N° 369

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 2022.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023 (n° 273)

 

 

TOME VIII

 

 

SÉCURITÉS

 

GENDARMERIE NATIONALE

 

PAR M. Jean-Pierre CUBERTAFON

Député

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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Première partie : la hausse du budget de la gendarmerie en 2023, traduction des priorités définies dans le projet de loi d’orientation et de programmatIon du ministère de l’intérieur et dans la stratégie GEND 20.24

I. À partir de 2023, le programme 152 s’inscrira dans le cadre d’une programmation budgétaire pluriannuelle

A. 15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans pour le ministère de l’intérieur : une programmation très attendue et qui donne de la visibilité et de la lisibilité à l’action des forces de sécurité intérieure

B. Le projet de LOPMI fixe quatre priorités principales au profit de la gendarmerie : la densification du maillage territorial et des escadrons de gendarmerie mobile, La transformation numÉrique, le renforcement capacitaire et la consolidation des formations

II. En 2023, la stratégie propre à la gendarmerie nationale s’appuiera sur trois piliers

A. « L’aller vers » : le passage d’une logique de guichet à une logique de « pas-de-porte »

1. Une logique de mobilité, de proximité et d’accessibilité favorisée par les nouvelles technologies

2. Un souci de transparence et de redevabilité

B. Une action coordonnée dans tous les champs de la sécurité intérieure

1. Une action tous azimuts face à la petite délinquance

a. Une priorité accordée à la lutte contre les violences intrafamiliales

b. L’opération #présentspourlesélus

c. La sécurité des mobilités

d. Un engagement fort en outre-mer

i. Des situations très contrastées

ii. Une action déterminante de la gendarmerie

2. Le renforcement des capacités d’intervention et de maintien de l’ordre

3. L’action de la gendarmerie face aux « nouvelles frontières de la délinquance »

C. La volonté d’améliorer les conditions d’exercice des missions des gendarmes et des conditions de vie de leurs familles

1. Le renforcement des formations

2. Une mise à niveau des équipements fondée sur l’interopérabilité et l’innovation

3. Un protocole social visant à fidéliser les personnels

III. La structure budgétaire du programme 152 se caractérise par le poids des dépenses de personnel, des crédits dédiés à l’immobilier et des dépenses non manœuvrables

A. Le budget de la gendarmerie nationale est marqué par le poids prépondérant de la masse salariale

1. Une masse salariale en forte évolution

2. Amorcée dès 2017, la hausse des effectifs se poursuivra et s’amplifiera à compter de 2023

a. Une augmentation des effectifs de gendarmerie déjà amorcée en 2017-2022

b. Une hausse de 950 emplois en 2023 pour atteindre les objectifs de la LOPMI

c. La poursuite de la politique de substitution, sur les postes de soutien, de personnels civils et des corps militaires de soutien aux personnels militaires

d. La densification des PSIG

e. La montée en puissance de la réserve opérationnelle de niveau 1

B. Des dépenses de fonctionnement qui restent contraintes

1. Les loyers des casernes représentent 54 % des dépenses hors titre 2 de la gendarmerie

2. Le carburant est aussi une dépense contrainte

3. Les autres dépenses de fonctionnement

a. Les dépenses liées à l’agent représentent le deuxième poste de dépenses de fonctionnement de la gendarmerie

b. Le budget d’équipement est essentiellement consacré aux dépenses d’habillement

c. Les crédits dédiés aux systèmes d’information

d. Le budget du maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de la gendarmerie

C. Un maintien de l’effort en faveur de l’investissement

1. Les véhicules

a. Les véhicules de maintien de l’ordre et les véhicules blindés de la gendarmerie mobile

b. Les véhicules de la gendarmerie départementale

2. Les hélicoptères

3. Les moyens nautiques

4. Les drones

a. La dotation de la gendarmerie en drones

b. La lutte anti-drones

5. L’investissement dans le parc immobilier domanial de la gendarmerie

IV. Les points de vigilance du rapporteur

A. L’état critique du parc immobilier domanial de la gendarmerie est le fruit d’un retard d’investissement accumulé depuis de nombreuses annÉes

B. Les effets de l’inflation sur la programmation budgétaire

C. La mise en réserve

Seconde partie : La stratégie de la gendarmerie nationale dans les champs cyber et environnemental

I. GEND 20.24 : Une offre de sécurité sur mesure et augmentée

A. « Aller vers » la population, les élus et les victimes

B. Prendre en charge la sécurité du quotidien et des mobilités selon une logique de subsidiarité et de complémentarité

C. Garantir l’ordre républicain et s’adapter aux différents contextes d’engagement

II. Le cyberespace, un enjeu prioritaire de sécurité pour la gendarmerie

A. Une stratégie globale couvrant l’ensemble du spectre missionnel : prévention, investigation, preuve numérique avancÉe, coopÉration et gestion de crise

B. Un dispositif parfaitement intégré

C. Une stratégie prospective

III. La lutte contre les atteintes à l’environnement, une préoccupation croissante de la gendarmerie

A. État des lieux de la délinquance environnementale et enjeux à venir

B. La prise en compte des atteintes à l’environnement

C. Un dispositif renforcé depuis plusieurs années pour prendre en compte ces nouvelles menaces

D. Des perspectives ambitieuses pour renforcer le dispositif actuel

Travaux de la commission

I. Audition du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

II. II. Examen des crédits

Annexe :  Auditions et déplacements du rapporteur pour avis


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   Introduction

Le 7 septembre dernier, le Conseil des ministres adoptait le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) – un texte attendu depuis de longues années par les acteurs du ministère et en particulier par les forces de sécurité intérieure.

Traduction concrète de ce projet de loi de programmation, le trait principal du projet de budget de la gendarmerie pour 2023 est l’augmentation du programme 152 de 349 millions d’euros en crédits de paiement.

Le rapporteur se réjouit de cette hausse de crédits au profit des forces de gendarmerie. Tout comme les armées, les forces de sécurité intérieure restent, comme sous le quinquennat précédent, une priorité budgétaire du Gouvernement. Non seulement ce dernier a amorcé une remontée en puissance dès son arrivée en 2017 avec le « plan 10 000 » mais il a en outre encore accentué cet effort en 2020 dans le cadre du plan de relance et en 2021 dans le cadre du Beauvau de la sécurité. Les crédits de la gendarmerie sont sur une pente ascendante depuis plusieurs années et cette dynamique sera désormais sanctuarisée en loi de programmation.

Les crédits supplémentaires prévus l’an prochain devraient permettre de financer l’augmentation du schéma d’emplois de la gendarmerie de 950 équivalents temps plein et d’améliorer les conditions de présence des gendarmes sur le terrain en métropole comme en outre-mer. Ces hausses permettront aussi d’armer en effectifs les 200 nouvelles brigades rurales et les sept nouveaux escadrons de gendarmes mobiles prévus par la LOPMI. En même temps que le maillage territorial des brigades sera renforcé, la gendarmerie met l’accent sur sa volonté de passer d’une logique de guichet à une logique de « pas-de-porte » : il s’agira pour les gendarmes d’aller encore davantage au contact de la population, des élus et des victimes – et plus particulièrement des personnes vulnérables que sont les personnes âgées, les personnes isolées et les victimes de violences intrafamiliales. C’est bien la logique de proximité qui continuera à primer, « pour la population, par le gendarme ».

La gendarmerie se prépare à faire face à un empilement des missions actuelles et à venir, en faveur de la sécurité du quotidien, de la lutte contre la menace terroriste, de la lutte contre l'immigration irrégulière et de la lutte contre les trafics de stupéfiants, pour ne citer que les principales. À ces missions s’ajoutent plusieurs rendez-vous internationaux tels que la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. C’est pourquoi, dans un contexte de fractures territoriales et face à une demande de plus en plus prégnante de sécurité de la part des concitoyens, le Président de la République a annoncé le 18 avril 2021 le renforcement de la réserve opérationnelle de premier niveau pour la porter à 50 000 réservistes d’ici à 2027. Le budget de la réserve augmentera de 14 millions d’euros l’an prochain pour atteindre les 84 millions, ce dont le rapporteur se félicite.

La transformation numérique de la gendarmerie se poursuit aussi. La LOPMI prévoit le déploiement du réseau radio du futur et la création d’une agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure. La gendarmerie poursuivra l’équipement de ses personnels en téléphones NEO2 et en ordinateurs Ubiquity, outils qui se trouvent au cœur de la stratégie de « pas-de-porte » du général d’armée Christian Rodriguez.

Ainsi, les moyens de la gendarmerie continuent sur la voie ascendante au profit des administrés et notamment de ceux résidant dans des zones très rurales et très reculées.

Quant au thème retenu par le rapporteur dans le cadre de son avis budgétaire, il s’agit de la stratégie de la gendarmerie nationale dans les nouveaux champs de la délinquance que sont le cyberespace et l’environnement. Au-delà de la prise en compte de la délinquance du quotidien ou du haut du spectre, la gendarmerie s’adapte aux nouveaux enjeux de sécurité et de maintien de l’ordre public sur un large spectre de contextes d’engagement. La montée en puissance des nouvelles technologies et leur imbrication dans la vie quotidienne ont été perçues très tôt par les gendarmes comme nouvelle source de développement de la délinquance. Dans le domaine cyber, la gendarmerie a adopté une stratégie globale couvrant l’ensemble du spectre missionnel : prévention, investigation, preuve numérique avancée, coopération et gestion de crise. Face à l’événement, les principes militaires de subsidiarité des unités et de complémentarité des moyens président aux engagements quotidiens. La stratégie de la gendarmerie repose sur un dispositif intégré et sur une dimension prospective, la formation des gendarmes dans le domaine cyber étant l’une des priorités de l’institution.

Quant aux questions écologiques, elles ne se sont hissées au fil des ans au rang des préoccupations politiques et internationales qu’à partir du début des années 1970. Depuis lors, la réglementation environnementale n’a cessé de se renforcer avec des lois toujours plus contraignantes que certains n’hésitent pas à contourner, spécialement pour éviter les coûts qu’elles imposent. Il en résulte une délinquance qui se développe avec les évolutions de la réglementation. En 1993, la gendarmerie a institué des « gendarmes verts », les formateurs relais écologie et environnement. Depuis, elle a créé l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) en 2004. En 2019, le directeur général de la gendarmerie nationale a fait de la sécurité environnementale un champ prioritaire de sa feuille de route GEND 20-24. Cette mobilisation s’est traduite par la création, entre 2020 et 2022, de 9 détachements de l’OCLAESP sur le territoire. Il semble impératif d’aller plus loin en ce domaine, l’ampleur du défi, l’état de la situation, l’urgence et l’étendue du champ d’action réclamant une mobilisation accrue. La création d’un commandement de la gendarmerie pour l’environnement et la santé publique disposant d’un ancrage marqué dans les territoires permettra de franchir cette étape supplémentaire.

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Le rapporteur tient à rendre hommage par cet avis budgétaire à l’ensemble des femmes et des hommes de la gendarmerie qui, quels que soient leur grade, leur lieu d’affectation et leur mission, contribuent – de jour comme de nuit et parfois au péril de leur vie – à assurer la sécurité des Français sur la quasi-totalité du territoire national : dans les campagnes mais aussi en périphérie des villes voire parfois en zone urbaine. Les gendarmes sont malheureusement de plus en plus victimes d’agressions dans l’exercice de leurs fonctions. L’abnégation des personnels de la gendarmerie oblige, il importe au rapporteur de le souligner.


   Première partie : la hausse du budget de la gendarmerie en 2023, traduction des priorités définies dans le projet de loi d’orientation et de programmatIon du ministère de l’intérieur et dans la stratégie GEND 20.24

Sous la précédente législature comme sous celle qui s’annonce, le budget de la gendarmerie se caractérise par une forte remontée en puissance des moyens humains et capacitaires.             

Entre 2017 et 2022, plusieurs plans ont contribué à ce mouvement historique. Le plan 10 000, tout d’abord, a prévu le recrutement de 7 500 policiers et 2 500 gendarmes ([1]). Ensuite, le plan de relance de 2020 a favorisé le renouvellement du parc automobile. La gendarmerie a également réalisé un effort sur l’immobilier, avec un plan de rénovation énergétique à hauteur de 137 millions d’euros ([2]). Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères a été lancé en loi de finances rectificatives pour 2020 avec la commande, pour 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement, de 10 hélicoptères Airbus de nouvelle génération dits H160 (20 millions d’euros par appareil). Enfin, en 2021, le Beauvau de la sécurité a également abondé les finances de la gendarmerie de 300 millions d’euros, hors dépenses de personnel. Les véhicules blindés sont en cours de renouvellement de même que les véhicules de la gendarmerie mobile.

Le Gouvernement entend poursuivre et amplifier cette remontée en puissance sous la nouvelle législature qui s’ouvre par le dépôt du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur et sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2023.

I.   À partir de 2023, le programme 152 s’inscrira dans le cadre d’une programmation budgétaire pluriannuelle

Les forces de sécurité intérieure n’ayant pas bénéficié de loi de programmation depuis la LOPPSI de mars 2011, l’ensemble des acteurs concernés appelle de ses vœux depuis plusieurs années une programmation pluriannuelle des investissements en ce domaine, comme c’est le cas en matière militaire.

Le 7 septembre dernier, le ministre de l’Intérieur a présenté en Conseil des ministres un projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI). L’objectif du Gouvernement étant que la LOPMI entre en vigueur en 2023, le projet de loi de finances pour 2023 intègre le premier volet des 15 milliards d’euros prévus sur la durée de la programmation, au profit de l’ensemble du ministère de l’intérieur (forces de sécurité intérieure et civile mais aussi administration déconcentrée), soit un montant total d’1,25 milliard d’euros supplémentaires en 2023 pour le ministère et 349 millions d’euros pour la gendarmerie nationale.

A.   15 milliards d’euros supplémentaires sur cinq ans pour le ministère de l’intérieur : une programmation très attendue et qui donne de la visibilité et de la lisibilité à l’action des forces de sécurité intérieure

Les 15 milliards d’euros de crédits alloués au ministère de l’intérieur sur cinq ans seront répartis entre les programmes budgétaires « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Police nationale », « Sécurité et éducation routières » (mission Sécurités) ; « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », « Administration territoriale de l’État » (mission Administration générale et territoriale de l’État) ; « Intégration et accès à la nationalité française », « Immigration et asile » (mission Immigration, asile et intégration) ; les programmes du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et certaines taxes affectées. La hausse de crédits dont bénéficiera le programme 152 « Gendarmerie nationale » en 2023 est de 349 millions d’euros dont 294 millions d’euros pour le titre 2 (dépenses de personnel) et 55 millions d’euros, hors dépenses de personnel.

Les 15 milliards d’euros supplémentaires programmés sur cinq ans au profit du ministère de l’intérieur s’étaleront de la manière suivante :

En 2023 : +1,25 milliard d’euros ;

En 2024 : +2,13 milliards d’euros ;

En 2025 : +3,23 milliards d’euros ;

En 2026 : +3,88 milliards d’euros ;

En 2027, +4,15 milliards d’euros.

On constate ainsi une montée en puissance progressive des crédits.

B.   Le projet de LOPMI fixe quatre priorités principales au profit de la gendarmerie : la densification du maillage territorial et des escadrons de gendarmerie mobile, La transformation numÉrique, le renforcement capacitaire et la consolidation des formations

Il se dégage du rapport annexé au projet de LOPMI quatre axes majeurs intéressant la gendarmerie nationale.

Le premier axe est celui du renforcement de la gendarmerie départementale et de la gendarmerie mobile, avec la création de 200 nouvelles brigades, essentiellement en milieu rural pour re-densifier le maillage de la gendarmerie territoriale, et la création de sept escadrons de gendarmerie mobile. Cet axe devrait entraîner une hausse de 10 000 effectifs de police (52 %) et de gendarmerie (48 %) pour « armer » les nouvelles brigades et les nouveaux escadrons mais aussi pour doubler la présence des forces de sécurité intérieure sur la voie publique, conformément aux annonces du Président de la République. Par ailleurs, est prévue la montée en puissance de la réserve opérationnelle de niveau 1 qui, de 30 000 recrues, devrait passer à 50 000 d’ici à la fin du quinquennat.

Le deuxième axe est celui de la transformation numérique, avec le réseau radio du futur et la création d’une agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure.

Le troisième axe est d’ordre capacitaire avec des dispositions relatives aux véhicules « augmentés », aux tenues modernisées, aux équipements de protection, aux drones, aux caméras piétons, aux pistolets à impulsion électrique, aux terminaux NEO, aux véhicules nautiques, au renouvellement de la flotte d’hélicoptères et à l’immobilier, avec la création d’une nouvelle structure de gestion immobilière et la restructuration des ensembles immobiliers.

Enfin, le quatrième et dernier axe est celui de la formation : le Gouvernement prévoit de renforcer la formation initiale, notamment sur le volet judiciaire, d’investir dans la formation des forces au maintien de l’ordre, de créer de nouvelles écoles, d’augmenter de 50 % la formation continue et de créer treize centres régionaux mutualisés.

II.   En 2023, la stratégie propre à la gendarmerie nationale s’appuiera sur trois piliers

La politique d’évolution et de transformation de la gendarmerie est définie par le projet Gend 20.24 porté par le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. Ce projet « pour la population, par le gendarme » repose sur quatre grands principes : « mieux protéger par une offre de sécurité sur mesure », « mieux progresser en s’engageant ensemble et en confiance », « mieux équiper en construisant le futur dès à présent » et « mieux fonctionner en allégeant la contrainte et en libérant les solutions ».

En 2023, cette stratégie Gend 20.24 s’appuiera sur trois axes majeurs :

- l’aller-vers, c’est-à-dire le passage d’une logique de guichet à une logique de « pas-de-porte » ;

- une action coordonnée dans tous les champs de la sécurité intérieure, et en particulier dans ceux des violences intrafamiliales, de la présence auprès des élus, de la sécurité des mobilités, de la sécurité en outre-mer, et enfin, dans la lutte contre les nouvelles formes de délinquance, en particulier dans le champ cyber ;

- troisième et dernier axe, le souci d’améliorer les conditions de travail des gendarmes et de vie de leurs familles – notamment grâce au renforcement des formations et à la mise en application d’un protocole social conclu en mars dernier (cf. infra).

A.   « L’aller vers » : le passage d’une logique de guichet à une logique de « pas-de-porte »

Lors de son audition devant la commission de la défense nationale et des forces armées le 5 octobre dernier, le général d’armée Christian Rodriguez a beaucoup insisté sur le changement de paradigme de l’approche opérationnelle en cours au sein de la « maison gendarmerie », en vue d’un renforcement de la proximité avec la population. La stratégie du directeur général de la gendarmerie consiste à passer d’une logique de guichet en brigade à une logique de « pas-de-porte », ce que permet le recours accru aux nouvelles technologies. Elle consiste aussi à renforcer l’exigence de redevabilité du gendarme envers la population.

1.   Une logique de mobilité, de proximité et d’accessibilité favorisée par les nouvelles technologies

L’un des objectifs assignés aux forces de sécurité intérieure est celui du renforcement de leur présence sur la voie publique. Dans cette optique, certaines des nouvelles brigades dont la création est prévue par la LOPMI seront itinérantes. Le général Rodriguez entend notamment développer des modèles innovants comme les « GendTruck », véhicules aménagés dédiés au contact avec la population et les « Gend Drive », points d’accueil dans les centres commerciaux et en mairie. Le déploiement de nouvelles capacités numériques – le téléphone NEO2, les ordinateurs portables Ubiquity – permettra aux gendarmes de travailler en déplacement et donc au plus proche des habitants qui n’auront plus à venir jusqu’à la brigade pour effectuer leurs démarches. Les nouveaux dispositifs numériques développés par la gendarmerie nationale – Magendarmerie.fr, la brigade numérique et le portail de Plainte en ligne – permettront d’effectuer des procédures hors les murs de l’unité. Le recours à des algorithmes devrait aussi permettre d’adapter la présence des gendarmes sur le terrain à la probabilité de commission de certains faits.

Les projets NEO et Ubiquity

Pierre angulaire de la mobilité, le projet NEO vise à équiper individuellement policiers et gendarmes d’un smartphone professionnel hautement sécurisé pour répondre aux exigences de mobilité quotidienne et améliorer leur efficacité opérationnelle. Après le déploiement de la première génération de NEO à partir de 2016, la deuxième génération de smartphones et de tablettes, de la marque française Crosscall, est en cours de déploiement depuis mars 2022. 160 000 terminaux NEO 2, dont 95 000 en gendarmerie, 55 000 en police nationale et 10 000 à la préfecture de police, ont ainsi été remis à leurs titulaires en 2022. Les 60 000 restants le seront fin 2022 - début 2023.

NEO 2 ouvre de nouveaux horizons pour l’activité de terrain des gendarmes et des policiers, grâce aux interconnexions à venir avec les caméras piétons dont ils seront dotés individuellement, et le réseau radio des forces de sécurité.

Le projet Ubiquity renforce l’offre de proximité et la qualité du service rendu par la gendarmerie au profit des administrés. Ce poste de travail nomade, intégralement conçu et développé en interne, offre la puissance de consultation et de traitement du poste de travail fixe du gendarme, en mobilité. Initié en avril 2021, le déploiement compte aujourd’hui 44 300 PC sur le terrain et en état-major. À la fin de l’année 2022, la moitié du parc informatique de la gendarmerie sera constituée de postes Ubiquity. L’ambition est de doter la très grande majorité des gendarmes de ce moyen afin de leur permettre de réaliser le maximum d’actes en dehors de l’unité, au plus près de la population.

L’augmentation du schéma d’emplois de la gendarmerie de 950 ETP en 2023 vise à favoriser le renforcement de la présence des gendarmes sur le terrain et à « armer » en personnel les nouvelles brigades qui seront créées dès l’an prochain dans le cadre de la LOPMI. La poursuite du plan de substitution de personnels militaires par des personnels civils et des corps militaires de soutien vise quant à elle à redéployer des militaires sur le terrain. Enfin, l’augmentation de la réserve opérationnelle viendra encore consolider cette hausse d’effectifs.

2.   Un souci de transparence et de redevabilité

Si la gendarmerie cherche à renforcer le lien de proximité avec la population, elle vise aussi à agir dans la transparence et avec un souci de redevabilité. Le dispositif de consultation et d’amélioration du service, déjà en place, permet de rendre compte à la population et aux élus de l’action des gendarmes et d’échanger avec eux sur leur degré de satisfaction à l’égard de cette action. Il prend la forme d’un sondage permettant de recueillir les attentes des élus en termes de présence des forces de sécurité et de mesurer qualitativement l’empreinte au sol de la gendarmerie. Il associe ainsi, de manière plus inclusive et itérative, les élus à la construction de la manœuvre de sécurité publique.

B.   Une action coordonnée dans tous les champs de la sécurité intérieure

1.   Une action tous azimuts face à la petite délinquance

a.   Une priorité accordée à la lutte contre les violences intrafamiliales

Les violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes, sont un phénomène que la gendarmerie essaie d’appréhender en en identifiant les enjeux sous-jacents pour prévenir la commission de faits, et, à défaut, garantir une prise en charge et un accompagnement des victimes permettant de les réhabiliter dans leurs droits et dans leur dignité. La configuration géographique de certains territoires situés en zone gendarmerie renforce la vulnérabilité de certaines victimes par un isolement géographique, doublé d’un isolement social, qui peut être accentué par une perte d’autonomie. L’existence de déserts médicaux et associatifs ainsi que d’une fracture numérique tend à limiter la capacité de détection et de signalement des situations à risques. Le phénomène d’emprise, difficile à briser, et la persistance de certains discours mettant en cause la qualité de l’accueil des victimes, limitent les opportunités d’accéder aux forces de sécurité intérieure et entretiennent un relatif sentiment de défiance vis-à-vis de celles-ci. Ces éléments réduisent les perspectives de prise de conscience des faits par les victimes, et donc les perspectives de libération de la parole et de révélation des faits auprès des autorités.

La gendarmerie nationale a profondément rénové sa stratégie pour mieux répondre aux attentes des victimes, désormais placées au cœur du dispositif. La promotion d’une proximité réelle, d’une écoute bienveillante, et l’information sur les dispositifs d’accompagnement et de mise sous protection sont des facteurs clefs de cette nouvelle stratégie. Les modalités de prise en charge des victimes de violences intrafamiliales et à caractère sexuel et sexiste ont ainsi évolué de façon significative à la suite du Grenelle des violences conjugales lancé le 3 septembre 2019.

La qualité de l’accueil des victimes est axée sur une approche globale et partenariale, l’objectif étant d’assurer une prise en charge complète et pluridisciplinaire des personnes concernées. Cette approche s’appuie notamment sur des éléments déontologiques communs aux forces de sécurité intérieure, sur une politique d’audit et d’évaluation de la qualité de l’accueil par l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale mais aussi par des services déconcentrés dans les régions. L’action de la gendarmerie s’appuie également sur :

- la judiciarisation systématique avec l’interdiction du recours à la main courante et la recherche du dépôt de plainte de la victime, ou à défaut, l’ouverture d’initiative d’une enquête en lien avec l’autorité judiciaire ;

- une chaîne fonctionnelle « prévention » dédiée au plus près des victimes, composée en gendarmerie de 100 officiers adjoints dédiés à la prévention de la délinquance, de 99 Maisons de Protection des Familles, de 2 300 correspondants territoriaux de prévention, d’au moins un référent dédié aux violences intrafamiliales par unité ; d’une référente nationale chargée de ces violences et placée auprès du DGGN ; et enfin, d’un réseau de partenaires spécialisés. Des conventions ont ainsi été conclues entre le ministère et plusieurs associations ([3])  d’aide aux victimes pour assurer une parfaite prise en charge et un accompagnement optimal de la victime ;

- des permanences ou points d’accueil d’associations d’aide aux victimes installés dans les brigades de gendarmerie (près de 500 sur le territoire national).

- l’action d’intervenants sociaux en gendarmerie (au nombre de 242 au 30 juin 2022).

- la création dans certains groupements, sous plafond des effectifs, de cellules d’enquêteurs dédiés à la prise en compte des victimes de violences et au traitement de ces dossiers sensibles. Ces cellules permettent de professionnaliser les gendarmes dans l’accueil de victimes vulnérables par des formations spécifiques et l’établissement d’un réseau partenarial resserré (autorités judiciaires, associations de défense des droits des victimes, CCAS, EPCI...). Le temps de traitement des enquêtes s’en trouve également considérablement réduit.

L’enjeu majeur est de faciliter la libération de la parole, via la brigade numérique – accessible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 –, le portail de signalement des violences sexistes et sexuelles – créé le 27 novembre 2018 et accessible par le biais du site officiel service-public.fr et l’application « MaSécurité » –comportant un catalogue de fiches conseils sur différents enjeux et proposant également des sensibilisations ponctuelles sous forme de notifications. Ce support offre la possibilité d’être mis en relation avec un gendarme, que ce soit par téléphone ou par chat.

Dans une logique de « pas-de-porte », l’expérimentation de la prise de plainte en mobilité chez la victime ou dans un tiers lieu de confiance – facilite la révélation des faits par la réalisation des actes dans un environnement connu et propice à la libération de la parole. A été formalisée, dans un cadre interministériel, la possibilité de prendre les plaintes dans les établissements de santé mais aussi, pour les personnels de santé, de réaliser des signalements auprès des forces de sécurité ou de l’autorité judiciaire.

La gendarmerie a également instauré des outils visant à améliorer la protection des victimes. Replacer ces dernières au centre des priorités a constitué un véritable changement de paradigme.

Enfin, la formation des militaires de la gendarmerie en la matière est primordiale. Elle fait donc l’objet d’efforts constants tout au long de la carrière, en école par la formation initiale tout comme en unités par le biais de la formation continue : une formation de « prise en compte des violences intrafamiliales » obligatoire (près de 35 000 gendarmes y étant formés à ce jour) ; et une formation « expert en violences intrafamiliales » pour les militaires armant les maisons de protection des familles et les référents des unités (près de 400 à date).

b.   L’opération #présentspourlesélus

Un autre axe d’action majeur de la gendarmerie est orienté vers les élus locaux. En novembre 2021, la gendarmerie nationale a lancé, sous l’autorité des préfets et sous la conduite des commandements de groupements départementaux, une opération nationale de contact, de proximité et de confiance à destination des élus afin de mieux répondre à leurs attentes et préoccupations. Cette opération prévoit la généralisation du dispositif de consultation et d'amélioration du service (DCAS) précité ; le recueil des plaintes des élus en mairie ou dans tout autre lieu à leur convenance grâce à l'outil informatique Ubiquity ; un dispositif d'alerte par SMS à destination des élus pour les informer dans les meilleurs délais de faits commis dans leur commune ; l’application smartphone « Gend’Elus », développée en lien avec l’Association des maires de France ; des immersions d’élus dans les unités de gendarmerie afin d’approfondir leurs connaissances dans le champ de la sécurité (visite des centres opérationnels départementaux, découverte du service des unités notamment) ; des actions de sensibilisation aux risques particuliers auxquels sont confrontés les élus.

c.   La sécurité des mobilités

Grâce à son ancrage territorial, la gendarmerie joue un rôle majeur dans la surveillance et le contrôle des déplacements. La population, tout comme la délinquance, est devenue beaucoup plus mobile, utilisant divers moyens et voies de communication ainsi que les outils numériques pour se déplacer.

La sécurité des mobilités se caractérise par sa globalité. Elle s’applique d’une part à l’ensemble des voies de communication : routes, chemins de fer, bassins hydrographiques, mers, ports, aéroports, à leurs interconnexions et à leurs dimensions numériques. D’autre part, elle concerne à la fois les personnes, les biens et les services.

Cette sécurité des mobilités a plusieurs finalités : la lutte contre le terrorisme, la répression de la délinquance itinérante nationale ou transfrontalière, la protection du patrimoine industriel, scientifique ou technologique, faisant l’objet de convois ou de transports sensibles, la lutte contre l’immigration irrégulière – avec l’idée de contribuer au démantèlement des organisations criminelles se livrant au trafic d’êtres humains via le contrôle des transports en commun, des trains, des aires de covoiturage, etc. – et la lutte contre l’insécurité routière, incluant notamment la lutte contre la concurrence déloyale d’entreprises de transport étrangères au préjudice d’entreprises françaises en matière de transport routier.

Compétente sur 800 000 kilomètres de routes et déployée sur l’ensemble du territoire, la gendarmerie joue un rôle central dans la sécurisation des conducteurs, des transports de marchandises et des voies de circulation.

La sécurité des mobilités est propice aux expérimentations et innovations. Dans cet esprit, le Centre national de la sécurité des mobilités (CNSM) a été créé en 2017 afin d’améliorer la sécurité des mobilités sur le territoire, que ce soit dans le domaine du transport de personnes, de fret ou encore de convois sensibles – matières dangereuses, nucléaires, Banque de France, timbres fiscaux, munitions et explosifs, œuvres d’art, etc. Le CNSM se charge ainsi de répertorier dans une synthèse les itinéraires des transports sensibles – environ 15 par jour –, civils ou militaires, privés ou publics, afin de pouvoir anticiper leur sécurisation. La planification centrale de ces convois permet d’avoir une vision globale en cas d’événement et d’optimiser la réponse opérationnelle apportée. L’intégration de la géolocalisation des transports sensibles dans le système d’information géographique du Centre national de sécurité des mobilités contribue à l’optimisation du suivi de ces transports, en lien avec les patrouilles, et facilite ainsi le travail des gendarmes. À terme, le CNSM est voué à devenir également un outil de prévention grâce à de l’analyse de risque.

d.   Un engagement fort en outre-mer

Si l’outre-mer fait l’objet d’une attention particulière de la gendarmerie nationale, les enjeux de sécurité intérieure sont très contrastés entre les différents territoires ultramarins.

i.   Des situations très contrastées

La gendarmerie accorde une attention particulière à la Guyane, premier département français en matière de violences, à Mayotte où l’insécurité et l’immigration sont sources de tensions entre communautés et à la Nouvelle-Calédonie à l’approche de la consultation référendaire de juin 2023 relative à la détermination des futurs statuts du territoire.

Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna sont de petits territoires confrontés à un faible niveau de délinquance (respectivement 148 et 180 faits en 2021).

La Réunion, poids lourd démographique ultramarin avec 50 % de la population, se caractérise par des troubles à l’ordre public – liés au mouvement des gilets jaunes, aux violences urbaines et à des contestations diverses – et par un niveau de délinquance proche de celui constaté en métropole. L’augmentation de la délinquance en 2021 (+ 4,6 %, +702 faits) ne doit pas occulter la tendance à la baisse observée entre 2017 et 2021 (- 12,5 %, -2 271 faits), malgré de fortes disparités (-39,7 % soit -3 527 faits pour les atteintes aux biens mais + 23,8 % soit +1 603 faits pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique). Une attention particulière est maintenue s’agissant de la commune de Saint-Louis.

En Polynésie française, les troubles à l’ordre public ont quasiment disparu. La tendance à la baisse de la délinquance observée depuis 2017 est confirmée en 2021 (-4 %, -306 faits par rapport à 2020), malgré de fortes disparités entre les atteintes aux biens (-9,1 % soit -224 faits) et les atteintes volontaires à l’intégrité physique (+14,5 %, 329 faits). En 2021, la gendarmerie a poursuivi ses efforts dans la lutte contre les violences intrafamiliales, dont le taux est deux fois supérieur à celui de la métropole (zone gendarmerie) et contre les stupéfiants, en particulier l’« Ice » (dérivé de la métamphétamine) et la culture de cannabis.

En Martinique, la délinquance a augmenté en 2021 (+ 11 %/+1 018 faits dont 327 infractions relevées par l’action des services). On constate un niveau de violences toujours élevé et des mouvements contestataires, identitaires et « anticolonialistes » à l’origine des troubles de novembre-décembre 2021. Situé sur « la route de la drogue » entre les Amériques et l’Europe, le département reste affecté par le trafic de stupéfiants.

En Guadeloupe, la tendance à la baisse de la délinquance, observée depuis 2016, s’est inversée en 2021 (+9,5 %, +1 179 faits par rapport à 2020). Les atteintes aux biens ont augmenté de 5,5 % (269 faits) et les atteintes volontaires à l’intégrité physique, de 9,5 % (+1 179 faits), notamment au cours des troubles de novembre-décembre 2021. Ce territoire reste marqué par un nombre important de vols à main armée, avec 156 faits commis en 2021 (170 en 2020). Il est confronté aux agissements de bandes, avec en toile de fond du trafic de drogues et une circulation importante d’armes à feu.

La Guyane reste confrontée à un dynamisme démographique lié à une immigration importante (Suriname, Haïti, Brésil) mais aussi à un niveau très élevé de violences et à un pillage de ses ressources aurifères. Ces phénomènes, souvent liés, constituent autant de fronts pour le commandement de gendarmerie. La gendarmerie est aussi sollicitée pour la sécurisation du centre spatial guyanais, site d’importance stratégique pour la France.

Ce département est le plus criminogène d’outre-mer. Après une baisse en 2020, la délinquance augmente en 2021 de 14,5 %. La Guyane connaît des taux de criminalité records avec, en 2021, 54 fois plus de vols à main armée qu’en métropole (en zone gendarmerie), 10 fois plus d’homicides et 3 fois plus de viols. En dépit de l’opération « Harpie », plan opérationnel de lutte contre l’orpaillage illégal, les ressources aurifères sont constamment pillées. Les principales mesures instituées pour tenter de contenir ce fléau ont consisté en un renforcement des moyens mis à disposition de cette opération : 96 gendarmes départementaux supplémentaires depuis 2017, 2 escadrons de gendarmerie mobile dédiés à la lutte contre l’orpaillage illégal sur les 7 déployés, le renfort de 14 officiers de police judiciaire, l’engagement accru des forces armées guyanaises, la constitution d’un état-major stratégique placé auprès du préfet et la participation systématique d’un officier de police judiciaire à chaque patrouille des forces armées guyanaises.

Le 30 septembre 2022, le ministre de l’Intérieur a annoncé la création de quatre nouvelles brigades en Guyane dont deux brigades fluviales (Maroni, Oyapock) et deux brigades routières ainsi que l’augmentation des effectifs de gendarmerie mobile d’un escadron supplémentaire. Enfin, en matière de lutte antistupéfiants, les effectifs de policiers et de gendarmes en poste à l’aéroport seront renforcés de 50 personnels.

Le département de Mayotte est confronté à un afflux important de migrants clandestins et à une insécurité grandissante, phénomènes alimentant la crise sociale majeure et récurrente. La délinquance générale a poursuivi son augmentation en 2021 : elle a crû l’an dernier de 7,7 %, soit une hausse de 465 faits ([4]) à l’image des vols à main armée, passés en un an de 365 à 412 faits, et des violences physiques crapuleuses – passés de 395 faits en 2019, à 609 en 2020 puis à 632 en 2021). Le taux de vols à main armée est ainsi 56 fois supérieur à celui observé en métropole en zone gendarmerie. L’opération « Shikandra » a été instaurée pour lutter contre l’immigration clandestine, principalement en provenance des Comores. En 2021, 13 838 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits, contre 7 190 en 2020, année marquée par les contraintes sanitaires. Le plan « Mayotte : sécurité pour tous » s’est traduit pour la gendarmerie par une augmentation de ses effectifs (+ 16 en 2018, + 26 en 2019, + 28 en 2020 et + 19 en 2021), la sanctuarisation d’un troisième escadron de gendarmerie mobile depuis le 8 mars 2018, et l’instauration d’un plan d’équipement.

En Nouvelle Calédonie, la délinquance se rapproche progressivement des formes observées en métropole et gagne des zones auparavant préservées. La diminution de la délinquance constatée depuis 2018 est confirmée en 2021 (- 0,7 %, - 63 faits). Toutefois, en 2021, le taux des violences intrafamiliales demeure trois fois supérieur à celui de la métropole en zone gendarmerie. Le dispositif déployé par les gendarmes à l’occasion des trois référendums d’autodétermination de 2018, 2020 et 2021 a contribué au bon déroulement du scrutin. La gendarmerie prépare son engagement opérationnel dans la perspective de la consultation référendaire de juin 2023.

ii.   Une action déterminante de la gendarmerie

Face à ces situations contrastées et compliquées, la gendarmerie nationale mène une action déterminante en faveur de la sécurité intérieure. Les moyens ont à cette fin considérablement augmenté sur ces territoires.

En gendarmerie départementale, les effectifs ont augmenté de 6,5 % (+247 gendarmes départementaux, de 3 827 à 4 074) entre 2017 et 2022. Ces augmentations concernent quasi tous les commandements de gendarmerie en outre-mer. Les plus marquantes concernent Mayotte (+40,7 %/+90 gendarmes départementaux, de 221 à 311), la Guyane (+14,1 %/+83 gendarmes départementaux, de 588 à 671) et la Nouvelle-Calédonie (+4,9 %/+24 gendarmes départementaux, de 486 à 510).

En gendarmerie mobile, les effectifs ont diminué de 4 % (- 64 gendarmes mobiles, de 1616 à 1552) entre 2017 et 2022. Cependant, Mayotte a bénéficié d’une hausse de 92,1 % (+139 effectifs) du nombre de gendarmes mobiles (de 151 à 290), passant de deux escadrons de gendarmerie mobile en 2017 à trois en 2018 puis à quatre depuis août 2022. La réduction du volume de gendarmes mobiles déployés en outre-mer entre 2017 et 2019 ([5]), de l’ordre de 91 gendarmes, ce qui correspond à l’équivalent de plus d’un escadron de gendarmerie mobile, avec un format pourtant constant d’escadrons de gendarmerie mobile outre-mer (21) s’explique par la décision prise en avril 2018 de réduire le format de chaque escadron de gendarmerie mobile projeté ([6]).

Enfin, le 1er août 2021, le rattachement organique des antennes du GIGN d’outre-mer au GIGN central a entraîné la remontée de 16 ETP au GIGN central. Les antennes du GIGN restent cependant pour emploi auprès des commandants de gendarmerie d’outre-mer.

2.   Le renforcement des capacités d’intervention et de maintien de l’ordre

Afin de faire face à la diversification des menaces et à l’augmentation de la violence contre les dépositaires de l’ordre public, la gendarmerie a décidé de durcir ses capacités d’intervention et de maintien de l’ordre.

Depuis 2021, la gendarmerie a engagé la densification de ses pelotons de surveillance et d’intervention, consistant notamment à transformer en trois ans 3 000 postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de sous-officiers. Elle a aussi entrepris d’acquérir des gilets « 4 en 1 » de même que 10 nouveaux hélicoptères H 160. Le dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie permet d’intervenir dans un délai de deux heures afin de faire face à des troubles graves en tous points du territoire. Ce renforcement capacitaire passe aussi par la création de sept escadrons de gendarmerie mobile et le renouvellement du parc de véhicules de la gendarmerie mobile. En outre, la gendarmerie sera dotée à partir de 2024 de 90 véhicules blindés Centaure – le premier exemplaire de ce véhicule étant arrivé au groupement blindé de gendarmerie mobile de Satory à la fin du mois de septembre dernier. Grâce à ces nouvelles capacités, le dispositif d’intervention augmenté permet aux gendarmes d’intervenir dans les deux heures sur tout le territoire en cas de troubles graves (forcenés etc.). Ces nouvelles capacités permettront aussi à la gendarmerie d’assurer la sécurité des grands événements sportifs à venir : la coupe du monde de rugby en 2023 et les jeux olympiques et paralympiques en 2024.

3.   L’action de la gendarmerie face aux « nouvelles frontières de la délinquance »

Troisième et dernier aspect sur lequel la gendarmerie met l’accent dans sa stratégie de gardienne de l’ordre républicain : l’action face aux nouvelles frontières de la délinquance. Le rapporteur ayant choisi de traiter ce thème de façon approfondie cette année, il vous renvoie à la seconde partie de son rapport.

C.   La volonté d’améliorer les conditions d’exercice des missions des gendarmes et des conditions de vie de leurs familles

Afin d’améliorer les conditions d’exercice, par les gendarmes, de leur mission de sécurité intérieure et les conditions de vie de leurs familles, la direction générale de la gendarmerie nationale agit sur plusieurs plans : elle a notamment entrepris de renforcer la formation des gendarmes et de mettre à niveau les équipements. Elle a aussi conclu un protocole social le 9 mars dernier comportant 21 mesures catégorielles et sociales.

1.   Le renforcement des formations

En 2021, la gendarmerie dispose de 21 structures de formation, dont 8 écoles et 13 centres, placées sous la responsabilité du commandement des écoles de la gendarmerie nationale implanté à Rochefort-sur-Mer en Charente-Maritime. 24 420 élèves ou stagiaires ont suivi une action de formation en école ou centre de formation de la gendarmerie, dont : 6 857 en formation initiale ; 17 563 en formation continue ; 1 292 032 journées de formation ont été dispensées, dont : 1 094 150 en formation initiale ; 197 882 en formation continue.

Les écoles de gendarmerie assurent essentiellement les formations initiales des nouvelles recrues de la gendarmerie : l’École des officiers de la gendarmerie pour les officiers de gendarmerie et les officiers du corps technique et administratif, les écoles de gendarmerie de Montluçon, Châteaulin, Chaumont, Tulle, Fontainebleau et Dijon pour les sous-officiers de gendarmerie et les gendarmes adjoints volontaires, et l’école de gendarmerie de Rochefort pour les corps de soutien technique administratif et les gendarmes adjoints volontaires CSTAGN. Les centres de formations de la gendarmerie nationale dispensent les formations continues de perfectionnement, spécialités ou expertises dans les domaines couverts par l’institution.

La densification du plan de formation des gendarmes comprend notamment l’augmentation du temps de présence en école et l’intégration d’une formation en police judiciaire dès la formation initiale. Cela nécessitera un renforcement des capacités d’accueil dans les écoles et les centres de formation. Enfin, chaque région va être dotée d’un centre régional d’instruction.

 

La formation initiale des gendarmes

La formation initiale en gendarmerie est destinée à asseoir un socle d’enseignements fondamentaux afin d’assurer la meilleure préparation possible au premier emploi de l’ensemble des militaires de la gendarmerie quel que soit leur corps d’appartenance.

Elle a pour objectifs de forger l'identité du futur militaire de la gendarmerie (savoir-être) par une adhésion aux valeurs de l’arme et de lui faire acquérir les connaissances (savoir) et les compétences techniques fondamentales (savoir-faire) nécessaires à l’exercice de ses futures fonctions afin qu’il soit en mesure d’agir en sécurité, autonomie et responsabilité pour lui, les autres militaires ainsi que pour le public, selon la déontologie et le cadre légal. Cette formation doit favoriser une adhésion naturelle aux valeurs de l’arme.

La formation initiale s’articule autour de cinq axes complémentaires.

L'état militaire au service de la sécurité publique, tout d’abord. Fondé sur un socle éthique, mental, physique, technique et tactique, il sous-tend l'ensemble de la formation et consolide le sens de l’engagement.

L'éthique spécifique au gendarme, ensuite. Elle trouve son expression dans un corpus juridique composé de la Convention internationale des droits de l’homme et du citoyen, et en particulier de ses articles 12 et 15, du code pénal et du code de procédure pénale, du code de la défense et du code de la sécurité intérieure, et en particulier des articles de ce dernier formant code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale de 2014 (articles R. 434-2 à R. 434-27 et R.434-31 à R. 434-33 du CSI), du code de la justice militaire, de la loi n° 2005-270 portant statut général des militaires, de la charte du gendarme (2010) qui reprend les principes édictés dans la charte d'accueil du public et de l'assistance aux victimes et enfin, du décret n° 2013-874 relatif à la prestation de serment des militaires de la gendarmerie nationale.

L'ouverture d'esprit et le discernement. La formation initiale s'attache à accroître les qualités d'ouverture d'esprit, de sens du contact et d'intégration à l'environnement humain, social et professionnel du gendarme et renforce sa capacité à agir en autonomie, avec discernement. La qualité des interactions avec le public, simple usager, victime ou auteur, constitue un fil conducteur des enseignements.

Le professionnel de l'intervention : celui-ci s'entraîne et agit dans le respect des principes et des techniques de l'intervention professionnelle, développant son assurance et son efficacité opérationnelle. Le gendarme est en mesure d’intervenir, en sécurité pour lui-même ou autrui, dans toutes les situations, dégradées ou non.

Enfin, la formation du gendarme en tant qu’agent de police judiciaire (« militaire à capacités judiciaires ») : le gendarme doit acquérir les connaissances et les compétences juridiques, techniques et administratives nécessaires à l'exercice des prérogatives qui lui sont conférées par les lois et règlements dans les domaines de la police judiciaire et de la police administrative.

Cette formation tient compte des évolutions pour adapter ses programmes et contenus pédagogiques, en vue de correspondre aux réalités du terrain et de satisfaire aux besoins en compétences issus des unités opérationnelles. En 2022, ce volet a été largement optimisé avec l’insertion durant la scolarité des premières compétences liées à la qualité d’officier de police judiciaire.

Au travers d’enseignements théoriques, pratiques et réalistes, il s’agit, d’une part, de forger l’identité des militaires et, d’autre part, de faire acquérir aux élèves les compétences fondamentales nécessaires à leur emploi.

Dans un climat de confrontations de plus en plus violentes et fréquentes, et face à des engagements de haute intensité (tels Saint-Just dans le Puy-de-Dôme, le Lardin-Saint-Lazare en Dordogne, les émeutes récentes en Corse), la nécessaire densification du militaire de gendarmerie et l’amélioration de sa robustesse exigent l’adaptation de la formation pour tous les niveaux et statuts.

Les contenus des scolarités ont été revus en 2022 sur la base de quatre piliers : 1 – Condition et résistance physiques ; 2 – Séquences pratiques et mises en situation ; 3 – Sens tactique, discernement et adaptabilité ; 4 - Résilience et ruptures de rythme.

La principale évolution dans les prochains mois sera l’allongement du temps de scolarité en école, qui de 8 mois actuellement, sera progressivement porté à 12 mois dans les prochaines années. Une première étape à 9 mois est d’ailleurs d’ores et déjà actée. La densification des compétences en matière de police judiciaire des futurs gendarmes, qu’ils soient ou non de futurs candidats à l’examen d’OPJ, donnera lieu à des abondements en matière budgétaire et d’effectifs dans le cadre de la LOPMI pour absorber le surcroît de charge sur le capacitaire des écoles de la gendarmerie.

Expérimentée en 2019 sur un panel de 1 200 élèves gendarmes en formation initiale et 200 gendarmes en formation au diplôme technique des systèmes d’information et de communication (DTSIC), l’évaluation des compétences numériques via la plateforme « PIX » bénéficie à l’ensemble des élèves gendarmes en intégrant les officiers élèves du 1er groupement de l’EOGN. Cette formation permet une montée en compétences et une évaluation du niveau numérique des personnels.

Par ailleurs, la gendarmerie intègre les évolutions technologiques actuelles dans l’ingénierie pédagogique et dans l’exercice du métier de gendarme. Sous l’impulsion d’outils de type Neo et grâce à l’apport de l’intelligence artificielle et de technologies numériques toujours plus performantes, la gendarmerie a pour objectifs à moyen terme d’élever le niveau de compétences numériques de tous les militaires, d’automatiser et de rendre plus ergonomique l’offre de formation.

Que ce soit en formation initiale à travers notamment le développement de la simulation numérique ou en formation continue en permettant aux militaires d’accéder à du contenu pédagogique en ligne servi ou suggéré automatiquement, cette nouvelle étape de la transformation numérique doit permettre à la gendarmerie de préparer efficacement son personnel à faire face aux enjeux de sécurité futurs et de répondre à la montée en puissance du gendarme « numérique ».

À cet effet, trois compagnies dites « numériques » sont activées en 2022 dans la continuité de l’expérimentation menée en 2021 au sein de l’école de gendarmerie de Chaumont. Outre les enseignements traditionnels d’une scolarité, ces promotions comprennent des enseignements numériques renforcés permettant aux élèves d’acquérir à la fois des qualifications métiers liées au numérique mais également une aisance naturelle dans l’usage des outils numériques.

 

La formation continue

Les formations continues accompagnent les militaires tout au long de leur carrière, qu’il s’agisse d’entretenir et de mettre à jour les compétences liées à leur emploi, d’acquérir une expertise qui les conduira à se spécialiser dans un domaine particulier d’activité ou de se former pour occuper des emplois ou remplir des missions requérant des qualifications spécifiques.

Le transfert de la fonction ingénierie de formation au sein de l’Opérateur du recrutement et de la formation, nouveau statut du Commandement des écoles de la gendarmerie nationale (CEGN), contribue à renforcer l’amélioration de la coordination et de la gestion des formations continues au sein de l’institution. À cette fin, un service dédié, le Bureau des formations aux compétences spécialisées et d’expertise, chargé notamment des formations continues, a été créé au sein de la Division des compétences du CEGN le 1er août 2022.

Au cours de leur carrière, quels que soient leur grade et leur statut, les militaires de la gendarmerie bénéficient ou peuvent bénéficier de formations adaptées à leur profil et aux besoins de la gendarmerie.

Ces formations peuvent être dispensées dans les nouvelles structures créées récemment : les centres régionaux d’instruction (CRI). Ces unités, implantées dans les 13 régions de gendarmerie et prochainement en outre-mer, permettent une meilleure prise en charge, à l’échelon déconcentré, des formations continues des gendarmes. Y seront notamment dispensées des formations du diplôme d’arme ou de l’examen d’officier de police judiciaire ou le recyclage des PSIG. La création de ces structures s’inscrit dans une double logique :

• réaliser des formations au plus près des besoins spécifiques de chaque région et des personnels formés pour optimiser les temps de formation et leur coût (limitation des déplacements permettant de diminuer le temps d’absence dans les unités et les frais de déplacement…) ;

• décharger les écoles de formation initiale de certaines formations pour libérer des marges de manœuvre permettant d’absorber le passage progressif à 12 mois de la scolarité des sous-officiers en école.

En ce qui concerne le contenu des formations continues, si l’entraînement à l’usage des armes reste un axe majeur, d’autres thématiques obligent à une réflexion profonde et à une refonte des actions de formation. La formation continue s’articule autour de trois volets complémentaires :

• les formations organisées dorénavant par le CEGN sous l’impulsion de la sous-direction des compétences de la DGGN, et souvent en coordination avec des prestataires ;

• les formations déconcentrées, laissées à l’initiative des échelons territoriaux de commandement (régions, groupements, compagnies, escadrons, unités élémentaires), sous le contrôle et l’impulsion du CEGN ;

• les enseignements à distance, regroupant tant des formations autoportées que des parcours d’enseignement hybrides, imposés dans le cadre d’un cursus particulier ou laissés à la libre disposition de chacun.

Compte tenu de la constante évolution de la matière et de son périmètre (création, transformation et abandon de certaines formations d’une année à l’autre) et du nombre de stages dispensés en gendarmerie, et en dépit de la crise sanitaire, la gendarmerie a dispensé en 2021 plus de 300 formations de nature différente réparties en près de 784 stages et 90 formations à distance.

La gendarmerie s’adapte systématiquement à un environnement évolutif et fait preuve de résilience en développant de nouveaux parcours.

Une journée annuelle de formation pour tous portant sur un thème spécifique a été instaurée depuis 2019 dans chaque département : elle a eu trait à la maîtrise des applications métier en 2019, à l’intelligence artificielle en 2020, à l’effet des armes, des munitions et à leur réglementation en 2021 et à la cybersécurité en 2022.

En 2021, a été créé le Commandement de la gendarmerie dans le cyberespace qui peut s’appuyer depuis le 1er août 2022 sur le Centre national de formation à la cybersécurité de la gendarmerie nationale (CNFCyberGN) rattaché au CEGN. Ce centre est destiné à proposer dans les années à venir des formations continues ad hoc dans le domaine du cyberespace et ainsi à permettre une montée en compétences des militaires de la gendarmerie nationale sur cette thématique en pleine évolution. Il sera ouvert à d’autres administrations.

Ainsi, une nouvelle formation « enquêteur sous pseudonyme » vise à former des enquêteurs spécialement habilités au sein de certains services et unités à procéder à des investigations sous pseudonyme. Cette formation sous l’impulsion du ComCyberGend est proposée depuis la rentrée scolaire 2022.

De même, un partenariat avec l’université Bretagne Sud (UBS) permet depuis plus de deux ans de former une vingtaine de gendarmes par an à un diplôme universitaire « Cyberdéfense TPE PME ». Ce partenariat devrait être conforté pour les années à venir et le volume d’apprenants devrait être significativement augmenté.

Depuis 2020, l’élaboration et la mise en application d’un véritable parcours de formation à l’accueil et à la prise en compte des victimes de violences intrafamiliales (VIF) se poursuivent. Ce parcours qui s’appuie sur des formations centralisées (stages au Centre national de formation à la police judiciaire – CNFPJ) et déconcentrées (formations au sein des groupements) et sur la mise à jour de supports d’enseignement à distance, s’est poursuivi en 2021 avec l’instauration de nouvelles unités, les « maisons de protection des familles », et la formation spécifique des militaires affectés dans ces unités au sein du centre national de formation à la sécurité publique.

En avril 2021, une formation des militaires de la gendarmerie aux techniques d’audition de mineurs victimes a été instaurée afin de constituer un réseau cohérent et suffisamment dense de praticiens de ce type d’audition. Ce réseau s’appuie notamment sur la formation de formateurs relais qui proposent ensuite des formations décentralisées. Afin de compléter la chaîne de formation, le CNFPJ et le CPMGN développent une formation à distance aux « auditions de mineur victime ou témoin » qui devrait être livrée à l’automne 2022. L’objectif est d’étendre l’accès à la formation sur cette thématique sensible à un volume plus important de militaires, notamment en outre-mer.

À la suite du drame de Saint-Just, il a été décidé de densifier les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG), ce qui a nécessité de prendre des mesures d’organisation mais aussi de formation. En février 2022 a été institué un « Pass-PSIG » reconnaissant l’aptitude des militaires candidats à rejoindre ce type d’unité. Il s’agit avec ce pass de s’assurer que les militaires ont un niveau socle, en leur faisant passer des tests professionnels et tactiques mais également en évaluant davantage leurs capacités physiques.

La formation continue doit accompagner la montée en puissance du gendarme numérique, tirant parti des technologies numériques dans tous les aspects de son métier, curieux de leurs évolutions et sachant s’y adapter. À cette fin, outre les formations spécifiques développées en interne, la gendarmerie a développé un partenariat avec PIX et avec Open Classrooms afin de permettre aux militaires dès leur formation en école mais également au cours de leur carrière d’évaluer et de perfectionner leurs connaissances dans ce domaine.

Parallèlement à la formation numérique, le gendarme continue à disposer de modules d’enseignement à distance s’adaptant constamment aux nouveaux besoins. À titre d’exemple, la formation « Cyber pour tous » en enseignement à distance a connu un vif succès depuis sa mise en ligne sur GendForm 3.0 le 16 mars 2022, puisque 68 622 personnels y étaient inscrits et que 61 328 se sont vu délivrer une attestation de suivi de cet enseignement à distance au 15 juin 2022. Un effort particulier est mené pour rendre accessible à distance toutes les formations qui s’y prêtent.

2.   Une mise à niveau des équipements fondée sur l’interopérabilité et l’innovation

Afin de garantir à ses personnels des conditions optimales d’exercice de leurs missions, la direction générale de la gendarmerie nationale a prévu l’acquisition de nouveaux gilets tactiques « 4 en 1 » et le déploiement d’une plateforme convergée pour les services très haut débit opérationnels résilients et mobiles (PC STORM), outil de communication sécurisé des forces de sécurité intérieure qui utilisera, à terme, le réseau radio du futur.

PC STORM

Lancé après les attentats de 2015, le projet baptisé PC STORM (Plateforme convergée de services très haut débit opérationnels résilients et mobiles) offre des communications de groupe multimédia (voix, données, vidéo, fils de discussion et géolocalisation des intervenants) sous la couverture nationale du réseau Orange, avec des mécanismes préférentiels (priorisation-préemption), mais aussi en repli sous les réseaux Bouygues, Free et SFR. Il permet aussi l’accès à d’autres réseaux (itinérance internationale/outre-mer, « bulles tactiques » 4G). Pleinement intégré à NEO 2 et expérimenté depuis 2020 par les forces d’intervention spécialisées, la direction départementale de la sécurité publique et le groupement de gendarmerie départementale de l’Oise, et les unités spécialisées en ordre public (direction de l’ordre public et de la circulation-escadron de gendarmes mobiles-CRS), il sera généralisé à partir de fin 2022 pour les forces de police et de gendarmerie impliquées dans la sécurisation des événements sportifs de 2023 et 2024. À ces échéances, près de 77 000 policiers et 51 000 gendarmes seront équipés. Le projet PC STORM s’inscrit dans le programme du futur réseau radio haut débit opéré d’État (RRF) qui permettra une interopérabilité renforcée pour les services voix et données.

La gendarmerie poursuivra sa stratégie d’innovation en créant en son sein un pôle capacitaire en intensifiant ses partenariats avec les industriels et en déployant de nouveaux outils et applications numériques, notamment en matière de procédure pénale.

3.   Un protocole social visant à fidéliser les personnels

Dans le cadre du protocole du 9 mars 2022 adossé à la LOPMI, plusieurs mesures statutaires et indemnitaires décidées pour les années 2023 à 2027 seront mises en application. Elles visent à accompagner l’évolution des missions et des métiers de la gendarmerie nationale, à renforcer l’encadrement en valorisant davantage la prise de responsabilités, ainsi qu’à favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie privée tout en améliorant la qualité de vie au travail des personnels.

Le protocole social conclu en mars 2022

Discuté à la fin de l’année 2021 et au début de l’année 2022 puis signé le 7 mars dernier, le protocole signé avec le ministère de l’intérieur concerne aussi bien les militaires que les civils de la gendarmerie. Sa surface financière s’étend sur 5 ans et représente au total 700 millions d’euros. Le montant de mesures nouvelles avoisine les 197 millions d’euros. Ces mesures sont d’ordre indiciaire et indemnitaire. La grille indiciaire des sous-officiers est revalorisée pour s’aligner sur celle du corps d’administration de la police et sur celle de l’administration pénitentiaire. Plusieurs mesures d’ordre indemnitaire font également partie de ce protocole, avec la volonté d’indemniser les gendarmes partant en renfort l’été ou l’hiver de manière saisonnière.

III.   La structure budgétaire du programme 152 se caractérise par le poids des dépenses de personnel, des crédits dédiés à l’immobilier et des dépenses non manœuvrables

Afin de mettre en perspective les grandes masses du budget de la gendarmerie nationale, il est éclairant de les comparer avec celles de la mission Défense, d’une part, et avec celles du budget de la police nationale (programme 176), d’autre part.

Si le budget de la mission Défense devrait représenter 43,9 milliards d’euros en 2023, 12,9 de ces 43,9 milliards sont consacrés aux dépenses de personnel (hors pensions), soit un peu moins du tiers des crédits de la mission. Au sein du programme 152 dédié à la gendarmerie nationale, la proportion est bien différente. Avec 6 milliards d’euros, deux tiers du budget du programme 152 (9 milliards) sont consacrés aux dépenses de rémunérations et aux pensions et près de la moitié du budget du programme est consacrée aux seules dépenses de rémunération des personnels (hors pensions).

Autre point de comparaison, au sein de la mission Sécurités cette fois : on compte parmi les forces de sécurité intérieure quelque 100 000 gendarmes d’active et 150 000 policiers. Or, les deux forces couvrent la même densité de population (entre 51 et 52 % pour la gendarmerie) mais les gendarmes interviennent sur 96 % du territoire national contre 4 % pour les policiers.

Un aspect saillant du budget de la gendarmerie est le poids considérable des dépenses consacrées à l’immobilier, avec un parc de 75 000 logements et de 11 millions de mètres carrés de surface immobilière – contre 4 millions de mètres carrés dans la police où les agents ne sont pas logés avec leur famille en caserne « par nécessité absolue de service » comme le sont les gendarmes : 60 % de la surface immobilière de la gendarmerie nationale sont consacrés au logement des militaires ([7]).

Dernier point majeur du budget de la gendarmerie nationale, 600 millions d’euros du programme 152 sont consacrés à des dépenses dites « non manœuvrables » ou obligatoires : celles des loyers des casernes louées par les collectivités et celles d’énergie.

Hors fonds de concours, le budget de la gendarmerie nationale devrait s’élever en 2023 à 10,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 9,9 milliards d’euros en crédits de paiement, contre respectivement 9,9 milliards et 9,3 milliards en 2022. La hausse du budget s’explique par une hausse de crédits de 349 millions d’euros au titre de la loi de programmation (LOPMI) dont 294 millions pour le titre 2 (dépenses de personnel) et 55 millions hors dépenses de personnel.

Synthèse des crédits de la gendarmerie nationale en 2023

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un schéma d’emplois positif de 950 ETP et une création nette en effectifs de + 939 ETP après 11 transferts d’ETPT. Compte tenu des prévisions de départs, estimées à 13 215 personnels, la gendarmerie nationale recrutera 14 165 personnels, dont 300 officiers, 6 875 sous-officiers, 6 207 volontaires et 783 civils. Le projet de loi de finances pour 2023 du programme 152 prévoit 4 632,3 millions d’euros de titre 2 hors CAS pensions, soit 294 millions d’euros de plus qu’en loi de finances initiale pour 2022.

Ces crédits permettront notamment de financer le schéma d’emplois de +950 ETP, la montée en puissance de la réserve opérationnelle, la revalorisation du point d’indice de la fonction publique pour 132 millions d’euros, le protocole social à hauteur 47 millions d’euros et des mesures interministérielles dont la nouvelle politique de rémunération des militaires pour 38 millions d’euros.

En 2023, la gendarmerie disposera d’1, 555 milliard d’euros de crédits de paiement pour couvrir ses dépenses de fonctionnement et d’investissement. Le titre 3 du programme 152 sera abondé de 79,2 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2023, portant le total des crédits à 1, 287 milliard d’euros en 2023. Ces crédits permettront de couvrir l’évolution du fonctionnement courant des unités (inflation et schéma d’emplois), mais aussi de poursuivre les efforts d’entretien du parc immobilier. Les titres 5 et 6 du programme 152 diminueront quant à eux de 23,8 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2023.

Ces crédits permettront notamment de financer la transformation numérique de l’institution (30,4 millions d’euros), la densification de la formation (5 millions d’euros), la montée en puissance de la réserve opérationnelle (5 millions d’euros), la préparation des jeux olympiques de 2024 (4,6 millions d’euros), la mise en place des infrastructures et moyens inhérents à la hausse du schéma d’emplois, notamment le lacement des 7 escadrons de gendarmerie mobile et des 200 brigades territoriales (25,1 millions d’euros), le volet hors titre 2 du protocole social (2,8 millions d’euros) et l’évolution tendancielle de la dépense (21,4 millions d’euros).

Les investissements s’élèveront à 267,5 millions d’euros, répartis de la manière suivante : 97,3 millions d’euros de véhicules (dont 79,4 millions d’euros de véhicules légers), 0,5 million d’euros de matériel de police technique et scientifique, 126,7 millions d’euros d’immobilier (acquisitions et maintenance lourde), 6,8 millions d’euros de subventions aux collectivités territoriales pour les projets de constructions et 36,2 millions d’euros permettant l’acquisition des moyens blindés.

A.   Le budget de la gendarmerie nationale est marqué par le poids prépondérant de la masse salariale

Au 31 décembre 2021, les effectifs physiques de la gendarmerie nationale étaient de 101 234 militaires d’active et de 30 864 personnels militaires de la réserve opérationnelle de premier niveau (RO1).

 

P 152

Officiers

OG

5 711

OCTA

579

Officiers des armées

14

Total

6 304

Sous-officiers

SOG

72 427

CSTAGN

4 650

Total

77 077

Total officiers et sous-officiers

83 381

Volontaires

12 339

Total militaires

95 720

Par ailleurs, le directeur général de la gendarmerie nationale, responsable du programme 152, emploie 4 675 personnels non militaires répartis de la manière suivante :

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Enfin, la gendarmerie emploie 369 apprentis.

1.   Une masse salariale en forte évolution

Hors pensions, les dépenses de personnel de la gendarmerie nationale devraient passer de 4,339 à 4,632 milliards d’euros entre 2022 et 2023. Cette augmentation de la masse salariale s’explique notamment par :

- l’augmentation nette des effectifs (ou augmentation du schéma d’emplois) de la gendarmerie nationale de 950 « équivalents temps plein » pour un montant de 66,81 millions d’euros ;

- une hausse des crédits consacrés aux mesures catégorielles à hauteur de 71,8 millions d’euros ;

- des mesures d’ordre général pour près de 73 millions d’euros dont près de 66 millions d’euros au titre de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % au 1er juillet 2022 ;

- une augmentation de 14,4 millions d’euros des crédits consacrés à la réserve opérationnelle.

Le tableau ci-dessous présente les perspectives d’évolution du schéma d’emplois de la gendarmerie :

 

en ETP

2023

2024

2025

Total

(2023-2025)

Créations de postes dédiés aux missions de sécurité

+ 950

 

+ 1 045

 

+ 500

+ 2 495

Renforcement de la présence des gendarmes sur la voie publique (création de 7 escadrons de gendarmes mobiles, 200 brigades territoriales et reprise des gardes statiques)

+ 820

+ 884

+ 453

+ 2 157

Renforcement de la formation (initiale et continue)

+ 80

+ 111

+ 37

+ 228

Commandement de l’environnement

+ 20

+ 20

 

+ 40

Agence du numérique des forces de sécurité intérieure

+ 25

+ 25

 

+ 50

Prévention des risques psychosociaux

+ 5

+ 5

+ 10

+ 20

2.   Amorcée dès 2017, la hausse des effectifs se poursuivra et s’amplifiera à compter de 2023

a.   Une augmentation des effectifs de gendarmerie déjà amorcée en 2017-2022

Dans le cadre du plan présidentiel visant à créer 10 000 emplois au profit du renforcement de la sécurité, il avait été prévu de renforcer la gendarmerie à hauteur de 2 500 postes au cours de la période 2018-2022. L’ensemble de ces créations d’emplois visait prioritairement à accroître la présence de la gendarmerie sur le terrain et à renforcer ses capacités opérationnelles. En outre, l’analyse des menaces et l’identification des enjeux nouveaux ont conduit la gendarmerie à abonder également des unités qui concourent directement à l’efficacité de son action, telles que les unités nationales de police judiciaire, de lutte anti-drones et de lutte contre les cyber-menaces, tout en adaptant l’outil de formation.

 

Métropole + outre-mer

2018

2019

2020

2021

06/2022

Evolution

2018/2022

Effectifs gendarmerie départementale (en ETP) ([8])

65 754

66 017

66 263

66 699

66 859

+1,68%

Habitants en ZGN

33 994 754

34 117 888

34 230 282

34 320 932

34 430 982

+1,28 %

 

Cette évolution favorable tend à répondre à l’évolution démographique en zone gendarmerie, qui s’établit à +4,8 % depuis 2012. L’adaptation des effectifs à la hausse de la population est d’autant plus importante que la zone gendarmerie concentre les deux tiers de la hausse totale de la population française depuis 2007.

b.   Une hausse de 950 emplois en 2023 pour atteindre les objectifs de la LOPMI

Conformément aux annonces du Président de la République, la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) prévoit la création de 200 brigades de gendarmerie dans les cinq années à venir, afin de renforcer la présence de l’État sur le territoire.

Le projet annuel de performance de 2023 prévoit un schéma d’emplois de +950 équivalents temps plein (ETP) à périmètre constant :

- + 820 ETP au titre du renforcement de la présence des gendarmes sur la voie publique, tant dans les escadrons de gendarmerie mobile nouvellement créés que dans les premières des 200 nouvelles brigades rurales qui seront créées dès l’an prochain ;

- + 80 ETP en vue du renforcement des formations, dont 45 ETP au profit de la formation initiale et 35 ETP au profit de la formation continue ;

- + 20 ETP au profit de la montée en puissance du commandement de l’environnement ;

- + 25 ETP au profit de la nouvelle agence du numérique des forces de sécurité intérieure ;

- + 5 ETP en faveur de la prévention des risques psychosociaux.

Le dispositif d’accompagnement psychologique de la gendarmerie nationale (DAPSY)

Le dispositif d’accompagnement psychologique de la gendarmerie nationale (Dapsy) est composé d’un ensemble de 43 psychologues cliniciens. En raison de départs en cours de remplacement, il s’appuie au 1er août 2022 sur 41 professionnels. Le Dapsy est structuré à deux niveaux. La section psychologie, soutien et intervention de la sous-direction de l’accompagnement du personnel à la direction générale de la gendarmerie nationale est une instance centrale chargée du pilotage et de la conception du dispositif. Elle ne comprend qu’une psychologue clinicienne. D’autre part, la gendarmerie dispose d’un maillage national de 40 psychologues cliniciens conseillers techniques régionaux en métropole et en outre-mer (Guyane, Nouvelle-Calédonie et Mayotte). Ces professionnels assurent un appui technique au commandement, un accompagnement psychologique des personnels et de leurs familles confrontés à un événement potentiellement traumatique, un suivi psychothérapeutique des personnels et de leurs familles, la conduite d’actions préventives au profit des unités exposées à des risques spécifiques, de conception et animation d'actions de sensibilisation et de formation en lien avec leur technicité et, enfin, ils participent avec les autres acteurs institutionnels aux actions de prévention des situations professionnelles fragilisantes.

L’effectif des psychologues a presque triplé ces dix dernières années, passant de 16 en 2012 à 42 en 2022. En fin d’année 2022, l’effectif devrait s’élever à 43 psychologues. Le coût prévisionnel relatif à la masse salariale de ces 43 personnels s’établit à 2,5 millions d’euros hors CAS pensions pour l’année 2022. La signature par la gendarmerie nationale du protocole adossé au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoit la montée en puissance du Dapsy.

c.   La poursuite de la politique de substitution, sur les postes de soutien, de personnels civils et des corps militaires de soutien aux personnels militaires

La gendarmerie nationale poursuivra sa politique de transformation des postes de soutien tenus par des militaires en postes tenus par des personnels civils ou des personnels des corps militaires (officiers et sous-officiers) de soutien de la gendarmerie.

Entre 2007 et 2017, la gendarmerie nationale a transformé 2 560 postes d’officiers et de sous-officiers en postes de militaires des corps de soutien et en postes d’agents civils. Étaient prévues, entre 2018 et 2022, 1 500 nouvelles substitutions de postes. Celles-ci ont été engagées selon un cadencement de 300 postes par an, à parité entre personnels civils (150) et militaires des corps de soutien (150). L’objectif a été atteint, s’agissant des années 2018 et 2019. L’année 2020 a cependant été marquée par une inflexion dans le rythme de ces substitutions avec 243 substitutions sur les 300 prévues. Cette baisse de rythme s’explique par l’attrition progressive du vivier de postes substituables et par les effets de la crise sanitaire qui ont fortement perturbé la mobilité des personnels administratifs, techniques et scientifiques. L’instauration d’une mobilité « au fil de l’eau » depuis la reprise d’activité a été le principal levier utilisé pour insuffler une dynamique suffisante pour tendre à la réalisation de l’objectif attendu. En 2021, en raison de la réduction (à hauteur de -177 ETP) du schéma d’emplois initialement prévu, la cible réalisable a été abaissée à hauteur de 156 substitutions qui ont été entièrement effectuées (79 militaires des corps de soutien et 77 personnels civils). En 2022, pour les mêmes raisons (à hauteur de - 184 ETP), la cible réalisable a été abaissée à hauteur de 98 substitutions, atteinte à 96 % (94 substitutions).

Les substitutions devraient se poursuivre en 2023, conformément au protocole du 9 mars 2022 lié au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Selon le projet annuel de performance, le plan de substitution devrait se poursuivre à raison de 400 ETP en 2023, répartis en 200 personnels civils et 200 ETP issus des corps militaires de soutien.

d.   La densification des PSIG

L’augmentation du schéma d’emplois de la gendarmerie nationale permettra la poursuite de la densification des pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG), déjà entamée sous la précédente législature et consistant à transformer des postes de gendarmes adjoints volontaires en postes de sous-officiers.

Pour mémoire, les PSIG font partie des unités spécialisées de la gendarmerie et, parmi les unités spécialisées, des unités d’intervention. Implantés dans les compagnies de gendarmerie départementale métropolitaines et ultramarines, les PSIG interviennent dans le champ de l’intervention élémentaire en appui des unités territoriales. La densification des PSIG, prévue entre 2022 et 2024, se concrétise par la transformation de 3 000 postes de gendarmes adjoints volontaires en autant de postes de sous-officiers. L’objectif est d’accroître la puissance capacitaire de ces unités ([9]) .

e.   La montée en puissance de la réserve opérationnelle de niveau 1

Le Président de la République ayant fixé un objectif d’emploi de 50 000 réservistes d’ici à la fin de son quinquennat, la gendarmerie prévoit de recruter 6 000 réservistes supplémentaires en 2023, pour un montant de 14,4 millions d’euros supplémentaires, dont 2,7 millions d’euros pour la préparation des jeux olympiques de 2024 et 11,3 millions d’euros au titre de l’augmentation des effectifs. L’enveloppe budgétaire consacrée aux réservistes devrait ainsi s’élever à 84,7 millions d’euros hors pensions.

Les missions assurées par les gendarmes en opérations extérieures

Au 30 juin 2022, la gendarmerie déploie 110 personnels en opérations extérieures (OPEX), principalement dans la zone sahélienne. Après une année 2020 sensiblement orientée à la baisse du fait de la crise sanitaire, les déploiements dans les missions sont repartis à la hausse depuis le début de l’année 2021. L’engagement en 2022 devrait se maintenir à un niveau équivalent aux années 2019 et 2021. Le rapporteur note la projection d’un peloton de 28 gendarmes, entre le mois de mars et le mois de juillet 2022, au sein de la Mission EULEX Kosovo.

L’engagement prévôtal a, quant à lui, été maintenu à un niveau constant. La réarticulation du dispositif Barkhane dans la bande sahélo-saharienne (BSS) ne devrait pas affecter le nombre de prévôts déployés. Ces effectifs sont engagés dans des missions militaires (36 personnels) ou de police civile (74 personnels), dans le cadre d’opérations nationales ou internationales, sous mandat de l’Organisation des nations unies (ONU) de l’Union européenne (UE), ou de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). La gendarmerie nationale concourt à l’action extérieure de la France en matière de stabilisation de pays en crise, de retour à l’État de droit, de respect des droits de l’homme, de sécurité des représentants et ressortissants ainsi que de défense des intérêts économiques. De l’étranger, ces militaires participent également à la sécurité intérieure de la France et de l’espace européen en s’impliquant dans la lutte contre les trafics illicites (drogues, armes ou êtres humains), la lutte contre les filières d’immigration illégale et contre le terrorisme.

Depuis 2015, compte tenu de la faiblesse des déploiements en OPEX, les dépenses sont réduites. Seules les dépenses de titre 2 font désormais l’objet d’une budgétisation et d’un suivi à l’échelon central. En 2022, 7 millions d’euros ont été provisionnés pour les dépenses de personnel en opérations extérieures. Cette prévision est réajustée en fonction des engagements de la gendarmerie sur les différents théâtres.

 

 

Les gendarmeries spécialisées

La gendarmerie des transports aériens est une formation spécialisée de la gendarmerie nationale placée pour emploi auprès du directeur général de l’aviation civile. Elle compte 1 045 personnels. Les principales missions de la GTA sont l’exercice, au sein des zones aéroportuaires dont elle a la charge, des missions traditionnelles de la gendarmerie départementale ; le contrôle de l'application des mesures de sûreté et la contribution à la préservation de la sécurité des vols ; la police judiciaire, principalement la police aéronautique et les enquêtes consécutives aux accidents aériens, ainsi que la lutte contre la criminalité organisée (transport public illicite, cyber, stupéfiants…) ; l’intervention face aux actions contestataires et attaques terroristes.

La gendarmerie de l’air (GAIR) est une formation spécialisée de la gendarmerie nationale, placée pour emploi auprès du chef d'état-major de l'armée de l'Air et de l’Espace, en vertu de l'arrêté du 6 janvier 2014 relatif à l’organisation et au service de la gendarmerie de l’air. Elle relève du ministre des Armées et du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Elle comprend 791 personnels. Ces derniers assurent des missions de sûreté-protection et de police judiciaire sur les bases et installations relevant de l'armée de l'Air et de l’Espace ou à leurs abords ; en France comme à l’étranger, des opérations de polices judiciaire et administrative relatives aux accidents et incidents d’aéronefs militaires français ou étrangers, de parachutage, largage, aérocordage et treuillage militaires ; la mission de contrôle transfrontalier confiée à la GAIR, actuellement exercée sur la base aérienne 123 d’Orléans-Bricy déjà déclarée « point de passage frontalier » (PPF). Elle concerne les contrôles des personnes franchissant les frontières de l’espace Schengen. Cette mission, à terme, s’exercera sur trois autres bases aériennes en cours de mise en conformité pour aboutir à la reconnaissance par l’Union européenne de ces emprises militaires comme PPF. Sont concernées les bases d’Orléans, de Vélizy-Villacoublay, Istres et Évreux. La gendarmerie de l’air relève budgétairement du programme 178 de la mission Défense.

La gendarmerie maritime (GMAR), depuis 1970, est une formation spécialisée de la gendarmerie nationale, placée pour emploi auprès du chef d'état-major de la marine. Elle compte 1 157 ETP. Le cœur missionnel de la GMAR est composé d’un pendant administrativo-militaire avec l’action de l’État en mer et la défense maritime du territoire (30 unités navigantes, 25 % de l’effectif), la défense et sécurité des installations de la Marine nationale (21 % de l’effectif), la sûreté maritime et portuaire (20 % de l’effectif), la surveillance du littoral (10 % de l’effectif) et d’un pendant judiciaire (6 % de l’effectif). Les points d’attention sont en Manche-Mer du Nord où les tentatives de traversée de migrants sont passées de 78 en 2018 à 1 360 en 2021, en Méditerranée où les nouveaux usages (rodéos maritimes) inquiètent, dans les zones de construction d’énergies marines renouvelables où pêcheurs et associations environnementales manifestent, en Guyane où les pêcheurs illégaux se montrent violents, à Mayotte où la pression environnementale s’accroît (trafic de viande de tortue). Le budget de la GMAR figure sur le programme 178 de la mission Défense.

La gendarmerie de l’armement (GARM) est une formation spécialisée, placée pour emploi auprès du délégué général pour l’armement. Son expertise est aussi mise en œuvre au profit d’autres autorités d’emploi : la division des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA/DAM), l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) et l’Institut de recherches biomédicales des armées (IRBA), rattaché à la direction centrale du service de santé des armées (DCSSA). Ses 319 personnels se répartissent en 19 officiers, 236 sous-officiers et 64 gendarmes adjoints volontaires, auxquels s’ajoutent 39 réservistes opérationnels

Les brigades, implantées sur dix sites majeurs de la DGA, ainsi que sur le site du CEA DAM de Gramat (46), celui de l’Institut franco-allemand à Saint Louis (68) et celui de l’Institut de recherches biomédicales du service de santé des armées à Brétigny-sur-Orge (91), classés « points d’importance vitale » ou « installations prioritaires de Défense », exercent toutes les attributions de la gendarmerie départementale et concourent en outre aux missions particulières de police administrative, judiciaire et militaire, de sûreté et de protection sur tous les sites ainsi qu’à leurs abords. Les missions particulières des BGARM en matière de sûreté générale et de protection ont principalement pour objet de prévenir et d’empêcher les intrusions et la compromission du secret de la défense nationale. Ces brigades effectuent également le transport ou l’escorte d’informations et de supports classifiés et les escortes sur le territoire national au profit des unités de management Horus (missiles ASMP), Cœlacanthe (MSBS) et C2ER (satellites, jusqu’au centre spatial guyanais, à Kourou). La section de recherches, unité de police judiciaire ayant une compétence territoriale nationale, est chargée des enquêtes importantes de droit commun (faits survenus sur les sites ou impliquant leurs personnels), celles concernant une suspicion de dysfonctionnement d’un armement utilisé par les forces françaises et celles relevant de la délinquance économique et financière sensible. Elle apporte également son concours aux autres unités de la gendarmerie de l’armement. Le groupe de protection assure la protection rapprochée des hautes autorités de la DGA (le délégué général pour l’armement, le directeur adjoint et le directeur du développement à l’international). Il participe également à la protection de délégations étrangères, notamment lors des salons internationaux. La GARM contribue par ailleurs à la sécurisation des grands événements industriels de défense tels que le salon aéronautique du Bourget, Eurosatory, Euronaval et le Forum Innovation Défense. La GARM est principalement soutenue par le programme 146 « équipement des forces » de la mission Défense.

La gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires (GSAN) est commandée par un officier général de gendarmerie qui relève pour emploi du ministre des Armées. Elle compte 54 militaires (unités organiques) répartis au sein d'un commandement, d’un état-major et de 3 antennes spéciales de sécurité. Son cadre normatif et ses missions liées au contrôle gouvernemental, aux transports sensibles et à la gestion de crise, relevant de la dissuasion, sont classifiés. La gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires est rattachée budgétairement au programme 212 « soutien de la politique de défense » de la mission Défense, pour les seules unités organiques.


—  1  —

 

B.   Des dépenses de fonctionnement qui restent contraintes

Au sein du programme 152, les crédits de fonctionnement sont avant tout marqués par le poids des loyers que la gendarmerie paie aux collectivités et aux bailleurs pour les casernes locatives.

1.   Les loyers des casernes représentent 54 % des dépenses hors titre 2 de la gendarmerie

Les crédits des loyers de la gendarmerie ne sont pas considérés comme une variable d’ajustement. Ils sont sanctuarisés – ce qui signifie que leur fongibilité est interdite par le programme – et représentent :

- en 2022, 53 % de la ressource hors dépenses de personnel, rapportés aux crédits de paiement de la loi de finances initiale, soit 535,3 millions d’euros ;

- en 2023, 54 % de la ressource hors dépenses de personnel, rapportés aux crédits de paiement du projet de loi de finances, soit 553,4 millions d’euros en crédits de paiement.

L’augmentation de 18,2 millions d’euros entre 2022 et 2023 s’explique par :

- la prise en compte de l’augmentation des loyers ;

- la prise en compte de la création de nouvelles unités (brigades et escadrons) ainsi que la densification des PSIG ;

- la création du centre national de formation cyber.

L’entretien du casernement coûtera quant à lui 37,3 millions d’euros en crédits de paiement en 2023, en augmentation de 3,4 millions d’euros en raison du plan de remise à niveau de l’entretien de proximité du parc immobilier de la gendarmerie.

2.   Le carburant est aussi une dépense contrainte

Bien que de moindre importance, le carburant est aussi une dépense contrainte pour la gendarmerie. En 2023, le projet annuel de performance prévoit de consacrer 55,7 millions d’euros aux dépenses de carburant des véhicules. Selon le projet annuel de performance, la hausse de 2,3 millions d’euros de ce poste de dépenses vise à prendre en compte les besoins des nouvelles unités.

3.   Les autres dépenses de fonctionnement

a.   Les dépenses liées à l’agent représentent le deuxième poste de dépenses de fonctionnement de la gendarmerie

Ces dépenses s’élèveront en 2023 à 249,2 millions d’euros et regroupent le fonctionnement courant, la formation, les déplacements, les changements de résidence, l’alimentation des forces mobiles et des autres forces et les frais d’investigation, de renseignement, de protection ou d’intervention. Les évolutions les plus notables de ce budget concernent :

- 1 million d’euros supplémentaires de dotation dédiés à l’accompagnement des blessés en service, conformément au protocole social du 9 mars 2022 ;

- 4 millions d’euros supplémentaires au profit de la formation, conformément au Beauvau de la sécurité ;

- 4,7 millions d’euros supplémentaires visant à soutenir l’augmentation de l’activité opérationnelle consécutive au renforcement des effectifs (schéma d’emploi de +950 ETP) et à la hausse des effectifs de la réserve opérationnelle de niveau 1 ;

- 1,6 million d’euros de crédits au profit des militaires des corps de soutien et des gendarmes adjoints volontaires, conformément aux mesures du protocole social visant à couvrir l’augmentation du coût de la vie.

b.   Le budget d’équipement est essentiellement consacré aux dépenses d’habillement

De 250 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 93,6 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en 2023, ce budget concerne l’achat d’armes, de munitions et de matériel mais aussi d’habillement et de police technique et scientifique. 218 millions d’euros en autorisations d’engagement et 61,8 millions en crédits de paiement seront consacrés à l’habillement.

Les évolutions les plus notables du budget d’équipement de la gendarmerie en 2023 concernent :

- une hausse d’1,2 million d’euros du budget dédié à l’achat d’armes, pour accompagner l’augmentation de 7 escadrons de gendarmerie mobile prévue par la LOPMI ;

- une augmentation de 65,9 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour renouveler le marché pluriannuel d’équipement Vetigend ;

- une hausse de 10,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour couvrir les besoins d’équipement liés à l’augmentation des effectifs de la réserve opérationnelle, à la création de nouvelles brigades et de sept escadrons de gendarmerie mobile. De même, cette hausse couvrira l’achat de housses tactiques modulaires dites « 4 en 1 » et le renouvellement de certains matériels (gilets pare-balles, menottes, etc.).

Pour mémoire, l’équipement individuel du gendarme comprend un pistolet automatique SIG SAUER 2022 – les unités de police judiciaire disposant d’un GLOCK 26 –, un bâton de protection télescopique (BPT) et un gilet pare-balles à port discret. À la suite des événements de Saint-Just (63), le renforcement des unités s’est traduit par de nouvelles dotations en équipement de protection : 1 200 gilets porte-plaques ont été livrés en 2021 afin de constituer un troisième lot balistique lourd pour chaque patrouille ; près de 12 000 trousses de secours ont été commandées et livrées. Les efforts se sont poursuivis en 2022 avec la livraison, dans les brigades et compagnies de housses tactiques modulaires (« gilet 4 en 1 ») : la totalité de la primo-dotation, soit 35 000 housses, a été commandée en 2022. Un marché d’acquisition d’une chasuble « 4 en 1 » pour les PSIG et la gendarmerie mobile a été lancé et doit permettre une première commande de 6 000 housses « 4 en 1 » pour les PSIG en fin d’année 2022 ou au début 2023. Des casques avec des visières pare-balles et des HKG36 ont également été commandés, notamment pour les PSIG et les pelotons d’intervention, avec une livraison courant 2022. La livraison au cours du 1er semestre 2022 de 358 monoculaires d’observation nocturne complète l’équipement des PSIG.

Les moyens de force intermédiaire comprennent : le pistolet à impulsion électrique, le Flashball de 44 mm, le lanceur de balles LBD 40 mm, les grandes grenades à main de désencerclement et grenades lacrymogènes GM2L, le lanceur de grenade COUGAR, le bâton de protection télescopique (BPT), le tonfa et le diffuseur lacrymogène. L’équipement des forces de l’ordre en moyens de force intermédiaire répond à une double préoccupation : assurer la protection du personnel exposé à des agressions violentes et limiter le recours aux armes à feu. Les moyens de force intermédiaire permettent une réponse graduée et proportionnée à une situation de danger, lorsque l'emploi légitime de la force est justifié et nécessaire. Leur usage est encadré : conditions strictes de nécessité et de proportionnalité ; emploi suite à formation initiale et continue spécifique avec contrôles rigoureux. Pour tout tireur équipé de LBD de 40 engagé au maintien de l’ordre, hors cas de légitime défense, un superviseur est désigné, chargé d’évaluer la situation et les mouvements des manifestants, de s’assurer de la compréhension des ordres par le tireur et de désigner l’objectif à atteindre. Le superviseur doit avoir suivi une formation au maintien de l’ordre. Des réflexions et des expérimentations se poursuivent pour évaluer des nouvelles armes de force intermédiaire.

L’essentiel des équipements de protection balistique est mutualisé entre la police et la gendarmerie nationale : casques de maintien de l’ordre ; boucliers balistiques rigides et dépliants ([10]) ; boucliers pare-coups ; gilets pare-balles individuels féminins et masculins ; tubes de sécurité multi-calibres. Il en va de même en ce qui concerne les armes et les munitions : diffuseurs de gaz lacrymogènes ; munitions de maintien de l’ordre ainsi que le 9 mm d’instruction et d’exercice ; pistolets à impulsion électrique ; ensemble modulaires de stockage de munitions (transport de grenades). S’agissant des menottes et de l’habillement, les lots de la gendarmerie nationale et de la police nationale du nouveau marché d’externalisation ont été attribués en 2018 aux cotraitants Paul Boyé Technologies (fourniture des effets) et Geodis (transport). Cela a permis de mutualiser plusieurs effets – tels que les chaussures, gants, sacs, tenues de sport et sous-vêtements thermiques – et des matières premières telles que celles des tenues de service courant de la gendarmerie nationale et du service général de la police nationale. Cette mutualisation engagée se poursuit sur les nouveaux développements, s’agissant notamment des housses tactiques modulaires et les produits en évolution, notamment dans les domaines équestre et nautique.  Sont d’ores et déjà mutualisés les tenues et casques des motocyclistes, les tenues et équipements techniques de secours en haute montagne, les ensembles des effets pare-coups de maintien de l’ordre (jambières, gilets pare-coups, protections d’épaule), les tenues d’intervention des unités spécialisées (force d’intervention de la police nationale – RAID et ses antennes, brigades de recherche et d’intervention de la préfecture de police, brigades de recherche et d’intervention de la police judiciaire et ces antennes, DGSI et GIGN) et les bouchons auriculaires.

Depuis la fin de l’année 2018, la gendarmerie a procédé à l’individualisation de l’armement et de certains équipements, essentiellement pour les officiers et sous-officiers de gendarmerie. Le principe d’individualisation signifie que le militaire concerné est doté de certains équipements individuels pour toute sa carrière et qu’il en assume la responsabilité et le maintien en condition. Les équipements concernés sont le pistolet automatique avec étui, les menottes avec étui, le bâton de protection télescopique et le gilet pare-balles. Depuis 2022, l’individualisation de l’armement s’étend également à certains militaires du corps de soutien de la gendarmerie.

En 2021, de nombreux projets de développements ou d’évolution d’effets ont été lancés concernant la tenue de maintien de l’ordre allégée pour l’outre-mer, la chemise UBAS pour les PSIG etc. Dans le cadre de ces projets, l’objectif demeure la mutualisation totale ou partielle avec des produits des autres forces de la sécurité intérieure.

Les caméras-piétons

La gendarmerie a acquis au total 21 000 caméras piétons pour équiper environ 4 000 unités (en métropole et en outre-mer) dans l'optique de renforcer le dispositif sécuritaire et d’équiper chaque patrouille :

 En 2021, un premier déploiement de 6 000 caméras a été conduit ;

 En 2022 :

 7 000 caméras supplémentaires ont été déployées ;

 7 000 caméras (dont 600 pour l’outre-mer) sont en cours de déploiement depuis l’été ;

 les 1 000 dernières sont en attente de livraison par Motorola.

 Il n’est pas prévu d’acquérir de nouvelles caméras en 2023, le renouvellement des matériels n’étant nécessaire que tous les 3 ans.

Sur les 21 000 caméras qui seront déployées près de 17 000 le seront en gendarmerie départementale, un peu plus de 2 200 en gendarmerie mobile et un peu moins de 1 000 en outre-mer. Le restant est destiné à la garde républicaine, aux gendarmeries spécialisées (GARM, GAIR et GTA) et aux écoles et centres de formation.

 

La mutualisation de la fonction achat au ministère de l’Intérieur

Dès 2014, la mutualisation des achats, des équipements et de la logistique a été effective pour la police, la gendarmerie et la sécurité intérieure avec la création du SAELSI, puis étendue à tout le ministère de l’Intérieur avec la création du SAILMI en 2019. Sur le plan logistique, le SAILMI gère la commande et le transport. La création de ces services a permis des achats mutualisés dans le cadre de marchés publics communs (armement, véhicules, appareils de contrôle, caméras piétons...), même si les besoins de chacun demeurent parfois différents. Ainsi, la mutualisation des achats pour tous les nouveaux marchés nationaux est la règle, sauf lorsque le matériel répond à un besoin opérationnel non partagé (OPEX) ou pour des moyens opérés par une seule force au profit du ministère (unités aériennes, des véhicules blindés pour le maintien de l’ordre, etc.).

Chaque demande d’achat, provenant de la police ou de la gendarmerie, est examinée au sein du SAILMI en prenant en compte leurs besoins et critères spécifiques. L’objectif est de mettre en commun l’ensemble de la chaîne dans le domaine de la conception des équipements comme dans celui des achats, et de réaliser des économies d’échelles. Ces dernières ainsi que la valeur ajoutée apportée par l’acheteur permettent de mettre en valeur la performance de l’achat.

À titre d’exemple, les marchés mutualisés permettent d’acquérir :

- de l’habillement (tenues et casques des motocyclistes ; tenues et équipements techniques de secours en haute montagne ; étuis de pistolet ; ensembles des effets pare-coups de maintien de l’ordre ; tenues d’intervention des unités spécialisées)

- des moyens mobiles (voitures ; motocyclettes ; pneumatiques),

- des équipements de protection balistique (casques de maintien de l’ordre ; boucliers balistiques rigides et dépliants ; boucliers pare-coups ; gilets pare-balles individuels ; tubes de sécurité multi-calibres) ;

- des armes et munitions (diffuseurs de gaz et gels lacrymogènes).

c.   Les crédits dédiés aux systèmes d’information

Les systèmes d’information et de communication se voient dotés en 2023 de 123,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 120,7 millions d’euros en crédits de paiement. Ce poste de dépenses connaîtra plusieurs évolutions l’an prochain.

Les crédits de paiement dédiés aux télécommunications augmenteront de 13,5 millions d’euros pour assurer la montée en puissance du ComCyberGend et le lancement des abonnements et du maintien en condition opérationnelle de la plateforme PC STORM.

Dans le domaine informatique, les crédits augmenteront d’une dizaine de millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour permettre l’achat de drones et de moyens de lutte antidrones, la montée en puissance du ComCyberGend, la création de l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure et celle du centre national de formation cyber.

Enfin, les dépenses liées à l’acquisition de postes informatiques augmenteront de 8,8 millions d’euros pour permettre la modernisation des salles de commandement, mesure annoncée par le Président de la République lors du Beauvau de la sécurité.

d.   Le budget du maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de la gendarmerie

Le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de la gendarmerie est mutualisé avec la sécurité civile à Aix pour les EC145 et assuré à Orléans pour les EC135. Le budget consacré à ce maintien en condition opérationnelle est en diminution de 105 millions d’euros en autorisations d’engagement, ce qui s’explique par le fait que l’année 2022 se soit caractérisée par une très forte hausse des autorisations d’engagement pour couvrir de nouveaux marchés de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères EC 145 et EC 135.

 

Année

Exécuté

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022*

2023**

AE***

22,9

21,5

20,9

21,1

20,5

20,9

276,3

123,6

18,1

CP***

19

20,8

21,5

19,9

19,4

20,3

29,7

30,2

33,6

* Montant LFI.

** Montant PAP.

*** En millions d’euros.

C.   Un maintien de l’effort en faveur de l’investissement

1.   Les véhicules

Au 1er juillet 2022, la gendarmerie nationale dispose de 31 879 véhicules (hors moyens nautiques, aériens, remorques, saisies judiciaires et vélos).

 

Type

Quantité

Âge moyen

Kilométrage moyen

Deux roues (hors vélos)

3 714

6,84 ans

45 656 km

Véhicules légers

27 562

6,19 ans

104 668 km

Véhicules lourds

603

13,05 ans

108 403 km

a.   Les véhicules de maintien de l’ordre et les véhicules blindés de la gendarmerie mobile

En gendarmerie mobile, le parc de 3 682 véhicules en service se compose entre autres de :

- 932 véhicules spécialisés de maintien de l’ordre d’un kilométrage moyen de 174 198 km et d’un âge moyen de 15 ans sur châssis IVECO DAILY C15 H3 acquis en 2005-2006 ;

- 201 véhicules de commandement et de transmission d’un kilométrage moyen supérieur à 139 075 km, d’un âge moyen de 19 ans pour les modèles les plus anciens ;

-104 véhicules blindés dont 80 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), dont notamment 20 véhicules de l’avant blindés (VAB) et un engin du génie d’aménagement appelé EGAME.

Depuis plusieurs années, la multiplication de crises variées a nécessité le recours aux véhicules blindés à roues de la gendarmerie, soit à titre préventif, soit pour faire face en sécurité à des épisodes intenses de troubles à l’ordre public.

Cela a été le cas en outre-mer, notamment dans le cadre de la consultation électorale de 2020 en Nouvelle-Calédonie, où 14 VBRG ont été déployés à titre préventif, mais également en métropole dans le cadre des zones à défendre (ZAD) ou encore durant les manifestations des gilets jaunes.

Ces engins permettent le dégagement d’axes entravés par des barricades enflammées et, pour certaines, piégées à l’aide de bouteilles de gaz. Ils assurent également la protection des personnels dans le traitement d’obstacles dangereux, dans le total respect de l’intégrité physique des opposants – aucun blessé lié à l’emploi des VBRG n’ayant été recensé jusqu’à présent.

Les 80 VBRG, entrés en service en 1974 (48 ans), sont répartis de la manière suivante : 43 VBRG déployés en métropole dont 3 stationnés en Corse ; 11 détachés au centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier ; 29 VBRG au groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Versailles-Satory (dont 10 en province : 2 à Nantes, 2 à Lille, 2 à Lyon, 2 à Toulouse, 2 à Metz) ; 37 VBRG stationnés outre-mer dont 13 en Nouvelle-Calédonie. Le taux de disponibilité des VBRG est de 74 %.

S’agissant des véhicules de l’avant blindés, la gendarmerie en a 20 dont 16 opérationnels obtenus auprès de l’armée de Terre, permettant le transport de troupes afin de remplir les missions en opérations extérieures. Parmi eux, 14 VAB bénéficient d’une surprotection de blindage du fait de leur engagement passé en Afghanistan. Ils sont répartis de la manière suivante : 7 au GBGM (dont 4 pour l’instruction) et 13 en Nouvelle-Calédonie. La moyenne d’âge de ces VAB est de 36 ans.

S’agissant des engins du génie d’aménagement (EGAME), un exemplaire a été acquis au début de l’année 2013. Ce véhicule protégé, polyvalent et puissant, est apte au travail en milieu difficile (eau, sable, boue, températures extrêmes…). Il peut être utilisé dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre afin de dégager rapidement des obstacles et de libérer des axes de circulation. Il a notamment été employé dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre menées sur le site de Notre-Dame-des-Landes.

Le renouvellement de la capacité blindée au rétablissement de l’ordre a été acté en 2021 et s’est traduit par l’acquisition de nouveaux véhicules blindés. Un marché a été notifié, fin octobre 2021, à la société Soframe (filiale du groupe Lohr, implantée à Duppigheim - 67). Une commande de 90 véhicules dits « Centaure » a été passée en juin 2022. Pour un coût actuel de 67 millions d’euros, les 90 véhicules devraient être livrés à compter de la fin de l’année 2022 pour 10 d’entre eux, puis 44 en 2023 et enfin 36 au début de l’année 2024. Tenant compte d’évolutions contractuelles en préparation, le montant finalisé de ces acquisitions ne sera déterminé qu’à la fin de l’année 2022. Ce nouveau véhicule, dont la tête de série doit être livrée en septembre 2022, permet le transport de 10 militaires équipés sous blindage. Il dispose d’une lame, située à l’avant du véhicule, permettant le dégagement et la poussée d’obstacles, d’une mitrailleuse et d’un lance-grenade télé-opéré d’une capacité de 30 grenades, d’un dispositif optique et enfin, d’un système de détection des départs de coups de feu. Le déploiement de ces véhicules sera accompagné par la formation de personnels à la conduite et à la maintenance des systèmes et du véhicule. Après la livraison complète, le retrait des VBRG et VAB du service sera effectué dans des conditions qui restent à définir.

b.   Les véhicules de la gendarmerie départementale

En gendarmerie départementale, le parc de 28 197 véhicules en service se compose de 2 762 motos sérigraphiées ; de 18 238 véhicules légers sérigraphiés et de 7 197 véhicules banalisés.

 

 

 

 

 

 

 

 

Véhicules réformés

Véhicules acquis

2010

2 149

2 264

2011

1 967

1 273

2012

1 906

865

2013

1 309

1 333

2014

841

1 444

2015

1 905

2 099

2016

2 178

3 302

2017

2 788

2 829

2018

3 102

2 782

2019

2 609

2 541

2020

2 596

3 453

2021

3 163

3 716

2022

(au 01/10/22)

816

3 592*

  *prévision

Avec les crédits de 2021, 3 716 véhicules ont été commandés pour les forces de gendarmerie dont 1 389 au titre du plan de relance sur le programme 362. Au total, en 2020 et en 2021, le parc de véhicules de la gendarmerie aura bénéficié d’un effort inédit depuis plus de dix ans. Si la gendarmerie a bénéficié d’un renforcement important de son parc dans le cadre du plan de relance puis du Beauvau de la sécurité, les véhicules hybrides qu’elle a dû acquérir consomment finalement davantage que des véhicules classiques. Cet effort s’est poursuivi en 2022. La prévision d’acquisition s’élève en effet à 3 592 véhicules, dont plus de 1 100 ont été commandés dès 2021 sur les crédits 2022 pour arriver au plus vite dans les unités.

L’installation de bornes électriques

La gendarmerie a bénéficié au titre du plan de relance d’une enveloppe de 2,97 millions d’euros pour financer l’installation de bornes électriques. Au 30 juin 2022, 478 bornes ont été installées dans les locaux de service et techniques de 315 casernes domaniales permettant ainsi l’accès à 835 points de charge. Dans 67 casernes locatives, 67 bornes ont été installées permettant l’accès à 90 points de charge. L’installation de bornes est financée par la réserve « borne de recharge pour véhicules électriques ». Cette réserve bénéficie d’une enveloppe de 1,5 million d’euros en 2022.

Des expérimentations ont été menées par la gendarmerie afin de mettre à disposition des familles des infrastructures de recharge pour véhicules électriques (IRVE) : 2 bornes doubles sont déjà en service au sein de la caserne « Vernadat » à Issy-les Moulineaux. Il est prévu d’en installer deux supplémentaires. Des travaux d’installation sont en cours à Bordeaux (6 bornes simples). D’autres sites sont en cours d’instruction ou d’étude : Laval, Poitiers, Nanterre « Rathelot » et Versailles-Satory. Par ailleurs, afin de moderniser la recharge des véhicules à hydrogène, une étude prospective portant sur les méthodes de recharge mobile a été amorcée.

Après un effort inédit accompli entre 2020 et 2022, le besoin de la gendarmerie nationale au titre de 2023 est évalué à 2 000 véhicules : 1 200 véhicules sérigraphiés et banalisés légers ; 200 motos ; 600 véhicules spécifiques.

Le maintien en condition opérationnelle des véhicules dans les centres de soutien automobile de la gendarmerie

Le maintien en condition opérationnelle des véhicules est assuré par les centres de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG), répartis sur l’ensemble du territoire et, parfois, par les centres automobiles relevant des SGAMI (secrétariats généraux de l’administration du ministère de l’Intérieur, relevant du programme budgétaire 216, en dehors de la mission Sécurités). Le soutien automobile et moto est mutualisé entre la police et la gendarmerie. Au 30 juin 2022, les effectifs des CSAG sont de 976 ETP.

Le soutien automobile est mutualisé (84 CSAG sur 97 dispensent un soutien mutualisé). Les CSAG sont placés sous l’autorité fonctionnelle des SGAMI tout en demeurant sous l'autorité organique de la gendarmerie nationale, le programme 152 restant responsable de leurs infrastructures et moyens de fonctionnement. Les CSAG et les ateliers automobiles relevant des SGAMI utilisent une application commune dénommée Vulcain MI. Le maintien en condition opérationnelle étant une priorité, une circulaire du 1er février 2021 relative au plan de disponibilité du parc automobile des forces de sécurité a été signée par le ministre de l’Intérieur. Dans ce cadre, des contrats de service doivent être conclus au sein des ateliers automobiles des SGAMI et des CSAG afin d’optimiser la qualité de la prestation au profit des unités opérationnelles soutenues.

Un nouveau schéma directeur des centres de soutien automobile de la gendarmerie, dont l’économie générale a reçu l’aval du secrétaire général du ministère de l’Intérieur, sera mis en application prochainement. Dans une logique de mutualisation accrue, il s’agit de viser concomitamment une amélioration de la performance des prestations de maintenance classique, et une amélioration de la résilience de la gendarmerie nationale en intégrant un renfort de compétences et une capacité de projection en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances par la transformation de certains CSAG en sections d’appui à la mobilité (SAM : pour la maintenance des poids lourds et des engins spéciaux de la gendarmerie nationale engagés sur le terrain, notamment les véhicules spécialisés des escadrons de gendarmerie mobile et les nouveaux engins blindés). Un travail est actuellement en cours pour parachever ce schéma. Cette priorisation s’accompagne d’un budget d’entretien et de réparation de 25 millions d’euros autorisations d’engagement et en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2023, budget reconduit par rapport à celui de 2022.

2.   Les hélicoptères

Le commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale coordonne l'action opérationnelle de l'ensemble des unités placées sous son autorité, en plus d’être l’expert chargé d’accompagner la DGGN dans la rédaction de la doctrine d’emploi, de la formation, comme de la sécurité des vols pour les hélicoptères et les drones de la gendarmerie. Il apporte un concours opérationnel aux unités de gendarmerie et à d'autres partenaires (police nationale, préfecture de Police de Paris, DGSI, SNCF, office français de la biodiversité...) soit par un engagement autonome (ses équipages bénéficient de la compétence judiciaire) soit, le plus souvent, en appui d'unités au sol. Il couvre l'ensemble des missions des forces de sécurité (police judiciaire, police administrative, ordre public, assistance aux personnes) sur l'ensemble du territoire national (métropole et outre-mer).

56 hélicoptères dont 30 biturbines sont en dotation actuellement. Ils se répartissent en 3 flottes :

-15 EC 145 ([11])  biturbines, d’âge moyen de 15,51 ans ;

- 15 EC 135 ([12])  biturbines, d’âge moyen de 12,40 ans ; 

- 26 AS 350 « Écureuil ([13])  » monoturbines (âge moyen de 35,19 ans).

Dans le cadre du plan de relance de l'aéronautique adopté à la suite du premier confinement en 2020, la gendarmerie nationale a obtenu des crédits exceptionnels (200 millions d’euros) pour acquérir dix nouveaux hélicoptères H160 destinés à remplacer une partie de la flotte vieillissante des Écureuils. Ces aéronefs devraient être livrés par Airbus Helicopters entre 2024 et 2026. Très polyvalents, ils apporteront une capacité renforcée de projection de personnels d'intervention. Au moins trois de ces dix nouveaux H160 seront opérationnels pour les jeux olympiques de 2024.

Une réflexion est par ailleurs en cours sur le renouvellement conjoint en hélicoptères EC 145 entre la gendarmerie et la sécurité civile, cette dernière souhaitant renouveler complètement sa flotte. La gendarmerie n’étant pas contrainte quant à elle de renouveler dans l’urgence sa flotte, elle a proposé à la sécurité civile de conclure un marché global avec Airbus dans le cadre duquel cette dernière bénéficiera des premières livraisons et la gendarmerie, des livraisons les plus tardives à horizon 2027. Les hélicoptères que commandera la gendarmerie représentent un coût plus important d’1 à 2 millions que ceux de la sécurité civile du fait de leur équipement d’une boule optique de surveillance. Le coût devrait être d’une dizaine de millions d’euros si la négociation est concluante. L’acquisition de H145 est à l’étude, en coordination avec la DGSCGC. Ce programme d’achat garantirait la mission de souveraineté outre-mer, comme les interventions dans des environnements particulièrement exigeants de type haute montagne. La capacité de transport (jusqu’à 2 tonnes et 11 personnels) et le rayon d’action de ce nouvel appareil permettront notamment aux forces de sécurité intérieure de renforcer leurs capacités de projection, en particulier en matière de contre-terrorisme.

Il est par ailleurs prévu de sanctuariser les EC 135. Encore récents, ils répondent pleinement aux besoins de sécurité publique générale tout en satisfaisant aux exigences de la réglementation civile relative au survol des agglomérations et de navigabilité.

3.   Les moyens nautiques

29 Brigades nautiques côtières sur le littoral (22 en métropole et 7 en outre-mer) sont intégrées pour leurs missions en mer au dispositif d'action de l’État en mer coordonné par les préfets maritimes.

15 Brigades fluviales de gendarmerie (13 en métropole, une en outre-mer et une brigade fluviale nautique) et 4 brigades nautiques intérieures, implantées sur les bassins hydrographiques importants et les plans d'eau majeurs, sont coordonnées par le commandement de la gendarmerie des voies navigables.

Ces unités spécialisées, dont la majeure partie dispose d’enquêteurs subaquatiques qualifiés, permettent à la gendarmerie départementale d’apporter une réponse aux problématiques nautiques spécifiques en complément des unités territoriales et en liaison avec la gendarmerie maritime.

Au 1er janvier 2022, la gendarmerie compte 231 embarcations réparties de la manière suivante :

 

Type de moyens

Nombre

Moyenne d’âge

Embarcation lourde gendarmerie

36

13 ans

Embarcation projetable en gendarmerie

174

16 ans

Jet ski

11

8 ans

Moyens nautiques saisis

10

5 ans

 

La moyenne d’âge de la flotte est de 14 ans. En 2020, 17 moyens nautiques ont été acquis pour 1,7 million d’euros. En 2021, a été acquise une embarcation pour Mayotte pour 0,7 million d’euros, à laquelle s’ajoutent une embarcation semi-rigide pour la Polynésie Française pour 0,07 million d’euros et un zodiac du GIGN, d’une valeur de 0,06 million d’euros. En 2022, six embarcations ont été commandées pour 2,1 millions d’euros.

4.   Les drones

a.   La dotation de la gendarmerie en drones

La flotte de drones est constituée de 480 drones, répartis en trois familles, d’emplois distincts : les drones de la capacité nationale (Matrice 300 RTK) ; les drones spécialisés (emplois spécifiques : milieu montagne, aérodromes, investigations judiciaires – PLS Black Hornet) ; enfin, les drones du quotidien, au profit des unités de terrain (Mavic 2 Entreprise Advanced). 700 télé-pilotes sont actuellement opérationnels. La gendarmerie s’inscrit dans une démarche prospective approfondie concernant les drones de moyenne endurance et de longue élongation, qui feront l’objet d’une certification par les autorités aéronautiques. Le marché en cours, qui prendra fin au 1er trimestre 2025, permet d’acheter ces trois types de drones.

Le cadre juridique de l’usage des drones par les forces de sécurité intérieure est fixé par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui prévoit notamment l’encadrement du stockage des données à caractère personnel ainsi que l’information du public sur l’emploi des caméras par des drones dont l’usage est soumis à une stricte autorisation. Cette loi doit encore faire l’objet de mesures réglementaires d’application.

Sur le plan aéronautique, les drones de la gendarmerie évoluent sous le statut d’aéronefs militaires, et relèvent de l’aéronautique d’État.

b.   La lutte anti-drones

Dans le cadre de la lutte anti-drones, la gendarmerie dispose de matériels d’aide à la détection et de moyens de neutralisation des drones. L’aide à la détection des drones repose principalement sur un système portatif amélioré permettant de détecter les drones les plus communs dans un périmètre de plusieurs kilomètres ainsi que la position précise du télépilote. Le matériel de neutralisation des drones est composé essentiellement de fusils et de pistolets brouilleurs anti-drones mais également de dispositifs fixes et véhiculés, pré-positionnés sur certains sites sensibles ou installés temporairement lors de grands événements. Cette technologie permet la neutralisation des drones sans les détruire évitant ainsi leur chute, dans la majorité des cas.

La composante intervention de lutte anti-drones de la gendarmerie est organisée en une capacité nationale et une capacité régionalisée.

À l’échelon national, la section de protection et d’appui drones, rattachée à la Garde républicaine, est l’unité dédiée à la lutte anti-drones. Armée par 21 militaires, cette unité est projetable sur l’ensemble du territoire national, voire à l’étranger. Elle dispose de 7 matériels d’aide à la détection à longue portée et de 14 matériels de neutralisation directionnels. Elle expérimente également un pistolet lance-filet. Son commandant est le directeur de programme de la lutte anti-drones pour la gendarmerie.

Le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure (ST(SI)²) assure, outre la veille technologique, la direction de projets ainsi que l’achat et la répartition des matériels de lutte anti-drones au profit des unités utilisatrices, conformément à la stratégie capacitaire validée par la direction des opérations et de l’emploi. Le service central des réseaux et technologies avancées est chargé d’installer les matériels de détection longue portée et de brouillage fixes sur les sites concernés et dans les véhicules. Ce service pourrait disposer à terme d’une réserve de fusils anti-drones et de valises de détection. Le Centre national de formation aux systèmes d’information et de communication de la gendarmerie assure la formation des gendarmes. Au 1er juillet 2022, le nombre de militaires formés s’élève à 2 300.

S’agissant de la capacité régionalisée, la chaîne des sections opérationnelles de lutte contre les cybermenaces (SOLC) est chargée de la lutte anti-drones au niveau des treize régions de gendarmerie. Chaque région dispose d’un ou plusieurs lots de lutte anti-drones composés d’un matériel d’aide à la détection, de matériels de neutralisation (un pistolet et un fusil brouilleur) et d’un sac de police technique et scientifique permettant le traitement judiciaire et la saisie du drone après sa neutralisation. Au 1er juillet 2022, 18 moyens de détection et 36 moyens de neutralisation sont répartis dans les régions. En complément de ces deux capacités, la gendarmerie nationale dispose d’unités spécialisées évoluant dans des domaines ou des milieux spécifiques dotées de capacités de lutte anti-drones. Il s’agit du GIGN, de la gendarmerie des transports aériens (GTA) pour la protection des aéroports les plus importants (10 moyens de détection et 8 moyens de neutralisation), du commandement de la gendarmerie de la Guyane française pour la protection du centre spatial guyanais (3 moyens de détection et 6 de neutralisation) et des escadrons de gendarmerie mobile dédiés à la protection des escortes de certaines matières nucléaires (4 moyens de neutralisation).

5.   L’investissement dans le parc immobilier domanial de la gendarmerie

Le parc immobilier domanial de la gendarmerie représente 5,2 millions de mètres carrés (48 % de la surface totale du parc de la gendarmerie nationale) dont 2,5 millions de m² sont dédiés aux logements et 2,7 millions de m² sont dévolus aux locaux de service et techniques. Les 30 458 logements domaniaux concédés par nécessité absolue de service se répartissent dans 656 casernes. Ils représentent 40 % des logements concédés par nécessité absolue de service.


La moyenne d’âge du parc domanial est la suivante :

 

Âge des locaux de service

Âge des logements

Âge du parc domanial

55 ans

49 ans

52 ans

La gendarmerie a bénéficié ces dernières années d’un budget immobilier en augmentation constante. Pour 2022, la dotation de la gendarmerie en autorisations d’engagement de 183 millions d’euros (dont 90 millions d’euros fléchés au titre du Beauvau de la sécurité) est la plus importante en crédits d’investissement (titre 5) qui ait été allouée depuis 2008. À ces 183 millions d’euros s’ajoutent 44,1 millions d’euros de crédits « compétitivité » du Plan de relance (hors appels à projets – programme 363).

Le budget immobilier alloué en 2022 a rendu possible l’engagement de projets respectant les priorités suivantes :

- la poursuite de l’effort de mise à niveau des logements concédés par nécessité absolue de service avec notamment le financement d’opérations particulièrement importantes budgétairement telles que la réhabilitation des casernes Vernadat et Nord à Issy-les-Moulineaux pour un montant total de 22,6 millions d’euros ;

- la construction d’une nouvelle caserne de gendarmerie à Balma (31), pour un coût global (hors acquisition du foncier) de 53 millions d’euros. Pour rappel, la dernière avait été financée en 2011. C’est le signe d’une dynamique rendue possible par l’augmentation significative des crédits d’investissement ;

- la poursuite du plan de sécurisation des casernes de gendarmerie avec 19 millions d’euros consacrés en 2022.

- l’absorption par le programme 152 des surcoûts des opérations financées dans le cadre du volet « Écologie » du plan « France Relance » au titre du programme 362.

En 2023, avec 142,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 126,7 millions d’euros en crédits de paiement, la gendarmerie couvrira le reste à payer des grandes opérations immobilières lancées les années précédentes et financera de nouveaux grands projets prévus dans le cadre de la LOPMI, à l’image de la réhabilitation du centre national de formation des forces mobiles et de l’École des officiers, de la création de nouvelles unités (escadrons de gendarmerie mobile, brigades) et du renforcement des capacités de formation des écoles.

 

 

 

Les projets immobiliers portés dans le cadre de la LOPMI

Les grands projets immobiliers qui seront lancés en 2023 dans le cadre de la LOPMI regroupent l’ensemble des engagements présidentiels.

 L’allongement de la durée de formation rendra nécessaire l’augmentation du capacitaire des écoles de la gendarmerie. En effet, le passage à 12 mois de formation en école devra s’accompagner d’un renforcement des capacités de formation. Le plan de professionnalisation des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) et l’augmentation des effectifs escomptés dans le cadre du projet de LOPMI requerra la création de 12 nouvelles compagnies d’instructions, à travers la construction de nouvelles infrastructures à Dijon (21) et à Châteaulin (29) et la réhabilitation de bâtiments dans les écoles de gendarmerie de Rochefort (17) et de Fontainebleau (77)

• La création de centres régionaux d’instruction, la mise à niveau ou la construction de stands d’entraînement au tir. Elles constituent également des priorités, la formation continue demeurant indispensable à l’efficacité des militaires de la gendarmerie nationale

• L’extension, la réorganisation et la rénovation du centre national d’entraînement des forces gendarmerie (CNEFG) à Saint-Astier (24). Visant à renforcer la capacité de formation des forces de maintien de l’ordre, cette opération a pour objectif de répondre à l’évolution des derniers maintiens de l’ordre et à l’accueil d’un plus grand nombre de stagiaires et des partenaires du ministère de l’Intérieur.

La densification du maillage territorial et l’augmentation du nombre d’unités de force mobile :

• La création de nouveaux escadrons de gendarmerie mobile, en vue de renforcer les capacités de rétablissement et maintien de l’ordre, de gestion de crise et de sécurisation des grands événements.

• La création de 200 brigades de gendarmerie. Engagement fort du Président de la République, ce projet renforce la présence de l’État dans les territoires, y compris les plus éloignés et répond concrètement au besoin de proximité, en apportant une réelle plus-value en termes de contact avec la population et de présence sur la voie publique.

Le financement de grands projets immobilier par la dimension des emprises considérées et par le coût budgétaire est également programmé. Ces projets sont :

• Versailles-Satory (78) – Reconstruction des locaux de service du quartier Moncey et extension de la caserne Pasquier : le site constitue une implantation majeure de la gendarmerie en Île-de-France ; il abrite le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et le Groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM). Or, cette emprise domaniale nécessite un investissement important de 155 millions d’euros (estimation de 2018) pour enrayer sa dégradation et préserver les capacités opérationnelles de ces unités. La durée de réalisation est de l’ordre de 6 à 7 ans afin de préserver la continuité de service.

• Melun (77) – Rationalisation du quartier Lemaître : la ville de Melun accueille l’école des officiers de la gendarmerie nationale, un escadron de gendarmerie mobile et le groupement de gendarmerie départementale (GGD) de la Seine-et-Marne. L’état de vétusté du parc domanial du quartier Lemaitre et la dangerosité de certains ouvrages ont conduit la DGGN à engager des travaux de réhabilitation des bâtiments de logements, de reconstitution des locaux de service et techniques et de déconstruction de barres de logements. La gendarmerie doit poursuivre le projet de rationalisation en reconstituant une offre de logements au profit des élèves officiers et du GGD ainsi que des locaux de service et techniques au profit du GGD au sein de la caserne tout en conservant l’escadron. Ce projet est estimé à 150 millions d’euros.

• Melun (77) – Modernisation de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) : Le besoin de moderniser l’EOGN et la volonté d’inscrire cette école dans une dynamique de performance ont nécessité l’élaboration d’un schéma directeur immobilier visant à mettre les infrastructures au niveau des missions actuelles et des ambitions futures. Ce projet, d’un montant de 224 millions d’euros, comprend la réhabilitation de l’existant et la déconstruction/construction de bâtiments nouveaux afin de répondre à l’intégralité des besoins. La durée de réalisation est estimée à 10 ans.

• Dijon (21) Réhabilitation du quartier Deflandre : le projet d’un montant de 72 millions d’euros consiste en la réhabilitation de l’ensemble des bâtiments existants et la construction d’un bâtiment de locaux de service en vue de rationaliser les espaces de bureaux et de redonner aux logements déclassés leur fonction première. Une opération de réfection des voiries et des réseaux d’un montant estimé de 12 millions d’euros s’imposera également.

 

Principaux investissements et dépenses de maintenance concourant à la sécurisation des casernes

Dans un contexte de risque terroriste élevé et de contestation radicale avec des moyens violents, la sécurité des casernes demeure un enjeu majeur.

S’agissant du parc domanial, une enveloppe de 15 millions d’euros est sanctuarisée chaque année depuis 2017 pour couvrir les dépenses liées aux opérations de sécurisation. Cette dotation budgétaire a été augmentée en 2021 et 2022. Elle représente 14 % des programmations immobilières domaniales réalisées.

En 2021, une enveloppe globale de 21,1 millions d’euros a été consacrée et a permis de lancer 438 projets :

• 22 via les services constructeurs (SGAMI et SID en outre-mer) pour un montant de 5,7 millions d’euros ;

• 4 opérations fléchées au plan central conduites par les formations administratives pour un montant de 2,9 millions d’euros ;

• 284 opérations portées par les formations administratives en enveloppe régionalisée pour un montant de 10,5 millions d’euros ;

• 128 opérations portées par les formations administratives au titre du plan « poignée de porte » n° 2 pour un montant de 2 millions d’euros.

En 2022, une enveloppe de 19 millions d’euros a été programmée et se décompose de la manière suivante :

• 20 projets menés par les services constructeurs pour un montant de 4,8 millions d’euros ;

• 9,2 millions d’euros délégués aux formations administratives au titre de leur enveloppe régionalisée ;

• 302 opérations portées par les formations administratives au titre du plan « poignée de porte » n° 3 issu du Beauvau de la Sécurité pour un montant de 5,2 millions d’euros.

Concernant le parc locatif, un dispositif de travaux d’amélioration est mis en place pour inciter les propriétaires à réaliser des opérations de sécurisation. Le coût des travaux est réparti entre le propriétaire et la gendarmerie selon leurs obligations contractuelles. Depuis 2020, l’agrément des travaux relève des échelons locaux lorsque le montant à charge de la gendarmerie est inférieur à 200 000 euros ; l’agrément relève de l’administration centrale pour les montants supérieurs à 200 000 euros. Le propriétaire avance le montant des travaux et la gendarmerie le rembourse par le biais d’un surloyer pendant une durée déterminée.

En 2021, la part des travaux de sécurisation représentait 38,78 % des 2,9 millions d’euros de travaux agréés par la gendarmerie dans le cadre de ce dispositif.

Au 30 juin 2022, 700 000 euros ont été consommés pour la sécurisation des casernes sur un total de 2,8 millions d’euros dédiés aux travaux d’amélioration des casernes.

IV.   Les points de vigilance du rapporteur

A.   L’état critique du parc immobilier domanial de la gendarmerie est le fruit d’un retard d’investissement accumulé depuis de nombreuses annÉes

La gendarmerie nationale pâtit d’un sous-investissement chronique dans son parc de casernes depuis une dizaine d’années, alors même que le logement des gendarmes en caserne par nécessité absolue de service est au cœur de son système d’arme. Le tableau ci-dessous présente l’évolution du budget d’entretien courant de l’immobilier de la gendarmerie (en millions d’euros) :

 

crédits de titre 3

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

autorisations d’engagement

55,7

45

43,7

50,5

52,1

35

44,2

49

49,7

55,3

62,7

48,9

57,3

56,5

crédits de paiement

55,7

45

43,7

50,5

49,7

41,5

40,5

46,6

51,7

55,2

57,1

49,2

35

35

Évolution du budget d’investissement immobilier de la gendarmerie (en millions d’euros) :

 

crédits de titre 5

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

autorisations d’engagement

618

525

163

191

103

152

6

12

80

80

80

105

105

98

Le rapporteur estime qu’il conviendrait de consacrer chaque année 300 millions d’euros à la rénovation du parc domanial (étatique) de la gendarmerie et 100 millions d’euros à l’entretien courant des bâtiments (aussi bien domaniaux que locatifs). Aujourd’hui, le Beauvau de la sécurité a amélioré la situation mais le budget consacré à l’immobilier reste loin des 400 millions d’euros nécessaires. Avec 150 millions d’euros, ce sont à peu près 25 euros qui sont consacrés par l’État à chaque mètre carré de caserne. Or, on estime qu’il en faudrait 60 au mètre carré.             

L’une des difficultés propres à la promotion politique des projets de construction de la gendarmerie est que contrairement à ceux de la police nationale – qui peut mettre en avant la construction de gros commissariats –, la plupart des projets en gendarmerie sont de taille modeste. La gendarmerie a seulement quelques gros projets à Satory (GIGN et GBGM), à l’école des officiers (EOGN) de Melun, au Quartier Maître, à Dijon et à Balma (ce dernier projet étant la première caserne domaniale construite par la gendarmerie depuis 2011).

B.   Les effets de l’inflation sur la programmation budgétaire

L’une des difficultés principales du budget en construction est liée à l’inflation élevée qui risque d’amoindrir les effets positifs de la LOPMI et à l’augmentation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique dont bénéficient civils et militaires. L’indice des loyers a augmenté de 4,1 % en un an et le carburant est passé d’1,5 à 2 euros le litre. Les coûts de construction sont eux aussi en augmentation. La LOPMI prévoit une hausse de crédits de 5 %, ce qui correspond au niveau de l’inflation. La dotation de fonctionnement des unités élémentaires ([14])  a été portée de 9 à 12 millions d’euros par an mais les effets de cette augmentation devraient être limités par l’inflation.

C.   La mise en réserve

La mise en réserve, à laquelle s’ajoutent l’auto-assurance ministérielle ainsi que les précautions budgétaires prises par le commandement à chaque échelon, s’inscrit dans une logique de précaution : être en mesure de faire face aux aléas de gestion. Si cet objectif ne peut être balayé d’un revers de main, il reste que l’ampleur de la mise en réserve imposée par la direction du budget du ministère des Finances remet en cause, aux yeux du rapporteur, le principe de sincérité du budget voté en loi de finances initiale. Ce n’est, du reste, pas que l’avis du rapporteur. Année après année, la Cour des comptes alerte la représentation nationale sur cet enjeu dans le cadre de ses notes d’exécution budgétaire.

Le taux de 4 % de la mise en réserve, s’impute sur l’ensemble des dépenses de la gendarmerie, hors titre 2, et non sur les seules dépenses manœuvrables, c’est-à-dire non obligatoires. Dès lors, une fois déduits les 64 % de dépenses obligatoires – qui incluent notamment le paiement des loyers –, ce taux de mise en réserve s’avère être de 11 % sur les dépenses non obligatoires (cf. schéma ci-dessous). L’application d’un taux de 11 % de mise en réserve sur ces dépenses a un effet mécanique sur l’entretien des véhicules et des casernes, seules dépenses manœuvrables à la main du gestionnaire.

 

Source : direction générale de la gendarmerie nationale

Selon les informations fournies au rapporteur, en 2022, la ressource de titre 2 ouverte en loi de finances initiale est de 4,339 milliards d’euros hors CAS pensions. Au 31 août 2022, la prévision de la dépense de titre 2 s’élève à 4 462,2 millions d’euros et respecte le plafond des crédits disponibles sous réserve du financement de l’intégralité des mesures interministérielles. Égale à 0,5 % du montant de titre 2 voté en loi de finances initiale, la réserve de précaution représente 39,1 millions d’euros CAS Pensions compris, dont 21,7 millions d’euros hors CAS Pensions. Égale à 0,25 % du montant du titre 2 voté en loi de finances initiale, l’auto-assurance ministérielle s’élève à 19,5 millions d’euros CAS Pensions compris, dont 10,8 millions d’euros hors CAS Pensions. En juillet 2022, l’auto-assurance ministérielle a été dégelée. À la fin du mois d’août 2022, la mise en réserve du titre 2 n’était pas dégelée.

Pour 2022, la ressource hors dépenses de personnel ouverte en loi de finances initiale est de 2,126 milliards d’euros autorisations d’engagement et d’1,499 milliard d’euros crédits de paiement. Au 31 août 2022, les crédits consommés pour le hors dépenses de personnel s’élèvent à 1 399,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,002 milliard d’euros en crédits de paiement. Par rapport au 31 août 2021, la consommation des crédits est supérieure.

Pour les autorisations d’engagement, cette augmentation est la conséquence de l’engagement d’une partie du programme des véhicules de maintien de l’ordre, de la prolongation du marché d’habillement et du fort engagement dans les opérations d’investissement immobilier, de l’engagement pluriannuel de marchés de maintien en condition opérationnel aéronautique et de l’engagement du programme des moyens blindés.

Pour les crédits de paiement, cette tendance à la hausse s’explique principalement, en raison du contexte international et de l’inflation, engendrant une augmentation des dépenses de la gendarmerie mobile (hausse des coûts alimentation et déplacements), des frais de déplacements, des dépenses de carburant et d’énergie, ainsi que de l’investissement immobilier (hausse des coûts des matières premières).

Égale à 4 % du montant hors dépenses de personnel voté en loi de finances initiale, la réserve de précaution représente, 85 millions d’euros autorisations d’engagement et 60 millions d’euros crédits de paiement.

Égale à 1 % du montant hors dépenses de personnel en loi de finances initiale hors crédits de loyer, l’auto-assurance ministérielle représente 9,6 millions d’euros en crédits de paiement. Le montant de l’auto-assurance en crédits de paiement est répliqué en autorisations d’engagement.

Au total, les crédits gelés sur le programme sont donc de 94,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 69,6 millions d’euros en crédits de paiement.

En juillet 2022, l’auto-assurance ministérielle a été dégelée.

À la fin du mois d’août 2022, la mise en réserve hors dépenses de personnel n’était pas dégelée.

 


   Seconde partie : La stratégie de la gendarmerie nationale dans les champs cyber et environnemental

Présente sur 96 % du territoire, tant dans les zones périurbaines que dans les milieux ruraux, la gendarmerie nationale offre à 51 % de la population un continuum sécuritaire indispensable à la tranquillité publique. À ces vastes espaces à couvrir en permanence s’ajoutent de nouvelles formes de délinquance s’appropriant les opportunités offertes par de nouveaux milieux, tels que le cyberespace, ou bien par des milieux dans lesquels il est plus facile de se camoufler, tels que l’environnement.

La libre circulation des personnes, des biens et des capitaux favorise la grande mobilité des acteurs. Le développement du numérique bouleverse les usages avec des moyens de communication toujours plus sécurisés et évolués comme il transforme les modes de vie et notre cadre d’action. L’urgence écologique suscite une demande de plus en plus forte de protection de l’environnement, de la biodiversité mais suscite aussi des oppositions parfois radicales. Les crises se succèdent à un rythme plus soutenu ou se superposent, que l’enjeu soit social, sanitaire, migratoire, climatique ou géopolitique, et sont porteuses d’opportunités pour de nouvelles formes de délinquance. Ces évolutions contribuent à l’extrême diversité des stratégies criminelles et des menaces qui pèsent sur les territoires tant physiques que numériques. Ces facteurs concourent à repousser les frontières classiques de la criminalité. Ils appellent des évolutions et une adaptation rapide de l’organisation et des modes d’action de la gendarmerie.

Le cyberespace s’impose comme la première de ces nouvelles frontières avec le numérique tantôt vecteur, tantôt support de la criminalité. De 2018 à 2021, 430 000 procédures ont été enregistrées par la gendarmerie nationale. Le chiffre noir des remontées judiciaires, estimé à un dépôt de plainte pour environ 250 faits commis ou tentés, laisse à penser que plusieurs millions d’infractions ont été perpétrées sur le territoire français – atteintes à un système de traitement automatisé des données (STAD) par rançongiciels notamment, phishing. La cybercriminalité augmente significativement avec des taux de progression allant de 10 à 20 % d’une année à l’autre selon le type d’infraction. Par ailleurs, plus de deux tiers des escroqueries trouvent leur origine ou sont facilitées par internet et nécessitent des investigations techniques approfondies pour remonter jusqu’aux auteurs, qui agissent souvent depuis l’étranger. Les rançongiciels ont été développés grâce à l’exploitation de failles humaines et techniques, de nombreux attaquants ayant exploité les failles du dispositif du travail à distance durant la crise sanitaire. L’enjeu est, au même titre que la protection des biens et des personnes, celui de la protection des données.

Le numérique favorise une mutation de la délinquance plus traditionnelle (vols, escroqueries, trafics). Les évolutions technologiques favorisent plus que jamais l’entrée dans la délinquance ou la possibilité pour les délinquants d’étendre leurs activités, en permettant aux individus et aux réseaux d'étoffer leurs capacités, de rapprocher l'offre et la demande et de limiter le coût d'entrée dans la délinquance du fait d’une meilleure maîtrise des risques ([15]). On observe ainsi que :

- les moyens longtemps réservés à la criminalité organisée se diffusent largement (généralisation des messageries chiffrées et surveillance ou repérage des victimes par des moyens techniques) et facilite l’entrée dans la délinquance ;

- le vecteur numérique démultiplie les victimes potentielles (raids numériques, escroqueries de masse par courriels, SMS) ;

- la criminalité organisée, plus moderne et diversifiée, investit les champs à faible intensité (escroqueries en ligne) pour privilégier la sérialité par rapport au gain immédiat, démultipliant les victimes avec une faible exposition au risque pénal (anonymat). Elle met à disposition des services (vente de leaks, rançongiciels, offre de services intermédiaires).

Les unités sont confrontées à une porosité entre la délinquance du quotidien et la criminalité organisée qu’il faut savoir déceler. Derrière le deal de rue, les cambriolages dans les résidences ou dans les locaux commerciaux, la vente de contrefaçons, les vols de métaux et de GPS dans les véhicules agricoles sont souvent l’action de réseaux structurés. C’est une délinquance souvent polymorphe cumulant les activités (trafic de tabac, extorsion, proxénétisme, etc.), ce qui relativise l’intérêt d’une approche trop thématique et cloisonnée.

De nouvelles opportunités criminelles sont exploitées. Les problématiques d’environnement et de santé publique illustrent ces nouvelles frontières d’une criminalité d’opportunité, mouvante et investissant tous les contentieux. La gendarmerie est particulièrement concernée par les défis que soulèvent la protection de l’environnement (pollutions volontaires, trafic de déchets, atteintes à la biodiversité par les trafics d’espèces protégées…) et la santé publique (trafics de médicaments, de substances vénéneuses, fraudes alimentaires). Le trafic de déchets ou d’espèces protégées révèle l’intérêt de groupes criminels pour ces marchés très rentables qui occasionnent des dégâts très lourds pour l’environnement et la biodiversité avec un risque pénal faible. Les crises sont aussi exploitées pour tirer profit des situations d’urgence (affaiblissement des processus de sécurité informatique des entreprises durant la crise sanitaire, fraudes aux passes sanitaires), des failles dans les politiques publiques de soutien ou d’aide aux entreprises, aux salariés ou aux particuliers (indemnisation du chômage partiel, notamment).

Les forces de sécurité sont confrontées à un durcissement de la délinquance, rendant les investigations plus denses et plus complexes.

Face à ces multiples enjeux, la gendarmerie doit trouver un équilibre entre :

- continuité et concentration pour pouvoir rassembler des forces suffisantes sur l’ensemble du territoire et ainsi éviter toute zone blanche sécuritaire ;

- polyvalence et spécialité pour répondre aux attentes de la population et des élus victimes de délinquants usant de modes d’action de plus en plus variés et sophistiqués ;

- uniformité et polarité pour offrir la même offre de sécurité tout en s’adaptant aux spécificités des territoires.

Pour répondre à ces enjeux, la gendarmerie augmente son offre de sécurité dans le cadre de sa stratégie GEND 20.24 selon une approche globale visant à apporter une réponse adaptée aux différents champs de la sécurité nécessitant chacun des modes d’action (I). Consciente des nouveaux enjeux, elle poursuit son engagement dans la sécurité des nouvelles frontières en faisant particulièrement effort dans le cyberespace (II) et l’environnement (III) selon une logique de milieu.

I.   GEND 20.24 : Une offre de sécurité sur mesure et augmentée

S’appuyant sur un maillage territorial dense, articulé autour d’un vaste réseau de brigades implantées tant dans les villes qu’en milieu rural, la gendarmerie ne cesse d’adapter son offre de sécurité aux nouveaux enjeux de la société ainsi qu’aux modes de vie et aux aspirations des Français.

A.   « Aller vers » la population, les élus et les victimes

Si la disponibilité est inhérente au statut militaire, le renforcement de la présence des gendarmes sur le territoire et auprès de la population repose en premier lieu, dans le cadre de la stratégie GEND 20.24, sur la transformation du mode d’organisation de la gendarmerie et sur les opportunités qu’offre le numérique. Comme on l’a vu en première partie du présent avis budgétaire, le projet de LOPMI prévoit, à partir de 2023, la création de 200 brigades, une densification qui s’accompagne d’un véritable changement de paradigme de l’approche opérationnelle, déjà présentée supra. Des services numériques diversifiés tels que l’application Magendarmerie.fr, la brigade numérique, le dispositif « Plainte en ligne », sont d’ores et déjà proposés. Les gendarmes sont en passe d’être en mesure d’effectuer hors les murs un nombre accru d’actes de procédure grâce au développement d’outils tels que les téléphones mobiles NEO2, les ordinateurs portables Ubiquity et certaines applications innovantes, telles que NEO DK qui permettra à terme la prise d’empreintes digitales et palmaires en mobilité. Le recours à des outils de conception et d’organisation du service utilisant l’intelligence artificielle et les algorithmes devrait par ailleurs, selon la direction générale de la gendarmerie nationale, renforcer l’efficacité d’action des gendarmes, en adaptant leur présence sur le terrain à la probabilité de commission de certains faits, à l’image des cambriolages.

Toujours dans un souci de proximité, la stratégie de la gendarmerie nationale consiste aussi à associer les administrés et les responsables politiques locaux à la conception d’une offre de sécurité sur mesure, adaptée aux enjeux propres à chaque territoire. Par exemple, le dispositif de consultation et d’amélioration du service (DCAS) vise à entretenir un échange avec les élus et la population sur leur taux de satisfaction vis-à-vis de l’action des gendarmes. Selon les informations fournies au rapporteur par la direction générale de la gendarmerie nationale, ce taux s’élève actuellement à 82 %.

B.   Prendre en charge la sécurité du quotidien et des mobilités selon une logique de subsidiarité et de complémentarité

La gendarmerie est une force de police généraliste. Son organisation interne repose sur la polyvalence qui lui permet de couvrir l’ensemble du spectre de la délinquance du quotidien, quel qu’en soit le milieu ou le domaine.

La gendarmerie s’organise pour ce faire autour d’une chaîne fonctionnelle de commandement, de l’échelon départemental à l’échelon national, composée d’unités généralistes que viennent appuyer les unités spécialisées. Quand les investigations nécessitent un niveau d’expertise supérieur, les principes de complémentarité et de subsidiarité entre brigades territoriales et unités spécialisées s’appliquent automatiquement. Ces unités spécialisées sont pilotées par un échelon central dédié, armé de spécialistes en tête de chaîne, suivi d’une répartition redondante jusqu’aux échelons de contact, dotés de référents présents sur chaque territoire. C’est par exemple le cas des sections opérationnelles de lutte contre les cybermenaces (SOLC) placées au sein des groupements de gendarmerie départementale ou encore des enquêteurs « atteinte à l’environnement et santé publique » (EAESP). L’objectif de cette organisation est d’offrir aux administrés un « parcours victime » cohérent et d’assurer une égalité de traitement de leurs demandes, qu’ils saisissent la gendarmerie au guichet, par téléphone ou par le biais d’outils numériques.

La polyvalence étant au cœur du système d’arme de la gendarmerie nationale, le gendarme est successivement ou concomitamment agent de police administrative ou judiciaire et primo-intervenant dans un trouble à l’ordre public, régulateur social de la communauté au sein de laquelle il vit. Il est ainsi en mesure de traiter la majorité des infractions commises ou déclarées dans sa zone de compétence.

Si la sécurité du quotidien est très localisée, elle suppose aussi d’assurer la sécurité des mobilités, par essence beaucoup plus diffuse. En ce domaine, la stratégie de la gendarmerie consiste à considérer les phases de déplacement comme un cadre spatio-temporel à part entière. Cette nouvelle approche est davantage centrée sur le parcours, les risques et les attentes du passager et s’appuie sur les opportunités offertes par le numérique pour accroître les capacités de la gendarmerie en matière de contrôle et d’appréhension du trafic.

C.   Garantir l’ordre républicain et s’adapter aux différents contextes d’engagement

Au-delà de la prise en compte de la délinquance du quotidien ou du haut du spectre, la gendarmerie s’adapte également aux nouveaux enjeux de sécurité et de maintien de l’ordre public, et ce sur un large spectre de contextes d’engagement.

Pour faire face à la diversification des menaces et à l’augmentation de la violence contre les dépositaires de l’ordre public – 12 140 gendarmes victimes d’agressions physiques et verbales, 7 638 blessés –, la gendarmerie s’efforce de consolider ses capacités, fondées sur la complémentarité de tous les moyens de cette force de sécurité intérieure.

Comme le rapporteur l’explique en détail en première partie du rapport, la montée en puissance des moyens d’intervention de premier niveau de la gendarmerie se traduit notamment par la densification de ses pelotons de surveillance et d’intervention (PSIG). Les capacités de projection des unités d’intervention devraient également être renforcées dans le cadre du plan de renouvellement du parc d’hélicoptères de la gendarmerie. La consolidation des moyens consacrés au maintien de l’ordre se traduira, en 2023 et conformément aux annonces du Président de la République, par la création de sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile et par l’acquisition progressive, à partir de 2024, de 90 véhicules blindés neufs. L’accroissement de ces moyens matériels s’accompagne de la mise en œuvre de dispositifs d’alerte destinés à faire face à l’ensemble des menaces.

La refonte des modalités de gestion de crise repose quant à elle sur la création du centre national des opérations (CNO) et sur la définition d’un dispositif aux capacités durcies (blindées, aériennes…) : le dispositif d’intervention augmenté de la gendarmerie (DIAG) permet ainsi d’intervenir en tous lieux dans un délai de deux heures pour répondre à des troubles graves ou à des menaces de forte intensité. Ce dispositif a été éprouvé en 2021 dans le cadre de la traque d’individus armés dans les Cévennes, le Périgord et à Grénolières mais aussi lors des événements de novembre 2021 aux Antilles.

Selon la direction générale de la gendarmerie nationale, cette montée en puissance est rendue nécessaire par la transversalité des menaces. Il en est ainsi des troubles à l’ordre public sur des sites à forts enjeux environnementaux, parfois coordonnés par des vecteurs cyber, auxquels la gendarmerie est capable de répondre par la coordination de plusieurs acteurs – renseignement numérique, déploiement de moyens spéciaux, unités de force mobile, enquêteurs atteinte à l’environnement et santé publique etc. La gendarmerie devrait en outre contribuer dans les prochains mois à la sécurisation de grands événements tels que les jeux olympiques de 2024 à Paris, au cours desquels elle assurera la protection des équipes, la sécurisation des stades et la gestion des flux. Elle sera ainsi fortement sollicitée dans un large spectre de menaces.

L’accroissement de ses moyens et compétences est, selon la direction générale de la gendarmerie nationale, la condition sine qua non pour bien prendre en compte les nouvelles frontières de la délinquance.

II.   Le cyberespace, un enjeu prioritaire de sécurité pour la gendarmerie

La gendarmerie nationale s’est emparée depuis plusieurs années des nouveaux contentieux et des nouvelles frontières de délinquance. La montée en puissance des nouvelles technologies et leur imbrication dans la vie quotidienne des Français ont été perçues très tôt par les gendarmes comme nouvelle source de développement de la délinquance.

Aussi la gendarmerie s’est-elle dotée depuis plus de 25 ans de personnels et d’unités aptes à couvrir ce spectre délictuel et criminel. En 1995, la création, au sein du Service technique de recherches judiciaires et de documentation, du département INL (INformatique éLectronique), devenu Département de lutte contre la cybercriminalité trois ans plus tard, démontre l’anticipation dont a su faire preuve l’institution.

Pour répondre aux enjeux liés à l’évolution continue des technologies et services numériques et à l’adaptation permanente des modes opératoires des organisations criminelles, le directeur général de la gendarmerie nationale, le général d’armée Christian Rodriguez, a souhaité la création d’un commandement de la gendarmerie dans le cyberespace. S’inscrivant pleinement dans sa stratégie GEND 20.24, ce commandement, le ComCyberGend, est opérationnel depuis le 1er août 2021.

A.   Une stratégie globale couvrant l’ensemble du spectre missionnel : prévention, investigation, preuve numérique avancÉe, coopÉration et gestion de crise

Fort de 147 ETP au 1er septembre 2022, le ComCyberGend place les unités de gendarmerie exerçant une mission dans le cyberespace sous une bannière de coordination unique et parfaitement identifiable. Il incarne ainsi la composante cyber de l’institution et exerce ses missions sur l’ensemble du territoire national et en appui ou au profit de l’ensemble des unités de la gendarmerie.

Il s’agit d’être présent sur les lieux où peuvent se trouver les citoyens qui ont besoin de l’action de la gendarmerie, de protéger les personnes et les biens dans ce nouvel espace de vie qu’est l’espace cyber tant par de la prévention que par des patrouilles, et enfin, d’investiguer lorsque des crimes ou délits ont été constatés.

Le ComCyberGend assure plusieurs missions dans le cyberespace.

La proximité numérique, tout d’abord. En se rendant disponible sur internet, en orientant l’usager et les victimes et en diffusant des messages de prévention en lien avec ses nombreux partenaires, le ComCyberGend accompagne la transition numérique et est doté à ces fins de structures de prévention, de contact et de première assistance en ligne. Fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, la plateforme magendarmerie.fr permet d’entrer directement en contact avec un gendarme en ligne. Le nombre de sollicitations auprès de cette unité est en augmentation constante avec 300 à 600 prises en compte quotidiennes.

 

Le ComCyberGend assure également une mission de prévention. En partenariat avec l’ensemble des acteurs contribuant à diffuser une culture de la cybersécurité auprès des administrés, des acteurs économiques et des collectivités territoriales, le dispositif CyberGEND, pleinement intégré au maillage territorial de la gendarmerie, mène des actions de prévention à l’aide de contenus élaborés par le ComCyberGend et visant à une prise de conscience des dangers liés aux usages numériques. Ce dispositif s’appuie sur un réseau de 7 700 cyber-gendarmes aux compétences diverses – investigations simples sur supports numériques, investigations complexes, recherche en sources ouvertes sur internet, enquêtes sous pseudonyme, traçabilité de crypto-actifs etc. –, permettant d’apporter en tout point du territoire placé sous la responsabilité de la gendarmerie une même qualité de traitement des faits cyber.

La gendarmerie est ainsi un acteur important du dispositif « permis internet » qui assure la sensibilisation des jeunes publics au primaire, en partenariat avec AXA. Des expérimentations sont en cours avec l’association e-enfance visant à effectuer le même type de sensibilisation au collège.

Les élus et les collectivités ne sont pas oubliés : en partenariat avec l’association des maires de France et avec cybermalveillances.gouv.fr, le dispositif « immunité cyber » permet à chaque collectivité d’estimer son niveau de vulnérabilité. Parallèlement, une convention vient d’être signée avec l’association des régions de France pour soutenir les régions au moment où certaines d’entre elles lancent leur projet de centre d’analyse et de partage des vulnérabilités.

Les entreprises sont également des cibles : un dispositif abouti d’auto-diagnostic cyber a été créé par des gendarmes et est en cours d’expérimentation.

La gendarmerie est pleinement engagée dans la sensibilisation et l’aide aux victimes. Ainsi, en lien avec ses partenaires, dont le groupement d’intérêt public Action contre la cybermalveillance (GIP ACYMA) et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), elle participe activement à la mise en place du dispositif 17-Cyber souhaité par le Président de la République.

Enfin, au travers de l’application grand public MaSécurité ([16]) , disponible sur smartphone, et créée par des gendarmes, des sensibilisations sont régulièrement adressées.

Le cyber espace devenant un véritable espace de vie pour une partie de la population, la gendarmerie, dont la sécurité des personnes et des biens est une des missions essentielles, se devait d’y être présente. Des gendarmes « cyber- patrouilleurs », en poste dans les sections de recherches et en administration centrale, ayant suivi une formation d’« enquêteurs sous pseudonyme » patrouillent quotidiennement sur l’espace numérique pour traquer les pédo-criminels et les trafiquants de produits illicites sur le darkweb.

Enfin, puisque la prévention ne suffit pas, le ComCyberGend anime également la fonction « investigation » dans le cyberespace, essentielle pour peser efficacement sur la cybercriminalité, mais également sur la criminalité usant du vecteur cyber pour augmenter sa surface d’attaque, diversifier ses activités ou les dissimuler.

Le ComCyberGend s’appuie sur le dispositif CyberGEND, qui constitue, sur les territoires, un réseau de 7 700 cyber-gendarmes aux compétences diverses (investigations simples sur supports numériques, investigations complexes, recherche en sources ouvertes sur Internet, enquêtes sous pseudonyme, traçabilité de crypto-actifs...), permettant d’apporter en tout point du territoire placé sous la responsabilité de la gendarmerie une même qualité de traitement des faits cyber (10 000 cyber gendarmes d’ici 2025).

Le ComCyberGend s’appuie aussi sur le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) qui lui est directement rattaché – le C3N étant l’unité de police judiciaire à compétence nationale de la gendarmerie en matière de lutte contre la cybercriminalité – et sur ses 11 antennes régionales au sein de sections de recherches pour agir sur la cybercriminalité du haut du spectre.

Il est doté de compétences techniques de haut niveau, partout sur le territoire grâce à ses enquêteurs NTECH placés au sein des plateaux techniques départementaux, et ses ingénieurs et experts au niveau central en mesure de procéder à des actes d’investigation sur des supports numériques et d’être projetés sur le terrain lors de constatations, de perquisitions ou d’auditions dans des environnements complexes.

B.   Un dispositif parfaitement intégré

Face à l’événement, les principes militaires de subsidiarité des unités et de complémentarité des moyens président aux engagements quotidiens. Poursuivant un impératif de réactivité garant de l’efficacité opérationnelle, le dispositif intégré du ComCyberGend vient s’agréger aux échelons territoriaux de commandement et se combine naturellement, autant que de besoin, à d’autres compétences d’exception (négociateurs, spécialistes de certains milieux…) pour intervenir au plus vite et au plus près de chaque situation.

Que ce soit sur le segment de la prévention comme sur celui de l’investigation numérique, la gendarmerie s’inscrit résolument dans une démarche collaborative avec l’ensemble des acteurs français. La gendarmerie coopère avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), cybermalveillance.gouv.fr et les associations d’élus dans le champ préventif et sur le volet répressif, avec la police nationale et les services de renseignement.

Le ComCyberGend est également en relation permanente avec ses partenaires étrangers. Il s’agit notamment des forces de sécurité intérieure étrangères partenaires comme des experts techniques internationaux de l’écosystème, au travers de groupes fermés d’experts permettant une interaction technique de haut niveau entre les acteurs. Il apporte par ailleurs un appui à des organismes supranationaux tels qu’Europol. Le ComCyberGend contribue enfin activement aux travaux préparatoires législatifs et réglementaires au niveau national et normatifs au niveau supranational pour garantir aux forces de sécurité intérieure les moyens d’agir, y compris en dehors de nos frontières.

C.   Une stratégie prospective

La gendarmerie a fait de la formation cyber de ses personnels militaires une priorité. Il s’agit en effet pour les gendarmes de comprendre l’environnement cyber, les symptômes d’une attaque décrits par une victime et de disposer des compétences nécessaires pour diligenter une enquête efficace. D’où la création d’un centre national de formation cyber, implanté à Lille et armé de 15 militaires de la gendarmerie depuis le 1er août 2022. Ce centre a vocation à accueillir des formations et à concevoir des contenus qui seront diffusés sur tout le territoire, y compris en outre-mer. Il accueillera également des partenaires, comme la gendarmerie le fait déjà dans les formations qu’elle dispense dans d’autres domaines.

Au niveau départemental, de nombreux sous-officiers continuent à bénéficier d’une licence professionnelle enquêteur technologies numériques (N’TECH) à l’université de technologie de Troyes. Cette formation est ouverte aux officiers de police judiciaire de la gendarmerie avec l’accord de leur hiérarchie, de préférence aux C-NTECH.

Parallèlement, l’explosion de la vitesse de calcul, les évolutions de l’intelligence artificielle, l’avènement de la 5G et les nouvelles technologies de chiffrement nécessitent la prise en compte de leurs effets sur la sécurité des administrés et donc le développement de compétences de haut niveau. La gendarmerie dispose à cette fin d’officiers de gendarmerie docteurs et doctorants dans chacun de ces domaines.

Le directeur général de la gendarmerie nationale a souhaité que la moitié des officiers recrutés en gendarmerie soient titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou équivalent. La communauté scientifique de la gendarmerie, composée à ce jour de 300 docteurs ou doctorants et de 1 200 ingénieurs, a vocation à s’étendre.

Les réservistes cyber opérationnels contribuent aux travaux portant sur la prévention, la conduite de projets, et sur des missions d’appui opérationnel selon leurs profils et leurs appétences. Ce renfort d’experts issus du monde civil est essentiel tant pour maintenir le lien armée-nation que pour permettre à la gendarmerie de maintenir à haut niveau ses compétences et expertises.

Enfin, lutter contre la cyber délinquance sous-entend également de pouvoir disposer d’outils résilients qui continueront à fonctionner en période de crise.

Le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure, service de la direction générale de la gendarmerie nationale qui profite aux policiers et aux gendarmes, s’attache à déployer sur le terrain des systèmes sécurisés à moindre coût. Les gendarmes disposent au quotidien d’un smartphone NEO ultra sécurisé (développé par l’ANSSI) et d’un ordinateur portable linux sécurisé Ubiquity. Leurs applications sont hébergées dans un DataCenter maitrisé par la gendarmerie à Rosny-sous-Bois.

 

 

 

 

Le centre national d’analyse des images pédopornographiques et la direction d’appui technique aux enquêtes, unités du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace

 

Lors d’un déplacement au Pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), le rapporteur s’est entretenu avec des personnels du centre national d’analyse des images pédopornographiques et de la direction d’appui technique aux enquêtes.

 

Le centre national d’analyse des images pédopornographiques (CNAIP) permet au PJGN d’adapter la réponse de la gendarmerie au développement de la pédopornographie dans le cyber espace. Les gendarmes du CNAIP ont pour mission de surveiller les flux numériques et d’identifier (ainsi que de mettre en cause, le cas échéant) les auteurs et victimes de pédopornographie. Ils mènent des enquêtes à partir d’images pédopornographiques et sont en mesure de conduire des actions de cyber infiltration sous pseudonyme. Par exemple, en novembre 2020, le CNAIP a participé à 14 interpellations sur l’ensemble du territoire national lors de l’opération Horus.

 

La direction d’appui technique aux enquêtes (DATE) permet à la gendarmerie de développer des outils opérationnels appuyant les enquêtes, notamment via le traitement de masse des données. Elle évolue sous l’autorité de la direction technique de l’état-major du ComCyberGend. Par exemple, la direction a développé des outils d’analyse des informations en sources ouvertes (réseaux sociaux, notamment) et a doté la gendarmerie de véritables outils de « social media intelligence » (SOCMINT). La DATE travaille sur un système de classification des images pédopornographiques qui bénéficiera au CNAIP.

III.   La lutte contre les atteintes à l’environnement, une préoccupation croissante de la gendarmerie

A.   État des lieux de la délinquance environnementale et enjeux à venir

Les questions écologiques ne se sont hissées au fil des ans au rang des préoccupations politiques et internationales qu’à partir du début des années 1970. À l’échelon international, la Conférence de Stockholm, en juin 1972, a été la première conférence des Nations unies consacrée aux questions d'environnement. Elle plaçait pour la première fois les questions écologiques au rang des préoccupations internationales.

C’est à partir de cette période qu’ont été fixées les premières règles environnementales, sur le modèle de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Convention de Washington), le 3 mars 1973, ou de la convention de Bâle, en 1989, alors qu’un nombre très important de déchets dangereux était régulièrement exporté dans les pays en développement qui ne disposaient pas des moyens techniques leur permettant de les éliminer.

En France aussi, la réglementation environnementale n’a cessé de se renforcer depuis le début des années 1970 avec des lois toujours plus contraignantes que certains n’hésitent pas à contourner, en particulier pour éviter les coûts qu’elles imposent. Il en résulte une délinquance qui se développe avec les évolutions de la réglementation.

Les crimes environnementaux ou infractions à l’environnement, sont les actes illégaux qui nuisent directement à l'environnement et qui ont un impact sur la faune, la biodiversité et les ressources naturelles avec de potentielles implications pour les populations.

Les principales infractions portent en premier lieu sur les trafics illégaux et les abandons de déchets qui font aujourd’hui l’objet d’une attention croissante. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour les collectivités sur leurs territoires, ce que vient confirmer une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) de février 2019 révélant que 90 % des collectivités sont confrontées à des déchets abandonnés. 36 000 décharges à ciel ouvert sont dénombrées en métropole ; un million de tonnes de déchets sont abandonnées chaque année sur le territoire.

Les principales infractions concernent aussi le commerce illicite d'espèces sauvages qui contribue au déclin sans précédent de certaines espèces. Ces trafics ne constituent pas un problème lointain. La France est pleinement concernée, avec des millions d’espèces transitant chaque année vers et depuis son territoire.

Il s’agit aussi de la pêche illégale, non réglementée et non déclarée qui représente 12 à 28 % des captures mondiales. Elle contribue à la surexploitation des océans et à la destruction des écosystèmes. Elle menace la sécurité alimentaire ainsi que l’équilibre économique du marché des produits de la mer.

L’exploitation forestière illégale, y compris hors de nos frontières, et le commerce de bois volé constituent également un enjeu majeur. Cette menace contribue à une diminution forte de la biodiversité et à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. 10 % de la déforestation mondiale serait importée par l’Union européenne.

Les pollutions, les principaux incendies ou encore les trafics de produits phytosanitaires constituent d’autres types d’infractions importantes.

Enfin, la fraude contribue au réchauffement climatique (faux bilans carbone, par exemple).

Les atteintes à l’environnement génèrent quasiment systématiquement des atteintes à la santé publique. Les modes opératoires vont de l’incivisme à la criminalité organisée.

B.   La prise en compte des atteintes à l’environnement

La loi du 16 février 1791 qui fonde la gendarmerie prévoyait déjà que cette dernière était chargée de saisir les dévastateurs de bois et de récoltes et de réprimer la contrebande. En 1993, la gendarmerie a institué des « gendarmes verts », les formateurs relais écologie et environnement (FREE). Depuis, elle a créé l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) en 2004. Plus récemment, elle a décidé, en accord avec le ministre de l’Intérieur, de se doter de nouvelles structures de commandement et de coordination de son action. Aujourd’hui, la gendarmerie enregistre à elle seule 91 % des contraventions et 79 % des délits environnementaux du ministère de l’Intérieur. Au niveau européen, ce n’est qu’à partir de 2017 que la criminalité environnementale a été reconnue comme l’une des dix priorités de sécurité de l’Union européenne. En Europe, tous les pays ne disposent pas d’une définition commune de la criminalité environnementale et donc d’une liste partagée des infractions à considérer comme telles. En fonction des pays, la même infraction relève tantôt du droit administratif, tantôt du droit pénal. Certains États continuent d’appliquer des peines extrêmement faibles pour les infractions environnementales graves. De nombreux pays ne disposent pas de services répressifs spécialisés pouvant s’appuyer sur un dispositif juridique suffisant.

En France également, la prise en compte du contentieux environnemental pourrait encore progresser. Il est ainsi possible et même souhaitable de mieux faire. Comme le précise un rapport conjoint des ministères de la justice et de la transition écologique datant d’octobre 2019 et intitulé Une justice pour l’environnement, le contentieux environnemental est délaissé, ce qui le rend invisible. Les infractions environnementales du quotidien se situent encore en deçà d’une ligne d’appréhension par les services répressifs, ce qui limite souvent leur prise en compte. Ce, à tel point, que l’environnement ne représente qu’1 % des condamnations en France. Les raisons sont multiples :

- le traitement administratif a par construction longtemps été priorisé ;

- il s’agit de contentieux parfois complexes faisant appel à une multiplicité de codes avec de très nombreuses infractions (3 337 Natinf ([17]) ), ce qui a pour effet de rebuter les enquêteurs et les magistrats ;

- les crimes contre l'environnement et la santé publique constituent une menace qui reste une faible priorité pour les services.

De leur côté, les réseaux criminels ont infiltré la criminalité environnementale parce qu’ils ont compris ce qu’ils pouvaient en tirer. C’est actuellement une des formes d'activité criminelle les plus rentables avec de fortes marges bénéficiaires qui la rendent très attrayante pour les organisations criminelles. Selon Interpol, la criminalité environnementale est la quatrième criminalité la plus rentable au niveau international, après la traite des êtres humains, la contrefaçon et les stupéfiants. Ses bénéfices sont évalués à 230 milliards d’euros par an.

Les groupes criminels ont également identifié le manque d’outils des autorités judiciaires et répressives, ce qui leur permet de réaliser de très gros bénéfices pour des risques très faibles.

Les réseaux criminels ont donc investi massivement dans la criminalité environnementale :

- avec une convergence des trafics, ces formes de criminalité s’associant à d'autres ;

- avec des groupes criminels qui, à l’image du trafic de drogue, d’êtres humains ou d’armes, mettent en place des escroqueries complexes, utilisent des mécanismes élaborés de blanchiment et n’hésitent pas à recourir à toutes les formes de corruption.

C.   Un dispositif renforcé depuis plusieurs années pour prendre en compte ces nouvelles menaces

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP) est une structure interministérielle créée par le décret n° 2004-612 du 24 juin 2004. Acteur principal de la gendarmerie en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement, il a vu ses effectifs augmenter depuis plusieurs années. Entre le 31 décembre 2019 et le 1er septembre 2022, ses ETP ont quasi doublé, passant de 74 à 145.

 

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (OCLAESP)

 

L’OCLAESP est un service de police judiciaire à compétence nationale dont la mission est de lutter contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique. Cette mission consiste plus précisément à

- coordonner et animer les investigations de police judiciaire menées dans ses domaines de compétence ;

- assister les enquêteurs et les fonctionnaires des autres administrations intéressées dans la conduite de leurs enquêtes ;

- observer, analyser les phénomènes, étudier les comportements les plus caractéristiques des auteurs et complices et centraliser les informations ;

- participer à des actions de formation et d'information aux niveaux national et international ;

- traiter les demandes d'assistance par le biais des canaux traditionnels (Interpol, Europol…) et l'appartenance à différents réseaux (IMPEL-TFS, HMA-WGEO, EUTWIX, ...).

L’OCLAESP et organisé en deux divisions et dispose de différents détachements.

La division investigations est chargée de la coordination et de la conduite des enquêtes judiciaires complexes, impliquant la criminalité organisée ou sérielle sur tout ou une partie du territoire.

La division de la stratégie et de l'analyse collecte et analyse le renseignement opérationnel et stratégique pour détecter les phénomènes émergents. Elle appuie les unités territoriales via une hotline ouverte 24 heures sur 24. Elle est chargée des actions de coopération et institutionnelles à l'échelon international. Elle conduit les projets européens, tels que la priorité EMPACT ENVICRIME « criminalité environnementale » du cycle politique de l’Union européenne 2018-2021 et dirige des fonds de sécurité intérieure attribués par l’Union européenne.

Dès 2019, le directeur général de la gendarmerie nationale a fait de la sécurité environnementale un champ prioritaire de sa feuille de route GEND 20-24. Cette mobilisation s’est traduite par la création, entre 2020 et 2022, de 9 détachements de l’OCLAESP sur les territoires, avec plusieurs objectifs : augmenter la capacité d’enquête, être plus proche des partenaires sur chaque territoire, révéler des dossiers et sensibiliser les unités au contentieux environnemental. Pour densifier le maillage territorial de la gendarmerie dans le champ de la lutte contre les atteintes à l’environnement, ces détachements ont été créés en 2020 à Bordeaux (8 ETP), Marseille (10 ETP), Metz (8 ETP) ainsi qu’en Guyane (6 ETP) ; en 2021 à La Réunion (6 ETP), Rennes (10 ETP) et Lyon (10 ETP) ; en 2022, à Valenciennes (8 ETP) et en Polynésie française (6 ETP). Quant aux résultats obtenus, 50 684 infractions ont été constatées en 2021 contre 42 087 en 2019, soit une hausse de 20,43 %.

La mobilisation de la gendarmerie nationale dans le domaine environnemental s’est également traduite par des directives données aux unités pour intensifier leur action, notamment au travers des opérations « territoires propres ». Il s’agit de manœuvres coordonnées généralement au niveau des régions, voire des groupements de gendarmerie, qui visent pendant une période déterminée, souvent d’une à deux semaines, à multiplier avec tous les partenaires concernés des actions de contrôles renforcés sur des sites de production, de transit, et de stockage de déchets, légaux comme illégaux, ainsi que sur les flux principalement routiers. Les autorités judiciaires et administratives, les services partenaires, mais également les élus y sont étroitement associés.

La gendarmerie a aussi mené différentes actions en lien étroit avec les élus. Un memento de gestion des atteintes à l’environnement a ainsi été diffusé aux maires à la fin de l’année 2021. Ces coopérations se concrétisent également au travers de formations, comme dans le département du Var où, en 2022, plus d’une centaine de policiers municipaux sont formés par la gendarmerie à la constatation des infractions.

Pour armer ses unités, mais également les unités de recherches spécialisées dans la police judiciaire, la gendarmerie a formé 470 enquêteurs atteintes à l’environnement et la santé publique et a ouvert ses formations d’expertise à la police nationale, aux douanes et aux magistrats.

La gendarmerie couvre ainsi l’ensemble du spectre des atteintes contre l’environnement et la santé publique. À titre d’exemple, elle est chargée, en matière d’environnement, des pollutions (Lubrizol), du trafic de déchets, des feux de forêts, des pesticides et des atteintes à la biodiversité (trafics d’espèces protégées). En matière de santé publique, elle est chargée du trafic de médicaments, du trafic de substances vénéneuses, de l’exercice illégal de la médecine, des scandales sanitaires (fraudes alimentaires, dispositifs médicaux, médicaments dangereux), de la crise sanitaire (opération Hygie, faux passes sanitaires, saisine de la Cour de justice de la République) et du dopage de masse (sport de haut niveau).

Au-delà de sa mission de service de police judiciaire, l’OCLAESP joue un rôle d’information des unités par la diffusion de fiches alertes ou de fiches réflexes afin de signaler des phénomènes émergents et d’orienter les unités sur la manière d’y faire face ; de conseil en accompagnant les unités sur les problématiques et investigations en lien avec les atteintes à l’environnement et la santé publique ; de partenaire en coopérant très étroitement avec les services de l’État, le secteur privé (laboratoires pharmaceutiques) et le monde associatif (ONG de protection de l’environnement), en France comme à l’étranger (10 enquêtes en 2021).

D.   Des perspectives ambitieuses pour renforcer le dispositif actuel

Dans le prolongement des premières mesures relatives aux atteintes de l’environnement de la stratégie GEND 20.24, la gendarmerie juge impératif d’aller plus loin. L’ampleur du défi, l’état de la situation, l’urgence et l’étendue du champ d’action réclament une mobilisation accrue.

La création d’un commandement de la gendarmerie pour l’environnement et la santé publique (gendarmerie verte) disposant d’un ancrage marqué dans les territoires permettra de franchir cette étape supplémentaire en se dotant d’une nouvelle capacité d’impulsion afin d’être encore plus performant et ainsi de mieux répondre aux attentes fortes de la population, des élus et des générations futures. Cette nouvelle structure aura vocation à animer, coordonner, développer et planifier les actions de toute la gendarmerie au profit de la sécurité environnementale. Elle devra, à ce titre, apporter une réponse globale, liant la prévention, la formation y compris de haut niveau, le renseignement, l’investigation et la gestion de crise, tout en étant attentive à développer l’innovation, l’international et l’action partenariale.

La déclinaison de cette gendarmerie verte sur les territoires prendra des formes variées en fonction des problématiques locales. Ce commandement s’attachera à continuer à développer des partenariats étroits avec la société civile et avec les élus, très régulièrement en première ligne. Il devra également constituer un élément moteur dans les propositions de simplification du corpus législatif qui gagnerait aussi à être rationalisé. Il devra enfin aller plus loin dans l’innovation, en développant des outils technologiques et numériques permettant de gagner en efficacité, en particulier dans les enquêtes.

Cette nouvelle unité disposera d’une pleine autorité organique sur l’OCLAESP et sur ses neuf antennes et d’une autorité fonctionnelle de conception, d’animation et de contrôle des missions environnementales de toute la gendarmerie. Dans ce but, deux réseaux seraient tout spécialement mobilisés :

- le réseau des unités évoluant dans les milieux naturels (dont les parcs nationaux) : les pelotons de gendarmerie de haute montagne dans les massifs, les unités nautiques, fluviales et maritimes, les postes à cheval partout où ils sont établis, dans les massifs forestiers et les littoraux, qui représentent de l’ordre de 2 000 gendarmes ;

- le réseau des 3 100 brigades maillant le territoire.

Quatre objectifs prioritaires lui seront assignés :

- la protection du milieu ambiant et du vivant (espaces naturels, milieux aquatiques, espèces protégées …) ;

- la préservation du cadre de vie (déchet, urbanisme et environnement, transport et zones de faible émission …) ;

- la police de la transition écologique (fraude taxe carbone, énergies alternatives…) ;

- la sécurité de l’homme dans son environnement (agroalimentaire, phytosanitaire, installations classées …).

Dans ce cadre, il aura particulièrement pour champs d’action :

- la prévention et l’information des populations en lien avec les partenaires ;

- l’accompagnement des élus et des acteurs institutionnels ;

- la répression (constatation des infractions, enquêtes judiciaires …).


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   Travaux de la commission

I.   Audition du général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale

La Commission a entendu le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances 2023 (n° 273), au cours de sa réunion du 5 octobre 2022.

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, nous accueillons le Général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. C’est avec un grand plaisir que nous vous recevons, car en tant qu’élus, nous constatons que l’action de la gendarmerie s’enracine dans nos territoires. La gendarmerie est présente dans plus de 30 000 communes. Moins connue, son action à l’international doit également être soulignée. La semaine dernière, je me suis rendu en Ukraine, où j’ai eu l’occasion d’échanger avec les gendarmes de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), qui s’acquittent de la difficile mission de documenter d’éventuels crimes de guerre.

Cette audition devrait nous permettre d’aborder les grandes lignes du projet de loi de finances (PLF) 2023, mais également celles du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) dont notre commission se saisira pour avis, puisqu’elle aborde des questions relatives à la cybersécurité et aux gendarmes. Le renouvellement de votre parc d’hélicoptères et les nouveaux blindés de la gendarmerie nous intéressent également. Enfin, nous sommes tous attachés à la notion de défense globale, qui sous-entend que la défense n’est pas uniquement militaire, mais qu’elle implique l’ensemble des forces vives de la nation. Il serait donc éclairant que vous nous fassiez part des multiples contributions de la gendarmerie à cette notion.

Général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. L’année 2023 est historique pour la gendarmerie nationale, en raison de la LOPMI et déjà réalisées dans le cadre du plan de relance. Cela nous permettra d’obtenir de nouveaux moyens et de disposer d’un cadre législatif qui améliorera notre rapport entre le coût et l’efficacité. Enfin, ces évolutions favoriseront la montée en puissance de la stratégie GEND 20.24 que j’ai commencé à construire lors de ma prise de fonctions en 2019, et qui repose sur une sécurité sur mesure dans les territoires, à l’aide des gendarmes dont je tiens à saluer le travail. Un troisième pilier concernant les évolutions numériques vise à interroger dès à présent la façon dont le futur est appréhendé. La quatrième partie de cette stratégie porte sur la gouvernance et l’organisation permettant d’accorder une part plus importante de l’action aux fonctions opérationnelles qu’aux fonctions administratives.

 

La gendarmerie connaît ainsi un changement de paradigme, qui l’oriente davantage vers l’aller-vers, suivant une logique de pas-de-porte plutôt que de guichet. Nous avons fêté cette année les trois cents ans de la territorialisation de la gendarmerie grâce à la création de brigades. Après une période de contraction de notre service public, la décision de recréer des brigades favorisera l’établissement d’un maillage afin de se rapprocher des citoyens, grâce, également, à de nouveaux moyens techniques et numériques et aux évolutions technologiques. Ainsi, plutôt que d’attendre la visite des citoyens, le gendarme se déplacera chez les usagers sur rendez-vous, ou en se rendant directement au contact des habitants des communes où la gendarmerie est moins présente. Ainsi, trois cents ans après la territorialisation de la gendarmerie, nous revoyons son fonctionnement, tout en conservant les points fixes que représentent les brigades dans nos territoires. Cette évolution contribuera au sentiment de sécurité de nos concitoyens et répondra à leurs attentes d’une présence plus visible des gendarmes sur leur territoire.

S’agissant de notre nouvelle approche opérationnelle et de la densification territoriale, la gendarmerie couvre 95 % du territoire et un peu plus de la moitié de la population. Notre enjeu est donc de gérer les espaces et les flux. 19 maires sur 20 se situent en zone gendarmerie. Les habitants de ces communes s’attendent donc à voir nos gendarmes. Quant aux flux, ils concernent les endroits où circulent la population, les valeurs et les délinquants. Nous portons une vision dynamique de la lutte contre l’insécurité. Pour cela, nous développons différents modes d’action. Le premier est le maillage territorial. Nous avons perdu 500 brigades depuis 2007, passant de 3 600 à 3 100 brigades. 200 brigades seront recréées. Le ministre a ouvert la concertation dans le Cher, en proposant de créer deux à quatre brigades par département.

Dans le même temps, des dispositifs d’appui interdépartementaux ont été instaurés dans la logique de cette vision dynamique, dont les compétences judiciaires s’appliquent sur plusieurs départements. Ainsi, lorsqu’une opération est nécessaire à la limite d’un département, la brigade ou patrouille la plus proche peut intervenir, même si elle se trouve dans un autre département.

La concertation ne porte pas uniquement sur l’emplacement des brigades, mais également sur leur typologie, afin de les adapter au plus près de chaque territoire. Notre ingénierie nous permet de créer des unités nautiques, des postes à cheval ou à vélo. L’utilisation de trottinettes électriques a même été évoquée. De plus, certaines brigades seront fixes, d’autres mobiles. Ces dernières pourront passer plusieurs jours dans un véhicule aménagé et dormiront dans des gîtes ou des relais dans les territoires où la gendarmerie n’a pas l’habitude de se rendre. Toutes les pistes sont exploitables, et c’est ce que nous porterons auprès des maires et des parlementaires dans les départements.

 

Nous nous sommes également engagés dans la démétropolisation. Différents services parisiens rejoindront les territoires en région. L’inspection générale sera par exemple affectée à Cahors. Dans l’ensemble, plusieurs centaines de gendarmes sont concernées. Cela permettra par ailleurs d’améliorer leurs conditions de vie. L’ingénierie de la formation sera localisée à Rochefort et donnera lieu à une augmentation du volume du commandement des écoles.

La hausse de nos budgets permettra d’améliorer nos outils numériques, grâce auxquels nous pouvons générer du contact et de la présence physiques. Nous avons développé des algorithmes de prédictibilité et d’optimisation de nos effectifs pour répartir au mieux notre présence sur les 95 % du territoire que nous couvrons. Chaque jour, 20 000 à 40 000 patrouilles opèrent dans le pays. Elles dissuadent la survenue d’incidents et permettent une réaction plus rapide lorsque cela est nécessaire. L’ordinateur portable Ubiquity, en outre, permet de réaliser en mobilité le travail habituellement effectué en brigade directement chez les particuliers. Malgré l’utilisation de données qui ne sont pas forcément très fiables, le logiciel de prédictibilité sur des cambriolages s’est avéré efficace dans les onze départements où il a été déployé, puisque nous avons amélioré nos résultats de trois points par rapport aux autres départements. Ce logiciel peut également être utilisé pour les accidents de la route, et améliorer la prévention, qui reste notre première mission. Or, pour bien prévenir, il faut pouvoir occuper le terrain.

Nous devons faire preuve de transparence vis-à-vis de la population. À ce titre, nous travaillons sur un parcours victime. Vivant quotidiennement au milieu de la population sur laquelle ils veillent, les gendarmes sont en permanence en contact avec les victimes. Outre la transparence, nous souhaitons mettre l’accent sur le principe de redevabilité. Le maire est le premier responsable de la sécurité de sa population. Aussi, nous devons lui rendre compte de notre action, que nous pouvons d’ailleurs matérialiser à l’aide de cartes de chaleur et d’outils numériques. Ces échanges existent déjà, mais nous pourrons les rendre plus précis encore, afin de stimuler la vision de la sécurité des commandants d’unité dans leur territoire, et d’associer les élus aux réponses que nous apporterons aux situations de crise à venir. Dans les territoires où ces dispositifs ont été mis en œuvre, ils fonctionnent bien et les élus se disent satisfaits de notre travail.

Le Président de la République a fixé une cible de 50 000 réservistes à la fin du quinquennat. Les réservistes sont aujourd’hui au nombre de 34 000. L’augmentation des budgets dès 2023 permettra d’employer 6 000 réservistes supplémentaires dès l’année prochaine. Les réservistes sont utiles pour répondre immédiatement à des pics de tension, et contribuent à servir la logique de contact entre la gendarmerie et la population. Leur très grande motivation doit également être soulignée.

La simplification de la procédure pénale fait également l’objet d’un investissement important. Nous sommes associés aux états généraux de la justice. Cette simplification est difficile à mettre en œuvre, car elle dépend de facteurs exogènes. Toutefois, la justice, les policiers, les gendarmes et mon propre ministre font preuve de volonté pour avancer dans cette direction.

Pour être à la hauteur des ambitions de notre personnel, nous sommes depuis longtemps engagés dans l’innovation en continu. Nous avons très tôt investi dans la radio, nécessaire pour commander et manœuvrer. Avant même l’utilisation d’internet, il était possible d’envoyer instantanément un message en alpha numérique depuis n’importe quel territoire métropolitain vers l’outre-mer. Nous avons depuis longtemps investi dans des personnels montrant une appétence pour les sciences du numérique. Nous recueillons les dividendes de cet investissement précoce, et poursuivons dans cette dynamique, en avançant par exemple dans le domaine du cyber. Je suis persuadé que le numérique permet de générer de la présence physique. Outre l’innovation, nous mettons l’accent sur la transformation, à laquelle est consacré un service qui cherche à capitaliser sur toutes les actions qui nous permettront d’améliorer notre gendarmerie. Nous cherchons partout notre inspiration. Nous déposons des brevets, qui sont parfois l’occasion d’obtenir des budgets annexes. Nous avons créé un salon de la demande à la station F. On parle traditionnellement de salons de l’offre. Au contraire, nous avons convoqué de grands groupes et des startupers pour leur faire part de nos besoins, qui sont également ceux de la police et des armées. La mise en place d’un système de speed-dating a donné lieu à 800 contacts avec des entrepreneurs. Nous renouvellerons donc cet événement chaque année. Le prochain aura lieu dans les deux mois à venir.

Nous avons également construit un pôle capacitaire, car le budget ne peut répondre à une logique de coup par coup. Ce pôle mène une réflexion permanente sur l’idéal de la gendarmerie dans dix ans dans l’ensemble des périmètres que nous couvrons. À partir de cette analyse, nous dessinons une trajectoire pertinente afin d’éviter des changements permanents de stratégie. C’est pour cette raison qu’au moment d’acheter des hélicoptères, nous savions déjà que nous avions besoin de modèles H160 qui permettent de transporter quatorze personnes.

Ce point me conduit à évoquer l’école de Saint-Astier. En effet, l’achat de H160 et de nouveaux blindés, dont le premier est récemment arrivé, et la formation de nos escadrons et de nos forces d’intervention visent à apporter une réponse à un spectre de violences compliquées, allant des émeutes urbaines à l’engagement en Ukraine. Le GIGN est très tôt intervenu en Ukraine afin de protéger l’ambassade et d’en transférer le personnel vers la Moldavie grâce à un convoi de cinquante véhicules, puis de le réinstaller à Lviv, dans un contexte particulièrement difficile. Certes, le GIGN est engagé partout, mais cela ne suffira pas. Il y a trente ans, les escadrons intervenaient dans des pays africains à la situation compliquée. Des gendarmes mobiles étaient engagés en Afghanistan ou encore au Kosovo. Nous devons préparer la gendarmerie à élever son niveau de réponse aux missions qui pourraient lui être confiées. Le centre d’excellence que constitue l’école de Saint-Astier y contribuera. Des formations communes avec le corps des Marines des États-Unis y ont par exemple eu lieu.

 

Nous devons nous montrer plus vigilants envers certaines catégories de la population. Vous êtes conscients de l’augmentation des faits constatés en matière de violences intrafamiliales, qui s’explique par la libération de la parole, mais également par l’augmentation des faits, en outre-mer comme en métropole. La gendarmerie doit trouver des moyens de mieux aider les victimes. J’ai évoqué les prises de plainte en mobilité. Nous y avions notamment procédé pendant le confinement, par exemple dans des supermarchés. Cela permet aux victimes de porter plainte sans susciter la méfiance de l’auteur. Nous avons créé cette année de nouvelles maisons de protection des familles, qui sont désormais une centaine sur le territoire. Certains départements nécessiteront sans doute que nous en créions davantage. En Martinique, le réseau de maisons de protection des familles, construit avec la collectivité, est un exemple de réussite. Nous portons également une attention particulière aux personnes âgées, aux jeunes et aux élus, qui ont fait l’objet de 46 % d’agressions supplémentaires ces dernières années.

La stratégie sur les flux implique de développer notre capacité sur les mobilités. Nous devons être présents sur les axes au bon moment. La question des flux soulève également celle des transports, dans lesquels le ministre nous a demandé de renforcer notre présence afin d’éviter la persistance d’angles morts.

J’ai évoqué le durcissement de nos capacités grâce aux escadrons. La Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024 nous rendent d’autant plus vigilants à cet égard. Au-delà des 200 brigades créées, la LOPMI nous permet de recréer onze forces mobiles, dont sept escadrons. Des postes de gardes républicains et issus de la préfecture de police seront en outre créés pour dégager des escadrons et des CRS occupés à monter des gardes sur la plaque parisienne. Le ministre a décidé de confier cette mission aux forces territoriales locales, afin que nous récupérions sept forces supplémentaires. Nous serons ainsi en mesure de mieux réagir aux situations de crise.

Après le drame d’Ambert, nous avons œuvré pour la transformation des gendarmes adjoints volontaires en gendarmes dans les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG). La France périphérique des ronds-points a sans doute subi davantage de désocialisation que les grandes zones urbaines à la faveur de la crise sanitaire, et elle connaît en outre la plus forte augmentation démographique selon l’INSEE. Sa population est plus fragile qu’auparavant, et les situations de délinquance y sont plus nombreuses. Il nous faut développer les bons réflexes et être en mesure de traiter ces situations, en neutralisant les forcenés tout en veillant à la sécurité de ces derniers. Nous engageons donc une capacité de gestion de crise, dans l’intérêt des victimes, des auteurs et des gendarmes.

Les nouvelles frontières, le cyber et l’environnement, ne sont pas des problématiques neuves pour la gendarmerie. Le cyber, à tous les niveaux, représente pour nous un sujet de vigilance constant. L’appétence pour le numérique au sein de la gendarmerie nationale est cruciale dans un contexte où les faits de cybercriminalité sont de plus en plus nombreux. Nous avons créé un commandement cyber, qui ne vise pas seulement à enquêter sur les hackers, mais également à prévenir les faits, en travaillant notamment en association avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Pendant le confinement, nous avons contacté les collectivités pour recenser les dispositifs existants, leur apporter des conseils et améliorer la sécurisation de leurs systèmes. Nous avons créé des outils d’autodiagnostic que nous distribuons aux maires, et nous leur adressons des spécialistes si cela est nécessaire. Nous pouvons ensuite les orienter vers des spécialistes du secteur privé, mais nous leur permettons de prendre les premières mesures pour se protéger davantage. Déjà majeur aujourd’hui, ce sujet gagnera en ampleur à l’avenir.

Le ministre a souhaité que nous créions une école cyber du ministère, que nous portons à Lille sur le site d’EuraTechnologies, en association avec l’écosystème qui y est présent, en fournissant mutuellement des formateurs dans nos domaines respectifs.

S’agissant de l’environnement, nous allons créer une gendarmerie verte. Nous disposons d’un office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Neuf antennes ont été créées. Un dispositif comparable au Comcyber doit permettre de les agréger, tout en s’intéressant à la prévention. De nombreux problèmes environnementaux sont en effet la conséquence de négligences. Le dispositif sera finalisé dans quelques mois et mobilisera 3 000 gendarmes particulièrement formés dans ce domaine. Nous souhaitons que certaines unités qui exercent en extérieur, comme les postes à cheval, les pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) et les brigades nautiques puissent porter un regard plus aigu encore sur les problématiques environnementales. Dans ces unités et dans les brigades, nous voulons développer l’intérêt pour ces sujets. La demande est forte dans ce domaine, comme l’a montré le drame d’un maire tué alors qu’il appréhendait une personne qui déposait ses déchets sur la voie publique. Au sein même de la gendarmerie, les personnels se montrent désireux de travailler davantage sur ces questions, toujours dans un meilleur rapport entre le coût et l’efficacité.

Enfin, la gendarmerie tire sa richesse de ses gendarmes. Dans la LOPMI et les budgets, la création de brigades a suscité une forte adhésion, tout comme la création et l’augmentation des indemnités, et les marges de déconcentration des crédits, notamment les crédits immobiliers pour redonner davantage la main aux personnels de terrain. Nous renforcerons notre réseau de psychologues dans les unités, car nos gendarmes doivent être accompagnés lorsque des drames surviennent. La formation sera valorisée, puisqu’elle passe de neuf à douze mois. La formation des officiers de police judiciaire aura lieu dès la formation initiale. Des centres régionaux de formation seront créés, ce qui permettra de former les gendarmes au plus près de leur territoire, de gagner en performance et d’inventer des modes de formation innovants. À ce titre, la gendarmerie développe la e-formation et la formation en lien avec l’étranger. Il y a quinze jours, j’ai échangé avec mes homologues italiens, espagnols et portugais pour créer un Erasmus des forces de sécurité, appelé Polaris, sur la formation initiale. La police allemande est également intéressée, et nous bénéficions de l’aide de l’Europe dans ce cadre. Dans deux semaines, je rencontrerai les polices des pays scandinaves pour échanger sur leur rapport avec la population.

Le ministre a annoncé la création de postes d’assistants d’enquête. Il s’agit d’un moyen de valoriser les personnels en employant moins les enquêteurs. Ces personnels n’auront pas un statut de gendarme, puisqu’ils seront issus du civil ou du corps de soutien de la gendarmerie, qui ne bénéficie donc pas du logement ou des primes de police. Ils nous permettront de traiter tout ce qui entoure l’enquête, comme les convocations, mais également d’améliorer le travail administratif dans les brigades, actuellement géré par des personnels dont ce n’est pas le métier et qui ont davantage leur place sur le terrain. Ces mesures nous feront gagner en performance et nous aideront à répondre aux attentes du Président de la République et du ministre d’un doublement de notre présence sur la voie publique.

L’année 2023 s’annonce positive. Nous voyons arriver des mesures et des moyens que nous attendions depuis longtemps, qui nous permettront de mieux répondre aux sollicitations de la population et des élus.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie pour ce propos complet et optimiste, qui tient compte des fragilités de la société.

M. Xavier Batut (Ren). En tant que rapporteur pour avis des crédits et du programme 152 lors de la précédente législature, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec vous à de nombreuses reprises sur les enjeux de la gendarmerie. J’en profite pour rendre un hommage appuyé à l’ensemble des personnels de la gendarmerie, qui, nuit et jour, en temps ordinaire comme en temps de crise, en métropole comme en outre-mer, œuvrent sans relâche pour assurer la sécurité des Français sur 96 % du territoire.

Après de nombreuses années au cours desquelles le budget n’a pas été à la hauteur des attentes et des besoins de la gendarmerie, le Gouvernement et la représentation nationale ont depuis 2017 revu à la hausse le budget de la gendarmerie pour que vous veilliez à la sécurité de nos concitoyens dans de bonnes conditions. Ces moyens budgétaires supplémentaires ont permis des avancées importantes. Le plan « poignées de porte » et le plan de relance ont remis à niveau des brigades et des logements des gendarmes et de leurs familles. Le parc de véhicules et de matériel a été renouvelé, avec 1 000 véhicules de maintien de l’ordre et 90 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) en cours de renouvellement, ainsi que l’acquisition de véhicules automobiles pour remplacer ceux de votre parc, qui en compte 30 000. La commande de dix H160 permettra de renouveler le parc d’hélicoptères, et, enfin, les effectifs de la gendarmerie ont connu une augmentation sans précédent, conformément aux engagements du Président de la République.

Après ces engagements forts et tenus du précédent quinquennat, le Gouvernement a acté la poursuite de cette dynamique financière envers nos forces de sécurité grâce à de nouveaux efforts dans le cadre du budget 2023 et de la LOPMI qui prévoit 15 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2027.

Nous nous sommes tous deux rendus dans le Cher aux côtés de Gérald Darmanin la semaine dernière pour lancer la concertation sur la création de 200 nouvelles brigades en milieu rural. Pouvez-vous nous présenter les modalités et la méthode de cette concertation ? Quand ces unités seront-elles opérationnelles ?

Concernant le renouvellement du parc de véhicules et de matériels, pouvez-vous nous exposer l’avancement des commandes et des livraisons ?

S’agissant de la construction des brigades en association avec les collectivités locales, des difficultés de délais et de référentiels de construction sont fréquemment évoquées. Comment ces procédures pourraient-elles être simplifiées ?

M. Michaël Taverne (RN). Au nom du Rassemblement national, je vous présente nos plus sincères condoléances pour le décès de deux gendarmes les 28 et 29 septembre. Le premier, âgé de 45 ans, a mis fin à ses jours à Amiens. Le second est décédé dans un accident de la route dans lequel trois gendarmes ont été blessés, dont l’un grièvement.

Chaque année, les militaires de la gendarmerie paient un lourd tribut dans la lutte contre la délinquance, la criminalité et l’insécurité routière. Ces drames nous rappellent une fois encore les difficultés et les dangers auxquels font face ceux qui donnent leur vie pour nous protéger, et nous enjoignent à les soutenir dans leur tâche. Nos forces de l’ordre ne tuent pas : elles agissent au quotidien pour notre sécurité et notre tranquillité. Il est opportun de le rappeler à ceux qui les méprisent et les calomnient à la moindre occasion. Ainsi, le Rassemblement national a toujours soutenu les initiatives visant à permettre à nos forces de l’ordre d’intervenir efficacement et à leur attribuer les moyens nécessaires au bon exercice de leur mission.

En ce sens, et tout autant dans le cadre du PLF 2023 que de la LOPMI, nous soutiendrons tous les efforts consentis par l’État qui iront dans la bonne direction. Toutefois, nous ne manquerons pas d’être vigilants sur l’attribution effective de moyens financiers nécessaires et suffisants à la réalisation des objectifs fixés et sur l’organisation et la répartition de ceux-ci. À cet égard, des interrogations subsistent, notamment sur la budgétisation précise de la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie prévue par la LOPMI. Par ailleurs, la répartition exacte de ces brigades est un sujet de préoccupation, puisqu’il semble nécessaire d’assurer une présence accrue dans les zones rurales qui, durant plusieurs années, ont été délaissées au profit des zones périurbaines du fait du manque croissant d’effectifs.

Nous souhaiterions connaître votre sentiment sur ces sujets et vous entendre plus précisément sur les besoins matériels, financiers et organisationnels de la gendarmerie nationale.

 

M. Christophe Bex (LFI-NUPES). La dégradation persistante des relations entre la population et nos forces de sécurité remet au centre du débat public les concepts cruciaux de proximité et de bienveillance. Devant être érigées comme socle des missions de sécurité publique dans notre pays, ces deux notions sont indispensables à la réaffirmation nécessaire du rôle social de nos forces de sécurité, qui permettront à terme de surmonter cette spirale de la méfiance réciproque. Il est à cet égard fréquent de revendiquer à juste titre le retour de la police de proximité, mais je crois au fond que cette police de proximité n’est autre que la gendarmerie. Forte de son maillage territorial historique, la gendarmerie fait figure de pionnière en la matière. Si les missions des gendarmes diffèrent naturellement selon les territoires où ils interviennent, elles relèvent en réalité davantage de la proximité publique que de la sécurité publique, notamment dans les zones rurales ou périurbaines qui ne peuvent être renforcées par la police nationale. Ce constat est d’autant plus vrai que le recul des services publics, particulièrement marqué dans les zones rurales, met à mal la cohésion sociale. Le repli est tel que dans certains territoires les gendarmes sont parfois les seuls représentants de l’État présents, devant ainsi répondre aux attentes et aux interrogations des citoyens. Par conséquent, les gendarmes sont à certains égards les réceptacles de la misère sociale et du délitement dramatique du lien social. Il est donc primordial de conserver la densité du maillage territorial de la gendarmerie, à partir duquel elle tire sa légitimité, au risque de voir ses missions s’étioler. Il convient pour cela de toujours privilégier la présence humaine sur le terrain, favorisant un contact de proximité récurrent et bienveillant, au détriment de la vidéosurveillance qui ne saurait constituer une alternative.

Mme Christelle D’Intorni (LR). Mes interrogations portent sur le parc immobilier utilisé par la gendarmerie nationale et sur les évolutions qu’il sera amené à connaître en raison de la création de 200 nouvelles brigades. Cet objectif nécessitera chaque année des moyens budgétaires, qui, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son avis sur la LOPMI, dépendront de la loi de programmation des finances publiques et de la loi de finances de l’année. Le financement de la construction et de l’entretien des casernes de gendarmerie repose essentiellement sur les collectivités territoires. L’article L. 1311-19 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi de finances pour 2021, a confirmé cette mise à contribution des collectivités territoriales. L’État y contribue, mais de manière minoritaire, comme le prévoit notamment le décret 93-130 du 28 janvier 1993 relatif aux modalités d’attribution de subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernes de gendarmerie. Or, ce système de financement pourrait faire craindre des implantations de brigades qui dépendent plus des capacités de financement des collectivités que des besoins en matière de sécurité, créant ainsi des inégalités territoriales.

Dans le cadre de l’objectif de création de 200 brigades, avez-vous identifié des trous capacitaires concentrés dans certains territoires ? Une cartographie précise de ceux-ci existe-t-elle ?

 

Les casernes accueillent nos gendarmes. En cela, elles participent à leur qualité de vie. Avez-vous recensé précisément des besoins en matière de rénovation du parc actuel de brigades et de casernes ?

Disposez-vous d’une estimation du nombre de casernes nécessaires pour accueillir les 200 brigades ayant vocation à être créées, et du budget qu’il faudra mobiliser pour la construction ou la rénovation du bâti existant ?

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem), rapporteur. Votre stratégie GEND 20.24 est fondée sur la proximité. Elle est favorisée par des moyens en très nette augmentation depuis 2017 et renforcés par la LOPMI. Je salue cet effort de l’État, avec la création de 200 nouvelles brigades, la montée en puissance de la réserve opérationnelle de niveau 1 et la création de sept escadrons de gendarmerie mobile.

M’appuyant sur mon expérience d’élu d’un département rural très vaste, je vous interrogerai sur votre action en profondeur des territoires. La sécurité routière est le premier enjeu de sécurité en Dordogne, où l’on dénombre de nombreux accidents parfois dus à un manque de vigilance. Quel est le rôle des escadrons départementaux de sécurité routière ? Menez-vous des actions de sensibilisation et de prévention auprès des séniors ?

La sécheresse et les incendies représentent un autre enjeu de poids. Depuis le 1er août, 80 départs de feu, dont 60 volontaires, ont été recensés dans mon département, motivant l’action préventive et répressive menée par les gendarmes, en synergie avec les forces de sécurité civile, nationale et européenne.

Enfin, la Dordogne a l’honneur d’accueillir sur son sol le centre national d’entraînement de Saint-Astier, qui fait la fierté de la gendarmerie, en France, comme à l’étranger. J’ai noté avec plaisir l’effort que vous entendez consacrer au développement de son image, notamment en association avec les Marines. Il s’agit du seul lieu où tout gendarme s’est rendu au moins une fois durant sa carrière. Saint-Astier accueille chaque année plus de 10 000 stagiaires, mais aussi des forces de sécurité intérieure en provenance de toute l’Europe et de certains pays d’Afrique. Qu’en est-il de la remise à niveau des bâtiments d’hébergement des stagiaires ? Envisagez-vous la création d’un stand de tir à armes longues, qui pourrait bénéficier au groupement départemental ainsi qu’aux forces de police du département ?

Mme Isabelle Santiago (SOC). J’ai une pensée pour les gendarmes décédés ou blessés au cours des derniers mois, ainsi que pour leurs familles.

Ce budget s’inscrit dans la durée. Quelles sont les priorités pour les gendarmes et leurs familles, afin que les personnels disposent des meilleures conditions de vie possible ? Je pense en particulier aux mutations, qui soulèvent parfois des difficultés pour l’accompagnement des familles, notamment en raison des déserts médicaux.

 

Je souhaiterais connaître votre avis sur l’immobilier. Comment les 200 nouvelles brigades s’implanteront-elles sur le territoire ? Comment les députés pourraient-ils accompagner utilement vos demandes dans le cadre budgétaire ?

Enfin, comment s’inscrit la question de la jeunesse dans les territoires ? Je pense notamment au service national universel (SNU).

Mme Anne Le Hénanff (HOR). Lors de votre précédente audition, vous aviez évoqué les engagements de la gendarmerie en matière de cybersécurité et les dispositifs d’accompagnement et de formation des effectifs du commandement cyber. Le Comcybergend coordonne près de 7 500 gendarmes, dont les missions sont très vastes, allant de l’intégration d’une task force intervenant au niveau international pour lutter contre le crime organisé en matière de cyber, jusqu’à l’accompagnement sur le terrain des collectivités, des PME, des associations, ou encore des hôpitaux. Cette vision d’ensemble donne une idée claire de l’ampleur de la tâche qui vous attend : former, prévenir, accompagner, lutter, résoudre des enquêtes. Dans un contexte de forte évolution des attaques cyber, estimez-vous que la gendarmerie dispose de moyens humains et financiers suffisants ?

Le ministère de l’Intérieur a participé cette année à l’ouverture d’un centre de formation de cybersécurité à Lille. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les effectifs concernés, l’organisation de leur parcours au sein de la gendarmerie et l’articulation avec les autres formations, comme le centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ) de l’école de gendarmerie de Fontainebleau ?

M. Fabien Roussel (GDR-NUPES). La création de 200 brigades de gendarmerie est un bon signe car il faut compenser la suppression de 500 brigades fermées en plus de dix ans. Les élus des villages de ma circonscription se sentent abandonnés, tout comme les habitants. Les gendarmes font tout leur possible, dans un contexte particulièrement difficile. On compte en moyenne un policier pour 300 habitants dans les villes, et un gendarme pour 1 000 habitants dans nos campagnes. Pourquoi ce décalage ? Le trafic de drogue se développe comme jamais auparavant en France et les dealers s’installent de plus en plus dans nos campagnes, ainsi que leurs clients. Comment lutter efficacement contre l’insécurité routière ? Comment mieux répartir les moyens pour faire face aux violences intrafamiliales ? Les gendarmes sont épuisés. Ils travaillent quatre-vingts à quatre-vingt-dix heures par semaine en comptant les astreintes. Certains d’entre eux en viennent à aspirer à quitter la gendarmerie pour travailler dans la police municipale. Qu’en est-il, alors, de ces 200 brigades ? Quel est le calendrier prévisionnel de leur déploiement ? Quelles sont les modalités de la concertation avec les élus locaux ?

Face à la montée de la violence envers les forces de l’ordre, la question de la sécurité des personnels de gendarmerie se pose. Des besoins en dotations d’équipements ont été exprimés, notamment dans le domaine des communications radio, des casques à visière pare-balles et de vision nocturne, après le drame de Saint-Just où trois gendarmes ont trouvé la mort. Le principe de la professionnalisation des PSIG avait été acté à la suite de ce drame : quel est son état d’avancement ?

Les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) se développent. Les équipements individuels et la formation à leur utilisation sont-ils suffisants pour y faire face ? Quels sont les budgets prévus à cet effet ?

M. Christophe Naegelen. Dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire sur la mission et les moyens des forces de sécurité dont j’ai été rapporteur lors de la précédente législature, plusieurs investissements ont été évoqués, comme les caméras-piéton et l’immobilier. De nouvelles mesures ont été annoncées par la LOPMI.

J’ai retenu une phrase de votre prédécesseur, selon lequel l’intelligence est locale. C’est le cas dans la gendarmerie, dont la proximité est l’une des forces. À ce titre, j’avais proposé une réforme de la dotation de fonctionnement des unités élémentaires(DFUE), pour laisser davantage de moyens directs aux brigades pour l’accueil et la sécurisation. Des mesures sont-elles prévues à cet effet ? Les collectivités pourraient être mises à contribution, dans le même esprit que ce qui est fait pour les pompiers au travers du financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

Le budget prévoit une forte augmentation de la réserve opérationnelle. Néanmoins, lors de l’épisode des gilets jaunes, une somme de 100 millions d’euros de budget avait été annoncée, sans que l’on parvienne à mobiliser un grand nombre de réservistes, car le budget avait finalement été utilisé pour d’autres financements. Est-il possible de sacraliser le budget de la réserve ?

Quel impact de l’augmentation des prix de l’énergie prévoyez-vous pour la gendarmerie nationale ?

J’aimerais enfin connaître les modalités de la concertation avec les élus locaux concernant la création des 200 nouvelles brigades, ainsi que la date à laquelle sera retenue la décision.

Général d’armée Christian Rodriguez. S’agissant de la consultation pour la création des brigades, sous l’autorité de leur préfet, le commandement de groupement présente la sécurité dans le département de manière dynamique, et pas seulement sous la forme statique d’une cartographie des faits constatés. Les colonels exposent leur vision du territoire et indiquent les endroits où des améliorations pourraient être apportées. Durant cette séance, un échange aura lieu avec les maires, comme cela a été le cas dans le Cher la semaine dernière. Les maires disposeront ensuite de plusieurs mois pour faire part au préfet de leur sentiment sur les besoins du territoire, sachant que le ministre a annoncé deux à quatre brigades par département. Un échange aura également lieu avec les parlementaires, dont se chargera sans doute le ministre. Nous dessinerons à partir de ces réflexions le schéma de ces 200 brigades.

 

Une phase transitoire aura lieu dans un premier temps, durant laquelle nous créerons des postes provisoires pour lesquels les élus mettront à disposition ou loueront des locaux de service. Les gendarmes seront logés dans le parc locatif en attendant qu’une brigade soit construite. Nous souhaitons bien améliorer les délais de construction des brigades, qui s’élèvent aujourd’hui à cinq ou six ans, voire davantage. Nous modifierons sans doute les normes afin de les assouplir. En effet, dans certains territoires, il est superflu de construire deux cellules de garde à vue et il serait préférable de prévoir par exemple des aménagements pour les familles. Le cahier des charges prévoit de dessiner les contours de ce dispositif dès l’été 2023, afin que les premières brigades émergent à cette période. Les 200 brigades devraient voir le jour sur la durée du quinquennat. Le schéma d’emploi prévoit une augmentation de 950 postes l’année prochaine, et sera consacré pour partie aux escadrons et aux brigades. Les brigades seront ensuite construites avec les collectivités concernées.

Les communes construisent les casernes avec une aide de l’État, qui n’est peut-être pas suffisante, mais nous leur versons par la suite un loyer. Sur la durée, l’investissement dans la construction d’une caserne n’est pas à perte. Il est généralement compensé au bout de neuf ans. Nous n’avons pas pour but de favoriser les communes qui ont la possibilité de financer ces constructions. Au contraire, les implantations doivent être motivées par les effets qu’elles produiront en matière de sécurité sur les territoires.

Le locatif représente environ 500 millions d’euros par an. Les négociations que nous engageons avec les collectivités propriétaires sur les loyers se passent généralement bien. Le domanial a toujours représenté un sujet compliqué. Nous avons identifié les difficultés majeures qui subsistent depuis vingt ans, et nous les éliminons au fur et à mesure.

S’agissant des besoins matériels et budgétaires, les années à venir s’annoncent sous un signe positif. Les mesures annoncées étaient inespérées. Un grand nombre de nouveaux véhicules ont remplacé d’anciens véhicules. Sur les 30 000 véhicules de notre parc, nous en remplacions au mieux 3 500 chaque année. En cinq ans, 67 % des véhicules ont été remplacés. 15 750 véhicules légers ont été livrés entre 2017 et 2021, et 2 000 sont programmés pour 2023. Les unités ne font plus part de difficultés liées aux véhicules. Les véhicules électriques, qui ne suscitaient pas l’adhésion lors de leur déploiement, sont désormais eux-mêmes plébiscités. Nous disposons donc de moyens importants, et il nous incombe de les utiliser au mieux.

Je ne peux qu’être d’accord avec vos propos sur la contribution des forces de l’ordre au maintien du lien social. Toutefois, je n’oppose pas la présence humaine et la vidéosurveillance. Les caméras permettent de résoudre des délits, mais leur utilisation ne dispense pas d’une présence physique des forces de l’ordre. La seule statistique qui me préoccupe est celle de la présence sur la voie publique.

Vous m’avez interrogé sur la présence de trous capacitaires. La concertation aura pour rôle d’identifier les difficultés de certains territoires et la nécessité d’y implanter des brigades. Je ne souhaite pas mettre en place de cartographie nationale, car le niveau national n’est pas le plus adéquat pour prendre ces décisions. Il revient aux élus, aux préfets et aux gendarmes de définir localement les besoins de chaque département.

Vous avez évoqué le rôle des escadrons départementaux de sécurité routière (EDSR) en matière de sécurité routière. L’imposition de boîtes noires aux véhicules neufs par l’Europe ou les radars embarqués font partie d’un grand nombre de dispositifs qui contribuent à notre présence sur les routes. Je compte beaucoup sur l’algorithme que j’ai mentionné pour optimiser au mieux notre action de prévention et de verbalisation. Je souhaite que les unités motorisées ne soient pas rattachées à un EDSR, mais au niveau de l’échelon inférieur, la compagnie, qui me paraît plus adapté au territoire. Nous mènerons une expérimentation dans ce domaine. Nous nous demanderons également si nous disposons d’un nombre suffisant de motards.

La remise à niveau de Saint-Astier est opérée de manière régulière. Un stand de tir pour les armes longues sera construit. Un budget de 2,3 millions d’euros y sera consacré. Les travaux seront réceptionnés en 2025.

S’agissant des familles, j’ai évoqué le rôle des psychologues, qui sont également présents auprès des familles, et les rénovations de casernes. Depuis quelques années, des partenariats sont menés avec des employeurs comme Axa, qui recrutent les conjoints des gendarmes afin de procéder à mutations communes. Je suis convaincu de l’intérêt de ces dispositifs.

Concernant le SNU, des associations gèrent les cadets dans l’ensemble des départements, sur un modèle inspiré des sapeurs-pompiers. Ils bénéficient de formations de quinze jours, que nous souhaiterions relier au dispositif de SNU en ajoutant des blocs de formation qui permettraient, à terme, de former des réservistes. Une fédération de ces associations sera créée à cet escient. Le modèle doit cependant être amélioré, car il repose grandement sur le bénévolat.

L’école cyber à Lille mobilise 15 ETP. Les formations débuteront dans les semaines à venir. Elles seront destinées aux agents du ministère, mais pas seulement. Des forces étrangères pourraient en bénéficier. Nous souhaitons nous inspirer des mesures prises dans d’autres pays, qui sont confrontés aux mêmes problématiques. La France semble assez en avance dans ce domaine. À l’inverse, je désire faire former des spécialistes de l’environnement en Espagne ou en Italie, où ils ont de l’avance sur nous. En 2020-2021, nous avons mené des actions de prévention auprès de 816 000 personnes, de près de 50 000 entreprises et de plus de 16 000 élus. Nous avons diffusé 20 000 heures de formation par le réseau. Chaque année, ce volume augmente. En matière de répression, en 2021, 106 000 enquêtes ont été menées, aboutissant à plus de 13 000 mises en cause. 150 millions d’euros ont été saisis. 41 souches de rançongiciels ont été prises en compte et 380 procédures ont été traitées sur ces derniers. Les victimes étaient pour 39 % des PME, pour 30 % des TPE, pour 17 % des administrations et pour 10 % des particuliers. Plus de 3 millions d’euros en cryptoactifs ont été saisis en 2021, une somme déjà dépassée en octobre pour l’année 2022. Outre les contentieux strictement cyber, la formation s’articulera avec d’autres domaines, puisque des enquêtes financières débouchent fréquemment sur des enjeux de cryptomonnaie. Je travaille sur un dispositif de formation judiciaire agrégeant ces compétences rares pour renforcer la synergie des acteurs. Suivant cette même logique de synergie, j’ajoute que la question de l’environnement nous permettra de travailler sur les déchets, qui représentent un enjeu dans la lutte contre la criminalité organisée.

Je vois fréquemment des gendarmes qui font part d’un certain mal-être. La situation n’est cependant pas si noire que vous la décrivez. Les gendarmes font preuve d’un engagement profond. La plupart des personnels restent en poste. Si certains décident d’intégrer des polices municipales, c’est aussi parce que notre système permet de cumuler une retraite proportionnelle et un emploi. Les polices municipales évitent en outre la mobilité. Je reste toutefois attentif à ce sujet. J’ai évoqué les créations de postes et les assistants d’enquête. Le budget contribuera également fortement à ces améliorations.

Concernant la sécurité des personnels, nous avons durci les PSIG. Dans les trois années à venir, les gendarmes adjoints volontaires seront remplacés par des gendarmes. Jamais auparavant nous n’avions procédé à ces transformations de poste. S’agissant des équipements, des changements de casques sont également prévus. Nous travaillons au réseau radio du futur, à terme, et à PC Storm à court et moyen termes.

Il est difficile de juger si la réponse aux risques NRBC est suffisante. Nous disposons d’un système d’alerte, avec des personnels suffisamment dotés. Nous sommes en mesure de mener des enquêtes judiciaires en milieu vicié. Nous avons 7 000 masques de protection NRBC. Ces dispositifs paraissent suffisants, mais si la menace venait à croître, des moyens supplémentaires pourraient être nécessaires.

Le plan « poignées de porte », dans l’esprit de la DFUE, soulève le problème de la traçabilité des budgets. Nous tentons de développer la DFUE, avec 9,5 millions d’euros consacrés. Nous cherchons à améliorer la situation.

Le budget de la réserve opérationnelle est bien sacralisé. L’automatisation de la paie, qui a nécessité de payer treize mois en une année, a soulevé certaines difficultés, suivies d’une stagnation du budget. En 2023, ce budget repart à la hausse. Je peux vous assurer qu’il sera utilisé pour la réserve. Une partie sera également consacrée à la formation des réservistes.

Mme Josy Poueyto. Je voudrais saluer le modèle de sécurité français qui repose à la fois sur des forces de police et sur la gendarmerie nationale. Cette complémentarité se conjugue au ministère de l’intérieur depuis 2009. La gendarmerie intervient dans 96 % du pays et assure la protection de la moitié de la population française. Dans un contexte de menace terroriste, de haut niveau de violence dans la société, de crise hybride, de guerre aux frontières de l’Europe, la militarité de la gendarmerie représente un atout d’adaptation à l’évolution des défis. L’organisation opérationnelle des gendarmes reste le socle de l’efficacité des missions qu’il faut assurer. À cet égard, la création de 200 brigades territoriales en zone rurale est la bienvenue.

Dans le cadre du dispositif de consultation et d’amélioration du service, la gendarmerie a-t-elle pu identifier des besoins particuliers en matière de renseignement ? Le maillage territorial de la gendarmerie est l’une de ses nombreuses forces, dans la proximité avec nos citoyens. Alors que la militarité de la gendarmerie s’étend aussi dans l’univers cyber, le rôle humain restera primordial dans les besoins d’anticipation.

Mme Caroline Colombier. J’aimerais attirer l’attention sur le budget alloué au parc immobilier, notamment sur la rénovation des infrastructures et des casernes de gendarmerie. Nous saluons les efforts budgétaires réalisés sur les effectifs, mais le budget concernant les casernes ne répond pas à nos attentes. Les infrastructures souffrent d’insuffisances budgétaires dans de nombreux territoires. Je pense particulièrement à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) à Melun, qui n’est pas entièrement rénovée. Quel sera l’impact de l’effet d’éviction dû à l’inflation ? À quoi devrez-vous concrètement renoncer ? L’immobilier sert souvent de variable d’ajustement alors qu’il est l’un des fondements de votre militarité, même s’il existe d’autres façons de le financer – vous avez mentionné le locatif. Pensez-vous devoir renoncer, à terme, au domanial ? Pouvez-vous détailler l’arbitrage budgétaire réalisé par l’institution dans l’effort consacré aux nouveaux projets immobiliers, et celui consenti pour la rénovation et la remise aux normes des casernes existantes ?

Mme Corinne Vignon. À Toulouse, nous ne bénéficions pas d’une zone de défense et de sécurité (ZDS) alors que la région a passé le cap des 6 millions d’habitants, faisant de l’Occitanie la quatrième région la plus peuplée de France. Des régions équivalentes en nombre d’habitants, comme les Hauts-de-France ou l’Aquitaine, possèdent leur propre ZDS. La ZDS est basée à Marseille, et doit couvrir toute la zone géographique s’étendant de Tarbes à Nice. La distance à couvrir entre Marseille et Toulouse est de 400 kilomètres, et remet en cause la capacité à répondre simultanément à plusieurs crises d’envergure. De plus, l’Occitanie est attractive en été, et sa population atteint jusqu’à 8 millions de personnes, générant une augmentation des risques et des menaces. Toulouse, après Paris, est la ville qui accueille le plus de manifestations en France. Si des accidents majeurs survenaient sur les deux pôles urbains que sont Toulouse et Marseille, des difficultés s’ensuivraient, notamment pour l’Occitanie. La création de cette ZDS favoriserait l’articulation entre les sécurités intérieures, mais également dans la gestion des crises sous l’autorité d’un préfet d’Occitanie qui en est dépossédé, alors qu’il occupe une position centrale. La création de onze unités sur le territoire participe à cette logique de remise à niveau des moyens. Elle pourrait aussi favoriser la création d’une juridiction spécialisée, la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS), dont la région est dépourvue. Que pensez-vous de cette proposition ?

 

M. Yannick Favennec-Bécot. Je suis très satisfait de voir les brigades rapides d’intervention circuler dans les Alpine A110 de fabrication française. En commanderez-vous davantage que les vingt-six qui sont utilisées ?

Je souhaitais vous interroger sur les délais d’intervention en zone rurale. Le maire de Lignères-Orgères, dans ma circonscription, a attendu deux heures l’intervention de la gendarmerie pour une rave party sauvage organisée dans sa commune car la permanence était située à plus de 70 kilomètres. J’ai récemment fait la même expérience en signalant un accident de la route survenu vers vingt-trois heures : j’ai attendu l’arrivée des gendarmes pendant quarante-cinq minutes. Loin de mettre en cause la réactivité et l’efficacité des gendarmes mayennais, dont je connais l’engagement, le courage et le dévouement, je souhaite ici souligner le manque de moyens dont ils sont pourvus.

Vous abordez la création de 200 brigades en milieu rural, ce dont nous nous réjouissons. Ne pourriez-vous pas aller au-delà ? Sur quels critères seront créées ces brigades ? Le département de la Mayenne fait-il partie des territoires concernés par ces nouvelles implantations ?

M. Frank Giletti. La réserve de la gendarmerie étant concurrencée par celles des armées et de la police nationale, il est important qu’elle puisse non seulement garantir à ses réservistes un statut attractif mais surtout qu’elle soit en mesure de les fidéliser. Depuis trois ans, la gendarmerie dispose d’un budget annuel de 71 millions d’euros, lui permettant de recruter 34 000 réservistes avec l’ambition d’atteindre le nombre de 50 000. Or, depuis trois ans, le nombre de gendarmes réservistes ne cesse d’augmenter, au point que, si la gendarmerie pouvait les employer à hauteur de vingt-quatre jours par an en moyenne, le budget actuel de la réserve la contraint à réduire ce nombre à vingt-et-un. Bien que le PLF mette en avant une hausse de 15 % du budget, celle-ci ne semble pas répondre à l’augmentation du nombre de réservistes constatée ces trois dernières années et l’année à venir.

Par ailleurs, si parmi les réservistes, on compte un certain nombre de gendarmes retraités, dont le niveau de formation mérite d’être maintenu, il convient également de former les jeunes recrues issues du civil. Or, pour maintenir un taux d’emploi de même niveau à budget constant, une allocation supplémentaire à la formation s’avère nécessaire, sauf à utiliser les dix jours de formation au détriment de l’emploi et de la présence sur le terrain. De même, j’imagine volontiers que la gestion administrative de cette réserve croissante nécessite un nombre de recrues, qui sont autant de réserves auxquels on ne peut pas faire appel sur le terrain.

Ainsi, le budget alloué à la réserve de la gendarmerie semble insuffisant, dans la mesure où, au-delà du seul emploi des réservistes, il ne permet ni de financer l’entraînement, ni l’équipement dont vous avez besoin. Dans ces conditions, pouvez-vous quantifier le montant supplémentaire qui vous permettrait de combler ces lacunes budgétaires ?

M. Lionel Royer-Perreaut. Vous êtes un général heureux et satisfait. J’ai une pensée pour tous vos prédécesseurs, depuis 2007, sous les présidences Sarkozy et Hollande, qui ont été contraints de fermer des brigades. Pour les élus que nous sommes, les décisions ont marqué un changement de cap et sont opportunes pour nos territoires.

Vous avez évoqué les brigades mobiles et la prise de rendez-vous pour le dépôt de plainte, en imitant les pratiques de la police nationale. Député de zone police, je voudrais appeler votre vigilance sur le risque de voir certains publics écartés du dépôt de plainte en raison des difficultés liées à la prise de rendez-vous, en particulier les personnes âgées en milieu rural.

Par ailleurs, je suis député de La Timone, où se trouve l’état-major de la gendarmerie. Je voudrais attirer votre attention sur l’immeuble IGH au bord de l’autoroute A50, laquelle génère de nombreuses nuisances. Malgré les investissements déjà réalisés sur cet espace, les gendarmes occupant cet immeuble attendent des solutions antibruit.

M. Emmanuel Fernandes. En juillet dernier, je vous interrogeais ici même sur les conditions d’exercice du métier de gendarme, à commencer par le temps de travail. Concernant la directive européenne sur le temps de travail, vous me répondiez sans doute un peu rapidement qu’il vous faudrait 40 000 gendarmes de plus s’il s’agissait de respecter les onze heures consécutives de repos par tranche de vingt-quatre heures et une durée maximale de travail de quarante-huit heures. Or, le budget prévoit la création de 1000 postes de gendarmes. Est-ce à dire que la poursuite d’un temps de travail raisonnable pour les gendarmes n’est définitivement pas considérée comme une problématique ?

Je vous interrogeais également sur les risques psychosociaux. Vous les avez évoqués plus tôt. Comment le projet de budget prend-il concrètement en compte ces questions, tant au niveau de la prévention que des soins pour les militaires ?

L’isolation des casernes domaniales est souvent défectueuse et les systèmes de chauffage ont un rendement faible. L’Association professionnelle nationale des militaires (APNM) de gendarmerie a lancé une alerte le 12 septembre dernier concernant la potentielle augmentation de 100 % des factures énergétiques à l’hiver prochain pour les gendarmes résidant dans le parc domanial. En effet, ceux-ci ne bénéficient pas du bouclier tarifaire et l’État répercuterait vraisemblablement une hausse du coût de l’énergie directement sur les charges des personnels concernés. Ces problématiques concrètes, qui pèsent sur la vie de nos gendarmes, vous semblent-elles prises en compte dans le budget qui nous est présenté ?

 

M. Julien Rancoule. J’aimerais entendre votre avis sur le développement des brigades itinérantes de gendarmerie, en particulier dans les milieux ruraux. Ce dispositif s’est décliné sous forme expérimentale ces dernières années. Dès février 2021, le groupement de la gendarmerie départementale de l’Ardèche a commencé à circuler dans les communes les plus isolées à bord d’un camping-car aménagé, avec un espace d’accueil permettant d’aller au contact de la population. Si la volonté politique affichée du Gouvernement semble consister à accroître la visibilité des forces de l’ordre sur l’ensemble du territoire, seriez-vous capable d’évaluer concrètement l’utilité de ce dispositif ? Disposeriez-vous de chiffres précis sur les missions de contact, de renseignement ou encore de prévention réalisées par ces brigades ? De manière complémentaire, l’utilisation de ces brigades itinérantes s’effectue-t-elle au détriment d’autres missions de gendarmerie, puisque les moyens de cette dernière n’ont pas particulièrement augmenté ces dernières années ?

Général d’armée Christian Rodriguez. En matière de renseignement, la gendarmerie ne souffre pas de manques particuliers. En revanche, le nombre de capteurs atteint 130 000, réservistes compris. Il serait souhaitable de développer un outil facile d’utilisation, qui permette au gendarme de décrire facilement et intuitivement ce à quoi il a assisté durant sa patrouille. Nous y travaillerons en associant les gendarmes.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué la militarité. Jamais le gendarme ne s’est senti autant militaire. Nous formons les PSIG auprès des régiments de l’armée de terre. En Ukraine, pendant plusieurs semaines, les seuls militaires armés présents sur le terrain étaient les soldats russes et ukrainiens et les gendarmes français. En Guyane, les opérations menées par les gendarmes relèvent également du militaire.

Les difficultés que connaît notre parc domanial ne sont pas nouvelles. Nous devons rattraper un retard accumulé depuis plusieurs dizaines d’années, ce qui prendra du temps.

Concernant les effets d’éviction de l’inflation, nous nous sommes penchés sur des pistes de solution que nous vous ferons parvenir. Un de nos officiers travaille sur cette question en lien avec le ministère.

La création de la ZDS ne relève pas de mes attributions. La ZDS sud-est en effet immense. Toulouse dispose toutefois de moyens de gestion de crise. La question se pose toutefois, et votre point de vue se défend.

Mme Delphine Lingemann. Ma question porte sur les moyens de renforcement de la coopération entre la gendarmerie nationale et les polices rurales. Le projet GEND 20.24 donne notamment la priorité à la proximité avec la population et au renforcement de la présence des gendarmes sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones les plus reculées. Dans ce même souci d’accessibilité, des maires ruraux ont enclenché des leviers d’action avec la mise en place de polices rurales, en se regroupant parfois à l’échelle de plusieurs communes. Des conventions entre des gendarmeries et des polices rurales visant à accentuer la coopération et le maillage territorial ont été signées localement. Au regard de ces éléments, pensez-vous nécessaire de formaliser ces conventions entre gendarmerie nationale et police rurale au niveau national ? Incitez-vous à la voie descendante en laissant l’initiative sur le plan local ?

Comment voyez-vous le renforcement de la coopération entre la gendarmerie et les maires pour augmenter l’effectivité de leur pouvoir de police dans leur commune ?

Enfin, sur le volet budgétaire, comment pensez-vous faciliter les coopérations entre gendarmerie nationale et police rurale ?

Général d’armée Christian Rodriguez. Je suis un ardent défenseur d’une collaboration efficace avec les polices municipales sur le terrain. Je me positionne en faveur d’une logique de subsidiarité : si la formalisation de ces conventions au niveau national est bénéfique, nous y procéderons. Je n’en suis toutefois pas certain. Si l’échelon local permet une organisation efficace, il est utile de laisser les acteurs s’en charger. On dénombre 1943 conventions avec les polices municipales. La coopération ne relève pas d’une question d’argent, mais d’un enjeu de confiance réciproque. Nous diffusons également les bonnes pratiques afin de favoriser leur développement.

Je suis également favorable à une coopération constante entre les maires et les gendarmes. Là encore, le sujet n’est pas financier. Nous avons développé des formations sur la gestion de crise au profit des maires. J’ai évoqué nos actions en matière cyber.

Monsieur Favennec-Bécot, nous devrions commander onze nouvelles Alpine en 2023.

Nous devons encore travailler pour améliorer les délais d’intervention dans les zones très vastes et peu denses comme la Mayenne, la Sarthe ou la Dordogne. Le DGE (dispositif de gestion des événements) a été créé pour calculer le nombre de patrouilles suffisant la nuit afin de dégager davantage de moyens en journée. Nous vérifierons que les outils sont correctement utilisés en Mayenne. Il est en revanche certain que des brigades seront créées en Mayenne, puisque chaque département en sera doté.

Le budget de la réserve passe de 70 à 84 millions d’euros, soit une augmentation de 15 %. Nous y portons une attention particulière, en raison des atouts qu’offre la réserve.

La gendarmerie nationale offre des modalités aux personnels de terrain, qu’ils peuvent ou non prendre en compte. Dans certains territoires, il est utile que les gendarmes aillent vers les citoyens. Nous allons créer le processus de rendez-vous. Je fais confiance aux commandants de groupement et à leurs équipes pour s’assurer du bon fonctionnement du dispositif qui sera mis en place. Nous avons expérimenté ce dispositif auprès de victimes de violences intrafamiliales ou de députés par souci de gain de temps, mais nous souhaiterions que tous les Français puissent y avoir accès dans les territoires où cela est nécessaire. Si des personnes âgées ne peuvent pas prendre rendez-vous, nous fonctionnerons comme nous le faisions auparavant.

J’ai bien pris en compte vos remarques sur La Timone.

S’agissant de la charge de travail, je vous avais répondu que 40 000 gendarmes de plus sont nécessaires au regard des modes de fonctionnement et des rythmes de travail de la police pour imiter ce modèle. Vous savez que le Conseil d’État a considéré que la gendarmerie départementale respectait bien la directive. Par ailleurs, la directive temps de travail prévoit quatre semaines de vacances et vingt-quatre heures de repos par semaine. La gendarmerie se situe bien au-delà de ces prescriptions. Dans l’ensemble, les gendarmes avec lesquels j’échange, se montrent plutôt satisfaits de cette directive. En outre, le logement sur place est le propre du statut militaire. Même pendant leurs vacances, les gendarmes interviennent : à Ambert, la moitié des gendarmes engagés spontanément étaient en permission.

J’ai en tête les questions d’isolation en matière immobilière que vous avez évoquées. Dans le texte tel qu’il était rédigé, le bouclier tarifaire évinçait effectivement les gendarmes, mais il s’agissait d’un oubli qui sera rectifié.

Enfin, les brigades itinérantes sont un modèle supplémentaire à disposition du terrain, qui auront vocation à être employées dans les zones très rurales, et non dans l’ensemble du territoire.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie pour ces propos très complets.

 

 

 


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II.   II. Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Cubertafon, les crédits du programme « Gendarmerie nationale », de la mission « Sécurités », au cours de sa réunion du 19 octobre 2022.

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Le 7 septembre dernier, le Conseil des ministres adoptait le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), un texte attendu depuis de longues années par les forces de sécurité intérieure. Traduction concrète de ce projet de loi de programmation, le projet de budget de la gendarmerie pour 2023 se caractérise par l’augmentation du programme 152 de 349 millions d’euros en crédits de paiement. Les forces de sécurité intérieure restent, comme sous le quinquennat précédent, une priorité budgétaire du Gouvernement et la dynamique ascendante des crédits de la gendarmerie sera désormais sanctuarisée en loi de programmation.

Les crédits supplémentaires prévus l’an prochain devraient permettre de financer l’augmentation du schéma d’emploi de la gendarmerie de 950 équivalents temps plein (ETP) et d’améliorer les conditions de présence des agents sur le terrain, en métropole comme en outre-mer. Ces hausses permettront aussi d’armer en effectifs les nouvelles brigades rurales et les nouveaux escadrons de gendarmes mobiles, la LOPMI prévoyant la création de 200 brigades et de 7 nouveaux escadrons. En même temps que le maillage territorial des brigades sera renforcé, la gendarmerie met l’accent sur sa volonté de passer d’une logique de guichet à une logique de « pas-de-porte » : il s’agira pour les gendarmes d’aller encore davantage au contact de la population, des élus et des victimes, en particulier les personnes vulnérables – personnes âgées ou isolées – et les victimes de violences intrafamiliales.

La gendarmerie se prépare à faire face à un empilement des missions actuelles et à venir en faveur de la sécurité du quotidien ainsi que de la lutte contre la menace terroriste, l’immigration irrégulière et les trafics de stupéfiants, pour ne citer que les principales. À ces missions s’ajoutent plusieurs rendez-vous internationaux tels que la coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. C’est pourquoi, dans un contexte de fractures territoriales et face à une demande de plus en plus prégnante de sécurité de la part de nos concitoyens, le Président de la République a annoncé, le 18 avril 2021, le renforcement de la réserve opérationnelle de premier niveau, qui sera portée à 50 000 réservistes d’ici à 2027. Le budget de la réserve augmentera de 14 millions d’euros l’an prochain, pour atteindre 84 millions.

La transformation numérique de la gendarmerie se poursuit également. La LOPMI prévoit le déploiement du réseau radio du futur et la création d’une agence du numérique pour les forces de sécurité intérieure. Cette transformation sera financée en 2023 à hauteur de 30,4 millions d’euros. Grâce aux 120 millions d’euros de crédits dont bénéficieront ses systèmes d’information et de communication, la gendarmerie poursuivra l’équipement de ses personnels en téléphones NEO2 et en ordinateurs Ubiquity.

Enfin, la LOPMI prévoit un renforcement de la formation initiale des gendarmes : le temps passé en école devrait passer de huit à douze mois. Quant à la formation continue, elle sera également renforcée et la gendarmerie créera treize centres régionaux de formation. L’école de Fontainebleau accueillera deux nouvelles compagnies. Le projet de loi de finances pour l’an prochain consacrera 5 millions d’euros supplémentaires aux formations.

Je me réjouis que les moyens de la gendarmerie continuent sur la voie ascendante, au profit des habitants de nos territoires, parfois dans des zones très rurales et très reculées. J’émettrai bien sûr un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 152 de la mission Sécurités.

J’en viens à présent au thème que j’ai choisi de traiter dans mon avis budgétaire : la stratégie de la gendarmerie nationale dans les nouveaux champs de la délinquance, en particulier dans le cyberespace.

La stratégie globale de la gendarmerie dans le champ cyber couvre l’ensemble du spectre de ses missions. Opérationnel depuis le 1er août 2021 et fort de 147 ETP au 1er septembre 2022, le commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) est investi à la fois de missions de proximité numérique, de prévention et d’investigation sur l’ensemble du territoire. Il s’appuie pour cela sur le dispositif CyberGend, réseau de 7 700 cyber- gendarmes aux compétences diverses, mais aussi sur le centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) et ses 11 antennes régionales au sein des sections de recherche. Le C3N est l’unité de police judiciaire à compétence nationale de la gendarmerie en matière de lutte contre la cybercriminalité. La force de frappe du ComCyberGend repose aussi sur les compétences de haut niveau de correspondants nouvelles technologies, dits C-NTECH, de 352 enquêteurs sous pseudonyme, de 307 enquêteurs « nouvelles technologies » et de 67 enquêteurs spécialisés dans la traçabilité des crypto-actifs. À titre d’exemple, la semaine dernière, après deux ans d’investigations, une enquête menée conjointement par le ComCyberGend et le service d’enquêtes judiciaires des finances sur « DrugSource », un trafiquant de stupéfiants sur le darknet, a conduit à la saisie de 450 000 euros en biens et en valeurs et à deux interpellations.

Les gendarmes ont su se munir d’un dispositif parfaitement intégré aux écosystèmes à la fois de la gendarmerie et de la cybersécurité. Je tiens ici à souligner la capacité impressionnante de l’institution à se transformer et à se moderniser. Les principes militaires de subsidiarité des unités et de complémentarité des moyens président aux engagements quotidiens. Poursuivant un impératif de réactivité garant de l’efficacité opérationnelle, le dispositif intégré du ComCyberGend vient s’agréger aux échelons territoriaux de commandement et se combine à d’autres compétences d’exception     –négociateurs, spécialistes de certains milieux – pour intervenir au plus vite et au plus près de chaque situation. Que ce soit sur le segment de la prévention comme sur celui de l’investigation numérique, la gendarmerie s’inscrit résolument dans une démarche collaborative avec l’ensemble des acteurs français. De plus, la gendarmerie est en relation permanente avec ses partenaires étrangers, forces de sécurité intérieure comme experts techniques internationaux, au travers de groupes fermés d’experts permettant une interaction technique de haut niveau entre les acteurs. L’appui de la gendarmerie est en outre reconnu par des organismes internationaux tels qu’Europol.

Enfin, la stratégie prospective de la gendarmerie lui permet d’anticiper au mieux les menaces cyber de demain. La formation cyber de ses personnels est une priorité, d’où la création d’un centre national de formation cyber, implanté à Lille, qui formera les effectifs, accueillera les partenaires et diffusera des contenus sur tout le territoire. Le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) a souhaité que la moitié des officiers recrutés soient titulaires d’un diplôme d’ingénieur ou équivalent. La gendarmerie compte déjà dans ses rangs 1 200 ingénieurs et 300 docteurs et doctorants dans les domaines de la vitesse de calcul, de l’intelligence artificielle, des réseaux ou encore des nouvelles technologies de chiffrement. Les réservistes cyber opérationnels contribuent également à renforcer la gendarmerie dans des domaines d’expertise de pointe. Par ailleurs, l’institution s’est récemment dotée d’outils sécurisés et résilients, dont les applications sont hébergées dans un data center qu’elle maîtrise. La gendarmerie a aussi développé des applications pour faciliter le traitement de données de masse et alléger le travail de ses enquêteurs.

Voilà, en quelques mots, ce que je souhaitais vous dire des capacités cyber de la gendarmerie.

Je voudrais à présent terminer mon propos en rendant hommage à l’ensemble des femmes et des hommes de la gendarmerie qui, quels que soient leur grade, leur lieu d’affectation et leur mission, contribuent, de jour comme de nuit et parfois malheureusement au péril de leur vie, à assurer la sécurité des Français sur la quasi-totalité du territoire national. La semaine dernière encore, un gendarme est décédé dans un accident de la route lors d’une mission d’escorte à Bayonne. Par ailleurs, les gendarmes sont malheureusement de plus en plus victimes d’agressions dans l’exercice de leurs fonctions. L’abnégation des personnels de la gendarmerie nous oblige : il m’importait de le souligner.

Mme Delphine Lingemann (Dem). Le commandement des forces aériennes de la gendarmerie nationale coordonne l’action de l’ensemble des unités placées sous son autorité. Il apporte un concours opérationnel aux unités de gendarmerie et à d’autres partenaires, soit par un engagement autonome, soit, le plus souvent, en appui d’unités au sol sur l’ensemble du territoire national.

Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères a été prévu en loi de finances rectificative pour 2020 avec l’acquisition d’hélicoptères H160 commandés auprès d’Airbus, dont le coût s’élève à 20 millions d’euros pièce. Pourriez-vous faire le point sur l’avancée du renouvellement de cette flotte et évoquer les prochaines livraisons à venir ?

Par ailleurs, concernant l’implantation des 200 brigades supplémentaires, quelles sont les différentes composantes que les gendarmeries doivent prendre en considération afin de voir leur projet aboutir ?

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Nous disposons de cinquante-six hélicoptères, dont trente biturbines sont en dotation actuellement. Dans le cadre du plan de relance de l’aéronautique, adopté à la suite du premier confinement en 2020, la gendarmerie nationale a obtenu des crédits exceptionnels de 200 millions d’euros pour acquérir dix nouveaux hélicoptères H160, destinés à remplacer une partie de la flotte vieillissante des Écureuils. Ces aéronefs devraient être livrés par Airbus Helicopters entre 2024 et 2026.

La création de 200 brigades, fixes et mobiles, reposera sur des critères de choix relatifs aux sites – potentiel immobilier, sécurisation du site, capacité de stationnement des véhicules, accès au réseau de télécommunication, conditions financières proposées pour la mise à disposition des locaux – mais aussi à la population, aux besoins opérationnels et à l’attractivité du secteur pour les gendarmes et leurs familles.

Mme Sabine Thillaye (Dem). En 2019, 44 % des plaintes pour violences physiques ou sexuelles enregistrées par les services de sécurité ont concerné des violences commises au sein de la famille, ce qui représente 160 000 victimes. De 2019 à 2020, ces plaintes ont augmenté de 14 %, probablement en raison du Grenelle sur les violences conjugales, lancé en 2019, qui a pu favoriser un meilleur accueil par les services de sécurité et inciter les victimes à davantage déposer plainte. La pandémie de covid-19 et les confinements ont par ailleurs entraîné une hausse de 10 % des violences intrafamiliales en 2020.

Les violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes sont un phénomène que la gendarmerie essaie d’appréhender pour prévenir la commission de faits ou, à défaut, garantir une prise en charge. Pourriez-vous préciser la stratégie GEND 20.24 en la matière et nous renseigner sur les axes d’amélioration identifiés ? C’est un sujet très compliqué, notamment en ruralité.

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Les modalités de prise en charge des victimes de violences intrafamiliales et à caractère sexuel et sexiste ont évolué de façon significative depuis 2019, notamment dans la dynamique du Grenelle des violences conjugales lancé en 2019.

La qualité de l’accueil des victimes est axée sur une approche globale et partenariale, l’objectif étant d’assurer une prise en charge complète et pluridisciplinaire des victimes. Cette approche s’appuie sur des éléments déontologiques communs aux forces de sécurité intérieure ainsi que sur une politique d’audit et d’évaluation.

L’action de la gendarmerie s’appuie également sur la judiciarisation systématique – interdiction du recours à la main courante, recherche du dépôt de plainte de la victime ou, à défaut, ouverture d’une enquête en lien avec l’autorité judiciaire –, sur une chaîne fonctionnelle « prévention » – 100 officiers adjoints dédiés à la prévention de la délinquance, 99 maisons de protection des familles, 2 300 correspondants territoriaux de prévention, au moins 1 référent dédié aux violences intrafamiliales par unité –, sur des permanences ou points d’accueil d’associations d’aide aux victimes installés dans les brigades, sur l’action d’intervenants sociaux en gendarmerie, et sur des cellules d’enquêteurs, dans certains groupements, dédiées à la prise en compte des victimes.

Mme Nathalie Serre (LR). Vous avez évoqué le souhait du Gouvernement d’investir dans la formation des gendarmes, notamment en allongeant la durée de formation initiale. Cette formation est destinée à asseoir un socle d’enseignements fondamentaux afin d’assurer la meilleure préparation possible au premier emploi de l’ensemble des militaires de la gendarmerie, quel que soit leur corps d’appartenance. Le passage en école a pour but de forger l’identité du futur militaire de la gendarmerie par une adhésion aux valeurs de l’arme et de lui faire acquérir les connaissances et les compétences techniques fondamentales nécessaires à l’exercice de ses futures fonctions.

Au vu de l’élargissement des champs de conflictualité, quelles seront les évolutions concernant les piliers fondamentaux de la formation initiale ? Certains gendarmes reçoivent-ils une formation spécifique dans le domaine cyber, afin de les doter de compétences techniques spécifiques et de sortir d’école en tant que cybergendarmes ?

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. La formation initiale adapte ses programmes et contenus pédagogiques aux évolutions du métier de gendarme. Le principal changement dans les prochains mois sera l’allongement du temps de scolarité en école, qui sera progressivement porté de huit à douze mois dans les prochaines années. La LOPMI prévoit en effet la densification du plan de formation des gendarmes avec l’augmentation du temps de présence en école et l’intégration d’une formation en police judiciaire dès la formation initiale.

En outre, la gendarmerie intègre les évolutions technologiques dans l’ingénierie pédagogique et dans l’exercice du métier de gendarme, que cela soit en formation initiale, avec le développement de la simulation numérique, ou en formation continue. À cet effet, trois compagnies « numériques » sont activées en 2022, dans la continuité de l’expérimentation menée en 2021.

M. Jean-Michel Jacques (RE). Nous sommes souvent au contact des gendarmes dans nos circonscriptions, ce qui donne souvent lieu à des échanges très intéressants. Il en ressort qu’ils souhaitent conserver leur statut militaire, ce qui est très important à l’ère des guerres hybrides, alors que les gendarmes peuvent être amenés à intervenir dans des opérations à l’extérieur, comme on a pu le voir en Ukraine.

Le ComCyberGend lutte contre la cybercriminalité mais il fait aussi beaucoup de prévention, souvent en proximité dans nos territoires. Pouvez-vous nous éclairer sur ces actions de prévention ?

M. Jean-Pierre Cubertafon, rapporteur pour avis. Le ComCyberGend élabore des contenus de prévention qui visent à une prise de conscience des dangers liés aux usages numériques. Au travers de l’application « Ma Sécurité », créée par des gendarmes et disponible sur smartphone, des sensibilisations sont régulièrement adressées au grand public.

La gendarmerie est également un acteur important du dispositif « permis internet », qui assure la sensibilisation des jeunes publics au primaire. Des expérimentations sont en cours avec l’association e-enfance visant à opérer le même type de sensibilisation au collège. Par ailleurs, en partenariat avec l’Association des maires de France et avec cybermalveillances.gouv.fr, le dispositif « Immunité cyber » permet à chaque collectivité locale d’estimer son niveau de vulnérabilité. Enfin, les entreprises, même les plus petites, étant également des cibles, un dispositif d’autodiagnostic cyber créé par les gendarmes est en cours d’expérimentation.

Pour conclure, la gendarmerie est pleinement engagée dans la sensibilisation et l’aide aux victimes. Elle agit en lien avec ses partenaires, dont le groupement d’intérêt public Action contre la cyber malveillance et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), et participe activement à la mise en place du dispositif 17-Cyber souhaité par le Président de la République. Il existe même des gendarmes « cyberpatrouilleurs », qui ont pour vocation d’assurer, comme dans le monde physique avec les patrouilles régulières, une présence dissuasive.

 

Aucun amendement n’ayant été déposé, la commission émet directement un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités Gendarmerie nationale non modifiés.

 

 

 

 

 


   Annexe :

Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

1. Auditions

  Direction générale de la gendarmerie nationaleM. le général d’armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale ; M. le général de corps d’armée Olivier Kim, directeur des opérations et de l’emploi, M. le colonel Alexandre Malo, sous-directeur de la police judiciaire, M. le général de brigade Sylvain Noyau, chef de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, M. le général de division Marc Boget, chef du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace, M. le général de brigade Éric Lamiral, sous-directeur de l’emploi des forces à la direction des opérations et de l’emploi ; M. François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances, M. le lieutenant-colonel Antoine Lagoutte, chef du bureau de la synthèse budgétaire et M. le chef d’escadron Pierre-Emmanuel Gaurat.

2. Déplacements

  Groupement de gendarmerie départementale de Dordogne : entretien avec M. le colonel Jean-Philippe Demange, commandant de groupement ; rencontre avec les personnels du groupement ;

  Commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (Pontoise) : audition de M. le général de brigade Christophe Husson, chef adjoint au commandement de la gendarmerie dans le cyberespace et de M. le lieutenant-colonel Laurent Lesobre, adjoint à la division technique au commandement de la gendarmerie dans le cyberespace.

 


([1])  Les chiffres ont quelque peu évolué en exécution avec 2 635 gendarmes de plus sur le terrain, soit 2 094 ETP nets recrutés car certains gendarmes aujourd’hui déployés travaillaient auparavant en préfecture ou dans des services administratifs.

([2]) Dans le cadre du volet « Écologie » du plan de relance (programme 362), 451 opérations d’optimisation énergétique (soit 34 % du total des opérations validées au profit des diverses entités du ministère de l’Intérieur) portées par la gendarmerie pour un montant total de 137 millions d’euros (soit 21 % du total des crédits accordés au ministère de l’Intérieur) avaient été sélectionnées en décembre 2020. 17 opérations ont été abandonnées. Début octobre 2022, 130 millions d’euros d’autorisations d’engagement étaient d’ores et déjà engagés.

 

([3])  France Victimes, la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF) et la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF - spécialisée dans la prise en charge de femmes victimes de violences et le numéro d’appel 3919).

([4])  Pour mémoire, celle-ci avait augmenté de 12,4 %, soit de 667 faits, en 2020.

([5])  Le nombre de gendarmes mobiles étant passé de 1 616 à 1 525, soit une diminution de 91.

([6])  Format ramené à 72 gendarmes mobiles.

([7])  Hors corps de soutien qui ne sont pas logés.

([8]) Comprend effectifs des Ggendarmerie départementale, des COMGEND, sections de recherches.

([9]) Les équipements des PSIG sont en outre en voie d’amélioration. Depuis 2019, pour faire face aux troubles à l’ordre public, les PSIG ont été dotés en priorité des 30 lots complets de protection dont a bénéficié la gendarmerie départementale. En 2021, les flash ball ont été remplacés par des LBD de 40 mm. L’année 2023 verra la mise en place des gilets 4 en 1. Les formations des PSIG ont également été durcies. Les commandants d’unités et leurs adjoints sont formés au commandement opérationnel au maintien de l’ordre au Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie, à Saint-Astier (Dordogne). Enfin, à la suite des événements dramatiques de Saint-Just, les militaires de ces unités reçoivent une formation tactique renforcée, dispensée par l’armée de Terre.

([10])  Nouveau marché publié en juillet 2019.

([11]) Les EC 145 opèrent essentiellement au profit des unités de montagne, des unités des forces d'intervention et COMGEND. Un EC 145 est affecté au groupement instruction (GI) pour assurer les formations des équipages et 3 appareils sont affectés à la maintenance nationale et assurent le remplacement des aéronefs indisponibles (opérations de maintenance ou retrofit c’est-à-dire modification de la configuration initiale).

([12]) Les EC 135 sont équipés d'un système de vidéo surveillance très performant et sont essentiellement dédiés aux missions de sécurité publique générale au profit des forces de sécurité intérieure. Ils sont déployés à proximité des principaux bassins de délinquance. En sus, un EC 135 est affecté au GI pour assurer la formation des équipages et 2 EC 135 sont affectés à la maintenance nationale.

([13]) Les Écureuils équipent essentiellement en métropole les unités de plaine et les unités littorales (12), ainsi que les unités ultramarines (9). En sus, un Écureuil est affecté au GI et 4 appareils sont affectés à la maintenance nationale.

([14]) La DFUE est encadrée par la circulaire 96000 GEND/DSF/SDAF du 17 mai 2016 qui en définit le cadre réglementaire. Les unités de gendarmerie éligibles à une DFUE sont définies dans la circulaire et correspondent principalement aux unités territoriales, unités d'appui et spécialisées, groupes de commandement. Confiée au commandant d’unité, la DFUE est destinée à répondre à l’amélioration des conditions de travail et du cadre de vie collective ainsi qu’à l’accueil du public et aux relations publiques. Le montant alloué est variable en fonction de la catégorie de l’unité et de l’effectif qui la compose. Il varie de de 723 € à 6 800 € par an.

([15])  Prostitution logée et organisée via les réseaux sociaux, achat de stupéfiants à distance et livraison à domicile, ubérisation des trafics.

([16])  Ma Sécurité, première application mobile regroupant les services de police et de gendarmerie est disponible depuis mars 2022 gratuitement sur les plateformes de téléchargement d’applications habituelles et sur l’ensemble des téléphones, quel que soit le modèle. Cette application offre une nouvelle possibilité pour les citoyens d’être assistés par un gendarme ou un policier, à toute heure de la journée.

([17]) Nature d’infraction.