—  1  —

 

N° 771

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI
de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (n° 760),

 

par Mme Marina FERRARI,

députée

 

 

 

 


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : UN ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE INATTEIGNABLE À COURT ET LONG TERMES RENDANT NÉCESSAIRE UNE RÉFORME DU SYSTÈME DE RETRAITE

I. Le solde durablement DÉgradÉ du systÈme de retraite français

II. Les effets du projet de loi sur l’Équilibre du systÈme de retraite

Seconde partie : les mesures du PLFRSS pour 2023

I. L’Équilibre gÉnÉral et les recettes

A. L’article liminaire

B. La rectification des comptes sociaux

1. Le solde des régimes obligatoires de base pour 2023

2. Les objectifs assignés aux trois plus importants satellites

3. Les projections jusqu’en 2026

C. La fermeture de cinq rÉgimes spÉciaux de retraite

D. Deux ajustements en matiÈre de recettes

1. Une incitation à la transparence sur l’emploi des seniors

2. Un aménagement du recouvrement des cotisations

II. Les mesures en dÉpenses

A. LES MESURES RELATIVES À l’Âge lÉgal et À la durÉe de cotisations

1. Le droit existant

2. Le droit proposé

a. Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits et le maintien des dispositions applicables à certaines professions

b. L’accélération de l’allongement de la durée de cotisation permettant de liquider la retraite au taux plein

3. Les effets de la réforme pour les assurés et pour l’équilibre du système de retraite

a. Les effets budgétaires des mesures de relèvement de l’âge d’ouverture des droits et d’allongement de la durée de cotisation permettant de liquider une retraite à taux plein

b. Les effets attendus pour les assurés

B. L’amÉnagement et le renforcement des possibilitÉs de dÉparts anticipÉs À la retraite

1. Les assurés éligibles à une retraite anticipée pour carrière longue

2. La retraite anticipée des travailleurs handicapés

3. Les travailleurs en situation d’inaptitude et les travailleurs en situation d’invalidité

4. Les titulaires d’un compte professionnel de prévention

C. La prÉvention et la rÉparation de l’usure professionnelle

1. Les dispositifs actuels de prise en compte de la pénibilité

2. Les évolutions proposées par le projet de loi

a. La création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle

b. L’assouplissement des conditions d’accès à la retraite anticipée pour incapacité permanente

c. L’enrichissement et l’amélioration du C2P

d. La mise en œuvre d’un suivi individuel pour les salariés exposés

D. La revalorisation des petites pensions et l’amÉlioration du recours À l’aspa

1. La revalorisation du MICO et l’indexation sur le SMIC

2. La hausse du plancher de récupération sur succession au titre de l’ASPA

3. La prise en compte de trimestres pour les parents au foyer

E. La validation des pÉriodes de stage

F. La crÉation d’une assurance vieillesse pour les aidants

G. Les transitions entre l’activitÉ et la retraite

1. La retraite progressive

2. Le cumul entre l’emploi et la retraite

III. La rectification des objectifs de dÉpenses des branches des rÉgimes obligatoires de base de sÉcuritÉ sociale

Examen en commission

I. audition du président du haut conseil des finances publiques

II. Discussion générale

III. Examen des articles

ANNEXE

Audition du président du Conseil d’ORientation des retraites

 


—  1  —

   Introduction

Ce rapport présente, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, l’avis de Mme Marina Ferrari sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023.

Seuls deux projets de loi de cette nature ont déjà été examinés et adoptés par le Parlement ([1]).

Dans le prolongement des conclusions d’un rapport remis au Président de la République par M. Jean-Philippe Cotis, alors directeur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le premier projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, daté de 2011, avait surtout pour but d’instaurer une prime pour les salariés de certaines sociétés dont les dividendes augmentent, assortie d’exonérations de contributions et cotisations sociales, non compensées par l’État. Le second, en 2014, était motivé à la fois par la baisse de certains prélèvements sociaux en faveur de l’emploi et par des économies liées à l’absence de revalorisation de diverses prestations.

À la différence de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de l’année ([2]), la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) ne comprend, aux termes de l’article L.O. 111-3-10 du code de la sécurité sociale, qu’un article liminaire ([3]) et deux parties, respectivement consacrées à l’équilibre générale et aux recettes, puis aux dépenses.

La LFRSS possède des domaines obligatoire, exclusif et partagé propres :

– l’article L.O. 111-3-11 du code de la sécurité sociale dispose qu’elle doit rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et de leurs satellites, dont le fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), ainsi que les cibles assignées aux organismes chargés de l’apurement de leur dette ou de la mise en réserve de recettes à leur profit, à savoir la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et le fonds de réserve pour les retraites (FRR) ;

– l’article L.O. 111-3-9 du même code ouvre quant à lui, conjointement avec la partie rectificative de la LFSS de l’année suivante, la faculté de modifier des dispositions qui elles-mêmes entrent dans le monopole de cette dernière ;

– l’article L.O. 111-3-12 du même code indique que peuvent y figurer, pour l’année en cours, les mesures ayant un effet sur les montants, l’assiette, le taux, les modalités de recouvrement et l’affectation de recettes aux organismes précités, celles ayant un effet sur la trésorerie, la comptabilité, le niveau ou les conditions d’amortissement et de financement de la dette ou des emprunts non permanents desdits organismes, ainsi que, sous réserve de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, celles concernant la gestion des risques par ces mêmes régimes, la dette de certains établissements de santé ou médico-sociaux et, par ailleurs, l’information du Parlement sur l’application de toutes les catégories de LFSS.

Enfin, le domaine interdit de la LFRSS, c’est-à-dire les « cavaliers sociaux », susceptibles d’être censurés par le Conseil constitutionnel, est identique à celui de la LFSS de l’année. Il s’agit principalement des dispositions ayant un effet nul ou trop indirect sur les ROBSS, singulièrement en matière de santé publique, de droit du travail ou de protection sociale complémentaire.

Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 est essentiellement consacré à la réforme du système de retraite.

Nécessaire et juste, visant à assurer l’équilibre financier de l’assurance vieillesse dans son sens le plus large pour les décennies à venir autant qu’à ouvrir de nouveaux droits aux assurés, il reçoit l’approbation de la rapporteure pour avis.

*

* *

Nota bene : dans les tableaux et graphiques du présent rapport pour avis, des effets d’arrondis ou de transferts peuvent expliquer que les totaux soient légèrement inférieurs ou supérieurs à l’addition des agrégats qu’ils retracent.


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE : UN ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE INATTEIGNABLE À COURT ET LONG TERMES RENDANT NÉCESSAIRE
UNE RÉFORME DU SYSTÈME DE RETRAITE

Le système de retraite est composé de différents ensembles, aux principes et règles de fonctionnement divers. Les projections relatives aux dépenses, aux recettes et au solde du système de retraite sont donc construites à partir des projections de chacun des trente principaux régimes de base et complémentaires, ainsi que des projections du FSV.

Les lois de financement de la sécurité sociale ne portent en revanche que sur les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS, cf. supra), lesquels ne constituent qu’une partie des régimes de retraite, qui comprennent également des régimes de retraite complémentaire et des organismes de retraite additionnelle.


RÉgimes de retraite de base, complÉmentaires et additionnels

 

Retraite de base

Retraite complémentaire

Retraite additionnelle

Salariés

Salariés agricoles

MSA

AGIRC-ARCCO

 

Salariés de l’industrie,
du commerce et des services

CNAV

Enseignants du privé

RETREP

Agents non titulaires
de l’État et des collectivités publiques

IRCANTEC

 

Personnel navigant
de l'aéronautique

CRPN

Ouvriers de l’État

FSPOEIE

Salariés relevant d’entreprises
ou de professions
à statut particulier

Banque de France, retraite des mines, CNIEG (gaz et électricité), CRPCF (Comédie française), CRPCEN (clercs et employés de notaires), ENIM (marins), CROPERA (Opéra de Paris), Port autonome de Strasbourg, CRP RATP, CRP SNCF

Fonctionnaires

Fonctionnaires de l’État, magistrats et militaires

Service des retraites de l’État (SRE)

RAFP

Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

CNRACL

Fonctionnaires
du Parlement

Caisse de retraite des agents de l’Assemblée nationale,
Caisse de retraite des agents du Sénat

 

Non-salariés

Exploitants agricoles

MSA

RCO

 

Artisans, commerçants
et industriels

CNAV

RCI

Gérants de débits de tabacs

RAVGDT

Artistes,
auteurs d’œuvres originales

IRCEC

 

Professions libérales

CNAVPL

CRN (notaires), CAVOM (officiers ministériels), CARMF (médecins), CARCDSF dentistes et sages-femmes), CAVP (pharmaciens), etc.

Avocats

CNBF

Marins du commerce, de la pêche et de la plaisance

ENIM

Membres des cultes

CAVIMAC

AGIRC-ARCCO

Députés, sénateurs
et conseillers du CESE

Caisse de pensions des députés et des anciens députés,
Caisse des retraites des anciens sénateurs

Source : commission des finances à partir du rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023.

Le système de retraite français, tous régimes compris, est durablement déficitaire, principalement en raison d’évolutions démographiques déjà à l’œuvre et qui devraient s’amplifier au cours des décennies à venir (I). Le PLFRSS pour 2023 porte plusieurs dispositions visant à préserver la soutenabilité de ce système tout en garantissant son équité vis-à-vis des assurés (II).

I.   Le solde durablement DÉgradÉ du systÈme de retraite français

Le solde du système de retraite tous régimes compris est structurellement déficitaire depuis le début des années 2000. La caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) l’est par exemple depuis 2002, et son déficit n’a cessé de se creuser entre 2002 et 2010, sous l’effet de dépenses plus dynamiques que les recettes (les premières ont cru de 2,8 % par an en moyenne, tandis que les secondes ont cru de 1,8 % en moyenne). Le solde s’est progressivement amélioré à compter de 2010, grâce aux mesures d’âge de la réforme de 2010 (cf. infra) et d’une augmentation des ressources permise notamment par une augmentation des taux de cotisation.

Si le déficit des régimes de retraite complémentaires (AGIRC-ARRCO, IRCANTEC, RCI et CRPNPAC) est moindre que celui de la branche vieillesse des ROBSS, il a été constant entre 2009 et 2018.

solde observÉ du systÈme de retraite

(en pourcentage du PIB)

Source : Conseil d’orientation des retraites, rapport annuel de septembre 2022.

L’amélioration du solde du système de retraite s’est interrompue en 2020 en raison du contexte économique et sanitaire lié au covid-19 et de la baisse marquée des recettes qu’il a entraînée. Le besoin de financement du système de retraite a alors atteint 14 milliards d’euros (dont 4,9 milliards d’euros pour la CNAVTS). La reprise économique dynamique de l’année 2021 a au contraire permis de dégager un excédent de 900 millions d’euros. En 2022, cet excédent atteindrait 3,2 milliards d’euros.

Cette période d’embellie devrait toutefois prendre fin dès l’année 2023, au cours de laquelle le système de retraite serait à nouveau déficitaire (– 0,01 % du PIB). Ce déficit se creuserait ensuite, et atteindrait 0,4 point de PIB en 2027 ([4]), soit 12,4 milliards d’euros.

Le Conseil d’orientation des retraites (COR), pour établir ses prévisions relatives à l’équilibre du système de retraite, retient à la fois une convention de calcul – convention « équilibre permanent des régimes » (EPR) – et des hypothèses de croissance. Les quatre hypothèses de croissance annuelle moyenne de la productivité du travail retenues sont, de la plus à la moins favorable, 1,6 %, 1,3 %, 1 % et 0,7 %. Selon les projections du COR, le solde du système de retraite serait durablement déficitaire jusqu’en 2070 dans trois des quatre scénarios de croissance retenus.

Les conventions utilisées par le COR

Le COR utilise deux conventions pour présenter ses projections, permettant de neutraliser ou non la contribution de l’État au régime de retraite de la fonction publique de l’État (FPE) et à certains régimes spéciaux.

La convention dite « équilibre permanent des régimes » (EPR) est fidèle aux dispositions applicables au système de retraite, selon lesquelles l’État assure l’équilibre de certains régimes spéciaux par une contribution d’équilibre et assure l’équilibre du régime de la FPE par une sur-cotisation. Cette convention permet donc de traduire l’évolution de la situation financière de ces régimes en incluant les effets de la dépense publique consacrée à leur rééquilibrage. Elle ne permet pas, en revanche, de traduire dans le solde du système de retraite l’évolution réelle des besoins de financement des régimes équilibrés par l’État. Par conséquent, l’amélioration du solde en convention EPR peut traduire une dégradation du solde des finances publiques, les dépenses de l’État consacrées aux rééquilibrages de certains régimes augmentant.

La convention dite « effort de l’État constant » (EEC) repose sur l’hypothèse du gel de la contribution de l’État au système de retraite, en part du PIB. Par conséquent, le solde résultant de la convention EEC traduit l’écart entre l’effort actuel de financement de l’État et le niveau des dépenses futures. L’évolution du solde en convention EEC dépend donc principalement de l’évolution des dépenses futures, appréciées en part du PIB. Cette convention ne peut toutefois constituer qu’une projection virtuelle, étant donné qu’elle prend pour acquise la part du financement des retraites assuré par l’État, alors que le poids représenté par l’équilibrage des régimes spéciaux rapporté au PIB décroît structurellement.

Comme l’a indiqué M. Pierre-Louis Bras, président du COR, lors de son audition conjointe par la commission des finances et la commission des affaires sociales le jeudi 19 janvier 2023, la convention EEC n’est utilisée qu’à titre pédagogique : elle ne correspond ni à l’état du droit ni à la réalité économique du système de retraites. Pour cette raison, les analyses ci-après se fondent sur la convention EPR.

Plusieurs facteurs expliquent la dégradation continue du solde du système de retraite dans les décennies à venir.

● D’une part, les dépenses de retraite rapportées au PIB tendent à se stabiliser. En effet, les dépenses de retraites représentaient 13,8 % du PIB en 2021. Elles devraient représenter entre 12,1 % et 14,4 % du PIB en 2070, selon l’hypothèse de croissance de la productivité du travail retenue.

part des dÉpenses de retraite dans le pib

(en pourcentage du PIB)

Source : COR, rapport annuel de septembre 2022.

Cette stabilisation des dépenses de retraite dans le PIB résulte de la baisse progressive du niveau de vie relatif des retraités à droit constant, appréhendé par le montant des pensions rapporté au montant des rémunérations des actifs. En effet, les générations qui arrivent à la retraite aujourd’hui liquident leur retraite à des taux de remplacement plus faibles, contribuant à freiner le poids des dépenses de pensions dans le PIB. Plusieurs éléments expliquent cette tendance, le premier étant l’indexation sur l’inflation des droits acquis et des pensions : cette modalité d’indexation contribue à creuser l’écart entre les pensions et les revenus du travail, l’hypothèse retenue étant que les salaires tendent à augmenter plus vite que l’inflation. Les derniers accords de l’AGIRC-ARRCO contribuent également à la diminution du rendement des droits acquis au titre de ce régime, et ce jusqu’en 2033 au moins, aux termes du dernier accord conclu en 2019 ([5]). Enfin, dans le régime de la fonction publique, la part croissante des primes dans la rémunération des fonctionnaires contribue à limiter le taux de remplacement lors de la liquidation de la retraite.

● Toutefois, la stabilisation de la part des dépenses de retraite dans le PIB ne suffira pas à empêcher la dégradation du solde du système de retraite, qui pâtit de la diminution des ressources qui lui sont affectées en proportion du PIB.

À ce titre, la dégradation du ratio entre la population active et la population retraitée est l’une des principales explications des déficits à venir.

En effet, le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités connaît une baisse tendancielle depuis plusieurs années et diminuerait sensiblement sur la période de projection retenue par le COR. Cette évolution prend en compte l’évolution de l’âge conjoncturel moyen de départ à la retraite, qui correspond à l’âge moyen de départ à la retraite observé pour une génération (distinct des dispositions applicables concernant l’âge légal de départ à la retraite). Cet âge devrait augmenter, passant de 62,3 ans en 2020 à près de 64 ans à partir de la fin des années 2030.

La dégradation du ratio entre les cotisants et les retraités ne s’explique pas par l’évolution de l’âge de départ en retraite observé, qui augmente nettement depuis 2000, mais bien par des évolutions démographiques structurelles défavorables.

Âge moyen conjoncturel de dÉpart à la retraite

Source : COR, rapport annuel de septembre 2022.

En effet, la proportion des personnes en âge d’être à la retraite augmente depuis plus de trente ans : au 1er janvier 2023, 21,3 % des habitants ont 65 ans ou plus et l’indicateur conjoncturel de fécondité français devrait se stabiliser autour de 1,8 enfant par femme ([6]). Dès lors, la baisse du rapport de la population d’âge actif (20-59 ans) à la population âgée de 60 ans et plus devrait se poursuivre jusqu’au début des années 2030, en raison de l’arrivée à l’âge de 60 ans des générations du baby-boom. Par voie de conséquence, le nombre de retraités de droit direct progresserait sur toute la période de projection, passant de 16,8 millions de personnes en 2020 à 20,3 millions en 2040, soit une hausse de 21 %. Ce nombre continuerait ensuite à croître pour atteindre 23,1 millions en 2070.

Dans le même temps, la population active continuerait de progresser au cours des vingt années à venir, mais toutefois, à un rythme ralenti : 20 000 actifs supplémentaires devraient entrer chaque année en moyenne sur le marché du travail jusqu’en 2040. À compter de 2040, la tendance s’inverserait, et la population active diminuerait de 50 000 personnes par an jusqu’en 2050, puis la diminution s’établirait entre 30 000 et 40 000 actifs par an entre 2050 et 2070. D’après les données du COR, le nombre de cotisants augmenterait donc de 28,8 millions en 2021 à 30,8 millions en 2040, soit une hausse une 7 % dans le scénario central. Le nombre de cotisants serait en 2070, à l’issue de la période de projection, de 28,9 millions, un niveau proche du niveau actuel mais inférieur de 6,2 % au niveau observé en 2040.

La baisse de la population active est bien due à la diminution de la population en âge de travailler, et non à une baisse du taux d’activité des personnes en âge de travailler : ce taux d’activité devrait croître de 2,3 points entre 2021 et 2070.

Cette évolution de la pyramide des âges entraîne nécessairement une dégradation du ratio entre la population active, qui recouvre l’ensemble des personnes de 15 ans ou plus susceptibles de contribuer à la production nationale, et la population des retraités : il passerait de 1,7 cotisant par retraité de droit direct en 2020 à 1,2 en 2070 ([7]). Le rapport entre les dépenses et les ressources du système de retraite s’en trouve déséquilibré de manière durable.

Au-delà de ces raisons démographiques, trois raisons principales expliquent la diminution en part du PIB des ressources du régime de retraites, raisons évoquées par le président du COR lors de son audition du 19 janvier 2023 :

– l’État est tenu d’équilibrer le régime de retraite de la fonction publique d’État et d’autres régimes spéciaux structurellement déficitaires. Or, les dépenses liées à ces compensations vont diminuer au cours des années à venir, en raison de l’évolution démographique de ces régimes. Par conséquent, la compensation de l’État va diminuer en part du PIB, tirant à la baisse les recettes du système ;

– le taux de cotisation de la CNRACL est supérieur à celui des autres régimes. Or, pour des raisons démographiques également, la part des rémunérations dépendant de ce régime diminue par rapport à l’ensemble des rémunérations, orientant également à la baisse les ressources du système ;

– enfin, les contributions de la branche famille et de l’Unédic à la branche vieillesse de la sécurité sociale devraient décroître en raison de la stabilisation de la natalité et des projections d’un faible taux de chômage de long terme.

En se fondant sur une hypothèse de croissance de la productivité du travail de 1 % et sur une hypothèse de taux de chômage de long terme de 4,5 % – qui restent des hypothèses favorables, comme l’indique l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) relatif au projet de loi ([8]), le système de retraite serait déficitaire à horizon 2030 de 0,4 % du PIB, soit 13,5 milliards d’euros environ. Ce déficit serait de plus en plus important au cours des années suivantes, pour atteindre 0,5 % du PIB en 2040, soit 23,7 milliards d’euros, puis 0,8 % du PIB en 2060, soit 56,4 milliards d’euros. Ce niveau de déficit serait maintenu pendant l’intégralité de la période de projection, soit jusqu’en 2070.

solde prÉvisionnel du systÈme de retraite,
sous l’hypothÈse d’une croissance de LA productivitÉ
du travail de 1 % et d’un taux de chÔmage de long terme de 4,5 %

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances à partir des données du COR.

Le système de retraite ne serait équilibré qu’au milieu des années 2040 et sous l’hypothèse d’une croissance de la productivité du travail de 1,6 % et d’un taux de chômage de long terme de 4,5 %, ce qui constitue l’hypothèse la plus favorable retenue par le COR. Dans cette hypothèse très optimiste et peu réaliste, le solde ne sera excédentaire que de 0,4 % du PIB en 2070. Dans l’ensemble des autres scénarios, il reste déficitaire à cette date.

solde prÉvisionnel du systÈme de retraite
en convention epr en fonction de la croissance
de la productivitÉ avec une hypothÈse de chÔmage de long terme de 4,5 %

(en pourcentage du PIB)

 

2027

2030

2035

2040

2050

2060

2070

1,6 %

– 0,4 %

– 0,4 %

– 0,3 %

– 0,1 %

0,0 %

0,3 %

0,4 %

1,3 %

– 0,4 %

– 0,4 %

– 0,4 %

– 0,3 %

– 0,3 %

– 0,2 %

– 0,1 %

1 %

– 0,4 %

– 0,4 %

– 0,5 %

– 0,5 %

– 0,7 %

– 0,8 %

– 0,8 %

0,7 %

– 0,4 %

– 0,4 %

– 0,7 %

– 0,8 %

– 1,2 %

– 1,4 %

– 1,6 %

Source : commission des finances à partir des données annexées au rapport annuel du COR de septembre 2022.


En conclusion, si les projections dépendent fortement du niveau de croissance et de la convention retenue, le système de retraite sera durablement et nettement déficitaire pour les années à venir. La rapporteure pour avis souligne la nécessité d’agir dans un contexte par nature incertain : les prévisions économiques à long terme ne peuvent épouser l’intégralité des événements susceptibles de se produire d’ici là. Il apparaît néanmoins de manière certaine que quel que soit le scénario retenu, « le système de retraite serait déficitaire en moyenne sur les 25 prochaines années » ([9]) et très probablement jusqu’en 2070 au moins.

II.   Les effets du projet de loi sur l’Équilibre du systÈme de retraite

Un système de retraite déséquilibré ne peut tenir ses promesses : son financement nécessite le recours à un endettement dont le coût est croissant, il fait peser le poids des retraites actuelles sur les générations futures, alors qu’un régime par répartition repose par principe sur les cotisations des travailleurs actuels pour financer les retraites servies, et il présente in fine le risque d’un défaut de paiement des pensions.

La réforme proposée par le projet de loi, dont les mesures sont détaillées dans le présent rapport pour ce qui est de leur application aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale, aura des effets significatifs sur l’équilibre du système de retraite.

● Tout d’abord, les moindres dépenses permises par le projet de loi sont intégralement dues à l’augmentation de l’âge légal et à la hausse de la durée d’assurance permettant de disposer d’une retraite à taux plein : 5,3 milliards d’euros de moindres dépenses en 2025, 17,7 milliards d’euros de moindres dépenses en 2030 ([10]).

Ces mesures conduisent en premier lieu à une baisse des dépenses de retraite, ainsi qu’à une hausse des recettes, permettant une amélioration du solde de 8,2 milliards d’euros en 2027 et de 14,1 milliards d’euros en 2030.

La rapporteure insiste sur le caractère complémentaire de ces deux mesures relatives à l’âge légal et à la durée d’assurance : une seule de ces mesures ne suffirait pas pour revenir à une situation équilibrée ou proche de l’équilibre. Il convient par ailleurs de noter que le cumul de ces deux mesures permet d’éviter de devoir porter le recul de l’âge légal à 65 ans, motif de satisfaction pour la rapporteure.

Le choix de ces deux leviers permet également de ne pas toucher à deux autres leviers : celui, injuste, du niveau des pensions, et celui du niveau des prélèvements obligatoires, déjà très élevé au regard des comparaisons avec les pays voisins. En effet, d’après le COR ([11]), pour équilibrer le système de retraite, sans les mesures relatives à l’âge légal et à la durée d’assurance, il conviendrait alternativement de :

1° diminuer les pensions de 1,4 point par rapport à leur valeur projetée en 2027 (49,8 % du revenu d’activité moyen d’activité), et de 2,8 points par rapport à la valeur projetée en 2070 (39,4 % du revenu moyen d’activité) ;

2° augmenter les prélèvements obligatoires, pour équilibrer le système de retraite de 0,8 point par rapport à leur valeur projetée en 2027 à droit constant (30,2 % des revenus d’activités), et de 2,3 points par rapport à leur valeur projetée en 2070 (28,3 % des revenus d’activités).

● Les mesures visant le rééquilibrage du système de retraite s’accompagnent de nombreuses autres dispositions, présentées dans le présent rapport pour avis, dont l’objet est de limiter les effets de la réforme pour les assurés les plus exposés à la pénibilité, les plus vulnérables en raison des spécificités de leur carrière, ou dont les parcours de vie doivent être pris en compte dans un système de retraite équitable. La rapporteure pour avis souligne la nécessité que, sans pouvoir réparer toutes les inégalités de la vie, le système de retraite doit contribuer à les atténuer.

Enfin, 1,7 milliard d’euros supplémentaires seront affectés au financement du système de retraite en 2030, une partie provenant de transferts entre branches et une partie provenant de la hausse du taux de cotisations de la CNRACL.

L’ensemble de ces mesures permet au système de retraite de retrouver une situation d’équilibre en 2030, alors qu’un déficit de 13,5 milliards d’euros aurait été observé au cours de la même année en l’absence de réforme.


incidence budgÉtaire des mesures
du projet de loi sur le solde du systÈme de retraite

(en milliards d’euros)

 

2027

2030

Déficit prévisionnel du système de retraite, en l’absence de réforme

 12,37

 13,50

Mesures de rééquilibrage

 

 

Relèvement de l’âge légal et accélération de la durée de cotisation

+ 10,30

+ 17,70

Mesures d’accompagnement

 

 

Création d’un âge de départ anticipé pour les assurés inaptes ou invalides

– 1,70

– 3,10

Renforcement du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue

– 0,40

– 0,60

Augmentation du minimum contributif pour les nouveaux et les anciens retraités

– 1,50

– 1,70

Développement de la retraite progressive

–0,20

– 0,10

Attribution de nouveaux droits en cas de cumul emploi retraite

– 0,10

– 0,03

Diversification des possibilités d’usage du C2P

– 0,00

–0,02

Assouplissement de l’accès à la retraite pour incapacité permanente

– 0,07

– 0,08

Recours accru au dispositif de départ anticipé pour inaptitude dans le cadre du suivi médical renforcé pour les métiers pénibles

– 0,15

– 0,31

Relèvement du seuil de récupération sur succession de l'ASPA

– 0,10

–0,10

Validation des trimestres pour les aidants (financement par la branche autonomie)

0,10

0,20

Validation des trimestres pour les travailleurs ayant réalisé des stages de la formation professionnelle

– 0,03

– 0,04

Total des mesures d’accompagnement

 4,15

– 5,87

Augmentation de 0,12 point du taux de cotisations vieillesse, par transfert de la branche AT-MP

+ 0,90

+ 10

Augmentation d’un point du taux de cotisation de la CNRACL

+ 0,60

+ 0,70

Solde prévisionnel après mesures

 4,72

+ 0,03

Source : commission des finances à partir du rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023.


—  1  —

   Seconde partie : les mesures du PLFRSS pour 2023

Il convient ici d’aborder le solde et les ressources (I), puis les mesures en dépenses du projet de loi (II). Enfin, le projet rectifie, en application de l’article L.O. 111-3-11 du code de la sécurité sociale, les objectifs de dépenses des différentes branches des ROBSS (III).

I.   L’Équilibre gÉnÉral et les recettes

Les développements ci-après portent sur l’article liminaire (A) et les articles 1er à 6 du PLFRSS pour 2023. Suivant le plan classiquement retenu par les avis de la commission des finances, la rectification des tableaux d’équilibre (B) est abordée avant les mesures concernant l’affiliation aux régimes (C) et leurs ressources (D).

A.   L’article liminaire

En application de l’article 1er H, précité, de la LOLF, l’article liminaire de la LFRSS présente un tableau de synthèse mentionnant, pour l’ensemble des administrations publiques (APU) et dans certains cas, chacun de leurs sous-secteurs, les prévisions des soldes structurel et effectif, des dépenses, des prélèvements obligatoires et de l’endettement. Comme l’ont rappelé les travaux préparatoires ([12]) à la révision des trois lois organiques relatives aux lois financières, il est logique que la portée de l’article liminaire de la LFRSS soit plus large que celui de la LFSS de l’année : celle-là peut être un véhicule rectificatif autonome, tandis que celle-ci est déposée et entre en vigueur concomitamment avec la loi de finances de l’année.

● L’exposé des motifs de l’article liminaire du PLFRSS souligne sa grande proximité avec les sous-jacents du projet de loi de finances (PLF) et de la loi de finances (LFI) pour 2023, ainsi que du projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027.

Le solde public et le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO) demeurent respectivement évalués à – 5,0 % et + 0,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023.Si elle s’inscrit dans un scénario macroéconomique inchangé, cette stabilité est la conséquence de la compensation de plusieurs mouvements. Le coût des mesures nouvelles, décidées au cours de l’automne 2022, en faveur des entreprises et des collectivités territoriales concernées par la hausse du prix de l’énergie et celui des allègements concernant l’impôt sur le revenu (IR) et l’impôt sur les sociétés (IS) seraient compensés par la mise en place d’une contribution sur les rentes inframarginales des producteurs d’électricité et par la révision favorable du produit des prélèvements obligatoires, d’abord par la seconde loi de finances rectificative (LFR) pour 2022, puis au titre de la clôture de cet exercice.

PrÉvisions initiales et actualisÉes pour 2023

(en points de produit intérieur brut et en valeur)

 

PLF
pour 2023

PLPFP
(sur 2023)

LF
pour 2023

PLFRSS
pour 2023

Solde structurel

– 4,0

– 4,0

– 4,0

 4,0

Solde conjoncturel

– 0,8

– 0,8

– 0,8

 0,8

Solde des mesures ponctuelles et temporaires

– 0,2

– 0,2

– 0,2

 0,2

Solde effectif

 5,0

 5,0

 5,0

 5,0

Dette au sens de Maastricht

111,2

111,2

111,2

111,2

Taux de prélèvements obligatoires (nets)

44,7

44,7

44,9

44,9

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

56,6

56,6

56,9

56,9

1 564 Md€

1 564 Md€

1 572 Md€

1 572 Md€

Solde des administrations publiques centrales

– 5,6

– 5,6

– 5,8

 5,8

Solde des administrations publiques locales

– 0,1

– 0,1

0,0

0,0

Solde des administrations de sécurité sociale

+ 0,8

+ 0,8

+ 0,8

+ 0,8

Dépenses des administrations de sécurité sociale

721 Md€

721 Md€

721 Md€

722 Md€

Source : PLF pour 2023 ; article liminaire de la loi de finances pour 2023 ; PLFRSS pour 2023.

L’augmentation des dépenses des ASSO en 2023 à hauteur d’un milliard d’euros (de 721 à 722 milliards d’euros) résulte de la réforme des retraites proposée par le PLFRSS : l’effet des mesures d’accompagnement pour les assurés dont la carrière a été longue ou hachée et qui ont été exposés à des facteurs d’usure professionnelle sera immédiat, tandis que celui du rehaussement de l’âge d’ouverture des droits et de la durée de cotisation sera progressif.

● L’annexe A du PLFRSS rappelle que « les dépenses liées à la crise sanitaire diminueraient sensiblement cette année, tandis que le contexte de forte inflation conduirait à l’inverse à une hausse des prestations ». Le Gouvernement maintient ses hypothèses de croissance de 1 % pour l’année en cours puis de 1,6 % en 2024, 1,7 % en 2025 et 2026 – dépassant dès 2024 son rythme potentiel –, ainsi que de hausse des prix de 4,3 % pour l’année en cours, puis de 3 % en 2024, 2,1 % en 2025 et 1,75 % en 2026.

hypothÈses macroÉconomiques du Gouvernement pour 2020 À 2027

(en pourcentage ; sauf mention contraire)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Évolution du PIB

– 7,8 %

+ 6,8 %

+ 2,7 %

+ 1,0 %

+ 1,6 %

+ 1,7 %

+ 1,7 %

+ 1,8 %

Évol. du PIB potentiel

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

IPC hors tabac (IPCHT)

+ 0,2 %

+ 1,6 %

+ 5,4 %

+ 4,3 %

+ 3,0 %

+ 2,1 %

+ 1,75 %

+ 1,75 %

Masse salariale ([13])

– 5,7 %

+ 8,9 %

+ 8,6 %

+ 5,0 %

+ 3,9 %

+ 3,6 %

+ 3,4 %

3,4 %

Source : 2020 à 2026 – annexe A du PLFRSS pour 2023 ; 2027 – rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation (RESF) annexé au PLF pour 2023 ([14]).

Saisi en application du V de l’article 61 de la LOLF, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), a jugé « élevée » la prévision de croissance, mais « un peu faible » celle de l’indice des prix et « un peu basse » celle de la masse salariale pour 2023, compte tenu des travaux des prévisionnistes de référence ([15]).

Le HCFP a noté qu’une « accélération de l’activité au cours de l’année […] ne peut pas être exclue, car des signaux positifs existent : […] l’économie française fait preuve de résilience, l’emploi demeure dynamique, le risque d’une rupture des approvisionnements en électricité et en gaz paraît désormais limité […], les tensions sur les prix de l’énergie s’atténuent », mais que « la Banque mondiale a révisé le 10 janvier ses prévisions de croissance […] de 3 % à 1,7 % » et que « le durcissement des politiques monétaires devrait se poursuivre ».

hypothÈseS macroÉconomiques des instituts de prÉvision pour 2023

(en pourcentage)

 

PIB

IPC

Fonds monétaire international

+ 0,7 %

n. c.

Observatoire français des conjonctures économiques

+ 0,6 %

+ 4,6 %

Commission européenne

+ 0,4 %

n. c.

Organisation de coopération et de développement économiques

+ 0,6 %

n. c.

Centre de recherche pour l’éco. et le développement des entreprises

– 0,2 %

+ 5,2 %

Consensus forecast

+ 0,2 %

+ 4,8 %

Sources : notes de conjoncture du FMI (11 octobre 2022), de l’OFCE (12 octobre 2022), de la Commission européenne (11 novembre 2022), de l’OCDE (22 novembre 2022), de Rexecode (14 décembre 2022), de la Banque de France (17 décembre 2022) et du Consensus forecast (9 janvier 2023).

Tout en y intégrant l’exercice 2025, la Banque de France a révisé défavorablement ses estimations par rapport à leur état de septembre 2022 : pour l’année en cours, les cibles sont ramenées de 0,5 % à 0,3 % quant à la croissance, de 4,7 % à 6,0 % pour l’indice des prix ([16]), de 0,8 % à 0,5 % quant au salaire moyen, seul le taux de chômage s’améliorant de 7,8 % à 7,5 %.

hypothÈses macroÉconomiques de la Banque de France pour 2019 À 2025

(en pourcentage)

 

 

2022

2023

2024

2025

Évolution du PIB

+ 2,6 %

+ 0,3 %

+ 1,2 %

+ 1,8 %

IPC harmonisé (IPCH)

+ 6,0 %

+ 6,0 %

+ 2,5 %

+ 2,1 %

Solde commercial

Importations
Exportations


+ 8,9 %

+ 7,7 %


+ 4,1 %

+ 4,8 %


+ 3,4 %

+ 4,7 %

 

+ 2,6 %

+ 3,4 %

Demande intérieure

Investissement des ménages

Consommation des ménages

Pouvoir d’achat

Investissement des entreprises

Investissement public


+ 1,1 %

+ 2,4 %

– 0,3 %

+ 3,0 %

+ 4,9 %


– 1,3 %

+ 0,3 %

– 0,2 %

+ 1,8 %

– 0,3 %


– 1,9 %

+ 1,1 %

+ 1,5 %

+ 1,2 %

– 0,2 %

 

– 0,1 %

+ 1,7 %

+ 1,0 %

+ 2,6 %

+ 4,8 %

Taux d’épargne des ménages

16,5 %

16,1 %

16,5 %

15,9 %

Taux de marge

31,4 %

30,5 %

30,5 %

31,4 %

Salaire moyen par tête

+ 0,5 %

+ 0,5 %

+ 2,0 %

+ 1,5 %

Taux de chômage

7,3 %

7,5 %

8,2 %

8,3 %

Source : projections macroéconomiques de la Banque de France (17 décembre 2022).

B.   La rectification des comptes sociaux

Sont mises à jour les prévisions de recettes et de dépenses des ROBSS et du FSV pour l’année en cours (1) et les trois années suivantes (3) ; les cibles d’amortissement de la dette et de mise en réserve de recettes sont maintenues (2).

1.   Le solde des régimes obligatoires de base pour 2023

L’article 4 du PLFRSS envisage que les branches des ROBSS aient en 2023 un résultat négatif à hauteur de 8,8 milliards d’euros, réduit à 7,5 milliards d’euros en y agrégeant le résultat du FSV.

Par rapport à la prévision de la LFSS initiale pour 2023, ce déficit prévisionnel est dégradé de 0,4 milliard d’euros.

Il demeure nettement moins élevé que celui anticipé pour 2022, lequel est chiffré à – 20,7 milliards d’euros (– 18,9 milliards d’euros avec le FSV).

SOlde des branches du ROBSS et du FSV pour 2023

(en milliards d’euros)

 

Prévision
PLFSS pour 2023

Prévision
LFSS pour 2023

Prévision
PLFRSS pour 2023

Maladie

– 6,5

– 7,1

– 7,2

Accidents du travail et maladies pro.

+ 2,2

+ 2,2

+ 2,2

Vieillesse

– 3,5

– 3,6

– 3,9

Famille

+ 1,3

+ 1,3

+ 1,3

Autonomie

– 1,2

– 1,2

– 1,3

Régimes obligatoires de base

 7,6

 8,4

 8,8

Fonds de solidarité vieillesse

+ 0,8

+ 1,3

+ 1,3

ROBSS + FSV

 6,8

 7,1

 7,5

Source : annexes B du PLFSS et de la LFSS pour 2023 ; annexe A du PLFRSS pour 2023.

En particulier, le déficit de la branche vieillesse passerait de 3,6 milliards d’euros à 3,9 milliards d’euros, en raison de la revalorisation des pensions et des premiers effets de la réforme : ses recettes augmenteraient de 4 % et ses dépenses de 4,5 %.

Le déficit de la branche maladie et celui de la branche autonomie seraient également dégradés, à hauteur de 100 millions d’euros chacun, également en raison des effets de la réforme.

L’évolution du solde pour 2023 pour l’ensemble des branches des ROBSS tiendrait à un coût net de la réforme des retraites estimé à 0,4 milliard d’euros.

D’une part, elle se traduirait par 0,6 milliard d’euros de dépenses supplémentaires dès 2023 (+ 2 % par rapport à 2022), principalement imputées à la branche vieillesse (+ 0,4 milliard d’euros) et dans une moindre mesure aux branches maladie et autonomie (+ 0,1 milliard d’euros chacune). D’autre part, elle engendrerait de moindres dépenses à hauteur de 0,2 milliard d’euros dès 2023, liées au relèvement de l’âge légal d’ouverture des droits à pension.

Recettes et dÉpenses des branches du ROBSS et du FSV pour 2023

(en milliards d’euros)

 

Prévision LFSS pour 2023

Prévision PLFRSS pour 2023

 

Recettes

Dépenses

Recettes

Dépenses

Maladie

231,2

238,3

231,2

238,4

Accidents du travail et maladies pro.

17,0

14,8

17,0

14,8

Vieillesse

269,7

273,3

269,7

273,7

Famille

56,7

55,3

56,7

55,3

Autonomie

36,2

37,4

36,3

37,5

Régimes obligatoires de base

593,2

601,6

593,2

602,1

Fonds de solidarité vieillesse

20,6

19,3

20,6

19,3

ROBSS + FSV

594,8

601,9

594,9

602,4

Source : annexe B de la LFSS pour 2023 ; annexe A du PLFRSS pour 2023.

Le HCFP a jugé « réaliste » l’incidence de 0,4 milliard d’euros du PLFRSS pour 2023, répartie entre 0,2 milliard d’euros de moindres dépenses et 0,6 milliard d’euros de dépenses supplémentaires, dont 0,4 milliard d’euros pour la hausse du minimum contributif prévue par l’article 10 du PLFRSS et 0,2 milliard d’euros pour les mesures en faveur de la compensation de la pénibilité ou des carrières longues et des transitions entre l’emploi et la retraite prévues par ses articles 9 et 13 ([17]).

Pour la branche maladie, la réforme a une incidence en raison de la création, par le même article 9, du fonds de prévention de l’usure dans les établissements publics de santé et médico-sociaux (ESMS). Les branches AT-MP et autonomie sont respectivement associées à la réforme des retraites au travers de l’amélioration, par l’article 12 du PLFRSS, des compensations de la pénibilité et de la validation de trimestres au titre du congé des proches aidants.

Incidences respectives des mesures du PLFRSS pour 2023 sur le solde

(en milliards d’euros)

C:\Users\bchaya-rinnert\Desktop\tempsnip4.png

Source : annexe 1 du PLFRSS pour 2023.

2.   Les objectifs assignés aux trois plus importants satellites

Aux termes de l’article 5 du PLFRSS, sont inchangées les cibles prévues par l’article 24 de la LFSS pour 2023 : la CADES devrait rembourser 17,7 milliards d’euros et les recettes affectées au FRR et au FSV seraient nulles.

La rapporteure pour avis rappelle qu’entre la création de la CADES par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 et la fin de l’année 2023, les passifs déjà apurés et ceux demeurant à son bilan atteindraient 241,6 et 146,1 milliards d’euros, rendant crédible, toutes choses égales par ailleurs, une extinction de cette dette publique d’ici à 2033.

3.   Les projections jusqu’en 2026

Une nouvelle trajectoire pour les comptes des ROBSS et du FSV entre 2024 et 2026 est présentée par l’article 6 du PLFRSS et son annexe A.

Sans la réforme, la branche vieillesse pourrait connaître un déficit de 3,6 milliards d’euros en 2023, lequel atteindrait 15,7 milliards d’euros en 2026.

Le PLFRSS garantit le service des pensions en remettant les comptes de la branche vieillesse sur une trajectoire plus soutenable, quoique ne résorbant pas le besoin de financement : une fois passé un creusement de 300 millions d’euros en 2023 (– 3,9 milliards d’euros), son déficit serait ramené à 8,3 milliards d’euros en 2024, puis 12,6 milliards d’euros en 2025 et 14,9 milliards d’euros en 2026.

Par ailleurs, l’excédent du FSV serait rehaussé de 1,7 à 1,8 milliard d’euros en 2024 et son niveau serait inchangé jusqu’en 2026.

Solde effectif et projetÉ des ROBSS et du FSV de 2008 À 2026

(en milliards d’euros)

Note : histogrammes – soldes effectif, projeté et rectifié pour les ROBSS et le FSV ; courbes – branche vieillesse, hors FSV.

Source : LFSS pour 2008 à 2023 ; annexe A du PLFRSS pour 2023.

La croissance des recettes des ROBSS et du FSV, à hauteur de 24,7 milliards d’euros (4,2 %) en 2024, puis de 19,3 milliards d’euros (3,1 %) en 2025 et de 19,2 milliards d’euros (3 %) en 2026, serait ainsi dans un premier temps inférieure à celle de leurs dépenses, avec 26,1 milliards d’euros (4,3 %) en 2024 et 23,1 milliards d’euros (3,7 %) en 2025), avant de devenir supérieure à cette dernière (15,8 milliards d’euros (2,4 %) en 2026.

Même si la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 constitue une référence caduque et que le projet de LPFP pour les années 2023 à 2027 n’a pas été adopté par le Parlement à l’heure de l’examen du PLFRSS pour 2023, le HCFP a souligné que :

– « les informations communiquées par le Gouvernement permettent de constater que l’impact de la réforme sur le solde des régimes obligatoires de base et du FSV est proche, à l’horizon 2026, de ce qui était prévu dans la LFSS pour 2023, a priori cohérente, en matière de contenu de la réforme des retraites, avec le projet de LPFP, mais légèrement moins favorable (de 0,7 milliard d’euros) » ;

– « la trajectoire de dette inscrite dans le projet de LPFP intégrait déjà les conséquences de la mise en œuvre d’une réforme des retraites », de sorte qu’il est cohérent que soit maintenue la prévision d’une dette publique atteignant 111,2 points de PIB en 2023 puis 110,9 points en 2027 ([18]).

C.   La fermeture de cinq rÉgimes spÉciaux de retraite

L’article 1er du PLFRSS fait converger les règles d’affiliation au système de retraite de plusieurs catégories d’assurés avec celles de droit commun.

● Un régime désigne l’ensemble des droits (prestations) et devoirs (cotisations) d’une population (les affiliés et leurs ayants droit), déterminée suivant des critères professionnels (par exemple, les avocats) ou catégoriels (par exemple, les salariés du secteur privé) face à tout ou partie des risques sociaux.

Chacun des régimes comprend une ou plusieurs branches (par exemple, la branche maladie), lesquelles sont chargées de couvrir un ou plusieurs risques (par exemple, les risques liés à la maladie, à la maternité, à l’invalidité et au décès).

En pratique, ainsi que le résume le tableau ci-après, certains régimes assurent à la fois une population pour l’ensemble des risques et des populations tierces pour certains risques seulement, d’autres régimes ne gèrent qu’un nombre limité de risques, parfois sans qu’ils constituent une branche complète ([19]).

● Indépendamment de la question des affiliations multiples en fonction de la carrière des assurés, la branche vieillesse est celle qui illustre le mieux la différence entre le régime général, géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et les autres régimes.

Parmi ces derniers, toujours en ne retenant que les différences concernant la branche vieillesse, l’usage a consacré une nouvelle division entre :

– le régime des salariés agricoles et celui des exploitants agricoles, gérés par la Mutualité sociale agricole (MSA) ;

– les deux régimes des indépendants, gérés par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) pour les avocats et par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) pour une dizaine de groupes professionnels non-salariés, à savoir les médecins (CARMF), les chirurgiens-dentistes et sages-femmes (CARCDSF), les infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes (CARPIMKO), les vétérinaires (CARPV), les agents généraux et mandataires non-salariés de l’assurance et de la capitalisation (CAVAMAC), les experts-comptables et commissaires aux comptes (CAVEC), les huissiers de justice, greffiers près des tribunaux de commerce, commissaires-priseurs judiciaires, commissaires-priseurs de ventes volontaires et administrateurs et mandataires judiciaires (CAVOM), les pharmaciens (CAVP), les notaires (CPRN), et divers métiers comme les architectes, agréés en architecture, ingénieurs, géomètres, consultants, etc. (CIPAV) ;

– une vingtaine de régimes spéciaux, pour moitié publics et pour moitié privés, caractérisés par leur institution avant l’ordonnance n° 45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale.

RÉgimes de base de sÉcuritÉ sociale (hors branches famille et autonomie)

Note n° 1 (direction de la sécurité sociale) : pour simplifier la lecture, les tableaux reposent sur la notion de branche, non de risque. Par conséquent, les prestations effectivement prises en charge peuvent varier entre les régimes identifiés comme disposant d’une même branche. Il en résulte aussi que le risque d’invalidité est conventionnellement inclus dans la branche maladie pour les personnes avant l’âge légal de départ à la retraite et dans la branche vieillesse après.

Certains régimes d’assurance vieillesse servent des pensions d’invalidité ou des rentes (pensions de réforme). Lorsque ce sont les seules prestations incluses dans les comptes de la branche, la case est notée du symbole ○. Lorsque le régime assure la couverture des risques correspondant à la branche, la case est notée du symbole ●. Lorsque les risques ne sont pas couverts par ce régime, la case est vide. Par exemple, les fonctionnaires civils de l’État sont assurés au régime général au titre de l’assurance maladie. Ils sont affiliés à un régime spécial pour les branches vieillesse et AT-MP.

Note n° 2 : manquent le régime de l’Office de radio-télévision française (ORTF), fermé en 1936, et celui CESE.

Légende : sont grisés les régimes spéciaux déjà fermés ou dont la fermeture est envisagée par le PLFRSS pour 2023.

Source : annexe 1 du PLFSS pour 2023.

Si cette ordonnance fondatrice proclame que « l’organisation de la sécurité sociale assure dès à présent le service des prestations prévues par les législations concernant […] l’allocation aux vieux travailleurs salariés » et que « des ordonnances ultérieures procéderont à l’harmonisation desdites législations et pourront étendre le champ d’application de l’organisation de la sécurité sociale à des catégories nouvelles de bénéficiaires » ([20]), la loi a précisé, via ce qui est aujourd’hui l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale, que « parmi celles jouissant déjà d’un régime spécial le 6 octobre 1945, demeurent provisoirement soumises à une organisation spéciale de sécurité sociale, les branches d’activités ou entreprises énumérées par un décret en Conseil d’État » ([21]).

● La rapporteure pour avis soutient les objectifs du Gouvernement en termes d’équité, d’universalité et de lisibilité du système de retraite : l’existence de certains des régimes spéciaux chargés de l’assurance vieillesse ne paraît plus pertinente, compte tenu à la fois du rapprochement considérable des conditions de travail des assurés qui en relèvent avec ceux relevant du régime général ou de ceux déjà alignés sur lui et du déséquilibre démographique qui les caractérise parfois, obligeant l’État à compenser leur déficit.

En matière de retraite, tel est le cas des régimes des industries électriques et gazières (CNIEG), lesquelles couvrent singulièrement le personnel des sociétés Électricité de France (EDF), Engie, Enedis et de leurs réseaux de transport (RTE, GRDF, etc.), de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des clercs et employés de notaire (CRPCEN), de la Banque de France et des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Par exemple, les cotisations de la RATP représentaient 489 millions d’euros en 2021, tandis que la dotation de l’État atteignait 737 millions d’euros.

Dans ces cinq régimes spéciaux, l’âge légal de départ à la retraite est fréquemment plus bas que 62 ans (cf. infra) : la durée de versement de la pension y est donc plus longue.

À compter du 1er septembre 2023, les assurés recrutés dans les entreprises ou organismes concernés seront affiliés à la branche vieillesse du régime général, ce qui d’ailleurs fluidifiera le marché du travail et ouvrira aux intéressés le bénéfice du compte personnel de prévention (C2P) pour l’exposition à certains risques.

En revanche, si les salariés et agents recrutés avant cette date demeureront rattachés aux régimes en question, ils se verront appliquer le décalage de deux ans l’âge légal et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation. Cette extinction progressive des affiliations (clause dite du grand-père), qui a déjà été appliquée dans le passé (par exemple récemment pour le régime de la SNCF) évite des transitions complexes pour les assurés et l’administration.

Effectifs et charges des rÉgimes spÉciaux en 2021

(en nombre, en milliards d’euros et en années)

 

IEG

CRPCEN

RATP

Banque de F.

CESE

Stock de cotisants

135 427

62 854

42 444

8 392

175

Flux de nouveaux affiliés

4 607

7 606

1 033

120

n. c.

Prestations vieillesse

5,2 Md€

0,8 Md€

1,2 Md€

0,5 Md €

Durée de versement

Femmes (moy. : 23,9 ans)

Hommes (moy. : 19,6 ans)

 

30,1 ans

26,5 ans

 

23,9 ans

20 ans

 

29,7 ans

26,9 ans

 

35 ans

25,9 ans

 

n. c.

 

Âge légal

55 à 62 ans

60 à 62 ans

52 à 62 ans

55 à 62 ans

62 ans

Note : pour la Banque de France et pour la durée de versement, les chiffres datent de 2020.

Source : annexe 2 du PLFRSS ; pour l’âge légal – documentation des régimes concernés.

Comme le précise l’exposé des motifs de l’article 1er du PLFRSS, les personnels embauchés à compter du 1er septembre 2023 « conserveront toutefois les statuts existants et demeureront couverts par ces régimes spéciaux pour les autres risques de sécurité sociale (maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, décès et invalidité pour la RATP et les IEG, maladie, maternité, décès et invalidité pour les clercs de notaire, invalidité pour la Banque de France), à l’exception des membres du CESE dont le régime spécial concerne uniquement le risque vieillesse ; en conséquence, pour la retraite complémentaire, les salariés nouvellement embauchés dans les secteurs ou les organismes concernés seront affiliés à l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et à l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO), à l’exception des membres du CESE qui seront affiliés à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC) ».

Les particularités qui subsistent dans les métiers des ressortissants des autres régimes spéciaux invitent à les exclure de la réforme.

● Il reviendra à la mission Régimes sociaux et de retraite de la loi de finances pour 2024 et à la LFSS pour le même exercice de tirer les conséquences de cette intégration à la CNAV.

Dans un premier temps, la dégradation du ratio démographique appellera un effort de compensation supplémentaire par l’État.

Incidence financiÈre de la fermeture de cinq rÉgimes spÉciaux

(en milliards d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Branche vieillesse

– 3

– 11

– 20

– 28

– 37

État

– 7

– 27

– 48

– 68

– 88

AGIRC-ARRCO

+ 7

+ 28

+ 49

+ 70

+ 92

Source : annexe 2 du PLFRSS.

D.   Deux ajustements en matiÈre de recettes

Le PLFRSS vise à faire la transparence sur la présence de salariés âgés dans les entreprises (1) et revient sur l’extension des prérogatives des organismes de recouvrement du régime général (2).

1.   Une incitation à la transparence sur l’emploi des seniors

L’article 2 du PLFRSS crée un index sur l’emploi des personnes âgées, que les entreprises devront publier, faute sinon de s’acquitter d’une contribution.

La création de cette dernière et l’affectation de son produit aux organismes de sécurité sociale doivent permettre de justifier l’introduction d’une disposition de ce type dans une loi de financement de la sécurité sociale.

● Selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) des ministères chargés des affaires sociales, le taux d’emploi des seniors en France est à son plus haut depuis 1975, mais il reste nettement moindre que chez nos partenaires européens.

L’INSEE définit le taux d’emploi comme le rapport entre le nombre de personnes occupant effectivement un emploi et le nombre total de personnes.

Il faut distinguer cette notion du taux d’activité, qui rapporte le nombre d’actifs, c’est-à-dire à la fois celui des personnes en emploi et celui des chômeurs, à la population en âge de travailler.

Le Bureau international du travail (BIT), pour sa part, fait débuter cet âge à 15 ans et retient comme chômeurs les personnes :

– sans emploi durant une semaine donnée ;

– disponibles pour travailler sous deux semaines ;

– et ayant soit effectué, dans les quatre dernières semaines, des démarches actives pour trouver un emploi ou accepté d’en commencer un sous trois mois.

Chez les personnes de 55 à 64 ans, le taux d’emploi est de 56 % en 2021. 

Le ratio a donc progressé de 7,7 points depuis 2014.

Aux yeux du Gouvernement comme à ceux de la rapporteure pour avis, cela confirme l’évidence suivant laquelle les réformes de 2010 et 2014 ayant allongé la durée de travail avant le départ à la retraite, loin de faire basculer les individus concernés parmi les allocataires de l’Union nationale de l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNÉDIC) ont été favorables à l’emploi. 

En 2021, leur taux de chômage atteignait 6,3 %, contre 7,9 % pour l’ensemble des actifs.

Taux d’activitÉ et d’emploi des seniors de 1957 À 2021

(en pourcentage ; pour le graphique de gauche : taux d’activité en rouge et taux d’emploi en bleu)

Légende : à gauche – taux d’activité en rouge et taux d’emploi en bleu (55-64 ans) ; à droite – taux d’emploi.

Source : DARES, janvier 2023.

La situation est cependant très hétérogène à l’intérieur de cette classe d’âge, avec un taux d’emploi passant d’environ 80 % à 55 ans à environ 15 % à 64 ans.

Situation des seniors en 2021

(en pourcentage)

Source : DARES, janvier 2023.

En fonction de la classe d’âge, à savoir de 55 à 64 ans ou de 60 à 64 ans, le taux d’emploi européen moyen dépasse de 12 ou de 27 points celui de la France.

Taux d’emploi des seniors (55-64 ans) en France et dans l’Union europÉenne

(en pourcentage)

C:\Users\bchaya-rinnert\Desktop\tempsnip2.png

Source : DARES, janvier 2023 (chiffres de 2021).

Taux d’emploi des seniors (60-65 ans) en France et dans l’Union europÉenne

(en pourcentage)

 

C:\Users\bchaya-rinnert\Desktop\tempsnip.png

Source : DARES, avril 2022 (chiffres de 2020).

● La réforme des retraites proposée comprend des mesures pour lutter contre ce « talon d’Achille de l’économie française » qu’est la faible employabilité des seniors, laquelle s’expliquerait notamment par de « fortes incitations à ne pas travailler au-delà de l’âge » légal ou à plus forte raison de l’âge du taux plein. Dans le système actuel, les nouveaux droits constitués sont marginalement moins intéressants que le bénéfice des prestations déjà acquises, tandis que perdurent des représentations inexactes chez les employeurs, par exemple sur la priorité qu’il conviendrait de donner aux actifs plus jeunes.

Au nombre des solutions figurent « l’amélioration des conditions de travail et des actions à l’échelle des entreprises […] pour les 55 ans et plus, la promotion de la souplesse dans le choix des horaires de travail, […], des compléments de salaire en cas de réembauche à un salaire moindre, […] et des programmes de recherche et de développement pour […] comprendre les causes […] que des maladies professionnelles et des accidents du travail » ([22]).

C’est le sens des dispositions sur la prévention de l’usure et sur l’acquisition de droits supplémentaires en cas de cumul entre l’emploi et la retraite.

● Deux nouveaux articles L. 5121-6 et L. 5121-7 du code du travail introduits par l’article 2 du PLFRSS prévoient ainsi que les employeurs d’au moins 300 salariés publient chaque année un index concernant l’emploi des salariés âgés et les actions le favorisant, selon des modalités qu’un décret préciserait après concertation avec les syndicats.

L’article L. 2242-20 du même code serait complété de sorte que ces données servent tous les trois ans dans la « négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers ».

En cas de méconnaissance de cette obligation, les entreprises pourraient se voir appliquer par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’État, une pénalité dont le montant varierait selon l’effort constaté dans chacune d’entre elles et selon les motifs de méconnaissance de l’obligation. Le montant de cette pénalité serait donc modulable, dans la limite d’un plafond édicté par le législateur et correspondant à 1 % des rémunérations et gains versés aux salariés au cours de l’année précédente.

Son produit, estimé à 13,3 millions d’euros en 2023 et 15 millions d’euros en 2024 – sous l’hypothèse d’un assujettissement de 10 % des entreprises, à un taux moyen de 0,5 % et sur une assiette salariale de 177 milliards d’euros en 2023 puis de 267 milliards d’euros en 2024 –  serait affecté à la CNAV.

Ce produit diminuerait ensuite à mesure que le taux de publication de l’index sur l’emploi des seniors se rapprocherait de 95 %.

La disposition s’appliquerait à compter du 1er novembre 2023 pour les entreprises d’au moins de 1 000 salariés et du 1er juillet 2024 pour les entreprises d’au moins 300 salariés.

2.   Un aménagement du recouvrement des cotisations

L’article 3 du PLFRSS annule le transfert du recouvrement de certaines contributions et cotisations au réseau piloté par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

● Constatant que l’éclatement de la collecte des prélèvements sociaux nuisait autant à sa lisibilité pour les assurés qu’aux comptes publics, car il augmente les frais de gestion et les risques d’erreur, le législateur a engagé un mouvement de centralisation au profit des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et, de façon subsidiaire, des caisses locales de la MSA ou des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) en ce qui concerne l’outre-mer.

En 2020, le rapprochement a concerné les cotisations et contributions dues à la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG), ainsi qu’au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH).

La démarche s’est poursuivie en 2021 avec les recettes de l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM) et en 2022 avec celles la CNIEG, ainsi que la contribution à la formation professionnelle et la taxe d’apprentissage, dont le produit est centralisé par France compétences.

Enfin, l’année 2023 verra l’intégration aux missions des URSSAF et des CGSS de l’appel des prélèvements bénéficiant à la CRPCEN, à la Caisse d’assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC) et à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (CIPAV).

Il était prévu que l’unification touche aussi :

– l’AGIRC-ARRCO ;

– quatre régimes gérés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), à savoir la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière (CNRACL), l’IRCANTEC, le Fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) et l’Établissement pour la retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP).

Des interrogations quant à l’interopérabilité des systèmes d’information et une certaine réticence des organisations syndicales et patronales avaient conduit à repousser cette dernière étape de 2022 à 2023 puis 2024 pour l’AGIRC-ARRCO et à 2025 pour les régimes adossés à la CDC.

● Le Gouvernement, dans l’exposé des motifs de l’article 3 du PLFRSS, reconnaît qu’en dépit de la réussite technique des précédentes étapes, « les inquiétudes des partenaires gestionnaires du régime [de retraite complémentaire du secteur privé] n’ont pas pu être levées » et qu’un travail apaisé sur la simplification des déclarations par les entreprises et la fiabilisation des droits des assurés implique pour l’heure de « retirer » les deux derniers chantiers.

D’une part, sont rétablies plusieurs dispositions des articles L. 213-1, L. 213-1-1, L. 243-6-3, L. 243-6-6, L. 243-6-7 et L. 921-2-1 du code de la sécurité sociale dans leur avant-dernière rédaction.

D’autre part, sont supprimées certaines coordinations figurant à l’article 18 de la LFSS pour 2020, issues de cette dernière ou de ses modifications par les articles 6 et 7 de la LFSS pour 2023.

Ce retour à l’état antérieur du droit garantira aussi aux employeurs que leurs demandes de délais de paiement ou de plans d’apurement de leur dette sociale, ainsi que la fiabilisation de leurs déclarations sociales nominatives (DSN) seront traitées par leur interlocuteur actuel et non par l’organisme qui devait s’y substituer.

L’absence de transfert du recouvrement aurait une incidence légèrement positive sur les comptes des ROBSS en 2023 : estimée à un million d’euros, elle tiendrait à l’abandon des travaux techniques engagés.

À partir de 2024 en revanche, la mesure aura un coût de 25 à 40 millions d’euros par an, du fait de la renonciation aux gains d’efficience escomptés, avec le maintien d’effectifs doubles.


II.   Les mesures en dÉpenses

Sont abordés ci-après les articles 7 à 13 du PLFRSS.

Si les deux principales mesures du projet sont celles portant sur le recul de l’âge d’ouverture des droits à la retraite et sur l’accélération de l’allongement de la durée de cotisations permettant de liquider la retraite à taux plein (A), le projet de loi comporte d’autres mesures, à savoir l’aménagement et le renforcement des possibilités de départs anticipés à la retraite (B), des mesures de prévention et de réparation de l’usure professionnelle (C), des dispositifs de revalorisation des petites pensions (D), la validation de périodes d’assurance assimilées au titre de stages de la formation professionnelle (E), la création d’une assurance vieillesse pour les aidants (F) et la facilitation des transitions entre l’activité et la retraite (G).

A.   LES MESURES RELATIVES À l’Âge lÉgal et À la durÉe de cotisations

Les deux principaux paramètres d’un régime de retraite sont l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation nécessaire pour pouvoir liquider sa retraite à taux plein.

Le droit existant repose sur des dispositions entrées en vigueur au cours de la dernière décennie (1), que le projet de loi propose de modifier (2).

1.   Le droit existant

Les dispositions applicables aux départs en retraite actuels résultent de deux réformes : depuis la réforme de 2010, l’âge légal à partir duquel un assuré peut partir à la retraite, appelé l’âge d’ouverture des droits (AOD), est de 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956 ([23]).

Il était de 60 ans avant cette réforme.

Néanmoins, s’il est possible de liquider sa retraite dès cet âge, le taux de remplacement qui est calculé dépend du fait d’avoir cotisé un nombre de trimestres suffisant pour atteindre le « taux plein ».

Un mécanisme dit de décote consiste, en cas de départ à la retraite sans avoir un nombre de trimestres cotisés correspondant au taux plein, à appliquer une pénalité (en pourcentage de la pension de retraite), laquelle n’est annulée qu’à compter d’un âge de référence. La réforme de 2010 a porté cet âge de référence à compter duquel la décote est annulée à 67 ans.

Malgré ces évolutions, l’âge minimal de départ à la retraite reste nettement moins élevé en France que dans les autres pays de l’OCDE.

Âge minimal de dÉpart à la retraite dans les pays de l’ocde

Source : COR, rapport annuel de septembre 2022 (figure 5. II.).

La durée de cotisation nécessaire pour pouvoir liquider sa retraite à taux plein a été augmentée par l’adoption de la loi dite Touraine (loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite), dont les effets portant sur la durée de cotisations ont débuté en 2020. Avant l’entrée en vigueur de cette loi, la durée d’assurance requise était fixée par décret chaque année, selon le principe d’un allongement de la durée d’assurance parallèle à l’allongement de la durée moyenne de retraite. Le décret n° 2012-1487 du 27 décembre 2012, le dernier paru sous ce régime, a ainsi fixé la durée d’assurance exigée pour l’ouverture du droit à pension au taux plein des assurés nés en 1956 à 166 trimestres (41,5 ans).

La loi de 2014 a pour effet d’allonger progressivement la durée cotisée nécessaire pour obtenir le taux plein, à raison d’un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035. À l’issue de cette période, pour la génération née en 1973 et les générations suivantes, le nombre de trimestre requis pour obtenir une pension à taux plein est de 172 trimestres, soit 43 années ([24]).


Évolution de la durÉe d’assurance permettant d’obtenir
une retraite À taux plein en application de la rÉforme de 2014

Génération

Durée du taux plein

exprimée en trimestres

Durée du taux plein

exprimée en annuités

Assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960

167

41,75

Assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963

168

42

Assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966

169

42,25

Assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969

170

42,5

Assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972

171

42,75

Assurés nés à partir du 1er janvier 1973

172

43

Source : commission des finances à partir de l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale.

En application de la réforme de 2014, les premiers départs à la retraite concernés par l’exigence de cotisation pendant 172 trimestres pour obtenir le taux plein se feront en 2035, lorsque la génération née en 1973 atteindra l’âge de 62 ans.

Les réformes de 2010 et de 2014 :
des effets massifs sur les dépenses et les ressources du système de retraite

D’après le rapport annuel du COR de septembre 2022, les réformes menées depuis les années 1990 et l’indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires ont fortement contribué à faire diminuer la part des retraites dans le PIB à horizon 2070. Sans ces réformes, les dépenses du système de retraite représenteraient 18,9 % du PIB en 2070. Ces réformes permettent de porter cette part à 12 % (4,2 points de pourcentage pour l’indexation sur l’inflation et 2,7 points de pourcentage pour les différentes réformes).

En effet, les réformes successives, et en premier lieu celles de 2010 (loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites) et de 2014 (loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites), couplées à des entrées sur le marché du travail plus tardives pour les générations les plus jeunes, ont eu pour effet principal de repousser l’âge conjoncturel de départ à la retraite. Le report de l’âge légal de 60 à 62 ans en 2010, l’augmentation progressive de la durée d’assurance requise pour le taux plein et le report de l’âge d’annulation de la décote de 65 à 67 ans ont ainsi entraîné un recul continu de l’âge conjoncturel moyen de départ à la retraite : il était de 60,7 ans en 2000, il atteint 62,4 ans en 2020 et devrait atteindre 63,9 ans en 2070.

Du point de vue des économies réalisées, le décalage de deux ans de l’âge d’ouverture des droits résultant de la réforme de 2010 a permis de réaliser 18,9 milliards d’euros d’économie en 2020. En 2040, l’économie résultant de cette réforme ne serait toutefois plus que 12,2 milliards d’euros ([25]).

La réforme de 2010 a également eu un impact sur les recettes : le maintien en activité de certains travailleurs s’est traduit par un surcroît de cotisations et de CSG, à hauteur de 4,2 milliards d’euros sur la période allant de 2011 à 2019. Le relèvement progressif des taux de cotisations dans les régimes de retraite des fonctionnaires, et notamment à la CNRACL, a par ailleurs permis de rapporter 1,2 milliard d’euros de ressources supplémentaires aux régimes de retraite concernés ([26]).

La montée en charge des économies permises par la réforme de 2014 est plus progressive : le déploiement de l’allongement de la durée de cotisations permettant de liquider sa retraite à taux plein, pour les actifs concernés entre 2020 et 2035, devrait réduire la masse des pensions de 5,5 milliards d’euros en 2030 et de 10,2 milliards d’euros en 2040 ([27]).

La réforme de 2014 comprenait également des mesures en recettes : les taux de cotisations d’assurance vieillesse ont été relevés progressivement entre 2014 et 2017, pour un rendement total de 4,2 milliards d’euros ([28]).

Ces réformes et leurs effets ne sont pas dupliquables à l’identique au projet de loi et aux économies qu’il permettra de réaliser à terme. Toutefois, ils révèlent le caractère massif des effets des variations dites paramétriques.

2.   Le droit proposé

Afin de rétablir l’équilibre du système de retraite pour les années à venir, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 propose de modifier les deux paramètres que sont l’AOD (âge d’ouverture des droits) et le moment de plein effet de l’allongement de la période de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Il convient de noter que si les dispositions législatives étudiées visent les régimes de base dont les paramètres sont définis au niveau législatif, les régimes complémentaires devraient également être concernés par ces modifications, car les textes qui leur sont applicables renvoient en général aux dispositions du régime général.

a.   Le relèvement de l’âge d’ouverture des droits et le maintien des dispositions applicables à certaines professions

Le projet de loi propose tout d’abord de relever l’AOD de 62 à 64 ans pour l’ensemble des assurés nés à compter du 1er janvier 1968 et mentionnés à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, soit les assurés du régime général de la sécurité sociale, de la sécurité sociale agricole dont le régime de protection sociale est régi par le code rural et de la pêche maritime, et les fonctionnaires civils dont la pension est liquidée en application du code des pensions civiles et militaires.

Pour les générations nées entre 1961 et 1967, l’âge de départ en retraite sera progressivement relevé à raison de trois mois par génération.

Évolution de l’Âge lÉgal d’ouverture des droits À la retraite

1er janvier 1961 au 31 août 1961

62 ans

1er septembre au 31 décembre 1961

62 ans et 3 mois

1962

62 ans et 6 mois

1963

62 ans et 9 mois

1964

63 ans

1965

63 ans et 3 mois

1966

63 ans et 6 mois

1967

63 ans et 9 mois

1968

64 ans

Source : commission des finances à partir du dossier de presse du PLFRSS.

Il convient toutefois de noter que la modification de l’AOD n’entraîne pas une modification équivalente de l’âge d’annulation de la décote, à partir duquel les assurés n’ayant pas validé suffisamment de trimestres pour bénéficier du taux plein acquièrent automatiquement ce dernier. Cet âge d’annulation de la décote restera fixé à 67 ans, comme dans le droit actuel (la période de décote sera donc de trois années et non plus de cinq années). Ce maintien est favorable aux femmes ou aux personnes ayant eu des carrières hachées : pour la génération 1950, 19 % des femmes ont liquidé leur retraite à taux plein grâce à l’atteinte de l’âge d’annulation de la décote, contre 10 % des hommes.

Ces dispositions concernent également la fonction publique : pour les fonctionnaires sédentaires, l’AOD sera également fixé à 64 ans et l’âge d’annulation de la décote à 67 ans.

Certains agents publics bénéficient d’un régime dérogatoire au titre de leur appartenance à une catégorie dite active. En application du droit en vigueur, la liquidation de la pension intervient à 57 ans si la personne a accompli au moins 17 ans de service dans des emplois de catégorie active.

Le projet de loi applique aux catégories actives le recul de l’AOD : la liquidation de leur retraite pourra intervenir cinq ans avant le droit commun, soit à l’âge de 59 ans. En outre, la condition d’exercice de 17 ans est maintenue.

L’âge d’annulation de la décote est fixé à 62 ans pour ces fonctionnaires de catégories actives, de la même manière que dans le droit actuel. Ainsi, si l’AOD augmente de deux ans, l’âge de la décote reste identique, de la même manière que pour l’ensemble des assurés des régimes alignés.

En outre, le projet propose d’inscrire et de regrouper à l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires les dispositions relatives à l’âge de départ en retraite des catégories dites « super-actives », qui peuvent dans le droit actuel liquider leur retraite à l’âge de 52 ans.

Ces fonctionnaires des catégories super-active pourraient toujours liquider leur retraite dix ans avant l’âge légal, soit à 54 ans et non plus 52 ans. Sont concernés les identificateurs de l’institut médico-légal de la préfecture de Paris, les fonctionnaires des réseaux souterrains des égouts, les personnels de surveillance de l’administration pénitentiaires et les fonctionnaires actifs de la police nationale. Des conditions de durée d’assurance s’appliqueront également.

Pour ces agents publics, l’âge d’annulation de la décote sera fixé à 57 ans.

Enfin, les officiers de carrière et sous contrat ainsi que les militaires non-officiers peuvent actuellement liquider leur retraite à l’âge de 52 ans à condition d’avoir accompli 15 ans de service.

Le projet de loi propose de porter cet âge à 54 ans, tout en maintenant la condition de durée de service.

Il convient enfin de noter que le projet de loi propose de supprimer la dégressivité des bonifications du cinquième du temps de travail des fonctionnaires actifs et des militaires, afin d’encourager la prolongation de carrière, et de tenir compte des services réalisés en tant que contractuel au titre de la durée de service ouvrant droit à un départ anticipé.

En somme, l’ensemble des catégories d’agents publics seront concernées par l’évolution de l’AOD, tout en continuant à bénéficier, pour certains d’entre eux, d’un régime de départ anticipé par rapport au droit commun.

b.   L’accélération de l’allongement de la durée de cotisation permettant de liquider la retraite au taux plein

Le projet de loi propose d’accélérer l’augmentation de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une pension à taux plein.

durÉe de cotisation par gÉnÉration
pour pouvoir liquider une pension À taux plein
dans le droit en vigueur et dans le droit proposÉ (rÉgime gÉnÉral)

Génération

Durée de cotisation dans le droit actuel

Durée de cotisation dans le droit proposé

Nombre de trimestres supplémentaires nécessaires

1er janvier 1961 au 31 août 1961

168 trimestres

168 trimestres

0

1er septembre au 31 décembre 1961

168 trimestres

169 trimestres

1

1962

168 trimestres

169 trimestres

1

1963

168 trimestres

170 trimestres

2

1964

169 trimestres

171 trimestres

2

1965

169 trimestres

172 trimestres

3

1966

169 trimestres

172 trimestres

3

1967

170 trimestres

172 trimestres

2

1968

170 trimestres

172 trimestres

2

1969

170 trimestres

172 trimestres

2

1970

171 trimestres

172 trimestres

1

1971

171 trimestres

172 trimestres

1

1972

171 trimestres

172 trimestres

1

1973

172 trimestres

172 trimestres

0

Source : commission des finances à partir du dossier de presse du PLFRSS.

Ainsi, le plein effet de la réforme dite Touraine est avancé à la génération née en 1965, qui devra cotiser 43 annuités pour obtenir un taux plein, et non 42,25 annuités. Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1973, le projet de loi est sans incidence sur la durée de cotisation permettant d’obtenir le taux plein.

D’après le Gouvernement, l’application à tous les assurés de l’allongement de la durée de cotisation permettant de liquider la retraite à taux plein permettrait de générer une économie de 2,3 milliards d’euros en 2025 et de 4,7 milliards d’euros en 2030 ([29]).

3.   Les effets de la réforme pour les assurés et pour l’équilibre du système de retraite

Le relèvement de l’AOD et de la durée de cotisation permettant de liquider une retraite à taux plein doivent permettre de restaurer l’équilibre du système.

a.   Les effets budgétaires des mesures de relèvement de l’âge d’ouverture des droits et d’allongement de la durée de cotisation permettant de liquider une retraite à taux plein

Les moindres dépenses permises par ces deux mesures sont évaluées par le Gouvernement en 2023 à 180 millions d’euros sur le champ des ROBSS. Ces économies devraient ensuite augmenter, pour atteindre 2,12 milliards d’euros en 2024, 3,38 milliards d’euros en 2025 et 4,88 milliards d’euros en 2026 ([30]).

Il convient toutefois de noter que les effets seront plus larges : à l’échelle du système de retraite, incluant donc les régimes complémentaires et les dotations et subventions à la charge de l’État au titre de l’équilibrage de certains régimes, les économies atteindraient 270 millions d’euros en 2023, et augmenteraient pour atteindre 7,47 milliards d’euros en 2026.

incidence budgÉtaire des mesures d’Âge
et de durÉe de cotisation de l’article 7 du PLFRSS

(en millions d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

Assurance vieillesse
des régimes obligatoires
de base

180

2 120

3 380

4 880

Contributions
et subventions versées
par l’État

20

280

450

530

Régimes de retraite complémentaires

70

930

1 490

2 060

Total

270

3 330

5 320

7 470

Source : commission des finances à partir de l’annexe 2 du PLFRSS.

L’effet de ces mesures étant croissant avec le temps, les moindres dépenses seraient de plus en plus importantes : d’après les éléments apportés par le Gouvernement, l’économie permise par ces dispositions est estimée à 10,3 milliards d’euros en 2027, et à 17,7 milliards d’euros en 2030.

b.   Les effets attendus pour les assurés

Le premier des effets de ces mesures devrait être un allongement la période d’activité des assurés : d’après le Gouvernement, « le nombre de personnes en emploi âgées de 55 à 64 ans augmenterait ainsi de plus de 100 000 en 2025 et atteindrait 300 000 en 2030 » ([31]). Le taux d’emploi des personnes âgées de 60 à 64 ans augmenterait donc de 2 points en 2025 et de 6 points à partir de 2030.

Un tel effet avait d’ores et déjà été observé lors de la mise en œuvre de la réforme des retraites de 2010 : pour les hommes, la probabilité d’être à la retraite entre 60 et 62 ans a diminué de 27 points (elle est passée de 57 % à 30 %).

Cette évolution s’explique entre autres à hauteur de 14 points par une entrée dans l’emploi à temps plein et à hauteur de 3 points par une entrée dans l’emploi à taux partiel ([32]).

Au-delà des effets sur l’emploi, l’étude de l’âge conjoncturel de départ à la retraite peut permettre d’estimer les effets de la réforme sur l’âge effectif de départ à la retraite des assurés.

L’âge conjoncturel de départ à la retraite est l’indicateur qui permet de connaître pour une année donnée l’âge moyen de départ d’une génération fictive qui aurait, à chaque âge, la même probabilité d’être à la retraite que la génération qui atteint cet âge au cours de l’année d’observation.

Cet indicateur renseigne donc sur l’âge effectif de départ en retraite probable, indépendamment de l’âge légal d’ouverture des droits. L’âge conjoncturel moyen de départ à la retraite a fortement augmenté depuis 2010, passant de 60,5 ans à 62,4 ans en 2020. Il reste plus élevé pour les femmes (62,6 ans) que pour les hommes (62 ans). Cette augmentation traduit principalement le relèvement de l’âge minimum légal d’ouverture des droits issu de la réforme de 2010.

Cette augmentation de deux ans est similaire quelle que soit la catégorie socio-professionnelle considérée, même si elle est un peu plus faible pour les plus diplômés (+ 1,9 an pour les personnes ayant un diplôme du supérieur long) que pour les moins diplômés (+ 2,2 ans pour les personnes n’ayant aucun diplôme) ([33]).

En extrapolant ces résultats au PLFRSS examiné dans le présent rapport, il semble donc probable que les évolutions proposées aient une incidence sur tous les assurés, indépendamment de leur catégorie socio-professionnelle, toutes concernées par un départ moyen compris entre 62 ans et 64 ans. L’examen des différences d’âge conjoncturel moyen de départ en retraite entre les catégories socio-professionnelles confirme en grande partie cette analyse.

Âge conjoncturel moyen de dÉpart en retraite et durÉe en emploi
et hors emploi selon les catÉgories socio-profesionnelles

Catégorie socioprofessionnelle

Âge conjoncturel de départ
à la retraite

Proportion de retraités à 61 ans

Durée moyenne en emploi (hors cumul)

Durée moyenne sans emploi ni retraite

9 – Toutes CSP confondues

62,4

31 %

9,5

2,9

1 – Agriculteurs exploitants

63,2

36 %

12,4

0,8

5 – Employés

62,4

24 %

8,8

3,6

6 – Ouvriers

62,0

38 %

7,8

4,2

2 – Artisans, commerçants
et chefs d’entreprise

63,5

22 %

10,7

2,7

3 – Cadres et professions intellectuelles supérieures

63,1

24 %

11,7

1,4

Source : commission des finances à partir des données en open source de la DREES.

L’âge conjoncturel moyen de départ à la retraite est supérieur à 62 ans pour toutes les catégories socio-professionnelles, excepté les ouvriers. Il est compris entre 63,1 ans et 63,5 ans pour les cadres et professions intellectuelles supérieures, les artisans, commerçants et chefs d’entreprises et les agriculteurs exploitants.

En outre, les départs avant l’âge de 64 ans représentent plus de la moitié des départs quelle que soit la catégorie socio-professionnelle considérée ([34]), ce qui confirme que toutes seraient concernées par le relèvement de l’AOD. En effet, en 2020, 36 % des nouveaux retraités ont liquidé leur retraite au cours de leur soixante-deuxième année et 36 % au cours de leur soixante-troisième année ou après ([35]).

B.   L’amÉnagement et le renforcement des possibilitÉs de dÉparts anticipÉs À la retraite

Le système de retraite comprend différents dispositifs permettant aux assurés de liquider leur pension avant l’âge d’ouverture des droits ou de bénéficier d’une retraite à taux plein à l’âge d’ouverture des droits sans avoir besoin de justifier de la période de cotisation de droit commun.

les principaux dispositifs de retraite anticipÉe dans le droit existant

Note : l’acronyme « RACL » signifie « retraite anticipée pour carrière longue ».

Source : rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites du Gouvernement.

Le PLFRSS propose de conserver et d’aménager ces différents dispositifs dans le sens d’une meilleure prise en compte des spécificités des assurés.

Le coût de ces mesures est estimé en 2023 à 90 millions d’euros pour le système de retraite dans son ensemble, dont 60 millions d’euros au titre des régimes obligatoires de base. En 2026, le coût estimé de ces mesures est de 1,6 milliard d’euros pour l’ensemble du système de retraite, dont 1,1 milliard d’euros sur le seul champ des régimes obligatoires de base.

Dans le cadre du PLFRSS, sont concernés par les dispositifs de retraite anticipée les assurés ayant eu une carrière longue (1), les travailleurs handicapés (2), les travailleurs en situations d’inaptitude ou d’invalidité (3) et les assurés titulaires d’un compte professionnel de prévention (4).

1.   Les assurés éligibles à une retraite anticipée pour carrière longue

● Les assurés ayant eu une carrière longue et ayant accompli une durée totale d’assurance (ou de périodes reconnues équivalentes) ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré, peuvent dans le droit existant bénéficier d’un âge de liquidation de la retraite anticipé ([36]). Les paramètres de ce dispositif sont précisés par voie réglementaire ([37]).

En pratique, l’assuré doit avoir commencé à travailler au moins avant l’âge de 20 ans pour pouvoir de liquider sa retraite avant l’AOD. Dans le droit en vigueur, deux conditions de durée d’assurance doivent être remplies pour pouvoir en bénéficier :

– pour pouvoir liquider sa retraite à 58 ans, l’assuré doit avoir cotisé 180 trimestres (45 annuités) dont 4 ou 5 trimestres à la fin de sa seizième année ([38]). Il doit donc cotiser deux ans de plus que les assurés de droit commun pour bénéficier d’une retraite à taux plein ;

– pour pouvoir liquider sa retraite à 60 ans, l’assuré doit avoir cotisé 172 trimestres (43 ans), dont 4 ou 5 à la fin de sa vingtième année. Le même nombre de trimestres que pour les assurés de droit commun est donc demandé.

Les départs pour carrière longue représentent en 2016, pour les retraités de la génération 1950, 12 % des départs en retraite. Cette part est plus importante chez les hommes (18 % des départs en retraite) que chez les femmes (5 %).

● L’article 8 du PLFRSS propose plusieurs évolutions de ce dispositif.

Tout d’abord, il propose que soient désormais comptabilisées comme périodes cotisées les périodes validées au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) ainsi que pour les bénéficiaires de l’assurance vieillesse des aidants (AVA) pour lesquels un dispositif spécifique est créé par le projet de loi (cf. infra). Ces dispositions faciliteront l’accès des assurés au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue.

La prise en compte des durées comptabilisées au titre de l’AVPF bénéficie, d’un point de vue statistique, en premier lieu aux femmes : à titre d’exemple, cette mesure permettrait à 3 000 femmes nées en 1966 de partir plus tôt à la retraite, ainsi qu’à 200 hommes. Le Gouvernement estime par ailleurs que le montant de la pension moyenne des femmes liquidant leur retraite au titre de la carrière longue serait augmenté de 250 euros environ sous l’effet de cette mesure ([39]).

En outre, le projet de loi propose de remplacer ce dispositif articulé autour de deux âges de départ et de deux âges de début de carrière par un dispositif articulé autour de trois âges distincts. Il convient toutefois de noter que les paramètres de ce nouveau dispositif ne peuvent trouver leur place dans ce projet de loi, étant de rang réglementaire. Un décret devra donc venir compléter ces dispositions législatives.

Il ressort néanmoins des informations fournies par le Gouvernement que dans le futur régime de la retraite anticipée pour carrière longue :

– les personnes qui ont commencé à travailler avant 16 ans pourront toujours partir à la retraite à 58 ans, en cotisant une année de plus que les assurés de droit commun, et non plus deux ;

– les personnes ayant commencé à travailler entre 16 et 18 ans pourront liquider leur retraite à 60 ans, à condition d’avoir cotisé 44 ans. L’âge de départ est donc maintenu, mais une année supplémentaire de cotisation sera demandée ;

– les personnes ayant commencé à travailler entre 18 ans et 20 ans pourront liquider leur retraite à 62 ans, avec une durée de cotisation de 43 ans : la même exigence de durée de cotisation est maintenue, mais les assurés concernés devront liquider leur retraite deux ans plus tard que dans le droit actuel. Les dispositions proposées maintiennent tout de même la possibilité de liquider sa retraite deux ans avant l’âge d’ouverture des droits de droit commun.

En prenant en considération l’ensemble des dispositions annoncées, tant de rang réglementaire que de rang législatif, le coût de cette mesure devrait atteindre 10 millions d’euros en 2023 et devrait augmenter par la suite, jusqu’à atteindre 180 millions d’euros en 2026 pour les régimes obligatoires de base. À l’échelle du système de retraite, le coût de cette mesure devrait atteindre 280 millions d’euros en 2006 et environ 300 millions d’euros en 2027.

2.   La retraite anticipée des travailleurs handicapés

● Les personnes handicapées bénéficient d’un droit au départ à la retraite anticipée fixé par décret à 55 ans au minimum, sous certaines conditions ([40]) :

– justifier d’un nombre minimum de trimestres d’assurance retraite dont un nombre minimum de trimestres cotisés. Pour les personnes nées à compter de 1973, une durée d’assurance de 132 trimestres dont 112 cotisés est requise pour partir à 55 ans ;

– justifier pendant ces périodes d’assurance d’une condition de handicap à taux d’incapacité de 50 % au moins.

Si ces conditions sont remplies, la pension est alors versée à taux plein, quand bien même la personne n’a pas cotisé 172 trimestres.

● Le projet de loi propose de maintenir la possibilité de liquider la retraite avant l’AOD de droit commun, et il propose de faciliter l’accès à la retraite des personnes en situation de handicap à deux égards :

– il supprime la condition relative au nombre de trimestres validés, pour ne conserver que la condition relative au nombre de trimestres cotisés ;

– il diminue de 80 % à 50 % le taux d’incapacité nécessaire pour saisir, lors de la liquidation de la retraite, la commission dont le rôle est de décider de la reconnaissance administrative de l’incapacité au cours de périodes validées par l’assuré mais au cours desquelles il ne peut attester de la reconnaissance de son incapacité. L’objectif de cette disposition est donc de faciliter la reconnaissance rétroactive de la validation de trimestres.

L’assouplissement des conditions d’éligibilité devrait représenter un coût de 10 millions d’euros en 2023, puis de 30 millions d’euros pour les années suivantes.

3.   Les travailleurs en situation d’inaptitude et les travailleurs en situation d’invalidité

● L’inaptitude est le fait de ne pas pouvoir effectuer les missions de son poste en raison de son état mental ou physique. Dans le droit actuel, la retraite au titre de l’inaptitude n’ouvre pas de droit à un départ anticipé mais permet d’obtenir une retraite au taux maximum de 50 % dès 62 ans, quel que soit le nombre de trimestres validés. L’inaptitude au travail doit être reconnue par le médecin conseil de la caisse.

Certaines personnes sont considérées comme inaptes et ne sont donc pas soumises à contrôle médical. Ce sont :

– les personnes reconnues invalides avant 62 ans ;

– les titulaires d’une pension vieillesse de veuf ou veuve ;

– les titulaires de l’allocation aux adultes handicapés ;

– les titulaires de la carte d’invalidité reconnaissant au moins 80 % d’incapacité permanente.

Le régime de l’inaptitude est également appliqué aux travailleurs invalides.

À l’âge légal de la retraite, la pension pour invalidité versée par la CPAM prend fin. Elle est remplacée par la retraite au titre de l’inaptitude au travail ([41]). La substitution entre les deux prestations est automatique, sauf si la personne exerce une activité professionnelle ou est en recherche d’emploi.

Si le droit actuel était maintenu, les assurés inaptes devraient également liquider leur retraite à 64 ans, ce qui ne semble pas approprié à leur état de santé et à l’objectif d’équité poursuivi par le projet de loi.

● Ce dernier propose donc de créer un nouvel article L. 351-1-5 du code de la sécurité sociale dont l’objet est de permettre aux personnes invalides de bénéficier d’un droit au départ anticipé à la retraite, dans des conditions fixées par décret. D’après les informations communiquées par le Gouvernement, ce dernier souhaite maintenir l’âge de départ des travailleurs inaptes et invalides à 62 ans : ainsi, alors qu’actuellement leur âge légal d’ouverture des droits est identique à celui des travailleurs de droit commun, il sera inférieur de deux ans en application de la réforme. Il s’agit donc d’un régime plus favorable.

Le coût de cette mesure serait limité en 2023, atteignant 30 millions d’euros pour les branches vieillesse des régimes obligatoires de base. Son incidence budgétaire devrait cependant progressivement croître pour atteindre 860 millions d’euros en 2026. À l’échelle du système de retraite dans son intégralité, cette mesure représente 1,3 milliard d’euros de dépenses supplémentaires en 2026.

4.   Les titulaires d’un compte professionnel de prévention

Le compte professionnel de prévention (C2P) est ouvert dès lors qu’un salarié acquiert des droits au titre de la pénibilité au-delà d’un niveau défini par décret. Outre la mobilisation des droits par les bénéficiaires ( pour la prise en charge de frais de formation par exemple), « les assurés titulaires d’un compte professionnel de prévention […] bénéficient […] d’une majoration de durée d’assurance » ([42]).

Cette majoration permet d’anticiper le départ à la retraite de deux ans au plus par rapport à l’âge légal d’obtention de la retraite. En effet, l’âge légal d’obtention de la retraite est abaissé à due concurrence du nombre de trimestres de majoration de durée d’assurance du compte prévention pénibilité qui ont été attribués ([43]), dans la limite de huit trimestres ([44]).

Le projet de loi précise que la baisse de l’âge d’ouverture des droits à la retraite au titre des droits acquis au titre du C2P est fixée par décret et ne peut excéder deux ans par rapport à l’âge de départ de droit commun.

C.   La prÉvention et la rÉparation de l’usure professionnelle

Si des dispositifs de prise en compte de la pénibilité existent dans le droit actuel (1), le projet de loi propose de les renforcer et de les diversifier (2).

1.   Les dispositifs actuels de prise en compte de la pénibilité

Parmi les dispositifs en vigueur de lutte contre l’usure professionnelle, deux sont particulièrement importants.

● Le compte professionnel de prévention (C2P) permet aux travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité de cumuler des points pouvant être utilisés de plusieurs manières :

– la prise en charge de tout ou partie des frais de formation en vue d’accéder à un emploi moins exposé ;

– le financement de la réduction de l’activité à temps partiel ;

– le financement d’une majoration de durée d’assurance vieillesse et d’un départ en retraite avant l’âge légal de départ en retraite de droit commun ([45]). L’âge de départ à la retraite est abaissé à concurrence du nombre de trimestres attribués au titre de cette majoration, dans la limite d’une réduction de deux ans au maximum.

Malgré ces possibilités, le C2P et ses possibilités restent peu exploitées. À titre d’exemple, à la fin de l’année 2021, 13 600 salariés avaient demandé des conversions de points, alors que 1,9 million de C2P ont été ouverts au total ([46]). L’utilisation pour majoration de durée d’assurance reste toutefois l’usage le plus plébiscité : 9 600 des salariés ayant converti leurs points C2P l’ont fait à cet usage.

● La retraite anticipée pour incapacité permanente, définie comme le fait d’être incapable de travailler, en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle de façon irréversible, est le second outil de prise en compte de la pénibilité et de ses conséquences pour la retraite.

Dans le droit actuel, l’incapacité permanente permet de partir à taux plein de manière anticipée « lorsque cette incapacité est reconnue au titre d’une maladie professionnelle […] ou au titre d’un accident de travail […] ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle » ([47]) :

– l’assuré peut alors liquider sa retraite à 60 ans à taux plein à condition de justifier d’une incapacité permanente de 20 % ;

– il peut également liquider sa retraite à 60 ans si son incapacité permanente est au moins égale à 10 %, à condition de remplir deux conditions : s’il a été exposé, pendant 17 ans à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels et s’il est établi que l’incapacité permanente dont il est atteint est directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels. Une commission pluridisciplinaire est chargée de valider les modes de preuve apportés par l’assuré et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels ;

– enfin, l’assuré peut liquider sa retraite à 55 ans si son incapacité permanente est d’au moins 50 % et qu’il a validé un certain nombre de trimestres.

Ce dispositif se caractérise également par un faible taux de recours : en 2021, moins de 4 000 départs à la retraite concernaient ce dispositif alors que pour la même année 21 000 assurés bénéficient d’une rente au titre d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle avec un taux d’au moins 10 %.

2.   Les évolutions proposées par le projet de loi

L’article 9 du PLFRSS porte plusieurs dispositions relatives à l’usure professionnelle, à sa prévention et à sa prise en compte dans la liquidation des droits à la retraite.

a.   La création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle

Tout d’abord, le projet de loi porte la création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, placé auprès de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles au sein de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).

Ce fonds sera financé par une dotation de la branche AT-MP du régime général, dont le montant sera fixé annuellement par arrêté. Toutefois, d’après l’étude d’impact du projet de loi, ce montant serait d’environ un milliard d’euros entre 2023 et 2027, soit 200 millions d’euros par an. Ses dépenses devraient atteindre 30 millions d’euros en 2023.

Ce fonds aura pour mission de participer au financement d’actions de sensibilisation et de prévention, de formation, de reconversion et de prévention de la désinsertion professionnelle au bénéfice des salariés exposés à des facteurs de risque.

Un fonds pour l’usure distinct sera créé également pour la prévention de l’usure au sein des établissements publics de santé et médico-sociaux. Sa dotation annuelle serait de 30 millions d’euros en 2023, puis de 100 millions d’euros par an par la suite. Cette adaptation du fonds au secteur public hospitalier est particulièrement utile au regard de la sinistralité de ce secteur : 12 % des infirmiers, 18 % des aides-soignants et 25 % des agents des services hospitaliers sont en situation de maladie au moment de la liquidation de leur retraite ([48])

b.   L’assouplissement des conditions d’accès à la retraite anticipée pour incapacité permanente

Le projet de loi propose d’assouplir les conditions d’accès à la retraite anticipée pour incapacité permanente, dans le régime général et dans le régime des non-salariés agricoles, de deux manières :

– suppression de la condition selon laquelle les lésions entraînées par un accident du travail doivent être identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle pour pouvoir bénéficier de la retraite anticipée ;

– introduction d’une dérogation pour les assurés dont l’incapacité permanente est reconnue au titre d’une maladie professionnelle, qui ne seront plus tenus de passer devant la commission pluridisciplinaire chargée de valider les preuves et d’apprécier l’effectivité du lien entre l’incapacité permanente et l’exposition aux facteurs de risques professionnels.

En outre, il est prévu de simplifier les conditions d’accès à la retraite pour incapacité permanente, notamment en réduisant de 17 à 5 ans la condition de durée d’exposition. Ces dispositions sont néanmoins de rang réglementaire et ne figurent donc pas dans le projet de loi.

Enfin, le projet de loi prévoit une obligation d’information des bénéficiaires d’une rente d’incapacité quant au bénéfice de la retraite anticipée pour incapacité permanente.

L’ensemble de ces mesures, y compris réglementaires, devrait entraîner une augmentation du nombre de bénéficiaires estimée à 1 700 assurés par an, pour un coût de 22,2 millions d’euros en 2023 et de 70 millions d’euros en 2024.

c.   L’enrichissement et l’amélioration du C2P

Le projet de loi propose d’introduire une nouvelle modalité d’usage du C2P, afin de permettre aux assurés d’utiliser leurs droits acquis pour le financement des frais de formation, de bilan de compétences et de validation des acquis de l’expérience dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle. Il prévoit également de pouvoir utiliser ces droits pour financer un congé de reconversion professionnelle dont le but est d’accéder à un emploi moins exposé. Les congés de reconversion professionnelle devraient entraîner 2,6 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2023, puis atteindre 19 millions d’euros de dépenses supplémentaires annuelles en 2030.

En outre, il est proposé d’une part de supprimer le plafonnement du nombre de points C2P pouvant être accumulés par les assurés et d’autre part d’aménager les modalités spécifiques pour la prise en compte de l’exposition simultanée à plusieurs risques. Actuellement, un salarié exposé à au moins deux risques acquiert huit points, quel que soit le nombre de facteurs simultanés. Ces modalités nouvelles d’acquisition des points seront définies par décret et devraient permettre l’accélération de la constitution de droits. L’incidence budgétaire des modifications dans la prise en compte de la poly-exposition ne devrait atteindre que 100 000 euros de dépenses supplémentaires en 2023, mais devrait représenter 3 millions d’euros en 2030.

Plusieurs autres mesures sont citées par l’étude d’impact du projet de loi, mais ne peuvent y trouver leur place en raison de leur nature réglementaire : c’est par exemple le cas de la modification des seuils d’acquisition des points et de leur valeur.

d.   La mise en œuvre d’un suivi individuel pour les salariés exposés

L’article 9 du PLFRSS prévoit également que les salariés exerçant des métiers particulièrement exposés bénéficient d’un suivi individuel comprenant une visite médicale de mi- carrière pouvant donner lieu à des mesures individuelles d’aménagement ou d’adaptation du poste de travail. En outre, une visite médicale est organisée entre le soixantième et le soixante et unième anniversaire du salarié, au cours de laquelle il lui est indiqué s’il peut bénéficier ou non d’une pension d’inaptitude. Ce suivi individuel devrait engendrer des dépenses supplémentaires à hauteur de 95 millions d’euros en 2026.

D.   La revalorisation des petites pensions et l’amÉlioration du recours À l’aspa

Le niveau de vie relatif des retraités est en amélioration depuis le début des années 2000 et le taux de remplacement des retraités français s’avère plus élevé que dans les pays voisins : le taux de remplacement net du salaire moyen est de 74 % en France, soit 10 points de plus que le taux de remplacement net de la moyenne de l’Union européenne. En outre, le taux de pauvreté est de 8,7 % parmi les retraités, contre 14,6 % pour l’ensemble de la population.

Malgré ces constats positifs, de fortes inégalités persistent entre les retraités : en 2016, 37 % des retraités résidant en France (54 % des femmes et 16 % des hommes) perçoivent une pension de droit direct inférieure ou égale à 1 000 euros bruts par mois ([49]). Parmi ces retraités, deux catégories apparaissent surreprésentées :

– sur dix retraités modestes, sept ont eu une carrière incomplète, en raison d’une entrée tardive sur le marché du travail, de difficultés de santé, ou d’une carrière hachée ;

– les femmes sont également plus nombreuses que les hommes à percevoir une petite pension : 52 % d’entre elles perçoivent une pension modeste, alors que c’est le cas de 20 % des hommes ([50]). La maternité et ses conséquences sont la première explication de cette différence.

Le minimum contributif (MICO) (1) et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) (2) sont les deux principaux dispositifs de lutte contre la pauvreté des retraités. Le projet de loi propose des évolutions pour chacun de ces dispositifs, ainsi que la prise en compte de trimestres supplémentaires pour les parents au foyer (3), dans le but de soutenir le pouvoir d’achat des retraités.

1.   La revalorisation du MICO et l’indexation sur le SMIC

● Le minimum contributif (MICO) est un dispositif permettant aux assurés ayant cotisé sur de faibles revenus et bénéficiant d’une pension à taux plein du régime général de bénéficier d’un montant minimum de retraite ([51]). Bénéficient du MICO les assurés dont la retraite de base du régime général à taux plein est inférieure à 8 209,61 euros par an en 2023, soit 684,13 euros par mois. La retraite est alors portée à hauteur de ce plancher.

Ce montant plancher est majoré si le bénéficiaire réunit au moins 120 trimestres cotisés au régime général : le MICO atteint alors 8 970,86 euros brut par an, soit 747,57 euros brut par mois ([52]).

Si la durée d’assurance au régime général est inférieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein, autrement dit, si le taux plein a été atteint par une autre condition que celle de la durée d’assurance (l’atteinte de l’âge d’annulation de la décote par exemple) le montant du MICO est réduit proportionnellement à la durée d’assurance manquante au régime général.

Toutefois, l’attribution de ce minimum contributif ne peut pas conduire à porter le total des pensions de retraite (de base et complémentaires, tous régimes confondus) au-delà du plafond mensuel des retraites personnelles. Ce plafond est fixé à 1 322,87 euros par mois depuis le 1er janvier 2023 ([53]). Il est révisé aux mêmes dates et dans les mêmes conditions que le SMIC.

Dès lors, si le total des retraites personnelles dépasse le plafond autorisé après attribution du MICO, le montant de ce dernier est réduit et l’assuré n’en perçoit qu’une partie, de sorte que le total de ses retraites reste inférieur ou égal au plafond des retraites personnelles.

Des dispositifs équivalents existent pour les régimes alignés, dont la pension majorée de référence (PMR) pour les exploitants agricoles.

Le montant du MICO majoré a été conçu en 2003 de telle sorte qu’un salarié ayant eu une carrière complète, à temps complet et au SMIC, puisse bénéficier d’une pension équivalente à 85 % du montant du SMIC net. Cet objectif n’est toutefois plus respecté aujourd’hui : un décalage entre le montant du MICO majoré et le montant correspondant à 85 % du SMIC net est désormais constaté, en raison de l’indexation du MICO sur l’inflation seulement, et non sur l’évolution des salaires.

● Le projet de loi porte des mesures de revalorisation du MICO :

– il prévoit tout d’abord d’indexer le montant du MICO majoré sur le SMIC, afin de ne pas créer de nouveaux écarts entre le niveau du SMIC et celui du MICO ;

– il prévoit un rattrapage à compter du 1er septembre 2023 en revalorisant le montant du MICO et celui de la PMR (aligné sur celui du MICO) jusqu’à 100 euros par mois pour les nouveaux retraités justifiant d’une carrière complète.

Ce rattrapage, dont les modalités seront déterminées par décret, permettra d’atteindre 85 % du SMIC net pour les assurés liquidant leur pension au 1er septembre 2023. Concrètement, cette revalorisation sera de 25 euros pour le MICO et de 75 euros pour la majoration. Ces deux revalorisations étant cumulatives, la revalorisation totale du MICO majoré atteindra 100 euros.

La revalorisation du MICO s’appliquera en 2023 à 54 000 nouveaux retraités. Ce nombre devrait être de 180 000 à 200 000 au cours des années suivantes. Sous l’effet de cette mesure, environ 30 % des femmes et 17 % des hommes de la génération 1962 devraient par exemple voir le montant de leur pension augmenter d’en moyenne 400 euros par an ([54]). Le coût pour la sécurité sociale devrait représenter 80 millions d’euros en 2024, 200 millions d’euros en 2025 puis 300 millions d’euros en 2026.

Enfin, le projet de loi prévoit d’étendre cette revalorisation aux assurés ayant déjà liquidé leur pension. Cette extension devrait bénéficier à 1,8 million de retraités, dont 60 % de femmes, pour une moyenne de 680 euros de pension supplémentaire par an. Cette mesure représente un coût supplémentaire de 1,3 milliard d’euros en 2026.

2.   La hausse du plancher de récupération sur succession au titre de l’ASPA

Les sommes versées au titre de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) sont récupérées sur la succession de l’assuré décédé si son actif net dépasse 39 000 euros. Ce montant est fixé par décret, sauf pour les collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution, pour lequel il est fixé par le code de la sécurité sociale à 100 000 euros jusqu’au 31 décembre 2026 ([55]). Le montant de droit commun, fixé en 1982 par décret, n’a pas évolué avec l’inflation, conduisant à augmenter la part de personnes concernées.

Or, cette prestation se caractérise par un non-recours particulièrement élevé. En 2016, 50 % des personnes seules éligibles au minimum vieillesse n’y recourent pas, soit plus de 300 000 personnes. Ces assurés qui ne recourent pas à l’ASPA alors qu’ils y sont éligibles percevraient 205 euros en moyenne par mois ([56]). Si la méconnaissance est le premier motif de non-recours, l’existence du recours sur succession est le deuxième motif d’après une étude menée par la CNAV en 2021 ([57]).

En application des dispositions du projet de loi, le montant de la limite de récupération sera indexé sur l’inflation de manière pérenne. En outre, il devrait être porté par décret à 100 000 euros dès le 1er septembre 2023. Les assurés des collectivités territoriales de l’article 73 de la Constitution seront par ailleurs rattachés au droit commun : le montant du plafond de récupération sur succession sera également fixé par décret pour eux et revalorisé sur l’inflation.

Sous l’hypothèse d’une progression du taux de recours à l’ASPA de trois points d’ici 2030, les dépenses liées à cette prestation augmenteraient de 60 millions d’euros. En parallèle, les montants récupérés sur succession diminueraient de 50 %, entraînant une baisse de 70 millions d’euros des recettes des régimes de retraite. En sens inverse, l’augmentation du MICO entraînerait mécaniquement une baisse des dépenses d’ASPA, cette dernière étant une prestation différentielle. L’effet cumulé de ces différentes mesures est estimé à 100 millions d’euros environ par an à compter de 2024 ([58]).

3.   La prise en compte de trimestres pour les parents au foyer

Le projet de loi propose de comptabiliser des trimestres d’assurance vieillesse pour le parent au foyer comme des trimestres cotisés, permettant un accès facilité au MICO majoré, dans une limite fixée par décret. D’après les éléments fournis par le Gouvernement, dans la génération 1962, la proportion des femmes bénéficiaires de la mesure passerait de 27 % à 29 %, pour une augmentation moyenne de la pension de 130 euros par an.

E.   La validation des pÉriodes de stage

Certains stages de la formation professionnelle indemnisés par l’État, aujourd’hui disparus, donnaient par le passé lieu à une cotisation sur la base d’une assiette forfaitaire réduite, ne permettant pas toujours aux assurés de valider des trimestres. C’était notamment le cas des bénéficiaires de travaux d’utilité collective (TUC). Ces stages étaient destinés aux jeunes sans emploi et étaient proposés par des associations ou des personnes morales chargées d’une mission d’utilité publique.

L’article 11 du PLFRSS porte sur cinq dispositifs de stage de la formation professionnelle : les TUC, les stages en entreprises du plan Barre (1977-1988), les stages « jeunes volontaires » (1982-1987), les stages d’initiation à la vie professionnelle (1985-1992) et les programmes d’insertion locale (1987-1990).

D’après les éléments du Gouvernement, 1,7 million d’assurés ont participé à des TUC et environ 1,5 million de personnes ont pris part à l’un des quatre autres dispositifs.

Ces stages étaient plus proches de dispositifs d’intégration à l’emploi que de stages de formation professionnelle : à ce titre, un traitement spécifique permettant aux assurés de valider des trimestres semble devoir leur être appliqué.

L’article 11 du PLFRSS prévoit ainsi de tenir compte de ces périodes dans la durée d’assurance, afin de ne pas pénaliser les assurés en les empêchant de liquider leur retraite à taux plein, et de rapprocher la prise en compte de ces stages du droit commun. En effet, depuis le 1er janvier 2015, 50 jours de stages de formation professionnelle mentionnés à l’article L. 6 342-3 du code du travail, à savoir les stages financés par l’État, la région ou un opérateur de compétences, ouvrent droit à la validation d’une période d’assurance retraite.

Le coût de cette disposition sera pris en charge par l’État, sur son budget général : ce coût atteindrait 3 millions d’euros en 2023, et devrait croître par la suite pour atteindre 31 millions d’euros en 2026.

F.   La crÉation d’une assurance vieillesse pour les aidants

● Les périodes non travaillées ou travaillées à temps partiel par les aidants de parents ou d’enfants peuvent être prises en compte pour la retraite, via l’affiliation à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). Ce dispositif, initialement créé pour les parents aux foyers, a été progressivement étendu aux aidants. Dans ce cadre, l’assuré n’a pas à verser de cotisations durant cette période, mais il acquiert tout de même des trimestres d’assurance : la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ou la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) se substitue à lui et verse les cotisations dues à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV).

Plusieurs catégories d’assurés bénéficient de ce dispositif :

– les personnes bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale au titre de la charge d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident grave rendant indispensable une présence soutenue et des soins contraignants ;

– les personnes bénéficiaires de l’allocation journalière de proche aidant et les personnes en congé de proche aidant pour les périodes pour lesquelles elles ne bénéficient pas de l’allocation ;

– les personnes ayant la charge d’un enfant handicapé dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80 % et qui n’a pas atteint l’âge limite d’attribution de l’AAH (20 ans) ;

– les personnes ayant un adulte de leur famille handicapé à charge au sein du foyer de l’aidant, si la personne aidée est reconnue handicapée à au moins 80 % et nécessite l’assistance ou la présence d’une tierce personne.

Ce dispositif présente toutefois des limites. Tout d’abord, il vise deux publics très différents et repose sur des prises en charge de cotisations par la branche famille et la branche autonomie, en fonction de la situation de l’assuré. La lisibilité de cette prestation s’en trouve réduite. En outre, alors que 8 à 11 millions de personnes soutiennent au quotidien un proche en situation de perte d’autonomie, la majorité de cette aide ne se déroule pas au domicile de l’aidant. D’après les éléments fournis par le Gouvernement, « 70 % des aidants sont en activité et ne vivent pas au domicile de leur aidé » ([59]). Ils ne sont donc pas éligibles à la prise en charge au titre de l’AVPF.

Enfin, la prise en compte de la situation des parents d’un enfant en situation de handicap est source d’iniquité et de confusion : ces assurés sont affiliés à l’AVPF si le taux d’incapacité de leur enfant est égal ou supérieur à 80 %. Par conséquent, les parents bénéficiaires d’un complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), qui vise à compenser une réduction ou une cessation d’activité du parent, ou de la prestation de compensation du handicap (PCH) « enfant », accessibles aux parents d’enfants dans le handicap est inférieur à 80 %, ne peuvent être affiliés à l’AVPF.

● Afin de répondre à ces difficultés et de proposer aux proches aidants un dispositif ad hoc et plus proche de la réalité des situations, le projet de loi propose la création d’une assurance vieillesse des aidants (AVA), permettant de réunir tous les assurés entrant dans la catégorie des aidants.

Ils bénéficieront donc d’un dispositif distinct de celui des parents au foyer. Les cotisations versées au titre de l’affiliation à l’AVA seront financées par la branche autonomie. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) remboursera donc à la CNAF les cotisations acquittées.

Tout d’abord, les bénéficiaires de l’ancien dispositif, mentionnés ci-dessus, sont intégrés dans le nouveau dispositif.

En outre, le périmètre de l’AVA est élargi à des situations jusque-là non prises en compte :

– les parents d’un enfant en situation de handicap ayant un taux d’incapacité inférieur à 80 % et éligible au complément de l’AAH ou de la PCH accordés pour l’enfant atteint d’un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l’aide d’une tierce personne ;

– les aidants qui ne cohabitent pas avec la personne aidée ;

– les aidants qui n’ont pas de lien familial avec la personne aidée.

Ainsi, les conditions de cohabitation et de lien familial sont supprimées.

D’après les informations fournies par le Gouvernement, 40 000 nouveaux bénéficiaires seront ainsi inclus dans le dispositif. Au total, plus de 100 000 aidants pourront bénéficier d’une validation de trimestres au titre de l’aide qu’ils apportent à une tierce personne.

La création de l’AVA entraîne plusieurs conséquences budgétaires. Tout d’abord, la prise en charge des bénéficiaires existants sera transférée de la CNAF ou de la MSA à la branche autonomie, entraînant pour cette dernière un surcroît de dépenses de 170 millions d’euros en 2024. Le coût de ce transfert sera compensé par l’attribution de nouvelles recettes à la CNSA, via une modification de la répartition de la taxe sur les salaires.

Outre ce mouvement entre branches, neutre pour l’ensemble des ROBSS, l’ouverture du dispositif à de nouveaux publics devrait engendrer 140 millions d’euros de dépenses supplémentaires chaque année à partir de 2024.

G.   Les transitions entre l’activitÉ et la retraite

L’article 13 du PLFRSS doit permettre d’améliorer les fins de carrières en favorisant une mise à la retraite progressive et la constitution de droits en cas de reprise d’une activité alors que la retraite a été liquidée.

En effet, si la règle générale veut que l’assuré remplissant les conditions de la retraite à taux plein rompe tout lien avec son employeur ou cesse toute activité pour pouvoir liquider sa pension, lui sont ouvertes deux facultés, distinctes de la possibilité de continuer à travailler en repoussant la date de liquidation pour bénéficier d’une surcote : celle de liquider seulement une fraction de sa pension en poursuivant une activité à temps partiel, par le mécanisme de la retraite progressive (1) ; celle de liquider intégralement sa retraite tout en la cumulant avec des revenus d’activité (2).

La rapporteure pour avis estime particulièrement opportun que ceux qui souhaitent travailler plus longtemps puissent bénéficier d’une augmentation de leur pouvoir d’achat.

Comme le Gouvernement, elle juge que « favoriser le maintien dans l’emploi des salariés âgés apparaît indispensable pour éviter que le décalage de l’âge légal de départ se traduise par un report de la retraite sur l’inactivité et d’autres prestations sociales (allocations chômage, indemnités journalières, pensions d’invalidité, etc.), au préjudice des assurés, mais également du système de protection sociale, atténuant d’autant le rendement financier de la réforme ».

Or, ne concernant respectivement que 23 300 salariés en 2020 et 500 000 personnes en 2022, la retraite progressive et le cumul entre l’emploi et la retraite sont sur une trajectoire haussière mais restent trop peu attractifs.

1.   La retraite progressive

Avec la réforme, la retraite progressive devrait être un levier beaucoup plus facile d’accès pour les assurés.

● Créée en 1988, la retraite progressive permet de travailler à temps partiel tout en bénéficiant d’une fraction de sa pension de base et complémentaire et tout en continuant à acquérir des droits.

Elle est ouverte aux salariés, y compris agricoles, aux agents non titulaires de l’État et de collectivités territoriales, aux agents des établissements publics de l’État et aux fonctionnaires territoriaux dont la durée de travail hebdomadaire est inférieure à 28 heures.

Au cas général, trois conditions sont requises : être âgé d’au moins 60 ans – la condition d’atteinte de l’âge légal a été supprimée en 2015 –, justifier d’une durée d’assurance de 150 trimestres et travailler entre 40 % et 80 % de la durée légale, ce qui exclut les cadres ayant conclu une convention de forfait en jours.

La fraction de pension versée pendant cette période d’activité correspond à la différence entre 100 % du montant de la pension qui serait versée en cas de retraite définitive et la durée du travail qui est ainsi poursuivi. Cette fraction est donc forcément comprise entre 20 % (en cas de travail à 80 % de la durée légale) et 60 % (en cas de travail à 40 % de la durée légale).

nombre de bÉnÉficiaires de la retraite progressive de 2009 À 2020

(en milliers)

C:\Users\bchaya-rinnert\Desktop\tempsnip3.png

Note : les trois séries correspondent à la fraction de pension servie ; avant 2015 – taux fixes (30 %, 50 % et 70 %).

Source : REPSS sur les retraites annexé au PLFSS pour 2023.

Le projet de réforme du système de retraite généralise la retraite progressive à tous les assurés, en l’étendant notamment aux salariés ayant conclu une convention de forfait en jours, aux fonctionnaires et aux libéraux et indépendants.

Il ajuste également la plupart des caractéristiques de la retraite progressive :

– son ouverture sera fixée à deux ans avant l’âge légal, soit 62 ans à terme ;

– l’obligation d’une durée hebdomadaire de travail minimale de 24 heures sera supprimée ;

– deux nouveaux articles L. 3121-60-1 et L. 3123-4-1 du code de la sécurité sociale disposeront qu’« à défaut de réponse dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande, l’accord de l’employeur est réputé acquis » et que la demande ne pourra être refusée que si le refus est « justifié par l’incompatibilité de la durée souhaitée avec l’activité économique de l’entreprise », ce qui renverse le principe actuel ;

– le bénéfice d’indemnités journalières pour arrêt maladie pour les personnes en retraite progressive, actuellement limité à 60 jours, sera déplafonné ;

– le groupement d’intérêt public d’union des institutions et services de retraite (GIP union retraite) assurera aux assurés, dès leurs 55 ans puis tous les cinq ans, une simulation de leurs droits en cas de recours au dispositif.

Un doublement du nombre d’assurés en retraite progressive est attendu.

Effectifs projetÉs des bÉnÉficiaires de la retraite progressive de 2023 À 2027

Source : direction de la sécurité sociale.

Sous cette hypothèse et avec un taux de recours de 80 % pour les fonctionnaires déjà à temps partiel et de 4 % pour les fonctionnaires à temps complet, les dépenses afférentes à la retraite progressive croîtraient de 45 à 160 millions d’euros par an entre 2023 et 2026, dont 10 à 50 millions d’euros pour la branche vieillesse.

CoÛt du dÉveloppement de la retraite progressive de 2023 À 2026

(en millions d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

Branche vieillesse

10

30

40

50

État

30

60

100

100

Régimes complémentaires

5

10

10

10

Source : annexe 2 du PLFRSS.

Dans son rapport sur les objectifs de la réforme, le Gouvernement fournit une estimation élargie à l’ensemble du système de retraite : exprimée en euros courants, la hausse du coût de ce dispositif jusqu’en 2027 tiendrait à un taux de recours croissant au dispositif, puis la baisse de son coût s’expliquerait par la combinaison de la stabilisation du taux de recours et d’une moindre inflation.

2.   Le cumul entre l’emploi et la retraite

Après la liquidation de l’ensemble de ses pensions, un assuré peut reprendre une activité professionnelle, tout en cumulant sa pension de retraite :

– soit avec l’intégralité de ses revenus d’activité, sous réserve d’avoir atteint l’âge légal ainsi que la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein ou l’âge d’annulation de la décote ;

– soit, sinon, avec des revenus plafonnés à 160 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ou au montant de son dernier salaire perçu avant la première liquidation, suivant le référentiel le plus favorable, de sorte que la pension de retraite soit écrêtée à due concurrence du dépassement de ce plafond.

Actuellement, l’activité reprise est soumise à cotisations, mais ces dernières ne génèrent aucun droit d’assurance vieillesse (principe de cristallisation).

Nombre de bÉnÉficiaires du cumul emploi-retraite de 2009 À 2020

(en milliers)

Note : régime général seulement.

Source : REPSS sur les retraites annexé au PLFSS pour 2023.

Le Gouvernement propose de rendre le cumul entre l’emploi et la retraite générateur de droits contributifs, dès lors que – comme aujourd’hui – les assurés observeront un délai de carence de six mois après leur première liquidation s’ils reprennent une activité auprès de leur dernier employeur.

Le Gouvernement indique aussi que « cette condition vise à décourager des liquidations prématurées au détriment de la recherche du taux plein ou de la surcote ».

L’article L. 161-22-1 du code de la sécurité sociale viendra préciser que, d’une part, « ces nouveaux droits sont sans incidence sur le montant de la pension de vieillesse » déjà perçue et que, d’autre part, la seconde pension « bénéficie du taux plein ou du pourcentage maximal ».

Lors des premières vagues de lutte contre l’épidémie de covid-19, s’était fait jour le besoin de rappeler des personnels retraités dans le secteur hospitalier. Pour favoriser ce type de rappel, l’article L. 161-22-1-4 du même code prévoira que le délai de reprise d’activité et le plafonnement du cumul en cas de demande avant l’atteinte de l’âge du taux plein pourront être « suspendus par décret pour une durée qui ne peut excéder un an et qui peut être renouvelée pour une durée ne pouvant excéder six mois, lorsque des circonstances exceptionnelles nécessitent, en urgence, la poursuite ou la reprise d’activités par des assurés susceptibles de les exercer ».

Le Gouvernement estime l’incidence de la mesure à 50 millions d’euros en 2023 et 240 millions d’euros en 2026. Ce calcul repose sur la triple hypothèse d’un taux de recours supérieur de 10 % en 2026, d’une durée de recours identique à celle observée aujourd’hui et d’une pleine application par les régimes complémentaires qui, gérés de façon paritaire, sont libres de transposer la mesure ou non.

CoÛt de l’attribution de nouveaux droits
au titre le cumul emploi-retraite de 2023 À 2026

(en millions d’euros)

 

2023

2024

2025

2026

Branche vieillesse

30

80

130

150

Régimes complémentaires

20

50

80

90

Source : annexe 2 du PLFRSS.

Enfin, les dispositions applicables aux pensions militaires sont adaptées, en matière de cumul avec une activité reprise après une première liquidation, mais aussi en matière de réversion, au fait que l’ouverture des droits puisse intervenir à un âge jeune compte tenu des spécificités des forces armées.


III.   La rectification des objectifs de dÉpenses des branches des rÉgimes obligatoires de base de sÉcuritÉ sociale

En application de l’article L.O. 111-3-11 du code de la sécurité sociale, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale doit fixer « les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que leurs sous-objectifs approuvés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale ».

Les articles 14 à 20 du PLFRSS proposent donc des objectifs de dépenses rectifiés ou maintenus à l’identique.

 

objectifs de dÉpenses des branches
des rÉgimes obligatoires de base de la sÉcurité sociale

 

LFSS pour 2023

PLFRSS pour 2023

Branche maladie, maternité, invalidité et décès

238,3

238,4

ONDAM et ses sous-objectifs

244,1, avec une répartition identique

Branche accidents du travail et maladies professionnelles

14,8

Branche famille

55,3

Branche autonomie

37,4

37,5

Branche vieillesse

273,3

273,7

Source : commission des finances à partir de la LFSS pour 2023 et du PLFRSS.

La croissance de l’objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès s’explique par l’intégration des dépenses dues à la création du fonds de prévention de l’usure professionnelle pour les établissements publics de santé et médico-sociaux. La rapporteure pour avis note que, pour la première fois depuis plusieurs années, la situation sanitaire n’entraîne pas de rectifications des objectifs de dépenses de la branche maladie, et s’en réjouit.

Les dépenses de la branche autonomie intègrent la prise en charge par la branche de la validation de trimestres pour les bénéficiaires de l’AVA, créée par le projet de loi.

Enfin, la branche vieillesse porte l’essentiel des effets budgétaires de la réforme. La croissance de son objectif de dépenses souligne le poids des mesures compensatoires du projet de loi : leur coût, net de l’incidence du recul de l’âge légal et de l’allongement de la durée de cotisation, atteint 400 millions d’euros en 2023.

 


—  1  —

   Examen en commission

I.   audition du président du haut conseil des finances publiques

Lors de sa réunion du mercredi 25 janvier 2023 à 15 heures, la commission entend M. Pierre Moscovici, premier président du Haut Conseil des finances publiques sur l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

M. le président Éric Coquerel. Nous accueillons, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), monsieur Pierre Moscovici afin qu’il nous présente l’avis du Haut Conseil sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023, rendu public ce lundi 23 janvier au moment du dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Je rappelle que, conformément à l’article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le Haut Conseil est chargé d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques que le Gouvernement retient pour l’élaboration du PLFRSS et sur la cohérence de ce projet, notamment de son article liminaire, au regard des orientations pluriannuelles de soldes structurels fixés par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

Par ailleurs, et il s’agit d’une innovation, la loi organique de 28 décembre 2021 prévoit que le Haut Conseil doit également donner son avis sur le réalisme des prévisions de recettes et dépenses du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Étant donné que cette réforme des retraites passe par un PLFSS, il était naturel de donner la parole au président du Haut Conseil.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité pour que je puisse vous présenter les principales conclusions du Haut Conseil relatives au PLFRSS pour 2023.

Je débuterai par un rappel des missions du Haut Conseil, qui a été saisi en l’application de l’article 61 de la LOLF. En effet, le Haut Conseil est appelé à donner un triple avis sur le PLFRSS pour 2023 : sur les prévisions macroéconomiques, sur le réalisme des prévisions des recettes et des dépenses et, enfin, sur la cohérence de son article liminaire à la lumière des orientations pluriannuelles de solde structurel et de dépenses des administrations publiques.

Compte tenu du rôle du Haut Conseil, celui-ci a estimé que la saisine du Gouvernement était particulièrement étroite. En effet, elle ne porte que sur l’incidence de la réforme proposée sur les finances publiques pour la seule année 2023. Au delà, le Gouvernement ne nous a transmis que des informations très partielles, à la fois en termes d’horizon, de champ et d’explication du chiffrage des différents dispositifs. Le HCFP n’a donc pas pu être en mesure d’évaluer l’incidence à moyen terme de la réforme des retraites sur les finances publiques. Ce prisme annuel est très regrettable au vu de l’incidence de la réforme proposée, qui s’étend nécessairement sur le moyen et le long termes.

Cette remarque importante étant faite, j’en viens à nos deux principaux messages relatifs au PLFRSS.

Premièrement, le scénario macroéconomique du Gouvernement pour 2023 paraît toujours optimiste, même si les dernières prévisions montrent une résilience plus forte que prévu.

Deuxièmement, la réforme des retraites aura un impact très faible sur les finances publiques en 2023, le HCFP n’ayant pas pu en estimer les conséquences à moyen terme.

S’agissant des analyses macroéconomiques, le Gouvernement n’a pas modifié son scénario par rapport à celui du PLFSS pour 2023, lequel date de septembre 2022. Pour 2023, le Gouvernement continue de prévoir un rythme de croissance du produit intérieur brut (PIB) d’un point. Or, dans le cadre de son avis sur le PLFSS pour 2023, le HCFP avait estimé que cette prévision était un peu élevée du fait de plusieurs hypothèses que nous considérions comme fragiles. En outre, les informations conjoncturelles récentes laissent à penser que la croissance s’est essoufflée en fin d’année 2022, notamment en raison de l’impact de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt. Le Gouvernement anticipe donc pour 2023 une accélération nette de l’activité au cours de l’année, ce qui paraît à première vue un peu contre-intuitif.

Cette hypothèse ne peut toutefois pas être exclue compte tenu des récents signaux positifs montrant une certaine résilience de l’économie française, même si elle n’est pas la plus probable. Néanmoins, le scénario de croissance du Gouvernement paraît optimiste, car l’environnement international demeure mal orienté en 2023 : le durcissement des politiques monétaires devrait se poursuivre dans la zone euro et freiner la demande au cours des prochains trimestres. L’investissement pourrait notamment pâtir de la hausse plus forte que prévu des taux d’intérêt au sein de la zone euro.

De fait, la prévision de croissance du Gouvernement se situe au-dessus de celle des instituts de conjoncture français et internationaux, ainsi que du consensus des économistes qui, en janvier 2023, anticipent une croissance de l’économie française de seulement 0,2 point en 2023, la Banque de France se situant à 0,3 point. La croissance estimée à un point correspond donc à un chiffre élevé, qu’il faudra corriger le moment venu.

Cette croissance est justifiée selon le Gouvernement par la résilience de l’économie au troisième trimestre de 2022 et par l’acquis de croissance en 2023, mais elle sous-estime pour nous les facteurs de freinage de l’activité actuellement à l’œuvre, notamment le niveau élevé de l’inflation et le durcissement en cours des politiques monétaires.

Le Gouvernement prévoit également, pour 2023, une hausse de l’indice des prix à la consommation de 4,2 % en moyenne annuelle, après une progression de 5,2 % en 2022. Les prévisions d’inflation restent dépendantes des prix de l’énergie, qu’il est aujourd’hui très difficile d’anticiper. La fin de la remise sur le carburant au 31 décembre 2022, la revalorisation de 15 % en moyenne des tarifs réglementés du gaz au 1er janvier et de l’électricité au 1er février sont à court terme plutôt des facteurs de hausse, alors que les baisses récentes du marché du gaz et du pétrole auront à l’inverse un effet baissier.

Nous avons, dans ce cadre, estimé que le reflux de l’inflation anticipé par le Gouvernement semblait rapide. Cette moyenne est en dessous des prévisions faisant consensus auprès des économistes, qui se situent à 4,8 %, et suppose un net infléchissement par rapport aux tendances récentes. Or l’indexation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), les hausses de salaire déjà négociées ainsi que la transmission en cours des hausses passées des prix de production et d’importation sur les prix des produits alimentaires manufacturés devraient continuer à soutenir l’inflation en 2023. Au regard de ces éléments, le Haut Conseil considère que la prévision d’inflation pour 2023 est quelque peu faible.

Le Gouvernement a également maintenu sa prévision d’une progression de la masse salariale des branches marchandes non agricoles de 5 points en 2023, mais cette prévision paraît faible, notamment au regard de la sous-estimation des perspectives d’inflation.

Pour résumer cette première partie : le Haut Conseil estime que la prévision de croissance est encore élevée, même si les bonnes surprises ne sont certes pas prévisibles, et que la prévision d’inflation est un peu basse, tout comme celle de la masse salariale.

J’entre à présent dans le détail des constats du Haut Conseil concernant les finances publiques sur la base de cette saisine que nous jugeons trop étroite. Je rappelle que le mandat du Haut Conseil est d’évaluer le réalisme des recettes et des dépenses du PLFRSS et de veiller à la cohérence de texte avec les orientations pluriannuelles de finances publiques. Sur ce dernier point, la loi organique ne permet pas au Haut Conseil de se prononcer, car le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) présenté par le Gouvernement n’a pas été adopté à ce stade.

Cela me donne l’occasion d’insister sur un message que j’ai déjà porté et que le Haut Conseil reprend dans le cadre de son avis : la France ne peut se passer d’une LPFP. Il s’agit d’une obligation juridique, organique, européenne et surtout d’un outil de pilotage indispensable des finances publiques. L’érosion progressive de la position de la France au sein de la zone euro conjuguée aux investissements massifs auxquels notre pays fait face nécessite de redresser nos comptes publics. Pour y parvenir sans recourir à l’austérité, l’effort doit évidemment être piloté sur plusieurs années. C’est pourquoi nous avons besoin d’une programmation pluriannuelle.

Son absence pose de nombreux problèmes, tant pour le Haut Conseil que pour la Commission européenne, d’autant que nous sommes toujours sous le regard du Conseil constitutionnel. Ne sous-estimez pas les risques d’une telle absence : nous pourrions entrer dans un processus de finances publiques qui serait discontinu et incomplet – il s’agit d’un vrai sujet et j’appelle toutes les parties prenantes à ce que la France se dote d’une telle programmation et ce dès que possible.

S’agissant de l’analyse du réalisme des dépenses et des recettes présentées dans le PLFRSS, le Gouvernement n’a transmis que les incidences de la réforme des retraites pour l’année 2023 et quelques éléments généraux et peu détaillés jusqu’en 2026.

Les conséquences du projet de réforme des retraites sur les finances publiques en 2023 sont faibles, avec un coût estimé par le Gouvernement à 0,4 milliard d’euros, estimation que nous jugeons réaliste. Ce coût de la réforme en 2023 résulte en premier lieu des économies réalisées par le décalage de trois mois du départ en retraite d’environ 50 000 personnes en fin d’année 2023 et des recettes fiscales et des cotisations sociales supplémentaires liées à leur maintien dans l’emploi durant cette période.

En second lieu, il faut prendre en compte les dépenses supplémentaires entraînées par la réforme, la hausse du minimum contributif, les mesures sur la pénibilité et l’usure professionnelle et les mesures en faveur des transitions entre l’emploi et la retraite. Le coût estimé à 400 millions d’euros se comprend donc, car il se situe en amont des recettes permises générées par la réforme en fin d’année.

Plus largement, s’agissant du solde public, prévu à – 5 % du PIB en 2023, le Haut Conseil avait estimé en septembre qu’il existait des risques que le déficit soit plus dégradé que prévu. À ce jour le risque demeure, mais il est contrebalancé par la baisse récente des prix de gros du gaz et de l’électricité, qui pourrait alléger le coût des dispositifs de soutien aux ménages et aux entreprises. Une bonne surprise n’est donc pas exclue.

En ce qui concerne les incidences à plus long terme sur les finances publiques, le Haut Conseil n’a pas reçu suffisamment d’informations pour pouvoir évaluer l’incidence de la réforme des retraites, ce qui est regrettable. Tout au plus avons-nous reçu l’annexe au PLFRSS portant sur la période allant de 2023 à 2026. Nous réalisons toutefois un diagnostic qui pourrait vous intéresser : la réforme des retraites ne devrait pas améliorer grandement la trajectoire de dette que le Gouvernement avait évoquée dans le projet de LPFP présenté en septembre. Par rapport à cette présentation, il n’y a pas eu d’ambition supplémentaire dans l’effort de redressement des finances publiques, alors que nous avions estimé à l’époque que la LPFP était peu ambitieuse.

Les données fournies au Haut Conseil permettent de constater que les déficits des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) sur la période de 2023 à 2026 sont désormais un peu plus élevés dans ce PLFRSS que dans la LFSS initiale pour 2023. Autrement dit, les dépenses des retraites progressent plus rapidement au sein du projet de loi tout juste déposé que ce qui était prévu en septembre dernier. Une telle évaluation est clairement le résultat de l’intégration dans la réforme des retraites de mesures qui n’avaient pas été envisagées, ce qui entraîne une légère dégradation des comptes publics.

Enfin, je souhaiterais terminer sur l’importance d’une réforme des retraites. Je ne dis pas « la » réforme des retraites, car il ne me revient pas de déterminer son contenu et ses contours. Toutefois, en l’état, le système n’est pas soutenable et pas finançable ; une réforme est donc nécessaire. Nous savons tous que nos finances publiques ont connu une érosion progressive et qu’elles n’ont pas les marges de manœuvre pour faire face aux investissements dont le pays a besoin.

Ainsi, la France est entrée dans la zone euro avec un ratio de dette qui se situait dans la moyenne européenne et qui était exactement équivalent à celui de l’Allemagne. Nous étions alors à 58 points de dette. Vingt ans plus tard, la dette de la Belgique, qui était très élevée, a augmenté d’un point, celle de l’Allemagne a augmenté de 10 points, celle de l’Italie, qui était aussi déjà très dégradée, de 41 points. Mais celle de la France a augmenté de 55 points, soit 45 points de plus que notre partenaire allemand ! C’est un fait. Or la dette n’est plus gratuite car nous sommes sortis de l’ère des taux d’intérêt négatifs, que certains jugeaient bénie : le taux d’intérêt à dix ans a retrouvé son niveau d’il y a dix ans. Pour l’État, la charge de la dette représentait 30 milliards d’euros en 2020, 35 milliards en 2021 et elle est projetée à 44 milliards d’euros par le Gouvernement en 2023. Je vous rappelle que le budget de la mission Défense, avant même le dépôt du futur projet de loi de programmation militaire, se situe à 41 milliards d’euros, hors contribution au compte d’affectation spéciale Pensions, et à 50 milliards d’euros avec cette contribution. Nous arrivons donc dans cette zone dangereuse où c’est le remboursement de la dette qui devient le deuxième budget de l’État. Or il n’existe pas de dépense plus stérile. Tout euro que nous y consacrons à taux d’intérêt positifs est un euro perdu pour les dépenses que, les uns ou les autres, vous pouvez souhaiter pour notre pays : sécurité sociale, éducation, lutte contre le réchauffement climatique, forces armées, etc.

En outre, la France fait face à des besoins d’investissements majeurs. C’est dès aujourd’hui qu’elle doit rénover son système de santé, son système scolaire, son armée, produire sur son territoire, investir dans la recherche et développement pour se maintenir dans la compétition mondiale et, enfin, investir dans ses infrastructures et réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2). Un mur d’investissement et une montagne de dette posent un vrai problème et obèrent toute marge de manœuvre.

Réformer les retraites fait partie de l’effort collectif nécessaire pour parvenir à financer ces investissements, mais cela ne suffit pas. La France a la capacité d’examiner les qualités de la dépense dans tous les secteurs publics. Ce n’est pas toujours facile, mais tous nos partenaires le font. Ainsi, une revue annuelle de dépenses, comme l’a annoncée le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, est nécessaire – ce que la Cour des comptes appelle depuis plusieurs années –, mais cette revue de dépenses doit avoir une raison d’être, une gouvernance, un calendrier et des objectifs clairs.

Mesdames et Messieurs les députés, le temps nous appelle au sérieux et à l’ambition. Je ne voudrais pas qu’un accident nous oblige à rectifier tout à coup notre trajectoire, en coupant drastiquement dans les dépenses pour relever brutalement les impôts. Le Royaume-Uni n’est pas un pays de la zone euro, mais elle n’est pas un petit pays : son cas doit nous faire réfléchir.

M. le président Éric Coquerel. Vous nous avez déclaré que nous faisons face à un mur d’investissements à réaliser, et le chef de l’État vient d’ailleurs d’en évoquer un nouveau à travers les investissements massifs dans notre système de défense, mais nous savons que nous sommes très loin du compte concernant la planification écologique et les services publics.

Face à ces investissements se dresse le mur de la dette qui, selon vos propos, finit par être plus importante que le budget de l’État. Il s’agirait donc de prioriser les investissements ou le fait de s’endetter. Néanmoins, je ne comprends pas comment on peut réaliser des investissements à long terme sans s’endetter et j’estime que notre pays peut supporter un tel endettement. En revanche, je suis certain que notre économie ne peut pas supporter la baisse continue de la fiscalité au moyen des dépenses fiscales.

De plus, vous estimez que des baisses sont à prévoir du côté d’autres dépenses publiques, voire du côté de mécanismes de solidarité et pourquoi pas du côté de celui des retraites. J’estime que ce n’est pas au système des retraites de payer les dépenses de l’État. Je suis en effet favorable à un système de retraite fondé sur les productions de richesses dues au travail et j’implique dans ces productions le capital. Ainsi, l’équilibre du système des retraites est à rechercher du côté de nouvelles ressources, notamment des ressources adossées aux revenus du capital. Le président du Conseil d’orientation des retraites (COR) a affirmé ici la semaine dernière que les dépenses des retraites ne dérapaient pas et qu’elles étaient même annoncées en baisse dans trois des quatre scénarios présentés pour les années à venir. Vous dites vous-même que le projet de retraite représentera un coût net de 0,4 milliard d’euros pour 2023 et que, pour la suite, le HCFP n’est pas en mesure d’évaluer l’incidence de cette réforme sur les finances publiques. En outre, vous avez dit également que cette réforme ne devrait pas modifier la trajectoire de la dette dans les années à venir.

Vous avez évoqué les prévisions économiques qui varient de – 0,2 point à + 0,7 point du PIB selon les instituts. Il existe donc une problématique quant à l’hypothèse de croissance d’un point du PIB sur laquelle s’appuie le PLFRSS. Dans ce cadre, pouvez-vous nous préciser quels sont les principaux éléments d’information qui vous ont fait défaut pour évaluer à long terme l’incidence de la réforme ? 

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Notre commission porte évidemment une attention toute particulière aux incidences budgétaires du texte, qu’elles soient de court ou de moyen termes.

L’avis du Haut Conseil des finances publiques m’inspire trois remarques principales.

Tout d’abord, le Haut Conseil relève que l’absence d’adoption du projet de loi de programmation de finances publiques ne lui permet pas de vérifier la cohérence des prévisions de finances publiques des textes financiers avec la loi de programmation et que cette absence, contraire aux engagements européens de la France, prive les finances publiques d’une boussole indispensable à leur bonne gestion et à la préservation de la soutenabilité de la dette publique.

Il me semblait important de souligner ce point. Se doter d’une loi de programmation est un impératif pour sécuriser les expertises, éclairer nos politiques et écarter tout risque juridique. Sans prononcer l’adjectif, vous avez déclaré ce matin en audition au Sénat qu’écarter une loi de programmation des finances publiques est un exercice jugé irresponsable. Je tenais à vous le rappeler, chers collègues.

Ensuite, votre avis souligne l’obligation qui est la nôtre de réformer notre système de retraite pour assurer sa pérennité et participer au redressement de nos finances publiques.

Les prévisions du Gouvernement se fondent sur un scénario central d’un taux de chômage de long terme de 4,5 % et d’une croissance de la productivité du travail de 1 %.

Le Haut Conseil considère que cette dernière prévision de croissance est un peu ambitieuse. Je trouve pour ma part que nos efforts vers le plein emploi sont justement la marque de l’ambition forte que nous portons, inédite depuis longtemps dans notre pays. Je relève, s’agissant de la croissance, que votre avis indique qu’« une accélération de l’activité au cours de l’année […] ne peut pas être exclue, car des signaux positifs existent […], l’économie française fait preuve de résilience, l’emploi demeure dynamique, le risque d’une rupture des approvisionnements en électricité et en gaz paraît désormais limité […] et les tensions sur les prix de l’énergie s’atténuent. »

Il me paraît nécessaire à ce stade de souligner que, quelle que soit la réalité de la situation économique des années à venir, qui ne peut jamais être prédite de manière certaine, la nécessité de la réforme est évidente dans l’ensemble des scénarios envisageables.

En 2027, le déficit du système de retraite atteindra 0,4 % du PIB, quel que soit le scénario retenu. En 2037, il serait compris entre 0,2 point de PIB et 0,7 point de PIB.

Enfin, concernant à proprement parler l’incidence budgétaire du projet de loi, l’avis du HCFP souligne que la réforme présenterait en 2023 un coût net de 0,4 milliard d’euros. Vous jugez « réaliste » cette estimation. Ce coût est bien la preuve de l’importance des mesures compensatoires qui accompagnent le relèvement de l’âge d’ouverture des droits et l’allongement de la durée de cotisations permettant de liquider sa retraite à taux plein. Ces mesures d’accompagnement sont centrales et permettent de faire de la réforme qui vous est proposée une réforme de responsabilité, mais aussi de justice.

Que serait un système de retraite non financé ? Ce serait un système dans lequel les pensions ne peuvent pas être servies ou alors ne peuvent l’être qu’à un niveau réduit. Nier le besoin de réduction du déficit du système de retraite, c’est donc accepter une baisse des droits des assurés, ce à quoi le Gouvernement et la majorité ne peuvent se résoudre, mais qui semble convenir à certains d’entre nous !

Sur le plan de l’équilibre, le HCFP s’est bien entendu concentré sur l’année 2023, mais quelle analyse fait-il de la trajectoire pour les ROBSS et le FSV, ainsi que pour la branche vieillesse, d’ici à 2026 ?

S’agissant des recettes, votre avis estime que la prévision de masse salariale pour 2023 est un peu basse. C’est une observation que le HCFP avait déjà faite par le passé. S’est-elle vérifiée ? Pouvez-vous expliquer les raisons suscitant cette remarque ? Quelle projection alternative retenez-vous par rapport à la cible de 5 % ? Quel serait l’effet sur le produit des cotisations et contributions de sécurité sociale ?

Sur le plan des dépenses, vous soulignez que les effets de la hausse du minimum contributif restent incertains à ce stade. D’où proviennent ces difficultés, notamment concernant le coût de la revalorisation des pensions déjà liquidées ? Je me félicite d’ailleurs de cette intégration, fruit du dialogue entre l’exécutif et les groupes parlementaires.

Enfin, concernant l’allongement de la durée de cotisations permettant de liquider sa retraite à taux plein, disposez-vous de données quant aux premiers effets observés sur le solde public de l’entrée en application de la réforme dite Touraine en 2020 ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Avant de poser trois questions, je souhaiterais faire un point sur l’intervention du président de notre commission. Le HCFP étant saisi pour l’année 2023, personne ne peut savoir ce qu’aurait été son avis pour 2024 et pour les autres années.

S’agissant des prévisions, nous partageons le même point de vue : elles sont volontaristes, mais les derniers chiffres du chômage sont cohérents avec un objectif visant le retour au plein emploi à terme et une croissance relativement soutenue l’année prochaine.

Vous soulignez le handicap que représente l’absence d’une LPFP en vigueur, à la fois en termes de pilotage et de crédibilité de notre politique budgétaire et financière. Nous n’avons en effet pas voté cette loi en première lecture, mais j’espère que nous pourrons la voter lors de la nouvelle lecture et je me tiens d’ailleurs disponible pour y travailler. Vous aviez souligné qu’il manquait des informations documentant la trajectoire du projet de LPFP, en particulier en ce qui concerne les réformes engagées. La réforme des retraites vous rassure-t-elle sur la crédibilité de cette trajectoire ?

De plus, vous relevez que son effet est positif en 2023 car elle apporte sans délai des mesures de justice. Ces mesures coûteront 400 millions d’euros, mais seront synonymes de hausse des pensions minimales pour de très nombreux Français. À plus long terme, les hypothèses financières sont fondées sur un taux de productivité de 1 % sur l’ensemble de la période et un taux de chômage de 4,5 %. Ces deux hypothèses vous paraissent-elles crédibles ou optimistes ?

Enfin, s’agissant de la baisse du coût de l’énergie, on note un effet positif en crédits et un effet négatif en recettes : le solde sera-t-il selon vous positif pour les finances publiques en 2023 si le coût de l’énergie continuait à baisser ?

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vais être décevant sur le sujet de la trajectoire, car nous ne possédons pas suffisamment d’informations. En effet le Haut Conseil n’a été saisi que sur les conséquences de la réforme des retraites pour la seule année 2023. En réponse à des demandes répétées, le Haut Conseil a fini par obtenir un complément au PLFRSS portant sur la période de 2023 à 2026 qui a permis d’établir une comparaison avec les chiffres de la LFSS pour l’année en cours. La comparaison n’est donc que partielle.

Pour aller plus loin, il eût fallu que nous puissions disposer des résultats chiffrés présentés dans le rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, mais aussi de détails sur les hypothèses et les mécanismes concernant ces chiffrages qui ne figurent pas dans ce rapport.

Ce qui me permet de répondre tout de suite à la question du rapporteur général : sommes-nous rassurés ? Nous ne pouvons raisonner qu’en différentiel. Je peux dire que la réforme des retraites ne suffit pas à elle seule à justifier la trajectoire des finances publiques, mais qu’elle l’étaye en partie. De plus, par rapport à ce que contenait le projet de loi de programmation des finances publiques, il manque toujours 0,7 milliard d’euros en 2026 sur les régimes de base et le FSV.

Dans ce cadre, je souhaite d’emblée corriger deux illusions d’optique. Premièrement, s’agissant des 0,4 milliard d’euros : ces mesures ont un coût, mais elles rapporteront par la suite. Deuxièmement, si l’incidence sur la dette n’est pas visible, cela ne veut pas dire qu’il n’existe aucune incidence. 

S’agissant de la question du président sur le mur d’investissements et la charge de la dette, j’ai bien parlé d’investissements à financer. Nous avons besoin d’investissements, mais j’estime qu’un investissement a besoin d’être financé avec des recettes et des marges de manœuvre. Dans ce cadre, la course à l’endettement n’est en aucun cas la solution. J’ajoute que nous sommes dans un moment où cet écart qui existe déjà entre nos finances publiques et celles de nos partenaires est en train de se creuser. C’est pourquoi j’ai parlé d’une trajectoire trop peu ambitieuse. Les autres pays de l’Union européenne visent l’année 2025, alors que nous visons 2027 avec une dette stagnante. Les investissements sont donc nécessaires, mais ils ne doivent pas être financés par un surcroît de dettes.

Il existe en effet d’autres solutions : les dépenses fiscales et sociales ou la hausse des impôts, même si nous ne le recommandons pas. La croissance ne répond pas non plus au problème, car nous ne devons pas nous bercer d’illusions : nous n’entrons pas dans les Trente Glorieuses.

Par ailleurs, madame la rapporteure pour avis, je ne permettrais jamais de dire à des députés ou des sénateurs qu’ils sont irresponsables. En revanche, je dis que l’absence de LPFP n’est pas anecdotique et pourrait entraîner des conséquences sérieuses, voire graves.

Enfin, ce n’est pas la première fois que le Haut Conseil annonce que la prévision de la masse salariale est basse, nous l’avions déjà fait en 2021 et elle s’est révélée plus dynamique que prévu. Cela ne veut pas dire que nos prédictions sont toujours justes. Néanmoins, si l’inflation était plus élevée que l’estimation de 4,2 % – et elle risque de l’être –, la masse salariale risque d’être également plus élevée.

S’agissant du bouclier fiscal, une baisse des prix pourrait en effet être favorable, mais les mécanismes sont complexes : le gain est probable, mais incertain dans son ampleur. Par conséquent, notre jugement sur les finances publiques pour 2023 reste nuancé. Cet automne, nous pensions que le déficit serait supérieur à 5 %, aujourd’hui je suis incapable de vous dire s’il sera supérieur, égal ou inférieur.

M. Mathieu Lefèvre (RE). C’est à mon tour de déplorer l’absence d’une loi de programmation qui nous empêche, au fond, de jouer notre rôle de contrôle de l’action du Gouvernement. Néanmoins, force est de constater que le Gouvernement a été transparent dès le début, puisque tous les textes financiers prévoyaient une réforme des retraites. En effet, l’objectif d’augmentation des dépenses publiques de 0,6 % en volume était évidemment incompatible avec une augmentation des dépenses des retraites de 1,8 % en volume. Je vous pose donc la question : ces hypothèses permettent-elles de renforcer la sincérité des prévisions ici présentées ?

Par ailleurs, nous faisons face à une impasse de financement pour équilibrer notre système de retraite à horizon 2030, sauf à faire le choix de l’endettement et donc de l’enrichissement de nos créanciers. Si la réforme des retraites est nécessaire, elle n’est d’après vous pas suffisante pour abaisser ce niveau d’endettement et faire face aux investissements futurs. Quel serait donc le coût de l’inaction, c’est-à-dire du statu quo à horizon 2030 ?

Par ailleurs, quel serait le coût, pour nos finances publiques, d’un abaissement de l’âge légal du départ en retraite à 60 ans ?

Enfin, quel est selon vous l’effet de cette réforme sur la croissance potentielle ? Peut-on considérer qu’il est positif ?

M. Frédéric Cabrolier (RN). Vous avez indiqué que le scénario macroéconomique retenu était un peu optimiste, que la prévision de masse salariale était un peu basse, que la prévision d’inflation était un peu faible et que la prévision de croissance était élevée.

Nous avons reçu, conjointement avec la commission des affaires sociales, M. Pierre-Louis Bras, président du COR, qui nous a affirmé que la réforme n’était en réalité pas une réforme du système des retraites, mais concernait la politique globale des finances publiques. Il a également rappelé que les dépenses des retraites représentaient 25 % des dépenses publiques et que si cette réforme n’était pas appliquée, elles augmenteraient de 1,8 % par an. Or, pour passer sous la barre des 3 % de déficit public à l’horizon 2027, il est nécessaire que les dépenses publiques n’augmentent pas de plus de 0,6 % par an. Il s’agit donc bien d’un problème de dette et vous affirmez vous-même que la réforme des retraites ne suffira pas à réduire cette dette.

Par ailleurs, si le coût de la réforme en 2023 est estimé à 400 millions d’euros, il ne vous est pas possible de vous projeter vers les années suivantes, faute du vote du projet de loi de programmation des finances publiques. On peut donc se poser la question : quel est l’intérêt de cette réforme des retraites si celle-ci n’améliore pas la trajectoire de la dette ? Que proposez-vous d’autre pour réduire la dette ?

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Dans son projet de loi de finances (PLF) pour 2023, le Gouvernement avait annoncé ses intentions : « les administrations de sécurité sociale participeront à la maîtrise d’évolution des dépenses, permise notamment par la réforme des retraites. » Voici donc le but réel de la réforme : faire des économies.

Or de quoi s’aperçoit-on aujourd’hui ? D’abord, que la réforme aura un effet très faible sur nos finances publiques. Alors pourquoi fait-on subir cela aux Français ? Au delà de 2023, nous n’avons aucune idée de son incidence. Nous avançons les yeux bandés, volontairement, qui est plus est, car comme vous nous en avez alertés, les scénarios sont un peu trop optimistes.

J’ai noté que vous annonciez que 50 000 personnes verraient leur départ retardé dès l’année prochaine : confirmez-vous cette information ? Qui sera concerné par ce report et pendant combien de temps ?

Par ailleurs, avez-vous prévu le coût social de cette réforme ? L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) parle de 277 000 chômeurs supplémentaires à horizon de dix ans pour un coût de 2,8 milliards d’euros, quand la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) estime à 3,5 milliards d’euros la conséquence d’un report de l’âge à la retraite.

Le Gouvernement affirme que le déficit du système des retraites sera de 0,7 % du PIB en 2050. C’est oublier que le PIB d’aujourd’hui ne sera pas le PIB de demain, qui sera a priori bien plus élevé en 2050 qu’en 2030. Avez-vous donc des estimations permettant de mesurer l’évolution du PIB français et celle du déficit du système des retraites ?

Enfin, s’agissant de la loi de programmation des finances publiques, vous jouez évidemment votre rôle. Je rappelle que l’Assemblée nationale a refusé en majorité ce projet de loi parce qu’il présentait des prévisions de croissance et d’inflation qui n’étaient pas sérieuses et qu’il promettait des mesures, telles que l’austérité dans nos communes, qui n’étaient pas acceptables politiquement, raison pour laquelle nous demandons à la minorité présidentielle de revenir à la raison sur ce sujet.

Mme Véronique Louwagie (LR). J’ai noté que vous ne pouviez pas répondre à un certain nombre de questions, je ne vous en poserai donc pas : je ferai état de remarques et de regrets qui susciteront peut-être des réactions.

Vous avez indiqué qu’il n’y a pas eu de modification dans ce PLFRSS des prévisions relatives la situation macroéconomique par rapport à septembre 2022. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas ajusté ses hypothèses et que nous ayons affaire à un copier-coller. Je m’interroge toutefois sur la situation et l’impact des taux d’intérêt qui continuent à augmenter depuis septembre dernier.

S’agissant de la loi de programmation des finances publiques, je note également votre regret, comme celui de nous tous. Je regrette également que le Gouvernement n’ait pas entendu nos messages. Ces messages adressés par Les Républicains sont d’ailleurs confortés par les remarques du Haut Conseil : premièrement, dans votre avis du mois de septembre, lorsque vous souligniez l’importance de la maîtrise de la dépense publique couplée à la recherche d’une plus grande efficacité ; deuxièmement, dans votre avis de janvier, lorsque vous affirmez que la réforme des retraites ne suffit pas à atteindre à elle seule un objectif de financement des besoins d’investissements publics, liés notamment aux enjeux climatiques. Cela me fait dire que nous avons eu raison de ne pas voter en faveur du projet de loi de programmation des finances publiques tel qu’il était présenté.

Je souhaiterais également noter l’incidence sur les comptes de 2023 et la brutalité de l’impact de la réforme des retraites, puisque 50 000 personnes qui sont nées après le 1er septembre 1961 et avant le 31 décembre 1961 et qui pouvaient partir à la retraite au 1er octobre de cette année ne pourront partir qu’au 1er janvier 2024.

Enfin, je regrette que vous ne disposiez pas de données relatives à l’effet de la réforme sur les années à venir. Il n’est pas logique que le Gouvernement ne vous ait pas fourni un certain nombre d’éléments.

M. Philippe Brun (SOC). Vous me permettrez une remarque sur la loi de programmation des finances publiques. Vous êtes certes dans votre rôle sur ce sujet, mais je m’interroge à nouveau sur l’utilité de ces lois. Vous écriviez dans l’avant-dernier avis du HCFP : « non contraignante, reposant sur des hypothèses généralement optimistes et rapidement obsolètes. Les objectifs n’ont que rarement été atteints. » Quel est l’intérêt, à partir de ce constat, d’adopter un document bavard qui ne sera pas respecté ? 

J’ajoute par ailleurs que les sanctions prévues par les traités et notamment l’article 8 du traité sur la stabilité, la croissance et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire n’ont jamais été appliquées. Dans ce cadre, qu’est-ce qui empêche le HCFP d’examiner le décalage entre les budgets votés et la norme qui ressort du programme de stabilité ? Il s’agit finalement d’un document comparable à une loi de programmation des finances publiques.

Quelles sont les informations qui vous manquent et qui auraient été utiles au HCFP pour produire son avis ?

S’agissant des prévisions de croissance trop optimistes, quels facteurs de freinage de la croissance, qui n’auraient pas été pris en compte par le Gouvernement, le HCFP anticipe-t-il ?

Enfin, en ce qui concerne l’incidence très faible en 2023 de la réforme des retraites, vous notez que des incertitudes entourent la hausse du minimum contributif. Quelles sont ces incertitudes et quelle pourrait être l’ampleur des variations éventuelles pour l’année 2023 ?

Mme Félicie Gérard (HOR). Notre système de retraite connaît depuis de nombreuses années des débats sur sa soutenabilité. Selon les prévisions du COR et tous les scénarios, ce système s’achemine vers un déficit chronique à long terme. Le Gouvernement a donc annoncé une réforme pour pallier les déficits et garantir un système juste et autonome pour les futures générations. Par cette mesure de décalage de l’âge légal de départ en retraite, l’objectif est d’empêcher la fragilisation de notre système par répartition. La question de l’équilibre de nos comptes publics est en effet majeure, surtout lorsqu’il s’agit de notre système de solidarité, qui nous est à tous très cher.

Vous avez la charge de surveiller la bonne administration de nos comptes publics. Bien que vous n’ayez pu analyser en profondeur les effets de cette réforme, pourriez-vous nous indiquer si l’équilibre des comptes actuels serait soutenable à long terme sans réforme ? Êtes-vous en mesure de nous dire si cette réforme aura une incidence positive ou négative sur l’équilibre de nos finances publiques ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Depuis plusieurs semaines, nous ne cessons de rappeler que la réforme des retraites telle qu’elle est présentée est injuste et injustifiée. Votre avis ne modifie pas notre appréciation. En particulier, nous notons que la hausse de l’âge légal de départ dès septembre pourrait conduire 50 000 personnes à décaler leur départ, soit une personne sur quinze parmi les futurs retraités de 2023. Vous notez également que les éléments que vous a transmis le Gouvernement empêchent d’évaluer à moyen terme l’incidence de la réforme sur les finances publiques. C’est extrêmement dommageable, car ni le débat parlementaire ni l’opinion publique ne peuvent être éclairés sur la nécessité de cette réforme.

Pensez-vous acceptable que la représentation nationale et les Français souffrent d’un déficit d’informations sur une réforme d’une telle envergure ? Comment pouvons-nous nous prononcer sur un texte sans disposer des informations nécessaires à l’éclairage de notre décision ?

Vous insistez sur la nécessité de réduire la dette publique. Pensez-vous dès lors qu’il était opportun de réduire les impôts de production de 14 milliards d’euros entre 2020 et 2023 ? Ne pensez-vous pas qu’il aurait été bien plus adéquat de maintenir la contribution des entreprises aux efforts publics plutôt que d’aller chercher des économies par un report de l’âge légal dont les Français ne veulent pas ?

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai quatre questions à vous poser.

Premièrement, vous nous indiquez que les prévisions de croissance du PIB en 2023 vous paraissent trop élevées : que se passerait-il si nous passions de 1 % à 0,2 ou 0,3 %, ce qui correspond plus ou moins au consensus actuel ?

Deuxièmement, vous jugez la masse salariale un peu basse, avec 5 %. Mais 5 % dans le cadre d’une inflation à 4,3 % correspondent encore à une augmentation du pouvoir d’achat de la masse salariale de 0,7 % et même si l’on soustrait l’augmentation des effectifs à 0,2 ou 0,3 %, nous arrivons encore 0,4 ou 0,3 %. Or les négociations salariales en cours montrent des réévaluations inférieures à la croissance des prix envisagée, soit 4,3 %. Pouvez-vous nous expliquer ces prévisions ?

Troisièmement, vous signalez une très légère baisse de la dette publique qui serait liée essentiellement à une mobilisation de la trésorerie excédentaire de l’État accumulée à la fin de l’année 2022. Pouvez-vous nous dire à quelle hauteur ? Il semble que nous nous soyons volontairement surendettés pour donner l’illusion d’un fléchissement de la dette. 

Quatrièmement, s’agissant de votre avis sur les dépenses et plus particulièrement concernant l’État et les collectivités territoriales : avez-vous eu le temps d’examiner le dérapage du coût des intérêts de la dette ?

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vais débuter ma réponse en évoquant la réforme des retraites de manière générale. Nous estimons qu’il existe un besoin de financement, qui peut être comblé par une réforme des retraites, laquelle peut toutefois prendre plusieurs voies. Ce n’est pas à moi de choisir. Néanmoins, il est clair qu’il ne s’agit pas là de payer le déficit de l’État : c’est une réforme faite pour équilibrer le système de retraite, pas pour autre chose. À partir de constat, nous arrivons à toute une série de questions que vous avez posées.

D’abord, le coût de l’inaction : il ne revient pas au Haut Conseil de se prononcer sur des choix politiques. Si la Cour des comptes a conclu sur la nécessité d’une réforme, nous n’avons pas à en prescrire les voies et les moyens.

La réforme des retraites assure-t-elle l’équilibre du régime de retraite par répartition à moyen et long termes ? Je ne peux qu’en juger au regard des mesures exposées et nous n’avons pas de certitude pour pouvoir le certifier, puisque notre information est lacunaire. Nous ne pouvons donc pas juger de l’incidence à moyen et long termes de cette réforme sur les finances publiques. 

Pour répondre à la question de savoir si la réforme des retraites contribue à faire baisser la dette, là encore nous ne disons pas que cet effet n’existe pas, mais nous disons qu’il est plutôt inférieur aux prévisions antérieures. En revanche, sans réforme des retraites, la dette augmenterait d’ici à 2027.

S’agissant de la croissance potentielle, la réforme des retraites doit avoir un effet sur celle-ci, car elle influence un facteur de production : le travail. Si la quantité de travail augmente, la croissance potentielle également. 

50 000 personnes vont devoir décaler leur départ à la retraite en 2023. Il s’agit d’un chiffre présenté dans les documents qui nous ont été soumis. Il y a bien 50 000 personnes qui devaient pouvoir partir en retraite à l’âge de 62 ans, sur les 200 000 personnes partant chaque année, qui devront décaler leur départ.

En ce qui concerne l’évaluation du déficit du système de retraite à 0,7 point de PIB en 2050, il ne s’agit pas du PIB d’aujourd’hui et si c’était le cas, ce chiffre serait plus important.

Où en est la charge de la dette compte tenu de la hausse des taux d’intérêt ? Pour l’État, celle-ci devrait augmenter d’un peu plus de 12 milliards d’euros en 2022, passant de 35 milliards d’euros à 47 milliards d’euros en comptabilité nationale. En 2023, le Gouvernement prévoit un reflux de la charge de la dette de 3 milliards d’euros, pour arriver à 44 milliards d’euros – reflux qui provient du repli de la charge des titres indexés en lien avec la baisse attendue de l’inflation –, mais nous ne savons pas quel sera l’effet de la hausse des taux. Compte tenu de cette incertitude et de l’inflation qui pourrait être plus élevée, ce recul de la charge de la dette n’est pas acquis.

Combien la hausse du minimum contributif coûte-t-elle ? Son coût est prévu à 0,4 milliard d’euros en 2023 par le Gouvernement. Il sera partiellement financé par une solidarité entre les branches des régimes obligatoires de base. Les contours exacts de la mesure restent à préciser.

S’agissant de la croissance et des effets sur le déficit, le scénario du Gouvernement est à un point, soit au-dessus du haut de la fourchette retenue par les prévisionnistes de référence. Nous aurions pu être plus sévères, mais nous sommes restés modérés, car nous n’écartons pas totalement la possibilité d’une bonne surprise. Néanmoins, il serait bon que le Gouvernement ajuste à un moment donné sa prévision de croissance, car s’il y avait 0,8 point de croissance en moins, cela représenterait 0,4 point de déficit en plus et donc 10 milliards d’euros d’endettement supplémentaires. 

Enfin, au sujet du projet de loi de programmation de finances publiques, je ne me permettrais pas de contredire ceux qui l’ont critiqué sur le fond. Néanmoins, nous avons besoin d’une référence commune : la loi organique et les traités l’exigent. On peut toujours bricoler, mais il existe des règles et la Commission européenne les rappellera à un moment donné. Du point de vue français, le programme de stabilité n’est pas non plus équivalent à la loi de programmation. La loi organique dit d’ailleurs bien que nous devons nous prononcer par rapport à un objectif de moyen terme qui figure dans la loi de programmation de finances publiques. Il s’agit donc d’un problème juridique et constitutionnel. Je le redis : nous ne pourrons pas faire sans une loi de programmation de finances publiques.

M. Fabien Di Filippo (LR). Nous nous trouvons actuellement dans un scénario qui prévoit qu’en 2030, nous atteindrions 13,5 milliards d’euros de déficit du système de retraite si nous ne faisions rien. Toutefois, ce scénario est bâti sur une hypothèse de chômage à 4,5 %, qui paraît peu réaliste. Êtes-vous capable d’estimer cette situation si nous prenions une hypothèse plus réaliste, soit 7 ou 7,5 % ?

M. Philippe Lottiaux (RN). Il n’est pas acceptable de laisser dire ou sous-entendre qu’il est irresponsable de ne pas avoir voté le projet de loi de programmation des finances publiques. Ce qui est à notre sens irresponsable, c’est le Gouvernement qui, par arrogance, a maintenu des prévisions soit irréalistes, soit inacceptables. Je tenais à le dire.

La question, finalement, n’est pas de réformer les retraites. Il s’agit en réalité de trouver des fonds dans un pays étranglé par les prélèvements obligatoires et par la dette. Le choix du Gouvernement a donc été de faire porter ce poids sur la qualité de vie des Français. De plus, nous sommes dans un axe assez réducteur d’analyse des gains potentiels de cette retraite. Or nous savons très bien que cette réforme engendrera des coûts supplémentaires pour l’assurance chômage, l’assurance maladie, notamment au titre de l’invalidité, pour les collectivités territoriales, singulièrement les départements via le revenu de solidarité active (RSA) ou les communes. Quelle est donc l’incidence des charges complémentaires de cette réforme comparée aux gains ?

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). S’il est nécessaire pour vous de reporter l’âge de départ à la retraite, cela signifie en réalité que vous demandez à celles et ceux qui ont tenu le pays pendant la crise du covid-19 d’en faire plus. Autrement dit, ceux qui nous ont sauvés nous coûteraient aujourd’hui presque trop cher. Or on ne s’intéresse jamais à ceux qui nous entourent : je vais donc me faire un devoir de vous prendre comme exemple. Entre votre salaire et vos retraites, la France vous verse chaque mois 22 000 euros, soit 260 000 euros par an. Ne voyez-vous pas ici un problème moral ? C’est toujours à ceux qui font marcher le pays de faire des sacrifices supplémentaires.

M. Michel Castellani (LIOT). Pensez-vous que la situation de stagflation soit durable ? Le poids de la dette publique par rapport au PIB reste en réalité très relatif. La dette est certes en hausse constante, mais il faut la rapporter au niveau de taux d’intérêt imposé par les marchés, aux données du commerce extérieur qui est un désastre pour la France et au niveau de croissance très faible, ainsi qu’au rythme d’inflation qui se relance. Cette conjoncture morose vous paraît-elle durable ?

M. David Amiel (RE). Au sein du débat sur les retraites, certains préconisent des hausses importantes de prélèvements obligatoires. La Cour des comptes prenait une position forte sur ce sujet, dans une publication d’octobre 2021 intitulée Continuer à adapter le système de retraite pour résorber les déficits et renforcer l’équité, en indiquant que « les marges de manœuvre pour de nouvelles hausses des taux de cotisation apparaissent restreintes dès lors que la France a déjà le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé de l’Union européenne ». Pouvez-vous donc nous préciser quels effets économiques seraient à attendre en cas de hausses importantes des cotisations ?

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. S’agissant des prévisions et du chiffrage du déficit du système de retraite selon l’hypothèse retenue pour le taux de chômage, nous ne sommes pas une instance de prévision : il s’agit là du rôle du COR.

Comme je l’ai déjà dit, je ne permettrais jamais de parler d’irresponsabilité parlementaire, mais je souhaite redire qu’une loi de programmation n’est pas optionnelle : elle est obligatoire et son absence est un problème grave pour le pays. Respectueux des députés et des sénateurs, il me semble toutefois que vous devez aboutir à un résultat.

Vous m’interrogez sur les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires : nous avons en France quelques paradoxes qui doivent tous nous frapper. Nous avons le niveau de dépenses publiques le plus élevé de l’Union européenne, 58 %, nous sommes un des pays qui a le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé, au-dessus de 44 %, mais nous n’avons pas pour autant des services publics qui donnent une totale satisfaction, autant dans la perception que dans la réalité – notamment le logement et l’éducation nationale, avec des dépenses élevées et des performances plutôt faibles.

Nous ne pouvons vivre durablement dans cette situation hautement insatisfaisante. Or nous connaissons les solutions : l’élévation du niveau de croissance potentielle à travers des politiques d’investissement intelligemment ciblées et la maîtrise de la dépense. J’utilise le mot de maîtrise plutôt que celui de baisse, car c’est la qualité de la dépense qui est en cause. Que ce soit dans l’éducation ou la santé, il y a sans doute à la fois des dépenses supplémentaires à consentir et des économies à faire. Nous devons être capables, dans ce pays, de soulever le capot, d’analyser ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas au sein des politiques publiques. C’est pourquoi j’appelle depuis des années, déjà comme commissaire européen, à des revues de dépenses publiques annuelles et sérieuses. Nous avons échoué dans les divers exercices précédents. Autrement, nous risquons d’engendrer un mécontentement général face à la gestion des dépenses. Les investissements soutenant la croissance potentielle vont de pair avec des modifications intelligentes et modernes des politiques publiques. C’est une question économique, financière, sociale, politique et démocratique et c’est pourquoi nous avons besoin d’une loi de programmation des finances publiques, synonyme de transparence des débats publics, lesquels ont besoin de maturité.

Concernant la stagflation, la plupart des économistes estiment que l’inflation devrait être temporaire et nous devrions donc sortir d’une situation de stagflation, même si l’atterrissage reste incertain.

Enfin, monsieur Maudet tous les citoyens doivent contribuer à la hauteur de leurs revenus, et j’ajoute que j’ai nettement dépassé l’âge de départ la retraite.

 

 

 


—  1  —

II.   Discussion générale

Lors de sa première réunion du vendredi 27 janvier 2023, la commission a examiné pour avis le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

M. le président Éric Coquerel. Nous examinons le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023, dont la commission des finances s’est saisie pour avis, comme elle a coutume de le faire pour chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, de l’année comme rectificative.

Sur ce texte, déposé sur le bureau de notre Assemblée lundi 23 janvier, nous avons nommé avant-hier, mercredi 25 janvier, Mme Marina Ferrari rapporteure pour avis.

Nous avons également entendu, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), M. Pierre Moscovici, le même jour, sur l’avis rendu sur ce texte, ainsi que, conjointement avec la commission des affaires sociales, M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR).

Un peu plus de 400 amendements avaient été déposés devant notre commission. Leur recevabilité devait être appréciée à l’aune non seulement de l’article 40 de la Constitution, mais également à celle des exigences de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS). J’ai été amené à déclarer 78 amendements irrecevables, 47 en raison de la création ou de l’aggravation d’une charge publique, 3 parce qu’ils proposaient des pertes de ressources publiques non gagées et 28 parce que les dispositions proposées n’avaient pas leur place dans une loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS).

Sans surprise, les amendements qui proposaient de favoriser l’attribution de nouveaux droits de retraite par l’acquisition de trimestres supplémentaires ou par l’affiliation à un autre régime constituaient des charges publiques, engendrant de nouvelles dépenses pour les régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

Les amendements prévoyant la remise de rapports prospectifs étaient également irrecevables car, dans une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), ne peuvent être demandés que des rapports portant sur l’application de dispositions figurant dans une telle loi.

Certains amendements proposaient de modifier des impôts dont le produit revient à l’État. Toutefois, s’il est possible, dans une LFSS, de créer, modifier ou supprimer toute imposition affectée aux régimes obligatoires de base ou à leurs satellites, la modification de la fiscalité affectée à l’État n’y a pas sa place.

Chaque fois qu’il était possible de privilégier une interprétation favorable à l’initiative parlementaire, je l’ai retenue, dans la ligne de ce qu’ont fait les précédents présidents de la commission des finances. Ainsi, un assez grand nombre d’amendements mettaient en jeu la jurisprudence « beurre et argent du beurre », laquelle interdit de proposer une combinaison du droit existant et du droit proposé qui aurait pour conséquence d’aggraver une charge publique ou de diminuer, sans gage, les ressources publiques par rapport à ces deux bases de référence. Il s’agissait des très nombreux amendements à l’article 7 qui proposaient de revenir, en tout ou partie, sur le rehaussement de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite et qui, de façon indirecte, avaient pour effet d’abaisser l’âge d’annulation de la décote appliquée à la pension versée. J’ai considéré que l’intention des auteurs de ces amendements n’était pas de remettre en cause le fait que l’âge auquel la décote n’est plus applicable demeure fixé à 67 ans. L’interprétation inverse aurait largement amputé le débat fondamental sur la fixation de l’âge légal. Tout en retenant une lecture favorable, je n’ai aucunement entendu remettre en cause la jurisprudence bien établie concernant la combinaison des bases de référence.

Enfin, plusieurs amendements étaient irrecevables en ce qu’ils proposaient de repousser l’entrée en vigueur d’articles du projet de loi au delà du 31 décembre 2023. En effet, en vertu de la LOLFSS, n’ont leur place dans une LFRSS que des dispositions qui ont un effet sur les recettes ou sur les dépenses des régimes obligatoires de base pour l’année en cours. En revanche, toujours dans un sens favorable à l’initiative parlementaire, j’ai considéré recevables les amendements qui repoussaient l’entrée en vigueur d’une partie des dispositions d’un article mais laissaient subsister, même de façon très réduite, une entrée en vigueur en 2023 du reste des dispositions du même article.

Avant d’engager la discussion générale, j’exprimerai mon propre avis sur cette réforme et, plutôt que de parler de chiffres – ce que nous ne manquerons pas de faire au cours de ce débat –, je parlerai de choix de société.

Ce projet, qui vise à faire travailler les gens deux ans de plus en moyenne qu’aujourd’hui, exprime une certaine conception de la retraite. Les dispositions visant à donner, en fin de carrière, à ceux qui font un travail considéré comme pénible – ce qui est le cas de la grande majorité de nos concitoyens – un autre emploi, qui leur permettrait de continuer, d’aller jusqu’à la butée, à l’extrême bout de ce qu’un travailleur peut mettre au service de la production, quel que soit l’état dans lequel il se trouvera ensuite pour profiter de sa retraite, sont symboliques de cette réforme. Je rappelle que la moyenne d’espérance de vie en bonne santé est de 63 ans pour les hommes et de 64 ans pour les femmes.

Un retraité a le droit de profiter de sa retraite le plus longtemps possible et en bonne santé, en faisant bénéficier les associations et les relations sociales de ses apports – ce qui est particulièrement le cas dans nos régions –, ou même en consommant, puisque de nombreuses régions de France vivent aussi des retraités. Il y a donc là un choix de société. Pourquoi, puisque la richesse nationale ne cesse de croître et que la productivité des travailleurs a triplé en trente ans, revenir sur l’une des conquêtes sociales de tout le XXème siècle, qui a permis de bénéficier toujours plus longtemps de la retraite ? Si la réforme était appliquée, un retraité qui pouvait espérer profiter de sa retraite pendant 25 ans en moyenne dans le cadre de la réforme de 2010, ne pourrait plus espérer le faire que pendant 23 ans – deux années essentielles pour un grand nombre de nos concitoyens qui ont accompli des carrières longues.

Le deuxième aspect de cette réforme est qu’elle pénalise le plus ceux qui sont entrés tôt dans leur métier et ont effectué des carrières longues, de même qu’elle pèse le plus sur ceux qui travaillent à temps partiel – je pense notamment aux femmes car c’est, quoi qu’on en dise, ce que montre l’étude d’impact. La réforme est donc tout à fait injuste socialement.

Pour ce qui est des chiffres, M. Bras, président du Conseil d’orientation des retraites, nous a clairement déclaré la semaine dernière, interprétant les analyses de cet organe – et j’ai bien compris que c’est à partir de là que la Première ministre a estimé que le COR disait n’importe quoi –, que les dépenses de retraites ne dérapaient pas et que, dans trois des quatre scénarios envisagés, elles baisseraient même à partir des années 2035 à 2047 en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), seul critère objectif à retenir à moins de travailler en francs courants, ce qui serait bizarre de la part d’économistes !

Si donc les dépenses ne dérapent pas, mais que les déficits se creusent – ce que le COR ne nie pas –, la question est, selon M. Bras lui-même, celle des ressources. C’est en effet de ce côté qu’il faut chercher l’équilibre du système, et cela peut se faire selon deux axes. Le premier consiste, non pas à imposer les revenus du capital, mais à leur appliquer davantage de cotisations. Les revenus du capital ne sont, je le rappelle, que le résultat de ce qui a été produit par le travail de tous : ils disparaîtraient si, tout à coup, les travailleurs d’une usine s’arrêtaient. En appliquant à tous les dividendes du pays un même niveau de cotisations de sécurité sociale qu’aux revenus du travail, nous avons largement de quoi régler la question du déficit dans les années à venir.

Le deuxième axe est celui de l’emploi. L’égalité salariale entre hommes et femmes, par exemple, se traduirait par 5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires par an. Pour savoir comment faire, je vous invite à aller voir avec quelles lois l’Islande est parvenue, en quelques années, à l’égalité salariale – certes avec des contraintes pour les entreprises.

On pourrait aussi – sans même parler de l’embauche nécessaire dans les services publics – intégrer les travailleurs ubérisés, qui se multiplient et sont nombreux dans mon département de la Seine-Saint-Denis. De fait, ces autoentrepreneurs ne cotisent pas comme des salariés, alors qu’ils accomplissent, en réalité un travail déguisé de salariés et que ce statut permet de les faire travailler à la tâche. Un document très intéressant qui vient d’être publié dans Alternatives économiques montre que la création d’emplois de ce type est majoritaire, par exemple, dans les quartiers populaires de Seine-Saint-Denis. Je rappelle que ce mode de travail a pu se développer grâce à un amendement voté par la majorité de l’époque au projet de loi de finances rectificative pour 2017, qui doublait le plafond autorisé pour bénéficier du régime fiscal associé au statut d’autoentrepreneur. Requalifier en salariat cette forme de travail, comme cela a été fait en différents endroits des États-Unis, ferait rentrer des cotisations.

Il existe donc deux possibilités de créer de l’emploi salarié et socialisé donnant lieu à cotisations et d’équilibrer les ressources. Telles sont les pistes sur lesquelles il faut travailler, au lieu de contraindre les gens à travailler deux ans de plus.

Je constate enfin – et je vous prie de ne pas y voir, chers collègues, d’attaques à votre encontre, car je m’englobe dans le nombre – que ceux qui estiment normal que des gens ayant eu des carrières longues et souvent pénibles travaillent deux ans de plus sont souvent des responsables économiques ou politiques, ou des éditorialistes, qui ne connaissent pas ce type de travail et parlent pour les autres de situations très dures que vivent ces derniers. Nous devrons en tenir compte dans nos échanges.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Le texte que nous examinons a pour objectif d’équilibrer et de pérenniser notre système de retraite tout en corrigeant certaines inégalités du système actuel.

À ce stade, quelques éléments de contexte me semblent nécessaires pour objectiver le débat sur cette réforme des retraites. Nous sommes confrontés à une démographie défavorable, qui pèse sur les équilibres de notre régime de retraites par répartition. Le vieillissement de notre population s’accélère. Dans sa dernière publication, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) indique qu’au 1er janvier de cette année, 21,3 % de notre population est âgée de 65 ans ou plus. L’espérance de vie à la naissance est de 79,3 ans pour les femmes et de 85,2 ans pour les femmes et, contrairement à ce que j’ai pu entendre ces derniers jours, l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans a augmenté ces dix dernières années de 0,8 an pour les hommes et de 0,9 an pour les femmes. Parallèlement, notre indice conjoncturel de fécondité se situe à un point bas de 1,8 enfant par femme et notre natalité est historiquement faible. De ce fait, le ratio du nombre d’actifs cotisants par rapport au nombre de retraités, sur lequel repose notre système par répartition, ne cesse de se dégrader. À ce jour, on compte 1,7 actif par retraités et ce ratio devrait descendre à 1,2 d’ici 2070.

Ce problème démographique a une incidence directe sur l’équilibre de notre système de retraite, dont les ressources reposent pour 79 % sur les cotisations, pour 12 % sur les impôts et taxes affectées, pour 7 % sur les transferts d’organismes tiers et pour 2 % sur les prises en charge de l’État pour compenser les déséquilibres de certains régimes spéciaux. Ainsi, dans l’ensemble des scénarios présentés par le COR, nous ferons face à des déficits importants dans les années à venir. En 2027, en effet, le déficit du système de retraite atteindrait 12,3 milliards d’euros, alors que l’âge conjoncturel moyen de départ en retraite était déjà, en 2020, de 62,4 ans. Le déficit se creuserait par la suite dans la quasi-intégralité des scénarios.

Dans le scénario central, retenu par le Gouvernement et qui reste, d’après le Haut Conseil des finances publiques, relativement optimiste, le déficit de notre système de retraite atteindrait 0,5 % du PIB en 2040, soit presque 24 milliards d’euros. Ce solde se dégraderait jusqu’à atteindre 0,8 % du PIB en 2070. Même dans le plus favorable des scénarios étudiés par le COR, qui est aussi le plus improbable, le système ne retrouverait un équilibre qu’au milieu des années 2040. Ces constats sont sans appel et ne devraient pas, me semble-t-il, être sujets à interprétation. À cet égard, je rappelle que la convention reposant sur l’hypothèse d’un effort de l’État constant (EEC) est utilisée par le COR à titre pédagogique et ne reflète ni la réalité de notre système juridique ni l’évolution normale et logique de la contribution de l’État au système de retraite.

Lors de l’audition du Haut Conseil des finances publiques, j’ai entendu dire ici qu’il ne revenait pas au système de retraite de réduire les dépenses de l’État. Du reste, ce projet de loi n’a pas d’autre objet que d’équilibrer notre système et d’y apporter des ressources pour financer des mesures de réduction des inégalités dans la redistribution des pensions de retraite. Pas un euro collecté par cette réforme n’ira à autre chose qu’aux retraites.

Cependant, il ne revient pas non plus à l’État – hors, bien sûr, sa contribution en tant qu’employeur –, donc aux contribuables, de payer les déficits des régimes de retraite, notamment ceux des régimes spéciaux, qui se trouvent en déséquilibre structurel. De ce point de vue, le texte recherche un principe d’équité entre nos concitoyens et propose l’alignement avec le droit commun des régimes spéciaux et de la fonction publique.

Nous allons donc examiner des mesures en recettes et en dépenses, dont une grande partie constitue des avancées. Sans pouvoir réparer toutes les inégalités de la vie, la réforme doit les atténuer. Notre assurance vieillesse est déjà fortement redistributive : il y a moins d’inégalités dans les pensions que dans les salaires. Pour préserver ce trésor, il nous faut rétablir un équilibre financier qui lui permette de perdurer.

Pour ce qui est des mesures en recettes, ce budget rectificatif de la sécurité sociale comprend un article liminaire, dont il ressort que le solde de l’ensemble des administrations publiques (APU) et celui des administrations de sécurité sociale (ASSO) demeurent respectivement évalués à – 5,0 % et + 0,8 % du PIB en 2023, la prévision de croissance de ce dernier étant elle aussi maintenue à 1 %.

Sur le périmètre plus restreint de la LFRSS, après un record de – 39,7 milliards d’euros en 2020, lié à la crise sanitaire, le solde des régimes obligatoires de la sécurité sociale et du fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV) a été arrêté à – 24,3 milliards d’euros en 2021 et devrait s’établir à – 18,9 milliards d’euros en 2022.

En décembre dernier, la prévision était de – 7,1 milliards d’euros pour 2023. L’incidence immédiate des revalorisations du montant minimum des pensions et autres dispositifs d’accompagnement que le Gouvernement et la majorité proposent sur le solde de l’année en cours devrait porter ce dernier à – 8,8 milliards d’euros pour les régimes de base stricto sensu et à – 7,5 milliards d’euros en incluant le FSV. Autrement dit, je signale à l’attention de la partie des oppositions qui souhaite rejeter ce texte que de nouveaux droits sont ouverts immédiatement et nous permettent en même temps de remettre le système d’ensemble sur une trajectoire favorable. Le déficit de notre système de retraite serait de 12,3 milliards d’euros en 2026, contre 15,7 milliards d’euros sans la réforme, le point d’équilibre se situant vers 2030.

Le projet de loi comprend deux mesures en recettes. La première ne concerne pas la réforme proprement dite, mais l’abandon du projet de transfert aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) des prélèvements de cinq régimes, notamment l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO). Malgré l’indéniable succès des démarches de centralisation en matière collecte des cotisations d’assurance chômage ou des cotisations d’assurance vieillesse des libéraux, il faut prendre acte du fait que les partenaires sociaux ne sont pas favorables à la poursuite de ce chantier. Fidèle à sa volonté de dialogue et de concertation, et conformément aux préconisations de plusieurs députés de la majorité et du groupe Les Républicains, le Gouvernement propose de revenir sur cette dernière étape.

La seconde mesure est la création d’un index sur l’emploi des seniors. Bien que les précédentes réformes portant report de l’âge légal de départ à la retraite ou allongement de la durée d’assurance aient été favorables au taux d’emploi des seniors, celui-ci reste inférieur à la moyenne observée dans l’Union européenne (UE) – 56 % pour l’ensemble des 55 à 64 ans et 33 % pour les 60 à 64 ans. Le texte propose plusieurs mesures pour favoriser le maintien des seniors dans l’emploi et mieux les accompagner dans leur parcours professionnel, notamment ceux qui sont exposés à la pénibilité.

J’en viens aux mesures en dépenses. Pour équilibrer le système, il aurait été possible de retenir la voie, injuste, de la diminution des pensions servies ou celle, déraisonnable au vu de notre taux de prélèvements obligatoires, de l’augmentation des cotisations sociales. Dans la première hypothèse, les baisses de pensions de retraite atteindraient en moyenne plus de 103 euros en 2023, 684 euros en 2027 et 719 euros en 2030. Dans la seconde, la hausse des cotisations salariales et patronales serait d’environ 408 euros en 2027 et 442 en 2030. Ces hypothèses réduiraient toutes deux le niveau de vie de nos concitoyens, retraités ou actifs.

Refusant d’utiliser ces leviers, le Gouvernement a préféré décaler de deux ans l’âge de départ à la retraite et accélérer les effets de l’allongement, déjà décidé par la réforme dite Touraine de 2014, de la durée de cotisation permettant de liquider une retraite à taux plein. Pour équilibrer le système, ces deux mesures sont nécessaires.

Le projet de loi ne se limite cependant pas à ces dispositions : il corrige également des inégalités de la vie. Ainsi, il pérennise certains dispositifs, comme la retraite anticipée pour les assurés ayant effectué des carrières longues ou celle des travailleurs handicapés ; il en corrige d’autres, avec la revalorisation du minimum contributif (MICO) pour les futurs retraités, au nombre de 180 000 – non 48 000, comme j’ai pu l’entendre –, comme pour le 1,8 million de retraités actuels, avec l’objectif, pour un salarié à carrière complète, à temps plein et au niveau du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), de verser une pension de retraite équivalente à 85 % du SMIC. Le montant de la pension minimale de référence sera revalorisé dans les mêmes proportions.

Il faut citer aussi le relèvement de 39 000 à 100 000 euros du plancher de récupération sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et son indexation sur l’inflation ; la prise en compte des trimestres validés au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) pour la retraite anticipée pour carrière longue et pour le calcul du MICO ; la meilleure prise en compte de la pénibilité, avec l’abaissement des seuils pour le travail de nuit ou posté ; la prise en compte, dans le cumul entre l’emploi et la retraite, des cotisations qui généreront de nouveaux droits contributifs et la validation, pour le calcul de la retraite, des périodes travaillées en travaux d’utilité collective (TUC) et dans d’autres dispositifs de stage.

Le projet de loi crée également de nouveaux dispositifs, comme un départ à la retraite anticipé pour les travailleurs en inaptitude ou en invalidité et une assurance vieillesse pour les aidants (AVA).

Pour terminer, et parce que ces mesures nous engagent pour les décennies à venir, j’appelle de mes vœux, et avec moi les députés du groupe Démocrate (MoDem et indépendants), l’inclusion d’une clause de revoyure à l’horizon d’octobre 2027. Cette disposition nous permettrait d’évaluer les impacts financiers et sociaux de la réforme à mi-parcours et d’en tirer les conséquences.

Les deux marques d’un système de retraite juste sont l’équilibre financier, lequel permet d’assurer un versement des pensions, et le traitement le plus équitable des situations individuelles, en prêtant une attention particulière aux plus difficiles. Ce PLFRSS tend à répondre à ces deux ambitions et j’émets donc un avis favorable à son adoption.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Le projet de loi dont nous entamons l’examen est crucial pour l’avenir de notre pays. Comme nous n’avons cessé de le répéter, la réforme des retraites que ce texte propose de mettre en œuvre est nécessaire pour la survie de notre système par répartition, auquel les Français sont particulièrement attachés, raison pour laquelle nous devons le réformer afin d’en assurer la pérennité.

D’abord, la dynamique démographique s’impose à nous. Avec trois cotisants pour un retraité en 1970 contre 1,7 aujourd’hui, notre système de retraite est profondément déséquilibré. Chacun constate autour de lui que nous vivons plus longtemps, qu’il y a de plus en plus de retraités et que le nombre d’actifs ne progresse pas dans les mêmes proportions. Nul ne peut raisonnablement remettre en cause ce constat. Comme le disait ici même le président du Haut conseil des finances publiques, en l’état, notre système de retraite n’est pas finançable et pas soutenable. Le président du Conseil d’orientation des retraites, à qui certains font dire tout et son contraire, indique sans ambiguïté que le solde du système de retraite se creusera quelles que soient les hypothèses retenues. Le rapport du COR est limpide à propos de l’avenir de notre système de retraite. L’hypothèse la plus favorable prévoit un déficit pour les vingt-cinq prochaines années et les trois autres envisagent un déficit sur l’intégralité de la période, c’est-à-dire jusqu’à 2070 au minimum. L’hypothèse du COR dite centrale, retenue par le Gouvernement, fait apparaître un déficit cumulé de l’ordre de 500 milliards d’euros sur les vingt-cinq prochaines années, avec pour sous-jacents un chômage à 4,5 % et 1 % de productivité par an. Je n’ose imaginer ce que seraient ces chiffres si la décroissance prônée par certains advenait. Qui peut dire que cette hypothèse de chômage n’est pas volontariste ?

Avec cette réforme, nous rééquilibrons notre système de retraite. Contrairement aux contre-vérités que certains assènent, l’intégralité des recettes supplémentaires de cotisations ira, comme l’a dit notre rapporteure pour avis, au financement des retraites. Cent pour cent ! Cela nous permettra d’éviter la faillite de notre système par répartition.

De plus, cette réforme aura comme effet secondaire positif, dont nous devons tous nous réjouir, une hausse de notre activité économique, qui nous donnera de nouvelles marges de manœuvre pour financer nos politiques publiques. Ceux qui proposent, pour combler ce déficit, des sources extérieures de financement, remettent en cause les fondamentaux de notre système par répartition. Pour eux, il faut moins de solidarité et plus d’impôts.

Ne pas rééquilibrer le système serait donc irresponsable ; ne pas le réformer en réduisant les inégalités serait injuste. Chacun reconnaîtra que le régime de retraite est très loin de corriger toutes les inégalités de la vie. Or tout ce que contient ce projet réduit les inégalités du système et permet d’instaurer un système plus juste. Entre autres mesures, nous augmentons la pension minimale à 85 % du SMIC pour les retraités ayant une carrière complète sur toute leur vie, nous prenons mieux en compte certaines périodes de la vie, comme l’apprentissage, les TUC et les congés parentaux et nous élargissons le nombre de bénéficiaires du compte personnel de prévention (C2P) consacré à la pénibilité. Nous pouvons donc être fiers de conduire cette réforme de justice et de progrès.

Dans notre assemblée, une majorité d’idées est favorable au report de l’âge de départ à la retraite. En revanche, aucun autre projet ne fait consensus parmi nos oppositions. Certains voudraient revenir à une retraite à 60 ans, qui coûterait 85 milliards d’euros par an. D’autres nient le fait même que notre système de retraite soit menacé et préféreraient ne rien faire, ce qui n’est pas responsable. D’autres encore sont favorables à notre projet de report de l’âge mais ne s’accordent pas sur les modalités et les modifications à opérer dans ce texte, ce qui n’est pas audible. Une fois de plus, face à notre projet, se dresse une coalition de circonstance.

Dire aux Français qu’il faudra travailler un peu plus n’est pas une bonne nouvelle. Nous ne prenons pas cette mesure pour être populaires ni parce que c’est facile, mais parce qu’elle est responsable. Il faut voir la vérité en face : notre système de retraite par répartition est menacé et nous devons agir. En reportant l’âge légal du départ à la retraite, notre majorité fait le choix de dire la vérité aux Français, un choix de responsabilité et de courage politique.

S’ouvre maintenant le temps du Parlement : je m’en réjouis. À nous de nous saisir de cette réforme et de l’améliorer. Je me félicite que la commission des finances ait été saisie pour avis, tant ce texte est crucial pour nos finances publiques et l’avenir de notre pays. Ne transformons pas notre assemblée en zone à défendre (ZAD), comme certains le souhaitent, et profitons pleinement du temps de débat qui s’offre à nous, dans l’intérêt des Français.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Voilà enfin venu le temps de démasquer les impostures ! Les discours que l’on entend, à l’instar du vôtre, monsieur le président, sont anti-travail, anti-courage et anti-vérité. Anti-travail, d’abord : non, le travail n’est pas une torture, même s’il faut évidemment prendre en compte la pénibilité de certains métiers. Le travail, ce sont aussi l’émancipation, la rencontre sociale et un projet de vie. Anti-courage, ensuite : je vous rappelle que ce ne sont pas les sondages qui ont été élus, mais le Président de la République et sa majorité parlementaire. Anti-vérité, enfin : certains considèrent que 12 milliards d’euros de déficit à l’horizon de 2030, ce n’est pas grand-chose ; or nous savons, au sein de cette commission, que c’est une somme considérable, que les dettes s’accumulent et menaceront demain – bientôt – l’équilibre de notre système de retraite. Les opposants à la réforme devront choisir : s’ils considèrent que nous nous trouvons dans une impasse de financement, ils devront chercher d’autres ressources ; dans le cas contraire, ils n’auront pas à le faire.

Face au vieillissement indéniable de la population, plusieurs solutions s’offrent à nous. D’abord, le déni, qui revient à considérer qu’il n’y a pas de problème de financement. En ce cas, on fait le choix de l’endettement et de l’enrichissement de nos créanciers, qui sont, aux deux tiers, étrangers, mais également de la retraite par capitalisation. En effet, si, demain, notre système de retraite par répartition meurt, seules les personnes qui se seront constitué un petit patrimoine pourront bénéficier de leur retraite. On peut aussi choisir d’augmenter les impôts des Français. J’entends certains plaider pour la retraite à 60 ans, ce qui coûterait 85 milliards d’euros, soit l’équivalent du produit de l’impôt sur le revenu : pensez-vous que nos concitoyens seraient favorables à son doublement ? La seule solution, si l’on ne veut ni augmenter les impôts ni baisser les pensions, est d’augmenter l’âge légal de départ à la retraite, comme l’ont fait tous nos voisins européens.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Madame la rapporteure pour avis, je conteste le fait que les scénarios du COR ou d’autres experts devraient nécessairement faire l’objet d’un consensus. De la même manière, on ne peut pas saluer l’ouverture du temps parlementaire et estimer que toute opposition, quelle qu’elle soit, est irresponsable si elle n’entre pas dans le cadre que la majorité présidentielle, très relative – et qui l’est de plus en plus –, a décidé. Vous n’avez pas saisi la perche que vous a tendue le président de la commission des finances lorsqu’il a relevé qu’il s’agissait d’un débat de société. Notre rôle de responsables politiques n’est pas de retirer ou raboter sans cesse des droits et de faire payer à la population, en particulier à ceux qui travaillent dur, les échecs collectifs des dirigeants français qui se sont accumulés depuis cinquante ans et qui ont réduit notre prospérité et affaibli nos filières industrielles. Rappelons que l’industrie assurait des gains de productivité et une richesse qui étaient à la base du pacte des retraites par répartition.

Je ne reviendrai pas sur tous les chiffres et toutes les mesures qui nourrissent notre désaccord. Nous voterons évidemment contre le texte. J’invite les responsables politiques à prendre leurs responsabilités et à réfléchir aux moyens de restaurer la prospérité et de renouer avec un véritable progrès social et humain, autrement dit à faire autre chose que gérer la pénurie. C’est à ce prix que nous rendrons à nos compatriotes leurs richesses et leurs droits.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Au cœur de la crise liée à l’épidémie de covid-19, le Président de la République nous a dit : « Il nous faudra nous rappeler […] que notre pays […] tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies […] rémunèrent si mal. » Eh bien, nous y sommes : après deux années de pandémie, après que les soignants ont travaillé avec des sacs-poubelles en guise de blouses, après que tout le monde est allé au travail la boule au ventre par crainte de rapporter le virus à la maison, en pleine inflation –  au moins 10 % pour l’alimentaire –, qui ronge le porte-monnaie et appauvrit les Français, en pleine crise de l’énergie, avec des artisans au bord du gouffre, des factures multipliées par cinq, la voici, votre priorité : faire travailler plus.

Rien pour les salaires des caissières, des aides à domicile, des soignants : ils resteront sous le seuil de pauvreté, mais plus longtemps, jusqu’à 64 ans au minimum. Les plus mal payés et mal traités à l’heure actuelle le seront donc aussi dans le futur. Voilà comment vous remerciez les meuniers, qui vous ont fait manger, les aides à domicile, qui ont porté vos aînés, les soignants et les sapeurs-pompiers, qui vous ont secourus.

Et tout cela, pour quelle bonne raison ? Parce que, selon vous, nous connaîtrons un déficit – qui atteindrait, selon le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, 12 milliards d’euros en 2030. Admettons. Mais ce déficit, c’est vous qui l’avez creusé, en multipliant les cadeaux fiscaux aux plus riches, aux entreprises. Vous creusez un trou et, maintenant, vous venez dire aux Français : c’est à vous de le reboucher, quitte à vous tuer la santé. La vérité est que vous êtes seuls face à une majorité de Français, face à tous ceux qui exercent des métiers essentiels, qui veulent de la reconnaissance, non du mépris. Comptez sur nous, avec cette majorité de Français, pour vous faire reculer dans votre projet solitaire, injuste et injustifié.

Mme Véronique Louwagie (LR). Nous avons toujours assumé, au sein de la droite républicaine, de Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, la nécessité de réformer les retraites pour sauver notre système par répartition, auquel nous sommes très attachés. Nous sommes convaincus qu’une réforme des retraites est nécessaire, laquelle ne peut passer ni par une augmentation des cotisations ni par une diminution des pensions et qui implique donc le relèvement de l’âge de départ à la retraite.

Cela étant, dans un pays fracturé, en proie à une situation sociale difficile et à une forte inflation, une telle réforme doit être acceptable pour et par la population. Porter brutalement l’âge de la retraite à 65 ans, au rythme de 5 à 6 mois par an, comme l’avait imaginé le Président de la République il y a encore quelques mois, n’était pas admissible.

Le Gouvernement présente une réforme qui reprend un certain nombre de nos propositions : le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 3 mois par an, pour arriver à 63 ans à la fin du quinquennat et à 64 ans par la suite ; l’augmentation de la retraite minimale pour la porter à hauteur de 1 200 euros pour les retraités à venir mais aussi actuels ; l’assurance que les réserves des régimes complémentaires de retraite du secteur privé ne pourront en aucun cas servir à équilibrer le budget de l’État, conformément au principe selon lequel l’argent des retraites doit aller aux retraites ; le recours facilité au cumul entre l’emploi et la retraite, mécanisme que nous soutenons de longue date ; la programmation de l’extinction des régimes spéciaux, avec un allongement de la durée du travail équivalent à celui applicable aux autres actifs.

Nous souhaitons profiter du débat parlementaire pour améliorer le dispositif du minimum de pension, assurer une meilleure prise en compte des droits familiaux, lesquels doivent être harmonisés, revoir les régimes de réversion, renforcer la prise en considération des carrières longues et supprimer les régimes spéciaux.

Nous espérons que la loi intégrera plusieurs axes : la politique familiale, qui participe à l’équilibre démographique, le travail, qui contribue à l’épanouissement et à la construction personnelle et collective et la protection des personnes les plus vulnérables.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je pense me faire l’interprète du groupe Démocrate tout entier en disant que nous aurions rêvé de continuer l’examen de la réforme entamée il y a trois ans, laquelle visait à instituer un système universel. Nous sommes profondément attachés à notre système de retraite par répartition et à son équilibre financier car il est essentiel, à nos yeux, de ne pas pénaliser les retraités à venir ni d’alourdir la dette de nos enfants.

La réforme que nous discutons aujourd’hui n’en est que plus nécessaire. Notre système est structurellement déficitaire. Toutes les hypothèses du COR, y compris les plus fantaisistes, prévoient un déficit pendant au moins quinze ans. Le scénario fondé sur une intervention constante de l’État se caractérise par un déficit jusqu’en 2070, à moins d’une explosion de la productivité. Certains nous vantent un équilibre chimérique, en 2022, pour affirmer que la réforme n’est pas nécessaire. Mais, en surcotisant pour son régime et pour les régimes spéciaux, l’État ne fait que transférer le déficit du système des retraites vers son budget propre, ce qui n’est pas très sain.

Loin des caricatures que certains en font, la réforme est également nécessaire pour des considérations de justice. Je pense en particulier à l’institution d’une retraite minimale à 85 % du SMIC pour une carrière complète et à la comptabilisation, pour bénéficier de cette pension minimale, de périodes consacrées à l’éducation d’un enfant ou à l’aide à un proche malade.

La réforme est nécessaire, enfin, pour encourager l’emploi des seniors, tout en adaptant celui-ci à la situation de chacun – ce à quoi nous veillerons, notamment concernant le cumul entre l’emploi et la retraite et une série de mesures, prévues ou à intégrer, sur la pénibilité ou l’inaptitude au travail.

Nous proposons une clause de revoyure, à mi-chemin de la réforme, pour s’assurer que l’on a atteint les objectifs, en particulier l’équilibre financier du système et le taux d’emploi des seniors, et prévoir d’éventuelles adaptations. C’est une nécessité démocratique.

M. Philippe Brun (SOC). Votre réforme, incomprise, se heurte à l’opposition écrasante des Français, qui sont 72 % à s’y déclarer défavorables. Cette majorité d’idées doit trouver, à l’Assemblée nationale, une majorité politique. La réforme que vous nous soumettez est à la fois injuste et inefficace. Injuste, parce qu’elle frappe les populations les plus précaires, celles qui ont commencé à travailler le plus tôt et sont les plus concernées par la pénibilité. Rappelons ainsi que 94 % des maladies professionnelles touchent les ouvriers et les employés. Parmi les seniors, le chômage affecte 17 % des ouvriers non qualifiés, 12 % des ouvriers et seulement 3,5 % des cadres.

La réforme sera aussi inefficace puisqu’elle coûtera, dès 2023, 400 millions d’euros de plus au budget des retraites. En effet, le report de l’âge légal entraîne la prolongation des périodes de chômage et l’application de coûteuses mesures d’accompagnement.

Il est donc urgent de lui faire échec et de rejoindre la majorité du peuple français, qui la rejette.

Mme Félicie Gérard (HOR). Notre système de retraite repose sur le principe de solidarité entre les générations : on cotise aujourd’hui pour financer la retraite de ses parents ou de ses grands-parents. Si nous voulons préserver ce système, nous devons le réformer. En effet, on compte de plus en plus de retraités et de moins en moins d’actifs. Si nous ne voulons pas nous résoudre à baisser le niveau des pensions, à augmenter les cotisations ou à creuser le déficit du système, il nous faut intervenir dès à présent. Le levier qui a été choisi est l’augmentation de l’âge légal de départ en retraite et l’accélération de la réforme dite Touraine sur le nombre d’annuités, ce qui est un choix courageux.

Cela étant, nous entendons la détresse de certains de nos concitoyens, pour qui travailler plus longtemps n’est pas supportable. Aussi, je souhaite, au nom de mon groupe, que l’examen parlementaire permette des avancées en matière de justice sociale et que les carrières longues, le travail étudiant et la situation des femmes soient mieux pris en compte.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur du projet de loi.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). La semaine dernière, devant notre commission, le président du COR déclarait : « Les dépenses de retraite ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées. Dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme […] ». Il n’y a donc pas d’explosion des dépenses et le système de retraite n’est pas en danger. En 2021, il a été excédentaire de près de 900 millions d’euros ; en 2022, l’excédent devrait atteindre 3,2 milliards d’euros. Le rapport du COR montre que la part des dépenses consacrées aux retraites par rapport à la richesse produite restera stable, à 14,4 % à partir de 2035 et ce jusqu’en 2070. Le système de retraite redeviendrait progressivement équilibré à l’horizon de 2070.

Le déficit temporaire du système peut donc tout à fait être comblé par des sources de financement alternatives, comme une faible augmentation des cotisations patronales ou une légère hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, sans report de l’âge légal de départ, auquel 72 % des Français s’opposent. Ils ne veulent pas de cette société du « travailler plus pour produire plus ». Ils ne veulent pas du décalage de l’âge légal, parce que c’est une trappe à précarité : à l’heure actuelle, 40 % des personnes qui liquident leur retraite ne sont déjà plus en emploi. Le report de l’âge légal ne fera qu’allonger cette période de précarité. La (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) prévoit une hausse cumulée de 5 milliards d’euros des dépenses sociales en cas de report de l’âge légal à 64 ans.

La réforme n’a qu’un objectif : faire baisser les dépenses publiques pour respecter les objectifs du pacte de stabilité et de croissance. Il n’est pas admissible que cela se fasse au détriment de la santé et de la qualité de vie des Français. Nous allons défendre de nombreuses pistes alternatives de financement, qui permettraient d’éviter le report de l’âge légal. Je vous invite, chers collègues, à adopter ces mesures et, surtout, à écouter les Français et à renoncer aux 64 ans.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). La réforme qui nous est proposée se révèle injuste, brutale, dangereuse, inutile et illégitime.

Injuste car, en faisant le choix de mesures portant sur la durée des cotisations et, surtout, sur le relèvement de l’âge de départ, vous pénaliserez à coup sûr les personnes qui ont commencé à travailler tôt, malgré le pseudo-dispositif des carrières longues, qui ne fera qu’amenuiser l’effort demandé.

Brutale, car elle s’appliquera dès septembre pour les personnes de la génération de 1961 qui ont parfois déjà prévu leur pot de départ.

Dangereuse, car elle conduira à prolonger la période de chômage de nombreux seniors, alors même qu’à l’âge légal actuel de 62 ans, 25 % des travailleurs sont en incapacité et 25 % sont sans emploi. Par ailleurs, elle nie la contribution des jeunes retraités à la vie des associations.

Inutile car, comme l’a rappelé le COR, qui contredit les éléments de langage du Gouvernement, la soutenabilité du système de retraite n’a jamais été remise en cause.

Enfin, la réforme est illégitime. Non seulement une grande majorité de Français s’y oppose, mais vous avez choisi une procédure qui s’apparente à un coup de force contre le Parlement.

Au cours de l’examen du texte, notre groupe n’aura de cesse de débusquer les contre-vérités, de proposer de nouveaux modes de financement et de promouvoir des dispositions visant à améliorer notre système de retraite par répartition et de le rendre plus juste pour les premiers de corvée, pour ceux qui ont commencé à travailler tôt et pour les femmes.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Il s’agit, effectivement, d’un débat de société. Les Français sont extrêmement attachés au système par répartition, fondé sur la solidarité, qui conduit les actifs à payer pour les retraités. Il faut le pérenniser afin que les plus jeunes d’entre nous puissent percevoir une retraite.

Même s’il ne va pas corriger toutes les inégalités, ce texte propose un certain nombre de réponses aux difficultés évoquées. On ne peut donc pas dire que nous retirons des droits et que nous allons faire payer les Français. Nous avons adopté de nombreuses dispositions pour soutenir le pouvoir d’achat et aider les plus faibles à faire face à la crise. À présent, nous revalorisons, dans ce projet de loi, les plus petites pensions.

J’entends également vos arguments tirés du rapport du COR mais, madame Sas, dans trois scenarii sur quatre, cet organisme anticipe un déficit en 2070. Il faut regarder les choses de la manière la plus objective et la plus honnête possible. Les hypothèses économiques sont par définition incertaines à un tel horizon. Nous devrions éviter de tomber dans des travers qui laisseraient à penser que tout va bien.

Monsieur Tanguy, je ne crois pas avoir parlé d’irresponsabilité.


—  1  —

III.   Examen des articles

Lors de ses deux réunions du vendredi 27 janvier 2023, la commission a examiné les articles du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

M. le président Éric Coquerel. Nous avons 298 amendements à examiner, qui se répartissent de la manière suivante entre les groupes politiques : 2 ont été déposés par Renaissance, 2 par le Rassemblement national, 99 par La France insoumise, 48 par Les Républicains, 5 par les Démocrates, 90 par les Socialistes, 2 par Horizons, 37 par les Écologistes et 13 par la Gauche démocrate et républicaine.

Article liminaire : Prévisions de solde public de l’ensemble des administrations publiques pour 2023

Amendements de suppression CF1 de M. Philippe Brun, CF128 de M. Fabrice Brun et CF366 de Mme Eva Sas.

M. Philippe Brun (SOC). L’article liminaire, qui rappelle les conditions de l’équilibre général de la sécurité sociale et des comptes publics au-delà de ce périmètre, se fonde sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, que nous n’avons pas adopté. Il entre en contradiction avec les termes mêmes des dispositions introduites par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Nous vous proposons de supprimer cet article inconstitutionnel, qui s’inscrit dans le cadre d’une réforme des retraites visant à équilibrer les comptes publics, à la suite de nombreux cadeaux fiscaux et sociaux.

M. Fabrice Brun (LR). Je partage les réserves exprimées par Philippe Brun quant à la constitutionnalité de cette disposition. Je voudrais également rappeler que, derrière cette réforme comptable, ces projections chiffrées plus ou moins réalistes, il y a des hommes et des femmes qui travaillent dur, des classes moyennes et populaires qui vont payer le prix fort. La réforme est injuste à plusieurs égards : pour les femmes, dans leur ensemble, car elles ont souvent des carrières hachées et des rémunérations plus faibles, pour les mères de famille, qui devront travailler deux ans de plus malgré leurs périodes de maternité, pour ce qui concerne l’extinction des régimes spéciaux, qui n’interviendra que dans quarante-trois ans et enfin pour les carrières longues : ceux qui ont commencé à travailler tôt devront cotiser quarante-quatre ans. Par ailleurs, le texte ne comporte aucune mesure sur la natalité, qui est la grande oubliée de la réforme, ni sur la fraude. Vous demandez toujours des efforts aux mêmes personnes, à ceux qui tirent la charrue, alors que l’on manque partout de bras. Le premier gisement d’heures travaillées et cotisées se trouve dans le million d’emplois non pourvus.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’article liminaire énonce les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques selon la trajectoire souhaitée par le Gouvernement. Il ne traduit rien d’autre que la volonté du Gouvernement de faire décroître les dépenses publiques. En première lecture, l’Assemblée a rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques car il ne faisait que programmer l’austérité et définir une trajectoire destructrice, notamment pour nos services publics. De la même façon, nous vous proposons de supprimer cet article pour refuser les équilibres proposés.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Monsieur Philippe Brun, la présence d’un article liminaire dans une LFRSS est obligatoire : c’est son absence qui soulèverait un problème de constitutionnalité. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, qui a notamment été saisi par les parlementaires de la France insoumise sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023, n’a pas relevé de motifs d’inconstitutionnalité.

Monsieur Fabrice Brun, le texte corrige certaines inégalités dont les femmes sont victimes. Des mesures étaient attendues, telle la revalorisation du minimum contributif, qui concernera à 60 % les femmes, l’intégration de l’AVPF et la création de l’AVA, qui profitera majoritairement aux femmes. Je partage votre préoccupation concernant la natalité mais l’examen d’une LFRSS n’est pas, à mon sens, le cadre adapté à un tel débat. S’agissant des carrières longues, je rappelle que, dans le droit actuel, on peut être amené à cotiser pendant 45 ans lorsqu’on a commencé à travailler avant 15 ans. Mon avis est défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Un PLFSSR doit, par définition, comporter des dispositions rectificatives pour l’exercice en cours. Or, les Français ont bien compris qu’il s’agit de modifier les équilibres de financement du système de retraite à moyen et long terme. L’envergure financière des dispositions du projet de loi est considérable, de l’ordre de 18 milliards d’euros, mais les mesures proprement rectificatives sur l’exercice 2023 en représentent une proportion infinitésimale. Emprunter la procédure du PLFSSR pour modifier le système des retraites est manifestement inconstitutionnel. C’est une question que nous soulèverons devant le Conseil constitutionnel.

M. Daniel Labaronne (RE). La part de nos dépenses sociales et de nos dépenses publiques dans le PIB est parmi les plus élevées des pays développés, notre système de retraite parmi les plus généreux. Ce niveau de dépenses s’accompagne de déséquilibres dans nos comptes publics, tant en termes de dette, qui atteint 3 000 milliards d’euros, que de déficit public et de déficit du système de retraite. Pour financer ces dépenses, nous devons créer des richesses. Les prétendus cadeaux fiscaux auxquels vous faites référence sont en réalité des avantages compétitifs pour nos entreprises. Nous avons créé de la croissance, nous baissons le chômage, nous sommes le pays d’accueil des investissements directs étrangers, nous innovons. Nous voulons créer des richesses en travaillant plus, en innovant et en investissant, tandis que vous entendez distribuer les richesses, tout en les taxant toujours plus. Ce projet de réforme met bien en lumière l’opposition entre deux conceptions de la politique économique.

La commission rejette les amendements CF1, CF128 et CF366.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article liminaire non modifié.

Première partie

Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre de la sécurité sociale pour l’exercice 2023

Avant l’article 1er

Amendement CF131 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). Cet amendement rédactionnel vise à remplacer, dans l’intitulé de la première partie, les termes « aux recettes et à l’équilibre » par « au rééquilibrage ».

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous invite à retirer l’amendement car le titre ne correspondrait plus au contenu de cette première partie qui doit, en vertu de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, aborder les sujets de l’équilibre et des recettes.

L’amendement CF131 est retiré.

Article 1er : Fermeture des principaux régimes spéciaux de retraite

Amendements de suppression CF2 de M. Philippe Brun, CF322 de M. François Ruffin et CF367 de Mme Eva Sas

M. Philippe Brun (SOC). L’article 1er prévoit de supprimer les régimes spéciaux de retraite. C’est vrai, ces régimes n’ont pas bonne presse et les caricatures qui émaillent le débat médiatique depuis de nombreuses années ont convaincu grand nombre de Français qu’ils étaient l’apanage de privilégiés. Rappelons cependant que la majorité d’entre eux sont excédentaires car ils sont financés grâce aux cotisations plus importantes que la moyenne que versent les salariés et les employeurs concernés. Ils représentent, en outre, des conquêtes sociales. La majorité présidentielle, qui se fait fort de défendre le dialogue social au sein de l’entreprise, devrait respecter les régimes spéciaux qui en sont le fruit. Adopter cet article qui prévoit de les supprimer brutalement, c’est revenir sur des avancées sociales, mais ce n’est en aucun cas rétablir l’équilibre des comptes publics.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet article doit être supprimé pour quatre raisons. Tout d’abord, il ne vise qu’à faire diversion pour masquer la mesure principale de votre projet de loi : le report de l’âge légal du départ en retraite pour tout le monde à 64 ans. D’autre part, la fin des régimes spéciaux divise les Français et les monte les uns contre les autres, en laissant penser que les bénéficiaires sont des privilégiés alors que c’est loin d’être le cas. Ensuite, cette suppression représente une régression qui porterait atteinte à la démocratie sociale. Enfin, les régimes spéciaux sont des conquêtes sociales, obtenues après d’âpres négociations : ce serait faire bon marché de toutes les mesures que le mouvement social a pu obtenir que de les supprimer.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Cet article prévoit de supprimer les régimes spéciaux en appliquant la clause du grand-père pour empêcher les nouveaux salariés d’en bénéficier. Dès l’entame de son texte, le Gouvernement pointe du doigt des catégories de salariés, selon lui trop privilégiées. C’est une stratégie de plus pour monter les salariés les uns contre les autres. Notre groupe s’oppose fermement à une telle méthode unilatérale, faussement progressive et nullement discutée avec les premiers concernés.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Deux raisons motivent cette mesure. Tout d’abord, nous voulons préserver la confiance de nos concitoyens dans leur système de retraite, ce qui implique de veiller à ce qu’il reste équitable, universel et lisible. Nos concitoyens aspirent, dans leur grande majorité, à être traités de la même manière. Ensuite, je ne peux vous laisser dire que les régimes ne sont pas déséquilibrés. Ainsi, 60 % du régime spécial de retraite de la RATP est financé par une subvention de l’État. Ce n’est pas tenable. Enfin, la clause du grand-père est une bonne mesure qui permet de garantir les droits des salariés bénéficiaires de ce régime jusqu’à leur retraite.

Vous dénoncez une mesure purement comptable mais, jusqu’à l’extinction de chaque régime spécial, l’État continuera, grâce à la clause du grand-père, à contribuer au financement de ces régimes. La mesure ne produira pas ses effets tout de suite mais nous aurons bâti un dispositif équitable, ce que bon nombre de nos concitoyens attendent. Mon avis est défavorable.

M. Benoit Mournet (RE). La suppression des régimes spéciaux répond à un enjeu d’équité et d’universalité, mais aussi à un enjeu financier. Entre les subventions de l’État et les taxes payées par les usagers, les régimes spéciaux coûtent 11 milliards d’euros chaque année. La clause du grand-père permettrait de lisser les coûts dans le temps. C’est une mesure d’équité qui n’a rien de brutal puisqu’elle ne concernera que les futurs salariés.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons l’amendement de suppression car la majorité prend le problème à l’envers. Les régimes spéciaux ne sont pas des privilèges accordés à quelques-uns mais des mesures d’équité pour tenir compte de la pénibilité de leur travail. Depuis six ans qu’elle est aux affaires, la majorité n’a pas été capable de définir un régime qui tire les conséquences de la pénibilité de certains métiers exercés au sein de la RATP ou des industries électriques et gazières. J’en veux pour preuve les difficultés à recruter du personnel dans les transports publics. Le problème ne date pas d’un an, comme le prétend M. Beaune ! Cela fait plus de dix ans qu’on ne trouve plus personne pour conduire des bus ou des métros ! Ne prenons plus pour des privilèges des mesures avantageuses qui ne sont que la juste reconnaissance de la pénibilité de métiers très difficiles.

La commission rejette les amendements CF2, CF322 et CF367.

Amendement CF132 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). L’amendement tend à repousser d’un mois la suppression du régime spécial des salariés de la RATP pour que les nouvelles dispositions prennent effet à compter d’un nouveau trimestre.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Le décompte d’un trimestre démarre au moment de la prise de fonction. Décaler l’entrée en vigueur de cette mesure n’aurait pas de sens. Mon avis est défavorable.

M. Philippe Brun (SOC). Les amendements qui tendent à décaler la date d’entrée en vigueur de la mesure mettent en évidence l’angle mort de cette réforme, dont le journal Les Échos a fait sa une : le financement de ces régimes jusqu’à leur extinction, dont nous ne savons toujours rien puisque le Gouvernement a décidé de renvoyer le sujet à plus tard.

D’autre part, une grande partie des subventions que l’État verse à certains régimes spéciaux – tous n’en ont pas besoin –, résultent de déséquilibres démographiques et non d’un déficit structurel.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’article 1er prévoit une mesure de justice sociale, d’égalité. La réforme sera d’autant mieux acceptée qu’elle mettra fin à des dispositifs dérogatoires. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas besoin de systèmes qui sortent du droit commun pour tenir compte des particularités de certains métiers.

Monsieur Tanguy, il faut compenser la pénibilité autrement qu’au travers des régimes spéciaux sinon les cotisants qui n’entreraient pas dans le cadre d’un régime spécial seraient pénalisés.

La commission rejette l’amendement CF132.

Amendement CF133 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). L’amendement tend à repousser d’un mois l’entrée en vigueur de la réforme pour les agents de la Banque de France.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous invite à le retirer et émettrai sinon un avis défavorable.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Madame Louwagie, je suis toujours étonné de constater que, lorsque les régimes spéciaux sont en jeu, la droite de ce pays devient spontanément très attachée aux égalités sociales et tient un discours aux antipodes de ce qu’elle défend dans tous les autres domaines, en particulier pour justifier, au nom du mérite, le fait qu’un patron du CAC40 gagne 1 000 fois plus qu’un salarié de la même entreprise. Arrêtez cette hypocrisie et admettez que votre projet politique, que vous partagez avec la Macronie, est de niveler par le bas les régimes de retraite, en refusant de reconnaître la pénibilité des métiers qui bénéficient de régimes spéciaux. Sachez qu’il est usant, pour un conducteur de train, de devoir travailler la nuit et de se soumettre à des horaires décalés.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Outre que ces régimes spéciaux, qui datent de plusieurs dizaines d’années, ne sont peut-être plus pertinents, nos concitoyens nous demandent de prendre des mesures pour restaurer une certaine justice. Je regrette que les députés du Rassemblement national soient, eux aussi, favorables au maintien des régimes spéciaux. Nous avons à cœur de compenser la pénibilité de certains métiers ; aussi prévoyons-nous, dans ce projet de loi, d’augmenter le nombre de personnes qui bénéficieront du compte professionnel de prévention. On ne peut plus considérer aujourd’hui que tous les agents de la Banque de France méritent un régime spécial.

La commission rejette l’amendement CF133.

Amendement CF134 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). L’amendement tend au même objectif que les deux précédents, pour les clercs de notaire.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Même avis.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre l’amendement car les métiers concernés ne peuvent pas être considérés comme pénibles. J’en profite pour clarifier mes propos : les régimes spéciaux ont permis de reconnaître la pénibilité de certains métiers et il n’est pas possible de les supprimer tant que des critères généraux de pénibilité n’auront pas été définis pour les métiers pénibles qui s’exercent encore au sein de ces entreprises, comme celui de conducteur de bus ou d’agent d’EDF car je ne suis pas certain que tout le monde soit capable de grimper à un pylône. Cette définition permettrait d’exclure des avantages qui s’y rattachent les salariés non soumis à la pénibilité et d’y inclure ceux qui, au contraire, exercent un métier pénible sans bénéficier d’un régime spécial – je pense aux chauffeurs chez Veolia.

Je ne prétends pas qu’il faille sauver tous les régimes spéciaux mais, à pénibilité égale, il faut accorder les mêmes droits aux Français, plutôt que d’essayer de nous convaincre, par pure démagogie et populisme, qu’il serait aussi facile d’être assis à un bureau que derrière le volant d’un autobus !

La commission rejette l’amendement CF134.

Amendement CF135 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). Le temps du charbon est révolu à la SNCF mais ses salariés continuent de bénéficier d’un régime spécial, contrairement à ceux qui passent leur journée derrière un guichet de la CAF ou aux aides à domicile. Le débat est complexe.

L’amendement tend à repousser d’un mois l’extinction des régimes spéciaux pour les membres des entreprises de service public de l’électricité et du gaz et des entreprises gazières.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Les régimes spéciaux n’ont pas seulement été obtenus pour compenser la pénibilité de métiers difficiles. Ils permettaient également de garantir un engagement tout au long de la carrière. À force de casser ces métiers, il est devenu compliqué d’embaucher du personnel. La RATP n’arrive plus à recruter parce qu’il est difficile de passer une grande partie de sa vie sous terre, dans l’ombre, sans voir le jour, sans parler de l’exposition aux particules fines ! Rappelons que durant certains hivers rigoureux, des électriciens ont escaladé des pylônes alors qu’ils étaient à la retraite. Cela ne se reproduira pas si vous continuez à déconsidérer ces métiers essentiels. Vous finirez par tuer la vocation.

Mme Patricia Lemoine (RE). Abordons ce sujet à l’article 9 du projet de loi, qui traite de la pénibilité. Beaucoup de métiers sont difficiles, comme celui des ouvriers qui interviennent sur la voirie ou dans le bâtiment. Pourquoi seraient-ils exclus des régimes spéciaux ? L’article 1er prévoit une mesure de justice sociale qui permettra de réduire considérablement la place des régimes spéciaux. Nous nous opposerons donc aux amendements qui ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Il faut rappeler que 58 % des personnes bénéficiaires des régimes spéciaux sont polypensionnées.

La commission rejette l’amendement CF135.

Amendements CF46 de M. Philippe Brun et CF138 de M. Fabrice Brun (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement tend à substituer à la date du 1er septembre 2023 une date déterminée par décret pris en Conseil d’État après concertation avec les organisations syndicales et patronales. Il est impossible de mettre fin à un régime obtenu par le dialogue social sans consulter les organisations syndicales et patronales sur les modalités de son extinction, d’autant plus que son financement, en attendant qu’il prenne fin, n’est pas prévu dans ce PLFRSS.

M. Fabrice Brun (LR). L’amendement tend à repousser en octobre l’extinction du régime spécial de retraite pour les nouveaux membres du Conseil économique, social et environnemental. Notons que les membres du Sénat bénéficient encore d’un régime spécial de retraite alors que les députés ont aligné le leur sur le régime de la fonction publique en 2018.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Monsieur Philippe Brun, quand la loi prévoit de fixer ce qui lui revient, vous proposez de renvoyer à un décret et quand la loi renvoie au règlement, vous voulez la charger de détails ! Je n’y comprends plus rien. D’autre part, pas moins de quatre ajustements réglementaires et statutaires sont prévus. Quant à la formulation que vous retenez, elle est suffisamment floue pour permettre une entrée en vigueur postérieure à 2023, ce qui exposerait le texte à la censure du Conseil constitutionnel. Mon avis est défavorable.

Monsieur Fabrice Brun, je vous invite à retirer votre amendement pour les mêmes raisons que précédemment et émettrai sinon un avis défavorable.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Nous voterons pour ces deux amendements mais je me fais du souci pour nos collègues de la majorité présidentielle. Ils font tout ce qu’il faut pour tout le monde mais malheureusement, la grande majorité des Français n’y comprend rien et pense que le projet de loi est inacceptable. Ne prenez pas les gens pour des innocents. Ils saisissent très bien qu’en voulant supprimer les régimes, que vous appelez spéciaux mais que nous nommons pionniers, vous nivellerez les systèmes de retraite par le bas. Vous connaissez le nombre de personnes concernées : moins de 2 % des pensionnés. Allez donc au bout de votre raisonnement puisque vous n’avez peur de rien et demandez leur avis aux sénateurs. Nous verrons s’ils aligneront leur régime sur le général, comme l’ont fait les députés.

La commission rejette successivement les amendements CF46 et CF138.

Amendement CF144 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). L’amendement tend à reporter d’un mois l’extinction de tous les régimes spéciaux pour que les nouveaux travailleurs ne commencent pas leur contrat au milieu d’un trimestre.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Seuls les régimes spéciaux de retraite sont supprimés. Les travailleurs conservent la protection sociale et les conditions de travail attachées à leur régime.

Je vous invite à retirer l’amendement et émettrai sinon un avis défavorable.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Le chaos le plus total règne dans les transports en commun, notamment en Île-de-France, parce qu’il manque des conducteurs de train et de métro. En effet, vous avez ouvert à la concurrence les transports en commun, vous avez fait disparaître le statut des cheminots et vous vous attaquez à présent à leur régime spécial de retraite. À force d’expliquer que les cheminots et les chauffeurs de la RATP sont des privilégiés qui cumulent tous les avantages et de dégrader leurs conditions de travail et bientôt de retraite, vous avez réussi à ce que ce métier extrêmement difficile n’attire plus personne.

M. Daniel Labaronne (RE). Les difficultés de recrutement frappent tous les secteurs d’activité. Je n’ai jamais rencontré un seul chef d’entreprise qui ne se soit pas plaint de ne pouvoir recruter, indépendamment de la pénibilité de l’activité. C’est peut-être la conséquence de la politique économique qui a été menée.

La commission rejette l’amendement CF144.

Amendement CF149 de M. Fabrice Brun

M. Fabrice Brun (LR). Du fait de la clause du grand-père, l’extinction des régimes spéciaux n’aura pas lieu avant quarante-trois ans, ce qui est trop lointain. L’amendement tend à prévoir un processus convergent qui permettrait de procéder à un rééquilibrage entre les régimes spéciaux de retraite et le régime général d’ici 2033, selon des conditions et un calendrier tous deux fixés par décret en Conseil d’État. La contribution des Français aux régimes spéciaux s’élève, chaque année, à 11 milliards d’euros. Nous ne sommes pas loin de la somme dont le Gouvernement aurait besoin pour rééquilibrer les finances du système de retraite.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Vous proposez de relever l’âge de départ des assurés actuels des régimes spéciaux.

Ils se verront appliquer le décalage de deux ans de l’âge légal et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation. L’amendement me semble satisfait. Je vous demande de retirer cet amendement.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). J’insiste une nouvelle fois sur le fait qu’il est extrêmement injuste de s’en prendre spécifiquement à certains métiers.

Je vous livre le témoignage de Cemil Kaygisiz, secrétaire général de la CGT-RATP-Bus : « On est usés par le métier. On travaille en horaires décalés. On peut ainsi se retrouver à travailler très tôt le matin pendant une semaine et la semaine suivante basculer en travail de nuit. Vous avez aussi des services mixtes, c’est-à-dire que vous faites les heures de pointe du matin et, ensuite, vous revenez le soir pour assurer les horaires de pointe de fin de journée. Vous travaillez le week-end, les jours fériés. Le service de la RATP doit être assuré pendant 365 jours de l’année puisque nous sommes un service public. À force de faire toujours les mêmes mouvements, on a beaucoup de collègues qui ont des pathologies, des troubles musculo-squelettiques. Un collègue sur cinq finit en inaptitude. C’est beaucoup. Travailler pendant plus de trente ans dans ces conditions a un impact sur la santé. Notre système de retraite n’est absolument pas un privilège, mais la compensation d’une pénibilité que l’on ne peut pas enlever. »

Je remarque que la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) – à laquelle j’ai moi-même cotisé en tant qu’avocate – n’est pas concernée par vos projets de suppression des régimes spéciaux. Et je m’en réjouis, puisqu’elle marche et qu’elle est même excédentaire.

Vous vous en prenez toujours aux mêmes, c’est-à-dire à la classe ouvrière.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Le travail posté et les horaires décalés ne concernent pas seulement ceux qui travaillent dans des entreprises comme la Société nationale des chemins de fer (SNCF) ou la RATP. Dans beaucoup d’entreprises industrielles aussi, les équipes font les trois-huit.

Soit on accorde le bénéfice des régimes spéciaux à tous ceux qui travaillent à ce rythme – mais on ne pourra pas le financer. Soit on applique à tous le régime général – qui comporte des compensations en termes de congés. C’est la solution équitable proposée par cet amendement, que je soutiens.

La commission rejette l’amendement CF149.

Amendement CF150 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Il s’agit de faire converger les régimes spéciaux vers le régime général en quinze ans, c’est-à-dire d’ici à 2038.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). La clause du grand-père revient à dire aux gens qu’ils ne sont pas concernés par la réforme, mais que leurs enfants le seront.

Beaucoup de travailleurs ont participé aux dernières grandes grèves dans les transports alors que, grâce à cette clause, ils ne sont pas concernés par les changements prévus. Ces salariés ne vont pas se laisser acheter simplement parce qu’ils sont sortis de la galère. Ceux qui travaillent à la RATP ou dans les secteurs du gaz et de l’énergie ont envie d’un service public qui fonctionne. C’est la raison pour laquelle ils vont déposer des préavis de grève, y compris pour le 31 janvier.

Vous êtes tombés sur un os qui s’appelle la solidarité. Nous entendons bien entretenir ce beau sentiment.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je note que lors du vote sur l’amendement précédent, qui prévoyait de supprimer la clause du grand-père dans un délai de dix ans, les députés du groupe La France insoumise se sont abstenus.

La clause du grand-père est un dispositif extrêmement respectueux. Ceux qui relèvent actuellement d’un régime spécial continueront à bénéficier de ce statut, parce que cela faisait partie de leur motivation quand ils ont été engagés.

En revanche, une fois la réforme adoptée, personne ne sera surpris : ceux qui signeront un contrat de travail avec les entreprises concernées seront affiliés au régime général. C’est une mesure de justice. Il ne s’agit pas de lutter contre les privilèges de certains, mais d’appliquer les mêmes règles en matière de pénibilité – que nous voulons élargir – à l’ensemble de nos concitoyens.

M. le président Éric Coquerel. Je ne suis pas certain que ça soit de ce côté-là que se trouvent les privilégiés de notre société…

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF150.

Amendement CF151 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Cet amendement propose également la suppression de la clause du grand-père, avec une convergence des régimes spéciaux vers le régime général en vingt ans, pour qu’elle soit achevée en 2043.

Avec les deux amendements qui précédaient, nous proposions bon an mal an 11 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour équilibrer le système de retraite par répartition. Cela prouve qu’il y a d’autres solutions que de faire travailler deux ans de plus ceux qui travaillent très dur.

M. Benoit Mournet (RE). Ces amendements ne sont pas inintéressants, mais il y a eu des semaines de concertation et il faut respecter le point d’équilibre qui a été trouvé s’agissant de cette clause du grand-père.

Le déséquilibre démographique des régimes spéciaux a des conséquences sur leur financement. La compensation assurée par l’État va prendre une part croissante au fur et à mesure de leur extinction. Certains nous expliquent que le système de retraite ne doit pas être mis à contribution pour financer d’autres politiques publiques. On a là l’exemple inverse dans lequel l’impôt – c’est-à-dire la solidarité nationale – vient financer le déficit des régimes spéciaux.

Ceux-ci étaient justifiés lors de leur création, mais il faut désormais les faire converger vers le régime général pour des raisons d’équité. Certes, l’extinction des régimes spéciaux sera assez longue ; mais c’est aussi le respect que l’on doit à ceux qui savaient bénéficier de ces régimes spéciaux lorsqu’ils ont été embauchés.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’amendement est intéressant car il faut établir le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions des dispositifs de justice sociale et d’égalité.

Nous évoquons la remise à plat des régimes spéciaux, mais il faudrait également s’intéresser aux régimes de prévoyance, qui couvrent les risques d’invalidité et de décès. Il existe en effet des écarts importants entre les régimes de prévoyance des régimes spéciaux et celui du régime général.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF151.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er non modifié.

Article 2 : Obligation de publication d’indicateurs relatifs à l’emploi des salariés âgés

Amendements de suppression CF368 de Mme Eva Sas et CF388 de M. Nicolas Sansu. 

Mme Eva Sas. Cet amendement propose de supprimer l’article 2, lequel prévoit un index sur l’emploi des seniors – pierre angulaire de l’action du Gouvernement pour soi-disant lutter contre le sous-emploi des seniors.

Les organisations syndicales et les économistes entendus par le groupe Écologiste ont jugé unanimement qu’un tel index serait largement insuffisant pour gagner la bataille de l’emploi des seniors et pour lutter contre le chômage – principalement de longue durée – qui les frappe.

Le dispositif prévu est trop faible : la sanction ne peut aller que jusqu’à 1 % de la masse salariale de l’entreprise. En outre, elle ne peut être prononcée qu’en cas d’absence de publication de l’index : il n’est pas prévu de score minimal à atteindre. C’est dire le peu d’ambition que vous avez pour les travailleurs seniors. Cet index n’est qu’un écran de fumée pour essayer de faire passer le report de l’âge légal de départ à la retraite.

La rapporteure pour avis m’a répondu précédemment que, dans trois des quatre scénarios du COR, le régime des retraites serait déficitaire en 2070 si rien n’est fait. Sa lecture du rapport du COR est singulièrement biaisée, car avec la convention EEC trois scénarios sur quatre sont bénéficiaires à cette date. Il ne faut pas déformer les conclusions de cette belle institution qu’est le COR.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Pour exiger davantage de transparence de la part des employeurs, valoriser les bonnes pratiques et identifier les mauvaises, le Gouvernement sort les grands moyens : il nous propose un index pour obliger les grandes entreprises à publier la part de seniors qu’elles emploient…

Aucune autre obligation n’est prévue.

Cette mesure de pure communication n’aura strictement aucun effet concret sur l’emploi des seniors. Nous proposons donc de supprimer cette disposition d’affichage.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. L’index a pour objet de donner une information transparente sur l’emploi des seniors ; je fais confiance aux différentes branches pour en déterminer la méthodologie.

Personne n’a essayé de faire croire qu’il serait suffisant. Il doit être enrichi.

Je note avec regret l’opposition des écologistes et des communistes sur ce point, parce que cet index constituera un outil de suivi intéressant que nous pourrons faire évoluer.

Mon avis est défavorable.

M. Sylvain Maillard (RE). Je suis très surpris par ces amendements de suppression. On peut entendre ceux qui disent qu’il faut aller plus loin et prévoir davantage de sanctions. Mais l’index d’emploi des seniors a été proposé par la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).

Discutons-en et enrichissons-le. Mais le rejeter a priori en expliquant que cela ne correspond pas à la volonté des syndicats serait une ineptie. En tout cas, cela ne correspond pas à ce qui ressort des auditions des organisations syndicales.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). C’est une proposition de certains syndicats, qui peut être une proposition de repli – de la même manière que nous présentons des amendements de repli.

Cela ne veut pas pour autant dire que la NUPES considère que le travail au delà de 60 ans est souhaité et souhaitable. Ce n’est pas forcément le cas. Les corps peuvent être cassés et les esprits usés. On peut souhaiter faire autre chose après 60 ans, comme s’occuper de sa famille ou participer à la vie associative. Cela n’est pas négligeable. Le tissu social est aussi animé par les seniors et on pourrait y réfléchir, plutôt que de voir comment on peut presser les gens comme des citrons.

La commission rejette les amendements CF368 et CF388.

Amendement CF389 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Cet amendement vise à remplacer l’index sur l’emploi des seniors en rétablissant deux dispositions qui figuraient aux articles L. 138-24 et L. 138-25 du code de la sécurité sociale et prévoyaient un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés.

Les développements de l’étude d’impact relatifs à l’article 2 indiquent « sans objet » en ce qui concerne l’effet sur les jeunes, les personnes en situation de handicap et l’égalité entre les femmes et les hommes. On va faire travailler plus longtemps les seniors, mais cela n’aurait pas d’effet sur l’emploi des jeunes. Lors de son audition, le président du COR a été extrêmement clair. Les simulations sur l’effet en matière d’emploi des jeunes sont différentes selon qu’on utilise le modèle économétrique de simulation et d’analyse générale de l’économie (Mésange) ou l’approche comptable de la direction générale du Trésor. Avec cette dernière, plus il y a d’emploi des seniors, plus il y a d’emploi des jeunes. C’est homothétique. Franchement, il faut arrêter de se moquer du monde !

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Vous proposez d’obliger les entreprises d’au moins cinquante salariés à conclure un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés. Ces dispositions ont été supprimées par la gauche en 2013, à juste titre parce qu’elles étaient inopérantes. D’après le rapporteur socialiste de l’Assemblée nationale, seule une moitié des entreprises concernées avaient joué le jeu et les accords ou plans avaient souvent débouché sur de simples entretiens de carrière.

En outre, le seuil de cinquante salariés que vous proposez est très bas. La mesure concernerait de nombreuses entreprises, avec des difficultés de contrôle et de suivi. C’était aussi l’une des raisons qui avaient conduit à la suppression des dispositions en question.

Mon avis est défavorable.

Mme Prisca Thevenot (RE). Le marché de l’emploi n’est pas une boîte fermée, où le nombre d’emplois est figé. Les seniors sont souvent des gens qui ont entre 50 et 52 ans – et non 70 ou 80 ans –, qui ne demandent qu’une chose quand ils le peuvent : agir dans les entreprises et dans la société, pour leur pays. Leur permettre de travailler ne pénalise pas les jeunes. J’en vois pour preuve qu’au cours des six dernières années, grâce à la politique menée par le Gouvernement et par cette majorité, plus de 1,4 million d’emplois ont été créés. Cela montre bien que le marché de l’emploi est dynamique et évolue. Nous devons être capables, en tant que législateur, de le prendre en considération.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Si vous avez la cinquantaine et que votre entreprise vous a évacué pour caducité ou pour inaptitude, que vous souffrez de cette situation et que vous voulez travailler parce vous avez le sentiment de pouvoir encore apporter quelque chose à votre pays, ce projet de loi ne fait rien pour vous.

Le Gouvernement a communiqué en disant qu’il créerait cet index sur l’emploi des seniors et qu’il y aurait une pénalité en cas de non-publication. Cela veut bien dire qu’il y a une impunité totale pour les entreprises qui mettent les salariés les plus âgés sur le banc de touche.

Pire, en allongeant la durée de cotisation et en retardant l’âge de départ à la retraite, davantage de ces personnes seront poussées vers le RSA et la misère.

C’est la raison pour laquelle il faut supprimer cet article, car il s’agit d’une opération de pur enfumage. Il n’y a aucune avancée pour les travailleurs dans ce projet de loi.

La commission rejette l’amendement CF389.

Amendement CF153 de M. Fabrice Brun et sous-amendement CF417 de Mme Marina Ferrari.

M. Fabrice Brun (LR). Cet amendement rédactionnel propose de remplacer la notion imprécise de « salariés âgés » par celle de « salariés seniors », plus valorisante.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement rédactionnel. « Salariés seniors » est en effet plus élégant.

La commission adopte successivement le sous-amendement CF417 et l’amendement CF153 ainsi sous-amendé (amendement AS7252 et amendement 593).

Amendement CF154 de M. Fabrice Brun.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement. La plupart des économistes retiennent plutôt 55 ans que 49 ou 50 comme seuil de la catégorie des seniors.

La commission rejette l’amendement CF154.

Amendement CF57 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Le dispositif proposé par l’article 2 est particulièrement flou. Il prévoit pour les employeurs des obligations qui, en fait, n’en sont pas. On crée un index sur l’emploi des salariés âgés, mais sans que l’on sache à partir de quel âge une personne fait partie de cette catégorie. Nous devons voter des normes précises et, en l’occurrence, définir l’âge à partir duquel un salarié entre dans la catégorie des seniors.

Cet amendement propose de retenir 50 ans.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

Votre amendement ne tient pas compte de la réalité des métiers exercés. Un emploi administratif ne soumet pas aux mêmes contraintes qu’un travail plus physique.

La méthode retenue dans ce projet de loi est la bonne : confiance dans les branches, transparence des publications et contribution en cas de non-respect de l’obligation de publication de l’index seniors.

Il faut laisser les partenaires sociaux s’organiser par branche et définir l’âge.

Mme Stella Dupont (RE). L’index permet de suivre l’évolution de l’emploi des seniors au sein des entreprises de 300 salariés. Il faut rappeler que celles-ci emploient un peu moins de 40 % des salariés du secteur privé. Ce seuil n’est pas adapté et il faut le revoir à la baisse, car 60 % des salariés travaillent dans des entreprises de plus petite taille.

La création de cet index est une bonne chose, car la question de l’emploi des seniors est au cœur de cette réforme. Pour travailler plus longtemps, encore faut-il avoir un emploi. Il faut une révolution culturelle au sein des entreprises et des évolutions effectives pour maintenir l’emploi de ceux qui peuvent travailler.

Les premiers textes au sujet de l’emploi des seniors remontent en effet à 2006, soit il y a près de vingt ans. Je ne crois pas à l’incitation : nous devons prévoir des mesures de coercition pour les entreprises.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement met en évidence toute l’hypocrisie de l’exécutif et de la majorité sur ce sujet.

On parle de l’emploi des personnes les plus âgées, celles qui en réalité approchent de l’âge de la retraite. Plus vous repoussez ce dernier, plus vous faites tomber des gens dans la pauvreté et la précarité, ce qui les éloigne encore de la possibilité de retrouver un emploi. Le taux de chômage des seniors atteint déjà 40 %.

On nous parle de publier des données en matière d’emploi des seniors, mais cette catégorie n’est pas définie et vous ne prévoyez ni objectifs, ni contraintes. C’est un écran de fumée, comme d’habitude. On prétend faire confiance aux partenaires sociaux – en fait au patronat. Comme toujours, les macronistes vont le supplier d’adopter de bonnes pratiques.

Quand il s’agit du patronat, tout est possible et tout est permis. On lui fait confiance. Mais pour les usagers et les salariés, les obligations pleuvent et les contrôles sont la règle.

La commission rejette l’amendement CF57.

Amendement CF47 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il propose de mieux définir la cible de l’index sur les travailleurs seniors, en retenant l’âge de 50 ans.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Cet index seniors non contraignant est un gadget. Il n’aura aucun effet sur le taux d’emploi des seniors.

Ce n’est pas le cas des autres mesures de ce projet de loi, qui vont appauvrir des seniors en reculant l’âge de départ à la retraite et en allongeant la durée de cotisation. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que, à l’horizon de dix ans, votre réforme va augmenter de 110 000 le nombre des personnes éligibles aux minima sociaux – dont 30 000 au revenu de solidarité active (RSA), 30 000 à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et 50 000 à l’allocation aux adultes handicapés (AAH). On devrait également enregistrer un supplément de 400 000 arrêts de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail. Les personnes au chômage seront 277 000 de plus.

Il n’y a que dans le monde magique de la Macronie que tous les seniors arrivent à travailler plus longtemps quand on recule l’âge de départ à la retraite. La réalité, c’est que les gens n’arrivent pas à travailler plus longtemps et qu’ils deviennent des travailleurs pauvres ou qu’ils vivent avec les minima sociaux. Telles sont les véritables conséquences de votre réforme.

M. Mathieu Lefèvre (RE). On peut dire tout et n’importe quoi sur cette réforme. Mais en vérité l’allongement de l’âge légal de départ permet précisément aux seniors d’être davantage employés. Avant les réformes de 2010 et de 2014, 19 % des personnes entre 60 et 64 ans occupaient un emploi. Elles sont désormais 33 %. Il faut en finir avec l’argument fallacieux selon lequel décaler l’âge de la retraite pousse les seniors vers la trappe à pauvreté. C’est précisément l’inverse : on pousse les seniors vers l’emploi, c’est-à-dire vers la prospérité et l’enrichissement individuel.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF47.

Amendement CF390 de M. Nicolas Sansu ; amendements identiques CF59 de M. Philippe Brun et CF148 de M. Fabrice Brun ; amendement CF147 de M. Fabrice Brun (discussion commune).

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). À défaut de supprimer l’index sur l’emploi des seniors, nous proposons qu’il s’applique aux entreprises d’au moins 50 salariés.

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit d’abaisser le seuil d’application de l’index sur l’emploi des seniors aux entreprises d’au moins 100 salariés.

M. Fabrice Brun (LR). Mes deux amendements visent à abaisser le seuil, à 100 salariés pour le premier et à 200 salariés pour le second. Pourquoi réserver l’index sur l’emploi des seniors aux seules entreprises de plus de 300 salariés ? L’emploi des seniors est un enjeu majeur pour l’avenir budgétaire de notre système de retraite par répartition. Un vrai débat doit être mené sur la contribution des salariés seniors à la richesse de ce pays et surtout à la formation des jeunes. Notre pays n’investit pas suffisamment dans la transmission des savoir-faire entre les générations : c’est l’un des angles morts de ce texte.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Le seuil de 300 salariés nous paraît cohérent car il est utilisé dans la plupart des analyses économiques ainsi que pour la gestion des emplois et des parcours professionnels dans le privé. Créer de nouveaux seuils serait préjudiciable et entraînerait des lourdeurs administratives dans le suivi de cet indicateur.

M. le président Éric Coquerel. La question ne porte pas tant sur la cohérence que sur l’efficacité. Je doute que cet index règle la question de l’employabilité des seniors mais si vous le pensez vraiment, alors vous devez vous donner tous les moyens pour y parvenir. Compte tenu du poids très important des petites et moyennes entreprises (PME) dans ce pays, vous devriez leur appliquer cet index. J’ai du mal à comprendre pourquoi la majorité refuse ces amendements.

Mme Nadia Hai (RE). Je ne peux pas vous laisser dire que la majorité, avec cette proposition d’index, estime régler la question de l’emploi des seniors dans notre pays.

M. le président Éric Coquerel. Je ne le crois pas !

Mme Nadia Hai (RE). Nous non plus ! La création d’indicateurs n’est que la première étape. Un texte sera déposé très prochainement sur le plein emploi et le travail, dans lequel nous pourrons avancer sur ce sujet.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Vous qui parlez de justice… Abaisser le seuil à 50 salariés mettrait les petites entreprises en difficulté car elles n’ont pas l’ingénierie administrative suffisante pour suivre ces index. En outre, un seuil trop bas peut être inefficace en matière de suivi et de contrôle par l’administration. Je souhaite cependant que nous adoptions une clause de revoyure afin de permettre une évolution de l’index seniors.

La commission rejette successivement l’amendement CF390, les amendements identiques CF59 et CF148 et l’amendement CF147.

Amendement CF60 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il vise à préciser que les indicateurs sur les travailleurs seniors devront être envoyés par l’entreprise au ministère du travail ainsi qu’à Pôle emploi.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement car il est satisfait : l’étude d’impact prévoit une communication interne, externe et au ministère.

L’amendement CF60 est retiré.

Amendement CF61 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il vise à préciser que les données sources ayant permis de construire les indicateurs concernant les travailleurs seniors devront être envoyées par l’entreprise au ministère du travail ainsi qu’à Pôle emploi.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Par ailleurs, votre exposé sommaire ne semble pas cohérent avec l’amendement auquel il se rapporte.

M. Philippe Brun (SOC). Je ne comprends pas très bien où est le problème : nous demandons la transmission des données sources afin que l’on puisse en vérifier la réalité.

La commission rejette l’amendement CF61.

Amendement CF228 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce sujet devrait nous réunir et non nous séparer. Cet index est la première phase d’une démarche qui devra être plus coercitive. Toutefois, il faut laisser le temps aux filières de s’organiser. Je propose que les entreprises dont l’un des indicateurs n’évoluerait pas favorablement sur une période de cinq ans publient les raisons qui ont conduit à cette détérioration.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est favorable. Les justifications que les entreprises devront fournir permettront d’identifier des pistes d’amélioration.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Cette réforme décalera l’âge de départ à la retraite de 50 000 personnes dès cette année, mais il faudra attendre cinq ans avant que l’une de vos propositions prétendument positives ne prenne effet ! Il est compliqué de trouver un accord dans ces conditions.

M. Daniel Labaronne (RE). La France est pionnière dans la mise en place d’indicateurs liés à la responsabilité sociale et environnementale. Cet amendement s’inscrit tout à fait dans cette démarche, dont nous pouvons être fiers. J’y suis donc très favorable.

La commission adopte l’amendement CF228 (amendement AS7253 et amendement 594).

Amendement CF53 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il vise à fixer la liste des indicateurs par décret en Conseil d’État plutôt que par décret simple, afin que nous puissions bénéficier de l’expertise des sections consultatives du Conseil d’État.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Cet amendement, très intéressant, pose néanmoins un problème car il oublie une coordination à l’alinéa 16. Je vous demande de le retirer afin de le retravailler en vue de l’examen en séance.

M. William Martinet (LFI-NUPES). S’il est difficile de nous retrouver, monsieur Cazeneuve, c’est parce que nous ne sommes pas dupes de votre stratégie. Quand il s’agit de demander aux entreprises de maintenir les seniors dans l’emploi, il faut que ce soit non contraignant et procéder étape par étape, avec une clause de revoyure. En revanche, quand il s’agit de reporter l’âge légal de départ à la retraite de deux ans, c’est contraignant pour tout le monde ! Quand il s’agit d’allonger la durée de cotisation à quarante-trois ans, vous n’y allez pas progressivement : votre projet de loi accélère la réforme dite Touraine. Avec une telle inégalité entre ce que vous demandez aux entreprises et ce que vous demandez brutalement à tous les travailleurs de ce pays, nous aurons du mal à nous retrouver !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis le premier à condamner les entreprises dont les pratiques à l’égard de leurs employés les plus âgés ne sont pas correctes. Notre responsabilité collective est de faire en sorte que les entreprises progressent en matière d’accompagnement, de formation et de transformation des postes de travail pour maintenir les seniors dans l’emploi dans les meilleures conditions possibles. Pour y parvenir, nous devons d’abord mesurer ce phénomène, qui dépend de la taille des entreprises. Il faut faire confiance aux branches professionnelles pour négocier ces indicateurs et en assurer le suivi.

M. Philippe Brun (SOC). Pourquoi ne pas sous-amender mon amendement pour modifier les alinéas concernés ?

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Cela excéderait le champ d’un sous-amendement. Il faudrait donc retirer l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen en séance.

L’amendement CF53 est retiré.

Amendement CF54 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement a pour objet de confier à un accord national interprofessionnel le soin de construire les indicateurs de l’index sur l’emploi des seniors. Nous devons faire confiance au dialogue social.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Un accord national interprofessionnel est une démarche lourde qui, en cas d’échec, nous renvoie de toute façon à la voie réglementaire. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF54.

Amendement CF48 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que l’index sur l’emploi des seniors comprenne un indicateur spécifique pour l’emploi des femmes, qui seront les principales perdantes de la réforme. Elles subissent la double peine d’être à la fois des femmes et âgées sur le marché du travail : nous devons donc objectiver la situation et la rendre lisible dans l’index sur l’emploi des seniors.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement car nous avons déjà des indicateurs sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement a reconnu que les femmes seraient les plus affectées par la réforme annoncée. Quant à l’étude d’impact, elle affirme qu’il n’y aura aucune incidence sur l’égalité entre les femmes et les hommes ; or c’est absolument impossible. Nous n’avons aucune garantie qu’une quelconque étude ait été menée sur les conséquences de la réforme pour les femmes âgées de plus de 50 ans. Il serait donc utile de créer cet indicateur.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’objectif de l’article est d’améliorer tout à la fois l’emploi des seniors et la transparence sur ce sujet – l’un de mes amendements visera d’ailleurs à donner à chaque branche la possibilité d’établir la liste des indicateurs, sans qu’il soit besoin pour cela de fixer des conditions définies par voie réglementaire. En tant que législateur, nous devons nous saisir d’un certain nombre d’éléments en matière de transparence, notamment en ce qui concerne les femmes. Je voterai donc en faveur de cet amendement.

Mme Prisca Thevenot (RE). L’égalité entre les femmes et les hommes au sein du marché de l’emploi est une problématique connue – d’où l’index que nous avons créé sous la précédente législature et qui a fait ses preuves. La question de l’âge ici posée est essentielle et mérite un débat de fond. Nous devons éviter les amendements qui pourraient être vus comme du simple marketing. Le projet de loi concerne le financement de notre système de retraite : il n’a pas vocation à régler tous les problèmes.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’article 2 renvoie à un décret pour établir la liste des indicateurs et leur méthode de calcul. Soyons raisonnables : nous ne pouvons pas rédiger un décret dans un texte de loi.

La commission rejette l’amendement CF54.

Amendement CF49 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Il vise à intégrer dans l’index un indicateur concernant l’emploi des femmes âgées ayant eu une carrière hachée.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable : un employeur ne connaît pas forcément la carrière de ses salariées.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Le Gouvernement promet d’améliorer le taux d’emploi des seniors grâce à ce projet de loi infâme. Pour les cadres, il n’y a bien sûr jamais de problème mais, pour les autres, la prospérité tant vantée par le groupe macroniste n’est qu’un vœu pieux : on ne l’a pas constatée lors du report de l’âge légal à 62 ans. Celui-ci a augmenté de 16 points le taux des personnes de 60 et 61 ans qui ne sont ni en emploi ni en retraite. Autrement dit, elles sont désormais en situation de précarité – invalidité, arrêt maladie, chômage, RSA. Est-ce là ce que vous souhaitez ? L’effet a été particulièrement marqué pour les femmes ouvrières, qui bénéficient moins des dispositifs de départ anticipé de type carrière longue du fait de leur carrière hachée. Pour ces femmes, le taux de non-emploi culmine à 33 %. Il est donc pertinent de créer cet indicateur.

Mme Nadia Hai (RE). Au début de l’examen de ce projet de loi, vous nous avez appelés, monsieur le président, à beaucoup de respect les uns envers les autres. Or notre collègue vient, pour la deuxième fois, de désigner le groupe majoritaire Renaissance sous le terme de groupe « macroniste ». Nous nous garderons de qualifier votre groupe de « mélenchoniste » car nous ne souhaitons pas que cette discussion dérape. Ayez du respect pour nous, autant que nous en avons pour vous.

M. le président Éric Coquerel. À ce stade, le débat me semble globalement de bonne tenue – je vois d’ailleurs que certains de nos collègues d’autres groupes acquiescent.

La commission rejette l’amendement CF49.

Amendement CF50 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons la création d’un indicateur portant sur l’emploi des femmes âgées ayant eu des enfants.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Cet amendement me paraît discriminant à l’égard des femmes qui n’ont pas eu d’enfant, par choix ou par incapacité. Pour une femme, avoir des enfants est une chance et non une punition. Mon avis est défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je m’étonne de cet argument, car la maternité est précisément l’une des raisons pour lesquelles les femmes sont exclues de l’emploi et empêchées d’évoluer dans leur carrière. Vous ne pouvez pas vous opposer à la création d’un indicateur retraçant la discrimination contre les femmes ayant eu des enfants. Ce projet de loi est anti-femmes ! (Protestations parmi les députés du groupe RE.) Dans ma circonscription, en Seine-Saint-Denis, certaines femmes sont obligées de travailler dans le ménage ou auprès des personnes âgées ou des enfants jusqu’à 68 ans pour bénéficier de la surcote.

Plusieurs députés du groupe RE. Actuellement !

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Tous les jours, elles se rendent à Paris ou dans l’Ouest parisien pour s’occuper des personnes qui gagnent le plus : ayez un peu de respect pour les femmes de la classe ouvrière qui s’occupent de vous et des vôtres !

M. Pascal Lecamp (Dem). En Scandinavie, où j’ai vécu la moitié de ma vie, l’égalité entre les hommes et les femmes est totale. Dans ces pays, on ne rédige jamais une loi en discriminant selon le sexe. Efforçons-nous de voter une loi moderne, qui accorde les mêmes droits à tous. Je ne comprends pas que l’on crée des index spécifiques aux hommes ou aux femmes.

Mme Prisca Thevenot (RE). Je rappelle qu’une femme ne se définit pas seulement par son utérus et par sa capacité à avoir des enfants ! Oui, nous devons protéger les femmes en congé maternité ou en congé parental – ce n’est pas le cas aujourd’hui, cela le sera avec cette réforme. Mais devons-nous établir des différences entre des femmes selon qu’elles ont, ou pas, des enfants ? Il y a des femmes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas avoir d’enfant et je sais de quoi je parle. Elles sont tout aussi respectables que les autres. Dans le combat féminin que nous devons partager, n’opposons pas les unes aux autres.

M. le président Éric Coquerel. Évitons les réactions hors micro. Si vous êtes en radical désaccord avec ce qui est dit, prenez la parole pour le dire.

M. Alexandre Sabatou (RN). Cet amendement me paraît légitime et les arguments à son encontre de mauvaise foi : un homme ne peut pas accoucher… Dans un pays qui débat de ses retraites à un moment où la natalité est trop faible et où l’on manque de cotisants, il me paraît important d’aider les femmes qui font le choix d’être mère à intégrer le marché du travail.

La commission rejette l’amendement CF50.

Amendement CF51 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous avons évoqué les inégalités en matière de pension de retraite des femmes. Je note que la majorité de la commission des finances ne souhaite pas que cette question soit abordée dans l’index sur l’emploi des seniors.

Venons-en aux métiers pénibles. Les seniors qui exercent ces métiers sont ceux qui subissent le plus le chômage : 17 % des ouvriers non qualifiés sont au chômage à 60 ans contre 12 % des ouvriers, 10 % des employés et 3,5 % des cadres. Si nous ne prévoyons pas un indicateur spécifique pour les travailleurs occupant un métier pénible, nous passerons à côté de l’objectif de l’index sur l’emploi des seniors : il ne s’agit pas de discriminer, mais cet outil statistique doit être assez précis pour refléter vraiment la réalité sociale de notre pays.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement. J’ai déjà dit qu’il ne me semblait pas utile de surcharger le texte, d’autant qu’en l’occurrence, l’amendement me semble satisfait : l’étude d’impact indique clairement que le décret abordera au moins six thèmes : accès à l’emploi, accès à la formation, parcours dans l’entreprise, conditions de travail, départ de l’entreprise et mesures de prévention. En outre, les conventions de branche auront vocation à aller plus loin.

La commission rejette l’amendement CF51.

Amendement CF52 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). L’idée est similaire : le vrai problème que nous rencontrons, c’est celui des travailleurs qui ont commencé leur carrière tôt. Nous proposons donc un indicateur spécifique consacré à l’emploi des travailleurs ayant commencé leur carrière avant 20 ans.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est le même que pour l’amendement précédent.

La commission rejette l’amendement CF52.

Amendement CF224 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie (LR). L’article 2 réussira ou échouera selon la façon dont il sera appliqué sur le terrain. Il nous faut certes de la transparence afin de repérer d’éventuels dysfonctionnements, mais je crois qu’il faudra aussi beaucoup de concertation. Les branches professionnelles devront pour cela jouir d’une grande liberté. Il faut éviter aussi des comparaisons entre des entreprises qui, quoiqu’appartenant à la même branche, n’ont rien en commun. Ainsi, la branche Syntec regroupe des entreprises du numérique – avec une moyenne d’âge basse – et des entreprises de formation professionnelle – où la moyenne d’âge est plus élevée.

Je vous propose donc de laisser aux branches la liberté de déterminer la liste des indicateurs mentionnés, sans qu’un décret intervienne.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement. Ne nous méprenons pas sur le sens des mots « dans des conditions définies par voie réglementaire » à l’alinéa 7. Comme le montre l’étude d’impact, le Gouvernement a bien l’intention d’accorder la plus grande confiance aux branches. Il s’agit seulement de prévoir quelques harmonisations techniques.

Mme Véronique Louwagie (LR). Je ne suis pas convaincue et maintiens l’amendement.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Il faudrait que vous accordiez vos violons !

Quand il s’agit d’imposer – et c’est un bien grand mot – des choses aux entreprises, vous refusez la voie réglementaire et vous vous en remettez aux partenaires sociaux. Quand il s’agit de reporter l’âge légal à 64 ans et d’augmenter le nombre de trimestres nécessaires, en revanche, vous ne vous intéressez plus du tout à l’opinion des syndicats ! Absolument toutes les organisations syndicales sont opposées à votre réforme : pourquoi ne les écoutez-vous pas ?

Madame Louwagie, je sais bien que la majorité relative Renaissance souhaite dialoguer avec la droite pour faire croire à une ouverture vers les oppositions. Mais lors de la campagne pour l’élection présidentielle, vous prôniez le report de l’âge légal à 65 ans ! Vous êtes en réalité d’accord entre vous. L’ouverture, ce n’est pas de mettre une perruque à M. Ciotti pour le déguiser en Nicole Notat ! (Exclamations.)

Écoutez les syndicats et retirez votre projet de loi !

Mme Nadia Hai (RE). Encore une fois, ce que dit Mme Garrido n’a rien à voir avec l’amendement de Mme Louwagie et, encore une fois, nous avons entendu un plaidoyer en faveur de ses opinions politiques. (Exclamations.) Nous examinons un texte législatif et nous devons opposer nos points de vue de façon sérieuse et technique. Mme Garrido a manifestement décidé de parler, à propos de ce texte, de tous les problèmes de notre pays. Nous ne sommes pas d’accord. Nous sommes tous parlementaires et nous devons nous respecter.

Si M. le président ne le fait pas, je le fais : madame Garrido, je vous demande d’avoir un peu de respect pour nous toutes et tous.

M. le président Éric Coquerel. Ici, on fait de la politique, les interventions sont politiques. Nous échangeons des arguments et je ne comprends pas votre réaction. Et Mme Garrido parlait bien de l’amendement.

En revanche, j’invite chacun à essayer de rester en deçà de la polémique.

Plusieurs députés du groupe RE. Il y a une mise en cause personnelle !

M. le président Éric Coquerel. Mais non. (Exclamations.) On peut parler de M. Ciotti sans qu’il y ait une mise en cause personnelle !

Je répète que je demande à chacun d’éviter les montées en tension.

Mme Véronique Louwagie (LR). Madame Garrido, vous n’avez pas été respectueuse, ni à l’égard du président de la commission, ni à l’égard de M. Ciotti, que vous évoquez de la manière dont vous l’avez fait alors qu’il n’est pas présent, ni à l’égard du travail des parlementaires et de leur image dans l’opinion.

Vous n’êtes pas intervenue sur le fond de mon amendement : vous n’avez donc pas d’argument pour dire qu’il n’est pas solide. L’emploi des seniors est un sujet dont nous nous préoccupons.

La commission rejette l’amendement CF224.

Amendement CF62 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que les données ayant permis la construction des indicateurs soient communiquées, sur sa demande, à l’inspecteur du travail lors d’un contrôle sur place et sur pièces. Il a beaucoup été question de la différence entre ce qui relève du législatif et ce qui relève du réglementaire ; il me semble qu’il faut inscrire dans la loi cette extension du pouvoir de l’inspecteur du travail.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement : il est satisfait par l’article L. 8112-1 du code du travail, aux termes duquel les inspecteurs du travail sont « libres d’organiser et de conduire des contrôles à leur initiative » et « peuvent se faire communiquer tout document ou tout élément d’information, quel qu’en soit le support ».

Je vous rejoins pour considérer que leurs moyens devraient sans doute être renforcés.

L’amendement CF62 est retiré.

Amendement CF63 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que l’index sur l’emploi des seniors s’applique aux administrations publiques, tout aussi concernées par cette question. Elles disposent de toutes les données nécessaires.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Je crains que cet amendement ne soit censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif : étendre l’application de l’index aux administrations publiques sans étendre l’appel de la contribution ou de la pénalité financière serait sans incidence sur les ressources des régimes de base.

Par ailleurs, vous ne prévoyez aucune coordination autour du terme de « salarié » : tel qu’il est rédigé, votre amendement ne concernerait que les contractuels.

Sur le fond, il est satisfait. La transparence de l’administration est en effet importante.

M. Philippe Brun (SOC). S’il s’agissait d’un cavalier, l’amendement aurait sans doute été jugé irrecevable.

Par ailleurs, notre amendement parle des obligations applicables à l’employeur : il me semble qu’elles s’appliqueraient quel que soit le statut des personnes employées.

Il serait incompréhensible que les administrations soient exclues du champ de l’index sur l’emploi des seniors. Il y a de multiples employeurs publics qui ne sont pas exemplaires !

La commission rejette l’amendement CF63.

Amendement CF56 de M. Philippe Brun.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF56.

Amendement CF55 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). En cas de non-publication de l’indicateur, le texte prévoit une amende pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale. Nous proposons de relever ce plafond à 10 %.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Ce serait disproportionné. Il ne s’agit pas d’un impôt de rendement, mais d’une incitation fiscale à la transparence.

La commission rejette l’amendement CF55.

Amendement CF323 de Mme Rachel Keke.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Cet amendement crée des pénalités en cas de mauvaises pratiques en matière d’emploi des seniors. On ne peut pas se contenter, comme l’actuel article 2, d’une pensée magique : la simple publication de données ne suffira pas à faire avancer la cause de l’emploi des seniors. Il ne faut pas dire aux employeurs que, s’ils publient leur index, ils pourront faire tout ce qu’ils veulent et maintenir l’emploi précaire et dégradé des plus âgés. Nous proposons donc d’être plus volontaristes : posons des conditions et laissons l’inspection du travail s’assurer qu’elles sont respectées.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. L’idée est similaire à celle de l’amendement précédent. Mon avis est défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je voudrais souligner, de façon purement juridique, qu’au sein de cette discussion sur l’index sur l’emploi des seniors, cet amendement est le seul qui affecte l’équilibre de la sécurité sociale puisqu’il affecte le produit des pénalités financières qu’il prévoit à la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Cela m’amène à la question des cavaliers législatifs et du risque d’inconstitutionnalité. Le président du Conseil constitutionnel l’a dit à plusieurs reprises : c’est tout le dispositif relatif à l’index sur l’emploi des seniors qui, dans la mesure où il n’a aucune incidence sur l’équilibre, est un cavalier !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je suis toujours un peu surpris : cet index n’est pas encore créé, pas encore défini, et vous voulez déjà sanctionner ! C’est plus fort que vous !

Faisons confiance aux organisations syndicales et aux organisations patronales. Cet index sera-t-il unique ou multiple ? Comment évoluera-t-il ? Comment sera-t-il adapté à chaque secteur ? Laissons faire ! Je suis certain que dans quelques années, nous irons plus loin sur ce sujet. Il sera alors temps d’envisager des contraintes supplémentaires.

M. le président Éric Coquerel. Il me semble que les organisations syndicales vous ont déjà répondu, sur ce point particulier comme sur l’ensemble du projet de loi.

La commission rejette l’amendement CF323.

Amendement CF64 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons d’avancer l’entrée en vigueur de l’index seniors au 1er novembre 2023, soit six mois environ après la promulgation de la réforme – si jamais celle-ci devait être promulguée, naturellement.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Votre amendement ne tourne pas, car il faudrait également supprimer l’alinéa 18.

M. Philippe Brun (SOC). Je regrette que la rapporteure pour avis n’ait pas déposé un sous-amendement de coordination, mais je retire l’amendement.

L’amendement CF64 est retiré.

Amendement CF171 de Mme Marie-Christine Dalloz et sous-amendement CF418 de Mme Marina Ferrari.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je ne crois pas du tout que l’article 2 relève de la pensée magique ! J’y vois au contraire une volonté d’objectiver la place des seniors dans les entreprises, d’assurer la transparence et de valoriser les bonnes pratiques.

En revanche, il me semblerait utile que le Gouvernement communique régulièrement ces données au Parlement, afin que celui-ci puisse jouer son rôle de contrôle.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, lequel précise l’idée d’une communication régulière en prévoyant que ce rapport est remis chaque année avant le 1er juin.

Mme Stella Dupont (RE). Il faut absolument sortir du mythe de la grande réforme des retraites et passer à un ajustement permanent de notre système de retraite, avec l’ensemble des partenaires sociaux, sur un modèle similaire à celui de l’AGIRC-ARRCO.

Cette proposition contribue à nous mettre sur ce chemin.

M. Sylvain Maillard (RE). Monsieur le président, vous avez dit tout à l’heure que les syndicats étaient contre la réforme que nous proposons et contre cet index. Je ne peux pas vous laisser dire cela ! Je vous invite à relire les auditions des partenaires sociaux : ils ont dit exactement l’inverse. Ils sont favorables à cet index, même s’ils considèrent qu’on pourrait aller plus loin.

M. le président Éric Coquerel. Je viens de les rencontrer les uns après les autres. Ils ne comptent pas sur l’index sur l’emploi des seniors pour augmenter l’emploi des travailleurs à partir d’un certain âge… Nous pouvons aller les voir ensemble, mais je vous mets au défi de les faire parler comme vous venez de le faire !

La commission adopte successivement le sous-amendement CF418 et l’amendement CF171 ainsi sous-amendé (amendement AS7254 et amendement 595).

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 modifié.

Article 3 : Modification de l’organisation du recouvrement des cotisations sociales

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Après l’article 3

Amendement CF193 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Cet amendement vise à favoriser le cumul entre l’emploi et la retraite des médecins libéraux.

Je ne manque jamais une occasion d’évoquer les déserts médicaux ! Je vous renvoie à l’étude de l’Association des maires ruraux de France : c’est une question qui se pose avec acuité pour 10 millions de Français. Les réponses à apporter sont multiples, bien sûr. Elles sont d’abord locales et je rends hommage au travail des élus locaux et des professionnels de santé qui se battent sur le terrain, notamment en favorisant l’exercice regroupé de la médecine dans des maisons de santé pluridisciplinaires. Mais les réponses doivent aussi être nationales. Je pense notamment à la régulation de l’installation – je vous invite tous à cosigner l’excellente proposition de loi transpartisane déposée sous la houlette de Guillaume Garot – et à la formation de davantage de médecins – je ne suis pas sûr que les efforts fournis soient suffisants.

Il faut aussi accompagner la transition en permettant aux médecins seniors qui le souhaitent de poursuivre leur activité, éventuellement à temps partiel.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. L’article 13, qui vise à faciliter les transitions entre emploi et retraite, prévoit que les cotisations versées seront acquises, alors que ce n’était pas le cas auparavant. Cette mesure facilitera la poursuite d’activité des médecins, puisqu’ils se constitueront ainsi de nouveaux droits.

La commission rejette l’amendement CF193.

Amendement CF26 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous débattons depuis ce matin des conditions d’équilibre de notre système de retraite. Il y a une question qui n’a pas encore été soulevée : celle du niveau très élevé des exonérations et allégements de cotisations, lesquels représentent un manque à gagner de 19 milliards d’euros pour la branche retraite quand le déficit de la branche vieillesse serait, lui, de 3,6 milliards d’euros pour la dernière LFSS.

Nous proposons donc de conditionner toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations au respect par les entreprises bénéficiaires d’indicateurs de qualité de l’emploi et de dialogue social.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. C’est vraiment là le cœur de nos différences politiques. De nombreux amendements vont proposer des recettes supplémentaires par une augmentation des cotisations, des impôts, des taxes… Notre choix est inverse : nous considérons que les allégements de cotisations sociales soutiennent le pouvoir d’achat, l’emploi et la compétitivité.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Nous entamons là une discussion très importante et très politique. Notre système de retraite a cette particularité d’être financé par la cotisation. C’est un mot qui revient à la mode : chacun comprend bien que si nous voulons des retraites dignes, voire des retraites tout court, il faut bien payer des cotisations, que l’on soit employeur ou salarié. Dans cette discussion sur l’équilibre financier du système, on voit bien que les gouvernements successifs ont, en supprimant ou en allégeant des cotisations, commencé à tuer à petit feu notre système de retraite.

Il est l’heure de s’assurer que chacun paie les cotisations dues. Stop aux exonérations !

Allons aussi chercher de nouvelles cotisations : augmentons les salaires, notamment ceux des femmes qui sont de 22 % inférieurs à ceux des hommes, créons de nouveaux emplois, indexons les salaires sur l’inflation ! Alors les cotisations augmenteront et l’on verra que notre système est solide lorsqu’il n’est pas affaibli par vos demandes perpétuelles d’exonérations.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Notre système n’est pas, malheureusement, fondé sur les seules cotisations, patronales et salariales ; il repose aussi sur les impôts et les taxes, dont la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; il repose aussi sur l’emprunt, et c’est ce qui est vraiment choquant : comment peut-on emprunter pour équilibrer notre régime, et faire supporter plus tard ce poids à nos enfants ? Un système doit s’équilibrer de lui-même. Ce n’est pas le cas : nous puisons dans les impôts et taxes, et nous empruntons.

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle que notre système de retraites est excédentaire de 3 milliards d’euros cette année.

La commission rejette l’amendement CF26.

Amendements identiques CF27 de M. Philippe Brun et CF399 de M. Jean-Marc Tellier, amendement CF28 de M. Philippe Brun (discussion commune).

M. Philippe Brun (SOC). On ne peut pas évacuer la question des allégements de cotisations de sécurité sociale. Même au sein de la majorité présidentielle, des députés de bon sens s’y intéressent.

Les allégements au-dessus de 1,6 SMIC n’ont pas fait la preuve de leur efficacité : ils ne permettent pas de créer le nombre d’emplois escompté. François Rebsamen, grand soutien du Président de la République, a ainsi déclaré lors d’une interview qu’on pourrait dégager 4 milliards d’euros en revenant sur les allégements de cotisations entre 1,6 et 3,5 SMIC.

Nous nous sommes inspirés, pour l’amendement CF27, d’une disposition déjà proposée dans le cadre du projet de loi de programmation des finances publiques, qui interdit de créer une nouvelle niche fiscale sans en supprimer une autre. Nous souhaitons que toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations sociales soit compensée par la suppression, dans la même proportion, d’une mesure de même nature. Alors que l’assiette du financement de la protection sociale est désormais très mitée, cela permettra de garantir la soutenabilité de nos régimes sociaux sur le long terme.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Nous considérons que le financement par les cotisations permet d’apporter une réponse socialisée, solidaire et efficace aux besoins sociaux nouveaux et nous défendons le choix d’un nouveau partage des richesses produites pour développer les salaires et les fonds sociaux. Nous proposons, par l’amendement CF399, de limiter tous les nouveaux dispositifs d’allégement et d’exonération de cotisations, qui ne créent ni emplois ni recettes – bien au contraire. Chaque nouveau dispositif devra s’accompagner de la suppression d’un dispositif existant, pour un montant équivalent.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement CF28 vise à créer un principe de non-prolifération des dispositifs d’exonération de cotisations sociales en prévoyant, lui aussi, que chaque nouveau dispositif de ce type devra s’accompagner de la suppression d’un dispositif existant, pour un montant équivalent.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations est compensée par l’État, grâce à l’allocation à la sécurité sociale de recettes fiscales ou de crédits budgétaires. Par ailleurs, l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit qu’il revient aux seules lois de financement de la sécurité sociale de créer ou de modifier des réductions ou exonérations de cotisations ou de contributions non compensées. Sur un plan plus politique, les allégements de charges nous ont permis de recréer de l’emploi, ce qui est en soi un fait générateur de cotisations. Nous ne souhaitons donc pas alourdir de nouveau les contributions demandées.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons pour ces amendements qui vont dans le sens d’une bonne gestion et de l’argumentaire que défend la majorité au sujet des finances publiques, sur le long terme. Je comprends d’autant moins la réponse de la rapporteure pour avis que ces dispositions font écho à des recommandations récurrentes – mais, il est vrai, rarement suivies d’effets – de la Cour des comptes et d’autres institutions chargées de veiller à la bonne tenue des finances publiques. La majorité est un peu prise à son propre piège : elle prétend que cette réforme tend à assurer une bonne gestion des comptes publics, mais elle refuse une règle générale qui permettrait de ne pas dégrader les comptes sociaux. Est-ce pour ne pas concéder une victoire aux socialistes ? Ce serait tout de même un peu dommage.

M. Mathieu Lefèvre (RE). La position du Rassemblement national est assez surprenante. Il défendait il y a quelques semaines une proposition de loi qui avait pour vocation de diminuer les cotisations sociales.

Nous assumons, pour notre part, une politique qui consiste à baisser les impôts et qui a fonctionné. Et ce n’est pas parce qu’on baisse les impôts que les recettes n’augmentent pas : le travail et l’activité en créent, c’est ce qu’on peut appeler un cercle vertueux. La publication des derniers chiffres du chômage est l’occasion de rappeler que la masse salariale est en augmentation : nous alimentons donc la machine à cotisations sociales.

En dernier lieu, il serait impossible de mettre en œuvre la mesure que vous proposez. Notre pays compte 4 millions d’entreprises : comment contrôler chacune d’entre elles pour être sûr de respecter l’objectif que voulez fixer ?

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il n’est pas vrai, comme on l’entend dire un peu trop souvent, que nous voulons alourdir les impôts de manière générale. Nous ne voulons le faire que dans certains secteurs globalement épargnés par la fiscalité. Quand on met bout à bout les aides publiques, on voit qu’une PME paie proportionnellement plus d’impôts qu’une multinationale et que le taux d’effort de ce qu’on peut appeler la classe moyenne est bien plus important que celui des catégories les plus aisées. Il en est de même pour les plus pauvres, qui n’échappent pas à la TVA ou à l’accise perçue sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons, en métropole, – soit l’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). On assiste donc à un pillage organisé des ressources de l’État : vous créez des déficits en accordant des exonérations de cotisations qui ne concernent pas l’ensemble de la population française, mais seulement les grandes boîtes, ainsi que les secteurs et les Français qui vont le mieux. Nous voulons rétablir un peu d’équilibre en matière de cotisations.

M. Daniel Labaronne (RE). Mais de quel pillage parlez-vous ? Nous avons le système d’impositions et de cotisations le plus lourd au monde, le système de redistribution des richesses, par les dépenses publiques et sociales, le plus important et le système de retraite le plus généreux. Si un pays assure une redistribution des richesses par les impôts et les cotisations, c’est bien la France. Cessez ces discours qui n’ont aucune réalité concrète.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF27 et CF399 et l’amendement CF28.

M. le président Éric Coquerel. Comme j’ai été interpellé tout à l’heure par M. Maillard, je vais vous donner quelques précisions sur l’avis des leaders syndicaux au sujet de l’index sur l’emploi des seniors. Selon Philippe Martinez, secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT), qui s’exprimait le 10 janvier sur BFM TV, « ça ne va pas changer grand-chose ». Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a dit sur France info, le 16 janvier, que « quand on aura mesuré si l’entreprise ne joue pas le jeu, il ne se passera rien ». Pour Michel Beaugas, chargé des retraites à Force ouvrière (FO), dans un communiqué du même jour, « c’est du pipeau, on sait que les index sont facilement falsifiables ». Quant à François Hommeril, président de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), il a déclaré sur RTL, le 12 janvier, que « c’est du bidon, ça ne fait pas évoluer les choses ».

M. Sylvain Maillard (RE). Je parlais des auditions à l’Assemblée nationale, pas des propos tenus sur BFM TV.

Amendement CF30 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous demandons une évaluation par la Cour des comptes, en application de l’article 47-2 de la Constitution, de l’efficacité de chaque réduction ou exonération de cotisations sociales. Cela ne saurait être un cavalier dans un PLFRSS.

La question des baisses de cotisations – notamment entre 1,6 et 3,5 SMIC, qui sont les plus inefficaces parce qu’elles ne créent pas le nombre d’emplois espéré – est centrale pour la soutenabilité et l’avenir de notre système de retraite. J’en parle d’autant plus facilement que ce ciblage très large est la conséquence du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui datait d’un quinquennat socialiste. Quand une mesure ne fonctionne pas, il faut le reconnaître et la supprimer.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas de surtaxer le travail : nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut pouvoir employer des gens à un prix raisonnable, pour que des créations d’emploi aient lieu. En revanche, les exonérations massives de cotisations mettent en danger le financement de notre système de retraite.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

Il y a une différence entre l’évaluation que vous demandez et l’abrogation d’exonérations sociales dont il est question dans l’exposé sommaire, mais c’est sans doute une erreur.

Par ailleurs, il existe déjà une évaluation : chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte une annexe relative au stock des allégements de cotisations et une autre qui traite de l’application des dispositions de la précédente LFSS.

Au delà de ce que prévoient la Constitution et la loi organique, la Cour des comptes adopte librement son programme de travail : c’est une institution indépendante.

Enfin, j’aimerais savoir pourquoi vous avez rejeté le projet de loi de programmation des finances publiques alors que ce texte comportait une mesure très utile en matière d’évaluation.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutenons cet amendement. Une fois de plus, je ne comprends pas la réponse de la majorité. Le bon sens voudrait que l’on fasse un retour d’expérience sur ces mesures, dont M. Brun a reconnu qu’elles sont liées au CICE, qui était imparfait.

Il n’existe pas de contradiction entre le dispositif de l’amendement et l’exposé sommaire. Il s’agit de faire une revue des dépenses pour abroger celles qui sont inefficaces. Les Républicains avaient proposé, de la même manière, à l’occasion du projet de loi de finances (PLF), une revue de certaines dépenses, mais vous n’en avez pas voulu. Vous refusez de travailler sur leur efficacité quand les oppositions le proposent, alors que vous déposez des textes invoquant la nécessité de la bonne tenue des finances publiques et des comptes. Au lieu de polémiquer sur cette question, nous devrions tous nous rassembler.

M. Daniel Labaronne (RE). Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué, lors de ses vœux pour 2023, qu’il proposerait une revue des dépenses publiques afin d’alimenter la réflexion dans le cadre des assises des finances publiques. Je rappelle aussi que nous avons lancé, durant la précédente législature, le « printemps de l’évaluation » et qu’une réflexion sur les dépenses publiques sera conduite dans la perspective de la loi de finances pour 2024. Nous sommes donc au travail.

Une économie est un circuit : à partir du moment où on taxe davantage, où on applique des cotisations plus élevées, il n’est pas difficile de comprendre que cela entame la compétitivité des entreprises. Les entreprises perdent alors des parts de marché, ce qui entraîne une perte d’activité, donc une perte d’emplois et de cotisations, ce qui pose un problème pour les finances publiques.

La commission rejette l’amendement CF30.

Amendements identiques CF243 de Mme Mathilde Panot, CF244 de Mme Rachel Keke et CF245 de M. Hadrien Clouet.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je déplore la confusion qui est faite entre impôts et cotisations. Les cotisations ouvrent des droits suivant le principe de solidarité. Dans le scénario privilégié par le Gouvernement pour sa réforme, il y aurait moins de fonctionnaires, donc moins de cotisations dues par l’État – s’il se finance par l’impôt, il doit aussi verser des cotisations.

L’amendement CF243 prévoit de réaffecter au financement du système de retraite la contribution du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Faire porter cette dette, y compris celle liée à l’épidémie de covid-19, par la CADES est une mauvaise stratégie, qui coûte, selon Michaël Zemmour, des dizaines de milliards d’euros à cette caisse, alors que cela ne coûterait qu’un milliard d’euros si cette dette était prise en charge par l’État, lequel ne rembourserait que les intérêts. Faire porter la dette par l’État nous permettrait de réaliser des économies et de réduire les impôts.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Nous voulons revenir à la philosophie initiale du FRR, qui a été créé en 2001 pour soutenir le régime général et les régimes alignés entre 2020 et 2040, après le départ à la retraite de la génération du baby-boom.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). La CADES est un instrument de soumission de notre système de protection sociale à une logique marchande et financiarisée. Depuis la création de cette caisse en 1996, les gouvernements successifs ont imposé à la sécurité sociale de passer par les marchés financiers pour refinancer sa dette. Deux solutions alternatives, qui avaient fait leur preuve depuis 1946, existaient pourtant : la hausse des taux de cotisation ou l’emprunt auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Le Gouvernement a continué dans la même voie absurde et dogmatique en faisant reprendre par la CADES 92 milliards d’euros de dette liée à l’épidémie de covid-19 entre 2020 et 2023.

Pourtant, la CADES a toujours emprunté à des taux d’intérêt supérieurs à ceux de l’État. De plus, la prise en charge d’une dette par la CADES suppose le remboursement des intérêts et du principal, alors que l’État peut faire rouler sa dette sans jamais rembourser le principal. L’économiste Ana Carolina Cordilha a estimé le coût de la financiarisation de la dette de la sécurité sociale par le biais de la CADES à plus de 60 milliards d’euros entre 1996 et 2018, c’est-à-dire avant la pandémie.

Le Gouvernement peut se lamenter du déficit du régime des retraites mais il l’a lui-même créé artificiellement par l’intermédiaire de la CADES. Les cotisations de retraite doivent servir à financer les retraites, non à arroser d’argent public les marchés financiers.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

Puisque vous avez rappelé les origines de la CADES, je ferai aussi un peu d’archéologie. Je m’étonne que vous trouviez anormale l’existence d’une contribution du FRR à la CADES. On trouve, en effet, des dettes relatives à la branche vieillesse dans ce qui a été transféré à la CADES. Il semble logique qu’une partie du FRR serve à financer des dettes liées au déficit de nos retraites.

Vous dites que l’État peut faire rouler ses dettes, mais nous avons la responsabilité de les rembourser. On ne peut les faire rouler indéfiniment.

Dans les exposés sommaires de certains des amendements il est question d’un plan d’amortissement accéléré. Or, depuis la création de la CADES, nous avons été obligés de repousser systématiquement les échéances, désormais jusqu’en 2033.

Enfin, la seule piste du FRR ne permettrait pas de combler le déficit à venir de notre système.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous en venons au cœur du débat. Je continue d’affirmer que quelqu’un qui gagne entre 1 700 et 4 200 euros brut par mois, c’est-à-dire qui appartient aux classes populaires, moyennes et supérieures, voire très supérieures, fait beaucoup plus d’effort en matière d’impôts que ceux qui gagnent, par exemple, 63 000 euros brut par mois. Il en va de même pour les très petites entreprises (TPE) et les PME : elles font plus d’effort fiscal sur leurs bénéfices que les grandes entreprises. Vous faites des cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises et vous vous en prenez aux plus faibles pour les financer, en reculant l’âge de départ à la retraite de deux ans sous le prétexte d’un soi-disant déficit, lequel résulte de vos exonérations sociales pour les plus grands groupes. Voilà le pillage qui a lieu dans notre pays.

M. le président Éric Coquerel. J’en profite pour signaler le lancement de la mission d’information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises que je copilote avec le rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. On pourrait avoir l’impression, en écoutant M. Guiraud, que les conclusions de cette mission sont déjà connues. J’invite notre collègue à faire preuve d’un peu de modestie.

Il a été question de soi-disant déficit : comment pouvons-nous avancer sereinement à l’Assemblée nationale si des élus, que je respecte par ailleurs, ne regardent pas les chiffres en face ? On peut dire que le déficit n’est pas très élevé ou qu’il baissera peut-être dans trente-cinq ans, mais toutes les projections font état de son existence. Ne le niez pas.

Par ailleurs, vous remettez en cause le système par répartition en disant qu’il n’y a pas de problème, parce qu’on peut aller chercher ailleurs des recettes. Cela revient à casser la chaîne de solidarité entre les générations.

Je pourrai continuer mais, faute de temps, je ne reviendrai pas sur toutes les autres contre-vérités que j’ai entendues.

La commission rejette les amendements identiques CF243, CF244 et CF245.

Amendements identiques CF246 de M. Hadrien Clouet, CF247 de M. François Ruffin et CF248 de Mme Rachel Keke.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous voulons interdire au FRR d’investir dans des secteurs polluants. Ce fonds a pour mission d’investir, au nom de la collectivité, les moyens financiers confiés par l’État afin de participer au financement des retraites. Alors que le FRR doit assurer la protection sociale pour les générations à venir, en gérant de l’argent qui provient notamment des excédents de cotisations sociales, il contribue dans les faits au réchauffement climatique et nuit aux générations à venir. Il détient, en effet, des investissements directs dans les grandes entreprises mondiales pétrolières et dans le secteur du charbon. Le fonds l’a dit lui-même dans un de ses rapports d’activité : « à l’instar de la très grande majorité des investisseurs, le FRR ne pratique pas d’exclusion sectorielle. » Sa démarche soi-disant volontariste ne fonctionne pas. Il faut que Total, Monsanto et d’autres grandes entreprises qui polluent et gâchent ainsi l’avenir de nos enfants ne profitent plus de l’argent qui doit garantir nos retraites.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Nous voulons mettre fin à une relation dangereuse, voire toxique, entre notre système de retraite et les industries les plus polluantes. Le FRR a pour mission d’investir des moyens financiers confiés par l’État pour participer au financement des retraites, ce qui est sain. En revanche, investir des centaines de millions d’euros dans Monsanto, Total et d’autres ne l’est pas. Outre que les excédents de nos cotisations sociales n’ont pas leur place dans le financement de ces activités, il est plus qu’étrange qu’un fonds dédié à la protection des générations futures investisse dans des industries polluantes qui détruisent notre planète et notre avenir : à l’anxiété climatique vous ajoutez l’irresponsabilité sociale et financière. De plus, ces investissements créent une dépendance plus que dangereuse vis-à-vis de telles activités, que le dérèglement climatique impose de faire disparaître.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Selon le FRR, environ la moitié de ses portefeuilles est investie dans des sociétés qui contribuent directement à la transition énergétique et écologique. Ce fonds est reconnu par l’Organisation des Nations unies (ONU) comme un investisseur particulièrement responsable en la matière depuis 2008. Il a ainsi participé à la création des indices MSCI low carbon leaders avec le fonds de réserve suédois AP4, le fournisseur d’indices MSCI et le gestionnaire d’actifs Amundi. Ces indices excluent 20 % des entreprises les plus intensives en matière d’émissions, étant entendu que jusqu’à 30 % des entreprises de chaque secteur peuvent être exclues, et ils excluent également les plus grands propriétaires de réserves fossiles. Le FRR étant déjà engagé dans une démarche très vertueuse, j’émets un avis défavorable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Vous nous expliquez que le FRR est déjà vertueux, mais il pourrait l’être davantage. Pourquoi s’interdire d’être carrément exemplaire ? D’autres grands fonds le sont, en renonçant à certains investissements.

La commission rejette les amendements CF246, CF247 et CF248.

Amendements CF350 de Mme Eva Sas et CF34 de M. Philippe Brun (discussion commune).

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Mon amendement créera de nouvelles recettes en portant à 12 % le taux de contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital pour financer, en partie, le faible déficit prévu à moyen terme.

Dans le cadre du prélèvement forfaitaire unique (PFU), les revenus du capital sont actuellement imposés au taux maximal de 30 %, dont 9,2 % de CSG. Ce dispositif, mis en place durant la précédente législature, n’est pas progressif, contrairement à l’impôt sur le revenu : il participe ainsi au renforcement des inégalités de richesse dans notre pays. L’augmentation de la CSG sur les revenus du capital est une mesure de justice sociale essentielle dans la lutte contre les inégalités. Nous assumons le choix de faire porter en priorité l’effort de financement du système de retraite sur celles et ceux qui peuvent se le permettre, plutôt que sur les plus précaires.

Le déficit à moyen terme du régime des retraites est faible. Il peut facilement être compensé par une augmentation des prélèvements sur les revenus du capital. Nous n’avons donc pas besoin de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. J’invite le Gouvernement à y renoncer.

M. Philippe Brun (SOC). Nous ne devons pas nous empêcher de réfléchir à des modalités alternatives de financement. Je vous propose ainsi, dans le même esprit qu’Eva Sas, de faire passer le taux de taxation des revenus du capital – produits de placement et patrimoine – de 9,2 à 10,6 %, afin de répondre aux besoins de financement et d’éviter un report de l’âge légal de départ à la retraite qui serait profondément injuste et frapperait avant tout les personnes qui ont commencé à travailler le plus tôt.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable à la série d’amendements qui proposent d’augmenter d’une manière ou d’une autre les prélèvements sociaux sur les revenus des capitaux.

Ces propositions sont contraires à l’esprit du système de retraite par répartition, qui est fondé sur un principe simple : les actifs paient les pensions des retraités actuels et s’ouvrent, par ce fait, les mêmes droits à la retraite. Le financement est donc fondé sur les cotisations sociales, qui doivent en rester la première source, me semble-t-il, même si d’autres modalités peuvent être prévues, à la marge, pour des mesures de solidarité nationale. Revenir à l’équilibre grâce à d’autres sources de financement modifierait l’essence même du système. Dans ce cas, il faudrait abandonner la logique assurantielle, la notion de salaire différé à laquelle vous êtes pourtant très attachés et même le paritarisme. Si l’impôt finit par équilibrer le système, quelle place les partenaires sociaux peuvent-ils encore y trouver ?

Taxer le capital n’est pas la solution à tous nos problèmes, même si certains d’entre nous semblent en être persuadés. Le capital, en particulier mobilier, est mobile comme son nom l’indique. Les recettes doivent, au contraire, être stables dans le temps.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Il est assez gonflé, de la part de la majorité, de défendre l’esprit du système de retraite par répartition et le principe du financement par les cotisations. En effet, qui a organisé la fiscalisation de ce système ? C’est vous. Les 70 milliards d’euros d’exonérations sociales pour les entreprises, que vous avez contribué à créer, sont compensés par l’impôt. C’est votre politique qui provoque la fiscalisation de notre système de retraite. Et vous ne vous arrêtez pas là, puisque vous vous arrangez aussi pour que l’impôt soit de plus en plus injuste, par exemple en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). L’impôt repose davantage sur les classes moyennes et les classes populaires.

Ceux qui fiscalisent le système de retraite et rendent l’impôt injuste, c’est vous ; ceux qui défendent un système par répartition, reposant sur les cotisations, c’est nous. Si notre amendement tend à faire contribuer le capital, c’est parce que de la richesse est ainsi disponible, mais on pourrait aussi augmenter les salaires pour réduire les versements de dividendes au profit du capital et pour que les gens aient non seulement un bon salaire à la fin du mois mais aussi un système de protection sociale, y compris de retraite, qui puisse fonctionner correctement.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je ne comprends pas votre argumentation. Soit il y a un problème de financement, auquel cas il faut trouver des recettes complémentaires ; soit il n’y a pas de problème et ce n’est pas la peine de chercher de nouvelles ressources pour le seul plaisir de taxer les revenus fonciers des petits propriétaires, par exemple. Pour notre part, nous assumons le fait de nous trouver dans une impasse de financement. C’est précisément parce que nous ne voulons pas augmenter les impôts – encore moins les augmenter massivement, comme vous le souhaitez – que nous proposons de relever progressivement l’âge légal de départ à la retraite, comme l’ont fait tous nos partenaires européens.

M. le président Éric Coquerel. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation lumineuse de M. Martinet. Ce que vous venez de dire, monsieur Lefèvre, n’est pas vrai : le COR a relevé l’absence de dérapage des dépenses de retraites rapportées au PIB. En proportion de la richesse nationale, le paiement des pensions ne coûtera pas plus cher – il coûtera même moins cher dans quelques années, selon certains scénarios. Le problème est donc celui des ressources. Vous ne voulez pas les augmenter ; vous entendez même les réduire, en multipliant les exonérations de cotisations, ce qui nécessite un recul de l’âge légal de départ à la retraite. Notre groupe propose, au contraire, de faire contribuer davantage les revenus du capital, qui mangent une partie de la richesse nationale depuis une trentaine d’années – c’est d’ailleurs ce qui explique en partie pourquoi il manquera, à l’avenir, des recettes à notre système de retraite qui, je le répète, est aujourd’hui excédentaire.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Selon le COR, dites-vous, il n’y a pas d’augmentation des dépenses de pensions rapportées au PIB. Or ce dernier augmente : cela n’empêche donc pas une hausse des dépenses de pensions en valeur absolue. Il faut le dire, car vous créez de la confusion en affirmant que ces dépenses n’augmentent pas alors qu’elles s’accroissent en réalité de manière significative et continue.

M. le président Éric Coquerel. Pas proportionnellement.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous dites qu’elles n’augmentent pas par rapport au PIB. La part des dépenses de retraites dans le PIB en France s’établit à un niveau record puisqu’elle est, par exemple, supérieure de trois points à ce même ratio en Allemagne. N’entretenons pas d’ambiguïté : notre système de retraite est structurellement déficitaire.

La commission rejette successivement les amendements CF350 et CF34.

Amendement CF391 de M. Nicolas Sansu.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Les retraites chapeaux sont absolument scandaleuses alors que les inégalités explosent et qu’elles exploseront encore plus du fait de cette réforme, laquelle ne prévoit d’ailleurs aucune contribution des plus riches, préférant s’attaquer aux classes populaires. Rien n’est proposé pour remettre à plat trente ans d’allégements sociaux ayant fragilisé le financement par la cotisation de notre système de protection sociale. Le montant des exonérations de cotisations sociales accordées sans condition aux entreprises atteint 66 milliards d’euros par an, soit 13 % de l’ensemble des recettes de la sécurité sociale. Aussi proposons-nous de renforcer la taxation des retraites chapeaux dont bénéficient les dirigeants des grandes entreprises.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Si nous adoptions votre amendement, nous risquerions d’encourager le versement des retraites chapeaux dans des conditions qui les feraient échapper à l’impôt. Que cela vous plaise ou non, tous les allégements et les mesures que nous avons mis en place ont entraîné une augmentation des recettes. Mon avis est défavorable.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous en revenons à la question de fond : à quelles classes de la population demandons-nous de faire des efforts, en matière de cotisations sociales, pour combler un léger déficit ? Dans son livre Pour une révolution fiscale, paru en 2011, Thomas Piketty expliquait que la répartition de ces cotisations pouvait être représentée par un entonnoir, très large au niveau des catégories populaires et très étroit pour les déciles les plus aisés de la population. Nous ne demandons rien d’autre qu’un rééquilibrage de l’effort.

Vous nous dites parfois qu’il y a un trou dans la caisse, parfois qu’il n’y en a pas. Nous disons, quant à nous, qu’il y a un trou et que c’est vous qui l’avez creusé en votant des exonérations de cotisations par centaines de milliards d’euros. Non, il n’y a pas trop d’impôts. L’impôt sur les sociétés représente 2 % du PIB en France, 3 % en moyenne dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Vous avez favorisé une partie des entreprises au détriment des autres.

M. Daniel Labaronne (RE). Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a très clairement montré que les prélèvements obligatoires – impôts et cotisations – sur les revenus du capital en France étaient parmi les plus élevés des pays développés. Il a également expliqué qu’en baissant le niveau d’imposition pour le ramener un peu plus haut que la moyenne européenne, nous avions permis une augmentation des rentrées fiscales et sociales, une amélioration de l’attractivité de notre pays en termes d’investissements directs étrangers et un retour en France de certains exilés fiscaux, qui paient désormais impôts et cotisations dans notre pays.

M. le président Éric Coquerel. Nous sommes aussi champions d’Europe de l’aide aux entreprises sans condition, comme l’explique un excellent article d’Alternatives économiques publié ce mois-ci.

La commission rejette l’amendement CF391.

Amendements identiques CF33 de M. Philippe Brun et CF360 de Mme Eva Sas.

M. Philippe Brun (SOC). Nous posons la question de la juste contribution des cadres, ou plutôt des dirigeants fortunés des très grandes entreprises. Le mécanisme des retraites chapeaux vise en réalité à s’exonérer du fonctionnement du système de retraite, qui soumet la pension à une contribution additionnelle lorsque son montant excède huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS). La mise en place de ces régimes de retraite supplémentaire extrêmement favorables aux cadres dirigeants et financés par les entreprises elles-mêmes est profondément injuste ; elle est décriée et même condamnée par le code de l’Association française des entreprises privées (AFEF) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), un code de bonne conduite que la majorité présidentielle apprécie. Nous proposons donc de porter de 21 % à 30 % le taux de la contribution additionnelle de ces retraites chapeaux au financement du FSV.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement CF360, identique à celui que vient de défendre M. Brun, vise à augmenter significativement la taxation des retraites chapeaux les plus importantes. Nous proposons de porter à 30 % le taux de la contribution additionnelle due par les bénéficiaires des rentes supérieures à 24 000 euros par mois, actuellement fixé à 21 %. Cela permettra non seulement de faire contribuer les plus aisés selon les moyens dont ils disposent, mais aussi de dissuader les entreprises de recourir à ce dispositif. Il s’agit, là encore, de proposer au Gouvernement d’autres solutions que le recul de l’âge légal de départ à la retraite, qui pèsera notamment sur les femmes et sur ceux qui ont commencé à travailler jeunes.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Nous avons déjà débattu de cette question. Mon avis reste défavorable, dans un souci de cohérence.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Si nous cherchons des cotisations supplémentaires, ce n’est pas pour accréditer l’idée d’un danger qui pèserait sur le financement des retraites, mais pour financer les mesures prévues dans le programme de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES), parmi lesquelles figure la retraite à 60 ans. S’il y a en effet un problème de retraites dans notre pays, c’est qu’elles arrivent trop tard et qu’elles sont souvent trop basses.

Je l’ai dit, le système de retraite doit d’abord être financé par des cotisations. C’est la faiblesse de ces cotisations et les exonérations accordées qui contraignent l’État à créer des impôts pour compenser les déficits induits. L’économiste Gabriel Zucman explique que ce ne sont pas les ultra-riches qui paient l’impôt : les 380 familles les plus riches du pays ne paient en réalité que 2 % d’impôt. Autrement dit, la France est un paradis fiscal pour les ultra-riches. (Exclamations.) Avant même d’accroître la justice sociale, allons déjà chercher les cotisations qui devraient financer notre système de retraite par répartition !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Vous expliquez que nous baissons les cotisations et que nous sommes donc obligés d’augmenter les impôts pour compenser les recettes non perçues par la sécurité sociale. Citez-moi donc un impôt que nous avons augmenté depuis 2017.

M. le président Éric Coquerel. La TVA ! C’est un impôt et même le plus injuste.

M. Alexandre Sabatou (RN). La TICPE !

M. Philippe Brun (SOC). La CSG pour les retraités !

M. Mathieu Lefèvre (RE). Monsieur le président, quel article du code général des impôts relatif à la TVA aurions-nous modifié depuis 2017 ?

M. le président Éric Coquerel. Les recettes fiscales liées à la TVA ont bel et bien augmenté. (Exclamations parmi les députés des groupes RE et Dem.)

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mais nous n’avons pas augmenté le taux !

Mme Nadia Hai (RE). Il y a plus d’activité, plus de consommation, donc plus de recettes de TVA !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons ces amendements car il faut rétablir de l’ordre fiscal. À un moment ou à un autre, il faut écouter ce qui se dit sur le terrain : que vous le vouliez ou non, cette réforme est perçue par les Français comme très injuste. Vous ne demandez jamais d’efforts à ceux qui ont le plus de privilèges – de vrais privilèges, pas ceux dont nous avons parlé tout à l’heure et dont bénéficieraient, selon vous, les conducteurs de bus. En quoi une juste taxation des retraites chapeaux est-elle scandaleuse ?

Vous dites, monsieur Labaronne, que nous devons nous aligner sur les autres pays. Mais le problème est général : depuis quelques années, toutes les démocraties occidentales dégradent les droits sociaux et le progrès humain, ce qui emporte d’ailleurs des conséquences terribles sur l’espérance de vie, qui n’augmente plus comme avant. Au lieu d’aller tous dans le sens de la régression, nous devrions plutôt nous demander comment renouer collectivement avec le progrès.

M. Daniel Labaronne (RE). Au forum économique mondial de Davos, les hauts revenus avaient réclamé d’être taxés davantage. Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique leur avait conseillé de venir en France, car c’est dans notre pays qu’ils seraient le plus taxés.

M. le président Éric Coquerel. C’est en effet ce qu’il a dit.

M. Daniel Labaronne (RE). C’est ce qu’il a dit et c’est statistiquement vrai.

Vous disiez tout à l’heure, monsieur le président, que la part des dépenses de retraites dans le PIB resterait constante.

M. le président Éric Coquerel. Elle va même diminuer.

M. Daniel Labaronne (RE). C’est justement parce que le PIB augmente, grâce à notre politique de l’offre qui permet la création de valeur ajoutée. Cela explique aussi l’augmentation des recettes liées à la TVA, la taxe sur la valeur ajoutée créée par les entreprises. Pour que ces dernières créent de la valeur, il faut baisser le niveau des charges, des taxes et des prélèvements obligatoires, un domaine où la France est championne du monde.

La commission rejette les amendements identiques CF33 et CF360.

Amendements identiques CF32 de M. Philippe Brun et CF362 de Mme Eva Sas.

M. Philippe Brun (SOC). L’allégement de fiscalité sur les actions gratuites voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2019 nous semble excessif. Nous proposons donc de porter ce taux de taxation de 20 % à 30 %.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Nous souhaitons nous aussi revenir sur l’allégement des prélèvements sur les actions gratuites voté dans le cadre de la LFSS pour 2019 – une mesure qui entraîne, pour la sécurité sociale, une perte de recettes de 120 millions d’euros par an.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Encore une fois, ces amendements proposent une hausse de la fiscalité ou des prélèvements obligatoires. Mon avis est défavorable.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). D’un point de vue économique, vous ne pouvez pas expliquer la hausse des recettes fiscales de la TVA par la création de valeur ajoutée ! L’augmentation des prix de l’essence, des pâtes ou des pellets de bois est-elle liée à la création de valeur ajoutée ? Vous rigolez ! Dans quel monde économique vivez-vous ? Nous subissons aujourd’hui une inflation en partie générée par la spéculation – même vos ministres l’ont reconnu. Il est vrai que, dans ce monde injuste, vous n’avez pas décidé cette augmentation de la TVA. Ce que nous demandons au Gouvernement, c’est justement de rééquilibrer la situation et de corriger les injustices.

M. Daniel Labaronne (RE). Nous parlons ici de notions économiques : le PIB correspond à la valeur de la production dont on retranche les consommations intermédiaires. Si l’on applique à un PIB de 2 500 milliards d’euros un taux de TVA, on a des rentrées fiscales. Plus le PIB augmente, plus les recettes de TVA augmentent : c’est assez simple !

La commission rejette les amendements identiques CF 32 et CF362.

Amendements identiques CF266 de M. Hadrien Clouet, CF267 de M. François Ruffin et CF268 de Mme Rachel Keke ; amendements identiques CF287 de M. François Ruffin, CF289 de M. Hadrien Clouet et CF290 de Mme Rachel Keke ; amendements identiques CF288 de M. François Ruffin, CF291 de M. Hadrien Clouet et CF292 de Mme Mathilde Panot ; amendement CF349 de Mme Eva Sas (discussion commune).

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). L’amendement CF266 vise à rétablir et à renforcer l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

L’OFCE estime à 2,8 milliards d’euros les économies attendues de la réforme des retraites au cours des dix prochaines années – un chiffre qui intègre l’ensemble des dépenses supplémentaires engendrées et les effets macroéconomiques. C’est moins qu’une seule année du manque à gagner suscité par la suppression de l’ISF votée par la majorité dès les premières semaines du précédent quinquennat. Or, comme l’indique le rapport d’évaluation de l’ISF publié par le commissariat général à la stratégie et à la prospective (France stratégie), la suppression de cet impôt n’a comporté aucune contrepartie positive en termes de création d’emplois ou d’investissements ; elle a eu pour seuls effets un accroissement des inégalités et un affaiblissement du budget de l’État. Elle a permis aux 5 % des contribuables les plus riches de s’enrichir de 6 500 euros par an et aux 0,4 % des contribuables les plus aisés de s’enrichir de 26 363 euros par an.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Votre réforme consiste à faire travailler tout le monde plus longtemps au détriment des femmes et des plus précaires. En revanche, elle sera indolore pour les plus riches, dont le patrimoine ne cesse de croître. C’est beaucoup de maltraitance sociale pour un résultat piteux : 2,8 milliards d’euros d’économies ne représentent pas grand-chose.

En supprimant l’ISF, vous n’avez permis aucune nouvelle recette, aucun investissement nouveau, aucune création d’emploi : vous avez seulement appauvri l’État. Pendant ce temps, le consentement à l’impôt, au fondement du pacte social et républicain, s’étiole chez nos concitoyens. Il est donc urgent de renoncer à votre réforme des retraites et de faire contribuer les plus riches. Il est grand temps de revenir sur l’aberration qu’a été la suppression de l’ISF en adoptant notre amendement CF267.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Mes collègues l’ont dit, l’OFCE estime à 2,8 milliards d’euros les économies attendues de la réforme des retraites au cours des dix prochaines années. Cette évaluation intègre l’ensemble des dépenses supplémentaires engendrées par la réforme ainsi que les effets macroéconomiques de cette dernière. C’est moins qu’une seule année du manque à gagner suscité par la suppression de l’ISF et même cinq fois moins que les recettes annuelles que rapporterait l’ISF renforcé que nous proposons.

Vous allez nous répondre en évoquant le retour des fameux exilés fiscaux qu’auraient permis la suppression de l’ISF et son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Or Cédric Audenis, le commissaire général adjoint de France stratégie et président du comité d’évaluation de la fiscalité du capital, explique : « ce n’est pas une causalité scientifique, cela porte sur de petits effectifs, mais c’est une concomitance. » Il y a trois fois moins d’assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qu’à l’ISF, donc mécaniquement moins de départs, mais en proportion il n’y a aucune évolution. En tout état de cause, le coût de l’exil fiscal est dérisoire au regard des milliards d’euros perdus à cause de la réforme.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Permettez-moi de rappeler ces propos d’Ambroise Croizat : « Faire appel au budget des contribuables pour financer [la sécurité sociale] serait subordonner l’efficacité de la politique sociale à des considérations purement financières. Ce que nous refusons. »

Comme l’a très bien expliqué M. Martinet, ce sont les exonérations de cotisations accordées par la majorité qui nous obligent à proposer des mesures visant à combler un léger déficit passager et maîtrisé. Aussi l’amendement CF287 vise-t-il à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les hauts patrimoines.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Le Gouvernement nous invite régulièrement à regarder ce qui se passe autour de nous. Pour une fois, nous avons été bons élèves et avons donc tourné nos regards vers l’Espagne, où il a été décidé de mettre à contribution les hauts patrimoines. Nous pourrions faire de même afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui contribuent : nous renforcerions ainsi le consentement à l’impôt et consoliderions le pacte social. L’amendement CF289 vise donc à taxer les riches dont le patrimoine est supérieur à 3 millions d’euros ; les recettes attendues permettront de financer au mieux notre système de retraite.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Un rapport du Comité d’Oxford pour le soulagement de la famine (OXFAM) indique que, depuis 2020, la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 200 milliards d’euros, soit une hausse de 58 %. Selon la même source, 2 % de la fortune de ces milliardaires suffiraient à financer le déficit attendu du système de retraite. Renversons la perspective et mettons davantage à contribution le capital !

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Depuis plusieurs mois que nous siégeons ensemble, chaque fois que nous proposons de taxer les plus riches de notre pays – ceux qui ne connaissent pas de difficultés –, soit vous rigolez, soit vous refusez, soit vous regardez vos téléphones et vous dormez un petit peu. Vous faites même parfois tout cela en même temps !

Plus nous examinons cette réforme des retraites, plus nous avons le sentiment qu’elle consiste en ce que ce sont des gens qui gagnent 5 000, 10 000 ou 20 000 euros par mois qui demandent à ceux qui ont du mal à toucher 1 400, 1 800 ou 2 000 euros d’aller travailler plus au lieu de solliciter des personnes qui gagnent des millions d’euros, voire des milliards d’euros. Or nous devons légiférer pour le plus grand nombre, non pour quelques-uns. Nous pourrions donc prendre un petit peu d’argent à ceux qui ont des milliards d’euros pour éviter que ceux qui gagnent péniblement 1 400 ou 1 800 euros par mois travaillent toute leur vie sans arriver à l’âge de la retraite où ils pourraient, par exemple, profiter de leurs petits-enfants ou faire leur jardin.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Selon OXFAM, la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 200 milliards d’euros depuis 2020, mais cela ne semble pas vous poser problème. Une taxe de 2 % sur le patrimoine de ces milliardaires rapporterait 12 milliards d’euros en 2023, ce qui représente quatre fois plus que les économies attendues de cette réforme des retraites au cours des dix prochaines années selon les prévisions de l’OFCE, qui n’est ni l’Institut La Boétie ni une officine insoumise. Notre amendement CF291 vise précisément à instaurer une telle taxe, qui serait loin d’assécher le patrimoine des milliardaires français. Comme vous le voyez, nous savons trouver des financements locaux !

Je rappelle que 70 % de nos concitoyens sont opposés à votre réforme. Nous pouvons financer la retraite à 60 ans. C’est ce que diront celles et ceux qui seront dans la rue le 31 janvier.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Mme Garrido a dit tout à l’heure que le taux effectif d’imposition des 380 ménages les plus riches de notre pays n’était que de 2 %. Vous ne pouvez pas vous attendre à ce que votre réforme soit populaire si vous ne vous attachez pas à corriger ce problème. Aujourd’hui, les Français font énormément d’efforts, qui doivent être mieux répartis. En votant des exonérations de cotisations, vous avez creusé un petit trou dans le système de retraite ; pour le combler, nous vous proposons une mesure de compromis consistant à rétablir un peu de justice sociale plutôt que de prendre sur le temps de vie des Français. Cela ne ferait pas de mal à grand monde, d’autant que certains milliardaires sont prêts à cotiser un petit peu plus pour contribuer au bien commun, qui devrait être le fondement de notre politique.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement CF349 vise à créer une contribution de solidarité sur la fortune affectée au financement des retraites, qui serait due par les détenteurs d’un patrimoine supérieur à un milliard d’euros.

Un rapport d’OXFAM indique que la fortune des milliardaires français a augmenté de plus de 200 milliards d’euros depuis 2020. Suivant la recommandation issue du même rapport, nous proposons de faire contribuer les quarante-deux milliardaires français à la solidarité nationale à hauteur de 2 % de leur patrimoine.

Les études d’impact, les évaluations de nombreux économistes et même certains ministres et députés de la majorité reconnaissent que la réforme des retraites proposée par le Gouvernement accentuera les inégalités économiques et de genre. Aussi notre amendement vise-t-il à assurer le financement des retraites tout en réduisant les inégalités de patrimoine. Une fois de plus, il est tout à fait possible d’équilibrer le régime sans reporter l’âge légal de départ.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je donne un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Si la précédente majorité a supprimé l’ISF au profit, notamment, de l’IFI, ce n’est pas pour le remettre maintenant au goût du jour ou pour créer une disposition similaire.

On ne peut pas fonder le rééquilibrage structurel d’un système sur les assiettes que vous proposez. Une plus grande taxation des grandes fortunes, de la détention du capital ou de la transmission de ce dernier comporte un risque d’accroissement de l’évasion fiscale – je sais que vous le contestez, mais c’est pourtant le cas – et surtout de diminution des investissements.

Enfin, à titre plus personnel, je m’inquiète beaucoup de cette forme de détestation des gens qui ont réussi, des riches, des milliardaires. (Protestations parmi les députés du groupe LFI-NUPES.) J’entends certains ou plutôt certaines responsables politiques envisager que l’on soit en train d’organiser l’évasion dans l’espace de plusieurs de nos concitoyens… Quel délire ! Pour ma part, je ne suis pas contre la réussite.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Alors que nous cherchons des financements pour assurer la cohésion de toute la nation, nous ne pouvons faire l’impasse sur la question des inégalités de patrimoine. Tout le monde peut constater aujourd’hui une explosion du patrimoine des plus riches – ce fait est d’ailleurs académiquement reconnu. Notre excellent collègue Jean-Paul Mattei et moi-même sommes rapporteurs d’une mission d’information sur la fiscalité du patrimoine. Au cours de l’histoire, nous sommes passés d’une société de rentiers à une société du travail ; or nous redevenons une société d’héritiers. Est-ce vraiment ce que nous voulons ? Si tel est le cas, il faut effectivement taper sur les petits, les modestes et les classes moyennes comme vous le faites avec cette réforme. Pour notre part, nous souhaitons le retour à une société beaucoup plus égalitaire, qui respecte les valeurs de la République. Il faudra donc oser revenir sur certaines mesures adoptées lors du précédent quinquennat.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Vous savez à quel point je suis sensible aux enjeux touchant à la fiscalité du patrimoine, mais nous débattons ici de la retraite par répartition, financée par des ressources affectées, notamment par des cotisations. J’entends ce que vous dites, mais cela s’inscrit à mon sens dans un débat plus global, auquel nous reviendrons lors des discussions budgétaires.

Je ne pense pas que la réforme soit aussi injuste que vous voulez bien le dire. Elle est loin d’être parfaite, j’en conviens, mais je ne suis pas opposé à un allongement de la durée de cotisation. La réforme comporte peut-être des effets de bord et il ne faudra pas s’interdire d’envisager certaines compensations, mais concentrons-nous d’abord sur les ressources. Nous réfléchirons ensuite à une contribution plus égalitaire des revenus du travail et de ceux du capital – le sujet est intéressant, mais il ne convient pas de le traiter dans le cadre d’un PLFRSS visant à assurer l’équilibre et la pérennité de notre système de retraite par répartition. Des missions d’information ont été constituées au sein de la commission des finances : laissons-les travailler. Il sera alors temps de s’attaquer au débat de fond sur les liens entre attractivité du territoire, dynamisme de l’économie et taxation.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. » Ces mots prononcés par le Président de la République en 2017, nous pourrions presque les réentendre aujourd’hui. Finalement, rien n’a changé. Madame la rapporteure pour avis, vous ne voyez la réussite que par le prisme de l’argent, mais pour nous, réussir, c’est aussi participer au bien commun et permettre aux autres de profiter d’un peu de bonheur.

Pour apaiser nos débats, permettez-moi de vous lire un extrait d’une lettre ouverte rédigée par plus de 200 milliardaires, dont deux Français : « Alors que le monde a traversé d’immenses souffrances ces deux dernières années, la plupart d’entre nous peuvent dire que leur richesse a augmenté pendant la pandémie – mais honnêtement, peu d’entre nous, voire aucun, peuvent affirmer qu’ils paient leur juste part d’impôts. […] Pour le dire simplement, pour rétablir la confiance, il faut taxer les riches. Le monde – et chaque pays qui en fait partie – doit donc exiger que les riches paient leur juste part. Taxez-nous, les riches. Et taxez-nous maintenant. »

Alors que même certains milliardaires souhaitent être taxés davantage, vous serez toujours là pour dire non et pour faire trinquer celles et ceux qui galèrent. Vous avez une occasion de combler le déficit : saisissez-la ! Faites payer ceux qui ont l’argent !

Mme Nadia Hai (RE). L’obsession de la taxation vous fait perdre tout bon sens. Plus nous avançons dans les débats, plus vous sombrez dans le populisme, les amalgames et les raccourcis. Votre objectif n’est pas de favoriser la solidarité, mais d’entraver la réussite. Vous nous accusez de mener une politique pour les riches ; en réalité, c’est vous qui menez une politique anti-riches, anti-réussite, anti-talents, anti-entreprises, anti-création de valeur. Notre politique, au contraire, vise à redonner du souffle pour créer de la valeur et de l’emploi, pour inciter à l’innovation et à la créativité, pour soutenir les talents.

Vous pensez que les recettes fiscales augmenteront si nous taxons davantage les plus aisés, mais cela a déjà été tenté par le passé. Rappelez-vous le « choc fiscal » promis par François Hollande, qui devait entraîner une augmentation des recettes fiscales. C’est tout l’inverse qui s’est produit, puisque ces dernières ont diminué. La politique que nous avons menée a entraîné, au contraire, une augmentation de ces recettes. Les chiffres vous contredisent, ils nous donnent raison, mais vous ne voulez pas le voir.

Les résultats économiques positifs sur lesquels vous développez votre créativité fiscale ne sont pas le fruit du miracle, mais de notre modèle économique et de la politique que nous avons menée. Comprenez que nous préférons un modèle gagnant à la ruine, au chômage et à la fuite des activités.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF266, CF267 et CF268, les amendements identiques CF287, CF289 et CF290, les amendements identiques CF288, CF291 et CF292 et l’amendemet CF349.

Après l’article 3 (suite)

Amendement CF363 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Refusant que nos retraités paient le pacte de stabilité, nous proposons une nouvelle ressource – une contribution à l’assurance vieillesse sur les successions et les donations – pour financer le système de retraite sans que les Français soient obligés de travailler jusqu’à l’épuisement de leur corps.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) consacré aux retraites n’est pas le lieu pour réformer la fiscalité des transmissions et encore moins pour l’aggraver. Les Français ont envie de transmettre leur patrimoine et les successions sont déjà largement taxées dans notre pays, avec, après abattement, des taux de 5 % à 45 % pour les droits de mutation à titre gratuit (DMTG).

La commission rejette l’amendement CF363.

Amendement CF357 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement vise à rétablir la contribution additionnelle à la taxe sur les salaires, applicable aux hautes rémunérations, qui a été supprimée lors de la précédente législature, et à l’affecter à l’assurance vieillesse. Elle était à l’époque applicable aux salaires excédant 150 000 euros, et son taux était de 20 %.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Si vous cherchez à augmenter le coût du travail et à réduire la compétitivité et le pouvoir d’achat, votre amendement est parfait.

Dans votre critique, vous oubliez la revalorisation des petites pensions, de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVPF) ou la création de l’assurance vieillesse des aidants (AVA). Mon avis est défavorable.

Mme Prisca Thevenot (RE). Votre souhait de voir taxer plus ceux qui gagnent plus est satisfait : cela s’appelle l’impôt sur le revenu. C’est pour cela qu’il est progressif.

À force de vouloir récupérer de l’argent de tous côtés, vous risquez d’aboutir à une imposition confiscatoire. Notre fiscalité est l’une des plus redistributives, mais aussi des plus lourdes au monde. Ce n’est pas en confisquant que l’on crée plus de valeur.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). La progressivité des prélèvements obligatoires a reculé. Les plus hauts revenus paient moins en proportion que les classes moyennes. Il y a d’autres revenus et des patrimoines qui échappent à l’impôt. Les plus hauts déciles ne participent presque pas à l’effort collectif. Je soutiens cet excellent amendement.

La commission rejette l’amendement CF357.

Amendement CF355 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit d’instaurer une contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) dont le produit, estimé à 9,2 milliards d’euros, serait affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV).

Depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, les entreprises ont bénéficié d’une baisse de 18 milliards d’euros des impôts de production, sans contreparties. La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), décidée dans la loi de finances pour 2023, est un nouveau cadeau aux entreprises d’un montant de 4 milliards d’euros.

Pourquoi le déficit du régime de retraite serait-il hors de contrôle alors qu’il est si facile de supprimer la CVAE, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) – ou flat tax ?

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. J’ai du mal à comprendre comment, avec le doublement du taux de la C3S que vous envisagez tout en conservant l’abattement de 19 millions d’euros, vous espérez parvenir à un produit de 9,2 milliards d’euros.

Par ailleurs, nous sommes face à un mur d’investissement pour accélérer la rénovation énergétique et développer les énergies renouvelables ainsi que les mobilités propres. Or les impôts de production, dont la C3S, pèsent directement sur l’investissement. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF355.

Amendement CF356 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). C’est un amendement de repli en vertu duquel les recettes de la contribution additionnelle s’élèveraient à 2 milliards d’euros.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF356.

Amendements identiques CF278 de M. François Ruffin, CF279 de M. Hadrien Clouet et CF280 de Mme Rachel Keke, amendement CF352 de Mme Eva Sas, amendements identiques CF293 de Mme Mathilde Panot, CF294 de Mme Rachel Keke et CF295 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). La crise inflationniste a des causes multiples, parmi lesquelles la spéculation et le fait que certains s’exonèrent de la solidarité nationale.

Plusieurs multinationales tirent parti de la crise et enregistrent des profits record depuis plusieurs mois. Au premier semestre 2022, Total a ainsi réalisé près de 19 milliards d’euros de bénéfices alors que l’entreprise n’a payé aucun impôt en France en 2019 et en 2020.

Le Gouvernement préfère pourtant demander des efforts aux jeunes, de plus en plus nombreux à solliciter l’aide alimentaire, plutôt qu’à Total. Il faut faire cesser cette ignominie et mettre à contribution les profiteurs de crise.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Notre philosophie est de financer le système de retraite par les cotisations. En abusant des exonérations de cotisations, vous créez un appel d’air qui impose de recourir à l’impôt pour équilibrer le système. Il faut donc, à cause de vous, déterminer qui paye cet impôt.

Nos amendements visent à instituer une contribution additionnelle pour les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros et dont le résultat est supérieur de 25 % à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019.

Gouverner, c’est décider qui paie quoi. C’est parce que vous refusez de taxer les superprofits que vous allez chercher l’argent dans les poches des Français en les obligeant à cotiser deux années supplémentaires.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Autre recette alternative pour éviter le report de l’âge légal : une taxe sur les superprofits, dont le produit serait affecté à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav). Elle serait temporaire et concernerait uniquement les entreprises redevables de l’impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros.

Rappelons que la réforme n’a d’autre objectif que de faire payer par les salariés la réduction des dépenses imposée par le pacte de stabilité.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). En 2022, des millions de personnes ont vu leurs revenus baisser. Dans le même temps, les actionnaires du CAC 40 ont reçu 80 milliards d’euros de dividendes – c’est un record – dans un total de dividendes de 259 milliards d’euros. Les taux retenus par l’amendement CF293 pour une contribution exceptionnelle sur les dividendes rapporteraient 48 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Pour certains, mettre les riches à contribution, ce serait punir la réussite et brider les talents. Mais près de 80 % des milliardaires français sont des héritiers : quel est donc le talent nécessaire pour hériter d’une fortune ?

Dans mon département, les gens se lèvent bien plus tôt et se couchent bien plus tard que Bernard Arnault. Ils ont plus de mérite et de talent que quiconque ayant hérité et vivant de la rente. S’il fallait démontrer que les dividendes n’apportent rien à l’économie, il suffirait de se souvenir qu’en 2013, leur taxation accrue n’a eu que des retombées positives.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Le débat sur les superprofits a eu lieu à de nombreuses reprises, par exemple à l’occasion de la mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels, ou lors de chacune des étapes de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 et du second projet de loi de finances rectificative pour 2022. La présentation par Mme Pires Beaune, dans le cadre de la journée réservée au groupe Socialistes et apparentés, d’une proposition de loi sur le sujet sera une occasion plus appropriée de poursuivre la discussion que dans un PLFRSS.

Sur le fond, je pense que la réduction du déficit structurel de notre système de retraite ne peut pas reposer sur des recettes volatiles. Mon avis est défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF278, CF279 et CF280, l’amendement CF352, les amendements identiques CF293, CF294 de Mme Rachel et CF295.

Amendements identiques CF299 de Mme Rachel Keke, CF300 de Mme Mathilde Panot et CF301 de M. François Ruffin, amendement CF364 de Mme Eva Sas (discussion commune).

M. William Martinet (LFI-NUPES). Cette discussion apporte une réponse aux Français qui se demandent où vont leurs impôts – cette taxe sur la valeur ajoutée et cet impôt sur le revenu qui représentent une part importante de leur revenu, alors qu’ils ne peuvent que constater la déliquescence des services publics, en particulier de l’école et de l’hôpital. Leurs impôts sont utilisés pour compenser les exonérations de cotisations sociales – plus de 70 milliards d’euros par an – qui profitent principalement aux grands groupes, au lieu de financer les services publics.

Nous proposons d’instaurer une contribution exceptionnelle sur les dividendes. Les entreprises gagnent de l’argent, leurs actionnaires aussi. Prenons l’argent là où il est.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Pour justifier votre réforme injuste, vous ne cessez de mettre en avant la baisse du nombre d’actifs par retraité. Parlons plutôt de hausse, en particulier celle, constante, des dividendes – 259 milliards d’euros en 2021 – alors que partout les Français consentent des sacrifices. Ce constat amène à s’interroger sur la répartition de la richesse produite.

Il est temps que les dividendes prennent leur part dans le financement de notre système de retraite.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Les dividendes versés par les entreprises du CAC 40 atteignent des sommets. Si besoin de recettes supplémentaires il y a pour éviter le report de l’âge légal de départ à la retraite, il est plus juste de faire porter l’effort sur eux plutôt que sur l’ensemble de la population.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Sur les amendements identiques, mon avis est le même que sur les précédents puisqu’il s’agit toujours du débat sur les superprofits.

Quant à l’amendement CF364, à titre personnel, je suis favorable à une taxation supplémentaire des dividendes, mais pas pour financer le système de retraite car il s’agit d’une ressource trop volatile.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Vous considérez que le budget de l’État ne doit pas financer le système de retraite : nous vous rejoignons sur ce point, ce doivent être des cotisations. Mais dès lors, pourquoi a-t-on entendu pendant tout le mois de janvier le Gouvernement nous dire que la réforme permettra de financer la transition énergétique ou l’éducation ?

La commission rejette successivement les amendements identiques CF299, CF300 et CF301 et l’amendement CF364.

Amendements identiques CF284 de Mme Mathilde Panot, CF285 de M. Hadrien Clouet et CF286 de M. François Ruffin.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Il s’agit d’instaurer une cotisation exceptionnelle sur les superprofits des entreprises pétrolières au bénéfice du système de retraite.

Alors que l’inflation dépasse les 6 %, les salaires comme les pensions n’augmentent que de 3 %. Les conséquences sont considérables pour les jeunes, les salariés, les chômeurs, les retraités qui se demandent comment ils vont pouvoir subvenir à leurs besoins vitaux. Dans le même temps, les grandes entreprises pétrolières ont engrangé des bénéfices record – 18,8 milliards d’euros sur un semestre pour Total alors que l’entreprise n’a payé aucun impôt en France en 2019 et en 2020.

Le Gouvernement préfère taper sur des millions de travailleurs qui ne profiteront peut-être jamais de leur retraite. Nous préférons mettre à contribution ceux qui se détournent de leur obligation de solidarité en s’enrichissant dans la crise.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis sera défavorable pour toute la série de contributions portant sur les entreprises pétrolières et celles du transport maritime.

La commission rejette les amendements identiques CF284, CF285 et CF286.

Amendements identiques CF281 de Mme Mathilde Panot, CF282 de M. Hadrien Clouet et CF283 de Mme Rachel Keke.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Il s’agit de taxer les multinationales du secteur du transport.

Celles-ci ont enregistré des profits record grâce à la hausse des prix. D’après un article des Échos, les réductions de tarifs de fret accordées par CMA-CGM représentaient un effort dérisoire d’à peine 300 millions d’euros, à mettre en regard des 17 milliards d’euros de bénéfice net en 2021 – contre 500 millions d’euros l’année précédente.

Il est temps de mettre à contribution ces entreprises afin qu’elles prennent leur part dans le juste effort que toute la société produit.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements identiques CF281, CF282 et CF283.

Amendement CF361 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Il s’agit d’instaurer une contribution exceptionnelle sur les fonds de pension, dont les bénéfices ne cessent de croître. Ce sont par ailleurs des adeptes de la délocalisation, de l’optimisation fiscale et des investissements polluants.

Sans remettre en cause l’attachement du groupe Écologiste-NUPES au principe contributif, cet amendement propose au Gouvernement un élargissement du financement permettant de combler le faible déficit temporaire du système de retraite.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Votre amendement risque de freiner le développement de l’épargne retraite. Il apparaît que vous n’acceptez ni que les Français décident de mettre de l’argent de côté, ni que les plans d’épargne retraite aient une fiscalité réduite, ni le principe du partage de la valeur.

La commission rejette l’amendement CF361.

Amendements identiques CF296 de M. Hadrien Clouet, CF297 de M. François Ruffin et CF298 de Mme Rachel Keke.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). La réponse de la rapporteure pour avis illustre toute l’hypocrisie de la majorité. Vous encouragez un contournement du système de retraite par répartition ! Vous êtes favorable à la capitalisation, donc vous promouvez l’épargne retraite. À l’inverse, nous voulons un système unique et robuste pour tous les salariés.

Ces amendements tendent à instituer une contribution exceptionnelle sur les fonds de pension. BlackRock a touché plus de 2 milliards d’euros de dividendes du CAC 40 au titre de l’exercice 2021, soit 250 millions d’euros de plus que l’État. Le fonds participe activement à la politique française en matière de privatisation ou de réformes en siégeant, étonnamment, au comité Action publique 2022. La capitalisation représente déjà plus de 16 milliards d’euros de cotisations par an.

Ne vous privez pas de ce gisement pour financer le système de retraite, à moins de révéler votre hypocrisie.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je ne comprends pas l’opposition entre répartition et capitalisation. Nous souhaitons préserver le système par répartition. Avec cet amendement, non seulement vous limitez la capacité de nos concitoyens à se constituer une retraite complémentaire mais vous découragez aussi le dialogue social au sein des entreprises, dont les plans d’épargne retraite sont un des sujets. Mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CF296, CF297 et CF298.

Amendements identiques CF254 de M. François Ruffin, CF255 de M. Hadrien Clouet et CF256 de Mme Mathilde Panot, amendements CF392 de M. Nicolas Sansu et CF358 de Mme Eva Sas (discussion commune).

M. le président Éric Coquerel. Les amendements identiques visent à supprimer des allègements de cotisations sociales sur les revenus d’activité.

J’entends dire que l’impôt ne peut pas servir à équilibrer les régimes de retraite. On peut en discuter.

En revanche, le fait d’affaiblir ces régimes en accordant des exonérations de cotisations sociales est un choix politique délibéré dont l’objectif est de diminuer le salaire socialisé. Les cotisations sont un élément du salaire socialisé, ce qui traduit l’attachement de la collectivité nationale aux mécanismes de solidarité.

Chaque fois que des exonérations de cotisations sont décidées, il en résulte une baisse des ressources de la sécurité sociale. Celle-ci est compensée par l’impôt, me direz-vous. Pourtant, dans le même temps, vous refusez de recourir à l’impôt pour financer la sécurité sociale ! C’est la quadrature du cercle.

Il faut créer de l’emploi pour générer des cotisations et rétablir un cercle vertueux, dans lequel tout travail produit de la cotisation. Celle-ci est l’assurance de notre cohésion et de notre solidarité nationale.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Ces amendements permettent de remettre le débat où il doit être : parlons donc de la question des cotisations ! Le système fonctionne, mais à condition qu’il ne soit pas mis à mal par les politiques ultra-libérales que vous défendez. Selon tous les économistes, les allègements de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC, qui coûtent 2 milliards d’euros chaque année, n’ont aucune utilité en termes d’emplois, d’investissements ou de compétitivité. Une telle somme pourrait être consacrée au système des retraites.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Il vise à revenir progressivement sur l’allègement de cotisations patronales qui s’est substitué au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), qui représente une exonération de plus de 20 milliards d’euros chaque année, pour 200 000 emplois préservés ou créés, selon les différentes études.

Nous sommes dans le cas typique où une diminution d’impôt a été transformée en baisse de cotisations. Le choix budgétaire de l’État en faveur des entreprises a désarmé la sécurité sociale.

Enfin, l’allègement ne concerne pas seulement les 25 % d’entreprises soumises à une concurrence internationale et donc susceptibles de délocaliser, mais également les banques ou la grande distribution.

Mme Eva Sas. Mon amendement vise à conditionner les dispositifs généraux d’exonération de cotisations. Ainsi, les grandes entreprises ne bénéficieraient plus d’exonérations de cotisations si elles ne remplissent pas des obligations en matière climatique et sociale : publication d’un rapport relatif à la protection du climat avec leurs objectifs annuels de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, maintien des emplois en France, politique d’égalité entre les femmes et les hommes, publication d’indicateurs relatifs à l’emploi des salariés âgés. Les entreprises doivent être actrices des évolutions sociétales.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. La baisse des cotisations a favorisé le retour à l’emploi et la diminution du chômage et donc un élargissement de l’assiette de cotisations et une augmentation des recettes.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF254, CF255 et CF256 et les amendements CF392 et CF358.

Amendements CF353 et CF354 de Mme Eva Sas (discussion commune).

Mme Eva Sas. L’amendement CF353 encadre par la loi la détermination des cotisations patronales déplafonnées affectées à l’assurance vieillesse en leur imposant un taux de 2 %, c’est-à-dire 0,1 point de plus qu’actuellement. À l’inverse du report de l’âge légal de départ à la retraite, l’augmentation marginale de cotisation patronale permet d’équilibrer le système d’une façon bien plus équitable en mettant à contribution l’ensemble des entreprises. Ces amendements évitent de prolonger la vie active jusqu’au seuil de l’espérance de vie en bonne santé, actuellement de 64,4 ans pour les hommes et 65,9 ans pour les femmes. Ils garantissent le droit à la retraite pour tous et, pour ceux qui ont la chance de survivre, la possibilité d’en profiter en bonne santé.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable pour les raisons déjà évoquées. De plus, votre amendement fixe des taux de cotisation de… 2015 à 2023.

La commission rejette successivement les amendements CF353 et CF354.

Amendement CF395 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Il vise à moduler les cotisations sociales en fonction de politiques salariales respectueuses de l’environnement et des personnels.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Je m’étonne que vous cherchiez à fixer directement les taux dans la loi en faisant fi du paritarisme.

M. William Martinet (LFI-NUPES). C’est une réponse particulièrement piquante, alors que c’est votre réforme de l’assurance chômage, pilotée par décret, qui a détruit le paritarisme.

La commission rejette l’amendement CF395.

Amendements identiques CF 308 de M. Hadrien Clouet, CF309 de M. François Ruffin et CF310 de Mme Rachel Keke.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Connaissez-vous la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ? Lisez-vous Politis ? Êtes-vous accros aux déficits ? La Première ministre prévoit d’augmenter le taux de cotisation vieillesse pour les employeurs en contrepartie d’une baisse du taux de cotisation pour la branche AT-MP dont la caisse, selon elle et vous, serait excédentaire. Mais en fait, cet excédent est versé à l’assurance maladie pour compenser les sous-déclarations d’accidents du travail. En le supprimant, vous priverez cette dernière d’environ 800 millions d’euros.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Je m’étonne que vous vouliez instaurer des « majorations spécifiques lorsque l’indice de sinistralité de ces entreprises, au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles et particulièrement au titre du syndrome d’épuisement professionnel, est supérieur à un [certain] seuil ». Comment déterminez-vous ce seuil ? Que se passe-t-il pour une petite entreprise dont le taux de sinistralité est bas mais dont un seul accident du travail suffirait à faire flamber le taux AT-MP ? Ce serait la double peine !

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). C’est le principe de la branche AT-MP : plus la sinistralité est élevée, plus les cotisations le sont !

Pourrais-je avoir une réponse sur le déficit de 800 millions que vous êtes en train de creuser sur le dos de l’assurance maladie ?

La commission rejette les amendements identiques CF 308, CF309 de M. François et CF310.

Amendements identiques CF311 de M. François Ruffin, CF312 de M. Hadrien Clouet et CF313 de Mme Mathilde Panot.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Ces amendements visent à faire en sorte les entreprises de plus de cinquante salariés qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité salariale contribuent davantage au système de retraite.

L’égalité salariale entre les femmes et les hommes constitue un enjeu financier important. Dans le secteur privé, les femmes gagnent en moyenne 28,5 % de moins que les hommes. Elles travaillent plus souvent à temps partiel et dans des métiers moins bien payés. En neutralisant l’effet des temps partiels et des heures supplémentaires et complémentaires, le salaire annuel net moyen des femmes en équivalent temps plein est toujours inférieur de 16,8 % à celui des hommes, écart qui s’explique en partie par la discrimination salariale mais aussi parce que les femmes occupent plus souvent que les hommes des positions socioprofessionnelles moins favorables, dans des secteurs d’activité́ moins rémunérateurs. Même à temps de travail et à poste équivalent, l’écart de salaire est toujours de 5,3 %. Ainsi, on peut estimer qu’à partir du début novembre jusqu’à la fin de l’année, les femmes travaillent gratuitement.

De surcroît, les femmes représentent 80 % des travailleurs pauvres et la course à la précarisation les touche de plein fouet. Malgré les lois successives en matière d’égalité professionnelle, les écarts en termes de salaire ne se réduisent pas. Si le rythme reste le même, les femmes devraient gagner autant que les hommes d’ici… 2234.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. S’il importe en effet d’améliorer la rémunération des femmes, la mesure que vous proposez ne me paraît pas adaptée, notamment au texte que nous examinons, qui est consacré au financement de notre système de retraite.

Je crois davantage aux mesures qui favorisent l’accès des femmes à l’emploi et qui leur permettent d’évoluer professionnellement, par exemple celles permettant le développement de la garde d’enfants. Mon avis est défavorable.

M. le président Éric Coquerel. L’index de l’égalité professionnelle est inefficace et l’index sur l’emploi des seniors que vous entendez instaurer le sera tout autant.

L’Islande a estimé, il y a quelque temps, que la seule façon de parvenir à l’égalité salariale entre hommes et femmes serait de passer par des mesures contraignantes. Le succès a été frappant : partant d’un niveau proche du nôtre, ils en sont à une égalité salariale quasiment parfaite. Une telle politique permet en outre de créer plus de salaire socialisé – ce que vous appelez des charges et que j’appelle des cotisations – et donc plus de rentrées pour les caisses de la sécurité sociale. Une égalité salariale effective rapporterait 5 milliards d’euros supplémentaires, ce qui représente la moitié du déficit affiché. Il est plus que temps de procéder ainsi.

M. Sylvain Maillard (RE). Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes sont encore trop importantes mais la comparaison avec l’Islande, pays de 370 000 personnes, ne me paraît pas très probante. De plus, des avancées ont été réalisées, avec par exemple la loi dite Rixain visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Nous obtiendrons des résultats certes à travers des obligations, mais également un accompagnement.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. D’une manière générale, je crains que les contraintes soient contreproductives et que la pénalité, en l’occurrence, serve de prétexte aux entreprises pour s’affranchir de leurs obligations.

La commission rejette les amendements identiques CF311, CF312 et CF313.

Amendements identiques CF314 de Mme Mathilde Panot, CF315 de M. Hadrien Clouet et CF316 de Mme Rachel Keke.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Il vise à faire davantage contribuer les entreprises qui pratiquent cette infamie sociale que sont les licenciements boursiers, dont le seul objectif est d’améliorer les bénéfices et les dividendes alors même que l’entreprise est en bonne santé.

La mortalité des personnes qui sont au chômage est trois fois supérieure aux autres. Le nombre de morts – dont les suicides – est estimé chaque année à plus de 14 000.

Nous refusons de nous résigner à l’horizon d’un allongement du sas de précarité avant d’atteindre l’âge de la retraite, puisque le passage de 60 à 62 ans a déjà augmenté de seize points le taux de personnes ni en emploi, ni en retraite. Je rappelle que seulement 60 % des gens passent de l’emploi à la retraite sans période de chômage, d’invalidité ou d’inactivité, et que seulement 2 % des plus de 50 ans trouvent un emploi dans le mois suivant leur inscription à Pôle emploi.

Par ailleurs, les seniors sont particulièrement touchés par le chômage de longue durée puisqu’ils sont plus de 60 % à le subir parmi les plus de 60 ans.

Je précise, enfin, qu’il s’agit d’un amendement de repli pour nous puisque nous souhaitons une interdiction des licenciements boursiers.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable à cet amendement qui prévoit une double peine : des salariés se font virer et ceux qui restent sont punis !

La commission rejette les amendements identiques CF314, CF315 et CF316.

Amendements identiques CF251 de Mme Rachel Keke, CF252 de M. François Ruffin et CF253 de Mme Mathilde Panot, amendements identiques CF269 de Mme Rachel Keke, CF270 de Mme Mathilde Panot et CF271 de M. François Ruffin, amendements identiques CF305 de Mme Mathilde Panot, CF306 de M. Hadrien Clouet et CF307 de Mme Rachel Keke, amendement CF348 de Mme Eva Sas, amendements identiques CF272 de M. François Ruffin, CF273 de Mme Mathilde Panot et CF274 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). En raison des exonérations et des réductions de cotisations accordées aux entreprises – sans aucun effet sur l’investissement ou l’emploi – près de 90 milliards d’euros sont perdus chaque année. À l’issue de la pandémie, près de 30 000 emplois ont été supprimés en France par les entreprises du CAC 40. La moindre des choses, pour bénéficier de ces exonérations, serait de s’assurer de contreparties sociales et environnementales. Arrêtez de jeter de l’argent par les fenêtres !

Mme Eva Sas. L’amendement CF348 reprend celui que Sacha Houlié avait défendu lors de la discussion du PLFSS pour 2023. Il vise à supprimer la réduction de 1,8 point du taux de cotisations d’allocations familiales pour les rémunérations comprises entre 2,5 et 3,5 SMIC. Dans une note de 2019, le Conseil d’analyse économique (CAE) recommande l’abandon de ces exonérations sans effet sur l’emploi et la compétitivité ­ ce sont donc encore des cadeaux aux entreprises.

Puisque le Gouvernement nous explique qu’il faut trouver plus de 13 milliards d’euros pour financer le système des retraites, commençons par récupérer les 3,1 milliards d’euros que coûtent ces exonérations !

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Une égalité salariale effective entre les femmes et les hommes rapporterait en effet 5 milliards d’euros aux caisses de retraite.

Par ailleurs, nous constatons que plus les métiers se féminisent, plus les salaires diminuent : c’est le cas pour les enseignants, les médecins, les avocats. Parce que nous avons besoin d’imposer aux entreprises des contreparties restrictives et dissuasives, nous proposons de supprimer les exonérations en cas de non-respect de l’égalité salariale.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Les inégalités de salaires ont des conséquences individuelles, certes, puisque les femmes, faute d’avoir pu cotiser suffisamment, ont des difficultés à avoir une pension de retraite digne de ce nom, mais également des conséquences collectives touchant l’ensemble du financement des retraites.

Si je résume : plus de cotisations, c’est bien ; moins de cotisations, c’est la destruction du système des retraites. Les amis de la cotisation ici, c’est nous ! Je sais que cela vous fait mal de l’entendre !

L’amendement CF273 est simple : les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité salariale n’ont pas droit aux exonérations de cotisations.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Votre logique reste la même : suppression de niches sociales, augmentation de cotisations pour les entreprises… Nos philosophies divergent.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je rappelle que les coûts de la main-d’œuvre, en France, sont parmi les plus élevés d’Europe : 37,90 euros brut de l’heure en 2021 contre 32,80 dans la zone euro et 29,10 au sein de l’Union européenne (UE).

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je veux bien discuter tant que vous voulez du coût du travail, mais vous ne pouvez pas nier que les femmes sont sous-payées. Chez moi, en Seine-Saint-Denis, elles se lèvent tous les jours de bonne heure pour se rendre dans les beaux quartiers de Paris, où elles s’occuperont des enfants, des personnes âgées, du ménage, et tout cela pour une retraite de misère ! Certaines d’entre elles travaillent jusqu’à 67 ans pour avoir une retraite complète et continuent un an de plus pour aller chercher la surcote ! Ces femmes sont épuisées !

M. Mohamed Laqhila (Dem). Je n’ai pas parlé des femmes.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’égalité entre les femmes et les hommes est l’objet même de l’amendement.

Faisons en sorte que seules les cotisations financent le système de retraite et supprimons ces exonérations inacceptables ! Il n’est pas admissible qu’une entreprise qui discrimine les femmes soit, par-dessus le marché, exonérée de cotisations.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF251, CF252 et CF253, les amendements identiques CF269, CF270 et CF271, les amendements identiques CF305, CF306 et CF307, l’amendement CF348, les amendements identiques CF272, CF273 et CF274.

Amendements identiques CF257 de M. Hadrien Clouet, CF258 de Mme Rachel Keke et CF259 de Mme Mathilde Panot.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Paraît-il qu’il manque 2 milliards d’euros pour combler le trou du système de retraites ? C’est en raison des exonérations de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires. Nous proposons donc de supprimer cette disposition, dont nous disons depuis longtemps qu’elle fait courir des risques à la sécurité sociale.

En acceptant cet amendement de bon sens, vous manifesteriez votre volonté de co-construction. J’entends en effet beaucoup parler de concertation mais je la vois très peu, y compris au sein de notre commission.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. De nombreux salariés recourent aux heures supplémentaires afin de compléter leur salaire.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ce type de mesure avait aussi pour but de favoriser le pouvoir d’achat. Prenons garde à ne pas balayer d’un revers de la main les heures supplémentaires, primes et autres, qui ont amélioré le quotidien de beaucoup de Français.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Une amélioration du pouvoir d’achat qui se fait au bénéfice du brut mais au détriment du net n’en est pas une, c’est un transfert d’argent d’une poche à une autre. Nous ne proposons pas la suppression du système des heures supplémentaires mais de faire en sorte que les employeurs s’acquittent des cotisations vieillesse – qui ne se montent pas à grand-chose !

La commission rejette les amendements identiques CF257, CF258 et CF259.

Amendements identiques CF237 de Mme Rachel Keke, CF238 de Mme Mathilde Panot et CF239 de M. François Ruffin.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Selon le journal La Tribune, les actionnaires du CAC 40 ont bénéficié de 80 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions en 2020 – un record. Taxer ces dividendes à 12,5 % permettrait de payer le fameux déficit des retraites dont vous nous parlez à longueur de temps. Nous vous proposons de prendre un peu plus à ceux qui font de l’argent en dormant, pour permettre à ceux qui font de l’argent en travaillant de vivre de leur travail.

M. le président Éric Coquerel. Les dividendes n’existeraient pas sans le travail. En leur appliquant le taux de cotisation de base, on fait plus qu’équilibrer le système : on crée des marges de manœuvre, qui nous rapprochent de l’objectif de la retraite à 60 ans. Il faut que le capital cotise à la même hauteur que le travail. Comment faire pour que tout ce qui est produit par le travail, y compris ce qui sert à la rente capitaliste, se voie appliquer les mêmes cotisations que le revenu du travail ?

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Par nature, les dividendes sont fluctuants. Les soumettre aux cotisations sociales n’est pas la bonne solution pour financer de manière pérenne le système des retraites. On pourrait combler le déficit la première année mais que faire la deuxième, si les dividendes s’effondrent ? Mon avis est défavorable.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Une question philosophique est posée, celle de l’imposition du capital et du travail – des revenus au sens large. Selon un rapport du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (France stratégie), les revenus du patrimoine et du capital sont taxés à hauteur de 23 % en moyenne en France, contre 20 % dans l’ensemble de l’UE : on ne peut pas dire que nous sommes moins-disants !

Par ailleurs, la nature de ces revenus n’a rien à voir : le capital est un stock, non un flux ; les plus-values sont un revenu exceptionnel, non récurrent. François Hollande avait voulu les assujettir à l’impôt sur le revenu. Cette proposition avait abouti au mouvement des « pigeons ». Les entrepreneurs ne sont pas des pigeons, ils n’ont pas vocation à être taxés sur un patrimoine qui n’est en aucun cas un revenu, a fortiori récurrent.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Il s’agit de soumettre les revenus des dividendes aux cotisations sociales. Il n’y a pas de confusion entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. Cet argument tombe.

M. Lefèvre a dit que la France taxait davantage que la moyenne des pays de l’Union européenne, mais elle est aussi le pays qui verse le plus de dividendes aux actionnaires – 259 milliards d’euros en 2020. Que ce soit pour les entreprises du CAC 40 ou pour toutes les entreprises, la question d’intégrer les revenus des dividendes au barème des cotisations sociales se pose.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le débat vise à déterminer ce qui doit servir à financer les retraites – revenus du travail ou revenus du capital. Les députés de La France insoumise contestent les difficultés de financement des retraites et l’existence d’un déficit. Mais M. Guiraud a reconnu que celui-ci existe à terme. Cela montre qu’il faut réformer notre système de retraites par répartition pour le maintenir.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Les dividendes seraient exceptionnels mais en vingt ans, ils ont augmenté de 269 %. Quant aux variations, c’est la même chose pour les actifs. Le chômage augmente ou baisse, comme les rentrées dans la caisse. Il s’agit de faire en sorte que tout ce qui est produit par le travail – dividendes ou revenus des travailleurs – contribue de la même manière.

La commission rejette les amendements identiques CF237, CF238 et CF239.

Amendement CF345 de Mme Eva Sas, amendements identiques CF225 de Mme Rachel Keke, CF226 de M. François Ruffin et CF227 de Mme Mathilde Panot, et amendements identiques CF232 de Mme Rachel Keke, CF234 de M. Hadrien Clouet et CF235 de M. François Ruffin (discussion commune).

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). L’amendement CF345 vise à supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale pour l’intéressement, les réserves de participation et l’abondement versé dans le cadre des plans d’épargne salariale. Une part de plus en plus importante de la rémunération est constituée de ces dispositifs dits de partage de la valeur donnant lieu à une rémunération variable, non génératrice de droits. Or ils ne changent pas le partage effectif de la valeur entre salariés et détenteurs du capital puisque celui-ci reste stable quand de tels dispositifs se développent.

Nous proposons de soumettre cette part de rémunération aux cotisations de retraite, pour qu’elle vienne contribuer à l’équilibre du système puis générer des droits nouveaux pour les salariés, donc augmenter leur pension.

D’après l’économiste Michaël Zemmour, la suppression de cette exonération peut rapporter près de 3,5 milliards d’euros par an au système de retraite : il n’y a donc aucun besoin de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Assurer l’équilibre du système par les cotisations n’est pas une position conjoncturelle qui dépendrait de son caractère excédentaire ou déficitaire : c’est une question de principe. Vous avez joué les Cassandre et présenté le système comme étant en danger, ce qui justifie de travailler jusqu’à 64 ans. Vous vous opposez à toutes les propositions de recettes que nous faisons, tout en criant au problème de financement. Les Français voient votre hypocrisie – 93 % des actifs sont contre cette réforme. Quand vous refusez d’augmenter les salaires pour essayer de trouver des augmentations de pouvoir d’achat non soumises à cotisations, vous privez les Français non seulement d’une augmentation de salaire mais aussi d’une retraite digne. Voilà la réalité que les Français sont en train de découvrir.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Il y a un léger trou – de 2 milliards d’euros –, que vous avez creusé parce que vous avez exonéré de cotisations les heures supplémentaires, pour un même montant. Le système se rééquilibrera à l’horizon de 2050 ou 2070. Notre responsabilité est de faire preuve d’imagination politique, pour rechercher le bien commun ; ce n’est pas de faire travailler les gens plus longtemps, mais de demander, par exemple, de soumettre les revenus d’intéressement à l’assiette de cotisations sociales. J’espère que cela est clair, sans quoi nous allons tourner en rond.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Madame Garrido, vous opposez le salaire et les dispositifs de participation et d’intéressement. Il faut les distinguer : la dynamique salariale est décorrélée de ces dispositifs. Lorsque, dans ma vie professionnelle, j’étais chargée des ressources humaines, nous avons augmenté les salaires et distribué de la participation et de l’intéressement. Ces dispositifs intéressants et redistributifs font partie des éléments de négociation au sein des entreprises : beaucoup de salariés les attendent car ils leur apportent du pouvoir d’achat et leur permettent de réaliser des projets personnels ou professionnels. Si on veut les freiner, on accepte votre proposition. Mon avis est défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Dans cette liste d’amendements, tout y passe – salaires, dividendes, participation, intéressement. Les Français ne sont pas dupes de votre prisme et sont toujours en train de se demander à quelle sauce vous les mangerez. Vous ne pouvez pas dire qu’ils vivent à l’euro près – c’est le cas pour certains d’entre eux – et revenir sur tout ce que nous faisons pour leur pouvoir d’achat, notamment la défiscalisation des heures supplémentaires ou la réduction des cotisations pour les salaires ne dépassant pas 1,6 fois le SMIC. Vous dites qu’il est terrible pour les salariés qu’une entreprise ferme, mais quand on crée 200 000 emplois, vous vous plaignez que cela coûte cher et que les mesures de soutien à l’économie ne sont pas nécessaires. Je vois là beaucoup de contradictions.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Nos propositions ne visent pas à interdire l’intéressement – les grandes entreprises concernées ont bien le droit de le faire. Ce que nous voulons, c’est intégrer ces sommes à l’assiette de la cotisation de retraite. Vos dispositifs d’incitation créés cet été avaient pour alternative d’augmenter les salaires : il fallait augmenter le salaire minimum à 1 800 euros et indexer les salaires sur l’inflation. L’augmentation des salaires, voilà ce qu’attendent les Français. En créant des dispositifs nouveaux, comme la prime dite Macron, que j’appelle prime gilets jaunes – ce sont eux qui l’ont obtenue –, ou l’intéressement, vous avez créé des excuses pour les patrons qui ont besoin d’augmenter les salaires afin de retenir leur main-d’œuvre. Vous leur avez trouvé des niches sociales pour qu’ils utilisent ces dispositifs plutôt que d’augmenter les salaires.

Le pouvoir d’achat est bien mieux défendu par nous : avec vous, ils perdent deux fois, en salaire et en retraite.

La commission rejette successivement l’amendement CF345, les amendements identiques CF225, CF226 et CF227, et les amendements identiques CF232, CF234 et CF235.

Amendements identiques CF240 de M. François Ruffin, CF241 de M. Hadrien Clouet et CF242 de Mme Mathilde Panot.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Les Français ne sont pas dupes : ils voient que, pour combler le déficit que vous avez créé, nous sommes en train d’essayer de trouver des solutions autres qu’allonger leur temps de travail et leur supprimer deux ans de vie à la retraite.

Les amendements visent à soumettre les rachats d’actions à l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Ces rachats, qui explosent dans notre pays, constituent une nouvelle façon de rémunérer grassement les actionnaires. Il s’agit pour une entreprise de racheter puis de détruire ses propres actions afin que les actions restantes gagnent artificiellement de la valeur : ce sont les entreprises qui financent les actionnaires, non l’inverse. Le capitalisme marche sur la tête. Face à cette absurdité, le Gouvernement laisse les marchés financiers faire la fête. Votre réforme ne fera qu’aggraver ce phénomène : en maintenant des millions de seniors sur le marché du travail, elle va comprimer les salaires donc augmenter les marges des entreprises. Celles-ci pourront alors acheter encore plus d’actions, pour la plus grande joie des actionnaires.

Il est temps de casser cette logique absurde et injuste. Il faut que les actionnaires participent à la solidarité nationale par le financement de la sécurité sociale, à la hauteur de leurs moyens – élevés. Les rachats d’actions représenteraient 23 milliards d’euros en 2021 pour les seules entreprises du CAC 40. En appliquant à ce montant le même taux de cotisation qu’aux salaires, soit 17 %, on pourrait récupérer plus de 4 milliards d’euros pour financer le régime des retraites.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Le rachat d’actions ne concerne pas que les gros actionnaires milliardaires : les salariés des entreprises en profitent aussi. En outre ces revenus, qui ne sont pas des revenus d’activité à proprement parler, sont assujettis à l’impôt sur le revenu. Ils sont fluctuants – si, demain, l’action s’effondre, la création de richesse estimée disparaît. Ils ne doivent pas entrer dans le financement de notre système de retraites. Mon avis est défavorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Pour les sociétés d’exercice libéral, il existe des dispositifs visant à soumettre les dividendes aux cotisations sociales.

Je suis favorable à ce qu’on réfléchisse à une taxation de certains surdividendes. Les dividendes sont versés après le paiement de l’impôt sur les sociétés. Le salaire, lui, est une charge déductible. Cela n’est pas la même chose.

Vous êtes contre la participation, l’intéressement des salariés, le rachat d’actions, mais de nombreux rachats d’actions se font au bénéfice des salariés. Avec la distribution d’actions gratuites, ce sont des systèmes relativement anciens d’intéressement. C’est une vision du partage de la richesse – je n’affectionne pas l’expression –, d’intéressement et de motivation des salariés.

Les entrepreneurs qui ont versé des primes n’ont pas baissé les salaires ou refusé de les augmenter. Ils ont plutôt fait les deux. C’est la vraie vie des entreprises.

M. le président Éric Coquerel. Les entreprises ont choisi les primes. Dès lors qu’il existe un dispositif de défiscalisation ou d’exonération de cotisations, il est utilisé. J’ai été chef d’entreprise : si vous avez le choix d’équilibrer vos comptes ainsi, vous le faites, c’est naturel. De même, vous affectez vos bénéfices à un mode de paiement par dividendes, qui coûte moins cher que d’autres modes de rétribution, puisqu’il y a la flat tax.

Dès lors que vous offrez aux entreprises des moyens de payer le travail sans cotisation, elles les choisissent. Ce n’est pas lié à la relation avec les salariés, mais au fait d’être sur un marché concurrentiel : les entreprises doivent faire en sorte d’avoir le plus de marge bénéficiaire et se saisissent des outils à leur disposition. Sans eux, elles seront obligées de payer en salaire. C’est la réalité.

Mme Prisca Thevenot (RE). J’entends votre raisonnement mais la réalité du marché est autre. Les chefs d’entreprise ne sont pas en opposition permanente, constante et viscérale avec leurs salariés. Tout dirigeant, quelle que soit la taille de son entreprise – il n’y a pas que des grandes entreprises mais essentiellement des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) – veut conserver ses salariés, non seulement pour des aspects humains, pour les liens qu’ils ont tissés, mais en raison du coût des départs. Passer du temps à recruter et à former coûte cher. Il ne s’agit pas d’un moment d’affrontement entre chefs d’entreprise et salariés.

M. le président Éric Coquerel. Je n’ai pas parlé d’opposition, ni d’affrontement.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Vous nous parlez de la réalité des entreprises : nous la connaissons aussi bien que vous car nous aussi, nous travaillons dans le privé et nous avons fait les mêmes études que vous. La réalité des entreprises c’est qu’elles ont une enveloppe à attribuer chaque année pour l’augmentation de la masse salariale. Comme l’a dit le président Coquerel, elles arbitrent entre différents dispositifs – augmentations de salaire, primes de partage de la valeur, dispositifs d’intéressement.

La mission d’information sur le partage de la valeur au sein des entreprises que nous menons et les enquêtes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montrent un effet de substitution à court terme entre les augmentations de salaire et la prime de partage de la valeur. À moyen terme, il n’y a aucune déformation en faveur des salariés du partage de la valeur ajoutée alors que ces dispositifs de prétendu partage augmentent de plus en plus. La part variable de la rémunération augmente.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Sur le marché du travail, les tensions sont telles que l’antinomie que vous créez entre salaires et primes n’est plus d’actualité dans de nombreux secteurs, voire partout. Il y a une telle concurrence en matière de main-d’œuvre, une telle pénurie dans certains secteurs, notamment l’hôtellerie et la restauration, que les chefs d’entreprise augmentent les salaires et donnent des primes, sans quoi ils perdent leurs salariés. Il ne faut donc pas opposer les deux logiques.

M. le président Éric Coquerel. Nous en parlerons avec des chiffres.

La commission rejette les amendements identiques CF240, CF241 et CF242.

Amendements CF351 de Mme Eva Sas et CF394 de M. Nicolas Sansu (discussion commune).

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Il s’agit d’assujettir les revenus financiers des sociétés financières et non financières au taux de cotisation patronale d’assurance vieillesse, pour dégager une trentaine de milliards d’euros de ressources. En 1990, avec une retraite à 60 ans, les exonérations de cotisations sociales représentaient 1 % du produit intérieur brut (PIB), contre 3,2 % aujourd’hui. On doit se demander ce que l’on veut pour financer des retraites dignes pour tout le monde.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Le dispositif même de votre amendement définit en fait les revenus financiers des prestataires de services comme la somme des dividendes. Nous avons donc déjà eu ce débat. Mon avis est défavorable.

Mme Véronique Louwagie (LR). Si les chefs d’entreprise cherchent naturellement à équilibrer leur compte d’exploitation pour investir et développer leur activité, ils se préoccupent beaucoup de conserver leurs équipes. Aujourd’hui, la valeur d’une entreprise est celle de son potentiel humain, des hommes et des femmes qui la composent.

Il est faux de dire que, d’une manière générale, on substitue des primes aux augmentations de salaire : ce sont des cas à la marge. Un grand nombre d’entreprises ont augmenté leurs salaires dans les derniers mois. Celles qui l’ont pu, et qui y ont trouvé un intérêt, ont attribué la prime de partage de la valeur – les règles d’attribution à l’ensemble des équipes, de la même manière, ne conviennent pas à toutes. On fait un mauvais procès aux entreprises, et je veux saluer les chefs d’entreprise qui se défendent, malgré les nombreuses difficultés actuelles.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Cet été, vous annonciez à cor et à cri que 20 millions de Français pourraient bénéficier d’une prime de partage de la valeur de 6 000 euros. La réalité est la suivante : en 2022, 730 000 personnes ont touché une moyenne de 710 euros. Cela représente 0,03 % de la force de travail concernée, ce qui prouve que la seule façon efficace d’obtenir une augmentation générale des salaires pour compenser la perte de salaire due à l’inflation était d’indexer les salaires sur l’inflation et d’augmenter le salaire minimum.

Même si vos primes concernent peu de Français, ce sont des cotisations perdues pour le système des retraites, pour lesquelles vous justifiez que nos concitoyens doivent travailler jusqu’à 64 ans. Vous les pénalisez deux fois : vous n’augmentez pas leur salaire et vous baissez leur retraite.

La commission rejette successivement les amendements CF351 et CF394.

Amendements identiques CF17 de M. Philippe Brun, CF260 de M. Hadrien Clouet, CF261 de M. François Ruffin, CF262 de Mme Rachel Keke et CF359 de Mme Eva Sas, amendement CF18 de M. Philippe Brun (discussion commune).

M. Philippe Brun (SOC). L’objet de ces amendements est de créer une surcotisation sur les hauts salaires, au bénéfice de l’assurance vieillesse, pour résorber le déficit temporaire de notre système de retraite, lié au départ en retraite de la génération née après la guerre.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je crains que ces amendements ne provoquent l’effet inverse de celui qui est visé. Vous souhaitez augmenter le taux de cotisation de l’assurance vieillesse pour les revenus au-dessus du PASS, mais ces amendements entraîneront surtout une diminution pour les revenus au-dessous de ce plafond. Compte tenu de l’assiette, le rendement global diminuera. Mon avis est défavorable.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF17, CF260, CF261 et CF262, l’amendement CF359 et l’amendement CF18.

Amendement CF196 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Il s’agit de corriger une anomalie. Les jeunes agriculteurs ne peuvent pas cumuler le dispositif permettant une réduction des taux de cotisation et celui prévoyant des exonérations pour les jeunes agriculteurs, comme il est possible de le faire pour les bénéficiaires de l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (ACRE). En adoptant cet amendement, nous ne ferions qu’un petit pas, mais tout est bon à prendre quand il s’agit de faciliter l’installation des jeunes agriculteurs et d’améliorer leur vie au quotidien. Outre les enjeux économiques, il y va de notre souveraineté alimentaire.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Il me semble difficile d’autoriser ce cumul. En revanche, je vous rejoins quant aux difficultés que rencontrent les agriculteurs. Un colloque consacré aux reprises d’exploitation a eu lieu cette semaine. Il y a été question, notamment, des aides dont peuvent bénéficier les jeunes agriculteurs. Certaines choses doivent être améliorées, en effet.

La commission rejette l’amendement CF196.

Article 4 : Tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Amendements de suppression CF3 de M. Philippe Brun, CF324 de M. Hadrien Clouet et CF369 de Mme Eva Sas.

M. Philippe Brun (SOC). Nous sommes opposés à cet article qui entérine la réforme des retraites, en particulier le recul de l’âge légal de départ. Celui-ci serait désormais fixé à 64 ans, ce qui est inacceptable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). L’article 4 présente le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de sécurité sociale pour l’année 2023. Le Gouvernement a choisi un PLFRSS comme véhicule législatif pour cette réforme. Or l’effet réel des nouvelles règles sur l’exercice en cours est très limité : en reculant au mois de janvier 2024 au lieu de septembre 2023 le départ à la retraite des personnes nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961, vous obtiendrez une baisse des dépenses de l’ordre de 200 millions d’euros en 2023. Au regard de l’enjeu financier global de la réforme, qui se situe aux alentours de 18 milliards d’euros, c’est epsilon. Il est donc inconstitutionnel de passer par un PLFRSS pour modifier le système des retraites. C’est un contournement de la procédure, qui constitue une atteinte grave à la démocratie.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. D’abord, madame Garrido, vous mélangez les choux et les carottes. Il s’agit ici de l’exercice 2023 et le tableau présente effectivement une différence de 400 millions par rapport aux prévisions initiales. Or vous comparez cela au déficit de 18 milliards d’euros que connaîtra le système de retraite. L’échelle de temps n’est pas du tout la même.

Ensuite, vous évoquez l’inconstitutionnalité du texte. Je vous confirme que si nous supprimions l’article comportant le tableau d’équilibre, nous enfreindrions une règle constitutionnelle, car selon la loi organique ce tableau est obligatoire.

Mon avis est défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je parlais non pas du déficit de 18 milliards d’euros, mais des recettes nouvelles que vous créez en imposant de travailler deux années supplémentaires. C’est là le cœur de la réforme. Or, par rapport à la masse d’argent qui est jeu, les 200 millions d’euros en question – ou 400 millions si vous préférez vous fonder sur le chiffre mis en avant par le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui inclut d’autres éléments – représentent une somme marginale. Cela ne relève pas d’un PLFRSS. Autrement dit, vous détournez la procédure. L’article 47-1 de la Constitution ne peut pas être utilisé pour des sommes ne concernant pas l’exercice en cours. L’exécutif a le droit de mobiliser cet article lorsque la continuité financière est en jeu. Tel n’est pas le cas, à l’évidence, puisque les incidences financières sur l’exercice 2023 sont très limitées.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. D’abord, si nous sommes saisis de ce texte, c’est parce qu’il y a urgence, même si vous le niez – encore que votre discours ait un peu évolué sur ce point : vous avez reconnu qu’il y avait un déficit et qu’il fallait le combler.

Ensuite, nous voulons que ces mesures aient un effet aussi rapidement que possible, c’est-à-dire dès 2023. Cet effet sera positif pour les retraités : 2 millions d’entre eux environ verront leur pension augmenter dès le mois de septembre.

Vous dites que cela va trop vite, mais, dès lors que l’entrée en vigueur des mesures d’âge est progressive, si nous repoussions la décision, la pente serait beaucoup plus raide par la suite.

La commission rejette les amendements identiques CF3, CF324 et CF369.

Amendement CF416 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons de réaffecter entièrement au système de retraite les 17,7 milliards d’euros de dette sociale qu’il est prévu de rembourser en 2023. Ce montant correspond à celui des économies annuelles que recherche le Gouvernement, d’ici à 2030, à travers la réforme.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. J’ai un peu de mal à comprendre la logique : vous bougez les lignes du tableau, mais vous serez quand même obligé de trouver une recette pour compenser l’opération. La mécanique ne me semble guère orthodoxe. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF416.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF67 de Mme Christine Pires Beaune.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 non modifié.

Article 5 : Prévisions des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Amendements de suppression CF4 de M. Philippe Brun, CF370 de Mme Eva Sas et CF411 de M. Thomas Ménagé.

M. Jean-Philippe Tanguy. Nous protestons non seulement contre la gestion de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), mais contre le principe même de cet organisme, qui n’est pas un bon instrument, comme le montre le coût supporté par la collectivité. Par ailleurs, durant la précédente législature, la majorité a transféré à la CADES des charges qui n’auraient pas dû lui incomber.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Nous avons déjà débattu de la CADES, ce matin. En l’espèce, vous voulez supprimer l’objectif fixé en matière d’amortissement. Or il est obligatoire de le consigner dans le texte. Mon avis est défavorable.

La commission rejette les amendements identiques CF4, CF370 et CF411.

Amendement CF346 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Le remboursement de la dette sociale par la CADES se fait au rythme de 17,7 milliards d’euros par an. Nous proposons de le différer, de manière à dégager de ressources pour assurer à court terme l’équilibre du système de retraite. L’une des nombreuses solutions possibles pour faire face au déficit raisonnable auquel ce système sera confronté serait de réduire les sommes consacrées à l’amortissement de la dette sociale et d’allonger le délai légal fixé pour son remboursement – ce qui ne peut être fait qu’à travers une loi organique.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. En proposant de différer le remboursement, vous nous rendez encore plus dépendants des marchés financiers. Je ne comprends vraiment pas cette logique, qui est à l’opposé de ce que vous défendez habituellement. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF346.

Amendement CF347 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. C’est un amendement de repli. Différer temporairement le remboursement de la dette sociale est bien plus responsable que de reporter l’âge de départ à la retraite – mesure profondément inégalitaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF347.

Amendement CF66 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Comme précédemment, nous proposons de réaffecter au système de retraite les 17,7 milliards d’euros de dette sociale qu’il est prévu de rembourser en 2023.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF66.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.

Article 6 et annexe : Rapport sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses pour les années 2023 à 2026

Amendements de suppression CF5 de M. Philippe Brun et CF371 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’article 6 vise à approuver le rapport figurant en annexe au projet de loi. Ce document traduit la façon bornée dont sont présentées par le Gouvernement les trajectoires et prévisions macroéconomiques sur lesquelles il se fonde. Le groupe Écologiste réitère son opposition à cette réforme. Ce n’est rien d’autre qu’un projet productiviste, que l’on peut résumer ainsi : travailler plus pour produire plus pour consommer plus. Ne vous en déplaise, nous ne sommes pas des fourmis !

Réformer les retraites sans penser à l’évolution du travail montre, encore une fois, l’incapacité du Gouvernement à développer une vision claire englobant l’ensemble des Français.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. L’article 6, lui aussi obligatoire, définit la trajectoire. Mon avis est défavorable.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Cet article est une nouvelle preuve de la fraude à la procédure qui est en cours. Il définit une trajectoire pluriannuelle. Or, si l’article 47-1 de la Constitution impose des délais contraints à l’Assemblée nationale et au Sénat pour l’adoption des PLFSS, c’est pour éviter le défaut de paiement au 1er janvier de l’année suivante. C’est ce que l’on appelle le shutdown aux États-Unis : certaines mesures doivent être adoptées au plus tard le 31 décembre si l’on veut que les dépenses puissent être assumées à partir du 1er janvier suivant. Il n’y a rien de tel dans le projet de loi qui nous est soumis : il s’agit de modifier les équilibres du système de financement des retraites à terme – et même à très long terme. Il n’est donc pas possible d’imposer l’adoption du texte en invoquant l’article 47-1 de la Constitution, car ce n’est pas conforme à la fonction constitutionnelle de cet article.

Les Français voient bien que vous contournez la Constitution pour vous opposer à eux – car 93 % des actifs sont contre la réforme. Ayons un peu le souci de la volonté générale et de la majorité : cela se fait, en démocratie !

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Madame Garrido, en parlant de « fraude » et de « contournement » de la Constitution, vous dépassez les bornes.

M. le président Éric Coquerel. Nous savons tous que la question constitutionnelle se pose. Même le président du Conseil constitutionnel s’interroge à ce propos.

Mme Nadia Hai (RE). Laissons-le trancher !

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La Constitution s’impose à nous tous !

M. le président Éric Coquerel. Autant que je sache, nous avons le droit de nous interroger sur la conformité à la Constitution des procédures suivies. Cela fait partie du débat politique. Or si celle qui est utilisée n’est pas conforme à la Constitution, les termes employés par Mme Garrido n’ont rien de problématique.

Mme Nadia Hai. Il est habituel de s’interroger sur la conformité des textes à la Constitution. En revanche, c’est la majorité que Mme Garrido accuse de fraude et de contournement de la Constitution. Ce sont des termes extrêmement forts. Elle les utilise uniquement parce qu’elle n’est pas d’accord sur le fond avec les mesures que contient le texte. Comme madame la rapporteure pour avis, je trouve cela totalement exagéré.

J’appelle à ce que nous discutions du fond du texte. Laissons le Conseil constitutionnel trancher la question de la conformité à la Constitution. Vous aurez tout le loisir et le droit de déposer un recours, mais chaque chose en son temps.

M. le président Éric Coquerel. Vous avez le droit de trouver ces termes exagérés ; en tant que députés, nous avons celui d’ouvrir le débat de la conformité à la Constitution, même si ce n’est pas nous qui le trancherons.

La commission rejette les amendements identiques CF5 et CF371.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de la première partie modifiée.

Deuxième partie

Dispositions relatives aux dépenses de la sécurité sociale pour l’exercice 2023

Titre Ier

Reculer l’âge de départ en tenant compte des situations d’usure professionnelle

Avant l’article 7

Amendement CF163 de M. Fabrice Brun.

M. Fabrice Brun (LR). Il s’agit de graver dans l’intitulé du titre Ier de la deuxième partie de la loi les termes « pénibilité des métiers ».

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Cette modification ne me semble pas nécessaire, car l’intitulé du titre Ier introduit déjà la notion d’« usure professionnelle », terme générique qui inclut la pénibilité. Mon avis est défavorable.

M. William Martinet (LFI-NUPES). L’avis de Mme la rapporteure pour avis ne nous surprend pas : en 2017, le Président de la République lui-même avait modifié le nom du compte pénibilité parce qu’il ne supportait pas l’idée d’associer la notion de pénibilité au travail. Malheureusement, pour des millions de Français, les deux sont bel et bien liés, parce que le travail use le corps et l’esprit.

Même quand on l’aime, que l’on est investi et que l’on pense que l’on fait quelque chose d’important, le travail peut être pénible. Or c’est précisément aux personnes confrontées à la pénibilité que vous allez demander de travailler plus longtemps. Cela confirme le caractère injuste de votre réforme.

Même si l’amendement CF163 est de nature symbolique, nous le soutiendrons. Oui, il y a des métiers pénibles. Il faut oser le dire ; il faut l’écrire dans la loi.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Bien sûr, le travail use, mais comme le fait la vie ! Le fait de vieillir chaque jour est une usure de la vie. J’ai souvenir d’une chanson qui commençait par « Le travail c’est la santé » : elle n’est certainement plus d’actualité…

J’ai beaucoup travaillé, en tant que rapporteure, sur la notion de pénibilité, au moment où elle a fait son apparition. Il faut éviter d’attacher à certains métiers une connotation de pénibilité, faute de quoi plus personne ne voudra les exercer. La pénibilité est liée à la capacité du corps à s’adapter à une tâche. Il faut conserver cette notion. J’y suis très attachée, mais elle dépend de l’évolution du corps de chacun, et seul un médecin peut caractériser cette situation.

La commission rejette l’amendement CF163.

Article 7 : Relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans et accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance

Amendements de suppression CF6 de M. Philippe Brun, CF325 de Mme Mathilde Panot, CF372 de Mme Eva Sas et CF412 de Mme Laure Lavalette.

M. Philippe Brun (SOC). Nous entamons donc l’examen de l’article le plus contestable et le plus contesté du texte, à savoir celui qui repousse l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.

Le report de l’âge légal fait reposer sur les personnes qui ont commencé à travailler le plus tôt – parfois dès 17 ans – le financement du déficit du système de retraite. Ainsi, 200 millions d’euros seront gagnés à leur détriment. Or ce sont les mêmes qui exercent les métiers les plus pénibles et qui sont les plus exposées aux maladies professionnelles. Elles mériteraient donc, au contraire, de partir plus tôt. C’est à cause de cette injustice que près de 75 % des Français s’opposent à la réforme.

J’espère que la commission des finances, suivant la majorité sociale du pays, s’opposera à l’article 7.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Cette disposition est le cœur de la réforme. Nous sommes absolument opposés, nous aussi, comme 80 % des Français, au report de l’âge légal à 64 ans. Selon un sondage, 68 % des Français souhaitent même un retour à la retraite à 60 ans. Certains membres du groupe Renaissance eux-mêmes disent que la réforme peut être améliorée, ce qui revient à reconnaître que le « job » n’a pas été fait avec les syndicats. D’ailleurs, ces derniers présentent un front uni contre le texte.

Au cours des dernières heures, nous vous avons proposé de nouvelles recettes ; vous les avez refusées. Du reste, le Conseil d’orientation des retraites (COR) estime que, même en l’absence de recettes supplémentaires, il n’y a pas de dynamique non contrôlée des dépenses. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le report de l’âge légal entraînera 4 000 décès supplémentaires chaque année. Enfin, selon les chiffres de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les économies réalisées ne seraient que de 2,8 milliards d’euros, au lieu des 17 milliards attendus.

Pour toutes ces raisons, la réforme est profondément injuste.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Nous souhaitons aussi supprimer cette mesure guillotine, qui vise à maintenir nos concitoyens plus longtemps sur le marché du travail, les privant d’une retraite à 62 ans bien méritée. Le Gouvernement souhaite nous faire travailler deux années supplémentaires sans que nous n’ayons rien à y gagner, hormis une centaine d’euros pour certains. Le progrès social serait au contraire d’autoriser des moments hors du travail qui soient consacrés non seulement à la récupération mais surtout à l’émancipation de chacun. Le groupe Écologiste réitère son opposition à cette violence sociale.

M. Alexandre Sabatou (RN). Le Rassemblement national est fermement opposé au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Voici trente ans que les réformes se succèdent, réduisant d’année en année les acquis sociaux et le niveau de vie sans jamais résoudre le moindre problème, sans relancer l’économie ni équilibrer les comptes publics.

Nous sommes favorables à l’avancement de l’âge légal de départ à la retraite pour les Français qui ont commencé à travailler tôt. Il existe en effet une forte corrélation entre l’entrée précoce sur le marché du travail et la pénibilité des emplois. On peine à recruter dans les métiers pénibles et mal payés. Ces filières sont abandonnées par la jeunesse : il faut les rendre attrayantes. Comme l’a proposé Marine Le Pen pendant sa campagne, abaisser à 60 ans l’âge de la retraite pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans serait un bon signal envoyé à la jeunesse et contribuerait à résoudre le problème, au lieu de l’aggraver par une réforme injuste, d’ailleurs contestée par 72 % des Français.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

Le déficit du système de retraite est indéniable. Certes, il n’y a pas de dynamique non contrôlée des dépenses, mais le solde est déficitaire et le déficit continue de s’accroître. Or un système qui n’est pas équilibré ne peut tenir ses promesses : on en vient à financer les pensions par une dette de plus en plus chère. Nous ne pouvons pas nous le permettre.

Afin de réduire ce déficit, le Gouvernement propose de recourir à la fois au levier de l’âge d’ouverture des droits et à celui de la durée de cotisation, déjà utilisé lors de la réforme Touraine. Cela a été rappelé lors de la présentation du texte et de la discussion générale : le rapport entre la population active et la population en retraite se dégrade très rapidement, pour des raisons en premier lieu démographiques.

L’action sur ces paramètres permettra d’équilibrer le régime de retraite mais n’empêchera pas une application différenciée suivant les assurés, les carrières ou les niveaux de retraite. L’un des objectifs du système de retraite est en effet de limiter les effets des inégalités de la vie sur les pensions, sans pour autant pouvoir les compenser intégralement.

Ce texte permettra donc d’équilibrer le système tout en apportant des améliorations.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Vous dites que le solde est déficitaire et que le déficit s’aggrave mais c’est inexact : le solde des régimes de retraite était excédentaire de 900 millions d’euros en 2021 et il le sera probablement de 3,2 milliards en 2022. Il serait bon que la commission des finances se prononce sur le fondement de faits vérifiés et non de propos erronés.

M. Benoit Mournet (RE). Selon le COR, la baisse des recettes s’explique pour un tiers par la démographie, pour un tiers par l’évolution de la productivité du travail et pour un tiers par les mesures d’économie sur la masse salariale publique – le président du COR ayant tendance à se focaliser sur ce dernier point. Pour rétablir l’équilibre, nous avons fait le choix difficile mais réaliste d’augmenter progressivement l’âge de départ en retraite, en combinant l’accélération de la réforme Touraine et le relèvement de l’âge légal. Sachant que l’âge effectif est actuellement de 63 ans et 3 mois, l’effort demandé correspondra à deux trimestres de travail supplémentaires, ou à trois trimestres pour les générations nées en 1965 ou 1966 ; pour les personnes nées après 1973, cela ne changera rien. En outre, 40 % des gens continueront à partir plus tôt du fait des dispositions relatives aux carrières longues, à la pénibilité, à l’invalidité ou à l’inaptitude.

Par ailleurs, le relèvement de l’âge de départ à la retraite est la mesure la plus efficace pour accroître le taux d’emploi des seniors. C’est un signal qui est envoyé aux entreprises : aujourd’hui, des travailleurs sont injustement rejetés du marché du travail dès 59 ans, et doivent rester trois ans au chômage avant de partir à la retraite. Dans tous les pays où l’âge de départ à la retraite a été relevé, cela a eu un effet favorable sur l’emploi des seniors.

Quant aux mesures alternatives, celle qui consiste à diminuer les pensions, personne ou presque ne la défend, et augmenter les cotisations reviendrait à amputer de 400 euros par mois le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Voilà pourquoi nous défendons la réforme.

M. le président Éric Coquerel. On en revient toujours au même débat. Faut-il, compte tenu des progrès accomplis en matière de santé et d’hygiène, interrompre l’évolution engagée depuis la fin du XIXe siècle, à savoir que les gens ont le droit de profiter plus longtemps des fruits de leur vie de labeur en partant à la retraite plus tôt et en bonne santé ? Depuis 2010, on est malheureusement revenu sur cette grande conquête non seulement sociale mais humaine. Vous nous proposez d’aller plus loin encore. Nous nous y opposons. Vous aurez beau dire ce que vous voulez, ce que le COR indique, c’est qu’en pourcentage du PIB, c’est-à-dire de la richesse nationale que nous produisons, le coût des retraites non seulement n’augmente pas, mais diminue. Le gâteau ne cessant de croître, quelle part entendons-nous consacrer au financement des retraites ? Cela revient à poser la question du partage de la valeur ajoutée. Depuis une trentaine d’années, c’est toujours plus de revenus pour le capital et moins pour le travail – les cotisations en faisant partie. Nous souhaitons inverser le processus. Nous avons proposé d’autres solutions, passant soit par la création d’emplois, soit par l’instauration de nouvelles cotisations. Il s’agit d’un choix de société : est-ce toujours aux mêmes de payer ou doit-on faire payer un peu plus ceux qui, depuis trente ans, profitent du système néolibéral ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Vous avez raison, monsieur le président : au-delà de la question du financement, il s’agit d’un débat de société. Ce que vous appelez de vos vœux, c’est en définitive une société sans travail. À vous entendre, c’est la nuit jusqu’à 62 ans et la libération ensuite. Désolé, mais le travail émancipe, il est vecteur de lien social, il permet de s’enrichir intellectuellement et en société, même si certains métiers sont évidemment plus difficiles que d’autres. À cet égard, on peut aussi considérer que le travail doit être rémunéré tout au long de la vie. Nous nous inscrivons en faux contre une vision antitravail qui fait du travailleur un employé aliéné au service d’une puissance supérieure et étrangère.

M. le président Éric Coquerel. Si ce que vous dites est vrai, pourquoi ne pas repousser l’âge de départ à la retraite à 80, voire 85 ans ? À vous entendre, demander à partir à la retraite serait une attitude antitravail. Personne ici n’est antitravail !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La présente réforme, qui comporte un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et surtout une accélération de la réforme socialiste dite Touraine, est en réalité une réforme contre le travail. En effet, les personnes qui ont commencé à travailler entre 20 et 22 ans et celles qui ont eu des carrières hachées vont fournir un effort disproportionné par rapport aux autres. Or elles ont souvent exercé des métiers difficiles, notamment dans le secteur du service à la personne. Il ne s’agit donc pas d’une opposition entre ceux qui défendraient le travail et ceux qui ne le défendraient pas. Au contraire, ceux qui valorisent le travail savent aussi à quel point il peut être difficile et n’a pas les mêmes effets sur les corps ; ceux qui connaissent et respectent le travail savent aussi qu’il arrive un moment où il faut, non pas libérer les gens du travail, mais les remercier pour le travail qu’ils ont accompli et la contribution qu’ils ont apportée à la société. C’est à nous, qui avons eu la chance de faire de longues études et exerçons des métiers qui n’abîment pas les corps, de les remercier, d’assumer nos responsabilités et de réaliser éventuellement un effort supplémentaire. Les « élites » devraient contribuer davantage pour remercier ceux qui permettent à la société de tenir debout. Cela, la réforme ne le prévoit pas.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Madame Sas, je confirme que dans le scénario retenu par le Gouvernement, avec une croissance de 1 % de la productivité du travail et un taux de chômage de 4,5 %, le système sera déficitaire de 1,8 milliard d’euros en 2023, de 10,7 milliards en 2025, de 13,5 milliards en 2030 et de 57,7 milliards en 2060. Les hypothèses sont par ailleurs ambitieuses, ce que nous assumons eu égard à la politique que nous conduisons. Je ne peux pas vous laisser dire qu’il n’y a pas de déficit.

La commission rejette les amendements identiques CF6, CF325, CF372 et CF412.

Amendement CF419 de Mme Marina Ferrari.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Voici l’amendement que j’évoquais dans mon propos liminaire. Il vise à inscrire une clause de revoyure qui prendra effet juste avant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2028. Un rapport serait rendu par le comité de suivi des retraites (CSR), avec le soutien de la Cour des comptes, sur les effets de la présente réforme, et ce rapport pourrait donner lieu à un débat à l’Assemblée et au Sénat. Cela permettrait aux parlementaires de se prononcer de manière éclairée, dans le cadre de l’examen du PLFSS pour 2028, sur la prorogation des dispositions que nous sommes appelés à adopter.

M. Philippe Brun (SOC). Cette idée est intéressante. Il est dommage que la clause de revoyure que nous avions proposée concernant les allégements de cotisation sur les hauts salaires n’ait pas été acceptée, alors que l’on dispose d’études montrant que les effets économiques de telles dispositions sont négatifs… Sur le principe, le groupe Socialistes et apparentés votera cet amendement, tout en souhaitant que la revoyure ne sera pas un débat de pure forme, mais qu’elle permettra d’évaluer les effets de cette mauvaise réforme dont nous ne souhaitons pas l’adoption.

La commission adopte l’amendement CF419 (amendement AS7255 et amendement 596).

Amendements identiques CF84 de M. Philippe Brun et CF326 de M. François Ruffin.

M. Philippe Brun (SOC). Je le répète : nous ne souhaitons pas relever l’âge légal de départ à la retraite.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Certaines interventions sur cet article dénotent un profond manque de sensibilité. Affirmer que le travail, c’est la santé ! On se passerait bien de ce genre de platitudes… Cela prouve que vous n’êtes pas très sensibles aux revendications des gens qui manifestent. Surtout, cela révèle un manque profond de connaissance de notre système de retraite. Vous nous accusez d’être anti-travail, mais vous semblez oublier que les pensions de retraite sont le fruit du travail, avec toutefois cette nuance qu’en France, le système est solidaire. En relevant l’âge de départ à la retraite, vous diminuez les pensions et volez donc une partie du fruit du travail effectué pendant des années. Vous pouvez techniciser le débat autant que vous voulez, deux ans de travail en plus, ce sont deux années de moins durant lesquelles on touche sa pension de retraite. Pour une pension de 1 200 euros, cela représente plus de 28 000 euros en moins. Et pour les plus précaires qui, on le sait, meurent plus jeunes, ce sera encore moins d’argent touché, donc encore plus d’argent volé. Les personnes qui sont anti-travail, ce sont celles qui considèrent que l’on peut, d’un trait de crayon, prendre le fruit du travail des gens, notamment des classes populaires et moyennes, et le réduire à néant en pariant sur le fait qu’ils vont mourir le plus tôt possible.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable. La seule accélération de l’allongement de la durée d’assurance ne permettrait une économie que de 2,3 milliards d’euros en 2025, alors que le déficit atteindra cette même année 10,7 milliards d’euros. Il convient d’agir sur les deux paramètres si l’on veut équilibrer le système.

La réforme permettra en outre d’augmenter le montant des pensions, notamment grâce aux mesures de revalorisation du minimum contributif (Mico) – nous y reviendrons.

Mme Prisca Thevenot (RE). Désolée, monsieur Guiraud, mais vos calculs sont erronés. Relisez le rapport du COR : il souligne que sans cette réforme, ce sont les pensions de l’ensemble des retraités qui diminueront. Ceux-ci sont ainsi exposés à une réduction de leur pouvoir d’achat non pas pendant deux ans, mais sur l’entièreté de leur retraite. Avancer de grands chiffres et des logiques mathématiques bancales n’apporte rien au débat. Si nous voulons conserver notre système de retraite solidaire, nous devons avoir un débat honnête et échanger des arguments sur le fond.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Pour avoir un débat honnête, encore faudrait-il citer le COR à bon escient ! On pourra répéter autant de fois qu’on voudra que Vercingétorix a vaincu Jules César, cela restera faux. Le COR juge que « les résultats de [son] rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite » ; il évoque une trajectoire maîtrisée jusqu’en 2070. Cela, les Françaises et les Français l’ont bien compris, puisque 80 % d’entre eux sont contre cette réforme injuste ; 68 % veulent bien d’une réforme des retraites, mais avec un départ à 60 ans. Ils savent qu’en relevant l’âge légal de départ à la retraite, vous leur proposez simplement le choix entre la misère et le cimetière.

La commission rejette les amendements identiques CF84 et CF326.

Amendements identiques CF85 de M. Philippe Brun et CF327 de Mme Mathilde Panot, amendements CF185 de M. Fabrice Brun, CF143 de M. Fabien Di Filippo, CF92, CF94, CF93, CF96, CF95 et CF97 de M. Christian Baptiste, CF343 de M. Hadrien Clouet, CF344 de Mme Mathilde Panot, CF340 de M. François Ruffin, amendements identiques CF339 de Mme Mathilde Panot et CF341 de Mme Rachel Keke, amendements CF342 de Mme Rachel Keke et CF338 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Nous examinons l’article 7 en commission des finances, mais aurons-nous la possibilité de le faire dans l’hémicycle ? C’est une question que se posent tous les Français, notamment ceux qui sont mobilisés contre la réforme. Si l’obligation d’examiner les recettes avant les dépenses vous impose d’examiner les articles 1er à 6 dans l’hémicycle, à partir de l’article 7 vous allez pouvoir recourir à vos manœuvres coutumières, comme le changement de l’ordre d’examen des articles. Ce serait d’autant plus facile à faire que vous avez imposé un délai contraint pour l’examen du texte du fait du recours inconstitutionnel à l’article 47-1 de la Constitution. Pouvez-vous donc prendre l’engagement que nous examinerons en séance les articles dans l’ordre ? C’est du report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite que les Français veulent que nous débattions.

M. Fabrice Brun (LR). Chacun aura compris que je ne suis pas favorable au report de 62 à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite – je ne me sens aucunement engagé par de vieux programmes sans lendemain et je revendique ma liberté de pensée.

Avec le totem de la retraite à 64 ans, vous allez amplifier les inégalités que vous prétendez combattre et qui touchent les femmes, les carrières longues, les métiers difficiles et les classes populaires. Afin d’accompagner la pente des quarante-trois années de cotisation, qui représente déjà un effort considérable, il existe d’autres voies que celle-là. On pourrait prévoir une incitation beaucoup plus forte au retour à l’emploi – partout, on manque de bras : on compte un million d’emplois non pourvus dans notre pays, soit autant de cotisations potentielles. On pourrait faire converger plus rapidement les régimes spéciaux vers le régime général, ce qui permettrait de gagner plusieurs milliards d’euros. On pourrait lutter plus efficacement contre la fraude. Enfin, on pourrait mener une politique nataliste plus vigoureuse : comme le dit l’Union nationale des associations familiales, l’Unaf, les bébés de 2023 seront les cotisants de 2043. La démographie est, une fois de plus, la grande oubliée de cette réforme.

M. Philippe Brun (SOC). Par les amendements CF 92 à CF 97, nous proposons que le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite ne soit pas appliqué dans les outre-mer. Il faut prendre en considération la souffrance de nos compatriotes ultramarins. La pénibilité est encore plus grande lorsqu’on traverse une crise du pouvoir d’achat et qu’on est exposé à des risques importants – laissant pourtant la métropole indifférente.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). « Après trois mois dans le service, j’étais l’une des plus anciennes », déclare Emma, infirmière à l’hôpital Saint-Louis, à Paris. Elle est aujourd’hui en arrêt maladie pour burn-out, comme dix-sept de ses collègues. Les deux tiers des infirmières sont soumises à des risques psychosociaux, 30 % d’entre elles sont susceptibles de quitter leur travail avant la fin de l’année et l’on a du mal à en recruter de nouvelles. C’est le type même de métier pour lequel le report de 62 à 64 ans de l’âge de départ à la retraite sera une catastrophe.

« “Désolé, désolé !” : je passe ma vie à m’excuser parce que je n’ai pas le temps de faire mon travail correctement » – c’est Stéphane, aide-soignant à Limoges, qui parle. Tous ses collègues partent, du fait notamment de la situation catastrophique des hôpitaux. Quand on voit la réforme proposée, on pense à une blague. Les hôpitaux attendent depuis des années des recrutements et des revalorisations de salaires plus fortes que celles, insuffisantes, du Ségur de la santé, et tout ce que vous trouvez à leur répondre, c’est qu’il faudra travailler jusqu’à 64 ans ? Est-ce cela, votre fameux choc d’attractivité ? Ne pensez-vous pas qu’il y avait mieux à faire que de pousser ces travailleurs à bosser deux années de plus ? L’effondrement à prévoir de l’hôpital sera en partie dû à cette réforme des retraites.

Fabrice Brun évoquait les métiers des classes populaires que celle-ci touchera. L’aide à domicile est un exemple type de métier de femmes précarisées qui va morfler : 77 % d’entre elles exercent à temps partiel, ce qui signifie qu’elles cotisent moins. De ce fait, 64 ans sera pour elle l’âge minimum pour partir à la retraite : en réalité, elles devront aller au-delà. On peut même se demander si certaines ne seront pas plus âgées que les gens dont elles s’occupent ! Les salaires sont de l’ordre de 600 à 700 euros – ce n’est pas moi qui le dis, c’est le rapport Erhel et Moreau-Follenfant sur les travailleurs de la deuxième ligne, à la suite duquel Élisabeth Borne, à l’époque ministre du travail, avait déclaré qu’elle faisait confiance au dialogue social. On voit le résultat ! Les associations n’arrivent plus à recruter tant les métiers de l’aide à domicile sont dévalorisés. Ils sont encore plus accidentogènes que ceux du BTP. Et vous dites à ces gens-là, qui ne toucheront qu’une toute petite retraite, qu’ils vont en plus devoir bosser jusqu’à 64 ans ? Tout à l’heure, Mathieu Lefèvre a fait un grand discours sur l’émancipation par le travail, sur le bonheur de travailler pendant toute une vie. Mais si son métier consistait à porter des personnes âgées, arriverait-il à tenir jusqu’à 64 ans ?

Dans ce même rapport, il est indiqué que les caissières font partie des dix-sept métiers de seconde ligne, qui sont particulièrement mal payés en raison du grand nombre de contrats à temps partiel et à durée déterminée. Le salaire moyen est de 859 euros par mois. Cela donne le vertige, vu que nous touchons tous ici environ 5 700 euros par mois ! En reportant l’âge de départ à la retraite, vous ferez partir les caissières à la retraite bien plus tard qu’à 64 ans, car elles n’auront pas assez cotisé.

Prenons donc les choses par le bon bout. Il existe des métiers qui permettent à la société de tenir. Les caissières, par exemple, nous étions bien contents de pouvoir compter sur elles pendant le confinement, pendant que nous étions toutes et tous en télétravail. Augmentons leurs salaires et permettons-leur de vivre de leur travail et de se reposer en temps voulu.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Prenons le cas, que je connais bien, d’une femme qui a commencé à travailler en deux huit à 19 ans, dans les années 1980, à la Société du coton du Midi. L’usine ferme. Il s’ensuit une période de chômage de deux ans. Elle trouve un emploi de caissière à temps partiel, doit fuir la maison familiale et, après une nouvelle période d’interruption, devient aide-ménagère. La réforme proposée ne répond pas à la situation de ces femmes qui ont eu la volonté de travailler toute leur vie, mais ont connu des carrières hachées. Non seulement elle n’améliore pas leur sort mais elle l’aggrave. Il ne faut pas relever l’âge légal de départ à la retraite pour les aides-ménagères.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Comme beaucoup de métiers qui viennent d’être évoqués, celui d’AESH (accompagnant d’élèves en situation de handicap) coche toutes les cases de la précarité. Il est exercé dans 90 % des cas par des femmes, qui touchent en moyenne 800 euros par mois parce que seul leur contact direct avec l’élève est comptabilisé : une très grande partie de leur travail, celle qui en fait toute l’efficacité – formation, discussions avec les différents intervenants, l’équipe pédagogique, les familles –, est invisibilisée. Face à cette situation, les AESH multiplient les emplois, sans compter les heures passées dans les transports puisqu’elles se partagent généralement entre différents établissements.

Ce sont des professionnelles dévouées, mais à la situation très précaire et dont la pénibilité du travail – je pèse le mot – n’est pas reconnue. C’est à ces femmes que le Gouvernement va voler deux ans de vie en les obligeant à travailler plus longtemps.

« Il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal » : vous avez reconnu Emmanuel Macron, en 2020. Est-ce en leur promettant deux ans supplémentaires de précarité et de souffrance que M. le Président souhaite montrer sa gratitude aux AESH ?

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Cette série d’amendements vise à exclure certaines générations, zones géographiques ou métiers du champ du report de l’âge de départ.

À titre d’exemple, l’’amendement CF327 aurait pour effet de ne pas appliquer la réforme aux générations nées après 1968, mais permettrait de l’appliquer aux personnes nées entre 1961 et 1967, qui sont pourtant plus proches de la retraite. Ce n’est pas logique.

Quant à la pénibilité de certains métiers, nous en avons tous conscience et il n’y a de notre part aucune volonté de la nier. Le texte prévoit justement des avancées à ce sujet – évolutions de carrière, départ anticipé en cas d’usure professionnelle et de pénibilité, prise en compte du congé pour parent aidant et des trimestres pour parent au foyer pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue et du Mico. Ces deux dernières mesures bénéficieront d’ailleurs tout particulièrement aux femmes.

Mon avis est donc défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ne laissez pas croire que les aides-soignantes vont travailler jusqu’à 64 ans : elles font partie de la catégorie active et pourront donc évidemment partir à la retraite, comme aujourd’hui, de manière anticipée.

À ma collègue qui a subi la propagande de Jules César, je dirai qu’on peut bien citer toujours les deux mêmes phrases du COR, la réalité demeure, comme l’a rappelé Mme Thevenot, que dans toutes les hypothèses, le niveau de vie des retraités va décrocher de vingt points par rapport à celui du reste de la population. Si nous ne faisons rien, nous allons donc assister à la paupérisation des retraités. Ce n’est pas ce que nous voulons. Voilà pourquoi il faut faire cette réforme.

Il faudrait peut-être changer de logiciel, car à vouloir réduire en permanence le temps de travail, on augmente la pression sur ceux qui travaillent, que ce soit à l’échelle de la semaine, de l’année ou de la vie. Le responsable de ce qui se passe aujourd’hui à l’hôpital, ce sont les 35 heures, à cause de ce report de la pression. Réduire le temps de travail demande un effort de productivité, et le stress de nombreux salariés est en partie lié à ce besoin de travailler davantage en moins de temps. Ce n’est pas la solution.

M. Damien Maudet (LFI-NUPES). Quel rapport, madame la rapporteure pour avis, entre les aides à domicile et les mesures pour parent aidant ? En tout cas, les aides à domicile vont travailler plus pour toucher encore moins.

Il ne suffit pas de relever de la catégorie active pour partir à la retraite plus tôt : il faut aussi avoir travaillé un certain nombre d’années. Les personnes qui auront bossé moins de dix-sept ans en tant qu’aides-soignants partiront bien à la retraite à 64 ans.

Quant aux 35 heures… Franchement, allez voir les soignants et dites-leur qu’au lieu de 35 heures, ils vont en faire 39 ! Vous avez l’impression qu’ils glandent, ou quoi ? Ce n’est pas ce que vous avez dit, d’accord, mais vous avez affirmé que ce sont les 35 heures qui ont tué l’hôpital – en passant sous silence le fait que, pour 2024, vous prévoyez 3 milliards d’économies sur la sécurité sociale et presque un milliard sur l’hôpital en tenant compte de l’inflation, et que vous refusez les ratios et l’augmentation des salaires à l’hôpital. Allez dire dans un hôpital que c’est la faute des 35 heures : ça leur fera beaucoup de bien, il y aura un fou rire général et ça améliorera un peu l’ambiance !

Mme Claire Guichard (RE). Vous oubliez, chers collègues, que la vie est faite de choix. Beaucoup d’AESH que je connais sont des mères qui, après avoir arrêté de travailler pour s’occuper de leurs enfants, ont choisi ce statut pour avoir le mercredi et les vacances scolaires. Elles l’assument et sont heureuses de ce qu’elles font. Arrêtez de victimiser ces professions !

M. le président Éric Coquerel. Alors nous irons ensemble voir des AESH, chère collègue. Leur grande revendication est que leur métier soit pris en considération, y compris en accédant à un statut de fonctionnaire, au lieu d’être à temps partiel et très mal payé – une situation qu’au moins dans nos précédents débats nous avons tous admise, à défaut de proposer tous les mêmes solutions.

Monsieur le rapporteur général, pourquoi ces vingt points en moins annoncés pour les retraités ? À cause de toutes les lois précédemment votées et qui les obligent à travailler plus vieux ou à cotiser plus longtemps ! Une seule n’a pas été appliquée : la loi Fillon, qui prévoyait justement que la retraite minimum atteigne 85 % du Smic : cette mesure, que vous présentez comme un acquis, n’est ainsi qu’un rattrapage. Pour nous, il ne devrait pas y avoir dans ce pays un seul retraité vivant en dessous du Smic, puisqu’à la retraite on n’a plus d’espoir de progression sociale. À nous de nous débrouiller pour trouver les ressources qui le permettent.

Nous avons toujours le même débat. Cela ne vous pose aucun problème que, depuis des années, les revenus du capital explosent – toutes les statistiques le disent. Mais payer 35 heures au prix de 39, c’est-à-dire augmenter de fait le salaire des travailleurs, cela vous dérange. Il y a sur ce point une forte opposition entre nous. Nous pensons que le travail doit être mieux rémunéré : cela passe par une hausse des salaires, par le partage du temps de travail, par une sixième semaine de congés payés, par la possibilité de partir à la retraite plus tôt.

Monsieur Lefèvre, la question n’est pas d’être antitravail mais d’admettre, nous qui, comme députés, touchons des revenus très élevés, que pour une très grande partie de nos concitoyens obligés de travailler, le travail n’équivaut pas à une émancipation. Dès lors, il est normal que leur travail – car les cotisations, c’est leur travail – leur permette d’avoir plus de temps de repos et de jours fériés et de partir à la retraite plus tôt. C’est une différence de conception du travail, du capital et du partage de la plus-value.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Au sujet de la revalorisation du travail, vous parlez congés payés et jours fériés ! Vous avez une conception culinaire du travail – vous avez vous-même employé le mot « gâteau »… Désolé, mais le temps de travail n’est pas un gâteau que l’on partage, pas plus que la richesse. Nous favorisons l’activité, ce qui implique de favoriser le travail.

M. le président Éric Coquerel. Le mot « culinaire » restera…

La commission rejette successivement les amendements identiques CF85 et CF327, les amendements CF185, CF143 CF92, CF94, CF93, CF96, CF95, CF97, CF343, CF344, CF340, les amendements identiques CF339 et CF341, et les amendements CF342 et CF338.

Amendement CF317 de Mme Mathilde Panot.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). On entend des propos lunaires. Nos collègues macronistes nous expliquent qu’être AESH est un choix, quasiment un loisir, ou une profession d’appoint. On nous dit que le travail ne se réduit pas à l’aliénation – et quand bien même, monsieur Lefèvre ? Même si ce n’est le cas que pour 20 % de la population active, que leur dites-vous ? « Allez bosser deux ans de plus, souffrir deux ans de plus, pour rien » ? C’est inadmissible. C’est le point où se rencontrent l’illogisme et la cruauté.

Le travail ne se réduit pas à l’aliénation, mais il est une souffrance. Le sens de l’histoire, c’est la réduction du temps de travail – en semaine, à l’année, toute la vie. En 1981, la retraite à 60 ans était possible ; elle l’est toujours, grâce aux gains de productivité. Les Français la veulent – 68 % d’entre eux sont pour, mais vous faites la sourde oreille. C’est inacceptable et c’est antidémocratique. Nous continuons à défendre cette proposition de progrès.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. L’amendement vise à abaisser l’âge de départ à la retraite à 60 ans en 2024, par la fixation d’un objectif que se donnerait la Nation. Notre objectif est de rajouter deux ans afin d’équilibrer le système : vous, vous le déséquilibrez. Sans disposer de chiffrage précis, on estime le coût de la mesure à 70 à 80 milliards d’euros. En outre, en 1981, la démographie n’était pas du tout comparable à ce qu’elle est aujourd’hui. L’équilibre de notre système aujourd’hui pâtit de notre faible natalité et du manque de renouvellement de la population active. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous avons voté beaucoup d’amendements de la NUPES aujourd’hui, mais pas celui-là, car paradoxalement, il donne des arguments à la majorité présidentielle. Il n’est pas sérieux de prétendre que l’on peut rétablir la retraite à 60 ans dès 2024. Les gains de productivité n’ont jamais été aussi faibles que depuis qu’Emmanuel Macron est Président de la République, et même depuis qu’il a traîné ses guêtres au palais de l’Élysée comme secrétaire général adjoint chargé des affaires économiques. En effet, sa politique économique ne mise pas sur l’industrie, ni sur l’innovation. Avant d’accorder des droits sociaux, il faut rétablir le tissu productif français ; c’était d’ailleurs le sens du Conseil national de la refondation. Vous pourriez, si vous daignez écouter un conseil du Rassemblement national sans y voir une critique gratuite, viser la retraite à 60 ans en 2040 ou 2050, le temps de rétablir l’industrie française et de retrouver les dix points de PIB perdus au cours des trente dernières années. Là, nous pourrons promettre des droits sociaux de manière rationnelle et raisonnable.

Mme Nadia Hai (RE). La retraite à 60 ans, c’est une utopie. Ce n’est pas la majorité qui le dit, mais Hélène Geoffroy, lors des élections internes du Parti socialiste. Et la réforme que nous voulons accélérer est celle de Marisol Touraine, qui était au gouvernement pendant le mandat de François Hollande, également socialiste.

Au fond, cet amendement montre que vous n’aimez pas le travail. Je mets évidemment de côté toutes les situations où l’usure professionnelle est constatée et constitue un risque avéré : nous les traitons grâce au compte professionnel de prévention et en allouant un milliard d’euros à la prévention de l’usure professionnelle. Nous y sommes très attentifs – vous n’avez le monopole ni des aides-soignantes, ni des femmes de ménage, ni des ouvriers. Moi qui viens du milieu ouvrier, on m’y a appris la valeur travail. On ne m’a pas dit que le travail était l’ennemi, on m’a dit qu’on gagnait sa vie et son émancipation par le travail, et que c’est aussi par une période de travail que l’on gagne le droit à un repos bien mérité.

M. le président Éric Coquerel. Personne n’a contesté la nécessité de périodes de travail. Vous avez mal entendu.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Voilà un concerto de gens qui ont décidé de baisser les bras. En 1945, quand on crée la sécurité sociale, les comptes du pays ne sont pas dans le vert ! C’est en 1906, à la suite de la catastrophe de Courrières, que les droits sociaux commencent à apparaître en France. Dans l’histoire de notre pays, les droits sociaux ne sont pas acquis parce que les comptes sont au beau fixe, mais parce qu’une question fondamentale nous anime depuis des centaines d’années : la répartition des richesses, la question de savoir qui fait des efforts.

En 2011, le taux d’imposition réel pour les cotisations sociales et les taxes sur les salaires est de 21 % pour les 10 % les plus pauvres, de 28 % pour les 50 % de revenus les plus bas, de 10 % pour les 1 % les plus riches et de 2 % pour les 0,0001 % les plus riches. En vérité, ceux qui se tuent au travail sont aussi ceux qui rapportent le plus en contributions et cotisations. Et on leur en demande de plus en plus – car il y en a eu, depuis 2011, des dispositifs imaginatifs pour empêcher que d’autres contribuent : la suppression de l’ISF, la flat tax, le CICE transformé en exonération de cotisations sociales…

Ce n’est pas seulement d’imagination que vous devez faire preuve, mais aussi de courage politique. La redistribution des richesses se joue aussi sur la question des retraites.

La commission rejette l’amendement CF317.

Amendement CF145 de M. Fabien Di Filippo.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

M. Philippe Brun (SOC). Je saisis l’occasion pour répondre à Nadia Hai, qui s’est fait fort de citer l’une de mes camarades du Parti socialiste. Je citerai donc les excellents propos de Barbara Pompili, députée de votre groupe ; de Patrick Vignal, député de votre groupe ; de Stella Dupont, députée de votre groupe ; de François Rebsamen, soutien de votre politique ; de François Bayrou, une figure importante, je crois, de votre mouvement ; et de tous ceux qui, avec eux, réprouvent votre réforme.

Votre discours est caricatural. Nous n’aimerions pas la valeur travail ? Nous sommes le parti des travailleurs ! En refusant cette réforme, nous serions le parti du farniente, des congés, de ceux qui veulent une France à la dérive ? En disant cela, vous insultez les 75 % de Français qui refusent votre réforme, des gens qui paient nos salaires de députés, qui, par leur travail, nous donnent la liberté de débattre ici même. On dirait que les treize ans que vous avez passés en banque d’affaires vous ont fait un peu oublier vos origines… Cessez d’insulter les Français !

Mme Nadia Hai (RE). Vous vous permettez d’évoquer mon parcours professionnel, mais qu’en savez-vous ? Savez-vous que j’ai commencé à travailler à 20 ans, que j’ai intégré le guichet d’une banque, que, pendant deux ans, j’ai distribué des cartes et des chéquiers ? C’est par le travail et la formation que j’ai, c’est vrai, intégré quinze ans plus tard une banque d’affaires et de gestion de patrimoine. Ce n’est pas une honte, mais une fierté, car mes parents m’ont toujours inculqué la valeur du travail. C’est cet enseignement que je relaie désormais auprès de nos jeunes dans les quartiers populaires. Il n’y a pas dans notre pays de fatalité qui empêche la réussite. La majorité est en ordre de marche pour faciliter de tels parcours et mettre la réussite à la portée de tous au lieu de la réserver à une élite. Avant d’invectiver les députés de la majorité, ayez un peu de respect pour le parcours de chacun. Voyez un peu plus loin que le bout de votre nez !

La commission rejette l’amendement CF145.

Amendements identiques CF86 de M. Philippe Brun et CF328 de Mme Rachel Keke, amendement CF216 de Mme Véronique Louwagie (discussion commune).

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Pepe Mujica, ancien président de l’Uruguay, m’a dit un jour que les vraies inégalités étaient en rapport avec le contrôle que chacun avait de son temps : certains doivent absolument se lever tous les jours pour aller travailler, sans avoir la maîtrise de leur temps, tandis que d’autres, plus riches, plus puissants, ont la possibilité de partir en vacances avec leurs enfants à leur guise. À la fin de la vie, disait-il, il n’y a pas de magasin dans lequel on pourrait entrer pour acheter quelques années supplémentaires.

Collègues, comment osez-vous dire aux Français, qui cotisent déjà quarante-deux ans, qu’ils n’aiment pas le travail ? Comment osez-vous remettre en cause l’attachement à la tâche des 93 % d’actifs qui vous disent qu’ils ne veulent pas de ces deux années de cotisation en plus ? N’entendez-vous pas ces gens nés entre 1961 et 1968, qui viennent dans vos permanences pour vous demander un peu de répit ? Écoutez-les !

Mme Véronique Louwagie (LR). On peut regretter deux choses. D’abord, la brutalité avec laquelle le relèvement de la durée d’assurance nécessaire est accéléré : la réforme Touraine avait prévu de prolonger la durée de cotisation d’un trimestre tous les trois ans sur toute la période 2020-2035. Ensuite, la rapidité d’application de la mesure : les personnes nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 devaient pouvoir prendre leur retraite à partir du 1er octobre 2023, et voilà que, six mois avant, leur projet de vie est modifié ! Or la retraite suppose une préparation psychologique et des préparatifs d’intendance très importants.

J’ai l’exemple d’une exploitante agricole née en septembre 1961, qui pensait prendre sa retraite au 1er octobre 2023 et a organisé la cession de son exploitation. Si le projet de loi est adopté, il lui manquera un trimestre ! Or la cession d’une exploitation agricole se prépare une année entière à l’avance. Il est inadmissible de bouleverser ainsi la situation de personnes comme elle.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable aux trois amendements. Madame Louwagie, on peut comprendre vos arguments, mais il faut bien choisir un moment pour déclencher la réforme. Le moment a été choisi, et le décalage n’est que de trois mois.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons l’amendement de bon sens de Mme Louwagie. Madame la rapporteure pour avis, vous n’avez pas répondu à ses objections de fond, pragmatiques. Vous avez certes le droit de choisir votre moment, mais vous pouvez aussi écouter les témoignages venus du terrain. Si la majorité n’est pas capable de tenir compte d’une remarque d’un tel bon sens, c’est qu’elle a vraiment un problème d’écoute. Beaucoup de gens ont déjà pris leurs dispositions, ainsi que des entreprises. Cette situation créera plus de problèmes qu’elle n’apportera de solutions.

Mme Véronique Louwagie (LR). Madame la rapporteure pour avis, j’entends votre réponse, mais elle ne me satisfait pas. Rendez-vous compte ! Six mois avant, modifier un projet de vie, revenir sur une procédure juridique qui a été enclenchée, mettre les intéressés dans une telle difficulté ? Quelle brutalité ! Ce sont 50 000 personnes qui sont concernées, 50 000 personnes à qui vous dites, à six mois de l’échéance, qu’il va falloir reculer de trois mois leur départ à la retraite. Ce n’est pas admissible.

M. Mathieu Lefèvre (RE). C’est malheureusement toujours ainsi lors d’une réforme des retraites. C’était le cas en 2010 : le délai entre le vote de la loi et son application était aussi de six mois.

Surtout, votre amendement a un effet pervers : il appliquerait le report de l’âge légal aux seules personnes nées à partir du 1er janvier 1968, ce qui ferait passer soudainement cet âge à 64 ans pour ces personnes. Ce serait peut-être plus brutal encore que la réforme actuelle.

La commission rejette successivement les amendements identiques CF86 et CF328 et l’amendement CF216.

Amendement CF330 de Mme Mathilde Panot.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). J’ai été vraiment contente d’entendre Mme Louwagie parler de brutalité. Pour la première fois de la journée, le groupe Les Républicains fait écho à ce que vous devez tous entendre sur le terrain, dans vos permanences, au contact de vos concitoyens : l’idée que vous faites une terrible injustice à tous les Français, notamment à ceux nés entre 1961 et 1968.

En repoussant l’âge légal de départ à la retraite, la réforme de 2010 n’a pas seulement maintenu dans l’emploi des personnes qui devaient prendre leur retraite, elle a plongé des gens déjà sortis du marché du travail dans la misère. Plus de 80 000 personnes sont devenues allocataires du RSA à cause de la réforme Woerth. Vous êtes en train de préparer plus de misère et plus d’injustice. Nous faisons appel à votre sens de la démocratie et de l’empathie pour nos compatriotes : n’utilisez pas votre force pour aller contre les Français, écoutez à l’inverse ce qu’ils vous demandent. La démocratie ne consiste pas à dire aux citoyens quoi faire, mais à faire ce que disent les citoyens.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à supprimer une mesure de coordination. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF330.

Amendements identiques CF87 de M. Philippe Brun et CF331 de M. François Ruffin.

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de supprimer les alinéas 6 à 11 de l’article, afin de rejeter l’accélération de la mise en œuvre de la réforme Touraine sur le nombre de trimestres cotisés.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). L’allongement de la durée de cotisation est une erreur. Nous souhaitons supprimer ces dispositions visant à accélérer le relèvement de la durée de cotisation à quarante-trois annuités. Cet allongement est absurde et d’une grande violence sociale. Il révèle une conception inhumaine et uniquement comptable du travail et des travailleurs. Selon vous, chaque minute d’espérance de vie gagnée doit immédiatement se traduire par une minute de travail supplémentaire, donc par une plus grande usure des corps.

Le vieillissement en bonne santé stagne, la précarisation des plus modestes s’amplifie et les profits des entreprises du CAC40 augmentent sans que celles-ci ne soient mises à contribution : plutôt que d’élever la durée de cotisation, il faut plutôt partager les richesses et faire en sorte que l’on puisse disposer de temps libre en bonne santé en fin de vie.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je donne évidemment un avis défavorable à ces amendements visant à ne pas accélérer le déploiement de la réforme Touraine.

Pour équilibrer le système, nous avons besoin des deux paramètres à la fois, l’accélération de la réforme Touraine et le report de l’âge légal. Sans l’accélération de l’allongement de la durée de cotisations, l’âge de départ devrait être porté à 65 ans. Nous souhaitons conserver le seuil de 64 ans, et il me semble que c’est également ce qui est ressorti du dialogue entre les groupes politiques de notre Assemblée.

La commission rejette les amendements identiques CF87 et CF331.

Amendement CF332 de Mme Rachel Keke.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). On en arrive à un point très problématique de votre réforme. Alors que la réforme Touraine ne s’applique pas encore totalement, vous en rajoutez une couche. Cela en dit long sur ce qui se passera dans le pays si ce projet de loi est adopté : vous ne cesserez d’aller plus loin. Nous n’avons aucune garantie que la clause du grand-père bénéficie bien aux salariés concernés ni que l’âge de départ à la retraite cesse de croître. Vous suivez en effet une logique de prédation des ressources issues du travail des Français, que vous distribuez à d’autres, par exemple en aides défiscalisées aux entreprises. Une telle logique n’a pas de fin – ou plutôt sa fin se nomme système de retraite privé. Voilà la direction que vous prenez, et les pays européens qui sont entrés dans cet engrenage n’en sont jamais sortis. Vous allez repousser l’âge de départ à la retraite, baisser les pensions et privatiser le système, cette dernière mesure étant une conséquence inexorable de votre réforme. Nous tentons d’enrayer cette machine avec cet amendement, qui est déjà largement de repli.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. La réforme Touraine a, contrairement à ce que vous avez dit, déjà des effets depuis 2020. Notre projet se limite à modifier les générations concernées par ces effets. L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF332.

Amendement CF333 de M. Hadrien Clouet.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Actuellement, 40 % des femmes n’arrivent pas à se constituer une carrière complète. Comment peut-on avoir si peu d’intérêt pour les femmes qu’on veut leur imposer des trimestres de cotisation supplémentaires ? Il faut en avoir, de l’audace, pour dire à une femme que non seulement sa pension sera misérable car elle n’a pas pu avoir une carrière complète, mais qu’elle devra quand même pourrir ses journées à travailler plus longtemps, sans que cela améliore sa pension car sa carrière restera incomplète !

Ici, à la commission des finances, vous avez l’impression d’être majoritaires, mais dans le pays, vous êtes ultraminoritaires ! (Exclamations.)

M. Daniel Labaronne (RE). Ici, on vote !

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). N’oubliez pas que les gens vous regardent, notamment les générations nées à compter de 1961, qui ne vous pardonneront jamais cette réforme.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Votre amendement propose de supprimer l’allongement de cotisation pour les assurés nés en 1963 uniquement, sans cohérence avec les modifications appliquées aux autres générations : mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF333.

Amendement CF334 de M. Hadrien Clouet.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). On nous a donné un mandat. Nous voyons ce qui va se passer dans nos circonscriptions. Dans la mienne, le taux de chômage s’élève à 33 %, et la situation s’aggrave, contrairement à ce que l’on peut entendre. Là où nous sommes élus, mais c’est également le cas dans d’autres endroits de France dont les représentants sont d’un autre bord, les gens ne se remettront pas de cette réforme. Ils sont déjà privés d’emploi, ils ne peuvent déjà pas cotiser, ils connaissent déjà des carrières hachées. On ne parle pas beaucoup dans ce débat des personnes privées d’emploi : elles aimeraient travailler, mais elles n’ont pas de contact ; il ne leur suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi car là où elles vivent, il n’y a plus de travail. Chez moi, des usines ferment, comme Camaïeu récemment.

Nous souhaitons reculer l’entrée en vigueur de cette loi, pour éteindre l’incendie qui consume des vies entières. Des gens seront cassés par cette réforme parce qu’ils n’auront plus d’argent.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à supprimer l’allongement de cotisation pour les assurés nés en 1964 uniquement. Mon avis est défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy. Ce n’est pas en s’énervant que l’on va éliminer le conflit de mandat ! Oui, les membres de l’opposition, qu’ils appartiennent au Rassemblement national ou à la NUPES, ont un mandat pour s’opposer à la réforme des retraites. Mais la NUPES, en appelant à voter pour M. Macron, a donné un mandat pour cette réforme ! La seule solution est de soutenir l’initiative des communistes, qui nous ont devancés, à savoir trancher cette opposition par référendum. Ce n’est pas en organisant un conflit de légitimité, qui pose problème en démocratie, que l’on avancera, mais en donnant la parole au peuple, car c’est lui l’arbitre dans la Ve République. Que tout le monde vote la motion référendaire, y compris la majorité si elle a si confiance en elle, et que le peuple tranche avec sagesse, comme il l’a toujours fait depuis que Napoléon III lui a donné ce pouvoir – j’invite d’ailleurs ceux qui ne l’auraient pas encore fait à soutenir la proposition de résolution visant à rapatrier les cendres de Napoléon III.

M. Benoit Mournet (RE). Vous parlez beaucoup de justice, mais la première d’entre elles est de permettre aux générations qui viennent de bénéficier du magnifique système par répartition, lequel assure actuellement aux retraités un revenu moyen légèrement supérieur à celui des actifs. Le taux de pauvreté des personnes âgées de plus de 66 ans s’établit à 4 % quand il est le double dans la population générale. L’espérance de vie à la retraite atteint vingt-trois années pour les hommes et vingt-sept pour les femmes. Les réformes successives ont équitablement partagé l’espérance de vie supplémentaire entre le travail et la retraite.

Nous menons une réforme de long terme visant à ce que les générations futures puissent profiter de ce système. C’est cela aussi la justice ! Il ne faut pas regarder que le très court terme.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Monsieur Tanguy, il y a d’autres moyens que le référendum pour trancher – par exemple, venir en commission pour voter ! Vous n’êtes que deux députés du Rassemblement national à siéger aujourd’hui ! Vous nous avez déjà fait le coup pour le projet de loi de finances pour 2023 – vous étiez partis à un anniversaire pour manger des Pépito ! Si vous aviez suffisamment mobilisé votre groupe, de nombreux amendements de la majorité n’auraient pas été adoptés. Déjà que vous n’êtes pas dans la rue, si vous n’êtes pas non plus à l’Assemblée, ça va devenir compliqué !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je ne vois pas un seul communiste…

La commission rejette l’amendement CF334.

Amendement CF335 de Mme Mathilde Panot.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). La question de l’éthique des élus est essentielle. Les citoyens nous ont donné un mandat, nous ne pouvons pas faire tout ce qui nous passe par la tête. Notre première obligation est en effet de siéger. Les votes sur les amendements sont serrés aujourd’hui, et les majorités ne sont acquises que de cinq à sept voix. Le Rassemblement national compte onze membres dans la commission des finances, mais il n’y en a que deux depuis ce matin en réunion, voire un seul. En conséquence, les opposants au projet de loi ont perdu des scrutins qu’ils auraient pu gagner.

Marine Le Pen dit que le rôle des politiques n’est pas de manifester mais de mener la bataille parlementaire : en réalité, les députés du Rassemblement national sont absents. Marine Le Pen fait le jeu de M. Macron en aidant la minorité présidentielle à faire adopter – même si notre commission n’est saisie que pour avis – des articles qui seraient rejetés si chacun respectait son mandat électif.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Puisque vous n’avez rien dit de votre amendement, je précise qu’il vise à supprimer l’allongement de cotisation pour les assurés nés en 1973 uniquement. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement CF335.

Amendement CF318 de M. François Ruffin.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Poser la question des quarante annuités revient à donner du sens à notre conception du progrès humain. Quelle est la finalité d’une vie ? Quelles perspectives ont les nouvelles générations ? La jeunesse s’est fortement mobilisée dans la rue le 21 janvier contre cette réforme et elle manifestera à nouveau le 31 janvier. Les étudiants tiennent des assemblées générales dans les universités.

Les jeunes manifestent également par procuration, au nom de leurs aînés qui ne peuvent pas se permettre de perdre une journée de paie en faisant grève, donnant ainsi une belle illustration de la solidarité intergénérationnelle. Le niveau d’opposition à votre réforme est élevé car la jeunesse y est fortement hostile.

L’amendement vise à ramener à quarante annuités la durée de cotisation nécessaire à la perception d’une pension à taux plein. Il s’agit de la seule mesure qu’attendent les nouvelles générations.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

M. Pascal Lecamp (Dem). Nous défendons tous la retraite par répartition, système dans lequel les générations actives cotisent pour celles qui sont à la retraite. Pendant les vacances de Noël, j’ai demandé à mes deux fils, jeunes travailleurs de 27 et 30 ans, s’ils seraient prêts à cotiser deux ou trois trimestres supplémentaires pour que leur grand-mère, qui touche 800 euros par mois, voie sa retraite augmenter. Car cette réforme, si elle n’est pas parfaite, rend aussi moins précaires les retraites les plus faibles. Les jeunes sont prêts, même s’ils ne savent pas s’ils partiront en retraite à 63, 64 ou 65 ans, à cotiser davantage pour que leur grand-mère perçoive une meilleure retraite.

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Vous avez posé cette question avant, ou après la distribution des cadeaux ? Cela a pu influencer la réponse !

Vous parlez de la valeur travail depuis tout à l’heure, mais la valeur qui compte, c’est celle de la santé, celle de la récompense après une vie de travail difficile. Il s’agit d’un droit absolu de notre système social. Repousser l’âge de départ à la retraite revient à enfoncer les personnes les plus discriminées sur le marché du travail dans une plus grande précarité. Vous ne devriez en aucun cas être fiers de cette réforme.

La commission rejette l’amendement CF318.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CF88, CF89, CF90 et CF91 de M. Mickaël Bouloux.

Amendement CF174 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie (LR). Dans le même esprit que tout à l’heure, il s’agit de décaler l’application de la réforme aux pensions prenant effet le 1er janvier 2024 plutôt que le 1er septembre 2023, afin que son impact sur les personnes préparant leur retraite ne soit pas immédiat.

Un projet de retraite se prépare longtemps à l’avance. C’est un projet de vie, et il n’est pas admissible de le bouleverser de façon aussi brutale et rapide.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées tout à l’heure concernant un autre amendement de Mme Louwagie répondant au même objectif.

La commission rejette l’amendement CF174.

Amendement CF175 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie (LR). Il y a un manque de visibilité et d’information flagrant sur la retraite. De nombreux Français connaissent mal les règles et les dispositions dérogatoires du système. Toutes les personnes qui constituent leur dossier pour la retraite partagent ce constat.

Cet amendement vise à faciliter les démarches des futurs retraités en instaurant un guichet d’information destiné à tous les actifs concernés par la réforme au 1er septembre 2023. Nos concitoyens pourront ainsi être accompagnés, par exemple dans les maisons France Services – l’organisation du dispositif étant laissée à l’appréciation du pouvoir réglementaire.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous rejoins pour constater la méconnaissance du système de retraite et la difficulté à l’appréhender. Je suis néanmoins défavorable à votre amendement car des dispositifs sont déjà chargés de cette mission d’accompagnement, notamment le groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite, anciennement Info Retraite. Sans doute faut-il les améliorer, et je retiens votre idée, qui me semble intéressante, d’étudier la façon de l’intégrer dans les maisons France Services.

Mme Véronique Louwagie (LR). Combien de personnes dans cette salle ont-elles constitué un dossier pour leur retraite ou celle de l’un de leurs concitoyens ? L’une de mes collaboratrices y consacre une journée par semaine, et je puis vous assurer que la tâche est complexe. Je ne suis pas d’accord avec votre réponse car les gens éprouvent de grandes difficultés à accomplir cette démarche. Il faut améliorer le dispositif actuel, comme cet amendement en a l’objectif.

M. Jean-Philippe Tanguy. Je soutiens cet amendement. Nous aidons souvent nos concitoyennes et nos concitoyens – cela fait partie de notre travail – à remplir leur dossier de retraite, en particulier les plus précaires et les plus fragiles d’entre eux, qui ne sont pas toujours au fait des malheureusement nombreuses subtilités administratives de notre pays et qui se retrouvent ainsi discriminés.

Cet amendement de bon sens permettrait de limiter quelque peu les discriminations, car les personnes qui exercent les métiers les plus difficiles et qui sont le plus occupées au quotidien perdent des trimestres dans le calcul de leur retraite ou passent à côté de dispositifs dont elles pourraient bénéficier.

Mme Nadia Hai (RE). L’amendement met en lumière un problème d’information de nos concitoyens sur l’élaboration du dossier de retraite. Je ne pense pas que l’amélioration des dispositifs actuels relève du domaine de la loi. Les bouquets des maisons France Services peuvent évoluer sans modification législative. Il faut se pencher sur cette question et réfléchir ensemble aux nouveaux outils qui pourraient être déployés.

La commission rejette l’amendement CF175.

Amendement CF405 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie (LR). Cet amendement du groupe Les Républicains instaure une clause de revoyure en 2027 sur le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. J’ai bien noté que l’amendement CF419 de Mme la rapporteure pour avis allait dans le même sens, mais je ne suis pas sûre qu’il prévoie un débat au Parlement. Nous proposons un dispositif composé d’une loi qui nous permette d’amender la réforme, avec un rapport préalable.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Le dispositif que vous proposez est proche du mien, qui me paraît plus opérationnel justement parce qu’il prévoit la tenue d’un débat avant le dépôt du PLFSS pour 2028. Je demande le retrait de cet amendement. Dans le cas contraire, mon avis sera défavorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Votre amendement me semble un peu restrictif puisqu’il parle de « confirmer le relèvement de cet âge ». La rédaction que nous avons adoptée est plus large.

La commission rejette l’amendement CF405.

Amendement CF386 de Mme Félicie Gérard.

Mme Félicie Gérard. Cet amendement vise à ce que soit remis au Parlement un rapport analysant l’impact de la réforme des retraites, notamment celui du décalage de l’âge légal pour les femmes. Si l’étude d’impact du projet de loi démontre que la réforme devrait augmenter la pension moyenne des femmes, des questions persistent sur l’utilisation concrète des trimestres obtenus pour la grossesse et l’éducation des enfants. Ce rapport offrirait une analyse des effets concrets du décalage de l’âge légal sur l’utilisation de ces trimestres et éclairerait le Parlement sur de potentiels effets de bord.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable car il me semble préférable de solliciter des organismes indépendants, comme la Cour des comptes ou le COR, dont le rôle est de nous informer, voire de mener nos propres travaux sur le sujet, plutôt que de nous tourner systématiquement vers le Gouvernement.

La commission rejette l’amendement CF386.

Amendement CF98 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Dans le même esprit, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans l’année suivant la promulgation de la loi, un rapport sur l’impact de l’article 7 du texte sur les conditions de travail.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable, car ce rapport n’est pas nécessaire. En effet, ces informations figureront déjà dans plusieurs documents qui nous sont transmis chaque année, notamment les rapports de la Cour des comptes portant sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale et dans les annexes à chaque PLFSS. La clause de revoyure que nous avons insérée dans la loi nous donnera l’occasion d’avoir un débat large sur tous les paramètres de la réforme.

La commission rejette l’amendement CF98.

Amendement CF177 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie (LR). La réforme des retraites pourrait avoir des conséquences « pas anodines », pour reprendre les termes qu’Éric Chenut, président de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), a utilisés sur France Info le 10 janvier. Il explique que les impacts seront plus élevés en matière de prévoyance sur les contrats des mutuelles, puisque le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans « pourrait aboutir à une nécessité de coûts en prévoyance aux alentours de 10 milliards d’euros supplémentaires. »

Il y a donc un enjeu important, car la réforme pourrait peser sur le portefeuille des assurés. Nous devons connaître l’étendue de cette charge, de laquelle l’étude d’impact ne dit mot. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, un rapport sur l’impact du report de l’âge légal de départ à la retraite en matière de prévoyance.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Vous souhaitez que le Gouvernement transmette un rapport au Parlement sur l’impact d’une loi de financement de la sécurité sociale sur des acteurs privés évoluant dans un marché concurrentiel. Ce n’est pas le bon véhicule à mes yeux ; en revanche, il me semblerait pertinent de mener une mission parlementaire sur le sujet.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Je soutiens cette demande de rapport de Mme Louwagie car il me semble essentiel que la représentation nationale appréhende les effets de la loi sur le marché de la prévoyance et de la capitalisation. Dès lors que l’opinion publique doute de la réalité de l’accès à la retraite par répartition, cela pourrait alimenter le marché privé de la retraite : des jeunes pourront se dire qu’ils n’atteindront jamais le nombre de trimestres d’une carrière complète et qu’il leur faut épargner pour leur retraite en souscrivant une assurance privée.

Il n’est pas acceptable que cet aspect, qui n’est pas secondaire dans les motivations du Gouvernement, soit passé sous le boisseau.

La commission rejette l’amendement CF177.

Amendement CF99 de Mme Christine Pires Beaune

M. Philippe Brun (SOC). Dans le débat sur le report de l’âge légal, on parle beaucoup de la pénibilité, de la justice, de la contribution excessive au financement du régime de retraite de ceux qui exercent les métiers les plus pénibles et qui commencent à travailler très tôt, mais il faut aussi évoquer la contribution décisive des retraités, notamment les plus jeunes d’entre eux, à la vie associative et civique de notre pays – nous connaissons la proportion élevée de jeunes retraités dans les conseils municipaux.

Le report de l’âge légal risque de réduire le vivier de bénévoles qui font vivre nos associations et qui s’engagent dans la société civile. Nous demandons donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’impact de l’article 7 sur l’engagement associatif.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Même s’il me semble effectivement intéressant d’analyser l’impact de la réforme sur le bénévolat, j’émettrai un avis défavorable car cet amendement ne me semble pas avoir de lien avec l’équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, qui est l’objet du PLFSS.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement a le grand mérite de mettre en lumière des conséquences de cette réforme dont on n’a pas forcément conscience.

Le bénévolat a un rôle essentiel en France, car il compense bien souvent le recul de l’État en matière de solidarité, par exemple pour l’aide alimentaire. Or ce sont souvent des retraités qui font vivre ces associations – dont personne ne peut nier l’utilité sociale. Si les gens partent à la retraite plus tard, ils seront moins nombreux à partir en bonne santé, ce qui aura forcément un impact sur la vie associative.

Par ailleurs, beaucoup de départements ruraux vivent du pouvoir d’achat de retraités venus s’y réinstaller. Il est évident que le recul de l’âge de la retraite aura aussi un impact sur cette activité économique.

La commission rejette l’amendement CF99.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.

Article 8 : Renforcement des départs anticipés

Amendements de suppression CF7 de M. Philippe Brun et CF404 de Mme Eva Sas.

M. Philippe Brun (SOC). Nous demandons la suppression de cet article, qui adapte les règles du départ anticipé à la suite du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Les personnes ayant eu une carrière longue verront, elles aussi, leur âge de départ à la retraite repoussé de deux ans. Elles cotiseront donc quarante-quatre ans, au lieu de quarante-trois ans, ce qui est absolument injuste.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable, car cet article porte en réalité des dispositions favorables aux assurés bénéficiant d’un départ à la retraite anticipé.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements identiques CF7 et CF404.

Amendements CF336 de M. François Ruffin, CF100, CF102, CF101 de M. Christian Baptiste et CF182 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune).

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). Nous demandons la suppression des alinéas 1 à 22 car nous nous opposons à la limitation par décret de la durée d’anticipation pour carrière longue, retraite progressive, handicap ou incapacité.

Vous vous félicitez du maintien des départs anticipés et mettez les idées de justice sociale, d’équité et de progrès à toutes les sauces. Certes, sur le papier, la réforme maintient le départ anticipé pour les carrières longues, le handicap et l’inaptitude, mais ce ne sera pas vrai dans les faits. Collègues du groupe Renaissance, cessez de mentir aux Français : concrètement, avec cette réforme, vous décalez l’ensemble des départs anticipés de deux ans. Les personnes qui sont usées parce qu’elles ont commencé à travailler très tôt vont toutes travailler vingt-quatre mois de plus. Et il en sera de même pour celles qui sont en situation de handicap ou considérées comme inaptes.

À cause de votre réforme, 9 000 personnes supplémentaires mourront chaque année avant d’atteindre la retraite. Cessez de parler de justice, ou bien supprimez cet article !

Mme Véronique Louwagie, présidente. Avec cet article, les personnes qui auront commencé à travailler avant 18 ans devront cotiser quarante-quatre ans, soit un an de plus que les quarante-trois ans nécessaires, à terme, pour toucher une retraite à taux plein. Or ceux qui ont commencé à travailler jeunes sont aussi, la plupart du temps, ceux qui exercent des métiers pénibles et faiblement rémunérés. Par conséquent, il est tout fait injuste de leur imposer quarante-quatre années de cotisations pour un départ à taux plein. Avec l’amendement CF182, nous proposons de revenir au droit existant pour les carrières longues.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Les premiers proposent de supprimer l’âge de départ anticipé pour carrière longue, retraite progressive, handicap ou incapacité : je ne comprends pas cette position. S’agissant de l’amendement CF182, je rappellerai simplement que, dans le dispositif actuel, ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans cotisent quarante-cinq ans. Cette durée sera réduite à quarante-quatre ans après la prise du décret d’application de l’article 8 que nous examinons.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Le grand public a dû être quelque peu décontenancé par la communication du Gouvernement qui prétend, depuis plusieurs semaines, que son projet de réforme comporte des avancées sociales pour les personnes ayant eu une carrière longue. En réalité, les carrières longues seront toujours aussi longues, voire plus longues, comme dans le cas envisagé par Mme Louwagie d’une personne ayant commencé à travailler avant 18 ans. Certes, elle pourra partir à 62 ans, au lieu de 64, comme vous aimez à le répéter, et ce sera effectivement moins pire que le pire, mais cette personne aura bel et bien cotisé quarante-quatre ans, ce qui est absolument injuste, insupportable et injustifié.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je précise que les personnes qui auront commencé à travailler avant 18 ans partiront à la retraite à 60 ans.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Mais si elles ont commencé à travailler à 18 ans et un jour, elles devront travailler jusqu’à 62 ans !

La commission rejette successivement les amendements CF336, CF100, CF102, CF101 et CF182.

Amendement CF103 de M. Christian Baptiste.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons de supprimer le report à 62 ans de l’âge de départ anticipé à la retraite pour le régime des professions libérales et des travailleurs indépendants.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF103 ; elle rejette ensuite l’amendement CF104 de M. Christian Baptiste.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 non modifié.

Article 9 : Prévenir et réparer l’usure professionnelle

L’amendement CF373 de Mme Eva Sas est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF110 de M. Mickaël Bouloux.

Amendement CF112 de M. Mickaël Bouloux.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous invite à retirer votre amendement, car il est satisfait par le texte.

L’amendement CF112 est retiré.

Amendement CF229 du rapporteur général.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. La retraite progressive est un dispositif qui permet une transition souple entre l’emploi et la retraite. Or elle est assez peu connue. Nous proposons donc que soit prévue, durant l’année civile du quarante-cinquième anniversaire du travailleur, une visite médicale au cours de laquelle le médecin du travail l’informe de la possibilité de bénéficier de la retraite progressive.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Même s’il me semble que cette visite pourrait intervenir un peu plus tard qu’à 45 ans, j’émettrai un avis favorable à cet amendement, puisque tout ce qui peut contribuer à faire connaître ce dispositif va dans le bon sens.

La commission adopte l’amendement CF229 (amendement AS7256 et amendement 597).

Amendement CF106 de M. Mickaël Bouloux.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’élargissement aux salariés exposés à l’ensemble des facteurs de risques professionnels le bénéfice des actions de prévention de la pénibilité financées par le fonds d’investissement de prévention de la pénibilité créé par l’article 9.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. Des éléments nous sont déjà communiqués chaque année à ce sujet, par exemple dans le cadre du rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Nous avons déjà parlé des carrières longues, mais pas encore des catégories actives et très actives. Or elles vont, elles aussi, prendre cette réforme de plein fouet, contrairement à ce qu’affirment le Gouvernement et la majorité. Je pense aux policiers, qui ont raison de manifester, puisque leur âge de départ à la retraite va passer de 55 à 57 ans. Ils font partie de ces professions dont vous prétendez reconnaître la pénibilité et qui, en réalité, vont particulièrement souffrir de cette réforme. Il importe de mettre le doigt sur cette hypocrisie du Gouvernement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF106.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l'article 9 modifié.

Titre II

Renforcer la solidarité de notre système de santé

Article 10 : Revalorisation des petites pensions et amélioration du recours à l’ASPA

Amendement CF410 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous proposons de ne verser l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) qu’aux personnes vivant de manière permanente sur le territoire national. À l’heure actuelle, peuvent bénéficier de l’ASPA les personnes qui ont leur foyer permanent en France, mais aussi celles qui n’y ont que leur séjour principal : ces dernières peuvent séjourner près de six mois hors de France et toucher quand même l’ASPA.

Pire, alors qu’il est également précisé à l’article L. 816‑1 du code de la sécurité sociale qu’il faut être titulaire d’un titre de séjour depuis au moins dix ans, cette condition ne s’applique pas aux ressortissants de nombreux pays. Pour leur accorder l’ASPA sans aucune obligation de séjour préalable en France, une simple lettre de la direction de la sécurité sociale datée de 2018 a suffi, en contradiction totale avec le code de la sécurité sociale.

Il est essentiel de rétablir la condition de séjour permanent sur notre territoire et de dix années minimum de séjour en France pour l’obtention de cette allocation. C’est une question de justice sociale.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. J’émettrai un avis défavorable sur cet amendement. L’obligation d’avoir son lieu de séjour principal en France pour bénéficier de l’ASPA paraît équilibrée : elle permet de s’assurer que les personnes passent bien un certain temps sur le territoire national, sans pour autant les empêcher de passer quelques mois par an dans un autre pays, par exemple celui dont elles sont originaires.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). Les personnes immigrées qui viennent en France pour travailler ont généralement des salaires inférieurs ; elles sont souvent stigmatisées et victimes de discrimination. Est-il raisonnable de leur chercher des noises et de leur interdire, après une dure vie de labeur, de passer leur retraite chez elles ? Vous n’aimez pas les étrangers quand ils sont ici et, quand ils rentrent chez eux, vous ne les aimez pas non plus ! Pourriez-vous les laisser en paix, ces vieux chibanis, et tous les autres, qui ont beaucoup donné à la France ?

Mme Véronique Louwagie, présidente. Ce qui me paraît problématique, et ce sur quoi porte précisément l’amendement, c’est que la loi n’est pas appliquée. Elle dispose qu’il faut être titulaire d’un titre de séjour depuis au moins dix ans. Or une simple lettre de la direction de la sécurité sociale a introduit, en 2018, un grand nombre de dérogations. En tant que législateurs, nous devrions être choqués que des dispositions qui ont été votées à l’Assemblée nationale ne soient pas appliquées. Je m’étonne que personne ne réagisse.

M. Philippe Brun (SOC). Cette situation ne résulte pas d’une initiative de la direction de la sécurité sociale, mais de l’application de conventions sociales bilatérales avec les pays concernés – conventions qui, vous le savez, ont une autorité supérieure aux lois.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La question n’est pas de savoir si l’on aime ou pas les étrangers, ce qui n’a aucun sens, mais de s’assurer que les personnes qui bénéficient de l’ASPA résident de manière permanente en France, ce qui est aussi une manière d’éviter les fraudes. Si l’on souhaite s’intégrer en France, on ne passe pas six mois de l’année dans un autre pays, et ne me dites pas qu’il faut six mois pour aller rendre visite à sa famille. L’amendement de Mme Louwagie fait l’objet d’une instrumentalisation politicienne qui n’a aucun sens. Elle demande seulement que la loi soit appliquée.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF410.

Amendement CF117 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Nous demandons la suppression de l’alinéa 12, qui prévoit que le seuil de succession de l’ASPA sera fixé par décret, alors qu’il est fixé dans la loi actuellement.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. L’adoption de votre amendement ferait tomber la disposition permettant d’indexer sur l’inflation du plafond de récupération sur succession de l’ASPA. Or, cette disposition est intéressante et pleinement bénéfique aux bénéficiaires de cette allocation.

La commission rejette l’amendement CF117.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CF118 de Mme Christine Pires Beaune.

Amendement CF319 de Mme Rachel Keke.

Mme Raquel Garrido (LFI-NUPES). C’est le dernier amendement que je défendrai. J’en profite pour faire remarquer que je n’ai pas eu la garantie que les articles de ce texte seront examinés dans l’ordre dans l’hémicycle. Oserez-vous réellement aborder, à l’article 7, la question du report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ? Ou bien nous infligerez-vous d’abord les petites discussions sur les prétendues avancées de votre réforme, qui figurent dans les articles suivants ?

La fixation du minimum contributif à 1 200 euros, qui a été abondamment commentée dans les médias, n’est que de la poudre de perlimpinpin, comme dirait M. Macron, puisqu’il suffirait d’appliquer la loi Fillon de 2003 en publiant un décret pour obtenir le même résultat.

Nous, nous sommes pour un SMIC à 1 800 euros net. Si l’on applique à cette somme la règle introduite par la loi Fillon de 2003, on obtient un minimum contributif de 1 600 euros.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cet amendement. J’invite Mme Garrido, si elle veut avoir la garantie que l’article sur le report de l’âge légal de départ à la retraite sera bien examiné, à soutenir l’initiative de mon collègue Thomas Ménagé, qui a demandé ce matin à la commission des affaires sociales que cet article soit examiné en premier.

La commission rejette l’amendement CF319.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 non modifié.

Article 11 : Valider pour la retraite une période assimilée pour certains stages de la formation professionnelle

Amendement CF120 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité de valider rétroactivement pour la retraite les travaux d’utilité collective et autres périodes assimilées à certains stages de la formation professionnelle, alors que l’article 8 ne prévoit, pour l’instant, une telle validation que pour les personnes partant à la retraite à partir du 1er septembre 2023.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je suis favorable à cette demande, car il me semble intéressant de disposer d’une vision objectivée des personnes concernées par ces stages de la formation professionnelle et déjà parties à la retraite.

La commission adopte l’amendement CF120 (amendement AS7257 et amendement 598).

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

Article 12 : Création d’une assurance vieillesse pour les aidants (AVA)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 non modifié.

Titre III

Faciliter les transitions entre emploi et retraite

Article 13 : Amélioration des transitions entre l’activité et la retraite

Amendement CF180 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Véronique Louwagie (LR). Afin de favoriser le cumul entre emploi et la retraite, nous proposons de supprimer le délai de carence de six mois entre la date de liquidation d’une première pension et l’ouverture de nouveaux droits permise par la reprise d’une activité professionnelle.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous invite à retravailler votre amendement car, si je le comprends bien, il supprimera uniquement la possibilité que le cumul soit générateur de droit.

L’amendement CF180 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 non modifié.

Après l’article 13

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette successivement les amendements CF176 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF142 de M. Fabien Di Filippo.

Amendement CF387 de Mme Félicie Gérard.

Mme Félicie Gérard (HOR). Cet amendement a pour objet la remise au Parlement d’un rapport évaluant l’incidence de la réforme sur l’équilibre des finances publiques à moyen terme. Celui-ci est en effet difficile à évaluer en raison de l’existence de nombreuses inconnues concernant le comportement des salariés et des entreprises.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Je vous demande de retirer cet amendement car il est satisfait. La réforme passe par un PLFRSS dont tous les articles seront évalués dans une annexe du prochain PLFSS. De plus, son application donnera lieu chaque année à divers rapports émanant du COR, du Comité de suivi des retraites (CSR) et de la Cour des comptes.

L’amendement CF387 est retiré.

Amendement CF65 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la pertinence de l’unification du recouvrement des cotisations sociales.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je me réjouis que le Gouvernement ait décidé de revenir sur une disposition du PLFSS relative au recouvrement des cotisations de l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des cadres et de l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO) par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF). Il est très important de préserver l’autonomie de ces dispositifs gérés de manière paritaire, qui fonctionnent très bien. Je ne partage pas du tout votre analyse sur une pertinence de l’unification du recouvrement des cotisations sociales.

La commission rejette l’amendement CF65.

Amendement CF29 de M. Philippe Brun.

M. Philippe Brun (SOC). Pour être parfaitement clair, si les socialistes demandent un rapport sur l’unification du recouvrement des cotisations sociales, c’est bien parce qu’ils estiment que ce n’est pas pertinent.

L’amendement CF29 a pour objet la remise d’un rapport évaluant l’impact des exonérations de cotisations sociales pesant sur la branche vieillesse. Celles-ci, qui s’élèvent à 18 milliards d’euros, affectent la soutenabilité de notre régime.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable car des rapports existent déjà sur ce sujet.

La commission rejette l’amendement CF29.

Amendement CF119 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport présentant les différentes options permettant d’intégrer les primes des fonctionnaires des outre-mer dans l’assiette de cotisation pour la constitution des droits à pension.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF119.

Amendement CF122 de Mme Christine Pires Beaune.

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement a pour objet la remise au Parlement d’un rapport sur la création d’une bonification pour la retraite des trimestres de volontariat des sapeurs-pompiers. Nous témoignerions ainsi de la reconnaissance de la Nation envers ces héros du quotidien, qui font preuve d’un courage exemplaire.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement CF122 (amendement AS7258 et amendement 599).

Titre IV

Dotations et objectifs de dépenses des branches et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires

Avant l’article 14

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CF374 de Mme Eva Sas.

Article 14 : Objectif de dépenses de la branche maladie pour l’année 2023

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF8 de M. Philippe Brun et CF375 de Mme Eva Sas.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 non modifié.

Article 15 : Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour l’année 2023

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF9 de M. Philippe Brun et CF376 de Mme Eva Sas.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 non modifié.

Article 16 : Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour l’année 2023

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF10 de M. Philippe Brun et CF377 de Mme Eva Sas.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 non modifié.

Article 17 : Objectif de dépenses de la branche famille pour l’année 2023

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements de suppression CF11 de M. Philippe Brun et CF378 de Mme Eva Sas.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 non modifié.

Article 18 : Objectif de dépenses de la branche autonomie pour l’année 2023

Amendements de suppression CF12 de M. Philippe Brun et CF379 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le groupe Écologiste a déjà exprimé sa très vive inquiétude face au sous-dimensionnement de la branche autonomie et aux besoins criants du secteur du grand âge. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 18, qui maintient ce mauvais cap.

Mme Marina Ferrari, rapporteure pour avis. Mon avis est défavorable. La rectification des objectifs de dépenses des différentes branches est un élément devant obligatoirement figurer dans une LFRSS, en application de l’article L.O 111-3-11 du code de la sécurité sociale.

La commission rejette les amendements identiques CF12 et CF379.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 non modifié.

Article 19 : Prévisions de charges du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’année 2023

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement de suppression CF380 de Mme Eva Sas.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 non modifié.

Article 20 : Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour l’année 2023

Amendements de suppression CF14 de M. Philippe Brun et CF365 de Mme Eva Sas.

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit de supprimer l’article 20 car nous réprouvons cette réforme ainsi que la rectification de l’objectif de dépenses de la branche vieillesse.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette les amendements identiques CF14 et CF365.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de la seconde partie modifiée.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 modifié.


—  1  —

   ANNEXE

Audition du président du Conseil d’ORientation des retraites

Lors de sa réunion du 19 janvier 2023, la commission a entendu, au Palais-Bourbon et en visioconférence, conjointement avec la commission des affaires sociales, MM. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), et Emmanuel Bretin, secrétaire général du COR, sur les perspectives d’évolution du système de retraite.

M. Éric Coquerel, président de la commission des finances. La commission des finances et la commission des affaires sociales reçoivent M. Pierre‑Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), accompagné de M. Emmanuel Bretin, secrétaire général. Je me réjouis de cette occasion de tenir une réunion commune avec la commission des affaires sociales et que nous puissions entendre le COR avant d’entamer l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale portant réforme des retraites, qui devrait être présenté en Conseil des ministres lundi prochain, afin d’évoquer ainsi les perspectives financières du système de retraite français.

Sur ce projet de loi, qui sera examiné par la commission des affaires sociales, la commission des finances se saisira pour avis, comme elle a coutume de le faire sur tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale, aussi bien initiaux que rectificatifs. Le ministre sera auditionné en commission des affaires sociales dès lundi 23 janvier. La commission des finances auditionnera mercredi 25 janvier à quinze heures M. Pierre Moscovici, qui nous présentera, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), l’avis rendu par le Haut Conseil à l’occasion de la présentation du projet de loi. Le vendredi 27 janvier, la commission des finances examinera le projet de loi pour avis.

L’intérêt de la présente audition est d’entendre le Conseil d’orientation des retraites lui-même, alors que nous entendons beaucoup parler des projections de cet organisme de façon indirecte.

Mme Fadila Khattabi, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie le président de la commission des finances, puisque c’est à son initiative que cette audition a été organisée. Cette initiative rejoint le souhait exprimé au sein de notre commission des affaires sociales de se saisir du thème des retraites et d’entendre le COR. Je le remercie également de la souplesse dont il a fait preuve en permettant que cette réunion ait lieu entre deux examens de textes en séance publique. Je regrette que notre calendrier de la semaine prochaine ne nous permette pas de procéder de la même manière pour l’audition du président du HCFP. Je me réjouis que nous puissions aujourd’hui commencer nos travaux sur les retraites avant même l’audition du ministre, M. Olivier Dussopt, lundi prochain à seize heures trente.

Le COR, compte tenu de sa composition pluraliste, de ses missions telles qu’elles sont définies par la loi, de sa méthode consistant à élaborer les éléments d’un diagnostic partagé et de la place qu’il a acquise dans le débat public depuis maintenant vingt ans, s’imposait pour introduire nos très prochaines discussions sur la réforme des retraites. Parlementaires comme citoyens, nous avons tous besoin de disposer d’éléments tangibles pour alimenter nos réflexions et fonder nos choix de manière éclairée. Des éléments factuels et partagés devraient contribuer à dépassionner et à objectiver les débats en commission puis dans l’hémicycle. C’est en tout cas le souhait que j’émets.

Je vous remercie, monsieur le président et monsieur le secrétaire général, de vous être rendus disponibles pour nos commissions.

M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR). Je vais essayer de me faire le porte-voix du COR. Je préside cette institution, qui compte quarante‑deux membres, dont plusieurs parlementaires, quatre députés et quatre sénateurs – je salue d’ailleurs M. Marc Ferracci, qui nous a récemment rejoints ; l’ensemble des partenaires sociaux  – organisations d’employeurs et de salariés, ainsi qu’un représentant des professions libérales, un représentant de l’Union nationale des associations familiales (UNAF), un représentant de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) ; toutes les administrations intéressées par la question des retraites – direction du budget, direction du Trésor, direction de la sécurité sociale, etc. ; ainsi que cinq ou six personnalités qualifiées. Toutes ces organisations, vous vous en doutez, n’ont pas la même vision et la même orientation quant à ce qu’il faut faire en matière de retraite.

Jusqu’à présent, nous parvenons à dresser des bilans, à travers un rapport annuel, qui est d’ailleurs prévu par la loi. J’insiste sur le fait que ce rapport, avant d’être publié, doit faire consensus : je ne le publie qu’après avoir demandé à l’ensemble des membres du Conseil s’il y a des oppositions à ce qu’il soit publié en tant que rapport du COR. Quand je ferai référence directement au rapport, il s’agit a priori d’éléments qui font consensus. Celui-ci n’est possible que parce que nous travaillons sur des données et des constats. Si nous tentions au sein du COR de converger sur des propositions, vous vous doutez que j’aurais quelque mal à y parvenir. Je n’ai sûrement pas le talent pour arriver à pacifier cette question.

Je voulais débuter, puisqu’il me semble qu’il s’agit de l’indicateur le plus synthétique, par vous présenter le poids des dépenses de retraite dans le PIB. Comment les retraites fonctionnent-elles ? L’on prélève sur la richesse produite par les actifs pour permettre le financement des retraites de ceux qui ne travaillent plus. En 2021, les dépenses de retraites représentaient 13,8 % du PIB. Il faudrait donc prélever 13,8 % de la richesse produite par les actifs au cours de l’année si l’on voulait que le système soit à l’équilibre, ce qui était justement le cas en 2021.

Les projections d’évolution des dépenses de retraite  que nous avons établies se fondent, jusqu’en 2030, sur les hypothèses économiques du Gouvernement. Après 2030, il n’existe pas d’hypothèses économiques du Gouvernement ; nous sommes donc obligés de choisir des hypothèses de base. Nous avons besoin de deux hypothèses économiques fondamentales : le taux de chômage et la croissance de la productivité du travail, sachant que dans notre modèle, qui est très simple, les salaires augmentent comme la productivité horaire du travail.

Pour le chômage, nous retenions traditionnellement une hypothèse de 7 %, et nous avions une variante à 4,5 % que nous n’utilisions quasiment plus, car lorsque nous l’évoquions, nous croulions sous les sarcasmes de tous les journalistes, qui nous trouvaient trop optimistes. Cette année, un bouleversement majeur s’est produit : le Gouvernement a prévu pour 2027 le retour à un taux de chômage à 5 %. Par rapport à notre hypothèse à 7 %, cela faisait une dépréciation très forte. Nous avons donc refait nos calculs avec une hypothèse de chômage à 4,5 %, qui est le prolongement du taux de 5 % auquel le Gouvernement envisage d’aboutir en 2027.

Quatre hypothèses sur la productivité horaire du travail sont retenues. L’hypothèse la moins favorable prévoit une augmentation de 0,7 % de la productivité horaire du travail par an, et l’hypothèse la plus favorable prévoit une augmentation de 1,6 % par an. Les résultats sont extrêmement différents selon l’hypothèse choisie, ce qui s’explique principalement de la manière suivante : les pensions étant indexées sur l’inflation, en cas de forte croissance des salaires, le poids des retraites dans la richesse est moins important que lorsque la croissance des salaires est moins forte.

Le COR dit toujours qu’il ne privilégie aucune de ces quatre hypothèses. Néanmoins, et c’est logique, le Gouvernement ne peut présenter un projet de loi en s’encombrant de quatre hypothèses. Il fait donc un choix. Dans le cadre de cette réforme, il a décidé de reprendre l’hypothèse faisant état d’une croissance de la productivité du travail à 1 %. Lors des débats sur la précédente réforme, dite du régime universel, le Gouvernement avait fait le choix de l’hypothèse à 1,3 %.

Les résultats sont extrêmement différents. En résumant, les dépenses de retraite sont globalement stabilisées ; à très long terme, elles diminuent dans trois hypothèses sur quatre. Dans l’hypothèse la plus défavorable (productivité à 0,7 %), elles augmentent, sans que cette augmentation soit très importante, puisqu’elles passent de 13,8 % à 14,4 % du PIB.

Les dépenses de retraite ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées ; dans la plupart des hypothèses, elles diminuent à terme. Dans l’hypothèse retenue par le Gouvernement, elles diminuent un peu. En règle générale, ce propos suscite un certain étonnement : « La France vieillit, et le COR ne le sait pas ». Si la France vieillit, les retraites doivent exploser. Bien évidemment, nous savons que la France vieillit : aujourd’hui, il y a 1,7 cotisant par retraité ; en 2070, il n’y en aura plus que 1,2. C’est l’effet du vieillissement de la population : il y aura moins de personnes en âge de travailler relativement aux personnes ayant vocation à être à la retraite. N’y aurait-il que ce phénomène, les dépenses de retraites déraperaient par rapport au PIB et exploseraient.

Si l’on analyse le montant des pensions des retraités rapporté au montant des rémunérations des actifs, on constate une diminution de ce rapport, laquelle est liée à l’indexation des pensions sur l’inflation et non sur les salaires, comme c’était le cas avant les années 1990. Il y aura moins de cotisants par rapport au nombre de retraités, mais ce que l’on donnera à chacun des retraités par rapport à ce que gagne chacun des cotisants sera moindre. Nous sommes devant un problème de physique élémentaire : il y a deux forces, dont la résultante est une stabilisation, dans la plupart des hypothèses, des dépenses de retraites par rapport au PIB. Cela permet au COR d’affirmer que les dépenses de retraites ne dérapent pas dans le cadre des hypothèses convenues, malgré le vieillissement de la population.

Il existe bien sûr un revers au fait que les dépenses ne dérapent pas : le montant des pensions par rapport aux rémunérations diminue. Aujourd’hui, grâce au montant de ces pensions, les retraités ont un niveau de vie légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population. Du fait de l’évolution que je viens d’évoquer, le niveau de vie relatif des retraités sera demain inférieur à ce qu’il est aujourd’hui. Je parle bien du niveau de vie relatif des retraités : par rapport aux actifs de demain, ils auront moins, mais par rapport aux retraités d’aujourd’hui, les retraités de demain auront des niveaux de pensions et des niveaux de vie supérieurs. N’enlevez pas le mot « relatif ». Certains journalistes le font parfois, et passent de « le niveau de vie relatif des retraités va diminuer » à « le niveau de vie des retraités va diminuer », ce qui est complètement différent. La seconde affirmation est angoissante. La première est une question, un problème, mais elle est moins angoissante.

J’en viens au solde de l’ensemble du système des retraites – régimes de base et régimes complémentaires. Ce solde n’est pas celui que vous examinez en loi de financement de la sécurité sociale, dans lequel ne figurent que les régimes de base ; or, il se trouve que ce sont les régimes complémentaires qui sont excédentaires. Lorsque l’on considère l’ensemble du système, nous constatons un très léger excédent de 900 millions d’euros en 2021.

Vous entendrez souvent dire que le COR dissimulerait 30 milliards d’euros de déficit. Cette thèse est maintenant reprise par la plupart des journalistes. Je ne vais pas l’examiner en profondeur, même si je suis prêt à avoir un jour ce débat avec vous, mais je reviens sur l’affirmation selon laquelle le COR « cache » 30 milliards de déficit. Le COR reprend les données pour les régimes de base qui sont fournies par le Gouvernement dans les lois de financement de la sécurité sociale, et sur la base desquelles vous discutez. Je tiens à dire que le COR ne cache pas 30 milliards. Si 30 milliards sont cachés, c’est par le Gouvernement, avec la complicité du Parlement, tous groupes politiques confondus – car je n’ai jamais vu de débat au Parlement sur les données de base du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ce débat de fond peut avoir lieu. Si le Parlement change la façon de comptabiliser le déficit en LFSS, il est clair que les membres du COR changeront la manière dont ils calculent le déficit.

Les dépenses de retraite n’ont pas la même part dans le PIB selon les hypothèses. De même, le solde n’est pas le même selon les hypothèses. En 2022, nous serons en excédent, mais ensuite le solde va se creuser. Dans une seule hypothèse,celle d’une productivité du travail à 1,6 %, nous revenons à l’équilibre en 2045. Dans l’hypothèse qui sert de référence dans le cadre de la réforme, le déficit perdure jusqu’en 2070.

Il s’agit d’un second sujet d’étonnement. Alors que les dépenses ne dérapent pas et que la situation est à l’équilibre, comment le solde peut-il se creuser ? Quand nous projetons les ressources, nous le faisons à taux de cotisations constant. Comme la base des cotisations augmente comme le PIB, si les dépenses ne dérapent pas, il ne devrait pas y avoir de solde négatif. C’est là que se produisent des évolutions qui ne sont pas du tout intuitives. Le solde va se creuser en raison d’évolutions négatives des ressources, qui ne tiennent pas au fait que l’on aurait projeté une baisse de telle ou telle cotisation.

Trois phénomènes assez particuliers vont expliquer cette baisse de ressources pour les retraites.

Premièrement, les ressources qui vont au régime des fonctionnaires de l’État ne sont pas déterminées par un taux de cotisation, mais par une convention, selon laquelle le régime des retraites de l’État est toujours à l’équilibre. Comme les dépenses de retraite de l’État pour ses fonctionnaires vont diminuer, les ressources vont également diminuer.

Deuxièmement, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est un régime où le taux de cotisation, qui s’élève à 41 %, est bien supérieur au taux de cotisation appliqué aux salariés du privé, à savoir 28 %. Or, la part des rémunérations relevant de la CNRACL dans l’ensemble des rémunérations va diminuer. Ceux qui paient le plus vont peser moins. Les hypothèses sur l’évolution des rémunérations et des effectifs dans ce régime (hôpitaux et collectivités territoriales) sont particulières ; l’évolution sera moindre que dans l’ensemble de l’économie, et notamment dans le privé. Par un effet de structure, cela fera baisser la part des ressources des retraites dans le PIB.

Troisièmement, certaines ressources des retraites viennent de la branche famille ou du régime d’assurance chômage. Comme nous prévoyons qu’il y aura moins d’enfants et moins de chômeurs demain, les ressources venant de ces régimes seront moindres.

L’évolution du solde peut être décomposée entre un effet « dépenses » et un effet « ressources ». Dans l’hypothèse d’une croissance de la productivité du travail à 1 %, avec un chômage à 4,5 %, qui est l’hypothèse de référence du Gouvernement pour la réforme,  en 2027, le solde du régime des retraites s’établira à – 0,4 % du PIB, parce que nous aurons eu – 0,1 % de PIB sur les dépenses, et – 0,3 % de PIB sur les ressources. En 2046, le solde sera à – 0,7, mais l’effet « dépenses » sera à 0. Le solde négatif sera alors lié à un effet « ressources », tenant aux trois phénomènes que j’ai évoqués plus tôt et qui ne sont pas complètement intuitifs.

Le message du COR n’est pas aussi contradictoire qu’on le dit. Il est possible de dire à la fois que les dépenses ne vont pas déraper et qu’il y aura des déficits. La clé de cette contradiction apparente réside dans le fait que les déficits s’expliqueront en très large partie par un effet « ressources ».

Une telle évolution n’est pas compatible avec les objectifs de finances publiques actuels du Gouvernement. Les dépenses ne dérapent pas, mais elles vont augmenter en réel de 1,8 % dans les cinq ans qui viennent. Or, le Gouvernement poursuit un objectif en matière de dépenses publiques dans leur globalité, et les dépenses des retraites représentent 25 % de ces dépenses publiques. Cet objectif est de réduire le déficit public à 2,9 % en 2027, de maîtriser voire réduire un peu les prélèvements obligatoires. Il s’en déduit un objectif sur les dépenses : les dépenses publiques ne doivent pas augmenter en réel de plus de 0,6 % par an. Or, dès lors que 25 % des dépenses publiques augmentent de 1,8 %, il est quasiment impossible de limiter l’augmentation de l’ensemble à 0,6 %, car cela imposerait de limiter très fortement la croissance des 75 % restants, qui sont consacrés à l’économie, à la défense, à l’éducation, à la police, à la justice, à la santé. Les dépenses de retraites ne dérapent pas, mais elles ne sont pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du Gouvernement.

Cette analyse est évidemment inscrite dans le rapport du COR, mais certains membres ont indiqué qu’ils ne se sentaient pas engagés par les objectifs de politique économique du Gouvernement. Nous avons pris soin de noter cette contradiction dans notre rapport.

Chaque année, nous essayons de présenter la situation patrimoniale nette du système de retraite. Ce dernier compte des réserves et des dettes. Les dettes sont essentiellement portées à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), ainsi qu’au Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Fin 2021, la situation patrimoniale nette du système de retraite s’établissait à 163 milliards d’euros, soit 6,5 % du PIB. C’est une partie du patrimoine net des administrations publiques. L’Insee évaluait fin 2021 ce patrimoine à 15 % du PIB. Le problème est que ces réserves n’appartiennent pas à tout le monde ; ce n’est pas un bien collectif. Elles font partie de régimes complémentaires, qui sont d’ailleurs les régimes excédentaires. Pour l’essentiel, il s’agit de réserves de l’Agirc-Arrco.

M. le président Éric Coquerel. Ma première question découle de ce que vous venez de dire, c’est-à-dire de la confirmation que les dépenses de retraites ne dérapent pas, que le déficit augmente et que la clé de cette augmentation réside dans l’évolution des ressources. Dans au moins trois des quatre scénarios, le pourcentage des dépenses de retraite dans le PIB redevient stable entre 2035 et 2047, après quoi il baisse. Je suppose que c’est ce qui vous fait dire que les dépenses ne dérapent pas.

À partir du moment où la clé est le problème des ressources, l’on peut supposer que la solution consisterait à aller chercher d’autres ressources, soit par de moindres exonérations, soit par une taxation de certains revenus. Ce sont des choix politiques. Soit l’on modifie les clés qui permettent le départ à la retraite, telles que les années de cotisation ; soit nous allons chercher d’autres ressources, puisque le poids des retraites dans le PIB n’augmente pas.

Le Gouvernement s’appuie sur le scénario prévoyant que le déficit sera de 0,7 % du PIB en 2050. Comme le PIB aura plus que doublé d’ici 2050, 0,7 % du PIB correspondra alors à 44 milliards d’euros. Pour comparer une valeur dans le temps, il faut un référentiel commun. C’est pour cela que j’ai noté que le COR s’exprimait toujours en pourcentage de PIB, et non en valeur en euros, puisque le PIB va augmenter. N’est-il pas trompeur de présenter l’évolution du déficit de retraite dans le temps en euros, comme le fait le Gouvernement, contre l’usage scientifique qui préfère le pourcentage de PIB, comme le fait le COR ?

Le scénario du Gouvernement repose sur la convention dite « équilibre permanent des régimes » (EPR), qui suppose une diminution progressive de l’effort de l’État dans le financement du système de retraite, lequel est aujourd’hui de 2 %, et qui découle de la baisse du poids de l’emploi public dans l’emploi total. L’on peut se demander pourquoi cela devrait être le cas. Selon une autre convention, qui est celle de l’effort de l’État constant (EEC), et selon laquelle l’État maintient à tout moment son niveau de contribution, le système ne serait plus déficitaire en 2050. La convention EPR, qui parie sur une baisse de l’effort de l’État dans le financement du système de retraite, n’apparaît pas située politiquement. Ne pensez-vous pas que la convention EEC, telle qu’elle est définie aujourd’hui, devrait être considérée comme centrale ?

Le Gouvernement conserve les âges de départ actuels pour les personnes invalides ou en situation de handicap, ce qui diminue de 20 % les économies attendues. À cela s’ajoutent des dépenses sociales engendrées par la réforme, estimées à 3,5 millions d’euros. Le fait de compter 277 000 chômeurs supplémentaires à horizon de dix ans, si l’on tient compte non pas des prévisions du Gouvernement d’un taux de chômage à 4,5 % (vous observerez que la courbe du chômage ne suit pas vraiment cette évolution) mais de celles de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), représentera 2,8 milliards de dépenses supplémentaires d’assurance chômage.

Quel regard portez-vous sur la faiblesse de l’impact budgétaire de la réforme dans son ensemble et sur les évaluations de l’OFCE ?

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Je vous remercie de cette présentation complète et salue l’organisation de cette audition, qui constitue un premier jalon dans le débat parlementaire que nous devons avoir sur la réforme des retraites, d’une manière que je souhaite aussi éloignée que possible des idées préconçues sur un sujet particulièrement complexe. Les rapports rendus chaque année par votre Conseil attestent cette complexité. Le dernier d’entre eux a été abondamment commenté. Il est important de rappeler, comme vous l’avez fait, quelques éléments qui y sont inscrits.

Concernant l’existence d’un déficit, qui a été largement contestée, le rapport de septembre dernier pouvait difficilement être plus clair : à l’horizon 2032, quelle que soit la convention retenue ou l’hypothèse sous-jacente de productivité du travail, le système de retraite est en déficit, à un niveau qui varie entre 0,5 % et 1 % du PIB. À droits inchangés, dans un scénario central où notre pays atteindrait le plein emploi en 2027, ce déficit serait de 14 milliards d’euros en 2032.

S’agissant des seules dépenses, la révision des scénarios démographiques comme économiques vous conduit à estimer qu’elles seraient supérieures de près de 1 % du PIB par rapport à vos prévisions de juin 2021, à horizon 2032. Le Comité de suivi des retraites, qui est l’outil de pilotage de notre système de retraite, ne s’y est d’ailleurs pas trompé : dans son avis rendu sur la base de vos hypothèses en septembre dernier, sans se prononcer sur le contenu d’une réforme, ce comité souligne que « notre décision se fera dans un contexte désormais bien moins permissif pour l’endettement public ».

En commission des affaires sociales, nous aurons naturellement des débats quant aux meilleures manières de réduire ce déficit. Je voudrais m’attarder sur ce que notre majorité souhaite faire avec la réforme : permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de travailler, à commencer par les seniors. Selon les analyses du COR, quel est l’impact d’un recul de l’âge de départ à la retraite sur l’emploi des seniors ?

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances. Comme vous le soulignez, dans l’état actuel de la loi, et sans réforme supplémentaire, l’âge effectif de départ à la retraite atteindra d’ici une dizaine d’années 64 ans, compte tenu notamment de l’allongement de la durée de cotisation prévue par la loi de 2014, adoptée à l’initiative de la gauche. 64 ans est l’âge de départ qui équilibre le système dans l’un des scénarios centraux que vous reprenez, à horizon 2030. Notre proposition de fixer l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans tire en partie les conséquences de ce qui va être observé dans les prochaines années, et répond à notre souci d’équilibrer notre système de retraites par répartition.

Le niveau de vie des retraités, en valeur relative, va repasser sous le niveau de vie des actifs d’ici cinq ans. À terme, sans réforme, il y aurait un recul de l’ordre de 20 points entre le niveau de vie des retraités et celui des actifs. Ne rien faire revient à acter un déclassement de l’ensemble de nos retraités. Nous souhaitons lutter contre cette érosion mécanique du niveau de vie relatif des retraités par rapport à l’ensemble de la population, avec la fixation du minimum des pensions à 85 % du Smic et l’augmentation du montant des pensions liée au report de l’âge légal de départ à la retraite.

Vos projections annuelles sont marquées par une dégradation des perspectives pour notre système de retraite. C’est vrai pour la démographie : le rapport entre actifs et retraités va se dégrader plus vite qu’attendu, et nous allons bientôt être dans un rapport plus proche de 1 que de 2. Le bilan démographique de 2022, que l’Insee vient de publier, nous rappelle douloureusement que la situation risque encore de se détériorer. S’agissant de la productivité du travail, votre scénario le plus défavorable est celui d’une évolution annuelle de 0,7 %. Or, 0,7 % est le taux constaté entre 2010 et 2019. Ce scénario n’est donc pas très éloigné de ce que nous avons vécu durant la période récente. Les scénarios que vous proposez à 1,6 %, en revanche, me paraissent éloignés de ce que nous pouvons projeter.

Vous affirmez dans votre synthèse que sur les vingt-cinq prochaines années, le système de retraite serait en moyenne déficitaire, quels que soient la convention et le scénario retenus. En partant de vos prévisions fondées sur la convention dite EPR, j’observe qu’en dessous d’un taux annuel de l’ordre de 1,5 % pour la croissance annuelle de la productivité du travail, notre système de retraite n’est jamais à l’équilibre jusqu’en 2070, avec une hypothèse de chômage à 4,5 %, synonyme de retour au plein emploi, ce à quoi nous travaillons. Son déficit annuel atteint même 90 milliards d’euros environ à cette date, dans le pire des cas, et environ 40 milliards dans le scénario central retenu par le Gouvernement. Le système par répartition qui doit financer les pensions d’aujourd’hui par les cotisations vieillesse d’aujourd’hui n’est plus en mesure d’assurer le financement de la totalité du système. C’est déjà un peu le cas s’agissant de certains régimes spéciaux, pour lesquels l’État rééquilibre chaque année des déséquilibres majeurs.

Le projet de réforme dont le Gouvernement va prochainement nous saisir ne prend personne par surprise. La réforme est inscrite dans nos perspectives de finances publiques. Nous sommes donc au rendez-vous des engagements pris. Pour ces raisons, il m’apparaît impératif de réformer notre système de retraite, d’autant plus qu’il nous faut porter une attention particulière à la maîtrise des dépenses publiques, au risque d’un effondrement global de notre système. Puisque ce n’est jamais le bon moment, faisons-le maintenant, dans la clarté et le respect de nos institutions.

100 % des gains financiers de la réforme des retraites iront au financement du système des retraites : il faut le répéter.

Quel regard portez-vous sur la pertinence des travaux récents de la direction générale du Trésor, qui a modélisé il y a un an l’ensemble des impacts financiers et économiques d’un report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite, lequel se traduit , selon ces travaux, par une amélioration substantielle de l’emploi, de l’activité et des finances publiques ?

Les parties 4 et 5 de votre dernier rapport annuel portent sur l’équité entre les assurés, sur la solidarité avec les plus modestes (les femmes notamment) et sur les changements de niveau de vie lors du passage à la retraite. Sur ces sujets, quel commentaire pouvez-vous faire s’agissant de l’impact des dispositions de justice sociale comprises dans la réforme : l’amélioration du dispositif « carrières longues », l’anticipation du départ à la retraite pour les invalides en cas d’inaptitude ou dans le cadre du suivi médical, le relèvement de la pension minimale, la validation de trimestres pour les aidants, pour les femmes ayant bénéficié de congés parentaux, pour les personnes ayant effectué des travaux d’utilité collective ou de l’apprentissage ?

M. le président du COR. Mon propos est de vous éclairer sur le système de retraite à partir des travaux du COR, pas de faire des propositions ni de choisir des orientations. Je vous ai dit quelles étaient les origines du déficit, j’ai essayé de vous expliquer la part des dépenses et des ressources : je n’en tire aucune conclusion sur ce qu’il faut faire.

La présentation du Gouvernement est-elle trompeuse ? Je ne dirai jamais que le Gouvernement est trompeur. Pour des raisons de clarté, nous préférons parler en pourcentage du PIB. Il y a des hypothèses d’inflation, qui peuvent changer avec le temps. Par ailleurs, payer 100 n’a pas la même portée si vous gagnez 1 000 ou si vous gagnez 5 000. Or, le PIB va augmenter. C’est pour cela que nous préférons parler en pourcentage du PIB, ce qui se pratique aussi dans la plupart des textes ainsi qu’en commission des finances.

Je vous ai présenté la convention EPR car c’est la référence choisie par le Gouvernement. Dans les rapports du COR, nous utilisions la convention EEC à titre pédagogique. Parmi les trois éléments qui expliquent la diminution des ressources, la convention EEC consiste à neutraliser le premier élément, qui porte sur les fonctionnaires de l’État. Cette convention a pour nous une vocation pédagogique, permettant de montrer qu’une partie de l’évolution du solde tient à l’évolution particulière d’un régime dont les ressources sont alignées sur les dépenses. Cette convention suscite des débats, même au sein du COR. Je préfère aller au bout de la pédagogie en faisant cette présentation, ce qui me permet aussi de prendre en compte les trois éléments dans l’analyse. Vous avez les résultats dans le rapport et sur le site du COR. Vous pouvez vous y référer.

Lorsque l’on repousse l’âge de la retraite, on fait des économies sur les retraites, mais cela provoque des dépenses ailleurs. Nos derniers calculs montraient que si l’on économise 1, il y a 0,33 qui partent en dépense ailleurs. Pour beaucoup, il s’agissait de dépenses d’invalidité. La différence entre la réforme d’aujourd’hui et celle de 2010 est que l’âge d’ouverture des droits pour les invalides et les inaptes ne sera pas repoussé. Le 0,33 que nous avions calculé ne sera plus valide. Nous aurons moins d’économies sur les retraités, puisque les invalides et les inaptes ne seront pas concernés, mais en contrepartie, nous aurons moins de dépenses, pour les mêmes raisons. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) peuvent vous fournir ces données, qui figureront certainement dans l’étude d’impact.

En termes financiers, une réforme des retraites n’impacte pas seulement le système des retraites. Quand vous repoussez l’âge de départ à la retraite, vous espérez que les gens travailleront plus longtemps et qu’il y aura plus de cotisations retraite. Je pense que ce surplus de cotisations a été intégré. Les personnes qui travaillent ne paient pas seulement des cotisations retraite, mais aussi des cotisations maladie, des impôts sur le revenu, de la TVA. Il faut clairement réaliser un bilan élargi.

Entre deux projections, beaucoup de choses changent, et les prévisions du Gouvernement évoluent. Pendant l’épidémie de covid, le COR a rédigé des rapports à un moment où le Gouvernement était très prudent et pensait qu’en 2020, le PIB diminuerait de 10 %. Or, il n’a baissé que de 8 %. En 2021, le Gouvernement anticipait une reprise de 5 % du PIB, alors que celui-ci a progressé de 8 %. Des mesures ont été prises sur les retraites ; il y a eu des sous-indexations par rapport aux prix. Nous ne pouvions pas le prendre en compte avant que cela ait été décidé. D’autre part, tous les cinq ans, l’Insee revoit ses prévisions démographiques, ce qui est normal. Pour le COR, la référence est le scénario central de l’Insee. Il est évident que les prévisions doivent bouger et il serait inquiétant que ce ne soit pas le cas. Dans une annexe du rapport du COR, nous expliquons les écarts depuis 2016. Tout peut bouger : les prévisions du Gouvernement, les hypothèses du COR, celles de l’Insee sur la démographie.

Un report de l’âge de départ à la retraite déplace le problème de l’emploi des seniors mais ne l’aggrave pas : l’analyse de ce qui s’est passé depuis 2010 le démontre. L’âge légal de départ à la retraite s’est progressivement décalé de 60 à 62 ans, et la durée de cotisation s’est allongée. L’âge de sortie de l’activité et l’âge de sortie de l’emploi se sont décalés de manière quasiment parallèle. Repousser l’âge tire donc à la fois la sortie de l’emploi et la sortie de l’activité. Ceci est un résultat fondamental. Toutefois, ce n’est pas parce que cela s’est produit dans le passé que cela va se reproduire : passer de 60 à 62 ans n’est pas identique à passer de 62 à 64 ans. Certains travaux de Michaël Zemmour sont en accord avec cette tendance fondamentale, mais font état de différenciations dans cette évolution moyenne selon les catégories, les évolutions étant plus défavorables aux ouvriers et aux employés qu’aux cadres. Le message à retenir est que le report de l’âge de la retraite aboutit au maintien dans l’emploi des seniors.

La question qui se pose est celle de l’effet de la réforme sur les personnes qui ne sont pas des seniors. Les économistes font consensus : à long terme, quand l’économie est à l’équilibre, le travail des seniors n’est pas l’ennemi de l’emploi des jeunes ; le travail n’est pas un gâteau que l’on se partage. Ce n’est pas parce que les seniors travaillent que les jeunes ne travaillent pas, au contraire. C’est dans les pays où les seniors travaillent le plus que les jeunes travaillent le plus également.

La question s’est posée au début de l’année 2022, lors d’une séance du COR. Lorsqu’une réforme des retraites est mise en œuvre, l’on amène des seniors à rester dans le marché de l’emploi. C’est un choc positif en matière d’offre sur le marché du travail. En cas de choc positif dans un marché, les prix baissent – en l’occurrence, ici, il s’agit des salaires. Dans un premier temps, l’on augmente le chômage, puis cela pèse sur les salaires, avant un retour à l’équilibre et à la situation dans laquelle l’emploi des seniors n’est pas l’ennemi du travail des jeunes.

Jusqu’à cette séance de début 2022, les deux modèles que nous utilisions – le modèle Mésange du Trésor et le modèle OFCE – aboutissaient à peu près au même résultat. Cela me paraissait être une donnée acquise de la science, et faisant l’objet d’un consensus. En janvier 2022, ce consensus a été brisé, et il s’agit maintenant d’une question controversée. Le Trésor a indiqué que pour projeter une réforme des retraites, il n’utilisait plus le modèle Mésange, car ce modèle n’était plus adapté. Depuis, le Trésor et l’OFCE ne délivrent plus le même message.

Entre la méthode Mésange et la nouvelle approche du Trésor, baptisée « approche comptable », l’écart est significatif, surtout à court terme. Avec l’approche keynésienne de Mésange ou avec l’approche actuelle de l’OFCE, nous avons au bout de cinq ans un surcroît de PIB de zéro et une amélioration globale des finances publiques de 0,1 point de PIB. Avec l’approche comptable, nous avons au bout de cinq ans un surcroît de 0,9 point de PIB et une amélioration des finances publiques de 0,6 point de PIB. Je ne vais pas trancher cette controverse. Nous avons assisté à ce débat, nous en avons rendu compte dans le rapport du COR en septembre 2022.

Le dossier de presse relatif à la réforme des retraites ne comporte pas d’éléments sur les conséquences macroéconomiques de cette réforme. La référence du Gouvernement est « l’approche comptable ».

Cela me permet de répondre à d’autres questions sur la direction générale du Trésor : je n’en pense pas grand-chose, puisqu’il existe une controverse et que je m’en remets sur ces questions à plus sachant que moi ainsi qu’à vos travaux.

Le scénario le plus défavorable est le scénario d’une croissance de la productivité du travail à 0,7 %. Il correspond effectivement à l’évolution de la productivité que nous avons connue sur les dix dernières années.

Pour notre part, nous nous projetons à cinquante ans. Si je suis pessimiste, constatant que la situation n’a pas été favorable au cours des dix dernières années et craignant qu’elle le reste durant cinquante ans, ce n’est pas le cas de mes homologues américains. Ces derniers constituent un Board of Trustees qui réunit des économistes, et non des partenaires sociaux. Aux États-Unis, il existe également un système de retraite et de sécurité sociale, et des projections sont donc effectuées. Dans ce cadre, il apparaît que le scénario central de nos amis américains retient une hypothèse de croissance de la productivité de 1,6 %, ce qui correspond à notre scénario le plus favorable. Les Américains sont certainement d’incorrigibles optimistes, des naïfs qui croient au progrès technologique, à l’innovation… Pour notre part, nous sommes beaucoup plus pessimistes.

Le COR propose quatre hypothèses et n’en privilégie aucune. Le Gouvernement avait choisi la référence de 1,3 % il y a cinq ans et il a choisi une référence de 1 % pour cette réforme. Il s’agit de l’un des éléments centraux du débat mais il vous revient de déterminer à quel niveau vous vous placez. Personnellement, je ne sais pas ce que seront les innovations. Je vous présente donc quatre hypothèses sans en privilégier aucune. En revanche, lorsque l’on conduit une réforme, il convient de choisir une référence. En 2021, nous avons organisé un colloque du COR sur ce sujet et vous pouvez prendre connaissance des positions des uns et des autres. Je vous invite également à lire ce que font nos voisins américain et européens. En effet, l’Union européenne établit également des projections des dépenses liées au vieillissement – vieillesse, famille, maladie, etc. Son scénario de référence à long terme est plutôt celui d’une croissance de la productivité du travail de 1,4 % ou 1,5 %.

Mme Prisca Thevenot (RE). Je vous remercie pour les éléments que vous avez décrits, rapportés et expliqués. Si les conclusions du COR sont publiques et libres d’accès, force est de constater que le rapport a été sujet à de très nombreuses contre-vérités ces derniers temps, ce qui impose une clarification dans le cadre de cette audition que je salue. En effet, nombre de mes collègues de La France insoumise disent à loisir, ou peut-être par paresse, que la réforme, telle que proposée par le Gouvernement, n’est pas utile, puisque, selon leur interprétation de vos conclusions, il suffirait de réduire le chômage pour financer notre système de retraite par répartition. Or, comme votre rapport le souligne, sans réforme de notre part, 500 milliards d’euros de dette s’accumuleront en vingt‑cinq ans. Ce montant important est aussi, malheureusement, le plus optimiste car il s’inscrit dans le cadre de l’atteinte du plein emploi.

Je tiens ici à rappeler qu’avant 2017, le chômage atteignait 10 % et que depuis, grâce à l’action de la majorité présidentielle, l’objectif du plein emploi est en passe d’être atteint, et figure d’ailleurs dans vos conclusions. Loin de moi l’idée de ne parler que de la majorité. Je peux aussi rappeler que le programme de La France insoumise, qui veut punir toutes les structures créant de la valeur, ou celui du Rassemblement national, qui d’ailleurs change de position au gré des vents d’opinion, conduiraient à détruire des emplois, et donc à l’effondrement de nos finances. À cela, on peut ajouter que l’enjeu, alors que les Français ne sauraient pas comment sécuriser leurs retraites, deviendrait de trouver un emploi.

Afin d’avoir une vision globale de l’ensemble des scénarios possibles, j’aimerais donc poser la question suivante : comment la dette réagit-elle à l’hypothèse du taux de chômage ?

Mme Véronique Louwagie (LR). Je vous remercie pour votre présentation. Ma première question porte sur l’effet de l’évolution de la natalité. Alors que nous connaissons depuis quelques jours le taux de natalité publié par l’Insee – 1,8 enfant par femme –, quel serait l’impact d’un niveau de natalité de 2 enfants par femme ? Ma deuxième question porte sur la Cades, qui a pris en charge la dette Covid. La situation aurait-elle été différente si elle ne l’avait pas fait, sachant que la Cades est toujours alimentée par la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ? Ma troisième question porte sur l’effet de l’indexation des pensions sur l’inflation. Quel serait l’impact d’une telle indexation des pensions ? Ma quatrième question est la suivante : disposez-vous d’éléments relatifs à la répartition des montants de pension par retraité, distinguant les hommes et les femmes ? Quelle est l’évolution de cette répartition dans le temps ?

M. Thomas Ménagé (RN). Je vous remercie d’avoir apporté des éclaircissements bienvenus sur vos travaux. Votre dernier rapport fait l’objet de toute notre attention, dans la mesure où c’est quasi exclusivement sur cette base que le Gouvernement entend défendre sa réforme des retraites qu’une très large majorité des Français juge injuste et injustifiée, comme le prouvent les manifestations en cours. Lors de la présentation de la réforme, Elisabeth Borne a déclaré : « Les chiffres sont là, ils sont implacables, on ne peut plus laisser filer la dette ». Pourtant, en page 9 de votre rapport, vous indiquez – et vous venez de le redire – que vos travaux « ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite », contredisant ainsi totalement les propos alarmistes de la Première ministre. Que pensez-vous de ce détournement de vos travaux à des fins purement politiciennes ?

À la page 133 de votre rapport, vous alertez sur les précautions méthodologiques à prendre pour l’interprétation de vos projections. En effet, vous précisez que ces dernières ne rendent pas compte de l’effet global sur les finances publiques. Vous indiquez qu’un « relèvement des droits aurait un impact à la hausse sur les dépenses sociales hors retraite, chômage, minimas sociaux, invalidité, chiffré d’ores et déjà à 4 milliards pour un passage de 62 à 64 ans ». Cette observation n’est pas nouvelle puisqu’elle apparaît dans le rapport de la Cour des comptes de 2021, à propos de la réforme Woerth, qui relevait une explosion de 3 milliards des dépenses sociales en 2017. Pourtant, je ne trouve aucune trace de ces données dans la présentation de la réforme. Je m’étonne que ces informations très intéressantes soient totalement mises sous le tapis par le Gouvernement, qui semble faire ses courses avec les données de votre rapport, pour ne retenir, au terme d’une lecture particulièrement fallacieuse, que les éléments propres à justifier la légitimité de sa réforme injuste.

J’insiste : regrettez-vous cette approche gouvernementale malhonnête, qui élude la vision macroéconomique, avec des implications sur l’ensemble de nos finances publiques et non sur le seul équilibre du système de retraite ?

M. Pascal Lecamp (Dem). Je vous remercie pour votre introduction et vos premières réponses très éclairantes. Vos travaux doivent nous permettre d’avancer collectivement dans un débat éclairé. C’est ce que nous faisons aujourd’hui et je crois que c’est ce que les Français attendent de nous.

En premier lieu, nous sommes favorables à des mesures permettant une retraite progressive, qui éviteraient l’écartement, parfois abrupt, des seniors du marché du travail. Je souhaiterais donc savoir comment vous estimez l’impact d’une hausse du taux d’emploi des seniors d’un point sur les recettes sociales, et donc sur l’équilibre du système. Dans ce cas, vous semblerait-il utile d’inclure une clause de revoyure dans le texte de la réforme des retraites que nous nous apprêtons à examiner ?

En second lieu, vous retenez deux conventions pour l’évaluation des perspectives de solde du système de retraite, avec d’une part, celle de l’équilibre permanent des régimes publics, dite EPR, qui prévoit que l’État cotise simplement pour équilibrer ces régimes, ce qui est logique, et d’autre part, la convention effort de l’État constant, dite EEC, qui prévoit que l’État continue de surcotiser, alors même que ces régimes seraient excédentaires. Or la masse salariale des régimes publics devrait baisser dans les prochaines années, vous nous l’avez rappelé. Ainsi, l’application de la convention dite EPR devrait  logiquement conduire à une baisse de la contribution du budget de l’État à l’équilibre du système. Il me semble ainsi que l’équilibre du système, à partir de 2043, permis par la convention EEC, n’est que cosmétique et qu’un déficit aggravé de l’État viendrait combler le déficit du système de retraite. Quel regard portez-vous sur ce sujet ?

M. Elie Califer (SOC). Je remercie M. le président du COR pour ses explications, ses points de vue, et ses appuis qui vont nous aider à débattre. Au-delà de la polémique, une autre proposition pourrait-elle être présentée aux Français, une proposition moins brutale ? Cette possibilité pourrait nous aider puisque vous êtes des spécialistes. En tant qu’élus, nous abordons la question en ayant en tête la souffrance des personnes, la souffrance de la population. Il est envisagé de faire travailler jusqu’à 65 ans. En effet, la limite de 64 ans a simplement été fixée pour faire passer la réforme. Ne pourrions-nous pas envisager un système qui permettrait aux aînés de rester en activité, sachant que nous sommes dans une cyberéconomie, tout en invitant l’État à fournir un effort ? Nous savons que les économies qui seront réalisées visent à mener d’autres politiques publiques.

M. Paul Christophe (HOR). Je souhaite vous interroger sur les effets du relèvement de l’âge du départ à la retraite sur le chômage des jeunes. Vous avez brièvement abordé ce point précédemment mais je pense que des éclaircissements doivent être apportés. L’allongement de la durée d’activité des générations plus âgées aurait-il pour conséquence de retarder l’accès au marché du travail des jeunes ? En 2016, vous jugiez peu probable la causalité entre le chômage des jeunes et l’emploi des seniors. À cette même époque, en vous basant sur les travaux du Trésor, vous affirmiez que des hausses à 63, 64 ou 65 ans auraient des effets positifs sur l’activité économique.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Le groupe écologiste et moi‑même vous remercions pour votre éclairage précieux dans le cadre de l’étude de cette réforme des retraites qui, une fois de plus, se cantonne à brandir l’épouvantail de l’équilibre budgétaire pour demander injustement des efforts aux plus vulnérables.

Tout d’abord, les projections du COR sont notamment basées sur les prévisions du Gouvernement pour les cinq prochaines années, qui prévoient de façon très optimiste un taux de chômage à 5 % en 2027, soit deux points de mieux que la cible retenue par le COR en 2032, ce qui fausse les prévisions pour la période 2027 à 2037. L’argument principal de cette réforme, celui du retour à l’équilibre budgétaire, semble donc basé sur un scénario erroné. Comptez-vous entamer de nouvelles réflexions face à ce constat ?

De plus, en ayant recours à votre simulateur d’impact, avec un scénario de chômage à 4,5 %, le déficit du régime ne serait que de 0,4 % du PIB en 2030, soit 10 milliards d’euros, alors que le Gouvernement annonce quant à lui un déficit de 13,5 milliards d’euros d’ici 2030. Pouvez-vous nous éclairer sur le montant exact du déficit prévu pour 2030 ?

Votre rapport prévoit également une diminution relative du niveau de vie des retraités par rapport au reste de la population, en raison de la stabilisation voire de la diminution de la part des dépenses de retraite dans le PIB. Le COR évalue le niveau de vie en prenant en compte le patrimoine financier, le patrimoine immobilier et l’endettement. Notre groupe souhaiterait aussi savoir quelles sont vos prévisions concernant la baisse spécifique des pensions d’ici 2070, indépendamment des autres revenus.

Concernant les autres mesures annoncées, le Gouvernement prévoit notamment une revalorisation de la pension minimale à 85 % du Smic pour les assurés ayant effectué une carrière complète et n’ayant jamais dépassé le Smic. Toutefois, un rapport de 2018 sur la trajectoire professionnelle de 2,5 millions de personnes pendant 21 ans a évalué que seulement 48 personnes n’avaient pas dépassé le Smic pendant cette période. Pouvons-nous évaluer combien de personnes seraient réellement touchées par cette mesure ?

Enfin, l’index seniors prévu dans le projet de loi aura-t-il un impact concret sur l’amélioration de l’activité des seniors ?

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je n’ai pas pu entendre le début de votre intervention puisque j’assistais à une grande manifestation à Marseille, dont les participants ne protestaient pas contre votre rapport, rassurez-vous, mais plutôt contre la réforme.

J’ai bien noté les précautions que vous prenez de manière à ce que votre rapport ne soit pas instrumentalisé de quelque manière que ce soit. Vous expliquez que s’il est légitime de défendre les niveaux actuels et futurs des dépenses de retraite, l’âge de départ à la retraite ou encore le niveau de vie des retraités – qui seraient trop ou pas assez élevés selon les préférences politiques –, le rapport annuel du COR n’a pas pour mission de refléter ces débats. J’ai noté votre formule de la page 9 : « Les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Je pense que nous avons tout intérêt à ce que vous puissiez exposer, ici et ailleurs, les données, afin que nous puissions discuter sur des bases saines, qui soient les mêmes pour toutes et tous.

Ma question portera sur les évaluations que vous avez faites concernant la période 2028-2032. Vous évoquez les changements que vous avez été amenés à faire dans vos schémas initiaux sur ce sujet-là. Vous employez le mot « artefacts », en indiquant que les calculs que vous avez effectués se fonderaient sur des artefacts. J’aimerais en savoir un petit peu plus sur la façon dont vous avez procédé pour produire ces analyses concernant notamment cette période. Je vous remercie.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le président, dans le rapport du COR, vous montrez que le taux de la surcote et de la décote, fixé à 5 % par an, est inférieur au taux de la neutralité actuarielle. Pourriez‑vous nous indiquer quel est le niveau du taux assurant la neutralité actuarielle, qui est semble-t-il autour de 7 % ? Avez-vous pu étudier les incidences de la décote et de la surcote sur le comportement de nos concitoyens ?

Le COR s’est-il intéressé à la très forte inégalité de traitement induite par le calcul des pensions de réversion et, dans le calcul des pensions de droit direct, à la prise en compte du nombre d’enfants ?

Vous avez parlé brièvement du problème des 165 milliards d’euros de réserves, en indiquant que cette somme appartenait aux administrations publiques. Êtes‑vous certain de cette analyse ? Il me semble que la moitié relève de réserves Agirc-Arrco et que 40 milliards sont issus des régimes des libéraux, et sont donc propriété des assurés. Avez‑vous réalisé une analyse juridique pour déterminer qui est propriétaire de ces réserves ?

M. Thibault Bazin (LR). L’inflation était très faible en 2021, elle est beaucoup plus forte en 2022, et elle sera potentiellement encore importante en 2023. L’évolution relative du niveau de vie des pensionnés, pour les actifs dont les salaires peuvent ne pas suivre parfaitement l’inflation, ne modifie-t-elle pas un peu vos prévisions, telles que présentées ?

Ma collègue Véronique Louwagie a évoqué le déclin de la natalité. Pour vous, ce déclin est-il une fatalité inéluctable et une hypothèse fixe ? Au contraire, une politique publique pourrait-elle impacter l’hypothèse retenue, donc vos hypothèses d’équilibre à moyen terme ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je retiens de votre intervention que nous sommes face à un problème de physique élémentaire, qui devrait, je crois, appeler à la raison tous ceux qui considèrent un tant soit peu la science dans notre pays. De ce point de vue, je crois qu’il faut appeler un chat un chat : un déficit qui augmente n’est ni plus ni moins qu’un dérapage. Vous réalisez vos prévisions à partir de quatre scénarios qui reposent à la fois sur la productivité du travail et l’évolution du taux moyen de chômage. Quelles seraient les perspectives d’équilibre avec le taux de chômage actuel de 7,3 % et la productivité du travail actuelle, qui est légèrement supérieure à 1 % ?

M. Benoit Mournet (RE). Pourriez-vous nous confirmer que la convention EPR sera retenue ? Je rappelle qu’il s’agit de celle selon laquelle l’État compense les régimes spéciaux et son propre régime public. Je pense qu’il serait utile de rappeler à tout le monde que cette convention prévoit un déficit projeté aux horizons 2027 et 2030.

Présenter les chiffres en pourcentage du PIB est très intéressant. En 2001, le COR prévoyait que les retraites représentent moins de 14 % du PIB. Toutefois, entre-temps sont intervenues les réformes de 2003, 2008, 2010 et 2014. Les prévisions du COR ne sont-elles pas toujours un peu optimistes ?

Mme Félicie Gérard (HOR). Je vous remercie pour votre présence aujourd’hui. En décalant à 64 ans l’âge légal de départ en retraite et en amenant la durée de cotisation à quarante‑trois annuités, selon vos prévisions, l’équilibre financier du système est-il rétabli ? Si oui, à quel horizon ? Ces mesures seront-elles suffisantes pour garantir l’équilibre financier à long terme ou faudra-t-il, dans les décennies à venir, décaler à nouveau l’âge de départ à la retraite ?

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des retraites, augmenter le pourcentage d’actifs chez les plus de 55 ans est un enjeu majeur. Quelle est votre analyse de l’impact de cette réforme sur l’emploi des seniors dans notre pays ? Pensez-vous que les paramètres que propose aujourd’hui la réforme soumise à débat permettront d’accompagner au mieux les seniors ?

Enfin, je relaie la question de Paul Christophe sur les effets du relèvement de l’âge de départ à la retraite sur le chômage des jeunes. L’allongement de la durée d’activité des générations plus âgées aurait-il pour conséquence de retarder l’accès au marché du travail des jeunes ? En 2016, le COR jugeait peu probable la causalité entre chômage des jeunes et emploi des seniors. Six ans plus tard, le COR reste-t-il sur cette lecture ?

M. Éric Alauzet (RE). Monsieur le président du COR, dans vos projections, vous avez intégré, et c’est bien normal, les effets de la réforme Touraine votée fin 2013, réforme que j’ai votée avec la majorité Verts-PS de l’époque. Autrement dit, avec le temps, il faudra cotiser cinq trimestres supplémentaires par rapport aux conditions de départ des retraités qui partent aujourd’hui. La situation de référence à partir de laquelle vous avez effectué vos projections est donc différente de la situation actuelle.

Cette réforme a une conséquence sensible sur l’âge effectif de départ à la retraite, qui atteint déjà près de 63 ans actuellement. En prenant en compte les effets de la totalité de la réforme Touraine et des cinq trimestres d’activité qui s’ajouteront progressivement dans les années à venir, l’âge de départ moyen s’approchera tendanciellement des 64 ans. Cette évolution se produit donc hors nouvelle réforme et conduit à regarder un peu différemment le report officiel de l’âge à 64 ans. Pouvez-vous me confirmer que les projections réalisées prennent déjà en compte un âge moyen de départ à 64 ans, avec les conséquences financières liées en recettes et en dépenses ? Le COR est-il en capacité de pouvoir apprécier cette situation et de l’intégrer dans ses analyses ?

Mme Annie Vidal (RE). Monsieur le président du COR, dans votre rapport annuel, vous soulignez que le vieillissement de la population entraînera, et c’est bien logique, une diminution du nombre de cotisants par rapport au nombre de retraites à verser. C’est logique puisque le nombre de personnes de 75 à 84 ans enregistrera une croissance inédite de près de 50 % entre 2020 et 2030. Vous précisez aussi que la situation financière du système de retraite se détériore, avec un déficit de 12 à 20 milliards selon la convention et les scénarios projetés, et cela sur les vingt‑cinq prochaines années.

Dans ce contexte de transition démographique importante, auquel s’adjoint un climat économique fluctuant, marqué par l’inflation, quelle est la trajectoire dont l’impact sur l’équilibre de notre système de retraite par répartition sera le plus efficace, en maintenant, bien évidemment, les objectifs cibles de croissance des dépenses publiques ?

Mme Fanta Berete (RE). Monsieur le président, dans votre rapport, je me suis intéressée aux hypothèses démographiques, notamment les hypothèses de fécondité et de solde migratoire. Vos quatre scénarios ont été bâtis en fonction d’hypothèses qui correspondent au débat économique actuel. Je pense qu’il convient aussi de prendre en compte les débats autour de la politique de natalité et de la politique migratoire.

D’un côté, votre rapport reprend les données de l’Insee sur une fécondité en baisse, ce qui pourra augmenter la part des dépenses des retraites dans le PIB. Aujourd’hui, certains plaident pour une politique de natalité, à l’image du haut-commissaire au plan. Néanmoins, nous n’en constaterions les effets que dans une vingtaine d’années. D’un autre côté, l’Insee voit le solde migratoire en baisse, à 20 000 personnes par an, ce qui augmenterait aussi la part des dépenses de retraite dans le PIB pour les scénarios à 0,7 % ou à 1 %. Or une politique migratoire très soutenue, comme en Allemagne, permettrait d’embaucher des travailleurs qui seraient immédiatement des contributeurs nets au régime des retraites. Certes, il s’agit d’un choix politique qui pourrait en déranger certains mais qui répondrait à un double besoin pour notre pays, si l’on tient compte du manque de ressources actuelles.

Dans vos prochaines projections, pour raffiner vos scénarios, pourriez-vous envisager d’intégrer à vos hypothèses la dimension des politiques migratoire et de natalité ?

M. Serge Muller (RN). Afin d’équilibrer le système de retraite, l’État verse des sommes permettant de faire face au déficit structurel. Le montant de ces subventions d’équilibre diminue année après année car ces dernières assurent l’équilibre des régimes en voie de disparition ou de réduction des effectifs, comme ceux de la SNCF, de la RATP, des marins, des mineurs ou encore des cigarettiers. Il est donc nécessaire de décider du niveau d’intervention de l’État. Avec un niveau de productivité du travail à 1,6 %, me confirmez-vous que réinvestir cet argent public dans le système de retraite permettrait à notre système de retraite actuel d’être à l’équilibre sans réforme supplémentaire jusqu’en 2045 ? Quelles sont les conditions pour atteindre ce niveau de productivité du travail ?

M. le président Éric Coquerel. Je voudrais vous poser la question inverse de celle de mon excellent collègue Benoit Mournet. En 2019, dans vos prévisions, vous annonciez pour cette année un déficit de 0,5 % du PIB. Or l’excédent est de 3,2 milliards d’euros. J’aimerais donc savoir à quoi vous attribuez cette situation et ce qu’elle induit. Enfin, le COR a-t-il chiffré l’incidence d’un rétablissement d’un âge légal de 60 ans, soutenu par 68 % des Français, notamment en termes d’économies pour l’assurance chômage, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles ? Ces scénarios ont-ils été étudiés par le COR ?

M. le président du COR. Vous avez indiqué que les résultats du COR en 2001, 2019, et 2018 n’étaient pas les mêmes qu’en 2020. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, c’est normal car le monde évolue et parce que nous prenons en compte, en règle générale, la totalité du passé, et que même les hypothèses sur le futur peuvent changer, notamment les hypothèses à court terme du Gouvernement. D’ailleurs, nous ne nous distinguons pas des hypothèses du Gouvernement pour les premières années. Pour leur part, nos hypothèses à long terme peuvent évoluer au fil du temps. Ainsi, nous avons décalé les scénarios de productivité par rapport à nos travaux précédents. Les travaux qui expliquent pourquoi les conclusions ne sont pas les mêmes en 2016 qu’en 2022 sont en annexe. Si vous souhaitez réaliser un travail notarial sur le sujet, ce qui n’est pas passionnant, vous en avez la possibilité. Nous sommes remontés jusqu’en 2016 mais pour 2001, franchement, je ne sais pas ce qu’il en est. Sur ce point, il faudrait mener un travail notarial et de bénédictin, que je n’imposerai pas à la petite équipe du COR, qui a des choses plus intéressantes à faire.

Nous n’avons pas réalisé de simulation sur un âge légal de départ à 60 ans. Pour autant, je rappelle que je ne suis pas le COR à moi tout seul. Si, demain, les membres du COR m’indiquent qu’ils souhaitent disposer de cette simulation, nous contacterons les régimes de retraite, les administrations… A priori, le COR n’est pas opposé à conduire telle ou telle analyse. Nous disposons d’un programme de travail et nous sommes prêts à y intégrer ce que les membres du COR – je les ai cités au début – nous demanderont.

Vous avez posé des questions sur la démographie, la natalité, le solde migratoire. Avec nos quarante‑deux membres, nous ne pourrons pas construire des hypothèses démographiques issues d’un débat entre la CGT, la CFDT, le Medef, un député Renaissance, un député Les Républicains… Nous utilisons les hypothèses de l’Insee, qui d’ailleurs, servent de base à tous les travaux en termes de projections économiques. Ces hypothèses ne doivent donc pas être discutées avec moi. Dans ce cadre, l’Insee ne connaît pas l’avenir et elle établit donc des variantes démographiques : par exemple, quel est l’impact d’une hypothèse de natalité sur les retraites ? Nous pourrions même utiliser des variantes qui ne seraient pas celles de l’Insee si les membres le souhaitaient. Pour autant, l’objectif du COR n’est pas de déterminer ce que sera le futur mais de fournir des éléments raisonnables, et plus ou moins raisonnés, sur le futur, à ceux qui doivent prendre les décisions. Je ne serai plus là en 2070 mais si l’on m’annonçait alors que nos prévisions de 2022 ne se sont pas concrétisées, je ne serais pas étonné. Nous devons décider et, pour ce faire, nous devons nous projeter dans le futur : faisons-le de manière raisonnable et raisonnée, sur la base d’hypothèses qui sont partagées, en recherchant l’accord de tous les membres du COR sur les hypothèses du Gouvernement, sur celles de l’Insee en matière de démographie, sur les variantes… Nous n’avons pas d’ambition ou de prétention supplémentaires, nous ne connaissons pas le futur.

Pour ce qui est du solde migratoire, l’hypothèse centrale de l’Insee n’est pas de 20 000 – il s’agit de la variante basse – mais de 70 000. Évidemment, il s’agit du domaine dans lequel les prévisions sont les plus aventureuses car cet aspect dépend de la situation internationale et des politiques nationales, qui font l’objet de débats soutenus. Pour la natalité, l’hypothèse centrale de l’Insee est de 1,8 enfant par femme. Il se trouve qu’il s’agit du résultat de 2022. Si vous souhaitez discuter de ces questions, même si j’ai mon avis, comme tout le monde, car ces sujets m’intéressent, ne le faites pas avec moi. Discutez avec les membres du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, notamment ceux qui s’occupent des politiques de l’enfance. Avec moi, vous pouvez discuter des retraites.

Une question a été posée sur l’inflation. Dans notre modèle de projection, les salaires augmentent en valeur réelle, comme augmente la productivité. Les salaires progressent donc plus vite que les pensions, comme nous avons pu le constater dans les années passées. Dans la période de très forte inflation de 2022 et 2023, il est évident que les tendances pourraient s’inverser. Si l’inflation prend du temps à se répercuter dans les salaires et si l’inflation est répercutée très vite dans les pensions – cette année, le Gouvernement a anticipé la revalorisation des pensions dès le 1er janvier 2023 –, il se peut que, sur cette période de forte inflation, les pensions progressent plus vite que les salaires. Dans ces conditions, la diminution projetée à long terme du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs et à l’ensemble de la population pourrait être contredite à court terme.

Une question a porté sur la baisse du niveau de vie relatif des retraités. Lorsque nous projetons cette baisse du niveau de vie relatif, nous ne faisons pas d’hypothèse sur d’autres éléments du niveau de vie des retraités, tels que les revenus du capital. La baisse du niveau de vie relatif des retraités que nous évoquons est donc liée au fait que les pensions diminuent par rapport aux rémunérations. Toutefois, le rapport comprend des précautions méthodologiques sur l’interprétation de cette évolution, dont nous indiquons qu’elle est mécanique, et n’intègre pas d’éventuels changements de comportements liés à la baisse même du niveau de vie relatif des retraités. Cette baisse du niveau de vie des retraités, selon un raisonnement économique, introduit une modification du comportement des agents. Comment ces agents pourraient-ils réagir face à une évolution qui les mécontenterait ? La première solution serait d’épargner davantage durant sa vie active, afin d’accroître ses revenus du patrimoine, lorsque c’est possible, bien sûr. La seconde solution serait de repousser son âge de départ à la retraite, afin de bénéficier de la surcote, lorsque c’est possible également. Il s’agit d’une projection mécanique. Même si l’âge de départ à la retraite n’est pas repoussé par la loi, la baisse du niveau de vie relatif pourrait donc se traduire par des modifications de comportement des assurés qui le peuvent. Je précise en effet que d’autres ne pourraient pas modifier leurs comportements, notamment ceux qui sont au chômage, en invalidité, en inaptitude…

Une question a été posée sur le taux de surcote. Dans certaines analyses du COR, nous avons montré que le taux de surcote n’était pas actuariel. Sans dégrader la situation du système de retraite sur le long terme, nous pourrions appliquer une surcote supérieure à 5 %. Je ne connais pas le niveau auquel il conviendrait de porter cette surcote pour qu’elle devienne actuarielle. L’opération est complexe car le taux de surcote ne doit pas être de 5 % tous les ans mais doit être plus élevé si l’on a 70 ans que si l’on a 65 ans.

Par ailleurs, nous avons travaillé sur les écarts et la disparité des systèmes de réversion. Je vous renvoie à la séance du COR consacrée à ce sujet, séance très édifiante, qui a montré que le système était plein de contradictions. À titre d’exemple, la réversion que touche un des conjoints lorsque le mariage a été suivi d’une séparation dépend du comportement de son ex‑mari ou ex‑femme. En effet, si votre ex-conjoint se remarie, la perte est majeure. Le fait que, dans notre système de retraite, le niveau de vie, les revenus de quelqu’un puissent dépendre de la décision que prend un tiers, duquel il est séparé, constitue le summum des aberrations. En règle générale, je ne porte pas de jugement, j’essaie de m’en tenir à des constats. En l’occurrence, je me suis permis de sortir de la réserve qui s’impose.

Je mentionne d’ailleurs à nouveau cette réserve pour vous indiquer que je ne peux pas répondre à de nombreuses questions. Vous m’avez demandé quelle serait ma proposition pour améliorer le système. Bien évidemment, je ne vais pas répondre à cette question ni à celle sur le détournement de nos travaux. Je n’ai pas d’appréciation à porter sur ces sujets.

Une question a été posée par M. Pierre Dharréville sur l’artefact 2028-2032. C’est un problème pour nous. Habituellement, le COR travaillait sur une hypothèse centrale de chômage à 7 %. Cette hypothèse était satisfaisante car celle du Gouvernement, en fin de période, se situait à 8 %. Précisément, en 2021, l’hypothèse du Gouvernement était celle d’un taux de chômage à 8,4 % en 2027. En juillet 2022, la prévision du Gouvernement est passée à 5 %. Pour notre part, nous avons toujours assuré un lissage sur cinq ans entre la prévision du COR et celle du Gouvernement. En l’occurrence, nous devions passer de 7 % à 5 % sur la période, ce qui entraînait une période totalement sinistrée entre 2028 et 2032. Nous avons établi le rapport sur cette base en indiquant que, pour cette période, l’évolution était un artefact. Ensuite, nous avons refait tous les calculs avec une variante à 4,5 %. Pourquoi ne l’avons-nous pas fait dès le début ? La raison en est simple : depuis dix ans, je subis les sarcasmes de tous les éditorialistes dès que je leur parle d’un taux de chômage de 4,5 %, ces derniers m’assurant que les membres du COR sont fous. Nous avions donc abandonné cette hypothèse, jusqu’à ce que le Gouvernement présente son hypothèse de 5 %. Depuis, je ne fais plus l’objet de sarcasmes sur mon optimisme invétéré.

M. le président Éric Coquerel. Pour le moins, la cible des sarcasmes n’est plus la même.

M. le président du COR. Par ailleurs, je vous ai rappelé le statut des conventions EPR et EEC. En 2019, lors d’une conférence de financement, le Gouvernement avait considéré que les deux conventions étaient utiles. En effet, afin de fixer un objectif à cette conférence, il avait pris la moitié de la convention EEC et la moitié de la convention EPR pour définir le niveau de déficit. Cette convention EEC n’est donc pas complètement inutile puisqu’elle a servi de référence au Gouvernement en 2019. Pour l’ensemble des membres du COR, cette convention EEC a un but pédagogique, permettant de montrer qu’une partie du déficit est liée au régime des fonctionnaires.

Aujourd’hui, j’ai préféré vous présenter le tableau en précisant qu’une partie du déficit était liée aux dépenses et une autre partie aux ressources. Pour ces dernières, il convient de distinguer l’effet des fonctionnaires, l’effet CNRACL et l’effet Unedic et branche famille. Toutefois, la convention EEC permet de gommer l’effectif des fonctionnaires et il est ainsi possible de la mettre en exergue. J’ai constaté qu’au Parlement, un amendement avait été déposé sur cette question. J’ouvrirai donc le débat avec les membres du COR. Si ces derniers m’indiquent que notre objectif pédagogique est mieux atteint avec le tableau que je vous ai présenté aujourd’hui, et que nous n’avons plus besoin de la convention EEC, je me rallierai à leur position. S’ils m’indiquent qu’ils souhaitent le maintien de la convention EEC, qui fait partie de notre patrimoine, je la maintiendrai.

M. de Courson a évoqué les réserves, dont je n’ai pas indiqué qu’elles constituaient un bien public. Au contraire, j’ai souligné que nous pourrions penser qu’il s’agit d’un bien public mais que ce dernier appartenait à certaines institutions ou à certains régimes. Je n’ai pas réalisé d’analyse juridique pour vérifier si les réserves appartenaient plutôt à certains assurés. À ce stade, ces réserves ne sont pas disponibles pour régler le problème des retraites. Dans ce cadre, j’attire votre attention sur le point suivant. Lorsque l’on repousse l’âge de départ à la retraite, on améliore la situation de l’ensemble des systèmes de retraite, notamment celle de l’Agirc-Arrco, régime qui est d’ores et déjà excédentaire, et qui dispose de réserves importantes. Dans le bilan de la réforme, il faudrait donc intégrer la réaction plausible de l’Agirc-Arrco. Ces composantes sont très liées à la complexité de notre système de retraite, avec sa multitude de régimes.

Je n’ai pas répondu à toutes les questions et je vous présente mes excuses sur ce point. Pour ce faire, il aurait fallu que nous disposions de beaucoup plus de temps.

Plus largement, sur les questions techniques, et non d’appréciation, le COR se tient bien évidemment à la disposition de la représentation nationale, c’est évident, mais aussi de chaque député, individuellement, qui aurait une question précise sur tel ou tel sujet. La taille de l’équipe du COR est limitée mais nous pouvons vous aider et vous éviter d’effectuer des recherches compliquées. Nous sommes à votre service.

M. le président Éric Coquerel. Je vous remercie tous les deux d’être venus. Je remercie la commission des affaires sociales et sa présidente d’avoir accepté que nous co‑organisions cette séance. Ce choix était pertinent au vu du nombre de questions. Je pense que sur la base de toutes les informations transmises, nombre de questions trouveront leurs réponses, réponses que chacun pourra interpréter comme il le souhaite dans le cadre du débat.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie M. le président du COR, à la fois pour la qualité de ses travaux et pour la qualité de ses interventions et réponses, malgré la complexité du sujet et surtout la pluralité des perspectives, notamment sur le plan économique, ce qui ne rend pas votre tâche facile. Je remercie bien sûr tous les collègues présents à cette audition et je vous donne rendez-vous très vite sur le sujet des retraites puisque lundi, nous avons l’honneur et le plaisir d’auditionner M. Olivier Dussopt, ministre du travail.


([1]) Lois nos 2011-894 du 28 juillet 2011 et 2014-892 du 8 août 2014.

([2]) Aux termes du I de l’ancien article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la LFSS de l’année était divisée en quatre parties. En raison de la création de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS), appelée à remplacer la première partie des LFSS, le nouvel article L.O. 111-3-1 du même code, issu des huitième à onzième alinéas de l’article 1er de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022, a ramené à trois le nombre de parties de la LFSS.

([3]) Le champ de l’article liminaire des lois de finances de l’année, des lois de finances rectificatives et des LFRSS est prévu par l’article 1er H de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 (LOLF). Il diffère de celui de l’article liminaire des LFSS et de la LACSS, limité par les articles L.O. 111-3-2 et L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale au périmètre des seules administrations de sécurité sociale.

([4]) Dans le scénario d’une croissance de la productivité du travail égale à 1 %, en convention EPR.

([5]) Accord national interprofessionnel sur la retraite complémentaire de l’AGIRC-ARRCO du 10 mai 2019.

([6]) INSEE, Bilan démographique pour 2022, janvier 2023.

([7]) COR, Évolutions et perspectives des retraites en France, septembre 2022.

([8]) Avis n° HCFP-2023-1 relatif au PLFRSS pour 2023.

([9]) COR, op. cit.

([10]) Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023 (si les mesures paramétriques étaient appliquées à l’ensemble des assurés).

([11]) COR, op. cit.

([12]) Rapports nos 4378 et 4381 de MM. Thomas Mesnier et Laurent Saint-Martin, enregistrés à la présidence de l’Assemblée nationale le 15 juillet 2021.

([13]) Il s’agit de la masse salariale du secteur marchand non-agricole, au sens des URSSAF.

([14]) Le RESF est prévu l’article 50 de la LOLF.

([15]) HCFP, avis n° 2023-1 du 18 janvier 2023.

([16]) L’IPCH, suivant lequel s’exprime la Banque de France, permet d’apprécier les exigences en matière de stabilité des prix à l’échelle européenne (comparabilité entre les différents indices nationaux).

Les différences essentielles avec l’IPC de l’INSEE tiennent au fait que seule la part des dépenses de protection sociale et d’éducation à la charge du consommateur y sont prises en considération et que le poids de l’énergie y est plus important, ce qui a pour effet de pondérer de façon différente la part respective des différentes catégories de dépense des ménages.

([17]) HCFP, op. cit.

([18]) HCFP, op. cit.

([19]) Les risques famille et autonomie sont totalement unifiés.

([20]) Les deux derniers alinéas de l’actuel article L. 111-1 du code de la sécurité sociale prévoient que la sécurité sociale « garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s’exerce par l’affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires. Elle assure […] le service […] des allocations vieillesse ».

([21]) Article R. 711-1 du code de la sécurité sociale, issu du décret n° 91-489 du 14 mai 1991. La liste qu’il édicte n’est cependant pas exhaustive.

([22]) Rapport de MM. les professeurs Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du FMI, et Jean-Tirole, lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, 23 juin 2021.

([23]) Article 18 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([24]) Article 2 de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

([25]) Cour des comptes, Continuer à adapter le système de retraite pour résorber les déficits et renforcer l’équité, octobre 2021.

([26]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, Pour des finances sociales soutenables, adaptées aux nouveaux défis, janvier 2022.

([27]) Cour des comptes, op. cit.

([28]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, op. cit.

([29]) Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023.

([30]) Annexe 2 du PLFRSS.

([31]) Annexe 2 du PLFRSS.

([32]) INSEE, Report de l’âge de la retraite et taux d’emploi des séniors : le cas de la réforme des retraites de 2010, n° 30, janvier 2017.

([33]) Institut des politiques publiques, Les âges de départ à la retraite depuis 2010 : quels enseignements pour la réforme à venir ?, n° 84, décembre 2022.

([34]) Institut des politiques publiques, Les âges de départ à la retraite depuis 2010 : quels enseignements pour la réforme à venir ?, n° 84, décembre 2022.  

([35]) DREES, Les retraités et les retraites, édition 2022.

([36]) Article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale.

([37]) Article D. 351-1-1 du code de la sécurité sociale.

([38]) Selon le mois de naissance de l’assuré.

([39]) Annexe 2 du PLFRSS.

([40]) Article L. 351-1-6-3 du code de la sécurité sociale.

([41]) Article L. 341-15 du code de la sécurité sociale.

([42]) Article L. 351-6-1 du code de la sécurité sociale.

([43]) Article L. 161-17-4 du code de la sécurité sociale.

([44]) Article D. 161-2-1-10 du code de la sécurité sociale.

([45]) Article L. 4163-7 du code du travail.

([46]) Annexe 2 du PLFRSS.

([47]) Article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale.

([48]) Annexe 2 au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([49]) DREES, Les retraités et les retraites, 2022.

([50]) Retraites et retraités modestes – diagnostics et propositions, rapport au Premier ministre de MM. Lionel Causse et Nicolas Turquois, mai 2021.

([51]) Article L. 351-10 du code de la sécurité sociale.

([52]) Circulaire de la CNAV, « Revalorisation à compter du 1er janvier 2023 », n° 2023-3, 9 janvier 2023.

([53]) Circulaire de la CNAV, « Revalorisation du SMIC au 1er janvier 2023 et incidences en matière de législation vieillesse », 2022-40, n° 30 décembre 2022.

([54]) Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023.

([55]) Article L. 815-13 du code de la sécurité sociale.

([56]) DREES, Le non-recours au minimum vieillesse des personnes seules, n° 97, mai 2022.

([57]) CNAV, Actions de lutte contre le non-recours de l’ASPA : ciblage par datamining, Retraite et société, 2021.

([58]) Rapport sur les objectifs et les effets du projet de réforme des retraites, janvier 2023.

([59]) Annexe 2 au projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.