’individu dont il a procédé à l’inscription.

([26]) Jusqu’à présent, seule la DNRED pouvait inscrire des objectifs hors le cadre d’une procédure judiciaire.

([27]) Tels que Dubaï ou la Colombie en 2022.

([28]) European Multidisciplinary Plateform Against Criminal Threats.

([29]) Un projet de troisième UPR avec la République dominicaine est en cours d’élaboration.

([30]) Il s’agit d’un groupe de 17 policiers colombiens travaillant à Bogota et en étroite liaison avec l’OFAST, afin de démanteler les réseaux du trafic en Colombie qui concernent le territoire français. Groupe d’enquêteurs de la police judiciaire colombienne mis à disposition des autorités françaises et partiellement financée par celles-ci, il est en mesure d’effectuer toutes les missions qu’imposent les enquêtes judiciaires (surveillances physiques et techniques, balisages, interpellations, gestion de sources, etc.).

([31]) S’agissant par exemple de la mise en place d’équipes communes d’enquêtes.

([32]) Tels le Maroc et l’Espagne.

([33])  Avec toutefois un contraste selon les produits considérés : alors qu’une baisse est observée pour les pieds de cannabis, l’amphétamine et la méthamphétamine, les saisies sont en augmentation pour le cannabis, la cocaïne, l’héroïne et l’ecstasy et MDMA avec notamment un doublement des quantités de cocaïne saisies.

([34]) En 2020, l’OFAST a fourni des renseignements ayant conduit la saisie à l’étranger de plus de 11 134 kg de cocaïne et 15 756 kg de cannabis. Cette même année, 169 réseaux et 160 points de deal ont été démantelés. 85 procédures douanières et 440 procédures judiciaires ont été engagées, à l’occasion desquelles 892 personnes ont été placées en garde à vue, dont 415 ont été écrouées.

([35]) Au 31 décembre 2021, 3 325 points de deal recensés dont 444 situés dans les quartiers de reconquête républicaine (QRR). 88 % points de deal sont situés en en zone police.

([36]) Par exemple, le taux moyen de tétrahydrocannabinol (THC) dans la résine de cannabis s’élève à 28 % en 2021 contre 15,9 % en 2012.

([37]) Il s’agit d’une conduite respectant les limitations de vitesse.

([38]) Usagers-revendeurs, autoentrepreneurs.

([39]) Dans cette logique et afin de contrecarrer l’action des services d’enquête, ils recourent de manière accrue aux « contre-mesures » : brouilleurs, détecteurs de sonorisation, balises…

([40]) Engagement précoce dans la délinquance et faible estime pour les « codes d’honneur » des anciens.

([41]) Chauffeurs routiers, dockers, policiers, douaniers, surveillants pénitentiaires.

([42]) Le financement des frais de campagne électorale, l’organisation du recueil de votes ou la candidature à une élection, directement ou en plaçant des « hommes de paille », constituent autant de points de vulnérabilité.

([43]) À titre d’exemple, un point de deal réalise un chiffre d’affaires quotidien estimé entre 20 000 et 80 000 euros. Les activités liées à l’importation et à la redistribution des produits stupéfiants représenteraient près de 21 000 emplois. Environ 240 000 personnes vivraient directement ou indirectement du trafic de stupéfiants en France.

([44]) BTP, immobilier et négoce automobile.

([45]) Mise en place d’officiers de liaison à Dubaï en mars 2022 et dans les Balkans en septembre 2022.

([46]) Dans le cadre de la réforme en cours, les antennes et détachements de l’OFAST seraient rattachées aux services locaux de la police nationale, à un niveau restant encore à déterminer (département ou zone).

([47]) De façon plus générale, ces enjeux renvoient à la nécessité de maîtriser des outils techniques adaptés permettant de disposer d’une « souveraineté numérique », notamment en matière d’intelligence artificielle.

([48]) Article 74-2 du code de procédure pénale.

([49]) En disposant des caméras de vidéosurveillance dans les lieux stratégiques et en rendant les données recueillies accessibles à l’ensemble des services d’enquête concernés.