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N° 369

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2022.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023 (n° 273)

 

 

TOME VII

 

 

DÉFENSE

 

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. Mounir BELHAMITI

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : un budget au service de la modernisation de nos équipements

I. Un budget sans précédent pour nos équipements

A. Un effort budgétaire prioritaire en faveur du programme 146

1. Une LPM (enfin) respectée

2. La dynamique du programme 146 traduit la priorité accordée aux équipements

B. Un budget qui intègre les contraintes extérieures

1. L’adaptation aux contraintes économiques

2. L’adaptation aux contraintes opérationnelles

C. Un renouvellement capacitaire inédit

1. Le renouvellement des capacités en 2022

a. Les principales livraisons intervenues en 2022

b. Les principales commandes notifiées en 2022

2. Le renouvellement des capacités prévu dans le budget 2023

II. L’examen détaillé des crédits 2023 démontre que l’effort porte sur l’ensemble des systèmes de force

A. Un programme structuré autour de grands systèmes de force

B. Des ressources qui bénéficient à l’ensemble des systèmes de forces

1. Les crédits de la dissuasion

2. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

3. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

4. Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat

5. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

6. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

III. L’équipement des forces dans le cadre de la prochaine LPM : entre continuité et adaptation au nouveau contexte stratégique et européen

A. Des ajustements À opérer

B. Quel avenir pour les coopérations avec l’Allemagne ?

Seconde partie : l’adaptation de la BITD À l’économie de guerre

I. L’économie de guerre : une exigence au regard de l’évolution du contexte stratégique

A. Une prise de conscience à l’aune du conflit en Ukraine

1. Le retour de l’attrition à la faveur de la haute intensité

2. Des cadences de production inadaptées à une situation de crise

3. Un changement de paradigme nécessaire

B. Une opportunité pour la BITD

1. Une mobilisation forte des acteurs

2. La BITD peut relever ce défi malgré un contexte difficile

a. Un contexte économique peu favorable

II. Axe n° 1 : Simplifier, pour gagner en agilité

A. Simplifier l’expression des besoins des armées

1. Des équipements aux spécifications parfois trop complexes

2. Systématiser les études de valeur le plus en amont possible

3. Homogénéiser nos équipements

B. Assouplir la conduite des opérations d’armement

1. Des efforts déjà réalisés par la DGA, qui demandent à être consolidés

2. Au stade des spécifications, davantage associer les industriels

3. Au stade de la commande, développer de nouveaux modes de contractualisation

4. Au stade du développement, privilégier la démarche incrémentale

5. Au stade de la qualification, systématiser les essais en commun

C. Adapter les normes

1. Des normes venant du monde civil génératrices de coûts et de délais

2. Adapter les normes aux conditions d’emploi des matériels

3. Revoir les règles de navigabilité

III. Axe n° 2 : Sécuriser, pour renforcer notre autonomie stratégique

A. Sécuriser nos approvisionnements

B. Réduire nos dépendances

C. Passer d’une logique de flux à une logique de stocks

D. Consolider nos exportations

IV. Axe n° 3 : Résister, pour ne pas subir en cas de crise

A. Mobiliser les ressources humaines

B. Réquisitionner les ressources matérielles

C. Régénérer nos équipements

Travaux de la commission

I. Audition de M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement

II. Examen des crédits

Annexe : travaux du rapporteur pour avis


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Introduction

Depuis le 24 février 2022, les forces françaises sont pleinement engagées pour protéger nos partenaires sur le flanc est de l’Europe.

En Pologne, des Rafale, accompagnés d’avions ravitailleurs multi-rôles MRTT A330, conduisent quotidiennement des missions de défense aérienne.

En Estonie, des Mirage 2000-5 ont été déployés dans le cadre de la mission eAP (enhanced Air Policing) de l’OTAN.

En Roumanie, un bataillon « fer de lance » de la force de réaction rapide de l’OTAN, composé actuellement de plus de 750 de nos soldats, a pu être projeté en quelques jours au titre de la mission Aigle, notamment grâce à l’activité intense des avions de transport A400M. Un système de défense sol-air de dernière génération Mamba complète le dispositif militaire déployé en Roumanie.

En mer, le groupe aéronaval (GAN), alors en mission de soutien de l’Irak, a été immédiatement mobilisé pour participer aux opérations de réassurance. Le GAN, composé du porte-avions Charles de Gaulle, d’une frégate de défense aérienne (FDA), de deux frégates multi-missions (FREMM) dont une à capacités de défense aérienne renforcée (FREMM-DA), d’un bâtiment de commandement et de ravitaillement et d’avions de patrouille maritime, a vu ses moyens renforcés. En mars 2022, le GAN a ainsi projeté quotidiennement des Rafale Marine et un avion E2-C Hawkeye pour des missions de défense aérienne au-dessus de la Roumanie et de la Bulgarie.

Cette contribution à la posture défensive et dissuasive de l’OTAN sur le flanc Est de l’Europe sera encore renforcée dans les semaines à venir, ainsi que l’a annoncé le ministre des Armées le 11 octobre.

Parallèlement, la France soutient militairement l’Ukraine, en livrant aux forces ukrainiennes du matériel et des équipements de dernière génération et aux performances unanimement reconnues, tels que les canons Caesar. La création, annoncée par le président de la République, d'un fonds permettant à l’Ukraine d’acquérir directement des matériels auprès des industriels de la défense permettra de consolider ce soutien militaire dans la durée.

Enfin, dans le cadre de leur mission permanente de dissuasion nucléaire, la force océanique stratégique (FOST), structurée autour des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE), ainsi que les forces aériennes stratégiques (FAS), équipées de Rafale, d’avions-ravitailleurs et d’avions radars Awacs, sont mobilisées.

 

Sur les autres théâtres, nos forces continuent leur action. En bande sahélo-saharienne, la lutte contre les groupes armés terroristes aux côtés des États de la région se poursuit dans le cadre de la réarticulation de l’opération Barkhane hors du Mali. Cette opération a vu le déploiement du premier groupement tactique interarmes (GTIA) équipé de véhicules du programme « Scorpion » et repose également sur une utilisation intense du drone MALE Reaper.

Si votre rapporteur a souhaité ainsi rappeler l’importance et la diversité des missions dans lesquelles sont engagés nos soldats, c’est parce que le bon accomplissement des missions des armées constitue l’unique finalité de notre politique d’équipement des forces, telle que matérialisée dans le programme 146 de la mission « Défense ». Cette finalité opérationnelle constitue en effet la boussole de la politique de modernisation de nos équipements engagée depuis 2017 : il s’agit de mettre à disposition de nos armées les armements et matériels nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

L’évolution du budget de la mission Défense traduit cette ambition. Depuis 2017, les crédits consacrés à notre défense sont passés de 32,2 milliards d’euros à 43,9 milliards. La loi de programmation militaire est respectée pour la première fois depuis des décennies, avec cette année une nouvelle augmentation de 3 milliards d’euros.

Le budget alloué à l’équipement des forces au titre du programme 146 dans le cadre du projet de loi de finances 2023 confirme que l’investissement dans la modernisation de nos capacités constitue une priorité : sont ainsi prévus en 2023 23,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, soit une hausse de 6,5 milliards d’euros par rapport à l’année 2022, et 15,4 milliards d’euros de crédits de paiement.

Ces crédits se matérialiseront en 2023 par la livraison, à titre d’exemple, de treize Rafale Air, trois avions ravitailleurs multi-rôles MRTT Phénix, un bâtiment ravitailleur de forces, un sous-marin nucléaire d’attaque, un patrouilleur outre-mer ou encore 264 véhicules blindés multi-rôles du programme Scorpion, dont 123 Griffon, 119 Serval et 22 Jaguar.

Les exemples d’opérations susmentionnées dans lesquelles sont engagés nos soldats démontrent que le renouvellement de nos équipements se traduit concrètement par une capacité renforcée de nos armées à tenir leur rôle, au service de la protection de la Nation et de nos partenaires.

Si le retour des conflits de haute intensité en Europe conforte l’importance de la remontée en puissance de nos équipements depuis 2017, la prochaine loi de programmation militaire doit également être l’occasion de réexaminer nos priorités capacitaires à l’aune des leçons de ce conflit. À cet égard, votre rapporteur salue l’effort conséquent réalisé dans le projet de loi de finances en faveur des munitions, à hauteur de deux milliards d’euros d’autorisations d’engagement.

La guerre en Ukraine a également rappelé que les conflits de haute intensité se caractérisent par un niveau très élevé d’attrition des équipements et matériels. La capacité des forces armées à durer dans le cadre de tels conflits est donc conditionnée non seulement par le niveau initial des stocks de ces équipements et matériels, mais également par la possibilité de recompléter rapidement ces derniers.

Cette capacité de nos industries de défense à livrer massivement et rapidement à nos forces armées et à ses partenaires les armements et matériels dont elles ont besoin constitue le principal enjeu des réflexions en cours sur l’économie de guerre promue par le président de la République.

Cette réflexion sur l’économie de guerre ne signifie certes pas que nous sommes en guerre, mais que le contexte stratégique actuel, dominé par une logique de « contestation », nécessite de se préparer et d’anticiper, afin de ne pas subir en cas d’« affrontement », pour reprendre le triptyque cher au chef d’état-major des armées. Au regard de l’évolution du contexte stratégique, il est en effet crucial de déterminer dès maintenant comment être en capacité de produire plus et plus vite, en cas de crise.

Compte tenu de l’importance de ces enjeux, votre rapporteur a ainsi souhaité consacrer la partie thématique de son rapport pour avis à l’adaptation de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) à l’économie de guerre. Votre rapporteur soutient l’ambition portée par l’économie de guerre, à savoir réexaminer l’ensemble des normes, pratiques et processus qui sont de nature à obérer la réactivité et l’agilité de notre outil de production de défense en cas de crise. Il appelle de ses vœux une réforme structurelle, qui mobilise l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les forces armées, la direction générale de l’armement (DGA) et les industriels de défense, aux fins de simplifier l’expression des besoins en équipements ainsi que l’ensemble de nos procédures, de renforcer la résilience de notre outil de production et d’être en capacité de résister en cas de crise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Première partie : un budget au service de la modernisation de nos équipements

I.   Un budget sans précédent pour nos équipements

A.   Un effort budgétaire prioritaire en faveur du programme 146

1.   Une LPM (enfin) respectée

Le budget prévu au titre de la mission « Défense » dans le cadre du projet de loi de finances 2023 est remarquable à deux égards. D’une part, il accroît significativement les ressources dédiées à la défense, avec le franchissement cette année de la « marche » à trois milliards d’euros, soit une progression annuelle près de deux fois supérieure à celle qui prévalait depuis 2017 (augmentation annuelle de 1,7 milliard d’euros de 2018 à 2022).

D’autre part, il consacre le respect de trajectoire la loi de programmation militaire 2019-2025, ce qui est inédit au regard des précédentes lois de programmation dont les ambitions étaient systématiquement revues à la baisse en cours d’exécution. Dans un contexte financièrement contraint, le respect scrupuleux de la programmation militaire permet à nos armées de remonter en puissance, après des décennies d’érosion de leurs moyens et de leurs effectifs.

L’effort budgétaire réalisé depuis 2017 pour assurer une telle remontée en puissance de nos armées est considérable. Sur la période 2017-2023, les crédits de paiement de la mission « Défense » ont augmenté de 36 %, soit un total de 37,6 milliards d’euros de ressources supplémentaires cumulées. Par rapport au budget 2017, ce sont ainsi 11,6 milliards d’euros de crédits supplémentaires qui seront consacrés à notre défense en 2023.

Évolution du budget de la mission « dÉfense » depuis 2017

Source : ministère des Armées

2.   La dynamique du programme 146 traduit la priorité accordée aux équipements

Au sein de la mission Défense, le programme 146 traduit l’effort de la Nation pour mettre à disposition de nos forces armées les armements et matériels nécessaires à la réalisation de leurs missions, en ce compris la mission de dissuasion nucléaire. Or, en l’espèce, l’effort budgétaire en faveur des équipements de nos armées est majeur. Le PLF 2023 prévoit 23,6 milliards d’euros au titre des autorisations d’engagement et 15,4 milliards au titre des crédits de paiement, soit une hausse respective de 38 % et de 6,2 % par rapport à 2022.

Le programme 146 représente ainsi près de 35 % des crédits de paiement totaux de la mission Défense, ce qui en fait le programme le mieux doté de la mission. À titre de comparaison, le montant des crédits du programme 146 est quasiment équivalent à celui alloué à l’ensemble des programmes de la mission « Sécurités » (15,8 milliards d’euros au titre du PLF 2023).

rÉpartition des crÉdits entre les programmes de la mission dÉfense

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données du projet de loi de finances 2023

L’augmentation des ressources dédiées aux équipements depuis 2017 est remarquable puisque les crédits de paiement du programme 146 sont passés de 10 milliards d’euros par an à 15,4 milliards d’euros, soit une hausse de 54 % sur la période.

Évolution des crÉdits de paiement du programme 146 depuis 2017

Source : établi par le rapporteur à partir des données budgétaires.

L’évolution des crédits du programme 146 démontre qu’un effort particulier a été fait pour les équipements des forces par rapport aux autres programmes de la mission Défense. En effet, la hausse des crédits du programme 146 depuis 2017 est proportionnellement plus importante que celle de l’ensemble de la mission Défense sur la même période : + 36 % pour la mission Défense, + 54 % pour le seul programme 146. Cette politique volontariste en faveur des équipements des forces se traduit par une croissance significative de la proportion des crédits dédiés au programme 146 par rapport au total des crédits de la mission, qui passe de 31 % à 35 % sur la période 2017-2023.

Cette évolution correspond à une rupture majeure avec le passé, où les dépenses d’investissement en faveur des programmes d’armement étaient les premières touchées par les réductions de crédits pour couvrir les besoins de fonctionnement, ainsi que l’a relevé la Cour des comptes dans son rapport sur la loi de programmation militaire : « Sur les trois premières années d’exécution de la LPM, les paiements au titre de l’équipement ont même été supérieurs à ce que prévoyait la programmation. Il s’agit d’une évolution notable par rapport au passé, lorsque le ministère des armées réduisait ses dépenses d’investissement pour couvrir les dépassements, au regard des lois de finances initiales, de la masse salariale et du fonctionnement. Les précédents travaux de la Cour avaient ainsi montré que, sur les périodes couvertes par les LPM 2003- 2008 et 2009-2014, l’équivalent de près d’une année d’investissement par LPM avait ainsi été perdu par rapport à la programmation initiale » ([1]).

 

B.   Un budget qui intègre les contraintes extérieures

1.   L’adaptation aux contraintes économiques

L’année 2022 a tout d’abord été marquée par l’annulation de trois milliards d’euros de crédits du programme 146 par le décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 visant à financer le plan de résilience du gouvernement. Ces crédits ont toutefois été intégralement rétablis par la loi de finances rectificative n° 2022-1157 du 16 août 2022. D’après les indications données par le ministère des Armées à votre rapporteur, l’annulation des crédits opérée en avril 2022 n’a eu aucun effet sur l’exécution des programmes prévus au titre du P146.

En second lieu, l’accélération de l’augmentation du coût des facteurs a généré des surcoûts globaux d’environ 80 millions d’euros pour l’ensemble du programme, qui viennent s’ajouter aux 200 M€ déjà pris en compte en entrée de gestion. Ces besoins de paiement supplémentaires ont été couverts en remobilisant des crédits associés à des mesures d’économie prises dans le cadre de l’ajustement annuel de la programmation 2022 (cf. infra).

Pour l’année 2023, la poursuite de l’inflation générera une variation de besoins de paiement estimée, lors des travaux annuels d’ajustement de la programmation, à 450 millions d’euros pour le seul programme 146.

Ces besoins de paiement seront couverts, à titre principal, par le mécanisme du report de charges. Le report de charges est constitué des dépenses pour lesquelles le service fait a été constaté au 31 décembre mais dont le paiement n’est pas effectué, soit parce que le paiement, bien que comptabilisé, n’a pu être effectué faute de crédits de paiement disponibles (« dettes fournisseurs »), soit parce que la demande de paiement n’a pu être comptabilisée par le comptable public à cette même date (« charges à payer »).

Évolution des reports de charge depuis 2019

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur.

 

Dans le cadre de la loi de programmation militaire, il était prévu une baisse progressive des reports de charge, de 16 % des crédits hors masse salariale en 2019 à 12 % en 2022 et 2023 puis 10 % en 2025. La compensation de l’impact budgétaire de l’inflation par la hausse du report de charges en 2023 entraînera inéluctablement un décalage de l’objectif de 10 % à une date postérieure à 2025. Il est vraisemblable que le report de charges atteigne près de 15 % des crédits en 2023.

2.   L’adaptation aux contraintes opérationnelles

Le respect de la programmation militaire s’est accompagné de divers ajustements annuels visant à adapter le rythme de certains programmes, en fonction des nouvelles priorités définies à l’aune de l’évolution du contexte opérationnel et stratégique.

● L’année 2022 a ainsi été marquée par la mise en œuvre de l’ajustement de la programmation décidée en 2021 par le président de la République, dans le prolongement de l’actualisation de la revue stratégique. Pour rappel, cet ajustement prévoit une hausse d’un milliard d’euros de crédits sur la période 2022-2025 en faveur de trois priorités : la capacité à « mieux détecter et contrer » les menaces (cyber, renseignement) ; la capacité à « mieux se protéger » (lutte anti-drone, NRBC) ; la capacité à « mieux se préparer » avec l’accent mis sur la préparation opérationnelle.

Le financement de ces nouvelles priorités avait été assuré par le décalage de lancement en phase de réalisation de certains programmes tels que : la capacité hydro-océanographique future (CHOF) ; le système de lutte anti-mine futur (SLAMF) ; l’étape 2 du système de drone tactique (SDT) ; le programme de véhicules lourds 4-6 tonnes.

● S’agissant de l’ajustement annuel décidé en 2022 (A2PM 2022), des mesures ont notamment été prises pour : accélérer la connectivité du MRTT ; anticiper la rénovation des frégates de défense aérienne afin d’être cohérent avec le calendrier retenu par notre partenaire italien ; acquérir un système d’information de gestion opérationnelle des services de Galileo ; anticiper les premières commandes de l’étape 2 du système de drone tactique STD ; ajouter dans la programmation les programmes relatifs, d’une part, à la maîtrise des fonds marins et, d’autre part, à la « frappe longue portée » terrestre.

A contrario, les décalages des programmes suivants ont été actés au titre de cet ajustement annuel.

 

 

 

 

Ajustements dÉcidÉs dans le cadre de l’A2PM 2022 afin de garantir l’Équilibre de la mission « DÉfense »

Programme

Nature de l’ajustement

 

SCORPION

Décalage de commande de véhicules SERVAL sans impact sur le calendrier des livraisons

 

SLAM-F

Prise en compte du retard de la livraison de module de lutte contre les mines

 

Maîtrise de l’espace

Décalage d’un an de la phase de réalisation pour l’alerte avancée

 

Frégate de taille intermédiaire

Prise en compte du nouveau calendrier de livraison des frégates françaises à la suite de l’export grec

 

Chars Leclerc rénovés

Ajustement de la répartition du jalon 2025 à 45 % de SCORPION entre GRIFFON, JAGUAR, SERVAL et LECLERC

 

SCAF

Prise en compte de l’impact du décalage en 2022 de la notification du contrat en coopération (NGWS) attendue initialement fin 2021

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur

C.   Un renouvellement capacitaire inédit

1.   Le renouvellement des capacités en 2022

a.   Les principales livraisons intervenues en 2022

● L’armée de terre a réceptionné en 2022 plus de 210 véhicules blindés au titre du programme Scorpion sur les 245 initialement prévus par la programmation. Ce décalage résulte de l’ajustement annuel 2021, qui a fixé un objectif de livraison de 45 % (et non plus de 50 %) de la cible LPM en 2025. Le parc de véhicules sera rehaussé de 1 200 véhicules légers tactiques polyvalents, ainsi que 90 véhicules blindés légers régénérés (VBLr) sur les 120 prévus en programmation, en raison de difficultés de la chaîne de production. Les forces terrestres seront également dotées d’ici la fin de l’année de leur premier système de drone tactique (SDT) Patroller, tant attendu par les forces. Cette livraison interviendra toutefois avec plus de trois ans de retard à la suite de problèmes industriels et de la longueur de la procédure de certification. La flotte d’hélicoptères sera quant à elle complétée de sept Caïman, sur les huit prévus initialement. Enfin, la montée en puissance des équipements dits « à hauteur d’homme » se poursuit avec la livraison en 2022 de 12 000 fusils d’assaut HK 416F ainsi que de 2 425 équipements radio contact.

 

 

 

● La marine a été livrée en 2022 de la huitième et dernière frégate multi-missions à capacité de défense aérienne (FREMM-DA), ainsi qu’une frégate type Lafayette rénovée. Elle a également réceptionné quatre avions de patrouille maritime ATL2 rénovés, ce qui porte à 10 le nombre d’aéronefs rénovés sur une cible de 18 au total. Enfin, la marine a reçu en 2022 son premier hélicoptère H160 configuré pour les missions de secours et d’intervention en mer. L’arrivée de cette flotte intérimaire, qui assurera la transition entre le retrait de l’Alouette et l’arrivée du Guépard Marine à partir de 2029, permettra également de recentrer les hélicoptères Caïman et Panther sur leur mission de combat, à bord des frégates.

● Quant à l’armée de l’air et de l’espace, le segment de l’aviation de chasse est marqué en 2022 par la livraison d’un Rafale, ce qui est une première depuis 2018, et des 14 avions de chasse Mirage 2000D rénovés, ce qui porte leur nombre à 21 sur une cible de 55. Les équipements bénéficient également d’une montée en puissance avec la livraison de 10 pods à désignation laser de nouvelle génération et de 30 missiles air-air Meteor rénovés. Le secteur de l’aviation de transport tactique et stratégique poursuit son renouvellement avec, d’une part, la livraison de deux A400M, ce qui porte la flotte à vingt avions pour une cible de 25 en 2025 et, d’autre part, de trois avions ravitailleurs multi-rôle MRTT Phénix, soit une flotte de neuf avions pour une cible de douze en 2025. Enfin, le dernier des 3 A330 non transformés en MRTT prévus dans le cadre du plan de soutien à l’aéronautique, a été réceptionné en 2022.

b.   Les principales commandes notifiées en 2022

Les commandes passées en 2022 s’inscrivent en grande partie dans la continuité des grands programmes d’armement et traduisent la poursuite de la modernisation des armées : 50 chars Leclerc rénovés, 390 véhicules du programme Scorpion (Jaguar, Griffon et Serval), 120 véhicules blindés légers régénérés, ou encore 2 600 équipements radio Contact et 12 660 fusils d’assaut HK 416F pour l’armée de terre ; 10 stations navales Syracuse IV ; 21 pods de désignation laser NG pour les avions de chasse Air et Marine ; ou encore un centre de contrôle aérien (ACCS) et un radar fixe d’approche dans le cadre du programme SCCOA.

L’année 2022 a également été marquée par les conséquences du soutien de la France à l’Ukraine, avec notamment l’acquisition en urgence opérationnelle de 18 Caesar (camions équipés d’un système artillerie) permettant le recomplétement en 2024 du parc de 76 Caesar en service. Il convient également de souligner à ce titre la commande de 200 missiles moyenne portée (MMP) en 2022.

 

 

2.   Le renouvellement des capacités prévu dans le budget 2023

Outre la poursuite des grands programmes issus de la LPM (véhicules du programme Scorpion, stations de communication satellitaire Syracuse, MRTT et A400M, hélicoptères de nouvelle génération…), les commandes et livraisons prévues en 2023 sont emblématiques à plusieurs égards.

● Tout d’abord, elles marquent un effort considérable pour la reconstitution des stocks de munitions, à hauteur de deux milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 1,1 milliard de crédits de paiement, selon les indications fournies par ministère des Armées.

Au titre des commandes en 2023, sont ainsi prévus à ce titre : 200 missiles moyenne portée (MMP) pour l’armée de terre ; 20 missiles exocet mer-mer Exocet et 100 missiles Aster 30 pour équiper les frégates de défense anti-aérienne pour la marine ; 118 missiles Aster 30 pour équiper les systèmes de défense sol-air de l’armée de l’air et de l’espace dits Mamba, dont certains sont actuellement déployés en Roumanie, dans le cadre du déploiement de la mission Aigle.

Quant aux livraisons, les armées réceptionneront en 2023 : 200 missiles moyenne portée (MMP) et 38 tirs de poste associés pour l’armée de terre ; 31 missiles anti-navires Exocet pour la marine ; 37 missiles de croisière Scalp EG rénovés, 30 missiles air-air Meteor ; 77 missiles air-air Mica.

Ces livraisons et commandes, qui consolident et amplifient le tournant opéré en 2021 pour recompléter nos stocks de munitions, sont essentielles dans le contexte stratégique actuel. Certes, le maintien d’un niveau bas de stocks de munitions pouvait être compréhensible, compte tenu de la durée de vie des munitions, dans un contexte où nos forces étaient principalement engagées dans des opérations asymétriques de basse intensité. Cependant, le retour en Europe des conflits de haute intensité exige désormais de remonter en puissance significativement dans ce domaine.

Le niveau de consommation des munitions est en effet particulièrement significatif dans un contexte de conflit interétatique majeur, comme l’illustre la guerre en Ukraine. La crédibilité de nos armées, qui repose notamment sur leur capacité à durer dans le cadre d’un conflit, exige ainsi de disposer de stocks de munitions adaptées à un tel niveau de consommation. Votre rapporteur appelle donc à prolonger cet effort financier dans la durée, et en tout état de cause tant que la menace d’une hypothèse d’engagement majeur perdurera.

● Le second élément notable des commandes et livraisons prévues en 2023 concerne les avions de chasse Rafale. L’armée de l’air et de l’espace recevra tout d’abord en 2023 treize avions de chasse Rafale. Au titre des tranches T4 (28 avions) et T4+ (douze avions pour compenser les cessions à la Grèce), l’armée de l’air et de l’espace réceptionnera au total plus de 40 avions jusqu’en 2027, à raison de treize par an. En 2023, plus d’1,2 milliards d’euros en crédits de paiement sont ainsi consacrés au programme Rafale.

Bien plus, le projet de loi de finances prévoit la commande en 2023 de 42 Rafale au titre d’une tranche 5 (30 avions prévus + douze pour recompléter ceux cédés à la Croatie). Si le calendrier de cette nouvelle tranche n’est pas précisé, les livraisons commenceront vraisemblablement après 2027.

Il convient de relever que l’engagement financier au titre de cette nouvelle commande est majeur : le PLF 2023 prévoit ainsi plus de 6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement au titre de la sous-action 09.59 couvrant le programme Rafale. À titre de comparaison, les autorisations d’engagement fixées pour cette sous-action en 2022 étaient de 74 millions d’euros.

Votre rapporteur se félicite d’une telle commande dans un contexte où le format de l’aviation de chasse de l’armée de l’air et de l’espace était contraint par la cession de 24 aéronefs d’occasion à la Grèce et à la Croatie, ainsi que par le retrait des Mirage 2000C. La consolidation du format Rafale Air était d’autant plus nécessaire qu’il s’agit du seul avion polyvalent de l’armée de l’air et de l’espace et qu’il est également sollicité dans le cadre de la composante nucléaire aéroportée. La possession d’un format adapté de l’aviation de chasse pour mener des missions conventionnelles est cruciale dans le cadre de combats de haute intensité à fort niveau d’attrition, où la maîtrise de la supériorité aérienne est en jeu.

● Le budget 2023 marque enfin le renouvellement des capacités de la marine. En effet, outre la mise en service du second sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de type Barracuda, le « Duguay Trouin », la marine sera dotée cette année du premier bâtiment ravitailleur de forces (BRF), du premier patrouilleur d’outre-mer (POM) tant attendu, ainsi que du premier module de lutte contre les mines, constitué de drones (SLAMF).

II.   L’examen détaillé des crédits 2023 démontre que l’effort porte sur l’ensemble des systèmes de force

  1. Un programme structuré autour de grands systèmes de force

Le programme 146 est articulé autour de six actions budgétaires (n° 6 à 11) :  cinq (n° 6 à 10) correspondent à des « systèmes de force » pour reprendre les termes du projet annuel de performance et la sixième est liée aux opérations d’armement (n°11).

● L’action 6 « dissuasion » regroupe l’ensemble les moyens dédiés à « assurer la crédibilité technique de la dissuasion ». Les crédits liés aux missiles (M51 pour la force océanique stratégique ; ASMPA et futur missile ASN4G pour la force aérienne stratégique), aux programmes de simulation, aux systèmes de transmissions, au développement du sous-marin nucléaire de troisième génération (SNLE 3G) figurent notamment dans cette action.

Il convient cependant de relever que cette action budgétaire ne reflète qu’imparfaitement l’effort de la Nation en faveur de sa politique de dissuasion, dès lors qu’elle n’intègre pas le financement des équipements conventionnels participant à la mission de dissuasion nucléaire, tels que les programmes Rafale, l’avion-ravitailleur A330 MRTT ou encore le porte-avions.

Au titre du PLF 2023, l’action « dissuasion » du programme 146 représente 4,1 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 4,6 milliards de crédits de paiement.

● L’action 7 « commandement et maîtrise de l’information » inclut les crédits liés aux moyens de recueil, de transmission et d’exploitation d’informations et de renseignement aux fins d’assurer notre autonomie de décision. Cette action couvre par exemple les crédits liés aux moyens de communication et renseignement satellitaire (Syracuse IV, CERES, CSO-3), au système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), aux aéronefs exerçant des missions de renseignement (avions légers de surveillance et de reconnaissance, drones, programme Archange) ou encore au programme de radiocommunication Contact. Au titre du PLF 2023, il est prévu d’allouer à cette action près de 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 2,6 milliards de crédits de paiement.

● L’action 8 « projection-mobilité-soutien » réunit les moyens permettant aux forces de se projeter sur des théâtres d’opération et d’assurer la mobilité intra-théâtre ainsi que le soutien des troupes. Les crédits liés aux programmes d’avions de transport (A400M), d’avions ravitailleurs (A330 MRTT Phénix) et d’hélicoptères (NH 90, Cougar, HIL Guépard) sont notamment inscrits dans cette action. En vertu du PLF 2023, près de 2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 1,8 milliard d’euros de crédits de paiement sont proposés pour cette action.

● L’action 9 « engagement et combat » regroupe l’ensemble des équipements dédiés aux opérations en milieu hostile. Cette action inclut à titre d’exemple les crédits relatifs aux Rafale, au programme Scorpion, aux sous-marins nucléaires d’attaque, au porte-avions de nouvelle génération, au système de lutte anti-mines marines futur (SLAMF), ainsi qu’à certains missiles (Exocet, missile moyenne portée MMP, missiles de croisière naval…). Le PLF 2023 prévoit d’affecter à cette action 11 milliards d’euros à titre d’autorisations d’engagement et 5,2 milliards d’euros au titre des crédits de paiement.

● L’action 10 « protection et sauvegarde » recouvre les équipements dédiés à la protection du territoire national face à des menaces conventionnelles, terroristes ou NRBC. Les crédits liés au patrouilleur du futur, au programme Avismar d’avions de surveillance et d’interception maritime, aux systèmes sol-air du futur ou encore à la lutte anti-drones sont réunis dans cette action. 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 901 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus respectivement par le PLF 2023 pour cette action.

● Enfin, l’action 11 du programme 146 « préparation et conduite des opérations d’armement » ne correspond pas à un « système de forces » comme les actions précitées, mais réunit les crédits liés aux activités de la direction générale de l’armement (DGA). Pour l’année 2023, cette action représente 300 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement et 257 millions au titre des crédits de paiement.

Les actions « engagement et combat » et « dissuasion » représentent à elles seules 64 % des crédits de paiement du programme 146 prévus en 2023, avec respectivement 34 % et 30 % desdits crédits alloués à ces deux actions.

RÉpartition des crÉdits de paiement entre les actions du p146 (PLF 2023)

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données du projet de loi de finances 2023

Au-delà de la répartition entre les actions budgétaires, votre rapporteur a estimé utile d’identifier les dix équipements bénéficiant des principaux efforts financiers au titre du programme 146 dans le cadre du PLF 2023.

Il ressort de cette liste que ces dix programmes concentrent à eux seuls plus de 68 % des autorisations d’engagement et de 50 % des crédits de paiement du P146. Ce « top 10 » illustre en outre l’importance des équipements relatifs à la dissuasion nucléaire : ces derniers représentent quatre des dix plus importants programmes en termes d’autorisations d’engagement, et cinq des dix en crédits de paiement.

Classement des dix sous-actions du P146 les mieux dotÉes (PLF 2023)

Rang

Autorisations d’engagement

 

Crédits de paiement

1

09.59 « Frapper à distance – RAFALE »


6 068 770 644 €

 

06.19 « Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – Autres opérations » (SNLE, ASN4G…)


1 408 272 086 €

 

2

06.19 « Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – Autres opérations » (SNLE, ASN4G…)


1 705 503 923 €

09.59 « Frapper à distance – RAFALE »


1 204 485 229 €

3

09.63 « Frapper à distance – Porte-avions »


1 574 688 587 €

06.22 « Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion – soutien et mise en œuvre des forces – toutes opérations » (soutien en service M51 et ASMPA)


922 383 530 €

 

4

10.75 « Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Patrouilleur futur »


1 435 200 000 €

 

06.14 « Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – M51 »


809 846 010 €

5

09.85 « Opérer en milieu hostile – SLAMF »


1 201 280 000 €

 

 

 

09.77 « Opérer en milieu hostile – SCORPION »


796 410 839 €

6

06.22 « Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion – soutien et mise en œuvre des forces – toutes opérations » (soutien en service M51 et ASMPA)


1 069 218 773 €

 

09.74 « Opérer en milieu hostile – SNA BARRACUDA »


665 228 783 €

7

10.82 « Assurer la protection des forces et des sites – Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) »


930 400 000 €

08.55 « Maintenir le potentiel ami et autre – MRTT »


554 378 933 €

8

09.77 « Opérer en milieu hostile – SCORPION »


898 000 000 €

 

07.43 « Espace – Communiquer – Moyens de communication satellitaire » (Syracuse)

 

456 067 253 €

 

9

06.14 « Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – M51 »


543 667 306 €

 

06.18 « Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – Simulation »


543 710 000 €

10

06.18 « Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion – Simulation »


531 180 000 €

 

06.24 « Assurer la crédibilité technique de la dissuasion – SNLE 3G »


427 430 460 €

Total

 

15 957 909 233,00 


soit 67.65 % des autorisations d’engagement du P146

 

 

7 788 213 123,00 

 

Soit 50.56 % des crédits de paiement du P146

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données du projet de loi de finances 2023.

  1. Des ressources qui bénéficient à l’ensemble des systèmes de forces

1.   Les crédits de la dissuasion

Les crédits de l’action 6 « Dissuasion » connaissent une baisse de plus de 33 % des autorisations d’engagement, qui s’établissent à 4,16 milliards d’euros. Cette baisse doit cependant être relativisée, au regard de la hausse de 79 % de ces autorisations d’engagement en 2022. Les crédits de paiement, établis à hauteur de 4,64 milliards d’euros, sont quant à eux en légère hausse par rapport à 2022 (+6,47 %). Depuis 2017, l’augmentation des crédits de paiement de cette action atteint 47 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 6 « DISSUASION » depuis 2017

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DEs sous-actions de L’ACTION 6 « DISSUASION » (PLF 2023)

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

6

Dissuasion

5 425,05

4 161,40

-33,71 %

4 362,80

4 645,20

+6,47 %

06.14

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ M51

1 605,03

543,66

-66,13 %

795,60

809,84

+1,79 %

06.15

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion SNLE NG – adaptation M51

0

0

-

2,98

0

-100 %

06.17

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA)

50, 82

64,06

+26,04 %

127,13

144,61

+13,75 %

06.18

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Simulation

562,76

531,18

-5,61 %

616,77

543,71

-11,85 %

06.19

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Autres opérations

2 087,99

1 705,50

-18,31 %

1 281,58

1 408,27

+9,89 %

06.22

Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces ‒ toutes opérations

1 146,11

1 069,21

-6,7 %

830,69

922,38

+11,04 %

06.23

Assurer la crédibilité technique de la posture ‒ toutes opérations

824,77

247,77

-69,96 %

372,10

388,94

+4,53 %

06.24

Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ SNLE 3G

0

0

-

335,92

427,43

+27,24 %

Source : projet annuel de performances.

Les crédits prévus au titre de l’action 6 du programme 146 s’inscrivent dans le cadre d’un renouvellement significatif de nos capacités de dissuasion, afin d’en assurer la crédibilité dans un contexte d’évolution constante des menaces. Cette modernisation est notamment illustrée par :

– la réalisation du programme SNLE 3G, qui vise à remplacer les quatre SNLE de type « Le Triomphant ». Le lancement du programme en phase de réalisation a été acté en février 2021 et la livraison du premier SNLE est attendue à horizon 2035 (sous-action 06.24).

– les travaux de développement et de production du missile M51.3, missile nucléaire stratégique à têtes multiples, à capacité intercontinentale, emporté sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) (sous-action 06.14). Ce missile évolue en effet par incrément pour assurer à long terme l’efficacité de la composante océanique de dissuasion. Pour rappel, les SNLE emportent actuellement les versions M51.1 et M51.2 de ce missile, les travaux sur la troisième version du missile ayant débuté en 2014. Illustration de cette démarche incrémentale, les travaux de préparation de la quatrième version seront parallèlement lancés en 2023.

– la rénovation à mi- vie du missile nucléaire air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), emporté par les Rafale de la force aérienne stratégique (sous-action 06.17). La livraison du premier lot de missiles ASMPA rénovés est prévue en 2023.

– la poursuite des travaux de préparation missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G), successeur de l’ASMPA à horizon 2035 (sous-action 06.19). Cette sous-action recouvre également les travaux d’infrastructures réalisés en vue d’accueillir les équipements dédiés aux vecteurs des deux composantes nucléaires océanique et aéroportée. Il peut être cité à titre d’exemple l’accueil des MRTT sur les bases aériennes à vocation nucléaire (BAVN) et la mise à niveau des installations du port de Cherbourg destinées aux sous-marins nucléaires.

– le maintien des systèmes de transmission nucléaires, avec notamment en 2023 la poursuite de la réalisation du programme successeur du système de dernier recours (SYDEREC) et du développement incrémental des systèmes de transmission de la composante nucléaire aéroportée (sous action 06.24).

– la mise en œuvre du programme Simulation (sous-action 06.18). Il est notamment prévu à ce titre en 2023, selon le projet annuel de performance, « la montée en puissance progressive de l’installation LMJ [laser mégajoule] ; la poursuite de la construction des installations radiographiques et hydrodynamiques dans le cadre du programme franco-britannique EPURE/TEUTATES ; l’exploitation des supercalculateurs et la recherche et développement pour la génération suivante ; la poursuite des études scientifiques et technologiques, des modélisations et intégrations dans des codes de calcul et des expérimentations contribuant à améliorer les standards de simulation numérique nécessaires à la garantie de la dissuasion ».

2.   Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information

La dotation de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » s’élève à 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,6 milliards d’euros en crédits de paiement. Ces crédits sont stables par rapport à 2022. Depuis 2017, la hausse des crédits de paiement au titre de cette action atteint 56 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 7 « commandement et maîtrise de l’information » depuis 2017

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7
« COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

7

Commandement et maîtrise de l’information

2 947,69

2 964,81

+0,58 %

2 611,33

2 613,28

+0,07 %

07.23

Commander et conduire – ARTEMIS IA

19,00

36,93

+94,37 %

17,69

26,26,7

+50,95 %

07.24

Commander et conduire – Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA)

918,15

12,9

-98,60 %

230,03

273,48

+18,89 %

07.25

Commander et conduire – Système d’information « terre »

28,42

35,07

+23,40 %

57,86

75,35

+30,23 %

07.27

Commander et conduire ‒ Géographie numérique

5,0

341,0

+6 720 %

85,07

82,86

-2,61 %

07.28

Commander et conduire ‒ Autres opérations

27,78

25,07

-9,77 %

50,92

49,88

-2,05 %

07.29

Commander et conduire – Système d’information des armées (SIA)

70,64

167,05

+136,49 %

96,14

106,54

+10,82 %

07.30

Communiquer ‒ Cyber

259,56

17,13

-93,4 %

98,7

170,64

+72,89 %

07.35

Communiquer ‒ Autres opérations

117,27

439,7

+274,95 %

184,35

194,90

+5,72 %

07.36

Communiquer ‒ CONTACT

0

0

-

273,07

245,62

-10,05 %

07.37 (1)  

Communiquer ‒ Descartes

114,3

221,5

+93,79 %

70,7

81,82

+15,74 %

07.42

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM (5)

0

24,7

-

28,36

20,75

-26,85 %

07.43 (2)

Espace ‒ Communiquer – Moyens de communication satellitaire

238,09

457,2

+92,02 %

572,83

456,06

-20,38 %

07.44 (3)

Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROIM (6)

211,0

145,45

-31,07%

89,08

84,6

-5,03%

07.45

Espace ‒ Maîtrise de l’Espace

110,0

400,0

+263,64 %

12,24

34,95

+185,35 %

07.46

Espace ‒ Commander et conduire ‒ OMEGA (7)

0

41, 00

-

44,03

52,0

+18,10 %

07.50

Communiquer ‒ Transmission

432,6

0

- 100 %

25,7

32,61

+26,88 %

07.60

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ALSR (8)

0

2,8

-

23,68

18,55

-21,67 %

07.61

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ CUGE (9)

0

0

-

129,42

105,08

-18,81 %

07.62

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Drones aériens

57,0

384,20

574,04 %

265,91

224,17

-15,70 %

07.63

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Hawkeye

500,0

1,0

100 %

55,92

82,75

+47,96 %

07.64

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM

265,35

137,89

-48,04 %

90,0

119,05

+32,28 %

07.67

Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ SDCA (10)

0

0

-

51,49

17,09

-66,80 %

07.68 (4)

Renseigner, surveiller, acquérir ‒ Autres opérations

72,99

74,19

+1,63 %

58,02

57,74

-0,49 %

(1)     Anciennement sous-action 07.41. (2) Anciennement sous-action 07.32. (3) Anciennement sous-action 07.40 « Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – MUSIS ». (4) Anciennement sous-action 07.39. (5) Renseignement d’origine électromagnétique. (6) Renseignement d’origine « image ». (7) opération de modernisation des équipements de Global Navigation Satellite System (système de navigation satellitaire global) des armées. (8) Avion léger de surveillance et de reconnaissance. (9) Capacité universelle de guerre électronique. (10) Système de détection et de commandement aéroporté, plus connu sous le signe anglais d’AWACS (Airborne Warning and Control System).

Source : projet annuel de performances.

● L’action 7 regroupe tout d’abord les crédits relatifs à l’espace, au titre des programmes suivants :

– le programme de capacité de renseignement électromagnétique spatiale (CERES), qui repose sur une constellation de trois satellites lancés en orbite en novembre 2021. Leur fonction est de recueillir sur l’ensemble du globe les informations permettant de cartographier et d’analyser le fonctionnement des émetteurs électromagnétiques (sous-action 07.42). La France est l’une des rares nations à maîtriser ce type de technologie. La mise en service de CERES a été en outre accélérée à l’occasion du conflit ukrainien. Le programme CELESTE, dont la phase de préparation a été lancée en 2019, permettra d’assurer la continuité de cette capacité de renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) depuis l’espace à horizon 2030.

– le programme Syracuse IV (sous-action 07.43), qui vise à renforcer les capacités de télécommunications militaires par satellites indispensables au maintien du lien entre le commandement et les forces armées déployées au sol, en mer ou dans les airs. Le premier satellite, Syracuse VI A, a été lancé en octobre 2021 et son fonctionnement en orbite a reçu la qualification DGA en septembre dernier. La mise en orbite du second satellite, Syracuse IV B, a été décalée de 2022 à 2023, tandis qu’un troisième satellite complètera la constellation d’ici 2030. Les engagements en 2023 sont principalement liés à la commande de nouvelles stations terrestres et navales.

–le programme Musis, qui a pour objet d’assurer le renouvellement des capacités de renseignement d’origine image (ROIM) avec la composante spatiale optique dite CSO (sous-action 07.44). La mise en orbite du troisième satellite, « CSO-3 », initialement prévue en 2021, est décalée en 2024 en raison, selon les indications du projet annuel de performance, « de la crise en Ukraine ayant conduit à renoncer au lancement par le lanceur russe Soyouz ». Ce décalage risque d’avoir des répercussions sur la réalisation du programme IRIS, qui devait succéder au programme Musis à l’horizon 2030.

– le programme Ares de maîtrise de l’espace (sous-action 07.45), dont l’incrément 1 sera lancé en phase de réalisation en 2023. Cet incrément comprend notamment l’industrialisation du successeur du radar GRAVES et la constitution d’un centre de commandement et de contrôle (C2) spatial.

● L’action 7 regroupe également les divers moyens et capacités de renseignement hors du domaine spécial, et notamment :

– l’avion léger de reconnaissance et de surveillance (ALSR), dont le troisième système sur la cible de six prévue par la LPM doit être livré en 2024 (sous-action 07.60).

– la capacité universelle de guerre électronique, avec le programme Archange qui vise à remplacer les Transall Gabriel, retirés du service de façon anticipée en 2022 (sous-action 07.61). Les premiers systèmes Archange ne seront toutefois livrés au mieux qu’en 2026, ce qui crée de fait une rupture temporaire de capacité en matière de renseignement d’origine électromagnétique. Des réflexions sont en cours pour doter l’armée de l’air et de l’espace d’une capacité intérimaire dans l’attente de la finalisation d’Archange.

– les programmes de drones, c’est-à-dire les systèmes de drones tactiques (SDT), les systèmes de drones aériens pour la marine (SDAM), qui équiperont les frégates de défense et d’intervention, les frégates de défense aérienne, les frégates multi-missions et les porte-hélicoptères amphibie, les systèmes Reaper ainsi que le MALE européen (sous-action 07.62). Dans le segment des drones, l’année 2022 est marquée par l’arrivée prévue des premiers systèmes de drones tactiques dit Patroller au sein des forces terrestres, ainsi que par l’entrée en vigueur du contrat de réalisation du drone MALE européen dit Eurodrone.

● Il sera enfin signalé au titre des crédits de l’action 7 :

– dans le domaine cyber (sous-action 07.30), la poursuite des travaux liés à la téléphonie sécurisée, la commande des chiffreurs radio OTAN, ainsi que la poursuite des travaux de moyens de lutte informatique défensive, dans le prolongement de la création d’un commandement de la cyberdéfense en 2017.

– la poursuite des travaux sur le programme CONTACT (sous-action 07.36), qui vise à doter les forces d’un réseau de radiocommunications tactiques à haut débit, sécurisé et interopérable avec l’OTAN. Outre la poursuite des livraisons de postes terrestres, l’enjeu pour les années à venir réside notamment dans l’intégration des postes CONTACT dans les véhicules non Scorpion de l’armée de terre, à hauteur d’un volume de deux brigades interarmes. Le projet annuel de performance relève toutefois l’existence d’« un risque de décalage des livraisons CONTACT (…) en raison de la pénurie mondiale de composants et de l’allongement de la durée d’approvisionnement de la chaîne de production ».

– le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), qui permet notamment à l’armée de l’air et de l’espace de remplir sa mission permanente de sûreté aérienne (sous-action 07.24). Ce système, qui comprend un ensemble de capteurs, radars, centre d’opérations et de moyens de transmission, obéit à une démarche incrémentale. L’étape 4 phase 2 est en cours de réalisation, avec notamment la livraison prévue en 2023 du premier centre de détection et de contrôle rénové (ACCS). Parallèlement, le lancement en phase de réalisation de l’incrément 5 est prévu en octobre 2022.

– le programme de géographie numérique (GEODE 4D), avec la poursuite des travaux de réalisation du système d’information d’environnement géophysique et de production de données géographiques (sous-action 07.27).

 

 

3.    Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien

Les autorisations d’engagement de l’action 8 « Projection – mobilité – soutien » connaissent une hausse conséquente de 84,7 %, en s’établissant à 1,99 milliard d’euros. Cette hausse doit cependant être mise en regard de la baisse de 76 % de ces autorisations d’engagement au titre de la LFI 2022. Les crédits de paiement, établis à hauteur de 1,78 milliard d’euros, évoluent également à la hausse (+9 %) et retrouvent leur niveau de 2021. Depuis 2017, l’augmentation des crédits de paiement au titre de cette action atteint 39 %, ce qui est naturellement significatif, mais est en-deçà à l’évolution des autres actions du programme 146.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 8 « projection-mobilitÉ-soutien » depuis 2017

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 8 « PROJECTION – MOBILITÉ – SOUTIEN »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

8

Projection - mobilité - soutien

1 079,37

1 994,08

+84,74 %

1 654,93

1 788,68

+8,08 %

08.42

Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M)

11,22

48,68

+333,86 %

232,132

247,68

+6,70 %

08.43

Projeter les forces – Autres opérations

477,81

197,0

-58,77 %

167,31

98,64

-41,04 %

08.44

Assurer la mobilité - VLTP  ([2])

56,0

0

- 100 %

45,53

21,97

-51,74 %

08.45

Assurer la mobilité - HIL  ([3])

0,5

43,37

+ 8 574,00%

145,31

139,98

-3,67%

08.46

Assurer la mobilité – Rénovation Cougar

0

0

-

0,97

0,26

-73,06 %

08.47

Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90

112,91

525,2

+365,12 %

283,65

263,31

-7,17 %

08.48

Assurer la mobilité – Autres opérations

130,73

188,1

+43,88 %

113,76

107,07

-5,88 %

08.49

Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération (HM NG)

264,0

0

-100,00 %

52,22

53,28

+2,02 %

08.51

Maintenir le potentiel ami et autre - porteur polyvalent terrestre (PPT)

0

192,8

-

0

3,51

-

08.53

Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations

26,19

341,42

+1 203,63 %

65,83

59,19

-10,08 %

08.55

Maintenir le potentiel ami et autre -
MRTT ([4])  

0

457,5

-

394,01

554,37

-

08.56

Maintenir le potentiel ami et autre -
Flotte logistique

0

0

-

154,15

239,36

-

() Multi-rôle tanker transport.

Source : projet annuel de perform ances.

● Cette action matérialise tout d’abord les efforts de modernisation des avions de transport stratégique et tactique de l’armée de l’air et de l’espace en 2023, à travers notamment :

– la montée en puissance de la flotte d’A400M, objet de la sous-action 08.42. L’armée de l’air et de l’espace sera ainsi livrée en 2023 des 21ème et 22ème A400M en 2023. L’enjeu sur cette flotte est désormais de consolider la disponibilité des aéronefs avec la passation du contrat de soutien moteur à la fin de l’année 2022. La prochaine LPM devra également conforter la cible de 53 avions de transport tactique en 2030 (A400M et C-130).

– la poursuite des livraisons des avions ravitailleurs multi-rôle MRTT Phénix, dont la flotte atteindra 12 aéronefs en 2023. Les capacités d’élongation offertes par cet aéronef sont considérées au sein des forces comme un atout stratégique important. S’agissant des trois A330-200 livrés de façon anticipée dans le cadre du plan de soutien aéronautique, leur date de conversion en format MRTT n’est pas arrêtée. Au vu du rôle majeur joué par cet aéronef, qui fait également partie de la composante nucléaire aéroportée, il paraît impératif d’accélérer une telle conversion.

● Pour le segment des hélicoptères, il sera notamment relevé :

– la poursuite du développement du programme d’hélicoptères interarmées léger (HIL) Guépard (sous-action 08.45), destinés à replacer progressivement les flottes d’Alouette III, Gazelle, Dauphin, Panther et Fennec. Cette flotte assurera un large spectre de missions opérationnelles : transport léger, secours, appui au commandement. C’est au total plus de 169 Guépard qui devraient être livrés aux trois armées de façon progressive à compter de 2029 (80 pour l’armée de terre, 49 pour la marine et 40 pour l’armée de l’air et de l’espace). L’enjeu actuel tient notamment aux spécifications demandées par chacune des armées (à titre d’exemple, perche de ravitaillement pour l’armée de l’air et l’espace).

– les livraisons des NH90 TTH au bénéfice de l’armée de terre (action 08.47), qui remplacent progressivement les Puma. Ses missions principales sont le transport tactique de quatorze à vingt commandos et l’héliportage de matériel. Ils assurent à titre secondaire l’appui feu, le parachutage ou l’évacuation de blessés. Actuellement déployés en bande sahélo-saharienne, ils donnent entière satisfaction aux forces armées. Les crédits de cette sous-action couvrent également pour l’année 2023 les prestations de soutien du NH90 Caïman au bénéfice de la marine.

– le décalage de 2023 à 2024 de la livraison du premier des huit Caracal pour l’armée de l’air et de l’espace commandés au titre du plan de soutien à l’aéronautique en avril 2021. Cette livraison s’inscrit dans le cadre du premier incrément du programme à effet majeur « hélicoptère de nouvelle génération » (sous action 08.49) qui vise à remplacer les flottes vieillissantes de Puma et de Cougar au sein de l’armée de l’air et de l’espace.

● Enfin, cette action couvre également les crédits relatifs aux bâtiments ravitailleurs de force (BRF) (sous action 08. 56), dans le cadre du programme Fotlog. La première livraison de ces nouveaux pétroliers ravitailleurs aura lieu en 2023, avec un décalage d’un an en raison des difficultés d’approvisionnement et des conséquences de la crise sanitaire. La programmation prévoit un format de quatre unités à l’horizon 2029.

4.    Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat

Les autorisations d’engagement de l’action 9 « engagement et combat », fixées à 11 milliards d’euros, connaissent une hausse significative (+94,6 %), en raison notamment la commande de 42 Rafale prévue en 2023. Les crédits de paiements, qui s’établissent à 5,19 milliards d’euros, sont quant à eux en légère hausse eu égard à 2022 (+4,84 %). Depuis 2017, la hausse des crédits de paiement au titre de cette action atteint 55 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 9 « engagement et combat » depuis 2017

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 9 « ENGAGEMENT ET COMBAT »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

9

Engagement et combat

5 694,9

11 085,63

+94,66 %

4 957,702

5 197,79

+4,84 %

09.56

Frapper à distance ‒ Missile de croisière naval (MDCN)

0

0

-

44, 33

20,14

-54,57 %

09.59

Frapper à distance ‒ Rafale

74,58

6 068,77

+8 036,93 %

574,28

1 204,48

+109,74 %

09.61

Frapper à distance – Autres opérations

127,09

129,93

+2,23 %

183,21

213,50

+16,53 %

09.62

Frapper à distance ‒ SCAF  ([5])

0

0

-

157,20

327,95

+108,62 %

09.63

Frapper à distance ‒ Porte-avions

1 023,64

1 574,68

+53,83 %

158,20

214,63

+35,67 %

09.66

Opérer en milieu hostile – Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI)

0

0

-

7,97

5,27

-33,85 %

09.68

Opérer en milieu hostile ‒ Hélicoptère HAP  ([6])  / HAD  ([7])  Tigre

0

0,3

-

175,04

272,61

+55,74 %

09.69

Opérer en milieu hostile – Future torpille lourde (FTL)

0

0

-

40,27

31,12

-22,70 %

09.71

Opérer en milieu hostile – Évolution Exocet

0

118,1

-

62,77

47,87

-23,74 %

09.73

Opérer en milieu hostile – Frégates multi-missions (FREMM)

27,4

0

-100,00 %

427,93

338,15

-20,98 %

09.74

Opérer en milieu hostile – sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda

497,69

44,11

-91,14 %

772,69

665,22

-13,91 %

09.75

Opérer en milieu hostile – Autres opérations et conduire des opérations spéciales

392, 75

371,21

-5,49 %

405,07

391,63

-3,32 %

09.77

Opérer en milieu hostile ‒ SCORPION  ([8])

3 020,5

898,00

-70,27%

1 058,22

7 969,41

-24,74%

09.78

Frapper à distance ‒ Mirage 2000

70,132

73,95

+5,46 %

90,02

73,611

-18,23 %

09.79

Opérer en milieu hostile ‒ Plateformes

203,9

227,28

+11,47 %

167,04

147,85

-11,49 %

09.84

Opérer en milieu hostile ‒ MAST-F  ([9])

240,00

0

-100,00%

39,12

63,29

+61,79%

09.85

Opérer en milieu hostile ‒ SLAMF  ([10])

4,20

1 201,28

+28 501,90%

130,77

80,30

-38,59%

09.86

Opérer en milieu hostile – ATL 2  ([11])

13,00

25,00

+92,31%

63,36

37,41

-40,95%

09.88

Opérer en milieu hostile ‒ missile moyenne portée (MMP)

0

353,00

-

44,14

30,27

-31,42 %

09.89

Opérer en milieu hostile ‒ Frégates de défense et d’intervention  ([12])

0

0

-

355,97

235,98

-33,71 %

Source : projet annuel de performances.


 

● Cette action couvre tout d’abord les crédits correspondant à l’aviation de chasse :

– comme il a été rappelé ci-dessus, le projet de loi de finances 2023 inclut un effort majeur à hauteur de six milliards d’euros d’autorisations d’engagement en vue de financer la commande de 42 Rafale au titre de la tranche 5, dont douze pour recompléter la cession au profit de la Croatie (sous-action 09.59). Si on ajoute à cette commande les 40 avions de la quatrième tranche dont la livraison a débuté cette année (13 prévus en 2023) c’est au total plus de 82 Rafale qui seront livrés à l’armée de l’air à compter de 2022. L’autre enjeu pour la flotte Rafale est la qualification du standard F.4.1, prévue en avril 2023, ainsi que le lancement de la phase de préparation du standard F-5.

–  le programme de rénovation à mi-vie du Mirage 2000D (sous-action 09.78), qui vise à prolonger une partie de la flotte pour tenir les contrats opérationnels au-delà de 2030, prévoit la livraison de 55 avions rénovés d’ici 2025. À la fin de l’année 2023, 36 aéronefs rénovés auront été livrés à l’armée de l’air et de l’espace.

– s’agissant des équipements de missions (sous-action 09.61), il convient de souligner qu’un effort particulier a été réalisé avec la commande additionnelle de 21 pods de désignation laser Talios de nouvelle génération grâce aux ressources exceptionnelles issues du contrat d’export à la Croatie. La cible 2025 pour ces équipements a donc été portée de 46 à 67.

–  enfin, malgré le blocage industriel, le PLF 2023 prévoit près de 328 000 euros de crédits au bénéfice du programme de système de combat aérien du futur (SCAF). Ceux-ci sont censés financer, selon le projet annuel de performance, « les investissements des centres de la direction technique de la DGA et des travaux d’accompagnement du programme de démonstration ».

● S’agissant des grands programmes de l’armée de terre, l’action 9 recouvre notamment les crédits relatifs :

– au programme Scorpion (sous-action 09.77). Les livraisons de Griffon, de Jaguar et de Serval, initiées respectivement en 2019, 2021 et mai 2022, se poursuivent en vue d’atteindre la cible de 45 % décidée lors de l’ajustement de la programmation en 2021. L’enjeu à court terme est que l’armée de terre dispose d’une brigade interarmes (BIA) Scorpion fin 2023. Le déploiement du système d’information du combat Scorpion (SICS) unique sur tous les théâtres d’opérations constitue également un défi pour les prochaines années. En outre, deux nouvelles versions du Griffon feront leur entrée dans les forces : le véhicule d’observation d’artillerie (VOA) et le véhicule sanitaire (SAN).

 

–  à la rénovation à mi-vie du char Leclerc (sous-action 09.77). Cette rénovation vise à intégrer le char Leclerc dans le système de combat collaboratif Scorpion, à adapter ses fonctions de protection et agression aux nouvelles menaces et à traiter les obsolescences lourdes. Cette rénovation n’en est qu’à ses débuts puisque 19 chars rénovés auront été livrés aux forces d’ici la fin de l’année 2023 sur une cible totale de 200. La persistance du blocage entre industriels sur le programme de système Principal de Combat Terrestre (dit char du futur ou « MGCS ») exige l’accélération et la densification du programme de rénovation des chars Leclerc.

– à l’hélicoptère de combat Tigre (sous-action 09.68). Le premier enjeu pour cette flotte est la poursuite de la transformation des appareils Tigre HAP (hélicoptère d’appui-protection) en version HAD (hélicoptère d’appui-destruction), avec une cible de 67 appareils HAD. Le second enjeu est le développement du standard 3 du Tigre en coopération bilatérale avec l’Espagne, à la suite du retrait de l’Allemagne de ce programme. Il est en l’état prévu de porter 42 appareils à ce standard 3, avec une première livraison en 2030.

–  au programme « arme individuelle future » (sous-action 09.75), incluant les fusils d’assaut HK-416, qui se substituent au FAMAS au sein des forces. Les livraisons, débutées en 2017, sont prévues jusqu’en 2028 à hauteur d’environ 10 000 fusils par an, afin d’atteindre la cible de 100 000 fusils.

– enfin, il sera relevé que le PLF 2023 tire les conséquences de l’impasse dans laquelle se trouve le programme MGCS, puisqu’aucun crédit de paiement ni d’autorisation d’engagement n’est prévu (sous-action 09.80).

● Concernant les principales capacités de combat de la marine, l’action 9 du programme 146 inclut notamment les crédits prévus pour :

– le porte-avions de nouvelle génération (PANG) (sous action 09.63). À la suite du choix d’une propulsion nucléaire annoncé par le président de la République en décembre 2020, des travaux préparatoires sont en cours pour réaliser l’avant-projet détaillé du navire et des chaufferies, ainsi que les études de risques associées. Quant à l’actuel porte-avions Charles de Gaulle, le principal enjeu en 2023 concerne le lancement de la phase de réalisation du maintien des capacités en vue de son arrêt technique majeur numéro trois.

–  le programme de six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de classe Barracuda (sous-action 09.74). L’année 2023 sera marquée par la mise en service du second SNA, le « Duguay-Trouin ». Selon le projet annuel de performance, « le décalage de la fin 2022 à 2023 de la livraison du SNA Duguay-Trouin est lié à la réalisation de compléments en vue de sa mise en service, à la persistance de difficultés industrielles, ainsi que la prise en compte du retour d’expérience du Suffren ».

– les programmes frégates multi-missions (FREMM) (sous-action 09.73) et frégates de taille intermédiaires, c’est-à-dire les frégates de défense et d’intervention (FDI) (sous-action 09.89). Si la huitième et dernière FREMM Lorraine à capacité de défense aérienne renforcée sera livrée en 2022, le calendrier de livraison des FDI à la marine a quant à lui été décalé à la suite du contrat export conclu avec la Grèce en mars 2022. Celui-ci prévoit en effet la livraison à la Grèce de trois FDI dès 2025 et 2026, ce qui a nécessité de réallouer des FDI prévues initialement à la marine au profit de la Grèce. La livraison de la première FDI au profit de la marine est en l’état prévue en l’état en 2024 et la cinquième en 2029. Enfin, la rénovation à mi-vie de trois frégates de type Lafayette (sous-action 09.79) sera finalisée en 2023. Cette rénovation vise à assurer une capacité transitoire jusqu’à la livraison des FDI, pour garantir un format à 15 frégates de premier rang en 2025.

– le programme de système de lutte anti-mines marines future (SLAMF) (sous-action 09.85). Ce programme, qui vise à renouveler la capacité de guerre des mines de la marine par la mise en œuvre de bâtiments et de systèmes de drones, est structuré en deux étapes. La première consiste en l’acquisition de quatre modules constitués de drones, dont le premier sera livré en 2023 avec une année de retard. La seconde étape, dont le lancement en réalisation est prévu en 2023, inclut la commande de bâtiments de guerre des mines et des bâtiments base pour plongeurs démineurs de nouvelle génération.

● Enfin, l’action 9 couvre les crédits relatifs à de nombreux missiles et munitions :

– les missiles de croisière navals MDCN, dont la première capacité opérationnelle sur un SNA du programme Barracuda a été reconnue par la marine en juillet 2022 (sous-action 09.56).

– les missiles air-sol Scalp rénovés dont les dernières livraisons auront lieu en 2023 ; l’armement air-sol modulaire (AASM) mis en œuvre par les Rafale ; le futur missile de croisière (FMC), programme dont le lancement en réalisation est prévu en 2024 ; les désormais célèbres canons Caesar qui ont fait l’objet d’une commande en urgence opérationnelle de recomplètement en 2022 à la suite des cessions à l’Ukraine (sous-action 09.61).

– la future torpille lourde F21 de standard Mk2 destinée à équiper les SNLE et SNA dans le cadre du programme Artemis, mais dont la commande a été décalée en 2024 au lieu de 2022 (sous-action 09.69).

– les missiles Exocet mer-mer MM Block 3c, dont le premier kit doit être livré en 2023 (sous action 09.71).

– le missile Akéron LP développé dans le cadre du programme air-surface tactique futur (MAST- F), qui est destiné à remplacer le missile Hellfire 2 sur le Tigre standard 3 et, depuis juillet 2022, à équiper le drone MALE européen dit Eurodrone (sous-action 09.84).

– les missiles moyenne portée (MMP), actuellement utilisé en bande sahélo-saharienne et sur le flanc Est. Sur les 1550 munitions commandées, 1125 ont été livrés à ce jour. Il est prévu une commande de 200 munitions respectivement en 2022 et en 2023 (sous-action 09.88).

Illustration de l’effort réalisé par le Gouvernement en faveur des missiles et munitions, les crédits alloués à ces programmes sont en hausse en 2023. Pour l’ensemble des sous-actions précitées relatives aux missiles et munitions, les autorisations d’engagement augmentent en moyenne de 150 % par rapport à 2022.

5.   Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde

Les ressources de l’action 10 « Protection et sauvegarde » sont en croissance significative pour l’année 2023, avec des autorisations d’engagement qui s’établissent à plus de 3 milliards d’euros, en hausse de 266 % par rapport à 2022, tandis que les crédits de paiement, fixés à hauteur de 901 millions d’euros, représentent une augmentation de 28,8 %. L’augmentation des crédits de paiement depuis 2017 atteint 130 %, soit un niveau bien supérieur aux autres actions du programme 146.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 10 « protection et sauvegarde » depuis 2017

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

 

 

 

 

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 10 « PROTECTION ET SAUVEGARDE »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

LFI 2022

PLF 2023

Évolution

10

Protection et sauvegarde

841,68

3 082,42

+266,22 %

699,57

901,39

+28,85 %

10.74

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – SECOIA  ([13])

0

130,15

-

19,86

51,79

+160,81 %

10.75

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Patrouilleur futur

0

1 435, 2

-

98,51

114,08

+15,80 %

10.76

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Missiles

15,0

41,2

+174,67 %

194,61

178,98

- 8,03 %

10.77

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – AVSIMAR ([14])

3,16

74,39

+2 250,39%

92,03

114,03

+23,91%

10.79

Assurer la sûreté des approches – Autres opérations et assurer la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens

50,19

111,24

+121,61 %

51,98

71,96

+38,44 %

10.82

Assurer la protection des forces et des sites – Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF)

501,2

930,4

+85,63 %

139,95

174,23

+24,49 %

10.86

Assurer la protection des forces et des sites – Autres opérations et assurer la protection de l’homme

77,12

354,34

+359,46 %

76,4

166,87

+118,40 %

10.87

Assurer la protection de l’homme –
e-SAN

8,0

0,5

-93,75 %

2,21

2,59

+17,21 %

10.88

Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - BALLASTIERES

117,0

5,0

-95,73 %

0,98

1,75

+77,85 %

10.89

Assurer la protection des forces et des sites - LAD

70,00

0

-100, 00 %

22,99

25,06

+8,99 %

Source : projet annuel de performances.

● Les principaux programmes couverts par l’action 10 concernent notamment les capacités de la marine, à travers :

– le programme de « patrouilleur futur » (sous action 10.75), articulé autour de quatre équipements : le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer, dont la quatrième et dernière livraison a eu lieu en 2019 ; les trois patrouilleurs Antille Guyane, qui ont été tous livrés depuis 2019 ; les patrouilleurs outre-mer (POM) équipés de drones et destinés à l’action de l’État en mer dans les zones de Nouvelle-Calédonie, de la Réunion et de la Polynésie, dont le premier exemplaire sera livré en 2023, avec une année de retard, et le sixième et dernier en 2026 ; enfin, les patrouilleurs océaniques, qui ont vocation à renouveler la capacité hauturière affectée aux missions d’escorte et de sauvegarde maritime en métropole, dont le lancement en réalisation est prévu en 2023.

– le programme d’avion de surveillance et d’intervention maritimes (AVSIMAR) (sous-action 10.77), qui vise au remplacement de certains Falcon 50 de surveillance maritime à partir de 2025, pour une cible de douze aéronefs post 2030.

– le programme de maîtrise des fonds marins (sous-action 10.79), qui prévoit le développement dans un premier temps d’une capacité exploratoire fondée sur des drones sous-marins et des robots téléopérés disponibles « sur étagère » dès 2022, avant d’initier une démarche capacitaire sur le long terme. Les récents évènements en mer Baltique démontrent la nécessité de monter en puissance rapidement sur ce segment. Cette sous-action couvre également le programme de capacité hydrographique et océanique future (CHOF), qui est en phase de préparation, avec notamment la poursuite des expérimentations de drones et de charges utiles (drones surface, drones sous-marins, lidar aéroportée) et des travaux de définition des futurs navires ;

– le programme de rénovation à mi-vie des deux frégates de défense aérienne réceptionnées en 2008 et 2009, dont la phase de préparation a été lancée de façon anticipée en mars 2022, afin de maintenir un calendrier cohérent avec notre partenaire italien. Cette rénovation vise à pérenniser la protection du groupe aéronaval à l’horizon 2040, dans un contexte de menace aérienne en forte évolution.

● L’action 10 inclut également les crédits relatifs à de nombreux missiles et munitions visant à assurer la protection et la défense des forces armées :

– le missile air-air Meteor, intégré sur le Rafale au standard F3-R, dont la cible de 160 doit être atteinte en 2023 (sous-action 10.76) ;

– le missile air-air Mica rénové, dont les premières livraisons ont été effectuées en 2022 dans l’attente du développement de son successeur, le Mica NG, dont 567 exemplaires seront livrés aux forces entre 2026 et 2031 (sous-action 10.76) ;

– les missiles sol-air Aster, avec une commande majeure en 2023 de 100 missiles Aster 30 pour les frégates de défense et d’intervention et de 118 missiles d’Aster 30 B1ock 1NT pour le système sol-air moyenne portée-terrestre de nouvelle génération SAMP-T NG, actuellement en cours de développement (sous-action 10.82). Les objectifs pour le SAMP-T NG en 2023 sont la qualification du radar et la réalisation premier tir de qualification du missile Aster 30 Block 1 INT. La première livraison des huit SAMP-T NG est prévue en l’état en 2027. Il convient enfin de rappeler que les cibles de 140 munitions Aster 15 et 48 Aster 30 pour la marine, ainsi que de 200 munitions Aster 30 B1 pour l’armée de l’air et de l’espace avaient été atteintes avant 2020.

L’effort fait par le Gouvernement en faveur des missiles et munitions se traduit par la hausse moyenne de 88 % des crédits de paiement liés à ces sous- actions en 2023.

● Enfin, l’action 10 comprend le programme de lutte anti-drone (sous-action 10.89), qui monte en puissance en vue de la coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux olympiques et paralympiques en 2024. En 2022, outre la réception de quatre systèmes « Arlad » intégrés sur les véhicules de l’avant-blindé, 100 fusils brouilleurs et six systèmes « Parade » (protection déployable modulaire anti-drones) ont ainsi été commandés, pour une livraison prévue en 2023. Le système « Parade » est composé de goniomètres, de radars, d’optronique d’identification et de brouilleurs organisés autour d’un cœur de commande et contrôle. En 2023, trois moyens de lutte anti-drone pour la marine ont été commandés. Un prototype d’arme à énergie laser est par ailleurs en cours de développement.

6.   Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement

L’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement » voit également ses ressources augmenter en 2023 : les autorisations d’engagement s’établissent à hauteur de 300 millions d’euros (+23 %), tandis que les crédits de paiement sont fixés à 257,7 millions d’euros (+18,6 %). Depuis 2017, les crédits de paiement liés à cette action ont augmenté de 32 %, ce qui représente la plus faible hausse des actions du programme 146.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS de paiement DE L’ACTION 11 « prÉparation et conduite des programmes d’armement » depuis 2017

Source : élaboré par le rapporteur à partir des données budgétaires.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 11 « PRÉPARATION ET CONDUITE DES OPÉRATIONS D’ARMEMENT »

(en millions d’euros)

Crédits par action et sous-action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2022

PLF 2023

Évolutions

LFI 2022

PLF 2023

Évolutions

11

Préparation et conduite des opérations
d’armement

246,38

300,47

+21,95 %

217,2

257,77

+18,68 %

11.89

Fonctionnement et soutien DGA

74,59

94,56

+26,76 %

69,08

77,55

+12,26 %

11.90

Investissements pour les opérations d’armement

171,78

205,91

+19,86 %

148,12

180,21

+21,67 %

Source : projet annuel de performances.

L’action 11, constituée de ressources budgétaires et extrabudgétaires, regroupe deux sous-actions auxquelles sont inscrits :

– les crédits de fonctionnement et de soutien de la DGA et des services qui lui sont rattachés (hors titre 2), inscrits à la sous-action 11.89 ;

– les crédits de fonctionnement et d’investissement des infrastructures d’expertise technique, d’évaluation et d’essais de la DGA, retracés à la sous-action 11.90.

L’augmentation des ressources de cette action est principalement liée à la hausse des coûts des facteurs et plus particulièrement à celle des prix de l’énergie employée notamment par les centres d’essai, selon les explications du ministère des Armées.

 

III.   L’équipement des forces dans le cadre de la prochaine LPM : entre continuité et adaptation au nouveau contexte stratégique et européen

  1. Des ajustements À opérer

À titre liminaire, votre rapporteur souhaiterait mettre en exergue trois convictions fortes au sujet des travaux en cours en vue de la prochaine LPM annoncée par le président de la République.

● Sa première conviction est que le retour d’expérience en Ukraine, aussi essentiel soit-il, ne doit pas être l’unique boussole de notre future LPM, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les conditions dans lesquelles nos forces pourraient être engagées dans un conflit de haute intensité ne seront évidemment pas similaires à celles qui prédominent dans le conflit ukrainien, ne serait-ce que parce que la France est dotée de l’arme nucléaire. En outre, il est peu vraisemblable que la France se retrouve seule dans un conflit de haute intensité : la question de nos capacités ou plutôt de nos lacunes capacitaires ne doit donc pas être appréhendée de façon solitaire, mais dans une optique de mutualisation de nos moyens avec nos partenaires, ce qui exige d’accorder une importance clé à l’interopérabilité de nos équipements. Il faut être lucide à ce sujet : la prochaine LPM n’aura pas pour finalité de doter nos armées de la capacité d’affronter seules un conflit de haute intensité contre un compétiteur stratégique, mais de continuer à permettre à la France de prendre toutes ses responsabilités dans un rôle de nation cadre d’une coalition. Enfin, si le conflit ukrainien ne peut pas être l’alpha et l’oméga de notre future LPM, c’est également parce que le risque d’un conflit de haute intensité, s’il est réel, n’annihile pas les autres menaces auquel notre pays est confronté, au premier rang desquelles le terrorisme, notamment en bande sahélo-saharienne.

● La seconde conviction de votre rapporteur est qu’il ne faut pas opposer la masse à la technologie. Naturellement, gagner en masse et en épaisseur doit constituer une priorité. Votre rapporteur a souligné par exemple combien il soutenait l’effort budgétaire conséquent pour reconstituer nos stocks de munitions. Les réflexions sur l’économie de guerre, thème de la seconde partie de ce rapport, ont également pour principale finalité d’accroître la résilience de nos armées, afin d’être en capacité de durer dans le cadre d’un engagement majeur. Mais préserver notre supériorité technologique est également une nécessité, notamment pour l’ensemble des systèmes d’armes et équipements concourant à notre politique de dissuasion nucléaire. Notre pays ne peut pas se permettre de manquer les ruptures technologiques militaires dans les domaines de l’hypervélocité, du spatial, du quantique ou encore du cyber, et ce d’autant plus que nous disposons d’une BITD aux compétences uniques. Du reste, le conflit en Ukraine démontre la cohabitation et la complémentarité de systèmes d’armes rustiques et sophistiqués.

● La troisième conviction du rapporteur est qu’il est essentiel de consolider dans la future LPM les choix structurants de l’Ambition 2030. Nos armées et notre BITD ont avant tout besoin de cohérence et de continuité dans notre politique de modernisation des équipements. Une réorientation massive de notre politique d’investissement serait de nature à compromettre cette cohérence d’ensemble de notre modèle d’armée.

Ceci étant précisé, il est parfaitement logique de réinterroger certains de nos choix capacitaires à l’aune du contexte stratégique résultant du conflit en Ukraine, pour déterminer quels ajustements seraient opportuns dans le cadre de la prochaine LPM. Votre rapporteur ne veut pas faire un inventaire de l’ensemble des capacités qui pourraient légitimement être rehaussées, mais souhaite toutefois mettre en exergue les éléments suivants :

        il semble tout d’abord nécessaire de poursuivre dans la durée l’effort réalisé par la PFL 2023 pour recompléter nos stocks de munitions, qui est la condition première pour être en mesure de durer dans un conflit ;

 

 

        la défense sol-air doit constituer une priorité de la prochaine LPM : si huit systèmes Mamba pouvaient être suffisants, lorsque nos missions se limitaient aux théâtres de conflit asymétrique, ce n’est aujourd’hui plus le cas. La défense de notre territoire et de celui de nos partenaires nécessite une montée en puissance importante sur ce segment ;

        l’effort initié en faveur des nouveaux champs de conflictualité (espace, guerre informationnelle, cyber) doit être poursuivi et amplifié. L’actualité récente a démontré à ce titre que la maîtrise des fonds marins constitue également une condition essentielle pour assurer la sécurisation de nos approvisionnements énergétiques et de nos moyens de communications (câbles sous-marins). Ce programme doit être accéléré, dans le prolongement de la stratégie interministérielle de février 2022.

        enfin, comme l’a souligné le chef d’état-major des armées lors de son audition devant la commission de la défense le 13 juillet 2022, une attention particulière doit être portée à notre capacité « à infliger des dégâts importants dès les premiers contacts » en cas de conflit et par conséquent à disposer des « capacités plus létales ». Cela nécessiterait d’accentuer les efforts pour se munir de drones de combat, d’armes à énergie laser ou encore d’artillerie à longue portée.

  1. Quel avenir pour les coopérations avec l’Allemagne ?

Alors que l’actuelle LPM avait fait de la coopération avec l’Allemagne la clé de voûte de notre politique capacitaire pour les grands programmes structurants d’avenir, les récents évènements invitent à réexaminer la place que devront prendre ces projets de coopération dans le cadre de la prochaine LPM.

En effet, des cinq programmes initiés en 2017 par le président de la République et la chancelière Angela Merkel, seul le programme de drones de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) Eurodrone a été confirmé, avec la notification du contrat de réalisation en 2022.

Les autres programmes sont soit dans l’impasse, en raison de blocages entre industriels (programmes SCAF et MGCS), soit développés par la France sans les Allemands (standard 3 du Tigre), soit abandonnés de facto en raison du choix des Allemands de privilégier des matériels américains (programme MAWS d’avions de patrouille maritime).

Les récentes acquisitions par les Allemands d’équipements américains (avions F- 35 et P-8A Poseidon, hélicoptère lourd Chinook) ainsi que le projet allemand de bouclier antimissile European Sky Shield, qui s’appuierait sur un système israélien, s’inscrivent également en contradiction avec la promotion d’une Europe de la défense.

 

Votre rapporteur soutient par principe les programmes de coopérations, qui sont un élément moteur de la constitution d’une Europe de la défense. Outre leur dimension politique, ils permettent de partager les coûts et favorisent l’interopérabilité des matériels.

Cependant, ces coopérations doivent obéir à certains principes, tels que celui du best athlete, comme l’a mis en exergue le délégué général pour l’armement de l’époque : « En tant que DGA, je considère que la politique de coopération avec l’Allemagne doit reposer sur trois principes. Premièrement, les schémas de coopération et d’organisation industrielle doivent définir clairement les responsabilités. Pour chaque sous-système majeur d’un programme de coopération, il doit y avoir un industriel responsable, et non deux, trois ou quatre regroupés d’une manière plus ou moins souple. Deuxièmement, l’industriel responsable de tel sous-système majeur doit être le meilleur, celui qui a acquis, au fil de son histoire, la meilleure expertise et le meilleur savoir-faire. Troisièmement, il faut assurer un équilibre, et cet équilibre doit être trouvé de manière globale, car s’il l’était sous-système par sous-système, les programmes seraient ingérables et n’aboutiraient pas. C’est pourquoi nous avons demandé aux Allemands de prendre le lead sur l’Eurodrone et sur le MGCS, et nous l’avons pris sur le SCAF, qui comporte plusieurs sous-systèmes, dits piliers » ([15]).

En l’espèce, ces principes ne semblent pas respectés par les Allemands, notamment s’agissant le programme SCAF.  Si votre rapporteur souhaite naturellement une issue positive des discussions en cours sur ces projets emblématiques, il estime toutefois qu’il est de la responsabilité de la France d’examiner d’ores et déjà toutes les alternatives existantes en cas d’échec de ces programmes. Il convient enfin de veiller à ce que notre liberté d’exportation ne soit pas entravée pour les systèmes d’armes développés dans le cadre de coopérations. La prochaine LPM devra le cas échéant tirer toutes les conséquences financières et opérationnelles de l’impasse de ces coopérations franco-allemandes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   Seconde partie : l’adaptation de la BITD À l’économie de guerre

I.   L’économie de guerre : une exigence au regard de l’évolution du contexte stratégique

A.   Une prise de conscience à l’aune du conflit en Ukraine

1.   Le retour de l’attrition à la faveur de la haute intensité

Les réflexions sur l’économie de guerre sont le fruit d’une prise de conscience consécutive à la guerre en Ukraine, qui marque le retour des conflits de haute intensité en Europe. En effet, outre les pertes humaines, ces conflits se caractérisent par un niveau élevé d’attrition des équipements et de consommation du matériel.

Votre rapporteur n’a malheureusement pas eu accès aux données classifiées sur l’état des pertes à l’occasion du conflit ukrainien. Cependant les données recensées par le site de référence Oryx illustrent l’ampleur du niveau d’attrition des équipements militaires russes constaté à l’issue de sept mois de conflit ([16]). Selon ce site, auraient ainsi été détruits du côté russe 1 250 chars d’assaut, 2 200 véhicules de combat d’infanterie, 118 lance-missiles, ainsi qu’une cinquantaine d’avions de chasses et autant d’hélicoptères alors même que la composante aéroportée est peu sollicitée dans le cadre de ce conflit. En outre, plus de 2 500 missiles de croisières auraient été tirés par les Russes. Quant au niveau de consommation de munitions, s’il est impossible de les chiffrer, les risques de pénurie constituent un véritable enjeu pour les belligérants. Si ces données sont naturellement à prendre avec précaution, elles donnent toutefois un ordre de grandeur de l’attrition des matériels susceptible d’être occasionnée par un conflit interétatique conventionnel.

Ce haut niveau d’attrition des matériels n’est pas spécifique au conflit en Ukraine, mais a également été constaté dans le passé dans le cadre d’autres conflits majeurs. Comme le relevait la mission d’information récente sur la préparation à la haute intensité au sujet de l’attrition des aéronefs, « les taux d’attrition subis par l’armée israélienne lors de la guerre de Kippour (1973) ou l’armée argentine pendant la guerre des Malouines (1982) respectivement de 4 % et 8 % pour éclairer les conséquences qu’aurait un conflit de haute intensité à l’heure actuelle sur nos capacités aériennes » ([17]).

Dans cette perspective, une étude de l’Institut français des relations internationales (IFRI) a mis en exergue que « dans les premiers temps d’une opération de haute intensité, où le rythme des sorties quotidiennes peut aller jusqu’à 2,8 vols par avion, un taux d’attrition initial de 1 % par mission verrait le format d’une flotte se réduire de moitié au bout de vingt-quatre jours. Avec une attrition initiale de 5 %, cette situation pourrait être atteinte après seulement cinq jours » ([18]).

Les exercices de haute intensité les plus récents menés par l’armée française ont confirmé le caractère élevé des destructions de matériels. À titre d’exemple, l’exercice Polaris 21, conduit en 2021, s’est soldé par la destruction de sept à huit bâtiments de premier rang sur la vingtaine mobilisés, dont deux frégates dans les quinze premières minutes ([19]). De même, les exercices Volfa menés par l’armée de l’air et de l’espace font ressortir des hauts niveaux d’attrition des aéronefs et de consommation de munitions.

2.   Des cadences de production inadaptées à une situation de crise

La principale leçon des conflits, passés ou actuels, et exercices susvisés est que la préparation à l’hypothèse d’un conflit de haute intensité exige (i) de la masse, c’est-à-dire une capacité à générer et entretenir les volumes de forces suffisants pour produire des effets stratégiques décisifs dans la durée et (ii) de l’épaisseur, c’est-à-dire une faculté de résister à l’érosion et à l’attrition afin de préserver la supériorité opérationnelle.

Cette capacité à générer de la masse et de l’épaisseur en cas de conflit dépend non seulement des financements bien sûr, mais aussi de la capacité de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) à augmenter ses capacités de production, c’est-à-dire à produire plus et plus vite, lorsque cela est nécessaire.

Or, le conflit de l’Ukraine a également servi de révélateur quant à la réalité de la cadence de production actuelle de nos systèmes d’armement. En effet, la livraison d’un certain nombre de matériels à l’Ukraine (canons Caesar et munitions de 155 mm, missiles anti-chars, missiles anti-aériens, véhicules de l’avant-blindé…) a mis en exergue non seulement la relative faiblesse de nos stocks pour certains équipements ou munitions, mais également l’incapacité de notre industrie à produire et livrer rapidement ces matériels en vue du recomplètement des parcs et stocks de nos forces armées et /ou de la poursuite des livraisons à l’Ukraine.

À titre d’exemple, selon les indications fournies à votre rapporteur dans le cadre du questionnaire budgétaire, le délai en 2021 entre la commande et la livraison pour les obus peut varier de dix à vingt mois (155 mm simple) jusqu’à 24 à 36 mois (155 mm bonus), tandis qu’il est d’environ 24 mois pour les missiles sol-air Mistral et antichar MMP, de trois à quatre ans pour le missile anti-aérien Aster et de quatre à cinq ans pour le missile anti-navire Exocet. Quant au délai de production du désormais célèbre canon Caesar, il a pu atteindre 30 mois par le passé et serait d’environ 24 mois actuellement.

S’agissant des équipements structurants de nos forces armées, qui seraient en première ligne en cas de conflit de haute intensité, les délais actuels entre la commande et la fabrication sont également substantiels : trois à quatre ans pour un bâtiment ravitailleur de force ou un Rafale, six ans pour une frégate, dix ans pour un sous-marin ou un porte-avions. S’agissant des véhicules du programme Scorpion, il sera relevé que le délai entre la première commande et la première livraison a été de deux ans pour le Griffon, deux ans pour le Serval et quatre ans pour le Jaguar.

3.   Un changement de paradigme nécessaire

Le constat qui a émergé à la faveur la guerre en Ukraine est donc que notre outil de production actuel n’est en l’état adapté ni à la situation actuelle de « contestation » au titre de laquelle nos forces armées ont besoin de recompléter rapidement leurs stocks à la suite des livraisons à l’Ukraine, ni a fortiori à une situation d’« affrontement » au titre de laquelle il faudrait faire face au niveau d’attrition, de consommation et d’érosion de nos matériels tel que constaté dans le cadre des conflits actuels.

Il convient d’ores et déjà de relever que cette inadaptation de la cadence de production de notre BITD aux enjeux soulevés par la haute intensité ne résulte pas d’une défaillance de nos industries, mais de nos choix collectifs depuis la fin de la guerre froide. Comme l’ont mis en exergue les industriels auditionnés par votre rapporteur, leur outil de production est dimensionné, en termes de cadence et de volumes, à hauteur des commandes et donc des financements reçus.

En outre, dans un contexte opérationnel dominé par la gestion de crise et des conflits asymétriques de basse intensité, l’attrition des matériels ne constituait pas une menace majeure, contrairement à la situation actuelle. La problématique de notre capacité à remplacer rapidement les équipements ou à reconstituer des stocks n’était donc pas un enjeu majeur. Dans le contexte géostratégique issu de la fin de la fin de la guerre froide et dans une période de déflation des budgets des armées au titre des « dividendes de la paix », il était donc compréhensible qu’au sein du triptyque « coût-performance-délai », l’accent ait été mis par les autorités telles que la DGA davantage sur l’optimisation de la performance et sur la contrainte du coût que sur la capacité à produire rapidement.

Si de tels choix collectifs ont pu avoir du sens dans le passé au regard du contexte stratégique et du cadre financier existant à cette époque, le retour de l’hypothèse d’un engagement majeur à l’aune du conflit en Ukraine, ainsi que l’effort budgétaire conséquent initié dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025 appellent un changement radical de paradigme.

L’enjeu de l’économie de guerre, tel qu’identifié par le président de la République et le ministre des Armées, est par conséquent d’adapter notre BITD à ce nouveau contexte, où la question des délais et de la cadence de production ne sont plus des variables d’ajustement, mais redeviennent des enjeux cruciaux pour nos armées et plus généralement pour la protection de la Nation.

B.   Une opportunité pour la BITD

1.   Une mobilisation forte des acteurs

C’est dans le contexte rappelé ci-dessus que le président de la République, lors de l’inauguration du salon d’armement Eurosatory le 13 juin 2022, a appelé les industries de défense à entrer dans l’« économie de guerre », avant de développer cette thématique lors de son discours aux armées à l’hôtel de Brienne du 13 juillet 2022.

Discours aux armées à l’hôtel de Brienne du 13 juillet 2022

 « Oui, cette année, la guerre resurgissant à nos portes, à nos frontières, a tout changé. Et elle va nous impliquer de changer encore davantage. Et c'est là-dessus que je voudrais revenir avant de terminer mon propos. J'ai parlé il y a quelques jours d'économie de guerre. J'aurai l'occasion de le dire demain à nos compatriotes, plus largement. Pour répondre à ce besoin que la Nation va avoir de continuer à s'équiper, parfois d’aider certains de nos amis ou alliés à s'équiper eux-mêmes, nous devons structurer une économie française et européenne dans laquelle les modèles, les rythmes, les standards doivent être envisagés selon, si je puis dire, un solfège différent. (…) Nous avons beaucoup fait ces dernières années pour reconstituer nos capacités et rebâtir notre autonomie, lancer des grands programmes européens, aller dans le sens de plus d'innovation. Mais nous allons devoir investir parfois plus vite, plus fort et les industriels devront répondre à ces besoins. Il faudra changer de paradigme, renverser parfois certaines logiques et considérer que les projets doivent désormais être conduits selon une autre logique. (…) Mais c'est une nouvelle étape qu’il va nous falloir franchir ensemble. La très grande sophistication et la personnalisation de nos systèmes qui font notre force, notamment à l'export, doivent être évidemment préservées. Mais nous devons aussi voir qu'elles sont parfois causes de délais de développement et de production considérables et que nous avons des impératifs nouveaux auxquels il nous faut faire face. Reconstituer plus vite et plus fort certains stocks, savoir produire davantage des matériels qui sont adaptés à ce retour de la guerre de haute intensité sur notre sol, réinterroger certains choix d'innovation pour remettre en quelque sorte en équilibre, en tension, des objectifs qui peuvent rentrer en concurrence : l'innovation la plus extrême et les délais, la capacité à les produire en masse le plus vite possible. C'est pourquoi nous devons à chaque instant garder l'avantage technologique et tactique, tout en sécurisant les chaînes de sous-traitance et les approvisionnements en matières premières et maintenir les compétences nécessaires. C'est donc un vrai défi stratégique, capacitaire, d'innovation, mais aussi de repenser toute la chaîne et donc de savoir questionner une partie de l'organisation de notre base industrielle et technologique de défense ».

Le 7 septembre, le ministre des Armées a rassemblé, dans un format inédit, le chef d’état-major des armées, les chefs d’état-major des trois armées, le délégué général pour l’armement, les sept grands maîtres d’œuvre industriels et le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale afin d’engager une réflexion collective sur le sujet.

Quatre « engagements » ont été annoncés par le ministre des Armées à l’issue de cette table-ronde pour aider la BITD à atteindre l’objectif de produire plus et plus vite, dans un budget maîtrisé. Ces quatre engagements sont les suivants :  simplifier l’expression des besoins des armées ; simplifier les procédures administratives ; mettre en place un agenda de relocalisation ; enfin, changer d’approche sur la gestion des stocks.

À la suite de cette table-ronde, des groupes de travail rassemblant des représentants des groupements des industries de défense, de l’état-major des armées et de la direction générale de l’armement (DGA) ont été établies, afin d’identifier les actions à mettre en œuvre. Cinq groupes thématiques ont ainsi été constitués autour des problématiques suivantes : « opérations d’armement et achats » ; « renforcement de la supply chain » ; « ressources humaines » ; « normes et réglementations » et « sécurité physique et numérique ».

Parallèlement, une liste de douze équipements prioritaires a été établie (munitions, canons, missiles, drones…), pour étudier, système d’armement par système d’armement, les modalités de réduction des délais de production et d’augmentation des cadences de production sur la base d’un objectif donné. Le ministre des Armées a par exemple donné comme objectif de ramener le délai de production d’un canon Caesar de 24 à 12 mois et celui d’un obus de 155mm de 9 à 3 mois.

La démarche initiée par le ministère est donc double.

D’une part, dans une approche de long terme, il s’agit d’adapter de façon structurelle la BITD à l’économie de guerre, en revoyant l’ensemble des processus, de l’expression des besoins à la mobilisation des ressources physiques et humaines au sein de l’outil de production, pour accroître de façon globale la capacité de la BITD à produire plus et plus vite.

D’autre part, dans une approche davantage tournée vers les besoins immédiats, il s’agit d’identifier de façon pragmatique les facteurs de complexité et de délais pour certains systèmes d’armement, en vue de pouvoir produire ces derniers en un délai défini. La finalité est notamment d’identifier les spécifications qui génèrent des coûts et des délais et de s’assurer de leur véritable valeur ajoutée pour nos armées. Cette approche est particulièrement innovante, en ce qu’elle opère un renversement de perspective : il s’agit de partir d’un objectif délai déterminé pour déterminer les spécifications de l’équipement susceptibles d’être produites dans un tel délai, et non plus de partir de spécifications données pour aboutir à un délai de production.

Les conclusions de ces différents travaux doivent être présentées au ministre des Armées dans la seconde quinzaine du mois d’octobre. Le calendrier d’application des mesures décidées dépendra de la nature de celles-ci, mais il est vraisemblable que certaines, en raison de leur caractère législatif ou de leurs conséquences budgétaires, auront vocation à être intégrées dans la prochaine loi de programmation militaire.

2.   La BITD peut relever ce défi malgré un contexte difficile

a. Un contexte économique peu favorable

Les représentants des industriels ont tous souligné, lors de leur audition par votre rapporteur, les difficultés engendrées par le contexte économique actuel, notamment pour les sous-traitants des grands maîtres d’œuvres de la BITD.

Tout d’abord, la désorganisation des chaînes de production consécutive à la crise liée au covid continue d’avoir des effets, notamment au niveau des chaînes d’intégration finales par les maîtres d’œuvre, compte tenu des délais de production.

Le contexte inflationniste, notamment pour les prix de l’énergie, a également des répercussions majeures sur la BITD, à l’instar de l’ensemble de l’industrie. Les clauses de révision de prix stipulées dans les contrats sont bien souvent insuffisantes pour compenser cette hausse du coût des facteurs, tandis que l’installation d’une boucle inflationniste prix-salaire constitue un risque réel, comme l’ont illustré les conflits sociaux dans les industries aéronautiques au printemps, et une menace sur la compétitivité.

Le conflit en Ukraine a en outre accru les difficultés d’approvisionnement pour certaines matières stratégiques, telles que le titane ou l’acier, dans un contexte déjà tendu par la pénurie de composants électroniques au niveau mondial.

La conjugaison de ces trois éléments (crise covid, inflation et difficultés d’approvisionnement) est de nature à accroître fortement l’imprévisibilité du processus de production. Comme l’ont indiqué des industriels, il n’est pas rare que des fournisseurs ne prennent plus de commande, faute de visibilité sur les prix, ou annulent une commande sans préavis. Il est symptomatique à cet égard que le projet annuel de performance au titre du programme 146 mentionne « la pénurie mondiale de composants et de l’allongement de la durée d’approvisionnement de la chaîne de production » comme cause du retard de certains programmes majeurs (programme Contact).

De nombreuses entreprises de défense, hors grands maîtres d’œuvre, connaissent également des difficultés de trésorerie dans un contexte de remboursement des prêts garantis (PGE) par l’État et de restriction d’accès aux financements bancaires.

Cette frilosité des banques est notamment due à l’effet du développement de produits financiers qui excluent les entreprises de défense au motif que leur activité ne serait pas compatible avec les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), comme l’ont souligné des précédents travaux parlementaires ([20]).

Au niveau européen, il convient de rappeler que la banque européenne d’investissement (BEI) n’est pas autorisée par ses statuts à fournir des prêts à des sociétés de défense. En outre, la menace d’un écolabel européen pour les produits financiers qui exclurait les entreprises de défense dans le cadre des projets en cours de « taxonomie européenne » perdure ([21]). Lors de son discours précité à Eurosatory, le président de la République a toutefois confirmé l’opposition du Gouvernement à toute forme de taxonomie européenne qui serait préjudiciable aux entreprises de défense.

De nombreux industriels ont fait part de leur difficulté à recruter. Plus de 90 % des entreprises du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) s’attendent ainsi à des difficultés de recrutement en 2023, tandis que le groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) a identifié près de trente métiers en tension (soudeurs, chaudronniers, ajusteurs), de sorte que l’industrie navale repose pour une partie non négligeable sur les travailleurs détachés.

Enfin, des représentants de PME auditionnés par votre rapporteur ont souligné leur absence de visibilité au-delà de trois mois pour les commandes des grands maîtres d’œuvre. À cet égard, il est essentiel de réactiver et de consolider le « pacte défense PME » initié en 2012, afin notamment de s’assurer que la visibilité donnée aux maîtres d’œuvres par les commandes étatiques soit correctement répercutée auprès de leur sous-traitant.

b.  Les atouts de la BITD

Votre rapporteur est pleinement conscient des difficultés susmentionnées rencontrées par les entreprises de la BITD dans le contexte actuel. Toutefois, il ne rejoint pas le constat de certaines d’entre elles, qui estiment que les efforts exigés pour les adapter à l’économie de guerre sont intempestifs en raison du contexte économique actuel. Cette réflexion sur l’économie de guerre est au contraire l’opportunité pour l’ensemble de la BITD, maîtres d’œuvre comme sous-traitants, de remettre à plat l’ensemble des processus qui influent sur leur outil de production, afin de gagner en agilité et en résilience.

Les atouts de notre BITD pour gagner ce pari de l’économie de guerre sont par ailleurs nombreux. La France bénéficie d’un écosystème unique, composé d’une dizaine de grands groupes et de près de 4000 PME et ETI, dont 500 identifiées comme stratégiques, qui génère près de 200 000 emplois directs ou indirects. La force de cet écosystème permet à la France d’être une des rares nations dans le monde à construire en autonomie stratégique des équipements aussi structurants que des avions de chasse ou des sous-marins nucléaires.

La dualité de la plupart de nos entreprises de défense est également un atout important, en ce qu’elle constitue un amortisseur des chocs cycliques et permet de faire bénéficier le segment militaire des investissements dans le domaine civil, comme l’illustrent les exemples des avions A400M ou A330 MRTT de l’armée de l’air et de l’espace.

Le succès de nos entreprises à l’exportation est également un gage de résilience, notamment en l’absence de commande nationale suffisante pour maintenir les chaînes de production et les compétences y afférentes. Enfin, le rôle de la DGA, dont la compétence est reconnue par tous, constitue assurément une plus-value dans le dialogue État-industrie de défense.

Pour l’ensemble de ces raisons, et malgré le contexte économique rappelé ci-dessus, votre rapporteur estime que la réflexion actuelle sur l’économie de guerre, qui vise à être en capacité de produire plus, plus vite et à des coûts maîtrisés est non seulement nécessaire au regard du contexte stratégique actuel, mais constitue au surplus une véritable opportunité pour réviser l’ensemble des processus, normes et pratiques qui obérait jusqu’alors la pleine capacité de notre industrie de défense à déployer tout son potentiel au service de nos forces armées.

Comme indiqué, les réflexions sur l’économie de guerre sont encore en cours au sein du ministère des Armées, de la DGA, de l’état-major des armées et de la BITD. En choisissant ce thème pour son avis budgétaire, votre rapporteur a souhaité apporter une modeste contribution à ce débat qui lui semble essentiel pour assurer la capacité de nos forces armées à durer dans le cadre d’un conflit de haute intensité.

Aux yeux de votre rapporteur, les travaux sur l’économie de guerre doivent viser trois finalités : (i) simplifier, qu’il s’agisse de l’expression de nos besoins d’équipement, de la conduite des programmes d’armement ou des normes qui encadrent les systèmes d’armement ; (ii) sécuriser, en rendant nos chaînes d’approvisionnement plus résilientes, en constituant des stocks et en réduisant nos dépendances ; (iii) enfin, résister en cas de conflit, en développant les outils de mobilisation des ressources humaines et matérielles et en accroissant les potentialités de régénération de nos matériels. La suite du présent rapport propose de préciser ces trois orientations.

II.   Axe n° 1 : Simplifier, pour gagner en agilité

  1. Simplifier l’expression des besoins des armées
  1. Des équipements aux spécifications parfois trop complexes

Les besoins opérationnels de nos armées sont variés. Il est donc naturel que les équipements dont elles ont besoin pour mener à bien leurs diverses missions répondent à certaines spécificités.

Cependant, il est unanimement reconnu que les parcs et flottes de nos armées sont particulièrement hétérogènes, que cela soit intra-armée ou a fortiori inter-armées. À titre d’exemple, pas moins de 17 types d’hélicoptères cohabitent actuellement au sein de nos trois armées (sept pour l’armée de terre, cinq pour l’armée de l’air et de l’espace, cinq pour la marine). De même, l’aviation de transport de la seule armée de l’air et de l’espace comprend une quinzaine de flottes.

Si l’absence de retrait de service de certaines flottes vieillissantes, pour des raisons essentiellement budgétaires, contribue certes à une telle diversité des parcs, il n’en est pas moins vrai que la volonté de chaque armée de disposer de flottes avec des spécifications propres participe à cette hétérogénéité.

Bien plus, pour un même équipement, il n’est pas rare que de multiples versions cohabitent. Le véhicule avant-blindé (VAB) de l’armée de terre ne compte pas moins de trente versions. Son successeur, le Griffon, développé dans le cadre du programme Scorpion, inclut lui six versions mais certaines versions ont elles-mêmes des « variantes ». Ainsi, la version transport de troupes du Griffon inclut huit variantes : FELIN, section tireur d’élite (STE), mortier de 81 mm (MO81), ravitaillement (RAV), élément léger d’intervention (ELI), génie (GEN), missile moyenne portée (MMP), en complément de la version Engin poste de commandement (EPC).

Certains programmes développés en coopération ne dérogent malheureusement pas à ce principe. Plusieurs personnes auditionnées ont ainsi cité l’exemple de l’hélicoptère NH 90, qui se décline en 23 variantes, soit plus que le nombre de pays clients.

Or, si ces spécifications répondent certainement à un besoin opérationnel, cette absence de standardisation des parcs et flottes s’avère préjudiciable pour augmenter les cadences de production. Cette diversité prive en effet de la possibilité de réaliser des économies d’échelle, chaque flotte obéissant à un processus de production au moins partiellement distinct. En outre, elle complexifie la politique de soutien et de maintenance des équipements, dès lors que les pièces de rechange diffèrent entre les équipements et que les processus de MCO obéissent à des règles distinctes.

L’accroissement de nos capacités de production exige par conséquent de simplifier l’expression des besoins de nos armées

  1. Systématiser les études de valeur le plus en amont possible

Le premier levier consiste à identifier, avant la réalisation d’un système d’armement, les spécifications qui sont les plus génératrices de coûts et de délais. Cette identification permettra ensuite de déterminer en toute connaissance de cause si ces augmentations de coûts et de délais sont justifiées au regard de l’utilité opérationnelle de ladite spécification.

Dans cette perspective, une personne auditionnée a cité l’exemple d’un missile dont le coût de production était significativement augmenté en raison d’une spécification exigeant qu’il soit apte à une température extraordinairement basse et en tout état de cause jamais expérimentée en opérations.

Or, cette analyse de détermination des coûts et délais résultant de certaines spécifications nécessite d’impliquer activement l’industriel le plus en amont possible, dans le cadre de la définition de la phase de spécifications. Seul l’industriel est en effet susceptible de traduire les spécifications demandées par les forces en contraintes de coût et de délais. Cela nécessite donc un dialogue transparent entre l’industriel, la DGA et les forces.

  1. Homogénéiser nos équipements

Le second levier susceptible d’être activé est de nature plus structurelle : il s’agit de favoriser la standardisation de nos équipements, aussi bien au niveau national qu’européen.

Au niveau national, une telle démarche de standardisation est certes d’ores et déjà en cours au sein de nos armées, notamment pour la flotte d’hélicoptères de nos armées.

Ainsi, l’hélicoptère HIL (hélicoptère interarmées léger), dérivé du H160 civil et destiné à la réalisation d’un large spectre de missions opérationnelles (renseignement, appui feux, lutte anti navire, protection, transport léger, soutien logistique léger, évacuation sanitaire, secours, appui au commandement et formation) permettra le remplacement de cinq flottes (Alouette III, Gazelle, Dauphin SP, Panther et Fennec) par une plate-forme unique, commune aux trois armées.

Le NH90 Caïman est également une plate-forme commune déclinée en deux versions principales en France, répondant aux besoins de la marine nationale et de l’armée de terre :

• la version marine, le NFH (NATO Frigate Helicopter), remplace les Lynx et Super Frelon retirés du service actif de la marine. Ses principales missions sont la protection de force navale avec des capacités de lutte anti-sous-marine et anti-navire à partir de frégates, le transport à partir de la terre ou de bâtiments, le service public, la sauvegarde et le sauvetage ;

• la version armée de terre, le TTH (Tactical Transport Helicopter), remplace progressivement les PUMA de l’armée de terre. Ses missions principales sont le transport tactique de matériel (jusqu’à deux tonnes et demi) et l’héliportage de quatorze à vingt commandos. Les missions secondaires sont l’appui feu, le parachutage, l’évacuation de blessés et l’appui au commandement (poste de commandement volant).

Dans le segment des missiles de combat terrestre, la gamme de missiles antichar MMP qui a remplacé le Milan, a été étendue en une version à portée accrue, à savoir les missiles MHT/Akeron LP qui sont destinés à équiper le Tigre Standard 3, l’Eurodrone, ou, le cas échéant, des véhicules terrestres.

Dans le segment de l’aviation de chasse, l’évolution vers le tout-Rafale, seul avion polyvalent et omnirôle, permettra de remplacer les flottes spécialisées de Mirage 2000D, 2000 5/C et 2000B.

Cette homogénéisation doit désormais être consolidée, notamment pour notre aviation de transport, avec le projet de futur cargo tactique médian, qui pourrait prendre la forme d’un futur A200M, complémentaire du A400M par exemple.

La standardisation des équipements doit être également encouragée au niveau européen, comme l’a évoqué le président de la République dans ses discours précités. La France est déjà un acteur clé des coopérations capacitaires européennes, ainsi que l’illustre le fait que l’ensemble des programmes à effet majeur (PEM) menés en coopération a représenté en 2021 un engagement de 5,2 milliard d’euros, soit 36 % des engagements de l’opération stratégique PEM du programme 146. Les instruments du fonds européen de défense (FED) ainsi que la pérennisation de l’instrument visant à renforcer l’industrie européenne de défense au moyen d’acquisitions conjointes (« EDIRPA ») permettront à terme d’augmenter une telle standardisation européenne.

Votre rapporteur estime toutefois que le FED comme l’EDIRPA doivent privilégier les véritables besoins capacitaires des armées européennes et non servir d’instrument au service de la concurrence au sein du marché européen de la défense, comme semble le suggérer la non sélection par le FED de MBDA dans le cadre du projet européen d’intercepteur endo-atmosphérique de missiles hypersoniques. En outre, la promotion d’une véritable standardisation des équipements militaires au niveau européen exigerait de revoir significativement à la hausse le financement de ces deux instruments.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les dispositifs européens de financement de l’industrie de la défense

-          Le fonds européen de défense (FEDef)

Le FEDef, successeur du PEDID et de l’APDR, couvre la période du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Le FEDEF est doté d’un budget total de 7,953 Md€ courants, dont un tiers pour la recherche (2,651 Md€ courants) et deux tiers pour le développement des capacités (5,302 Md€ courants). Il finance des projets de recherche compétitifs et collaboratifs et complète les investissements des États membres en cofinançant les coûts de développement des capacités de défense après la phase de recherche.

Pour le programme de travail du FEDef pour 2021, la Commission a présenté les résultats en juin 2022 : 61 projets ont été sélectionnés (sur 142 propositions de projets) pour un montant total de 1,167 Md€ (322 M€ pour les actions de recherche et 845 M€ pour les actions de développement).

L’industrie française est présente dans 47 projets sur 61 projets retenus et en coordonne 18. S’agissant des projets non-PME, sur 37 projets sélectionnés, 10 sont coordonnés par des entreprises françaises :

* les contre-mesures médicales, projet piloté par le CEA (50 M€) ;

* les plateformes stratosphérique HAPS, projet piloté par TAS (43 M€) ;

* les détecteurs infrarouges, projet piloté par Lynred (18 M€) ;

* la surveillance NAVWAR exploitant Galileo, projet piloté par FDC (25 M€) ;

* le combat collaboratif Air, projet piloté par Dassault (75 M€) ;

* les technologies cockpit pour le pilote, projet piloté par Thales AVS (75 M€) ;

* les technologies pour l’hélicoptère de nouvelle génération, projet piloté par Airbus

Helicopters (40 M€) ;

* l’amélioration des capacités BLOS, projet piloté par MBDA (25 M€) ;

* les technologies pour le soldat, projet piloté par Safran ED (40 M€) ;

* les technologies de capteurs quantiques, projet piloté par Thales (27 M€).

Pour le programme de travail du FEDef pour 2022, les appels à projets ont été publiés le 25 mai 2022 et les consortiums industriels auront jusqu’au 24 novembre 2022 pour y répondre. Au total, 33 appels à projets ont été publiés, pour un montant de 924 M€. La sélection des projets devrait être dévoilée par la Commission au premier semestre 2023.

-          Le mécanisme d’acquisition conjointe (EDIRPA)

La Commission européenne a présenté le 19 juillet 2022 un projet de règlement créant l’instrument d’urgence visant à renforcer l’industrie européenne de défense au moyen d’acquisitions conjointes ou « European Defence Industry Reinforcement through common Procurement Act » (« EDIRPA »).

Il permettra un financement de l’UE à hauteur de 500 millions d’euros sur la période 2022-2024. Il vise à renforcer l’industrie de défense européenne et à répondre à différents problèmes identifiés tels que le manque de coopération, la fragmentation de la BITDE et du « marché de la défense », le contexte actuel marqué par l’inflation et la hausse de la demande, et le besoin de montée en puissance des chaînes de production européennes en vue d’un passage à une « économie de guerre ». Il doit aider à reconstituer une partie des stocks, à la suite des cessions effectuées au profit des forces armées ukrainiennes. Concernant le calendrier de mise en œuvre de l’instrument, la Commission a indiqué souhaiter disposer d’un texte, validé au sein du groupe de travail « industrie de défense » (qui rassemble des représentants des États membres) en novembre 2022 pour débuter le trilogue Commission – Conseil – Parlement européen. Par ailleurs, la Commission devrait présenter une proposition de règlement début novembre 2022, créant l’instrument pérenne de soutien à l’acquisition conjointe (EDIP).

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur.

 

  1. Assouplir la conduite des opérations d’armement
  1. Des efforts déjà réalisés par la DGA, qui demandent à être consolidés

La réforme de la conduite des programmes d’armement est un des axes forts de la mise en place d’une « économie de guerre ». Les processus et pratiques mis en œuvre à ce titre ont en effet une influence directe sur les délais associés au développement et à la réalisation des équipements militaires.

La conduite des programmes d’armement a certes déjà été profondément remaniée dans le cadre de l’instruction ministérielle n° 1618 sur le déroulement des opérations d’armement en date du 15 février 2019 (instruction dite IMOA1618). Un guide d’application de cette instruction a en outre été conclu entre la DGA et le chef d’état-major des armées en février 2019.

Cette réforme vise notamment à promouvoir les principes suivants :

- le travail en plateau (DGA, états-majors voire industrie), avec notamment la rédaction d’un document unique de besoins, qui se substitue aux trois documents distincts précédents ;

- la promotion d’une démarche incrémentale, afin de livrer une première capacité au plus tôt, quand bien même celle-ci ne répondrait pas forcément à l’ensemble des besoins spécifiés, qui seront comblés lors du développement d’incréments ultérieurs ;

- l’optimisation des essais menés par l’industrie, la DGA et les forces, afin d’éviter des travaux trop séquentiels voire redondants.

Les premiers résultats de cette réforme semblent positifs. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, « un bilan a été réalisé au 2ème semestre 2021 montrant des gains calendaires notables, par exemple une durée d’essais ramenée de 13 à 6 mois sur le programme Barracuda. Les gains principaux sont cependant attendus sur la durée ».

Lors de son audition devant la commission, le délégué général pour l’armement de l’époque était revenu sur cette réforme de la conduite des programmes d’armement en ces termes : « Nous avons réalisé un effort significatif d’agilité en promouvant une démarche incrémentale dans la livraison de nos programmes à mesure de leur développement, afin d’y introduire les évolutions technologiques au fil de leur maturité. Tout cela a déjà permis des gains substantiels. J’ai cité la livraison du premier SNA de nouvelle génération Suffren. En 2020, malgré la crise de la Covid-19 et les consignes de sécurité sanitaire à respecter, nous avons réussi à diviser par deux la durée des essais après livraison par Naval Group, qui est passée de treize à six mois. De même, pour le Griffon, la durée des essais avant la livraison aux armées pour expérimentation a été divisée par deux, passant de trois à un an et demi, grâce à la numérisation des conceptions » ([22]).

 Si votre rapporteur salue les efforts effectués par la DGA, il ressort de ces travaux que plusieurs axes d’amélioration sont envisageables pour adapter la conduite des opérations d’armement à l’économie de guerre.

  1. Au stade des spécifications, davantage associer les industriels

Tout d’abord, il convient de pleinement appliquer l’ensemble des innovations contenues dans le cadre de l’instruction IMOA 1618 pour l’ensemble des opérations d’armement, notamment la création du plateau « DGA-Forces-Industries ».

De nombreux industriels ont en effet indiqué que cette instruction n’avait pas encore à ce stade véritablement modifié leur degré d’implication au titre de la phase de préparation des programmes. Comme il a déjà été indiqué, il paraît essentiel au rapporteur d’impliquer le(s) industriel(s) dès la phase de spécification, pour que les acteurs concernés soient en capacité d’appréhender les conséquences concrètes des spécifications demandées, en termes de coût et de délai.

Les industriels pourraient également être davantage mobilisés comme force de propositions au titre des spécifications auprès de la DGA et des forces armées, et pas seulement intervenir, comme aujourd’hui, en réaction à une expression des besoins fondée sur des spécifications d’ores et déjà précisées. Votre rapporteur tient à rappeler à ce titre que le canon Caesar ne résulte pas d’une expression de besoins par les forces, mais a d’abord été développé sur fonds propres par Nexter à des fins d’exportation, avant que le ministère des Armées ne se décide finalement à en faire l’acquisition. Les industriels à l’activité duale seraient en mesure notamment de proposer, davantage qu’ils ne le font aujourd’hui, les possibilités d’adaptation à des fins militaires de leurs investissements dans le domaine civil.

Il pourrait être à cet égard envisagé de recourir plus largement au processus dit « d’innovation ouverte », tel que développé notamment par l’agence de l’innovation de défense (AID). Dans le cadre de ce processus, l’armée ne fait qu’exprimer un besoin opérationnel, hors de toutes spécifications, et il revient aux acteurs du marché de proposer des produits susceptibles de répondre à ce besoin. L’industriel est ainsi libre de proposer les produits avec les spécifications qu’ils souhaitent, en ce compris l’adaptation de produits existants. À cet égard, l’achat sur étagères peut également être une option et ne doit pas constituer un tabou selon votre rapporteur : dès lors qu’un produit existe et qu’il répond aux besoins des armées, il parait non seulement légitime mais même opportun de l’acquérir.

Dans la même perspective, afin de gagner en agilité et dans le prolongement de ce qui est fait actuellement pour le « top 10 » désigné par le ministère, il pourrait être envisagé un dialogue entre la DGA et les industriels, sur chaque système d’armement, pour déterminer ce que les industriels seraient susceptibles de développer dans un délai donné, nonobstant le fait que le système d’armement ne réponde pas à l’ensemble des besoins.

Cette expression des besoins qui partirait d’un délai de production permettrait aux autorités d’opérer un arbitrage performance/ délai/ coût, en cas de crise, entre, d’une part, un équipement avec toutes ses spécifications mais dont la production prend plus de temps, et, d’autre part, un équipement développé en « mode dégradé », ne répondant pas à toutes les spécifications, mais livré aux forces plus rapidement.

  1. Au stade de la commande, développer de nouveaux modes de contractualisation

La cartographie des capacités de production d’un industriel dans un délai donné permettrait également de développer des modes de contractualisation avec ce dernier, qui intégreraient l’hypothèse d’une montée en cadence de la production en cas de nécessité.

Certes, certains marchés actuels passés par la DGA avec les entreprises de la BITD intègrent des modulations de production des équipements, mais celles-ci restent bien en-deçà de ce qui serait nécessaire en cas de conflit de haute intensité. Ainsi, les stipulations du marché d’acquisition relatives au missile moyenne portée (MMP) permettent, par notification anticipée et simultanée de plusieurs tranches optionnelles, une montée en cadence des livraisons France et export jusqu’à 50 missiles/mois, au lieu de 20 missiles/mois actuellement (seuil minimal). Or, dans le cadre d’un conflit de haute intensité, la livraison de 50 missiles MMP par mois serait naturellement bien trop faible.

Le contexte actuel implique par conséquent de revoir ces contrats à l’aune de l’« économie de guerre » afin d’y inclure, dans le cadre d’un dialogue exigeant avec l’industriel, un cadre contractuel spécifique à une hypothèse d’engagement majeur de nos forces armées. Ce cadre définirait notamment les attentes en termes de cadences de production dans une telle hypothèse, le délai laissé à l’industriel pour une telle montée en cadence, les moyens humains et matériels qui devront être mobilisés par l’industriel et les compensations, notamment financières, qui accompagneraient une telle exigence de montée en puissance et de modernisation de l’outil de production. Selon plusieurs personnes auditionnées, de telles clauses sont prévues dans les contrats d’acquisition d’armement aux États-Unis. Il convient par conséquent de s’inspirer de ce modèle.

La planification contractuelle de la montée en puissance de l’industriel en cas de conflit de haute intensité doit constituer, selon votre rapporteur, une priorité des travaux relatifs à l’économie de guerre. Seule l’anticipation permettra en effet de ne pas subir en cas de crise.

 Pour réduire les délais de passation des marchés, la DGA pourrait également davantage développer les modes de contractualisation dérogatoires. Au sein du ministère des Armées, le cadre de l’« urgence opérationnelle » permet d’assouplir les contraintes en matière de définition, d’approbation et de financement du besoin. Son pendant sur le plan de la passation des marchés est le régime de l’« urgence de crise », prévu à l’article R. 2322-3 du code la commande publique, qui permet des achats sans mise en concurrence. Deux conditions doivent cependant être réunies pour les marchés de défense ou de sécurité passés en urgence de crise : la crise et l’urgence.

En 2021, seuls deux contrats ont été passés dans le cadre de cette procédure d’urgence de crise qui est utilisée pour commander la plupart des prestations répondant aux urgences opérationnelles. En 2022, ce dispositif a notamment été mobilisé pour la commande de recomplètement des canons Caesar, ce qui a permis de conclure le marché dans un délai très rapide. L’adaptation à l’économie de guerre exige de davantage mobiliser cet outil. S’il s’avère que les conditions juridiques liées à l’« urgence de crise » sont trop restrictives pour permettre une utilisation plus conséquente de ce dispositif, il pourrait être envisagé d’assouplir les contraintes de ce texte, dans les limites naturellement de ce que permet le droit européen en la matière.

La DGA pourrait également recourir aux intentions de commande. Une intention de commande désigne une intention ferme de contracter, avec accord sur la chose et le prix, sans toutefois que l’ensemble des stipulations contractuelles soient arrêtées. Elle est en pratique, d’après les industriels auditionnés, peu utilisé par la DGA. Cette réticence de la DGA est du reste compréhensible : dès lors que l’intention de commande est passée, l’industriel sait qu’il a obtenu de toute façon le marché et est donc moins enclin à faire des concessions. L’équilibre des rapports de force dans la négociation sur les points restant en suspens est donc modifié au détriment de la DGA, qui n’a plus les mêmes leviers pour faire avancer ses intérêts dans la négociation.

Cependant, dès lors que la cadence de production devient une priorité, cet outil pourrait être davantage exploité par la DGA aux yeux de votre rapporteur, en ce qu’il permet un gain de temps notable. Grâce à cette intention de commande, l’industriel a en effet l’assurance que le marché sera bien conclu, quand bien même l’ensemble des spécifications contractuelles n’est pas encore arrêté. Cela lui permet donc de mobiliser, dès la réception de cette intention de commande, l’ensemble de sa chaîne de production, et notamment de lancer l’approvisionnement des composants à temps long. En conséquence, la finalisation de la négociation contractuelle peut se dérouler de façon concomitante avec le lancement de la phase de production.

  1. Au stade du développement, privilégier la démarche incrémentale

Au stade du développement, la systématisation de l’approche incrémentale doit être privilégiée dans toute la mesure du possible. Cette approche permet tout d’abord de livrer plus rapidement des équipements aux armées, quand bien même elles ne répondraient pas dans un premier temps à l’ensemble des spécifications. En outre, cette montée en puissance séquentielle favorise une appropriation progressive par les forces des nouveaux systèmes d’équipement. Enfin, la démarche incrémentale permet de tirer parti du retour d’expérience des forces sur le terrain, pour ajuster les développements ultérieurs. Cette capacité d’adaptation eu égard aux premiers retours d’expérience est essentielle, notamment pour les équipements les plus sophistiqués technologiquement tels que ceux issus du programme Scorpion. Il s’agit en effet de s’assurer que la technologie est maîtrisée par les forces et ajoute une réelle plus-value sur le terrain.

La démarche incrémentale apparaît ainsi comme une bonne réponse au débat actuel sur l’équilibre à trouver entre la masse, d’une part, et la technologie, d’autre part, en ce qu’elle permet de contrôler que les développements technologiques font l’objet d’une appropriation maîtrisée par les forces et correspondent aux besoins de ces dernières. Au final, l’approche incrémentale permet de gagner en agilité, de mieux maîtriser le processus de développement au niveau de l’industriel et d’optimiser l’appropriation de façon graduelle des équipements les plus technologiques par les forces.

  1. Au stade de la qualification, systématiser les essais en commun

S’agissant de la qualification des matériels, et malgré l’exemple de la réduction des essais du sous-marin nucléaire d’attaque, de nombreuses personnes auditionnées estiment que des marges de manœuvre existent pour gagner en rapidité et en agilité. Le système actuel n’est pas satisfaisant, non seulement en raison de la durée des essais du côté de la DGA, notamment dans le domaine de l’artillerie, mais également parce que la prise en charge systématique des essais par la DGA a tendance à déresponsabiliser les industriels.

Il convient donc d’éviter les duplications, en systématisant les essais communs DGA-industriels. Le périmètre des essais doit également être strictement délimité à la démonstration des spécifications requises par le contrat. En pratique, les essais de la DGA, d’après certaines personnes auditionnées, ont tendance à sortir de ce périmètre, notamment pour entretenir des compétences en interne, ce qui allonge nécessairement les délais.

Enfin, à tout le moins pour certains matériels, il pourrait être envisagé des mécanismes de délégation de qualification à l’industriel lui-même, sur l’exemple des pratiques de l’industrie aéronautique civile qui délivrent des agréments aux maîtres d’œuvre pour qualifier leur matériel (« design organisation approval »), ce qui permet d’éviter les processus de double qualification industriel-autorité étatique. Cette délégation de qualification serait naturellement couplée à un assouplissement de la responsabilité juridique de l’autorité technique qu’est la DGA.

  1. Adapter les normes
  1. Des normes venant du monde civil génératrices de coûts et de délais

Les personnes auditionnées ont de façon quasi unanime mis en exergue l’inflation normative et les contraintes entraînées par celle-ci sur le développement des programmes d’armement. Ces contraintes ont notamment pour cause l’imposition de normes venant du domaine civil, qui ne sont pas nécessairement adaptées aux équipements militaires.

Pour ne citer que certains exemples, est-il nécessaire d’exiger une certification de nature civile pour le parachutage militaire depuis un A400M ? Est-il utile que le drone tactique SDT Patroller, tant attendu par nos forces terrestres, soit le premier drone tactique au monde à être qualifié sous la norme dite « Stanag 4671 » ? De même, est-il opportun que l’Eurodrone soit certifié pour voler au-dessus de Francfort ? Dans un autre registre, est-il indispensable d’équiper le canon Caesar de la solution AdBlue, additif anti-pollution ?

Pour votre rapporteur, si l’imposition de telles normes civiles pouvait être encore débattue lorsqu’il s’agissait de profiter des « dividendes de la paix », ces contraintes auto-imposées sont aujourd’hui devenues un véritable frein pour la mise en place d’une économie de guerre.

L’imposition non justifiée de normes civiles génère en effet non seulement des délais supplémentaires – plus d’une année pour la certification de certains drones par exemple –, mais constitue également un facteur de coûts non négligeable.

À titre d’exemple, l’adaptation des missiles de la marine au règlement européen « Reach » (Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques), qui vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne, a coûté plus de 480 millions d’euros, comme l’a souligné un précédent rapport pour avis sur le budget de la marine : « selon l’amiral François Moreau, les normes européennes REACH, qui réglementent la composition chimique de certaines poudres et prohibent certains composants, ont contraint la marine à un programme de remotorisation des missiles Aster et Exocet. Selon l’amiral, ces remotorisations devraient coûter pour le BOP « marine » (BOP 178-021) 200 millions d’euros environ pour les Exocet et 280 millions d’euros environ pour les Aster. Pourtant, une exemption est prévue par le droit environnemental européen pour les activités de défense, mais les obligations réglementaires pesant sur les fournisseurs de MBDA, la chaîne industrielle n’a pas réussi à conserver une filière d’approvisionnement dérogatoire pour la défense » ([23]).

  1. Adapter les normes aux conditions d’emploi des matériels

Les travaux sur l’économie de guerre constituent donc une véritable opportunité pour changer de paradigme, en vue de mettre fin à cette inflation normative et réinterroger nos processus de qualification et de certification.

Cela nécessite tout d’abord de modifier notre culture du risque : nous devons passer du « zéro risque » à une approche fondée sur une maîtrise raisonnée du risque. Concrètement, ce principe doit nous conduire à réinterroger les contraintes imposées lors de la qualification du matériel à l’aune des conditions d’emploi dudit matériel.

À titre d’exemple, un missile emporté par un avion de chasse ne subit pas les mêmes conditions d’usure selon que l’aéronef est déployé pour des missions de police du ciel ou des missions de combat. Il serait donc logique que la qualification, qui décide qu’il faut remplacer le missile au terme d’un nombre d’heures de vol donné, tienne compte de ce contexte d’emploi.

C’est du reste ce dont avait convenu le délégué général pour l’armement de l’époque lors d’une audition au Sénat : « Les modes d'emploi des matériels doivent en effet être adaptés et élargis au fur et à mesure de leur utilisation, à l'aune d'avis techniques fournis aux armées. Un processus dit d'urgence technique a été créé en ce but, qui a déjà concerné notamment des obus, ainsi que les domaines d'emport des missiles Meteor et des missiles d'interception, de combat et d'autodéfense (MICA) » ([24]).

De même, il n’est peut-être pas nécessaire d’appliquer les mêmes exigences de sécurité à des munitions qui ont vocation à être consommées très rapidement dans le cadre d’un conflit qu’à des munitions qui seront stockées durant plusieurs années.

La nécessité de revoir un certain nombre de cadres normatifs pour les adapter aux conditions d’emploi des équipements par nos forces est enfin illustrée par la réglementation sur les drones.

La réglementation actuelle, telle qu’issue notamment de l’arrêté « drones » du 24 du décembre 2013([25]), impose que tout drone de plus de deux kilogrammes soit certifié dès lors qu’il est opéré en dehors de la portée visuelle de son téléopérateur. Cette exigence conduit à devoir appliquer un processus de certification complet pour des drones dont la mission ne les conduira à survoler aucune population, telles que par exemple les drones utilisés par la marine.

Ces exigences ne sont pas raisonnables et sont incompatibles avec l’impératif de simplification promue par l’économie de guerre. Votre rapporteur a été informé que des travaux sont en cours pour modifier cet arrêté. Il estime à ce titre que l’adaptation des exigences aux conditions d’emploi des drones doit constituer la boussole de cette réforme du cadre normatif.

  1. Revoir les règles de navigabilité

De façon plus générique, de nombreuses personnes auditionnées ont également dénoncé les contraintes subies par les aéronefs militaires en raison des règles dites de navigabilité. Cette réglementation, issue du monde civil, s’impose en effet à tout aéronef étatique sans distinction depuis un décret du 29 avril 2013, précisé ensuite par six arrêtés, dont le précédent arrêté cité pour les drones.

Cette réglementation est génératrice d’une grande complexité en ce qu’elle a été appliquée rétroactivement à des aéronefs qui n’étaient pas conçus initialement pour répondre à de telles exigences. Ainsi, un grand nombre de pièces d’aéronefs ne sont pas conformes aux exigences de la réglementation navigabilité : sur le seul Mirage 2000, le volume de pièces rendu inutilisable représente près de 215 000 pièces neuves. Cette immobilisation des stocks conduit à multiplier les prélèvements des pièces compatibles avec la réglementation navigabilité sur d’autres aéronefs, ce qui affecte au final la disponibilité globale des avions.

Cet exemple est symptomatique des contraintes que nous nous sommes auto-imposées, et ce pour une faible valeur ajoutée : il y a en effet fort à parier que le Mirage 2000 volerait dans des conditions de sécurité appropriées avec ses 215 000 pièces non reconnues par la nouvelle réglementation.

Là encore, il est nécessaire que les exigences liées à l’économie de guerre soient pleinement intégrées dans les travaux en cours pour réformer la réglementation relative à la navigabilité. Un axe majeur de cette réforme serait de conférer davantage d’autonomie aux autorités d’emploi, à savoir les forces armées, pour décider si un aéronef est apte au vol, nonobstant le fait que certains éléments conformes dudit aéronef ne soient pas strictement conformes aux exigences de la réglementation.

III.   Axe n° 2 : Sécuriser, pour renforcer notre autonomie stratégique

  1. Sécuriser nos approvisionnements

Si le grand public connaît principalement les grands maîtres d’œuvre de la BITD, il convient de ne pas oublier que 30 à 70 % du processus de production des équipements, selon les programmes, est effectué par les sous-traitants de ces derniers.

En outre, l’activité des sous-traitants se place généralement au début du processus de production, le maître d’œuvre ayant souvent un rôle d’intégrateur. Il en résulte que le maître d’œuvre est dépendant des sous-traitants pour pouvoir lui-même avancer dans la production de l’équipement. À titre d’exemple, sur les deux ans de fabrication des radars qui équipent le Rafale, la première année de production est entièrement effectuée chez les sous-traitants de Thales. Pour augmenter la cadence de production, c’est donc toute la chaîne de production et pas uniquement les grands maîtres d’œuvre qu’il est nécessaire de mobiliser.

Or, la réactivité et la résilience de l’ensemble de cette chaîne de production dépendent notamment de la sécurisation des approvisionnements, ainsi que le rappelle le conflit actuel en Ukraine. Les conséquences de ce conflit, couplées à la désorganisation des chaînes logistiques résultant de la crise sanitaire, provoquent actuellement des difficultés d’approvisionnement de certains intrants dans le processus de production (matières premières, composants, énergie). Cela se traduit concrètement par l’allongement des délais d’approvisionnement, la raréfaction voire la pénurie de certains composants, notamment les composants électroniques, et la grande volatilité des prix de ces intrants.

Les difficultés actuelles d’approvisionnement, qui sont d’ores et déjà susceptibles d’entraîner le décalage des livraisons de certains programmes, seraient naturellement démultipliées dans l’hypothèse d’un engagement majeur de notre pays contre un compétiteur stratégique. Ces problématiques d’approvisionnement pourraient ainsi obérer la capacité de nos industries à monter en puissance pour répondre aux besoins d’équipements de nos forces armées.

L’adaptation de la BITD à l’économie de guerre commande par conséquent d’étudier les modalités de sécurisation des approvisionnements de notre BITD.

Cela requiert tout d’abord d’établir une cartographie précise de nos sources d’approvisionnement, non seulement au niveau des grands maîtres d’œuvre, mais aussi de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance. L’objectif d’un tel travail serait d’identifier les principaux points de vulnérabilité de nos approvisionnements.

La DGA assure certes un suivi permanent d’environ 1200 entreprises, sous-traitants les plus stratégiques de la BITD. Cependant, ce suivi a pour finalité de s’assurer de la pérennité de ces entreprises et n’est pas focalisé sur les problématiques d’approvisionnement. Sur la centaine d’agents qui suivent ces 1 200 entreprises, certains pourraient être dédiés à l’identification des principales vulnérabilités d’approvisionnement dans le cadre des travaux sur l’économie de guerre.

Parallèlement, votre rapporteur estime qu’il est nécessaire d’accélérer la mise en place de l’observatoire des ressources minérales (OFREMI), dans le prolongement du rapport Varin sur la sécurisation de l’approvisionnement de l’industrie en matière premières minérale. La nomination d’un délégué interministériel à la sécurisation de l'approvisionnement en métaux stratégiques, annoncé par le Gouvernement en janvier 2022, serait également un signe fort de la mobilisation de l’État à ce sujet.

Au niveau industriel, la sécurisation des approvisionnements de la BITD passe également par le recours plus systématique à plusieurs fournisseurs (« dual sourcing »). Une telle diversification des sources d’approvisionnement permettrait en effet d’accroître la résilience de nos chaînes de production en cas de crise. La DGA pourrait à cet égard soutenir les entreprises de défense aux fins de les aider à identifier les alternatives d’approvisionnement existantes.

À ce titre, le fait de ne pas avoir des composants trop spécifiques au sein des systèmes d’armes permet de faire appel à des fournisseurs issus de l’industrie civile et par conséquent d’élargir considérablement les sources d’approvisionnement. Le marché de l’industrie militaire reste en effet un marché de niche. Les conséquences en matière d’approvisionnement du choix de tels composants devraient donc être partie intégrante des réflexions et des arbitrages effectués dans le cadre de la phase de spécifications des équipements.

Enfin, au niveau contractuel, il paraît important de prévoir dans les contrats d’acquisition conclus entre la DGA et l’industriel les modalités de sécurisation des approvisionnements nécessaires à la production du système d’armes concerné. Il s’agit notamment de s’assurer que l’industriel a mis en place les dispositions nécessaires en termes de diversification des sources d’approvisionnent pour être en mesure de faire face à une rupture d’approvisionnement d’un sous-traitant ou d’un fournisseur pour les matières et composants les plus critiques. Le fait de contractualiser ces engagements aux fins de sécuriser la chaîne d’approvisionnement de l’industriel en ce sens permettra non seulement de responsabiliser l’industriel mais également de faciliter pour la DGA le respect du contrôle de tels engagements de diversification.

  1. Réduire nos dépendances

La sécurisation des chaînes d’approvisionnement de nos industries de défense exige également de réduire nos dépendances, notamment à l’égard de nos compétiteurs. Outre la problématique énergétique liée aux importations de gaz et de pétrole, la guerre en Ukraine a par exemple mis en lumière la dépendance de notre industrie aéronautique au titane russe.

La sécurisation des chaînes d’approvisionnement exigée par l’économie de guerre commande ainsi d’entamer un processus de réduction de nos principales dépendances à l’égard de certains pays étrangers. À cet égard, il peut être distingué plusieurs leviers d’actions complémentaires pour renforcer notre autonomie et réduire nos dépendances pour les matériaux les plus critiques.

Il convient, d’une part, comme cela a été proposé par le ministre des Armées, de mettre en place un « agenda de relocalisation » de certaines filières essentielles pour notre outil de défense. L’exemple de la filière des poudres a ainsi été citée en exemple par un grand nombre de personnes auditionnées. La France n’a aujourd’hui plus de filière « poudre ». Les industriels sont contraints de s’approvisionner en Allemagne. Or, le contexte actuel se traduit par un accroissement de demandes, ce qui engendre des tensions sur l’approvisionnement. Il est évident au surplus que dans un contexte de conflit majeur, la poudre produite en Allemagne sera livrée en priorité aux forces armées allemandes elles-mêmes. La recréation d’une véritable filière « poudre » en France doit donc constituer une priorité pour notre politique de défense.

La réduction de notre dépendance appelle également une mobilisation des industriels et des pouvoirs publics pour préserver certaines compétences en France lorsqu’elles existent. Votre rapporteur salue à cet égard le rachat d’Auber & Duval par un consortium mené par Safran et Airbus. Ce métallurgiste joue un rôle essentiel auprès de nos industries défense et la mise en œuvre d’un ambitieux plan de modernisation de cette société est salutaire. Votre rapporteur estime également que la restructuration de certaines filières, sous forme par exemple de consolidation d’entreprise, peuvent s’avérer utile, tant la BITD est caractérisée par une forte fragmentation de son tissu industriel.

S’agissant des dépendances plus structurelles, qui touchent l’ensemble de l’industrie nationale voire européenne, seule une action coordonnée au niveau européen est viable.

La réduction de notre dépendance à l’égard de l’Asie au sujet des micro-processeurs constitue par exemple un enjeu stratégique majeur. La commission européenne a annoncé un « paquet législatif » (« Chips Act ») en février 2022 sur les semi-conducteurs, qui a pour ambition de doubler la part de marché actuelle de l’UE pour la porter à 20 % d'ici à 2030.

L’investissement à hauteur de 42 milliards d’euros prévu par l’Union européenne doit cependant être relativisé au regard du plan de soutien de 280 milliards de dollars voté par le Congrès américain 27 juillet 2022 en faveur de son industrie des microprocesseurs.

Dans la même perspective, la préparation en cours d’une proposition législative sur les matières premières critiques (« Raw Material Act »), ainsi que le plan d’action « RePowerEU » adopté par la commission européenne pour réduire notre dépendance énergétique à l’égard de la Russie, sont de nature à favoriser l’autonomie stratégique européenne et par conséquent la résilience de notre industrie de défense.

  1. Passer d’une logique de flux à une logique de stocks

Tout d’abord, l’exigence de disposer de stocks adéquats s’applique naturellement en premier lieu à nos forces armées. Tel est l’objectif de l’effort budgétaire significatif prévu dans le projet de loi de finances 2023 sur le recomplètement des stocks de munitions et de missiles. Votre rapporteur ayant déjà évoqué ce point dans la première partie de son rapport, il n’y a pas lieu d’y revenir si ce n’est pour préciser le point suivant : le niveau adéquat des stocks dépend également de la cadence de production de notre industrie. En effet, il n’est pas nécessaire de disposer de stocks de munitions dans les mêmes quantités selon que l’industriel est capable de recompléter ceux-ci en trois mois ou en neuf mois. Le bon dimensionnement des stocks dépend donc aussi de la capacité de production des industriels. Si l’existence d’un stock initial est toujours nécessaire pour les premières phases d’un conflit, l’objectif des réflexions en cours sur l’économie de guerre est précisément de renforcer la capacité à régénérer ces stocks le plus rapidement possible.

S’agissant de l’industrie de la défense, celle-ci fonctionne depuis la fin de la guerre froide dans une logique de flux, à l’instar de l’ensemble de l’industrie du reste, aux fins notamment d’optimiser les marges. Or, un tel mode de fonctionnement réduit les capacités de résilience et de réactivité de l’outil de production et n’est plus compatible avec les exigences portées par l’économie de guerre. La détermination des modalités de constitution de stocks doit par conséquent s’affirmer comme une priorité des réflexions en cours sur l’économie de guerre.

Il convient cependant de distinguer deux types de stocks, qui obéissent à des logiques différentes : d’une part, les stocks de matières premières ou de composants génériques et, d’autre part, les stocks de composants ou de produits semi-finis, qui sont spécifiques à un système d’armes donné.

S’agissant des matières premières ou des composants critiques génériques, ils présentent deux caractéristiques principales : d’une part, ils sont souvent nécessaires à l’ensemble des industries de défense d’un même secteur ; d’autre part, ils sont également utilisés pour l’activité civile, dans le cas d’une entreprise duale. Ces deux caractéristiques permettent d’envisager la mutualisation de ces stocks stratégiques en commun par des entreprises de défense, et ce indépendamment même de toute visibilité sur les commandes de systèmes d’armes, puisque ces matières premières et composants peuvent également servir pour la production d’équipements civils. À ce titre, la mise en commun par des industries de la BITD de stocks d’acier ou de titane ou d’autres métaux critiques pourrait être une piste à explorer.

Concernant les composants de base ou produits semi-finis spécifiques à un système d’armes en particulier, la constitution de stocks est certes tout aussi nécessaire pour assurer, d’une part, la continuité durable de la production en cas de rupture d’approvisionnement et, d’autre part, la montée rapide en cadence de production, mais elle ne peut être que la contrepartie d’une visibilité donnée à l’industriel.

En effet, le stock de composants ou produits semi-finis, notamment ceux à délai d’approvisionnement long ou complexe, est susceptible de permettre à l’industriel d’augmenter sa cadence de production de façon significative. L’exemple emblématique est constitué par les ébauchés de canon Caesar, qui représentent une faible proportion du coût total de production, mais une part importante dans le délai global de production de ce système d’armes. La commande en avance de phase de tels ébauchés en vue de leur stockage permet donc d’augmenter de façon significative la cadence de production. Le même constat s’applique aux stocks de miroirs par exemple pour les systèmes optroniques.

Cependant, aux fins de constituer de tels stocks, qui sont spécifiques au système d’arme concerné, les industriels exigent de la visibilité sur les commandes de l’État. Aux yeux du rapporteur, cette demande est parfaitement légitime pour les industriels qui exportent peu ou pas du tout : les industriels peuvent difficilement constituer des stocks, qui réduisent leur trésorerie, sans être assuré que la majeure partie de ces stocks serviront à terme au processus de production. Cette condition liée à la visibilité des commandes d’État paraît en revanche moins légitime pour les industriels dont le carnet de commandes est assuré grâce à leur succès à l’exportation.

Quoi qu’il en soit, il ressort des travaux du rapporteur que la problématique de la visibilité et de la continuité des commandes constitue un enjeu majeur pour ces derniers, notamment en vue de leur permettre de constituer des stocks. La quasi-totalité des industriels auditionnés se plaignent en effet non seulement d’un manque de visibilité sur les commandes, mais également du caractère irrégulier de ces dernières. Cette absence de continuité des commandes entraîne sur certains équipements des ruptures de production et, consécutivement, des pertes de compétence. En outre, la relance de la chaîne de productions, en cas de nouvelles commandes, prend nécessairement un certain délai.

Un tel constat peut sembler surprenant dès lors que la loi de programmation militaire a précisément pour objectif d’inscrire les objectifs d’équipements et la conduite de programmes y afférent dans la durée, notamment à travers l’Ambition 2030. Il est exact cependant que l’absence de respect dans le passé par les autorités politiques de la programmation militaire a pu rendre prudents les industriels. Par ailleurs, de nombreux marchés sont conclus par tranches conditionnelles, de sorte que tant que la tranche n’est pas affermie, les industriels estiment qu’ils ne peuvent pas mobiliser leur chaine de production, faute d’assurance sur la poursuite du contrat.

Il convient donc de réfléchir à de nouvelles modalités contractuelles susceptibles d’accroître la visibilité donnée à l’industriel sur les commandes à venir. Votre rapporteur a déjà évoqué l’idée de développer les « intentions de commande » de la part de la DGA.

Une autre piste, actuellement en cours de réflexion, serait de recourir à des « commandes globales anticipées ». Cette piste de réflexion est mentionnée en ces termes dans une réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur : « Dans le cadre des travaux sur l’économie de guerre, il est actuellement étudié la possibilité de recourir à la mise en place de commandes globales anticipées de stocks stratégiques de semi-produits, composants ou matières premières prévus en LPM, tout en gardant le calendrier de livraison prévu initialement. Ces commandes permettaient à l’industrie de créer des stocks stratégiques au plus près des chaînes de production, avec la possibilité garantie par l’industrie d’avancer (ou de reculer, dans le cas d’un ralentissement de l’effort de guerre) les calendriers de livraisons de ces équipements sur décision de l’État. Ces commandes globales offrent également un cadre souple de négociation des flux de paiement et évitent à l’État de réceptionner et de maintenir en condition ces stocks. Le cas échéant, ces commandes globales permettraient également de disposer rapidement de matériels sur des chaînes de production France qui pourraient être prélevés au profit de l’export ». Votre rapporteur soutient une telle orientation, qui répondrait à cette exigence de visibilité des industriels, tout en préservant une certaine flexibilité pour l’État.

  1. Consolider nos exportations

Aux yeux du rapporteur, la promotion de l’économie de guerre n’est pas antagoniste avec la consolidation et la poursuite de nos exportations, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, en l’absence de commande nationale suffisante, l’export est une condition nécessaire pour maintenir la chaîne de productions et les compétences afférentes, ainsi que l’illustre le rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement au sujet du Rafale : « Par exemple, dans le cas du Rafale, la chaîne de production ne peut être viable qu’avec un minimum d’avions produits par an. Le calendrier de renouvellement des flottes de l’armée de l’Air et de l’Espace et de la Marine nationale était incompatible avec cette cadence. C’est ainsi que les commandes export ont permis de maintenir les chaînes de production de l’industriel » ([26]). Les chaînes de production du canon Ceasar ou encore du missile Mistral n’ont également pu se maintenir que grâce aux exportations.

L’export contribue également à accélérer le développement de nouvelles capacités, ainsi que le relève à nouveau le rapport sur les exportations à propos des équipements du Rafale : « Ainsi par exemple, le Qatar a été le premier client du Rafale à décider d’équiper ses appareils d’un viseur de casque. Pour la France, cette capacité est prévue dans le standard F4. Le fournisseur industriel de l’équipement sera différent, mais l’avionneur a acquis une expérience dans l’intégration d’un tel équipement, ce qui permettra de réduire les risques techniques et financiers » ([27]).

Enfin et surtout, l’export permet à l’industriel d’assurer une cadence de production qui pourra être mobilisée au bénéfice de nos forces en cas de besoin. Toujours pour prendre l’exemple du Rafale, la cadence de production de l’aéronef chez Dassault est passé d’un avion par mois en 2020 à près de trois par mois en raison des succès rencontrés à l’exportation. Une telle montée en cadence mobilise l’ensemble de la chaîne de production, en ce compris naturellement Thales qui fournit de nombreux équipements du Rafale. Inversement, la montée en cadence de la BITD dans le cadre de l’économie de guerre pourrait également être un facteur d’attractivité à l’export.

BILAN DES EXPORTATIONS DE LA BITD EN 2021

Le montant des livraisons effectuées en 2021 au titre des contrats d’exportation conclus antérieurement a atteint 11 milliards d’euros, contre 4,3 Md€ en 2020. L’allègement des mesures restrictives liées à la pandémie de Covid-19 au niveau mondial et la livraison de matériels commandés les années précédentes expliquent ce montant. Parmi les principales livraisons effectuées en 2021, figurent la livraison des avions de combat Rafale en Inde et au Qatar, ainsi que celle d’hélicoptères Caracal au Koweït et Cougar à l’Arabie Saoudite. En 2021, les prises de commandes des entreprises françaises à l’exportation ont atteint 11,7 Md€, soit plus du double de l’année précédente. Grâce à la forte mobilisation de l’équipe France et à ses efforts soutenus pendant la crise sanitaire, la France enregistre ainsi son 3e plus haut niveau en matière d’exportation d’armement, après les années exceptionnelles que furent 2015 et 2016. Ce bilan permet à la France d’asseoir encore davantage sa position parmi les trois premiers exportateurs mondiaux. Cette réussite repose, entre autres, sur plusieurs contrats emblématiques :

• la vente de 6 avions Rafale neufs et de 12 Rafale d’occasion à la Grèce, premier succès européen, et première vente d’occasion pour cet appareil ;

• la nouvelle commande de 30 avions Rafale pour l’Égypte ;

• la vente de 12 avions Rafale d’occasion pour la Croatie ;

• la vente de systèmes d’artillerie CAESAR en République tchèque ;

• un ensemble de contrats regroupant notamment 10 hélicoptères H145M, des radars, des systèmes de défense sol air et des stations radio à la Serbie.

En outre, plusieurs résultats notables ont également été enregistrés au premier semestre 2022 :

• notification d’un marché pour l’acquisition de 9 systèmes d’artillerie de type CAESAR pour le

compte de la Belgique dans le cadre de CaMo ;

• l’acquisition de 80 avions Rafale par les EAU ;

• l’acquisition de 6 avions Rafale supplémentaires et de 3 frégates FDI par la Grèce ;

• l’acquisition de 12 hélicoptères Caracal par les Émirats Arabes Unis ;

• l’acquisition de 42 avions Rafale par l’Indonésie, qui sera pleinement confirmée lors de l’entrée en vigueur des contrats afférents, à l’issue du processus administratif indonésien.

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur.

IV.   Axe n° 3 : Résister, pour ne pas subir en cas de crise

  1. Mobiliser les ressources humaines

Alors même que, comme l’a indiqué votre rapporteur, les entreprises de la BITD connaissent actuellement des difficultés de recrutement, il est cependant crucial de planifier les modalités d’une mobilisation accrue de ressources humaines en faveur de la BITD, en cas de nécessité. Un accroissement de ressources humaines est en effet nécessaire pour augmenter les cadences de production de façon significative et /ou étendre le périmètre de production.

Ce travail d’anticipation, qui est actuellement en cours, exige notamment de définir les ressources humaines supplémentaires nécessaires (nombre, qualité, compétence, bassin d’emploi), les entreprises prioritaires, ainsi que le cadre juridique et opérationnel le plus adapté pour une telle mobilisation.

Cependant, quel que soit le cadre juridique et opérationnel adopté, votre rapporteur estime qu’une telle mobilisation de ressources humaines en cas de crise ne pourra être un succès que s’il y a une acculturation au préalable de ces personnes au sein des industries de défense. C’est la raison pour laquelle le rapport soutient la proposition du président-directeur général de Nexter, Nicolas Chamussy, de créer une véritable « réserve industrielle ».

Cette possibilité d’effectuer sa réserve au sein des industries de défense permettrait à ces personnes de se familiariser avec les outils de production et par conséquent d’être plus vite opérationnelles en cas de mobilisation à l’occasion d’une crise. Une telle initiative aurait en outre le mérite de mieux faire connaître le monde de l’industrie de défense au public et de lutter contre le déficit d’image de la BITD. Ce dispositif de « réserve industrielle » pourrait de surcroît s’inscrire dans le cadre plus général de la montée en puissance des réserves militaires, avec l’objectif du Gouvernement de doubler le nombre de réservistes au sein de nos armées. Enfin, il convient de relever que cette réserve industrielle pourrait être instituée à droit constant, selon l’analyse de la direction des affaires juridiques du ministère des Armées transmise au rapporteur ([28]).

Une autre piste envisageable pour mobiliser davantage les ressources humaines en cas de crise est de développer le prêt de main-d’œuvre entre industries. Un tel dispositif serait naturellement d’autant plus efficace si les industries concernées par ces prêts ont des activités équivalentes ou à tout le moins mobilisent des compétences et des qualifications semblables. Comme l’a rappelé une personne auditionnée, l’industrie de défense repose sur des compétences dont l’acquisition est longue : il faut plus de cinq ans de formation pour qu’un chaudronnier dans l’aéronautique soit pleinement opérationnel. En outre, le prêt de main-d’œuvre serait plus aisé si les entreprises cohabitent au sein d’un même bassin d’emploi.

Enfin, pour les entreprises duales, il pourrait être créé un dispositif visant à déployer des effectifs dédiés aux activités civiles au profit de l’activité militaire.

  1. Réquisitionner les ressources matérielles

L’économie de guerre repose également sur notre capacité à mobiliser les ressources matérielles adéquates en cas de crise. Le cadre juridique existant prévoit d’ores et déjà un certain nombre de mécanismes dérogatoires permettant une telle montée en puissance, grâce aux régimes de la mobilisation, de la mise en garde et des réquisitions.

Le régime juridique actuel souffre cependant de plusieurs lacunes. Tout d’abord, l’activation de ces régimes est conditionnée à l’existence d’une menace actuelle. Les dispositions actuelles ne couvrent donc pas de manière certaine, d’une part, les menaces prévisibles et, d’autre part, les situations d’urgence pour les intérêts de la défense nationale, indépendamment de toute menace sur le pays.

En outre, il n’existe pas à ce jour de dispositions prévoyant la constitution de stocks stratégiques de matériels ou de composants liés au secteur de la défense, ni de mécanisme de priorisation en l’absence de menace.

Au regard de ces lacunes, les principales pistes susceptibles d’être étudiées pour adapter le régime juridique existant aux exigences de l’économie de guerre sont les suivantes :

-         la capacité à activer des régimes de réquisition en vue d’assurer des missions urgentes et ponctuelles propres aux besoins de défense (à l’instar des réquisitions préfectorales) ;

-         la création de dispositions permettant d’imposer aux industriels de défense des objectifs de production et de stockage des matières ou composants d’intérêt stratégique couvrant des besoins futurs en cas de crise ;

-         un système de priorisation des commandes, de sorte que les contrats conclus entre le ministère des Armées et les opérateurs économiques soient honorés et exécutés avant tout autre contrat qui lierait l’entreprise concernée avec toute autre entité. Cette obligation pèserait sur toute entreprise titulaire d’un marché de défense ou de sécurité, ainsi qu’aux sous-contractants de tout niveau.

 

De telles évolutions seraient à même de renforcer les capacités des autorités à mobiliser les ressources nécessaires en cas de situation de « contestation », afin de ne plus attendre une situation d’« affrontement» pour monter en puissance.

dispositifs JURIDIQUES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE activÉs en cas de « menace »

La mobilisation et la mise en garde :

Aux termes de l’article L. 2141-1 du code de la défense : « La mobilisation générale met en œuvre l'ensemble des mesures de défense déjà préparées. / La mise en garde consiste en certaines mesures propres à assurer la liberté d'action du Gouvernement, à diminuer la vulnérabilité des populations ou des équipements principaux et à garantir la sécurité des opérations de mobilisation ou de mise en œuvre des forces armées et formations rattachées. »

L’article L. 2141-3 prévoit que les décrets en conseil des ministres portant déclenchement de ces mesures ont pour effet « dans le cadre des lois existantes, la mise en vigueur immédiate de dispositions qu'il appartient au Gouvernement de préparer et d'adapter à tout moment aux nécessités de la défense. / Ils ouvrent dans tous les cas au profit du Gouvernement, dans les conditions et sous les pénalités prévues par le livre II de la présente partie, relatif aux réquisitions : / 1° Le droit de requérir les personnes, les biens et les services ; / 2° Le droit de soumettre à contrôle et à répartition, les ressources en énergie, matières premières, produits industriels et produits nécessaires au ravitaillement et, à cet effet, d'imposer aux personnes physiques ou morales en leurs biens, les sujétions indispensables. »

L’article L. 1111-2 précise que ces décrets en conseil des ministres peuvent être pris en cas en cas de menace.

Les réquisitions :

Le régime des réquisitions est prévu dans le livre II de la partie 2 du code de la défense. Il existe deux régimes distincts de réquisition :

-          les réquisitions militaires qui ont pour objet principal l’approvisionnement des forces armées et formations rattachées ;

-          les réquisitions pour les besoins généraux de la Nation qui permettent de requérir les prestations nécessaires pour assurer les besoins de la défense en cas de menace.

Les réquisitions militaires sont ouvertes en cas de mobilisation générale ou partielle.

Les réquisitions militaires pour les besoins de la marine nationale et de l’armée de l’air peuvent toutefois être effectuées en tout temps et en tout lieu (article L. 2221-3). Cependant, elles sont limitées, hors le cas de mobilisation, à certaines prestations, qui concernent l’approvisionnement (logement, vivres, chauffage, moyens de transport et leurs accessoires, matériaux et outils).

Le régime des réquisitions pour les besoins fondamentaux de la Nation a été conçu pour réquisitionner « les prestations nécessaires pour assurer les besoins de la défense » et suppose, pour sa mise en œuvre, une menace au sens de l’article L. 1111-2 du code de la défense constatée par l’adoption préalable en conseil des ministres : soit d’un décret décidant la mobilisation générale ou la mise en garde (articles L. 2211-1, L. 2141-2 et L. 2141-3 du code de la défense), soit d’un décret ouvrant droit à réquisition sur le fondement des dispositions combinées des deux derniers alinéas de l’article L. 1111-2 et de l’article L. 2141-3 du code de la défense.

Source : direction des affaires juridiques du ministère des Armées.

  1. Régénérer nos équipements

Le thème du maintien en condition opérationnel (MCO) est pour l’heure relativement absent des débats sur l’économie de guerre, alors même qu’il s’agit, aux yeux de votre rapporteur, d’une dimension fondamentale de cette économie de guerre.

En effet, en période de guerre, il ne faut pas seulement produire plus vite, mais également réparer plus vite. L’économie de guerre ne doit donc pas uniquement reposer sur l’acquisition accélérée de nouveaux équipements, mais aussi sur la capacité à régénérer rapidement du matériel et des équipements endommagés. Or, une telle capacité dépend de l’efficacité de notre stratégie de MCO.

Les travaux en cours sur l’économie de guerre doivent donc être l’occasion de mener une véritable réflexion sur les enjeux du MCO en cas de crise ou d’engagement majeur de nos forces.

Votre rapporteur se félicite dans cette perspective que l’exercice de haute intensité Orion, qui sera mené en 2023, prévoit une intégration accrue de l’ensemble des acteurs du MCO (unités de maintenance, industriels). Cette participation permettra certainement aux états-majors de tirer certaines leçons sur les implications pour le MCO propre à ce type de conflits.

Alors que le maintien en condition opérationnelle de nos équipements a été en partie externalisé aux industriels, dans le cadre de la politique de verticalisation des contrats, votre rapporteur tient à alerter sur le fait qu’il est nécessaire de garder des compétences sur l’ensemble du spectre de la maintenance au sein de nos forces armées. Ce sont en effet les mécaniciens de nos armées, et non les industriels, qui seront mobilisés sur le théâtre d’un conflit pour réparer les dommages de guerre.

En outre, votre rapporteur estime important de définir d’ores et déjà dans les contrats conclus avec les maîtres d’œuvre industriels en charge de la maintenance les modalités de leur concours en cas de crise, afin que ces derniers puissent anticiper le redimensionnement de leur outil industriel. Par exemple, la nécessité en cas de conflit de disposer d’un grand nombre de pièces de rechange milite pour la constitution de stocks de pièces. La constitution progressive de tels stocks de pièces pourrait être planifiée contractuellement en fonction du degré de menace par exemple. L’agencement des plans d’entretien, qui seraient nécessairement réduits en cas de conflit, pourrait également être utilement prévu contractuellement.

Quelles que soient les modalités retenues, il semble au rapporteur nécessaire d’anticiper le plus en amont possible la montée en puissance qui serait exigée de l’industriel en charge de la maintenance, de la même façon qu’une telle anticipation est nécessaire pour l’industriel en charge de la production de l’équipement.

 

 

 

 

 

 

 

 

   Travaux de la commission

  1. Audition de M. Emmanuel Chiva,
    délégué général pour l’armement

La commission a entendu M. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du mardi 11 octobre 2022.

 

Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/KHlvyd

 

 


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  1. Examen des crédits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Mounir Belhamiti, les crédits inscrits au programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » pour 2023, au cours de sa réunion du 19 octobre 2022.

 

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M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, des Rafale équipés de missiles Meteor et Mica, appuyés par des avions ravitailleurs Phénix A330-MRTT, décollaient de la base de Mont-de-Marsan pour des missions de police du ciel en Pologne. Les avions A400M transportaient matériel et munitions en Roumanie pour le bataillon Aigle. Dans le même temps, le groupe aéronaval, composé notamment du porte-avions, des frégates multimissions (Fremm), de frégates à capacité aérienne renforcée et d’avions de patrouille maritime, croisait en Méditerranée. Parallèlement, sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) de la force océanique stratégique et aéronefs des forces aériennes stratégiques (FAS) assuraient la posture permanente de dissuasion nucléaire. Enfin, à quelques milliers de kilomètres de là, en bande sahélo-saharienne, les véhicules blindés du programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) continuaient leurs actions pour lutter contre les groupes armés terroristes.

Tous ces équipements qui permettent à nos forces armées d’assurer leurs missions au quotidien ont été financés par le programme 146. Il s’inscrit dans le cadre d’une loi de programmation militaire respectée à l’euro près depuis 2019, fait inédit – on ne le rappellera jamais assez – depuis des décennies. Ce texte avait été adopté dans un esprit de coopération transpartisane entre la majorité de notre Assemblée et celle du Sénat, il y a quatre ans. Je ne doute pas que le même esprit animera aujourd’hui ceux qui ont contribué hier à définir ce cap pour notre défense.

La modernisation des équipements de nos forces armées est au cœur de l’ambition de la LPM : depuis 2017, les crédits du programme sont passés de 10 à 15,4 milliards d’euros, soit l’équivalent des crédits alloués à l’ensemble de la mission Sécurités. Au total, le programme représente plus de 35 % des crédits de la mission Défense.

Le budget que nous examinons poursuit et accélère le renouvellement de l’ensemble de notre spectre capacitaire. Il contribue au renouvellement de nos capacités de dissuasion, grâce aux travaux en cours sur les futurs missiles nucléaires ou le sous-marin nucléaire de troisième génération. Il renforce nos capacités de combat, avec, pour 2023, la commande de quarante-deux nouveaux Rafale, la création d’une brigade interarmes Scorpion d’ici à la fin de l’année, la livraison du deuxième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) de type Barracuda, ou encore la poursuite des travaux préparatoires sur le porte-avions de nouvelle génération. Il modernise nos capacités de commandement, de communication et de renseignement, avec le lancement en 2023 du deuxième satellite de télécommunication Syracuse IV et du troisième satellite CSO (composante spatiale optique) d’observation de la constellation, ou encore les travaux sur les successeurs de l’avion radar Awacs (Airborne Warning And Control System), que j’ai eu l’occasion de voir sur la base d’Avord. Enfin, il amplifie nos capacités de projection, comme en témoigne le renouvellement de notre flotte de transport tactique et stratégique grâce aux A400M et A330-MRRT Phénix, qui offre une capacité d’élongation inédite à notre armée de l’air et de l’espace.

Au-delà de la poursuite des grands programmes structurants, les crédits tiennent naturellement compte du contexte stratégique. Un effort particulier est ainsi prévu, à hauteur de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement – 1,1 milliard en crédits de paiement –, pour la nécessaire reconstitution de nos stocks de munitions : missiles moyenne portée pour l’armée de terre, missiles Exocet pour la marine, missiles Aster pour nos systèmes de défense antiaérien, missiles Scalp.

Cet effort doit être poursuivi et amplifié. Il y va de notre capacité à durer dans le cadre d’un conflit. Car le budget que nous examinons n’est pas seulement la traduction fidèle d’une programmation largement adoptée : il constitue également la base de la programmation pluriannuelle à venir de nos dépenses militaires.

Les coopérations européennes les plus emblématiques connaissent des difficultés. Elles ont cependant du sens, non seulement opérationnellement, en favorisant l’interopérabilité, mais aussi financièrement, car elles permettent le partage des coûts. Notre première responsabilité est donc de tout faire pour les concrétiser dès lors qu’elles satisfont un certain nombre de principes, notamment celui du best athlete. En revanche, ne soyons pas naïfs : pour certains de nos partenaires, privilégier la sécurité du parapluie américain plutôt que la construction, patiente et nécessairement plus longue, d’une souveraineté européenne est une tentation certaine et qui n’est pas nouvelle. Elle n’a pas empêché l’esprit de coopération d’avancer, mais elle a parfois ralenti sa progression et a pu avoir raison de certains programmes. Notre volontarisme ne doit donc pas nous amener à ignorer les risques d’échec des coopérations engagées, a fortiori lorsqu’elles se heurtent à des blocages qui se multiplient. Tout plan A doit être assorti d’un plan B ; je retiens des contacts établis dans le cadre du présent avis budgétaire que nos industriels et états-majors en ont pleinement conscience.

Les crises que nous traversons imposent une forme d’économie de guerre, qui nous permette de produire plus et plus vite ce qui est essentiel à leur résolution.

Sur le plan militaire, la guerre en Ukraine a servi d’électrochoc. Elle rappelle que les guerres de haute intensité sont caractérisées par une forte attrition du matériel et consommation de munitions. Bien plus, nous avons pris conscience à l’occasion de ce conflit que nos industriels n’avaient pas la capacité de recompléter rapidement des stocks ponctionnés par les livraisons indispensables au bénéfice de l’Ukraine. Comment faire, alors, pour produire plus et plus vite ?

D’abord, simplifier nos processus, en premier lieu l’expression des besoins de nos armées. Nos flottes et nos parcs d’équipements sont trop hétérogènes et un même système d’armes est souvent produit en plusieurs versions ayant chacune sa spécificité. Il nous faut rechercher l’homogénéisation de nos équipements, sur le modèle de l’hélicoptère interarmées léger (HIL) Guépard.

Il nous faut également simplifier la conduite des opérations d’armement. Les forces et la DGA doivent associer les industriels le plus en amont possible, dès la phase de l’expression des besoins, pour identifier les spécifications génératrices de coûts ou de délais. Au stade du développement, la démarche incrémentale – la fameuse méthode agile – doit être privilégiée, pour favoriser l’appropriation progressive du système d’armes par les forces, ainsi que la possibilité de prendre en compte au plus tôt le retour d’expérience du terrain en vue des développements à venir. Au stade de la qualification, la mutualisation des essais doit permettre de gagner du temps et de mettre un terme aux duplications entre DGA et industriels.

La simplification vaut aussi pour les normes. Il faut cesser d’appliquer mécaniquement des normes issues du monde civil sans tenir compte des conditions d’emploi de nos équipements et matériels. Les travaux en cours sur la réforme des règles de navigabilité ou de la certification des drones vont dans le bon sens. Dans ce débat sur les normes spécifiques à l’armement militaire, il nous faut aussi distinguer et prioriser les combats, en conservant à l’esprit que si un monde en paix est loin d’être une condition suffisante pour des solutions efficaces face aux crises écologiques, on perdrait assurément le combat climatique dans un monde en proie au chaos et à la guerre.

Le deuxième axe permettant d’adapter la BITD à l’économie de guerre consiste à renforcer notre autonomie, notamment en sécurisant les chaînes d’approvisionnement.

Cela exige de constituer des stocks de matières premières ou de composants critiques qui pourraient être mutualisés entre les entreprises de défense. Cela passe également par la réduction de nos dépendances à l’égard de certains pays étrangers, par exemple en relocalisant certaines filières critiques, telles que la filière poudre. L’anticipation des approvisionnements sera par ailleurs favorisée si l’État donne à nos industriels, notamment aux PME, davantage de visibilité concernant ses commandes, par exemple grâce à de nouveaux mécanismes contractuels.

La troisième et dernière piste consiste à se mettre en capacité de résister.

Une plus grande résilience de la BITD exige tout d’abord de pouvoir mobiliser des ressources humaines en nombre suffisant en cas de crise. Je soutiens à cet égard la proposition du patron de Nexter de créer une réserve industrielle de défense. Le même réflexe doit permettre de mobiliser, lors de conflits, les ressources matérielles indispensables au fonctionnement de la BITD. Des réflexions sont en cours pour adapter et rendre plus agiles nos régimes juridiques de réquisition et de priorisation, au bénéfice des besoins de défense.

Enfin, outre la nécessaire protection de nos entreprises face à des actes de sabotage, matériels ou immatériels, un pan qui me semble trop négligé dans les réflexions actuelles sur l’économie de guerre est le maintien en condition opérationnelle de nos équipements en cas de conflit. Au-delà des moyens financiers, comment adapter notre organisation industrielle afin qu’elle soit suffisamment résiliente et réactive pour régénérer le matériel usé par des dommages de guerre ? C’est une question majeure qu’il me semble nécessaire d’anticiper.

Notre défense passe par des moyens et par un état d’esprit. Ce budget dégage des moyens utiles ; ensemble, au-delà des limites de nos groupes politiques et avec tous les acteurs de la défense nationale, nous avons également à créer et à cultiver un état d’esprit que ce moment si particulier de notre histoire rend essentiel.

Je vous invite évidemment à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 146.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Est-il question de réévaluer le niveau cible des stocks de munitions ou est-ce l’objet de la prochaine LPM ? Je pense notamment aux armes du champ de bataille, aux munitions de 155, mais aussi aux missiles sol-air de type Aster. Existe-t-il une opportunité de relancer la production d’armements air-sol de type ASM, ou bombe guidée ?

Avons-nous l’assurance que les moyens industriels et humains seront au rendez-vous pour répondre à l’accélération des commandes de munitions ? La réserve industrielle dont vous parliez fait-elle partie de la solution ? Et la réduction des normes ?

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Les chiffres précis concernant les commandes de lots de munitions ne sont pas publics, pour des raisons que nous connaissons tous. On peut cependant citer, parmi les commandes, les missiles de moyenne portée (MMP) pour l’armée de terre, les missiles Exocet mer-mer et les missiles destinés à équiper les frégates de défense antiaérienne pour la marine, ainsi que les missiles Aster ; et, du côté des livraisons attendues en 2023, les MMP et Exocet pour la marine, ainsi que les Scalp rénovés et des air-air Meteor et Mica pour l’armée de l’air et de l’espace.

La nouvelle cible relèvera de la prochaine LPM, le PLF pour 2023 se chargeant du rééquilibrage et de donner une nouvelle impulsion, mais en restant fidèle à la LPM en cours d’exécution. Travaillons-y donc ensemble, avec les armées et les ministères concernés.

Je soutiendrai à titre personnel l’idée d’une réserve industrielle de défense.

Quant à l’évolution normative, j’ai constaté des aberrations ; il faudra œuvrer – notamment dans le cadre du groupe de travail formé avec Jean-Louis Thiériot –, avec la BITD, la DGA et l’ensemble des forces qui concourent aux spécifications, à des améliorations pour ne pas entraver l’accélération de notre capacité de production.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Je partage votre analyse au sujet de la BITD et des coopérations.

Avez-vous évalué les conséquences de l’inflation, à la fois globale et touchant des matières premières ou des composants critiques propres au domaine militaire ?

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. S’agissant des coopérations, le plan B est censé nous aider à faire aboutir le plan A. Je le répète, nous devons tout faire pour qu’elles réussissent. Il y va de notre capacité à franchir les étapes requises par les ruptures technologiques et à nous doter d’équipements à la hauteur des enjeux.

La prise en compte de l’inflation dans le programme 146 représente 80 millions d’euros dès 2022 et 450 millions en 2023. Le programme n’est pas mis en danger ; plusieurs mécanismes comptables et contractuels ont été adaptés eu égard à la situation. Je pourrai vous donner davantage de détails.

M. Yannick Chenevard (RE). Depuis mars 1967, la dissuasion nucléaire n’a pas été fragilisée une seule seconde. Elle est permanente sous l’eau comme dans les airs, du fait de l’emport de l’ASMP (air-sol moyenne portée) par les Rafale de la marine.

Les efforts consacrés à la dissuasion dans le cadre du programme 146 sont-ils pertinents ? Nous permettront-ils d’atteindre la capacité la meilleure sur les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, notamment pour emporter le M51.3 ? Nous avons dans ce secteur une base industrielle et technologique exceptionnelle.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Le programme consacre à la dissuasion 4,1 milliards en autorisations d’engagement et 4,6 en crédits de paiement, soit 30 % de ses crédits et plus de 10 % de ceux de la mission Défense. Sur les dix programmes d’armement les mieux dotés financièrement, quatre concernent la dissuasion. Encore ces montants ne tiennent-ils pas compte des vecteurs d’emploi tels que les Rafale et les ravitailleurs.

Concernant le renouvellement de la composante nucléaire océanique, citons le SNLE de troisième génération, qui entre en service en 2035, et le développement et la production du M51.3, missile nucléaire stratégique à têtes multiples à capacité intercontinentale emporté sur les SNLE. Le PLF pour 2023 confirme un effort colossal en la matière. Le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée concourt également à la posture, avec la rénovation à mi-vie du missile nucléaire air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), emporté par les Rafale des FAS. S’y ajoute la poursuite des travaux de préparation du missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G), qui succédera à l’ASMP-A en 2035.

Ces éléments correspondent à l’exécution fidèle de la loi de programmation militaire et à l’affirmation de la posture permanente de dissuasion.

M. le président Thomas Gassilloud. Nous envisageons prochainement un cycle d’auditions sur la dissuasion.

M. Jean-Charles Larsonneur (HOR). Concernant l’économie de guerre, pour pouvoir monter en cadence, il faut donner de la visibilité à nos industriels sur toute la chaîne de la BITD, depuis le premier rang jusqu’aux petites PME. Vu les tensions sur les matières premières et la nécessité d’accélérer, comment faire ?

S’agissant du spatial, la situation ukrainienne montre que l’emploi de technologies duales quoique principalement civiles, comme Starlink, fragilise la posture militaire, son financement étant suspendu au bon vouloir d’un Elon Musk. Pouvez-vous faire le point sur les principaux programmes spatiaux et les perspectives à envisager pour l’année prochaine et en vue de la LPM à venir ?

J’en terminerai par le petit calibre, véritable serpent de mer à propos duquel je me suis censuré lorsque j’étais à votre place, car l’approvisionnement n’avait pas atteint un niveau critique. Le moment n’est-il pas venu d’en reparler ? Nous avons en France de nombreux industriels et sites qui se prêteraient à sa production, notamment autour de Nobel Sport, dans le Finistère.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je partage votre diagnostic à propos de la visibilité de l’ensemble de la chaîne de production. Elle fait souvent défaut à nos PME au-delà de trois mois, malgré le cap fixé par la LPM. Je salue donc les travaux lancés par le ministre, qui a réuni dès le 7 septembre l’ensemble des grands maîtres d’œuvre et donneurs d’ordre de la BITD. Ils sont en cours, s’agissant notamment du plan Action PME, qui est à amplifier. Je fais confiance à l’exécutif, qui a pris la mesure de l’enjeu et formulera des propositions d’ici quelques semaines.

Concernant le spatial, outre le lancement du CSO-3, la mise en orbite de Syracuse IV est prévue pour 2023 et le renseignement électromagnétique d’origine spatial a été renforcé. Pour le reste, je vous inviterai à lire le rapport. Il faudra aussi travailler à notre stratégie de défense spatiale dans le cadre de la LPM. L’espace et le cyberespace sont à prendre au sérieux vu l’hybridité et la dimension multichamps auxquelles nos armées sont confrontées.

Enfin, nous pourrons reparler du petit calibre à propos des amendements.

M. Michaël Taverne (RN). Depuis la fin des essais nucléaires, la simulation informatique est devenue un enjeu majeur pour toutes les puissances nucléaires, car elle rend crédible leur capacité de dissuasion. La France est en pointe dans ce domaine grâce aux investissements importants des dernières décennies. Les moyens qui lui sont actuellement alloués sont-ils suffisants ?

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’amélioration de nos capacités de simulation informatique a rendu possible l’arrêt – salutaire – des essais nucléaires. Dans le PLF pour 2023, les crédits alloués à ce secteur baissent car les besoins diminuent très légèrement, mais ce n’est pas inquiétant : en la matière, on progresse de façon non linéaire, mais par cycles, au rythme des sauts technologiques nécessaires. À l’intérieur d’un cycle, on utilise les capacités déjà produites plutôt que de réinvestir. Or nos capacités ont été fortement soutenues dans la période précédente.

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La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Pour la sixième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Il suit à la lettre la trajectoire adoptée en loi de programmation militaire 2019-2025. Ainsi, pour 2023, les crédits de la mission Défense s’établissent à 43,9 milliards d’euros, soit 11,6 milliards de plus qu’en 2017, et 3 milliards de plus qu’en 2022. L’impulsion donnée dès 2017 a mis fin à l’érosion de notre outil militaire. Nos investissements ont permis à nos forces armées de renforcer leur supériorité sur les champs de bataille et de s’engager dans de meilleures conditions. La France aura ainsi pu rester crédible aux yeux de ses alliés, notamment européens.

Notre ambition pour 2030 n’a pas changé : permettre à notre pays d’intervenir en tout lieu, tant dans les champs matériels qu’immatériels et en tout temps, là où ses intérêts et sa sécurité sont menacés. Le budget pour 2023 suit ce cap. Il poursuit les efforts indispensables pour moderniser, renouveler et entretenir nos équipements grâce aux 38 milliards d’euros de commande militaire qui soutiendront le tissu économique national ainsi qu’à d’importantes livraisons – treize avions Rafale, un sous-marin nucléaire d’attaque, dix-huit chars Leclerc et 264 véhicules blindés multirôles. Il permettra également d’inscrire notre industrie de défense dans une logique d’économie de guerre et de renforcer notre souveraineté. Ainsi, 2 milliards d’euros seront consacrés à la commande de munitions pour renouveler nos stocks. D’autres crédits sont affectés à la dissuasion nucléaire, à l’espace, aux grands fonds marins, à la cyberdéfense et au renseignement. Le soutien à la recherche et au développement ainsi qu’à l’innovation de défense renforce encore davantage notre autonomie stratégique.

Enfin, ce budget permettra d’améliorer le quotidien de nos militaires grâce aux crédits dédiés au plan famille ou à l’équipement du combattant.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ne faiblit pas. En 2023, les droits acquis pour nos anciens combattants sont maintenus, de même que les moyens alloués à la politique de mémoire, sans parler du large soutien apporté à nos militaires blessés grâce à la pérennisation du dispositif des maisons Athos.

La nation n’oublie pas ceux qui s’engagent pour elle, corps et âme, et qui peuvent parfois être amenés, sur ordre, à donner la mort ou à la recevoir. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ces crédits.

M. Laurent Jacobelli (RN). Le budget de la défense a longtemps été en chute libre. Nos armées ont chèrement payé les dividendes de la paix. Depuis plusieurs années, reconnaissons-le, l’érosion a pris fin et la trajectoire s’est maintenue. Cependant, le monde qui nous entoure a changé. La guerre est à nos portes et l’inflation s’est invitée dans nos débats budgétaires. Les 3 milliards que vous évoquez étaient peut-être, hier, un titre de gloire pour la majorité mais ils ne sont plus aujourd’hui qu’une goutte d’eau dans le budget de nos armées. Les défis sont nombreux. Ce budget aurait pu nous offrir l’occasion de retrouver une souveraineté nationale pour nos équipements et notre stratégie de défense, de rééquiper massivement nos armées, d’expliquer à ces hommes et à ces femmes qui défendent notre pays, qui se battent pour nous, que nous avions compris leurs demandes et que nous allions les satisfaire. Hélas, ce ne sera pas possible.

Ce budget arrive après des années de disette et de déséquipement pour nos armées. Son augmentation ne suffira pas à combler le retard. Lorsque l’on manque d’argent, il faut être pragmatique, non idéologue. Pas si loin de chez nous, la guerre n’est pas une hypothèse mais un risque avéré. La France doit être indépendante, aussi dans son équipement. Lequel voulons-nous ? Comment voulons-nous l’utiliser ? À quelles fins ? Notre décision doit demeurer souveraine. Les programmes SCAF et MGCS nous laissent perplexes. Au mieux, ils sont au point mort, au pire ils vont droit dans le mur. Reprenons la main, faisons confiance à nos industries pour préparer, fabriquer, concevoir nos équipements plutôt que de courir après des licornes européistes.

Votre action en faveur de notre armée est louable mais vous ne faites que le minimum syndical. Des livraisons auront lieu en 2023 pour nos forces terrestres, navales, aériennes et spatiales mais les livraisons de matériel vers l’Ukraine, la vente d’avions Rafale à la Croatie et à la Grèce, le retrait des Mirage 2000-C aggravent le manque de disponibilité des matériels. Le renouvellement des stocks de munitions à hauteur de 2 milliards d’euros en autorisations d’engagement ne sera pas suffisant. Ce n’est pas ainsi que nous relèverons un défi crucial pour notre souveraineté. La filière de munitions de petit calibre est totalement abandonnée. Il faudrait 100 millions d’euros pour repartir du bon pied.

Nos industries de la défense sont victimes, d’autre part, d’une énième ingérence américaine, puisque Exxelia vient d’être racheté par Heico. Sans être une entreprise d’armement, Heico est un sous-traitant qui participe à la fabrication de nos matériels. Que se passera-t-il quand les Américains géreront cette entreprise ? Restons vigilants et bloquons ces pillages organisés par des puissances impérialistes qui ont des vues sur notre défense.

La mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation est marquée par une érosion budgétaire, qui peut s’expliquer par des raisons démographiques. Cependant, n’oublions pas que la plupart des indemnisations sont trop faibles ou ne profitent pas à toutes les personnes qui pourraient y avoir droit. Je pense aux harkis et à leurs familles, qui se battent pour une augmentation du montant de la réparation. Ces hommes et ces femmes qui ont tout sacrifié pour notre pays, parfois au péril de leur vie ou de celle de membres de leur famille, méritent la reconnaissance de la France. Cette juste reconnaissance de la nation a tardé et ne nous semble toujours pas à la hauteur de ce qu’ils ont accompli pour nous.

En séance publique, un amendement pour défendre la demi-part des veuves d’anciens combattants a été adopté. Cette mesure de justice sociale doit être conservée. Or, on ne sait pas si, dans quelques instants, cet amendement ne disparaîtra pas dans le sillage du 49-3, au mépris de la volonté de la représentation nationale.

Enfin, les crédits de la mission Sécurités progressent de 6 % pour 2023 mais ce ne sera pas suffisant pour répondre aux enjeux de sécurité intérieure : l’explosion de la délinquance, l’aggravation du trafic de drogue, l’immigration incontrôlée et les problèmes d’insécurité qui en résultent jusque dans nos campagnes si l’on en croit le plan de relocalisation du Président de la République. Les Jeux olympiques de 2024 représentent un nouveau défi pour la sécurité, surtout après les événements du stade de France. Nous devons réformer la réserve de la gendarmerie en nous inspirant du modèle des armées, rénover leurs locaux, mieux équiper et recruter. L’implantation de 200 brigades n’est pas suffisamment détaillée.

Vous faites un petit pas là où il aurait fallu de grandes foulées mais parce que nous ne voulons pas priver nos armées du peu de moyens supplémentaires qui leur sont accordés, nous nous abstiendrons.

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). Je regrette que l’actualisation de la loi de programmation militaire, souhaitée par le Président de la République, ne suscite pas davantage de débats au regard de l’instabilité du contexte mondial. Alors qu’il convient d’arrêter des choix stratégiques, comme notre appartenance à l’Otan, les décisions seront prises dans l’intimité. De même, la tenue régulière d’auditions à huis clos pose un problème. Si les informations relatives à la défense sont confidentielles, est-il pertinent d’user d’un tel procédé à l’endroit de députés qui représentent le peuple ?

Notre groupe salue la progression du budget mais les fameux 3 milliards d’euros supplémentaires promis ne sont pas au rendez-vous. Ce budget ne tient pas compte de l’inflation, estimée à 4,2 % en 2023. Ne serait-ce que pour leur préparation opérationnelle, nos forces seront durement affectées. Le budget est par ailleurs amputé des 357 millions d’euros nécessaires à la revalorisation de l’indice de la fonction publique. Ces coûts supplémentaires auraient dû s’ajouter aux crédits et non s’y fondre.

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ne cessent de faiblir. Pourquoi ne pas pérenniser le budget et affecter les sommes non dépensées du fait de la disparition de certains anciens combattants, à d’autres actions ? Nous proposerons des amendements en ce sens, pour améliorer la prise en charge des blessés psychiques ou étendre la reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins victimes de barbaries durant la deuxième guerre mondiale et les orphelins de parents incorporés de force et exécutés.

Alors que le ministre annonce le doublement des effectifs de la réserve opérationnelle, aucune mesure n’est prise en ce sens dans le budget pour 2023. Les 1 500 créations nettes de postes civils, notamment dans le renseignement ou la cyberdéfense, sont salutaires mais comment renforcerez-vous les effectifs opérationnels envoyés sur les théâtres d’opérations ? Nous ne pouvons que nous inquiéter des conséquences de l’insuffisance des capacités et des cessions pour la disponibilité de nos matériels. Par rapport au contrat opérationnel, la disponibilité des canons de 155 millimètres passe de 90 % à 58 %. Dans la chasse, celle des appareils passe à 69 %. Dans l’armée de l’air, seuls 65 % des objectifs d’intervention prévus par le contrat opérationnel ont été atteints. Quelles seront les conséquences de la cession d’une partie de nos lance-roquettes unitaires ? Nous ne remettons pas en question ces livraisons et ces cessions mais nous devons rester vigilants.

Concernant les fonds marins, les 3,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et les 3,1 millions d’euros en crédits de paiement ne sont pas à la hauteur de l’enjeu que représente la maîtrise des fonds marins. Agissons dès maintenant en augmentant les crédits.

Pour ce qui est de l’espace, le projet de loi prévoit 702 millions d’euros de crédits de paiement en 2023, soit une augmentation de 10 % par rapport à l’année précédente. C’est louable mais certains défis sont oubliés, comme la météo spatiale et les débris, qui sont les principaux responsables de la dégradation de nos équipements.

Enfin, nous vous proposons de créer un nouveau programme, consacré à la transition énergétique et écologique. Le ministère a publié une stratégie Climat et défense, en avril dernier. Remplacer 150 chaudières qui représentent 10 % du parc, notifier deux contrats de performance énergétique, c’est bien, mais est-ce suffisant pour répondre au défi du dérèglement climatique ? Il est temps d’accélérer. Nous devons réfléchir à l’après-pétrole. Nous sommes bien conscients de la difficulté de s’approvisionner en biocarburants mais promettre que les avions utiliseront 1 % de carburant biojet en 2023 ne suffira pas.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote de ce budget qui, malgré tout, va dans le bon sens.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Notre responsabilité, au sein de cette commission, est immense. Pensons à ceux qui vivent sous les bombes en Ukraine, aux tensions qui persistent en Afrique, à nos hommes qui restent présents dans la bande sahélo-saharienne, à la compétition stratégique qui se joue sur l’ensemble du globe et dans tous les océans.

Gardons ces images en tête et remémorons-nous nos prédécesseurs qui siégeaient ici même en 1933, en 1936, en 1938, à l’heure où les périls croissaient en Europe, où les chars allemands occupaient la Rhénanie, où était décidé l’Anschluss. Les événements d’Ukraine nous renvoient à ces heures funestes : on meurt à la guerre à deux heures de Paris.

Le vote de ce budget est un symbole fort et essentiel. Nos démocraties doivent se défendre, notre sécurité doit être garantie, l’unité et la résilience de la nation sont essentielles. Ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à la bâtir.

Venons-en à ce budget : 3 milliards d’euros ne sont pas une goutte d’eau. Les engagements pris dans la loi de programmation militaire sont tenus, pour la première fois de notre histoire.

L’inflation, cependant, reste une réalité et emporte des conséquences pour notre projet de loi de finances dont la progression est plus proche des 2 milliards d’euros que des 3 milliards.

Nous avons pourtant tous cru aux dividendes de la paix et nous avons tous accepté de réduire les dépenses militaires. Il serait à présent irresponsable de ne pas voter ce budget. Le rendez-vous majeur sera celui de la loi de programmation militaire, en 2023. Elle devra mesurer les défis, les menaces et les intérêts français, ne rien sacrifier et tirer les leçons de la guerre en Ukraine. J’espère que le travail que j’ai réalisé avec Patricia Mirallès sur la préparation à la haute intensité sera utile.

Nous voterons ce budget pour assurer la sécurité de ceux qui défendent notre pays, au péril de leur vie.

Mme Delphine Lingemann (Dem). L’objectif de la loi de programmation initiale, qui était de réparer, a été respecté. L’effort budgétaire pour la mission Défense s’inscrit dans cette continuité. En progression de 3 milliards d’euros, il s’élève à près de 44 milliards d’euros. Désormais, nous évoluons dans un contexte géopolitique profondément modifié par le conflit en Ukraine. La situation exceptionnelle nous commande d’accélérer l’effort de préparation des armées aux affrontements à haute intensité afin de gagner la guerre avant la guerre.

Les crédits de la mission reflètent les ambitions et les priorités portées par le chef de l’État, le ministre des armées et notre majorité, pour une année 2023 qui sera une étape intermédiaire entre la loi de programmation militaire en cours et celle qui sera votée pour 2024-2030 et qui intégrera les nouveaux enjeux stratégiques.

Notre groupe salue la continuité de l’action menée depuis 2017 grâce à un budget qui remet les femmes et les hommes de la défense au cœur de notre capacité de défense, améliore les conditions de vie et d’engagement grâce à la création de nouveaux postes, la livraison d’équipements essentiels au quotidien du soldat et la poursuite du plan famille. Ce budget permet également de poursuivre les efforts engagés pour attirer et fidéliser les personnels, notamment par la conduite de la dernière étape de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Les crédits de cette mission traduisent notre volonté de préparer l’avenir de nos forces armées en accordant une place singulière à l’humain et la priorité aux investissements dans les secteurs clés pour les conflits de demain : le renseignement, l’espace, le cyberespace et le numérique. Pour toutes ces raisons, notre groupe votera les crédits de la mission Défense.

La mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation accorde une place sans précédent aux publics qui relèvent des dispositifs de réparation dans le cadre du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre. Nous nous en réjouissons et nous saluons le droit à pension des victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant le 1er janvier 1982. Cette mesure de justice était attendue. La revalorisation générale des pensions militaires, d’invalidité et de la retraite du combattant entrera en vigueur le 1er janvier prochain, avec un an d’avance. C’est louable.

La journée défense et citoyenneté bénéficiera d’un budget de 21,2 millions d’euros. Thucydide disait que la force de la cité ne réside ni dans ses remparts ni dans ses vaisseaux mais dans le caractère de ses citoyens. La force de notre cité tient à sa force morale. Nourrissons-la pour qu’elle fasse battre le cœur de notre pays. Aidons nos jeunes à affronter l’adversité pour qu’ils deviennent plus résistants à l’épreuve, plus résilients au conflit.

Quant à la mission Sécurités, on compte 100 000 gendarmes d’active contre 150 000 policiers. Si les deux forces couvrent la même densité de population et poursuivent les mêmes objectifs de sécurité nationale, les gendarmes interviennent dans 96 % du territoire national contre 4 % seulement pour les policiers. Forte de près de 3 100 unités territoriales, la gendarmerie nationale est un atout majeur dans notre continuum géographique sécuritaire. Celui-ci doit cependant être renforcé par la création de 200 brigades et l’amorce d’une nouvelle étape dans la stratégie globale, par un schéma d’emploi ambitieux et une hausse des effectifs de la réserve opérationnelle – 50 000 réservistes à l’horizon 2027 – sans que celle-ci ne devienne une variable d’ajustement du budget de la gendarmerie.

Nous devons également donner à la gendarmerie les moyens de s’adapter aux nouvelles frontières de la délinquance en lui permettant d’être toujours plus moderne et innovante notamment sur le volet numérique et cyber et d’amplifier son action en passant d’une logique de guichet à une logique du pas de porte. Notre groupe votera ce budget qui inclut tous ces aspects.

Mme Anna Pic (SOC). Nous regrettons la baisse des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation mais nous reconnaissons qu’elle s’explique par la disparition d’anciens combattants. Il aurait été cependant préférable de les sanctuariser pour répondre aux attentes des associations représentatives. Surtout, alors que le Gouvernement s’apprête à revaloriser la valeur du point de pension militaire et la retraite du combattant pour un montant global de 41,6 millions d’euros, les crédits reculent de 107 millions d’euros dans le PLF pour 2023, ce qui trahit l’insincérité de ce budget.

D’autre part, les crédits globaux consacrés aux actions menées en faveur des rapatriés n’augmentent que de 6 millions d’euros alors que le droit à réparation, prévu dans la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la nation envers les harkis, augmente de 15 millions d’euros. Seule une hausse globale de 15 millions d’euros aurait permis de maintenir un budget constant et un niveau de crédit équivalent pour tous les autres dispositifs de soutien à l’égard des harkis.

Au cours de l’examen de la mission, nous défendrons l’augmentation des crédits de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) à hauteur de 1 million d’euros pour lui permettre d’honorer les engagements pris dans le cadre du dispositif de réparation institué par la loi de 2022. Nous serons attentifs au sort réservé à l’amendement qui tend à étendre le dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire à tous les veufs et veuves d’anciens combattants. Par ailleurs, nous nous étonnons du transfert de dispositifs initialement dédiés à la jeunesse vers le service national universel. Il ne peut être confié à l’armée une mission éducative qui n’est pas la sienne.

Pour ce qui est de la mission Défense, le budget, en hausse, est conforme aux engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire. L’effort est indéniable mais le respect de la trajectoire de la LPM est faussé par l’inflation, évaluée à 4 % par le Gouvernement. De surcroît, les reports de charges annoncés supposent que nous devrons procéder à des rattrapages dans les prochains textes budgétaires. D’autres limites ont été posées à cette progression, ces dernières semaines. La première concerne l’effectivité de la montée en puissance défendue par le Président de la République dans le cadre d’une économie de guerre. En effet, elle impose d’intensifier l’effort dont nos principaux industriels ne cessent d’interroger la soutenabilité. Ils doutent également des capacités humaines et financières des PME sous-traitantes avec lesquelles ils travaillent. De surcroît, la maintenance des nouveaux matériels d’ores et déjà livrés et utilisés par nos armées coûte plus cher et impose de former les personnels.

Nous saluons la nouvelle politique de rémunération des militaires qui clarifie les régimes indemnitaires mais un rééquilibrage entre la rémunération indiciaire et la rémunération indemnitaire s’impose pour répondre aux défis de l’attractivité et de la fidélisation.

Par ailleurs, il semble hasardeux de diminuer les autorisations d’engagement du programme de dissuasion à l’heure où la Russie menace de recourir à l’arme atomique, ce que les États-Unis prennent au sérieux.

Nous défendrons un amendement pour augmenter la dotation gazole allouée à nos forces armées pour supporter la volatilité des prix du baril, instaurer des modules de formation spécifique de sensibilisation aux enjeux de la préservation de l’environnement, octroyer une reconnaissance financière à tous les personnels soignants du service de santé des armées.

Quant à la mission Sécurités, le Gouvernement répond en partie aux besoins mais la création de 200 nouvelles brigades pose la question de leur déploiement. Une implantation réfléchie, coordonnée et planifiée serait préférable à une mise en concurrence entre les collectivités locales pour leur obtention. Comment les brigades mobiles et les brigades fixes seront-elles réparties ?

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

M. Yannick Favennec Bécot (HOR). En 2023, le budget des armées françaises augmentera, pour la sixième année consécutive. Depuis 2017, chaque année, la trajectoire budgétaire est conforme aux engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Depuis mars 2021, les combats de haute intensité qui se déroulent aux portes de l’Europe, auxquels s’ajoutent une montée des tensions dans l’espace indo-pacifique et une reconfiguration du dispositif français en Afrique, appellent de nouveaux efforts. Les crédits de la mission Défense progressent de 3 milliards d’euros cette année pour permettre à nos armées de s’adapter et de réagir rapidement dans l’ensemble des théâtres d’opération mais aussi d’identifier les futurs enjeux sécuritaires. Il nous reste cependant beaucoup à faire et la loi de programmation militaire 2024-2030 nous permettra de tracer une nouvelle trajectoire.

La France n’est pas seule. Elle agit avec ses partenaires européens et ceux de l’Otan. C’est pourquoi notre groupe salue la consécration, dans les dépenses de l’État, des programmes de coopération bilatéraux et européens pour développer de nouvelles technologies d’armement. À l’heure où certains brandissent la menace nucléaire, il est fondamental de renforcer les capacités de la France pour asseoir notre autonomie stratégique. Celle-ci grandira d’autant plus grâce à l’ensemble des nouveaux moyens consacrés sur terre, en mer, dans le ciel et l’espace.

Le programme 146 vise à mettre à disposition des armées les armements et matériels nécessaires à l’accomplissement de leur mission et concourir au maintien des savoir-faire industriels français et européens. Rappelons, dans la perspective de la prochaine LPM, que nous devons donner à notre base industrielle et technologique de défense (BITD) les moyens de comprendre les exigences des armées et la manière de s’adapter en cas de besoin. Les commandes sur le long terme donnent à notre industrie de défense la visibilité qui lui permet d’inciter toute la chaîne à réaliser les investissements nécessaires et éviter les ruptures capacitaires.

Au-delà du domaine capacitaire, l’examen de ce budget nous rappelle le caractère fondamentalement humain de l’action du ministère des armées. Notre groupe est sensible aux efforts engagés pour poursuivre le plan famille, accompagner et fidéliser nos soldats grâce à des indemnisations plus justes, et améliorer leurs conditions d’exercice. Nous devons cet effort à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection des Français, parfois au péril de leur vie.

La mission Sécurités pour 2023 prévoit de renforcer les effectifs sur la voie publique et de porter une attention particulière aux territoires ruraux. Nous nous félicitons de la création de 200 communautés de brigades.

Enfin, la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation joue un rôle essentiel en ce qu’elle incarne l’hommage que la nation rend à nos armées pour l’engagement et les sacrifices de nos soldats au service de la sécurité de notre pays. Les actions portées par la mission témoignent de la reconnaissance de la nation envers les anciens combattants et visent à susciter l’adhésion de l’ensemble de la population aux enjeux et aux efforts consacrés à la défense et à la sécurité nationale.

Même si ce budget recule par rapport à l’année dernière, les crédits alloués à cette mission accompagnent la transformation profonde constatée par le monde combattant. Ils prennent en compte la diversification des pensions et des aides versées au-delà de la condition militaire aux victimes de guerre, d’attentats et à leurs familles.

Notre groupe salue les efforts de reconnaissance pour les harkis et l’extension du droit à pension aux victimes d’actes de terrorisme pour les attentats commis avant 1982.

La transformation du monde combattant tient compte de l’évolution des générations. Les combattants qui ont servi en Opex sont plus jeunes, encore actifs, et comptent davantage de femmes. Nous saluons aussi les dispositifs prévus pour réhabiliter les soldats le plus tôt possible, comme les maisons Athos.

Enfin, les efforts consentis pour la politique de mémoire à travers la restauration et la mise en valeur du patrimoine sont indispensables mais nous devons veiller à l’avenir des associations d’anciens combattants qui ont perdu pas moins de 300 000 adhérents entre 2014 et 2021.

Notre groupe votera ces crédits.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Notre groupe votera ces crédits. Tous les parlementaires doivent envoyer un signal fort de soutien à nos militaires et au monde combattant. Cependant, ce vote ne doit pas être interprété comme un blanc-seing donné au Gouvernement.

S’agissant de la mission Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation, je salue l’adoption, en première partie, des amendements qui ont permis d’étendre le bénéfice de la demi-part fiscale. Cette véritable avancée corrige une injustice fiscale. Le financement de cette dépense fiscale sera-t-il maintenu et inscrit dès 2023 ? Nous regrettons en revanche que le budget continue à se contracter. De 2,5 milliards en 2017, il est passé à 1,9 milliard.

D’autre part, le service national universel est le grand oublié de cette mission alors que le monde combattant a un rôle à jouer auprès des jeunes. Le bleu budgétaire traduit la volonté du ministère des armées de prendre part à sa montée en puissance mais aucun crédit budgétaire n’est fléché en ce sens.

La mission Défense m’inquiète. Les 3 milliards de hausse ne sont qu’un trompe-l’œil budgétaire. Les crédits doivent être relativisés au regard des reports de charge, du coût de la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique et de l’inflation.

Concernant les renseignements, à l’heure des conflits de haute intensité, l’enveloppe de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) progresse en 2023 après une baisse de près de 4 % de ses crédits de fonctionnement et d’intervention l’an dernier. Les failles du passé ne pèsent-elles pas sur nos échecs ?

L’incapacité des services à prévoir l’invasion russe de l’Ukraine, les coups d’État au Sahel ou la trahison de l’Australie dans l’affaire des sous-marins conduit à s’interroger. Il faudrait que le ministère se positionne clairement sur nos objectifs en matière de renseignement : veut-on simplement se mettre à niveau ou rattraper nos concurrents ?

S’agissant de la BITD, nos industriels vont être extrêmement sollicités, alors même qu’ils sont affectés par l’inflation. Nous devons faire face à plusieurs demandes : l’appui continu à l’Ukraine, la reconstitution des stocks de nos armées, la livraison des commandes aux États. L’accès au financement bancaire demeure difficile, surtout pour les PME. Les négociations entre Bercy, les banques et les entreprises n’ont pas permis de faire avancer les choses. Il est difficile, dans ces conditions, d’élaborer une nouvelle feuille de route pour notre tissu industriel militaire. Ce sont autant d’enjeux qui nécessitent de rectifier le tir au moyen d’une nouvelle LPM.

Notre groupe tient à saluer l’effort engagé en faveur de la gendarmerie nationale, dont les crédits avoisinent désormais 10 milliards. Les gendarmes avaient dû faire face à une contraction violente du nombre des brigades, qui étaient passées de 3 600 à 3 100. Nous saluons la création, prévue par le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), de 200 nouvelles brigades. Notre groupe attend encore des éclaircissements sur les efforts qui seront menés en faveur des territoires. La concertation évoquée avec les élus locaux va dans le bon sens, mais se traduira-t-elle par des financements permettant de répondre aux spécificités de chaque territoire et aux demandes des élus locaux ?

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*      *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission Défense.

M. le président Thomas Gassilloud. La commission est saisie de vingt-neuf amendements. Sur les quarante-neuf qui avaient été initialement déposés, sept ont été retirés et treize ont été déclarés irrecevables, soit parce qu’ils comportaient des erreurs dans les mouvements de crédits ou leur justification – c’est le cas des amendements nos 32, 36, 37, 38, 40 et 44 –, soit parce qu’ils ne relevaient pas du domaine des lois de finances – cela concerne les amendements nos 9, 15, 19, 20, 21 et 22. Enfin, l’amendement no 13 relevait du compte d’affectation spéciale Pensions.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN7 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). La mission Défense prévoit pour 2023 une dotation en gazole de 33 036 867 euros, correspondant à un volume de 20 600 mètres cubes pour nos forces armées, en très légère augmentation par rapport au PLF pour 2022. Le Gouvernement table sur un prix du baril de pétrole de 88 euros. Cette prévision ne tient pas compte de la grande volatilité des cours liée à l’évolution du marché, qui est actuellement fortement affecté par la dégradation de l’environnement international. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés propose d’augmenter de 5 % la dotation gazole allouée à nos forces armées, pour un montant de 1,651 million. Cette somme tient compte de l’augmentation des tarifs de cession ainsi que du volume de carburant nécessaire à l’activité de nos forces armées en 2023, qui pourrait s’accroître.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Votre amendement est utile, car le cours du brent a été manifestement sous-estimé dans le projet de budget, comme il l’avait été l’année dernière. Si le montant de 1,651 million est insuffisant pour compléter le reste à charge de nos armées, c’est tout de même mieux que rien. Avis favorable.

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Cet amendement, comme les trois suivants, témoignent de la volonté qui nous anime toutes et tous que les forces armées aient les moyens de leurs ambitions. Cela étant, les montants proposés – 1,6 million, 50 millions, 200 millions… – montrent combien nos prévisions divergent concernant la volatilité du cours du baril. Il ne faut pas laisser croire que nos armées ne disposent pas de moyens suffisants et que nous n’avons pas la possibilité de réabonder en cours d’année la ligne budgétaire des carburants, faculté prévue par l’article 5 de la LPM. Au nom de mon groupe, je vous invite donc à repousser cet amendement, comme les trois suivants.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Le service de l’énergie opérationnelle (SEO) détient un compte de commerce abondé par le programme 178, qui lui sert à acheter l’essence et à la revendre à ses utilisateurs – nos armées, les armées alliées ou des entreprises privées effectuant en particulier des essais. Ce compte a été abondé cette année à hauteur de 600 millions ; il peut présenter un découvert d’un montant maximal de 125 millions. Fin août, le compte de commerce étant à zéro, le SEO a dû utiliser son découvert en veillant à ne pas dépasser la limite fixée. Il ne peut y parvenir qu’en ponctionnant d’autres lignes du programme 178, ce qui met en tension la totalité de ce programme. C’est cela que nous voulons éviter. Le Gouvernement aurait pu choisir d’activer l’article 5, mais il ne l’a pas fait cette année. Il aurait pu aussi, dès juillet, augmenter la ligne dédiée à l’essence dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR). J’espère que le PLFR de décembre abondera ce programme.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN8 de Mme Anna Pic et autres

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement vise à abonder les crédits destinés à la préparation des forces navales. Le respect du contrat opérationnel pour la fonction de protection n’est que de 89 %, soit le niveau le plus faible de toutes les forces armées. Les autorisations d’engagement en matière de préparation des forces navales sont en forte diminution – de près de 32 %, soit d’environ 1,3 milliard –, ce qui montre que l’on envisage un contrat opérationnel général plus faible pour la marine en 2023. Le constat est particulièrement préoccupant pour la sécurité de notre zone économique exclusive (ZEE). Comme l’indique le projet annuel de performances (PAP) Défense, « le niveau de réalisation de la couverture des zones de surveillance maritime devrait se maintenir jusqu’en 2025, le parc des moyens aériens et maritimes restant quantitativement équivalent ». Ce taux de couverture restera donc très faible.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cet amendement et les suivants, qui ont trait au renforcement de nos moyens pour la marine nationale, présentent des objectifs louables mais proposent des moyens discutables. Je comprends mal le gage sur lequel reposent les amendements de Mme Pic et de Mme Galzy qui visent à abonder l’action 03, Préparation des forces navales, du programme 178 d’un montant, respectivement, de 5 millions et de 1 million. Vous prélevez ces sommes sur l’innovation et le soutien à nos forces alors qu’on a montré à quel point ces domaines sont essentiels à la marine nationale. Dans le même ordre d’idées, une série d’amendements du Rassemblement national vise à abonder le programme des sous-marins ou celui des patrouilleurs océaniques en prélevant les crédits sur la journée défense et citoyenneté, qui est une brique essentielle du lien entre l’armée et la nation. Enfin, l’amendement de M. Tanguy me semble redondant avec celui de ses collègues puisqu’il vise à l’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer (POM) supplémentaires.

La majorité présidentielle apporte une grande attention à la ZEE et aux territoires d’outre-mer (TOM), comme le montre l’accroissement des moyens de notre armée, tant dans le budget que dans la loi de programmation en cours. Il est prévu d’acheter cinq POM supplémentaires, le premier étant en essais à Brest et devant être livré en 2023. Un sixième bateau est prévu pour 2025. Le PLF affecte à cette fin 1,4 milliard en AE et 114 millions en CP. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Horizons votera contre ces amendements.

Mme Anna Pic (SOC). Comme l’exposé sommaire l’indique, le gage nous est imposé par l’article 40 de la Constitution. Nous espérons que le Gouvernement, conscient de la nécessité de préserver les crédits de l’ensemble des programmes, le lèvera.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous voterons en faveur de l’amendement, car il vise à accroître le budget de la défense.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons des modules de formations spécifiques pour sensibiliser les armées à la préservation de l’environnement. L’amendement abonde à cette fin les crédits en faveur de la formation.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Votre amendement reprend une proposition d’un rapport d’information de Mme Santiago et de M. Fiévet qui avait été adopté par notre commission. Il est toujours utile de former aux enjeux climatiques. Avis favorable.

M. Jean-Marie Fiévet (RE). Je doute de la pertinence des amendements portant sur la transition écologique et énergétique de nos armées. En effet, celles-ci sont déjà fortement engagées en la matière. Le ministère des armées a une responsabilité particulière en matière d’environnement, en sa qualité de premier propriétaire foncier de l’État. Il assume parfaitement ce rôle, comme le montrent les mesures qu’il prend en faveur de la sobriété et de la transition énergétique. Ces actions sont formalisées dans le cadre d’une stratégie ministérielle pour la performance énergétique visant à réduire la dépense énergétique des infrastructures du ministère et à développer l’utilisation d’énergies renouvelables et de capacités d’autoproduction.

Ces mesures représentent 114 millions en AE et 58 millions en CP dans le PLF2023 pour le plan Place au soleil. On relève 18 contrats de performance énergétique, 50 millions pour le plan Eau, un fonds d’intervention de 3 millions pour l’environnement et plus de 10 millions prévus en 2023 pour le remplacement progressif d’ici à 2031 de près de 1 600 chaufferies au charbon ou au fioul. Mentionnons aussi les zones classées Natura 2000, les missions de lutte contre la pollution de la marine nationale ou encore les partenariats du ministère des armées avec diverses organisations protectrices de l’environnement et de la biodiversité.

Dans le cadre de l’élaboration du rapport d’information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, j’ai été témoin, avec Isabelle Santiago, de cet engagement, qui a permis la restauration de 700 hectares de pelouses sèches, la protection de 3 hectares de milieux humides et la réinsertion d’une espèce d’oiseau protégée, l’outarde canepetière, sur le camp de la Valbonne, grâce au programme Life.

De leur formation jusqu’à leur camp de base, les militaires sont sensibilisés aux enjeux environnementaux. Plusieurs bases ont signé des conventions avec les agriculteurs pour permettre à leurs animaux de venir pâturer sur les terrains militaires. Enfin, je suis convaincu que nos soldats sont aussi sensibilisés, en tant qu’individus, à ces enjeux.

Il faut accompagner le ministère dans ses initiatives. Je ne crois pas que les mesures proposées par les amendements II-DN11 et II-DN12, ni le fléchage auquel invite l’amendement II-DN10, constituent des dépenses pertinentes. Nous voterons donc contre ces amendements.

Mme Anna Pic (SOC). Je me réjouis que le ministère engage des investissements et soit sensibilisé à l’environnement, mais l’amendement vise à abonder une ligne précise : l’action 08, Politique culturelle et éducative, du programme 212.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Dans le cadre de leur formation initiale, nos militaires sont sensibilisés à l’environnement. Il est quelque peu choquant de vous entendre dire que les formations sont mal faites et que nos soldats ne sont pas sensibilisés à l’écologie. Lorsqu’ils se déplacent, ils sont très respectueux de l’environnement. Votre amendement, à cet égard, n’est pas recevable.

Mme Anna Pic (SOC). À aucun moment je n’ai dit que les soldats étaient mal formés, mais il me paraîtrait utile de prévoir une formation tout au long de la vie sur la sensibilisation à l’environnement.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cher Jean-Michel Jacques, il ne vous revient pas de juger de la recevabilité d’un amendement : je vous remercie de bien vouloir respecter le travail de vos collègues.

Cet amendement ne vise pas à remettre en cause les formations destinées aux militaires mais à en faire davantage pour l’environnement. Je me souviens d’un chef d’état-major pour qui l’armée de terre s’y connaissait en écologie puisque les soldats étaient tous habillés en vert… Un peu de formation tout au long de la vie ne peut pas faire de mal !

Mme Natalia Pouzyreff (RE). L’un des scénarios proposés par la Red Team Défense montre comment nos forces pourraient être très rapidement mises en difficulté si elles ne disposaient plus de moyens de ravitaillement. L’enjeu de leur indépendance sur le champ de bataille est pris très au sérieux par les militaires.

M. Jean-Louis Thiériot (LR). Cet amendement n’est que de l’affichage. L’efficacité opérationnelle de nos armées dépend de leur capacité à se fondre dans tous les milieux : le bateau qui laisse des ordures derrière lui ou le fantassin qui ne respecte pas la nature sera le premier à se faire détecter. Par ailleurs, Monsieur Lachaud, en disant que l’amendement n’était pas recevable, notre collègue Jean-Michel Jacques s’attachait à l’esprit du droit, et non à un problème de recevabilité.

M. Jean-Michel Jacques (RE). En effet, je ne me prononçais pas sur le plan légistique mais sur le fond.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN23 de M. Aurélien Saintoul et autres

Mme Murielle Lepvraud (LFI-NUPES). Il s’agit de créer un programme dédié à l’adaptation du ministère des armées aux conséquences du changement climatique, dans le but d’intégrer un nouveau logiciel de réflexion au sein de nos armées et d’y associer des moyens spécifiques. En 2020, la consommation de carburant représentait 76 % de la facture énergétique de la défense, qui s’élève à 840 millions d’euros. Il est donc nécessaire de trouver des alternatives, notamment lorsque les ambitions en matière de recours au biocarburant ne s’élèvent qu’à 1 % dans le PLF pour 2023. La création de ce programme permettra de financer la réalisation d’une étude d’impact de l’empreinte carbone des trois armées et de préciser comment assurer notre défense en recourant moins aux énergies fossiles, en adaptant nos équipements et nos méthodes d’intervention, et en vérifiant la qualité des locaux hébergeant nos trois armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Les services de nos armées, qui ont tous conscience des enjeux de la bifurcation écologique et souhaiteraient agir, sont bien souvent limités par l’absence de budget dédié. La création de ce programme permettrait d’y remédier.

M. Laurent Jacobelli (RN). Il faudra me donner le nom du cabinet qui fait l’étude d’impact pour 1,3 million : vu le prix, c’est probablement McKinsey ! Considérant tous les manques que nous avons constatés dans l’armement et qu’il faut financer, il faut arrêter de faire des propositions de ce type. Dépenser de telles sommes pour faire des études paraît incongru. Nous voterons contre.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Les armées sont déjà engagées dans un effort de bifurcation pour réduire leur dépendance énergétique. Cela fait partie de la préparation de l’avenir et, à court terme, le plan d’investissement immobilier dans les bâtiments publics, en particulier dans l’immobilier de la défense, est déjà engagé. Je le constate dans ma circonscription avec la rénovation thermique de plusieurs bâtiments qui abritent nos soldats.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Je suis un peu ébahi de constater que, une fois de plus, l’amendement est gagé sur le programme 144. En l’occurrence, s’il y a bien un programme dans lequel on fait de l’innovation sur les carburants et sur la transition écologique des armées pour penser le futur et préparer l’avenir, c’est bien celui-ci ! Il y a là une incohérence de fond qu’il est difficile de comprendre.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN24 de M. Aurélien Saintoul et autres

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens alloués à la sécurisation des fonds marins. La France, deuxième puissance maritime au monde, a besoin de moyens de surveillance pour protéger ses câbles sous-marins et ses ressources.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. La maîtrise des fonds marins nécessite des moyens de surveillance des grandes profondeurs mais aussi d’intervention. Ces capacités existent : a été nommé auprès du sous-chef Opérations un adjoint en charge de maîtrise des fonds marins, tandis que des sociétés travaillent activement à développer des moyens d’actions dans les grands fonds. Enfin, une mission flash aura pour objet de tirer un certain nombre d’enseignements sur ce sujet et nous permettra d’enrichir la future LPM. Je vous propose de rejeter cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN25 de M. Aurélien Saintoul et autres

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Avis favorable. Le SSA (service de santé des armées) continue de souffrir des suppressions d’effectifs réalisées lors de la RGPP (révision générale des politiques publiques) et a été très fortement mis sous tension lors de la pandémie. Il est désormais nécessaire de lui donner des moyens supplémentaires pour remplir ses missions, notamment dans la perspective d’un conflit de haute intensité.

Mme Corinne Vignon (RE). L’augmentation de 1,3 million d’euros prévue dans le PLF pour 2023 permettra au service de santé des armées de commander une plateforme logistique santé, d’engager un effort sur la sécurisation des HIA (hôpitaux d’instruction des armées) et d’acquérir les équipements nécessaires pour moderniser les unités médicales opérationnelles et les antennes de réanimation ou de chirurgie de sauvetage.

L’article 42 du PLF corrige en outre une inégalité de traitement entre les personnels du SSA. Ceux qui sont en fonction dans les hôpitaux interarmées perçoivent le CTI (complément de traitement indiciaire) instauré à la suite du Ségur de la santé. Une majoration de traitement indiciaire est donc créée pour les personnels soignants relevant du ministère des armées mais n’exerçant pas directement en milieu hospitalier et qui, de ce fait, étaient privés du CTI.

Enfin, avec le retour de la haute intensité des conflits en Europe, la LPM nous permettra de réviser les capacités des SSA.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN29 de M. Michaël Taverne et autres

M. Michaël Taverne (RN). Il vise à interpeller le Gouvernement sur les raisons de la réduction du budget alloué aux moyens de simulation de notre dissuasion nucléaire – moins 30 millions d’euros en autorisations d’engagement et moins 70 millions d’euros en crédits de paiement –, alors que cet outil est indispensable pour préserver la crédibilité de nos forces nucléaires, sans laquelle la dissuasion ne remplit plus sa mission.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Depuis 2017, les crédits consacrés à la dissuasion ont augmenté de 47 % – ils s’élèveront à 4,6 milliards en 2023 – tandis que ceux dédiés à la simulation ont augmenté de plus de 50 millions d’euros : c’est considérable. La légère baisse prévue pour 2023 est en ligne avec les besoins exprimés par les porteurs du programme : il n’y a donc pas d’alerte particulière sur notre capacité à simuler notre arsenal dissuasif.

Par ailleurs, pour financer votre amendement, vous ponctionnez des crédits de la journée défense et citoyenneté, ce qui est contreproductif au regard des objectifs qui devraient normalement tous nous rassembler.

M. Loïc Kervran (HOR). L’excellence de la France dans le domaine de la simulation permet de comprendre la baisse des crédits. Tous les outils qui ont été développés – laser Mégajoule, installation radiographique Epure, supercalculateurs Tera, réacteur d’essai RES – ont permis d’en réduire considérablement les coûts.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN33 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). Les tensions sur la disponibilité des hélicoptères font que nous n’atteignons pas les objectifs en heures de vol fixés par la LPM. Il convient de renforcer nos investissements dans ce domaine afin d’être toujours plus opérationnel et efficace. Il est donc proposé de prélever 3,35 millions d’euros sur le budget des dépenses de personnel des cabinets pour augmenter le budget consacré aux hélicoptères NH90.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Votre amendement ne relève pas du programme 146 mais du programme 178 puisqu’il concerne le maintien en condition opérationnelle (MCO). Par ailleurs, vous le financez en prélevant sur des crédits qui n’ont aucun rapport. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN34 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). La capacité de projection est capitale pour nos armées. Avec le retour des guerres de haute intensité, le transport de matériel lourd retrouve toute son importance. Après le retrait du C160 Transall, l’A400M est devenu un atout précieux, qu’il convient de prioriser au sein du budget. Il nous semble donc judicieux de prélever des crédits sur le budget consacré au cabinet ministériel pour les investir dans l’A400M.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. L’A400M ne connaît pas de problème d’approvisionnement : la trajectoire est respectée à la lettre et l’armée de l’air et de l’espace recevra en 2023 son vingt-deuxième A400M. Par ailleurs, vous prenez sur les crédits des cabinets pour financer un renforcement potentiel de programmes qui fonctionnent déjà. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN35 de M. Pierrick Berteloot et autres

M. Pierrick Berteloot (RN). Nos sous-marins sont un atout décisif pour surveiller et protéger les mers et les océans. En cas de guerre de haute intensité, la France, deuxième surface maritime mondiale, sera inévitablement menacée sur son territoire maritime. Notre flotte doit donc demeurer opérationnelle et être capable d’intervenir partout et rapidement afin de protéger notre intégrité nationale. L’entretien régulier de la flotte de sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda coûte cher et nécessite des investissements toujours plus importants. Nous proposons de supprimer la journée défense et citoyenneté (JDC), anecdotique dans la vie des Français et donnant peu de résultats, et de transférer les crédits correspondants au programme d’investissement dans les sous-marins.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je ne peux pas laisser dire que la journée défense et citoyenneté est anecdotique : je vous invite à vérifier les effets de ce dispositif et, plus largement, du service national universel (SNU).

Concernant votre amendement, je suis assez étonné : l’action consacrée aux Barracuda est la sixième action la mieux dotée du programme 146. Il n’y a pas de besoin ni de difficulté dans les livraisons, qui suivent leur cours. Avis défavorable.

M. Yannick Chenevard, rapporteur pour avis. En matière de construction navale, il y a des réalités : les capacités des bassins et des ateliers à produire et à sortir les bâtiments. La construction des SNA et le déroulement du programme Barracuda répondent à une planification d’une finesse incroyable, qui n’autorise aucun retard ni aucune commande supplémentaire, car nous enchaînerons ensuite avec le sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) 3ème génération. Cet amendement doit être rejeté.

M. Laurent Jacobelli (RN). Alors que nous discutons des amendements depuis un long moment, j’en tire trois conclusions. Premièrement, aucun amendement de l’opposition ne sera adopté.

Deuxièmement, vous confondez systématiquement les gages avec un transfert de dépenses – vous pouvez arrêter maintenant, je crois que nous avons compris votre message et votre entêtement.

Troisièmement, les marques de mépris ne devraient pas être affichées dans cette commission. On peut ne pas partager le même avis : nous pensons que la journée défense et citoyenneté ne sert absolument à rien : on ne devient pas patriote en un jour, on ne prend pas conscience de la défense nationale en un jour, et il faudrait réformer le SNU, qui est une gigantesque colonie de vacances. Vous faites de l’affichage ; nous faisons du fond. Essayons de faire un travail sérieux !

M. Christophe Blanchet (Dem). La JDC est utile à au moins deux titres : d’une part, elle constitue à 25 % la base de recrutement des armées et, d’autre part, elle permet d’identifier les décrocheurs. Si le parcours n’est pas encore efficace à 100 %, il permet tout de même d’en aider quelques-uns. Quant au service national universel, il contribue à faire de nos jeunes des Français qui s’investissent dans le devoir de mémoire et développent leur esprit patriotique. Vivez l’expérience de l’intérieur, comme je l’ai fait à plusieurs reprises : vous pourrez ainsi la critiquer.

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Vous nous accusez de faire de l’affichage, tout en jugeant insuffisante la marche budgétaire à 3 milliards : cela n’a pourtant rien de négligeable et s’inscrit dans la trajectoire de 300 milliards fixée par la LPM pour porter le budget de la défense à 2 % du PIB. C’est un effort auquel les Français consentent parce qu’ils sont tout à fait conscients de la nécessité que nos armées montent en puissance.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je crois que vous avez parfaitement résumé le problème de fond : vous estimez que ces 3 milliards sont un pas en avant suffisant. Nous considérons qu’avec l’inflation et les reports de charges, ces 3 milliards ne font qu’assurer la continuité. Il n’y a pas de véritable progression, alors que nous avions beaucoup reculé dans les années passées. Ce que vous faites mine de ne pas comprendre, c’est que les différents amendements ne sont pas des transferts mais des demandes d’augmentation de budget, pour fournir davantage d’équipements à nos armées. Ce budget, même s’il est en augmentation sur le papier, n’est pas suffisant. Si vous continuez à nous sortir les mêmes éléments de langage pour éviter le débat, nous allons tourner en rond pendant deux heures !

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Vous avez voté une LPM à 300 milliards, certes, mais avec pour seul objectif d’atteindre les 2 % du PIB. Or ce seuil n’a été atteint qu’à la suite de l’effondrement du PIB consécutif à l’épidémie de covid-19 : cela démontrait bien l’inanité d’un tel objectif. Alors que le ministre affirme vouloir co-élaborer la prochaine LPM avec les oppositions, vous ne voulez absolument rien entendre de nos propositions concernant le budget : cela augure mal de la suite. De plus, puisque, à vous entendre, tout va très bien, pourquoi faire une nouvelle LPM ? Pourquoi ne pas aller jusqu’au terme prévu de 2025 ?

Mme Natalia Pouzyreff (RE). Vous avez raison : nous avons déjà atteint les 2 % du PIB ; et pourtant, ce n’était pas l’objectif principal. Notre effort d’investissement porte essentiellement sur les équipements et la part du budget qui leur est affectée est considérable comparée à celle des autres pays européens.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Pensez-vous que le contexte économique et géopolitique n’a pas évolué depuis 2017 ? Il y a eu des changements majeurs – crise sanitaire, guerre en Europe… Votre LPM n’est pas l’alpha et l’oméga en toute chose. Nos armées sont dépourvues en matériel, en formation et en munitions. Certes, la LPM est respectée à l’euro près, mais ce n’est pas suffisant. De plus, l’inflation n’a pas débuté en 2022, elle a existé aussi entre 2018 et 2022 : cela aussi consomme du crédit.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Alors que l’on nous avait vendu cette LPM à hauteur d’homme, on nous explique aujourd’hui que l’essentiel de ce texte consiste en investissements dans du matériel. À quoi sert d’avoir du matériel si nous n’avons pas de soldats formés pour le manœuvrer ? Or nous rencontrons un vrai problème de fidélisation. Force est de constater que les 3 milliards, qui plus est grevés par l’inflation, ne tiennent pas compte de la globalité du problème.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je tiens à poser une question aux membres des groupes liés à la majorité : êtes-vous disposés à accepter ne serait-ce qu’un amendement de l’opposition ou bien avez-vous décidé de tout rejeter et de camper sur vos positions ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN39 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Les forces françaises étant dépendantes de l’importation pour les munitions de petit calibre, il est primordial de retrouver une filière souveraine de production dans ce domaine. Or le budget ne traite pas de ce problème. Pour y remédier, nous vous proposons de débloquer 100 millions en les prélevant sur les crédits de la journée défense et citoyenneté. Puisque je dois vous expliquer la politique des gages, nous souhaitons que le gage ne soit pas levé et que le Gouvernement comprenne l’importance de ces munitions.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je vous invite à ce que l’on échange dans le cadre des groupes de travail sur la future LPM car c’est un sujet légitime. Certains sujets comme l’agenda de relocalisation relèvent du débat sur l’économie de guerre. Remettre en place ces filières en France nécessite des changements structurels importants : ce sont donc des sujets LPM. Il faudra en débattre en amont de manière un peu plus structurée que dans le cadre du PLF pour 2003. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN42 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Les machins qui ne servent à rien peuvent être des sources d’économies. L’Agence européenne de défense, censée faire travailler vingt-six pays sur des projets d’armement, écrivait elle-même que ces rapprochements n’avaient pas lieu, signant ainsi le constat de sa propre incapacité. Quand les pays veulent travailler ensemble, ils peuvent le faire : pas besoin d’une agence pour les y forcer. Vous cherchez des économies pour financer des programmes pour nos armées : je vous en propose pour 7,5 millions.

M. Jean-Charles Larsonneur, rapporteur pour avis. Cette fois-ci, vous essayez de supprimer des crédits de manière pure et simple, en estimant que l’Agence européenne de défense ne sert à rien. On peut en débattre sur le fond mais cette agence finance le Fonds européen de la défense, qui a eu un rôle non négligeable dans l’organisation des livraisons d’armements à l’Ukraine, qui soutient l’effort d’innovation et de construction de programmes conjoints et qui renforce la BITD européenne. Je ne peux pas comprendre qu’on annule purement et simplement, sans autre projet, une agence européenne qui, en dépit de difficultés, remplit des missions essentielles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN43 de M. Laurent Jacobelli et autres

M. Laurent Jacobelli (RN). Il s’agit d’un amendement d’alerte.

Le brouillage et le leurrage des signaux GNSS sur le champ de bataille sont des menaces désormais clairement identifiées, qu’elles émanent de forces irrégulières équipées de brouilleurs achetés sur internet ou de plus grandes puissances. Les capacités en matière de guerre électronique de pays comme la Russie nous montrent qu’il ne faut pas compter sur le seul réseau satellitaire pour la géolocalisation de nos systèmes. La tentation de renforcer les receveurs, incarnée par le programme européen Omega (Opération de modernisation des équipements GNSS des armées), nourrit une fuite en avant : s’il est nécessaire de sécuriser les receveurs à usage militaire, ces derniers ne sauraient être une solution réellement efficace.

La France a la chance de disposer de deux industriels en mesure de fournir des solutions inertielles haute performance, c’est-à-dire capables de naviguer de manière autonome, sans signal GNSS, avec une dérive dans le temps opérationnellement acceptable. Le budget alloué au programme Omega aurait suffi à équiper de telles centrales une part conséquente de notre parc de véhicules terrestres.

À l’heure du combat collaboratif dans le cadre du programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), perdre les données de navigation d’un véhicule peut avoir de graves conséquences opérationnelles. Nous invitons donc les décideurs publics à équiper rapidement nos véhicules de solutions inertielles.

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN46 de Mme Stéphanie Galzy et autres

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement d’appel vise à interpeller le Gouvernement sur la capacité de nos armées à surveiller nos zones économiques exclusives (ZEE). La marine nationale n’a pas les moyens de le faire et les pillages halieutiques dans l’océan Indien, notamment au large des îles Éparses, représentent un gros enjeu économique et environnemental. La France, puissance maritime mondiale, doit doter sa marine en patrouilleurs et réaliser des investissements dans les nouvelles technologies.

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN47 de M. Frédéric Boccaletti et autres

M. Frédéric Boccaletti (RN). Je serai très bref, puisque tous les amendements de l’opposition vont être rejetés, quel que soit le groupe dont ils émanent. Je regrette que le sectarisme de la Macronie ait fait son apparition dans cette commission, où les choses se passaient très bien jusqu’à présent. Il faut dire que c’est la première fois que nous procédons à des votes : dès qu’il y a de la démocratie, cela dérange la Macronie !

Une commission d’enquête du Sénat a dévoilé en mars 2022 que les dépenses de l’État en prestations de conseil avaient été multipliées par trois entre 2018 et 2021 et que 18,2 % d’entre elles concernaient le ministère des armées en 2021. Parmi les cabinets qu’il emploie, des américains, des britanniques et des néerlandais ; bref, des puissances étrangères sont mêlées aux affaires militaires nationales.

Pour 2023, ce budget est en augmentation de 3,92 % pour atteindre près de 90 millions d’euros. Le contexte géopolitique nécessite de revoir nos priorités stratégiques et les financements doivent servir en priorité à rendre opérationnelles nos armées. En revenant au niveau de 2018, on économisera plus de 60 millions que nous proposons de reverser à la marine nationale.

L’amendement sera rejeté, mais je le redéposerai en vue de la séance.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il y a méprise : le budget des cabinets de conseil, qui était de 50 millions l’an dernier, est sur le poste du secrétariat général pour l’administration (SGA). Là, vous retirez des crédits au cabinet du ministre : vous le privez de tous ses moyens d’agir. Je vous propose donc de retirer votre amendement et de revoir en vue de la séance le poste budgétaire visé.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-DN48 de Mme Stéphanie Galzy et autres

Mme Stéphanie Galzy (RN). Il vise à revaloriser de 3 millions d’euros le budget alloué à la hausse du nombre d’apprentis dans les armées, en réduisant d’autant la contribution française à l’Agence européenne de défense (AED).

Le développement de l’apprentissage est un objectif partagé par l’ensemble des groupes politiques. Un effort supplémentaire serait bénéfique pour les jeunes et pour nos armées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Défavorable. L’apprentissage n’est pas la bonne solution aux problèmes d’attractivité et de fidélisation au sein de nos armées. La moitié des contrats d’apprentissage aboutit à une rupture avant terme.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant la préconisation de M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-DN49 de M. Jean-Philippe Tanguy.

 

Amendement II-DN50 de M. Michaël Taverne et autres

M. Michaël Taverne (RN). Dans le contexte international actuel, marqué par le retour de la guerre en Europe, il est indispensable d’assurer la bonne préparation de nos forces. L’effort budgétaire consenti cette année à cette fin est insuffisant.

Le budget prévoit une diminution de 2,1 millions d’euros des crédits de paiement alloués aux systèmes d’information et de communication (Sic), mais une hausse de 1,9 million de ceux des cabinets du ministère des armées – sans doute principalement pour compenser l’inflation, mais il faut un effort supplémentaire. Vous avez parlé de soutien à nos forces armées et d’efforts sur les équipements : soyez cohérents. Nous proposons que les fonds nécessaires à cette hausse soient symboliquement transférés vers les Sic, enjeu structurant, y compris pour la dissuasion. Ceux d’entre vous qui connaissent le terrain savent combien la communication est essentielle en matière opérationnelle.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Je ne connais pas la justification de la baisse. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN51 de M. Julien Rancoule et autres

M. Julien Rancoule (RN). Il s’agit d’abonder de 18 791 578 euros l’action 06-14, Assurer la crédibilité de la dissuasion M51, du programme 146. Vu le regain de conflictualité déstabilisant le continent européen, il apparaît absolument nécessaire que la France consolide sa dissuasion nucléaire, garante de notre sécurité et de notre indépendance.

Pour des raisons de recevabilité, la somme est prélevée sur le budget alloué à la journée défense et citoyenneté du programme 212, Soutien de la politique de la défense. En effet, à l’heure du développement du SNU, les JDC sous leur forme actuelle perdent en pertinence. À mon collègue qui les vantait, je dirai que ce n’est pas le rôle de l’armée de détecter le décrochage et qu’il sous-estime nos enseignants, les plus à même de le faire.

M. Mounir Belhamiti, rapporteur pour avis. Je vous rassure : les M51.3 sont soutenus à hauteur de 809 millions d’euros dans le PLF pour 2023 et les travaux sur le quatrième incrément seront lancés en 2023. Avis défavorable.

M. Christophe Blanchet (Dem). Les enfants sortis du système scolaire qui vont faire leur JDC n’ont pas été repérés par les enseignants.

Nos travaux ont montré que la JDC était à améliorer ; j’estime à titre personnel qu’elle n’accomplit pas toutes ses missions. Sa transformation en SNU permettra d’atteindre nos objectifs, mais elle est progressive : le SNU ne peut être instauré du jour au lendemain faute de moyens humains et de structures d’accueil. En attendant, la JDC fournit une base de recrutement à nos armées et permet d’identifier quelques décrocheurs. Ne supprimons donc pas un dispositif qui a prouvé son efficacité dans certains domaines, notamment le sens de la citoyenneté et du patriotisme, et ne le mettons pas en concurrence avec l’éducation nationale : chacun ses responsabilités.

M. Laurent Jacobelli (RN). Bravo : nous devenons la seule commission qui n’accepte aucune remarque de l’opposition. J’ai été naïf, ainsi que mon groupe : nous avons toujours loué la qualité des débats, l’ouverture et l’écoute qui nous paraissaient y régner – à quelques exceptions près, mais M. Bayou n’est pas là aujourd’hui. Désormais, quoi que l’on dise ou fasse, la réponse est non, assortie au mieux d’un argument, au pire d’un regard méprisant.

Comment allez-vous expliquer, en sortant d’ici, que vous n’avez rien accepté d’aucune opposition ? Vous le faites sous les yeux de ceux qui suivent nos débats. C’est la quintessence de la Macronie : cause toujours, tu m’intéresses ! Je veux bien que vous ayez raison sur tout et nous sur rien ; statistiquement, c’est quand même très peu probable. En revanche, la probabilité que vous souffriez d’un manque d’humilité et d’écoute est de moins en moins nulle.

Soit vous continuez ainsi, ce qui vous envoie dans le mur – et, soyons très clairs, cela nous sert, mais cela ne sert pas les Français ; soit vous assouplissez vos positions et vous écoutez un peu ce qui se dit en face. Si, depuis 2017, vous aviez raison sur tout, les Français s’en seraient aperçus !

M. Lionel Royer-Perreaut (RE). Par nature et par tradition, notre commission s’est toujours caractérisée par le consensus et le respect mutuel. Je ne comprends pas le durcissement brutal de vos postures alors que nos travaux étaient, au départ, très constructifs.

Nos différences d’approche résultent de nos histoires et de nos visions politiques respectives. Quand vous attaquez l’Agence européenne de défense, on reconnaît bien le Front national et son opposition à tout ce qui est européen. Certains de vos amendements pourraient être intéressants, mais si nous les avions tous acceptés, comme vous les avez gagés sur l’essentiel des finances du cabinet du ministre des armées – qu’a-t-il bien pu vous faire ? –, il n’y aurait plus d’argent pour le faire tourner.

Manifestement, certains d’entre vous ont encore besoin d’apprendre à maîtriser la mécanique parlementaire. Vous essayez de vous victimiser en permanence, mais ça ne marchera pas. Puisque vous voulez faire de la politique, faisons-en : vous voulez dépouiller des missions essentielles à la défense pour essayer de donner du crédit à votre action, qui est incompréhensible. Je regrette vraiment que nous en arrivions là. Si nos débats n’étaient pas filmés, votre approche ne serait pas la même. On a bien compris que vous vouliez préparer les esprits à ce qui va être débattu à partir de dix-sept heures. Les membres de notre commission, les militaires qui nous regardent, tous ceux qui sont attachés à l’esprit de défense ne méritent pas cela.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je le répète, notre commission restera la seule qui n’aura pas écouté l’opposition, qui n’aura voté aucun de ses amendements. Vous pouvez dire que le Rassemblement national n’est pas un parti compétent ; les Français en ont jugé autrement. Il est vrai que vous avez une certaine expertise en la matière, ayant fait un bon nombre de partis ces dernières années. Vous pouvez ne pas vous remettre en cause – je vois que vous avez très vite adopté les habitudes de la Macronie –, mais la situation soulève des questions. Je crois m’être exprimé poliment, je n’ai pas fait d’esclandre ; je vous dis simplement que je regrette cet état de fait. Vous l’avez dit, cette commission est composée de gens sérieux, le dialogue y est en général de qualité. Aujourd’hui sont venus s’y inviter la posture et le mépris ; c’est dommage. Pour le coup, c’est peut-être lié à la présence des caméras : vous êtes tous beaucoup plus amènes quand elles ne sont pas là.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements II-DN52 et II-DN53 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il faut augmenter les budgets essence de nos armées pour tenir compte du cours du brent. On ne peut pas partir du principe que le baril sera à 63 euros en 2023. Au lieu d’avoir à abonder le programme en cours d’année, faisons-le maintenant : c’est du bon sens.

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Ne devrais-je pas donner mon avis sur l’amendement II-DN52 ?

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-DN54 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les dépôts de munitions du Simu (service interarmées des munitions) sont pour la plupart classés site Natura 2000. Cela nous garantit de vastes espaces naturels protégés favorisant la biodiversité, mais chaque fois que le Simu veut faire des travaux, il se heurte à des contraintes qui entraînent des surcoûts. L’amendement vise à compenser ceux qui affectent la rénovation du camp de Miramas en raison de la présence de chênes-lièges remarquables.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Frank Giletti, rapporteur pour avis. Je maintiens que, pour l’amendement II-DN52, j’étais le rapporteur pour avis. L’erreur n’est pas dramatique, mais que l’on puisse au moins s’exprimer de temps en temps !

M. le président Thomas Gassilloud.  Il pouvait y avoir deux rapporteurs pour avis, puisqu’il s’agit de la préparation des forces aériennes, mais que l’amendement abonde aussi la préparation et l’emploi des forces. N’y voyez aucune marque de rejet. Vous pouvez intervenir à tout moment si vous le souhaitez.

 

Amendement II-DN55 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Les effectifs du service d’infrastructure de la défense (SID) ont diminué ces dernières années alors que le nombre de projets qu’il doit traiter s’accroît avec la hausse constante de crédits prévue par la LPM. Le SID est donc obligé d’externaliser la réalisation d’opérations, ce qui induit de fortes augmentations budgétaires pour les armées, de 4 à 5 millions d’euros pour certains projets. Je propose d’allouer des fonds au recrutement de fonctionnaires qui feront le même travail à moindre coût, pour un meilleur rendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN56 de M. Bastien Lachaud

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Comme pour le logement, il faut un grand plan de rénovation des restaurants de nos armées, dont plusieurs font régulièrement l’objet de signalements par les services vétérinaires et sont menacés de fermeture administrative.

M. Laurent Jacobelli (RN). Sur le principe, nous sommes d’accord, mais comment arrivez-vous au montant de 80 millions ?

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une estimation au vu du nombre de restaurants à rénover et du coût moyen de rénovation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN57 de M. Bastien Lachaud

M. François Cormier-Bouligeon, rapporteur pour avis. J’aurais aimé donner un avis favorable, ne serait-ce que pour contredire nos collègues du Rassemblement national, et je remercie Bastien Lachaud de sa sollicitude envers le programme 178, mais je ne crois pas opportun de prendre 50 millions au programme 146.

L’article 5 de la LPM permet précisément de couvrir ce type de besoins. M. Lachaud nous dira qu’il n’a pas été utilisé en 2022, mais on ne peut préjuger pour autant qu’il ne le sera pas en 2023.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Sur le premier point, dès lors que l’exposé sommaire précise que l’auteur de l’amendement souhaite la levée du gage par le Gouvernement, il est malhonnête d’utiliser cet argument.

Quant à l’article 5 de la LPM, il n’a été activé ni en 2022 ni les années précédentes pour couvrir le surcoût Opex. Cela nous fait craindre qu’il ne le soit jamais. Espérons qu’il en ira autrement de l’éventuel article équivalent dans la future LPM.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN3 de M. Christophe Naegelen et autres

M. le président Thomas Gassilloud. Il n’est pas défendu.

M. Laurent Jacobelli (RN). Nous le reprenons !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN11 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Nous demandons au Gouvernement un état des lieux précis des besoins en matière de préservation de l’environnement dans le secteur de la défense, qui ne sera pas épargné par le changement climatique. Comme l’a souligné en mai 2021 la mission d’information sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, ces enjeux doivent être anticipés et les besoins chiffrés.

Le rapport demandé devra aussi évaluer l’opportunité de la création, à terme, d’un budget dédié aux questions environnementales pour le ministère des armées, pour qu’elles ne soient pas des variables d’ajustement mais l’objet d’un vrai plan d’action, d’une feuille de route claire énumérant des priorités qui soient financées.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Puisque, quand l’Assemblée nationale fait des rapports, leurs auteurs eux-mêmes les jugent insuffisamment précis pour être transformés en loi, l’Assemblée devrait en effet, dans sa sagesse, s’en remettre au Gouvernement…

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN12 de Mme Isabelle Santiago et autres

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à intégrer la dimension environnementale dans les actions du ministère des armées. En effet, le secteur militaire a d’importantes responsabilités en la matière du fait de sa grosse consommation énergétique et du fort impact environnemental de ses actions. Nous demandons par conséquent au Gouvernement un rapport évaluant la politique environnementale du ministère – biodiversité des terrains militaires, recyclage des déchets, transition énergétique des infrastructures et des systèmes d’armes.

Contre la préconisation de M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN14 de Mme Anna Pic et autres

Mme Anna Pic (SOC). Il vise à octroyer une reconnaissance financière à tous les personnels soignants du service de santé des armées, sans distinction.

La crise sanitaire a mis sur le devant de la scène ceux qu’on a appelés les « premiers de corvée », longtemps absents des débats politiques. Pour revaloriser les salaires des personnels travaillant dans les métiers du soin, le Gouvernement a instauré un complément de traitement indiciaire de 49 points d’indice, correspondant actuellement à un montant de 189 euros nets. Cette décision ne peut être que saluée.

Toutefois, plusieurs centres appartenant au SSA, au premier rang desquels le centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) et l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), n’ont pas bénéficié du CTI. Ces établissements sont pourtant essentiels au bon fonctionnement des hôpitaux des armées. Sous prétexte que les personnels paramédicaux touchaient le CTI, leur prime de service annuelle a été gelée en 2021 et 2022, alors que les travailleurs de l’Établissement français du sang obtenaient l’équivalent du CTI.

Tout au long de la crise sanitaire, les travailleurs du SSA ont été en première ligne, autant que d’autres personnels de santé en France. Cette inégalité de traitement n’est donc pas justifiée.

M. Bastien Lachaud, rapporteur pour avis. Favorable. La grille salariale du SSA est liée à celle des personnels civils, mais, bien souvent, la transposition de modifications bénéficiant à ces derniers, comme le Ségur, prend de trop longues années.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    

   Annexe :
travaux du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 

1. Auditions

 Table ronde réunissant des représentants du Comité Richelieu, du GICAN, du GICAT et du GIFAS :

-          Comité RichelieuM. Nicolas Corouge, vice-président, M. Jean Delalandre, délégué général, et M. Nicolas Voiriot, administrateur ;

-          GICANM. Philippe Missoffe, délégué général et M. Jean-Marie Dumon, délégué général adjoint et délégué défense et sécurité ;

-          GICAT M. le général (2S) Jean-Marc Duquesne, délégué général ;

-          GIFASM. le général de corps aérien (2S) Pierre Bourlot, délégué général, M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques et M. Guillaume Muesser, directeur des affaires économiques et défense ;

     État-major de l’armée de terre M. le général de division Damien Tandeau de Marsac, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     État-major des armées M. le général de corps d’armée Vincent Pons, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     MBDA M. Éric Béranger, président-directeur général, M. l’amiral (2S) Hervé de Bonnaventure, conseiller défense, M. Jean-René Gourion, directeur délégué général et Mme Anne-Sophie Thierry Bozetto, responsable des relations politiques et parlementaires ;

 

     Nexter M. Nicolas Chamussy, président-directeur général, M.  Alexandre Dupuy, directeur des relations institutionnelles, de la communication et des ventes France et M. Alexandre Ferrer, chargé des relations avec le Parlement ;

 

     État-major de la marine M. le contre-amiral Éric Malbrunot, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     État-major de l’armée de l’air et de l’espace M. le général de division aérienne Laurent Rataud, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;

 

     Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) M.  Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires ;

 

     Direction générale de l’armementM. Emmanuel Chiva, délégué général pour l’armement, M. Alexandre Barouh, sous-directeur des plans et programmes à la direction des plans, programmes et du budget, M. Alexandre Lahousse, directeur du service des affaires industrielles et de l'intelligence économique et Mme Mathilde Herman, conseillère communication et relations élus auprès du délégué général ;

 

     Ministère des Armées Mme Camille Faure, adjointe à la directrice des affaires juridiques.

 

2. Contributions

     Contribution écrite d’Airbus ;

 

     Contribution écrite d’Arquus ;

 

     Contribution écrite de Safran ;

 

     Contribution écrite du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

 

3. Déplacements

     visite de la base aérienne 702 d’Avord – rencontre avec M. le colonel Richard Gros, commandant de la base aérienne, les officiers et les personnels de la base ;

 

     visite de l’usine MBDA à Bourges – rencontre avec M. l’amiral (2S) Hervé de Bonnaventure, conseiller défense, le directeur et les personnels de l’établissement ;

 

     visite de l’usine NEXTER à Bourges – rencontre avec M. Nicolas Chamussy, président-directeur général de Nexter, le directeur et les personnels de l’établissement ;

 

     visite du centre DGA techniques terrestres à Bourges – rencontre avec M. l’ingénieur en chef de l’armement Emeric Wininger, directeur, et les personnels du centre ;

 

 


([1])  Cour des comptes, « La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et les capacités des armées », mai 2022.

([2]) Véhicule léger tactique polyvalent.

(2)  Hélicoptère interarmées léger.

 

 

([5]) Système de combat aérien futur.

([6])  Hélicoptère d’appui-protection.

([7])  Hélicoptère d’appui-destruction.

([8])  Synergie du contact renforcé par la polyvalence et l’infovalorisation.

([9])  Missile air-sol terrestre futur.

([10])  Système de lutte anti-mines du futur.

([11])  Avion de patrouille maritime Atlantique 2

([12])  Précédemment appelées « frégates de taille intermédiaire ».

([13])  Site d’élimination de chargements d’objets identifiés anciens.

([14])  Avion de surveillance et d’intervention maritimes.

([15]) Audition de M. Joël Barre, commission de le défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale 13 juillet 2022.

([16])  Les Echos, Guerre en Ukraine : la Russie a perdu une grande partie de ses armes lourdes, 6 octobre 2022.

([17])  Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiérot, Mission d’information sur la préparation à la haute intensité, Assemblée nationale, 17 février 2022.

([18]) Raphaël Briant, Jean-Baptiste Florant, Michel Pesqueur, La masse dans les armées françaises, un défi pour la haute intensité, Focus stratégique n° 105, centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales, juin 2021.

([19]) Patricia Mirallès et Jean-Louis Thiérot, Mission d’information sur la préparation à la haute intensité, Assemblée nationale, 17 février 2022.

([20]) Françoise Ballet-Blu et Jean-Louis Thiérot, Mission flash sur le financement de l’industrie de défense, Assemblée nationale, 17 février 2021.

([21]) Amélie Férey et Laure de Roucy-Rochegonde, ”Don’t bank on the bombs” L’industrie de défense face aux nouvelles normes européennes, IFRI, 22 septembre 2022.

([22]) Audition de M. Joël Barre, commission de le défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale 13 juillet 2022.

([23]) Jacques Marilossian, rapport pour avis sur le budget de la marine, projet de loi de finances pour 2020, octobre 2019.

([24]) Audition de M. Joël Barre, délégué général pour l'armement, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, 4 mai 2022.

([25])  Arrêté du 24 décembre 2013 fixant les règles relatives à la conception et aux conditions d'utilisation des aéronefs militaires et des aéronefs appartenant à l'État et utilisés par les services de douanes, de sécurité publique et de sécurité civile qui circulent sans aucune personne à bord

 

([26])  Rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement de la France, p. 17.

 

([27])  Rapport au Parlement 2022 sur les exportations d’armement de la France, p. 17.

 

([28]) L’article L. 4221-1 prévoit que : « Le contrat d'engagement à servir dans la réserve opérationnelle est souscrit pour une durée de un à cinq ans renouvelable en vue : / (…) / 5° De servir auprès d'une entreprise dans les conditions prévues aux articles L. 4221-7 à L. 4221-9 ; ». Or, les entreprises de la BITD relèvent de l’article L. 4221-7 disposant que : « Des volontaires peuvent servir, au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, dans l'intérêt de la défense, auprès d'une entreprise qui participe au soutien des forces armées et formations rattachées ou accompagne des opérations d'exportation relevant du domaine de la défense. Ces volontaires sont soumis à l'exercice du pouvoir hiérarchique. ».

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