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N° 364

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2022.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,

 

 

TOME IV

 

 

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

 

PENSIONS

 

 

PAR M. Nicolas TURQUOIS,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  273, 292 (annexe n° 38).

 

 

 

 


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

Avant-Propos

PREMIÈRE PARTIE Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale pensions et de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

I. Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale Pensions

A. Le programme 741 pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires dinvaliditÉ

B. Le programme 742 Ouvriers des Établissements industriels de lÉtat

C. Le programme 743 Pensions militaires dinvaliditÉ et des victimes de guerre et autres pensions

II. Les crÉdits de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

A. Le programme 198 RÉgimes sociaux et de retraite des transports terrestres

B. Le programme 197 RÉgimes de retraite et de sÉcuritÉ sociale des marins

C. Le programme 195 RÉgimes de retraite de la SEITA et divers

Seconde partie Les démarches des particuliers en matière de retraite : plus de transparence, plus d’accès, plus d’information

I. LA QUALITÉ DU DROIT À L’INFORMATION

A. l’information jusqu’À la Liquidation : un impÉratif de fiabilitÉ

B. ... qui Implique un dialogue mutuel et multicanaux entre l’assurÉ et les caisses

II. LA FIABILITÉ DU MONTANT DE PENSION

A. Reste globalement satisfaisante grÂce À de nombreux contrÔles internes et externes...

B. ... Mais souffre de limites importantes

III. LES IMPACTS DE LA DÉMATÉRIALISATION

A. Sont positifs...

B. ... Mais peuvent être aussi négatifs

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 


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   Avant-Propos

Parmi les raisons qui amènent nos concitoyens à se tourner vers leurs parlementaires, les difficultés liées à la liquidation et au versement des retraites occupent une place importante. En matière de retraites, en effet, la complexité du système et la diversité des carrières engendrent de nombreuses interrogations, voire même des incompréhensions, qui se manifestent principalement dans la période qui précède la liquidation des droits.

Il est souvent difficile d’obtenir des réponses claires et précises aux nombreuses questions qu’un futur retraité est pourtant en droit de se poser : combien de trimestres ai-je acquis ? À quel âge puis-je prendre ma retraite ? Pour quel montant ? Quelles sont les composantes de ma future retraite ? Auprès de quelle(s) caisse(s) dois-je m’adresser ? Que faire si un justificatif de carrière est manquant ? À quelle réversion peut prétendre mon conjoint après mon décès ?

La transparence et l’accès des particuliers aux informations qui les concernent en matière de retraite devraient, pourtant, être garantis à tout moment aux retraités et aux futurs retraités. Ces deux impératifs doivent être évalués à travers les trois enjeux suivants :

– la qualité du droit à l’information des assurés, avant, pendant et après la liquidation de la retraite pour vivre au mieux cette transition ;

– la fiabilité du montant de pension versé, traduction fidèle de l’ensemble des droits à liquider ;

– les impacts, tant positifs que négatifs, de la dématérialisation progressive du système de retraite.

Des résultats de cette évaluation découle l’acceptabilité ou non du système de retraite tel qu’il fonctionne aujourd’hui.

Ce rapport a donc pour ambition, à l’issue d’une série d’auditions ayant permis au rapporteur d’interroger de nombreux acteurs sur ce sujet, de faire un état des lieux des progrès comme des difficultés existants dans ce domaine.

Au terme de cette analyse, le rapporteur émet en outre un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Pensions et de la mission Régimes sociaux et de retraite présentés dans le projet de loi de finances pour 2023. L’analyse des crédits est suivie d’une présentation thématique portant sur la question la transparence et de l’accès des particuliers aux informations qui les concernent en matière de retraite.

 

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE
Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale pensions et de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

Les crédits du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, fixés à 61,1 milliards d’euros en 2022, connaissent une importante hausse (+ 5,33 %) pour s’établir à 64,3 milliards d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite sont, eux, en très légère hausse (+ 0,57 %), passant de 6,1 milliards d’euros en 2022 à 6,13 milliards en 2023.

En préambule, le rapporteur souligne que les programmes composant ces deux missions connaissent, sauf lorsque cet effet est composé par la baisse du nombre de bénéficiaires, une forte hausse imputable à la revalorisation anticipée des retraites de 4 % intervenue en juillet 2022 en vertu de la loi dite « Pouvoir d’achat » ([1]).

La présentation des crédits relevant de ces deux missions n’a toutefois pas vocation à se substituer à l’analyse exhaustive effectuée par le rapporteur spécial de la commission des finances, saisie au fond.

I.   Les crÉdits du compte d’affectation spÉciale Pensions

Créé en 2006, le compte d’affectation spéciale Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge, qu’il s’agisse des fonctionnaires civils, des ouvriers de l’État ou des militaires. Comme tout compte d’affectation spéciale, il est soumis à une obligation d’équilibre : son solde budgétaire cumulé, correspondant à la différence entre la somme des recettes et la somme des dépenses depuis la création du compte, doit toujours être excédentaire. Ce résultat est obtenu par une gestion précise des recettes, lesquelles se composent des contributions employeurs, des cotisations salariales et, en tant que de besoin et sans limitation, de versements complémentaires issus du budget général.

Ses crédits sont répartis en trois sections correspondant chacune à un programme. Leur forte hausse est essentiellement imputable à la revalorisation anticipée des retraités de 4 % intervenue en juillet 2022. Le surcoût lié à cette mesure est en effet estimé, pour l’ensemble de la mission, à 1,09 milliard d’euros.

L’impact de l’augmentation de 3,5 % de la valeur du point d’indice de la fonction publique intervenue, à la même date, en vertu du décret  2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation est, lui, moins marqué. Cette hausse a en effet plusieurs conséquences :

 une hausse des traitements de l’ensemble des fonctionnaires, donc des cotisations salariales, des contributions des employeurs et, in fine, des recettes ; cette hausse est estimée à 965,77 millions d’euros en 2022 et 1,9 milliard d’euros en 2023 ;

– une hausse plus modeste des dépenses, la revalorisation n’affectant que les pensions liquidées postérieurement ; cette hausse s’élève à 10,56 millions d’euros en 2022 et 59,47 millions d’euros en 2023.

A.   Le programme 741 pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires dinvaliditÉ

Le programme 741 rassemble les crédits relatifs au versement des prestations de retraite des fonctionnaires civils de l’État, de celles des militaires et de l’allocation temporaire d’invalidité (ATI). Il rassemble la majeure partie des dépenses retracées dans le CAS Pensions (94,8 %). Ses crédits, rapportés à ceux adoptés dans la loi de finances pour 2022, connaissent une forte augmentation (+ 5,74 %).

1.   Fonctionnaires civils

Les crédits des pensions des fonctionnaires civils sont en forte hausse (+ 6,08 %).

En ce qui concerne les effectifs, les sorties demeurent toujours inférieures aux entrées, y compris en prenant en compte le surcroît de mortalité observé en 2020 :

Affiliés civils

Affiliés non retraités (A)
Compte actif *

Affiliés retraités
(B)

Rapport démographique
(A/B)

Nouveaux retraités

Décès de retraités

Montant de la pension moyenne des retraités (B)

2020

1 736 075

1 606 453

1,08

54 915

43 309

2 134

2021

1 707 276

1 618 059

1,06

56 233

42 826

2 149

2022

1 652 499

1 631 466

1,01

57 963

42 029

2 162

2023 (prévisions)

1 642 402

1 647 400

1,00

56 968

43 141

2 280

2024 (prévisions)

1 633 111

1 661 227

0,98

56 665

44 334

2 302

2025 (prévisions)

1 623 804

1 673 558

0,97

54 971

45 611

2 411

2026 (prévisions)

1 615 115

1 682 918

0,96

54 130

46 973

2 483

Source : DGFiP, Service des retraites de l’État, base des affiliés, base des pensions, modèles PABLO et PACO pour les prévisions.

Champ : affiliés civils du régime des retraites de l’État.

* Compte actif : affilié non retraité en activité dont le compte individuel retraite est régulièrement alimenté par l’employeur, assimilable à la notion de cotisant.

2.   Militaires

Cette enveloppe est elle aussi en forte hausse. Malgré une très légère hausse des départs en retraite, les effectifs demeurent stables :

Affiliés militaires

Affiliés non retraités (A)

Compte actif *

Affiliés retraités

(B)

Rapport démographique

(A/B)

Nouveaux retraités

Décès de retraités

Montant de la pension moyenne des retraités (B)

2020

321 086

392 479

0,82

11 453

9 829

1 701

2021

323 534

394 103

0,82

11 847

9 647

1 705

2022

322 109

396 303

0,81

13 436

9 030

1 707

2023 (prévisions)

322 109

400 709

0,80

12 509

9 027

1 794

2024 (prévisions)

322 109

404 191

0,80

12 810

9 021

1 806

2025 (prévisions)

322 109

407 980

0,79

12 483

9 001

1 888

2026 (prévisions)

322 109

411 462

0,78

12 650

8 977

1 941

Source : DGFiP, Service des retraites de l’État, base des affiliés, base des pensions, modèles PABLO et PACO pour les prévisions.

Champ : affiliés militaires du régime des retraites de l’État.

* Compte actif : affilié non retraité en activité dont le compte individuel retraite est régulièrement alimenté par l’employeur, assimilable à la notion de cotisant.

3.   Allocations temporaires d’invalidité

Les crédits des allocations temporaires d’invalidité, qui ne représentent qu’une très faible part des crédits du programme 741 (0,2 %), connaîtront une hausse modérée en 2023 (+ 2,36 %). En effet, la baisse du nombre d’allocataires et du taux moyen d’invalidité est neutralisée par la revalorisation des prestations versées.

B.   Le programme 742 Ouvriers des Établissements industriels de lÉtat

Le programme 742 retrace les dépenses et recettes de deux fonds consacrés aux prestations de retraite et d’invalidité versées aux ouvriers de l’État : le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) et le fonds gérant les rentes d’accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations.

Les crédits du FSPOEIE au titre des risques vieillesse (92 % des pensionnés) et invalidité (8 %) sont en hausse (+ 4,73 %), tout comme les crédits alloués au fonds RATOCEM (+ 7,55 %).

C.   Le programme 743 Pensions militaires dinvaliditÉ et des victimes de guerre et autres pensions

Ce programme finance, d’une part, les pensions versées au titre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) et, d’autre part, les pensions, rentes et allocations de régimes de retraite ou équivalents dont l’État est directement redevable, notamment au titre d’engagements historiques et de reconnaissance de la Nation.

À la différence des autres programmes du CAS Pensions, ces différentes dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et non selon une logique contributive. Chaque action est le miroir d’une action d’un des programmes ministériels du budget général, dit programme support, qui en supporte exclusivement les dépenses. Il s’agit du seul programme dont les crédits baisseront en 2023 (– 10,12 %).

Ce programme se décline en sept actions, recouvrant une diversité de pensions et de rentes.

1.   Reconnaissance de la Nation

Cette action représente 38,3 % du montant du programme.

a.   La retraite du combattant

Versée en témoignage de la reconnaissance nationale, la retraite du combattant s’élève à 782,60 euros annuels, depuis sa revalorisation par l’article 42 du projet de loi de finances pour 2022. 797 887 pensionnés en bénéficient au 31 décembre 2021. La baisse de cet effectif, estimée à 7 % par an environ, justifie la baisse des dépenses en 2023 (509,42 millions d’euros).

b.   Les traitements attachés à la Légion dhonneur et à la médaille militaire

La modestie de ces traitements parfois non réclamés explique le très faible montant des dépenses afférentes (0,8 million d’euros). Les bénéficiaires étaient, au 31 décembre 2021, au nombre de 115 768.

2.   Les autres actions du programme 743

Ces actions sont présentées dans le tableau ci-après :

 


Action

Intitulé

Bénéficiaires

Part des crédits du programme

Évolution des crédits

Effectifs

Justification de l’évolution

02

Réparation

– Militaires victimes d’accidents imputables au service ou à des faits de guerre ;
– victimes civiles de guerre ou d’actes de terrorisme.

56,7 %

– 6,64 %

Au 1er janvier 2022 :
171 750.

Baisse du nombre de bénéficiaires.

03

Pensions d’Alsace-Moselle

Ministres de certains cultes.

1,2 %

Identiques

Au 31 décembre 2021 :
849.

Baisse du nombre de bénéficiaires.

04

Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs

Anciens membres des formations supplétives en Algérie – les harkis – et leurs conjoints (allocation viagère).

2,9 %

– 3,67 %

Prévisions pour 2023 :
– allocation de reconnaissance : 3 471 ;
– allocation viagère : 1 767.

Baisse du nombre de bénéficiaires, malgré leur hausse prévue concernant l’allocation viagère ; le doublement des montants versés a donné lieu au dépôt d’un amendement majorant les crédits de cette action lors de la discussion du PLF 2022.

05

Anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

 

0,002 %

– 36,89 %

Au 31 décembre 2021 :
([2]).

 

06

Sapeurspompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident ou de maladie imputable au service

Sapeurs‑pompiers volontaires, leurs conjoints ou leurs enfants.

0,9 %

– 0,77 %

Inconnus.

Prévision de dépense identique à celle du PAP 2022 à défaut de transmission par la Caisse des dépôts de la prévision actualisée pour 2023, 2024 et 2025.

07

Pensions de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF)

Anciens employés de cet Office :
– rentes d’accident du travail ;
– allocations sur‑complémentaires de retraite.

0,01 %

– 14 %

– Rentes d’accident du travail : 4 au 31 décembre 2021 ;
– allocations sur-complémentaires de retraite : 29 au 1er juillet 2022.

Baisse du nombre de bénéficiaires.

 


—  1  —

 

II.   Les crÉdits de la mission rÉgimes sociaux et de retraite

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe un grand nombre de régimes spéciaux de retraite se caractérisant par une création ancienne – souvent antérieure à la sécurité sociale – et un fort déséquilibre démographique. Celui-ci rendant impossible l’autofinancement, il est compensé par le versement de crédits de l’État au titre de la solidarité nationale.

Les règles applicables à ces régimes se sont progressivement rapprochées de celles de la fonction publique, la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire ayant, elle, mis en extinction le régime spécial de la SNCF.

Pour l’année 2023, les crédits des trois programmes de cette mission s’élèveront à 6,1 milliards d’euros et seront donc quasiment identiques à ceux de la loi de finances pour 2022 (+ 0,57 %).

A.   Le programme 198 RÉgimes sociaux et de retraite des transports terrestres

Ce programme regroupe 69,7 % des crédits de la mission. Ceux-ci financent pour l’essentiel les régimes de retraite du personnel de la SNCF et de la RATP et, dans une bien moindre mesure, d’autres régimes ou dispositifs tel que le congé de fin d’activité (CFA).

1.   Les pensions des anciens agents de la SNCF

Cette action regroupe 80,6 % des crédits de ce programme, pour un montant en forte hausse (+ 4,98 %), s’élevant à 3,45 milliards d’euros. Ils correspondent à la subvention d’équilibre versée par l’État à la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRPSNCF).

En 2021, ce régime compte 121 788 cotisants pour près de 243 560 retraités. Ce ratio démographique particulièrement défavorable se dégradera du fait de la fermeture du régime et de l’arrêt du recrutement au statut, malgré la baisse du nombre de départs à la retraite et bien que le nombre de cotisants ne diminuera que progressivement.

2.   Les pensions des anciens agents de la RATP

Selon les mêmes modalités que pour la SNCF, cette action correspond à la contribution de l’État permettant d’assurer l’équilibre de la Caisse de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (CRP RATP).

Représentant 18,95 % des crédits du programme, les dépenses correspondantes augmentent fortement (+ 7,54 %).

Ce régime comptait, en 2021, 50 064 pensionnés pour 42 444 cotisants.

3.   Autres régimes

La très forte diminution (– 89,12 %) de ces dépenses résulte du transfert vers le programme 203 de la mission Écologie, développement et mobilité durables des crédits afférents au congé de fin d’activité des conducteurs routiers (CFA), évalués, pour 2023, à 152 millions d’euros. Demeurent dans le champ de cette action les régimes présentés ci-dessous :

 

Intitulé

Bénéficiaires

Effectifs

Complément de retraite des conducteurs routiers

– Complément de pension aux salariés partis à la retraite avec un nombre insuffisant de trimestres pour bénéficier d’une pension complète du régime général ;
– remboursement des trimestres manquants aux salariés sortant d’un congé de fin d’activité.

Estimation pour 2023 : 794.

Pensions des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer

– Chemins de fer d’Afrique du Nord et du Niger-Méditerranée ;
– transports urbains tunisiens et marocains ;
– chemin de fer franco-éthiopien.

Estimation pour 2023 : 2 607.

Pensions de certains anciens agents des chemins de fer secondaires dintérêt local ([3])

Anciens affiliés à la affiliés de l’ex-CAMR ([4]).

Estimation pour 2023 : 48.

B.   Le programme 197 RÉgimes de retraite et de sÉcuritÉ sociale des marins

Il rassemble les financements accordés par l’État au régime de sécurité sociale des marins et des gens de mer d’une part et la subvention versée à l’Établissement national des invalides de la marine (Enim) au titre de ses charges de service public d’autre part. Les crédits adoptés dans la loi de finances pour 2022 sont reconduits à l’identique en 2023 (802 millions d’euros).

Ce régime recouvre une branche vieillesse, une branche maladie, accident, invalidité maternité et décès et des actions sanitaires et sociales. Il présente une démographie très déséquilibrée propre à la profession des marins, laquelle rend nécessaire une contribution de la solidarité nationale à hauteur des trois quarts des dépenses de la branche vieillesse. En 2023, 102 914 pensions devraient être versées contre 104 705 en 2022.

C.   Le programme 195 RÉgimes de retraite de la SEITA et divers

En baisse en 2023 (– 3,61 %) il finance quatre régimes spéciaux fermés, tous en rapide déclin démographique, voire quasiment éteints.

1.   Le fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

Ce régime, fermé depuis 2010, se caractérise par un déséquilibre démographique majeur (193 000 pensionnés pour 878 cotisants en 2023). Il devrait s’éteindre en 2100. Ses effectifs sont en diminution régulière, de même que les crédits qui lui sont alloués (– 4,11 % en 2023), lesquels représentent 87,6 % des dépenses du programme 195. Ils s’établissent, pour 2023, à 925 millions d’euros. Ce régime est géré par la Caisse des dépôts.

2.   Les autres régimes du programme 195

 

Intitulé

Bénéficiaires

Effectifs

Évolution des crédits

SEITA

 

Au 1er janvier 2022 : 6 284 pensionnés.

+ 0,24 %

Caisse des retraites des régies ferroviaires d’outre-mer

Anciens agents du personnel de coopération technique ferroviaire ou des régies ferroviaires d’outre-mer.

Au 31 décembre 2021 : 53 ([5]).

– 17,18 %


   Seconde partie
Les démarches des particuliers en matière de retraite : plus de transparence, plus d’accès, plus d’information

I.   LA QUALITÉ DU DROIT À L’INFORMATION

A.   l’information jusqu’À la Liquidation : un impÉratif de fiabilitÉ

1.   Le droit à l’information est un enjeu identifié par les pouvoirs publics pour limiter le risque de rupture ou de non-recours aux droits...

24 % des assurés ne liquident pas l’ensemble de leurs droits à la retraite ce qui représente une perte moyenne de 40 euros bruts par mois ([6]). D’autre part, d’après un rapport de la Cour des comptes, une pension de retraite liquidée sur sept est considérée comme entachée d’une erreur dans son calcul ([7]). Certains, faute d’informations correctes en la matière, la liquident tardivement et subissent alors une perte financière correspondant aux périodes pendant lesquelles ils auraient pu percevoir ces prestations. Si les causes de ce phénomène sont multiples, il est certain que les difficultés que peut rencontrer un assuré dans l’accès aux informations qui le concernent en matière de retraite ne peuvent que contribuer à l’accroître.

Le droit à l’information est essentiel du fait de la coexistence de nombreux régimes de retraite entre lesquels les droits ne sont pas portables. La quasi-totalité des assurés relèvent en outre de plus d’un régime de retraite : 3,2 pensions de retraite sont versées en moyenne à chaque assuré et 25 % des assurés relèvent, en matière de droits directs, d’au moins quatre régimes différents ([8]).

Les articles L. 161‑17 et suivants du code de la sécurité sociale consacrent donc le droit à l’information (DAI) des assurés en matière de retraite. Cette information doit être consolidée et personnalisée. Ce droit à l’information prend notamment la forme :

– d’une obligation de transmettre tous les cinq ans aux assurés, à partir de 35 ans, un relevé de leur situation individuelle (RIS), lequel peut en outre être demandé à tout âge par voie électronique ;

– d’une obligation de transmettre aux assurés, à partir de 55 ans, une estimation indicative globale (EIG) ;

– sur demande, dès 45 ans, d’un entretien information retraite (EIR) ;

– d’une information générale sur le système de retraite par répartition adressée obligatoirement à l’ensemble des nouveaux assurés (INA), mentionnant notamment la possibilité de créer un compte retraite en ligne.

Le RIS rassemble les éléments suivants, pris en compte dans la liquidation des retraites auxquelles l’assuré peut prétendre :

– les régimes auprès desquels il a acquis des droits ;

 la durée d’assurance par régime, et le nombre de points acquis le cas échéant ;

– les éléments de rémunération enregistrés ;

– d’autres éléments ayant une incidence sur l’âge d’ouverture des droits ou le montant de la retraite servie.

À ces éléments, l’EIG ajoute, pour chacune des retraites, auxquelles l’assuré peut prétendre, une estimation de leur montant en fonction de l’âge de départ.

Lors de son audition, M. Philippe Charlin, conseiller privé en liquidation de retraite, a toutefois indiqué au rapporteur une dégradation de la lisibilité des RIS à la suite d’une modification de leur présentation supprimant, par exemple, la distinction claire entre les points acquis, antérieurement à leur fusion, auprès de l’AGIRC d’une part et de l’ARRCO d’autre part. Si cette information demeure disponible en ligne, elle est ainsi devenue moins accessible.

Actif depuis 2016, le compte personnel retraite, inclus dans le portail commun inter-régimes (PCI) géré par le GIP Union Retraite ([9]) sous le nom

« Mon compte retraite », est la matérialisation principale de cette obligation d’information unique. Accessible en ligne et, depuis peu, par le biais d’une application, il permet à toute personne d’avoir accès à une multitude d’informations relatives à sa retraite, notamment aux droits acquis dans les régimes auxquels il a cotisé. Outre ce relevé de carrière, il peut réaliser des estimations du montant de retraite qu’il percevra en fonction de son âge de départ.

La forte augmentation du nombre de comptes retraite ouverts traduit le succès de ce dispositif :

Source : GIP Union Retraite.

2.   ... ainsi que par les caisses allant désormais au‑devant de leurs assurés...

a.   Renoncer à la quérabilité ? L’amorce d’un changement de paradigme louable demeurant néanmoins résiduel et laborieux

La quérabilité demeure un principe cardinal de la gestion des régimes de retraite : une retraite se demande et n’est, en l’absence de cette démarche, pas mise en liquidation. Ce principe exige donc du retraité une démarche active, rendue néanmoins complexe par la multiplicité des régimes de retraite, par la difficulté d’accéder aux informations en la matière, notamment pour identifier les régimes auprès desquels des droits ont été acquis, et par la numérisation croissante des procédures.

Le manque à gagner pour les personnes n’ayant pas fait liquider tous leurs droits étant d’environ 40 euros bruts par mois ([10]), le non-recours pourrait s’expliquer par l’absence de volonté des assurés d’entreprendre des démarches de liquidation compliquées pour obtenir un montant de retraite considéré comme faible ([11]). Parallèlement, le coût des démarches de liquidation s’avère pour les caisses, dans de tels cas, très important comparé au montant de retraite servi. Ce non-recours volontaire s’avère néanmoins parfois bloquant lorsque le versement de certaines prestations est conditionné au principe de subsidiarité, c’est-à-dire à l’obligation pour l’assuré d’avoir liquidé l’ensemble des retraites auxquelles il a droit (cf. infra). Le rapporteur a ainsi reçu des témoignages de situations bloquées au titre de la loi dite « Chassaigne » pour quelques euros de pension non demandés.

Face à ce constat, le principe de quérabilité ne devrait-il pas être remis en cause, ou, a minima, connaître des inflexions à même d’éviter aux assurés d’omettre de liquider les retraites auxquelles ils ont droit ?

L’idée, évoquée notamment lors de l’audition des responsables de la CNAV et de l’AGIRC-ARRCO, pourrait être celle d’une mise en paiement automatique des retraites complémentaires dès lors que la retraite principale aurait été liquidée. Également évoquée, l’extension du versement des petites retraites sous forme de capital se heurte parfois, quant à elle, aux difficultés des assurés à gérer sur la durée l’utilisation d’une somme versée en une fois.

En toute hypothèse, le rapporteur souligne qu’une telle liquidation « automatique » ne devrait avoir lieu qu’en dessous d’un certain montant – en deçà duquel il ne serait pas raisonnable, pour les caisses, de procéder à l’intégralité des opérations de liquidation – et à partir d’un certain âge, notamment afin de ne pas « imposer » une liquidation à un assuré qui aurait choisi de ne pas la percevoir, quelle qu’en soit la raison (telle que la volonté de ne pas dépasser le seuil au-delà duquel un taux de CSG plus élevé est appliqué).

À titre de comparaison, il est utile de mentionner l’obligation, introduite par la « loi Labaronne » ([12]), pour les régimes supplémentaires de retrouver l’ensemble de leurs bénéficiaires. Cette obligation prend la forme de l’ajout dans le portail « Mon compte retraite », sous la supervision du GIP Union Retraite, d’un module intitulé : « Mon épargne retraite ».

b.   Simplifier le front office en allant vers une logique de guichet unique pour les assurés et les proches aidants : le rôle du GIP Union Retraite dans l’amélioration du droit à l’information des usagers

Le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite est l’acteur central de coordination du droit à l’information en matière de retraite. Créé par la loi n° 2014‑40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites et regroupant « l’ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires, la Caisse des dépôts et consignations ainsi que les services de l’État chargés de la liquidation des pensions en application du code des pensions civiles et militaires de retraite », il a pour mission d’assurer « le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes avec leurs usagers » ([13]), notamment en matière d’information.

Comme l’écrit le GIP Union Retraite, le droit à l’information désigne certes « la possibilité donnée à tout actif de connaître précisément les droits qu’il a acquis dans le cadre de sa carrière passée pour sa future retraite », mais aussi « la possibilité donnée à tout actif d’estimer le montant de sa pension en fonction de son âge de départ à la retraite » ([14]).

Ces deux aspects du droit à l’information correspondent à deux services mis en place sous l’égide du GIP et ayant vocation à fournir aux assurés, en un même et unique lieu, les informations auxquelles ils peuvent prétendre :

– le service en ligne « ma carrière », alimenté depuis une base de données unique inter-régimes et support du RIS chronologique ;

– le service en ligne « mon estimation retraite », qui s’est substitué, en novembre 2021, au simulateur M@rel et à l’EIG.

Ces services en ligne ne remplacent pas les envois obligatoires de documents prévus par la loi, mais la mise en forme de ces derniers est désormais conçue pour que leur présentation soit identique à celle des documents obtenus en ligne.

Le portail inter-régimes administré par le GIP Union Retraite sous la forme du site « Mon compte retraite » offre un grand nombre de services aux assurés comme aux retraités :

Source : GIP Union Retraite.

Au nombre de ces services, la possibilité pour les assurés, depuis 2019, de demander simultanément la liquidation de l’ensemble des retraites auxquelles ils peuvent prétendre via le dispositif de demande de retraite inter-régimes en ligne (DRIL) est une importante mesure de simplification. En effet, presque tous les assurés ont été affiliés à plus d’un régime de retraite, puisqu’ils relèvent au minimum, à quelques rares exceptions près, à la fois d’un régime de base et d’un régime complémentaire. Grâce à ce service, le demandeur est assuré de la transmission de sa demande à l’ensemble des régimes dont il relève, ce qui est de nature à réduire les risques de non-recours. En 2020, 63 % des demandes de liquidations ont été faites par le biais de cette procédure.

Cette logique s’applique a fortiori en matière de réversion, les droits dérivés se caractérisant par une grande complexité liée à la diversité des règles d’une part et par la difficulté pour le conjoint survivant d’identifier l’ensemble des régimes dont relevait l’allocataire principal. La mise en place d’un service de demande unique de réversion, transmise ensuite à l’ensemble des régimes, est donc un important progrès en matière de simplification de l’information et des démarches.

Créée par la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, insérant dans le code de la sécurité sociale un nouvel article L. 173‑1‑2, la liquidation unique des régimes alignés (LURA) relève, elle, d’une intégration plus poussée, dans la mesure où c’est la liquidation, et non la simple demande, qui devient unique pour l’ensemble des régimes concernés. Depuis le 1er juillet 2017, l’assuré n’a qu’un seul interlocuteur tout au long du processus de liquidation, de la demande à la mise en paiement. Le régime compétent est, en principe, le dernier régime d’affiliation. Depuis la disparition du Régime social des indépendants (RSI), cette procédure ne concerne plus que le régime général et la MSA-salariés.

Un prochain objectif pourrait être d’élargir le recours à la LURA en matière de réversion, accessible actuellement uniquement lorsque le droit principal avait lui-même été liquidé par ce biais, la diversité des règles en matière de réversion rendant difficile une unification de la liquidation. La montée en charge de l’usage de ce dispositif en matière de droits dérivés est donc, relève la MSA, « très lente et progressive » ([15]), ce que révèlent les chiffres concernant ses propres affiliés :

Le GIP Union Retraite a en outre développé un mécanisme automatique de détermination, pour les demandes de réversion, du régime principal de contact. Un tel dispositif ne peut qu’être utile aux assurés, mais également aux agents des caisses, ainsi libérés de l’application de règles de priorité parfois complexes et du temps nécessaire à la coordination entre caisses.

Si l’extension de la logique du guichet unique ne peut qu’être saluée et encouragée, pour l’ensemble des outils gérés par le GIP, elle connaît néanmoins quelques limites.

Ainsi, lors de son audition, la Défenseure des droits a évoqué des difficultés générées par certaines règles dérogatoires confiant, dans le cadre de la LURA, la liquidation de tout ou partie de la retraite à un autre organisme que le dernier régime auquel l’assuré a été affilié. Une étude réalisée en 2017/2018 par des élèves de l’École nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S) évoque, au titre de ces règles de compétences dérogatoires, la priorité du régime général pour valider la majoration de durée d’assurance (MDA) pour enfants ([16]). La complexité de ces règles et leur mauvaise maîtrise par les agents des caisses peuvent entraîner des retards voire des erreurs dans la liquidation des retraites. Cette complexification croissante des règles rend plus difficile la formation des agents chargés de les appliquer, ce d’autant plus que le personnel des caisses tend à se renouveler plus rapidement que par le passé.

De plus, la logique de guichet unique trouve ses limites dans la nécessité de prendre en compte la diversité des régimes et des règles qui leur sont applicables. Ainsi, l’intégration dans un simulateur unique d’un plus grand nombre de régimes peut induire des erreurs dues à l’impossibilité – notamment lorsque son coût est trop élevé – de prendre en compte l’ensemble des cas de figure de l’ensemble des régimes, alors que cela aurait été possible dans un simulateur limité à un nombre plus réduit de régimes.

À l’inverse, le fait que ce portail inter-régimes coexiste toujours avec d’autres portails, tel le site « Ma retraite publique », regroupant les régimes gérés par la Caisse des dépôts et consignations, ou l’environnement ENSAP (espace numérique sécurisé de l’agent public) pour les retraites de l’État, peut être source de confusion, notamment au moment de la demande de liquidation ([17]).

Concernant l’aide pouvant être apportée à l’assuré, le succès du service de demande de réversion en ligne, quel que soit l’âge du demandeur, comparé aux statistiques sur la maîtrise des outils numériques tend à indiquer que nombreux sont ceux qui bénéficient de l’aide de leur entourage. Le rôle de « tiers de confiance » que remplissent parfois les agents des maisons France Services devrait également être reconnu et facilité. 13 % des personnes qui effectuent une démarche en ligne ont en effet besoin de l’assistance d’un tiers ([18]).

Une difficulté demeure, a indiqué la CNAV lors de son audition, en matière de tutelle ou de curatelle ; le déploiement du dispositif « Aidants connect », pour l’instant en phase expérimentale, pourrait permettre de la résoudre. Ainsi, il est semble-t-il plus facile à un proche d’aider un membre de sa famille en utilisant ses identifiants de façon officieuse qu’à un tuteur ou un curateur, pourtant investi officiellement de ce rôle, d’accomplir des démarches au nom et pour le compte de la personne protégée...

3.   ... tout en amplifiant en back office leur dialogue inter-régimes

a.   L’importance des dispositifs d’échange de données entre les caisses

La difficulté des caisses à reconstituer les carrières de leurs assurés demeure l’une des principales causes d’erreurs dans la liquidation de leurs droits, que la mise en place du RGCU (cf. infra) devrait contribuer à résoudre.

D’autres dispositifs d’échange d’information entre caisses sont néanmoins essentiels pour assurer la bonne information des assurés autant que la bonne liquidation de leurs droits, soit que les règles rendent nécessaire une coordination entre les régimes, soit qu’il faille permettre l’échange entre caisses des informations dont elles disposent sur les assurés pour permettre la bonne application du principe « Dites-le nous une fois ».

Plusieurs systèmes d’information ont donc été mis en place dans le champ de la protection sociale :

– le système « échanges inter-régimes de retraite » (EIRR), qui mentionne notamment, conformément à l’article R. 161‑69‑2 du code de la sécurité sociale, la liste des régimes d’affiliation du bénéficiaire et de ses conjoints ou ex-conjoints décédés, le montant des avantages de retraite servis et la mention qu’il a fait valoir tous les droits auxquels il peut prétendre ;

– le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), qui regroupe l’ensemble des informations concernant la protection sociale des individus (caisses et régimes d’affiliation, prestations et soutiens perçus, montant des prestations) ;

– le dispositif de ressources mensuelles (DRM) regroupant les données de salaires et de revenus de remplacement de l’ensemble de la population, agrégés par le biais des flux transmis dans le cadre du prélèvement à la source.

Ce dernier dispositif, destiné notamment à « l’appréciation du montant des ressources des demandeurs de pensions de réversion » ([19]) a été utilisé avec succès, début 2020, pour revaloriser de façon différenciée les retraites en fonction du montant total tous régimes de retraites perçues.

Dans un rapport portant sur le RNCPS ([20]), l’Inspection générale des affaires sociales souligne néanmoins la multitude d’outils de partage d’information qui coexistent au sein des régimes de la protection sociale. Si la volonté d’assurer la protection des données personnelles en évitant les croisements entre fichiers ou la constitution de bases de données trop importantes a pu motiver l’absence d’unification de ces bases d’information, la création du RGCU dans le cadre d’une vaste coopération inter-régimes d’une part et la généralisation, dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source, d’échange de données relatives aux actifs d’autre part pourraient justifier la rationalisation des systèmes d’information relatifs aux assurés en matière de retraite.

Le référentiel national des individus (RNI), quant à lui, est le système d’information de l’AGIRC-ARRCO, alimenté notamment par des flux en provenance de la CNAV signalant à ce régime complémentaire les demandes de retraites ou les liquidations auprès du régime général. Ce flux et sa précision, notamment quant au type de prestation versée par le régime général, sont importants car ils indiquent à l’AGIRC‑ARRCO les situations dérogatoires dans lesquelles le coefficient de solidarité ([21]) n’est pas appliqué malgré l’absence de report de l’âge de départ à la retraite. Or, comme l’a souligné M. Philippe Charlin lors de son audition, des retards subsistent en la matière, conduisant parfois à une minoration erronée de la retraite versée par l’AGIRC‑ARRCO, dont les équipes ont elles-mêmes soulevé ce point auprès du rapporteur.

L’importance des échanges avec l’administration fiscale – au-delà des flux créés dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source – doit enfin être soulignée, notamment pour l’application des taux de contribution sociale généralisée (CSG), qui dépendent du revenu fiscal de référence du retraité ([22]). À cet égard, l’AGIRC‑ARRCO a exprimé auprès du rapporteur son regret de ne pas disposer d’un flux d’échange avec les services fiscaux, ce qui l’oblige à obtenir les justificatifs afférents directement auprès des retraités. L’application du bon taux de CSG n’est donc pas automatique, les retraités subissant le risque de ne pas bénéficier du taux médian, du taux réduit ou de l’exonération auxquels ils ont pourtant droit. Cette situation génère parfois des indus, toujours difficiles à régulariser pour des retraités modestes.

L’AGIRC-ARRCO a indiqué au rapporteur avoir, à plusieurs reprises, demandé à pouvoir enrichir le RNI avec les adresses issues du fichier de la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM) et utilisées dans le cadre du DAI obligatoire, sans obtenir une suite favorable à cette demande de la part de la CNAM ni du GIP Union Retraite.

b.   L’effectivité du respect du principe de subsidiarité

Le principe de subsidiarité conditionne l’accès aux minima de pension (tel le minimum contributif [MICO]) et aux majorations de réversion du régime général et du régime des non-salariés agricoles, de base et complémentaire à la liquidation, par l’assuré de l’intégralité de ses pensions de retraite. Il implique donc un échange d’informations conséquent entre caisses et avec l’assuré qui peut être source de nombreuses difficultés administratives.

Un exemple en est fourni par la loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dite « loi Chassaigne ». Ce texte porte le montant des pensions des exploitants agricoles à hauteur de 85 % du SMIC net agricole pour une carrière complète. Néanmoins, pour bénéficier du complément différentiel créé à cette fin, les personnes concernées doivent, conformément à l’article L. 732‑63 du code rural et de la pêche maritime, avoir « fait valoir l’intégralité [de leurs] droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi qu’auprès des régimes des organisations internationales ». Cette disposition implique donc que l’assuré connaisse précisément l’ensemble des retraites auxquelles il peut prétendre pour en demander la liquidation. Or, et malgré l’extension continue du champ des dispositifs d’information, cette connaissance est encore fortement problématique et peut amener, in fine, au refus du bénéfice de cette prestation au motif de l’absence de liquidation de retraites de très faible montant, ce donc le rapporteur a lui-même été témoin. Ce problème concerne notamment les situations dans lesquelles des retraités continuent à cotiser à certains régimes au titre des mandats qu’ils exercent : si l’article 11 de la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est venu résoudre les difficultés rencontrées du fait de l’exercice d’un mandat local, un autre problème se pose concernant l’exercice d’un mandat au sein d’une chambre d’agriculture.

Le principe de subsidiarité est donc au nombre des règles imposant aux caisses de disposer de procédures d’échange et de coordination.

B.   ... qui Implique un dialogue mutuel et multicanaux entre l’assurÉ et les caisses

1.   La nécessité de conserver différents modes de communication pour éviter le « tout numérique »

Le numérique, malgré les progrès indéniables qu’il permet en matière d’accès aux droits, peut parfois constituer, au contraire, un obstacle supplémentaire pour les assurés, dans le cadre d’une démarche présentant déjà de nombreux facteurs d’anxiété, puisque :

– la liquidation d’une retraite à des conséquences majeures et durables, car elle détermine généralement les ressources financières de son bénéficiaire pour le reste de sa vie ;

– la demande de liquidation est généralement une expérience unique, et l’on ne peut donc pas s’appuyer sur les erreurs passées pour « s’améliorer » lors de la demande suivante.

Dans son rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? » ([23]), la Défenseure des droits préconise donc de laisser à chaque usager le choix de son mode de relation avec l’administration, y compris avec les organismes de la protection sociale. La dématérialisation doit laisser ouverte la possibilité de « contacts humains », notamment téléphoniques, ou dans le cadre des maisons France Services, ces dernières ne pouvant néanmoins pas constituer le seul mode de communication alternatif au numérique. Selon ce rapport, « la procédure dématérialisée devrait devenir une alternative aux autres modes de communication, au libre choix de l’usager, et non un carcan imposé à tous ». Enfin, en matière d’usage du numérique, la Défenseure des droits recommande de généraliser la réversibilité du consentement : l’usager doit pouvoir « revenir, à tout moment, sur son consentement aux échanges dématérialisés, de façon définitive ou temporaire ».

La convention d’objectifs et de gestion applicable à la Caisse de retraite du personnel de la RATP (CRP RATP) pour la période 2022–2026 comporte, en matière de modes de communication avec les usages, des indicateurs et des objectifs intéressants : traitement des appels téléphoniques reçus, rappels de rendez-vous physiques par SMS, développement des rendez-vous en visioconférence.

Le rapporteur souligne enfin la situation particulière du Service des retraites de l’État, qui n’a pas d’accueil physique, mais s’appuie sur les services des ressources humaines des administrations de l’État.

2.   ... qui soient accessibles sur l’ensemble du territoire : l’apport des maisons France Services

Les maisons France Services ont succédé en 2020 aux maisons de services au public (MSAP). Elles ont pour objectif de permettre aux usagers d’obtenir, en un seul lieu, des renseignements relatifs à plusieurs organismes administratifs, sous la forme d’un guichet unique proposant un accueil de niveau 1 se limitant à une assistance à l’accomplissement des démarches administratives et à une orientation vers le service compétent. En matière de retraite, les organismes participant à ce dispositif sont la Mutualité sociale agricole (MSA) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Chaque Français doit normalement se trouver à moins de 30 minutes d’une des 2 055 maisons France Services ([24]). Ce dispositif est piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), auditionnée par le rapporteur.

Selon l’ANCT, les demandes concernant les retraites représentent 15 % de l’ensemble des demandes que ces maisons reçoivent. Il s’agit donc d’un des principaux sujets qu’elles ont à traiter, souvent en assistant le demandeur dans la constitution de l’ensemble du dossier, sans se limiter strictement, donc, à un accueil de niveau 1. En conséquence, les agents acquièrent rapidement des compétences dans ce domaine, certains étant même officieusement identifiés comme disposant d’une expertise particulière en la matière. Si ce phénomène appelle la mise en place de formations spécifiques assurées par les régimes participants à destination des agents des maisons France Services – voire une certaine forme de spécialisation, à condition qu’elle soit validée par les régimes participant – ceux-ci ne peuvent néanmoins pas se substituer aux agents des caisses de retraite.

Les agents des maisons France Services devraient donc toujours pouvoir, sans difficulté, planifier directement des rendez-vous entre les usagers et les régimes de retraite. Ces rendez-vous doivent notamment pouvoir prendre la forme de visioconférences organisées dans les murs de la maison France Services : cela permet en effet de faciliter les démarches des citoyens sans leur imposer, en particulier en zone rurale, de se déplacer pour remplir leurs démarches, mais en leur offrant néanmoins une aide technique à la manipulation des outils informatiques nécessaires. Ces agents doivent, de plus, toujours disposer d’un accès direct à un interlocuteur local au sein des régimes participants. L’organisation de permanences régulières des régimes de retraite dans les maisons France Services est également souhaitable.

De façon plus générale, une stratégie globale relative à la prise en charge des demandes concernant les retraites dans les maisons France Services reste à définir. Il serait notamment souhaitable que l’AGIRC-ARRCO, régime complémentaire d’un très grand nombre de Français ([25]), s’associe à cette démarche.

Le rapporteur est très favorable au développement des maisons France Services, notamment en matière de retraite, et observe que ce dispositif permet, dans un certain nombre de cas, d’assurer le droit à l’information en matière de retraite d’assurés éloignés des structures administratives, voire de résoudre des problèmes rencontrés par eux au moment, notamment, de la liquidation de leurs droits.

3.   ... mais pouvant être complexes dans certains cas de figures

Les contrôles d’existence annuels exigés des retraités résidants à l’étranger ([26]) ou des bénéficiaires de pensions de réversion peuvent poser de nombreuses difficultés, pouvant aller jusqu’à entraîner l’interruption du versement de la retraite. Pour simplifier ces procédures, les contrôles d’existence ont été mutualisés en un dispositif unique, dénommé « Mutualisation des contrôles d’existence » (MCE), mis en place sous l’égide du GIP Union Retraite conformément à l’article L. 161243 du code de la sécurité sociale. Ce service, qui a fait l’objet d’un audit et d’améliorations en 2021 ([27]), réduit le nombre de démarches à accomplir par les assurés tout en fiabilisant l’envoi du certificat d’existence. L’article 104 de la loi de finances pour 2021 a autorisé le recours, pour accomplir cette procédure mutualisée, à la biométrie, ce qui dispense les assurés d’un déplacement, parfois laborieux, auprès de l’autorité habilitée à compléter le certificat de vie. Le GIP Union Retraite a donc conduit, auprès de 371 retraités et dans cinq pays, une expérimentation prenant la forme d’une « application leur permettant de télécharger une photo de leur pièce d’identité et un selfie. L’application permet ensuite de « vérifier la correspondance entre les deux ». 2023 verra la généralisation de cette procédure, sans toutefois que l’alternative papier disparaisse ([28]).

Une autre difficulté, évoquée par la CNAV lors de son audition, réside dans l’application de l’article 9 de la loi n° 2019‑1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, privant de droit à une retraite de réversion le conjoint condamné pour des faits de violence conjugale. La mise en œuvre de cette disposition implique en effet la transmission aux régimes concernés – c’est‑à‑dire aux régimes auxquels est affilié l’allocataire principal – par le ministère de la justice des décisions de justice concernées, transmission qui a lieu actuellement par courriel.

Le rapporteur souligne enfin l’importance de la mise à jour des coordonnées, notamment postales, des assurés et des retraités, qui devrait être assurée par un large échange d’informations entre les régimes de retraite et par des dispositifs systématiques d’alerte en cas d’incohérence ou d’anomalie.

II.   LA FIABILITÉ DU MONTANT DE PENSION

A.   Reste globalement satisfaisante grÂce À de nombreux contrÔles internes et externes...

Le décret n° 2013‑917 du 14 octobre 2013 a introduit, dans le code de la sécurité sociale, l’obligation, tant pour la CNAV dans son plan national de contrôle interne annuel, que pour les organismes locaux dans la déclinaison du plan national, de mesurer, grâce à certains indicateurs, le risque financier résiduel après supervision de l’ordonnateur et contrôle de l’agent comptable.

À travers le contrôle d’un échantillon représentatif de dossier, ces indicateurs permettent de connaître :

– le taux de dossiers entachés d’une erreur ayant une incidence financière ;

– le taux d’incidence financière des erreurs, c’est-à-dire le rapport entre le montant des erreurs (au bénéfice ou au détriment des assurés) et le montant total des prestations versées, dans l’échantillon contrôlé et, par extrapolation, sur l’ensemble des dossiers liquidés au cours de la période examinée.

Ce risque financier résiduel correspond donc aux risques qui demeurent postérieurement aux contrôles internes, dont les modalités ont été présentées au rapporteur par les responsables des régimes auditionnés. Il est donc un indicateur de la qualité de ces contrôles internes.

En ce qui concerne le régime général, une retraite sur sept liquidée en 2021 présentait une erreur. Si ce taux pourrait être plus important au regard de la complexité des règles applicables, il n’en reste pas moins élevé. Le taux de dossiers comportant une erreur ayant une incidence financière au sens du risque financier résiduel s’est de plus dégradé ces dernières années, ne retrouvant qu’en 2021 sa valeur de 2018 :

 

2018

2019

2020

2021

1/7

1/5

1/6

1/7

Source : Cour des comptes, Rapports annuels de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale.

En 2020, ces erreurs représentaient 1,9 % du montant des prestations nouvelles versées en 2020, contre 0,9 % en 2016.

L’impératif de maîtrise du taux d’incidence financière fait partie des obligations imposées aux régimes de retraite dans les conventions d’objectifs et de gestion signées par l’État, telles, pour les plus récentes, celles concernant l’Établissement national des invalides de la marine (Enim) et la CRP RATP. En effet, leur incidence doit être appréciée sur l’ensemble de la période de versement des prestations, en évaluant leur impact financier cumulatif. Ainsi, l’impact financier cumulatif des erreurs intervenues sur les retraites liquidées en 2020 par le régime général s’élève à 1,6 milliard d’euros ([29]).

B.   ... Mais souffre de limites importantes

1.   Des erreurs attribuables aux caisses

Le calcul de la retraite dépend d’un grand nombre de paramètres et donc d’un grand nombre d’informations dont la mention dans les dossiers des assurés présente parfois des lacunes. Ainsi des informations relatives aux enfants (naissance, adoption, éducation), alors même qu’elles ont, notamment pour les femmes, une grande importance dans le calcul de la retraite. Ce point est d’autant plus problématique que les règles de compétences déterminant le régime chargé d’attribuer à l’assuré les droits auxquels il peut prétendre au titre de ses enfants, ainsi que celles répartissant ces droits, le cas échéant, entre les deux parents, impliquent nécessairement une coordination entre régimes de retraite. Pour résorber ces lacunes, un service unique « Déclarer mes enfants » a été conçu par le GIP Union Retraite pour permettre aux assurés de mettre à jour, à compter de fin 2022, le « référentiel enfant » de cet organisme. Ce référentiel sera automatiquement alimenté par les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) en ce qui concerne les enfants nés après 2019.

Toutefois, la principale source d’erreurs en matière de calcul des retraites concerne les carrières, l’exactitude des informations qui les concernent ayant, en conséquence, une importance primordiale pour le calcul des droits. La Cour des comptes indique en effet qu’environ « la moitié des erreurs définitives (résiduelles) affectant les prestations liquidées et mises en paiement proviennent de données de carrière absentes ou erronées » ([30]). La mise en place du RGCU (cf. supra) est donc un enjeu de premier ordre en matière d’information des usagers comme d’exactitude du montant des retraites versées.

2.   Des documents qui restent encore difficilement compréhensibles

Le droit à l’information ne doit pas s’arrêter au seuil de la liquidation : il inclut aussi le droit à comprendre toutes les étapes du calcul de sa propre retraite pour en vérifier l’exactitude. Ce droit implique la possibilité pour chaque assuré de disposer de documents clairs et lisibles lui permettant de connaître les informations prises en compte lors de la liquidation de sa retraite.

Or, les documents adressés aux retraités lors de la liquidation de la retraite demeurent le plus souvent difficilement lisibles, comme a pu le constater le rapporteur en consultant les exemples de documents qui lui ont été communiqués par les régimes auditionnés. Il est toutefois difficile pour les régimes de résumer de façon suffisamment pédagogique, et dans un unique document de format nécessairement réduit un calcul dépendant d’un grand nombre de paramètres et de règles complexes ([31]). Le modèle de titre de pension délivré par le Service des retraites de l’État se distingue par sa clarté, mais ce régime a l’avantage de gérer des droits acquis auprès d’un seul et même employeur et de calculer les retraites à partir du dernier indice détenu.

Le renforcement du droit à l’information implique donc l’amélioration des documents transmis aux retraités : il ne doit pas être plus complexe pour un retraité de comprendre le calcul de sa retraite que pour un actif de comprendre le calcul de son salaire. Plus largement, et comme cela a été souligné lors de l’audition de la Défenseure des droits, c’est la lisibilité et la complétude de l’ensemble des documents transmis par les organismes de protection sociale qui doit être améliorée.

3.   Les lacunes importantes de l’information des retraités postérieurement à la liquidation : pour un bulletin de retraite clair et accessible

Dans son rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », la Défenseure des droits prône l’instauration du principe « d’un envoi sous forme papier des notifications d’attribution, de suppression ou de révision de droits comportant les délais et voies de recours, sauf si la personne consent expressément et au préalable aux échanges dématérialisés ». En effet, la plupart des caisses imposent désormais à leurs retraités de consulter les justificatifs relatifs à leur retraite sur un espace numérique en ligne. Si ce mode de communication permet dans la plupart des cas l’édition d’un bulletin mensuel, et pas seulement lorsque le montant de la retraite versée change, il peut sembler inadapté à une partie des retraités éloignés du numérique (cfinfra). Il devrait être possible à tout retraité d’opter simplement pour un envoi papier mensualisé de son bulletin de pension, auquel il doit avoir accès, compte tenu de sa situation, aussi simplement qu’un salarié a accès à ses bulletins de salaire.

La possibilité d’avoir accès, de façon centralisée, à ses attestations de paiement et à ses attestations fiscales sur le portail inter-régimes « Mon compte retraite » est néanmoins une avancée importante en matière d’accessibilité et de simplification.

L’exemple du Service des retraites de l’État (SRE) illustre les limites de la dématérialisation. Sauf pour les retraités nés avant 1940, les bulletins de pension ne sont en effet plus envoyés par voie postale, mais exclusivement mis à disposition en ligne sur l’environnement ENSAP. Or, dans son rapport « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », la Défenseure des droits relève la difficulté de recevoir un bulletin de pension en version papier, qualifiée, dans le cas particulier des retraités affiliés au SRE, et malgré des engagements en la matière, de « mission impossible ». Lors de son audition, le directeur du SRE a assuré au rapporteur que la rematérialisation demeurait toujours possible.

En toute hypothèse, et ainsi qu’il a été dit en ce qui concerne les documents envoyés au moment de la liquidation, la lisibilité des documents adressés aux retraités devrait être améliorée. Ayant examiné les exemples de bulletins mensuels adressés par les régimes auditionnés, le rapporteur relève qu’ils ne permettent souvent qu’imparfaitement de comprendre le détail du montant de retraite perçu mensuellement, certains documents allant jusqu’à omettre les taux de CSG appliqués, compliquant leur contrôle par les retraités. Il serait sans doute utile de rapprocher autant que possible la présentation des bulletins de retraite mensuels de celle des fiches de paie des salariés, fixée par arrêté ([32]).

La mise en place, sur le portail inter-régimes « Mon compte retraite », d’un convertisseur de pension brut-net est toutefois à saluer.

III.   LES IMPACTS DE LA DÉMATÉRIALISATION

A.   Sont positifs...

1.   Considérant l’amélioration du droit à l’information des usagers (site internet, appli mobile, etc.)

Les différents outils numériques, présentés supra, mis en place notamment par le GIP Union Retraite, constituent assurément une utilisation du numérique à même d’assurer et de renforcer le droit à l’information des assurés et des retraités.

2.   Au regard du futur RGCU

La création d’un registre unique des carrières a été consacrée par l’article 9 de la loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, par la suite étendu aux régimes complémentaires par l’article 41 de la loi n° 2014‑40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites. L’article L. 161‑17‑1‑2 du code de la sécurité sociale, issu de ces deux textes, dispose ainsi qu’il « est créé un répertoire de gestion des carrières unique pour lequel les régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions adressent de manière régulière à [la CNAV] l’ensemble des informations concernant la carrière de leurs assurés ».

En réunissant l’ensemble des données relatives à la carrière des assurés quels que soient leurs régimes d’affiliation simultanés ou successifs, ce répertoire permet de fiabiliser les informations en la matière, d’améliorer et d’accélérer le traitement des demandes de liquidation et d’assurer, en la centralisant, une meilleure information des assurés sur les droits qu’ils ont acquis et sur les périodes nécessitant une régularisation.

Créé, en conséquence, en 2019, le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU) a donc pour objectif de « construire une base unique et centralisée regroupant l’ensemble des informations de carrière des assurés (bases carrières) nécessaires à la définition de leurs droits » ([33]). Sa mise en place s’est faite en deux phases : une phase d’instruction et d’étude tout d’abord, permettant à l’ensemble des régimes de définir chacun les implications de la mise en place de cette base de données, puis une phase de migration des données de l’ensemble des régimes, coordonnée par la CNAV et l’AGIRC-ARRCO. Le GIP Union Retraite a un rôle de pilotage, notamment financier. L’intégration dans ce répertoire du stock de données de carrières des différents régimes s’est faite régime par régime, en plusieurs vagues, la dernière en date étant la troisième. Le RGCU est ensuite alimenté principalement par les flux en provenance des employeurs, sous la forme des déclarations sociales nominatives (DSN).

En juin 2021, le RGCU regroupait 7 milliards d’éléments de carrière pour 80 millions d’individus ([34]).

Dans son rapport de certification des comptes de la sécurité sociale pour 2021, la Cour des comptes relève que les données du RGCU sont utilisées pour les liquidations de droit depuis novembre 2021, mais que la parfaite synchronisation entre le RGCU et son prédécesseur, le système national de gestion des carrières (SNGC), avec lequel il coexistera jusqu’au remplacement de l’outil de liquidation des retraites du régime général (Outil retraite) demeure perturbée par « des incidents récurrents affectant la complétude du RGCU ».

3.   Considérant les possibilités d’exploitation des informations consolidées par des algorithmes : améliorer la détection des erreurs et des informations manquantes

Dans son rapport de certification des comptes 2021, la Cour des comptes souligne la nécessité d’accroître la fiabilité des flux alimentant les données de carrière, notamment par le biais de contrôles automatiques ([35]) à même de détecter les incohérences ou les omissions. L’article L. 261-1 du code de la sécurité sociale, créé par la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, impose en effet aux organismes de sécurité sociale de mener « toutes actions de nature à détecter les situations dans lesquelles des personnes sont susceptibles de bénéficier de droits ou de prestations et à accompagner ces personnes dans l’accès à leurs droits et au service des prestations auxquelles elles peuvent prétendre ».

Ainsi, un code couleur dans l’interface « Mon compte retraite » matérialise les périodes pour lesquelles des informations manquent, qu’il s’agisse d’une période sans information ou de l’existence d’une affiliation à un régime de base sans affiliation parallèle à un régime complémentaire. L’utilisateur est ensuite orienté vers un service de signalement et de correction, laquelle continue toutefois de relever de la responsabilité du régime concerné. La possibilité pour chaque utilisateur, à travers cette interface, de pouvoir désormais corriger sa carrière à tout moment, sans attendre la liquidation de ses droits, est un important progrès.

En regroupant les informations relatives à la carrière de chaque assuré, la création du RGCU permet d’aller plus loin en rendant les corrections automatiques en cas d’incohérence entre régimes de base et régimes complémentaires. Cela nécessitera néanmoins de définir au préalable des règles de priorité entre les différentes informations lorsqu’elles sont incohérentes.

Dans un second temps, une fois l’assuré devenu retraité, le RGCU permet d’identifier les éléments de carrière qui n’auraient pas encore été liquidés. L’automatisation de leur détection serait utile pour procéder ensuite, dans une démarche « d’aller vers », à une information ciblée à destination des assurés concernés, invités à se rapprocher des régimes dans lesquels ils détiennent des droits non liquidés.

À cet égard, le rapporteur salue l’action menée, sous l’égide du GIP Union Retraite, ayant consisté à contacter 77 000 retraités âgés de 75 ans et identifiés comme n’ayant pas liquidé l’ensemble de leurs droits. Le taux de réponse constaté, de 10 %, ainsi que les données relatives aux prestations versées aux répondants, tendent à confirmer les causes du non-recours identifiées, notamment, par la Drees ([36]) : faiblesse des droits acquis, affiliation ancienne, etc.

Ce type de démarche rejoint les recommandations du rapport « petites retraites » ([37]), qui préconisait :

– de contacter tous les assurés âgés de 45 ans dont la durée d’assurance totale est inférieure à dix années ;

– de signaler systématiquement aux assurés de plus de 70 ans leurs droits non liquidés.

Au regard des difficultés encore associées à cette mesure, il pourrait être utile de conduire une telle action en direction des assurés pouvant bénéficier des dispositions de la « loi Chassaigne ».

B.   ... Mais peuvent être aussi négatifs

1.   Par une incompatibilité des outils numériques avec les assurés âgés, illectroniques ou résidant en zone blanche

Selon le rapport de la Défenseure des droits intitulé : « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? », la numérisation, en matière de services publics, accroît des problèmes préexistants. En effet, dans le cas particulier des personnes âgées, les principaux problèmes rencontrés dans leurs échanges avec les services publics sont la difficulté à contacter quelqu’un (28 %), le manque d’information (19 %), la mauvaise information (18 %) et enfin l’absence de réponse (18 %), difficultés qui peuvent toutes êtes accrues par le remplacement d’un contact physique (ou téléphonique) par un échange numérique. En effet, la moitié des personnes qui échouent à accomplir une démarche en ligne y arrivent finalement en se déplaçant au guichet de l’administration concernée ou par téléphone ([38]).

Les difficultés à manipuler les outils numériques, voire l’illectronisme, ne concernent toutefois pas exclusivement les personnes âgées : 9 % de la population n’a pas d’accès à internet et 9 % des Français n’ont pas d’adresse de courriel personnelle ou professionnelle. Les personnes non diplômées, à faibles revenus ou habitant dans des communes rurales ont moins accès à l’internet fixe à domicile que la moyenne des Français.

 


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Les difficultés rencontrées dans la maîtrise des outils numériques ne trouvent néanmoins pas exclusivement leur origine dans un manque d’équipement :

En conséquence, les organismes de retraite, notamment les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) (37 %), sont au nombre des organismes de protection sociale les plus cités par les délégués de la Défenseure des droits en matière de difficultés liées à la dématérialisation des démarches ([39]). Ces difficultés concernent donc notamment les personnes âgées, mais aussi les personnes précaires, d’autant plus que ces dernières ont souvent des carrières fractionnées, et relèvent donc d’un plus grand nombre de régimes que la moyenne.

2.   En renforçant nécessairement la vulnérabilité du système de retraite face aux cybermalveillances

« Si vous êtes retraité, nous ne pouvons malheureusement toujours pas accéder à votre dossier » : ce message, présent sur le site du Groupe B2V ([40]) à la suite de « l’incident informatique qui a paralysé l’ensemble de [leur] système d’information et de téléphonie » rappelle la nécessité d’une forte protection des systèmes d’information et des données informatiques en matière de retraite. Cette exigence s’impose tant au regard des règles applicables en matière de protection des données personnelles qu’en raison de l’impossibilité à liquider les retraites auxquelles les caisses seraient confrontées dans l’hypothèse où elles n’auraient plus accès aux informations nécessaires à cette opération, notamment concernant les carrières des assurés.

Si le président du Club de la sécurité de l’information français évoquait, en 2014, « des scenarii dans lesquels la CNAV n’arrivait pas à payer les retraites » ([41]), le rapporteur a recueilli de la part des acteurs auditionnés l’assurance d’un haut niveau de protection des données, associant l’Agence nationale de la sécurité des services d’information (ANSSI).

Le regroupement des informations de carrière au sein du RGCU, s’il présente les avantages exposés supra, doit également prendre en compte la question de la sécurité informatique. Un registre unique, centralisé, faisant l’objet d’un programme de développement conséquent, peut sans doute être plus facilement protégé qu’une multitude de registres gérés par des caisses aux moyens variables ([42]), mais les conséquences d’une faille de sécurité un d’un acte de cybermalveillance n’en seraient que plus importantes. Le rapporteur rappelle les graves conséquences des difficultés, notamment dues à l’informatisation, rencontrées par le système de retraite japonais pour identifier 20 millions de cotisants ([43]).

 


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   Conclusion

La liquidation de la retraite est vécue par nombre de nos concitoyens comme une épreuve. Elle est souvent perçue comme difficile à réaliser tant par les interlocuteurs à contacter que par les documents à fournir. Le résultat du calcul est généralement inférieur aux attentes mais très souvent incompris et suspecté inexact.

Cette perception est confortée par plusieurs études. La Cour des comptes estimait en mai 2022 qu’une pension liquidée sur sept était entachée d’erreur. Un autre rapport indiquait que 24 % des assurés ne liquident pas toutes leurs retraites et que, pour ces personnes-là, cela correspond à un manque à gagner de 40 euros par mois.

Outre ces études, de nombreux témoignages soit de particuliers, soit de professionnels de la retraite, font état d’assurés sans aucun revenu jusqu’à six mois après le départ en retraite faute d’un calcul définitif des droits par les caisses. Et, une fois la pension versée, l’incompréhension demeure sur les éléments pris en compte et les modalités de calcul ayant déterminé le montant de ladite pension.

Les causes de ces difficultés sont bien identifiées et documentées. Nous pouvons citer :

– la complexité de la reconstitution des carrières, notamment des débuts de carrière et des carrières les plus hachées ;

– la multiplicité des régimes et la difficile articulation de leurs règles notamment en matière de droits liés aux enfants mais aussi et surtout en matière de réversion ;

– le principe de quérabilité des pensions, qui ne permet d’obtenir une pension qu’après une demande mais qui peut se trouver bloquant pour bénéficier de mécanismes de solidarité (principe de subsidiarité pour le dispositif « Chassaigne » et le MICO) ;

– les contrôles d’existence pour prouver que l’assuré est toujours en vie ;

– la difficulté d’échanger en direct avec les caisses de retraite pour lever les questions liées à l’illectronisme ou apaiser les tensions liées à l’incompréhension autour des démarches à effectuer ou des calculs réalisés.

Si toute démarche administrative est souvent source d’appréhension par nos concitoyens, il faut souligner que celle concernant la retraite a deux aspects amplificateurs de stress. Elle détermine tout d’abord potentiellement a minima l’essentiel voire souvent l’intégralité des ressources financières du demandeur pour le reste de ses jours. Elle est ensuite une expérience unique. Le plus souvent, la demande de retraite n’est faite qu’une fois, sauf exception si on accompagne un proche dans ses démarches. Il n’y a donc pas la possibilité de s’améliorer à la demande suivante.

Les pouvoirs publics ont bien conscience des difficultés liées au départ en retraite et au manque d’information et de transparence sur les démarches à effectuer. Un droit à l’information (DAI) existe dans le code la sécurité sociale. Il s’est traduit par l’envoi a minima tous les cinq ans, à partir de 35 ans, d’un relevé individuel de situation (RIS) où doivent figurer notamment les différents régimes où l’assuré a cotisé, la durée et les montants. Il prévoit aussi, dès 45 ans, un entretien information retraite (EIR), et une estimation indicative globale (EIG) à 55 ans.

Matériellement, ce droit à l’information est rendu effectif par le GIP Union Retraite, qui regroupe l’essentiel des caisses de retraite de base et complémentaire et qui a développé un portail inter-régimes « Mon compte retraite ». Ce dernier permet à l’assuré de visualiser son relevé de carrière, et en particulier les périodes problématiques, d’estimer sa retraite et désormais de faire la demande de liquidation de sa retraite, à toutes les caisses dont il a relevé, de manière simultanée.

Derrière cet outil, le GIP Union Retraite vient de mettre en place le répertoire de gestion de carrières unique (RGCU) pour agréger en un seul lieu l’ensemble des données de carrière des assurés quels que soient les régimes où il a cotisé. Le RGCU a pour vocation de remplacer les nombreux échanges inter‑régimes préexistants, sources de complexité et de délais.

Au-delà de cette mise en commun de l’information et de la demande de liquidation, le législateur a aussi permis il y a quelques années la mise en place des régimes alignés, c’est-à-dire de régimes aux règles similaires, pour demander une liquidation unique (LURA). Cela concerne les salariés relevant du régime général, ceux relevant de la MSA et les indépendants de l’ex‑RSI.

Les maisons France Services sont aussi une autre démarche portée par les pouvoirs publics qui permet de faciliter l’échange entre les assurés et leurs caisses, en particulier via des échanges en visioconférence. La maîtrise de ces outils par les agents de la maison France Services et l’identification d’interlocuteurs dédiés dans les caisses améliorent sensiblement le service rendu.

Malgré des avancées indéniables, des pistes pourraient être travaillées pour que les démarches liées à la retraite gagnent en transparence et en compréhension :

– expliciter la règle de calcul de la liquidation sur l’application « Mon compte retraite » ;

– limiter, via le GIP Union Retraite, le nombre d’applications publiques liées à la retraite et qui concourent à la confusion ;

– mettre en place un statut de tiers déclarant pour effectuer les démarches en ligne de façon simplifiée (tutelles, agents des maisons France Services) ;

– questionner le principe de quérabilité de toutes les pensions de retraite au‑delà d’un certain âge après la liquidation principale et en dessous d’un certain montant de pension ;

– unifier les règles de calcul de la réversion, voire de la prise en compte des enfants ;

– intégrer obligatoirement au GIP Union Retraite l’ensemble des régimes qui n’y figurent pas actuellement ;

– caractériser l’obligation par les caisses de pouvoir réaliser un échange physique avec l’assuré.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Au cours de sa réunion du mercredi 2 novembre 2022, la commission procède à l’examen des crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite et du compte d’affectation spéciale Pensions du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273) (seconde partie) (M. Nicolas Turquois, rapporteur pour avis) ([44]).

 

M. Nicolas Turquois, rapporteur pour avis. Créé en 2006, le compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions regroupe les crédits des régimes de retraite et d’invalidité dont l’État a la charge – fonctionnaires civils, ouvriers d’État, militaires. Comme tout compte d’affectation spéciale, il est soumis à une obligation d’équilibre : son solde budgétaire cumulé correspond à la différence entre la somme des recettes et la somme des dépenses depuis la création du compte et il doit être toujours excédentaire.

Les crédits du CAS Pensions, fixés à 61,1 milliards d’euros en 2022, connaissent une importante hausse, pour s’établir à 64,3 milliards dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Les crédits de la mission Régimes sociaux et de retraite n’augmenteront, quant à eux, que de 0,57 %, du fait essentiellement des effectifs.

Les programmes composant ces deux missions connaissent, hormis les effets compensés par la baisse du nombre de bénéficiaires, une forte hausse, imputable à la revalorisation anticipée des retraites à hauteur de 4 %.

Le CAS Pensions regroupe trois programmes : le programme 741 Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité, le programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État, et le programme 743 Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions qui recouvre la reconnaissance de la nation exprimée par la retraite du combattant, les traitements attachés à la Légion d’honneur, les pensions d’Alsace-Moselle pour les ministres de certains cultes, l’allocation de reconnaissance des anciens supplétifs – plus connus sous le nom de harkis – et les pensions de l’Office de radiodiffusion-télévision française, c’est-à-dire des systèmes plus anciens.

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe, quant à elle, un grand nombre de régimes spéciaux de retraite, pour la plupart créés antérieurement à la sécurité sociale et caractérisés par un fort déséquilibre démographique. Celui-ci rendant impossible l’autofinancement, la compensation est assurée par les crédits de l’État au titre de la solidarité nationale. On retrouve dans cette mission le régime des agents de la SNCF, celui des agents de la RATP et d’autres régimes encore plus anciens, comme ceux des anciens agents des chemins de fer d’Afrique du Nord et d’outre-mer, et des anciens chemins de fer d’intérêt local. Le programme 195, enfin, concerne les retraités de la Seita, l’ancienne société des tabacs et allumettes.

Pour ce qui est de la partie thématique du rapport, j’ai choisi de traiter des questions liées aux démarches des particuliers préparant leur retraite, qui me semblent avoir du sens quelles que soient nos sensibilités politiques, dès lors qu’il s’agit de transparence, d’accès et d’information. Nos nouveaux collègues doivent le savoir, bien des gens pousseront la porte de leur permanence pour faire état des difficultés qu’ils éprouvent tant pour obtenir leur retraite que pour comprendre en quoi elle correspond à la carrière qu’ils ont eue.

La liquidation de la retraite est vécue par nombre de nos concitoyens comme une épreuve et perçue comme difficile à réaliser, en raison tant des interlocuteurs à contacter que des documents à fournir. Le résultat du calcul est généralement inférieur aux attentes, mais aussi très souvent incompris et suspecté d’être inexact. Cette perception est confortée par plusieurs études. La Cour des comptes estimait ainsi en mai 2022 qu’une pension sur sept liquidées en 2021 était entachée d’erreur. Selon un autre rapport, 24 % des assurés ne liquident pas toutes leurs retraites, ce qui se solde pour eux par un manque à gagner de 40 euros mensuels. Outre ces études, de nombreux témoignages de particuliers ou de professionnels de la retraite font état d’assurés ne disposant d’aucun revenu jusqu’à six mois après le départ en retraite, faute d’un calcul définitif de leurs droits par les caisses. Une fois la pension versée, l’incompréhension demeure quant aux éléments pris en compte et aux modalités de calcul ayant déterminé le montant de ladite pension.

Les causes de ces difficultés sont bien identifiées et documentées. On peut citer à cet égard la complexité de la reconstitution des carrières, notamment des débuts de carrière, et des carrières les plus hachées, la multiplicité des régimes et la difficile articulation de leurs règles, notamment en matière de droits liés aux enfants et, surtout, de réversion. Le principe de quérabilité des pensions, selon lequel une pension ne peut être obtenue qu’après en avoir formulé la demande, peut également empêcher de bénéficier de certains mécanismes de solidarité. Le dispositif « Chassaigne », qui devait revaloriser les retraites agricoles, a ainsi vu bloquer son application à cause de pensions non liquidées par les demandeurs. Vous serez également saisis de demandes de personnes à qui on demande de prouver qu’elles sont vivantes. Cette demande de preuve d’existence peut sembler drôle vue de l’extérieur, mais elle peut aussi être douloureuse pour des personnes âgées. Une autre cause est la difficulté d’échanger directement avec les caisses de retraite pour lever les problèmes d’illectronisme ou apaiser les tensions liées à l’incompréhension des démarches à effectuer et des calculs à réaliser.

Si toute démarche administrative est souvent source d’appréhension pour nos concitoyens, celles qui concernent la retraite ont des aspects amplificateurs de stress. De fait, ces démarches déterminent souvent l’intégralité des ressources financières du demandeur pour le reste de ses jours. Elles sont aussi une expérience unique : le plus souvent, la demande de retraite n’est faite qu’une fois – à moins d’avoir déjà accompagné un proche dans ses propres démarches – et il n’est donc pas possible de s’améliorer lors d’une demande ultérieure.

Les pouvoirs publics ont bien conscience des difficultés liées au départ en retraite et au manque d’information et de transparence qui entoure les démarches à effectuer. Le code de la sécurité sociale prévoit un droit à l’information, qui se traduit par l’envoi, au moins tous les cinq ans, à partir de l’âge de 35 ans, d’un relevé individuel de situation où doivent figurer notamment les différents régimes auxquels l’assuré a cotisé, la durée et les montants de ces cotisations. Il prévoit aussi, dès 45 ans, un entretien d’information sur la retraite et, à 55 ans, une estimation indicative globale.

Ce droit à l’information est rendu effectif par le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite, qui regroupe l’essentiel des caisses de retraite de base et complémentaires et a développé un portail inter‑régimes intitulé « Mon compte retraite », que je vous invite à consulter. Ce service assez simple d’accès mais que bon nombre de nos concitoyens ne connaissent pas encore, permet à l’assuré de visualiser son relevé de carrière, en particulier les périodes problématiques, d’estimer sa retraite et, désormais, de faire simultanément la demande de liquidation de celle-ci auprès de toutes les caisses dont il a relevé.

Le législateur a également permis, voilà quelques années, la liquidation unique des régimes alignés (Lura), qui concerne les salariés du régime général et du régime agricole, ainsi que certains indépendants. Les maisons France Services sont une autre initiative soutenue par les pouvoirs publics permettant de faciliter l’échange entre les assurés et leurs caisses. Elles méritent d’être développées.

Malgré des avancées indéniables, d’autres pistes pourraient faire gagner en transparence et compréhension les démarches liées à la retraite. L’application Mon compte retraite devrait fournir une explication de la règle de calcul de la liquidation. La création d’un statut de tiers déclarant permettrait de simplifier les démarches en ligne. Paradoxalement, en effet, les demandes de réversion concernant les personnes qui ont en moyenne 90 ans se font beaucoup plus souvent en ligne que celles qui émanent de personnes de 65 ou 70 ans, car elles sont effectuées par les enfants ou petits-enfants de l’assuré. En revanche, il est très difficile d’effectuer ces démarches pour le tuteur ou le curateur de personnes sous tutelle ou curatelle, car il n’existe pas de statut de tiers déclarant consolidé qui le lui permettrait, même si le travail en ce sens est en cours.

Nous devons également nous interroger sur l’opportunité, au-delà d’un certain âge, du principe de quérabilité, c’est-à-dire de l’obligation pour l’assuré de demander sa retraite. Je citerai à cet égard le cas d’un agriculteur de 85 ans qui n’était pas éligible à la loi « Chassaigne » parce qu’on avait détecté une pension non liquidée du régime général correspondant à un emploi qu’il avait eu au début de sa carrière. Cette personne a dû mobiliser des moyens intellectuels et administratifs importants pour pouvoir bénéficier de la revalorisation « Chassaigne », qui représentait une centaine d’euros.

Nous pourrions nous interroger également sur l’unification des règles de calcul de réversion, dont l’application est source de grandes difficultés, notamment lorsqu’il y a eu plusieurs conjoints, ainsi que sur l’intégration au GIP Union Retraite de certains régimes encore extérieurs et dont l’existence rend plus complexe encore la demande de retraite pour certains de nos concitoyens.

Mme Annie Vidal (RE). La mission interministérielle Régimes sociaux et de retraite comporte les subventions de l’État qui permettent d’assurer l’équilibre financier de plusieurs régimes spéciaux de retraite dans l’incapacité de s’autofinancer en raison de leur déséquilibre démographique. Il s’agit principalement des régimes de retraite des agents du cadre permanent de la SNCF et du cadre permanent de la RATP, du régime social des marins et du régime des anciens mineurs. La mission verse également une subvention au dispositif de départ anticipé des conducteurs routiers. Les caractéristiques démographiques de ces régimes sont proches et marquées par un fort déséquilibre entre le nombre de cotisants et de pensionnés, qui atteint un niveau maximal pour des régimes fermés comme ceux de la SNCF – fermé depuis le 1er janvier 2020 –, des mines ou de la Seita. Le déséquilibre est encore très important dans les régimes des marins ou de la RATP.

Au total, le budget de la mission est de 6,14 milliards d’euros, en hausse de 3,2 % par rapport à 2022. Par ailleurs, les crédits du CAS Pensions, fixés à 61 milliards en 2022, connaissent une hausse importante, pour s’établir à 64,3 milliards dans le projet de loi de finances pour 2023. Cette augmentation est principalement due à la revalorisation de 4 % des pensions.

La mission comporte trois programmes. Le programme 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, a connu sa dernière évolution significative avec celle du régime de la SNCF, issue de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire. Le groupe public ferroviaire a cessé de recruter au statut SNCF à compter du 1er janvier 2020, ce qui a eu pour effet de transformer la population des agents statutaires SNCF en un groupe fermé de cotisants. Depuis, les personnels recrutés par la SNCF sont affiliés au régime général Agirc-Arrco et le régime spécial des agents du cadre permanent de la SNCF est compensé par l’État des pertes de ressources résultant de la fermeture du statut. Le programme 198, d’un montant de 4,2 milliards d’euros, dont 3,45 milliards pour la SNCF, est en hausse de 1,76 % par rapport à 2022.

Le programme 197 Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins retrace la participation financière de l’État au régime spécial de sécurité sociale des marins et des gens de mer, ainsi que la subvention pour charges de service public destinée à couvrir les coûts de fonctionnement de l’Établissement national des invalides de la marine, qui en assure la gestion et qui est en cours de transfert à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. La démographie est, là aussi, très déséquilibrée et les droits dérogatoires pour la liquidation des pensions de retraite des marins nécessitent une contribution de la solidarité nationale à hauteur des trois quarts des dépenses de la branche vieillesse. Ce programme est doté d’un montant de 802 millions, identique à son niveau de 2022.

Quant au programme 195 Régimes de retraite des mines, de la Seita et divers, il concerne d’autres régimes, qui ont eux aussi pour caractéristique commune d’être en déclin démographique, certains étant quasiment éteints. Cette situation spécifique conduit l’État à leur verser également, pour assurer leur équilibre financier, des subventions qui s’élèveront à 1 milliard en 2023, en diminution de 3,6 % par rapport à 2022, en raison notamment de la baisse tendancielle du nombre des pensionnés.

La mission Régimes sociaux et de retraite regroupe ainsi un grand nombre de régimes spéciaux de retraite caractérisés par une création ancienne et un fort déséquilibre démographique rendant de facto impossible l’autofinancement, et qui doivent, de ce fait, être soutenus par la solidarité nationale.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez indiqué que, selon la Cour des comptes, une pension sur sept serait entachée d’erreurs et certains assurés ne liquideraient pas tous leurs droits, ce qui engendre un manque à gagner de 40 euros par mois. Comment faciliter la liquidation de la retraite tout en réduisant ce taux d’erreur ?

Vous préconisez que les maisons France Services, que nous avons considérablement développées sur tout le territoire, puissent faciliter l’échange entre les assurés et leurs caisses. Quelle en serait, selon vous, la bonne déclinaison opérationnelle, et à quel coût pour les finances publiques ?

Mme Bénédicte Auzanot (RN). Au mot de retraite, aujourd’hui en France, toutes les pensées se projettent immédiatement vers le sort très spécial que vous comptez imposer aux retraités et à certains de leurs régimes. Là est le débat de fond, l’actualité, le vrai sujet. Le Président de la République a redit récemment qu’il voulait la retraite à 65 ans, volonté qui n’est jamais que l’exécution docile des attentes de la Commission européenne.

Il veut également – et sa majorité, aussi relative que soumise, le suit – faire main basse sur le trésor des 90 milliards de cotisations et des 60 milliards de réserve de l’Agirc‑Arrco, la caisse complémentaire de retraite du secteur privé. L’Agirc‑Arrco, ce sont soixante-dix ans d’existence, 50 millions de Français cotisants, 2 millions d’entreprises et 13 millions de retraités – et pas de dettes. C’est une gestion exemplaire et sans heurt social ; c’est un outil qui fonctionne, ce qui n’est plus si courant dans notre pays. Medef et CGT, dans un accord qui montre que le débat n’est pas idéologique, dénoncent votre décision. Pourtant, malgré cette opposition syndicale et malgré, sans doute, celle d’une majorité de parlementaires, sans consulter les Français, une fois de plus, vous passez en force et menacez de recourir à nouveau à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Plus généralement, votre réforme annoncée des retraites est celle de la paupérisation, de la précarisation. Imposer le travail jusqu’à 65 ans lorsque l’on mène une politique d’ubérisation économique et sociale, c’est projeter dans la misère des millions de Français. Notre pays a un taux d’emploi des plus de 60 ans parmi les plus faibles des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Or, de 2017 à aujourd’hui, hormis tenir des discours, vous n’avez rien fait pour y remédier.

Fin 2021, 43,9 % des travailleurs âgés de 55 à 64 ans n’occupaient aucun poste. Pour les plus de 60 ans, la statistique est plus terrible encore : les deux tiers n’ont pas de travail et pas encore de retraite. Tout le monde est touché, l’ouvrier comme le cadre supérieur. Début octobre, le ministre du travail annonçait la possibilité qu’un retraité cumule retraite et emploi, et que ce dernier lui ouvre des droits supplémentaires pour sa retraite. Traduction : une retraite ne garantira plus une vie décente – c’est déjà parfois le cas, mais vous allez amplifier le phénomène.

Le rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2021 indique que la part des retraites dans le PIB français ne bougera guère jusqu’en 2070 : « Malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population française, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon de la projection, c’est-à-dire 2070. C’était un résultat qui prévalait avant la crise sanitaire que nous traversons depuis début 2020. C’est un résultat qui demeure valable après crise. »

Fin 2019, Thierry Breton, ancien ministre de Nicolas Sarkozy nommé par Emmanuel Macron commissaire européen au marché unique, affirmait nécessaire la retraite à 65 ans, arguant de l’évolution de l’espérance de vie. Il est vrai que M. Breton gagne, à 70 ans, 270 000 euros par an, sans parler des 26 millions d’euros bruts de rémunération gagnés dans son ancien poste. Dans ces conditions, en effet, travailler jusqu’à 70 ans, pourquoi pas ?

Vous gérez les retraites comme on manipule une machine, et votre machine est celle de la privatisation, de l’ouverture des marchés et des frontières, de l’ubérisation et de la désindustrialisation. Votre politique est au service des gagnants de la mondialisation.

Pour nous, les retraites, ce sont avant tout des hommes et des femmes. Ce sont aussi une communauté nationale et des citoyens. C’est là toute la différence entre nous.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je m’inscris dans le sillon culturel que M. le rapporteur a ouvert pour contribuer au débat par une importante démystification. Généralement, les partisans d’un report de l’âge de départ à la retraite brandissent le prochain doublement du nombre de retraités par rapport à celui des employés comme le signe que nous sommes dans une situation quasiment pré-apocalyptique. Tout cela n’est cependant qu’un jeu de bonneteau comptable, car les employés ne financent pas seulement des retraités, mais aussi des enfants et des inactifs de différents statuts.

Pour bien saisir où va notre société, il faut voir quel est le rapport entre le nombre des personnes employées et non employées, afin de savoir comment mutualiser les solidarités. Ce rapport, dit ratio de dépendance, variable clé de nos débats, n’est pas évoqué ici car, depuis maintenant quinze ans et pour les trente ans qui viennent, il est stable : la courbe est plate. Les employés de notre pays doivent certes financer de plus en plus de retraités, mais de moins en moins d’enfants, d’inactifs et d’invalides. Une focalisation exclusive sur le rapport entre employés et retraités est donc un miroir déformant. Il faudra certes, d’ici à 2050, accroître de 40 % environ les recettes de l’assurance vieillesse, mais uniquement de 10 % l’ensemble des recettes de la protection sociale.

Nous pouvons donc non seulement souffler et aborder un peu plus tranquillement le débat, mais aussi réfléchir à différents types de solutions, comme une hausse modérée des cotisations ou un déplafonnement de la cotisation vieillesse – au-dessus de 3 428 euros, en effet, on ne contribue presque plus à cette dernière –, ou la mise à contribution de plusieurs revenus, comme la prime Macron, qui ne contribue pas à notre protection sociale et à nos régimes de retraite, comme nous l’indiquions en votant contre au mois de juillet.

Cela est d’autant plus vrai que le report que vous envisagez de l’âge de départ à la retraite pose un problème sanitaire très important : alors que le Gouvernement s’est montré incapable d’ouvrir des lits d’hôpitaux face à une épidémie, vous voulez aujourd’hui créer une nouvelle crise sanitaire en maintenant au travail jusqu’à l’âge de 65 ans des personnes qui ont généralement le dos cassé, qui tombent malade et qui sont empoisonnées par les produits qu’elles manipulent. Les chiffres sont assez clairs : après 50 ans, 40 % de nos compatriotes ont connu un épisode long de maladie, d’invalidité ou de chômage.

Quant aux régimes de retraite subventionnés par la mission Régimes sociaux et de retraite, ils sont généralement antérieurs à la construction de la sécurité sociale. Il s’agit, comme vous l’avez rappelé, des régimes des agents de la SNCF et de la RATP, des marins ou des anciens mineurs. On tente cependant aujourd’hui de les disqualifier en les accusant de coûter trop cher, en raison d’abord d’un déséquilibre démographique. C’est vrai, mais si le problème était celui du déséquilibre démographique, on pourrait rouvrir ces régimes, ce qui faciliterait le retour à l’équilibre. À ce titre, vous pourriez aussi nous dire, par exemple, que les congés de maternité coûtent trop cher parce que les bénéficiaires reçoivent plus qu’elles n’ont cotisé, et qu’il faudrait donc dissoudre ce régime.

Un tel raisonnement est problématique. D’abord, dans une société aussi complexe que la nôtre, on ne peut jamais totalement distinguer le travail des uns et celui des autres. Si nous pouvons nous réunir pour ce débat, c’est grâce à la production des micros, des tables et des écrans que nous utilisons. Ainsi, venir en solidarité à d’anciens travailleurs n’est jamais une aumône qu’on leur verse, mais toujours un investissement étalé dans le temps.

En un mot, ce que vous proposez avec cette attaque générale contre les pensions de vieillesse, quels qu’en soient les régimes, c’est une sorte de retraite pour les morts : durant les cinq années de vie comprises entre 60 et 65 ans, en effet, on compte tous les ans 30 000 décès. L’un des enjeux de la discussion que nous ouvrons aujourd’hui est donc le droit de partir à la retraite pour ces 30 000 personnes dont l’existence est menacée et pour lesquelles tout report signifierait qu’il n’y aura ni le moindre mois ni la moindre semaine de repos après une vie d’activité et de travail.

Pour conclure, le travail des personnes à la retraite reste un impensé de nos discussions. Nous débattons des taux de dépendance et de leur financement, mais nous évinçons de ce tableau le fait que des millions de retraités contribuent activement à la société par l’engagement associatif, le bénévolat et le travail domestique qu’ils assument, de telle sorte qu’ils ne sont pas uniquement des bénéficiaires de prestations, mais également des producteurs de valeur.

M. Stéphane Viry (LR). Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, ce n’est pas avec cette discussion que nous allons bouleverser la donne : nous devons l’avoir chaque année au moment de l’examen du PLF et il n’y apparaît globalement jamais rien de neuf.

Nous sommes tous au milieu du gué. Notre groupe LR souhaite, pour sa part, une réforme des retraites qui remette le système à plat pour en assurer la pérennité et la soutenabilité financière. Ne nous voilons pas la face, il faudra prendre des mesures courageuses et demander des efforts pour que ça passe. Par ailleurs, il nous faut profiter de ce moment pour rétablir de la justice et apporter des correctifs dans le versement des pensions, en raison de plusieurs dysfonctionnements affectant la méthodologie du versement de la pension et les droits qui peuvent être versés.

Je ne formulerai pas d’observations sur le compte d’affectation spéciale, qui est le fruit de notre cohésion sociale et la manifestation de la reconnaissance de la nation envers ceux qui ont porté les couleurs du pays, l’ont défendu ou ont contribué à sa vie – cela fait partie du pacte social.

Pour ce qui concerne les régimes spéciaux de retraite, je m’étonne que vous n’ayez pas évoqué de chiffres, car c’est là qu’est le sujet. Face aux problèmes d’autofinancement, une compensation de la part du contribuable au bénéfice de ces régimes spéciaux est nécessaire mais, puisque nous examinons le projet de loi de finances, la question est de savoir combien cela coûte et quelle est la participation de l’État. Le déséquilibre démographique est connu et il ne faut pas le taire, mais il faut le régler dès que possible, pour des raisons de cohésion nationale et d’équité. J’aurais souhaité un peu plus de transparence et de vérité dans votre rapport, et y trouver le coût de cette contribution pour l’État et le contribuable.

S’agissant du paiement de la pension de retraite et sa liquidation, vous nous avez confirmé qu’il est aberrant, insupportable, anormal qu’un pensionné sur sept soit lésé quant au montant qui lui est dû parce que le système ne permet pas de verser la somme juste. Je souscris à votre diagnostic en la matière. Vous avez évoqué les incompréhensions légitimes des pensionnés. Nous recevons dans nos permanences et nos cabinets parlementaires des citoyens qui expriment leur exaspération, leur saturation ou leur mécontentement face à ce système. Vous avez raison de mettre ce sujet sur la table : il faut changer certaines façons d’être et de faire.

Au moment de procéder à ces rénovations, nous ne devrons jamais oublier qu’elles concernent des individus qui ont travaillé et produit toute leur vie. L’humanisation des procédures doit absolument être remise à l’ordre du jour. La dématérialisation ne peut pas être le maître mot pour tout, le numérique n’a pas réponse à tout et il faut savoir réserver du temps de dialogue, recevoir des hommes et des femmes pour leur reconnaître de l’importance et leur manifester de la considération humaine. La France s’est bureaucratisée et anonymisée, et c’est particulièrement insupportable pour ce qui concerne les retraites.

La fusion de l’Agirc-Arrco avec l’Urssaf, qui n’est pas un dossier récent, est peut‑être un totem pour certains de nos collègues nouvellement arrivés. Nous avons déjà été mobilisés sur cette question et avions obtenu du Gouvernement l’ajournement de cette fusion. On se doute bien qu’il y a là un agenda et des objectifs cachés. Le Gouvernement avait déposé un amendement à ce propos durant les débats budgétaires. On voit bien que la question n’est pas stabilisée. La difficulté est-elle d’ordre informatique et le système informatique est-il incapable d’apporter la solution ? S’il y a un accident industriel, ce sont, au bout du compte, des hommes et des femmes qui ne percevront plus leur pension, car il ne s’agit pas ici de recouvrer, mais de payer. Le principe de prudence doit donc s’appliquer pleinement ici : quand on ne sait pas, on ne fait pas.

Je compte sur vous, monsieur le rapporteur, pour être le porte-parole de cette vision très largement partagée.

M. Arthur Delaporte (SOC). Les crédits que nous examinons aujourd’hui connaissent une hausse de 5,3 % pour le compte d’affectation spéciale Pensions et de 0,57 % pour la mission Régimes sociaux et de retraite, après une revalorisation de 4 % des retraites au titre de la loi sur le pouvoir d’achat, revalorisation dont nous regrettons toujours qu’elle ne corresponde pas à l’inflation constatée, qui est de 6 % en octobre. Par ailleurs, l’augmentation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique apportera des recettes nouvelles issues de cotisations. Nous examinons donc une mission dénouée de la vision politique sur laquelle elle devrait reposer et qui applique mécaniquement des augmentations inférieures à la pression inflationniste et qui n’amélioreront donc pas le pouvoir d’achat des retraités concernés.

S’agissant du thème que vous avez choisi, monsieur le rapporteur, nous avons tous reçu de nombreux témoignages faisant état de la complexité du système de retraite et des difficultés rencontrées par les assurés pour liquider leurs droits, certains devant parfois attendre six mois ou davantage et se trouvant alors dans un dénuement total du fait qu’ils ne touchent alors ni pension ni salaire. Nous devons y veiller.

Chaque pension incomplète est une perte de chance inacceptable pour les retraités et l’État doit veiller à la régularité des versements. Encore faut-il avoir une pension, et c’est peut-être là ce qui figure en creux dans votre rapport. Vous n’avez pas voulu reprendre le même thème que votre prédécesseur l’an dernier, qui avait abordé l’âge de départ à la retraite sous l’angle de l’équité. C’est là pourtant un sujet que vous auriez pu choisir, car la question de l’âge de départ sera précisément celle qui nous occupera au cours des prochains mois. Elle est en effet la pierre angulaire de la politique d’affaiblissement du travail actuellement menée par le Gouvernement. Ce chantier inégalitaire sera entrepris très rapidement et constitue une mesure centrale, voulue par le Président de la République mais malheureusement absente de nos débats et de votre rapport, alors que le COR nous rappelle toujours que le système sera excédentaire à l’horizon 2070. Il est d’ailleurs aujourd’hui de 3,2 milliards d’euros, comme l’assurance chômage, dont l’excédent est également de 3,2 milliards d’euros.

M. Clouet rappelait tout à l’heure la nécessité de prendre en compte le ratio de dépendance pour mieux évaluer l’équilibre de l’ensemble des comptes sociaux. Vous méprisez, quant à vous, la réalité des équilibres nécessaires des régimes sociaux. Pour l’assurance chômage, par exemple, qui fait l’objet de la réforme actuelle, on nous promet une calamité, mais il se trouve que le régime de l’assurance chômage est aujourd’hui excédentaire. Vous méprisez les données et le réel, et oubliez finalement l’essentiel de ce débat.

Faut-il rappeler qu’à 62 ans, 25 % des personnes les plus pauvres sont déjà décédées ? Il faudrait donc faire travailler encore plus longtemps les bas salaires les plus précaires ? C’est peut-être ce que vous envisagez ; c’est ce que nous refusons.

Par ailleurs, les propos tenus ces dernières semaines par les ministres semblaient hors‑sol, éloignés de la réalité. Je n’évoquerai pas, puisque le ministre s’en est excusé, la référence qu’il a faite à des assistantes maternelles qui gagneraient plus de 4 000 euros par mois, soit trois fois le Smic – je ne veux pas faire de polémique avec cela.

Le choix politique que vous faites avec cette réforme est clair. Selon l’économiste Michaël Zemmour, dans le pire des scénarios envisagés par le COR, il suffirait, pour atteindre l’équilibre à l’horizon 2027, d’augmenter les cotisations de 11 euros au niveau du Smic et de 22 euros au niveau de salaire moyen : laisser les salariés travailler plus, à en mourir, plutôt que de verser 11 euros de plus de cotisations, voilà votre choix !

M. Olivier Falorni (Dem). L’examen de cette mission et de ce compte d’affectation spéciale revêt une dimension particulière dans le contexte économique que nous connaissons, alors que nos concitoyens s’inquiètent à propos de leurs retraites. Nous devons donc nous interroger tant sur la lisibilité des droits que sur la pérennité de notre système.

Cette mission et le CAS regroupent donc les pensions à la charge de l’État, dont celles des fonctionnaires civils, des militaires, des agents de la SNCF et de la RATP. Il est impératif de valider ces dépenses afin de garantir le montant des pensions de nombreux retraités et notre groupe, en responsabilité, votera donc ces crédits.

Ils augmentent substantiellement en raison de la revalorisation anticipée de toutes les retraites de base de 4 % intervenue en juillet dernier dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Ainsi les crédits du CAS augmentent-ils de 5,3 %, pour s’établir à 64,3 milliards et ceux de la mission Régimes sociaux et de retraite de 0,6 %, pour s’établir à 6,13 milliards.

Ces crédits sont caractéristiques d’un système très complexe et assez peu lisible. En effet, la mission regroupe plusieurs régimes spéciaux de retraite anciens marqués par un fort déséquilibre démographique. Ils ne peuvent plus se financer depuis longtemps et c’est donc l’État qui, au nom de la solidarité nationale, compense. Cette mission permet donc de mettre en perspective la charge de ces régimes, qui pèse près de 13 % de ses dépenses totales. Si notre économie a réussi à absorber le choc de la crise sanitaire grâce à des investissements publics massifs, il n’en demeure pas moins que les déséquilibres des régimes en ont été accentués. La solidarité nationale, même très robuste, ne pourra pas tout absorber. Le creusement des déficits, déjà conséquent avant la crise, continuera.

Nous avons tous été sollicités par nos administrés à propos des difficultés qu’ils rencontrent lors de la liquidation de leurs droits, tant en ce qui concerne la compréhension des démarches que le calcul du montant de la pension. Nous saluons votre démarche visant à dresser un état des lieux exhaustif des avancées en matière de transparence et d’accès à l’information mais, aussi, celui des trop nombreuses difficultés. Dans la perspective d’une réforme à court terme, il est donc indispensable de traiter cet enjeu de lisibilité et d’intelligibilité car il y va de l’acceptabilité de notre système. Beaucoup de travail étant encore nécessaire pour parvenir à délivrer une information claire, précise et simple, quelles pistes d’amélioration peuvent être rapidement et facilement suivies ?

M. Paul Christophe (HOR). Nos concitoyens se tournent en effet souvent vers nous en raison des difficultés liées à la liquidation et au versement des retraites. Le manque d’information sur les démarches à effectuer est patent. Certes, le droit à l’information existe dans le code de la sécurité sociale mais, selon un rapport de la Cour des comptes, 24 % des assurés ne liquident pas l’intégralité de leur retraite, ce qui représente pour eux un manque à gagner de l’ordre de 40 euros par mois.

Dans une démarche proactive, il est donc nécessaire de revoir l’accompagnement de nos concitoyens en renforçant l’« aller vers » afin qu’ils disposent d’une information fiable et de qualité. J’ai eu l’occasion de réfléchir à ce problème dans le cadre du rapport que j’ai remis au Premier ministre Jean Castex afin d’améliorer l’aide aux parents d’enfants gravement malades. Les dispositifs peuvent paraître complexes et une grande partie des retards dans l’accès aux droits s’explique le plus souvent par des dossiers incomplets ou mal renseignés.

De plus, la crise sanitaire et les confinements ont montré l’étendue de la fragilité numérique d’une partie de la population : 14 millions de Français auraient des difficultés pour utiliser ces outils. Près d’un quart d’entre eux, victime d’illectronisme, a le plus grand mal à faire valoir ses droits en utilisant un ordinateur ou une tablette, quand les équipements informatiques ne font pas tout simplement défaut. Ce que mon collègue Stéphane Viry a appelé l’« humanisation » s’impose donc.

Il convient également de prendre en compte les cotisations versées au titre des travaux d’utilité collective (TUC). De 1984 à 1990, 350 000 personnes ont conclu ces contrats aidés leur octroyant le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Or, si ces trimestres sont bien signalés dans les relevés de carrière, ils ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum de trimestres cotisés pour le droit à la retraite. Ces personnes ont donc le sentiment légitime d’avoir été lésées, leur départ à la retraite étant repoussé de plusieurs années. Quelles mesures pourraient être prises en vue d’une plus grande équité ?

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). En matière de retraite, certains débats sont interdits alors qu’ils sont aussi essentiels que la simplification de l’accès aux droits et l’équilibre financier des régimes spéciaux.

Il en est ainsi de la baisse structurelle de la part des cotisations dans le financement des retraites, qui a diminué de 3 points de PIB depuis 1995 sans que cela améliore la situation de l’emploi ou le financement des pensions.

Il en est de même s’agissant des critères de pénibilité, qui ont été amoindris ou supprimés tels, depuis 2018, les vibrations mécaniques ou la manutention d’agents chimiques dangereux, y compris pour les salariés des régimes spéciaux, dont la plupart existaient avant la création de la sécurité sociale pour compenser la pénibilité du travail.

Même chose s’agissant de la diminution de l’espérance de vie en bonne santé, qui emporte évidemment des conséquences en matière de retraite.

On ne parle pas davantage de l’inégalité entre les femmes et les hommes, et des pensions des premières qui sont 40 % inférieures à celles des seconds, ni non plus de l’inégalité entre les plus riches et les plus pauvres, qui s’accroît en raison de la part de plus en plus grande de l’intérim ou du travail précaire au sein même des régimes spéciaux.

J’ajoute qu’avec 56 %, le taux d’emploi des seniors de plus de 55 ans est en France l’un des plus faibles de l’OCDE. Toute augmentation de l’âge de départ à la retraite ne fera qu’accroître l’inégalité entre ceux qui ont un emploi et ceux qui n’en ont pas.

Rien, non plus, s’agissant de l’âge auquel on commence à travailler et sur les carrières longues.

Examinons donc la question des retraites mais sous l’angle de la justice ! Sur le plan financier, il n’y a pas d’urgence à réformer. Nous devons juste franchir une mauvaise passe pendant quelques années et l’équilibre sera au rendez-vous sur le long terme. La révision de la part des cotisations dans le financement des régimes spéciaux permettrait très facilement de parvenir à un équilibre sans remettre en cause les conditions de départ à la retraite des personnes dont les métiers sont les plus pénibles.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Comme chaque année, l’État intervient pour équilibrer les comptes des régimes spéciaux, qui sont structurellement déficitaires sur le plan démographique, de sorte qu’il y a plus de pensionnés que de cotisants.

En 2023, la subvention que l’État verse à ces régimes au titre de la solidarité nationale stagne par rapport à celle de 2022. De plus, le budget de cette mission ne mentionne pas la réforme voulue par le Gouvernement avant la fin de cette année. Le CAS Pensions, néanmoins, l’évoque ainsi : « Par convention, les prévisions pluriannuelles renseignées dans ce document n’intègrent pas les effets d’une réforme des retraites mais évolueront, le cas échéant, conformément aux dispositions prévues par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. » Voilà qui confirme que les régimes spéciaux sont aussi dans le viseur de la vilaine réforme de régression que vous manigancez.

Les arguments sont bien rodés : le prétendu coût de ces régimes et la chasse aux supposés privilèges. Outre que des régimes s’éteignent naturellement, comme celui de la Seita, le manque de cotisants s’explique souvent par des choix politiques comme l’ouverture à la concurrence de secteurs publics – je pense à ceux de la RATP et de la SNCF. La démographie n’explique donc pas tout. La décision de gouvernements successifs de ne pas remplacer certains départs à la retraite et de supprimer des statuts, comme pour les cheminots, affecte le ratio entre cotisants et pensionnés.

De plus, les salariés des régimes spéciaux cotisent plus que ceux du régime général. Les cheminots, par exemple, ont toujours choisi de consacrer une part plus importante de la contrepartie de leur travail à leur protection sociale : 47,22 % de cotisation contre environ 25,47 % au régime général. Si ces régimes sont spéciaux, ils ne sont pas privilégiés : ils fonctionnent simplement sur la base d’une solidarité restreinte à une profession ou à une entreprise prenant en compte une certaine forme de pénibilité : notamment, horaires atypiques, fréquence des astreintes et usure physique.

Ce sont les travailleurs du régime général qui, depuis trop longtemps, sont délaissés au regard de l’évolution des modes de production. J’en veux pour preuve la sous-déclaration croissante des accidents du travail et des maladies professionnelles ou la sinistralité hors norme dans les métiers du soin et du lien qu’a signalée la Cour des comptes le mois dernier.

Les régimes spéciaux étaient, en réalité, précurseurs d’une juste appréhension du travail tout en veillant à maintenir l’équilibre nécessaire entre la vie au travail et la vie à la retraite en bonne santé. En 1945, lorsqu’il a été créé, le régime général avait bien pour objectif d’aligner les retraites générales par le haut et non par le bas.

Au lieu de diviser, il conviendrait donc de s’attacher à améliorer la vie de l’ensemble des salariés, en commençant par accroître l’égalité entre les femmes et les hommes mais, aussi, face à la rémunération : plus de minima de branches en dessous du Smic, des grilles de salaires permettant une évolution salariale et de carrière, un encadrement entre les plus basses et les plus hautes rémunérations. Une égalité salariale plus forte dans le travail permettra de tendre vers une égalité plus forte à la retraite grâce à une assiette de cotisation mieux pensée, à un meilleur partage du temps de travail et à des pensions plus justes.

Des réformes novatrices pourraient permettre d’harmoniser les régimes de retraite vers le haut en élargissant les avancées sociales des régimes spéciaux à l’ensemble des métiers et salariés d’une branche et à l’ensemble des régimes, ce qui améliorerait le montant de la pension minimale, la situation des personnes précaires, des femmes et des familles. Vous, vous préférez allonger la durée du temps de travail ! De surcroît, vous ne disposez pas d’une majorité populaire pour cette réforme inutile, qui constitue une spoliation pour celles et ceux qui travaillent.

L’accès aux droits constitue un vrai problème, d’abord lié au manque de moyens humains. Alors que ce Gouvernement veut répondre aux besoins des secteurs en tension, qui le sont d’abord en raison des conditions de travail – et, parfois, du manque de formation – les régimes spéciaux pourraient nous inspirer, car leur histoire est celle de conquêtes sociales liées aux besoins de développement du pays, à la nécessité de fidéliser et de qualifier les salariés. Nous ne disons pas autre chose lorsque nous affirmons qu’il importe de redonner du sens au travail, de rémunérer correctement les emplois, de reconnaître les qualifications.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Thibault Bazin (LR). Je souhaite vous interroger sur le programme 195 Régimes de retraite des mines, de la Seita et divers, et, plus particulièrement, sur le fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.

Notre commission avait lancé une mission « flash » – que vous avez bien voulu nous confier, avec ma collègue Hélène Zannier – sur les dysfonctionnements constatés localement. Nos conclusions, présentées le 12 mai 2021, avaient pointé une méconnaissance du régime par les acteurs censés renseigner les futurs retraités. Parmi nos recommandations figurait la nécessité d’un guichet unique.

Des concitoyens concernés par ce régime m’ont fait part récemment de difficultés qui perdurent : correction du nombre de points Agirc-Arrco, nécessité d’une meilleure visibilité et fiabilité dans l’intégration de la période du préraccordement au moment du raccordement. Avez-vous pu interroger les parties prenantes concernées sur les mesures envisagées afin de remédier à de tels dysfonctionnements ?

M. Didier Le Gac (RE). Chaque mois, parfois chaque semaine, nos concitoyens nous font part de leur difficulté à reconstituer leur retraite et à accéder à l’information. Les plateformes sont dématérialisées et nul ne répond, pas même à nos propres courriers. Il faut donc remettre le système à plat, songer à créer des points contacts et à une uniformisation : il n’est pas normal que nos concitoyens soient contraints d’interpeller chaque caisse de retraite complémentaire et qu’il n’existe pas de fichier commun ou de passerelles entre elles.

Mme Isabelle Valentin (LR). La retraite reflète notre vie professionnelle, notre parcours, nos choix. Elle se prépare tout au long de la vie. Toute réforme en la matière se doit d’intégrer une forte dimension humaine.

Le nombre d’actifs diminue, la population vieillit puisqu’en 2030, un tiers de la population aura plus de 60 ans. Il est donc urgent de réformer, sinon le système sera déficitaire. Plus de justice sociale, plus d’équité devrait nous faire tendre vers un régime universel.

De plus, certains régimes spéciaux coûtent cher : des salariés peuvent prétendre à la retraite à 55 ou 57 ans avec un calcul de la pension à partir des six derniers mois ; d’autres partent à 62 ans avec un calcul sur les vingt-cinq meilleures années ; d’autres encore travaillent jusqu’à 64 ou 67 ans, avec un calcul fondé sur une carrière complète – je pense aux agriculteurs ou à certaines professions libérales. Je souhaiterais vous entendre sur l’ensemble de ces sujets.

Mme Josiane Corneloup (LR). Avant d’être une question technique, les retraites sont d’abord un sujet humain. Négliger cette dimension, c’est passer à côté des enjeux de cette réforme. La retraite résulte d’une vie de travail, de nos choix et de nos parcours, de notre vie familiale. Toute réforme des retraites se doit d’intégrer cette dimension et de permettre à chaque Français de bénéficier des fruits d’une vie de travail.

La liquidation des droits est un véritable parcours du combattant ; le montant d’une pension sur sept n’est pas exact ; les démarches sont incomprises, de même que le calcul de la pension. La dématérialisation ne saurait être la seule solution. Un guichet unique s’impose, de même qu’une rencontre avec un agent formé, dans un lieu clairement identifié tel que, par exemple, les maisons France Services.

M. le rapporteur. Certains parmi vous ont choisi un angle d’intervention très politique mais je vous rappelle qu’il s’agit d’abord de discuter d’une mission et d’un CAS précis, des retraites de nos fonctionnaires, de nos militaires, de nos invalides de guerre, et d’un certain nombre de régimes anciens. La question de l’accès aux droits et de leur compréhension doit être transpartisane.

En 2022, la subvention de l’État pour équilibrer le régime de la SNCF s’élevait à 3,3 milliards d’euros et, pour la RATP, à 753 millions. En 2023, elle sera respectivement de 3,5 milliards et 810 millions.

Je n’ai pas auditionné tous les représentants des nombreux régimes spéciaux, dont celui des mines, et je ne pourrai donc pas répondre précisément à M. Bazin. Néanmoins, des problèmes similaires existent pour des régimes comparables – je pense à l’ancien Régime social des indépendants – et l’enjeu est bien réel.

Il n’est pas question de capter les recettes de l’Agirc-Arrco. La réforme vise l’unicité du recouvrement, en l’occurrence par les seules Urssaf, comme c’est le cas pour les agriculteurs qui ont affaire à un seul opérateur, la Mutualité sociale agricole, pour cotiser ou bénéficier des prestations sociales, familiales ou de retraite. Pour autant, il faut que le dispositif soit sûr et ce n’est pas techniquement le cas, d’où l’amendement visant à reporter la réforme. Je vous invite à questionner le Gouvernement pour connaître les mesures qui seront prises pour favoriser une telle unicité.

S’agissant de l’accès aux droits, la plupart des erreurs concernent la réversion, dont la demande est en moyenne formulée à plus de 80 ans. Certaines personnes bénéficient d’une pension de réversion de conjoint dont elles sont séparées depuis les années 1960. Imaginez la difficulté de reconstitution, un certain nombre de régimes de retraite prévoyant en effet l’attribution de la pension de réversion au prorata des temps d’union ! Des erreurs s’expliquent donc par l’ancienneté des démarches, qui plus est effectuées sur un support papier.

La reconstitution de carrière, en particulier, du début de carrière peut être délicate : oublis, perte des fiches de salaires, employeurs disparus... J’invite chacun, avant la retraite, à se rendre à la rubrique Mon compte retraite sur info-retraite.fr : elle est alimentée par l’ensemble des caisses au sein du répertoire de gestion des carrières unique ; des symboles rouges signalent des manques éventuels.

Ce sont 24 % des pensionnés qui, par erreur, n’ont pas liquidé complètement leur retraite. Cela peut représenter jusqu’à 40 euros par mois, ce qui fait près de 500 euros par an et, compte tenu d’une espérance de vie de vingt ans à la retraite, 10 000 euros. Je m’interroge donc sur la quérabilité de la retraite. Si elle me semble logique pour la retraite principale, qu’en est-il vraiment pour des régimes dont le montant de la pension est beaucoup moins important ? Ils ne peuvent pas verser des pensions si la demande n’a pas été formulée ! Pour que les plus modestes puissent bénéficier du minimum contributif ou du dispositif prévu par la loi « Chassaigne » visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, ils doivent avoir liquidé l’ensemble de leurs retraites. Même si cela a été corrigé, nous avons vu des anciens agriculteurs, élus sur leur territoire, qui avaient des droits au titre de l’Ircantec dont la non-liquidation les empêchait de percevoir le complément de retraite « Chassaigne ». Il en est de même pour d’anciens élus des chambres consulaires.

Les maisons France Services contribuent en effet à un certain équilibre entre dématérialisation et humanisation. Dans un village éloigné de tout, une permanence de la caisse d’assurance retraite et de santé au travail, par exemple, serait inutile mais une visioconférence organisée par France Services pourrait permettre d’avoir un interlocuteur des différentes caisses. Des agents de maisons de France Services se sont même spécialisés sur ces questions-là. Sans doute la certification d’un certain niveau de compétence serait-elle précieuse.

Sur un plan politique plus général, beaucoup considèrent l’augmentation de l’âge de départ à la retraite comme une régression sociale. Je ne suis pas d’accord.

Outre que le système par points est plus lisible, nous sommes le seul parmi les principaux pays d’Europe à avoir un âge de départ aussi précoce. Une étude comparative des droits sociaux serait d’ailleurs utile. Une haute protection sociale doit être financée, ce qui implique de créer plus de richesses. À défaut, c’est l’existence même de notre système qui sera en jeu.

Notre système de retraite est en effet équilibré, mais sur une base très basse : la pension moyenne s’élève à 1 400 euros – 1 200 euros pour les femmes et 1 800 euros pour les hommes. J’ajoute que beaucoup de retraités perçoivent à peine un peu plus de 900 euros, parfois moins pour les agriculteurs.

Le COR prévoit un équilibre en 2070 ? Que dirait un banquier à un chef d’entreprise qui l’assure que son affaire sera rentable dans dix ans ?

En outre, le COR se fonde sur l’hypothèse de l’effort constant de l’État. Raisonnons par l’absurde : n’y eût-il plus qu’un seul fonctionnaire, l’effort de l’État devrait être constant ? Si l’on intègre les retraites des secteurs privé et public, le système n’est en revanche pas équilibré, et s’il l’est, c’est avec un niveau de pension très faible. Il me semble sensé de travailler plus pour augmenter le niveau des pensions les plus petites.

Les écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres se réduisent d’un tiers au moment de la retraite grâce au régime de protection. Un renforcement est toutefois nécessaire, comme le Président de la République l’a dit, afin que le minimum de retraite correspondant à une carrière complète augmente de 200 euros.

Monsieur Delaporte, tout le monde peut faire des erreurs lorsque l’on se trouve sous le feu roulant des questions posées au Gouvernement. Le ministre a reconnu la sienne, ne revenons pas là-dessus. Je note par ailleurs que vous n’avez pas voté en faveur de l’augmentation des retraites, même si vous la jugez insuffisante au regard de l’inflation.

La question de la pénibilité doit être évidemment soulevée et traitée d’une manière objective, pas catégorielle : un conducteur de train ne peine pas autant qu’il y a cinquante ans. Il convient également de tenir compte des carrières longues mais, dans certaines professions, il est possible d’envisager sereinement un décalage de l’âge de départ à la retraite, ce qui contribuera à créer des richesses et à financer de meilleurs droits sociaux.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Régimes spéciaux et de retraite non modifiés.

Article 29 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Amendement II-AS139 de M. Victor Catteau.

M. Victor Catteau (RN). Cet amendement vise à augmenter les crédits finançant la retraite du combattant, versée en témoignage de la reconnaissance nationale. Ces crédits diminuent de 15 % en 2023, alors que le nombre d’anciens combattants bénéficiant de cette pension ne baisse que d’environ 7 %. C’est illogique !

Nous proposons donc majorer de 1,8 million d’euros l’action 01 Reconnaissance de la Nation du programme 743 Pensions militaires d’invalidité des victimes de guerre et autres pension, en minorant d’un montant équivalent les crédits de l’action 04 Gestion du régime du programme 742 Ouvriers des établissements industriels de l’État, pour des raisons de recevabilité financière. Si l’amendement était adopté, il conviendrait que le Gouvernement lève le gage, car nous ne souhaitons pas diminuer les crédits finançant la gestion du régime.

M. le rapporteur. Nous devons, bien évidemment, le plus grand respect aux anciens combattants, et la retraite du combattant en est la traduction. Mais ce n’est pas le budget qui fait le montant de la pension.

Le montant de la retraite du combattant a été revalorisé par l’article 174 de la loi de finances pour 2022 pour atteindre 782,60 euros par an. En outre, le 4 octobre dernier devant la commission de la défense, Mme Patricia Mirallès, secrétaire d’État chargée des anciens combattants et de la mémoire, a annoncé une nouvelle revalorisation au 1er janvier 2023 afin de prendre en compte avec un an d’avance la revalorisation des traitements des fonctionnaires, sur lesquels cette prestation est indexée. La revalorisation sera donc de 3,5 %, ce qui représente, rapporté aux dépenses estimées à 509,42 millions d’euros pour 2023, une hausse de 17,8 millions d’euros. Votre demande étant satisfaite, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement.

Enfin, s’agissant de retraites ou de prestations de même nature, ce n’est pas parce que les crédits sont totalement consommés qu’on cesse de verser les droits ou d’en liquider de nouveaux. L’augmentation des crédits de l’action ne signifie pas, à l’inverse, que les pensions vont être augmentées d’autant.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AS140 de M. Victor Catteau.

M. Victor Catteau (RN). Il s’agit d’augmenter les crédits finançant l’allocation versée aux anciens membres des formations supplétives d’Algérie – les harkis. Si le nombre d’anciens combattants bénéficiant de cette pension diminue légèrement, la baisse des crédits destinés à financer cette allocation en 2023 ressemble à un manque de considération terrible pour ceux qui se sont sacrifiés pour un pays qui n’était, à l’origine, pas le leur, mais qu’ils considéraient pourtant comme tel.

Par conséquent, nous souhaitons majorer l’action 04 Allocations de reconnaissance des anciens supplétifs de 1,5 million d’euros.

M. le rapporteur. Je le répète, s’agissant de retraites ou de prestations de même nature, ce n’est pas parce que les crédits sont totalement consommés qu’on cesse de verser les droits ou d’en liquider de nouveaux. On ne va pas refuser une retraite ou une allocation au demandeur en lui disant que les crédits votés en loi de finance sont épuisés.

Les crédits inscrits au PLF intègrent le doublement des montants de l’allocation de reconnaissance et de la rente viagère. Suite au discours du Président de la République du 20 septembre 2021, le Gouvernement avait déposé un amendement faisant passer les crédits de l’action de 19,1 à 37,6 millions d’euros, soit une hausse de 96,9 %.

En outre, les conditions d’attribution de l’allocation viagère versée aux conjoints ont été assouplies, notamment en supprimant les conditions de délais et de résidence.

Enfin, un dispositif de réparation des préjudices résultant de l’indignité des conditions de vie des personnes à leur accueil sur le territoire national a été créé. Je vous invite d’ailleurs à accompagner vos concitoyens dans leurs démarches auprès de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre de leur département, s’ils ont été accueillis à l’époque dans ces conditions.

Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AS141 de M. Victor Catteau.

M. Victor Catteau (RN). Cet amendement vise à augmenter les crédits finançant la pension versée aux sapeurs-pompiers victimes d’un accident. Alors que le nombre d’accidents chez les sapeurs-pompiers augmente chaque année, les crédits alloués à cette pension restent inchangés. C’est une preuve de négligence sinon d’indifférence à l’égard de ces héros du quotidien, qui sauvent un nombre incalculable de vies humaines. C’est pourquoi nous proposons de majorer de 1,5 million d’euros l’action 06 Pensions des sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d’accident.

M. le rapporteur. Bien entendu, les sapeurs-pompiers méritent la reconnaissance de la nation. Mais si votre amendement conduit à majorer le montant des crédits ouverts, il n’augmente pas pour autant le montant des prestations. Il est donc inopérant.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AS130 de Mme Isabelle Valentin et II-AS131 de Mme Josiane Corneloup.

Mme Isabelle Valentin (LR). Le gage prévu par cet amendement me dérange ; je vais donc le retirer. Reste que nous devons néanmoins nous pencher sur la situation des agents publics des chambres de commerce et d’industrie (CCI) dont le point d’indice n’a pas évolué depuis 2010. Il faut trouver une solution.

Mme Josiane Corneloup (LR). Il s’agit de s’assurer que la revalorisation du point d’indice de 3,5 % dans la fonction publique est étendue aux agents des CCI. En effet, ils sont dans une situation particulière puisque leur rémunération est calculée selon la valeur d’un point d’indice qui n’a pas évolué depuis 2010, soit sept années de plus que les fonctionnaires.

M. le rapporteur. Bien que très sensible à la situation des agents des CCI, et plus généralement de ceux des organismes consulaires, je pense que le CAS Pensions n’est pas le bon véhicule, car il est alimenté par les cotisations des fonctionnaires et de l’État employeur, qui ne peuvent financer que des retraites et non des revenus d’activité.

Je vous propose donc de retirer les amendements, même si la cause est juste.

Les amendements sont retirés.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le CAS Pensions n’est peut-être pas le bon véhicule budgétaire mais, localement, nous avons tous été alertés par les agents des CCI, qui n’ont rien obtenu depuis des années alors que le traitement des fonctionnaires a été revalorisé. Il conviendrait d’intervenir, monsieur le rapporteur pour avis.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale Pensions non modifiés.

Article 30 et état G

Amendement II-AS137 de M. Nicolas Turquois.

M. le rapporteur. Cet amendement fait le lien avec l’avis thématique que je viens de vous présenter. Les indicateurs de performance du « bleu » budgétaire du CAS Pensions n’évaluent que le coût de gestion du régime de retraite des fonctionnaires. Bien entendu, il est important, comme pour tout régime de retraite, de connaître et de maîtriser ce coût, mais mon avis rappelle à quel point la qualité du service fourni aux retraités et futurs retraités, la transparence sur les informations qui les concernent et la fiabilité du montant de leur retraite sont importantes.

C’est pourquoi il serait utile de connaître le nombre de dossiers présentant, à l’issue du processus de liquidation, des erreurs de calcul ayant une incidence financière, ainsi que le montant cumulé des erreurs constatées. L’indicateur existe pour les dossiers de retraite du secteur privé, mais pas pour ceux du secteur public.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous ne rejetons pas la philosophie générale de l’amendement, mais nous nous interrogeons sur l’indicateur du nombre de contacts téléphoniques que vous souhaitez voir pris en compte. On peut craindre de possibles dérives et la multiplication des interactions entre l’usager et le service public si aucun critère de qualité n’est prévu. À l’extrême, ne cherchera-t-on pas à ne pas rendre le service immédiatement pour que l’usager rappelle une ou deux fois et contribue ainsi à l’amélioration de l’indicateur ?

M. le rapporteur. Les maisons France Services ont permis d’améliorer la qualité des échanges avec un certain nombre de publics, mais le service des retraites de l’État ne dispose toujours pas d’un accueil physique. Or, s’agissant de démarches administratives, il est toujours préférable de dialoguer avec une personne identifiée plutôt qu’avec une machine – ce point a fait l’objet de recommandations de la Défenseure des droits. Il s’agit ici de poser la question de l’évaluation du service, mais il faudra sans doute y revenir.

La commission adopte l’amendement.

Après l’article 47

Amendement II-AS138 de Mme Justine Gruet (LR).

Mme Justine Gruet (LR). Il s’agit de demander un rapport chiffrant les variations des montants de retraite entre ceux qui ont cotisé toute leur vie et les autres, une situation qui met à mal notre contrat social. La différence de revenus n’est pas assez nette entre les premiers et les seconds.

Les responsables publics ne peuvent se satisfaire que les Français qui travaillent dur toute leur vie, pour eux et pour la société, touchent, au moment de prendre leur retraite, une pension équivalente à ceux qui ne l’ont pas fait, ou peu.

Plusieurs causes permettent d’expliquer ces situations diverses, comme les congés maternité ou les accidents de la vie. Le législateur doit disposer de toutes les informations afin de revaloriser le travail.

M. le rapporteur. Je partage votre interrogation, notamment s’agissant de salariés qui ont travaillé toute leur vie au Smic, face à d’autres, dont la carrière a été beaucoup plus hachée ou discontinue.

Toutefois, l’objet de cette demande de rapport est beaucoup plus large que le champ du CAS Pensions. De plus, les informations que vous souhaitez obtenir sont déjà disponibles dans les études annuelles de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Justine Gruet (LR). Je m’interroge également sur la situation des femmes d’agriculteurs qui n’ont pas beaucoup cotisé et n’ont pas droit au minimum vieillesse, alors que quelqu’un qui n’a jamais cotisé au système en bénéficie. Je souhaiterais que l’on s’interroge sur cette injustice dans le cadre du débat à venir sur les retraites et suis prête à retirer mon amendement si j’en ai la garantie.

M. le rapporteur. Le statut du conjoint d’exploitant a été une préoccupation de l’Assemblée nationale au cours des dernières années. Il a apporté une protection sociale à des personnes qui n’en avaient pas mais il n’en demeure pas moins une trappe à faible retraite, reflet du faible effort de cotisation. Or la sociologie des agriculteurs évoluant comme celle de la société, il arrive que des couples d’exploitants se séparent. Le conjoint se retrouve alors avec des droits extrêmement faibles.

Une disposition a été adoptée à l’initiative de notre collègue André Chassaigne, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 et qui limite le statut de conjoint collaborateur à une durée de cinq ans maximum, afin d’accompagner le lancement d’un projet. Elle a également permis la revalorisation des pensions des conjoints d’exploitants. Si le conjoint poursuit sa collaboration au-delà de cinq ans, il doit opter pour un autre statut, de co‑exploiter par exemple, avec un effort de cotisation plus important, mais également des droits à retraite supérieurs, même s’ils restent faibles. Par ailleurs, au regard de l’égalité homme-femme, le message a son importance.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). On peut interpréter l’amendement de deux façons : la défense de la valeur travail passe soit par la réduction des retraites de ceux qui ont le moins cotisé, soit par l’augmentation des salaires, Smic en tête, et l’extension des cotisations de retraite aux pseudo-contrats sous-rémunérés que constituent les services civiques ou les stages.

La commission rejette l’amendement.

 

 


—  1  —

   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

            Cour des comptes  M. Jean-Luc Fulachier, conseiller maître, rapporteur général du rapport de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale, et Mme Laure Terrasse, auditrice, responsable de la mission de certification des comptes de la branche vieillesse du régime général

            M. Philippe Charlin, gérant et fondateur de Marche et démarches

             Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) Mme Valérie Aviles, directrice métier retraite et invalidité, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

            Service des retraites de l’État (SRE) – M. Guillaume Talon, inspecteur général de l’Insee

            Audition conjointe :

– Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV)  M. Renaud Villard, directeur

 Association générale des institutions de retraite des cadres  Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO)  M. Didier Weckner, président, et M. François-Xavier Selleret, directeur général

            Conseil départemental de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) de la Vienne  M. Bernard Pouit, vice-président du collège des personnes âgées

            GIP Union Retraite  M. Stéphane Bonnet, directeur, M. Philippe Retailleau, directeur adjoint, et M. Thomas Tracou, directeur de la communication

            Caisse des dépôts et consignations (CDC)  M. Michel Yahiel, directeur des politiques sociales, M. Jean-Louis Barsottini, directeur du projet retraite au sein de la direction des politiques sociales (DPS), et Mme Giulia Carré, conseillère relations institutionnelles

            Inspection générale des affaires sociales (Igas)  M. JeanPhilippe Vinquant, inspecteur général des affaires sociales et président du collège protection sociale, et M. François Carayon, inspecteur général des affaires sociales

            Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – M. Guillaume Clédière, directeur du programme France Services, M. Patrick Vautier, directeur adjoint du programme France Services, et M. Antonin Faure Daran, chargé de projet partenariats, formation et qualité de service

            Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion –M. Léo Roesch, conseiller chargé des retraites au cabinet du ministre, Mme Joséphine Fossaert, conseillère parlementaire au cabinet du ministre, Mme Stéphanie Micalef, adjointe à la sous-directrice des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire (DSS/SD3), et Mme Claire Vincenti, sous-directrice du pilotage du service public de la sécurité sociale (DSS/SD4)

            Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale, M. Marc Loiselle, directeur de la protection des droits et des affaires publiques, et Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire

 

 


([1]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([2]) Rapport annuel 2021 publié par la Caisse des dépôts et consignations.

([3]) Chemin de fer de La Mure et transports en commun de la région lyonnaise.

([4]) Caisse autonome mutuelle de retraites des agents des chemins de fer secondaires dintérêt général, des chemins de fer dintérêt local et des tramways.

([5]) Rapport annuel 2021 publié par la Caisse des dépôts et consignations.

([6]) « Non-recours : à 70 ans, un tiers des assurés n’ont pas fait valoir tous leurs droits à retraite », Gabin Langevin et Henri Martin, Études et résultats, n° 1124, septembre 2019, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

([7]) Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de sécurité sociale, exercice 2021, mai 2022.

([8]) Chiffres fournis par le directeur du GIP Union Retraite lors de son audition.

([9]) Cf. infra ; il regroupe la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV-TS), la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), la retraite complémentaire des salariés du privé (AGIRC-ARRCO), l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC), la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (CRPNPAC), l’État, représenté par le service des retraites de l’État (SRE), l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE), la Caisse des dépôts et consignations, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), l’Établissement national des invalides de la marine (Enim), la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), la Caisse de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (CRP RATP), la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français (CPRPSNCF), la Banque de France, la Caisse de retraites du personnel de la Comédie-Française, la Caisse de retraites des personnels de l’Opéra national de Paris (CROPERA), le Port autonome de Strasbourg, la Caisse d’assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC), la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), la Caisse de prévoyance et de retraite des notaires (CPRN), la Caisse d’assurance vieillesse des officiers ministériels, officiers publics et des compagnies judiciaires (CAVOM), la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), la Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF), la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurskinésithérapeutes, pédicures podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO), la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), la Caisse d’allocation vieillesse des agents généraux et des mandataires non salariés de l’assurance et de la capitalisation (CAVAMAC), la Caisse d’allocation vieillesse des experts-comptables et des commissaires aux comptes (CAVEC), la Caisse interprofessionnelle de retraite des professions libérales (CIPAV), la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) et l’Institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC).

([10]) « Non-recours : à 70 ans, un tiers des assurés n’ont pas fait valoir tous leurs droits à retraite », op. cit.

([11]) L’un des régimes auditionnés par le rapporteur a communiqué comme exemple (anonymisé) de bulletin mensuel de retraite le document adressé à un assuré dont la retraite s’élève à moins de 6 euros brut.

([12]) Loi n° 2021-219 du 26 février 2021 relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire.

([13]) Article L. 161‑17‑1 du code de la sécurité sociale.

([14]) GIP Union Retraite, Rapport d’activité 2021, p. 11.

([15]) « La liquidation unique des régimes alignés au 30 juin 2019 », Katell Gorvan, Sébastien Odiot, Étude, les statistiques de la MSA, novembre 2021.

([16]) « La LURA (Liquidation Unique des Régimes Alignés) : l’objectif de simplification est-il atteint ? », EN3S, 2017/2018, p. 21.

([17]) L’environnement ENSAP a néanmoins la particularité d’être commun aux fonctionnaires en activité et aux fonctionnaires retraités.

([18]) Rapport « Améliorer la connaissance et le suivi de la pauvreté et de l’exclusion sociale », Solen Berhuet, Patricia Croutte et Radmila Datsenko, Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, novembre 2021.

([19]) Décret n° 2019‑969 du 18 septembre 2019 relatif à des traitements de données à caractère personnel portant sur les ressources des assurés sociaux.

([20]) « Évaluation du répertoire national commun de la protection sociale : bilan et perspectives », Inspection générale des affaires sociales, juin 2021.

([21]) Il s’agit d’un système de malus temporaire pour les retraités, s’ils sont nés en 1957 ou après, qui partent moins d’un an après l’obtention du taux plein au régime général.

([22]) Article l. 136‑8 du code de la sécurité sociale.

([23]) Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, Défenseur des droits, février 2022.

([24]) France Services, dossier de presse, février 2022.

([25]) Ce régime comptait 56 millions d’assurés, dont 13 millions de retraités, en 2018 (Les cahiers études et statistiques, n° 5, AGIRC-ARRCO, octobre 2021).

([26]) Article L. 161‑24 du code de la sécurité sociale.

([27]) GIP Union Retraite, Rapport d’activité 2021, p. 19.

([28]) GIP Union Retraite, Rapport d’activité 2021, p. 20.

([29]) « Continuer à adapter le système de retraite pour résorber les déficits et renforcer l’équité, Les enjeux structurels pour la France », Cour des comptes, octobre 2021.

([30]) Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de la sécurité sociale, exercice 2021, mai 2022.

([31]) A fortiori dans le cadre de la LURA, où un régime liquide selon des règles unifiées des droits acquis auprès de différents régimes.

([32]) Arrêté du 25 février 2016 fixant les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie mentionnées à l’article R. 3243‑2 du code du travail, modifié par l’arrêté du 23 décembre 2021.

([33]) Rapport d’activité 2021 du GIP, page 22.

([34]) « Le Répertoire de gestion de carrières unique (RGCU), un nouveau référentiel et des perspectives pour l’analyse sociale », Christian Sureau, Richard Merlen, Insee, Courrier des statistiques, N6–2021,, juin 2021, p. 64.

([35]) P. 125.

([36]) « Non-recours : à 70 ans, un tiers des assurés n’ont pas fait valoir tous leurs droits à retraite », op. cit.

([37]) Retraites et retraités modestes – Diagnostic et propositions, Mission petites retraites, Lionel Causse et Nicolas Turquois, mai 2021.

([38]) Rapport « Améliorer la connaissance et le suivi de la pauvreté et de l’exclusion sociale », op. cit.

([39]) Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?, op. cit.

([40]) Section de l’Alliance professionnelle Retraite Agirc-Arrco dédiée notamment au secteur de l’assurance ; site internet consulté le 27 octobre 2022.

([41]) « Sécurité numérique et risques : enjeux et chances pour les entreprises », tome II, p. 28, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, 2 février 2015.

([42]) Le nécessaire renforcement de la sécurité informatique est également évoqué, par exemple, dans la convention d’objectifs et de gestion 2022-2026 applicable à la Caisse de retraite du personnel de la RATP.

([43]) « Japon : l’Archipel des retraites perdues », Philippe Messmer, Le Monde, 28 mars 2008.

([44])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12407283_636228c83fcc2.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2023-suite--mission-regimes-spe-2-novembre-2022