—  1  —

 

 

N° 369

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2022

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023 (n° 273)

 

 

TOME III

 

 

DÉFENSE

 

Soutien et logistique interarmÉes

PAR M. Bastien LACHAUD

Député

——

 

 

 

Voir le numéro : 273

 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Première partie : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2023

I. Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées

A. L’action 1 « planification des moyens et conduite des opÉrations »

1. L’emploi des forces

2. Le renseignement d’intérêt militaire

3. Les systèmes d’information et de communication

4. Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

B. L’action 5 « logistique et soutien interarmées »

1. Les difficultés de transposition, par le service de santé des armées, des mesures de rémunération prises par le ministère de la santé au profit de la fonction publique hospitalière

a. Le complément de traitement indiciaire n’est actuellement versé qu’au personnel des hôpitaux d’instruction des armées

b. Une transposition des revalorisations indiciaires et indemnitaires qui prend six à douze mois

c. Une application tardive des mesures du Ségur de la santé

d. Une prime de lien au service nécessaire pour attirer et fidéliser les personnels

e. Une exclusion du SSA du champ de la NPRM en raison du statut particulier de ses personnels

2. Un service de l’énergie opérationnelle confronté à plusieurs difficultés majeures en termes de ressources humaines et budgétaires

a. Des tensions sur le budget de fonctionnement

b. Des difficultés de recrutement

c. De fortes tensions sur les stocks stratégiques

d. Les conséquences de la flambée du cours du baril sur le poste budgétaire de l’état-major des armées consacré aux dépenses de carburant : manque d’anticipation ou insincérité budgétaire ?

3. Deux enjeux propres au service du commissariat des armées : un éclatement des responsabilités dans la gestion des bornes électriques et des stations-service et un manque de ressources budgétaires en matière d’entretien des infrastructures de restauration

a. Un éclatement des responsabilités en matière de gestion des bornes électriques et des stations-service

b. Un manque de moyens d’entretien des infrastructures et équipements de restauration

4. Un service interarmées des munitions contraint par le poids croissant des normes

a. Une ressource en pyrotechniciens militaires juste suffisante

b. Des normes trop contraignantes au regard de l’impératif opérationnel

C. Les actions 6 et 7 relatives auX surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

II. Le programme 212 « soutien de la politique de défense »

A. Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212

B. Le volet hors titre 2 du programme 212

1. Un service d’infrastructure de la défense contraint d’externaliser faute de personnels suffisants, au détriment du budget des armées

2. Le déménagement contraint du service historique de la défense, conséquence de la construction du futur siège de la DGSE au fort neuf de Vincennes

3. Une révision des loyers du parc domanial qui interroge

Seconde partie : La nouvelle politique de rémunération des militaires

I. La rémunération des militaires avant la NPRM reposait sur un système complexe devenu illisible et inique

A. Le volet indiciaire : des grilles de plus en plus aplaties et un point d’indice trop longtemps gelé

1. Une faible progression voire un aplatissement des grilles indiciaires

2. Un point d’indice quasi gelé pendant une douzaine d’années et dont le rattrapage de 3,5 % en 2022 reste très insuffisant au regard de la forte hausse du taux d’inflation

B. Le volet indemnitaire : un foisonnement de primes source d’illisibilité voire d’inéquité

1. Le système antérieur à la NPRM comptait 174 primes

a. Les primes liées à la disponibilité et à la mobilité

i. L’indemnité pour charges militaires compense la sujétion de disponibilité

ii. Le complément et le supplément d’indemnité pour charges militaires compensent la sujétion que représentent les mutations et leur fréquence

iii. La majoration d’indemnité pour charges militaires indemnise la charge pour les familles

b. Les primes opérationnelles

i. L’indemnité de sujétions spéciales à l’étranger

ii. L’indemnité pour services en campagne

c. Les primes de milieu

d. Les primes de qualification

e. Une importance variable des différentes primes dans le volet indemnitaire de la solde

2. Un système complexe et à bout de souffle mais qui présentait certains avantages

C. L’échec des deux réformes précédentes et le traumatisme de la réforme louvois, sources de pression pour réussir coûte que coûte la NPRM ?

II. Le cadre global de la réforme en cours : une simplification nécessaire mais une méthode très contestable

A. Une simplification bienvenue

B. Une réforme mal nommée qui laisse de côté l’indiciaire, dans un contexte d’appauvrissement généralisé des familles de militaireS

C. Une augmentation de crédits conséquente mais une réforme construite à partir d’une enveloppe contrainte

D. Une forfaitisation synonyme d’érosion dans le temps, en l’absence de clause de revalorisation

E. Un manque de cohérence

1. Une réforme déconnectée de celle des pensions de retraite

2. Une réforme peu concertée, lancée sans simulation, étude d’impact ni plan de communication adapté

a. Une concertation sans véritable participation

b. L’absence de simulations fournies aux directions des ressources humaines des armées, directions et services par le « guichet unique »

3. Un « saucissonnage » de la réforme, qualifié de « démarche incrémentale », qui empêche toute vision d’ensemble du dispositif

F. Une indemnité de mobilité géographique globalement bien accueillie mais ayant des effets marginaux non négligeables sur la fidélisation des plus expérimentés

1. Remplaçant l’ancienne « prime de rideaux », l’IMGM est globalement bien perçue

2. Une IMGM versée même en l’absence de déménagement effectif et aux effets incertains sur le célibat géographique, une fois cumulée avec la future indemnité de garnison

a. Une indemnité versée même en l’absence de déménagement effectif

b. Un plafonnement à 9 mutations qui interroge

c. Un élargissement de l’assiette qui entraîne une progression très faible de l’indemnisation au-delà de quatre enfants à charge

d. Une indemnité forfaitisée

G. Outre que sa forfaitisation interroge, L’Indemnité pour sujétion d’absences opérationnelles devra être ajustée pour tenir compte de certaines situations particulières

H. Un décalage inique entre les montants de la PCRM et la PERF

I. L’introduction d’une logique de rémunération à la performance : un changement de philosophie allant à l’encontre de la singularité militaire

J. Les effets incertains, sur la solde des militaires, de la transformation de l’ICM et de la MICM en indemnité d’état militaire et en indemnité de garnison

1. L’indemnité d’état militaire a pour objet de remplacer l’indemnité pour charges militaires

2. La fiscalisation de l’IGAR soulève la question du gain après impôt de la réforme de l’ICM et de la MICM

K. La prime de parcours professionnel des militaires (3PM) : un dispositif contingenté ne tenant pas compte des militaires du rang

L. La prime de compétences spécifiques (PCS), une prime forfaitisée qui laisse de côté certaines spécialités

III. Une « nouvelle politique » qui doit s’inscrire dans une réflexion plus globale sur le pouvoir d’achat des militaires

A. Une mobilité ayant des conséquences directes sur le revenu des familles

1. Le serpent de mer du coût du logement, en particulier en Île-de-France

2. La nécessité de redoubler d’efforts pour accompagner les conjoints de militaire à chaque mobilité

B. Une chute vertigineuse des revenus pour les militaires quittant les armées à l’âge limite légal de départ à la retraite

Travaux de la commission

I. Auditions devant la commission

1. Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

2. Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

3. Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration

4. Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

II. Examen des crédits

Annexe n° 1 : liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

Annexe n° 2 : comparaison de l’indemnisation de la mutation avant et après réforme


—  1  —

 

 

« Notre ressource la plus précieuse, ce sont les hommes et les femmes qui ont décidé de s’engager et qui s’engageront demain pour protéger la France. »

Général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées ([1])

 

Le Gouvernement annonce que le trait principal de la mission Défense dans le projet de loi de finances pour 2023 est le respect de la « marche » des 3 milliards d’euros prévue par la loi de programmation militaire pour 2019-2025. La conformité du projet de loi de finances à la programmation budgétaire pluriannuelle n’est pourtant qu’apparente. Rien que la revalorisation du point d’indice de la fonction publique représente 366 millions d’euros, soit plus de 10 % de cette marche. À cela s’ajoute la hausse des coûts des facteurs. C’est en particulier le cas pour les carburants. L’hypothèse de construction du budget de l’an prochain se fonde sur un baril à 63,30 euros. Or, entre janvier et août de cette année, le cours moyen du Brent s’est élevé à 96,77 euros. Il est un autre facteur de renchérissement pour les armées qui, lui, est indépendant de l’inflation : l’externalisation des contrats d’infrastructure, rendue nécessaire par le décalage croissant entre la charge d’activité du service d’infrastructure de la défense et un manque criant d’effectifs dans le service. Ces externalisations pèsent considérablement sur les budgets des armées. Il convient donc d’y mettre fin, surtout dans le contexte stratégique actuel. Le rapporteur revient sur ces éléments et met en lumière des difficultés propres aux principaux services de soutien dans la première partie de son rapport.

En seconde partie, le rapporteur évoque la nouvelle politique de rémunération des militaires.

Cette réforme a été lancée en 2021 avec l’indemnisation de la mobilité géographique des militaires et poursuivie en 2022 avec l’indemnisation des absences opérationnelles et les primes de commandement, de responsabilité et de performance. L’an prochain sera le moment le plus important de cette « nouvelle politique » avec l’indemnisation de l’état militaire et l’indemnisation du non-choix par les militaires de leur lieu et de leur temps d’affectation, sous la forme d’une indemnité de garnison. Seront également versées des primes dites de compétences spécifiques et des primes de parcours professionnels.

Même si les militaires servant aujourd’hui dans les armées n’ont pas tous connu le traumatisme de la réforme Louvois, la question de la solde reste une source d’anxiété pour eux et leurs familles et cette affaire a laissé des séquelles durables.

Ayant eu l’occasion d’auditionner les armées, directions et services sur cette vaste réforme, sans malheureusement disposer des projets de textes réglementaires du troisième volet de la nouvelle politique de rémunération des militaires, le rapporteur en a tiré plusieurs constats.

La rémunération des militaires comprend quatre parts : l’indiciaire, l’indemnitaire, la pension et la rémunération « indirecte », c’est-à-dire le quart de place, l’hébergement etc. Pourquoi le Gouvernement commence-t-il par réparer la toiture avant les fondations de l’édifice ? Pourquoi avoir commencé par l’indemnitaire avant de traiter de l’indiciaire ? La rémunération indiciaire des militaires, qui entre dans le calcul de la pension, est pourtant largement insuffisante et la progression de cette part indiciaire est très faible entre le début et la fin de carrière, quels que soient le corps et le grade. Le tassement des grilles indiciaires va à l’encontre de l’objectif de fidélisation et remet en cause le principe d’escalier social. De surcroît, la NPRM est déconnectée de la réforme à venir des pensions militaires qui, elle aussi, suscite des inquiétudes.

Toujours sur le plan de la méthode, le Gouvernement a procédé par étapes, préparant les textes réglementaires au fur et à mesure, sur trois ans. Cette manière de faire empêche les services comme la concertation d’avoir une vision d’ensemble des effets conjugués de la réforme. On peut comprendre que la réforme entre en vigueur par étapes pour s’assurer que le système Source Solde fonctionne bien et pour étaler dans le temps les effets budgétaires de cette nouvelle politique mais encore eût-il fallu présenter les projets de textes aux intéressés d’un seul trait. Le ministère aurait aussi dû fournir aux armées, directions et services ainsi qu'à la concertation des simulations et études d’impact précises sur tout le dispositif.

Sur le fond, plusieurs principes retenus par le Gouvernement semblent contestables.

En année pleine, ce sont plus de 480 millions d’euros de mesures supplémentaires qui seront consacrés à la réforme. Certes. Le problème n’est pas le court terme mais le moyen terme. La plupart des primes sont forfaitisées, à l’exception de la prime de parcours professionnel, alors que plusieurs d’entre elles étaient auparavant indexées. En période d’inflation – a fortiori quand elle est importante comme c’est le cas actuellement –, la forfaitisation ne peut se traduire que par une érosion des revenus dès lors qu’aucune revalorisation automatique n’est prévue. L’objectif recherché est bien la maîtrise de la masse salariale et non la condition militaire.

Autre principe paraissant philosophiquement inacceptable : l’introduction d’une part variable dans la prime versée aux militaires exerçant des responsabilités en état-major. Outre que cela pose des problèmes de cohésion, il existe déjà un mécanisme permettant de valoriser le mérite des militaires : la notation, l’avancement et donc l’indiciaire, auquel le Gouvernement n’a pas touché. Sachant que les militaires acceptent de donner leur vie pour leur pays, il est surprenant de les soumettre à une logique pécuniaire de récompense financière allant à l’encontre de ce qui fait la singularité militaire.

La fiscalisation de l’indemnité de garnison suscite aussi des inquiétudes, en particulier pour les locataires chargés de famille qui touchaient auparavant la majoration d’indemnité pour charges militaires et qui pourraient voir leur fiscalité augmenter malgré la compensation prévue par le Gouvernement. Cela pourra notamment concerner ceux des militaires qui verront leur indemnité de mobilité plafonner au-delà de neuf mutations. Cela pourra aussi concerner les militaires dont le conjoint ou la conjointe a des revenus conséquents – mais pas que. Cette hausse du revenu imposable pourrait également avoir des effets sur les militaires du rang et les sous-officiers en début de carrière qui pourraient perdre leur droit à certaines prestations sociales. Le ministère a certes prévu de couvrir cette fiscalisation par une mesure de périmètre mais comment être sûr que les « perdants » seront bien identifiés ?

La mobilité a des répercussions considérables sur l’activité professionnelle des conjoints et sur le revenu global des familles de militaires. Il en résulte un appauvrissement de ces familles par rapport aux ménages de même niveau socio-professionnel. La nouvelle politique de rémunération des militaires ne résoudra pas cette difficulté et ceux des militaires qui poursuivent leur carrière jusqu’à atteindre la limite d’âge voient leur revenu s’effondrer lorsqu’ils liquident leur pension. Seule une réévaluation indiciaire redonnera aux familles de militaires un revenu à la hauteur de leur investissement pour la défense de la Nation.

 



—  1  —

 

   Première partie : Les crédits relatifs au soutien et à la logistique interarmées dans le projet de loi de finances pour 2023

Le présent rapport pour avis porte sur un ensemble cohérent de crédits consacrés aux soutiens. Dans la nomenclature budgétaire, ils se répartissent entre deux programmes :

– le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour les quatre de ses sept actions qui ne retracent pas spécifiquement des dépenses liées à la préparation et à l’emploi d’une armée (I) ;

– le programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens (II).

I.    Le programme 178 « préparation et emploi des forces » relatif au soutien et à la logistique interarmées

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » est placé sous la responsabilité du chef d’état-major des armées (CEMA). Il constitue le cœur de la mission « Défense ». L’objet du programme est en effet de remplir les missions confiées aux armées tout en veillant au maintien d’un haut niveau de préparation opérationnelle. Sur les sept actions que comporte le programme 178, quatre retracent des dépenses transversales relevant de la planification des moyens et de la conduite des opérations, du soutien et de la logistique interarmées ou encore des surcoûts liés aux opérations intérieures et extérieures. C’est sur ces quatre actions que porte l’avis du rapporteur, s’agissant du programme 178. Les trois autres actions retracent spécifiquement les dépenses de préparation des forces terrestres, navales et aériennes et font l’objet d’une analyse distincte par les rapporteurs pour avis désignés à cet effet.

Cadrage global du programme 178

Le Gouvernement présente le projet de loi de finances pour 2023 comme respectant la hausse de 3 milliards d’euros prévue par la loi de programmation militaire par rapport à la loi de finances initiale de 2022. Tel n’est pas véritablement le cas puisque la revalorisation du point d’indice de la fonction publique représente à elle seule 366 millions d’euros sur le titre 2, soit plus de 10 % de cette marche. À cela s’ajoute la hausse des coûts des matières premières, des carburants et des denrées alimentaires. Ainsi, les effets de l’inflation sur les dépenses de fonctionnement sont évalués à 400 millions d’euros.

Les crédits consacrés aux dépenses d’infrastructure devraient s’élever à environ 2,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,1 milliards d’euros en crédits de paiement. S’agissant des soutiens, les dépenses d’infrastructure concerneront les ensembles d’alimentation (en particulier à Bourogne, Toulon et Querqueville) ; la transformation du service du commissariat des armées et de l’aménagement des espaces ATLAS (en particulier à Metz, Tours et Marseille) ; des mises aux normes, notamment dans le cadre du lancement du plan eau ; enfin, le soutien et la logistique opérationnelle (munitions et carburants).

Les crédits de paiement prévus par le projet de loi de finances pour 2023 pour l’entretien programmé des matériels sont de 4,9 milliards d’euros, en hausse de 550 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette hausse doit notamment permettre, s’agissant des services de soutien :

- au profit du SSA, la sécurisation des systèmes d’information du service, la modernisation des unités médicales opérationnelles et des antennes de réanimation et de chirurgie de sauvetage, l’acquisition d’équipements au profit des hôpitaux d’instruction des armées et des centres médicaux des armées ;

- la mise en œuvre du plan d’équipement pour améliorer les conditions de stockage et la durée de vie des munitions du service interarmées des munitions (SIMu) ;

- le blindage des camions-citernes pétroliers de 10 m3 (Crédits de paiement) du service de l’énergie opérationnelle, l’acquisition de réservoirs souples et de cuvettes de rétention et la cybersécurisation des automatismes métiers des dépôts de carburants.

A.   L’action 1 « planification des moyens et conduite des opÉrations »

 

L’action 1 du programme 178 regroupe les crédits concourant au financement de plusieurs missions et organismes interarmées. Les crédits de cette action, de 1,003 milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 812,076 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2023, augmenteront surtout au profit des infrastructures des systèmes d’information et de communication et des dépenses de fonctionnement du renseignement d’intérêt militaire.

1.   L’emploi des forces

La sous-action « Emploi des forces » porte le financement des activités de l’État-major des armées et des organismes et états-majors interarmées. Son périmètre recouvre essentiellement quatre domaines d’activité :

- les activités internationales des armées, notamment au profit de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et de l’Union européenne (UE), hors opérations extérieures. Elles correspondent aux contributions de la France au fonctionnement de l'OTAN (budget de fonctionnement des états-majors, agences et centres d’excellence, pensions du personnel civil de la structure de commandement intégrée), aux programmes d’investissement de l’Alliance et au budget du réseau des oléoducs de centre-Europe (CEPS). Au titre de l’UE, elles financent la contribution française au budget du Centre satellitaire de l’Union européenne (CSUE) et également, depuis 2022, des mesures d’assistance de la Facilité européenne de paix. Ces activités participent en outre au soutien de l’action des postes permanents à l’étranger du réseau OTAN et Union européenne, au financement des actions de coopération opérationnelle conduites par l’état-major des armées (contre-terrorisme, renforcement des capacités des pays africains au maintien de la paix) et des actions de coopération régionale menées par les forces de présence et de souveraineté ;

- les actions de cyberdéfense et le développement ainsi que la mise en œuvre des systèmes d’information opérationnels et de commandement ;

- le transport stratégique contractualisé au profit de l’état-major des armées, des armées, des services interarmées, pour les besoins de la préparation opérationnelle ou à destination des forces de présence et de souveraineté, hors opérations extérieures ;

- les dépenses participant à la préparation et à l’emploi des forces, hors opérations extérieures. Elles recouvrent les dépenses liées aux exercices interarmées conduits par le Commandement pour les opérations interarmées (crédits de paiement OIA), le Commandement des opérations spéciales et les états-majors interarmées d’outre-mer et de l’étranger, les activités des états-majors et organismes interarmées – tels que l’Établissement géographique interarmées ou encore la Direction de l’enseignement militaire supérieur – et également les actions sur l’environnement (ex- actions civilo-militaires) dans le cadre des états-majors interarmées d’outre-mer et à l’étranger.

Le projet de loi de finances pour 2023 s’inscrit dans les orientations de la loi de programmation militaire 2019-2025 en faisant notamment porter les priorités sur le financement des organisations internationales dont la hausse significative résulte d’une part de l’agenda OTAN 2030 et d’autre part des mesures de l’Union européenne en faveur des forces armées ukrainiennes.

Après une hausse de 4 % l’an dernier, les crédits de paiement inscrits à la sous-action 10 augmenteront de 56 % en 2023 pour s’établir à 506 millions d’euros d’autorisations d’engagement et à 376 millions d’euros de crédits de paiement.

Les dépenses d’intervention prévues pour 2023 devraient s’élever à 357 millions d’euros en autorisations d’engagement contre 174 millions d’euros en loi de finance initiale pour 2022.

66,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 62,9 millions d’euros en crédits de paiement sont consacrés aux dépenses d’activité opérationnelle :

- 22,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 21,2 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus au titre de l’activité et de l’entraînement des forces. Ils permettront principalement le financement des activités et de l’entraînement des états-majors (forces prépositionnées, zone de défense et de sécurité, état-major des armées), les actions de coopération régionale ainsi que l’organisation et le déroulement d’exercices interarmées de niveau stratégique et opératif. Les dépenses d’AOP incluent une participation de l’état-major des armées de l’ordre de 2 millions d’euros en autorisations d’engagement/crédits de paiement à l’exercice interarmées ORION ;

- 44,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 41,7 millions d’euros en crédits de paiement sont attribués au transport de matériel et au déplacement des personnels ;

- 170,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 160,3 millions d’euros en crédits de paiement sont consacrés aux dépenses d’équipements d’accompagnement et de cohérence (EAC). Ils comprennent notamment les appels à contribution aux programmes d’investissement de l’OTAN, les dépenses soutenant les politiques de cyberdéfense et de cyberprotection, les achats, le développement et la maintenance des systèmes d’information et de communication et les actions de coopération opérationnelle militaire de l’état-major des armées ;

- 269,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 153,1 millions d’euros en crédits de paiement sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et activités spécifiques :

- 7,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 7,4 millions d’euros en crédits de paiement permettront de financer le soutien aux ressources humaines (formation), les dépenses de communication et relations publiques ainsi que des prestations intellectuelles ;

- 261,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 145,7 millions d’euros en crédits de paiement sont affectés aux activités de relations internationales (dont les contributions au profit de l’OTAN et de l’Union européenne).

2.   Le renseignement d’intérêt militaire

La sous-action 11 retrace les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM), consacrés à l’acquisition et à l’entretien d’équipements à vocation opérationnelle ainsi qu’au soutien des principales missions de la DRM : appui aux théâtres d’opérations et échanges bilatéraux avec les partenaires étrangers.

Placée sous l’autorité du chef d’état-major des armées, la direction du renseignement militaire (DRM) a pour mission d’éclairer la prise de décision autonome des hautes autorités politiques et militaires. Elle appuie les forces armées en fournissant le renseignement nécessaire à la planification et à la conduite de la manœuvre militaire. Elle assure une veille stratégique permanente. Elle dispose de centres spécialisés et d’un centre de formation concourant à son autonomie d’action. Ses objectifs sont fixés à la fois par le chef d’état-major des armées et par le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT). La direction compte près de 2 100 agents dont environ 70 % de militaires. De plus, la DRM est le chef de file de la fonction interarmées du renseignement, et coordonne fonctionnellement les moyens de renseignement issus des trois armées, représentant 8 000 personnes.

Les crédits prévus en 2023 pour le renseignement d’intérêt militaire s’élèvent à 62 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 55 millions d’euros en crédits de paiement, contre 52,29 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 51,25 millions d’euros en crédits de paiement en 2022.

 

Le projet ARTEMIS IA

Des investissements soutenus ont eu lieu tout au long de la XVe législature afin de financer la transformation numérique du service et notamment le projet d’architecture d’exploitation et de traitement massive de l’information multi-sources ou ARTEMIS IA, qui doit servir de socle technique pour accueillir les outils d’intelligence artificielle nécessaires au traitement des données. L’entrée en service d’ARTEMIS IA est prévue pour la fin de l’année 2022 ou le début de l’année 2023.

3.   Les systèmes d’information et de communication

 

La sous-action 14 retrace les crédits de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), qui a pour mission de gérer et de maintenir en condition les matériels de télécommunication, de communication et d’information, au profit des armées, directions et services du ministère de la défense.

 

Pour 2023, les crédits alloués aux systèmes d’information et de communication s’établissent à 397,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et à 360,7 millions d’euros en crédits de paiement, contre 374,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 362,9 millions d’euros en crédits de paiement en 2022.

Les enjeux de numérisation du ministère des Armées

La numérisation des armées, directions et services contribue directement à la performance des métiers concourant à l’efficacité opérationnelle des forces armées. La conquête de la supériorité opérationnelle suppose une mise en réseau systématique dans un environnement contesté interarmées et interallié. Elle requiert la fusion et le traitement de grandes quantités de données pour améliorer l’appréciation de situation, contribuer à la décision et démultiplier l’effet des effecteurs et ce dans un contexte de menace cyber grandissante. L’hétérogénéité des données à traiter (de la source ouverte à la donnée classifiée) et le besoin de réactivité et de résilience imposent de disposer de réseaux capables de transporter des flux importants.

Le ministère doit dès lors se doter de capacités de calcul haute performance, d’outils d’intelligence artificielle, de réseaux d’infrastructures et de dessertes à la hauteur de ses ambitions. Le numérique doit être centré sur la donnée, son accès, son traitement et son partage pour exploiter de façon optimisée l’ensemble des capteurs déployés, la maîtrise des nouveaux concepts tels que le data centric security, facteur du maintien de notre interopérabilité avec nos principaux alliés et l’OTAN est primordiale.

Enfin, le domaine numérique voit émerger de nouveaux métiers tirés par les nouvelles technologies et leur champ d’application. Cette évolution des compétences couplée à un besoin fort de souveraineté et de résilience en tout temps et tout lieu, notamment dans l’hypothèse d’un engagement majeur, impose au ministère des Armées de disposer en propre d’une ressource humaine en nombre et en qualité et ce, sur tout le spectre des métiers qui contribuent à ses missions.

4.   Les infrastructures des systèmes d’information et de communication

 

La sous-action 21 définit les programmes d’infrastructure à lancer et à conduire dans les établissements de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI) en métropole, outre-mer et à l’étranger, ainsi que des organismes qui lui sont rattachés organiquement.

 

Pour 2023, les crédits alloués aux infrastructures des systèmes d’information et de communication s’établissent à 37,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 19,7 millions d’euros en crédits de paiement. En loi de finances initiale pour 2022, les crédits dédiés aux infrastructures des systèmes d’information et de communication s’élevaient à 18,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 17,8 millions d’euros en crédits de paiement.

B.   L’action 5 « logistique et soutien interarmées »

Le budget de l’action 5, qui s’élève à 2,969 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,524 milliards d’euros en crédits de paiement, est en hausse pour l’exercice 2023 (+ 35 % en autorisations d’engagement et + 24 % en crédits de paiement).

L’action 5 du programme 178 regroupe les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention de plusieurs fonctions de soutien, spécialisés ou communs. La majorité des crédits finance le soutien de l’homme à travers le service du commissariat aux armées et les bases de défense et concourt donc directement à l’efficacité opérationnelle, à la protection des militaires, à leur moral et à leur fidélisation. Elle vise aussi au financement du service de santé des armées, du service de l’énergie opérationnelle et du service interarmées des munitions.

En sus de la présentation des crédits que le projet de loi de finances prévoit d’allouer aux services de soutien, le rapporteur mettra en relief des problématiques spécifiques à chaque service. S’agissant du service de santé des armées, il évoquera les délais de transposition, aux personnels du service, des mesures de rémunération prises par le ministère de la santé au profit de la fonction publique hospitalière (1). Il abordera ensuite l’insuffisance des crédits consacrés au carburant des armées (2), l’éclatement des responsabilités dans la gestion des bornes électriques et des stations-service, le manque de ressources budgétaires en matière d’entretien des infrastructures de restauration (3) et le poids croissant des normes dans le budget du service interarmées des munitions (4). Enfin, il présentera l’action consacrée aux surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures (5).

1.   Les difficultés de transposition, par le service de santé des armées, des mesures de rémunération prises par le ministère de la santé au profit de la fonction publique hospitalière

Le service de santé des armées (SSA) remplit une mission unique : assurer le soutien médical des forces armées et des formations rattachées quelles que soient les circonstances. Il assure des fonctions de soin physique et psychique, d’aptitude médicale, d’expertise et de conseil médical au commandement. Depuis les théâtres d’opérations, le SSA déploie une chaîne santé opérationnelle complète et autonome. Au-delà de la prise en charge du blessé de guerre, le SSA dispose de savoir-faire techniques spécifiques, notamment face aux menaces NRBC. L’offre de soins proposée par le SSA est étendue à différents ayants droits, notamment les anciens militaires, les familles de militaires et les personnels civils de la défense. Le SSA participe par ailleurs au système national de santé grâce aux hôpitaux d’instruction des armées qui contribuent à l’offre de soins sur le territoire. Enfin, le SSA peut mettre, sous réserve de la priorité donnée aux forces armées et selon certaines conditions, ses capacités au service de la résilience de la Nation, notamment en cas de situation sanitaire exceptionnelle.

Par rapport à 2022 et hors dépenses de personnel (titre 2), le budget du SSA devrait augmenter de 19,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3,4 millions d’euros en crédits de paiement en 2023 en ce qui concerne les dépenses de fonctionnement (titre 3 : 143,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et 115 millions d’euros en crédits de paiement). La hausse sera de 126,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (pour un total de 181,7 millions d’euros) et de 7,4 millions d’euros en crédits de paiement (pour un total de 98,3 millions d’euros) pour les dépenses d’investissement (titre 5). Selon les informations fournies au rapporteur, les évolutions entre le projet de loi de finances pour 2023 et la loi de finances initiale de 2022 résultent, pour le titre 3, d’une compensation de la baisse des recettes non fiscales du service ([2]) par une augmentation de la couverture en crédits budgétaires et, pour le titre 5, de l’engagement en 2023 d’opérations d’infrastructures d’importance, au profit de l’établissement de ravitaillement sanitaire des armées de Marolles et de la sécurisation des systèmes d’information.

Pour le rapporteur, qui consacre la seconde partie de son rapport à la rémunération des militaires, il paraît essentiel d’évoquer à part la rémunération des personnels civils comme militaires du SSA – non seulement parce qu’elle est en dehors du champ de la nouvelle politique de rémunération des militaires mais surtout parce qu’elle constitue actuellement l’enjeu principal pour les personnels du service. Le rapporteur reviendra donc en détail sur les délais et difficultés de transposition, aux personnels du service de santé des armées, des mesures de rémunération profitant aux personnels de la fonction publique hospitalière.

 

Dès la mise en œuvre au sein de la fonction publique hospitalière des dispositions du plan Ségur de la santé, le ministère des Armées a mené des études d’impact visant à transposer les revalorisations statutaires et indiciaires intéressant les personnels paramédicaux. Les praticiens des armées n’ont pas bénéficié du Ségur de la santé mais d’un plan antérieur d’amélioration des primes de qualification dit pré-nouvelle politique de rémunération des militaires (pré-NPRM). Toutefois, l’écart de rémunération qui existait antérieurement à la crise sanitaire entre les praticiens des armées et leurs confrères, praticiens hospitaliers publics, s’est à nouveau creusé depuis juillet 2020 avec l’application des mesures du Ségur de la santé aux personnels médicaux.

a.   Le complément de traitement indiciaire n’est actuellement versé qu’au personnel des hôpitaux d’instruction des armées

Dans le cadre du Ségur de la santé, un complément de traitement indiciaire de 49 points d’indice a été institué au profit de l’ensemble du personnel non médical hospitalier de la fonction publique hospitalière à compter du 1er décembre 2020.

Au sein du ministère des Armées, le complément de traitement indiciaire et le complément de solde indiciaire ne sont versés qu’au personnel non médical, civil et militaire, exerçant en hôpital d’instruction des armées (HIA) et à l’Institution nationale des invalides (INI), quelles que soient ses fonctions et sa « couleur d’uniforme ». Cela concerne 5 656 bénéficiaires pour un coût en année pleine, hors compte d’affectation spéciale pensions, de 18,4 millions d’euros sur 12 mois.

En revanche, ces deux compléments ne sont pas versés aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées relevant de la médecine des forces, ce qui introduit une différenciation dans le traitement des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées en fonction de leur employeur, leur parcours de soignants au sein du SSA étant essentiellement partagé entre le périmètre hospitalier et celui de la médecine des forces.

Cela concerne notamment les personnels du centre de transfusion sanguine des armées de Clamart et ceux de l’Institut de recherche biomédicale des armées de Brétigny-sur-Orge qui, en dépit de leur forte mobilisation pendant la crise sanitaire comme en temps ordinaire, ont un sentiment d’abandon, voire de discrimination.

En raison de ce déséquilibre, l’article 178 de la loi n° 2021-1900 de finances pour 2022 a institué une majoration de traitement et une indemnité équivalente au profit du personnel civil et militaire du ministère des Armées exerçant une profession paramédicale réglementée ou faisant usage du titre de psychologue au sein des centres médicaux du service de santé des armées et de leurs équipes mobiles. Cela concerne 1 365 bénéficiaires identifiés, dont 61 infirmiers de prévention civils. Cette majoration de traitement vise à maintenir la mobilité des agents entre les structures de la médecine des forces et les hôpitaux d’instruction des armées. Les textes réglementaires d’application de cette mesure – un décret et deux arrêtés –, publiés au Journal officiel du 6 mai 2022, fixent les personnes et les structures concernées ainsi que le montant des éléments de rémunération, dans des conditions qui sont plus restrictives que le complément de traitement indiciaire au profit de la médecine de premier recours. Cette étape de la transposition du dispositif du complément de traitement indiciaire et du complément de solde indiciaire a pris effet au mois d’avril 2022, à hauteur de 10 points d’indice dans un premier temps, pour un coût hors CAS pensions de 0,7 million d’euros. Dans un second temps, à échéance non fixée, le nombre de points d’indice sera de 20, et à terme, comme pour le complément de traitement indiciaire, de 49.

La poursuite de l’extension du bénéfice de la majoration de traitement au sein du SSA, en dehors des hôpitaux d’instruction des armées et de la médecine de premier recours, a été demandée aux tutelles pour les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées professionnels de santé ou faisant usage du titre de psychologue. Cette mesure est conditionnée par l’allocation d’une ressource budgétaire en mesure catégorielle.

L’article 42 du projet de loi de finances pour 2023 prévoit une extension du bénéfice de la majoration de traitement précitée au personnel soignant, civil et militaire, exerçant des fonctions au sein des éléments du SSA assurant une mission prioritaire de soutien sanitaire des forces armées. La liste des éléments éligibles à la majoration sera fixée par voie réglementaire.

b.   Une transposition des revalorisations indiciaires et indemnitaires qui prend six à douze mois

Les transpositions en cours au sein du ministère des Armées s’appliquent aux catégories de personnel civil et militaire ayant une homologie statutaire avec ceux de la fonction publique hospitalière. Sont concernés les corps de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées et ceux des fonctionnaires de l’État, civils paramédicaux du ministère des Armées.

S’agissant des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées, à titre préliminaire, le statut, créé en 1980, est fondé sur le principe d’homologie entre les corps militaires et ceux de la fonction publique hospitalière. Il est donc lié par les statuts correspondants de la fonction publique hospitalière pour la hiérarchie des grades et échelons ainsi que l’échelonnement indiciaire. Cependant, la transposition aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées des mesures prises en faveur des corps homologues de la fonction publique hospitalière ne peut être immédiatement applicable de plein droit aux militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées. En effet, d’une part, le ministre des armées, en vertu du pouvoir réglementaire dont il dispose, apprécie l’opportunité d’étendre aux personnels placés sous son autorité telle ou telle mesure applicable aux personnels relevant de la fonction publique hospitalière, en y apportant, le cas échéant, les adaptations rendues nécessaires par les spécificités des corps militaires et des missions qui leur sont confiées. D’autre part, le Conseil supérieur de la fonction militaire dont la consultation est une garantie fondamentale au sens de l’article 34 de la Constitution dispose d’un pouvoir de délibération.

Pour les primes et indemnités applicables aux personnels de la fonction publique hospitalière, le ministère des Armées étudie chaque dispositif en le confrontant au régime commun des primes et indemnités applicables aux militaires.

Le processus légistique et budgétaire intangible de transposition des textes au sein du ministère des Armées nécessite de 6 à 12 mois en moyenne.

c.   Une application tardive des mesures du Ségur de la santé

Dès leur application à la fonction publique hospitalière des mesures du « Ségur de la santé », le ministère des Armées a mené avec diligence les études d’impact visant à transposer les revalorisations statutaires et indiciaires intéressant les personnels paramédicaux.

S’agissant du premier volet de transposition du Ségur, l’agenda et le financement des revalorisations statutaires et indiciaires ont été arbitrés en interministériel pour une application au plus tôt et conjointe au profit du personnel civil et militaire, soit à compter du 1er janvier 2022.

Pour le deuxième volet de transposition du Ségur et de l’accord « Améliorer l’attractivité et les organisations de travail de la profession de sage-femme » signé le 22 novembre 2021, la date d’application de ces revalorisations sera celle de l’avis du Conseil supérieur de la fonction militaire qui s’est réuni en juin 2022. Le ministère des Armées a mené une étude approfondie pour la transposition des mesures aux corps de techniciens de laboratoire médical, de préparateurs en pharmacie et de diététiciens du fait du passage en catégorie A.

Concernant les primes et indemnités issues du Ségur, le SSA a demandé pour les corps de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées concernés l’importation de certains dispositifs dans le cadre de mesures catégorielles.

Pour le personnel paramédical civil du ministère des Armées, la transposition de toutes les mesures est appliquée, sous réserve de la validation des modalités juridiques, administratives et financières.

d.   Une prime de lien au service nécessaire pour attirer et fidéliser les personnels

Le personnel soignant du SSA bénéficie depuis 2019 du dispositif général de primes de lien au service, qui a pour but de favoriser tant l'attractivité que la fidélisation, en ciblant les spécialités les plus en tension. Ce dispositif complète d'autres mesures déjà adoptées (allocation financière spécifique de formation de l'armée de l’Air, rapprochement des règles d’indemnisation des gardes et astreintes hospitalières avec celles en vigueur au sein de la fonction publique hospitalière, etc.).

Si l’exercice de soignant militaire est singulier, les fortes tensions sur le marché du travail de la santé ont des retentissements directs sur l’attractivité et la fidélisation du SSA. La mise en application des mesures issues du Ségur de la Santé ou la compétition à laquelle se livrent les acteurs de la santé pour attirer les compétences critiques ne font qu’exacerber un phénomène déjà connu.

C’est donc à l’aune de ce contexte particulier que s’inscrit la politique d’attribution de la prime de lien au service au sein du SSA. Tant les montants engagés que les viviers bénéficiaires intègrent les contraintes générées par l’environnement de santé.

Les primes de lien au service attribuées par le SSA visent particulièrement à répondre aux objectifs suivants : rester compétitif sur un marché du travail de la santé en forte tension afin de pérenniser un recrutement sous contrat (praticiens et militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées), indispensable complément à la politique de recrutement ab initio ; renouveler l’engagement à servir de praticiens ou de militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées détenant des compétences rares ou critiques pour assurer notre contrat opérationnel.

e.   Une exclusion du SSA du champ de la NPRM en raison du statut particulier de ses personnels

L’application de la nouvelle politique de rémunération des militaires, sur laquelle le rapporteur revient en détail dans la seconde partie de son avis, a débuté en 2020 et doit s’achever en 2023. En raison de leur statut particulier, les personnels du SSA n’ont pas été intégrés dans le volet indiciaire de la réforme. L’homologie du statut des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées avec les corps de la fonction publique hospitalière et les projets de revalorisation des praticiens lancés préalablement (pré-NPRM) n’ont pas permis une entrée pleine et entière du personnel de santé dans le dispositif. À titre d’exemple, les militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées sont exclus du dispositif de prime de commandement et de responsabilité militaire (PCRM) en raison de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) statutaire que certains métiers perçoivent ou l’absence de revalorisation indiciaire des praticiens.

2.   Un service de l’énergie opérationnelle confronté à plusieurs difficultés majeures en termes de ressources humaines et budgétaires

Service interarmées subordonné à l’état-major des armées, le service de l’énergie opérationnelle (SEO) a pour mission historique « l’approvisionnement en tout temps et en tout lieu des produits pétroliers nécessaires aux armées ». Depuis le 1er janvier 2016, les recettes et les dépenses de la fonction pétrolière sont, par dérogation au principe d’unité budgétaire, séparées du budget général pour être retracées dans un compte de commerce n° 901, intitulé « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires ». Grâce à un découvert autorisé de 125 millions d’euros ([3]), ce compte de commerce apporte de la souplesse aux opérations conduites par le service de l’énergie opérationnelle en lui permettant d’acheter de gros volumes de carburant à tout moment. Ce mode de gouvernance budgétaire, qui isole la fonction pétrolière des autres domaines, incite également le SEO à une gestion active de la trésorerie et, pour cela, à la valorisation de ses prestations à l’égard de ses clients, dans le respect du principe d’équilibre du compte de commerce.

Les dépenses de personnel du SEO sont retracées dans la sous-action 58-01 du programme 212. Pour 2023, les dépenses de personnel prévues s’élèvent à 141,9 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2022, pour le même montant en crédits de paiement.

Le budget prévu dans le projet annuel de performance pour 2023 est de 60,91 millions d’euros, en hausse de 11,68 % par rapport au budget programmé en 2022 (54,54 millions d’euros).

a.   Des tensions sur le budget de fonctionnement

Le budget de fonctionnement (titre 3) du SEO est en légère progression à 32,31 millions d’euros (+ 7,16 %) alors que le budget d’investissement (titre 5) progresse de 24,39 millions d’euros à 28,60 millions d’euros (+ 17,26 %).

 

En 2023, le SEO prévoit d’enregistrer une diminution de la part relative des crédits de titre 3, limité au strict minimum du maintien en condition opérationnelle des matériels. Sans ce maintien en condition opérationnelle, la disponibilité technique des matériels pourrait être remise en cause. 60 % du budget de fonctionnement risquent d’être consommés par l’entretien de l’infrastructure et celui des équipements, en particulier des camions-citernes ([4]).

Le budget d’entretien des équipements, financé par le titre 3 programmé et alloué en 2021 et 2022, s’est avéré insuffisant pour atteindre l’objectif permanent de disponibilité technique fixé à 85 % pour les parcs majeurs du SEO. En effet, en raison du contexte de crise (COVID et guerre en Ukraine), l’inflation des prix du maintien en condition opérationnelle dans le secteur privé ([5]) a nécessité des arbitrages financiers qui ont permis de maintenir la disponibilité technique. L’augmentation en 2023 des crédits de titre 3 matériel ne permettra pas de réduire la dette en disponibilité technique mais uniquement de compenser l’augmentation des coûts des pièces de rechange pour les consommations courantes (hors réalisation de stocks).

En 2023, le budget prévisionnel consacré aux équipements (titre 3 et titre 5) s’élève à 37 millions d’euros, soit 61 % du budget global de fonctionnement et d’investissement du SEO (58 % du budget programmé en 2022).

Au titre de l’investissement en infrastructure, financé sur le budget opérationnel de programme « Soutien des forces du programme 178, la ressource 2022 a été arrêtée à 25,89 millions d’euros. Pour 2023, la ressource attribuée sera de 31 millions d’euros.

Les chantiers prévus en 2023 sont la rénovation du dépôt des essences marines de Toulon, la poursuite de la mise aux normes du dépôt de Donges, la remise en service de l’hydrant system au dépôt des essences air de la base d’Orléans-Bricy et l’adaptation capacitaire du dépôt des essences air de la base d’Évreux-Fauville, le transfert et la rénovation de l’établissement principal de Portes-lès-Valence et la mise aux normes du dépôt des essences de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) du Cannet des Maures.

La ressource financière allouée est censée permettre de poursuivre les principaux travaux de remise aux normes et de modernisation des installations pétrolières spécialisées (Toulon). Or, on constate une révision des prix, inhérente à des pénuries mondiales, qui provoque des surcoûts. Par exemple, les prix de la chaudronnerie ont augmenté de 50 % en 3 ans, ce qui a des conséquences majeures sur les capacités de financement du service. L’estimation de cet impact sur les paiements prévus en 2022 est de près de 3 millions d’euros, qui pourraient conduire à plusieurs renoncements par rapport à la programmation actuelle.

b.   Des difficultés de recrutement

En matière de recrutement, les effectifs du SEO devraient augmenter d’une centaine d’ETP (majoritairement militaires) entre 2023 et 2025. Le tableau ci-dessous présente les volumes de recrutements des militaires (officiers, sous-officiers et militaires du rang), réalisés pour 2018 à 2021 et programmés pour 2022 :

Catégories

2018

(réalisé)

2019

(réalisé)

2020

(réalisé)

2021

(réalisé)

2022

(perspectives)

Officiers

12

12

21

17

19

Sous-officiers

28

25

30

48

52

Militaires du rang

216

153

96

108

128

TOTAL

256

190

147

173

199

 

Le rapporteur note que les recrutements sont inférieurs aux besoins programmés. En 2021, les recrutements réalisés ont été inférieurs à la programmation en raison du contexte sanitaire – atteints à près de 90 %. Ces moindres recrutements ont été compensés par des départs moins importants, liés à la pandémie ainsi qu’à la mise en application de mesures de fidélisation – notamment au profit des sous-officiers et des engagés volontaires de réserve du SEO –, dont la prime de lien au service, indemnité versée au militaire en échange d’un lien au service de plusieurs années qui a permis de conserver au sein du SEO des militaires déjà inscrits dans une démarche de reconversion. Le recrutement en officiers de carrière et sous-contrat permet désormais de répondre aux besoins du SEO en spécialistes. Cependant, le service de l’énergie opérationnelle se heurte à des difficultés de recrutement des officiers sous contrat « état-major ». En effet, les candidats reçus, titulaires pour la plupart d’un master, bien qu’intéressés par les emplois proposés, ne donnent pas suite en raison d’un niveau de rémunération inférieur au secteur privé. En 2022, les objectifs de recrutement d’engagés volontaires du SEO risquent de ne pas être atteints. À ce stade, sur 3 des 4 contingents prévus, 48 % des recrutements ont été réalisés. La manœuvre RH 2022 est réalisée conformément à la programmation sauf pour les engagés volontaires de réserve du SEO dont le déficit de recrutement en février et mai a été très marqué.

c.   De fortes tensions sur les stocks stratégiques

La crise en cours sur le continent européen laisse présager une crise énergétique dès cet hiver qui pourrait créer des tensions dans le domaine pétrolier avec des risques de rupture d’approvisionnement. Ce nouveau contexte stratégique européen justifie le dimensionnement de stockage adopté pour les carburants et pourrait, en cas de crise plus sévère, l’éprouver.

Pour les ingrédients et produits pétroliers ou dérivés, une étude est lancée en cette fin d’année 2022, dans le but d’augmenter la résilience de leur distribution aux armées.

La question de l’engagement majeur étant de plus en plus évoquée, il pourrait être opportun de réfléchir à quantifier le besoin en fonction d’une consommation maximale attendue (en haute intensité). Ceci permettrait, dans un second temps, d’identifier les ressources pouvant être réquisitionnées puis de déterminer les niveaux de stock à détenir pour faire face à l’éventualité de la haute intensité.

En tout état de cause, si une augmentation de ces niveaux de stocks de sécurité était demandée, les capacités du SEO, hormis pour le carburéacteur, seraient insuffisantes, des solutions autres (investissements infrastructure ou location de stockage) seraient nécessaires.

Quant à la résilience énergétique du pays, elle s’affaiblit dans le domaine pétrolier du fait notamment d’un mouvement de désindustrialisation en France, avec la fermeture de nombreuses raffineries durant les dernières décennies et la réduction des capacités de stockage, en particulier autour des grandes métropoles (Paris et Lyon). L’industrie pétrolière française est certes plus optimisée, mais s’avère moins résiliente, malgré le système des stocks stratégiques civils. Pour l’État, la capacité de réaction dans le domaine pétrolier correspond in fine, hors des réquisitions, aux moyens limités des armées. Des fragilités existent, en cas de crise sur les hydrocarbures, du fait d’une capacité de transport militaire très limitée par rapport aux besoins étatiques, notamment pour soutenir les parcs de véhicules à moteur essence, pour lesquels le SEO ne dispose que de peu de moyens dédiés du fait de la politique de carburant unique appliquée au sein des armées. Enfin, la priorité de l’emploi des moyens militaires sera donnée à la résilience des armées.

d.   Les conséquences de la flambée du cours du baril sur le poste budgétaire de l’état-major des armées consacré aux dépenses de carburant : manque d’anticipation ou insincérité budgétaire ?

 

La construction du projet annuel de performance de la loi de finances initiale pour 2022 s’est fondée sur plusieurs hypothèses ([6]). Le cours du baril a été estimé à 60 dollars à parité euro/dollar de 1,1, soit 54,54 euros. Les montants programmés pour 2022 étaient de 607,7 millions d’euros de cessions pétrolières dont 440,8 millions d’euros pour les trois armées. Or, le cours moyen du Brent de janvier à août 2022 était de 96,77 euros soit 77,42 % de plus que l’hypothèse retenue en construction budgétaire dans le cadre de la loi de finances pour 2022. La hausse des coûts de raffinerie de transport ainsi que la chute de la parité euro/dollar qui était de 0,9905 au 5 septembre 2022 ont encore aggravé la situation.

 

La différence entre l’anticipation de 2022 du cours du Brent et son évolution réelle ont causé la consommation de deux tiers du budget du SEO à la moitié de l’année 2022. Depuis le mois d’août, le compte de commerce CC n° 901 est abondé afin que les ressources du compte de commerce ne soient pas inférieures à l’autorisation de découvert de 125 millions d’euros. L’état-major des armées gère ainsi en trésorerie le manque à gagner.

Le même phénomène d’insincérité budgétaire devrait se reproduire en 2023, compte tenu des hypothèses de construction budgétaire fondées sur un baril à 70 dollars, soit 63,30 euros.

C’est pourquoi le rapporteur propose d’abonder de 300 millions d’euros les crédits des trois armées, à hauteur de 50 millions d’euros pour l’armée de Terre et la Marine et de 200 millions d’euros au profit de l’armée de l’Air et de l’Espace, afin de leur permettre de financer l’achat de carburant au service de l’énergie opérationnelle.

Proposition n° 1 : Abonder de 50 millions les crédits de l’armée de Terre consacrés aux dépenses de carburant afin de tenir compte de la hausse du cours du Brent.

 

Proposition n° 2 : Abonder de 50 millions les crédits de la Marine consacrés aux dépenses de carburant afin de tenir compte de la hausse du cours du Brent.

 

Proposition n° 3 : Abonder de 200 millions les crédits de l’armée de l’Air et de l’Espace consacrés aux dépenses de carburant afin de tenir compte de la hausse du cours du Brent.

3.   Deux enjeux propres au service du commissariat des armées : un éclatement des responsabilités dans la gestion des bornes électriques et des stations-service et un manque de ressources budgétaires en matière d’entretien des infrastructures de restauration

Le service du commissariat des armées est le service d'administration générale des armées et des organismes interarmées. Ses missions concernent 11 fonctions et se répartissent entre trois grands domaines d’intervention : le multiservices ; l’administration et la logistique avec notamment l’habillement du combattant, la base vie en campagne ou encore le transport de personnels. Le service du commissariat des armées emploie 22 791 personnes et 1 173 réservistes.

Le budget du service du commissariat des armées pour 2023 (sous-action 85) est programmé à 860,03 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 800,2 millions d’euros en crédits de paiement. Il est en augmentation par rapport au budget 2022 (672,9 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 19 %), notamment en raison de mesures de périmètre, et notamment du transfert des dépenses relatives à l’acquisition et à la maintenance des véhicules de transport en commun de personnel, des poids lourds et du gros outillage au profit des bases de défense (auparavant au sein du périmètre du centre interarmées de coordination des soutiens – CICoS).

Globalement conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (hors modifications de périmètre), ce budget doit également permettre de commencer à recapitaliser certaines fonctions en tension :

- les crédits consacrés aux « métiers » du service du commissariat aux armées sont en augmentation (74 millions d’euros en 2023 contre 66 millions d’euros en 2022) afin de financer le wifi au profit des bâtiments à quai de la Marine et de couvrir l’augmentation des dépenses liées au gardiennage des sites du service ;

- la recapitalisation des crédits alloués à la fonction « habillement » du service s’amorce (275,2 millions d’euros en 2023 contre 212,1 millions d’euros en 2022). L’augmentation de ces crédits a pour objectif de financer la protection balistique et les nouvelles tenues de combat F3 qui seront dotées d’un nouveau bariolage multi-environnement ;

- concernant la fonction de « soutien collectif », relative aux vivres opérationnels et au soutien de l’homme, les crédits sont en hausse (46 millions d’euros en 2023 contre 39,3 millions d’euros en 2022). Le service a indiqué au rapporteur que l’objectif était d’améliorer la préparation opérationnelle ainsi que le renouvellement des matériels de soutien de l’homme ;

- concernant la fonction « restauration », les crédits sont également en augmentation (357,7 millions d’euros en 2023 contre 325,4 millions d’euros en 2022) pour financer les mesures mises en œuvre dans le cadre de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (dite loi EGALIM) ainsi que le plan de déploiement des concessions de restaurants en régie. Cette hausse vise à financer à la hausse les matériels de restauration collective (+3 millions d’euros) ;

- la fonction « transport » voit aussi ses crédits augmenter (47,2 millions d’euros en 2023 contre 30 millions d’euros pour 2022) mais il s’agit là d’une mesure de périmètre, avec le transfert vers le service du commissariat des armées de dépenses relatives à l’acquisition et à la maintenance des véhicules de transport en commun de personnel, des poids lourds et du gros outillage au profit des bases de défense.

Le rapporteur reviendra plus en détail sur deux enjeux propres au commissariat des armées :

- l’éclatement des responsabilités entre plusieurs services, s’agissant de l’installation et de la gestion des bornes électriques et s’agissant de la gestion des stations-service ;

- la mise aux normes d’hygiène des restaurants gérés par le SCA.

a.   Un éclatement des responsabilités en matière de gestion des bornes électriques et des stations-service

En octobre 2020, la gestion de la flotte des véhicules de la gamme commerciale (voitures, bus, etc.) et des véhicules spécifiques (chariots élévateurs, camions frigorifiques, etc.) a été transférée au service du commissariat des armées, désormais référent mobilité ministériel et le service applique la directive du Premier ministre de novembre 2020 destinée à assurer la transition énergétique du parc des véhicules administratifs, avec un objectif de 50 % de véhicules à faible émission à l’horizon 2030 hors missions opérationnelles. Le service du commissariat des armées a déjà assuré la transition d’une part importante de la flotte blanche des armées, le taux de véhicules à faible émission dans le parc de véhicules administratifs non opérationnels étant de 26 %.

La synchronisation des trajectoires fixées d’électrification des véhicules et d’installation des infrastructures les accompagnant est cependant problématique. Cette synchronisation doit s’opérer entre les priorités du service du commissariat des armées et celles du service des infrastructures de la défense (SID). Le SID gère l’installation des bornes de recharge électriques des véhicules dont le service du commissariat des armées a la charge. Le service du commissariat des armées a donc proposé de réunifier les deux budgets par souci de cohérence, la dotation en véhicules électrique étant dépendante de la construction et de la disponibilité des bornes. Ce regroupement des budgets permettrait au service du commissariat des armées de mieux calibrer dans le temps la dotation en bornes électriques, du fait notamment d’un allongement des délais de livraison des véhicules électriques ([7]).

 

Par ailleurs, le service du commissariat des armées assure la gestion des stations-service des armées. Le service de l’énergie opérationnelle (SEO) souhaiterait cependant récupérer cette responsabilité afin de gérer l’ensemble du périmètre de l’énergie opérationnelle.

b.   Un manque de moyens d’entretien des infrastructures et équipements de restauration

Depuis 2020, l’externalisation des restaurants gérés en régie par le commissariat des armées s’est accélérée avec la signature d’un contrat de concession en décembre 2019 avec l’Économat des armées. Sera confiée progressivement à ce dernier l’exploitation de 72 sites de restauration entre 2020 et 2025, à raison de 9 à 13 sites par an (34 sites ont été concédés entre 2020 et 2022 et 13 sites seront concédés en 2023). Ces sites ont été choisis parmi ceux qui ne seraient pas strictement nécessaires au socle capacitaire et à la résilience des armées. Les centres de restauration conservés en régie doivent garantir le soutien des unités opérationnelles et le maintien des compétences nécessaires au contrat opérationnel. Ils devraient représenter 60 % des restaurants opérés par le service du commissariat des armées. Dans le cadre de la concession, l’Économat des armées est chargé de l’exploitation des sites mais également de l’entretien et de la réhabilitation des infrastructures et des matériels de restauration. À ce titre, l’Économat des armées est l’interlocuteur unique du service du commissariat des armées. Il s’appuie principalement sur des sociétés de restauration collective via des marchés publics allotis afin que des petites et moyennes entreprises répondent aux appels d’offres. L’Économat des armées est rémunéré essentiellement sur la base des prestations délivrées. Ce dispositif a pour but de conserver des tarifs inchangés pour les administrés par rapport aux sites opérés en régie.

 

Globalement, le service du commissariat des armées est satisfait de la gestion de ses restaurants. Ayant institué une évaluation des services de restauration sous la forme d’enquêtes de satisfaction, le service en a conclu que le taux de satisfaction était de 8 sur 10. Des progrès semblent avoir été accomplis et la fonction restauration semble modernisée. Le service du commissariat des armées estime que sur les sites concédés, il a pu être constaté par l’usager une amélioration de la qualité des prestations.

 

Cependant, le niveau de la restauration reste hétérogène à l’échelle nationale. L’hygiène des restaurants, étroitement liée à l’état des locaux de restauration, reste un point de vigilance du service du commissariat des armées. Certains organismes de restauration occupent des locaux vétustes et sont « tenus à bout de bras ». Certaines mises en demeure vétérinaires concernant des entrepôts alimentaires n’ont pas encore été prises en compte par le service d’infrastructure de la défense. La vétusté de certains bâtiments et infrastructures de restauration entraîne une détérioration des conditions d’hygiène, s’agissant tant du stockage de la nourriture que de la préparation des repas.

C’est pourquoi le rapporteur propose d’augmenter les crédits du service du commissariat des armées afin de lui permettre de financer la réhabilitation de ses restaurants et de les mettre en conformité avec les normes d’hygiène.

Proposition  4 : Abonder de 80 millions d’euros les crédits de l’action 5 du programme 178 « préparation et emploi des forces » pour permettre au service du commissariat aux armées de financer la réhabilitation de ses restaurants et en particulier de les mettre en conformité avec les normes d'hygiène.

 

4.   Un service interarmées des munitions contraint par le poids croissant des normes

 

La mission du service interarmées des munitions (SIMu) consiste à mettre à disposition des forces, en tout temps et en tout lieu, des munitions de toutes natures, hors dissuasion, de la munition de 5,56 mm au missile Exocet ou Scalp, en quantité et en qualité requises, en assurant aux utilisateurs leur sécurité d’emploi. Le budget du SIMu prévu pour 2023 est en hausse. Les autorisations d’engagement augmenteront de 50,43 % pour s’établir à 19,98 millions d’euros, et les crédits de paiement augmenteront de 28,74 % et atteindront les 18,76 millions d’euros. Il vise, en particulier, à financer le démantèlement des munitions classiques et complexes (6,4 millions d’euros) ; la poursuite de l’acquisition de moyens permettant l’amélioration des conditions de stockage de munitions en opérations extérieures et en métropole (2,5 millions d’euros) ; l’acquisition et le maintien en condition opérationnelle du parc de véhicules de manutention, de levage et de transport nécessaire dans les dépôts de métropole (2,2 millions d’euros) ; le financement des transports de munitions inter-dépôts (2,2 millions d’euros).

a.   Une ressource en pyrotechniciens militaires juste suffisante

Les ressources humaines demeurent un point d’attention du service. Certains viviers de pyrotechniciens militaires sont à la fois restreints et fortement sollicités, notamment les sous-officiers pyrotechniciens brevetés supérieurs ainsi que les officiers supérieurs. Des mesures ont donc été prises pour maîtriser le taux de projection en faisant effort, d’une part, sur le recrutement afin d’augmenter le vivier d’ici à 2025 et, d’autre part, en modifiant la durée des mandats, par exemple.

b.   Des normes trop contraignantes au regard de l’impératif opérationnel

De nombreuses normes s’imposent au SIMu dans l’exercice de ses missions. Ces « normes de temps de paix » pourraient s’avérer être des contraintes dans l’éventualité d’un conflit de haute intensité et ne pas correspondre aux exigences opérationnelles d’un conflit de ce type. La réflexion du militaire ne se concentre pas prioritairement sur les normes mais plutôt sur la maîtrise des risques.

Il s’agit notamment de normes imposées par le code du travail mais aussi par le code de l’environnement. Par ailleurs, les normes des constructeurs concernant la durée de vie des munitions sont également trop contraignantes et onéreuses. Elles résultent d’un travail strictement technique réalisé entre la direction générale de l’armement et les industriels de la défense. Une étude de sécurité du travail par le contrôle général des armées serait nécessaire afin de réévaluer l’efficacité et la cohérence de l’application des normes en vigueur. Ces contraintes ne s’imposent pas dans un pays tel que les États-Unis. Comme l’armée américaine tire beaucoup plus de munitions réelles que la France, elle dispose d’un retour d’expérience bien supérieur au nôtre quant à la performance des munitions.

Un exemple concret de norme trop restrictive concerne l’acheminement des munitions. Un camion acheminant des munitions n’est pas considéré comme dangereux lorsqu’il roule mais, lorsqu’il stationne, une zone de sûreté doit être délimitée tout autour, même dans l’enceinte d’un camp militaire. La question se pose donc de la cohérence de la norme et de son apport par rapport à la maîtrise du risque. Autre exemple : lorsqu’un soldat s’entraîne sur le territoire national, c’est le décret n° 2013-973 du 29 octobre 2013 relatif à la prévention des risques particuliers auxquels les travailleurs sont exposés lors d'activités pyrotechniques qui s’applique. En revanche, lorsqu’il est en OPEX, ce sont les normes, plus souples, fixées par l’OTAN. Dans un souci de cohérence, il conviendrait que les normes auxquelles le miltaire est soumis sur le territoire national soient assouplies. Si tel était le cas, les gains de productivité pour les armées seraient d’environ 15 %. Les équipes du SIMu capables de travailler simultanément sur le territoire national pourraient ainsi passer à 6, contre 3 aujourd’hui.

Les normes du code de l’environnement visant à sa protection pèsent sur la modernisation des dépôts et provoquent des retards de chantier. Le surcoût que représentent les normes environnementales lors de la mise en conformité des dépôts, de la remise à niveau des infrastructures et du remplacement des magasins en tôle par des igloos est considérable, notamment parce que nombre de ces sites se trouvent dans des zones classées au titre de la protection des espèces protégées (zones Natura 2000). C’est notamment le cas du site de Miramas où se situent des chênes liège remarquables.

Afin que ces surcoûts n’obèrent pas la capacité financière du SIMu à moderniser ses dépôts, le rapporteur propose d’abonder sa ressource dans le projet de loi de finances pour 2023.

Proposition  5 : Abonder la sous-action 05-84 « service interarmées des munitions » de l’action 5 « logistique et soutien interarmées » du programme 178 d’un million d’euros afin de couvrir les surcoûts liés au respect des normes environnementales s’imposant aux projets d’infrastructure situés en zone classée « Natura 2000 ».

C.   Les actions 6 et 7 relatives auX surcoûts liés aux opérations extérieures et intérieures

En raison de leur caractère difficilement prévisible, les opérations extérieures (OPEX) font l’objet d’une provision à l’action 6 du programme 178 au titre des « surcoûts liés aux opérations extérieures ». Les surcoûts au titre des opérations intérieures (OPINT) sont quant à eux retracés à l’action 7.

Conformément à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, le ministère des Armées poursuivra, en 2023, son effort de « sincérisation » du financement des OPEX et des OPINT :

– 790 millions d’euros seront provisionnés pour les OPEX, retracés à l’action 6 ;

– 30 millions d’euros seront provisionnés pour les OPINT, retracés à l’action 7 ;

– 350 millions d’euros de masse salariale sont également prévus et retracés à la sous-action 59 du programme 212 « Surcoûts liés aux opérations - Personnel travaillant pour le programme « Préparation et emploi des forces ».

Pour 2023, le ministère des Armées a indiqué qu’aucune évolution du mécanisme de solidarité interministérielle prévu à l’article 4 de la loi de programmation militaire, mobilisé pour la première fois fin 2021, n’était prévue.

S’agissant de 2022 ([8]), le ministère des Armées a précisé au rapporteur que le surcoût lié aux OPEX n’était pas encore consolidé à ce stade de l’exercice et qu’il le serait précisément au quatrième trimestre 2022. Ses principaux déterminants sont d’une part l’accélération de la réorganisation du dispositif Barkhane hors du territoire malien (dont le coût reste à consolider), et, d’autre part, la stabilité globale du dispositif Chammal au Grand Levant par rapport à 2021.

II.    Le programme 212 « soutien de la politique de défense »

Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » regroupe les fonctions transverses de direction et de soutien mutualisés au profit du ministère des Armées. Il constitue le programme « support » du ministère. Hors dépenses de personnel (c’est-à-dire hors titre 2), le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière ; systèmes d’information d’administration et de gestion ; politique des ressources humaines ; politique culturelle et éducative ; restructurations ; pilotage - soutien - communication.

Depuis 2015, le programme retrace également la totalité des crédits de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés. Les crédits de titre 2 ne sont plus positionnés sur les actions 4 à 11 précitées, conformément à la nouvelle architecture budgétaire ministérielle.

A.   Les dépenses de personnel : l’essentiel des crédits du programme 212

 

Les dépenses prévisionnelles de titre 2 (dépenses de personnel) du programme 212 pour 2023 s’élèvent à 22,68 milliards d’euros, CAS pensions inclus : 13,152 milliards d’euros hors CAS pensions ; 350 millions d’euros pour les OPEX-MISSINT ; 9,180 milliards d’euros pour le CAS pensions.

 

Le financement de ces dépenses est prévu au moyen d’attributions de produits à hauteur de 264 millions d’euros et de crédits budgétaires pour 22,416 milliards d’euros, dont 12,111 milliards d’euros pour les dépenses dites de socle, 777 millions d’euros pour les dépenses dites hors socle et 9,178 milliards d’euros pour le CAS pensions. Les crédits budgétaires demandés au titre des dépenses dites de socle (12,111 milliards d’euros) sont destinés à financer les rémunérations brutes, primes et indemnités de tous les personnels en activité, ainsi que les cotisations patronales hors CAS pensions. Elles permettent de garantir la couverture des besoins en masse salariale, nécessaires à la réalisation de la manœuvre RH du ministère. Au total, la masse salariale devrait augmenter de 670 millions d’euros pour financer la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, la refonte des grilles des agents de catégorie B et assimilés, le déploiement de la troisième marche de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), la revalorisation des contractuels et la réalisation du schéma d’emploi 2023.

Les principales mesures sur le titre 2 concernent :

- la réalisation du schéma d’emplois pour 2023 (67 millions d’euros) avec la création de 1 547 emplois, dont 1 500 au titre de la loi de programmation militaire, 45 pour le SIAé et 2 pour la délégation à l’encadrement supérieur. Ils sont principalement destinés à renforcer le renseignement (+421), la cyberdéfense (+151) et le renforcement des unités opérationnelles des forces armées (+515) ;

- la hausse du point d’indice (366 millions d’euros) ;

- une enveloppe de mesures nouvelles en faveur de la politique salariale (4,8 millions d’euros) ;

- le troisième volet de la nouvelle politique de rémunération des militaires pour 101,3 millions d’euros – aspect sur lequel le rapporteur revient plus en détail dans la seconde partie de son rapport ;

- la revalorisation des rémunérations des agents contractuels (19,2 millions d’euros) ;

- la couverture financière des dépenses liées au contrat opérationnel des armées pour 1, 468 milliard d’euros ([9]).

Les crédits budgétaires demandés au titre des dépenses dites hors socle (777 millions d’euros) sont destinés à financer les dépenses de non-activité (126 millions d’euros) ; la rémunération et les cotisations sociales des réservistes (185 millions d’euros), les dépenses de restructurations (99 millions d’euros) ; les dépenses de prestations sociales et allocations diverses (368 millions d’euros dont 138 millions d’euros les dépenses de chômage).

Cette année, le rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à un enjeu central de la politique de ressources humaines du ministère des Armées : la rémunération des militaires.

 

Les difficultés soulevées par l’organisation par voie électronique du scrutin aux prochaines élections professionnelles pour les personnels civils du ministère des Armées

Dans le cadre de ses auditions, le rapporteur a été informé que des élections professionnelles se tiendraient du 1er au 8 décembre prochain pour les personnels civils du ministère des Armées, qui représentent 23 % des personnels du ministère. Il est prévu que le scrutin se tienne par voie électronique, ce qui soulève des difficultés, en particulier pour les personnels civils de recrutement local qui pour les uns, relèvent du secrétariat général de l’administration (forces pré-positionnées) et, pour les autres, de l’état-major des armées (opérations extérieures). Interrogée par le rapporteur, la direction des ressources humaines du ministère des Armées a indiqué que pour ces personnels, le ministère avait obtenu une dérogation aux règles imposées par la CNIL et prévu un système de carte à rompre pour chaque personnel appelé à voter. La DRH-MD a indiqué que des postes en libre-service seraient mis à disposition des personnels sur base de même qu’une aide à la connexion.

Pour sa part, le rapporteur déplore le recours au vote électronique, jugé peu fiable et peu transparent, a fortiori dans un scrutin qui, aux dernières élections, s’était joué à quelques centaines de voix à peine.

B.   Le volet hors titre 2 du programme 212

Hors dépenses de personnel, le programme 212 se décompose en six actions numérotées de 4 à 11 : politique immobilière ; systèmes d’information d’administration et de gestion ; politique des ressources humaines ; politique culturelle et éducative ; restructurations ; pilotage - soutien - communication. Depuis 2015, le programme retrace également la totalité des crédits de personnel du ministère ainsi que les effectifs associés. Les crédits de titre 2 ne sont plus positionnés sur les actions 4 à 11 précitées, conformément à la nouvelle architecture budgétaire ministérielle.

La dotation du programme prévue au PLF 2023 s’élève, hors titre 2, à 1,482 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 1,358 milliard d’euros en crédits de paiement, contre 4,237 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,257 milliard d’euros en crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2022. La diminution du montant des autorisations d’engagement est un retour à une trajectoire plus nominale, l’engagement du contrat Ambition logement en 2022 étant d’un niveau exceptionnel. En crédits de paiement, la ressource augmente d’environ 100 millions d’euros afin de poursuivre la montée en puissance des différentes politiques publiques portées par les crédits hors titre 2 du programme 212.

Les principaux aspects du programme 212 en 2023 sont :

- le démarrage du contrat « Ambition Logement » signé en février 2022, après une période de transition avec le précédent bailleur (CDC Habitat). 2023 sera la première année d’application du contrat avec un besoin de financement de 8,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 75,1 millions d’euros de crédits de paiement ;

- la poursuite du plan Hébergement en enceinte militaire pour les jeunes engagés et les cadres célibataires ainsi que de l’adaptation des immeubles d’administration générale et de soutien commun des bases de défense, pour 308,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 221,8 millions d’euros en crédits de paiement. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un nouvel engagement de 171 millions d’euros de travaux permettant la commande de 4 624 places neuves ou à réhabiliter ;

- la politique dite « à hauteur d’homme » avec des mesures en faveur de la petite enfance ; l’action sociale au profit des ressortissants du ministère via la revalorisation et l’extension de sa participation aux frais de restauration ; la politique d’accueil d’apprentis ; l’aide à la reconversion professionnelle. Le budget dévolu à l’ensemble de ces mesures s’élève à 177,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 160,8 millions d’euros en crédits de paiement ;

- la poursuite de projets ministériels menés dans le cadre de la politique des systèmes d’information d’administration et de gestion (161,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 150,7 millions d’euros en crédits de paiement), parmi lesquels le déploiement du système d’information ROC ([10]) ; la réalisation de SPARTA ([11]) ; la phase de préparation du système d’information ministériel dédié aux ressources humaines (SIRH) ; le lancement du projet SERES ([12])  ; l’achèvement des développements complémentaires sur SourceSolde liés à l’application de la nouvelle politique de rémunération des militaires (cf. seconde partie du présent rapport). Le budget dévolu aux systèmes d’information et de communication sur le programme 212 diminue de 7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 9,6 millions d’euros en crédits de paiement, en raison du transfert de six systèmes d’information logistique vers le programme 178 à compter du 1er janvier 2023 ;

- dans le cadre de la politique culturelle du ministère des Armées, les projets de rénovation du Palais de Chaillot (Musée national de la marine), et des infrastructures du Musée de l’air et de l’espace. Pour le Musée de l’armée, l’amélioration des conditions d’accueil des visiteurs sur le site des Invalides, l’élargissement de l’offre muséographique et l’aménagement de trois nouveaux parcours sont prévus. Le montant programmé des subventions à verser à ces trois opérateurs s’élève à 30,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement au titre de la subvention pour charges de service public ; à 20 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 30,7 millions d’euros en crédits de paiement au titre de la subvention pour charges d’investissement. L’année 2023 marque également la modernisation du service historique de la défense (SHD), premier service d’archives nationales en France.

Les crédits dédiés au plan Famille dans le projet de loi de finances pour 2023

Initialement, il était prévu pour 2023 un montant de 81,86 millions d’euros au titre de l’effort annuel supplémentaire consenti pour le plan Famille. Finalement, le Gouvernement devrait consacrer 118,79 millions d’euros à cette politique. Outre les crédits initialement prévus pour financer l’hébergement en Île-de-France à hauteur de 32,5 millions d’euros, l’action sociale à hauteur de 7 millions d’euros, l’accompagnement des conjoints pour 2,5 millions d’euros, le logement familial pour 19,4 millions d’euros et la condition du personnel (programme 178) à hauteur de 18,6 millions, cette hausse de crédits par rapport à la programmation initiale devrait permettre de financer :

- au titre de la condition du personnel (sur le programme 178) : la mesure 6.1.1 « wifi en garnison » (+12,27 millions d’euros), la mesure 6.1.2 « internet en OPEX » (+8 millions d’euros), la mesure 6.1.3 « vie en garnison » (+14,19 millions d’euros à la suite du transfert des allocations pour l’amélioration des conditions de vie (AACV) du programme 212 vers le programme 178 en 2020) et la mesure 6.1.4 « Service en garnison » (+3 millions d’euros) ;

- au titre du logement familial (sur le programme 212) : la mesure 4.1.2 « Améliorer l'offre de logements à Mayotte et en Guyane » (+1,28 million d’euros).

Le rapporteur reviendra plus en détail sur l’effet des externalisations opérées par le service d’infrastructure de la défense (1), sur le déménagement contraint du service historique de la défense (2) et sur l’augmentation des loyers du parc de logements domaniaux envisagée par la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (3).

1.   Un service d’infrastructure de la défense contraint d’externaliser faute de personnels suffisants, au détriment du budget des armées

Le service d’infrastructure de la défense (SID) est le service constructeur interarmées chargé d’appliquer la politique immobilière du ministère des Armées. Le SID revêt un rôle de bâtisseur, de gestionnaire, de conseiller et de référent énergie au profit des bases de défense, des armées, des directions et services du ministère. Il définit les stratégies pour la réalisation des opérations et la maintenance du patrimoine immobilier. Il contribue directement aux objectifs généraux de valorisation du patrimoine, au travers des actions et opérations conduites qu’elles concernent l’ensemble des travaux d’infrastructure ou l’instruction de dossiers domaniaux tels que les mises à disposition. Il garantit la disponibilité 24 heures sur 24 des infrastructures opérationnelles sur le territoire national et en opérations extérieures. Il est le service référent pour l’achat de l’énergie au profit du ministère des Armées, hors énergie de mobilité. Enfin avec son réseau présent au plus près des bases de défense et formations, le SID apporte en permanence, à tous les niveaux du ministère, conseil au commandement pour définir et satisfaire les besoins des armées en matière d’infrastructure.

Le SID n’a pas de moyens budgétaires propres pour réaliser ses missions. Le fonctionnement courant du service est assuré sur le budget du SGA. Le financement des projets d’infrastructure est assuré par leurs bénéficiaires sur les programmes 178, 212, 146, 723 et 362 (plan de relance).

Comme nombre de services de soutien, le SID a subi une diminution de 41 % de ses effectifs entre 2005 et 2020. Les personnels du SID sont passés de 11 500 à 6 830 environ aujourd’hui, dont deux tiers de civils et un tiers de militaires. Concomitamment, le SID a vu ses missions se renforcer dans les domaines cyber, nucléaire et en matière d’installations classées. Entre 2005 et 2022, les crédits dévolus au SID ont ainsi augmenté de 110 %.

Le service a donc été contraint d’externaliser pour compenser l’insuffisance des effectifs du service dans un contexte de forte croissance de l’activité, la chute du nombre d’ouvriers de l’État et la perte de compétences d’ingénierie technique. La politique d’externalisation du service d’infrastructure (SID) concerne la gestion technique et la conduite des productions ainsi que la maintenance de certaines infrastructures. L’externalisation de la maîtrise d’ouvrage et du suivi des chantiers soulève plusieurs difficultés majeures : la perte des compétences maîtrisées par le SID, la hausse des coûts des opérations d’infrastructure et des retards de chantier.

Il semble notamment que les compétences du service en matière aéronautique aient été tellement réduites que le SID ne peut plus remettre en état un tarmac : c’est le service national d’ingénierie aéroportuaire (SNIA) de la direction générale de l’aviation civile (DGAC) qui est responsable de la gestion des projets d’infrastructures aéronautique et l’armée de l’Air et de l’Espace n’est plus en mesure de contrôler les projets car ils sont dirigés par le SID, interlocuteur commun à la SNIA et à cette armée. L’armée de l’Air et de l’Espace bénéficiera du plan Hébergement pour ses infrastructures de logement en 2027-2029 mais des efforts sont attendus concernant la construction des bâtiments techniques et hangars accueillant les MRTT ou les Rafale, permettant de conserver le savoir-faire nécessaire à leur édification dans les armées.

Les externalisations menées par le service d’infrastructure de la défense renchérissant le coût des contrats et pesant sur le budget infra des armées, directions et services, le rapporteur propose d’allouer 0,5 million d’euros supplémentaires au SID pour lui permettre de recruter 10 personnels supplémentaires et limiter son recours aux contrats d’externalisation.

 

Proposition  6 : Renflouer de 500 000 euros les crédits de titre 2 du SGA au profit du SID, sur l’action « pilotage, soutien » du programme 212 afin de recruter 10 personnels supplémentaires et ainsi, de limiter le recours aux externalisations.

 

Enfin, le rapporteur note que la hausse du taux d’inflation depuis plusieurs mois s’est traduite par une augmentation des révisions de prix des marchés. Cette hausse est à rapporter aux indices de révision de prix prévus par chaque opération d’investissement. Les matières premières telles que le bois et l’acier ont vu leur valeur augmenter très fortement, rendant peu réalistes les prévisions de coût incluses dans les contrats.

2.   Le déménagement contraint du service historique de la défense, conséquence de la construction du futur siège de la DGSE au fort neuf de Vincennes

La réaffectation du fort neuf de Vincennes en nouveau siège de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), prévue au second semestre 2024, contraint le service historique de la défense (SHD) à abandonner ses magasins Charles Braibant situés sur cette emprise et à organiser un déménagement d’archives de grande ampleur. Le volume documentaire concerné représente près de la moitié des fonds et collections du SHD conservés actuellement à Vincennes. Le SHD va mener à cette occasion des opérations de redéploiement des fonds et collections entre ses différents centres et sites de conservation en Île-de-France, en application du schéma directeur immobilier du service validé par la ministre des Armées au printemps 2022.

La vocation du centre des archives de l’armement et du personnel civil (CAAPC) de Châtellerault dans le domaine de l’armement va être renforcée par le transfert d’archives issues de Vincennes relevant de ce périmètre. Le centre verra ses compétences élargies à un troisième pôle dédié aux archives territoriales de la gendarmerie, en provenance de Vincennes et de la division des archives intermédiaires de la gendarmerie nationale du Blanc. Ces archives seront accueillies au sein d’un nouveau bâtiment de conservation en cours de construction, après avoir transité par des dépôts sous la responsabilité des divisions du SHD de Rochefort et du Blanc. Dès le courant de l’année 2023, la proximité géographique entre Châtellerault et Le Blanc permettra la communication à Châtellerault des archives de la gendarmerie conservée au Blanc.

Le SHD a organisé l’ensemble des opérations de déménagement et de redéploiement des fonds d’archives et collections de bibliothèque de manière à limiter l’impact sur leur communication. Les fonds concernés seront rapidement disponibles et à nouveau communiqués suivant la réglementation en vigueur sur leurs sites de destination. Ils seront indisponibles pendant la durée de préparation du déménagement, de transfert et de mise à jour du système de gestion archivistique. Le service diffusera la liste des fonds déplacés et leur destination finale aussitôt qu’elle aura été définitivement arrêtée et validée par les autorités ministérielles.

Cette opération est financée sur la sous action 08.02 « Gestion et communication des archives historiques de la défense », de l’action 8 « Politique culturelle et éducative » du projet annuel de performance du programme 212 « Soutien à la politique de défense ». On constate ainsi une hausse de crédits entre 2021 et 2023. En 2021, la sous-action 08.02 représentait 3,419 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement contre respectivement 5,081 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4,881 millions d’euros pour 2022 et 5,246 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2023.

L’opération nécessite un effort financier conséquent car elle représente une manœuvre qui doit s’articuler avec le schéma immobilier directeur. Ainsi, la répartition des archives du SHD a-t-elle été repensée : ces archives seront désormais séparées territorialement mais réparties de façon thématique.

Plus globalement, les unités actuellement logées dans le fort neuf de Vincennes – 1 400 personnels au total – devront avoir quitté le site au plus tard à l’autonome 2024, à l’exception des unités Sentinelle (800 personnels) qui résideront dans le quart Nord-Ouest du fort jusqu’en 2031. Le coût de la manœuvre immobilière lié au déménagement des armées du Fort neuf de Vincennes était estimé en 2018 à un total de 232 millions d’euros :

- 229 millions d’euros programmés sur le programme 212, dont 114 millions d’euros pour reloger les unités quittant le Fort neuf de Vincennes, à Arcueil, Tours, et Châtellerault et Vincennes principalement ; 115 millions d’euros pour rénover la caserne parisienne des Tourelles libérée par la DGSE pour y accueillir les armées à compter de 2031 (notamment les unités Sentinelle) ;

- 3 millions d’euros prévus sur le programme 178 pour financer des frais de déménagement d’installations techniques informatiques et de communication.

Le coût actualisé de la manœuvre de relogement des services amenés à quitter le Fort neuf de Vincennes est évalué actuellement à 163,9 millions d’euros, à comparer aux 117 millions d’euros estimés en 2018 dans un périmètre équivalent. Ce coût est composé de :

-153,9 millions d’euros programmés pour le relogement des services quittant le Fort neuf de Vincennes, dont 48 millions d’euros sur le programme 212 et 105,9 millions d’euros sur le CAS immobilier ;

-10 millions d’euros prévus sur le programme 178 pour financer des frais de déménagement d’installations techniques informatiques et de communication.

L’évolution à la hausse constatée (+46,9 millions d’euros) s’explique par la prise en compte de nouveaux besoins tels que le relogement de services à Rueil-Malmaison, à Versailles et au Val-de-Grâce et la construction d’un second bâtiment à Tours et par des augmentations de prix liés au contexte économique.

S’agissant de la rénovation de la caserne parisienne des Tourelles projetée en 2018, les réflexions s’orientent désormais vers une stratégie de valorisation - réutilisation de l’ensemble immobilier du service boulevard Mortier dans le 20e arrondissement de Paris (caserne Mortier / caserne des Tourelles) au départ de la DGSE. Une étude de valorisation du site des Tourelles et de Mortier est en cours par la direction nationale d’interventions domaniales de même que l’analyse du potentiel des sites pour les besoins du ministère afin d’arrêter des hypothèses de reconversion réalistes.

La politique culturelle du ministère des Armées

La politique culturelle du ministère des Armées a pour objectif de sensibiliser le public à la culture et à l’histoire militaire en valorisant l’important patrimoine du ministère des Armées (archives, collections des musées, bibliothèques, patrimoine monumental et mobilier, formations musicales militaires). La direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA) de pair avec le service historique de la défense (SHD) élaborent et mettent en œuvre la politique culturelle du ministère au moyen de ses trois grands musées – le musée de l’armée, le musée de l’air et de l’espace et le musée national de la marine – , de ses bibliothèques et de ses millions de photographies, avec le concours de l’établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD), chargé des reportages et de leur archivage. En outre, le ministère soutient la recherche en histoire militaire.

En 2023, les crédits consacrés à la politique culturelle s’élèveront à 57,4 millions d’euros d’autorisations d’engagement et à 68,1 millions d’euros de crédits de paiement. Les mesures principales concernent :

- la mise en œuvre de la phase 1 du chantier d’extension MINERVE du musée de l’armée (lancement des travaux d’infrastructure) ;

- la fin de la rénovation du site du musée national de la marine (MNM), sur la colline de Chaillot, et du programme d’investissement dans les antennes du musée situées dans les ports ;

- l’achèvement de certains travaux d’adaptation des capacités des bâtiments dans le cadre du schéma directeur des réserves et de nouvelles opérations liées à la reconfiguration du parcours muséal du musée de l’air et de l’espace ;

- la participation à des salons réservés à des professionnels de la création animée (Marché international du documentaire et des expériences narratives de La Rochelle, Festival international du Film d’Histoire de Pessac) et grand public (Salon « Lire au Palais – Metz » ; Festival du Livre de Paris, Salon de la bande dessinée Quai des Bulles à Saint-Malo, Salon « Histoire de Lire », Festival du livre militaire international à Saint-Cyr-Coëtquidan) ;

- la réalisation d’ouvrages en coéditions et de productions audiovisuelles dans le cadre du programme commémoratif ; poursuite du développement de la politique archivistique en accompagnant la déclassification des documents confidentiels de plus de 50 ans, conformément aux prescriptions de la loi relative à la prévention des actes de terrorisme et au renseignement (PATR) ;

- la poursuite du développement et du déploiement de systèmes de gestion et d’information des archives et des bibliothèques (Archipel pour les archives, CLADE pour les bibliothèques) ;

- la transformation numérique du SHD ;

- l’enrichissement du site Mémoire des hommes (poursuite de la campagne d’indexation collaborative des registres matricules, numérisation de registres de recensement des troupes de la période révolutionnaire à des fins de mise en ligne) ;

- la participation à des évènements du calendrier culturel, tels que les « Journées européennes du patrimoine » (les 10 sites du SHD), la « nuit des musées », les « Rendez-vous de l'histoire » de Blois ;

- le soutien à la création et à la mise en valeur artistique à travers l’accompagnement de la production littéraire (remise du prix de la bande dessinée du ministère des Armées Les Galons de la BD, participation à l’attribution du prix Capitaine Thomas – Gauvin de l’association des écrivains combattants), de cycles cinéma (remise du prix sur le film d’histoire à Blois) et du chantier de restauration des tableaux de la chapelle de l’École militaire ;

- le soutien à la recherche historique à travers l’attribution de 6 allocations pour les thèses, la remise du prix d’histoire militaire ainsi que l’organisation de colloques et le développement de partenariat avec les universités françaises et étrangères ;

- l’enrichissement des collections de la bibliothèque militaire ainsi que des fonds d’archives et de la symbolique militaire.

 

3.   Une révision des loyers du parc domanial qui interroge

Issue de la scission de l’ancienne direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) en deux directions ([13]) , la direction des territoires, de l’immobilier et de l’environnement (DTIE), est chargée de plusieurs politiques majeures conduites par le secrétariat général pour l’administration (SGA) : la politique immobilière du ministère – ce dernier possédant la plus grande emprise foncière de l’État avec environ 275 000 hectares, soit 40 % du total, dont 40 000 ha de terrains militaires classés Natura 2000 – ; la politique de logement des familles de militaires (34 000 logements) et la politique d’hébergement des militaires du rang et des cadres célibataires ; la politique environnementale du ministère ; enfin, la gestion et le suivi de l’exécution du contrat de partenariat public-privé (PPP) du site de Balard où est implantée l’administration centrale du ministère des Armées.

Le tableau ci-dessous retrace la programmation des crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2023 au profit de cette direction ([14]).

 

 

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Activités

LFI 2022

PLF 2023

LFI 2022

PLF 2023

Loyers métropole

17,8

17,3

19,8

23,3

Loyers OME

43

43,4

43,5

42,3

Garantie d'occupation

3,5

3,5

3,5

3,1

Entretien courant

13,9

12,3

14

7,4

Sous-total OS FAS

78,2

76,5

80,8

76,1

Conventions

47,9

27,3

27,5

16,3

Maintien en condition

41,7

24,7

14,8

24

Construction

9,8

18

9,5

7,4

Externalisation

2 845,50

8,4

49,2

75,3

Sous-total OS Infra

2 944,90

78,4

101

123

Total

3 023,00

154,9

181,8

199,1

 

Les principaux postes de dépenses budgétaires de la DTIE

Les principales lignes budgétaires de la DTIE concernent le contrat Ambition Logements, certaines mesures du plan Famille, la politique du logement et de l’hébergement et l’environnement.

Concernant le contrat Ambition Logements, les autorisations d’engagement nécessaires pour couvrir le contrat (2,835 milliards d’euros) ont été engagées en totalité à la signature de celui-ci, le 14 février 2022. 40 millions d’euros paiements ont été versés au concessionnaire en 2022. La chronique des paiements prévoit ensuite des montants de 70 millions d’euros en 2023, de 164 millions d’euros pour chacune des années 2024 à 2029, puis de l’ordre de 60 millions d’euros pour chacune des années suivantes. Cette chronique traduit le fait que les investissements de remise à niveau du parc de logements soient concentrés sur le début de la période sur laquelle courre le contrat.

 

Concernant le plan « Famille », la réservation de 660 logements neufs par convention auprès de bailleurs semble avoir été réalisée, les constructions neuves de logements outre-mer, prioritairement en Guyane et à Mayotte, sont engagées et l’amélioration de l’état technique du parc de logement est en cours.

En 2023, le budget opérationnel de programme « Crédits de la politique immobilière », géré par la DTIE et rattaché au programme 212, est doté de 697 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 569 millions d’euros de crédits de paiement. Ces crédits sont majoritairement consacrés au logement familial (156 millions d’euros d’autorisations d’engagement soit 22 % du budget opérationnel de programme du comité de politique immobilière), à l’hébergement en enceinte militaire (170 millions d’euros d’autorisations d’engagement, soit 24 % du budget opérationnel de programme du comité de politique immobilière et à l’environnement (114 millions d’euros d’autorisations d’engagement, soit 16 % du budget opérationnel de programme du comité de politique immobilière). S’agissant de l’hébergement, Le PLF pour 2023 prévoit un engagement de 171 millions d’euros de travaux. Les effets de l’inflation, non propres au programme hébergement, sont en cours d’analyse sur l’ensemble du budget de la mission Défense.

S’agissant de la politique environnementale, le budget 2023 du budget opérationnel de programme du comité de politique immobilière identifie 114 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 57 millions d’euros de crédits de paiement. Ces financements doivent permettre l’engagement de deux nouveaux contrats de performance énergétiques (Canjuers, Solenzara) pour un investissement de 48 millions d’euros, portant à 12 le nombre de crédits de paiement notifiés depuis 2011, et la poursuite des remplacements de chaufferies (10 millions d’euros hors les crédits de paiement). 10 millions d’euros environ sont réservés pour des actions relatives à la protection de la biodiversité et l’innovation et 50 millions d’euros sont mobilisés pour la réfection des réseaux d’eau.

Lors de l’audition de la directrice des territoires, de l’immobilier et de l’environnement, le rapporteur a noté qu’en 2023, les loyers pratiqués par le ministère des Armées dans son parc domanial allaient augmenter. Selon la DTIE, cette hausse, qui concernera un tiers du parc, s’explique par le fait que les valeurs locatives n’ont pas évolué depuis plusieurs dizaines d’années : l’augmentation des recettes devrait permettre de financer des travaux d’isolation et donc la performance énergétique des logements. In fine, la DTIE estime que les familles de militaires locataires devraient ne pas y perdre.

Le rapporteur déplore cette évolution, estimant que ce n’est pas aux familles de militaires de financer la rénovation des logements domaniaux du ministère des Armées.

 


   Seconde partie : La nouvelle politique de rémunération des militaires

Avant la mise en application de la nouvelle politique de rémunération des militaires en 2021, la rémunération des militaires reposait sur un système complexe, devenu illisible et inique (I). Si la démarche de simplification des indemnités militaires est, en soi, bienvenue, la méthode adoptée par le Gouvernement est problématique, de même que certains grands principes retenus pour définir les nouvelles indemnités et primes, telles que la forfaitisation, la fiscalisation ou la rémunération à la performance (II). Enfin, cette « nouvelle politique » ne peut être conduite sans une réflexion globale sur le pouvoir d’achat des militaires (III).

I.   La rémunération des militaires avant la NPRM reposait sur un système complexe devenu illisible et inique

En matière de rémunération, la loi établit de grands principes clairs, consubstantiels à la condition militaire. Aux termes l’article L. 4111-1 du code de la défense ([15]), le statut militaire prévoit des compensations aux contraintes et exigences de la vie dans les forces armées et formations rattachées. L’article L. 4123-1 du même code précise que les militaires ont droit à une rémunération comportant notamment la solde dont le montant est fixé en fonction soit du grade, de l'échelon et de la qualification ou des titres détenus, soit de l'emploi auquel ils ont été nommés. Il peut y être ajouté des prestations en nature. Le classement indiciaire des corps, grades et emplois qui est applicable aux militaires tient compte des sujétions et obligations particulières auxquelles ils sont soumis. À la solde des militaires s'ajoutent l'indemnité de résidence et, le cas échéant, les suppléments pour charges de famille. Une indemnité pour charges militaires tenant compte des sujétions propres à l'état militaire leur est également allouée dans les conditions fixées par décret. Peuvent également s'ajouter des indemnités particulières allouées en raison des fonctions exercées, des risques courus, du lieu d'exercice du service ou de la qualité des services rendus. Les statuts particuliers fixent les règles de classement et d'avancement dans les échelons d'un grade. Ils peuvent prévoir des échelons exceptionnels ou spéciaux. Toute mesure de portée générale affectant la rémunération des fonctionnaires civils de l'État est, sous réserve des mesures d'adaptation nécessaires, appliquée avec effet simultané aux militaires. Lorsque l'affectation entraîne des difficultés de logement, les militaires bénéficient d'une aide appropriée.

La politique de rémunération des militaires concourt à la satisfaction de deux impératifs de gestion pour le ministère des Armées : fidéliser un personnel compétent et garantir un renouvellement important des effectifs afin de disposer d’une armée jeune et formée pour répondre aux contrats opérationnels. Parmi d’autres éléments – intérêt et sens de la mission, conditions de travail et de vie etc. –, la rémunération contribue à l’attractivité du métier militaire.

La solde brute comprend la solde indiciaire, le complément de solde (indemnité de résidence, supplément familial de solde et nouvelle bonification indiciaire) et les primes et indemnités (spécificités de l’état militaire, qualifications, activités opérationnelles). Mais la rémunération représente un ensemble plus large, comportant quatre éléments : l’indiciaire, l’indemnitaire, la pension militaire et la rémunération indirecte (quart de place dans le train, hébergement etc.).

A.   Le volet indiciaire : des grilles de plus en plus aplaties et un point d’indice trop longtemps gelé

En dehors des deux grilles propres aux gendarmes, il existe cinq grilles indiciaires : la grille des ingénieurs de l’armement ; celle des praticiens des armées ; celles des militaires du rang et des sous-officiers de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ; celle des autres corps d’officiers, de sous-officiers et des militaires du rang. Les différents corps composant le corps des militaires infirmiers techniciens des hôpitaux des armées (MITHA) n'ont pas de grilles indiciaires propres : leur échelonnement indiciaire est celui des corps homologues de la fonction publique hospitalière civile (cf. première partie du rapport). Ces grilles étaient régies par une trentaine de décrets portant statut particulier des différents corps militaires, définissant l'échelonnement indiciaire, ainsi que par sept décrets fixant les indices de solde des corps militaires.

1.   Une faible progression voire un aplatissement des grilles indiciaires

Le lecteur de ces grilles indiciaires ne peut qu’être frappé par leur faible progressivité. À titre d’exemple, dans le corps des sous-officiers de l’armée de Terre, un sergent commencera au premier échelon à l’indice majoré de 343, soit à 1 663,56 euros par mois. À l’autre extrémité, un major en fin de carrière se situera, à l’échelon exceptionnel, à l’indice majoré de 582, soit une solde indemnitaire de 2 882,72 euros et un coefficient multiplicateur de 1,73 environ.

Dans le corps des officiers de carrière, un lieutenant commencera au premier échelon à l’indice majoré de 425, soit un salaire brut de 2 061 euros. Cela représente à peine plus de 400 euros de différence de rémunération indiciaire par rapport à celle d’un sergent. À l’autre extrémité de la carrière, un colonel touchera un maximum de 5 451, 44 euros d’indiciaire.

Le tassement des grilles indiciaires, qui concerne en particulier les militaires du rang et les sous-officiers, est consécutif aux revalorisations successives du SMIC : afin d’éviter que les agents publics soient rémunérés à un niveau inférieur au SMIC, des relèvements de l’indice minimum de traitement de la fonction publique sont effectués, conduisant à un rehaussement des premiers indices des militaires, sans que ceux des échelons des grades supérieurs soient corrélativement rehaussés. Entre janvier 2021 et mai 2022, l’indice minimum de traitement est ainsi passé de l’IM 330 à l’IM 352, soit une augmentation de 22 points d’indice majoré. Le tassement de la grille des militaires du rang est tel que plusieurs grades et échelons différents sont soldés sur un même indice et les indices des militaires du rang se rapprochent des indices de ceux des sous-officiers, dont les indices de début de grille sont désormais identiques. Ainsi, le soldat qui vient d’intégrer l’institution bénéficie d’un indice de solde identique à celui d’un caporal-chef de 12 ans de service (échelle de solde n° 3), soit l’IM 352. Cet indice est le même que pour les premiers grades de sous-officiers (sergent, échelle de solde 3, jusqu’à 10 ans de service et sergent-chef, échelle de solde 3, jusqu’à 10 ans de service). L’indice de solde est désormais le même (IM 352) pour 70 % des échelons des grades de militaires du rang. Quel que soit son grade, il faut atteindre le 6e échelon de l’échelle de solde 3 des caporaux-chefs (13 ans de service) ou bien le 3e échelon de l’échelle de solde 4 (7 ans de service) pour avoir un indice supérieur. La stagnation indiciaire pluriannuelle qui en découle diminue l’attractivité du grade supérieur au sein de cette catégorie.

De plus, un militaire n’est pas davantage incité à devenir sous-officier puisqu’à moins d’accéder à l’échelle de solde 4 (la plus élevée), il serait amené à stagner à l’indice 352 pendant de nombreuses années (jusqu’à atteindre le 6e échelon de l’échelle de solde 3 du grade de sergent à 11 ans de service, ou le 2e échelon de l’échelle de solde 3 du grade de sergent-chef à 9 ans de service). Ce tassement ne permet pas non plus de faire profiter les militaires de gains indiciaires conséquents au stade clef du renouvellement de contrat, de façon à inciter les militaires à poursuivre leur parcours dans les armées.

La direction des ressources humaines du ministère reconnaît que ce tassement va à l’encontre de l’objectif de fidélisation des militaires.

Face à la désaffection possible des militaires aux grades et responsabilités supérieures de militaires de rang ou pour le recrutement de sous-officiers parmi les militaires du rang, le ministère des Armées a élaboré différents projets de grilles pour rétablir les gains indiciaires lors de changements d’échelons, d’échelle de solde, de grade ou de catégorie de grade de façon à garantir la fidélisation au sein des armées et la cohérence du modèle RH de recrutement interne. D’après les informations fournies au rapporteur, « ces évolutions sont censées entrer en vigueur en 2023. Parallèlement, un grand chantier de réforme de l’échelonnement indiciaire de la fonction publique est aujourd’hui ouvert par le ministère de la fonction et de la transformation publiques ».

2.   Un point d’indice quasi gelé pendant une douzaine d’années et dont le rattrapage de 3,5 % en 2022 reste très insuffisant au regard de la forte hausse du taux d’inflation

Le schéma ci-dessous, extrait de la dernière revue annuelle du HCEM, illustre que la part de l’indiciaire est majoritaire dans la rémunération de tous les militaires.

cid:4BEA298A-6548-46AA-93FD-EF7B1858E9D7-L0-001

Cependant, le fait que les 100 000 gendarmes d’active, dont l’indiciaire est important, soient pris en compte dans ce diagramme en altère les moyennes, s’agissant des militaires du ministère des Armées.

On ne peut que déplorer que le point d’indice ait été totalement gelé, à l’exception de l’année 2017, jusqu’en 2022. Le rapporteur note d’ailleurs que les dernières revalorisations sont systématiquement intervenues en année électorale. La dernière revalorisation, intervenue en juillet dernier et s’élevant à 3,5 %, est nettement en deçà du taux d’inflation qui, selon l’INSEE, s’élevait en août 2022 à 5,8 % sur un an ([16]). Ses effets sur le pouvoir d’achat des agents de l’État sont donc nuls et n’empêchent pas une dégradation de leur situation.

B.   Le volet indemnitaire : un foisonnement de primes source d’illisibilité voire d’inéquité

1.   Le système antérieur à la NPRM comptait 174 primes

D’après la Cour des comptes, il existait, avant le lancement en 2021 de la « nouvelle politique de rémunération des militaires » 174 primes et indemnités. Dans un rapport de 2013, la Cour en fournit la liste ([17]) . Elles peuvent être réparties en quatre types :

- certaines primes (32 %) sont communes à la fonction publique (la nouvelle bonification indiciaire, l’indemnité de résidence, le supplément familial de solde, la garantie individuelle d pouvoir d’achat, le forfait mobilités durables, les primes liées à l’affectation hors hexagone) ;

- d’autres (29 %) étaient spécifiques à l’état militaire, visant à compenser les charges militaires, la forte mobilité, les carrières courtes etc. ;

- les primes de qualification (11 %) sont actuellement perçues par les détenteurs de certains brevets ou diplômes militaires ;

- les primes opérationnelles (28 % des primes) sont versées aux militaires projetés en opérations extérieures mais aussi hors OPEX ainsi que pour certains emplois de milieu (aéronautique, maritime, parachutisme, embarquement).

 

a.   Les primes liées à la disponibilité et à la mobilité

Certaines primes sont liées à la mobilité. La mobilité, tant géographique que fonctionnelle, est consubstantielle à la condition militaire, les militaires étant amenés à servir « en tout temps et en tout lieu ». La mobilité des militaires se distingue de celle des agents civils à maints égards.

Les militaires sont mutés d’office tandis que les fonctionnaires – hors corps préfectoral, diplomates et commissaires de police – sont le plus souvent mutés sur base du volontariat. La mobilité est fréquente, tous les sept ans en moyenne – alors qu’elle intervient en moyenne tous les 19 ans pour les civils. Elle concerne toutes les catégories hiérarchiques, même si c’est moins vrai pour les militaires du rang. Elle intervient tout au long de la carrière et surtout, c’est une mobilité de longue distance. Comme de nombreux rapports le soulignent, notamment le rapport d’information dressant un bilan du plan Famille ([18])  rendu par deux commissaires de la Défense il y a un an et le dernier rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire ([19]), la mobilité a des effets majeurs sur l’emploi du conjoint, sur la scolarisation des enfants, sur les conditions de logement des familles de militaires et même sur l’accès des familles aux praticiens de santé.

i.   L’indemnité pour charges militaires compense la sujétion de disponibilité

Jusqu’à son « remplacement », à l’automne 2023, par l’indemnité d’état militaire (IEM) et, pour partie, par l’indemnité de garnison (IGAR), l’indemnité pour charges militaires (ICM) est destinée à compenser une sujétion très spécifique aux militaires : la disponibilité.

L’ICM comporte deux parts, prenant la forme de deux taux distincts : la part « universelle », perçue par tous les militaires, qui compense les divers frais et sujétions inhérents au statut militaire ; la part « logement », perçue uniquement par les militaires ne disposant pas d’un logement fourni gratuitement par l’administration. Ainsi, l’ICM indemnise aujourd’hui deux sujétions de nature différente : les sujétions et frais divers inhérents au statut militaire, d’une part ; la contrainte de logement, d’autre part.

Son montant varie sensiblement en fonction du grade et de la situation familiale. Le décret du 28 décembre 1949 relatif à l’ICM prévoit que cette indemnité est « représentative de frais ». C’est à ce titre qu’elle est défiscalisée. L’ICM est allouée pour tenir compte des diverses sujétions spécifiquement militaires et, notamment de la fréquence des mutations d’office, génératrice de frais directement ou indirectement liés à la situation du militaire.

En vertu du 1° de l’article 81 du code général des impôts, les indemnités versées aux salariés en compensation des frais inhérents à la fonction occupée sont exonérées de l’impôt sur le revenu.

ii.   Le complément et le supplément d’indemnité pour charges militaires compensent la sujétion que représentent les mutations et leur fréquence

Avant l’entrée en vigueur de l’indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM) en 2021, l’indemnisation de la mutation proprement dite était assurée par ce que les militaires ont coutume d’appeler les « primes de rideaux » :

- le complément forfaitaire de l’ICM (COMICM) visait à compenser les mutations rapprochées dans le temps ;

- le supplément forfaitaire de l’ICM (SUPICM) avait quant à lui pour objet de compenser la fréquence des mutations (à partir de la troisième pour les non officiers et de la sixième pour les officiers).

Pour bénéficier des COMICM-SUPICM, le militaire devait remplir les critères cumulatifs suivants :

- percevoir un taux particulier de l’indemnité pour charges militaires (ICM), c’est-à-dire être marié, pacsé et/ou avoir des enfants à charge au sens du code général des impôts ;

- recevoir une mutation dans l’intérêt du service dans une nouvelle garnison ;

- avoir effectivement déménagé.

Le montant des COMICM-SUPICM variait en fonction du grade du militaire ; pour les couples de militaires, du choix de l’attributaire du taux particulier de l’ICM ; de la localisation de sa nouvelle garnison d’affectation (Île-de-France ou province, garnison isolée ou non, métropole ou outre-mer) ; des conditions de logement ; de la situation familiale ; de la durée de la précédente affectation (pour le COMICM) ; du nombre total de mutations reçues depuis l’entrée au service (pour le SUPICM).

iii.   La majoration d’indemnité pour charges militaires indemnise la charge pour les familles

L’indemnisation de la charge locative des familles de militaire muté était assurée par la majoration d’ICM, ou MICM. Jusqu’à l’entrée en vigueur de l’indemnité de garnison prévue au troisième trimestre 2023, le militaire doit être locataire, marié ou avoir au moins un enfant à charge et avoir déposé une demande de « logement Défense » ([20]) auprès du bureau du logement local.

b.   Les primes opérationnelles

Les primes opérationnelles comprennent les primes versées en opérations extérieures, des indemnités opérationnelles hors OPEX et hors primes de milieu et les primes opérationnelles de milieu liées à certaines activités opérationnelles aériennes ou navales.

i.   L’indemnité de sujétions spéciales à l’étranger

L’indemnité de sujétions spéciales à l’étranger (ISSE) et les indemnités opérationnelles hors primes de milieu sont principalement versées aux militaires de l’armée de Terre. Les militaires déployés sur des théâtres dans le cadre d’une opération extérieure perçoivent l’ISSE, d’un montant d’une solde et demie et son éventuel supplément.

ii.   L’indemnité pour services en campagne

D’autres primes opérationnelles ne compensent pas les opérations extérieures et ne s’apparentent pas à un milieu particulier. Elles sont principalement concentrées dans l’armée de Terre. On peut citer l’indemnité pour services en campagne, attribuée au militaire qui effectue des activités d’instruction, d’entraînement ou d’intervention pendant plus de 36 heures hors de sa garnison ou encore le complément spécial pour charges militaires de sécurité versé au militaire assurant un service de permanence le week-end ou les jours fériés.

c.   Les primes de milieu

Les primes opérationnelles du milieu marin sont une dizaine, parmi lesquelles la majoration d’embarquement, l’indemnité de sujétions d’absence du port-base, l’indemnité de majoration pour navigation à l’extérieur ou encore l’indemnité de mise en œuvre de l’énergie propulso-nucléaire. Les primes du milieu aéronautique sont essentiellement attribuées aux pilotes et navigateurs, alors que dans la marine, elles sont attribuées à l’ensemble du personnel embarqué, quelle que soit sa spécialité. Cinq indemnités sont spécifiques aux activités aériennes. Les principales sont l’indemnité pour service aérien (ISAé), l’indemnité pour services aériens des militaires parachutistes (ISATAP) et l’indemnité spéciale de sécurité aérienne (ISSA), versée aux contrôleurs d’opérations et de sécurité aérienne. L’indemnité pour services aériens (ISAé) est allouée différemment selon les armées. Dans l’armée de l’Air, les personnels navigants bénéficient tous de l’ISAé au titre de leur appartenance à ce corps. Dans la marine, c’est la qualification qui donne droit à l’obtention de l’indemnité. Le pourcentage de personnels navigants bénéficiant de l’ISAé et affectés à des postes non aéronautiques est plus réduit (16 %), sans être négligeable. Dans l’armée de Terre, tous les pilotes bénéficient de l’ISAé, alors qu’en théorie, seuls les pilotes servant au sein de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) y ont droit.

d.   Les primes de qualification

Les primes de qualification sont perçues par les détenteurs de certains brevets ou diplômes militaires, essentiellement officiers, sous-officiers, ingénieurs de l’armement et MITHA.

e.   Une importance variable des différentes primes dans le volet indemnitaire de la solde

L’ICM et les primes versées aux militaires projetés en opérations extérieures constituent une part sensible de la rémunération des militaires qui en bénéficient même si, au total, la rémunération des militaires varie, à grade équivalent, selon les armées, le lieu d’affectation et la spécialité.

2.   Un système complexe et à bout de souffle mais qui présentait certains avantages

Datant des années 1960, le système de primes sus-décrit est considéré comme vétuste, rigide, illisible, complexe.

Il présentait néanmoins certains avantages : l’ensemble des primes était indexé, l’ICM était défiscalisée et la nouvelle bonification indiciaire, désormais remplacée par la prime de commandement et de responsabilité des militaires, était prise en compte dans le calcul de la pension de retraite.

C.   L’échec des deux réformes précédentes et le traumatisme de la réforme louvois, sources de pression pour réussir coûte que coûte la NPRM ?

La complexité de ce système a conduit l’état-major des armées à mener des travaux de simplification. Comme le rappelle le Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), « la rénovation du statut général des militaires de 2005 devait être suivie de la refondation du système indemnitaire des militaires (RSIM) ([21]) mais cette réforme n'a pas abouti. Le dispositif indemnitaire existant en 2017 [relevait], dans ses grandes lignes, de dispositions conçues avant la professionnalisation des armées tandis que l'harmonisation interarmées [n’était] pas achevée malgré le lancement en 2014 de la simplification du dispositif indemnitaire des militaires (SDIM) ([22]) . La lisibilité du système indemnitaire qui en [a résulté restait] faible ». Ainsi les velléités de réforme des indemnités militaires se sont-elles soldées à deux reprises – avec la RSIM puis la SDIM – par un échec. Les deux chantiers interarmées se sont heurtés à la difficulté croissante de moderniser et simplifier un dispositif réglementaire complexe dans l’environnement instable de la réforme Louvois et avec des marges budgétaires inexistantes. Néanmoins, ces échecs ont été indolores pour les militaires. Ce ne fut en revanche pas le cas de l’échec cuisant du projet de nouveau « logiciel unique à vocation interarmées de la solde » dit projet Louvois.

Pour mémoire, avant le projet Louvois, les fonctions soldes et ressources humaines s’ignoraient l’une l'autre. La collecte des informations se faisait au travers de formulaires papier, tandis que le décompte des soldes était effectué séparément, grâce à des applications informatiques de paie. Le projet de logiciel unique à vocation interarmées de la solde dit « projet Louvois » fut initialement décidé par le ministre de la Défense le 26 octobre 1996 : le ministre de l’époque avait alors confié au commissariat de l’armée de Terre le pilotage de l'élaboration d'un logiciel de calcul de la solde commun aux trois armées et à la gendarmerie, avec extension ultérieure à la délégation générale pour l'armement. Il fut ensuite décidé de rapprocher les fonctions solde et ressources humaines et de faire converger les systèmes d’information de gestion des ressources humaines. C’est au terme de nombreuses difficultés que le dispositif Louvois fut finalement été adopté en 2011-2012, sauf pour l’armée de l’Air. Considérables, les dysfonctionnements du dispositif ont concerné les personnels de l’armée de Terre, de la Marine et du service de santé des armées mais pas ceux de la DGA, du contrôle général des armées, de l’armée de l’Air ni de la gendarmerie.

Les dysfonctionnements observés dans le système d’informations Louvois ont entraîné des anomalies de calcul des soldes à l’origine de moins-versés ou trop-versés pour de nombreux militaires. Cette situation avait notamment fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes en 2016. Fin décembre 2020, la somme consolidée des indus constatés depuis la mise en service de Louvois en 2011 s’élève à 702,4 millions d’euros. À cette date, 72 % de ces indus (soit 502,8 millions d’euros) sont déjà recouvrés. 13 % sont en cours de traitement, avec un potentiel de recouvrement supplémentaire de 91 millions d’euros. Le reliquat, environ 15 %, soit 108,7 millions d’euros, correspond principalement aux créances abandonnées, prescrites ou remises gracieuses.

Un plan d’urgence ministériel, budgétisé à hauteur de 30 millions d’euros, a été institué à la fin de l’année 2012 afin de remédier aux moins-versés de solde. Entre 2012 et 2014, ce plan a permis de traiter plus de 27 000 dossiers ; en 2015, 425 dossiers ont dû être traités. La Marine et le SSA ayant manuellement traité toutes les anomalies constatées, c’est finalement l’armée de Terre qui a été la plus affectée par le dispositif : elle a régularisé en deux ans, entre 2013 et 2014, les écarts de solde de ses militaires.

Désormais, toute réforme de la solde est un enjeu très sensible pour les militaires et leurs familles. Si tout le personnel militaire n’a pas connu le traumatisme Louvois, dans une armée en flux constant, cette affaire n’en a pas moins laissé des séquelles de fraîche date dans la communauté militaire.

Autre élément de contexte que celui du projet d’institution d’un service universel de retraite, dit « SUR », qui prévoyait la prise en compte des indemnités et primes dans le calcul de la retraite. Le rapporteur revient infra sur cet enjeu.

II.   Le cadre global de la réforme en cours : une simplification nécessaire mais une méthode très contestable

La nouvelle politique de rémunération des militaires, la NPRM, a été lancée dans le cadre de la loi de programmation militaire pour 2019-2025.


Dispositions du rapport annexé à la loi de programmation militaire 2019-2025 en matière de rémunération

En matière de rémunération, la programmation prévoit la mise en œuvre d'un ambitieux chantier de rénovation de la politique de solde des personnels militaires, à travers la « nouvelle politique de rémunération des militaires » (NPRM). Celle-ci sera initiée dès 2021 et aura pour objectif de faciliter la maîtrise de la masse salariale et de simplifier le système indemnitaire en améliorant sa lisibilité. Ce dernier point contribuera pleinement à l'attractivité de la carrière militaire, en clarifiant la structure de rémunération, notamment indemnitaire. Cette réforme permettra de réduire le nombre de primes, sans préjudice du niveau de rémunération, et de fiabiliser ainsi les modalités de calcul et de liquidation de la solde. Ce projet d'envergure concernant l'ensemble du personnel relevant du statut général des militaires, la direction générale de la gendarmerie nationale sera étroitement associée à l'ensemble des travaux de l'équipe de direction en charge de la conduite de ce projet. La NPRM contribuera par ailleurs à sécuriser et à simplifier les modalités de versement de la solde. Avec l'entrée en service du système de rémunération Source Solde, successeur du système Louvois, elle marquera ainsi une normalisation des conditions de liquidation de la paie des personnels militaires, particulièrement affectés par la crise connue par le système actuel. Des mesures spécifiques seront prises pour améliorer la fidélisation au profit de certaines compétences rares. Les corps des ingénieurs de l'armement et des praticiens des armées bénéficieront d'une revalorisation, afin de préserver leur attractivité comparativement à des corps et des métiers civils comparables. De même, les travaux entrepris pour améliorer l'attractivité des corps militaires et celle de leur haut encadrement seront poursuivis. À cet égard, la LPM prévoit la consolidation réglementaire de certaines dispositions actuelles. Pour le personnel civil, le complément indemnitaire annuel (CIA) des fonctionnaires sera revalorisé, contribuant à mieux reconnaître l'engagement individuel et la manière de servir des agents. Enfin, les mesures indiciaires ou indemnitaires affectant le niveau général de la rémunération des fonctionnaires civils seront adaptées sans délai à la fonction militaire dans un souci d'équité.

Selon les informations fournies au rapporteur par la direction des ressources humaines du ministère des Armées (DRH-MD), l’entrée en vigueur des deux premiers volets de la NPRM n’a pas posé de problème au nouveau logiciel Source Solde, désormais pleinement en vigueur dans les armées, directions et services. Il faut espérer que le déploiement de quatre nouvelles primes l’an prochain se déroulera tout aussi bien l’an prochain. Interrogée par le rapporteur à ce sujet, la DRH-MD a indiqué que « le retour d’expérience des deux premières phases de la NPRM permet[tait] d’envisager avec confiance l’intégration du nouveau dispositif dans Source Solde ».

A.   Une simplification bienvenue

Selon le ministère des Armées, l’objectif de simplification du volet indemnitaire de la solde s’explique par plusieurs facteurs.

Le premier objectif avancé par les concepteurs de la NPRM est celui de l’équité (prise en compte des sujétions, à commencer par celle de disponibilité, reconnaissance des exigences de la militarité et uniformisation des régimes dans un souci d’équité).

Le deuxième est celui de l’adaptation aux nouveaux enjeux sociétaux, avec davantage d’universalité, au profit des célibataires, notamment, de neutralité à l’égard des choix individuels (célibat géographique, statut de propriétaire) et de prise en compte des évolutions sociologiques du modèle ou des modèles familiaux (la conclusion d’un PACS n’étant auparavant reconnue qu’au bout de deux ans) : la NPRM substitue ainsi à la notion de famille celle de foyer fiscal. Ce dernier désigne l’ensemble des personnes inscrites sur une même déclaration de revenus et permet de prendre en compte les enfants en garde alternée, les enfants majeurs étudiants et les enfants majeurs en situation de handicap. La DRH-MD indique que « la prise en compte des contraintes familiales dans la solde n’est pas entreprise au détriment des célibataires qui représentent 45 % des effectifs militaires du ministère et la quasi-totalité des recrutements ».

Le troisième objectif avancé est celui de la modernisation pour répondre aux évolutions du marché du travail et à l’émergence de nouvelles compétences : « en cohérence avec l’ambition 2030 et la volonté de se doter d’une armée professionnelle, hautement qualifiée et tournée vers l’emploi, la NPRM vise à harmoniser entre les armées la compensation des engagements opérationnels, à rénover la reconnaissance des compétences techniques, à valoriser les parcours professionnels, à prendre en compte les tensions pesant sur certaines filières et à développer la rémunération à la performance individuelle pour les corps techniques de conception et de direction ».

Enfin, quatrièmement, l’objectif était bien sûr de simplifier et de rendre plus lisible le volet indemnitaire de la solde. Pour ce faire, la NPRM définit huit nouvelles primes :

- trois primes liées à la militarité : l’indemnité de mobilité géographique du militaire (IMGM), l’indemnité d’état militaire (IEM) et l’indemnité de garnison (IGAR) ;

- deux primes visant à valoriser les finalités de l’engagement militaire : l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle (ISAO) et la prime de commandement et de responsabilité militaire (PCRM) ;

- trois primes liées aux capacités opérationnelles répondant aux besoins RH des armées : la prime de parcours professionnel (3PM) et son complément indiciaire, la prime de performance (PERF) et la prime de compétences spécifiques militaires (PCSMIL).

La prime de lien au service, qui vise à fidéliser les personnels aux compétences très recherchées, est maintenue après réforme.

Ne seront pas modifiées par la NPRM :

- la rémunération à l’étranger ;

- deux indemnités interministérielles : l’indemnité de résidence et le supplément familial ;

- les indemnités versées par le ministère de l’intérieur aux gendarmes, aux sapeurs-pompiers de Paris, aux marins pompiers de Marseille et aux militaires des unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile ;

- les indemnités versées aux personnels paramédicaux du SSA (MITHA) ;

- l’indemnité d’activité opérationnelle ;

- l’indemnité spécifique de haute responsabilité.

Il s’agit aussi pour le ministère de « valoriser le commandement » et de « récompenser la performance à certains postes à responsabilité » qui, sans relever du commandement, revêtiraient une importance particulière. À ces fins, la NPRM a prévu le remplacement de la nouvelle bonification indiciaire par la prime de commandement et de responsabilité (PCRM) et la création d’une indemnité pour sujétion d’absence opérationnelle. L’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) est maintenue ainsi que son supplément.

Le rapporteur ne peut évidemment que souscrire à l’objectif d’équité – et donc de lisibilité : tout militaire, quelle que soit son armée d’appartenance, doit bénéficier, à sujétion équivalente, d’une indemnisation équivalente. Cela étant, le rapporteur s’interroge quant à la méthodologie retenue par le Gouvernement, pour plusieurs raisons.

B.   Une réforme mal nommée qui laisse de côté l’indiciaire, dans un contexte d’appauvrissement généralisé des familles de militaireS

L’écueil principal voire principiel de la nouvelle politique dite de « rémunération » des militaires est que le Gouvernement a commencé par redéfinir l’édifice qu’est la solde en commençant par la « toiture » avant d’en établir les fondations. L’indiciaire, on l’a vu, représente l’essentiel de la solde des militaires. C’est la « solde de base » qui permet de valoriser l’avancement d’échelons et de grades. C’est la partie de la rémunération qui est censée permettre de prendre en compte les évolutions du coût de la vie. Censée seulement car le gel du point d’indice et le tassement des grilles évoqué supra ont indéniablement entraîné un appauvrissement des militaires. Un auditionné le soulignait : il y a quinze ans, un sous-officier au grade d’adjudant-chef pouvait s’offrir 5 000 baguettes de pain avec sa solde. Quinze ans plus tard, il ne peut plus s’en offrir que 2000. Or, la réforme de la NPRM n’a pas été conçue pour résister au temps.


Proposition n° 7 : Indexer l’évolution du point d’indice sur le taux d’inflation.

 

Proposition n° 8 : Ddéfinir une réforme des grilles indiciaires dans le cadre de la future loi de programmation militaire.

Pour mémoire, les gendarmes qui, eux, relèvent du ministère de l’intérieur, devraient bénéficier de mesures indiciaires dans le cadre du protocole social conclu le 9 mars dernier et adossé à la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur. Il s’agit notamment de rénover les parcours de carrières et les grilles indiciaires des sous-officiers à partir de juillet 2023. Cela représentera en année pleine en 2024 un coût de 46,6 millions d’euros par an. Par parité avec la grille du corps d’encadrement et d’application de la police nationale, l’ensemble des grilles indiciaires des sous-officiers de gendarmerie sera revalorisé, avec notamment la création d’une grille analogue à celles des majors responsables d’unités locales de police. Les taux d’encadrement des adjudants-chefs et des majors seront augmentés.

C.   Une augmentation de crédits conséquente mais une réforme construite à partir d’une enveloppe contrainte

La NPRM devrait représenter en volume budgétaire 80 % des primes et indemnités antérieures, soit 2,7 des 3,3 milliards d’euros consacrés aux indemnités et primes sur le titre 2 de la mission Défense, qui s’élève à 12,9 milliards d’euros.

En mesures nouvelles, la NPRM devrait représenter 480 millions d’euros par an de crédits en année pleine à compter de 2024 puisqu’en 2023, les quatre dernières primes à déployer ne seront mises en application qu’à l’automne. En 2023, le Gouvernement a prévu une enveloppe de 101 millions de crédits supplémentaires. À ces 480 millions d’euros, il convient d’ajouter quelque 48 millions d’euros de crédits visant à couvrir la fiscalisation de l’indemnité de garnison et les conséquences de cette fiscalisation sur l’accès à certaines prestations sociales (cf. infra).

Le rapporteur reconnaît l’effort budgétaire consenti mais estime qu’il doit être mis en regard des 3,3 milliards d’euros consacrés aux indemnités et primes et des 12 milliards d’euros consacrés au titre 2 et donc être relativisé.

En outre, alors que la NPRM est présentée comme une refonte du système indemnitaire des militaires, certaines primes ont vu leur logique en partie dictée par la nécessité de faire entrer leur coût dans une enveloppe fermée. Dans l’impossibilité de dépasser cette enveloppe finie, le ministère des Armées a ainsi été contraint de revoir sa copie sur certaines primes et de les plafonner. C’est notamment le cas de l’indemnité de mobilité géographique des militaires, l’IMGM, plafonnée à neuf mutations et à 11 700 euros (cf. infra).

D.   Une forfaitisation synonyme d’érosion dans le temps, en l’absence de clause de revalorisation

Là où de nombreuses indemnités et primes étaient auparavant indexées, toutes les indemnités et primes entrées en vigueur en 2022 – ISAO, PCRM et PERF – sont « forfaitisées » c’est-à-dire fixées en valeur. Si la forfaitisation des primes relève d’un mouvement propre à l’ensemble de la fonction publique et non aux seuls militaires, pour le Gouvernement, l’objectif est clair : il s’agit de « maîtriser les coûts » et en l’occurrence, la « masse salariale », dans une perspective d’austérité. Il est regrettable que la condition militaire n’ait pas été l’objectif premier de la réforme. Car en l’absence de mécanisme de réévaluation périodique, la forfaitisation – même lorsque le taux d’inflation est faible mais a fortiori dans le contexte actuel d’inflation élevée – conduit mécaniquement à une érosion des primes en euros constants. Par conséquent, l’augmentation des primes dans leur version rénovée n’est que temporaire et en quelque sorte, en trompe-l’œil.

Proposition n° 9 : Prévoir un mécanisme de revalorisation pour toutes les indemnités primes forfaitisées et sanctuariser à cette fin chaque année des crédits dans le cadre des mesures catégorielles.

E.   Un manque de cohérence

1.   Une réforme déconnectée de celle des pensions de retraite

La NPRM a été conçue alors qu’était prévue l’adoption d’un système universel de retraite qui aurait pris en compte l’ensemble des primes dans le calcul des retraites. L’instauration du système universel de retraite étant restée lettre morte, une grande incertitude pèse sur le sort réservé au régime des pensions militaires et pour l’heure, les nouvelles indemnités militaires, à la différence de la nouvelle bonification indiciaire désormais remplacée par la prime de commandement et de responsabilité (PCRM), ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite. Le rapporteur estime qu’a minima, l’indemnité d’état militaire, sur laquelle il revient infra devra impérativement être prise en compte dans le calcul de la retraite.

2.   Une réforme peu concertée, lancée sans simulation, étude d’impact ni plan de communication adapté

a.   Une concertation sans véritable participation

Le ministère des Armées met en avant le fait que la réforme ait été menée de façon « transparente », soulignant que les armées, directions et services ont été « étroitement associés » à la démarche dans le cadre de seize comités de pilotage et de 350 « ateliers de conception ». Il indique que « le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) ainsi que les conseils de la fonction militaire (CFM) propres aux armées, directions et services ont été régulièrement informés pendant la phase de conception et de développement, dans une démarche de concertation. » Le ministère indique qu’« avant la mise en œuvre de chacun des blocs, une étude d’impact leur [a été transmise] ». Au terme de ses auditions, le rapporteur n’a pas le sentiment que cela ait réellement été le cas – ou encore faudrait-il que le Gouvernement précise ce qu’il entend par étude d’impact.

b.   L’absence de simulations fournies aux directions des ressources humaines des armées, directions et services par le « guichet unique »

Le ministère des Armées indique que « depuis début 2021, un simulateur permet aux administrés de calculer précisément les montants de l’IMGM » et qu’à la fin du premier semestre 2022, « un estimateur » devait être disponible « afin d’apprécier de manière globale le résultat de la NPRM sur chaque solde ». Selon le ministère, celui-ci « [devait être] aussi complet que le permet la technique ». Le ministère reconnaît cependant qu’il « a été exclu, car irréalisable techniquement, de développer un simulateur totalement exhaustif, voire un comparateur permettant à chaque militaire de déterminer sa solde avant et après NPRM ».

À l’exception notable de la secrétaire générale pour l’administration du ministère des Armées, le rapporteur note que l’ensemble des personnes auditionnées a indiqué n’avoir reçu aucune simulation des effets de la réforme. Si ces interlocuteurs ont tous admis la complexité de fournir de telles simulations – certains ayant même mis cette absence de simulation et de simulateur sur le compte de la complexité et de la diversité des situations –, le rapporteur ne peut cependant que déplorer cet état de fait, a fortiori si le secrétariat général pour l’administration disposait de tels éléments.

Le rapporteur n’est d’ailleurs pas le seul à déplorer le manque de données statistiques. Dans sa revue annuelle de la condition militaire de 2021, le HCECM se dit « préoccupé par la détérioration des outils statistiques relatifs à la rémunération des militaires » et indique avoir « recommandé, dans la précédente édition de la revue annuelle, d’ajuster le cadre conventionnel, voire réglementaire, pour permettre aux services statistiques de disposer des données les plus exhaustives possibles tout en respectant pleinement toutes les contraintes de confidentialité ». Le HCECM note que le ministère a tenu compte de cette recommandation et mené une mission sur l’optimisation de la production de la statistique.

Enfin, s’agissant des primes déployées en 2022, la communication des états-majors a été tardive, intervenant peu avant la fin du mois de décembre 2021. La publication tardive des textes réglementaires d’application de ce deuxième volet a été particulièrement problématique pour ceux des militaires qui n’ont pas pu prendre connaissance de la réforme avant leur projection en opération ou leur embarquement en mer et qui ne l’ont découverte qu’à leur retour. Le cas le plus flagrant de publication tardive a concerné les arrêtés d’application de l’indemnité de sujétions d’absence opérationnelle. Le rapporteur ose espérer que la communication sur le troisième volet de la NPRM interviendra suffisamment en amont de son déploiement.

3.   Un « saucissonnage » de la réforme, qualifié de « démarche incrémentale », qui empêche toute vision d’ensemble du dispositif

Le ministère met en avant sa démarche « incrémentale » : « chacun des blocs sera mis en œuvre successivement entre 2021 et 2023, pour laisser du temps à la réalisation et à la concertation avant validation », précise-t-il. Cette démarche dite « incrémentale » est expliquée comme suit : « les indemnités ponctuelles (non récurrentes) comme celles touchant à la mobilité géographique ou aux absences opérationnelles ont été les premières à être instituées. Les éléments de rémunération récurrents doivent entrer en vigueur en 2023 ». Le ministère des Armées s’est donc gardé « le meilleur pour la fin » - en d’autres termes, la réforme de l’indemnité d’état militaire, de l’indemnité de garnison et de la prime de parcours professionnel pour 2023.

Cette méthode par étapes présente l’inconvénient de ne pas offrir de vision d’ensemble du dispositif mais au contraire des vues partielles et en quelque sorte « saucissonnées ». La concertation a ainsi été saisie de la première tranche de la réforme, concernant l’indemnité de mobilité géographique, sans disposer des projets de textes réglementaires sur les sept autres indemnités prévues. Une approche aussi morcelée peut surprendre. Le rapporteur estime pour sa part que la concertation aurait dû être saisie en une seule fois de l’ensemble des projets de textes réglementaires et se voir attribuer un temps suffisant pour en évaluer, autant que faire se peut, les effets, quitte à ce que le dispositif entre en vigueur par étapes.

F.   Une indemnité de mobilité géographique globalement bien accueillie mais ayant des effets marginaux non négligeables sur la fidélisation des plus expérimentés

1.   Remplaçant l’ancienne « prime de rideaux », l’IMGM est globalement bien perçue

L’indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM) est définie par le décret n° 2020-1654 du 22 décembre 2020 ([23]) et par trois arrêtés d’application ([24]) datés du même jour : l’arrêté relatif à l’IMGM, qui établit la formule de calcul de l’indemnité, l’arrêté fixant le taux de base de l’IMGM applicable aux militaires relevant du ministère de la défense et l’arrêté fixant le taux de base de l’IMGM applicable aux militaires de la gendarmerie nationale.

L’IMGM vise à indemniser la sujétion liée à l’obligation de mobilité géographique. Elle a remplacé depuis le 1er janvier 2021 le complément et le supplément d’indemnité pour charges militaires (ICM). Elle tend à compenser la sujétion de mutation sur ordre, inhérente à la disponibilité en tout temps et en tout lieu. Chaque année, 19 % des officiers, 12 % des sous-officiers et 9 % des militaires du rang sont concernés par cette sujétion, soit 23 000 militaires.

La DRH-MD indique que le dispositif antérieur (complément et supplément d’ICM) « faisait reposer le montant des indemnités sur une multitude de critères sans rapport avec la sujétion subie (notamment le grade et la situation conjugale) ».

Les bénéficiaires de l’IMGM sont les militaires en activité. Cette indemnité concerne les militaires hébergés en bâtiment cadre célibataire, les bénéficiaires d’un logement concédé par nécessité absolue de service (à un taux de 500 euros pour ces derniers), les locataires du parc privé ou public et les propriétaires de leur logement.

Versée sans conditions de ressources ni quotient familial, l’IMGM est présentée comme « universelle » et prend en compte non seulement les militaires chargés de famille mais aussi les célibataires, les pacsés, y compris depuis moins de deux ans, les célibataires géographiques, les divorcés et les militaires exerçant un droit de visite et d’hébergement sans avoir la charge fiscale de leurs enfants.

L’IMGM ne dépend plus du grade, de la situation familiale ni de l’armée d’appartenance mais uniquement du nombre de mutations ordonnées depuis le début de carrière et du nombre de personnes composant le foyer fiscal. Le rapporteur prend acte de la suppression du critère de grade mais dans la mesure où elle risque d’entraîner des pertes chez les hauts gradés, il estime qu’il aurait été préférable d’aligner tout le système vers le haut pour éviter qu’il y ait le moindre perdant.

Les deux membres d’un couple de militaires mutés lors d’un même plan annuel de mutation perçoivent tous deux leur part d’IMGM, la part relative aux enfants étant répartie entre les deux militaires alors qu’auparavant, le complément et le supplément d’ICM n’étaient versés qu’au militaire désigné d’un commun accord : sur le principe, cette évolution ne semble guère favorable (mais il s’agit de tenir compte des potentiels divorces…).

L’IMGM est versée à chaque mutation pour raison de service même si le militaire ne déménage pas. Sont des mobilités prises en compte au titre de l’IMGM tous les changements d’affectation répondant aux conditions suivantes : une mobilité, imposée par le commandement pour raison de service, entre deux postes localisés dans deux arrondissements ([25]) , collectivités d’outre-mer ou États étrangers différents. La notion d’arrondissement remplace celle de garnison.

Le ministère des Armées indique que les montants versés au titre de l’IMGM sont significativement plus importants que ceux versés au titre des complément et supplément d’ICM. Le budget annuel consacré à l’IMGM s’élève à 74 millions d’euros, contre 36 millions d’euros pour le dispositif précédent.

La formule de calcul de l’IMGM est définie par l’arrêté du 22 décembre 2020 et se présente comme suit :

cid:039D571A-2980-45C3-B5A9-A5F18344F428-L0-001

(T) désigne un taux de 1 300 euros, (N), le nombre de mutations géographiques imposées au militaire depuis son entrée au service, plafonné à 9, et (P), le nombre de personnes composant le foyer fiscal du militaire à la date de prise d’effet de la mobilité géographique.

La formule pour les couples de militaires est la suivante :

cid:04F3386A-1D5A-4FDE-8940-A816124E323E-L0-001

Lorsque deux militaires sont mutés la même année, les personnes rattachées au foyer fiscal, autres que les deux militaires, comptent pour moitié.

Produit de trois variables, l’IMGM est plafonnée à 11 700 euros. Elle est versée, en une seule fois et sans démarche nécessaire, au plus tôt sur la solde du mois de la date de ralliement de la nouvelle affectation.

Le coût supplémentaire induit par l’instauration de l’IMGM est de 40,5 millions d’euros par an, soit une hausse de 112 % par rapport au dispositif antérieur. Au total, le versement de l’IMGM représente 77 millions d’euros de crédits par an. Le tableau ci-dessous présente le nombre de bénéficiaires de l’IMGM en 2021 :

IMGM

 

Catégorie grade

Bénéficiaires IMGM 2021

OFF

7 359

SOFF

13 552

MDR

5 923

 


 

La roue ci-dessous illustre le montant acquis pour les foyers fiscaux composés d’une à sept personnes ([26]).

cid:image003.jpg@01D8E7B0.500B2E40

Au terme de ses auditions, le rapporteur constate que cette indemnité est globalement plutôt bien perçue par les militaires. Il relève cependant certains effets de bord non négligeables.

2.   Une IMGM versée même en l’absence de déménagement effectif et aux effets incertains sur le célibat géographique, une fois cumulée avec la future indemnité de garnison

a.   Une indemnité versée même en l’absence de déménagement effectif

Le fait que cette indemnité soit versée même en l’absence de déménagement effectif alors qu’elle vise à compenser la sujétion que représente la mutation est présenté comme visant à une forme de neutralité à l’égard des choix individuels des militaires. Néanmoins, on peut se demander s’il n’eût pas été préférable de concentrer la prime sur les personnels changeant effectivement de résidence, ce qui, à enveloppe constante, aurait permis d’augmenter le montant des indemnités perçues.

Proposition n° 10 : Exclure du dispositif les militaires qui ne déménagent pas.

b.   Un plafonnement à 9 mutations qui interroge

Le rapporteur s’interroge en outre quant au plafonnement de la prime au-delà de neuf mutations. Si le nombre de militaires dépassant les neuf mutations est très restreint, il s’agit cependant d’officiers et, dans une moindre mesure, de sous-officiers qui ont l’âge ([27]) de toucher leur pension à liquidation immédiate et donc de personnels que le ministère cherche ou devrait chercher à fidéliser dans la mesure où les plus anciens ont une expérience inestimable. Le plafonnement à neuf mobilités – qui signifie qu’au-delà, le militaire continuera à toucher la même IMGM –, est contre-productif au regard des objectifs de mobilité et de fidélisation. Tandis que l’assiette de l’IMGM est élargie au profit de militaires qui ne déménagent pas effectivement, son montant est plafonné au détriment de ceux qui acceptent l’effort de déménager 10, 11, 12, 13, parfois 14 fois – avec ce que cela emporte pour la carrière du conjoint, ou de la conjointe, et la famille.


Le tableau ci-dessous illustre que le nombre de militaires dépassant les 9 mutations est non négligeable, y compris chez les sous-officiers :

 

Nombre de mobilité géographiques

Bénéficiaires IMGM

MDR

Bénéficiaires IMGM

SOFF

Bénéficiaires IMGM

OFF

Total

1

3 345

3 606

674

7 625

2

1 342

2 760

689

4 791

3

725

2 357

812

3 894

4

295

1 820

822

2 937

5

111

1 225

840

2176

6

78

808

776

1 662

7

17

447

702

1 166

8

6

255

587

848

9

1

130

474

605

10

2

60

343

405

11

1

40

249

290

12

 

19

170

189

13

 

15

87

102

14

 

2

72

74

15

 

4

37

41

16

 

1

23

24

17

 

2

2

4

18

 

 

 

0

19

 

 

 

1

Total

5 923

13 552

7 359

26 834

 

Il semble que la DRH-MD ait plaidé en faveur d’un plafonnement à douze mutations mais que Bercy l’ait ramené à neuf. Conformément à la position de la DRH-MD, le rapporteur suggère de porter ce plafond à douze mutations, en augmentant le montant de crédits alloués à l’indemnité.

Proposition n° 11 : Porter le plafonnement de la prime à douze mutations et augmenter en conséquence l’enveloppe de crédits correspondante.

c.   Un élargissement de l’assiette qui entraîne une progression très faible de l’indemnisation au-delà de quatre enfants à charge

Compte tenu de la formule retenue pour le calcul de l’indemnité de mobilité géographique, au-delà de quatre enfants à charge, soit pour un foyer fiscal de plus de 6 personnes, l’indemnité tend à ne plus guère augmenter, telle une fonction logarithmique. Cette progression logarithmique de la variable « foyer fiscal » de l’IMGM vient s’ajouter au plafonnement de l’indemnité à neuf mobilités. Lorsqu’ils se cumulent, ces effets soulèvent des interrogations quant à la fidélisation des officiers et sous-officiers les plus chevronnés de l’institution militaire.

d.   Une indemnité forfaitisée

Enfin, le rapporteur note que l’indemnité est forfaitisée, ce qui n’était pas le cas des complément et supplément d’ICM.

G.   Outre que sa forfaitisation interroge, L’Indemnité pour sujétion d’absences opérationnelles devra être ajustée pour tenir compte de certaines situations particulières

L’indemnité pour sujétion d’absences opérationnelles et la prime de commandement et de responsabilité, toutes deux entrées en vigueur en 2022, relèvent de la même finalité de la NPRM, que la DRH-MD appelle le « faire » : il s’agit de « favoriser l’engagement militaire », l’action. L’objectif est d’abord de prendre en compte la sujétion liée à l’absence, le système actuel le faisant, d’après le ministère, de façon inéquitable.

L’indemnité pour sujétions d’absence opérationnelle est définie par le décret n° 2021-1701 du 17 décembre 2021 et par deux arrêtés d’application : un arrêté fixant les taux applicables et un arrêté fixant le référentiel opérationnel des militaires placés sous l’autorité du ministre de la défense.

Depuis le 1er janvier 2022, l’ISAO remplace 12 indemnités opérationnelles :

- l’indemnité pour services en campagne (ISC) et la prime de services en campagne (PCAMP) ;

- l’indemnité de départ en campagne (GUER) ;

- l’indemnité de sujétions d’absence du port-base (ISAPB) ;

- le complément forfaitaire journalier de la majoration pour services en sous-marin nucléaire (COFSMA) ;

- les majorations pour navigation à l’extérieur et perte au change (MAJ/PCH) ;

- l’indemnité spéciale de patrouille maritime (SPEPAT) ;

- l’indemnité pour sujétion d’alerte opérationnelle (AOPER) ;

- le complément spécial pour charges militaires de sécurité (CSCHMI, sauf pour les gendarmes qui, eux, continueront à percevoir ce complément) ;

- l’indemnité d’absence cumulée (IAC) ;

- le régime de solde des renforts temporaires dans les départements et collectivités d’outre-mer.

L’ISAO a pour objet de compenser l’ensemble des contraintes subies par les militaires réalisant des activités opérationnelles terrestres, navales et aériennes référencées par le commandement et impliquant une absence entre 23 heures et cinq heures du matin. Elle concerne l’engagement opérationnel en métropole, en outre-mer et à l’étranger, de même que les gardes et permanences liées aux missions opérationnelles et d’entraînement. L’ISAO remplace ainsi toutes les primes opérationnelles sauf l’ISSE versée en OPEX qui est maintenue et qui est exclusive de l’ISAO. Le supplément d’ISSE est également maintenu. Les « activités opérationnelles » ouvrent droit à l’ISAO dès lors qu’elles figurent dans le référentiel ministériel des engagements opérationnels : publié au Journal officiel, ce référentiel recense l’intégralité des activités éligibles, de la préparation opérationnelle aux missions opérationnelles et des services de garde et de permanence.

Le montant forfaitaire de l’ISAO varie selon cinq déterminants permettant de proportionner l’indemnité aux sujétions subies :

- la nature de l’activité opérationnelle (garde ou permanence, activité terrestre ou aéroterrestre, activité navale ou aéronavale) ;

- les conditions de réalisation (placée ou non sous l’autorité d’un contrôleur opérationnel) ;

- le lieu de réalisation (majoration si l’activité opérationnelle se déroule dans un territoire ou une zone maritime autre que ceux dans lesquels le militaire est affecté) ;

- le grade du militaire ;

- la composition du foyer fiscal du militaire.

L’ISAO a un fait générateur unique : l’impossibilité pour le militaire de regagner sa résidence habituelle ou son hébergement militaire en dehors des heures normales de service du fait d’un service de garde ou d’un engagement opérationnel.

Il s’agit d’une indemnité journalière forfaitaire : l’ISAO est proportionnelle au nombre de jours d’absence mais son montant varie selon la nature et les conditions d’exercice de l’activité : plus l’activité est complexe et plus elle soumet le militaire à une contrainte d’éloignement, plus le montant de l’ISAO est élevé. Le pouvoir réglementaire a défini trois types d’activités, présentés ici dans l’ordre croissant de leur indemnisation : les gardes et permanences individuelles, les activités de préparation des forces, dépourvues de contrôle opérationnel, et les activités d’emploi des forces, exercées sous l’autorité d’un contrôleur opérationnel.

La contrainte d’éloignement est caractérisée :

- pour les activités terrestres et aéroterrestres, par un déploiement hors de France métropolitaine ou, pour les militaires affectés outre-mer ou à l’étranger, par un déploiement hors de leur collectivité ultramarine ou leur État étranger d’affectation ;

- pour les activités navales et aéronavales, par un déploiement hors de l’espace maritime européen (zone 1) ou, pour les bâtiments basés outre-mer ou à l’étranger (zone 2), par un déploiement au-delà de la zone économique exclusive du territoire et du port-base. Le ministère des Armées précise que la délimitation de ce zonage est identique à celui utilisé pour apprécier le droit aux majorations pour navigation à l’extérieur et perte au change.

Le forfait journalier de l’ISAO est ainsi majoré lorsque l’activité opérationnelle impose une contrainte supplémentaire résultant d’un éloignement par rapport au territoire d’affectation : en effet, en cas d’éloignement, le militaire ne peut être désengagé à brève échéance si un événement survient dans sa sphère privée.

Les militaires affectés à l’étranger n’ont pas droit à l’ISAO : ils perçoivent quant à eux l’indemnité de résidence à l’étranger (IRE) qui est forfaitaire.

Le montant d’indemnisation est identique, que le service soit effectué un jour ouvrable ou un jour non-ouvrable (week-end ou jour férié). Ce n’était pas le cas avant : cette évolution est donc regrettable dans la mesure où la sujétion est plus forte le week-end sur le militaire et sa famille.

Le montant de l’ISAO est le même pour les militaires d’active et les réservistes opérationnels. Le paiement de l’ISAO est conditionné par le signalement du service fait.

Le ministère des Armées indique que la fusion de 12 indemnités en une ISAO s’est opérée « en procédant à un alignement par le haut des montants versés ». Le budget consacré à l’ISAO augmente de 12 % par rapport aux dispositifs antérieur, pour un montant de 54 millions d’euros. Au total, le versement de l’ISAO devrait coûter 408 millions d’euros par an.

Les taux journaliers de l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle allouée au titre des activités terrestres et aéroterrestres relevant de la préparation et de l'emploi des forces sont ainsi fixés :

1° Activités réalisées sur le territoire d'affectation du militaire :

2° Activités réalisées hors du territoire d'affectation du militaire :

3° Le taux de l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle prévu pour les militaires chargés de famille est attribué au personnel dont le foyer fiscal comprend au moins deux personnes.

Sont réputées être réalisées hors du territoire d'affectation du militaire les activités se déroulant : dans un département d'outre-mer, une collectivité d'outre-mer, un territoire d'outre-mer ou dans un État étranger dans lesquels le militaire n'est pas affecté ; sur le territoire métropolitain de la France, lorsque le militaire est affecté dans un département d'outre-mer, une collectivité d'outre-mer, un territoire d'outre-mer ou dans un État étranger.

 

Les activités aéroterrestres désignent les activités aériennes effectuées depuis la terre.

Les taux journaliers de l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle allouée au titre des activités navales et aéronavales relevant de la préparation et de l'emploi des forces sont ainsi fixés :

Ces taux s'appliquent à tous les militaires présents à bord du bâtiment, quelle que soit leur force armée ou formation rattachée d'appartenance ([28]).

Les taux journaliers de l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle allouée au titre des services de garde ou de permanence individuelle sont ainsi fixés :

1° Gardes réalisées par les militaires chargés de l'intervention armée au sein des unités spécialisées dans la protection défense des installations opérationnelles : 25 € ;

2° Autres services de garde ou de permanence individuelle : 18 €.

Les différents taux attribués ne se cumulent pas.

Lorsqu'au cours du créneau d'absence mentionné à l'article 1er du décret du 17 décembre 2021 susvisé le militaire réalise des activités ouvrant droit à des taux différents, l'indemnité de sujétions d'absence opérationnelle est attribuée au regard de la situation du militaire à la fin dudit créneau.

 

La roue ci-dessous présente les forfaits par activité :

 

C:\Users\blegall\Desktop\Présentation des forfaits par activité.jpg

La roue suivante présente les forfaits par grade :

 

C:\Users\blegall\Desktop\Présentation des forfaits de l’ISAO par grade.jpg

 

La DRH-MD indique qu’en septembre 2022, 80 000 militaires ont perçu l’ISAO.

L’écueil principal de l’ISAO tient à sa forfaitisation, déjà évoquée plus haut par le rapporteur, alors que plusieurs indemnités qu’elle remplace n’étaient pas forfaitisées, telles que l’ISC, la PCAMP, l’ISAPB, la COFSMA, la MAJ-PCH, la SPEPAT, l’AOPER, la CSCHMI et l’IAC. Avec la hausse du SMIC et l’inflation, la légère hausse de l’ISAO par rapport aux dispositifs antérieurs, indexés, est d’ores et déjà « grignotée » et pourrait être complètement annihilée d’ici à trois ans.

En outre, l’ISAO devra donner lieu à des ajustements concernant certaines catégories de personnel et d’activités. En effet, cette indemnité ayant été calibrée pour prendre en compte les absences entre 23 heures et 5 heures du matin, nombre de militaires se retrouvent exclus de son bénéfice.

C’est notamment le cas dans l’armée de l’Air. Si seuls 6 % de l’enveloppe consacrée aux indemnités opérationnelles profitait auparavant à l’armée de l’Air, cette part a été portée à 12 % avec l’instauration de l’ISAO. Néanmoins, cette indemnité représente un sujet d’inquiétude sur les bases aériennes, les aviateurs ne découchant pas et rentrant chez eux, même après un vol lointain et opérationnel sans toucher l’ISAO pour autant. De même, certains personnels de l’armée de l’Air effectuent des astreintes et des permanences techniques sur les bases aériennes, notamment pour la maintenance, sans pouvoir bénéficier du dispositif. Les personnels du service de l’énergie opérationnelle ne sont pas concernés par l’ISAO alors qu’ils touchaient l’AOPER : il leur arrive d’effectuer des ravitaillements nocturnes sans pour autant être absents dans la plage horaire définie pour l’ISAO. Autre exemple : les personnels des centres d’information des armées (CIRFA) ou qui s’absentent pour se rendre sur des salons ne sont pas bénéficiaires de l’ISAO car leur activité n’est pas considérée comme opérationnelle. Il en va de même des musiciens militaires. Il pourrait être envisagé de créer un demi-taux d’ISAO pour les personnes absentes pendant une partie seulement du créneau de 23 heures à 5 heures du matin.

Proposition n° 12 : Créer un demi-taux d’ISAO pour les personnes absentes pendant une partie du créneau de 23 heures à 5 heures du matin.

H.   Un décalage inique entre les montants de la PCRM et la PERF

L’un des objectifs de la NPRM est de « valoriser le commandement » et de « récompenser la performance à certains postes à responsabilité » qui, sans relever du commandement, revêtiraient une importance particulière. À ces fins, la NPRM a prévu le remplacement de la nouvelle bonification indiciaire ([29])  par la prime de commandement et de responsabilité (PCRM). L’indemnité de sujétions pour service à l’étranger (ISSE) est maintenue ainsi que son supplément.

En vigueur depuis le début de l’année 2022, la PCRM est à la main de l’employeur quand la NBI était à la main du gestionnaire. Elle a pour objectif de valoriser les responsabilités liées au commandement ainsi que l’exercice de responsabilités.

Selon les termes du décret n° 2021-1702 du 17 décembre 2021, cette prime annuelle ([30]) « incite et récompense l'engagement et l'efficacité ». Son montant dépend du niveau de commandement ou de responsabilité exercé et peut varier en fonction des résultats obtenus. Le décret est complété par cinq arrêtés datés du même jour que le décret : un arrêté fixant les taux maximaux, un arrêté établissant la procédure d’attribution et notamment les contingents applicables, un arrêté déclinant le dispositif au sein de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, un autre au sein des formations militaires de la sécurité civile et un autre au sein du service militaire adapté.

La NPRM prévoit à cet effet quatre niveaux :

 

 

Montants

Commandement et responsabilités de 1er niveau

4 725 €

Commandement et responsabilités de 2e niveau

3 590 €

Commandement et responsabilités de 3e niveau

2 610 €

Commandement et responsabilités de 4e niveau

1 425 €

La délivrance de la PCRM est contingentée à un nombre maximal d’emplois, dans une logique de maîtrise de la masse salariale :

 

 

Nombre maximal d'emplois

Responsabilités de 1er niveau

952

Responsabilités de 2e niveau

3 224

Responsabilités de 3e niveau

5 360

Responsabilités de 4e niveau

14 894

 


Le tableau ci-dessous présente le nombre de bénéficiaires de la PCRM :

 

Employeur

Contingent PCRM

État-major des armées

22 901

Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

72

Direction générale de l'armement

62

Secrétariat général pour l'administration

728

Direction générale des relations internationales et de la stratégie

43

Direction générale de la sécurité extérieure

296

Contrôle général des armées

11

Direction du renseignement et de la sécurité de la défense

157

Délégation à l'information et à la communication de la défense

18

Autres états-majors ou services

142

TOTAL :

24 430

Le projet annuel de performance prévoit 22 millions d’euros supplémentaires pour le financement de cette prime. Au total, le versement de la prime devrait représenter un coût de 42 millions d’euros par an.

La PCRM n’est pas cumulable avec la NBI, qu’elle remplace, ni avec la PERF, ni avec l’indemnité supérieure pour haute responsabilité ni avec l’indemnité de résidence à l’étranger.

Parallèlement, le Gouvernement a également institué une prime de performance (PERF), non cumulable avec la PCRM, visant à rémunérer les compétences et l’expertise détenues par certains corps techniques de conception et de direction. Cette prime est régie par le décret n° 2021-1703 du 17 décembre 2021 et par un arrêté du même jour, fixant les taux maximaux applicables. La PERF remplace aussi la nouvelle bonification indiciaire dont pouvaient jusque-là bénéficier tous les corps éligibles à la nouvelle prime. Elle se substitue aussi à la prime de service et de rendement (PSR) des ingénieurs de l’armement, à l’indemnité d’activité et de service (IAS) des contrôleurs des armées, à l’allocation spéciale de développement (ASD) des ingénieurs de l’armement à la prime de qualification attribuée aux officiers titulaires, et à la prime de responsabilité et de technicité pétrolières (PRTP) pour les ingénieurs des essences et officiers logisticiens des essences. L’objectif recherché par le ministère est de garantir l’attractivité et la fidélisation de filières « indispensables au succès des engagements opérationnels ».

Attribuée par le gestionnaire, la PERF se compose d’une part fixe et d’une part variable. Le montant de la PERF dépend du corps et du niveau de responsabilité du poste occupé. Elle concerne les ingénieurs de l’armement, les commissaires des armées, les ingénieurs du service d’infrastructure de la défense, les ingénieurs du service de l’énergie opérationnelle et les contrôleurs généraux des armées.

Les montants maximaux annuels de la part fonctionnelle et de la part variable de la prime de performance sont les suivants.

La PERF représente un effort budgétaire supplémentaire de 17 millions d’euros par an et de 35 millions d’euros au total.

Pour les membres du corps militaire du contrôle général des armées :

 

 

Montants maximaux annuels de la part fonctionnelle

Montants maximaux annuels de la part variable

Emploi de 1er niveau

38 782 €

12 927 €

Emploi de 2e niveau

33 114 €

10 826 €

Emploi de 3e niveau

27 878 €

6 433 €

Pour les ingénieurs de l’armement :

 

 

Montants maximaux annuels de la part fonctionnelle

Montants maximaux annuels de la part variable

Emploi de 1er niveau

21 710 €

22 664 €

Emploi de 2e niveau

20 040 €

19 086 €

Emploi de 3e niveau

18 370 €

16 700 €

Emploi de 4e niveau

17 118 €

13 718 €

Pour les ingénieurs des études et techniques de l'armement, ingénieurs militaires d'infrastructure de la défense, ingénieurs militaires des essences, officiers logisticiens des essences, commissaires des armées, administrateurs des affaires maritimes et professeurs de l'enseignement maritime :

 

 

Montants maximaux annuels de la part variable

Emploi hors niveau

8 700 €

Emploi de 1er niveau

8 200 €

Emploi de 2e niveau

6 700 €

Emploi de 3e niveau

5 700 €

Emploi de 4e niveau

5 200 €

 

Le tableau ci-dessous présente le nombre de bénéficiaires de la PERF :

 

Gestionnaire

Estimation bénéficiaires PERF

DGA

1 564

SCA

1 676

SEO

193

SID

557

CGA

67

AFFMAR

290

La prime de performance concerne exclusivement des officiers. Tous les officiers des sept corps éligibles bénéficient de la prime de performance.

Le rapporteur note que selon la DRH-MD, « il a été tenu compte de la situation pré-NPRM lors de la détermination des montants de la prime de performance, d’une part, et de la prime de commandement et de responsabilité, d’autre part », ce qui, pour ce service ministériel, « explique les écarts constatés ». Quoi qu’il en ait été par le passé, la comparaison entre les montants prévus respectivement pour la PCRM et la PERF interroge le rapporteur à plusieurs titres. Tout d’abord, comment justifier qu’un contrôleur général des armées puisse toucher entre 27 878 et 51 709 euros de PERF, quand un militaire exerçant un commandement n’en touchera qu’entre 1 425 et 4 725 euros, soit dix fois moins ?

Qui plus est, ces écarts pourraient conduire à des situations cocasses où un commissaire des armées exerçant un emploi de quatrième niveau toucherait une prime bien plus élevée que celle de son commandant d’unité.

Il ne s’agit pas ici de dresser différentes catégories de militaires les unes contre les autres ni même de souhaiter une révision à la baisse des montants prévus pour la prime de performance. Au contraire, il conviendrait de revaloriser de façon conséquente le montant de la PCRM afin d’assurer un rééquilibrage.

Proposition n° 13 : Augmenter les crédits budgétaires consacrés à la NPRM afin de rééquilibrer à la hausse les montants de la PCRM par cohérence avec ceux de la PERF.

Enfin, qu’il s’agisse de la PCRM ou de la PERF, le rapporteur ne peut que déplorer la forfaitisation de ces dispositifs, en rupture avec la logique d’indexation qui prévalait avec la NBI. Selon les informations fournies par la DRH-MD, « comme la plupart des indemnités servies aux agents publics, les futures revalorisations se feront par le biais de demandes ponctuelles motivées, adressées par le ministère des Armées aux ministères économiques et financiers en fonction de la politique RH du ministère. » Pour le rapporteur, si la PCRM est assurément plus généreuse que la NBI en valeur et en nombre de bénéficiaires, la forfaitisation empêche de prendre en compte l’évolution du coût de la vie. De surcroît, la PCRM n’est pas intégrée à ce stade dans le calcul de la retraite, contrairement à la nouvelle bonification indiciaire.

I.   L’introduction d’une logique de rémunération à la performance : un changement de philosophie allant à l’encontre de la singularité militaire

Le rapporteur s’interroge sur le changement de philosophie que recèle l’instauration de la PCRM. En vigueur depuis le début de l’année 2022, cette prime est gérée comme suit par les employeurs : les militaires exerçant un commandement (chefs de corps, commandants de formation administrative, chefs de section dans les régiments) touchent une prime fixe – la performance d’une unité opérationnelle étant collective. En revanche, les militaires exerçant une responsabilité au sein d’un état-major touchent une prime dont le montant peut varier au gré de l’employeur, selon une logique de performance similaire à celle que l’on trouve dans les grandes entreprises privées. Les textes précisent que le taux moyen versé doit être de 80 % pour chaque niveau de la prime et pour chaque contingent, liberté étant laissée à l’employeur d’aller au-delà ou en deçà de ce pourcentage.

Il ressort des auditions du rapporteur que l’introduction d’une part variable dans la rémunération des militaires visant à valoriser la performance a donné lieu à d’intenses débats entre les armées, directions et services. Ce changement de philosophie fondé sur des pratiques managériales modernes ne fait pas consensus, loin de là.

Pour sa part, le rapporteur estime qu’il existe déjà des instruments permettant de valoriser la performance des militaires : la notation et son corollaire, l’avancement de grade que reflète d’ailleurs le volet indiciaire de la solde et éventuellement, les sanctions et décorations. Ce d’autant que dans les armées, l’importance relative du mérite par rapport à l’ancienneté dans l’avancement est plus grande que dans la fonction publique.

Ensuite, il s’interroge quant aux effets que pourrait avoir un tel dispositif sur la cohésion. L’introduction d’une part variable pourrait substituer à l’émulation une atmosphère de compétition entre les militaires.

Par ailleurs et surtout, sachant que les militaires acceptent l’idée de donner leur vie pour leur pays, il est surprenant de les soumettre à une logique pécuniaire de récompense financière allant à l’encontre de ce qui fait la singularité militaire.

J.   Les effets incertains, sur la solde des militaires, de la transformation de l’ICM et de la MICM en indemnité d’état militaire et en indemnité de garnison

S’agissant du troisième volet de la nouvelle politique de rémunération des militaires, qui devrait entrer en vigueur à l’automne 2023 et qui a des conséquences en termes de mesures nouvelles sur le projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur ne peut que déplorer de s’être vu refuser la communication des projets de textes réglementaires – décrets et arrêtés – fournis à la concertation. Il appuiera donc sa réflexion sur les éléments recueillis en auditions.

1.   L’indemnité d’état militaire a pour objet de remplacer l’indemnité pour charges militaires

L’indemnité d’état militaire a pour objet d’indemniser les contraintes liées à l’état militaire, énumérées à l’article L. 4111-1 du code de la défense : l’esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité. Cette indemnité, dont la définition reste encadrée par l’article L. 4123-1 du code de la défense, est consubstantielle à l’identité des militaires.

Selon les informations fournies au rapporteur, seront modifiés dans le cadre de la réforme :

- le décret n° 59-1194 du 13 octobre 1959 fixant le régime de l'indemnité pour charges militaires ;

- la quatrième partie du code de la défense, relatif au statut général des militaires et dispositions relatives au fonds de prévoyance militaire.

L’IEM devrait représenter un coût de 572 millions d’euros par an dont 1,5 million d’euros supplémentaires par rapport au dispositif antérieur.

Remplaçant la partie universelle de l’indemnité pour charges militaires, elle comporte un taux de base perçu par tous les militaires, éventuellement complété par un ou deux taux particuliers, perçus uniquement par les militaires chargés de famille. Le taux particulier n° 1 sera attribué aux militaires dont le foyer fiscal comprend deux, trois ou quatre personnes. Le taux particulier n° 2 sera perçu par ceux dont le foyer fiscal comporte cinq personnes ou plus.

Il est prévu que l’indemnité varie en fonction du grade et de la situation familiale et qu’elle soit ouverte aux pacsés dès conclusion de leur PACS. L’IEM, comme l’ICM, restera non soumise à l’impôt sur le revenu. Elle sera majorée d’un complément d’IEM (le COMIEM) compensant l’indemnité pour temps d’activité et d’obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC). Ce complément sera fiscalisé, comme l’est l’ITAOPC. Selon les informations fournies par la DRH-MD, « un mécanisme de revalorisation de l’IEM en fonction de l’évolution de la valeur du point d’indice est prévu dans le dispositif proposé ».

Le rapporteur note que le mode de calcul de l’indemnité d’état militaire versée aux militaires qui sont en couple avec un autre militaire devrait évoluer par rapport au droit en vigueur. Si dans le calcul de l’ICM, c’était de facto l’officier dont le grade était le plus élevé qui était pris en compte dans le calcul de l’indemnité ([31]) , c’est désormais sur la base de 50 % pour chacun des deux militaires en couple que l’indemnité est calculée. Or, les sujétions propres à l’état militaire sont redoublées et non pas partagées lorsque deux militaires sont en couple. Le rapporteur note que les couples de militaires ne sont pas rares dans les armées. Rien qu’au sein de l’armée de Terre, c’est-à-dire sans prendre en compte les couples « interarmées » ou interservices, on ne compte pas moins de 6 200 couples de militaires, soit environ 12 % de l’effectif. Selon les informations fournies en audition, cette nouvelle formule de calcul s’explique par le fait que la NPRM ait été conçue dans l’optique de l’instauration du système universel de retraite – auquel le Gouvernement a renoncé –, avec l’idée que l’IEM serait prise en compte dans le calcul de la retraite. Le rapporteur espère donc que ce sera le cas dans le cadre de la réforme à venir, comme c’est le cas actuellement de l’indemnité de sujétions spéciales de police.

Proposition n° 14 : Prévoir la prise en compte de l’indemnité d’état militaire dans le calcul de la pension.

2.   La fiscalisation de l’IGAR soulève la question du gain après impôt de la réforme de l’ICM et de la MICM

L’indemnité de garnison (IGAR) vise à compenser l’impossibilité pour les militaires de choisir leur lieu et leur durée d’affectation puisqu’ils doivent être disponibles « en tout temps et en tout lieu ». L’objectif de l’IGAR est d’indemniser les contraintes pesant sur les militaires dans le domaine du logement. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, l’IGAR remplacera les taux « non logé » et spéciaux de l’indemnité pour charges militaires ainsi que la majoration d’ICM ou MICM.

Selon la DRH-MD, la réforme s’appuie sur :

- un projet de décret portant création de l’indemnité de garnison des militaires ;

- un arrêté interministériel pris pour l’application du décret relatif à l’indemnité de garnison des militaires ;

- un arrêté interministériel fixant les taux de l'indemnité de garnison des militaires applicables au sein du ministère de la défense ;

- un arrêté fixant la liste des communes ouvrant droit à la majoration territoriale de l’indemnité de garnison des militaires.

Le coût budgétaire supplémentaire induit par le paramétrage de l’IGAR en année pleine sera de 167 millions d’euros dont 48 millions de couverture des effets de l’inflation, soit, d’après la DRH-MD, une hausse de 40 % par rapport au système antérieur. En outre, le ministère des Armées a prévu une indemnité compensatoire transitoire qui coûtera 42 millions d’euros au budget de l’État : environ 20 000 militaires bénéficieront de cette indemnité compensatrice. Selon la DRH-MD, c’est une mesure d’accompagnement « comme il en existe pour toutes les réformes de la fonction publique. Les dispositifs prévus sur dix ans permettent de gérer sereinement la transition ». Au total, l’IGAR représente une dépense de 584 millions d’euros par an.

Forfaitisé contrairement à celui de l’ICM antérieure, le montant de l’IGAR est conçu comme dépendant de la tension immobilière dans la garnison d’affectation, déterminée selon la classification en quatre niveaux établie par l’INSEE, là où l’ICM ne prévoyait que deux niveaux, l’un pour l’Île-de-France et l’autre pour la province.

Ce montant variera aussi en fonction du grade, de la situation familiale et des conditions de logement de la famille. Ainsi, le militaire dont la famille bénéficie d’un « logement défense » – c’est-à-dire un logement à loyer décoté – percevra une IGAR inférieure de 30 % à celle d’un militaire payant un loyer de marché. Dans le système antérieur, c’était l’inverse : le versement de la MICM était subordonné au fait, pour le militaire, d’adresser à son bureau du logement une demande de logement « défense ». Les militaires ne se logeant pas dans le « parc défense » subissaient donc en quelque sorte une double peine ([32]). Dans le même temps, le rapporteur s’interroge quant à la cohérence entre cette décote de 30 % sur l’IGAR et la localisation des logements qu’il est prévu de construire dans le cadre du programme Ambition Logement : pour être cohérent avec la réforme de l’indemnité de garnison et avec les besoins des militaires, la majeure partie du programme de constructions devrait se concentrer en région parisienne et dans une moindre mesure, dans la région toulonnaise.

L’IGAR sera versée aussi bien aux locataires qu’aux propriétaires, alors que la MICM ne bénéficiait qu’aux locataires. L’extension du bénéfice de l’IGAR aux propriétaires, qui vise à une neutralité face aux choix individuels de logement des familles de militaires, correspond à un souhait exprimé par la communauté militaire, l’accession à la propriété étant non seulement une aspiration légitime, a fortiori dans un contexte d’appauvrissement des familles de militaires – en particulier au moment de la retraite – mais aussi un moyen pour le militaire de sécuriser sa famille en cas d’événement grave dans le cadre de la préparation et de l’activité opérationnelles – blessure ou décès.

Dans le même temps, le rapporteur s’interroge quant aux effets potentiels de l’ouverture de l’IGAR aux propriétaires sur le célibat géographique, notamment en région parisienne. Ces effets pourraient d’ailleurs se conjuguer avec ceux d’une IMGM ne prenant plus en compte le déménagement effectif des militaires. Le rapporteur estime aussi que le célibat géographique, s’il est un choix difficile pour la cohésion familiale, est parfois nécessaire pour permettre au conjoint d’avoir un emploi stable et aux enfants, une scolarité qui ne soit pas hachée ([33]).

En tout état de cause, le rapporteur estime que ceux des militaires qui font le choix d’accéder à la propriété non pour acheter leur résidence principale mais bien leur résidence dite « de repli » devraient bénéficier d’une fiscalité différente de celle applicable aux résidences secondaires dès lors, bien sûr, que cette résidence de repli est leur seul bien immobilier. Le rapporteur suggère de traiter fiscalement la résidence de repli des militaires comme une résidence principale, c’est-à-dire d’exonérer la revente éventuelle du bien d’impôt sur les plus-values et d’exonérer d’impôt les revenus locatifs.

Proposition n° 15 : Exonérer la résidence de repli des militaires d’impôt sur les plus-values et d’impôt les revenus locatifs.

Le rapporteur note aussi que, selon les informations qui lui ont été fournies par la DRH-MD, « sur le plan indemnitaire, l’activité du conjoint ne constitue pas un déterminant de l’IEM et de l’IGAR. La rémunération doit conserver un caractère individuel, contrepartie d’un service fait et la politique de solde doit rester neutre vis-à-vis des choix individuels des militaires », ce, même si la notion de foyer fiscal est prise en compte.

Un complément territorial d’IGAR pourra être attribué aux militaires affectés dans des garnisons particulièrement isolées, correspondant aux « territoires isolés, peu urbanisés et hors d’influence des grands pôles » référencés par l’INSEE – 70 garnisons étant concernées. Ce complément remplacera la prime de camp. Cette évolution permettra de mettre à jour l’identification des territoires concernés par cette prime, qui remonte à 1964. Le rapporteur note aussi que pour les militaires affectés en région parisienne, le Gouvernement a prévu une majoration spécifique. Si cette majoration est bienvenue, compte tenu de la situation unique du marché immobilier francilien, le rapporteur s’interroge quant à la simplification et à la lisibilité du dispositif dès lors qu’on y ajoute compléments et majorations : n’aurait-il pas fallu intégrer ces éléments directement dans le dispositif ?

L’IGAR sera versée quelle que soit la situation de famille du militaire, y compris s’il est célibataire, pacsé ou divorcé sans enfant à charge, dès lors qu’il ne bénéficie pas d’un hébergement ou d’un logement gratuit.

Le Gouvernement, sous l’impulsion de la direction générale des finances publiques, a fait le choix de fiscaliser l’IGAR dans la mesure où « les indemnités compensant spécifiquement les contraintes de logement ne sont pas des indemnités compensatrices de frais ». Le rapporteur note que la fiscalisation de l’IGAR était une recommandation formulée par la Cour des comptes dans son rapport de 2013 précité.

Les perdants de la fiscalisation de l’IGAR pourraient notamment se trouver parmi les militaires locataires et chargés de famille dont le taux marginal est le plus élevé. Il pourra notamment s’agir de militaires qui sont déjà par ailleurs perdants au titre de l’IMGM – ceux, on l’a vu supra, qui dépassent les neuf mutations, qui verront donc leur IMGM plafonner malgré l’effort supplémentaire de mobilité consenti et pour qui il est aisé de liquider leur pension et de quitter les forces armées – a contrario de l’objectif de fidélisation. Ces perdants pourraient aussi se trouver parmi les militaires dont le conjoint ou, plus souvent, la conjointe travaille et a des revenus relativement élevés – sachant qu’en 2017, 73 % des femmes de militaire travaillaient et parmi elles, 78 % des femmes d’officier. À l’autre bout de l’échelle, les militaires du rang et les sous-officiers en début de carrière pourraient perdre leur droit à certaines prestations sociales.

Selon les informations fournies par la DRH-MD, « les conséquences de la fiscalisation partielle de l’ICM ont été évaluées dans le cadre d’une étude menée conjointement par la direction des affaires financières du ministère des Armées et par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Ce travail a permis d’évaluer le surcroît d’imposition lié à la fiscalisation de l’ICM « logement » (38 millions d’euros) et de mesurer l’impact sur les prestations soumises à conditions de ressources (10 millions d’euros). Un abondement budgétaire complémentaire de 48 millions d’euros a ainsi été obtenu pour compenser globalement la fiscalisation à l’échelle de la communauté militaire. Cet abondement vient s’ajouter à l’enveloppe dédiée à l’IGAR dans le cadre de la LPM 2019-2025 et bénéficie ainsi au plus grand nombre des militaires éligibles. En raison de la conjugalisation des revenus imposables (revenus du travail, revenus du patrimoine), des mécanismes de déduction, des crédits d’impôt et du secret fiscal, les conséquences fiscales individuelles ne peuvent être connues que par le militaire lui-même. En revanche, le ministère des Armées met tout en œuvre pour assurer la plus grande transparence sur les modifications engendrées dans le revenu imposable du militaire au titre de sa solde. »

L’apport de 48 millions d’euros obtenu par le ministère pour compenser cette fiscalisation ainsi que les conséquences de la réforme sur les prestations sociales soumises à conditions de ressources donnera lieu à des compensations forfaitaires et l’ensemble des militaires percevant jusqu’à présent les taux « non logé ([34])  » de l’ICM bénéficieront de la mesure. En dépit de cette compensation, le principe même pose problème et suscite des inquiétudes dans la communauté militaire, en particulier chez les locataires chargés de famille – bénéficiaires du dispositif antérieur. Dans son dernier rapport thématique consacré à la mobilité des militaires, le Haut comité d’évaluation de la condition militaire le souligne lui-même : « les effets de la fiscalisation demeurent une inconnue dans la mise en œuvre de la réforme et le ministère des Armées n’étant pas en mesure de connaître les situations fiscales individuelles des militaires, aucune simulation n’a pu être réalisée ». Comme le note le Haut comité, « cet impact fiscal pourra également avoir une incidence, pour certains, sur des prestations sociales soumises à condition de ressources ».

Le rapporteur se demande si, en choisissant de fiscaliser l’indemnisation d’une sujétion proprement militaire – celle du non-choix du lieu et de la durée d’affectation –, le ministère des finances et la direction générale de l’administration et de la fonction publique ne tendent pas à banaliser cette sujétion et donc à remettre en cause ce qui est au fondement de la singularité militaire.

Jugeant peu claire cette démarche de fiscalisation suivie d’une compensation, le rapporteur, préconise de défiscaliser complètement l’indemnité de garnison. Il appelle par ailleurs l’attention sur la nécessité de veiller à ce que les locataires chargés de famille ne soient pas les perdants d’une indemnité de garnison à l’assiette étendue et par ailleurs soumise à l’impôt.

Il conviendra aussi de porter une attention particulière à la situation des familles monoparentales et des officiers supérieurs en état-major.

Proposition n° 16 : Exonérer l’indemnité de garnison d’impôt sur le revenu.

Le Haut comité insiste également sur « le décalage avec la réalité du coût de l’immobilier, la difficulté résidant dans l’adaptation dans le temps des zones définies dans l’IGAR avec la réalité de la tension immobilière locale ». Il préconise « d’avoir un suivi régulier de la tension immobilière dans la garnison d’affectation pour adapter son montant. Dans sa définition, il est prévu que la tension immobilière des garnisons s’appuie sur le classement des communes en zones géographiques prévu par l’article R.304- 1 du code de la construction et de l’habitation qui établit une classification en fonction du déséquilibre entre l'offre et la demande de logements ». Le rapporteur souscrit à cette préconisation.

Proposition n° 17 : Prévoir réglementairement un suivi régulier de la tension immobilière dans la garnison d’affectation des militaires.

Lors de ses auditions, le rapporteur a été alerté des difficultés que pourrait causer à certains militaires la prise en compte, dans le calcul de l’IGAR, de la garnison d’affectation et non de la commune de résidence du militaire. Cela concerne en particulier les militaires affectés sur les bases aériennes d’Orléans-Bricy, de Lyon-Mont-Verdun et de Nancy.

Le rapporteur note par ailleurs que comme pour l’indemnité d’état militaire, les couples de militaires devront se répartir la contrainte de logement à hauteur de 50 % de leurs droits individuels au lieu de bénéficier de 100 % du droit le plus élevé.

Le Gouvernement a prévu, pour l’indemnité de garnison comme pour la PCSMIL et à l’exclusion des autres primes et indemnités, une clause de revoyure, c’est-à-dire un réexamen complet du dispositif, dans trois ans, soit au plus tard en 2026 ([35]) .

In fine, compte tenu des inquiétudes qui peuvent se faire jour envers l’IGAR, il paraît indispensable que le ministère des Armées mette au plus vite à disposition des militaires un simulateur de la réforme.

K.   La prime de parcours professionnel des militaires (3PM) : un dispositif contingenté ne tenant pas compte des militaires du rang

La prime de parcours professionnels est présentée comme ayant pour finalité de « dynamiser » le parcours professionnel et de « valoriser l’escalier social ». Remplaçant les primes de qualification et la prime de service des sous-officiers, la 3PM vise à inciter les militaires à acquérir de nouvelles compétences et à progresser en technicité par l’atteinte de « balises professionnelles ». L’objectif du ministère des Armées est « d’améliorer le [taux de] renouvellement des premiers contrats des militaires du rang, d’améliorer la rémunération des jeunes sous-officiers, d’offrir des perspectives satisfaisantes aux officiers détenant une expérience et une expertise et de dynamiser la rémunération du parcours de deuxième partie de carrière des officiers à potentiel ».

D’après la DRH-MD, les effets de cette prime se feront surtout sentir chez les sous-officiers « dont la rémunération du parcours professionnel tient principalement à la valorisation de l’ancienneté au détriment de la qualification ». Le ministère des Armées indique avoir prévu de « compléter le dispositif par une mesure ciblée de reclassement indiciaire ». Il précise aussi que pour les militaires du rang, « l’échelle de solde n° 4 réaménagée aurait le même rôle qu’une balise professionnelle pour marquer l’obtention de qualification ».

Selon les informations fournies au rapporteur, sont en projet :

- un décret instituant la prime de parcours professionnels, applicable à tous les ministères gérant ou employant des militaires ;

- un arrêté fixant les taux et les conditions d’attribution des différentes balises ; des arrêtés distincts pour les militaires de la gendarmerie nationale et pour les militaires de la BSPP ;

- un arrêté du ministre de la défense définissant les contingents applicables aux balises et niveaux dont le nombre maximal attribué est plafonné. Des arrêtés distincts seront pris pour les militaires de la Gendarmerie nationale et pour les militaires de la BSPP.

Le coût de la 3PM sera de 38,5 millions d’euros par an, soit une hausse de 10 % par rapport au dispositif antérieur. Au total, 436 millions d’euros seront consacrés au versement de cette prime.

La 3PM est la seule prime de la NPRM restant indexée sur la solde brute. Le rapporteur s’en félicite et juge impératif que cette indexation soit maintenue d’autant que la 3PM représente une part conséquente de la solde, notamment pour les officiers.

Le projet gouvernemental prévoit deux niveaux de prime pour les officiers et quatre pour les sous-officiers :

- pour les officiers, une première balise à 16 % en sortie d’école et une seconde après l’école de guerre à 28 % de la solde brute ;

- pour les sous-officiers, une première balise de 5 % de la solde brute en sortie d’école, une deuxième à 11 % lorsque les sous-officiers deviennent chefs adjoints de section, une troisième balise à 17 % et une quatrième, d’une valeur forfaitaire de 200 euros.

Une balise intermédiaire était prévue pour les officiers mais aucun budget n’a été prévu à cette fin en 2023.

Ce dispositif, en l’état actuel de rédaction du présent rapport, présente plusieurs écueils.

Tout d’abord, le rapporteur regrette que les militaires du rang soient exclus du dispositif ([36]), a fortiori dans le contexte de tassement des grilles indiciaires évoqué supra. Il estime que ce pourrait être le cas dans le cadre d’un dispositif de validation des acquis de l’expérience et préconise l’instauration d’une balise à leur profit.

Proposition n° 18 : Créer une balise au profit des militaires du rang ayant validé des acquis de l’expérience dans le cadre de la prime de parcours professionnel.

Ensuite, le rapporteur note que certaines composantes de cette prime sont contingentées, ce qui va à l’encontre du principe « d’un diplôme, une prime ». Il subodore que ce contingentement s’explique par le fait que la réforme ait été conçue à enveloppe fermée, comme un outil de maîtrise de la masse salariale. Il note néanmoins que les contingents ont été fixés suffisamment haut pour ne pas être contraignants pendant plusieurs années et qu’ils ne devraient donc pas poser de problème à court-moyen terme.

Proposition n° 19 : Décontingenter la prime de parcours professionnels.

Le rapporteur juge aussi que tous les corps d’officiers sans exception doivent pouvoir accéder à la balise 2. S’agissant du ministère des Armées, il constate que les commissaires et les ingénieurs des études et techniques de l’armement en sont exclus.

Par ailleurs, il juge que le plafond des balises instituées pour bénéficier de cette prime doit impérativement être corrélé à un échelon de référence afin d’éviter toute perte de rémunération.

Enfin, le rapporteur estime que la 3PM devrait être prise en compte dans le calcul de la retraite.

L.   La prime de compétences spécifiques (PCS), une prime forfaitisée qui laisse de côté certaines spécialités

La prime de compétences spécifiques vise à valoriser la qualification opérationnelle des militaires ayant des compétences aériennes, aéronautiques, parachutistes, subaquatiques et terrestres. Elle remplace 19 primes : l’indemnité de sujétion aéronavale (SUJAER) ; l’indemnité spécifique de sujétions du groupe aérien embarqué (SUJGAE) ; l’indemnité pour services aériens des militaires parachutistes (ISATAP), l’indemnité pour services aériens du personnel navigant (ISAPN), deux majorations pour embarquement (l’EMBQ et la majoration pour service en sous-marin ou SMA), l’indemnité de mise en œuvre et de maintenance des aéronefs (MAERO), l’indemnité spéciale de sécurité aérienne (ISSA), l’indemnité pour risques professionnels des ingénieurs de l’armement et des ingénieurs des études et techniques de l’armement (RISQPRO), l’indemnité journalière pour service aéronautique (IJSAE), l’indemnité spéciale de risque aéronautique (IBOU), l’indemnité spéciale des plongeurs d’armes de la marine nationale, des nageurs de combat de l’armée de Terre et des plongeurs d’intervention de la gendarmerie nationale (PLONGE), l’indemnité pour travaux en scaphandre et dans l’air comprimé (SCAPH), l’indemnité de dépiégeage d’engins et d’installations (NEDEX), la prime de technicité de haute montagne (MONTAGNE), l’indemnité allouée aux équipages des bâtiments participant à des opérations de dragage (DRAG), la prime de risque des expérimentateurs de l’institut de recherchers biomédicales des armées (BRET) et l’indemnité de mise en œuvre de l’énergie propulso-nucléaire (ATOM).

Selon les informations fournies au rapporteur, sont en projet pour cette prime :

- un décret instituant la prime de compétences spécifiques, applicable à tous les ministères gérant ou employant des militaires ;

- un arrêté conjoint du ministre de la défense et des ministres chargés du budget et de la fonction publique fixant les taux de la PCS et ses conditions d’attribution pour les 14 segments mis en œuvre au sein du ministère des Armées (corps des affaires maritimes inclus). Un arrêté interministériel distinct est pris pour les militaires de la Gendarmerie nationale ;

- trois arrêtés du ministre de la défense définissant respectivement la liste des unités et des certificats ouvrant droit à la prime de compétences spécifiques ainsi que les conditions d’aptitudes médicales, physiques et techniques exigées pour chacun des segments de la prime. Des textes similaires seront pris par le ministère de l’intérieur pour les militaires de la gendarmerie nationale ;

- un arrêté du ministre de la défense définissant l’ensemble des contingents prévus pour la prime.

La logique de versement de la prime évolue puisqu’auparavant, nombre d’entre elles étaient liées aux conditions de travail du militaire (insalubrité etc.) et donc automatiquement versées. Dans le nouveau système, la PCSMIL ne sera versée que si deux conditions sont réunies : la reconnaissance d’une compétence et son exercice effectif dans une unité. Le bénéfice de la prime pourrait être perdu si le militaire n’a pas la possibilité de s’entraîner et d’entretenir ses compétences.

Le Gouvernement a prévu un budget supplémentaire de 95 millions d’euros par an pour financer cette réforme. Au total, la PCSMIL coûtera 445 millions d’euros par an.

Le principal écueil de la PCSMIL est, comme l’ISAO, la PCRM et la PERF, qu’elle soit forfaitisée au lieu d’être indexée sur la solde de base. Certaines des primes que remplace la PCSMIL étaient indexées, telles que les primes PLONGE, SCAPH, l’ISATAP, l’ISAPN et l’ISSA.

Interrogée par le rapporteur à ce sujet la DRH-MD a fourni les éléments suivants : « le choix d’un dispositif entièrement forfaitaire repose sur le besoin de créer un dispositif homogène et évolutif dans le temps. L’utilisation de forfaits donne à la PCSMIL un caractère pilotable permettant des revalorisations ciblées en fonction des besoins RH des forces armées et formations rattachées. Les valeurs relatives de chaque segment offrent un outil puissant de gestion des compétences. Au-delà des revalorisations ciblées pouvant intervenir autant que de besoin, les taux de la PCSMIL feront l’objet d’une évaluation complète tous les trois ans conjointement par le ministère des Armées et les ministères financiers. »

Le rapporteur déplore cette évolution par rapport au droit en vigueur – qui prévoyait l’indexation de la majoration d’embarquement, de l’indemnité de sujétion aéronavale, de l’indemnité spécifique de sujétions du groupe aérien embarqué, de la majoration pour services en sous-marin, de l’indemnité pour service aérien du personnel navigant, etc. ([37]) . L’indexation des primes permet en effet d’assurer une cohérence entre rémunération des militaires et hausse du coût de la vie. De fait, lorsqu’une aucune indexation n’est prévue, les revalorisations régulières ne sont pas assurées.

Proposition n° 20 : Indexer la PCSMIL sur l’évolution du point d’indice.

Le nouveau système met fin aux primes rémunérées à l’acte, au profit d’un forfait mensuel, ce qui occasionne des pertes pour les militaires qui touchaient la prime de compétences spécifiques de plongeur militaire.

Le rapporteur déplore que certains segments d’activité ne soient pas pris en compte dans le cadre de cette prime : combattant cyber, équipes cynophiles, espace, renseignement, drones, pompiers NRBC – alors que certains d’entre eux, tels que le cyber et le renseignement, sont identifiés comme prioritaires par loi de programmation militaire.

De même, le rapporteur regrette que certains personnels de soutien, pourtant indispensables à l’activité opérationnelle des forces et souvent dotés de compétences rares qu’il convient de fidéliser, ne soient pas identifiés comme bénéficiaires de la PCSMIL : il s’agit notamment des personnels travaillant en antenne médicale, au sein des établissements des essences et des munitions, dans les groupements de soutien de base de défense ou encore dans les corps de soutien de la gendarmerie. Le rapporteur tient à rappeler la vigueur de l’engagement des personnels de soutien et la difficulté de les fidéliser dans certains services.

Le rapporteur souhaiterait également avoir l’assurance que les différents segments identifiés dans la PCSMIL pourront se cumuler.

Il semble que certaines catégories de personnels soient identifiées comme perdantes, une fois en vigueur la PCSMIL. Il s’agit en particulier de certains bénéficiaires de l’indemnité de sujétion aéronavale, de l’indemnité spéciale de sécurité aérienne et de l’indemnité pour services aériens des militaires parachutistes.

L’armée de Terre, concernée par 10 primes en vigueur jusqu’à présent, a créé la prime du combattant terrestre destinée à mettre en avant les savoir-faire tactiques et techniques et leur utilisation dans des conditions exigeantes. Pour créer cette prime, le montant de la prime parachutistes (ISATAP) a dû être diminué, ce qui suscite là aussi des inquiétudes. Les parachutistes affectés dans des unités qui ne sont pas éligibles au nouveau segment de combattant terrestre bénéficieront d’une indemnité compensatrice pendant trois ans.

En tout état de cause, la DRH-MD a indiqué qu’une clause de revoyure triennale était prévue dans le projet d’arrêté d’application de la PCSMIL.

Le rapporteur note le maintien de la solde à l’air, particularité propre aux pilotes de l’armée de l’Air et de l’espace allant à l’encontre de l’objectif de simplification.


À titre informatif, le rapporteur présente les estimations fournies par la DRH-MD concernant les bénéficiaires de l’IEM, de l’IGAR, de la 3PM et de la PCSMIL :

 

Par gestionnaire

Estimation bénéficiaires IEM

Estimation bénéficiaires IGAR

Estimation bénéficiaires 3PM

Estimation bénéficiaires PCSMIL

ADT

114 529

61 486

46 741

79 729

AAE

37 550

29 228

25 314

16 247

MIN

32 599

28 467

24 786

24 512

DGA

1 744

1 742

939

1 760

SCA

2 094

1 911

1 778

142

SEO

1 355

840

391

6

SID

592

548

550

-

SSA

6 979

6 458

3 295

856

 

 

Par catégorie

par GRADE

Estimation bénéficiaires IEM

Estimation bénéficiaires IGAR

Estimation bénéficiaires 3PM

Estimation bénéficiaires PCSMIL

OGX

 

595

578

219

188

 

GA-F

1

1

0

0

 

GA

11

10

0

5

 

GCA

60

59

3

15

 

GDI

168

164

59

51

 

GBR

355

344

157

117

OFF

 

30 617

29 062

24 415

16 290

 

COL

2 796

2 764

1 657

1 182

 

LCL

5 624

5 513

4 626

2 223

 

CDT

5 950

5 823

4 793

2 546

 

CNE

9 952

9 596

8 895

6 639

 

LTN

5 600

4 940

4 430

3 465

 

SLT

695

426

14

235

SOF

 

86 766

68 859

79 094

54 990

 

ASP

529

153

45

334

 

MAJ

4 679

4 511

4 320

1 686

 

ADC

16 846

15 713

15 477

8 394

 

ADJ

16 383

15 263

15 727

10 996

 

SCH

19 821

16 679

19 461

14 456

 

SGT

28 508

16 540

24 064

19 124

MDR

 

79 464

32 181

 

51 784

 

QUE

29 640

20 731

 

22 471

 

CAL

19 743

7 199

 

17 443

 

SDT

30 081

4 251

 

11 870

 

Par taille du foyer fiscal

Estimation bénéficiaires IEM

Estimation bénéficiaires IGAR

Estimation bénéficiaires 3PM

Estimation bénéficiaires PCSMIL

1

93 828

31 759

31 076

59 116

2

30 258

27 684

19 498

19 400

3

26 795

25 595

18 385

17 111

4

30 079

29 442

22 729

18 143

5

11 883

11 678

8 751

6 979

6

3 060

3 007

2 196

1 723

7

959

943

698

519

8

375

371

295

169

9

112

110

87

57

10

57

56

44

19

11

24

23

18

12

12

6

6

5

2

13

3

3

3

1

14

3

3

3

1

III.   Une « nouvelle politique » qui doit s’inscrire dans une réflexion plus globale sur le pouvoir d’achat des militaires

A.   Une mobilité ayant des conséquences directes sur le revenu des familles

L’état militaire impliquant une disponibilité « en tout temps, en tout lieu », le militaire est souvent soumis à des contraintes horaires importantes, notamment le week-end et la nuit, qui affectent l’organisation de sa vie personnelle : selon les chiffres transmis par le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, 33 % des militaires et 52 % des conjoints de militaires indiquent concilier difficilement leur activité professionnelle et leur vie personnelle. « Cette conciliation est par ailleurs d’autant plus difficile à assurer que la configuration des familles a également évolué (familles monoparentales, recomposées…), rendant plus complexe l’organisation de la vie familiale », ajoute le Haut comité.

Selon cette instance, l’impact de la mobilité est majeur sur l’emploi du conjoint, sur la garde et la scolarité des enfants et sur le logement : « les conséquences des mobilités sur l’emploi des conjoints ont un impact important sur les revenus des familles militaires. Alors que les profils socio-professionnels des conjoints d’officier et de sous-officier sont comparables à ceux des conjoints de fonctionnaire de catégorie A ou B, on observe depuis plusieurs années que le revenu individuel moyen d’un conjoint de militaire est inférieur de l’ordre de 30 % à celui d’un conjoint de fonctionnaire de catégorie équivalente. Les contraintes de l’état militaire (disponibilité, absences, imprévisibilité de l’activité opérationnelle, mobilités géographiques…) perturbent les parcours professionnels des conjoints et limitent la progression de leur rémunération : une carrière professionnelle saccadée, parfois sacrifiée à travers l’instabilité familiale engendrée par les mutations ainsi que par les horaires de travail atypiques du militaire Cette situation a des prolongements durables jusqu’à l’heure de la retraite. »

À catégorie socioprofessionnelle équivalente, la différence de niveau de vie annuel moyen entre un ménage dont la personne de référence est un militaire et celui dont la personne de référence est un agent civil de la fonction publique de l’État est en défaveur du ménage du militaire. Le différentiel s’élève à 10,4 % entre le ménage dont le référent est un officier et celui dont le référent est un agent civil de catégorie A, à 15,1 % entre les ménages de sous-officier et d’agent de catégorie B et à 4,2 % entre les ménages de militaire du rang et d’agent de catégorie C.

Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire souligne que la mobilité contrainte peut affecter la fidélisation du militaire. Lorsque les militaires éprouvent des difficultés à concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle, la survenance d’une mobilité non voulue peut accélérer la décision de quitter l’armée : 65 % des militaires qui pourraient quitter l’armée à cause des contraintes professionnelles pesant sur leur vie personnelle le feraient car la conciliation entre les deux vies est difficile. La mobilité ne provoque assurément pas à elle seule, sauf exception, le départ de l’institution mais elle peut être l’élément déclencheur.

Le conjoint doit adapter sa vie professionnelle en fonction de l’emploi du temps du militaire qui peut subir des modifications à tout moment (départs en mission impromptus ou avancés, retours décalés, enchaînements d’opérations extérieures et de missions intérieures, annulation ou déplacement de permissions…). Par exemple, pour des parents de jeunes enfants, faute d’une solution de garde immédiate, les incidences sur la vie professionnelle du conjoint peuvent être importantes.

1.   Le serpent de mer du coût du logement, en particulier en Île-de-France

L’un des principaux facteurs de stress pour les familles des militaires mutés réside dans la recherche de logement, en particulier dans les zones tendues comme Paris et sa petite couronne ainsi que Toulon – un logement qui conditionne la domiciliation et donc la scolarisation des enfants mais aussi la recherche d’emploi pour le conjoint qui suit le militaire muté. Le Haut comité d’évaluation de la condition militaire notait dans son 12e rapport thématique que « la fréquence des mobilités géographiques et la diversité des situations que peuvent rencontrer les militaires mutés rendent sensible la question de l’accès au logement. Or, la dispersion des implantations militaires sur le territoire national confronte les militaires à une grande diversité de marchés locaux de l’immobilier : à Paris ou à Toulon les militaires font face à un marché très onéreux tant à l’achat qu’à la location tandis qu’à Luxeuil ou à Rosnay le marché est très porteur à l’achat même si la revente peut être difficile (ce qui peut freiner un militaire à investir) mais peut, ponctuellement, être plus complexe pour la location, l’offre étant réduite. Les militaires cherchent généralement un logement à proximité de leur lieu d’affectation : le lieu de résidence résulte de la résolution d’une équation où les variables sont le travail du conjoint, la garde ou la scolarité des enfants, les réseaux de socialisation, le coût de la location ou la rentabilité d’une acquisition. In fine, les militaires privilégient souvent la location dans une zone assez largement étendue autour du lieu d’affectation. Ils sont moins propriétaires de leur résidence principale que le reste de la population (58 % des ménages français et 62 % des fonctionnaires sont propriétaires ou accédant à la propriété contre 43 % des militaires). (…) Le logement est en tête des motifs d’insatisfaction des militaires alors qu’il ne fait pas partie des cinq premiers sujets d’inquiétude pour le personnel civil. »

Les loyers et, désormais, les fortes hausses du coût de l’énergie domestique grèvent le budget des ménages de militaires, davantage que celui des civils.

2.   La nécessité de redoubler d’efforts pour accompagner les conjoints de militaire à chaque mobilité

La question de l’emploi des conjoints de militaire se pose de double façon :

– à la fois en raison des absences opérationnelles qui font peser sur le conjoint – qui, dans 85 % des cas, est en fait une conjointe – l’obligation d’assumer seul la vie du foyer pendant lesdites absences (éducation des enfants, tâches domestiques et administratives) ;

– et la mobilité géographique, particulièrement élevée chez les officiers. Nombreux sont les employeurs qui redoutent d’embaucher un conjoint de militaire dont la durée du contrat n’excédera pas celle de l’affectation du militaire.

Le HCECM l’illustre dans son 12e rapport thématique, la situation de l’emploi sur le territoire national est très contrastée selon les régions : « les territoires n’offrent pas partout les mêmes conditions économiques et d’emploi. La spécialisation spatiale des emplois peut en effet conduire à ce que peu d’opportunités soient laissées aux nouveaux entrants exerçant une activité peu développée dans certaines zones. Par exemple, cela peut conduire des conjoints exerçant une activité de cadre à l’inactivité en raison de la faiblesse des emplois disponibles dans certaines garnisons isolées : pour ne prendre qu’un exemple, on trouve 1 900 cadres à Draguignan et 69 800 à Lille, deux garnisons où le nombre de militaires est du même ordre de grandeur. Mais le risque économique auquel les militaires et leur famille sont confrontés à chaque mutation est également alimenté par l’existence de fortes disparités de coût de la vie entre « garnisons ». Pour ne prendre que l’exemple le plus emblématique, l’INSEE évalue que les prix pratiqués dans l’agglomération parisienne sont en moyenne plus élevés de 9 % que ceux observés en province et qu’environ un tiers de l’écart est dû au seul coût des loyers, supérieurs de près de 50 % à Paris ».

À ces éléments s’ajoute le bilan mitigé de la politique d’accompagnement des familles : les crédits prévus demeurent nettement insuffisants au regard des enjeux.

B.   Une chute vertigineuse des revenus pour les militaires quittant les armées à l’âge limite légal de départ à la retraite

L’importance de la part indemnitaire dans la rémunération des militaires conduit mécaniquement à réduire le taux de remplacement ([38])  - qui met en regard le montant brut de la pension avec le dernier salaire brut perçu par l’assuré sur une année complète et qui permet donc d’évaluer l’ampleur de la variation des revenus au moment du passage à la retraite.

Les limites d’âge des sous-officiers et des officiers de carrière sont fixées par la loi, à l’article L. 4139-16 du code de la défense. La limite d’âge varie selon le corps et le grade. Elle est par exemple de 59 ans pour tous les officiers des armes de l’armée de Terre, les officiers de la marine ou les officiers de l’air non navigants. Elle est également de 59 ans pour un major, mais de 58 ans pour un adjudant-chef, et de 52 ans pour un adjudant.

Dans le régime des pensions militaires de retraite, le montant de la pension est calculé en appliquant un taux de liquidation (75 % du ratio entre le nombre de trimestres acquis et la période de référence) à la solde de base du militaire (la solde indiciaire correspondant à l’indice détenu depuis 6 mois avant la radiation des cadres). Le montant obtenu est ensuite affecté de majorations ou décotes.

Un militaire qui atteint la limite d’âge applicable à son corps, ne peut se voir appliquer de décote lors du calcul du montant de sa pension. Les majorations pour enfant, propre à chacun, ne sont pas prises en compte pour estimer le différentiel de rémunération.

En 2021, le taux moyen de liquidation était de 67,73 % pour les sous-officiers et de 73,53 % pour les officiers. Grâce aux bonifications, un militaire atteignant la limite d’âge liquide sa pension à un taux de 75 % en très grande majorité. Cependant, ce taux est rapporté à la solde indiciaire de base et non à la totalité de la rémunération. Or la part indemnitaire de la rémunération des militaires est significative : 39 % en moyenne pour les sous-officiers, 44,6 % pour les officiers. Pour cette raison, la perte de rémunération lors de liquidation des droits de pension est très importante. Hors majoration familiale, la rémunération d’un officier sera alors réduite de 58 %, et celle d’un sous-officier de 54 %.


   Travaux de la commission

I.   Auditions devant la commission

1.   Audition de membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM)

La commission a entendu des membres du groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa séance du mardi 11 octobre 2022.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/ba23Ia

2.   Audition des représentants de syndicats des personnels civils de la défense

La commission a entendu les représentants de syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2022.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/bNYImz

3.   Audition de M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration

La commission a entendu M. Christophe Mauriet, secrétaire général pour l’administration, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2022.

Le compte rendu de cette séance est disponible sur le site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/wTUhiu


4.   Audition des représentants des associations professionnelles nationales de militaires (APNM)

La commission a entendu les représentants des associations professionnelles nationales de militaires, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du mardi 18 octobre 2022.

L’enregistrement de cette séance est accessible sur le portail vidéo de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante :

https://assnat.fr/hVDAgO

 

 


—  1  —

II.   Examen des crédits

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Bastien Lachaud, les crédits inscrits au programme 178 « Préparation et emploi des forces » et au programme 212 « Soutien de la politique de défense », pour les dépenses afférentes à la logistique interarmées et aux soutiens de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2023, au cours de sa réunion du mercredi 19 octobre 2022.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). « Notre ressource la plus précieuse, ce sont les hommes et les femmes qui ont décidé de s’engager et qui s’engageront demain pour protéger la France ». Ce propos, tenu par le chef d’état-major des armées Thierry Burkhard le 5 octobre devant notre commission, sera le fil conducteur de mon intervention.

Avant d’évoquer le thème de mon rapport, j’appellerai votre attention sur plusieurs aspects touchant aux programmes 212 et 178. En effet, la marche des 3 milliards n’est pas respectée puisque la revalorisation du point d’indice de la fonction publique représente 366 millions d’euros sur le titre II, soit plus de 10 % de cette marche.

La hausse des coûts des facteurs ne semble pas non plus prise en compte dans la construction de ce PLF. C’est en particulier le cas des carburants, pour lesquels il table sur un baril à 63,30 euros. Or, entre janvier et août de cette année, le cours moyen du Brent s’est élevé à 96,77 euros. Pourquoi avoir construit le budget 2023 sur pareille hypothèse ?

Un autre point ayant retenu mon attention concerne le service d’infrastructure de la défense, confronté à un effet de ciseaux bien connu, avec une hausse de sa charge d’activité et des effectifs restreints. Le service est contraint de recourir à des externalisations qui renchérissent le coût des opérations et pèsent sur les budgets d’infrastructure des armées. Il convient de mettre fin à ces externalisations, surtout dans le contexte stratégique que nous connaissons.

J’ai choisi pour thème de mon rapport la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) qui a été lancée en 2021, avec l’indemnisation de la mobilité géographique des militaires, et poursuivie en 2022 avec l’indemnisation de sujétions d’absence opérationnelle (Isao) et les primes de commandement, de responsabilité et de performance (PCRM). L’an prochain sera le moment le plus important de cette nouvelle politique avec l’indemnisation de l’état militaire et l’indemnisation du non-choix par les militaires de leur lieu et de leur temps d’affectation, sous la forme d’une indemnité de garnison. Seront également versées des primes dites de compétences spécifiques (CPS) et des primes de parcours professionnels.

Même si les militaires servant aujourd’hui dans les armées n’ont pas tous connu le traumatisme du logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), la question de la solde reste une source d’anxiété pour les militaires et leurs familles et cette affaire a laissé des séquelles durables.

Ayant eu l’occasion d’auditionner les armées, directions et services sur cette vaste réforme, sans malheureusement disposer des projets de textes réglementaires du troisième volet, j’aurai plusieurs observations à formuler.

La rémunération des militaires comprend quatre parts : l’indiciaire, l’indemnitaire, la pension et la rémunération indirecte. Pourquoi le Gouvernement commence-t-il par réparer la toiture avant les fondations de l’édifice ? Pourquoi avoir commencé par l’indemnitaire avant de traiter de l’indiciaire ? On sait pourtant que la rémunération indiciaire des militaires, qui entre dans le calcul de la pension, est largement insuffisante et que la progression de cette part indiciaire est très faible entre le début et la fin de carrière, quels que soient le corps et le grade. Le tassement des grilles indiciaires va à l’encontre de l’objectif de fidélisation et remet en cause le principe d’escalier social. On peut aussi déplorer que la NPRM soit déconnectée de la réforme à venir des pensions militaires qui, elle aussi, suscite des inquiétudes.

Toujours sur le plan de la méthode, le Gouvernement a procédé par étapes, préparant les textes réglementaires au fur et à mesure, sur trois ans. Cette manière de faire empêche les services comme la concertation d’avoir une vision d’ensemble des effets conjugués de la réforme. On peut comprendre que la réforme entre en vigueur par étapes pour s’assurer que Source Solde fonctionne bien et pour étaler dans le temps les effets budgétaires de cette nouvelle politique, mais encore eût-il fallu présenter les projets de textes aux intéressés d’un seul trait. Le ministère aurait aussi dû fournir aux armées, directions et services ainsi qu’à la concertation des simulations et études d’impact précises sur tout le dispositif.

Plusieurs principes retenus par le Gouvernement me semblent également contestables. On nous dit qu’en année pleine, plus de 480 millions d’euros de mesures supplémentaires seront consacrés à la réforme. Cependant, le problème n’est pas le court mais le moyen terme, car la plupart des primes sont forfaitisées, à l’exception de celle de parcours professionnel, alors que plusieurs d’entre elles étaient auparavant indexées : je pense par exemple aux indemnités qui sont remplacées par l’Isao, par la PCRM et par l’indemnité de garnison. En période d’inflation, la forfaitisation ne peut que se traduire par une érosion des revenus dès lors qu’aucune revalorisation automatique n’est prévue. L’objectif est bien la maîtrise de la masse salariale et non la condition militaire.

Un autre principe me semble philosophiquement inacceptable : il s’agit de l’introduction d’une part variable dans la prime versée aux militaires exerçant des responsabilités en état-major. Outre que cela pose de sérieux problèmes de cohésion, un mécanisme permet déjà de valoriser le mérite des militaires : la notation, l’avancement donc l’indiciaire, auquel le Gouvernement n’a pas touché. Sachant que les militaires acceptent de donner leur vie pour leur pays, il est surprenant de les soumettre à une logique pécuniaire de récompense financière allant à l’encontre de ce qui fait la singularité militaire. Je m’oppose formellement à ce changement de philosophie.

Certaines primes appellent également des commentaires. Le plafonnement à neuf mobilités de l’indemnité de mobilité géographique fera certes très peu de perdants, mais ces derniers se trouveront précisément parmi ceux qui peuvent toucher leur pension à liquidation immédiate et qu’il faut donc fidéliser pour leur expérience précieuse.

On ne peut qu’être surpris du décalage criant entre les montants de la PCRM et de la prime de performance qui sera versée aux contrôleurs généraux, aux ingénieurs de l’armement et aux commissaires. Il serait cocasse qu’un commissaire des armées exerçant un emploi de quatrième niveau touche une prime bien plus élevée que celle de son commandant d’unité. Il ne s’agit pas de dresser les unes contre les autres différentes catégories de militaires ni de souhaiter une révision à la baisse de la PCRM mais, au contraire, de la revaloriser fortement afin d’assurer un rééquilibrage.

Pour ce qui est de la prime de parcours professionnel, je déplore que rien ne soit prévu pour les militaires du rang et que cette prime soit contingentée. Même si le contingentement est suffisamment large pour ne pas avoir d’effets à court terme, son principe même pose problème. Il faudra en outre que nous veillions à ce que cette prime reste bien indexée sur la solde de base.

La fiscalisation de l’indemnité de garnison suscite des inquiétudes, en particulier de la part des locataires chargés de famille qui touchaient auparavant la majoration d’indemnité pour charges militaires et qui pourraient voir leur fiscalité augmenter malgré la compensation prévue par le Gouvernement. Cela pourra notamment concerner les militaires dont l’indemnité de mobilité sera plafonnée au-delà de neuf mutations, ou encore ceux dont le conjoint ou la conjointe a des revenus importants. Cette hausse du revenu imposable pourrait aussi avoir des effets sur les militaires du rang et les sous-officiers en début de carrière qui pourraient perdre leur droit à certaines prestations sociales. Le ministère a certes prévu de couvrir cette fiscalisation par une mesure de périmètre, mais comment être sûr que les perdants seront bien identifiés ?

Certains segments professionnels, pourtant critiques, ne sont pour l’instant pas pris en compte dans les projets de textes réglementaires relatifs à la prime de compétences spécifiques (PCS). Je pense aux spécialités du cyber et du service de l’énergie opérationnelle, aux compétences des auxiliaires de santé du service de santé des armées mais aussi à celles que nécessite le renseignement. Ce sont pourtant des domaines dont le ministère des Armées affirme chercher à fidéliser les personnels.

En conclusion, je voudrais insister sur les répercussions considérables de la mobilité sur l’activité professionnelle des conjoints et sur le revenu global des familles de militaire, qui s’en trouvent appauvries par rapport aux ménages de même niveau socioprofessionnel. La NPRM ne résoudra pas cette difficulté et, lorsque les militaires arrivent en fin de carrière, ils voient leur revenu s’effondrer. Seule une réévaluation indiciaire redonnera aux familles de militaires un revenu à la hauteur de leur investissement pour la défense de la nation.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). L’affaire McKinsey a rappelé la place des cabinets de conseil dans la conduite des politiques publiques en France, et le secteur de la défense n’en est pas exempt. En 2018, les prestations de conseil auprès du ministère des Armées s’élevaient à plus de 22 millions d’euros, et à 10 millions en 2021. Un bilan de ces prestations a-t-il été dressé ? Quelles sont les perspectives dans ce domaine ?

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). En 2019, le directeur du commissariat des armées, le commissaire général Stéphane Piat, indiquait que 25 % des 315 restaurants gérés par le commissariat souffraient d’une dégradation avancée de leur infrastructure. De même, les matériels de restauration collective affichaient une moyenne d’âge de quatorze ans, contre quatre à cinq ans dans le secteur privé. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Vos conclusions témoignent d’une certaine orientation de votre rapport. Je souhaitais rappeler les efforts faits par le Gouvernement en faveur de la communauté de défense en général et plus particulièrement de nos militaires. L’effort de défense auquel consent la nation depuis plusieurs années à l’initiative du Président de la République est colossal. Pour la première fois, une LPM sera entièrement exécutée. Nous portons une attention particulière à la condition des militaires, à leur pouvoir d’achat et aux conditions de vie de leur famille.

Vous avez conclu que les traitements des militaires en fin de carrière allaient « s’effondrer ». Le terme est particulièrement fort. Quels éléments vous amènent à porter une telle appréciation ?

Vous avez rappelé les nombreuses primes qui complètent les traitements des militaires. Connaissez-vous le délai précis du paiement de ces primes ? Avez-vous des recommandations à faire dans ce domaine ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les militaires voient leurs revenus s’effondrer au moment où ils liquident leur droit à pension. Si le taux de remplacement brut des Français est estimé à un peu plus de 60 % celui des militaires atteignant leur limite d’âge ou de service est légèrement inférieur à 60 % dans la gendarmerie et à 50 % dans les autres armes, du fait de la surreprésentation de la part indemnitaire dans leurs revenus : il est de 45 % pour un officier, 48 % pour un sous-officier, 30 % pour un militaire du rang quittant à 20 ans de service.

Il existe autant de caractéristiques de versement que de primes : certaines sont mensuelles, d’autres annuelles, comme la PCRM, versée en décembre. D’autres encore, comme l’Isao, sont versées de manière plus aléatoire, en fonction des impératifs de service. Ces derniers sont parfois à l’origine d’importants délais, qu’il conviendrait de réduire en travaillant sur la gestion de la solde.

Monsieur Piquemal, nous savons qu’en 2022, un appel d’offres a été lancé à hauteur de 50 millions d’euros pour des prestations de cabinets de conseil. Le montant était réparti en quatorze lots. Un seul a été attribué, pour un montant de 3,333 333 millions d’euros, soit un quatorzième de l’accord-cadre global. Les documents que nous avons demandés pour étudier cet appel d’offres ne nous ayant été fournis que très tardivement, nous sommes encore en train de les examiner. Il est en tout cas certain que le recours aux cabinets de conseil se poursuit. La pratique de la sous-traitance de ces lots est en outre autorisée, ce qui nous semble plus qu’étrange dans le domaine militaire.

Madame Martin, plusieurs des personnes auditionnées nous ont rapporté des signalements d’autorités vétérinaires demandant la fermeture administrative de lieux de restauration. Seules des réparations d’urgence permettaient de maintenir ouverte l’offre de restauration dans certains sites. Le service du commissariat des armées, gestionnaire des restaurants, continue de procéder à des concessions, notamment à l’économat des armées. L’objectif pour 2025 fixe la part des restaurants concédés à 40 %, et à 60 % ceux gérés en régie. Il est important pour nos armées de conserver cette compétence afin de la projeter en opération. Or, le service reste très hétérogène et de nombreux bâtiments sont vétustes. Le lancement d’un plan rénovation semble impératif pour résoudre ces problèmes récurrents et pour contribuer à la fidélisation de nos armées.

 

*

*     *

La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la sixième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Il suit à la lettre la trajectoire adoptée en loi de programmation militaire 2019-2025. Ainsi, pour 2023, les crédits de la mission Défense s’établissent à 43,9 milliards d’euros, soit 11,6 milliards de plus qu’en 2017, et 3 milliards de plus qu’en 2022. L’impulsion donnée dès 2017 a mis fin à l’érosion de notre outil militaire. Nos investissements ont permis à nos forces armées de renforcer leur supériorité sur les champs de bataille et de s’engager dans de meilleures conditions. La France aura ainsi pu rester crédible aux yeux de ses alliés, notamment européens.

Notre ambition pour 2030 n’a pas changé : permettre à notre pays d’intervenir en tout lieu, tant dans les champs matériels qu’immatériels et en tout temps, là où ses intérêts et sa sécurité sont menacés. Le budget pour 2023 suit ce cap. Il poursuit les efforts indispensables pour moderniser, renouveler et entretenir nos équipements grâce aux 38 milliards d’euros de commande militaire qui soutiendront le tissu économique national ainsi qu’à d’importantes livraisons – treize avions Rafale, un sous-marin nucléaire d’attaque, dix-huit chars Leclerc et 264 véhicules blindés multirôles. Il permettra également d’inscrire notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre et de renforcer notre souveraineté. Ainsi, 2 milliards d’euros seront consacrés à la commande de munitions pour renouveler nos stocks. D’autres crédits sont affectés à la dissuasion nucléaire, à l’espace, aux grands fonds marins, à la cyberdéfense et au renseignement. Le soutien à la recherche et au développement ainsi qu’à l’innovation de défense renforce encore davantage notre autonomie stratégique.

Enfin, ce budget permettra d’améliorer le quotidien de nos militaires grâce aux crédits dédiés au plan famille ou à l’équipement du combattant.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ne faiblit pas. En 2023, les droits acquis pour nos anciens combattants sont maintenus, de même que les moyens alloués à la politique de mémoire, sans parler du large soutien apporté à nos militaires blessés grâce à la pérennisation du dispositif des maisons Athos.

La nation n’oublie pas ceux qui s’engagent pour elle, corps et âme, et qui peuvent parfois être amenés, sur ordre, à donner la mort ou à la recevoir. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ces crédits.

M. Laurent Jacobelli (RN). Le budget de la défense a longtemps été en chute libre. Nos armées ont chèrement payé les dividendes de la paix. Depuis plusieurs années, reconnaissons-le, l’érosion a pris fin et la trajectoire s’est maintenue. Cependant, le monde qui nous entoure a changé. La guerre est à nos portes et l’inflation s’est invitée dans nos débats budgétaires. Les 3 milliards que vous évoquez étaient peut-être, hier, un titre de gloire pour la majorité mais ils ne sont plus aujourd’hui qu’une goutte d’eau dans le budget de nos armées. Les défis sont nombreux. Ce budget aurait pu nous offrir l’occasion de retrouver une souveraineté nationale pour nos équipements et notre stratégie de défense, de rééquiper massivement nos armées, d’expliquer à ces hommes et à ces femmes qui défendent notre pays, qui se battent pour nous, que nous avions compris leurs demandes et que nous allions les satisfaire. Hélas, ce ne sera pas possible.

Ce budget arrive après des années de disette et de déséquipement pour nos armées. Son augmentation ne suffira pas à combler le retard. Lorsque l’on manque d’argent, il faut être pragmatique, non idéologue. Pas si loin de chez nous, la guerre n’est pas une hypothèse mais un risque avéré. La France doit être indépendante, aussi dans son équipement. Lequel voulons-nous ? Comment voulons-nous l’utiliser ? À quelles fins ? Notre décision doit demeurer souveraine. Les programmes SCAF et MGCS nous laissent perplexes. Au mieux, ils sont au point mort, au pire ils vont droit dans le mur. Reprenons la main, faisons confiance à nos industries pour préparer, fabriquer, concevoir nos équipements plutôt que de courir après des licornes européistes.

Votre action en faveur de notre armée est louable mais vous ne faites que le minimum syndical. Des livraisons auront lieu en 2023 pour nos forces terrestres, navales, aériennes et spatiales mais les livraisons de matériel vers l’Ukraine, la vente d’avions Rafale à la Croatie et à la Grèce, le retrait des Mirage 2000-C aggravent le manque de disponibilité des matériels. Le renouvellement des stocks de munitions à hauteur de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement ne sera pas suffisant. Ce n’est pas ainsi que nous relèverons un défi crucial pour notre souveraineté. La filière de munitions de petit calibre est totalement abandonnée. Il faudrait 100 millions d’euros pour repartir du bon pied.

Nos industries de la défense sont victimes, d’autre part, d’une énième ingérence américaine, puisque Exxelia vient d’être racheté par Heico. Sans être une entreprise d’armement, Heico est un sous-traitant qui participe à la fabrication de nos matériels. Que se passera-t-il quand les Américains géreront cette entreprise ? Restons vigilants et bloquons ces pillages organisés par des puissances impérialistes qui ont des vues sur notre défense.

La mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation est marquée par une érosion budgétaire, qui peut s’expliquer par des raisons démographiques. Cependant, n’oublions pas que la plupart des indemnisations sont trop faibles ou ne profitent pas à toutes les personnes qui pourraient y avoir droit. Je pense aux harkis et à leurs familles, qui se battent pour une augmentation du montant de la réparation. Ces hommes et ces femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays, parfois au péril de leur vie ou de celle de membres de leur famille, méritent la reconnaissance de la France. Cette juste reconnaissance de la nation a tardé et ne nous semble toujours pas à la hauteur de ce qu’ils ont accompli pour nous.

En séance publique, un amendement pour défendre la demi-part des veuves d’anciens combattants a été adopté. Cette mesure de justice sociale doit être conservée. Or, on ne sait pas si, dans quelques instants, cet amendement ne disparaîtra pas dans le sillage du 49-3, au mépris de la volonté de la représentation nationale.

Enfin, les crédits de la mission Sécurités progressent de 6 % pour 2023 mais ce ne sera pas suffisant pour répondre aux enjeux de sécurité intérieure : l’explosion de la délinquance, l’aggravation du trafic de drogue, l’immigration incontrôlée et les problèmes d’insécurité qui en résultent jusque dans nos campagnes si l’on en croit le plan de relocalisation du Président de la République. Les Jeux olympiques de 2024 représentent un nouveau défi pour la sécurité, surtout après les événements du Stade de France. Nous devons réformer la réserve de la gendarmerie en nous inspirant du modèle des armées, rénover leurs locaux, mieux équiper et recruter. L’implantation de 200 brigades n’est pas suffisamment détaillée.

Vous faites un petit pas là où il aurait fallu de grandes foulées mais parce que nous ne voulons pas priver nos armées du peu de moyens supplémentaires qui leur sont accordés, nous nous abstiendrons.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Je regrette que l’actualisation de la loi de programmation militaire, souhaitée par le Président de la République, ne suscite pas davantage de débats au regard de l’instabilité du contexte mondial. Alors qu’il convient d’arrêter des choix stratégiques, comme notre appartenance à l’Otan, les décisions seront prises dans l’intimité. De même, la tenue régulière d’auditions à huis clos pose un problème. Si les informations relatives à la défense sont confidentielles, est-il pertinent d’user d’un tel procédé à l’endroit de députés qui représentent le peuple ?

Notre groupe salue la progression du budget mais les fameux 3 milliards d’euros supplémentaires promis ne sont pas au rendez-vous. Ce budget ne tient pas compte de l’inflation, estimée à 4,2 % en 2023. Ne serait-ce que pour leur préparation opérationnelle, nos forces seront durement affectées. Le budget est par ailleurs amputé des 357 millions d’euros nécessaires à la revalorisation de l’indice de la fonction publique. Ces coûts supplémentaires auraient dû s’ajouter aux crédits et non s’y fondre.

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ne cessent de faiblir. Pourquoi ne pas pérenniser le budget et affecter les sommes non dépensées du fait de la disparition de certains anciens combattants, à d’autres actions ? Nous proposerons des amendements en ce sens, pour améliorer la prise en charge des blessés psychiques ou étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbaries durant la deuxième guerre mondiale et les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

Alors que le ministre annonce le doublement des effectifs de la réserve opérationnelle, aucune mesure n’est prise en ce sens dans le budget pour 2023. Les 1 500 créations nettes de postes civils, notamment dans le renseignement ou la cyberdéfense, sont salutaires mais comment renforcerez-vous les effectifs opérationnels envoyés sur les théâtres d’opérations ? Nous ne pouvons que nous inquiéter des conséquences de l’insuffisance des capacités et des cessions pour la disponibilité de nos matériels. Par rapport au contrat opérationnel, la disponibilité des canons de 155 millimètres passe de 90 % à 58 %. Dans la chasse, celle des appareils passe à 69 %. Dans l’armée de l’Air, seuls 65 % des objectifs d’intervention prévus par le contrat opérationnel ont été atteints. Quelles seront les conséquences de la cession d’une partie de nos lance-roquettes unitaires ? Nous ne remettons pas en question ces livraisons et ces cessions mais nous devons rester vigilants.

Concernant les fonds marins, les 3,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et les 3,1 millions d’euros en crédits de paiement ne sont pas à la hauteur de l’enjeu que représente la maîtrise des fonds marins. Agissons dès maintenant en augmentant les crédits.

Pour ce qui est de l’espace, le projet de loi prévoit 702 millions d’euros de crédits de paiement en 2023, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. C’est louable mais certains défis sont oubliés, comme la météo spatiale et les débris, qui sont les principaux responsables de la dégradation de nos équipements.

Enfin, nous vous proposons de créer un nouveau programme, consacré à la transition énergétique et écologique. Le ministère a publié une stratégie Climat et défense, en avril dernier. Remplacer 150 chaudières qui représentent 10 % du parc, notifier deux contrats de performance énergétique, c’est bien, mais est-ce suffisant pour répondre au défi du dérèglement climatique ? Il est temps d’accélérer. Nous devons réfléchir à l’après-pétrole. Nous sommes bien conscients de la difficulté de s’approvisionner en biocarburants mais promettre que les avions utiliseront 1 % de carburant biojet en 2023 ne suffira pas.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote de ce budget qui, malgré tout, va dans le bon sens.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Notre responsabilité, au sein de cette commission, est immense. Pensons à ceux qui vivent sous les bombes en Ukraine, aux tensions qui persistent en Afrique, à nos hommes qui restent présents dans la bande sahélo-saharienne, à la compétition stratégique qui se joue sur l’ensemble du globe et dans tous les océans.

Gardons ces images en tête et remémorons-nous nos prédécesseurs qui siégeaient ici même en 1933, en 1936, en 1938, à l’heure où les périls croissaient en Europe, où les chars allemands occupaient la Rhénanie, où était décidé l’Anschluss. Les événements d’Ukraine nous renvoient à ces heures funestes : on meurt à la guerre à deux heures de Paris.

Le vote de ce budget est un symbole fort et essentiel. Nos démocraties doivent se défendre, notre sécurité doit être garantie, l’unité et la résilience de la nation sont essentielles. Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à la bâtir.

Venons-en à ce budget : 3 milliards d’euros ne sont pas une goutte d’eau. Les engagements pris dans la loi de programmation militaire sont tenus, pour la première fois de notre histoire.

L’inflation, cependant, reste une réalité et emporte des conséquences pour notre projet de loi de finances dont la progression est plus proche des 2 milliards d’euros que des 3 milliards.

Nous avons pourtant tous cru aux dividendes de la paix et nous avons tous accepté de réduire les dépenses militaires. Il serait à présent irresponsable de ne pas voter ce budget. Le rendez-vous majeur sera celui de la loi de programmation militaire, en 2023. Elle devra mesurer les défis, les menaces et les intérêts français, ne rien sacrifier et tirer les leçons de la guerre en Ukraine. J’espère que le travail que j’ai réalisé avec Patricia Mirallès sur la préparation à la haute intensité sera utile.

Nous voterons ce budget pour assurer la sécurité de ceux qui défendent notre pays, au péril de leur vie.

Mme Delphine Lingemann (Dem). L’objectif de la loi de programmation initiale, qui était de réparer, a été respecté. L’effort budgétaire pour la mission Défense s’inscrit dans cette continuité. En progression de 3 milliards d’euros, il s’élève à près de 44 milliards d’euros. Désormais, nous évoluons dans un contexte géopolitique profondément modifié par le conflit en Ukraine. La situation exceptionnelle nous commande d’accélérer l’effort de préparation des armées aux affrontements à haute intensité afin de gagner la guerre avant la guerre.

Les crédits de la mission reflètent les ambitions et les priorités portées par le chef de l’État, le ministre des Armées et notre majorité, pour une année 2023 qui sera une étape intermédiaire entre la loi de programmation militaire en cours et celle qui sera votée pour 2024-2030 et qui intégrera les nouveaux enjeux stratégiques.

Notre groupe salue la continuité de l’action menée depuis 2017 grâce à un budget qui remet les femmes et les hommes de la défense au cœur de notre capacité de défense, améliore les conditions de vie et d’engagement grâce à la création de nouveaux postes, la livraison d’équipements essentiels au quotidien du soldat et la poursuite du plan famille. Ce budget permet également de poursuivre les efforts engagés pour attirer et fidéliser les personnels, notamment par la conduite de la dernière étape de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Les crédits de cette mission traduisent notre volonté de préparer l’avenir de nos forces armées en accordant une place singulière à l’humain et la priorité aux investissements dans les secteurs clés pour les conflits de demain : le renseignement, l’espace, le cyberespace et le numérique. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera les crédits de la mission Défense.

La mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation accorde une place sans précédent aux publics qui relèvent des dispositifs de réparation dans le cadre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Nous nous en réjouissons et nous saluons le droit à pension des victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant le 1er janvier 1982. Cette mesure de justice était attendue. La revalorisation générale des pensions militaires, d’invalidité et de la retraite du combattant entrera en vigueur le 1er janvier prochain, avec un an d’avance. C’est louable.

La journée défense et citoyenneté bénéficiera d’un budget de 21,2 millions d’euros. Thucydide disait que la force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux mais dans le caractère de ses citoyens. La force de notre cité tient à sa force morale. Nourrissons-la pour qu’elle fasse battre le cœur de notre pays. Aidons nos jeunes à affronter l’adversité pour qu’ils deviennent plus résistants à l’épreuve, plus résilients au conflit.

Quant à la mission Sécurités, on compte 100 000 gendarmes d’active contre 150 000 policiers. Si les deux forces couvrent la même densité de population et poursuivent les mêmes objectifs de sécurité nationale, les gendarmes interviennent dans 96 % du territoire national contre 4 % seulement pour les policiers. Forte de près de 3 100 unités territoriales, la gendarmerie nationale est un atout majeur dans notre continuum géographique sécuritaire. Celui-ci doit cependant être renforcé par la création de 200 brigades et l’amorce d’une nouvelle étape dans la stratégie globale, par un schéma d’emploi ambitieux et une hausse des effectifs de la réserve opérationnelle – 50 000 réservistes à l’horizon 2027 – sans que celle-ci ne devienne une variable d’ajustement du budget de la gendarmerie.

Nous devons également donner à la gendarmerie les moyens de s’adapter aux nouvelles frontières de la délinquance en lui permettant d’être toujours plus moderne et innovante notamment sur le volet numérique et cyber et d’amplifier son action en passant d’une logique de guichet à une logique du pas de porte. Notre groupe votera ce budget qui inclut tous ces aspects.

Mme Anna Pic (SOC). Nous regrettons la baisse des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation mais nous reconnaissons qu’elle s’explique par la disparition d’anciens combattants. Il aurait été cependant préférable de les sanctuariser pour répondre aux attentes des associations représentatives. Surtout, alors que le Gouvernement s’apprête à revaloriser la valeur du point de pension militaire et la retraite du combattant pour un montant global de 41,6 millions d’euros, les crédits reculent de 107 millions d’euros dans le PLF pour 2023, ce qui trahit l’insincérité de ce budget.

D’autre part, les crédits globaux consacrés aux actions menées en faveur des rapatriés n’augmentent que de 6 millions d’euros alors que le droit à réparation, prévu dans la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis, augmente de 15 millions d’euros. Seule une hausse globale de 15 millions d’euros aurait permis de maintenir un budget constant et un niveau de crédit équivalent pour tous les autres dispositifs de soutien à l’égard des harkis.

Au cours de l’examen de la mission, nous défendrons l’augmentation des crédits de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) à hauteur de 1 million d’euros pour lui permettre d’honorer les engagements pris dans le cadre du dispositif de réparation institué par la loi de 2022. Nous serons attentifs au sort réservé à l’amendement qui tend à étendre le dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire à tous les veufs et veuves d’anciens combattants. Par ailleurs, nous nous étonnons du transfert de dispositifs initialement dédiés à la jeunesse vers le service national universel. Il ne peut être confié à l’armée une mission éducative qui n’est pas la sienne.

Pour ce qui est de la mission Défense, le budget, en hausse, est conforme aux engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire. L’effort est indéniable mais le respect de la trajectoire de la LPM est faussé par l’inflation, évaluée à 4 % par le Gouvernement. De surcroît, les reports de charges annoncés supposent que nous devrons procéder à des rattrapages dans les prochains textes budgétaires. D’autres limites ont été posées à cette progression, ces dernières semaines. La première concerne l’effectivité de la montée en puissance défendue par le Président de la République dans le cadre d’une économie de guerre. En effet, elle impose d’intensifier l’effort dont nos principaux industriels ne cessent d’interroger la soutenabilité. Ils doutent également des capacités humaines et financières des PME sous-traitantes avec lesquelles ils travaillent. De surcroît, la maintenance des nouveaux matériels d’ores et déjà livrés et utilisés par nos armées coûte plus cher et impose de former les personnels.

Nous saluons la nouvelle politique de rémunération des militaires qui clarifie les régimes indemnitaires mais un rééquilibrage entre la rémunération indiciaire et la rémunération indemnitaire s’impose pour répondre aux défis de l’attractivité et de la fidélisation.

Par ailleurs, il semble hasardeux de diminuer les autorisations d’engagement du programme de dissuasion à l’heure où la Russie menace de recourir à l’arme atomique, ce que les États-Unis prennent au sérieux.

Nous défendrons un amendement pour augmenter la dotation gazole allouée à nos forces armées pour supporter la volatilité des prix du baril, instaurer des modules de formation spécifique de sensibilisation aux enjeux de la préservation de l’environnement, octroyer une reconnaissance financière à tous les personnels soignants du service de santé des armées.

Quant à la mission Sécurités, le Gouvernement répond en partie aux besoins mais la création de 200 nouvelles brigades pose la question de leur déploiement. Une implantation réfléchie, coordonnée et planifiée serait préférable à une mise en concurrence entre les collectivités locales pour leur obtention. Comment les brigades mobiles et les brigades fixes seront-elles réparties ?

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

M. Yannick Favennec Bécot (HOR). En 2023, le budget des armées françaises augmentera, pour la sixième année consécutive. Depuis 2017, chaque année, la trajectoire budgétaire est conforme aux engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Depuis mars 2021, les combats de haute intensité qui se déroulent aux portes de l’Europe, auxquels s’ajoutent une montée des tensions dans l’espace indo-pacifique et une reconfiguration du dispositif français en Afrique, appellent de nouveaux efforts. Les crédits de la mission Défense progressent de 3 milliards d’euros cette année pour permettre à nos armées de s’adapter et de réagir rapidement dans l’ensemble des théâtres d’opération mais aussi d’identifier les futurs enjeux sécuritaires. Il nous reste cependant beaucoup à faire et la loi de programmation militaire 2024-2030 nous permettra de tracer une nouvelle trajectoire.

La France n’est pas seule. Elle agit avec ses partenaires européens et ceux de l’Otan. C’est pourquoi notre groupe salue la consécration, dans les dépenses de l’État, des programmes de coopération bilatéraux et européens pour développer de nouvelles technologies d’armement. À l’heure où certains brandissent la menace nucléaire, il est fondamental de renforcer les capacités de la France pour asseoir notre autonomie stratégique. Celle-ci grandira d’autant plus grâce à l’ensemble des nouveaux moyens consacrés sur terre, en mer, dans le ciel et l’espace.

Le programme 146 vise à mettre à disposition des armées les armements et matériels nécessaires à l’accomplissement de leur mission et concourir au maintien des savoir-faire industriels français et européens. Rappelons, dans la perspective de la prochaine LPM, que nous devons donner à notre base industrielle et technologique de défense (BITD) les moyens de comprendre les exigences des armées et la manière de s’adapter en cas de besoin. Les commandes sur le long terme donnent à notre industrie de défense la visibilité qui lui permet d’inciter toute la chaîne à réaliser les investissements nécessaires et éviter les ruptures capacitaires.

Au-delà du domaine capacitaire, l’examen de ce budget nous rappelle le caractère fondamentalement humain de l’action du ministère des Armées. Notre groupe est sensible aux efforts engagés pour poursuivre le plan famille, accompagner et fidéliser nos soldats grâce à des indemnisations plus justes, et améliorer leurs conditions d’exercice. Nous devons cet effort à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection des Français, parfois au péril de leur vie.

La mission Sécurités pour 2023 prévoit de renforcer les effectifs sur la voie publique et de porter une attention particulière aux territoires ruraux. Nous nous félicitons de la création de 200 communautés de brigades.

Enfin, la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation joue un rôle essentiel en ce qu’elle incarne l’hommage que la nation rend à nos armées pour l’engagement et les sacrifices de nos soldats au service de la sécurité de notre pays. Les actions portées par la mission témoignent de la reconnaissance de la nation envers les anciens combattants et visent à susciter l’adhésion de l’ensemble de la population aux enjeux et aux efforts consacrés à la défense et à la sécurité nationale.

Même si ce budget recule par rapport à l’année dernière, les crédits alloués à cette mission accompagnent la transformation profonde constatée par le monde combattant. Ils prennent en compte la diversification des pensions et des aides versées au-delà de la condition militaire aux victimes de guerre, d’attentats et à leurs familles.

Notre groupe salue les efforts de reconnaissance pour les harkis et l’extension du droit à pension aux victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant 1982.

La transformation du monde combattant tient compte de l’évolution des générations. Les combattants qui ont servi en Opex sont plus jeunes, encore actifs, et comptent davantage de femmes. Nous saluons aussi les dispositifs prévus pour réhabiliter les soldats le plus tôt possible, comme les maisons Athos.

Enfin, les efforts consentis pour la politique de mémoire à travers la restauration et la mise en valeur du patrimoine sont indispensables mais nous devons veiller à l’avenir des associations d’anciens combattants qui ont perdu pas moins de 300 000 adhérents entre 2014 et 2021.

Notre groupe votera ces crédits.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Notre groupe votera ces crédits. Tous les parlementaires doivent envoyer un signal fort de soutien à nos militaires et au monde combattant. Cependant, ce vote ne doit pas être interprété comme un blanc-seing donné au Gouvernement.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, je salue l’adoption, en première partie, des amendements qui ont permis d’étendre le bénéfice de la demi-part fiscale. Cette véritable avancée corrige une injustice fiscale. Le financement de cette dépense fiscale sera-t-il maintenu et inscrit dès 2023 ? Nous regrettons en revanche que le budget continue à se contracter. De 2,5 milliards en 2017, il est passé à 1,9 milliard.

D’autre part, le service national universel est le grand oublié de cette mission alors que le monde combattant a un rôle à jouer auprès des jeunes. Le bleu budgétaire traduit la volonté du ministère des Armées de prendre part à sa montée en puissance mais aucun crédit budgétaire n’est fléché en ce sens.

La mission Défense m’inquiète. Les 3 milliards de hausse ne sont qu’un trompe-l’œil budgétaire. Les crédits doivent être relativisés au regard des reports de charge, du coût de la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique et de l’inflation.

Concernant les renseignements, à l’heure des conflits de haute intensité, l’enveloppe de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) progresse en 2023 après une baisse de près de 4 % de ses crédits de fonctionnement et d’intervention l’an dernier. Les failles du passé ne pèsent-elles pas sur nos échecs ?

L’incapacité des services à prévoir l’invasion russe de l’Ukraine, les coups d’État au Sahel ou la trahison de l’Australie dans l’affaire des sous-marins conduit à s’interroger. Il faudrait que le ministère se positionne clairement sur nos objectifs en matière de renseignement : veut-on simplement se mettre à niveau ou rattraper nos concurrents ?

S’agissant de la BITD, nos industriels vont être extrêmement sollicités, alors même qu’ils sont affectés par l’inflation. Nous devons faire face à plusieurs demandes : l’appui continu à l’Ukraine, la reconstitution des stocks de nos armées, la livraison des commandes aux États. L’accès au financement bancaire demeure difficile, surtout pour les PME. Les négociations entre Bercy, les banques et les entreprises n’ont pas permis de faire avancer les choses. Il est difficile, dans ces conditions, d’élaborer une nouvelle feuille de route pour notre tissu industriel militaire. Ce sont autant d’enjeux qui nécessitent de rectifier le tir au moyen d’une nouvelle LPM.

Notre groupe tient à saluer l’effort engagé en faveur de la gendarmerie nationale, dont les crédits avoisinent désormais 10 milliards. Les gendarmes avaient dû faire face à une contraction violente du nombre des brigades, qui étaient passées de 3 600 à 3 100. Nous saluons la création, prévue par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), de 200 nouvelles brigades. Notre groupe attend encore des éclaircissements sur les efforts qui seront menés en faveur des territoires. La concertation évoquée avec les élus locaux va dans le bon sens, mais se traduira-t-elle par des financements permettant de répondre aux spécificités de chaque territoire et aux demandes des élus locaux ?

*

* *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense ».

M. le président Thomas Gassilloud. La commission est saisie de vingt-neuf amendements. Sur les quarante-neuf qui avaient été initialement déposés, sept ont été retirés et treize ont été déclarés irrecevables, soit parce qu’ils comportaient des erreurs dans les mouvements de crédits ou leur justification – c’est le cas des amendements nos 32, 36, 37, 38, 40 et 44 –, soit parce qu’ils ne relevaient pas du domaine des lois de finances – cela concerne les amendements nos 9, 15, 19, 20, 21 et 22. Enfin, l’amendement no 13 relevait du compte d’affectation spéciale Pensions.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN7 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). La mission Défense prévoit pour 2023 une dotation en gazole de 33 036 867 euros, correspondant à un volume de 20 600 mètres cubes pour nos forces armées, en très légère augmentation par rapport au PLF pour 2022. Le Gouvernement table sur un prix du baril de pétrole de 88 euros. Cette prévision ne tient pas compte de la grande volatilité des cours liée à l’évolution du marché, qui est actuellement fortement affecté par la dégradation de l’environnement international. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés propose d’augmenter de 5 % la dotation gazole allouée à nos forces armées, pour un montant de 1,651 million. Cette somme tient compte de l’augmentation des tarifs de cession ainsi que du volume de carburant nécessaire à l’activité de nos forces armées en 2023, qui pourrait s’accroître.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Votre amendement est utile, car le cours du brent a été manifestement sous-estimé dans le projet de budget, comme il l’avait été l’année dernière. Si le montant de 1,651 million est insuffisant pour compléter le reste à charge de nos armées, c’est tout de même mieux que rien. Avis favorable.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Cet amendement, comme les trois suivants, témoignent de la volonté qui nous anime toutes et tous que les forces armées aient les moyens de leurs ambitions. Cela étant, les montants proposés – 1,6 million, 50 millions, 200 millions… – montrent combien nos prévisions divergent concernant la volatilité du cours du baril. Il ne faut pas laisser croire que nos armées ne disposent pas de moyens suffisants et que nous n’avons pas la possibilité de réabonder en cours d’année la ligne budgétaire des carburants, faculté prévue par l’article 5 de la LPM. Au nom de mon groupe, je vous invite donc à repousser cet amendement, comme les trois suivants.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le service de l’énergie opérationnelle (SEO) détient un compte de commerce abondé par le programme 178, qui lui sert à acheter l’essence et à la revendre à ses utilisateurs – nos armées, les armées alliées ou des entreprises privées effectuant en particulier des essais. Ce compte a été abondé cette année à hauteur de 600 millions ; il peut présenter un découvert d’un montant maximal de 125 millions. Fin août, le compte de commerce étant à zéro, le SEO a dû utiliser son découvert en veillant à ne pas dépasser la limite fixée. Il ne peut y parvenir qu’en ponctionnant d’autres lignes du programme 178, ce qui met en tension la totalité de ce programme. C’est cela que nous voulons éviter. Le Gouvernement aurait pu choisir d’activer l’article 5, mais il ne l’a pas fait cette année. Il aurait pu aussi, dès juillet, augmenter la ligne dédiée à l’essence dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR). J’espère que le PLFR de décembre abondera ce programme.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN8 de Mme Anna Pic et autres

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement vise à abonder les crédits destinés à la préparation des forces navales. Le respect du contrat opérationnel pour la fonction de protection n’est que de 89 %, soit le niveau le plus faible de toutes les forces armées. Les autorisations d’engagement en matière de préparation des forces navales sont en forte diminution – de près de 32 %, soit d’environ 1,3 milliard –, ce qui montre que l’on envisage un contrat opérationnel général plus faible pour la marine en 2023. Le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l’indique le projet annuel de performances (PAP) Défense, « le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance maritime devrait se maintenir jusqu’en 2025, le parc des moyens aériens et maritimes restant quantitativement équivalent ». Ce taux de couverture restera donc très faible.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cet amendement et les suivants, qui ont trait au renforcement de nos moyens pour la marine nationale, présentent des objectifs louables mais proposent des moyens discutables. Je comprends mal le gage sur lequel reposent les amendements de Mme Pic et de Mme Galzy qui visent à abonder l’action 03, Préparation des forces navales, du programme 178 d’un montant, respectivement, de 5 millions et de 1 million. Vous prélevez ces sommes sur l’innovation et le soutien à nos forces alors qu’on a montré à quel point ces domaines sont essentiels à la marine nationale. Dans le même ordre d’idées, une série d’amendements du Rassemblement national vise à abonder le programme des sous-marins ou celui des patrouilleurs océaniques en prélevant les crédits sur la journée défense et citoyenneté, qui est une brique essentielle du lien entre l’armée et la nation. Enfin, l’amendement de M. Tanguy me semble redondant avec celui de ses collègues puisqu’il vise à l’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer (POM) supplémentaires.

La majorité présidentielle apporte une grande attention à la ZEE et aux territoires d’outre-mer (TOM), comme le montre l’accroissement des moyens de notre armée, tant dans le budget que dans la loi de programmation en cours. Il est prévu d’acheter cinq POM supplémentaires, le premier étant en essais à Brest et devant être livré en 2023. Un sixième bateau est prévu pour 2025. Le PLF affecte à cette fin 1,4 milliard en AE et 114 millions en CP. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons votera contre ces amendements.

Mme Anna Pic (SOC). Comme l’exposé sommaire l’indique, le gage nous est imposé par l’article 40 de la Constitution. Nous espérons que le Gouvernement, conscient de la nécessité de préserver les crédits de l’ensemble des programmes, le lèvera.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous voterons en faveur de l’amendement, car il vise à accroître le budget de la défense.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons des modules de formations spécifiques pour sensibiliser les armées à la préservation de l’environnement. L’amendement abonde à cette fin les crédits en faveur de la formation.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Votre amendement reprend une proposition d’un rapport d’information de Mme Santiago et de M. Fiévet qui avait été adopté par notre commission. Il est toujours utile de former aux enjeux climatiques. Avis favorable.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Je doute de la pertinence des amendements portant sur la transition écologique et énergétique de nos armées. En effet, celles-ci sont déjà fortement engagées en la matière. Le ministère des Armées a une responsabilité particulière en matière d’environnement, en sa qualité de premier propriétaire foncier de l’État. Il assume parfaitement ce rôle, comme le montrent les mesures qu’il prend en faveur de la sobriété et de la transition énergétique. Ces actions sont formalisées dans le cadre d’une stratégie ministérielle pour la performance énergétique visant à réduire la dépense énergétique des infrastructures du ministère et à développer l’utilisation d’énergies renouvelables et de capacités d’autoproduction.

Ces mesures représentent 114 millions en AE et 58 millions en CP dans le PLF2023 pour le plan Place au soleil. On relève 18 contrats de performance énergétique, 50 millions pour le plan Eau, un fonds d’intervention de 3 millions pour l’environnement et plus de 10 millions prévus en 2023 pour le remplacement progressif d’ici à 2031 de près de 1 600 chaufferies au charbon ou au fioul. Mentionnons aussi les zones classées Natura 2000, les missions de lutte contre la pollution de la marine nationale ou encore les partenariats du ministère des Armées avec diverses organisations protectrices de l’environnement et de la biodiversité.

Dans le cadre de l’élaboration du rapport d’information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des Armées, j’ai été témoin, avec Isabelle Santiago, de cet engagement, qui a permis la restauration de 700 hectares de pelouses sèches, la protection de 3 hectares de milieux humides et la réinsertion d’une espèce d’oiseau protégée, l’outarde canepetière, sur le camp de la Valbonne, grâce au programme Life.

De leur formation jusqu’à leur camp de base, les militaires sont sensibilisés aux enjeux environnementaux. Plusieurs bases ont signé des conventions avec les agriculteurs pour permettre à leurs animaux de venir pâturer sur les terrains militaires. Enfin, je suis convaincu que nos soldats sont aussi sensibilisés, en tant qu’individus, à ces enjeux.

Il faut accompagner le ministère dans ses initiatives. Je ne crois pas que les mesures proposées par les amendements II-DN11 et II-DN12, ni le fléchage auquel invite l’amendement II-DN10, constituent des dépenses pertinentes. Nous voterons donc contre ces amendements.

Mme Anna Pic (SOC). Je me réjouis que le ministère engage des investissements et soit sensibilisé à l’environnement, mais l’amendement vise à abonder une ligne précise : l’action 08, Politique culturelle et éducative, du programme 212.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Dans le cadre de leur formation initiale, nos militaires sont sensibilisés à l’environnement. Il est quelque peu choquant de vous entendre dire que les formations sont mal faites et que nos soldats ne sont pas sensibilisés à l’écologie. Lorsqu’ils se déplacent, ils sont très respectueux de l’environnement. Votre amendement, à cet égard, n’est pas recevable.

Mme Anna Pic (SOC). À aucun moment je n’ai dit que les soldats étaient mal formés, mais il me paraîtrait utile de prévoir une formation tout au long de la vie sur la sensibilisation à l’environnement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cher Jean-Michel Jacques, il ne vous revient pas de juger de la recevabilité d’un amendement : je vous remercie de bien vouloir respecter le travail de vos collègues.

Cet amendement ne vise pas à remettre en cause les formations destinées aux militaires mais à en faire davantage pour l’environnement. Je me souviens d’un chef d’état-major pour qui l’armée de Terre s’y connaissait en écologie puisque les soldats étaient tous habillés en vert… Un peu de formation tout au long de la vie ne peut pas faire de mal !

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’un des scénarios proposés par la Red Team Défense montre comment nos forces pourraient être très rapidement mises en difficulté si elles ne disposaient plus de moyens de ravitaillement. L’enjeu de leur indépendance sur le champ de bataille est pris très au sérieux par les militaires.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Cet amendement n’est que de l’affichage. L’efficacité opérationnelle de nos armées dépend de leur capacité à se fondre dans tous les milieux : le bateau qui laisse des ordures derrière lui ou le fantassin qui ne respecte pas la nature sera le premier à se faire détecter. Par ailleurs, Monsieur Lachaud, en disant que l’amendement n’était pas recevable, notre collègue Jean-Michel Jacques s’attachait à l’esprit du droit, et non à un problème de recevabilité.

M. Jean-Michel Jacques (RE). En effet, je ne me prononçais pas sur le plan légistique mais sur le fond.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN23 de M. Aurélien Saintoul et autres

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Il s’agit de créer un programme dédié à l’adaptation du ministère des Armées aux conséquences du changement climatique, dans le but d’intégrer un nouveau logiciel de réflexion au sein de nos armées et d’y associer des moyens spécifiques. En 2020, la consommation de carburant représentait 76 % de la facture énergétique de la défense, qui s’élève à 840 millions d’euros. Il est donc nécessaire de trouver des alternatives, notamment lorsque les ambitions en matière de recours au biocarburant ne s’élèvent qu’à 1 % dans le PLF pour 2023. La création de ce programme permettra de financer la réalisation d’une étude d’impact de l’empreinte carbone des trois armées et de préciser comment assurer notre défense en recourant moins aux énergies fossiles, en adaptant nos équipements et nos méthodes d’intervention, et en vérifiant la qualité des locaux hébergeant nos trois armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Les services de nos armées, qui ont tous conscience des enjeux de la bifurcation écologique et souhaiteraient agir, sont bien souvent limités par l’absence de budget dédié. La création de ce programme permettrait d’y remédier.

M. Laurent Jacobelli (RN). Il faudra me donner le nom du cabinet qui fait l’étude d’impact pour 1,3 million : vu le prix, c’est probablement McKinsey ! Considérant tous les manques que nous avons constatés dans l’armement et qu’il faut financer, il faut arrêter de faire des propositions de ce type. Dépenser de telles sommes pour faire des études paraît incongru. Nous voterons contre.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Les armées sont déjà engagées dans un effort de bifurcation pour réduire leur dépendance énergétique. Cela fait partie de la préparation de l’avenir et, à court terme, le plan d’investissement immobilier dans les bâtiments publics, en particulier dans l’immobilier de la défense, est déjà engagé. Je le constate dans ma circonscription avec la rénovation thermique de plusieurs bâtiments qui abritent nos soldats.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je suis un peu ébahi de constater que, une fois de plus, l’amendement est gagé sur le programme 144. En l’occurrence, s’il y a bien un programme dans lequel on fait de l’innovation sur les carburants et sur la transition écologique des armées pour penser le futur et préparer l’avenir, c’est bien celui-ci ! Il y a là une incohérence de fond qu’il est difficile de comprendre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Aurélien Saintoul et autres

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens alloués à la sécurisation des fonds marins. La France, deuxième puissance maritime au monde, a besoin de moyens de surveillance pour protéger ses câbles sous-marins et ses ressources.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La maîtrise des fonds marins nécessite des moyens de surveillance des grandes profondeurs mais aussi d’intervention. Ces capacités existent : a été nommé auprès du sous-chef Opérations un adjoint en charge de maîtrise des fonds marins, tandis que des sociétés travaillent activement à développer des moyens d’actions dans les grands fonds. Enfin, une mission flash aura pour objet de tirer un certain nombre d’enseignements sur ce sujet et nous permettra d’enrichir la future LPM. Je vous propose de rejeter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de M. Aurélien Saintoul et autres

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Le SSA (service de santé des armées) continue de souffrir des suppressions d’effectifs réalisées lors de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et a été très fortement mis sous tension lors de la pandémie. Il est désormais nécessaire de lui donner des moyens supplémentaires pour remplir ses missions, notamment dans la perspective d’un conflit de haute intensité.

Mme Corinne Vignon (RE). L’augmentation de 1,3 million d’euros prévue dans le PLF pour 2023 permettra au service de santé des armées de commander une plateforme logistique santé, d’engager un effort sur la sécurisation des HIA (hôpitaux d’instruction des armées) et d’acquérir les équipements nécessaires pour moderniser les unités médicales opérationnelles et les antennes de réanimation ou de chirurgie de sauvetage.

L’article 42 du PLF corrige en outre une inégalité de traitement entre les personnels du SSA. Ceux qui sont en fonction dans les hôpitaux interarmées perçoivent le CTI (complément de traitement indiciaire) instauré à la suite du Ségur de la santé. Une majoration de traitement indiciaire est donc créée pour les personnels soignants relevant du ministère des Armées mais n’exerçant pas directement en milieu hospitalier et qui, de ce fait, étaient privés du CTI.

Enfin, avec le retour de la haute intensité des conflits en Europe, la LPM nous permettra de réviser les capacités des SSA.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Michaël Taverne et autres

M. Michaël Taverne (RN). Il vise à interpeller le Gouvernement sur les raisons de la réduction du budget alloué aux moyens de simulation de notre dissuasion nucléaire – moins 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et moins 70 millions d’euros en crédits de paiement –, alors que cet outil est indispensable pour préserver la crédibilité de nos forces nucléaires, sans laquelle la dissuasion ne remplit plus sa mission.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Depuis 2017, les crédits consacrés à la dissuasion ont augmenté de 47 % – ils s’élèveront à 4,6 milliards en 2023 – tandis que ceux dédiés à la simulation ont augmenté de plus de 50 millions d’euros : c’est considérable. La légère baisse prévue pour 2023 est en ligne avec les besoins exprimés par les porteurs du programme : il n’y a donc pas d’alerte particulière sur notre capacité à simuler notre arsenal dissuasif.

Par ailleurs, pour financer votre amendement, vous ponctionnez des crédits de la journée défense et citoyenneté, ce qui est contreproductif au regard des objectifs qui devraient normalement tous nous rassembler.

M. Loïc Kervran (HOR). L’excellence de la France dans le domaine de la simulation permet de comprendre la baisse des crédits. Tous les outils qui ont été développés – laser Mégajoule, installation radiographique Epure, supercalculateurs Tera, réacteur d’essai RES – ont permis d’en réduire considérablement les coûts.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN33 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). Les tensions sur la disponibilité des hélicoptères font que nous n’atteignons pas les objectifs en heures de vol fixés par la LPM. Il convient de renforcer nos investissements dans ce domaine afin d’être toujours plus opérationnel et efficace. Il est donc proposé de prélever 3,35 millions d’euros sur le budget des dépenses de personnel des cabinets pour augmenter le budget consacré aux hélicoptères NH90.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Votre amendement ne relève pas du programme 146 mais du programme 178 puisqu’il concerne le maintien en condition opérationnelle (MCO). Par ailleurs, vous le financez en prélevant sur des crédits qui n’ont aucun rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN34 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). La capacité de projection est capitale pour nos armées. Avec le retour des guerres de haute intensité, le transport de matériel lourd retrouve toute son importance. Après le retrait du C160 Transall, l’A400M est devenu un atout précieux, qu’il convient de prioriser au sein du budget. Il nous semble donc judicieux de prélever des crédits sur le budget consacré au cabinet ministériel pour les investir dans l’A400M.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’A400M ne connaît pas de problème d’approvisionnement : la trajectoire est respectée à la lettre et l’armée de l’Air et de l’Espace recevra en 2023 son vingt-deuxième A400M. Par ailleurs, vous prenez sur les crédits des cabinets pour financer un renforcement potentiel de programmes qui fonctionnent déjà. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN35 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). Nos sous-marins sont un atout décisif pour surveiller et protéger les mers et les océans. En cas de guerre de haute intensité, la France, deuxième surface maritime mondiale, sera inévitablement menacée sur son territoire maritime. Notre flotte doit donc demeurer opérationnelle et être capable d’intervenir partout et rapidement afin de protéger notre intégrité nationale. L’entretien régulier de la flotte de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda coûte cher et nécessite des investissements toujours plus importants. Nous proposons de supprimer la journée défense et citoyenneté (JDC), anecdotique dans la vie des Français et donnant peu de résultats, et de transférer les crédits correspondants au programme d’investissement dans les sous-marins.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je ne peux pas laisser dire que la journée défense et citoyenneté est anecdotique : je vous invite à vérifier les effets de ce dispositif et, plus largement, du service national universel (SNU).

Concernant votre amendement, je suis assez étonné : l’action consacrée aux Barracuda est la sixième action la mieux dotée du programme 146. Il n’y a pas de besoin ni de difficulté dans les livraisons, qui suivent leur cours. Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En matière de construction navale, il y a des réalités : les capacités des bassins et des ateliers à produire et à sortir les bâtiments. La construction des SNA et le déroulement du programme Barracuda répondent à une planification d’une finesse incroyable, qui n’autorise aucun retard ni aucune commande supplémentaire, car nous enchaînerons ensuite avec le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) 3e génération. Cet amendement doit être rejeté.

M. Laurent Jacobelli (RN). Alors que nous discutons des amendements depuis un long moment, j’en tire trois conclusions. Premièrement, aucun amendement de l’opposition ne sera adopté.

Deuxièmement, vous confondez systématiquement les gages avec un transfert de dépenses – vous pouvez arrêter maintenant, je crois que nous avons compris votre message et votre entêtement.

Troisièmement, les marques de mépris ne devraient pas être affichées dans cette commission. On peut ne pas partager le même avis : nous pensons que la journée défense et citoyenneté ne sert absolument à rien : on ne devient pas patriote en un jour, on ne prend pas conscience de la défense nationale en un jour, et il faudrait réformer le SNU, qui est une gigantesque colonie de vacances. Vous faites de l’affichage ; nous faisons du fond. Essayons de faire un travail sérieux !

M. Christophe Blanchet (Dem). La JDC est utile à au moins deux titres : d’une part, elle constitue à 25 % la base de recrutement des armées et, d’autre part, elle permet d’identifier les décrocheurs. Si le parcours n’est pas encore efficace à 100 %, il permet tout de même d’en aider quelques-uns. Quant au service national universel, il contribue à faire de nos jeunes des Français qui s’investissent dans le devoir de mémoire et développent leur esprit patriotique. Vivez l’expérience de l’intérieur, comme je l’ai fait à plusieurs reprises : vous pourrez ainsi la critiquer.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Vous nous accusez de faire de l’affichage, tout en jugeant insuffisante la marche budgétaire à 3 milliards : cela n’a pourtant rien de négligeable et s’inscrit dans la trajectoire de 300 milliards fixée par la LPM pour porter le budget de la défense à 2 % du PIB. C’est un effort auquel les Français consentent parce qu’ils sont tout à fait conscients de la nécessité que nos armées montent en puissance.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je crois que vous avez parfaitement résumé le problème de fond : vous estimez que ces 3 milliards sont un pas en avant suffisant. Nous considérons qu’avec l’inflation et les reports de charges, ces 3 milliards ne font qu’assurer la continuité. Il n’y a pas de véritable progression, alors que nous avions beaucoup reculé dans les années passées. Ce que vous faites mine de ne pas comprendre, c’est que les différents amendements ne sont pas des transferts mais des demandes d’augmentation de budget, pour fournir davantage d’équipements à nos armées. Ce budget, même s’il est en augmentation sur le papier, n’est pas suffisant. Si vous continuez à nous sortir les mêmes éléments de langage pour éviter le débat, nous allons tourner en rond pendant deux heures !

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez voté une LPM à 300 milliards, certes, mais avec pour seul objectif d’atteindre les 2 % du PIB. Or ce seuil n’a été atteint qu’à la suite de l’effondrement du PIB consécutif à l’épidémie de covid-19 : cela démontrait bien l’inanité d’un tel objectif. Alors que le ministre affirme vouloir co-élaborer la prochaine LPM avec les oppositions, vous ne voulez absolument rien entendre de nos propositions concernant le budget : cela augure mal de la suite. De plus, puisque, à vous entendre, tout va très bien, pourquoi faire une nouvelle LPM ? Pourquoi ne pas aller jusqu’au terme prévu de 2025 ?

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Vous avez raison : nous avons déjà atteint les 2 % du PIB ; et pourtant, ce n’était pas l’objectif principal. Notre effort d’investissement porte essentiellement sur les équipements et la part du budget qui leur est affectée est considérable comparée à celle des autres pays européens.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Pensez-vous que le contexte économique et géopolitique n’a pas évolué depuis 2017 ? Il y a eu des changements majeurs – crise sanitaire, guerre en Europe… Votre LPM n’est pas l’alpha et l’oméga en toute chose. Nos armées sont dépourvues en matériel, en formation et en munitions. Certes, la LPM est respectée à l’euro près, mais ce n’est pas suffisant. De plus, l’inflation n’a pas débuté en 2022, elle a existé aussi entre 2018 et 2022 : cela aussi consomme du crédit.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Alors que l’on nous avait vendu cette LPM à hauteur d’homme, on nous explique aujourd’hui que l’essentiel de ce texte consiste en investissements dans du matériel. À quoi sert d’avoir du matériel si nous n’avons pas de soldats formés pour le manœuvrer ? Or nous rencontrons un vrai problème de fidélisation. Force est de constater que les 3 milliards, qui plus est grevés par l’inflation, ne tiennent pas compte de la globalité du problème.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je tiens à poser une question aux membres des groupes liés à la majorité : êtes-vous disposés à accepter ne serait-ce qu’un amendement de l’opposition ou bien avez-vous décidé de tout rejeter et de camper sur vos positions ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Les forces françaises étant dépendantes de l’importation pour les munitions de petit calibre, il est primordial de retrouver une filière souveraine de production dans ce domaine. Or le budget ne traite pas de ce problème. Pour y remédier, nous vous proposons de débloquer 100 millions en les prélevant sur les crédits de la journée défense et citoyenneté. Puisque je dois vous expliquer la politique des gages, nous souhaitons que le gage ne soit pas levé et que le Gouvernement comprenne l’importance de ces munitions.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je vous invite à ce que l’on échange dans le cadre des groupes de travail sur la future LPM car c’est un sujet légitime. Certains sujets comme l’agenda de relocalisation relèvent du débat sur l’économie de guerre. Remettre en place ces filières en France nécessite des changements structurels importants : ce sont donc des sujets LPM. Il faudra en débattre en amont de manière un peu plus structurée que dans le cadre du PLF pour 2003. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN42 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Les machins qui ne servent à rien peuvent être des sources d’économies. L’Agence européenne de défense, censée faire travailler vingt-six pays sur des projets d’armement, écrivait elle-même que ces rapprochements n’avaient pas lieu, signant ainsi le constat de sa propre incapacité. Quand les pays veulent travailler ensemble, ils peuvent le faire : pas besoin d’une agence pour les y forcer. Vous cherchez des économies pour financer des programmes pour nos armées : je vous en propose pour 7,5 millions.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cette fois-ci, vous essayez de supprimer des crédits de manière pure et simple, en estimant que l’Agence européenne de défense ne sert à rien. On peut en débattre sur le fond mais cette agence finance le Fonds européen de la défense, qui a eu un rôle non négligeable dans l’organisation des livraisons d’armements à l’Ukraine, qui soutient l’effort d’innovation et de construction de programmes conjoints et qui renforce la BITD européenne. Je ne peux pas comprendre qu’on annule purement et simplement, sans autre projet, une agence européenne qui, en dépit de difficultés, remplit des missions essentielles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Il s’agit d’un amendement d’alerte.

Le brouillage et le leurrage des signaux GNSS sur le champ de bataille sont des menaces désormais clairement identifiées, qu’elles émanent de forces irrégulières équipées de brouilleurs achetés sur internet ou de plus grandes puissances. Les capacités en matière de guerre électronique de pays comme la Russie nous montrent qu’il ne faut pas compter sur le seul réseau satellitaire pour la géolocalisation de nos systèmes. La tentation de renforcer les receveurs, incarnée par le programme européen Omega (Opération de modernisation des équipements GNSS des armées), nourrit une fuite en avant : s’il est nécessaire de sécuriser les receveurs à usage militaire, ces derniers ne sauraient être une solution réellement efficace.

La France a la chance de disposer de deux industriels en mesure de fournir des solutions inertielles haute performance, c’est-à-dire capables de naviguer de manière autonome, sans signal GNSS, avec une dérive dans le temps opérationnellement acceptable. Le budget alloué au programme Omega aurait suffi à équiper de telles centrales une part conséquente de notre parc de véhicules terrestres.

À l’heure du combat collaboratif dans le cadre du programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), perdre les données de navigation d’un véhicule peut avoir de graves conséquences opérationnelles. Nous invitons donc les décideurs publics à équiper rapidement nos véhicules de solutions inertielles.

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de Mme Stéphanie Galzy et autres

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement d’appel vise à interpeller le Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller nos zones économiques exclusives (ZEE). La marine nationale n’a pas les moyens de le faire et les pillages halieutiques dans l’océan Indien, notamment au large des îles Éparses, représentent un gros enjeu économique et environnemental. La France, puissance maritime mondiale, doit doter sa marine en patrouilleurs et réaliser des investissements dans les nouvelles technologies.

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN47 de M. Frédéric Boccaletti et autres

M. Frédéric Boccaletti (RN). Je serai très bref, puisque tous les amendements de l’opposition vont être rejetés, quel que soit le groupe dont ils émanent. Je regrette que le sectarisme de la Macronie ait fait son apparition dans cette commission, où les choses se passaient très bien jusqu’à présent. Il faut dire que c’est la première fois que nous procédons à des votes : dès qu’il y a de la démocratie, cela dérange la Macronie !

Une commission d’enquête du Sénat a dévoilé en mars 2022 que les dépenses de l’État en prestations de conseil avaient été multipliées par trois entre 2018 et 2021 et que 18,2 % d’entre elles concernaient le ministère des Armées en 2021. Parmi les cabinets qu’il emploie, des Américains, des Britanniques et des Néerlandais ; bref, des puissances étrangères sont mêlées aux affaires militaires nationales.

Pour 2023, ce budget est en augmentation de 3,92 % pour atteindre près de 90 millions d’euros. Le contexte géopolitique nécessite de revoir nos priorités stratégiques et les financements doivent servir en priorité à rendre opérationnelles nos armées. En revenant au niveau de 2018, on économisera plus de 60 millions que nous proposons de reverser à la marine nationale.

L’amendement sera rejeté, mais je le redéposerai en vue de la séance.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il y a méprise : le budget des cabinets de conseil, qui était de 50 millions l’an dernier, est sur le poste du secrétariat général pour l’administration (SGA). Là, vous retirez des crédits au cabinet du ministre : vous le privez de tous ses moyens d’agir. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de revoir en vue de la séance le poste budgétaire visé.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN48 de Mme Stéphanie Galzy et autres

Mme Stéphanie Galzy (RN). Il vise à revaloriser de 3 millions d’euros le budget alloué à la hausse du nombre d’apprentis dans les armées, en réduisant d’autant la contribution française à l’Agence européenne de défense (AED).

Le développement de l’apprentissage est un objectif partagé par l’ensemble des groupes politiques. Un effort supplémentaire serait bénéfique pour les jeunes et pour nos armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Défavorable. L’apprentissage n’est pas la bonne solution aux problèmes d’attractivité et de fidélisation au sein de nos armées. La moitié des contrats d’apprentissage aboutit à une rupture avant terme.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN49 de M. Jean-Philippe Tanguy.

 

Amendement II-DN50 de M. Michaël Taverne et autres

M. Michaël Taverne (RN). Dans le contexte international actuel, marqué par le retour de la guerre en Europe, il est indispensable d’assurer la bonne préparation de nos forces. L’effort budgétaire consenti cette année à cette fin est insuffisant.

Le budget prévoit une diminution de 2,1 millions d’euros des crédits de paiement alloués aux systèmes d’information et de communication (Sic), mais une hausse de 1,9 million de ceux des cabinets du ministère des Armées – sans doute principalement pour compenser l’inflation, mais il faut un effort supplémentaire. Vous avez parlé de soutien à nos forces armées et d’efforts sur les équipements : soyez cohérents. Nous proposons que les fonds nécessaires à cette hausse soient symboliquement transférés vers les Sic, enjeu structurant, y compris pour la dissuasion. Ceux d’entre vous qui connaissent le terrain savent combien la communication est essentielle en matière opérationnelle.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne connais pas la justification de la baisse. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN51 de M. Julien Rancoule et autres

M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit d’abonder de 18 791 578 euros l’action 06-14, Assurer la crédibilité de la dissuasion M51, du programme 146. Vu le regain de conflictualité déstabilisant le continent européen, il apparaît absolument nécessaire que la France consolide sa dissuasion nucléaire, garante de notre sécurité et de notre indépendance.

Pour des raisons de recevabilité, la somme est prélevée sur le budget alloué à la journée défense et citoyenneté du programme 212, Soutien de la politique de la défense. En effet, à l’heure du développement du SNU, les JDC sous leur forme actuelle perdent en pertinence. À mon collègue qui les vantait, je dirai que ce n’est pas le rôle de l’armée de détecter le décrochage et qu’il sous-estime nos enseignants, les plus à même de le faire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je vous rassure : les M51.3 sont soutenus à hauteur de 809 millions d’euros dans le PLF pour 2023 et les travaux sur le quatrième incrément seront lancés en 2023. Avis défavorable.

M. Christophe Blanchet (Dem). Les enfants sortis du système scolaire qui vont faire leur JDC n’ont pas été repérés par les enseignants.

Nos travaux ont montré que la JDC était à améliorer ; j’estime à titre personnel qu’elle n’accomplit pas toutes ses missions. Sa transformation en SNU permettra d’atteindre nos objectifs, mais elle est progressive : le SNU ne peut être instauré du jour au lendemain faute de moyens humains et de structures d’accueil. En attendant, la JDC fournit une base de recrutement à nos armées et permet d’identifier quelques décrocheurs. Ne supprimons donc pas un dispositif qui a prouvé son efficacité dans certains domaines, notamment le sens de la citoyenneté et du patriotisme, et ne le mettons pas en concurrence avec l’éducation nationale : chacun ses responsabilités.

M. Laurent Jacobelli (RN). Bravo : nous devenons la seule commission qui n’accepte aucune remarque de l’opposition. J’ai été naïf, ainsi que mon groupe : nous avons toujours loué la qualité des débats, l’ouverture et l’écoute qui nous paraissaient y régner – à quelques exceptions près, mais M. Bayou n’est pas là aujourd’hui. Désormais, quoi que l’on dise ou fasse, la réponse est non, assortie au mieux d’un argument, au pire d’un regard méprisant.

Comment allez-vous expliquer, en sortant d’ici, que vous n’avez rien accepté d’aucune opposition ? Vous le faites sous les yeux de ceux qui suivent nos débats. C’est la quintessence de la Macronie : cause toujours, tu m’intéresses ! Je veux bien que vous ayez raison sur tout et nous sur rien ; statistiquement, c’est quand même très peu probable. En revanche, la probabilité que vous souffriez d’un manque d’humilité et d’écoute est de moins en moins nulle.

Soit vous continuez ainsi, ce qui vous envoie dans le mur – et, soyons très clairs, cela nous sert, mais cela ne sert pas les Français ; soit vous assouplissez vos positions et vous écoutez un peu ce qui se dit en face. Si, depuis 2017, vous aviez raison sur tout, les Français s’en seraient aperçus !

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Par nature et par tradition, notre commission s’est toujours caractérisée par le consensus et le respect mutuel. Je ne comprends pas le durcissement brutal de vos postures alors que nos travaux étaient, au départ, très constructifs.

Nos différences d’approche résultent de nos histoires et de nos visions politiques respectives. Quand vous attaquez l’Agence européenne de défense, on reconnaît bien le Front national et son opposition à tout ce qui est européen. Certains de vos amendements pourraient être intéressants, mais si nous les avions tous acceptés, comme vous les avez gagés sur l’essentiel des finances du cabinet du ministre des Armées – qu’a-t-il bien pu vous faire ? –, il n’y aurait plus d’argent pour le faire tourner.

Manifestement, certains d’entre vous ont encore besoin d’apprendre à maîtriser la mécanique parlementaire. Vous essayez de vous victimiser en permanence, mais ça ne marchera pas. Puisque vous voulez faire de la politique, faisons-en : vous voulez dépouiller des missions essentielles à la défense pour essayer de donner du crédit à votre action, qui est incompréhensible. Je regrette vraiment que nous en arrivions là. Si nos débats n’étaient pas filmés, votre approche ne serait pas la même. On a bien compris que vous vouliez préparer les esprits à ce qui va être débattu à partir de dix-sept heures. Les membres de notre commission, les militaires qui nous regardent, tous ceux qui sont attachés à l’esprit de défense ne méritent pas cela.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je le répète, notre commission restera la seule qui n’aura pas écouté l’opposition, qui n’aura voté aucun de ses amendements. Vous pouvez dire que le Rassemblement national n’est pas un parti compétent ; les Français en ont jugé autrement. Il est vrai que vous avez une certaine expertise en la matière, ayant fait un bon nombre de partis ces dernières années. Vous pouvez ne pas vous remettre en cause – je vois que vous avez très vite adopté les habitudes de la Macronie –, mais la situation soulève des questions. Je crois m’être exprimé poliment, je n’ai pas fait d’esclandre ; je vous dis simplement que je regrette cet état de fait. Vous l’avez dit, cette commission est composée de gens sérieux, le dialogue y est en général de qualité. Aujourd’hui sont venus s’y inviter la posture et le mépris ; c’est dommage. Pour le coup, c’est peut-être lié à la présence des caméras : vous êtes tous beaucoup plus amènes quand elles ne sont pas là.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN52 et II-DN53 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il faut augmenter les budgets essence de nos armées pour tenir compte du cours du brent. On ne peut pas partir du principe que le baril sera à 63 euros en 2023. Au lieu d’avoir à abonder le programme en cours d’année, faisons-le maintenant : c’est du bon sens.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Ne devrais-je pas donner mon avis sur l’amendement II-DN52 ?

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN54 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les dépôts de munitions du Simu (service interarmées des munitions) sont pour la plupart classés site Natura 2000. Cela nous garantit de vastes espaces naturels protégés favorisant la biodiversité, mais chaque fois que le Simu veut faire des travaux, il se heurte à des contraintes qui entraînent des surcoûts. L’amendement vise à compenser ceux qui affectent la rénovation du camp de Miramas en raison de la présence de chênes-lièges remarquables.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je maintiens que, pour l’amendement II-DN52, j’étais le rapporteur pour avis. L’erreur n’est pas dramatique, mais que l’on puisse au moins s’exprimer de temps en temps !

M. le président Thomas Gassilloud. Il pouvait y avoir deux rapporteurs pour avis, puisqu’il s’agit de la préparation des forces aériennes, mais que l’amendement abonde aussi la préparation et l’emploi des forces. N’y voyez aucune marque de rejet. Vous pouvez intervenir à tout moment si vous le souhaitez.

 

Amendement II-DN55 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les effectifs du service d’infrastructure de la défense (SID) ont diminué ces dernières années alors que le nombre de projets qu’il doit traiter s’accroît avec la hausse constante de crédits prévue par la LPM. Le SID est donc obligé d’externaliser la réalisation d’opérations, ce qui induit de fortes augmentations budgétaires pour les armées, de 4 à 5 millions d’euros pour certains projets. Je propose d’allouer des fonds au recrutement de fonctionnaires qui feront le même travail à moindre coût, pour un meilleur rendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme pour le logement, il faut un grand plan de rénovation des restaurants de nos armées, dont plusieurs font régulièrement l’objet de signalements par les services vétérinaires et sont menacés de fermeture administrative.

M. Laurent Jacobelli (RN). Sur le principe, nous sommes d’accord, mais comment arrivez-vous au montant de 80 millions ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une estimation au vu du nombre de restaurants à rénover et du coût moyen de rénovation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de M. Bastien Lachaud

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’aurais aimé donner un avis favorable, ne serait-ce que pour contredire nos collègues du Rassemblement national, et je remercie Bastien Lachaud de sa sollicitude envers le programme 178, mais je ne crois pas opportun de prendre 50 millions au programme 146.

L’article 5 de la LPM permet précisément de couvrir ce type de besoins. M. Lachaud nous dira qu’il n’a pas été utilisé en 2022, mais on ne peut préjuger pour autant qu’il ne le sera pas en 2023.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Sur le premier point, dès lors que l’exposé sommaire précise que l’auteur de l’amendement souhaite la levée du gage par le Gouvernement, il est malhonnête d’utiliser cet argument.

Quant à l’article 5 de la LPM, il n’a été activé ni en 2022 ni les années précédentes pour couvrir le surcoût Opex. Cela nous fait craindre qu’il ne le soit jamais. Espérons qu’il en ira autrement de l’éventuel article équivalent dans la future LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN3 de M. Christophe Naegelen et autres

M. le président Thomas Gassilloud. Il n’est pas défendu.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous le reprenons !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN11 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons au Gouvernement un état des lieux précis des besoins en matière de préservation de l’environnement dans le secteur de la défense, qui ne sera pas épargné par le changement climatique. Comme l’a souligné en mai 2021 la mission d’information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des Armées, ces enjeux doivent être anticipés et les besoins chiffrés.

Le rapport demandé devra aussi évaluer l’opportunité de la création, à terme, d’un budget dédié aux questions environnementales pour le ministère des Armées, pour qu’elles ne soient pas des variables d’ajustement mais l’objet d’un vrai plan d’action, d’une feuille de route claire énumérant des priorités qui soient financées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Puisque, quand l’Assemblée nationale fait des rapports, leurs auteurs eux-mêmes les jugent insuffisamment précis pour être transformés en loi, l’Assemblée devrait en effet, dans sa sagesse, s’en remettre au Gouvernement…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN12 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à intégrer la dimension environnementale dans les actions du ministère des Armées. En effet, le secteur militaire a d’importantes responsabilités en la matière du fait de sa grosse consommation énergétique et du fort impact environnemental de ses actions. Nous demandons par conséquent au Gouvernement un rapport évaluant la politique environnementale du ministère – biodiversité des terrains militaires, recyclage des déchets, transition énergétique des infrastructures et des systèmes d’armes.

Contre la préconisation de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN14 de Mme Anna Pic et autres

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à octroyer une reconnaissance financière à tous les personnels soignants du service de santé des armées, sans distinction.

La crise sanitaire a mis sur le devant de la scène ceux qu’on a appelés les « premiers de corvée », longtemps absents des débats politiques. Pour revaloriser les salaires des personnels travaillant dans les métiers du soin, le Gouvernement a instauré un complément de traitement indiciaire de 49 points d’indice, correspondant actuellement à un montant de 189 euros nets. Cette décision ne peut être que saluée.

Toutefois, plusieurs centres appartenant au SSA, au premier rang desquels le centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) et l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), n’ont pas bénéficié du CTI. Ces établissements sont pourtant essentiels au bon fonctionnement des hôpitaux des armées. Sous prétexte que les personnels paramédicaux touchaient le CTI, leur prime de service annuelle a été gelée en 2021 et 2022, alors que les travailleurs de l’Établissement français du sang obtenaient l’équivalent du CTI.

Tout au long de la crise sanitaire, les travailleurs du SSA ont été en première ligne, autant que d’autres personnels de santé en France. Cette inégalité de traitement n’est donc pas justifiée.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Favorable. La grille salariale du SSA est liée à celle des personnels civils, mais, bien souvent, la transposition de modifications bénéficiant à ces derniers, comme le Ségur, prend de trop longues années.

La commission rejette l’amendement.

 


Annexe n° 1 : liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

 M. le capitaine de vaisseau Stanislas Delatte, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de la Marine ;

 M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur de la mémoire, de la culture et des archives ;

 M. l’ingénieur général Franck Plomion, directeur central du service d'infrastructure de la défense ;

 M. le vice-amiral d’escadre François Moreau, major général de la Marine ;

 M. le commissaire général hors classe Philippe Jacob, directeur du service du commissariat aux armées ;

 M. le vice-amiral Éric Janicot, directeur du personnel militaire de la Marine ;

 Mme Catherine de Salins, conseiller d’État, présidente du Haut comité d’évaluation de la condition militaire ;

 Mme Sylviane Bourguet, directrice des territoires de l’immobilier et environnement ;

 Mme Isabelle Saurat, secrétaire générale pour l’administration ;

 M. le général de corps aérien Frédéric Parisot, major général de l’armée de l’Air et de l’Espace

 M. le général de corps aérien Manuel Alvarez, directeur des ressources humaines de l’armée de l’Air et de l’Espace ;

 M. le médecin général des armées Philippe Rouanet de Berchoux, directeur central du service de santé des armées ;

 M. l’ingénieur général de première classe Jérôme Lafitte, chef de la division « Énergie opérationnelle » au sein de l’état-major des armées ;

 M. le général de corps aérien Éric Charpentier, sous-chef d’état-major « performance » de l’état-major des armées ;

 M. le général de division Vincent Giraud, sous-chef performance et synthèse (SCPS) de l’état-major de l’armée de Terre ;

 M. le colonel Olivier Zulian, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de l’armée de l’Air et de l’Espace ;

 M. le général Jean-Jacques Fatinet, sous-directeur des études et de la politique de la direction des ressources humaines de l'armée de Terre ;

 M. le colonel Sébastien Py, secrétaire général du Conseil de la fonction militaire de l’armée de Terre ;

 M. le général de brigade Éric Laval, directeur du service interarmées des munitions ;

 M. le contrôleur général des armées Thibaut de Vanssay, directeur des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD) accompagné de M. Jean-Charles Cottez, responsable du projet plan Famille (DRH-MD) ;

 Mme Stéphanie Brimaud, directrice de la nouvelle politique de rémunération des militaires ;

 Mme Bénédicte le Deley, directrice de Défense mobilité (DRH-MD) ;

 M. Serge Pinson, chef du service de l’action sociale des armées ;

 M. le général de corps d’armée Jacques Langlade de Montgros, directeur du renseignement militaire ;

 M. Pierre Chavy, sous-directeur chargé du budget de la Défense et M. Cédric Clolus, chef du bureau de la défense à la Direction du Budget ;

 Groupe de liaison du Conseil supérieur de la fonction militaire

 

Tables rondes organisées avec les syndicats des personnels civils :

 CFTC : M. Didier Lenfant, président fédéral et Mme Estelle Bard, secrétaire générale ;

 CGC Défense : M. Jean-Michel Rey, président et M. Patrick Onado, secrétaire général fédéral ;

 FAED : M. Sébastien Herman, président et M. Noufel Bouali, secrétaire général ;

 UNSA Défense : M. Laurent Dutilleul, secrétaire général et M. Laurent Tintignac, secrétaire national.

 


Annexe n° 2 : comparaison de l’indemnisation de la mutation avant et après réforme


([1]) Audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées le 5 octobre 2022

([2]) Contribuant à la mission du service public hospitalier, le SSA tire de cette activité une part importante de ses ressources. Le budget du service est donc financé à la fois par des crédits budgétaires (mission Défense) et par des recettes non fiscales, principalement hospitalières. En 2022, ce budget s’élève à 1,58 milliard d’euros dont 1,13 milliard de crédits budgétaires et 451 millions d’euros de recettes non fiscales. S’agissant des crédits budgétaires, les crédits de personnel du SSA relèvent du programme 212 et ses crédits de fonctionnement et d’investissement, du programme 178. En 2022, le SSA bénéficie de 244 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 151 millions d’euros en crédits de paiement.

([3])  Décret n° 2021-1939 du 30 décembre 2021 portant répartition des crédits et découverts autorisés par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([4])  Leur durée de vie est prolongée du fait du non-renouvellement des équipements et d’une partie significative des équipements à remettre en état, compte tenu des conditions d’emploi éprouvantes dans la bande sahélo-saharienne.

([5])  Approvisionnement en pièces de rechange et en maintenance.

([6]) Les volumes programmés ont été fixés à 718,4 km³ dont 637,1 km³ pour les trois armées. La valorisation des dépenses et recettes s’appuie sur l’estimation des prix d’achat et les tarifs de cession. Le prix d’achat des produits est calculé à partir du cours du Brent. Les tarifs de cession des produits sont estimés par l’ajout des composantes tarifaires du service au prix d’achat.

([7])  En effet, les fournisseurs ne disposent plus de certains composants et ne sont pas en mesure de suivre le rythme de commandes initialement prévu. Ces retards de livraison font mécaniquement augmenter l’âge moyen du parc automobile, tout comme les besoins de maintien en condition opérationnelle, ce qui est coûteux à long terme. Le plan de rajeunissement du parc est très largement perturbé par les difficultés d’approvisionnement du secteur automobile, frappé par la pénurie de semi-conducteurs et de matières premières. 16 % des commandes de véhicules notifiées à l’UGAP en 2021 ont été annulées unilatéralement par les constructeurs. Ce bilan des achats est encore aggravé par les nombreux retards de livraison. Plus de 1 500 véhicules sont toujours en attente de livraison au 31 juillet 2022 (dont 200 véhicules achetés en 2020). La situation ne s’améliore pas et le ministère des Armées a les plus grandes difficultés à pouvoir engager son plan de renouvellement de la flotte de véhicules de la gamme commerciale en 2022. Le constructeur Stellantis a annoncé, au début du mois d’août, suspendre la commercialisation de l'ensemble de ses modèles au catalogue UGAP. La trajectoire ministérielle de déflation du parc de véhicules de la gamme commerciale reste alignée sur une cible de 12 488 véhicules en 2025. Cependant, un groupe de travail relatif à la mobilité dans les armées, sous coordination de l’état-major des armées, vise actuellement à redéfinir la cible de véhicules de la gamme commerciale en fonction du besoin consolidé des forces armées. L’enjeu est également de s’assurer que cette cible ne compromet pas la résilience des armées, notamment dans une hypothèse d’engagement majeur.

([8])  La ressource OPEX/MISSINT inscrite en loi de finances initiale (LFI) 2022 est de 1 200 millions d’euros (350 millions d’euros pour les dépenses de titre 2 ; 850 millions d’euros pour les autres dépenses). Elle est complétée par des contributions internationales perçues par la France et des remboursements interministériels, pour un total prévisionnel d’environ 51 millions d’euros.

([9])  Indemnité et primes liées aux qualifications opérationnelles et à la sujétion d’absence opérationnelle, aux affectations et aux missions en outre-mer et à l’étranger, ainsi que les dépenses liées à la réserve opérationnelle.

([10]) Qui vise à simplifier et moderniser la gestion des réservistes.

([11])  Système d’information de modernisation du recrutement du personnel militaire des trois armées, de la Légion étrangère et du SSA permettant la fidélisation des recrues, et la baisse du taux d’attrition et de non-renouvellement des contrats.

([12])  Qui vise à moderniser et rationaliser les systèmes d’information de la filière restauration loisirs du service du commissariat des armées.

([13]) La seconde direction étant celle de la mémoire, de la culture et des archives.

([14])  Les baisses constatées de crédits sur l'entretien courant et le maintien en condition des logements sont consécutives à la reprise par le contrat Ambition logement de la partie de ces dépenses qui concernent le parc domanial métropolitain. Le budget consacré au maintien en condition et aux constructions neuves de logements domaniaux est désormais quasi exclusivement dédié au parc ultramarin et étranger, le contrat « ambition logement » couvrant à compter de 2023 le parc domanial métropolitain.

([15]) « L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation. (…) La condition militaire recouvre l'ensemble des obligations et des sujétions propres à l'état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d'avoir une influence sur l'attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l'environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, les conditions de départ des forces armées et formations rattachées ainsi que les conditions d'emploi après l'exercice du métier militaire. »

([16]) Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/6523439

([17]) https://www.ccomptes.fr/fr/documents/25893

([18]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b4724_rapport-information

([19]) https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/286183.pdf

([20]) Les logements Défense sont soit les logements du parc domanial du ministère des Armées, soit les logements que le ministère réserve par convention dans le parc social ou le parc privé. Les loyers proposés par le ministère des Armées sont décotés par rapport aux loyers de marché.

([21]) Le projet RSIM avait pour objectif de mener une réflexion sur les sujétions militaires et leur juste compensation par le système indemnitaire.

([22]) Le chantier SDIM visait quant à lui la simplification globale indemnitaire par le regroupement des primes et indemnités.

([23]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042730505

([24]) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042730527

 

([25]) Un arrondissement est une circonscription administrative de l’État correspondant à une subdivision du département dont le chef-lieu est la sous-préfecture. Il y a 329 arrondissements en France. Les départements 75, 92, 93 et 94 constituent un seul et même arrondissement.

([26]) Ce schéma ne prend pas en compte la situation des gendarmes logés en caserne, dont l’IMGM est moindre, compte tenu du taux de 500 euros.

([27]) Les officiers pouvant toucher cette pension au-delà de 27 ans de service et les sous-officiers, au-delà de 17 ans.

([28])  La zone 1 désigne l'espace maritime et l'espace aérien surjacent compris entre les parallèles 30° et 70° de latitude Nord et les méridiens 19° Est et 12° Ouest de Greenwich ainsi que, à l'est du méridien 19° Est, l'ensemble de la mer Baltique et la mer Adriatique au nord du parallèle du cap Linguetta. La zone 2 désigne l'espace maritime et l'espace aérien surjacent extérieurs à ces limites. Au sens du présent article, les activités aéronavales désignent les activités aériennes réalisées depuis un navire.

([29]) Mesure née du protocole d’accord Durafour de 1990, la NBI a été instituée à la suite du protocole d'accord conclu le 9 février 1990 sur la rénovation de la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques, par la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 modifiée. Elle a pour but que « certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières ouvrent droit à un complément de rémunération (…). La NBI consiste en l'attribution de points d'indice majoré supplémentaires. Les emplois ouvrant droit à la NBI et le nombre de points d'indice accordés sont fixés, dans chaque fonction publique, par décrets. La NBI est versée chaque mois. Elle est soumise à cotisation retraite et donne droit à un supplément de pension ». La NBI est versée mensuellement sous forme de points d’indice majoré, au prorata du temps de travail. Cette majoration permet d’obtenir un supplément de la pension de retraite, qui se calcule en prenant en compte la moyenne des points perçus tout au long de la carrière pondérée par la durée de versement.

([30]) Versée en novembre.

([31]) Le droit en vigueur laisse le choix au couple.

([32])  Cette règle dénuée de bon sens s’explique par le fait que dans certaines zones peu tendues, le parc de logements « défense » ne soit pas attractif : le ministère souhaitait donc inciter les locataires à l’occuper plutôt que d’aller dans le parc privé. À Paris, en revanche, où le parc de logements « défense » est rare et où la demande des militaires est très forte, la règle applicable à la MICM a été appliquée de façon plus souple.

([33])  Par ailleurs, le célibat géographique n’a pas la même signification s’il s’agit pour le militaire de rejoindre une unité opérationnelle – un marin embarqué n’étant de toute façon pas présent aux côtés de sa famille lorsqu’il est en mer, par exemple – du célibat géographique rendu nécessaire par l’affectation en état-major.

([34]) Entendre par là : « non logé par l’administration à titre gratuit ».

([35]) Source : DRH-MD.

([36]) Sauf s’ils sont titulaires d’un titre de guerre, ce qui correspond à un nombre de bénéficiaires très limité.

([37])  Dans le droit en vigueur, seules quelques primes auxquelles se substitue la PCSMIL ne sont pas indexées : l’indemnité spéciale de risque aéronautique, l’indemnité spéciale des plongeurs d’armes de la marine nationale, des nageurs de combat de l’armée de terre, la prime de technicité de haute montagne, l’indemnité de mise en œuvre de l’énergie-propulsion nucléaire, l’indemnité de mise en œuvre et de maintenance des aéronefs, entre autres.

([38])  Si le taux de remplacement brut est estimé en France à un peu plus de 60 % et le taux de remplacement net à 73,6 % en 2018, en revanche, le taux de remplacement brut dont jouissent les militaires atteignant leur limite d’âge ou de services est inférieur à 50 % dans les armées : il est de 45 % pour un officier, de 48 % pour un sous-officier, de 30 % pour un militaire du rang quittant à 20 ans de services) et légèrement inférieur à 60 % dans la gendarmerie.