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N° 374

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2022.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,

 

 

TOME IV

 

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

 

 

 

Par M. Philippe BALLARD,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  273, 292 (annexe n° 31).


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

 Pages

AVANT-PROPOS

Première partie : les crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

I. La presse et les médias, des secteurs fortement soutenus

A. L’Agence France-presse : des crédits stables, une trajectoire positive à consolider

B. Une réforme attendue du portage et du postage

C. Une aide continue aux éditeurs de presse

1. Les aides au pluralisme

2. Les aides à la modernisation

3. Des aides indirectes conséquentes

4. Les sept entreprises de presse les plus subventionnées en 2021

D. Un accroissement du soutien à l’expression radiophonique qui interroge

1. Le développement de l’aide aux radios locales et à l’économie du podcast

2. Une stabilité des crédits de la radio franco-marocaine Médi1.

II. La politique du livre et les Industries culturelles et créatives au service de l’exception culturelle française

A. Le livre et la lecture, priorités publiques

1. Le soutien à la lecture pour tous les publics sur tous les territoires

2. La Bibliothèque nationale de France

3. La Bibliothèque publique d’information

4. Le Centre national du livre

B. Un secteur de la musique enregistrée porté par le centre national de la musique

1. Le Centre national de la musique (CNM) : un opérateur devenu indispensable…

2. … dont le financement est en débat

C. Le centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la filière audiovisuelle et cinématographique

Deuxième partie thématique : droits voisins des entreprises de presse, quelle effectivité ?

I. Le droit voisin dans le secteur de la presse, un outil juridique au service de la souveraineté culturelle et informationnelle

II. Le point sur les accords passés par les éditeurs et les agences françaises ()

III. Un suivi technique et organisationnel indispensable

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

Annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


–  1  –

   AVANT-PROPOS

Après trois années de crise, l’année 2023 aurait dû être celle du retour à la normale économique et budgétaire pour les principaux opérateurs et entreprises financés ou soutenus via les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Les secteurs de la presse, de la radio, du livre, de la musique enregistrée, du cinéma et de l’audiovisuel sortent en effet à peine de trois années de turbulences liées à la crise sanitaire. L’État a d’ailleurs su les accompagner, les crédits du plan de relance ayant maintenu à flot de nombreuses entreprises et permis la poursuite d’investissements qui assureront la pérennisation de nombre d’entre elles. Le monde de la création vit souvent avec retard les effets des crises puisque ce n’est qu’au bout de plusieurs années que les investissements d’aujourd’hui prendront forme au travers d’une œuvre audiovisuelle, cinématographique ou musicale.

Votre rapporteur constate que les entreprises aidées pendant la crise sont aujourd’hui confrontées à des difficultés pour rembourser les prêts garantis par l’État (PGE). Un renforcement de leurs fonds propres aurait constitué une solution plus pérenne.

Car à court terme, pour les années 2022 et 2023, ces acteurs subiront aussi l’impact de l’inflation sur les coûts de production des œuvres et biens culturels : doublement du prix du papier, raréfaction des matériaux, explosion des prix du gaz et de l’électricité, entre autres. Le retour à la normale n’est pas pour demain et l’État devra poursuivre durablement son soutien aux industries culturelles françaises par ailleurs bousculées par l’arrivée sur le marché national de plateformes étrangères à la croissance exponentielle.

Dans le secteur de la production d’information comme dans la création cinématographique et audiovisuelle, les plateformes numériques affectent en effet les acteurs traditionnels qui, s’ils ont jusqu’à présent été résilients en prenant le virage du numérique, ont besoin d’une régulation nationale forte pour les accompagner dans les transitions encore à venir et leur permettre de se battre à armes égales avec ces opérateurs étrangers peu soucieux du droit d’auteur et de l’exception culturelle française. Il y va de la préservation du tissu d’emploi qui accompagne nos créations nationales, dans tous les territoires.

Au-delà des aspects strictement budgétaires, votre rapporteur a choisi de consacrer la seconde partie du présent rapport à un état des lieux des droits voisins des entreprises de presse, dont le régime a récemment évolué sous l’effet, d’une part, de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins du 17 avril 2019 et, d’autre part, de la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse qui confère à ces acteurs le droit autoriser ou d’interdire la reproduction de leurs publications par les plateformes numériques.

***

S’agissant du projet de budget pour 2023 et à périmètre courant, les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles seraient en hausse de 0,6 % en autorisations d’engagement (AE) – soit 702 millions d’euros au total – et 4,4 % en crédits de paiement (CP) – soit 704 millions d’euros au total.

En réalité, ce sont surtout les crédits du programme 180 Presse et médias qui augmentent sensiblement en raison de la réforme de la distribution de la presse qui instaure une aide durable à l’exemplaire porté et une aide transitoire à l’exemplaire posté. Le programme 334 Livre et industries culturelles voit quant à lui ses crédits revenir aux montants antérieurs à 2022, année de versement du solde des crédits prévus pour financer le projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information.

À ces crédits budgétaires il convient d’ajouter, d’une part, les ressources issues des taxes affectées à certains opérateurs et, d’autre part, les mesures de soutien indirect via les nombreux crédits et réductions d’impôts au bénéfice des entreprises du secteur et des particuliers.

Le plan France relance s’achèvera à la fin de l’année 2022 et le législateur sera attentif au relai que constitue le plan d’investissement France 2030 et à l’utilisation de ses crédits (1 milliard d’euros dédiés aux industries culturelles et créatives), dont le détail est présenté à la fin de la première partie du présent rapport.

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues.

 


  1  

   Première partie : les crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles

La maquette budgétaire de la mission Médias, livre et industries culturelles reste inchangée par rapport aux précédents exercices budgétaires et comprend deux programmes : le programme 180 (Presse et médias) et le programme 334 (Livre et industries culturelles). Si les crédits de la mission progresseraient (+ 0,6 % AE et + 4,4 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2022), le détail montre que les crédits du programme 180 augmenteraient sensiblement avec la hausse des aides à la presse. Le programme 334 verrait quant à lui ses crédits revenir aux montants antérieurs à 2022, année de versement du solde des crédits prévus pour financer le projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information.

 Le programme 180 Presse et médias (372 millions d’euros soit +6,07 % en AE et 371 millions d’euros soit +5,77 % en CP pour 2023) comprend les crédits relatifs aux aides à la presse et aux relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse ainsi que les moyens nécessaires au financement de plusieurs actions en faveur de médias locaux (radios associatives) ou de proximité (médias non professionnels). Les principales évolutions budgétaires au sein de ce programme sont les suivantes :

– l’évolution tendancielle de la dépense des aides au transport postal et au portage de la presse, dans le cadre de la réforme à venir, à hauteur de + 18,5 millions d’euros (+ 9,9 millions d’euros pour le transport postal et + 8,6 millions d’euros pour l’aide au portage) ;

– l’ajustement à la baisse du montant de l’exonération des charges patronales pour les vendeurs colporteurs et porteurs de presse (- 1,2 million d’euros) ;

– la prise en compte de l’éligibilité du titre L’Opinion à l’aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires – PFRP (+ 1,2 million d’euros) ;

– le renforcement du soutien à l’expression radiophonique locale (+ 1,7 million d’euros).

● Le programme 334 Livre et industries culturelles (330 millions d’euros soit - 4,92 % en AE et 333 millions d’euros + 2,92 % en CP pour 2023) retrace les crédits alloués aux opérateurs du livre ainsi que les actions du ministère de la Culture en soutien à la filière du livre et au développement de la lecture. La musique enregistrée et l’industrie cinématographique et audiovisuelle sont soutenues respectivement par le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) au travers de mesures budgétaires, mais surtout de taxes affectées et de dépenses fiscales. Les évolutions budgétaires les plus notables au sein du programme 334 seraient :

– le renforcement des moyens de la Bibliothèque nationale de France (BNF), à hauteur de + 5,2 millions d’euros pour son fonctionnement (dont 3,2 millions d’euros au titre de la prise en compte de l’inflation), et de + 2,7 millions d’euros pour ses investissements ;

– conformément à la trajectoire prévue, la diminution des crédits liés à la rénovation de la Bibliothèque publique d’information (BPI) (- 3,2 millions d’euros en AE et - 5,5 millions d’euros en CP) et à son relogement temporaire (- 32,3 millions d’euros en AE et - 1,2 million d’euros en CP) ;

– la création d’un portail national de la lecture accessible (+ 3,6 millions d’euros en AE et + 1,3 million d’euros en CP) ;

– le renforcement des moyens du Centre national du livre (CNL, + 1,1 million d’euros) et du Centre national de la musique (CNM, + 1 million d’euros).


Répartition DES CRÉDITS de la mission PAR PROGRAMME et action et principales Évolutions

(en euros)

Programmes/

actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances pour 2022

Projet de loi de finances pour 2023

Loi de finances pour 2022

Projet de loi de finances pour 2023

Programme 180 : Presse et médias

350 759 363

372 049 399 (+ 6,07 %)

350 759 363

371 009 279 (+ 5,77 %)

01 – Relations financières avec l’AFP

134 976 239

134 976 239

134 976 239

134 976 239

02 – Aides à la presse

179 186 325

197 542 361

179 186 325

196 502 241

03 – Soutien aux médias de proximité

1 831 660

1 831 660

1 831 660

1 831 660

06 – Soutien à l’expression radiophonique locale

33 098 639

36 032 639

33 098 639

36 032 639

07 – Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT)

1 666 500

1 666 500

1 666 500

1 666 500

Programme 334 : Livre et industries culturelles

 

347 413 280

 

330 337 709 (- 4,92 %)

234 388 626

333 851 042 (+ 2,92 %)

01 – Livre et lecture

319 710 694

 

300 673 721

296 686 040

304 187 054

02 – Industries culturelles

27 702 586

29 663 988

27 702 586

29 663 988

TOTAL pour la mission

698 172 643

702 387 108

675 147 989

704 860 321

Variation

+ 4 214 465 (+ 0,60 %)

+ 29 712 332 (+ 4,40 %)

Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Médias, livre et industries culturelles.


I.   La presse et les médias, des secteurs fortement soutenus

Alors que s’achève le plan de modernisation de la filière presse et que s’éteignent les crédits du plan de relance dont a bénéficié le secteur ces trois dernières années à hauteur de 483 millions d’euros (106 millions d’euros pour les mesures d’urgence déployées en 2020, et 377 millions d’euros pour les mesures plus structurelles mises en œuvre en 2021 et 2022), l’année 2023 sera celle du retour à des mesures de soutien budgétaire plus traditionnelles.

La presse a connu ces dernières années des bouleversements qui ont affecté la production d’information et la distribution physique des éditions.

Ainsi, le déclin de la diffusion papier ne diminue pas les coûts fixes induits par la production d’information (production, impression et distribution). Par ailleurs, les recettes publicitaires du secteur décroissent d’année en année parallèlement à la montée en puissance des plateformes numériques qui captent son lectorat et ambitionnent de devenir l’unique porte d’entrée de l’accès à l’information pour les internautes, non sans danger pour la liberté de l’information et le pluralisme des médias.

À la survenue de chaque obstacle, l’État a répondu présent pour réglementer le secteur et créer de nombreux dispositifs fiscaux et budgétaires de soutien aux entreprises. Il n’a par ailleurs pas hésité à porter secours au secteur de la distribution de la presse après la faillite de Presstalis et il a soutenu le redressement de l’Agence France-Presse. Aujourd’hui, l’ensemble de la filière fait face à une augmentation considérable de ses coûts, en particulier celui du papier et des énergies.

Les conditions d’exercice d’une presse libre et indépendante sont réunies grâce à la puissance du soutien budgétaire et fiscal apporté au secteur. Dans ce contexte et alors qu’il n’y a jamais autant eu de lecteurs de presse en France, il convient de défendre le pluralisme des supports entre papier et numérique car les audiences sont complémentaires, les audiences numériques renforçant les audiences papier.

Pour autant et parce que le secteur n’a pas achevé toutes les transitions qu’il connaît voire subit, votre rapporteur considère que les États généraux du droit à l’information ([1])  constituent une opportunité pour aboutir à une réforme profonde du système. La lutte contre les manipulations d’information, la protection des journalistes, les garanties de pluralisme de l’information, la régulation des concentrations, la réforme des aides à la presse ou l’éducation aux médias sont autant de sujets à traiter. Votre rapporteur conduira une analyse sur ce sujet avec Madame Violette Spillebout dans le cadre de la mission flash consacrée à l’éducation critique aux médias, créée le 28 septembre 2022.

A.   L’Agence France-presse : des crédits stables, une trajectoire positive à consolider

L’Agence France-Presse (AFP) accomplit une mission d’intérêt général : enrichir la production de l’information et ce au niveau mondial.

Depuis 2021 les crédits qui lui sont versés par l’État sont stables et s’établiraient une nouvelle fois en 2023 à 134,9 millions d’euros. Le versement de l’État comprend la compensation des missions d’intérêt général ([2]) de l’Agence à hauteur de 113,3 millions d’euros, et le paiement des abonnements commerciaux de l’État à hauteur de 21,7 millions d’euros.

Après plusieurs années de pertes qui l’avaient conduite à une situation d’endettement très préoccupante ([3]), l’AFP connaît depuis 2019 des résultats nets positifs. Depuis quatre ans et la mise en place d’un plan de transformation de l’entreprise par son président-directeur général M. Fabrice Fries, la trajectoire de l’Agence est soutenable et, à bien des égards, remarquable :

– la progression des charges est contenue, le plan d’économies a répondu aux objectifs fixés avec, de surcroît, une baisse inhabituelle des frais de mission en 2020 et 2021 du fait de la pandémie ;

– les marchés historiques (texte et photo) sont en recul mais les nouveaux produits (investigation numérique et vidéo) portent la croissance du chiffre d’affaires ;

– la rémunération des droits voisins et la signature de contrats commerciaux avec Google en 2021 contribueront aux résultats positifs de l’Agence.

Par ailleurs, l’effectif global de l’Agence a progressé de 70 ETP entre 2018 et 2021, en lien avec le développement de l’investigation numérique et de la vidéo.

Au-delà de l’équilibre des recettes et des dépenses, prévu dans les statuts de l’Agence, le niveau de profits doit être suffisant pour résorber les déficits cumulés du passé. Le désendettement total de l’Agence est prévu pour 2028. Les signaux sont positifs puisque la dette, qui s’établit à 34,1 millions d’euros en 2022, a déjà diminué de 14 millions d’euros depuis 2018. Dans l’intervalle, d’importants travaux au siège de l’entreprise ont été financés en 2021 afin de mettre fin à la location des locaux situés rue Vivienne ([4]).

Par ailleurs, deux échéances interviendront en 2023 : la préparation du prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 et le réexamen par la Commission européenne de l’aide d’État que perçoit l’Agence au titre de la compensation du coût de sa mission d’intérêt général.

Au total, votre rapporteur salue la rigueur de la nouvelle gestion de l’entreprise, d’autant qu’elle figure parmi les trois plus grandes agences de presse du monde.

B.   Une réforme attendue du portage et du postage

Les aides à la diffusion de la presse écrite ont pour objectif de permettre à tous les citoyens de disposer de l’information la plus large et diversifiée possible, quel que soit leur lieu de résidence, via des aides au portage et des tarifs postaux modérés. Cet objectif n’est pas neutre pour les finances publiques et il conviendra de s’interroger sur le partage des coûts entre les pouvoirs publics et les entreprises de presse.

Mais dans un contexte de diminution de la presse abonnée et donc des volumes de presse postés, la mission confiée à M. Emmanuel Giannesini ([5]) a proposé un scénario fondé sur, d’une part, la réduction du postage au profit du portage à domicile et, d’autre part, la stabilisation des tarifs postaux pour l’ensemble des titres de presse. Sur cette base l’État, les organisations représentatives des éditeurs de presse écrite, la Poste et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ont signé le 14 février 2022 un protocole d’accord qui permet de réformer les conditions du transport de la presse.

Plus précisément, la réforme vise à encourager le transfert vers le portage d’exemplaires actuellement postés (notamment ceux postés à J+1) et prévoit :

– d’instaurer une seule grille tarifaire pour l’ensemble de la presse au lieu de trois actuellement, ce qui provoquera un renchérissement des tarifs postés pour nombre d’entre eux ;

– de créer, en compensation, une nouvelle aide à l’exemplaire posté réservée aux titres d’information politique et générale (IPG) auparavant bénéficiaires d’un tarif postal privilégié et qui aura vocation à être dégressive à partir de 2024 pour inciter les éditeurs à recourir au portage. Le coût de l’aide est estimé à 72,2 millions d’euros pour 2023 (contre 62,2 millions en 2022) ;

– de consolider l’aide à l’exemplaire porté, qui serait dotée de 35,1 millions d’euros pour 2023 au titre des exemplaires portés en 2022 (contre 26,5 millions d’euros en 2022).

Cette réforme devrait entrer en vigueur au début de l’année 2023, dès que la Commission européenne aura validé le dispositif envisagé.

L’aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale qui serait reconduite dans le projet de loi de finances pour 2023 à hauteur de 27,9 millions d’euros a également pour objectif de soutenir le secteur de la distribution de la presse. Il s’agit d’une aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’IPG vendue au numéro en France, que les éditeurs peuvent reverser à France Messagerie (ce qu’ils font à hauteur de 9 millions d’euros), ou conserver pour acquitter partiellement les barèmes de distribution.

Grâce au soutien de l’État et des éditeurs ainsi qu’à sa direction, la situation de France Messagerie s’améliore d’année en année malgré la baisse des volumes distribués. Pourtant, l’équation est difficile puisque cette diminution des volumes ne s’accompagne pas d’une baisse proportionnelle des coûts de distribution, notamment en raison des coûts fixes liés au nombre de points de vente.

La pérennité du système de distribution de la presse se pose encore et les deux opérateurs, France Messagerie et les Messageries lyonnaises de presse, bien que concurrents, devront réfléchir à mettre en place des synergies au sein de la filière de distribution comme c’est déjà le cas sur des fonctions support.

Par ailleurs, l’aide aux réseaux de portage serait temporairement maintenue à hauteur de 2,4 millions d’euros. Elle vise à permettre aux réseaux d’investir afin de pouvoir porter davantage de titres.

Enfin, les vendeurs colporteurs de presse et porteurs de presse bénéficieraient d’une exonération des charges patronales (11,1 millions d’euros pour 2023) ([6]).

C.   Une aide continue aux éditeurs de presse

Passée la crise sanitaire au cours de laquelle les éditeurs ont pu maintenir leurs activités grâce au plan de relance, les éditeurs de presse cherchent encore leur modèle économique dans un contexte d’amoindrissement de leurs ressources publicitaires et de développement des plateformes numériques. Non seulement celles-ci exploitent leurs contenus journalistiques, mais elles font croire au jeune lectorat que la production d’information est gratuite.

Si les éditeurs de presse ont pris le virage de la numérisation via d’importants investissements et un soutien conséquent de l’État ces deux dernières années ([7]), ils ne doivent pas cesser de se moderniser et d’attirer de nouveau lecteurs. Et si les éditeurs ont conscience que le succès du format papier dépend aussi du dynamisme du secteur numérique, les abonnements de cette nature ne compensent pas pour autant la perte des abonnés papier ([8]). Or, la place de la photo dans la presse magazine, par exemple, rend d’autant plus importante l’expérience de lecture au format papier.

La production, l’impression et la diffusion de journaux est une industrie de coûts fixes, dont la rentabilité est par conséquent très sensible aux volumes des ventes. Or ces coûts fixes ont considérablement augmenté puisqu’en un an, le prix du papier a doublé jusqu’à atteindre plus de 1 000 euros la tonne tandis que l’augmentation des prix de l’énergie affecte toute la filière (impression, séchage, portage).

Pour faire face à ces défis qui, malheureusement, ne cessent de se multiplier, plus d’une dizaine d’aides ont été mises en place au fil des années, principalement concentrées sur la presse d’IPG.

1.   Les aides au pluralisme

En 2021, en plus des trois aides au pluralisme existantes, deux nouvelles aides ont été créées :

–  l’aide au pluralisme des titres ultramarins ;

–  l’aide au pluralisme des services de presse tout en ligne.

répartition et évolution des aides au pluralisme

(en euros)

 

Loi de finances pour 2022

Projet de loi de finances pour 2023

AE

CP

AE

CP

Aides au pluralisme

22 025 000

22 025 000

23 225 000

23 225 000

Aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires

13 155 000

13 155 000

14 355 000

14 355 000

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux, et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1 470 000

1 470 000

1 470 000

1 470 000

Aide au pluralisme des titres de presse ultramarins

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

Aide aux services de presse en ligne

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

● L’aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires vise à soutenir, d’une part, les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial et, d’autre part, les titres qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières. Cette aide réformée en 2017 comprend, d’une part, l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires (QFRP) et, d’autre part, l’aide aux publications à faibles ressources publicitaires (PFRP). Le montant des crédits destinés au dispositif en 2023 s’élèverait à 14,3 millions d’euros, en augmentation de 1,2 million d’euros par rapport à 2022 afin de prendre en compte l’éligibilité du quotidien L’Opinion à l’aide QFRP (depuis 2017 et jusqu’en 2022, le versement de l’aide à cette publication était assumé par redéploiement interne).

● L’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces (QFRPA) a pour objet de concourir au maintien du pluralisme et à la préservation de l’indépendance des titres. Le total des crédits inscrits pour financer l’aide aux QFRPA serait fixé pour 2023 à 1,4 million d’euros, montant identique aux années précédentes.

● L’aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale (PPR) est destinée à conforter les titres de la presse d’IPG dont le maintien est utile au pluralisme d’expression et à la cohésion du tissu économique et social. Elle a été étendue en 2016 à toutes les périodicités de titres régionaux et locaux d’IPG, hors quotidiens, jusqu’aux trimestriels. Le total des crédits inscrits pour financer ce dispositif serait fixé pour 2023 à 1,47 million d’euros, montant identique aux années précédentes.

● L’aide au pluralisme des titres de presse ultramarins a été créée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et reconduite depuis avec une dotation annuelle de 2 millions d’euros. Cette aide permet de répondre à la situation particulière de la presse ultramarine et concerne les entreprises de presse écrite imprimée ou bi-médias de certaines collectivités ultramarines ([9]) . Elle vise exclusivement les publications papier et bi-médias payantes IPG de toute périodicité.

● L’aide aux services de presse en ligne a été créée par le décret n° 2021‑1666 du 15 décembre 2021. D’un montant annuel de 4 millions d’euros, elle s’adresse exclusivement aux services de presse tout en ligne, c’est-à-dire diffusés sur internet et qui ne présentent pas de lien éditorial avec une publication imprimée. Sont concernés les services de presse tout en ligne reconnus IPG quel que soit leur modèle économique (gratuits, payants ou mixtes). Suite à l’autorisation de la Commission européenne rendue le 19 mai 2022 dans le cadre de la procédure de notification, la première campagne au titre de ce dispositif a pu être lancée.

2.   Les aides à la modernisation

Les aides à la modernisation de la presse professionnelle sont au nombre de quatre. L’aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale est détaillée supra dans la partie consacrée aux aides à la distribution.

 

répartition et évolution des aides à la modernisation

(en euros)

 

Loi de finances pour 2022

Projet de loi de finances pour 2023

AE

CP

AE

CP

Aides à la modernisation

55 473 422

55 473 422

55 323 422

54 283 302

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale*

150 000

150 000

Aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale

27 850 000

27 850 000

27 850 000

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

16 473 422

16 473 422

16 473 422

15 433 302

Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse

5 000 000

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(*) Créée par l’article 135 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, cette aide avait pour objet d’accompagner le processus de modernisation professionnelle et sociale engagé dans les imprimeries de la presse quotidienne nationale, régionale et départementale. Ce dispositif étant éteint, plus aucun crédit n’est prévu pour 2023.

Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

● L’aide à la modernisation des diffuseurs de presse a pour objet d’accompagner le réseau des diffuseurs de presse, dont la situation reste préoccupante, dans l’effort de modernisation qu’ils doivent accomplir pour améliorer leur performance commerciale, dont dépend directement la diffusion de la presse vendue au numéro. La dotation annuelle de 6 millions d’euros prévue pour ce dispositif serait reconduite en 2023.

● Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) soutient les projets d’investissement innovants ([10]). Le fonds, dans sa version modernisée en 2020, soutient davantage les territoires ultramarins, la protection de la propriété intellectuelle et la transition écologique. Pour 2023, il serait doté de 16,7 millions d’euros en AE et de 15,4 millions d’euros en CP.

● Le fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse serait doté d’une enveloppe de 5 millions d’euros en 2023, comme les années précédentes. Il permet de financer les bourses d’émergence ([11]), les aides aux programmes d’incubation de médias émergents et les aides aux programmes de recherche et de développement.

 S’agissant par ailleurs des médias non professionnels, le ministère de la Culture a créé en 2015 un fonds de soutien pérenne aux médias de proximité non professionnels, citoyens et participatifs (publications, sites de presse en ligne, webtélés, webradios, etc.). Ceux-ci contribuent en effet de manière croissante à la vitalité du débat démocratique, en donnant la parole aux habitants des territoires, urbains et ruraux, et en favorisant son partage dans l’espace public. En 2022, 147 dossiers ont obtenu une subvention (sur 220 demandes). Le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité (FSMISP) serait doté de 1,8 million d’euros en 2023, autant qu’en 2022.

3.   Des aides indirectes conséquentes

Les aides indirectes, qui prennent la forme de plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires, constituent une part significative des aides à la presse.

Principales Dépenses fiscales bénéficiant à la presse

(en millions d’euros)

Nature de l’aide

2022

Réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d’entreprises de presse

Moins de 0,5

Réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

Moins de 0,5

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

1

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

1

Crédit d’impôt sur le revenu au titre du premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d’information politique et générale.

3

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

3

Exonération en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

5

Taux de 2,10 % applicable aux publications de presse

161

TOTAL des dépenses fiscales

175

Source : Projet annuel de performances 2023 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

4.   Les sept entreprises de presse les plus subventionnées en 2021

En dehors de l’Agence France-Presse qui bénéficie d’une compensation de l’État au titre de ses missions d’intérêt général, les entreprises ayant touché les aides les plus importantes dans le cadre du programme 180 relevaient d’un ou plusieurs dispositifs (aides à la diffusion, aides au pluralisme et aides à la modernisation, notamment). Les données qui suivent sont consultables pour l’ensemble des titres de presse sur https://www.data.gouv.fr.

– Le Parisien Libéré a perçu 12,3 millions d’euros de subvention, dont 11,8 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, et 0,5 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société du Figaro a perçu 6,8 millions d’euros de subvention, dont 5 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 1,2 million d’euros au titre de l’aide au portage, et 0,6 million d’euros au titre du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) ;

– Libération a perçu 5,7 millions d’euros de subvention, dont 1,7 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 3 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, et 1 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société Éditrice du Monde a perçu 5,7 millions d’euros de subvention, dont 4,8 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 0,6 million d’euros au titre de l’aide au portage, et 0,3 million d’euros au titre du FSDP ;

– Bayard Presse a perçu 4,9 millions d’euros de subvention, dont 0,3 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 3,3 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, 1,3 million d’euros au titre de l’aide au portage et 0,03 million d’euros au titre du FSDP ;

– La Société nouvelle du Journal l’Humanité a perçu 3,8 millions d’euros de subvention, dont 0,5 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 3,1 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, et 0,2 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société Ouest France a perçu 3,3 millions d’euros de subvention, dont 2 millions d’euros au titre de l’aide au portage, et 1,2 million d’euros au titre du FSDP.

D.   Un accroissement du soutien à l’expression radiophonique qui interroge

1.   Le développement de l’aide aux radios locales et à l’économie du podcast

 Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER)

L’aide aux radios associatives, prévue à l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est accordée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité, et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) est chargé de la gestion de cette aide. Chaque année, environ 700 ([12]) radios associatives bénéficient de ce soutien qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

Ces radios sont présentes sur l’ensemble du territoire, tant dans les quartiers de la politique de la ville que dans les zones rurales et dans les territoires ultramarins. Quatre types de subventions sont attribuées :

– la subvention d’installation est accordée aux services de radio nouvellement autorisés par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ;

– la subvention d’équipement finance les projets d’investissement en matériel radiophonique ;

– les subventions annuelles de fonctionnement qui comportent deux volets : la subvention d’exploitation qui est automatique et soumise à barème, et la subvention sélective à l’action radiophonique attribuée sur proposition d’une commission consultative pour les radios réalisant des actions dans les domaines de l’emploi, l’intégration, la lutte contre les discriminations, la culture et l’éducation.

Les crédits du FSER ont été augmentés de 1,25 million d’euros en 2021 et de 1,1 million d’euros en 2022 ; une nouvelle revalorisation à hauteur de 1,7 million d’euros serait prévue en 2023, portant ses crédits totaux à 34,8 millions d’euros, soit le niveau le plus haut jamais atteint depuis que ce dispositif existe (ces mesures sont destinées à compenser la hausse du nombre de radios éligibles autorisées à émettre par l’Arcom en FM et en DAB+ ([13])). Ce renforcement des crédits a permis d’augmenter le montant moyen des aides versées s’agissant des radios les plus engagées.

Votre rapporteur souhaite que le contrôle de l’utilisation de ces fonds soit renforcé afin de disposer de davantage de données sur les critères d’éligibilité et l’utilisation de l’argent public ainsi distribué.

 Le soutien à la création radiophonique et au podcast

Le soutien à la création radiophonique et au podcast est un dispositif lancé en 2021 pour accompagner les auteurs dans l’écriture d’œuvres sonores originales. Les lauréats bénéficient d’une subvention forfaitaire de 3 000 à 5 000 euros pour l’écriture de leur projet. Par ailleurs, un Observatoire du podcast a été créé en 2022, qui permettra de disposer de données chiffrées précises sur ce secteur en développement. La dotation annuelle de 1,2 million d’euros prévue pour ce dispositif serait reconduite en 2023.

2.   Une stabilité des crédits de la radio franco-marocaine Médi1.

La participation de la France à Médi1 transite par la compagnie internationale de radio et télévision (CIRT). Cette dernière est une radio franco-marocaine créée en 1981 qui diffuse au Maghreb ([14]) et en Afrique subsaharienne des programmes d’information et de divertissement en français et en arabe. La radio Medi1 est éditée par la société Radio Méditerranée Internationale (RMI), détenue à 43 % par la Société financière de gestion et de placement (société nationale d’investissement de la famille royale marocaine), à 43 % par la Bank of Africa (banque commerciale et filiale de la Banque marocaine du commerce extérieur) et à 14 % par la France par l’intermédiaire de la CIRT. En 2023, la dotation serait maintenue au même niveau que les années précédentes à savoir 1,6 million d’euros. Elle permet notamment de couvrir les coûts salariaux des quinze journalistes français qui y travaillent.

Les récentes études d’audiences ([15]) montrent que la radio est passée de la deuxième à la septième place parmi les radios les plus écoutées au Maroc. Il conviendra de suivre avec attention les performances de ce média et le bon usage des fonds publics français.

II.   La politique du livre et les Industries culturelles et créatives au service de l’exception culturelle française

Les crédits inscrits au programme 334 ont trait aux industries culturelles et créatives au sens large c’est-à-dire, outre la politique du livre et le soutien à la lecture, les secteurs de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel.

Le soutien à ces industries qui évoluent dans un secteur très réglementé au niveau national comme, souvent, au niveau européen, passe par l’action de plusieurs établissements publics qui poursuivent des missions de service public tout en disposant d’une autonomie administrative et financière. Si leurs sources de financement sont diverses, ils bénéficient souvent du produit de taxes qui leur sont affectées et dont ils assurent même parfois le recouvrement, comme le fait avec efficacité le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis sa création.

A.   Le livre et la lecture, priorités publiques

L’action 01 Livre et lecture, qui recouvre 91 % des crédits du programme, comprend ses deux objectifs : d’une part, favoriser l’accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture d’une part et, d’autre part, soutenir la création et la diffusion du livre.

En 2023, 330,67 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 19 millions d’euros par rapport à 2022) et 304,18 millions d’euros en crédits de paiement (+ 5 millions d’euros par rapport à 2022) seraient consacrés à cette politique publique ambitieuse. Les AE demandées ne sont que facialement en recul : en effet, la dotation en fonds propres de la Bibliothèque publique d’information (BPI) avait connu une progression de 35,53 millions d’euros à ce titre en 2022 afin de financer le projet de rénovation de ses espaces et d’anticiper le relogement temporaire de ses activités, en lien avec la fermeture du site de Beaubourg au sein duquel la BPI est implantée.

Alors que l’enjeu de diffusion du goût de la lecture continue à mobiliser l’État, il faut souligner que la baisse de fréquentation des bibliothèques en 2020 n’a pas été compensée par la reprise partielle de celle-ci en 2021. Certaines restrictions d’accès se sont prolongées jusqu’en avril 2022 et les pratiques de visite et d’étude en bibliothèque se sont incontestablement modifiées. La récente réouverture, en septembre 2022, du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BNF) rappelle les ambitions françaises de modernité et d’ouverture de sites prestigieux.

1.   Le soutien à la lecture pour tous les publics sur tous les territoires

 Hors budget de la BPI (voir infra), les crédits de la sous-action Développement de la lecture et des collections s’établirait pour 2023 à 12,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10,34 millions d’euros en crédits de paiement.

Si la lecture publique est une compétence décentralisée, l’État accompagne toutefois les collectivités territoriales dans le développement du maillage territorial en bibliothèques et dans la modernisation des établissements. Les crédits d’intervention déconcentrés ont vocation à être mobilisés pour l’essentiel dans le domaine de la lecture publique, pour le soutien au développement et à la diffusion de l’offre et des pratiques de lecture par les bibliothèques, à travers des actions au bénéfice des médiathèques, la formation continue et l’insertion professionnelle, et les structures régionales pour le livre.

Les crédits centraux d’intervention en faveur du développement de la lecture et des collections permettent de soutenir deux types d’action : d’une part, la conservation et la diffusion du patrimoine écrit et, d’autre part, le développement de la lecture. L’augmentation prévue des crédits de 4 millions d’euros en AE et de 1,75 million d’euros en CP par rapport 2022 correspond essentiellement à l’ouverture du portail national de la lecture accessible, projet initié à l’issue du comité interministériel du handicap et pris en charge conjointement par le ministère de la Solidarité, de l’autonomie et des personnes handicapées et le ministère de la Culture. Ce projet sera mis en œuvre à compter de 2023 et prendra la forme d’une application permettant à 12 millions de personnes handicapées de repérer les livres correspondant à leur handicap, que les ouvrages soient nativement accessibles et donc disponibles dans le commerce ou qu’ils aient fait l’objet d’adaptations ultérieurement par des associations. Le ministère de la Culture réalisera ce catalogue national, en s’appuyant sur l’expertise de la BNF. Parallèlement, un plan de rattrapage adaptera chaque année un plus grand nombre de livres, en vue de leur mise à disposition sur le portail à l’occasion de son ouverture prévue en 2025.

 Hors budget du Centre national du livre (CNL), (voir infra), les crédits de la sous-action Édition, librairie et professions du livre s’établiraient à 1,88 million d’euros en 2023.

Les crédits centraux visent à soutenir le secteur de l’édition et des librairies à travers divers organismes parmi lesquels figurent la Centrale de l’édition, le Syndicat de la librairie française et le Bureau international de l’édition française (BIEF). Ils comprennent aussi les dépenses relatives au droit de prêt en bibliothèque ([16]). L’augmentation des crédits en 2023 permettrait de pallier le renchérissement des coûts du transport des livres dans les départements et régions d’outre-mer (+ 1 million d’euros) et de renforcer la présence du livre français à l’international (+ 0,35 million d’euros).

Les crédits déconcentrés ont principalement vocation à :

– favoriser le maintien et le développement d’un réseau de librairies dense et diversifié contribuant à l’aménagement culturel et commercial du territoire ;

– accompagner des maisons d’édition établies en régions dans leur développement économique ainsi que dans leurs projets de publication, afin de concourir au maintien d’une diversité d’acteurs dans ce secteur, condition de la diversité éditoriale ;

– soutenir, au niveau local, l’organisation de manifestations littéraires de qualité, associant des acteurs de la filière (libraires et éditeurs), et qui contribuent à valoriser la création éditoriale et les auteurs en assurant la visibilité de la production des éditeurs, notamment des plus petits d’entre eux, pour lesquels ces salons constituent des lieux privilégiés pour la diffusion de leurs ouvrages.

2.   La Bibliothèque nationale de France

« On ne peut penser la conservation sans l’accès et la valorisation, l’étude sans la culture, le physique sans le numérique »  ([17]) : il résulte du contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2022-2026 conclu avec le ministère de la Culture en septembre 2022 que la Bibliothèque nationale de France (BnF) poursuivra dans les années à venir les projets structurants déjà entamés, notamment numériques. La qualité de service rendu aux usagers et la gestion pérenne des collections restent des préoccupations majeures de la direction.

Avec 228 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 232 millions d’euros de crédits de paiement prévus pour 2023 (en hausse de 8 millions d’euros), la BNF est, en termes budgétaires, le plus important des établissements culturels.

L’établissement mène trois chantiers majeurs de front, dans un contexte budgétaire contraint puisqu’il dépend presque entièrement de la dotation que lui alloue l’État (le produit des billetteries étant marginal ([18])).

● La réouverture du site Richelieu en septembre 2022 a réaffirmé la vocation de la BnF à accueillir largement les publics pour permettre leur accès au savoir et à la culture. Il combine salle de lecture, lieux de visites et nouveau musée. Après l’achèvement des travaux, il s’agira de mieux faire connaître et d’inscrire le site dans le paysage culturel français.

● Outre la conservation, la BnF a la responsabilité du dépôt légal ([19]), récemment élargi au secteur numérique par l’article 5 de la loi n° 2021-1901 du 30 décembre 2021 visant à conforter l’économie du livre et à renforcer l’équité et la confiance entre ses acteurs. La loi devrait faciliter l’accès de la BNF et des autres dépositaires (Institut national de l’audiovisuel ‑ INA, CNC) aux parties d’internet bénéficiant de protections spécifiques.

● La construction à Amiens du nouveau centre de stockage et de conservation constitue un investissement important. Outre qu’il permettra de « désaturer » ses sites actuels ([20]), il intégrera le Conservatoire national de la presse qui accueillera à terme la plus grande collection de presse francophone du monde, étant entendu que les documents de presse sont fragiles et supposent des conditions de conservation très contrôlées. Après finalisation du programme technique détaillé en 2022 et choix par concours du maître d’œuvre en 2023, les travaux de construction se dérouleront de 2025 à 2028. À terme, 100 équivalents temps plein (ETP) y seront redéployés.

Le coût de l’opération est estimé à 96 millions d’euros. Son plan de financement repose sur différentes contributions : 30,33 millions d’euros en autorisations d’engagement imputés sur les crédits du présent programme en loi de finances pour 2021 (4 millions d’euros de crédits de paiement en 2023), 5 millions d’euros de fonds propres de la BNF, une participation des collectivités partenaires à hauteur de 40 millions d’euros et, enfin, le solde couvert par les retours estimés de produits à venir de cessions d’immeubles actuellement occupés par la BnF. Votre rapporteur tient à saluer cet effort de rationalisation des implantations immobilières de la BNF.

● La BnF doit par ailleurs faire face au défi de la flambée des prix de l’énergie pour l’alimentation de ses sites. La plupart de ses sites de conservation sont sous climat contrôlé (pour une surface équivalente à 500 kilomètres de rayonnages linéaires). Un politique volontariste de sobriété énergétique a permis de diminuer ses consommations de 4 % par rapport à 2017. Au titre de 2022, la présidente de la BnF, Mme Laurence Engel, estime le surcoût à 10 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit un soutien de l’État en compensation de cette inflation à hauteur de 2,45 millions d’euros.

3.   La Bibliothèque publique d’information

La Bibliothèque publique d’information (BPI) est une bibliothèque encyclopédique et multimédia située dans le Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou (CNAC-GP). Des travaux de grande ampleur interviendront entre 2025 et 2028, impliquant le relogement de la BPI.

La dotation en fonds propres de l’établissement avait connu une progression de 35,53 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,33 millions d’euros en crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2022. Cette variation s’expliquait par le versement du solde des crédits prévus pour financer le projet de rénovation des espaces de la BPI et pour anticiper le relogement temporaire de ses activités, en lien avec la fermeture du site de Beaubourg au sein duquel la BPI est implantée. La BPI sera relocalisée provisoirement dans un espace dans Paris intra-muros, lui permettant ainsi de poursuivre son activité.

La subvention pour charges de service public atteindrait 7,1 millions d’euros en 2023, bénéficiant d’un abondement de 0,2 million d’euros au titre du soutien apporté par l’État dans le contexte de hausse des prix et en particulier des tensions sur ceux de l’énergie.

Au total, le budget de l’État financerait la BPI à hauteur de 15,77 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 9,33 millions d’euros en crédits de paiement.

4.   Le Centre national du livre

Le Centre national du livre (CNL) a pour missions de favoriser la création, l’édition, la diffusion et la promotion des œuvres littéraires ou scientifiques les plus qualitatives, à travers des actions de soutien aux professionnels de la chaîne du livre, qu’il s’agisse d’auteurs, de traducteurs, d’éditeurs, de libraires, de bibliothécaires, d’organisateurs de manifestations littéraires ou de structures d’accompagnement ou de valorisation du secteur du livre. Le CNL soutient à la fois la création littéraire et la diffusion des œuvres auprès du public et le soutien économique à la prise de risque des acteurs de la chaîne du livre.

Un nouveau contrat de performance (COP) a été conclu avec la tutelle en septembre 2022, dont les quatre axes stratégiques sont :

– favoriser la diversité de la création en accompagnant l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre ;

– renforcer la place des auteurs et de la littérature dans la vie des Français ;

– développer le goût des livres et de la lecture auprès du plus grand nombre ;

– adapter la gouvernance du CNL aux nouveaux enjeux.

Une revalorisation de la subvention pour charges de service public versée au CNL est prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 à hauteur de 28,4 millions d’euros (soit une augmentation de 1,05 million d’euros), pour contribuer notamment au financement d’actions en faveur du développement de la lecture et de l’accessibilité.

B.   Un secteur de la musique enregistrée porté par le centre national de la musique

1.   Le Centre national de la musique (CNM) : un opérateur devenu indispensable…

Créé par la loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique, ce nouvel opérateur a vu le jour le 1er janvier 2020.

Cette « maison commune » de la musique est un établissement public industriel et commercial qui exerce ses missions dans le domaine des enregistrements et des spectacles vivants de la musique et des variétés. Le CNM s’est substitué au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Depuis le 1er novembre 2020, il intègre les quatre associations auxquelles étaient confiées des missions d’intérêt général visées par la loi du 30 octobre 2019 précitée : le Bureau Export de la musique française, le Fonds pour la création musicale, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles et le Club action des labels et disquaires indépendants français, dont il reprend les moyens et les missions.

Le CNM doit permettre à l’État de comprendre et de mesurer l’évolution du secteur afin d’orienter les politiques publiques en faveur de la musique. L’établissement doit ainsi développer les outils d’une véritable connaissance de l’économie de la musique et, à la lumière des données qu’il réunit, mettre en œuvre un système de soutien adapté aux enjeux des professionnels. Le CNM gère en effet plusieurs dispositifs d’aides aux entreprises de la musique et des variétés et délivre les agréments pour le bénéfice de deux crédits d’impôt dans le domaine de la musique (d’une part, pour les dépenses de production d’œuvres phonographiques et, d’autre part, pour les dépenses de production de spectacles vivants).

Le secteur de la musique a été frappé par la crise sanitaire et, à peine trois mois après sa création, le CNM a été chargé de mettre en place les politiques de soutien d’urgence à la filière musicale et les politiques de relance décidées par le Gouvernement. Alors que son budget de fonctionnement devait être de 55 millions d’euros annuels, le CNM a dû gérer plusieurs aides exceptionnelles pour un montant de 152 millions d’euros en 2020, puis 200 millions d’euros issus du plan de relance pour 2021 et 2022.

Le spectacle vivant a été parmi les premiers secteurs touchés par la pandémie et le dernier à reprendre son activité après la crise. Il en est résulté un chiffre d’affaires inférieur de 80 % en 2021 par rapport à 2019. Il vit sa troisième année de crise avec des entreprises endettées qui subissent non seulement l’inflation des prix de l’énergie et des matières premières, mais également celle des cachets des artistes qui ont augmenté de 25 %. Par ailleurs, des tensions se font jour quant à la disponibilité des techniciens ([21]).

S’agissant de la musique enregistrée, le contexte est très différent. Les plateformes de streaming ont continué à se développer, avec des marges de progression supplémentaires pour l’avenir. Des facteurs d’inquiétude existent néanmoins du fait de phénomènes de concentration de la valeur sur certaines esthétiques musicales.

Sans renoncer à ses autres missions, le CNM a permis d’assurer la survie économique des entreprises du secteur, aucune faillite n’a été constatée et son action a été unanimement saluée par les professionnels auditionnés par votre rapporteur.

2.   … dont le financement est en débat

a.   L’attrition des ressources du CNM

Le CNM dispose de trois sources de financement, dont deux ont déjà été profondément altérées ces dernières années.

Le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés (TSV), versé auparavant au CNV, devait représenter l’essentiel de son financement. Son rendement s’était établi à 35 millions d’euros en 2019, mais la crise sanitaire a conduit le Gouvernement à suspendre le paiement de cette taxe due par les organisateurs de spectacles de variétés et de musiques actuelles pendant près de deux ans, en 2020 et 2021. Compte tenu de la baisse des recettes du secteur, 22 millions d’euros sont attendus en 2022.

Les organismes de gestion collective (OGC) peuvent également affecter au CNM les contributions actuellement destinées à leurs actions culturelles et sociales (aide à la création, diffusion du spectacle vivant, etc.) : 6 millions d’euros étaient attendus à ce titre en 2022 mais ce seront finalement seulement 1,5 million d’euros de contribution qui seront versés en 2022 compte tenu, d’une part, des effets de la crise sanitaire et, d’autre part, des conséquences de l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) le 8 septembre 2020 sur les « irrépartissables juridiques » ([22]).

3° En complément, une dotation budgétaire correspondant aux anciennes dotations des structures désormais intégrées au CNM et complétée ces trois dernières années par des crédits destinés à faire monter en puissance l’établissement ([23]) : 27,77 millions d’euros sont prévus pour 2023. Cette subvention pour charges de service public est en augmentation de près d’un million d’euros correspondant, d’une part, au soutien apporté par l’État dans le contexte d’inflation et, d’autre part, au financement d’un dispositif destiné à l’accompagnement de la transition écologique du secteur.

b.   Une nécessaire réflexion sur l’adéquation des moyens du CNM à ses missions

Le CNM devrait être en mesure d’utiliser les reliquats des crédits obtenus dans le cadre du plan de relance pour assurer ses missions en 2023. Quoi qu’il en soit, au plus tard en 2024, il faudra trouver une source de financement complémentaire.

Établissement créé à la suite d’une initiative parlementaire, il serait intéressant que le Parlement réfléchisse à son financement. La ministre de la Culture a d’ailleurs annoncé que le sénateur Julien Bargeton serait nommé parlementaire en mission.

Néanmoins il ne faudra pas tomber dans la facilité de créer une nouvelle taxe qui se répercuterait sur les particuliers, dans le contexte d’inflation que nous connaissons.

Votre rapporteur souhaite qu’aucune piste crédible ne soit exclue, en particulier celle d’une taxation plus importante des ventes d’objets connectés (dans l’esprit de la rémunération pour copie privée) et celle d’un élargissement la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels.

En revanche, l’autre piste, qui consisterait en la taxation des services de streaming musical ne doit pas conduire à freiner l’expansion des plateformes européennes.

C.   Le centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la filière audiovisuelle et cinématographique

Ces trois dernières années, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a été le vecteur du soutien de l’État et il a concentré ses efforts pour accompagner la filière vers la sortie de crise : le montant total des dotations exceptionnelles versées en 2020, 2021 et 2022 s’est élevé à 431,5 millions d’euros. La filière continue cependant de souffrir sur le plan économique : les Français n’ont pas encore complètement repris le chemin des salles de cinéma après la crise sanitaire (fermetures puis restrictions sanitaires), et la filière de la création voit ses coûts de production et d’exploitation considérablement renchéris.

Le CNC soutient la filière audiovisuelle et cinématographique ([24]) française avec deux finalités principales : assurer une présence forte des œuvres françaises et européennes sur le territoire français et à l’étranger, et contribuer à la diversité et au renouvellement de la création. Il le fait via son fonds de soutien qui apporte des aides automatiques et sélectives basées sur un système financement de l’amont par l’aval. Trois taxes lui sont affectées :

– la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA : 10,72 % du prix du ticket en métropole, 5 % pour les départements ultramarins) qui revient aux acteurs économiques du cinéma sous la forme d’un compte de soutien automatique ([25]) : 56,9 millions d’euros ont été recouvrés en 2021 soit un rendement encore inférieur de 60 % par rapport à son niveau de 2019 ;

– la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E, assise sur les recettes de publicité et de parrainage et sur les ressources publiques de chaînes au taux de 5,15 % du chiffre d’affaires) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D, assise sur les abonnements et les sommes acquittées par les usagers en rémunération de services de télévisions et d’offres d’accès à internet lorsqu’elles permettent de recevoir la télévision) : 457,4 millions d’euros ont été recouvrés en 2021 avec un rendement lissé sur deux années en lien avec la crise ;

– la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV perçue au taux de 5,15 % sur le chiffre d’affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique et de vidéo à la demande) qui s’est établie à 111,6 millions d’euros en 2021, en progression constante grâce aux abonnements aux plateformes de vidéo à la demande.

À ce stade, le produit des taxes est estimé pour 2022 à 697,6 millions d’euros, soit une nette amélioration par rapport à 2021 (614,7 millions d’euros en 2021 ([26]), hors mesures exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19). Les projections pour 2023 se basent sur un scénario de reprise progressive de la fréquentation ([27]), de stabilité des marchés publicitaires et de croissance du secteur de la vidéo à la demande qui compenseraient la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs de télévision payante et de la vidéo physique et à la demande. Face à ce constat, il apparaît que la diversité des sources de financement du CNC renforce sa robustesse.

Au-delà des récentes crises que l’on espère conjoncturelles, le secteur connaît plusieurs bouleversements de ses marchés avec le succès des plateformes de vidéos à la demande étrangères. La transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » (SMA) par l’ordonnance du 21 décembre 2020 ([28])  et le décret n° 2021‑793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad) prise) en application de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière ([29]) ont permis de préserver l’exploitation des œuvres en salle et réformé les obligations de contribution à la production applicables aux Smad pour tenir compte de l’assujettissement des plateformes étrangères aux règles de contribution. Les services qui ont les accords de financement les plus ambitieux bénéficient de fenêtres d’exploitation (de diffusion) avancées par rapport à la date de sortie en salle. La succession des fenêtres d’exploitation semble équilibrée même si la position des chaînes en clair, en particulier la clause d’étanchéité ([30]) dont elles bénéficient est remise en cause par certaines plateformes.

Votre rapporteur sera attentif à ce que l’intérêt des opérateurs français soit conservé dans la chronologie des médias comme dans toute mesure de régulation du secteur afin de défendre l’exception culturelle française. Un suivi des investissements des plateformes devra être établi, au-delà de leurs déclarations, en lien avec l’Arcom.

Plus largement, votre rapporteur sera particulièrement attentif à l’indépendance des sociétés de production afin que les bénéficiaires des mesures de soutien public ne soient pas contrôlés par des sociétés de production extra-européennes.

 

Les industries culturelles et créatives dans le plan France 2030

Le plan d’investissement France 2030 a pour objectif de faire émerger les futurs champions technologiques français et d’accompagner les transitions dans des secteurs d’excellence. Il poursuit 10 objectifs pour un montant global de 30 milliards d’euros.

Dans ce cadre, 1 milliard d’euros sera dédié aux industries culturelles et créatives « afin d’affirmer la souveraineté technologique et culturelle dans un cadre national et européen ».

Ce volet culturel de France 2030 s’articule autour de trois axes :

 une stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives, dotée de 400 millions d’euros qui, via des appels à candidatures publics, sélectionne et soutient des projets d’innovation : solutions de billetteries, numérisation du patrimoine et de l’architecture, technologies immersives et de diffusion audiovisuelle dédiées au spectacle vivant, solutions d’accélération de la transition écologique, formation des talents de demain, accompagnement des entreprises innovantes à l’international ;

– une stratégie de développement des studios de tournage et de production numérique pour les filières de l’image ;

 une stratégie dédiée à l’émergence de « champions nationaux » pour les offres culturelles immersives (qui s’appuient sur les technologies de réalité virtuelle et augmentée, de métavers, de videomapping, de son binaural, etc.).


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   Deuxième partie thématique : droits voisins des entreprises de presse, quelle effectivité ?

La présentation qui vient d’être faite des mesures de soutien budgétaire au pluralisme de la presse, d’une part, et à la modernisation des entreprises de presse, d’autre part, rappelle que la liberté de la presse, le pluralisme des opinions et l’information des citoyens est garantie par l’État qui veille à la liberté d’expression et au droit à l’information. Les pouvoirs publics doivent assurer à la presse les conditions de son indépendance.

Or deux phénomènes contribuent à favoriser un mouvement de concentration des médias que n’a pas manqué de souligner la commission d’enquête du Sénat sur ce sujet ([31]) : la fragilité économique des entreprises de presse et le fait que celles-ci continuent, en dépit de cette situation, d’exercer un important pouvoir d’influence dans nos sociétés démocratiques. Cette dynamique se double d’une forme de prédation sur les contenus, à laquelle se livrent certaines plateformes numériques qui investissent le marché de l’information et le marché publicitaire.

C’est le constat qu’avait déjà fait le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse ([32]).

● D’une part, les plateformes numériques telles que Google actualités et Facebook news (Meta) sont de plus en plus des pourvoyeuses d’informations pour les Français, mais ces vidéos, photos, dépêches et articles résultent de l’exploitation de contenus qui ne sont pas libres de droits, quand bien même seul un extrait serait proposé.

● D’autre part, elles assèchent les revenus des médias traditionnels en détournant les annonceurs publicitaires.

Les entreprises de presse ont jusqu’à présent fait preuve de résilience et elles n’ont d’autre choix que d’autoriser l’exploitation de leurs contenus par des intermédiaires. Toutefois, cette autorisation ne saurait être accordée sans contreparties financières conséquentes. Les plateformes numériques remplissent de plus en plus le rôle d’un éditeur de presse sans pour autant en supporter les charges et, plus encore, en exploitant leurs contenus sur leurs propres interfaces. Cela a pour effet de maintenir les lecteurs sur leurs plateformes en captant leur attention afin de récupérer leurs données et de les exploiter sur les marchés publicitaires.

Le risque pour la souveraineté culturelle et la liberté de l’information est réel.

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C’est par la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (DAMUN) que l’Union européenne a créé, au profit des éditeurs de publications de presse, un droit voisin du droit d’auteur (article 15). La France a été le premier pays à transposer ces dispositions avec la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Ce droit permet de protéger – en plus du droit d’auteur des journalistes et du contenu des titres de presse – les titres eux-mêmes, afin de reconnaître la valeur de l’agencement et de la mise en avant de l’information ainsi que le traitement éditorial qui est produit. Cette autre forme de création résulte de choix éditoriaux et suppose des investissements importants.

Plusieurs mois après l’adoption de la loi, les négociations n’avaient toujours pas abouti, les plateformes niant plusieurs aspects du droit voisin (exclusion d’une partie de ses bénéficiaires, minoration de l’ampleur des revenus qu’elles tiraient de l’exploitation des contenus, notamment).

Confrontés à ces importantes difficultés lors de leurs premières négociations avec Google à l’automne 2019, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l’Alliance de la presse d’information générale (APIG), le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), le Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR), le Syndicat de la presse quotidienne départementale (SPQD), le Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (SPHR) et l’Agence France-presse (AFP) ont saisi l’Autorité de la concurrence les 15 et 19 novembre 2019.

Le 12 juillet 2021 ([33]), l’Autorité a prononcé à l’encontre de Google une sanction de 500 millions d’euros pour avoir méconnu plusieurs injonctions prononcées dans le cadre de sa décision de mesures conservatoires d’avril 2020 ([34]). Elle avait alors estimé que les pratiques de Google à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi étaient susceptibles de constituer un abus de position dominante, et portaient une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse.

Dans le cadre de l’instruction au fond du dossier, l’Autorité a fait état de préoccupations en matière de respect du droit de la concurrence. Craignant une sanction plus importante, Google s’est engagé à entreprendre des négociations sur la base d’informations transparentes et encadrées par des tiers. L’offre finale d’engagements de l’entreprise a finalement été acceptée par l’Autorité le 21 juin 2022 ([35]), après plusieurs séries d’échanges et consultation des plaignants.

En parallèle du contentieux mais non sans mal, les négociations se sont poursuivies et certains accords ont été conclus. La presse a longtemps été divisée pour mener les négociations mais la création d’un organisme de gestion collective (OGC), Droits voisins de la presse ([36]) devrait permettre aux créanciers du droit voisin de ne pas négocier en ordre dispersé.


I.   Le droit voisin dans le secteur de la presse, un outil juridique au service de la souveraineté culturelle et informationnelle

Depuis la loi du 29 juillet 1881, la presse bénéficie d’un statut spécifique et fait l’objet d’une régulation forte qui garantit le pluralisme. L’importance de sa contribution au débat public et à notre démocratie justifie par ailleurs l’existence d’un système d’aides à la presse conséquent.

La production d’informations fiables constitue aussi un enjeu stratégique en termes de souveraineté.

Or ce secteur est affecté, depuis plusieurs années, par le lent déclin de ses tirages papier et l’explosion des audiences numériques. Ces nouvelles audiences constituent une opportunité que les titres de presse ont su saisir, accompagnés par l’État et par leur propre lectorat. Si le virage numérique a été pris, la transition économique qui en découle n’est toutefois pas achevée.

Évolution du chiffre d’affaires du secteur par famille de presse
(base 100 en 2000)

 

Source : enquête annuelle de la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture ; en euros constants

Les ressources de la presse payante s’appuient principalement, d’une part, sur les recettes des ventes (vente au numéro et par abonnement) et, d’autre part, sur les recettes de publicité (publicité commerciale et annonces) ([37]). Le marché publicitaire a profondément évolué, à son détriment. En effet, la consommation d’information passe de plus en plus par les plateformes numériques et ce sont elles qui captent désormais l’essentiel des revenus publicitaires. On considère ainsi que Google et Meta (Facebook) bénéficient à eux seuls de 75 % du marché de la publicité en ligne.

Or, la publication d’un titre de presse, papier ou numérique, suppose d’importants investissements matériels et humains, avec une part majoritaire de coûts fixes, non compressibles :

– pour la production d’information ;

– pour l’impression et la distribution papier d’un journal ;

– pour la mise à jour des sites internet ainsi que l’effort constant d’amélioration de la visibilité des contenus dans l’univers numérique.

Désormais, la frontière entre gratuité et contenus payants est fluctuante et le développement des plateformes a laissé croire aux lecteurs que l’accès aux informations devait systématiquement être gratuit, leur faisant progressivement perdre conscience du fait que produire de l’information a un coût.

Les plateformes ont également nié ce coût en s’appropriant des contenus journalistiques. Elles ont joué sur l’argument de l’apport de « trafic » aux sites des éditeurs. Or elles ne supportent pas les coûts de production des informations et elles n’emploient pas de journalistes.

Par ailleurs, la position dominante des plateformes rend les éditeurs vulnérables s’agissant de la hiérarchisation de leurs contenus. La visibilité de certaines informations pourrait être réduite par les choix d’agencement des titres et certains contenus mis en avant ou en retrait. Les fonctions des algorithmes sont encore opaques, et confier à des plateformes étrangères le ferment de notre démocratie est périlleux, a fortiori lorsque l’on sait que ces plateformes, ignorant l’intérêt général, ne contribuent que marginalement aux recettes des comptes publics.

II.   Le point sur les accords passés par les éditeurs et les agences françaises ([38])

Le 17 novembre 2021, l’Agence France-Presse (AFP) et Google ont annoncé avoir signé un accord d’une durée de cinq ans couvrant l’utilisation de l’ensemble de ses contenus, par Google, des publications de presse de l’AFP au sein de l’Union européenne.

Un accord avait été signé entre l’APIG et Google en janvier 2021, mais les négociations ont été rouvertes à la suite d’une décision de l’Autorité du 12 juillet 2021. Un nouvel accord-cadre a été conclu en mars 2022. Il porte exclusivement sur la rémunération de l’utilisation des publications de presse par Google au titre du droit voisin. Il fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence et les conditions de leur rémunération avec les membres de l’APIG.

Le 14 avril 2022, le conseil d’administration du SEPM a décidé à l’unanimité de signer un accord-cadre permettant notamment la rémunération des éditeurs au titre du droit voisin avec Google. L’accord couvre la période du 24 octobre 2019 (date d’entrée en vigueur de la loi) au 31 décembre 2023.

Par ailleurs, environ 150 accords individuels ont été conclus avec différentes sociétés de presse quotidienne telles que Le Monde, Le Figaro, Le Point, La Croix, Libération et le Groupe Nice-Matin, mais également de des titres de presse magazine dont notamment L’Obs, Courrier international, Marie-Claire et Cosmopolitan.

Récemment et après un lent processus de négociation, Google et la Fédération Française des Agences de Presse (FFAP) ont conclu un accord de principe le 1er août 2022.

Les négociations entre Google et la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) se poursuivent sur des accords-cadres et sur des accords individuels.

En août 2021, Le Monde et Le Figaro ont négocié, à titre individuel, un accord avec Meta incluant la rémunération des droits voisins ainsi que leur participation aux contenus de Facebook News, la plateforme d’actualités du réseau social.

Le 21 octobre 2021, l’APIG et Meta ont annoncé avoir signé un accord‑cadre portant sur la rémunération du droit voisin de près de 300 titres de presse.

La société Droits voisins de la presse, a, quant à elle, initié des négociations avec différentes plateformes du numérique telles que Meta, LinkedIn, Twitter et Microsoft.

Si certains, à l’image de M. Laurent Garcia, rapporteur de la mission d’information sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences, des éditeurs et professionnels du secteur de la presse, ont appelé de leurs vœux la transparence des accords, il convient de rappeler qu’en l’absence d’obligation légale en ce sens, ces accords relèvent du droit privé et sont soumis à des clauses de confidentialité.

III.   Un suivi technique et organisationnel indispensable

Dans le dossier des droits voisins, l’outil contentieux a été indispensable.

La procédure initiée devant l’Autorité de la concurrence, clôturée le 21 juin 2022, a permis d’accélérer le processus de conclusion d’accords-cadres pour la rémunération des contenus au titre du droit voisin. Sa dernière décision met fin à la procédure et rend obligatoires, pour une durée de cinq ans, les engagements pris par Google. La plateforme s’engage notamment à entreprendre des négociations sur la base d’informations transparentes, sous la supervision d’un mandataire indépendant dont les avis s’imposeront aux parties, avec la possibilité de recourir à un tribunal arbitral en cas de blocage (voir encadré).

Toutefois, on constate une certaine inertie de la part des autres plateformes du numérique redevables du droit voisin, les négociations avec les titulaires de ce droit restant pour la plupart embryonnaires.

Extrait de la décision de l’Autorité de la concurrence du 21 juin 2022

Dans le cadre de sa proposition finale :

« -  Google étend le champ d’application de ses engagements à tous les éditeurs […] qu’ils disposent ou non d’une certification IPG. Il en est de même pour la titularité des droits voisins aux agences de presse dont les contenus sont intégrés dans des publications d’éditeurs tiers.

- Google s’engage à prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés et n’affectent pas les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs de presse et agences de presse.

- Google s’engage à communiquer aux éditeurs de presse et agences de presse les informations prévues par l’article L.218-4 du code de la propriété intellectuelle et permettant une évaluation transparente de la rémunération proposée par Google. […]

- Google s’engage à prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés et n’affectent pas les autres relations économiques qui existeraient entre Google et les éditeurs de presse et agences de presse.

- Google s’engage à se désister de son recours contre la décision de non-respect des injonctions. L’amende de 500 millions d’euros prononcée par l’Autorité le 12 juillet 2021 devient donc définitive.

- Google s’engage, dans les trois mois suivant le début des négociations, à faire une proposition de rémunération. Dans l’hypothèse où les parties ne parviendraient pas à un accord à l’issue de cette période de négociation, les parties négociantes auront la possibilité de saisir un tribunal arbitral chargé de déterminer le montant de la rémunération. Afin de tenir compte des moindres ressources financières des éditeurs et agences de presse, ces derniers pourront, s’ils le souhaitent, demander à Google de prendre en charge intégralement la rémunération des arbitres, tant s’agissant de la première procédure que de l’éventuelle procédure d’appel.

- Un mandataire indépendant agréé par l’Autorité s’assurera de la mise en œuvre des engagements pris et pourra s’adjoindre, le cas échéant, les services d’un expert technique, financier ou spécialisé en propriété intellectuelle. Il supervisera le déroulement des négociations entre Google et les éditeurs et agences de presse et sera également associé à la revue et à la mise à jour annuelle du socle d’informations minimales que Google devra communiquer aux éditeurs et agences de presse. […] ».

Il convient désormais de suivre les engagements de Google et, plus largement, des autres débiteurs du droit voisin. L’Autorité de la concurrence a agréé le 7 octobre 2022 le cabinet Accuracy comme mandataire. Il organisera a minima une réunion mensuelle avec les parties.

D’après l’OGC Droits voisins de la presse, Google n’a pas communiqué d’informations sur ses recettes publicitaires, les informations mises à disposition de l’autre partie étant qualifiées de lacunaires. Celles-ci sont pourtant primordiales pour estimer les montants des rémunérations attendues.

L’organisme considère que le manque à gagner pour la presse s’établit à 250 millions d’euros annuels, mais il n’est pas possible de connaître les montants effectivement encaissés cette année. Ceux-ci incluent d’ailleurs un rattrapage des années précédentes et, pour les plaignants auprès de l’Autorité de la concurrence, une compensation liée à l’abandon de la procédure. L’organisme envisage de suivre la répartition des sommes versées.

Incontestablement, la gestion collective permise par Droits voisins de la presse sera précieuse. Elle permettra la constitution d’une position renforcée limitant le déséquilibre dans leurs négociations. Sa force réside en effet dans sa capacité à unir la presse (415 à 430 titres réunis). L’Alliance de la presse n’est pas membre de l’OGC mais, étant elle-même déjà très représentative, elle mène ses négociations seules.

Droits voisins de la presse s’est par ailleurs doté de l’expertise de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM) et du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) qui disposent d’outils techniques efficaces pour analyser les données des plateformes.

Ses initiatives pour constituer un OGC européen confirment que la France reste un pays moteur sur ce dossier.

S’agissant enfin de la part « appropriée et équitable » ([39]) de la rémunération du droit voisin qui, en application de la loi, doit revenir aux journalistes, l’AFP fait figure de modèle. Au minimum 275 euros annuels bruts sont attribués aux journalistes de l’Agence. Le SEPM a annoncé, le 25 octobre 2022, ouvrir des négociations de branche avec les syndicats de journalistes. Pour les autres titres, le législateur sera attentif à ce que les négociations aboutissent rapidement. Pour autant, il n’a pas à se prononcer sur un pourcentage de rémunération. À titre indicatif, Droits voisins de la presse estime ce montant à 5 % de l’enveloppe attribuée à l’entreprise mais considère que 20 % serait plus approprié. En Allemagne, cette part s’élèverait à 30 %.

 

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Aucune des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ne réclame à ce jour une évolution du cadre législatif. Toute initiative législative nouvelle risquerait de mettre en péril des accords obtenus après de très longues négociations, les plateformes n’hésitant pas à utiliser la moindre incertitude juridique. Le législateur devra cependant rester à l’écoute des entreprises de presse.

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de la ministre

Lors de sa réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 21 heures 30 ([40]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273  seconde partie), Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous allons maintenant débattre des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis (Médias, livre et industries culturelles). Après trois années de crise, l’année 2023 aurait dû être celle du retour à la normale économique et budgétaire pour les principaux opérateurs et entreprises financés ou soutenus par les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles. Mais à présent, elles sont face à un nouveau défi : l’inflation qui touche les coûts de production des œuvres et des biens. Le retour à la normale n’est pas pour demain et l’État devra poursuivre durablement son soutien aux industries culturelles françaises, par ailleurs bousculées par l’arrivée sur le marché national de plateformes étrangères, à la croissance exponentielle.

Dans le secteur de la production d’information comme dans la création cinématographique et audiovisuelle, les entreprises françaises ont besoin d’une régulation nationale forte pour les accompagner dans les transitions à venir et leur permettre de se battre à armes égales avec ces opérateurs étrangers peu soucieux du droit d’auteur et de l’exception culturelle française. De plus, je constate que les entreprises aidées pendant la crise sont aujourd’hui confrontées à des difficultés pour rembourser les prêts garantis par l’État (PGE). Un renforcement de leurs fonds propres aurait constitué une solution plus pérenne.

Je commence par le programme Presse et médias.

La progression des charges de l’Agence France-Presse est contenue, le plan d’économies ayant répondu aux objectifs fixés. Les marchés historiques – le texte et la photo – sont en recul, mais les nouveaux produits – l’investigation numérique et la vidéo – portent la croissance du chiffre d’affaires.

La réforme du portage et du postage n’est pas neutre pour les finances publiques. Il conviendra de s’interroger sur le partage des coûts entre les pouvoirs publics et les entreprises de presse. Il apparaît en outre que le postage a vocation à être abandonné au profit du portage. Le coût de l’aide est estimé à 72 millions d’euros, soit une hausse de 10 millions d’euros. La pérennité du système de distribution de la presse reste en question. Les deux opérateurs, France Messagerie et les Messageries lyonnaises de presse, bien que concurrents, devront réfléchir à un renforcement de leur synergie.

Les aides à la presse comprennent notamment l’aide aux éditeurs de presse et l’aide au pluralisme.

S’agissant de la première, les éditeurs de presse cherchent encore leur modèle économique dans un contexte de baisse de la diffusion, d’amoindrissement de leurs ressources publicitaires et de développement des plateformes numériques. S’ils ont pris le virage de la numérisation, ils ne doivent pas cesser de se moderniser. Pour eux aussi, les coûts explosent. À titre d’exemple, le prix du papier a été multiplié par deux.

S’agissant de la seconde, les aides directes se montent à plus de 14 millions d’euros, soit une hausse de près de 10 %. Les aides indirectes, substantielles, prennent la forme de plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires, qui constituent une partie significative des aides à la presse. On peut évoquer, par exemple, le taux de TVA à 2,1 %.

Concernant le soutien à l’expression radiophonique, l’aide aux radios associatives est accordée aux radios locales dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires. Chaque année, environ 700 radios associatives bénéficient de ce soutien, qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources. Ces crédits devraient connaître une nouvelle revalorisation.

Je souhaite que le contrôle de l’utilisation de ces fonds soit renforcé et que nous disposions de davantage de données sur les critères d’éligibilité et sur l’utilisation de l’argent public ainsi distribué. De l’aveu même du président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), ces contrôles sont aléatoires.

La dotation en faveur de Médi1, radio franco-marocaine détenue à 86 % par des capitaux marocains, serait maintenue au même niveau que les années précédentes, à savoir 1,6 million d’euros. Pourtant, les récentes études d’audience montrent que la radio est passée de la deuxième à la septième place. Je souhaiterais donc que l’on étudie avec attention les performances de ce média et le contrôle du bon usage des fonds publics français.

J’en viens au programme Livre et industries culturelles. L’action 01 Livre et lecture, qui recouvre 91 % des crédits du programme, vise deux objectifs : d’une part, favoriser l’accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture ; d’autre part, soutenir la création et la diffusion du livre. N’oublions pas que nos librairies de centre-ville doivent affronter la concurrence des commandes sur internet.

Avec 228 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 232 millions de crédits de paiement, la Bibliothèque nationale de France (BNF) est, du point de vue budgétaire, le plus important des établissements culturels.

Dans le secteur de la musique enregistrée, le CNM a dû gérer plusieurs aides exceptionnelles en raison de la pandémie, ce qui a triplé son budget de fonctionnement, qui devait être initialement de 55 millions d’euros annuels.

Le spectacle vivant a été parmi les premiers secteurs touchés par la pandémie et le dernier à reprendre son activité après la crise. Il en est résulté en 2021 un chiffre d’affaires inférieur de 80 % à celui de 2019. Il vit sa troisième année de crise, avec des entreprises endettées qui subissent non seulement l’inflation des prix de l’énergie et des matières premières, mais aussi celle des cachets des artistes, qui ont augmenté de 25 %. Par ailleurs, des tensions se font jour quant à la disponibilité des techniciens.

S’agissant de la musique enregistrée, le contexte est très différent : les plateformes de streaming ont continué à se développer et disposent de marges de progression supplémentaires pour l’avenir. Des facteurs d’inquiétude existent néanmoins du fait de phénomènes de concentration de la valeur sur certaines esthétiques musicales, notamment le rap.

Dans ce contexte, la recherche d’un nouveau financement pour le CNM est en débat. Je souhaite qu’aucune piste crédible ne soit exclue. Je pense en particulier à une taxation plus importante des ventes d’objets connectés ou à l’extension de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV). En revanche, il ne faudrait pas que la taxation des services de streaming musical, autre piste envisagée, freine l’expansion des plateformes européennes, qui jouent le jeu de la transparence.

Concernant le CNC, le secteur du cinéma continue de souffrir : les Français n’ont pas encore complètement repris le chemin des salles et la filière de la création voit ses coûts de production et d’exploitation considérablement renchéris. La baisse de la fréquentation a un impact direct sur les recettes de la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA). Quant au produit de la TSV, il est en progression constante grâce aux abonnements aux plateformes de vidéo à la demande.

Néanmoins, le secteur connaît plusieurs bouleversements de ses marchés avec le succès des plateformes de vidéos à la demande étrangères. La transposition de la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad) ont permis de préserver l’exploitation des œuvres en salle et de réformer les obligations de contribution à la production pour tenir compte de l’assujettissement des plateformes étrangères aux règles de contribution. La succession des fenêtres d’exploitation semble équilibrée, même si la position des chaînes en clair, en particulier la clause d’étanchéité dont elles bénéficient, est remise en cause par certaines plateformes.

Je veillerai à ce que l’intérêt des opérateurs français soit conservé dans la chronologie des médias comme dans toute mesure de régulation du secteur, afin de défendre l’exception culturelle française à laquelle nous tenons tant. Un suivi des investissements des plateformes devra être établi, au-delà de leurs déclarations, en lien avec l’Arcom. Plus largement, je serai particulièrement attentif à l’indépendance des sociétés de production afin que les bénéficiaires des mesures de soutien public ne soient pas contrôlés par des sociétés de production extra-européennes.

Au-delà des aspects strictement budgétaires, j’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon rapport à un état des lieux du droit voisin des éditeurs et agences de presse. Ceux-ci ont ainsi le droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction de leurs publications par les plateformes numériques. Lesdites plateformes, notamment Google et Facebook, pratiquent une forme de prédation : elles exploitent les contenus des entreprises de presse en référençant les informations produites et en les mettant gratuitement à disposition des internautes. Si ce référencement génère du trafic sur les sites des éditeurs de presse, ce bénéfice est sans commune mesure avec les revenus publicitaires et indirects qu’en tirent les plateformes. Ces dernières années, les revenus des éditeurs ont été asséchés par le détournement des annonceurs publicitaires vers les plateformes numériques, au profit de celles-ci.

En 2019, pour mémoire, a été transposée la législation européenne relative au droit voisin. Le texte transposé étant une directive et non un règlement, il est demeuré des failles, dans lesquelles se sont engouffrées les plateformes. La nouvelle réglementation a été très mal reçue par les opérateurs non européens. Pendant pratiquement deux ans, ils ont contourné volontairement la loi. Je parle bien évidemment des Gafam, Google en tête. Ils ont mobilisé des moyens inimaginables à Bruxelles, exercé des pressions, voire brandi des menaces, les lobbys étant à la manœuvre.

Les entreprises de presse françaises font face à une opacité totale. De tels mastodontes gélatineux sont difficiles à saisir : ils s’entourent d’avocats et de juristes qui minimisent leurs chiffres et les recettes réelles dues à la presse française. Il faut savoir que, sur les dix dernières années, la presse a perdu 50 % de ses revenus publicitaires, lesquels ont été captés à 90 % par les Gafam.

Dans ces conditions, la tentation pourrait être grande de vouloir préciser la loi, mais il ressort des auditions que cela mettrait en péril les accords de rémunération obtenus après de longues négociations. Il convient de surveiller la situation de près.

J’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis (Avances à l’audiovisuel public). Nous avons à examiner les crédits des six entités de l’audiovisuel public : cinq entreprises – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde, TV5 Monde – et un établissement public – l’Institut national de l’audiovisuel (INA).

Chacune de ces entités a des spécificités budgétaires, avec des missions aux périmètres très divers et des statuts qui témoignent de l’ouverture de la France à l’international par la diffusion des chaînes à l’étranger, en français et dans une vingtaine de langues. Les audiences de ces chaînes restent élevées, car elles ne cessent de se transformer pour répondre aux attentes des publics et à la concurrence des plateformes. Cependant, la création et l’information fiable et indépendante ont un coût, et le financement de l’audiovisuel public pour ces prochaines années reste un véritable sujet, qui sera au cœur du travail de notre commission.

Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022, les dirigeants de l’audiovisuel public ont salué le choix de l’affectation directe du produit d’une ressource fiscale, bien que partagée avec d’autres affectataires. Budgétairement, la réforme a conduit à placer les entités de l’audiovisuel public au même niveau que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, jusqu’alors seuls bénéficiaires, en dehors de l’État lui-même, d’une fraction du produit de la TVA. C’est une façon de garantir leur indépendance.

La réforme n’a pas encore apporté toute la prévisibilité nécessaire à la conduite des activités de l’audiovisuel public. Elle s’accompagnera, dans les prochains mois, d’une réflexion plus large sur ce qu’attendent les Français du secteur public audiovisuel, sur les missions que le législateur lui assignera et sur les moyens qui y seront associés. Nous comptons pour cela sur les travaux de nos collègues Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon, dans le cadre de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public.

Concernant le projet de budget pour 2023, les recettes du compte de concours financiers s’élèveraient à environ 3,8 milliards d’euros, soit une augmentation des dotations attribuées aux six entités de l’audiovisuel public de 190,4 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Sans qu’il y ait de lien direct, la hausse des dotations prévue pour 2023 correspond précisément à la baisse des crédits figurant dans la trajectoire décidée par le Gouvernement en 2018 et mise en œuvre jusqu’en 2022.

La dotation tient compte de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) à hauteur de 78,6 millions d’euros. La perception de la CAP était soumise à la TVA, afin notamment d’exonérer ses bénéficiaires du paiement de la taxe sur les salaires. Depuis la réforme, les entités de l’audiovisuel public doivent s’acquitter de cette taxe, dont le coût est estimé, pour 2023, à 42,6 millions d’euros.

Arte France, l’INA et France Médias Monde ont perdu le droit à déduction de TVA sur leurs achats, notamment de matériels et de programmes audiovisuels. En 2023, ces trois entités devraient voir leurs dépenses s’accroître de 36 millions d’euros.

Ainsi, hors compensation de ces effets fiscaux, l’augmentation de la dotation s’élèverait à 111,8 millions d’euros. Elle couvrirait principalement le financement de l’augmentation tendancielle de l’activité des entités pour les projets en cours, l’accroissement mécanique de leur masse salariale et la compensation des effets de l’inflation pour l’année 2023. À cet égard, France Télévisions et l’INA sont inquiets de l’ampleur de l’augmentation des prix, qui a d’ailleurs débuté en 2022, sans être compensée par l’État. Pour l’INA, le solde restant à financer s’établirait à 3 millions d’euros. Pour France Télévisions, il s’établirait à 30 millions d’euros, même si ce chiffre est plus incertain.

À la différence des années précédentes, les projets annuels de performances (PAP) de ces programmes ne comportent pas toujours le détail des prévisions budgétaires des entités pour 2023. Les projets d’avenants aux contrats d’objectifs et de moyens (COM) devront apporter des précisions à notre commission.

Dans la partie thématique de mon rapport, je présente un état des lieux des collaborations conduites par les entités de l’audiovisuel public, d’une part, en matière de gestion et de moyens, d’autre part, dans le domaine éditorial, conformément aux priorités définies dans les COM pour les années 2020 à 2022.

Beaucoup a été fait, mais je considère que nous pouvons faire davantage. Nous ne devons pas nous contenter d’offres communes qui se juxtaposent aux offres existantes. Nous pouvons aller plus loin dans le rapprochement des réseaux France Bleu et France 3. Du point de vue éditorial, nous avons besoin d’une stratégie commune pluriannuelle et d’une gouvernance dédiée. France Télévisions propose la constitution d’une offre numérique commune à l’audiovisuel public, dotée d’une marque commune. L’INA est volontaire pour engager des coopérations sur de nouveaux usages. France Médias Monde souhaiterait mettre l’accent sur les mutualisations d’infrastructures et de technologies, qui permettent des économies et des partages de savoir-faire. Tous ont de bonnes idées ; ils devront en faire part à la mission d’information, et nous devrons en tirer les conséquences dans les prochains COM.

S’agissant des partenariats, nous devons néanmoins veiller à tenir compte des spécificités de trois des entités de l’audiovisuel public : TV5 Monde est une chaîne multilatérale ; France Médias Monde est constituée de médias internationaux diffusés dans le monde entier ; Arte France est liée statutairement et financièrement par son partenaire allemand.

Pour finir, j’ai souhaité analyser la mobilisation des entités sur le plan de la transition environnementale, plus particulièrement de la sobriété énergétique. Deux types d’actions se dégagent.

D’une part, chaque entité conduit des actions en tant qu’entreprise responsable pour limiter sa propre consommation. Depuis peu, elles formulent également des exigences dans leurs rapports avec les fournisseurs de programmes. Par exemple, la démarche Écoprod permet de calculer l’empreinte carbone de chaque émission.

D’autre part, elles accomplissent des actions de sensibilisation des Français sur leurs antennes, en lien avec leurs missions de service public. Par exemple, le dispositif Écowatt, né d’un partenariat entre France Télévisions et Réseau de transport d’électricité (RTE), permettra aux Français de connaître en temps réel l’état de la tension électrique sur le réseau, ce qui pourra les inciter à réduire leur consommation. Il ne s’agit là que de quelques initiatives ; vous en trouverez le détail dans mon rapport.

J’ai été ravie de travailler sur le sujet de l’audiovisuel public, qui assure des missions essentielles de service public. Je continuerai à m’y intéresser dans le cadre de la mission d’information, qui entamera ses travaux très prochainement.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial de la commission des finances (Médias, livre et industries culturelles). Le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles est en nette hausse dans le projet de loi de finances pour 2023 : il atteint 705 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 4,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2022. Pour le programme 180 Presse et médias, la hausse est de 5,8 % et s’explique en partie par la mise en œuvre de la réforme de la distribution de la presse et par l’augmentation des dotations pour l’aide à l’exemplaire posté et l’aide à l’exemplaire porté. D’autres hausses peuvent être mentionnées, notamment l’augmentation de la dotation du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale et la création d’un fonds d’accompagnement de la création radiophonique et du podcast.

Soyons francs, les difficultés de la presse écrite seront importantes l’année prochaine. Aux fragilités structurelles du secteur s’ajoute cette année l’explosion du coût du papier : il a atteint plus de 900 euros la tonne, alors qu’il était inférieur de moitié il y a un an. Évidemment, on peut juger que cette hausse ne fait qu’accélérer un déclin inexorable et le basculement vers le numérique. Toutefois, rappelons-le, le développement de la presse numérique ne s’accompagne pas toujours d’un développement équivalent des recettes publicitaires.

En responsabilité, j’ai déposé deux amendements qui se complètent.

Le premier, qui a reçu en séance le soutien du ministre de l’économie et des finances, vise à supprimer le crédit d’impôt pour un premier abonnement à un titre de presse. Créé par la deuxième loi de finances rectificative de 2020 adoptée à la suite du premier confinement, il visait à permettre au public populaire éloigné de la presse de s’abonner à un titre d’information politique et générale (IPG). Initialement budgété à 60 millions d’euros, il est évalué à 3 millions dans le projet de loi de finances pour 2023. De toute évidence, il s’agit d’une dépense fiscale qui n’atteindra pas son objectif.

Cette suppression doit avoir pour contrepartie un soutien exceptionnel à la presse écrite en 2023, sachant que le plan de relance s’achève. L’augmentation des prix des quotidiens et périodiques ne peut à elle seule absorber celle du prix du papier. Elle risquerait d’accélérer encore la décrue des ventes. C’est pourquoi je présenterai un deuxième amendement – qui recevra, je l’espère, le soutien de chacun d’entre vous – tendant à créer une aide exceptionnelle pour la presse d’IPG.

Les crédits du programme 334 Livre et industries culturelles sont en hausse d’environ 10 millions d’euros. Cette hausse aidera la BNF à faire face à l’inflation des prix de l’énergie. La BNF est implantée sur plusieurs sites. Vous connaissez tous ses magnifiques bâtiments historiques et savez que l’isolation n’était pas la préoccupation première des architectes de l’époque. La BNF devra réaliser de réels efforts d’économie.

On peut noter plusieurs financements nouveaux pour l’économie du livre : un soutien renforcé au Festival du livre, une campagne de communication pour valoriser les bibliothèques de nos territoires et, surtout, la création d’un portail national de l’édition accessible, pour rendre les livres accessibles aux personnes en situation de handicap.

J’en viens aux industries culturelles à proprement parler : le cinéma, l’audiovisuel, la musique et le jeu vidéo. Le public n’est pas entièrement revenu dans les salles et la fréquentation des salles obscures reste inférieure à 30 % de son niveau de 2019. Si les finances du CNC ne sont pas directement affectées, puisque ses dépenses au titre du compte de soutien automatique sont corrélées au montant de la taxe affectée sur la billetterie, le cinéma français doit néanmoins s’interroger, dans un contexte où l’arrivée des plates-formes constitue à la fois un risque pour les acteurs nationaux – on peut, par exemple, penser à l’investissement sur le marché publicitaire ou à la modification de la chronologie des médias – mais aussi une opportunité du fait de nouveaux investissements.

Le financement du Centre national de la musique est aujourd’hui au cœur des débats. Si cet organisme bénéficie d’une dotation de 27,8 millions d’euros dans le PLF2023, on sait que les organismes de gestion collective (OGC) ne pourront pas assurer les financements escomptés. De plus, les recettes de la taxe sur les spectacles de variétés resteront en dessous des montants de 2019. Comme l’a exprimé publiquement le président du CNM, il faut aujourd’hui 50 millions d’euros pour permettre au Centre de jouer pleinement son rôle d’accompagnement de la filière et de promotion de la diversité au titre de ses aides sélectives. On ne sait pas si le compte y sera en 2023, avec le reliquat des aides du plan de relance mais, de toute évidence, il faudra réfléchir à un nouveau financement pour l’avenir. Je salue ainsi la nomination par la ministre du sénateur Julien Bargeton en qualité de parlementaire en mission pour réfléchir aux pistes de financement du centre.

Mme Constance Le Grip, rapporteure spéciale de la commission des finances (Avances à l’audiovisuel public). Pour la première fois depuis 2018, les crédits affectés à l’audiovisuel public sont en hausse significative, avec 111,9 millions d’euros de hausse nette de l’enveloppe budgétaire affectée aux sociétés de ce secteur, après neutralisation des effets fiscaux que votre rapporteure Fabienne Colboc a très bien exposés. Cette forte hausse fait toutefois suite à un plan d’économies assez conséquent de 190 millions d’euros entre les années 2018 et 2022.

Les niveaux variables d’évolution des dotations affectées aux différents opérateurs de l’audiovisuel public – les cinq sociétés d’audiovisuel public et l’INA – dépendent à la fois du poids de l’inflation pour chacun des opérateurs, de la prise en compte de certaines dépenses déjà engagées par ces derniers et des partenariats internationaux.

Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que tous les acteurs de l’audiovisuel public ont été équitablement traités dans l’augmentation de leurs dotations respectives ? Quelles assurances pouvons-nous avoir que les résultats financiers équilibrés obtenus ces dernières années par les opérateurs se maintiendront en 2023 ? Enfin, le niveau d’ambition dont témoignent les contrats d’objectifs et de moyens se retrouvera-t-il dans les avenants à ces contrats qui seront prochainement présentés à la représentation nationale ?

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous allons entendre les orateurs des groupes.

Mme Caroline Parmentier (RN). Lors des rencontres nationales de la librairie, à Marseille, le 1er juillet 2019, le ministre de la culture, Franck Riester, déclarait aux libraires : « Vous devez faire face à une concurrence vigoureuse, une concurrence qui ne partage pas toujours vos valeurs, qui ne joue pas toujours selon les mêmes règles ni sur le même terrain, et qui vous nuit néanmoins. » Depuis vingt ans, le nombre de nouveautés a progressé de 80 %, alors que, dans le même temps, le chiffre d’affaires du secteur du livre n’augmentait que de 6 %, en euros constants.

Nous sommes tous ici d’accord pour défendre le livre. Lire, même si c’est devenu rare, permet de construire une réflexion et une pensée, de nourrir des idées, d’apprendre, de transmettre ou de débattre, et permet d’être un citoyen critique et éveillé. « Les femmes qui lisent sont dangereuses », a écrit une écrivaine. Continuons d’être dangereuses, mesdames !

Le livre fait face, depuis deux décennies, à une mutation d’ampleur : le numérique. Comment expliquer que la présentation stratégique de la mission affirme la volonté de développer la création littéraire et de promouvoir la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture, alors même que le programme 334 Livre et industries culturelles voit le montant de ses autorisations d’engagement baisser de près de 5 %, cette baisse étant même de 6 % pour l’action Livre et lecture entre 2022 et 2023 ? Dans le même temps, le programme 180 Presse et médias est augmenté de 6 %, et même de 10 % pour le programme Aide à la presse. Qu’est-ce qui justifie ces diminutions et ces augmentations, à l’heure où la presse, de manière générale, ne devrait plus dépendre aussi largement des financements publics, mais vivre de ses lecteurs, tandis que le livre, qui fait face à un défi historique, voit ses crédits fortement diminuer ?

Les députés du groupe Rassemblement national ne peuvent donc accepter la mission Médias, livre et industries culturelles en l’état. Nous attendons toutefois de voir où mèneront les discussions en commission.

Quant au compte de concours financiers Avance à l’audiovisuel public, j’ai déjà dit en séance publique qu’une grande démocratie comme la nôtre n’avait plus besoin d’un tel service public. Les députés du groupe RN voteront donc contre ces crédits.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Dans la mission Médias, livre et industries culturelles et le compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, le Gouvernement met en avant une augmentation de 4,4 % du budget global. Il ne s’agit, bien sûr, pas d’un cadeau : compte tenu de l’inflation, les budgets seront, en réalité, en baisse. Cependant, les réductions ne concernent pas tout le monde. Ainsi, les aides à la presse bénéficient d’une hausse de 9,66 % : voilà de l’argent public non conditionné, qui finance en priorité les médias détenus par sept milliardaires qui sont tout simplement des industriels en quête d’influence, et certainement pas des bienfaiteurs de la démocratie, tandis que, de l’autre côté de l’échiquier, des médias indépendants et de proximité doivent se partager les miettes.

La diffusion d’informations, de culture et d’éducation ne doit pas être un instrument de profit commercial entre les mains de groupes audiovisuels dirigés par des hommes situés au sommet de la hiérarchie sociale, qui ont tout intérêt à influencer les orientations politiques et économiques du pays. Les récentes crises sociales, sanitaires et internationales nous rappellent que les affrontements politiques s’accompagnent toujours d’une bataille de l’info et de l’intox. C’est votre rôle que de garantir l’autonomie des rédactions, en éloignant de nos médias les puissances de l’argent afin d’assurer la crédibilité, la liberté, l’indépendance et la pluralité de l’information.

Pour jouer ce rôle, nous avions l’audiovisuel public, mais le changement de financement met en péril la garantie d’une information démocratique. Il suffira qu’un média apparaisse comme trop politisé pour que ses financements soient mis en danger, a fortiori lorsque le Gouvernement recourt aisément à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. L’autocensure risque de devenir un réflexe pour les programmateurs et les journalistes du service public, ce qui pose la question du rôle et de la liberté de l’audiovisuel public qui, en échappant aux logiques commerciales et à la satisfaction d’intérêts capitalistes, garantit la liberté, l’indépendance médiatique et donc la bonne marche de notre démocratie.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Le rayonnement d’un pays et d’une démocratie se mesure aussi à sa création culturelle, littéraire, musicale ou artistique, à ses acteurs audiovisuels, ses chaînes de télévision et ses radios, à l’existence d’une presse libre, indépendante et pluraliste : d’où l’importance des budgets que nous examinons ce soir. Ils prévoient, pour la mission Médias, livre et industries culturelles, 700 millions d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,4 %, avec des progressions de 6 % pour le programme Presse et médias et de 3 % pour le programme Livre et industries culturelles. Quant aux avances à l’audiovisuel public, elles représentent environ 3,815 milliards d’euros, après une baisse de 160 millions d’euros de la contribution à l’audiovisuel public depuis 2018, puis la suppression de cette contribution en juillet dernier.

La hausse a donc essentiellement pour objet de compenser les effets fiscaux induits, à savoir l’assujettissement à la taxe sur les salaires et la suppression de la déduction de la TVA pour Arte, l’INA et France Médias Monde : la hausse nette de 112 millions d’euros servira donc essentiellement à compenser les effets de l’inflation et le glissement de la masse salariale.

C’est une gageure que d’évoquer tant de sujets en moins de deux minutes. Ce sont d’abord France Télévisions, Radio France, Arte et France Médias Monde et un établissement public comme l’INA, véritable média patrimonial audiovisuel et acteur de la formation professionnelle avec son école, ainsi que TV5 Monde. C’est aussi l’AFP, dont les moyens ont été stabilisés à 135 millions d’euros, conformément au COM. Ce sont également les aides à la presse, indispensables, en augmentation de près de 9 %, dans le contexte de la réforme de la diffusion. Ce sont encore le soutien à France Messagerie, conforme au protocole validé par le tribunal de commerce, et l’augmentation destinée aux radios – car il n’existe plus de radio éligible qui émette en FM et en DAB +. Il faudrait, en outre, évoquer l’augmentation du soutien à la BNF, le portail de lecture accessible et l’augmentation des moyens du CNM et du CNL de 1 million d’euros en crédits de paiement.

Pour toutes ces raisons, compte tenu de l’importance de ces missions pour une politique culturelle digne de ce nom dans un paysage en proie à de profondes mutations, et compte tenu également de la nécessité de donner des moyens garantis et de la visibilité aux acteurs de l’audiovisuel public, au moins jusqu’en 2025, je voterai pour ces crédits.

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). L’audiovisuel public est aujourd’hui plus fort que jamais. France Télévisions et Radio France sont réaffirmées comme des acteurs incontournables, Arte est reconnue comme une figure d’information et d’instruction de qualité, France Médias Monde et TV5 Monde participent au rayonnement de la France. Si ces acteurs ont pu confirmer leur importance, c’est d’abord par l’engagement de leurs équipes et de leurs dirigeants. C’est, ensuite, par le soutien du Gouvernement, encore renforcé par le plan de relance, France 2030 et le budget pour 2023. C’est, enfin, grâce à une définition commune à l’État et à ses entités des priorités stratégiques dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens. Alors que ceux des années 2020 à 2022 ont été reconduits pour 2023, quelles sont les priorités nouvelles que le Gouvernement entend mettre au cœur des COM suivants ?

M. Inaki Echaniz (SOC). Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles sont en hausse de 4,4 % pour 2023. C’est une bonne chose pour ce secteur, qui souffre encore des conséquences de la crise de la covid-19 et pour qui le contexte inflationniste et la crise énergétique annoncent des surcoûts importants. Le CNM, en particulier, subit de fortes contraintes sur une partie de ses ressources, notamment celles provenant de la taxe sur les billetteries de spectacle. La trajectoire de renforcement de sa subvention doit être poursuivie, et nous appelons de nos vœux une grande concertation sur le financement de ce dernier, auquel devraient contribuer tous les acteurs concernés, comme les plateformes de streaming.

La hausse des avances à l’audiovisuel public est aussi bienvenue. Toutefois, elle ne comblera pas la forte baisse qu’ont connue les sociétés de ce secteur depuis 2017. Elle ne suffira pas non plus à combler les coûts induits par le contexte inflationniste et la crise énergétique. Pour la seule France Télévisions, cela représenterait en effet au minimum 65 millions d’euros. Cette mesure ne prévoit pas non plus de compenser les conséquences de la récente réforme impréparée du financement de l’audiovisuel public, marquée par la suppression de la redevance, qui a impliqué des coûts supplémentaires pour les sociétés, comme la taxe sur les salaires à laquelle elles sont désormais assujetties.

Madame la ministre, aviez-vous réellement anticipé cette aggravation de charges au moment de la réforme, que vous avez engagée en toute hâte et sans aucune étude d’impact ? Comment comptez-vous supporter ce coût ?

En outre, les évolutions budgétaires sont disparates. Alors que France Télévisions augmente de moins de 1 %, toutes les autres sociétés augmentent davantage, pour atteindre près de 10 % pour certaines. Comment expliquez-vous ces disparités et êtes-vous prête à revenir sur cette réforme hâtive qui met en péril l’audiovisuel public ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les députés du groupe Horizons et apparentés saluent un budget ambitieux, qui choisit d’augmenter en priorité ses aides à deux secteurs confrontés à de nombreux défis : la presse et l’audiovisuel public. Ce soutien renforcé sera essentiel pour permettre à nos médias nationaux ou locaux de surmonter la crise de l’information, qui est à la fois une crise de confiance et une crise des modèles économiques. Il sera également indispensable pour permettre à notre audiovisuel public de rester attractif et souverain, et de continuer à soutenir la création française face à la concurrence des géants du numérique étranger.

Je me réjouis des 3 millions d’euros supplémentaires dédiés à l’expression radiophonique locale et de l’aide particulière apportée aux quotidiens à faibles ressources publicitaires. Élu d’un territoire rural, je peux témoigner combien ces supports contribuent à la diversité, au pluralisme et à la confiance dans les médias de proximité. Ils sont des piliers essentiels des médias, particulièrement appréciés dans nos régions.

Enfin, je salue les efforts toujours aussi importants consentis en faveur de la lecture. Cette politique culturelle chère au groupe Horizons et à notre président Édouard Philippe, bénéficiera en 2023 d’une augmentation de 8 millions d’euros des crédits de paiement de la BNF. Surtout, l’année 2023 sera marquée par la création d’un portail national de la lecture accessible, qui permettra à 12 millions de personnes en situation de handicap d’accéder à des livres adaptés.

Dans l’ensemble, le budget de cette mission permet donc à de nombreux acteurs des médias, du livre et de l’audiovisuel de faire face aux défis actuels. Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront ces crédits.

Je conclurai en rappelant que le cinéma, déjà évoqué par mes collègues, rencontre d’importantes difficultés, et en espérant que vous répondrez à l’inquiétude des acteurs de ce secteur.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Madame la ministre, je vous ai alertée, dans ma précédente intervention, sur les difficultés que rencontrent les municipalités, et vous m’avez répondu, sous une forme qui s’apparentait à une attaque, qu’à Strasbourg, ville Écolo, le danger était réel. C’est vrai, et il faut discuter avec les maires pour s’efforcer de les convaincre, mais la plupart d’entre eux, s’ils sont tout à fait convaincus, ont du mal à agir en raison de la réalité budgétaire. Nous devons être solidaires en la matière, mais le Gouvernement n’a pas répondu à cette question majeure, alors que le danger particulier qui guette la culture est bien connu.

La mission Médias, livre et industries culturelles est un peu le parent pauvre de ce budget, avec une augmentation plus faible. Nous sommes inquiets pour les petits éditeurs et les labels de petite taille du livre et du vinyle. Les petites structures, qui contribuent beaucoup au rayonnement culturel français, sont en difficulté et il faut les aider davantage, car elles subissent de plein fouet la crise des matières premières et leurs moyens ne peuvent pas suivre ceux des structures majeures de leur secteur, d’où un déséquilibre. La musique est, comme le cinéma, en proie aux appétits des géants du streaming, ce qui crée des difficultés importantes.

Par ailleurs, je regrette que le recours par le Gouvernement à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ne nous ait pas permis de défendre plusieurs amendements que nous avions déposés au titre de la première partie du PLF en vue de renforcer les moyens du CNC et du CNM par le biais de deux taxes affectées. J’espère au moins que nous pourrons aller au bout de l’examen des crédits en dépenses.

Seules les aides à la presse augmentent au niveau de l’inflation. C’est insuffisant, au moment où la concentration des médias atteints des sommets. Ces aides devraient être plus abondantes et mieux ciblées pour sauvegarder la diversité médiatique et culturelle.

Quant à l’audiovisuel public, la pérennité de ses financements après 2025 est toujours dans le flou, les augmentations ne compensant pas totalement les effets de l’inflation, surtout après plusieurs années de forte baisse. Plus que jamais, donc, nous attendons les COM que vous avez annoncés et des solutions pérennes de financement qui garantiraient l’indépendance de ce secteur, ainsi que des mesures fortes pour renforcer les seuils antitrust ou la palette de sanctions contre les tentatives d’injonctions de la part de certains patrons de presse dans les rédactions.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). L’existence d’un grand groupe de service public de l’audiovisuel est un pilier essentiel d’une vraie démocratie. Face à l’arrivée des nouveaux acteurs privés, en particulier des géants du streaming, il est crucial d’octroyer à l’audiovisuel public les moyens d’être une alternative réelle en relevant les défis technologiques et en soutenant la création audiovisuelle et cinématographique.

Vous avez déjà porté, cet été, un coup d’une extrême gravité à l’audiovisuel public en substituant au financement par la redevance une fiscalité qui ne garantit nullement son indépendance, en particulier à compter du 31 décembre 2024, date à laquelle, comme l’a souligné le Conseil constitutionnel, nous ne serons plus en mesure d’affecter à son financement une part de TVA.

Ce n’est malheureusement pas le premier coup de boutoir que France Télévisions ou Radio France ont eu à subir ces dernières années. Je souscris, à cet égard, au diagnostic posé par Delphine Ernotte, pour qui le groupe France Télévisions est en plan social depuis dix ans, avec un sous-financement chronique dont nous devons la paternité à Nicolas Sarkozy, les promesses de l’État ne compensant que le temps que durent les roses la perte des recettes publicitaires, qui a privé le service public de 450 millions d’euros. Loin d’interrompre cette tendance, le premier quinquennat du président Macron fut une terrible cure d’austérité, que la stabilisation proposée aujourd’hui ne compense nullement.

La société du savoir, de l’information et de l’intelligence dont on nous a rebattu les oreilles ne se fera pas en livrant nos écrans à l’appétit dévorant des Gafam et des géants du streaming. Elle dépendra aussi, comme pour nos voisins allemands et britanniques, de notre capacité à donner aux outils remarquables qui sont encore entre nos mains les moyens de répondre à la promesse républicaine : informer, cultiver et divertir. C’est donc d’un tout autre budget que nous avons besoin.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Si mon groupe salue l’augmentation des crédits destinés à nos médias et industries culturelles, l’extinction des aides exceptionnelles au Centre national de la musique, alors même que son niveau de ressources non budgétaires est très inférieur aux attentes, nous interroge. De nouvelles sources de financement pérennes doivent être trouvées pour que le CNM remplisse parfaitement ses missions. Notre groupe est d’ailleurs favorable à la création d’une taxe de 1,5 % sur le streaming musical. Pourquoi ne pas proposer de nouvelles pistes dès aujourd’hui ?

Par ailleurs, des inégalités territoriales subsistent en matière d’accès aux bibliothèques. Cela reste un sujet d’actualité, et les territoires encore dépourvus de tels équipements doivent être notre priorité.

Enfin, une inquiétude demeure à propos du livre. La hausse des coûts de transport et des matières premières met notamment en péril la continuité territoriale avec les territoires ultramarins.

Je ne peux passer sous silence l’incertitude qui frappe l’audiovisuel public. Notre groupe déplore ainsi la suppression de la redevance audiovisuelle, réforme qui aurait dû faire l’objet d’un débat spécifique et approfondi autour d’un texte consacré à cette question et porteur d’une vision ambitieuse pour notre audiovisuel. Qu’adviendra-t-il après 2024 ? L’affectation d’une part de la TVA n’est pas une solution satisfaisante. Nous devons impérativement réfléchir à de nouvelles formes de financement qui assurent l’indépendance de l’audiovisuel public et sa stabilité, ainsi que la transparence et la pérennité de ses ressources.

Pour l’heure, et en attendant peut-être des amendements pertinents, ce budget scelle pour nous une incertitude et confirme la politique de réduction des effectifs menée depuis quelques années. Nous le regrettons.

Mme Violette Spillebout (RE). L’État continue à soutenir les acteurs culturels, comme il a su le faire pendant la crise, et je salue l’augmentation historique de 4,4 % dont bénéficient les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Tout d’abord, nous sommes très attentifs au soutien apporté à la presse et à l’accès à une information plurielle, fiable et indépendante. Ensuite, pour ce qui concerne le livre et la lecture, l’année 2023 sera principalement marquée par la reconquête des publics par les bibliothèques. Nous nous en réjouissons. Enfin, dans le secteur des industries culturelles et créatives, en particulier celui de la musique enregistrée, 2023 sera une étape décisive dans la transition du Centre national de la musique. Nous voulons qu’elle soit aussi une année de rebond pour toutes les petites structures fragilisées par la crise.

Quant au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public, après la suppression de la CAP, ou contribution à l’audiovisuel public, ses recettes seront désormais alimentées par une affectation de TVA correspondant au niveau de dépenses prévu par la trajectoire financière de l’audiovisuel public. Je saisis cette occasion pour souligner le remarquable travail effectué par notre rapporteure Fabienne Colboc.

Ce budget est ambitieux pour notre audiovisuel public, nos industries culturelles et notre politique en faveur du livre. Cette année, en particulier, l’enjeu de la souveraineté est majeur. Pour reprendre les mots de notre ministre, continuons de rêver de voir plus de personnages français dans les jeux vidéo, plus de films et de séries français sur Netflix, une plateforme multilingue d’Arte diffusée dans toute l’Europe et une visite du Louvre ou du Mont-Saint-Michel dans le métavers depuis Tokyo, Beyrouth ou Lima !

En 2023, ces objectifs et ces engagements prendront corps grâce à un budget du ministère de la culture historiquement haut. Le groupe Renaissance votera donc les crédits accordés à la mission Médias, livre et industries culturelles et au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Quentin Bataillon (RE). Une bonne note, tout d’abord : Céline Calvez, Emmanuel Pellerin et moi-même étions lundi au salon professionnel du Mipcom, le marché international des contenus audiovisuels organisé par l’entreprise RX France. Malgré les inquiétudes qui s’expriment, dans nos territoires comme à Paris, à propos des salles de cinéma, tous les acteurs du secteur, qu’il s’agisse des producteurs, des distributeurs ou des diffuseurs, sont très optimistes quant à l’avenir des contenus français, notamment des séries. Ce secteur est en pleine effervescence et ce soft power est essentiel. Toutes les actions engagées au titre de France 2030 en termes de formation, particulièrement pour les studios, l’ont été au bon moment et suscitent beaucoup d’optimisme. Félicitations !

Ensuite, une question : les contrats d’objectifs et de moyens, sur lesquels reposent les crédits que nous votons, sont-ils un outil performant ? Quand notre commission connaîtra-t-elle l’avenant qui prolonge d’une année les contrats actuels ? Enfin, réfléchissez-vous à une extension de la durée de ces COM, qui pourrait par exemple porter cette durée à cinq ans ?

M. Alexandre Loubet (RN). Les salles de cinéma et les plateformes telles que Netflix ou Amazon Prime se font souvent les relais d’un soft power qui vise à valoriser certains pays anglo-saxons par le biais de contenus audiovisuels. J’en veux pour exemple la multitude de films et de séries qui célèbrent l’histoire et les héros des États-Unis ou du Royaume-Uni.

Le cinéma français reçoit chaque année, y compris dans le projet de budget pour 2023, environ 800 millions d’euros de dépenses publiques ou de crédits d’impôt, sans compter les nombreuses aides en provenance de France Relance et France 2030, du programme Médias ou d’autres acteurs publics. Or nos impôts subventionnent des programmes qui se résument trop souvent à des fictions, voire à des contenus imprégnés d’idéologie de repentance. Pourtant, les épisodes glorieux de notre histoire ne manquent pas, de Jeanne d’Arc à la France libre, en passant par les épopées napoléoniennes, le siècle des Lumières ou les réussites scientifiques et techniques nationales, par exemple. Dans la guerre d’image et d’influence qu’implique la mondialisation, pourquoi ne pas nous défendre – par exemple en conditionnant une enveloppe d’aide publique à la création de contenus audiovisuels participant au rayonnement de la France, notamment par la promotion de notre histoire ?

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Madame la ministre, vous avez supprimé la contribution à l’audiovisuel public en la remplaçant par une fraction de la TVA pour 2023-2024. Avec le ministre des finances, M. Le Maire, et les députés qui soutiennent Emmanuel Macron, vous avez refusé – à l’image de la position des États-Unis de Donald Trump – d’adosser cette contribution à un renforcement de 3 % à 15 % du taux de l’impôt sur les Gafam, ces géants du numérique qui concurrencent si fortement notre audiovisuel alors qu’ils pourraient contribuer à lui donner les moyens d’accomplir ses missions.

Le Gouvernement compte-t-il pérenniser au-delà de 2024 ce financement de l’audiovisuel public par l’affectation d’une part de TVA déterminée à chaque loi de finances, comme c’est le cas pour la taxe d’habitation ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). En tant que présidente, sous la dernière législature, du groupe d’études sur le livre et l’économie du livre et du papier, je souligne l’effort budgétaire particulier consacré à la lecture, avec une hausse de 1,55 million d’euros. Consacrée grande cause nationale en 2021, la lecture mérite toute notre attention, au vu des bénéfices, qui ne sont plus à démontrer, liés à sa pratique. Elle est évidemment un levier très puissant de renforcement de l’égalité des chances. Je suis sensible à toutes les actions qui permettront de maintenir un réseau de librairies, de bibliothèques et de maisons d’édition, de soutenir les manifestations littéraires et de déployer des quarts d’heure de lecture dans les écoles et les entreprises partantes.

Une réflexion est en cours au ministère à propos du crédit d’impôt pour un premier abonnement de presse, et un récent amendement a posé la question de son rendement. Ce crédit d’impôt constitue toutefois une incitation à la lecture, et à la lecture de la presse. Nous serons donc attentifs aux conclusions de ce travail.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Madame la ministre, vous défendez un budget essentiel pour la vie de la nation et pour sa cohésion. Je me réjouis qu’il soit en hausse, qu’il favorise le soutien à la création, aux structures et aux artistes, et qu’il prépare l’avenir.

En ce moment, en Vendée, à la Roche-sur-Yon, se déroule le Festival international du film : près de 110 films sont proposés en une semaine et plus de 20 000 festivaliers et cinéphiles profitent de premières internationales et françaises, ainsi que de projections d’hommages. C’est le symbole d’un cinéma vivant, qui attire et qui sait s’adapter. C’est un peu de sourire dans un temps de difficultés où, à l’échelle nationale, près de 30 % des spectateurs ne sont pas revenus dans les salles et où la profession sonne l’alarme.

Quels sont les réponses budgétaires et l’accompagnement proposés par votre ministère à ce titre ? Quelles priorités fixez-vous au CNC, avec une enveloppe qui augmente ? Enfin, souhaitez-vous faire à nouveau évoluer la chronologie des médias ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis Ballard, merci de saluer le résultat des efforts conjoints que nous avons réalisés avec nos voisins dans le cadre de l’Union européenne. En effet, la directive relative aux droits voisins, d’une portée historique, a été défendue par la France et, grâce à la décision de l’Autorité de la concurrence et à la sanction qui a obligé Google à négocier, nous avons pu – assez rapidement, somme toute, car nous partions de très loin – avancer dans les négociations entre Google et les éditeurs de presse au titre des droits voisins. Il faut sans doute encore aller plus loin, mais l’évolution obtenue est vraiment historique.

Sans reprendre les chiffres que vous avez cités, je me contenterai de mentionner le plan de soutien à la filière presse assez ambitieux déployé dans le cadre du plan de relance, pour un montant de 377 millions d’euros, dont nous retirons aujourd’hui encore des fruits en matière de transition écologique comme de transition numérique. Nous avons accompagné toutes les mutations de cette filière, indispensable pour l’accès à l’information, le pluralisme et la survie de nos démocraties.

Madame la rapporteure pour avis Fabienne Colboc, je vous remercie de ce rapport très précis et très complet. Vous avez évoqué les spécificités de chaque entreprise de l’audiovisuel public et plusieurs questions ont été posées sur la répartition des augmentations dans le total atteint 114 millions d’euros. France Télévisions bénéficiera ainsi d’une augmentation de plus de 23,7 millions d’euros, Arte France de 24,8 millions, avec une prolongation de deux ans du contrat d’objectifs et de moyens pour en aligner le calendrier avec celui de l’Allemagne. L’augmentation sera de 34,6 millions d’euros pour Radio France, de 25,2 millions d’euros pour France Médias Monde, de 3,9 millions d’euros pour l’INA et de 2,2 millions d’euros pour TV5 Monde. Ces montants ont été déterminés par l’État sur la base de projections produites par les entreprises et discutées avec ces dernières.

Merci d’avoir rappelé les missions de service public qui doivent guider ces contrats d’objectifs et de moyens pour les années qui viennent. Ce qui fait, en effet, la différence du service public, ce sont ces programmes d’information approfondis, ces documentaires et enquêtes, la vérification constante de l’information, les programmes destinés à la jeunesse, la place faite au sport, en particulier au sport féminin et à tous les sports dans toute leur diversité. Ce sont aussi des programmes éducatifs sans équivalent et la place de l’outre-mer, avec le pacte pour la visibilité. Je pourrais en dire encore beaucoup plus, mais vous avez très bien résumé toutes ces missions.

Monsieur le rapporteur spécial Masséglia, la réforme de la distribution de la presse occupe principalement notre budget pour 2023, car elle résulte d’une large concertation et d’un rapport de M. Giannesini qui a fait consensus dans la filière. Nous sommes au rendez-vous de cette réforme.

Merci d’avoir cité la BnF, dont le bâtiment est bien l’une des passoires thermiques que j’évoquais tout à l’heure.

Quant au financement du CNM, j’ai déjà répondu.

La question du coût du papier pour la presse relève davantage du ministre de l’économie, avec lequel vous avez déjà eu l’occasion d’échanger.

Par ailleurs, ces entreprises bénéficient de dispositifs transversaux, en réponse à l’augmentation de leur facture de gaz et d’électricité. Tous les éditeurs de presse peuvent avoir accès aux prêts spécifiques instaurés au titre du bouclier tarifaire, et je n’y reviens donc pas.

Madame la rapporteure spéciale Le Grip, pour ce qui est de la répartition des crédits entre les entreprises, j’ai déjà répondu, mais on pourra vous donner ultérieurement de plus amples détails si vous le souhaitez.

Les avenants aux COM seront prêts probablement d’ici à trois semaines, et ils procéderont à des ajustements marginaux. Je souhaite que les futurs COM soient conclus pour une durée de cinq ans, de manière à donner une meilleure visibilité aux opérateurs, et que nous travaillions durant la période d’un an ouverte par l’avenant sur leurs grands objectifs et missions. J’ai d’ailleurs invité un grand nombre d’entre vous à échanger avec moi sur le sujet. Nous continuerons à discuter ensemble de la trajectoire du financement de l’audiovisuel public dans les prochaines années.

Madame Parmentier, la baisse des autorisations d’engagement pour le livre s’explique tout simplement par la fin des travaux sur le site Richelieu de la BnF. Ça y est, nous sommes arrivés au bout de ce chantier colossal qui a duré dix ans ! La BnF Richelieu a ouvert au public, elle est magnifique. Pour le reste, les crédits pour le livre augmentent, de même que ceux pour la presse et les médias, tout simplement parce que nous croyons au pluralisme de la presse, tout comme nous croyons au rôle des radios associatives locales et à la nécessité que chacun puisse accéder à la presse au plus près de chez lui, partout sur le territoire – d’où la réforme du transport.

Quant à la nécessité de disposer d’un audiovisuel public, je répondrai brièvement, sinon nous serons encore là à 2 heures du matin ! Je pense qu’il y a un consensus dans cette salle sur la nécessité de financer de telles missions. Par exemple, vous qui êtes si attentive à la production française, vous savez très bien que les chaînes privées diffusent en majorité des fictions qui ne sont pas françaises – de l’ordre de 80 % à 90 % de fiction non européennes pour M6. Grâce à France Télévisions, ce sont 500 millions d’euros qui sont injectés dans la production de films et de séries françaises et européennes ; Arte est elle aussi très active dans ce domaine. Sur France Télévisions, la fiction est à 90 % française ou européenne. Voilà un exemple parmi d’autres de la nécessité d’avoir un audiovisuel public.

S’agissant des concentrations dans la presse, il faut prendre un peu de recul sur le plan historique. Il y a quarante ans, c’était pire, puisque le groupe Hersant contrôlait à lui tout seul 40 % des titres de presse. Aujourd’hui, les dix plus gros éditeurs ne représentent que 30 % des tirages. Ce qui s’est passé en réalité, c’est une diversification de la filière et une moindre concentration. Cela ne signifie pas que nous ne soyons pas attentifs aux risques de concentration. Notre rôle, au ministère de la culture, est précisément de soutenir le pluralisme et l’indépendance des médias, la diversité éditoriale, la diversité des formes de structure, l’émergence de médias indépendants. Il existe, par exemple, depuis quelques années un fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité, un fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse, des aides au pluralisme renforcées pour les titres ultramarins, etc. La bataille de l’information est un sujet important, et vous avez raison d’insister sur ce point, madame Amiot.

Pour ce qui concerne le cinéma, je pense avoir largement abordé le sujet tout à l’heure mais je pourrai y revenir au besoin.

Merci d’avoir salué le travail des équipes de l’audiovisuel public et d’avoir parlé de l’INA. Nous avons besoin aussi de nous replonger dans l’histoire et d’avoir à notre disposition ce média patrimonial, acteur de la formation, toujours prêt à nous confronter au passé grâce à ses archives.

Le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales, j’y tiens moi aussi beaucoup, madame Taillé-Polian. Néanmoins, notre rôle n’est pas de nous substituer aux collectivités pour soutenir les musées et les théâtres municipaux, ou tout autre lieu géré directement par elles. La libre administration des collectivités territoriales est un principe fondamental et il s’agit de leurs équipes et de leurs agents. Notre présence s’affirme plutôt à travers les labels et les structures subventionnées, comme, dans le domaine du spectacle vivant, les scènes nationales, les centres chorégraphiques nationaux, les centres dramatiques nationaux ou les scènes de musiques actuelles (Smac). Toutes ces structures sont soutenues par l’État et par les collectivités territoriales dans le cadre de conventions de partenariat. Nous en discutons en amont et quand certaines collectivités décident de retirer des crédits, comme c’est le cas de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui me préoccupe beaucoup en ce moment, nous examinons comment faire pour remédier à la situation. Nous avons ainsi apporté une aide exceptionnelle à la Villa Gillet, à Lyon, qui est un lieu indispensable pour la diffusion de la littérature un peu partout dans la région. Pour ce qui nous concerne, nous n’avons réduit les subventions d’aucune structure, bien au contraire, nous les augmentons en cas de difficulté liée au retrait des collectivités. Mais, je le répète, nous ne pouvons pas nous substituer à celles-ci pour soutenir les équipements qui sont en régie directe.

Vous avez été plusieurs à parler des géants du streaming et de l’hégémonie de ces plateformes américaines que sont Netflix, Amazon, Disney + et, bientôt, HBO. Cela me donne l’occasion d’évoquer un combat européen, celui qui a abouti à la directive « Services de médias audiovisuels ». Nous avons été l’un des premiers à la transposer, et nous l’avons fait de manière ambitieuse puisque le décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (Smad) prévoit qu’au moins 20 % du chiffre d’affaires réalisé en France par les plateformes doit être investi dans la production française et européenne. Cela permettra qu’un plus grand nombre de séries et de films français soient proposés par ces plateformes, qui sont de plus en plus regardées par nos concitoyens et dans le monde entier. Quand une série comme Lupin rencontre le succès dans le monde entier, quand Dix pour cent, série produite par France Télévisions, est traduite et diffusée partout dans le monde, c’est aussi l’image de la France, celle des scénaristes français, celle des histoires françaises qui sont valorisées. Je discutais récemment avec le ministre espagnol de la culture : la transposition de la directive européenne par l’Espagne est bien moins ambitieuse, puisque ce n’est que 3,5 % du chiffre d’affaires des plateformes qui doit être investi dans la production espagnole.

Nous avons ouvert, le 4 octobre, un cycle de négociations sur la chronologie des médias. Elle avait déjà changé en janvier pour une période de trois ans, mais l’accélération de la transformation du paysage audiovisuel, le développement des plateformes et la décision de certaines d’entre elles, comme Disney + de ne pas sortir certains films en salles, nous amènent à reprendre les discussions et à examiner comment on pourrait faire évoluer cette chronologie plus rapidement que prévu, tout en préservant la fenêtre des salles de cinéma. Notre pays dispose d’un tissu très dense sur son territoire, le deuxième au monde, avec un écran pour 10 000 habitants. Nous devons protéger ce qui est à la fois une richesse économique et une source de vie dans les territoires.

Enfin, merci à tous d’avoir parlé de la lecture. Il ne nous reste plus qu’à rêver de culture cette nuit !

Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, nous nous retrouverons demain pour examiner les amendements relatifs aux missions Culture, Médias, livre et industries culturelles, ainsi qu’au compte spécial Avances à l’audiovisuel public.


II.   Examen des crédits

Lors de sa réunion du jeudi 20 octobre 2022 à 14 heures 30 ([41]), la commission examine pour avis les amendements sur la mission Médias, livre et industries culturelles du projet de loi de finances 2023 (n° 273  seconde partie) (M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis).

Article 27 et État B

Amendement II-AC71 de Mme Ségolène Amiot.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement proposé par le Syndicat des musiques actuelles, le groupe de la France Insoumise – NUPES souhaite créer un fonds de financement transitoire de 20 millions d’euros à destination du Centre national de la musique (CNM). Dans le domaine de la musique et des variétés, la crise sanitaire a eu pour conséquence l’arrêt de tout ou partie de l’activité depuis le 16 mars 2020. En complément des mesures transversales de l’État, un fonds de relance a pu soutenir des investissements dans le domaine de la production phonographique, et ce jusqu’en 2022. En l’absence de ce plan de relance et suite à la baisse de 20 à 25 % de la fréquentation dans le secteur du spectacle vivant, l’année 2023 risque d’être dévastatrice pour de nombreuses structures. Les salles de spectacles sont encore pleinement touchées par les effets de la crise sanitaire, et leur moindre fréquentation a un impact sur le financement du CNM, dont une partie repose sur le produit de la taxe sur la billetterie des spectacles musicaux et de variété. Par ailleurs, dans la mesure où les discussions en cours sur une taxe permettant de modifier le financement du CNM n’aboutiront pas pour l’année à venir, nous pensons nécessaire de mettre en place ce fonds exceptionnel pour le CNM.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le CNM dispose de trois sources de financement, dont deux ont déjà été profondément altérées ces dernières années. Il devrait être en mesure d’utiliser les reliquats des crédits obtenus dans le cadre du plan de relance pour assurer ses missions en 2023, tandis qu’une source de financement complémentaire devra être trouvée au plus tard pour 2024. Il s’agira de ne pas tomber dans la facilité de créer une nouvelle taxe qui se répercuterait sur les particuliers, surtout dans ce contexte d’inflation. La taxation des services de streaming musical ne doit pas conduire à freiner l’expansion des plateformes européennes. Le sénateur Julien Bargeton va être nommé parlementaire en mission par la ministre de la Culture pour trouver une solution à la question du soutien financier à la filière musicale. Nous pourrons tenir compte du rapport qu’il remettra à la fin du premier trimestre 2023 lors du prochain projet de loi de finances.

Avis défavorable.

M. Quentin Bataillon (RE). Nous partageons totalement votre vigilance sur le budget 2023 du CNM. La majorité présidentielle fait confiance au ministère de la Culture quant aux crédits budgétisés cette année, ainsi qu’à la bonne gestion du CNM et du reliquat de plusieurs millions d’euros qu’il lui reste également pour 2023. Nous accompagnerons la mission confiée au sénateur Bargeton pour trouver un nouveau financement pérenne, qui ne sera pas une taxe pesant directement sur les consommateurs, mais plutôt sur les acteurs de la filière. Notre commission prendra toute sa part à cette réflexion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC154 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez (RE). Cet amendement consiste à prélever les crédits supplémentaires qu’il est proposé d’allouer aux aides à la presse sur les exercices 2022 et 2023 et de les déplacer vers le programme Livre et industries culturelles. Il s’agit d’un amendement d’appel, par lequel j’attire votre attention sur le nécessaire soutien accru à la presse, qui ne doit toutefois pas demeurer inconditionnel quant à la responsabilité sociétale de la presse. Il s’agirait en effet de conditionner cette aide aux questions d’égalité entre les femmes et les hommes, dans le sens où elle ferait l’objet de bonus ou de malus en fonction des avancées dans ce domaine. Il ne s’agit pas d’aller à l’encontre de la liberté éditoriale, mais de s’assurer que des objectifs de moyens sont instaurés pour garantir une plus grande place aux femmes dans l’organisation de ces organes de presse, pour plus d’égalité.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je souhaite que les prochains États généraux du droit à l’information aboutissent à une refonte des aides à la presse. Le secteur bénéficie d’une pléthore d’aides, fruit de l’histoire et de la succession des transformations que le secteur a dû traverser, lesquelles ne sont pas terminées. Je suis favorable à la conditionnalité des aides, mais sans se focaliser sur l’égalité femme-homme. Revoyons plutôt les contreparties et les outils de contrôle dans leur ensemble.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC18 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Nous ne comprenons pas pourquoi le fonds répartissant le budget pour les radios associatives est en hausse alors même que nous ne disposons d’aucun véritable bilan de ces radios depuis des années. Nous appelons donc à la vigilance, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) ayant lui-même affirmé que les écoutes de contrôle semblaient aléatoires. Par cet amendement, nous appelons de nos vœux des contrôles sur les radios associatives, notamment pour vérifier que les propos tenus à l’antenne respectent la loi.

Avis favorable.

M. Karl Olive (RE). Je corrobore les propos du rapporteur, en précisant néanmoins que ces radios associatives restent un fondement de l’information locale de proximité que l’on peut trouver sur nos territoires. Il s’agirait donc de les encadrer via des conventions d’objectifs et de moyens, et de compléter les aides nationales par des subventions départementales et régionales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC27 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Cette action finance à hauteur de 1,6 million d’euros la radio franco-marocaine Médi1, détenue à 86 % par des acteurs marocains et à 14 % par la France. Longtemps acteur radiophonique majeur au Maroc, Médi1 a vu son audience chuter depuis quelques années, passant de la deuxième à la septième place. La direction de la radio reconnaît elle-même qu’elle est définitivement à la dérive. Au vu du contrôle inexistant de cette radio, nous ne comprenons pas que l’État français continue de la financer à hauteur de 1,6 million d’euros. 

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC29 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Dans un contexte de saturation de la bande FM, et sous l’impulsion du Conseil supérieur de l’audiovisuel devenu l’Arcom, de nombreuses radios se sont tournées vers le nouveau mode de diffusion DAB+. Après de longues années au cours desquelles la diffusion était uniquement analogique via la bande FM, l’avenir de la radio hertzienne se trouve aujourd’hui dans le DAB+, qui offre des opportunités de développement importantes et qui a vocation à devenir la nouvelle norme pour les radios. Cette norme numérique couvrira près de 50 % de nos concitoyens à la fin de l’année 2022 et est présente sur toutes les voitures neuves depuis plus d’un an. Ces coûts ne peuvent être supportés par les seuls éditeurs radiophoniques et doivent, au nom d’un enjeu de souveraineté, de numérisation de ce média et de maintien de son pluralisme, être en partie accompagnés par les pouvoirs publics.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC72 de M. Alexis Corbière.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous tenons à dénoncer le système actuel des aides à la presse qui ne garantit aucunement le pluralisme indispensable au fonctionnement de notre démocratie. Les mouvements de concentration des médias ne font qu’accélérer ces dernières années. Le plus célèbre cas est celui de l’empire de M. Bolloré, qui détient le groupe Canal+ (avec C8, CNews et CStar) via Vivendi. D’autres riches patrons ne sont pas en reste : M. Bernard Arnault, la famille Dassault, M. Xavier Niel, etc. Les médias semblent être le nouveau passe-temps des ultra-riches. En novembre 2021, la commission d’enquête sur la concentration des médias du Sénat mettait en garde sur la menace que ce phénomène fait peser sur l’équilibre économique du secteur, la crédibilité de l’information et le pluralisme. D’ailleurs, les aides à la presse contribuent plus à la concentration qu’au pluralisme. En 2021, les médias détenus par Bernard Arnault sont les plus gâtés, suivis des médias de Xavier Niel, du groupe Dassault, de Patrick Drahi et de Lagardère. Il n’est pas nouveau que les aides publiques à la presse aillent aux plus riches, mais il est temps de tourner la page et de proposer un véritable système de financement de médias indépendants.

Mme Fabienne Colboc (RE). Le Gouvernement lancera prochainement les États généraux du droit à l’information pour évoquer l’ensemble des enjeux liés à la presse, aux médias, à l’information, au métier de journaliste, et les aides à la presse feront nécessairement l’objet d’un débat. Si une réforme de ces aides est demandée depuis plusieurs années, il convient de l’étudier avec précision, tant elle pourrait bouleverser le soutien apporté à de nombreux organes de presse fragilisés par la baisse des achats de journaux au format papier et la hausse des coûts. Notre avis sera défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous nous réjouissons de savoir que cette question sera abordée lors des États généraux du droit à l’information. Nous participerons naturellement au débat, et nous mettrons prochainement à l’ordre du jour une proposition de loi de lutte contre la concentration dans le monde des médias et de l’industrie culturelle, qui vous permettra de lutter avec nous contre ce phénomène.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Comme nous l’avons exprimé sur l’amendement de Mme Calvez, nous en appelons à une réforme des aides à la presse afin de remettre à plat le système, qui a aussi ses vertus, sachant que le secteur coulerait sans elles.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC73 de Mme Ségolène Amiot.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cet amendement prévoit la création d’un Conseil de déontologie des médias dont la composition reflèterait la diversité des citoyens, usagers et professionnels des médias. La légitimité citoyenne de ses avis serait indéniable, puisqu’un sondage Harris Interactive de juillet 2021 montre que 73 % des Français sont favorables à cette proposition. Il en va de la démocratie de notre pays, mais aussi de la défense des éditions indépendantes, sachant que l’indépendance s’est progressivement réduite au bénéfice de la concentration au sein de grands groupes.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Dans le sondage que le Cevipof publie chaque année sur la confiance des citoyens dans les différentes institutions, les médias arrivent en avant-dernière position, avant le personnel politique. Ce problème de défiance entre le public et les médias est manifeste. Pour autant, le secteur est contrôlé et encadré par différentes lois, et créer un contre-pouvoir citoyen aux contours flous ne me semble pas opportun.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC74 de Mme Ségolène Amiot.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). La question climatique est centrale pour notre avenir, comme en témoignent encore les canicules, sécheresses et incendies de cet été. Or son traitement médiatique n’est pas à la hauteur, ce que montre par exemple le peu d’écho donné au dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Sans doute n’est-il pas paru au bon moment, et nous ne faisons pas ici le procès des médias, qui parlent parfois du climat. Il nous semble donc nécessaire, via cet amendement d’appel, de mieux travailler sur cette question et que l’Arcom soit garante de l’exemplarité, tant au plan quantitatif que qualitatif, dans la mesure où les scientifiques peinent à présenter leurs résultats dans leurs nuances, puisque cela ne correspond pas au temps médiatique.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Beaucoup d’actions sont déjà mises en œuvre dans ce domaine, que ce soit sur les médias publics ou privés.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC75 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons d’instaurer la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales, conformément au Manifeste de l’Unesco sur la bibliothèque publique de 1994 qui affirme que « les services de la bibliothèque publique sont en principe gratuits ». L’examen d’une proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique en octobre 2021 a réaffirmé le fait que les bibliothèques avaient « pour missions de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs ». Mais cette proposition de loi ne l’a pas concrètement mise en œuvre, puisque la gratuité des prêts de livres n’est toujours pas instaurée. L’Association des bibliothécaires de France (ABF) défend pourtant depuis des années la gratuité des prêts, le système d’inscription forfaitaire pouvant dissuader ou freiner l’usage de la bibliothèque pour une partie du public. Dans la mesure où M. Emmanuel Macron annonçait en juin 2021 que la lecture serait « la grande cause de l’année 2022 », il semblerait logique que cet amendement recueille un avis unanimement favorable.

Mme Fabienne Colboc (RE). Cette décision appartient aux communes et intercommunalités. En 2020, plus d’une bibliothèque sur deux pratiquait déjà la gratuité de prêts à domicile. L’ouverture des bibliothèques le dimanche ou encore l’accès aux médiathèques pour d’autres supports que le livre ont également été mis en avant. Les choses vont dans le bon sens, et nous espérons parvenir à 100 % de gratuité.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Eu égard aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, il nous semble important que le budget national les appuie via un fonds de soutien en cas de difficultés financières à mettre en place la gratuité en bibliothèque.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je ne suis pas certain que l’absolue gratuité aide les Français à se rendre compte que l’information, la création littéraire et artistique ont un coût et que la propriété littéraire et artistique se respecte. Le droit d’auteur et les droits voisins sont suffisamment malmenés par les plateformes étrangères pour ne pas aller dans leur sens. Cette prise de conscience passe aussi par une contribution, même symbolique, pour l’accès aux bibliothèques.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC78 de M. Alexis Corbière.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Cet amendement vise à défendre les effectifs de la Bibliothèque nationale de France (BnF). En mai 2022, plus de quatre semaines de mobilisation ont eu lieu pour dénoncer l’austérité et les 300 postes perdus sur la dernière décennie – dont 120 emplois supprimés au magasinage en douze ans, soit 25 % de l’effectif initial. Cette crise à la BnF est un symbole du démantèlement du service public. Nous proposons donc d’abonder son budget pour éviter toute perte d’emploi, sachant que le projet de loi de finances pour 2023 ne prévoit pour l’instant aucune augmentation en équivalents temps plein (ETP), ce qui n’est évidemment pas un bon signe.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. La question de la précarité est importante. Permettez-moi de défendre le projet de la BnF, qui est confrontée à un problème de gestion du personnel, avec des plages horaires extensibles ou rétractables qui ne facilitent pas le recrutement. L’idée est de ne plus recruter sur des contrats à durée indéterminée (CDI), qui précarisent, mais plutôt de recruter sur des contrats à durée déterminée (CDD), renouvelables une fois, ciblant des étudiants, avec des horaires parfaitement compatibles avec leur disponibilité et leurs études.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Nous devons certes examiner le projet de la BnF, mais il est surprenant de vouloir diminuer la précarité en passant de CDI à des CDD étudiants.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il s’agit de CDI à temps très partiel. Cette idée de proposer des CDD de deux ou trois ans, dans le respect des règles, mérite d’être entendue et examinée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC79 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous nous proposons de créer un fonds de soutien pour relocaliser les salles de cinéma en centre-ville. C’est aussi l’occasion d’interroger le modèle des multiplexes cinématographiques, schéma d’urbanisme d’un autre siècle, qui ont fleuri sur les zones industrielles et commerciales en périphérie des villes, et qui se sont parfois transformés en temple de la consommation, en totale inadéquation avec les enjeux écologiques et la nécessaire revitalisation de nos centres urbains. Selon une étude de The Shift Project, 28 % de l’empreinte carbone de l’audiovisuel proviendrait du déplacement des spectateurs, qui serait également à l’origine de 78 % des émissions associées au simple fonctionnement d’une salle de cinéma. Parallèlement, chacun peut constater la nécessité de revitaliser les centres-villes et d’éviter l’étalement géographique, qui n’est pas sans conséquence en termes écologiques et d’accès au réseau et au bien commun, étant précisé que le cinéma fait partie de ce bien commun. Il conviendrait donc d’engager un plan de relocalisation du cinéma et de développement des petites salles en centre-ville urbain.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Avis favorable.

Mme Fabienne Colboc (RE). Cette proposition existe déjà au titre des actions Cœur de ville, grâce auxquelles certains centres-villes historiques peuvent accueillir des salles supplémentaires, ce qui est d’ailleurs le cas dans ma ville de Chinon. Je pense donc que nous pouvons déjà trouver les moyens d’agir en ce sens via les dispositifs existants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC80 de Mme Sarah Legrain.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons la création d’un Centre national du jeu vidéo qui s’affranchisse du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), dans la mesure où le jeu vidéo est devenu un art à part entière avec ses techniques et ses technologies propres. Aujourd’hui, les jeux vidéo influencent la production audiovisuelle, y compris télévisuelle, et différentes techniques qui en sont issues sont de nature à influencer la production cinématographique française. Il est donc temps de sortir de cette tutelle, qui était jadis nécessaire et fondatrice, mais qui est aujourd’hui dépassée, que ce soit par rapport à l’économie ou par rapport à la production culturelle émanant des jeux vidéo, en France comme à l’international. D’ailleurs, de nombreux Français sont appelés à travailler dans des entreprises cinématographiques à l’étranger parce que notre pays produit énormément de techniciens et de créateurs de très haut niveau.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Tout ceci est vrai, mais le CNC soutient déjà ce secteur via le Fonds d’aide au jeu vidéo (FAJV), qui soutient la création. Les aides sélectives sont destinées à accompagner les auteurs et les entreprises de création sur toutes les phases de réalisation d’un jeu : écriture, pré-production et production. Je ne suis pas favorable à cet amendement, qui s’appuierait sur une nouvelle taxe sur la vente des jeux vidéo.

Avis défavorable.

Mme Céline Calvez (RE). En plus d’avoir un poids économique très fort pour la France, le jeu vidéo est un art total. Son positionnement au sein du CNC avec le FAJV me paraît toutefois pertinent. Pourquoi réinstaurer des clivages alors que le cinéma, l’audiovisuel et le jeu vidéo ont besoin de dialoguer ? C’est bien par ce positionnement au sein du CNC que le jeu vidéo pourra inspirer le cinéma et l’audiovisuel.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Je comprends ces éléments, mais dans ce cas, il conviendrait également de replacer, au sein du CNC, les différents arts composant le cinéma français. De mon point de vue, l’indépendance de création et de travail n’empêche pas la complémentarité, comme en témoignent les nombreuses rencontres internationales organisées chaque année. Il ne s’agit pas d’« indépendantiser » mais de donner une visibilité au jeu vidéo, qui devient complémentaire et un art à part entière. Prenons la mesure de l’évolution de ce secteur, qui nécessite une grande attention de l’État pour le réguler et l’encadrer et lui apporter toute la reconnaissance qu’il mérite, sans tutelle, mais en complémentarité avec le reste du secteur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC76 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons de créer un fonds de soutien pour l’installation des librairies indépendantes dans les centres-villes des communes rurales. La rentabilité économique des librairies est très faible. Alors que le prix du libre est relativement stable, les charges de loyer ou encore énergétiques ont tendance à augmenter. Avec des moyens bien plus restreints que les grands magasins et plateformes de ventes en ligne, les petites librairies peinent à survivre et sont exposées à un risque économique relativement fort. La France compte environ 3 500 libraires indépendantes. Si ce chiffre est plus ou moins stable depuis dix ans, il cache une grande disparité géographique, puisque la présence des librairies indépendantes est éparse, voire inexistante, hors agglomération. Dans la mesure où les villages et les communes se vident de leurs commerces, nous aurions tout intérêt à défendre l’installation de librairies indépendantes dans les centres-villes de la ruralité.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC84 de Mme Sarah Legrain.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons d’augmenter les objectifs de parts de marchés des librairies indépendantes. Au-delà de la question financière, il s’agit surtout de renforcer la proximité des librairies indépendantes, de défendre la diversité culturelle et l’environnement culturel au cœur de nos quartiers et de nos communes. Lorsqu’une librairie indépendante est installée au cœur d’un quartier ou d’une ville, c'est aussi un environnement éducatif pour les enfants, les jeunes et les personnes âgées, qui doit être défendu pour éviter de sombrer sous la pression des Gafam, dans la mesure où ces librairies emploient des personnes qui connaissent leur métier et qui accompagnent la découverte d’innovations en matière de production culturelle française et internationale, car notre pays est ainsi constitué de façon cosmopolite et internationale.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous partageons cette attention aux librairies indépendantes, qui ont bénéficié d’un plan de soutien de 230 millions d’euros lorsque M. Franck Riester était ministre de la Culture. En outre, une proposition de loi votée en 2021 permet aux collectivités locales d’aider ces librairies. L’arsenal juridique est donc riche.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

À la suite de l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles.

 


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   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

     Table ronde (thème Musique):

– Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants (UPFI)  Mme Clarisse Arnou, présidente, et M. Guilhem Cottet, directeur général

 Société civile des producteurs de phonographiques (SCPP)  M. Marc Guez, directeur général gérant

 Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP)* – M. Bertrand Burgalat, président, M. Alexandre Lasch, directeur général, et Mme Marie-Anne Robert, administratrice du SNEP, présidente de Sony Music

 Fédération nationale des labels indépendants (FELIN)  M. Mathieu Dassieu, président

 Syndicat des musiques actuelles (SMA)*  M. Mathieu Dassieu, adhérent et représentant de la SMA au conseil professionnel du CNM

 Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), les labels indépendants  M. Pascal Nègre, président, et M. Jérôme Roger, directeur général

     The Walt Disney Company* – M. Philippe Coen, assistant regional counsel

     Ministère de la culture  Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)  M. Jean-Baptiste Gourdin, directeur général des médias et des industries culturelles, Mme Elizabeth Le Hot, adjointe au directeur général, M. Nicolas Georges, directeur, chargé du livre et de la lecture, M. Fabrice De Battista, chef du département des affaires financières et générales

     Canal+*  Mme Laetitia Menasé, secrétaire générale, et Mme Amélie Meynard, responsable des affaires publiques

     Netflix* – Mme Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles, et M. Max Vallet, consultant à l’agence Communication & Institutions

     France Messagerie  M. Sandro Martin, directeur général

     Agence France-Presse – M. Fabrice Fries, président-directeur général, et Mme Dalila Zein, directrice générale

     Groupe M6*  Mme Karine Blouët, secrétaire générale, et Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires au secrétariat général

     Table ronde des syndicats de la presse:

 Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS)* M. Laurent Bérard-Quélin, président, M. Jean Christophe Raveau, vice-président, éditeur de PYC Media, et Mme Catherine Chagniot, directrice générale

– Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)*  M. Alain Augé, président, et Mme Julie Lorimy, directrice générale

 Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL)*  Mme Cécile Dubois, coprésidente

 Alliance de la presse d’information générale (APIG)*  M. Pierre Petillault, directeur général, et Mme Aurélie Petit, responsable juridique

     Bibliothèque nationale de France (BNF)  Mme Laurence Engel, présidente, M. Kevin Riffault, directeur général, Mme Marianne Lucidi, directrice de l’administration et du personnel et M. Nicolas Feau, conseiller de la présidente

     Syndicat national des radios libres (SNRL)  MM. Emmanuel Boutterin, président, et Christophe Betbeder, délégué général

     Audition commune :

 SACEM* – M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles, M. David El Sayegh, directeur général adjoint, M. Laurent Mauriac (Brief.me), membre du conseil d’administration de DVP, Mme Marie Hédin-Christophe (La lettre du musicien), trésorière, et M. Laurent Bérard-Quélin (Société générale de presse et d’édition), vice-président

– Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) Mme Laura Boulet, directrice générale-gérante, Mme Sandra Chastanet, directrice relations ayants droit et affaires internationales, et M. Julien Beaupain, directeur juridique

     Centre national de la musique (CNM)  M. Jean-Philippe Thiellay, président, et M. Romain Laleix, directeur général délégué

     TF1*  M. Didier Casas, secrétaire général, Mme Peggy Le Gouvello, directrice des relations extérieures, et M. Clément Schirmann, responsable des affaires publiques

     Syndicat des éditeurs de services de musique en ligne (ESML)  M. Ludovic Pouilly, directeur des relations institutionnelles de Deezer et président de l’ESML, et Mme Marine Elgrichi, conseil de l’ESML

     Table ronde :

– Fédération nationale des cinémas français (FNCF)  M. Erwan Escoubet, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles

 Syndicat des distributeurs indépendants (SDI)  M. Étienne Ollagnier, co-président du SDI et président de la société Jour2Fête, et Mme Emmanuelle Döry, déléguée générale

 Distributeurs indépendants réunis européens (DIRE)  M. Hugues Quattrone, coprésident, et M. Éric Lagesse, coprésident

 Société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP)*, Mme Lucie Girre, délégué générale adjointe, et Mme Joyce Dardanne, chargée de mission

 Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC)* Mme Hélène Herschel, secrétaire générale

 Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) Mme Rosalie Brun, déléguée générale de la SRF et cosecrétaire du BLOC

 Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF)*  Mme Hélène Herschel, déléguée générale, Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale de l’API, et M. Erwan Escoubet, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles

 Syndicat des producteurs indépendants (SPI) – Mme Emmanuelle Mauger, déléguée générale

 Union des producteurs de cinéma (UPC)*  Mme Valérie Lépine-Karnik, déléguée générale

 Association des producteurs indépendants (API)*  Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale

     Centre national du cinéma et de l’image animée  M. Olivier Henrard, directeur général délégué, et M. Vincent Villette, directeur financier et juridique

     Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) *  M. Christophe Schalk, président, et M. Kevin Moignoux, chargé de mission pour les relations institutionnelles

     Messageries lyonnaises de presse – M. José Ferreira, président, et M. Christophe Dufourg-Bur, vice-président

     Société des droits voisins de la presse – M. Jean-Marie Cavada, président de l’Institute for Digital Fundamental Rights (IDFR)

     Bureau de la radio  M. Alain Liberty, directeur des affaires institutionnelles pour le groupe Lagardere News, Mme Aurélie Brévan, directrice des relations institutionnelles pour le groupe NRJ, M. Frédéric Dejonckheere, responsable affaires publiques et réglementaires d’Altice Media, M. Sébastien Motel, directeur des affaires réglementaires radios pour le groupe M6, et Mme Anne Fauconnier, déléguée générale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Annoncés par la ministre de la Culture suivant une promesse de campagne du Président de la République, ils débuteraient en novembre 2022 pour une durée de six mois environ.

([2])  Il résulte de la loi du 13 janvier 1957 portant statut de l’Agence France-Presse.

([3])  48 millions d’euros d’endettement en 2018.

([4])  Pour un coût total de 8,8 millions d’euros.

([5]) Mission portant sur le service universel postal (lettre de mission du 16 février 2021).

([6])  le coût de cette aide est calculé par Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

([7]) 377 millions d’euros sur la période 2021 et 2022.

([8]) Il faut cinq abonnements numériques pour compenser la perte d’un abonnement papier.

([9]) Soit les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, Saint-Martin, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

([10])  Augmentation de la productivité au moyen de la mutation et de la modernisation industrielles, de développements numériques et projets assurant le rayonnement de la presse française dans les pays francophones.

([11]) La bourse d'émergence a pour objectif de soutenir la conception, le lancement et le début du développement de nouvelles publications imprimées ou de nouveaux services de presse en ligne.

([12]) Au 31 décembre 2021 on dénombrait 563 radios associatives non commerciales en France métropolitaine et 136 dans les départements et collectivités d’outre-mer.

([13]) Digital Audio Broadcasting, ou radiodiffusion numérique.

([14]) Médi1 est la première radio marocaine d’information généraliste (plus de 3 millions d’auditeurs par jour).

([15]) Deuxième trimestre 2022

([16]) Le droit de prêt public permet aux auteurs et autres titulaires de droits de toucher une rémunération de l'État en contrepartie du prêt à titre gratuit de leurs livres par les bibliothèques, notamment publiques.

([17]) Contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2022-2026.

([18]) 2,1 millions d’euros en 2019, 1,3 million d’euros en 2020 et 1,1 million d’euros en 2021.

([19])  Au titre du dépôt légal, la BnF est destinataire des documents de toute nature édités, importés ou diffusés en France. Instauré en 1537 par François Ier, le dépôt légal est régi par le code du patrimoine. Il s’étend aux livres, périodiques, documents cartographiques, musique notée, documents graphiques et photographiques, mais aussi aux documents sonores, vidéogrammes, documents multimédias, sites web et documents dématérialisés.

([20])  L’activité de la BnF se répartit sur sept sites : la BnF-François-Mitterrand, la BnF-Richelieu, la bibliothèque de l’Arsenal, la BnF-Opéra, la BnF-Avignon, le centre technique de Bussy-Saint-Georges et le centre de conservation à Sablé-sur-Sarthe. Ces deux derniers sont consacrés à des activités de conservation et de traitement des collections.

([21]) Du fait du grand nombre de manifestations.

([22])  CJUE, Recorded Artists Avtores Performers Ltd contre Phonographic Performance (Ireland) Ltd, 8 septembre 2020. Les titres dont les titulaires de droits étaient situés hors de l’Union européenne (notamment aux États-Unis) n’étaient jusqu’alors pas rémunérés car les droits à rémunération équitable collectés sur ces enregistrements étaient considérés jusqu’à présent comme des « irrépartissables juridiques » et affectés au financement de l’aide aux auteurs. Dans son arrêt, la CJUE a indiqué que les OGC des droits d’auteur de l’Union européenne devaient traiter les créateurs de musique de manière égale, quelle que soit leur nationalité. Les OGC devront désormais rémunérer tous les détenteurs de droits. L’application de l’arrêt de la Cour représente une charge annuelle comprise entre 25 et 30 millions d’euros pour les OGC français.

([23])  7,5 millions d’euros en 2020, 7,5 millions d’euros en 2021 et 5 millions d’euros en 2022.

([24])  Le CNC soutient aussi la création numérique sur internet, la réalité virtuelle et le jeu vidéo.

([25]) Les montants ainsi collectés sont redistribués aux acteurs économiques du secteur basés en France (sociétés de production, société de distribution, salles de cinéma) via un compte de soutien automatique de la société, et dont le montant est proportionnel au succès commercial des œuvres exploitées.

([26])  Centre national du cinéma et de l’image animée, bilan 2021. Montant cumulé, y compris les crédits liés à l’épidémie : 625,9 millions d’euros.

([27])  Pour 2022 les professionnels attendent entre 150 et 170 millions d’entrées en salle (contre 210 millions d’entrées en moyenne avant la crise).

([28]) Ordonnance du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (SMA).

([29]) En complément, l’accord sur la chronologie des médias du 24 janvier 2022 étendu par un arrêté du 4 février 2022.

([30])  Clause rendant impossible l’exploitation d’une œuvre simultanément sur deux chaînes ou plateformes.

([31])  Rapport du Sénat fait au nom de la commission d’enquête afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France et d’évaluer l’impact de cette concentration dans une démocratie, n° 593, 29 mars 2022.

([32]) Rapport de l’Assemblée nationale sur l’application du droit voisin au bénéfice des agences,  des éditeurs et professionnels du secteur de la presse, n°4902, 12 janvier 2022.

([33]) Décision n° 21-D-17 du 12 juillet 2021 relative au respect des injonctions prononcées à l’encontre de Google dans la décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020.

([34])  Décision n° 20-MC-01 du 9 avril 2020 relative à des demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l'Alliance de la presse d'information générale et l’Agence France-Presse.

([35])  Décision n° 22-D-13 du 21 juin 2022  relative à des pratiques mises en œuvre par Google dans le secteur de la presse.

([36]) https://www.dvpresse.fr/

([37]) La DGMIC estime le chiffre d’affaires de la presse payante à 6 milliards d’euros en 2021. Il est composé à 73,4 % du produit des ventes (32,3 % des ventes au numéro et 41,1 % des abonnements) et à 26,6 % des recettes de publicité (21,1 % de la publicité commerciale et 5,5 % des annonces).

([38])  Source : Direction générale des médias et industries culturelles.

([39]) Conformément à l’article 15 de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (DAMUN), l’article L. 218-5 du code de la propriété intellectuelle précise que les journalistes professionnels et les autres auteurs des œuvres présentes dans les publications de presse « ont droit à une part appropriée et équitable de la rémunération » perçue par les éditeurs et les agences de presse au titre du droit voisin. La part de droit voisin accordée aux journalistes est indépendante et ne se substitue pas à la rémunération de droit d’auteur à laquelle ils peuvent prétendre en application de l’article L. 132-38 du code de la propriété intellectuelle.  

([40]) https://assnat.fr/Kb0eh3

([41]) https://assnat.fr/zO5wka