N° 1715

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

TOME II

 

ACTION EXTÉRIEURE DE L’ÉTAT

 

Diplomatie culturelle et d’influence – francophonie

PAR M. Frédéric PETIT

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1680


—  1  —

 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

I. Un effort budgétaire confirmé au bénéfice de réseaux de coopÉration culturelle qui apportent de nouvelles garanties d’efficacité

A. La diplomatie d’influence bénéficie du réarmement d’ensemble de notre diplomatie

1. Les dotations des services et des opérateurs du programme 185

2. La mobilisation des fonds de solidarité pour les projets innovants

3. Une pluri-annualité à structurer

B. Les Réseaux culturels et scientifiques

1. La contribution de plus en plus professionnelle des têtes de réseaux

2. Le financement de l’innovation et de la transformation numérique

3. Une diplomatie scientifique qui promeut l’internationalisation de la recherche

C. L’enseignement français à l’étranger et l’enseignement bilingue francophone

1. Un réseau en expansion, des leviers d’intervention diversifiés

2. Les objectifs de développement exigent que l’AEFE parachève sa mue

D. L’attractivité envers les mobilités étudiantes

1. Financer durablement les bourses du gouvernement français, améliorer l’accueil

2. Une mise en cohérence indispensable en matière de circulation et de séjour

II. L’action culturelle et la coopération en Algérie : faire vivre la diplomatie non gouvernementale pour surmonter les blocages politiques

A. Des blocages politiques structurels sapent les coopérations institutionnelles

1. Les ambitions affichées de relance de la coopération franco-algérienne butent sur la permanence des blocages

2. Un enseignement français ou en français, attractif mais directement menacé

3. Une coopération universitaire entravée

4. Une coopération technique sous couvert de l’Union européenne

B. Une diplomatie des sociétés civiles vivace permet de préparer l’avenir

1. Un service de coopération et d’action culturelle important, aux équipes résilientes et aux actions innovantes

2. Des mobilités étudiantes considérables, une gestion modernisée

3. Des relations économiques qui pourront être dynamisées par les nouvelles générations d’entrepreneurs franco-algériens

4. Poursuivre le travail sur l’histoire et la mémoire, faire évoluer les méthodes

Travaux de la commission

I. Audition de Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

II. PrÉsentation de l’avis devant la commission des affaires EtrangÈres et examen des crÉdits

Annexe : Liste des personnes auditionnÉes ou rencontrÉes par le rapporteur pour avis

 


—  1  —

 

 

Introduction

Depuis 2017, les services du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, et ses opérateurs, ont fait l’objet de réformes importantes visant à redonner de la cohérence à « l’équipe France » à l’international, en l’orientant vers un nouveau modèle de diplomatie décloisonnée, partenariale et agile, souvent qualifié de « diplomatie d’influence », et défini, depuis deux ans, par une feuille de route.

Comme le président de la République l’a indiqué à plusieurs reprises lors des conférences des ambassadrices et des ambassadeurs, ces derniers doivent désormais se concevoir comme des chefs d’orchestre, qui ne se substituent pas aux virtuoses, mais rendent possible une action commune. Ils exercent un rôle d’« ensemblier » qui détecte et appuie tout ce qui fait France de par le monde.

Dès lors, aucun chef de poste diplomatique ne peut plus considérer la coopération culturelle, éducative et scientifique comme un supplément d’âme ou un agrément qui viendrait par surcroît, une fois traitées les questions politiques relevant des chancelleries.

Bien au contraire, cette diplomatie se trouve désormais au cœur de l’action des ambassades et de leurs partenaires, avec l’appui de têtes de réseaux de plus en plus professionnalisées, afin de déployer des coopérations partenariales dans les domaines de la culture, de l’action économique ou de l’aide au développement, afin que l’enseignement français à l’étranger réponde à la demande de scolarité internationale plurilingue, et afin de renforcer notre attractivité envers les mobilités étudiantes et les échanges scientifiques.

Traduisant les engagements pris à la suite des états-généraux de la diplomatie, le projet de budget pour 2024 fait bénéficier les services et réseaux en charge de cette action d’importants crédits supplémentaires. De nouvelles garanties sont apportées à la bonne utilisation des financements, par des orientations thématiques et géographiques, la transformation numérique et la cohérence dans l’animation des réseaux. Une réflexion de fond mériterait en outre d’être conduite pour établir une programmation pluriannuelle sur le périmètre le plus large possible.

Les constats du rapporteur pour avis lors d’un déplacement en Algérie lui permettent d’illustrer le rôle essentiel de cette « diplomatie non gouvernementale », pour continuer de relier les sociétés civiles, même lorsque la diplomatie institutionnelle est à l’arrêt.

*

*     *


—  1  —

 

I.   Un effort budgétaire confirmé au bénéfice de réseaux de coopÉration culturelle qui apportent de nouvelles garanties d’efficacité

A.   La diplomatie d’influence bénéficie du réarmement d’ensemble de notre diplomatie

À l’occasion de la clôture des états généraux de la diplomatie en mars 2023 ([1]), le président de la République a annoncé que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) bénéficierait, en quatre ans, d’une hausse de plus de 20 % de l’ensemble de ses crédits et d’une augmentation de ses effectifs de 700 emplois, afin de « donner les moyens de réengager des capacités nécessaires, de pouvoir déployer des compétences nouvelles et au fond ».

Les états généraux de la diplomatie

Lancés en octobre 2022 par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères à la demande du président de la République, les états généraux de la diplomatie se sont appuyés sur une consultation de grande ampleur, systématique et approfondie, d’une part de l’ensemble des agents du ministère, quel que soit leur statut, et, d’autre part, de très nombreuses personnalités extérieures, dans le but de formuler des recommandations opérationnelles sur l’évolution de notre outil diplomatique.

Autour de l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, une équipe d’une quinzaine de personnes a animé des travaux structurés en trois groupes de travail dédiés (1) à la définition du métier de diplomate dans un monde en profonde mutation, (2) aux conditions de mise en œuvre des missions, au déroulement des carrières et la préservation d’une compétence de haut niveau au service de notre politique étrangère, et (3) au rôle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères comme chef de file interministériel de l’action extérieure de l’État et interlocuteur privilégié des partenaires hors de la sphère étatique.

Comme le président l’a précisé à juste titre, il ne s’agit pas d’accorder « plus de moyens pour rebâtir ou en quelque sorte, être au service d’une nostalgie » mais pour « donner les moyens d’une action nouvelle ».

Concernant la coopération culturelle, scientifique et éducative, l’enjeu est bel et bien que les budgets supplémentaires confortent un mouvement engagé depuis 2017 et que le rapporteur pour avis a régulièrement appelé de ses vœux : mettre fin aux approches en silos, résultant des histoires anciennes et diverses des actions menées, pour éviter la dispersion des financements et des décisions et pour créer des synergies.

Au Quai d’Orsay, cette responsabilité relève de la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM), et notamment, en son sein, d’une direction de la diplomatie d’influence (DDI) : ces directions doivent continuer d’être dotées d’outils de pilotage pour apporter toutes les garanties que les orientations stratégiques, conformes à nos priorités, se trouveront effectivement et efficacement déclinées, par les opérateurs dont elles ont la tutelle, par les différents réseaux qu’elles financent dans les postes diplomatiques, et même par les réseaux et les partenaires français, francophones, ou francophiles qui ne sont pas strictement financés par l’État.

1.   Les dotations des services et des opérateurs du programme 185

La politique de coopération culturelle, scientifique et éducative repose, en premier lieu, sur les crédits du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, que le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 dote de 805,9 millions d’euros, en hausse de 62,2 millions d’euros, soit 8,4 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Comme le détaille le tableau suivant, les crédits du programme 185 auront ainsi, augmenté de près de 100 millions d’euros en trois ans, l’effort projeté par le PLF pour 2024 faisant suite à une première hausse significative de 6 % en 2022, et à une stabilisation des crédits en 2023.

Ces montants sont d’autant plus significatifs le programme avait déjà bénéficié, dès le début de la précédente mandature, de 43 millions d’euros de crédits supplémentaires dans le PLF 2018, puis d’un soutien important pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, la consommation des crédits en 2020 ayant ainsi dépassé de 68 millions d’euros celle de l’année précédente.

Évolution des CrÉdits du programme 185, rÉpartis par actions (en AE = CP)

Montants en millions d’euros

 

Exécution 2021

Exécution 2022

LFI 2023

PLF 2024

Évolutions
2023-2024

Évolutions
2021-2024

01 Appui au réseau

40,9

43

40,3

44,1

+ 3,8

+ 9,4 %

+ 3,2

+ 7,8 %

02 Coopération culturelle et promotion du français

68,5

69,4

68,4

86,3

+ 17,9

+ 26,2 %

+ 17,8

+ 26 %

03 Objectifs de développement durable

1,4

1,9

2,4

2,4

0

0 %

+ 1

+ 71,4 %

04 Enseignement supérieur et recherche

71,5

95,7

101,1

123

+ 21,9

+ 21,7 %

+ 51,5

+ 72 %

05 Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

423,9

420,3

446,9

454,9

+ 8

+ 1,8 %

+ 31

+ 7,3 %

06 Dépenses de personnel

66,8

70,3

72,6

84,8

+ 12,2

+ 16,8 %

+ 18

+ 26,9 %

07 Diplomatie économique et développement du tourisme

33,6

48,9

12

10,4

- 1,6

- 13,3 %

- 23,2

- 69 %

TOTAL

706,6

749,5

743,7

805,9

+ 62,2

+ 8,4 %

+ 99,3

+ 14,1 %

Source : Commission des affaires étrangères d’après les documents budgétaires.

En neutralisant les effets de périmètre liés au transfert sortant des crédits du tourisme ([2]) qui ne figurent plus sur ce programme depuis 2023, la hausse de crédits entre 2021 et 2024 atteint même 122,5 millions d’euros, le PLF 2024 contribuant à plus de la moitié de cette hausse ([3]).

● Ces dépenses recouvrent :

- les personnels, le fonctionnement et les crédits d’intervention des services de coopération et d’action culturelle (SCAC) des ambassades, et de leurs Instituts français constitués en établissements à autonomie financière (EAF), ainsi que les subventions aux alliances françaises ;

- les subventions pour charges de service public des opérateurs culturels et éducatifs : l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), l’Institut français et Campus France ;

- les financements des mobilités étudiantes et scientifiques aux moyens des bourses du gouvernement français et d’aides aux échanges d’expertise et scientifique.

● Les dépenses de fonctionnement et d’intervention dites « hors titre 2 », sont portées à 721,2 millions d’euros, en hausse de 7,5 %, soit 50 millions d’euros supplémentaires. Cette hausse résulte principalement des crédits alloués aux interventions directes du ministère et de ses réseaux, qui passent de 180 à 222 millions d’euros, en hausse de 23 %.

La subvention pour charges de service public de l’AEFE, qui représente plus de 56 % des crédits du programme, est portée de 447 à 455 millions d’euros, en hausse de 1,8 % soit 8 millions d’euros.

Comme le détaille le tableau suivant, les différentes enveloppes dévolues à l’action culturelle extérieure, hors subvention à l’AEFE, sont en hausse globale de 20,4 %, soit 42,3 millions d’euros supplémentaires.

crÉdits hors titre 2 du programme 185 dans les domaines de la coopÉration et des mobilitÉs culturelles, universitaires et scientifiques

 

Exécution

2022

LFI 2023

PLF 2024

Évolutions
2022-2023

Animation transversale du réseau

2,5

2,5

2,5

-

-

Appui logistique (action 1)

2,3

1,6

1,6

-

-

Dotation de fonctionnement aux EAF

(actions 1 et 4)

42,3

41,5

45,7

+ 4,2

+ 10,1 %

Dotation pour opérations aux EAF

(actions 2, 3 et 4)

16,1

17,4

21,4

+ 4

+ 23 %

Subvention pour charges de service public de l’Institut français (action 2)

27,4

28,3

28,3

-

-

Subvention pour charges de service public de Campus France (action 4)

3,4

3,5

3,5

-

-

Subventions à la fondation Alliance française et aux Alliances françaises locales (action 2)

7,7

7,2

8,7

+ 1,5

+ 20,8 %

Autres crédits d’intervention des directions des postes (actions 2 et 4)

35,3

32,6

58,5

+ 25,9

+ 79,4 %

Bourses de mobilité étudiantes (actions 2, 3 et 4)

63,5

64,1

70

+ 5,9

+ 9,2 %

Échanges d’expertise et scientifiques

(actions 2, 3, et 4)

13,7

13,7

15,6

+ 1,9

+ 13,9 %

TOTAL

214,2

212,4

255,8

+ 43,4

+ 20,4 %

Source : Commission des affaires étrangères, d’après les documents budgétaires.

Ces hausses permettront, en premier lieu, le « réarmement » des services culturels des ambassades, de leurs instituts français ainsi que des alliances françaises, avec une augmentation de près de 26 millions d’euros des crédits d’intervention, en hausse de près de 80 %.

Il a été indiqué au rapporteur pour avis que les crédits supplémentaires seront alloués aux zones identifiées comme prioritaires : l’Afrique, qui compte au demeurant 40 % des Instituts français, l’Indopacifique et l’Europe.

Cette approche rejoint les recommandations du rapporteur pour avis, dans le rapport établi lors de l’examen du PLF pour 2023, de différencier nos actions culturelles et d’influence en fonction des pôles géographiques.

Les projets financés devront prioritairement porter sur les thématiques des industries culturelles et créatives, de l’ingénierie muséale, du soutien à la Francophonie, et être identifiés comme à forts impacts.

En second lieu, le budget apporte 8 millions d’euros supplémentaires à l’attractivité étudiante et universitaire :

– en portant à 70 millions d’euros le budget des bourses du gouvernement français destinées aux étudiants étrangers en mobilité en France, en hausse de 6 millions d’euros, soit 9 %, dans le but d’attirer prioritairement des étudiants aux profils qualifiés sur des secteurs en tension, dont les hautes technologies ;

– en augmentant de 2 millions d’euros les moyens dédiés aux échanges scientifiques, portés à 15,7 millions d’euros.

● Par ailleurs, les dépenses de titre 2 du programme 185 augmentent également de façon très significative, portées à 84,8 millions d’euros, en hausse de 12,2 millions d’euros, soit 16,8 %.

Outre des dépenses supplémentaires résultant de la hausse du point d’indice de la fonction publique et de mesures catégorielles, la hausse résulte de la création de 16 emplois équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, tous dans le réseau ([4]), ce qui porte le total des emplois du programme à 800 ETP.

Le rapporteur pour avis souligne que le programme porte uniquement les emplois de la DGM en administration centrale et, concernant le réseau, les emplois du ministère dans les pays non éligibles à l’aide publique au développement, alors que les emplois budgétaires des réseaux culturels et de coopération dans les pays qui y sont éligibles relèvent du programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement de la mission Aide publique au développement, pour lesquels le PLF pour 2024 prévoit une hausse globale de 10 ETP.

Afin de mieux apprécier cette évolution d’ensemble, le tableau suivant présente, pour 2022 et 2023, la répartition des emplois affectés à la politique culturelle extérieure pour les deux programmes budgétaires, en distinguant les emplois ministériels des services des ambassades et de leurs EAF, les postes mis à disposition d’alliances françaises conventionnées à cet effet, et enfin certains postes d’experts techniques financés directement par le ministère.

emplois des rÉseaux de coopÉration et d’action culturelle

 

Programme

Alliances françaises

SCAC

EAF

ETI(1)

TOTAL

2022

185

55

207

323

2

587

209

185

447

413

13

1 058

Total

240

654

736

15

1 645

2023

185

40

224

350

1

615

209

171

458

380

11

1 020

Total

211

682

730

12

1 635

(1) ETI = Experts techniques internationaux.

Source : Réponses du MEAE au questionnaire du rapporteur pour avis.

● Le rapporteur pour avis se félicite par ailleurs que le réarmement des réseaux culturels permette de consacrer 10 millions d’euros à leurs propres dépenses de rémunération et de fonctionnement. Outre un fonds d’appui aux alliances françaises en difficulté et la poursuite du plan de sécurisation des implantations des alliances, cette enveloppe abondera le plan de revalorisation des rémunérations des personnels de droit local des Instituts français à l’étranger.

Il convient de rappeler que la très grande majorité des personnels des EAF sont recrutés sur place aux conditions locales, et intégralement pris en charge sur les budgets de ces services, financièrement autonomes, et majoritairement financés par des ressources propres, avec un taux d’autofinancement de 72 % en 2022 et un total prévisionnel de ressources propres de 270 millions d’euros en 2023, issus des activités culturelles, des cours et examens de langues ou des frais de dossiers des candidats aux études en France.

Si ces postes ne relèvent pas d’empois ministériels portés par les programmes 185 ou 209, la loi de finances fixe néanmoins, depuis 2009 ([5]), un plafond global des emplois de droit local des EAF assimilables à des contrats à durée indéterminée : ce plafond est de 3 411 ETP en 2024, inchangé depuis 2020.

Le rapporteur pour avis salue les mesures salariales à destination des agents de droit local des services culturels. Comme il l’avait souligné lors de l’examen en séance publique du PLF pour 2022, la qualité de la « fonction d’employeur de droit local » que nos postes et nos opérateurs assument dans de nombreux pays, lui paraît illustrer un enjeu beaucoup plus large : la façon dont la France met en œuvre les moyens de l’action de nos administrations à l’étranger, constitue, par elle-même, un outil d’influence sous la forme d’une diplomatie de l’exemplarité, comme le précise l’encadré ci-après.

La qualité de la fonction d’employeur de droit local et la modernisation des outils de travail et des fonctions « support » : des leviers d’influence pour une diplomatie de l’exemplarité

● Loin de pouvoir négliger « l’intendance », une politique d’influence doit, au contraire, s’attacher à être exemplaire quant aux moyens qu’elle mobilise car la manière d’agir de nos services à l’étranger n’est pas dissociable de nos messages et de nos intérêts.

● Il ne saurait y avoir de rayonnement de la France à l’étranger sans une attention à la qualité de l’emploi et des perspectives des personnes qui y travaillent pour elle.

Au plan des ressources humaines, cela concerne principalement les personnels de droit local, majoritaires dans l’ensemble des services des ambassades et des consulats, ainsi que les EAF, mais également dans le réseau d’enseignement français à l’étranger.

Lors de l’examen du PLF pour 2022, le rapporteur pour avis avait ainsi appelé à revaloriser les « contrats de recrutement sur place » (CRSP) : pointant les difficultés provenant du renouvellement de contrats de courte durée, il avait invité le ministère à proposer des CRSP de longue durée afin de permettre tant aux personnels qu’aux organismes qui les emploient de se mobiliser pour des travaux de long terme.

Il convient de souligner que la revalorisation de la situation des agents de droit local figure parmi les conclusions des états généraux de la diplomatie, dans le but de renforcer leurs perspectives professionnelles en levant des obstacles à la mobilité entre services, rendue difficile par la disparité des statuts et des grilles salariales. À cette fin, il a été proposé :

- de faire converger les cadres salariaux des ADL en poste dans un même pays, en prenant en compte les meilleures pratiques des opérateurs et de nos partenaires européens ;

- de construire les parcours par la formation et le développement de compétences ;

- de développer les accessoires de salaires, comme l’assurance santé, l’aide aux familles, les primes, ainsi que la protection prudentielle, au besoin en souscrivant des contrats privés, afin que les familles de ces agents bénéficient d’un pécule en cas de décès, comme c’est le cas pour les familles de fonctionnaires ou de contractuels de droit public ;

- de développer des outils de cohésion professionnelle, comme l’attribution de badges nominatifs créant une identité professionnelle commune, la mention les ADL dans l’annuaire de l’administration, ou encore la reconnaissance des mérites par les décorations.

Le rapporteur pour avis salue cette approche d’ensemble et invite à inclure les conditions d’accès des enfants des personnels aux établissements d’enseignement français à l’étranger : quand les enfants du chauffeur d’un ambassadeur accèdent à l’école française ou au cours du Centre national d’enseignement à distance (CNED), c’est tout autant la France que la famille concernée qui sont gagnantes.

La réflexion paraît aussi devoir porter sur la prise en compte, dans les procédures d’achat public, des conditions de travail des salariés des prestataires car cela conditionne également l’image de notre pays.

● Enfin, le ministère doit également envisager les enjeux de sa transformation numérique au-delà de leur seule dimension technique mais en examinant leurs effets de transformation plus larges : la façon dont nos services utilisent les nouveaux outils techniques doit être envisagée, dès l’origine, comme un enjeu pour notre influence. Est exemplaire à cet égard paraît la démarche collective, engagée par le groupe France Médias Monde, pour élaborer un « guide des bonnes pratiques de l’intelligence artificielle » dans les domaines de l’information.

● Cette appréhension élargie de l’exemplarité ne doit pas être laissée à la seule appréciation des postes diplomatiques mais doit faire l’objet d’une impulsion et d’un cadrage politiques, ainsi que d’un pilotage par l’administration centrale et les opérateurs têtes de réseaux.

  1.   La mobilisation des fonds de solidarité pour les projets innovants

● En matière de coopération et d’action culturelles, la portée de l’effort budgétaire constatée sur les crédits du programme 185 ne peut être appréciée à sa juste mesure sans examiner concomitamment l’évolution des crédits du programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, qui portent, outre les emplois déjà mentionnés, des crédits d’intervention importants des SCAC dans les pays éligibles à l’aide publique au développement.

● À cet égard, le rapporteur pour avis souligne le rôle essentiel du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), initié en 2017, qui permet aux postes d’allouer rapidement, sur deux ans, des financements à des partenaires locaux, sous plafond d’un million d’euros par projet.

Les projets financés doivent permettre de mener des actions innovantes à impact rapide, au bénéfice des populations locales, et dont la forte visibilité doit contribuer à renforcer l’image de la France.

Exemplaire à cet égard est le financement, à hauteur d’un million d’euros, dès l’été 2022 dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, de la rédaction en langue ukrainienne de Radio France International à Bucarest, qui offre un refuge à des journalistes ukrainiens pour faire leur métier de manière indépendante et sûre.

Une catégorie spécifique de projets dits PISCCA ([6]) vise le soutien spécifique des initiatives de la société civile, pour cofinancer des microprojets de lutte contre la pauvreté, ou le renforcement local des capacités.

Depuis sa création, le FSPI a permis de financer 553 projets, mobilisant au total 286 millions d’euros, dans désormais plus de 90 pays éligibles : 94 projets validés en 2023 portent sur une enveloppe totale de 61 millions d’euros, dont 30,5 millions d’euros devraient être consommés en 2024.

Le PLF pour 2024 porte l’enveloppe totale du FSPI à 100 millions d’euros, en hausse de 20 millions d’euros, soit 25 %, ce qui paraît une approche prudente car, si les ambassades ont su s’approprier l’outil, la pertinence de son déploiement dépend de la capacité d’absorption par les acteurs locaux, dont les initiatives font tout l’intérêt du dispositif.

Lors de l’examen du PLF pour 2023, le rapporteur pour avis avait fait état de difficultés pour mettre en œuvre des FSPI dans des postes diplomatiques de taille réduite ou pour financer des plus petits projets. Outre les mesures d’accompagnement mises en place par la DDI, il salue donc la création cette année, au sein du FSPI, d’une enveloppe réservée, dénommée FSPI-R, déclinaison agile du fonds qui permet aux postes de proposer des projets selon une procédure allégée et pour des montants plus faibles, jusqu’à 100 000 euros.

Deux premiers comités du FSPI-R réunis cette année ont permis de financer 97 projets, pour 8,2 millions d’euros au total, dont, en Jordanie, la définition d’un plan de sauvegarde et de restauration de l’escalier monumental du temple de Zeus à Jérash, pour 75 000 euros, ou au Laos, la modernisation de l’apprentissage et de l’enseignement au sein du dispositif bilingue lao-français, pour 100 000 euros.

L’enveloppe réservée à ce titre au sein du FPSI devrait être portée à 20 millions d’euros en 2024, contre de 10 millions d’euros en 2023.

● Le rapporteur pour avis souligne en outre que le PLF pour 2024 conforte deux autres instruments ciblés, à la main des services culturels des ambassades, qui ont été nouvellement déployés en 2023 :

– le Fonds Équipe France (FEF), destiné à financer les besoins de partenaires africains par des projets où la France dispose d’un avantage compétitif reconnu : le sport, la culture, la langue française, l’engagement citoyen, l’agriculture, l’entreprenariat, l’innovation, la formation professionnelle ou la scolarisation. En 2023, neuf projets pilotes ont été financés, dans neuf pays prioritaires([7]), à l’exemple du soutien, à hauteur de 2 millions d’euros d’un projet de coopération muséale en Côte d’Ivoire dans le cadre du retour du tambour parleur Djidji Ajokwè. En 2024, la deuxième campagne sera dotée de 57 millions d’euros et concernera Djibouti, la Guinée Conakry, Madagascar, la Mauritanie, le Togo et la Tunisie ;

– le Fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel (FAEC) ([8]), qui doit financer, en Afrique, des appuis ciblés, rapides et lisibles, sur douze mois, à des projets d’entrepreneuriat culturel ainsi que dans les domaines du sport et de la jeunesse. Il doit permettre en particulier aux Instituts français et alliances françaises de travailler avec les incubateurs culturels du continent. Par exemple, au Nigéria, 1,2 million d’euros ont été accordés à des projets tendant à la structuration professionnelle des industries culturelles et créatives, dans cinq domaines cibles : l’audiovisuel, les jeux vidéo, la mode, le design et le spectacle vivant. Doté de 20 millions d’euros en 2023, le FAEC est reconduit en 2024.

3.   Une pluri-annualité à structurer

● Outre les moyens de fonctionnement, d’investissement et d’intervention des services du ministère, en administration centrale et dans le réseau, la coopération culturelle s’appuie sur des opérateurs importants parmi lesquels figurent l’ensemble des établissements publics « contribuant à l’action extérieure de la France » identifiés par la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État ([9]).car appelés à intervenir principalement à l’étranger et placés en conséquence sous la tutelle du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Il s’agit de l’AEFE, de l’Agence française de développement (AFD), de l’Agence française d’expertise technique internationale (Expertise France), de Business France, de Campus France et de l’Institut français.

Dans le but d’assurer le pilotage stratégique de ces opérateurs, l’article 1er de cette loi prévoit qu’« une convention pluriannuelle conclue entre l’État, représenté par les ministres concernés, et chaque établissement public contribuant à l’action extérieure de la France, représenté par le président de son conseil d’administration, définit, au regard des stratégies fixées, les objectifs et les moyens nécessaires à la mise en œuvre de ses missions ».

Cette contractualisation doit donc conduire le ministère à définir sur un horizon de plusieurs années l’ensemble des moyens alloués aux volets de la politique de coopération et d’influence culturelles, dont la mise en œuvre revient à l’opérateur concerné.

Sous la forme de contrats d’objectifs et de moyens (COM) ou de contrats d’objectifs et de performance (COP), cette démarche a été étendue à de nombreux opérateurs non directement visés par la loi du 27 juillet 2010 déjà mentionnée mais intervenant dans les domaines de la coopération et de l’action culturelle, financés sur les crédits des missions Action extérieure de l’État et Aide publique au développement.

Il en résulte que le ministère devrait disposer d’une vision d’ensemble des financements qui pourront concourir à cette politique, à un horizon de trois ou quatre ans, au titre tant des crédits et produits directement à la main de ses services que des dotations de ses opérateurs et de leurs ressources propres.

Or le rapporteur pour avis constate que le Parlement ne dispose pas, aujourd’hui, d’un document récapitulant les engagements souscrits dans les COM et les COP conclus entre l’État et les différents opérateurs du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

En outre, les COM et COP en cours ne font pas nécessairement référence à des enjeux communs ou des stratégies partagées, alors que leurs actions entrent pleinement dans le champ de la « Feuille de route de l’influence » définie en décembre 2021.

Comme le montre le tableau ci-après, on constate que les contrats d’objectifs et de moyens sont aujourd’hui conclus « au fil de l’eau », selon les échéances des contrats antérieurs. Encore faudrait-il que ces échéances soient respectées, ce qui est rarement le cas, comme la commission des affaires étrangères en a fait l’expérience à plusieurs reprises.

Contrats pluriannuels liant les opÉrateurs extÉrieurs de l’État

Opérateur

Convention en cours

Agence pour l’enseignement français à l’étranger

Contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2021-2023

La transmission d’un projet de COM est annoncée pour début 2024

Agence française de développement

COM 2020-2022

La négociation d’un prochain COM est annoncée

Business France

COM 2023-2026

Campus France

Contrat d’objectif et de performance (COP)

2023-2025.

Expertise France

COM 2020-2022

La présentation d’un COM 2024-2026 est annoncée pour début 2024

Institut français

COP 2020 – 2022

Un COP 2023-2025 serait en cours de finalisation

France Média Monde

COM 2020-2022

La présentation d’un COM 2024-2026 est annoncée pour début 2024

Canal France International (CFI)

Contrat d’objectifs 2021-2023

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD)

COP 2019-2023

Institut de recherche pour le développement (IRD)

COP 2021-2025

France volontaires

COP 2022-2024

Source : Commission des affaires étrangères.

Dans la continuité des progrès de pilotage de l’action extérieure de l’État réalisés depuis plusieurs années, le rapporteur pour avis invite le Gouvernement à améliorer la contractualisation avec les opérateurs dans les domaines de la coopération et de l’action culturelles.

De nouveaux progrès en matière de pilotage et de transversalité pourraient résulter d’une mise en cohérence des différents contrats qui doivent être négociés et conclus de façon synchrone et pour des durées harmonisées, par exemple de quatre ou cinq ans. Cette approche d’ensemble favoriserait les synergies entre opérateurs et avec les services de l’État, permettant de disposer d’une programmation pluriannuelle de l’ensemble des moyens qui leur sont alloués.

Les contrats pourraient être évalués durant la dernière année de leur application, sous le contrôle du Parlement, le cas échéant à l’occasion de l’examen d’un projet de loi de programmation de l’action extérieure de l’État qui définirait les objectifs et les moyens relatifs à la génération suivante de ces contrats.

Afin d’expertiser la mise en œuvre de ces propositions d’amélioration, le rapporteur pour avis présente un amendement invitant le Gouvernement à remettre au Parlement, avant le 1er mai 2024, un rapport sur le sujet.

  1.   Les Réseaux culturels et scientifiques

● Comme le rapporteur pour avis le souligne régulièrement, le réseau culturel et scientifique français est dynamique et vivant, et continue d’évoluer pour répondre aux besoins du terrain et s’adapter aux spécificités locales.

À l’été 2023, on comptait :

– au sein des ambassades, 137 services de coopération et d’action culturelle (SCAC) et 5 services pour la science et la technologie (SST) ;

– 96 établissements à autonomie financière, dénommés Instituts français, rattachés aux services culturels des ambassades, complétés par 133 antennes ;

– 22 Instituts français de recherche à l’étranger (IFRE), au statut d’EAF, et 5 centres de recherche intégrés à des IF ([10]) ;

– 6 centres culturels franco-étrangers situés en Afrique subsaharienne et à Oman ;

– 829 comités de l’Alliance française, structures de droit local, présents dans 135 pays dont 381 sont liés au MEAE par une convention.

● Le réseau culturel des ambassades a continué à croître depuis trois ans, avec par exemple, en 2021, la réouverture de l’IF au Rwanda et, en 2022, la création de l’IF d’Arménie.

Surtout, sous l’effet de la relance de la coopération franco-allemande à la suite du traité d’Aix-la-Chapelle de 2019([11]), la majorité des nouveaux IF ont pris la forme d’Instituts culturels franco-allemands (ICFA) : en 2021 à Palerme, en 2022 à Atlanta, et, en 2023, avec le début des aménagements de l’ICFA d’Erbil, en Irak, et la création d’un IF à Bichkek, au Kirghizstan, première étape avant l’ouverture d’un ICFA.

● Par ailleurs, le MEAE a accordé des crédits pour accompagner la création de nouveaux comités de l’Alliance française, dont 25 ont été créés depuis 2019, comme le détaille l’encadré ci-après.

Les nouveaux comités de l’Alliance française

- En 2019, sept créations ou réouvertures d’alliances françaises ont eu lieu : à Gaborone (Botswana), Oulianovsk (Russie), Odessa (Ukraine), Durrës (Albanie), Cork (Irlande), Monrovia (Liberia) et Soweto (Afrique du sud).

- En 2020, deux nouvelles alliances ont été labellisées à, Karaganda (Kazakhstan), et Puerto Ordaz (Venezuela) et l’Alliance de Bangkok (Thaïlande) a créé trois antennes.

- En 2021, quatre nouvelles alliances ont été labellisées : à Suceava (Roumanie), Salerno (Italie), Gabès (Tunisie) et Sharjah (Émirats Arabes Unis). Le comité de Paramaribo (Suriname) a perdu son label

- En 2022, six nouvelles alliances ont été labellisées : à Khoudjand (Tadjikistan), Makassar (Indonésie), Ouarzazate (Maroc), Jaipur (Inde), Reno (Nevada, États-Unis) et au Suriname. Le comité de de Morelia (Mexique) a perdu son label.

- En 2023, cinq alliances ont d’ores et déjà été créées : à Samarcande (Ouzbékistan), Montréal (Canada), la Réunion, Valledupar (Colombie), et Rzeszów (Pologne). L’Alliance française d’Oufa en Russie a décidé de cesser son activité.

1.   La contribution de plus en plus professionnelle des têtes de réseaux

 L’animation de l’ensemble des réseaux, qui relève du ministère, nécessite une bonne coordination avec têtes de réseaux que sont :

– l’Institut français (IF), établissement public à caractère industriel et commercial, opérateur du programme chargé de la promotion de la culture française hors de nos frontières et qui appuie l’action des services culturels des ambassades : le PLF pour 2024 lui attribue une subvention pour charges de service public de 28,3 millions d’euros, comme en 2023, mais son plafond d’emplois est porté à 153 ETP, en hausse de 10 emplois ;

– la fondation des Alliances françaises (FAF), reconnue d’utilité publique, qui a succédé, en 2008, à l’association fondée en 1883. Le PLF pour 2024 lui attribue une subvention d’environ 1 million d’euros, comme en 2023.

Cette approche conjointe bénéficie du rapprochement fonctionnel de l’IF et de la FAF annoncé dès 2017 par le président de la République et matérialisé par une convention tripartite avec le MEAE signée le 17 octobre 2019 puis renouvelée le 19 juillet 2023. La convention fixe des objectifs partagés dans les domaines du soutien à l’enseignement du français langue étrangère et de la diffusion culturelle et confie à l’Institut Français la professionnalisation des agents du réseau des alliances et la mise en œuvre d’une démarche qualité.

Interrogés par le rapporteur pour avis, les représentants de la DGM et de l’Institut français ont décrit leurs démarches pour améliorer encore la répartition des rôles d’animation dans le réseau, selon leurs expertises métiers propres et pour rendre plus lisibles leurs contributions respectives aux appels à projets.

Il relève par exemple qu’une réunion de représentants de l’ensemble des services culturels en Afrique a été, cette année, organisée par l’Institut français à Paris en coordination avec la DGM et la FAF.

● Le rapporteur pour avis se félicite des progrès réalisés pour que les opérateurs s’organisent de façon à identifier leurs plus-values réelles en matière d’appui au réseau.

Il rappelle que cette évolution a trouvé une traduction dans la réforme interne de l’Institut français, adoptée en janvier 2022, par laquelle l’IF dispose désormais d’une direction de l’appui au réseau culturel qui concentre des services et ressources auparavant très dispersés, afin d’être plus lisible pour le réseau international et de mieux agir aux côtés du MEAE en soutien aux postes

Il relève en outre que cette réorganisation a permis d’intégrer à l’organigramme de l’IF l’enjeu de proposer au réseau une offre numérique globale et renforcée, en créant un pôle « Offre en ligne et expertise numérique » qui agit en lien avec les pôles « Langue française et plurilinguisme » et « Formation et développement des établissements ».

Il a été indiqué au rapporteur pour avis que le prochain contrat d’objectif et de performance de l’Institut français, censé régir la période 2023-2025 ne devrait être adopté, au mieux, qu’en 2024. Si les objectifs envisagés pour ce COP paraissent reprendre les orientations déjà largement mises en œuvre, comme le soutien et l’animation du réseau culturel, l’accompagnement des créateurs et des industries culturelles et créatives (ICC) françaises dans leur développement à l’international, le renforcement du dialogue entre les cultures, les langues et les sociétés et l’amélioration du pilotage interne de l’opérateur, le rapporteur pour avis relève avec intérêt que serait prévue la production, à un rythme annuel à compter de 2024, d’un rapport sur la répartition géographique et sectorielle des programmes de l’IF.

Il suggère, à cet égard, que l’IF appuie les postes diplomatiques pour qu’ils élaborent des « plans pays » dans le domaine culture, au même titre qu’ils sont aujourd’hui censés en élaborer en matière d’enseignement français ou d’aide publique au développement. L’élaboration de 27 plans consacrés aux ICC dans des pays à forts enjeux constitue un précédent qu’il serait utile d’étendre à un plus grand nombre de postes, en couvrant un champ thématique plus large. Il pourrait s’agir d’un instrument utile pour les postes, la tutelle et les têtes de réseau pour définir des actions à moyen et long termes et éviter des solutions de continuité à chaque remplacement, tous les trois ou quatre ans, dans les équipes des SCAC. La réalisation de ces plans serait une étape logique de l’élaboration des COP et des COP, selon l’approche cohérente proposée par le rapporteur pour avis (voir supra).

● Concernant les Alliances françaises, le rapporteur pour avis souligne que, si leurs ressources propres approchent globalement 200 millions d’euros – niveaux stables en 2023 – avec un taux d’autofinancement avoisinant 95 %, certaines d’entre elles peuvent être en grande difficulté, comme c’est par exemple le cas pour le comité de São Paulo au Brésil, dont l’activité est redevenue viable mais qui ne peut pas faire face à de lourdes échéances d’emprunts.

Plus encore que pour les EAF qui sont, en règle générale, moins dépendants que les Alliances françaises des ressources provenant des cours de langue, l’enjeu est donc de les accompagner pour transformer les modalités de leurs offres de cours, afin de tirer parti de la transformation numérique et, le cas échéant, de redimensionner leurs emprises immobilières, ou en modifier les usages.

  1.   Le financement de l’innovation et de la transformation numérique

● Le rapporteur pour avis souligne que les crédits supplémentaires inscrits au PLF pour 2024 vont permettre de poursuivre des appels à projets qui répondent à deux exigences majeures de notre action culturelle internationale : attirer de façon innovante de nouveaux publics vers nos réseaux culturels à l’étranger et réussir leur transformation numérique.

● Annoncé lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs de septembre 2022, le Fonds pour l’innovation dans le réseau culturel est destiné à fournir un appui aux propositions nouvelles dans le domaine de la diplomatie d’influence, pour expérimenter de nouveaux formats et modalités d’action, encourager les démarches partenariales et développer de nouveaux réseaux ou encore renouveler les manières de communiquer.

Un premier appel à projets en février 2023, doté de 1 million d’euros, a conduit la direction de la diplomatie d’influence à examiner 70 projets provenant de 52 postes, pour un montant total de plus de 1,6 million d’euros.

Sur les 70 projets présentés, 50 ont été soutenus, les appuis s’échelonnant de 6 000 à 50 000 euros par projet, permettant par exemple le renouvellement de la médiation culturelle ou des formats de résidences d’artistes, des projets sur le sport, couplés au genre, et à l’apprentissage de la langue française, des projets portant sur l’éducation aux médias, un projet sur la bande dessinée au Québec, un projet portant sur la valorisation du patrimoine du vieux Dacca au Bangladesh, un projet à Taïwan renouvelant les formats de débats d’idées avec des dispositifs participatifs ou encore un projet itinérant de médiation culturelle et scientifique au Maroc.

L’outil paraît remplir sa fonction d’amorçage pour des projets inédits, et incite les postes à faire preuve de créativité auprès de publics prioritaires ou aujourd’hui à distance de nos dispositifs de coopération. Le PLF pour 2024 permettra de renouveler l’initiative à nouveau à hauteur de 1 million d’euros.

 Afin de soutenir le chantier de transformation numérique du réseau culturel, le MEAE a engagé 5,1 millions d’euros sur la période 2021-2023 et poursuivra cet effort en 2024.

3,5 millions d’euros ont été consacrés à la transformation numérique des EAF et des alliances françaises, au moyen d’appels à projets annuels :

– l’appel à projets de 2021 a permis de consacrer de 1,6 million d’euros à l’accompagnement de 80 postes dans une période de transition numérique contrainte par le contexte sanitaire, principalement pour l’équipement aux outils permettant la réalisation de cours de langue à distance ;

– l’appel à projets de 2022 a apporté 1 million d’euros à 68 initiatives visant l’identification, la fidélisation et le renouvellement des publics, en veillant à leur inscription dans la stratégie numérique globale du poste et leur effet de levier ;

– en 2023, le ministère a pu consacrer 950 000 euros à des projets tendant à développer des outils et des actions numériques liées à la relation aux publics, les demandes pouvant porter sur l’amélioration des équipements, l’acquisition de solutions logicielles, le recours à des experts et prestataires ou la formation des agents. Sur 76 projets provenant de 70 postes représentant un total des demandes de plus de 2,1 millions d’euros, 50 projets ont été retenus, pour un montant d’aide moyen de 19 000 euros par projet.

À titre d’exemple, le cinéma de l’IF du Burundi a été numérisé (50 000 euros), l’IF du Gabon met en place la numérisation des moyens de paiement (30 000 euros), en Gambie, l’Alliance française de Banjul a acquis des logiciels modernisant le centre de langue, et renforce l’offre de contenus numériques (25 000 euros) et en Côte d’Ivoire, une dotation en matériel informatique permet de relier aux actions du poste à Abidjan, quatre Alliances françaises historiques, bien ancrées dans la vie locale mais éloignées jusqu’alors des actions menées dans le reste du pays (27 000 euros).

En outre 1,6 million d’euros ont été attribués à l’Institut français de Paris pour soutenir la mise en œuvre de sa propre feuille de route de « transformation numérique » avec :

– le déploiement d’une offre numérique renforcée sur l’espace professionnel du site internet institutfrancais.com ;

– l’appui au déploiement des infrastructures logicielles dans le réseau, par des cycles de formation et un catalogue de référencement de solutions logicielles, destinés à simplifier leur choix et leur appropriation ;

– la formation des responsables des services culturels à l’étranger à la transformation numérique appliquée aux organisations culturelles, à la maîtrise de ses usages et de ses outils ;

– l’amélioration de l’offre de contenus en appui à la programmation culturelle et linguistique des établissements par le biais des plateformes Culturethèque, IF cinéma, IF Profs et IF Digital.

Cet effort s’est prolongé avec la numérisation, en 2023, du dispositif « La Collection », offre de programmation « clé en main », la mise à disposition d’une trentaine d’œuvres de réalité virtuelle pour une diffusion non commerciale ou encore, annoncé pour la fin 2023, le dispositif « Binge » dédié à la série courte et digitale française.

L’Institut français organise également des manifestations comme « Novembre Numérique », la fête des cultures numériques, qui avait rassemblé les IF de 80 pays et 130 villes en 2022 et qui célébrera sa septième édition cet automne.

  1.   Une diplomatie scientifique qui promeut l’internationalisation de la recherche

● La diplomatie scientifique contribue au rayonnement des sciences sociales françaises et francophones, à travers le réseau des 27 Unités mixtes - Instituts français de recherche à l’étranger (UMIFRE) implantées dans 34 pays, conjointement financées par le MEAE et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ([12]).

Au même titre que les IF, les UMIFRE prennent la forme d’établissements à autonomie financière des postes diplomatiques dont ils relèvent, ce qui les distingue, à ce titre, des autres formes de présence de la recherche française à l’international :

– le réseau des opérateurs scientifiques dans les domaines du développement ([13]) comme l’Institut de recherche pour le développement (IRD ), avec 38 représentations dans le monde, et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), qui déploie des coopérations dans plus de 100 pays ; en outre dans les domaines de la santé, le MEAE participe à la gouvernance, ainsi qu’au renforcement des implantations à l’étranger de l’Agence française de recherche sur les maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) et a signé un protocole d’accord relatif à la contribution du réseau international des Instituts Pasteur (33 instituts dans 25 pays) à l’attractivité et au rayonnement de la France ;

– les Écoles françaises à l’étranger, constitués sous forme d’établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, sous tutelle exclusive du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), comme l’École française de Rome, l’École française d’Athènes, l’Institut français d’archéologie orientale, l’École française d’Extrême-Orient et la Casa de Velázquez ;

– les unités de services de recherche relevant exclusivement du CNRS, parfois en partenariat avec ses homologues du pays d’implantation, comme le centre Jean Bérard (CJB) à Naples, le centre d’études alexandrines (CEAlex) à Alexandrie, le centre franco-égyptien d’étude des temples de Karnak, à Louxor, l’Interdisciplinary and Global Environmental Studies, à Tucson aux États-Unis, et l’unité Environnement, Santé, Société (EES) à Dakar et Saint-Louis au Sénégal, à Ouagadougou au Burkina-Faso et à Bamako au Mali ;

– enfin les partenariats établis directement entre universités et qui peuvent mobiliser, le cas échéant, des bourses de mobilité financées par le programme 185 pour financer des séjours de recherche en France (voir infra).


Les UnitÉs mixtes des instituts français de recherche à l’Étranger (UMIFRE)

Sigle

Intitulé

Localisation

Compétence régionale

IRMC

Institut de recherche sur le Maghreb contemporain

Tunis

Tunisie, Algérie, Libye

CESHS

Centre Jacques-Berque pour les études en sciences humaines et sociales

Rabat

Maroc Mauritanie

CEDEJ

Centre d’études et de documentation juridique, économique et sociale

Le Caire, Khartoum

Égypte, Soudan

CEFREPA

Centre français de recherche de la péninsule arabique

Koweït City

Koweït Arabie Saoudite, Oman Qatar, Émirats Arabes Unis Bahreïn Yémen

IFPO

Institut français du Proche-Orient

Beyrouth + Amman, Jérusalem, Erbil, Damas/Alep (fermées)

Liban Jordanie, Irak Territoires Palestiniens, Syrie

CRFJ

Centre de recherche français de Jérusalem

Jérusalem

Israël, Jérusalem (Territoires Palestiniens)

IFEA

Institut français d’études anatoliennes- G. Dumezil

Istanbul

Turquie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie

IFRI

Institut français de recherche en Iran

Téhéran

Iran

IFEAC

Institut français d’études sur l’Asie centrale

Bichkek, Douchambé

Kirghizistan, Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan

MFO

Maison française d’Oxford

Oxford

 

CEFRES

Centre français de recherche en sciences sociales

Prague

République Tchèque, Hongrie, Slovaquie

CMB

Centre Marc Bloch-

Centre franco-allemand de recherches en sciences sociales

Berlin

Allemagne, Pologne, Roumanie

CEFR

Centre d’études franco-russe

En attente

Russie, Biélorussie, Moldavie, Ukraine

CEMCA

Centre d’études mexicaines et centraméricaines

Mexico + Guatemala Ciudad

Mexique, Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama

IFEA

Institut français d’études andines

Lima + Bogota, La Paz, Quito

Pérou, Bolivie, Colombie, Équateur

CEFC

Centre d’études français sur la Chine contemporaine

Hong Kong

+ Taïpei

Hong Kong, Chine continentale, Taïwan

IFRJ-MFJ

Institut français de recherche sur le Japon à la Maison franco-japonaise (IFRJ-MFJ)

Tokyo

Japon, Corée du Nord, Corée du Sud, Mongolie

CSH

Centre des sciences humaines

New Delhi

Inde, Bangladesh, Pakistan Sri Lanka, Bhoutan Népal

IFP

Institut français de Pondichéry

Pondichéry

Inde, Bangladesh, Maldives, Pakistan, Sri Lanka, Bhoutan Comores, Madagascar Maurice, Népal

IRASEC

Institut de recherche sur l’Asie du Sud-Est contemporaine

Bangkok

Thaïlande, Birmanie, Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Philippines, Singapour, Timor Oriental, Vietnam

CFEE

Centre français d’études éthiopiennes

Addis-Abeba

Éthiopie, Djibouti, Érythrée, Somalie, Somaliland, Soudan du Sud

IFRA Nairobi

Institut français de recherche en Afrique –Nairobi

Nairobi

Kenya, Burundi, Ouganda, Rwanda, Tanzanie

IFRA Nigéria

Institut français de recherche en Afrique -Ibadan

Ibaban

Nigéria, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Gambie, Ghana, Liberia, Niger, Tchad, Togo

SFDAS

Section française de la direction des antiquités et des musées nationaux du Soudan

Relocalisation au Caire

Soudan, Soudan du Sud

IFAS

Institut français d’Afrique du Sud

Johannesburg

Afrique du Sud, Angola , Botswana, République du Congo, Lesotho, Malawi, Mozambique Namibie République, Démocratique du Congo, Eswatini, Zambie, Zimbabwe

Source : CNRS.

● Singulières dans les écosystèmes de la recherche en raison de leurs liens étroits aux postes diplomatiques, les UMIFRE doivent être envisagées dans leur double dimension d’une part en tant que vecteur de la diplomatie scientifique, et d’autre part, en tant que levier d’internationalisation de la recherche française.

● Dans l’entier respect des libertés académiques, les chercheurs des UMIFRE peuvent être amenés à travailler avec les services des ambassades dont ils relèvent, une directrice d’UMIFRE ayant indiqué au rapporteur pour avis participer aux réunions interservices hebdomadaires organisées par l’ambassadeur.

Si, dans certains postes, des difficultés ont pu conduire à distendre temporairement les liens entre l’UMIFRE et le SCAC, ce réseau contribue à la diplomatie scientifique par le biais de la recherche fondamentale qui interagit avec les enjeux politiques.

Plusieurs centres de recherche ont ainsi élaboré un dispositif de moissonnage des données du web chinois pour permettre de travailler sur des données chinoises. De même, l’UMIFRE de New Delhi joue un rôle de structure d’accueil pour des doctorants français, dans un contexte où le durcissement politique en Inde rend la conduite de certains projets de recherche de plus en plus difficiles dans les universités locales.

Pour la France, l’enjeu d’influence est ainsi, au premier chef, celui de la promotion des libertés académiques, sujet qui a donné lieu à un grand colloque pour le trentième anniversaire du Centre français de recherche en sciences sociale (CEFRES) à Prague.

 

La reconfiguration du Centre d’études franco-russe

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le MEAE a engagé avec le MESRI et le CNRS, une réflexion sur la reconfiguration du Centre d’études franco-russe (CEFR) qui a cessé toute activité à Moscou depuis la guerre en Ukraine, et dont le contexte diplomatique rend improbable la réouverture à moyen ou long terme.

Si les pistes d’une relocalisation à Riga ou Tbilissi ont été évoquées, assorties le cas échéant d’évolutions des thématiques de recherche, plusieurs propositions, privilégiées par le CNRS, pourraient conduire à positionner une structure légère à Varsovie en s’appuyant de façon plus large sur le réseau des UMIFRE compétents en Europe centrale, orientale et nordique et dans le Caucase, les thématiques dans lesquelles le CEFR s’est investi étant au demeurant partagées par le Centre Marc Bloch à Berlin ou CEFRES à Prague.

Cette reconfiguration aurait pour préalable le financement d’un plan d’action à l’échelle régionale, appuyé sur un dispositif en étoile fédérant l’ensemble des partenaires existants, comprenant des résidences de recherche, des partenariats avec l’université Charles de Prague, l’académie slovaque et l’université de Varsovie, ou encore le renforcement de projets de recherche franco-allemands sur la guerre et la sécurité en Europe et un programme de bourses non-résidentielles à destination de la recherche ukrainienne.

Le rapporteur pour avis souscrit entièrement à ces démarches visant à définir des modalités innovantes pour fédérer les capacités de recherche en réponse aux bouleversements occasionnés par la guerre.

● Parallèlement, il convient de « banaliser » les UMIFRE dans l’écosystème de la recherche à l’étranger, dont elles partagent les problématiques – la science ouverte, le plurilinguisme, la traduction –  en leur permettant d’accueillir plus de chercheurs en mobilité.

Le rapporteur pour avis relève par exemple que le Centre Marc Bloch à Berlin est une institution pleinement binationale, bénéficiant de financements de l’opérateur fédéral de recherche allemand, ainsi que de la contribution d’un très grand nombre de chercheurs associés, rémunérés par leurs propres universités, en France et en Allemagne.

À cet effet, les représentants du CNRS ont indiqué au rapporteur qu’ils envisagent de permettre à des chercheurs ne résidant pas en France de candidater sur des dispositifs de mobilité pour des séjours de recherche en UMIFRE.

Il pourrait en outre être opportun de définir, à destination des UMIFRE, des outils plus flexibles que ceux du CNRS, dont les programmes exigent un travail antérieur justifiant la thématique de la mobilité financée. Or la dimension internationale d’un projet scientifique cohérent et durable doit précéder et entraîner la mobilité, alors que les outils actuels fonctionnent plutôt dans l’autre sens.

Des marges de manœuvre pourront, le cas échéant, être dégagées dans le PLF pour 2024 qui augmente de 2 millions d’euros les moyens dédiés aux échanges scientifiques, portés à 15,7 millions d’euros, notamment afin de relancer des Partenariats Hubert-Curien ([14]) en Chine, au Vietnam ou en Malaisie.

  1.   L’enseignement français à l’étranger et l’enseignement bilingue francophone

56,4 % des crédits du programme 185 sont alloués à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), établissement public national à caractère administratif ([15]) placé sous la tutelle du MEAE, avec une subvention de 454,9 millions d’euros prévue au PLF pour 2024, en hausse de 1,8 % soit 8 millions d’euros.

Le rapporteur pour avis insiste sur le caractère extrêmement positif de ces évolutions, en rappelant qu’en 2017, l’AEFE avait perçu une subvention de 355,8 millions d’euros, qui a donc augmenté de près de 100 milliards d’euros depuis lors, soit 28 %.

De trop nombreux intervenants peu informés, à l’étranger comme en France, continuent à annoncer que l’on voudrait « sacrifier l’enseignement français à l’étranger », « faire des économies », « privatiser » : cela est manifestement faux.

Comme le montre le tableau suivant, les dotations publiques de l’AEFE au titre de la subvention pour charges de service public du programme 185 et de l’aide à la scolarité des élèves français sur le programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires, ont diminué continûment durant la décennie 2010 et c’est précisément à compter de 2018 que ce mouvement s’est inversé.

dotations publiques de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger

(montants en millions d’euros)

Source : Commission des affaires étrangères, d’après les documents budgétaires.

Les différentes dotations publiques de l’agence représentent 48 % de ses ressources, le budget pour l’année 2023 prévoyant un total de 1,18 milliard d’euros de recettes dont 52 % de ressources propres qui proviennent des trois catégories d’établissements du réseau d’enseignement français à l’étranger, tous homologués par l’éducation nationale :

– les 68 établissements en gestion directe (EGD), qui sont des composantes de l’AEFE et dont le budget est agrégé à celui de ses services centraux et qui procuraient à ce titre 360 millions d’euros d’écolages en 2019 ;

– les établissements conventionnés, gérés par des associations de droit privé – souvent des associations de parents d’élèves formant un comité de gestion – liés à l’AEFE par une convention administrative, financière et pédagogique, et qui versaient environ 150 millions d’euros en 2019, notamment pour participer à la rémunération des agents titulaires de l’éducation nationale qui leur sont affectés ;

– les établissements partenaires liés à l’AEFE par un accord de partenariat qui porte uniquement sur les questions pédagogiques et de formation des enseignants. Bénéficiant de la plus grande autonomie dans les domaines administratif et financier, ces établissements versaient environ 7 millions d’euros de contributions en 2019.

  1.   Un réseau en expansion, des leviers d’intervention diversifiés

● Fixé par le président de la République le 20 mars 2018 dans le plan pour la langue française et le plurilinguisme, l’objectif d’un doublement du nombre d’élèves scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger à l’horizon 2030, a été réaffirmé fin 2021 par la feuille de route de l’influence.

En octobre 2023, le réseau comptait 580 établissements (contre 497 en 2018) et, selon le dernier décompte provisoire de la rentrée 2023-2024 scolarisait 392 360 élèves, en hausse de 10,2 % depuis 2018, soit 36 426 élèves supplémentaires, comme le détaille le tableau ci-après.

La progression n’est cependant que de 1,2 % à la rentrée 2023, très en retrait par rapport aux deux années précédentes, alors qu’une progression de 5 % aurait pu être obtenue en l’absence de développements géopolitiques défavorables :

– au Niger, seuls 270 élèves sont inscrits au Lycée de Niamey contre 870 l’année dernière, l’évacuation des enseignants français ayant conduit l’établissement à ne maintenir une activité que par des cours à distance ;

– l’Iran vient d’imposer que les élèves de nationalité iranienne, y compris binationaux, soient désinscrits du lycée français de Téhéran, ce qui a diminué ses effectifs de 396 à 65 élèves.

S’y ajoute, depuis 2020, un moratoire du gouvernement marocain à l’agrément de tout nouvel établissement relevant d’un enseignement étranger, alors que, compte tenu de ses potentialités, le Maroc donnait lieu à de très nombreux projets de création d’établissements privés susceptibles de demander leur homologation par l’éducation nationale.

effectifs des Établissements d’enseignement français À l’Étranger homologuÉs par le ministère de l’Éducation nationale

 

Rentrée 2018

Rentrée 2019

Rentrée 2020

Rentrée 2021

Rentrée 2022

Rentrée 2023

Évolutions

2022 - 2023

Évolutions

2018- 2023

Établissements en gestion directe

Nombre d’établissements

72

71

71

68

68

68

0

0 %

- 4

- 5,6 %

Effectifs

74 305

74 937

73 948

75 483

75 667

75 180

- 487

- 0,6 %

+ 875

+ 1,2 %

Établissements conventionnés

Nombre d’établissements

156

156

155

162

162

163

+ 1

+ 0,6 %

+ 7

+ 4,5 %

Effectifs

122 351

123 901

117 405

119 050

120 072

117 490

- 2 582

- 2,2 %

- 4 861

- 4 %

Établissements partenaires

Nombre d’établissements

269

295

317

322

337

349

+ 12

+ 3,4 %

+ 80

+ 29,7 %

Effectifs

159 278

169 846

176 636

182 362

191 854

199 690

7 836

+ 3,9 %

40 412

+ 25,4 %

TOTAL

Nombre d’établissements

497

522

543

552

567

580

+ 13

+ 2,2  %

+ 83

+ 16,7 %

Effectifs

355 934

368 684

367 989

376 895

387 593

392 360

+ 4 767

+ 1,2 %

36 426

+ 10,2 %

Sources : Commission des affaires étrangères d’après les réponses de l’AEFE au questionnaire du rapporteur.

Les établissements d’enseignement français dans les pays en crise

En Russie : Le Lycée français Alexandre Dumas de Moscou, un EGD, compte 598 élèves. Les 33 personnels de l’éducation nationale détachés par l’AEFE sont présents. L’école française de Saint-Pétersbourg, établissement partenaire, compte 41 élèves sur les niveaux homologués, contre 76 il y a deux ans.

En Ukraine : Le Lycée français Anne de Kiev, établissement conventionné, compte désormais 120 élèves, contre 498 avant le conflit mais seulement 64 l’an passé. Le directeur d’école, détaché par l’AEFE, est présent sur place et 3 postes de supports sont fournis depuis le lycée français de Vienne assurant 50 % de leur service en distanciel au bénéfice du lycée de Kiev. L’école française internationale de Kiev, établissement partenaire, compte 57 élèves, contre 154 avant le conflit et l’école française privée d’Odessa, établissement partenaire, est fermée depuis 2022 alors qu’elle comptait 103 élèves avant le conflit.

À Haïti : le lycée français Alexandre Dumas, dont la convention est suspendue depuis le 1er septembre 2023, propose un enseignement en présentiel à 147 élèves.

Au Sahel, outre le Niger déjà mentionné, on peut relever qu’au Mali, 37 enseignants français détachés sont toujours présents sur place, un établissement conventionné et cinq écoles partenaires scolarisant plus de 2 500 élèves et qu’au Burkina Faso, 38 enseignants détachés sont présents dans deux établissements conventionnés, scolarisant 1 376 élèves.

Enfin, au Soudan, l’établissement conventionné de Khartoum est fermé.

Sources : Réponses de l’AEFE au questionnaire du rapporteur pour avis

● Au printemps 2023, le MEAE a piloté une vaste consultation sur l’enseignement français à l’étranger, pour en analyser l’étendue, les capacités de croissance et la qualité du réseau, impliquant l’AEFE, les familles et les enseignants des établissements, mais également l’Institut français et le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et ses opérateurs, dont France Éducation International (FEI), en charge des projets de coopération éducative internationale.

Une feuille de route 2023-2026 ainsi été élaborée, définissant les axes d’un développement qualitatif et pérenne avec :

– l’objectif d’accroître l’identité et la notoriété de l’enseignement français à l’étranger en rendant son offre plus attractive ;

– la définition de onze pays cibles : l’Arabie Saoudite, le Brésil, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, les Émirats arabes unis, les États-Unis, l’Inde, le Mexique, le Nigeria, la République démocratique du Congo et le Sénégal ;

– de nouvelles garanties de qualité et de visibilité pour les familles, en mesurant mieux la qualité de service ;

– le développement d’un vivier de professionnels formés ;

– l’adaptation de l’opérateur aux enjeux du pilotage du réseau, en modifiant son organisation et son offre de service et en proposant de nouveaux outils et interfaces avec les établissements.

● Tout en se félicitant de l’investissement du MEAE pour définir une approche d’ensemble des enjeux de l’enseignement français à l’étranger, qui ne saurait se résumer à ses seules relations administratives avec l’opérateur AEFE, le rapporteur pour avis souhaite attirer l’attention sur plusieurs enjeux cruciaux pour le développement de l’enseignement français et le maintien de son excellence.

● Il convient de prendre la mesure de la concurrence internationale très vive. Malgré l’importance des viviers francophiles, ou les perspectives offertes par les enfants de Français expatriés non encore scolarisés dans l’enseignement français à l’étranger, un développement dynamique paraît improbable si le réseau ne se dote pas d’outils à la hauteur de ceux de ses concurrents anglo-américains.

Avec plus de 13 600 écoles scolarisant plus de 6,7 millions d’élèves à la rentrée de septembre 2023, les réseaux anglo-américains relèvent de différentes accréditations, dont certaines largement reconnues. Le volume de leurs activités permet à certains grands groupes privés d’investir dans l’innovation pédagogique et la technologie, et de proposer en conséquence des cursus plurilingues très attractifs à destination d’élèves qui pourraient pourtant trouver intérêt à l’enseignement français, au demeurant généralement beaucoup moins coûteux.

Si le réseau de l’enseignement français à l’étranger dispose aujourd’hui de 304 sections internationales (principalement en anglais ainsi qu’en arabe) dans 140 établissements et cinquante-neuf pays, le rapporteur pour avis souligne l’atout que constitue désormais le nouveau baccalauréat français international (BFI) qui remplace, depuis la rentrée scolaire 2022, l’ancienne option internationale du baccalauréat (OIB). Plus lisible, mieux adapté aux attentes des élèves, il répond aussi mieux aux exigences des systèmes étrangers d’enseignement supérieur.

Lors de son audition par le rapporteur pour avis, la directrice générale de l’AEFE a convenu que le BFI peut lever les réticences de certaines familles attachées à une part d’enseignement en anglais. Le rapporteur pour avis se félicite de cette évolution importante au sein de l’agence : il rappelle qu’en 2017, le fait qu’un lycée français à l’étranger n’enseigne pas uniquement « en français » pouvait sembler suspect, et non comme une richesse supplémentaire. Le message du président de la République a donc été entendu, qui avait rappelé, dans son discours à l’Institut de France le 20 mars 2018 que « la Francophonie nous enseigne une chose, c’est que nous n’existons que dans le plurilinguisme ».

Les représentant de réseaux internationaux d’établissements d’enseignement privés comme la Mission Laïque Française, l’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture (AFLEC) ou le groupe Odyssey international ont confirmé qu’un établissement homologué proposant un bac français international avec par exemple une section américaine est bien armé face aux offres éducatives des réseaux anglo-américains. En proposant le BFI, l’établissement de l’AFLEC à Dubaï a considérablement réduit la part de ses élèves qui le quittent pour les sections terminales des établissements à certifications anglaises ou américaines.

L’enjeu est donc bien de faire valoir les atouts de cette offre, dont le fait que le BFI permet de répondre à un plus grand nombre de prérequis pour l’admission dans des universités internationales que bon nombre d’offres en « advanced placements ».

● Le second enjeu majeur est celui de la formation des personnels des établissements. Alors que les établissements anglo-américains bénéficient aujourd’hui d’un vivier de 650 000 professeurs, tant les objectifs de développement que les exigences d’amélioration du service rendu aux familles appellent à former, à très brève échéance, des dizaines de milliers d’enseignants, qui seront en très grande majorité non français.

À cette fin, le réseau se dote depuis 2023, de seize Instituts régionaux de formation (IRF), prévus par la loi([16]), établis sous la forme d’EGD et bénéficiant d’une contribution financière des établissements en fonction de leurs effectifs et de leurs chiffres d’affaires, pour un budget total de 17,2 millions d’euros en 2023.

Ces IRF doivent en particulier favoriser la professionnalisation et l’intégration des personnels de droit local et viser à constituer un vivier de personnels qualifiés, formés aux méthodes du système éducatif français.

Si les IRF vont en premier lieu s’appuyer sur des offres de formation préexistantes, l’enjeu est désormais qu’ils développent, sans tarder, leurs nouvelles missions afin de bénéficier aux personnels de tous les statuts d’enseignants et de toutes les catégories d’établissements.

À cet égard, le rapporteur pour avis attire l’attention sur la mise en place, par des IRF, à compter de septembre 2023, d’un « Master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation premier degré mention enseignement français à l’étranger » (MEEF) à destination des personnels de droit local, présenté dans l’encadré ci-après.

Outre la montée en compétences des enseignants recrutés localement, l’enseignement français à l’étranger aura besoin d’accroître le vivier des enseignants venus de France, ce qui nécessite :

– afin de lever les freins à la candidature à un poste à l’étranger, que le ministère de l’éducation nationale prépare les bonnes conditions du retour dans des postes d’enseignement en France, en valorisant le mieux possible l’expérience acquise à l’étranger, le cas échéant en affectant prioritairement ces enseignants dans les sections internationales des établissements en France ; au demeurant, cet enjeu est appelé à devenir structurant compte tenu du fait que les durées de détachement dans le réseau sont désormais, pour les nouveaux entrants, limitées à des périodes de trois ans, renouvelables une fois ;

– d’identifier également, en France, de nouveaux profils susceptibles d’être attirés par une première expérience d’enseignement à l’étranger sans pour autant avoir, au préalable, intégré la fonction publique. À cet égard, le rapporteur pour avis salue les initiatives menées avec les académies de Clermont-Auvergne, Grand Est et Versailles, dont les Inspé ont démarché, dans ce but, des élèves en master 2.

Le « Master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation premier degré mention enseignement français à l’étranger » (MEEF)

Le MEEF résulte d’un appel à participation de l’AEFE, en mars 2023, auprès du réseau des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Réseau des inspé).

Il s’inspire du dispositif « Tunisie pilote » créé en 2018 permettant aux personnels de droit local de bénéficier d’un « Master meef mention premier degré, parcours enseignement en établissement francophone à l’international (EEFI) ».

L’inspé de Caen-Normandie assurera la mise en place de ce master premier degré au côté des IRF de Dakar et Lomé.

Dans la zone Moyen-Orient, l’IRF d’Abu Dhabi bénéficiera d’un partenariat avec l’inspé de Clermont-Auvergne.

Cette fin d’année, l’IRF d’Abu Dhabi et son antenne au Caire pourraient également établir un MEEF en partenariat avec le poste diplomatique, l’université française d’Egypte et l’inspé de Versailles.

Ces initiatives permettront d’ouvrir un total de 120 places de formation.

L’AEFE, par le biais de ses IRF, financera les droits d’inscription des stagiaires à hauteur de 50 %, pour un coût estimé à environ 120 000 euros par an.

2.   Les objectifs de développement exigent que l’AEFE parachève sa mue

● Ces enjeux appellent, de la part de l’AEFE, une transformation profonde de ses modes d’intervention en appui à l’ensemble du réseau des établissements homologués, afin de mettre en œuvre ses missions d’animation, de contrôle de la qualité, de maintien de son excellence et de mise en œuvre de stratégies et d’outils de développement.

En premier, l’agence devrait rendre moins rigide le cadre actuel du conventionnement des établissements privés, comme l’avait proposé, dès 2019, la députée Samantha Cazebonne dans un important rapport au Gouvernement ([17]), nécessité que le rapporteur pour avis a plusieurs fois rappelée et appuyée.  

En effet, les conventions établies par l’agence suivent toutes le même format et rendent obligatoire, par exemple, la présence d’un proviseur que l’établissement ne choisit pas et dont il ne connaît pas le coût exact avant son arrivée. Or des modes plus flexibles de conventionnement seraient utiles, par exemple, dans des petits établissements, pour permettre de réaliser de missions ponctuelles d’appui et d’expertise, pour organiser une rentrée scolaire ou élaborer un projet pédagogique.

L’appui effectif d’une tête de réseau international ne saurait s’accommoder d’un format unique et très rigide, les enjeux de cohérence et de solidarité au sein du réseau, au demeurant légitime, ne pouvant justifier l’uniformité. Le rapporteur pour avis considère donc que l’agence devrait se fixer comme objectif d’effacer progressivement les distinctions entre établissements conventionnés et partenaires, ce qui nécessite, de sa part, d’être en capacité de mettre en place des conventionnements « sur mesure ».

● Or, dans la réalité du fonctionnement de l’AEFE, le poids considérable des questions liées à l’administration des EGD, par exemple à l’ordre du jour des instances de gouvernance, ne lui permet pas de hiérarchiser les enjeux.

Est caractéristique à cet égard le fait que l’agence présente les questions immobilières comme un levier de développement, alors que si elles constituent une responsabilité éminente en tant que « propriétaire » des EGD, elles ne sont, en matière de développement, que la résultante de dynamiques reposant d’abord sur la détection et l’aide à la structuration d’établissements et de filières homologables.

Ces dernières appellent la mobilisation de viviers francophiles, de viviers de professeurs et la mise à leur disposition, le cas échéant, d’une ingénierie éducative, pédagogique, et juridico-administrative, permettant de s’adapter aux législations locales.

En outre, la focalisation de l’Agence sur l’administration des EGD contribue au déficit de présence des représentants de l’éducation nationale dans ses instances, pourtant indispensable pour exercer les missions de tête de réseau.

● Le rapporteur pour avis souligne que si l’organigramme de l’AEFE a été modifié, il demeure surdéterminé par sa fonction gestionnaire et d’administrateur de 68 EGD, ce qui a tendance à noyer et à diluer sa responsabilité envers un réseau de 580 établissements. La part des EGD va en outre continuer de décroître à mesure que le réseau va s’étendre, ce statut, désormais très minoritaire dans certains pays, étant essentiellement un legs de l’histoire.

Le rapporteur pour avis se doit donc de réitérer le constat, déjà formulé à plusieurs reprises dans ses rapports précédents, d’une confusion entre d’une part, la mission d’administration au quotidien des EGD, et, d’autre part, la mission de tête de réseau au service de l’ensemble de l’enseignement français à l’étranger.

Alors que ses services ne sont pas organisés de manière à distinguer juridiquement et comptablement ces deux missions, l’agence doit donc engager les réorganisations nécessaires pour bien identifier, dans ses structures, les services chargés exclusivement des missions de tête de réseau, de son animation, du contrôle de sa qualité et du maintien de son excellence et de la mise en œuvre de stratégies et d’outils de développement. Il s’agit d’un prérequis indispensable pour y engager de la façon la plus optimale les ressources humaines et financières nécessaires.

Afin que s’engage cette réforme nécessaire, le rapporteur pour avis présente un amendement visant à donner une traduction budgétaire à cette réforme indispensable en scindant la subvention pour charges de service public versée à l’agence qui figure aujourd’hui entièrement sur l’action 5 du programme 185. Ce programme demeurerait le support des missions bénéficiant à l’ensemble du réseau, au titre de l’animation transversale, du contrôle qualité et de l’appui au développement. Il porterait donc exclusivement les montants de la subvention correspondant aux dépenses non liées à l’administration des EGD.

Les montants de la subvention qui correspondent aux dépenses liées à l’administration directe des EGD seraient, eux, transférés sur une nouvelle action du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde, en prenant en considération le fait que ce programme finance les dépenses d’administration et de support de toutes les missions des postes diplomatiques et consulaires, ce qui est cohérent avec les dépenses d’administration des EGD, qui comprennent, outre les coûts de détachement d’enseignants titulaires, d’importantes dépenses de personnel de droit local, des dépenses directes pédagogiques et logistiques, d’entretien et d’immobilier.

Sur le fondement d’un examen analytique des dépenses de l’AEFE figurant dans le rapport présenté en janvier 2022 relatif au projet de COM de l’AEFE pour 2021-2023 ([18]), le rapporteur pour avis considère qu’il est possible de fixer à 310 millions d’euros la part de la subvention inscrite au PLF 2024 qui pourrait être, à ce titre, transférée sur le programme 105, ce qui maintiendra un solde de 144,9 millions d’euros sur le programme 185, donnant une image plus fidèle de l’emploi actuel de la subvention.

Par un second amendement, il propose également de constituer, au sein de l’AEFE, une structure spécifiquement en charge des EGD, qui sera juridiquement et comptablement distincte des autres services de l’agence.

  1.   L’attractivité envers les mobilités étudiantes

● Présentée par le premier ministre en novembre 2018, la stratégie interministérielle « Bienvenue en France » a fixé l’objectif que la France tire parti de la hausse des mobilités internationales étudiantes et que nos établissements d’enseignement supérieur soient en mesure d’accueillir au moins 500 000 étudiants étrangers par an à compter de 2025, contre 370 000 étudiants étrangers en 2019. Pour l’année 2022-2023, le nombre d’étudiants de nationalité étrangère inscrits dans l’enseignement supérieur français approchait 403 000, en augmentation de + 2,6 % en un an, et de + 17 % sur 5 ans, selon les données établies par MESRI.

Sur un périmètre différent ([19]), selon les données relatives à l’année 2021, rendues publiques en septembre 2023 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), la France confirme son rang de sixième pays d’accueil des étudiants en mobilité internationale, comme le détaille le tableau suivant.

Classement Unesco de l’accueil des Étudiants en mobilitÉs internationales

Rang 2021

Pays

Effectifs 2019

Effectifs 2020

Effectifs 2021

Évolution 1 an

Évolution 5 ans

1

États-Unis

976 853

957 475

833 204

-13 %

-14 %

2

Royaume-Uni

489 019

550 877

600 589

+9 %

+39 %

3

Australie

509 160

458 279

378 439

-17 %

+13 %

4

Allemagne

333 233

368 717

376 359

+2 %

+54 %

5

Canada

279 168

323 157

312 630

-3 %

+65 %

 

Russie

282 922

 

 

 

 

6

France

246 378

252 444

252 856

0 %

+3 %

 

Émirats arabes unis

225 339

215 975

 

 

 

7

Chine

208 553

233 127

229 459

-2 %

+67 %

8

Turquie

154 505

185 047

224 048

+21 %

+155 %

9

Japon

202 907

222 661

216 241

-3 %

+51 %

10

Pays-Bas

108 353

124 876

135 535

+9 %

+51 %

Source : Campus France, d’après l’Institut statistique de l’UNESCO, septembre 2023.

● Si l’attractivité internationale de la France dans ce domaine dépend en premier lieu de ses établissements d’enseignement supérieur et de recherche, la stratégie mise en œuvre pour favoriser les mobilités internationales vers la France doit être au cœur de la stratégie d’influence du Quai d’Orsay : elle est en effet un terrain de concurrence entre États, qui y voient un moyen de véhiculer des valeurs et de nouer des liens durables entre sociétés ainsi qu’un atout pour leurs universités et leurs économies.

Le MEAE met en œuvre une politique d’attractivité envers les mobilités internationales étudiantes au moyen de plusieurs leviers :

– au sein du réseau diplomatique, les SCAC peuvent comprendre des attachés de coopération universitaire ou de la promotion des études en France. Il s’agit aujourd’hui de 94 effectifs dans l’ensemble du réseau ;

 dans 135 pays en 2023, les postes diplomatiques disposent de services d’accueil et d’orientation des candidats étrangers aux études en France. Il s’agit des 276 « espaces Campus France » à l’étranger, employant plus de 550 effectifs. L’activité des espaces Campus France contribue au financement des SCAC par les droits acquittés au titre des frais de dossier des étudiants candidats, de montants variables selon les pays, et conservés même quand le candidat ne voit pas son projet arriver à terme ;

 la plateforme « Études en France », aujourd’hui gérée par l’administration centrale pour 700 000 euros de frais de fonctionnement annuel, est un service dématérialisé qui va de la création du dossier de candidature à la sélection des établissements, et se clôt par les dossiers pré-consulaires sur lesquels s’appuie la délivrance des visas. Cette plateforme, présente dans 68 pays, est en cours de généralisation à l’ensemble des pays dont la mobilité étudiante requiert un visa ;

 le programme 185 porte la plupart des crédits pour bourses du gouvernement français (BGF) et autres aides au séjour scientifique en France ([20]) , attribuées par les postes diplomatiques ou relevant de programmes centraux du ministère. Le PLF pour 2024 porte le total des bourses de mobilités étudiantes à 70 millions d’euros, en hausse de près de 6 millions d’euros, soit 9,2 % ;

– enfin l’établissement public industriel et commercial Campus France, opérateur du programme 185, est chargé de promouvoir les études en France, notamment en appui des établissements d’enseignement supérieur français, et de gérer la grande majorité des bourses pour études en France relevant du Quai d’Orsay.

La subvention pour charges de service public de Campus France, sur le programme 185, est fixée à 3,4 millions d’euros en 2024, comme en 2023, complétée par 1,8 million d’euros du MESRI sur le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, de la mission Recherche et enseignement supérieur.

En outre, la gestion de la plateforme « Études en France » va être transférée à Campus France, ce qui appellera d’importantes évolutions techniques pour lesquelles le PLF 2024 inscrit 1,5 million d’euros sur le programme 185.

  1.   Financer durablement les bourses du gouvernement français, améliorer l’accueil

● Dans un contexte de concurrence internationale accrue pour attirer les meilleurs étudiants, la perspective de recevoir une bourse d’études peut avoir un effet déclencheur sur le choix d’étudier en France. La stratégie « Bienvenue en France » a donc prévu de doubler le nombre de BGF, pour le porter à 14 000 bourses en 2027, contre 7 000 en 2019.

En 2023, le programme 185 finance environ 11 000 bourses, mais seulement 8 700 bourses du gouvernement français hors bourses de stages. La hausse quantitative s’est en effet accompagnée d’un effritement de la qualité des bourses, avec des durées moins longues – d’une durée moyenne de cinq mois, soit moins d’un semestre d’études – et, pour un tiers des BGF, uniquement une dispense des frais d’inscription, de visa et la gratuité de la couverture sociale, mais sans versement d’une allocation régulière.

On compte ainsi moins de 5 000 bourses avec allocation de vie sur cycles d’études longs couvrant la totalité d’un mastère ou d’un doctorat, alors que l’Allemagne, désormais principal concurrent de la France, attribue 21 000 bourses de longue durée pouvant aller jusqu’à cinq années d’études.

● Dans ce contexte, le rapporteur pour avis salue l’inscription de 6 millions d’euros supplémentaires au titre des bourses du gouvernement français, dans le PLF pour 2024, portées à 64,6 millions d’euros contre moins de 59 millions d’euros en 2023 sur l’action 4 du programme 185, complétés par 3,5 millions d’euros pour les bourses de formation français langue étrangère sur son action 2, et 800 000 euros pour des bourses dans les domaines de la santé, l’environnement et l’agriculture sur son action 3, pour un total de 70 millions d’euros.

Cependant, le rapporteur pour avis souligne que l’enjeu est que ces crédits soient effectivement consommés. Il rappelle que la loi de finances pour 2015 avait inscrit 97,5 millions d’euros au titre des bourses, dont 20 millions d’euros avaient été annulés en cours d’exécution, initiant un mouvement de baisse des crédits inscrits ou consommé qui n’a été inversé que par la stabilité constatée entre 2017 et 2020.

Les annulations en cours d’exécution sont au demeurant moins liées à des décisions politiques ou académiques, qu’à l’impossibilité de dépasser des lourdeurs et des contradictions procédurales. Ces annulations sont constatées et non décidées, dans la majorité des cas.

● Outre la hausse des bourses d’études, la stratégie « Bienvenue en France » reposait sur :

– une amélioration de l’accueil des étudiants étrangers dans les établissements français, grâce à un fonds d’amorçage de 10 millions d’euros, financé par le MESRI, destiné à des actions d’accompagnement : la création de guichets uniques et de dispositifs d’accueil et la formation de leurs personnels à l’anglais, des cours de français langue étrangère, et la création d’un label de qualité de l’accueil, confié à Campus France ;

– le développement des enseignements en anglais ;

– l’introduction de droits d’inscription différenciés pour les étrangers extracommunautaires dans les établissements universitaires, afin de dégager de nouvelles ressources pour financer de meilleures conditions d’accueil ;

– une campagne de communication mondiale ;

– une simplification de la politique de visas (voir infra).

● Le rapporteur pour avis salue les nombreuses avancées constatées ces dernières années, attestées par l’augmentation de 30 % des dossiers de candidatures dans les espaces Campus France dans le monde, entre les campagnes 2019-2020 et 2021-2022.

Les différentes administrations se sont mieux coordonnées grâce à un dialogue régulier au sein du comité de pilotage « Bienvenue en France », réuni chaque mois, et renforcé pendant la pandémie. La communication digitale sur les études en France s’est accrue, avec une fréquentation en hausse de 50 % sur les réseaux sociaux (2,7 millions d’abonnés).

Le fonds d’amorçage a bénéficié à 108 établissements, consacré pour moitié au renforcement des bureaux d’accueil et pour moitié à des actions telles que les événements d’intégration, le parrainage par les pairs, les cours de français langue étrangère et la formation des personnels.

Le label « Bienvenue en France » a pu être attribué à 151 établissements, dont un tiers d’universités, un tiers d’écoles d’ingénieurs suivies par des écoles de commerce et de management, représentant 65 % des étudiants internationaux en mobilité.

Les universités ont adopté des délibérations relatives aux droits d’inscription différenciés : si certaines prévoient une « exonération partielle générale », donc les mêmes frais d’inscription pour les étudiants européens ou extracommunautaires, d’autres ont fixé des droits différenciés tout en les assortissant d’exonérations spécifiques au regard de critères de solidarité internationale, de promotion de la francophonie, de cursus ou d’excellence.

● Enfin, la stratégie d’attractivité universitaire plus large de la France s’est fondée sur la projection de l’enseignement supérieur français à l’étranger en y développant des campus délocalisés « franco-pays ».

Outre le Campus franco-sénégalais de Dakar (qui accueille désormais 1 200 étudiants dans 25 formations), cofinancé par la France pour 800 000 euros en 2024 sur des crédits du programme 209, d’importants partenariats sont en cours dans la zone indopacifique, priorité géographique de premier plan.

Sur le programme 185, le PLF pour 2024 inscrit 1 million d’euros au titre du deuxième appel à projets du campus franco-indien à portée régionale dans le domaine des sciences de la vie et de la santé, et 1 million d’euros pour un campus franco-australien sur la transition énergétique.

  1.   Une mise en cohérence indispensable en matière de circulation et de séjour

● La nécessité de disposer d’un visa ou d’un titre de séjour peut exposer l’étudiant étranger à des difficultés à trois moments-clés de son parcours :

– le rendez-vous dans les espaces Campus France puis dans les services consulaires pour demander le visa, difficile à obtenir en raison de l’engorgement des mois précédant la rentrée universitaire, notamment dans les pays à fort flux ; à ce titre, le rapporteur pour avis appelle à utiliser au maximum l’ingénierie développée par les sociétés auxquelles de nombreux postes ont externalisé le traitement matériel des demandes de visas ([21]), y compris pour les demandes de rendez-vous dans les espaces Campus France, comme cela est expérimenté à Alger (voir infra) ;

– l’obtention du rendez-vous en préfecture au terme de la première année d’études pour le titre de séjour étudiant à l’expiration du visa initial ;

– enfin, au terme des études, l’obtention d’un titre de séjour au moment de la recherche d’emploi, de stage, ou d’un séjour dans un centre de recherche.

● Les difficultés rencontrées à l’arrivée et au moment des changements de statuts contribuent à précariser les étudiants. Dans les pays à fort flux, le faible nombre de délivrance des visas suscite des frustrations et contribue au développement d’un sentiment anti-français.

Le rapporteur pour avis regrette que les volumes de visas étudiants puissent être considérés comme un élément de négociation diplomatique, et parfois même comme une concession que la France accorderait à ses partenaires, alors que, si la France accueille des étudiants étrangers, c’est d’abord et avant tout pour atteindre les objectifs qu’elle s’est elle-même fixés, au terme d’une évaluation de ses propres intérêts.

Le rapporteur pour avis estime donc indispensable de clarifier l’articulation entre la mise en œuvre de la politique migratoire par le ministère de l’intérieur et les objectifs de rayonnement et d’attractivité relevant du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cet enjeu exige un pilotage national car une telle responsabilité ne saurait entièrement reposer sur les différents postes consulaires ou les préfectures. Le rapporteur pour avis espère que l’examen prochain du projet de loi sur l’immigration, dont la commission des affaires étrangères se saisira pour avis, permettra une clarification salutaire sur ce point.

● Il convient néanmoins de saluer les progrès réels ces dernières années, avec 108 340 premiers titres de séjour accordés à des étudiants en 2022 contre 80 339 en 2017. Depuis 2021, les étudiants représentent d’ailleurs la première catégorie de la primo-délivrance de titres de séjour, devant le regroupement familial.

Cela résulte de plusieurs mesures de simplification, dont la création du visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) pour une durée d’un an, et la dématérialisation des procédures via la plateforme d’Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). En outre, en application du droit européen ([22]), les diplômés de licence professionnelle ou mastère bénéficient de la carte de séjour « recherche d’emploi ou création d’entreprise » valable un an.

● Cependant, ce levier d’influence est encore insuffisamment mobilisé par la France alors que la progression importante du Royaume-Uni dans le classement UNESCO déjà mentionné, en hausse de 50 000 étudiants internationaux en 2021, résulte de la politique de Visas Graduate Route qui facilite le séjour de longue durée post-diplôme.

Le diplômé étranger d’un établissement britannique obtient en effet un permis de séjour et de travail d’une durée de deux ans, et de trois ans après un doctorat : 160 654 visas ont été accordés à ce titre en 2022, dont 41 % à des étudiants indiens et 12 % à des étudiants nigérians.

● Le rapporteur pour avis invite donc à ce que le débat parlementaire à venir sur le projet de loi sur l’immigration permette d’adopter de nouvelles mesures de simplification administrative en faveur des étudiants et des scientifiques étrangers en mobilité en France.

Les représentants de Campus France ont présenté au rapporteur pour avis les pistes d’amélioration ou d’approfondissement qui recoupent plusieurs des recommandations de Paul Hermelin dans le rapport remis au Gouvernement en avril 2023 dans le cadre d’une mission plus générale sur l’amélioration de la délivrance de visas ([23]) :

– instaurer des procédures rapides dans les préfectures en faveur des demandeurs de passeports talent et des boursiers du gouvernement français ;

– délivrer plus largement des visas de circulation en faveur de diplômés des établissements français d’un niveau minimum équivalent au mastère ;

– harmoniser la situation des doctorants étrangers en généralisant leur éligibilité au « passeports talent » aujourd’hui restreint aux doctorants titulaires de contrats doctoraux, tandis que les autres doctorants – boursiers notamment – sont uniquement éligibles aux titres de séjour d’une durée d’un an, inférieure à la durée de leur thèse.

*

*     *

 


—  1  —

 

  1.   L’action culturelle et la coopération en Algérie : faire vivre la diplomatie non gouvernementale pour surmonter les blocages politiques

Il est peu de pays hors de l’Union européenne avec lesquels la France entretient des liens aussi denses que l’Algérie, en une relation qui paraît tout aussi foisonnante au plan humain que dysfonctionnelle au plan politique. Malgré les initiatives courageuses du président de la République, il est difficile de ne pas constater la permanence des blocages de la relation bilatérale d’État à État.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis a souhaité examiner quels leviers de coopération nos postes diplomatiques et consulaires peuvent activer lorsque l’efficacité de la « diplomatie des chancelleries » est sujette à caution.

Il a pu mesurer la consistance et les potentialités d’une « diplomatie non gouvernementale » qui répond, malgré les obstacles qui lui sont opposés, à des attentes fortes en matière de culture, de francophonie, de mobilités étudiantes et d’échanges économiques, émanant notamment de la jeunesse algérienne.

Loin des faux-semblants politiques ou de l’instrumentalisation du passé, la relation de la France à l’Algérie doit donc mobiliser, sans relâche, la « diplomatie des sociétés civiles », pour préparer l’avenir.

  1.   Des blocages politiques structurels sapent les coopérations institutionnelles
    1.   Les ambitions affichées de relance de la coopération franco-algérienne butent sur la permanence des blocages

● En moins de vingt ans, la coopération franco-algérienne a fait l’objet de pas moins de trois déclarations communes des chefs d’État censées marquer à chaque fois l’entrée dans une nouvelle ère de partenariat :

– par les présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, le 2 mars 2003, avec la « déclaration d’Alger sur la refondation de la relation franco-algérienne et l’instauration d’un partenariat d’exception entre la France et l’Algérie » ;

– par les présidents François Hollande et Abdelaziz Bouteflika, le 19 décembre 2012, avec la « déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération entre la France et l’Algérie » ;

– par les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune, le 27 août 2022, avec la « déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé entre la France et l’Algérie ».

● Cette dernière déclaration pose, en préambule, que la France et l’Algérie « fortes des liens humains exceptionnels qui les unissent et résolument déterminées à promouvoir leur amitié et à consolider leurs acquis en matière de coopération et de partenariat, renouvellent leur engagement à inscrire leurs relations dans une dynamique de progression irréversible à la mesure de la profondeur de leurs liens historiques et de la densité de leur coopération ».

En conséquence, elle décline une feuille de route en trois volets :

– le dialogue politique, en prévoyant l’établissement d’un Haut-conseil de coopération franco-algérien au niveau des chefs d’État ;

– le dialogue mémoriel, par l’établissement d’une commission conjointe d’historiens français et algériens, dans le but de « favoriser une lecture objective et de vérité d’un pan de leur histoire commune, tenant compte de l’ensemble de ses étapes afin d’appréhender l’avenir dans l’apaisement et le respect mutuel » ;

– le renforcement de la coopération culturelle, scientifique et économique, pour offrir des perspectives pour la jeunesse et investir dans les secteurs d’avenir.

La déclaration conjointe des chefs d’État a été suivie de la tenue à Alger en octobre 2022, de la cinquième session du Comité intergouvernemental de haut niveau algéro-français (CIHN), présidée par les deux premiers ministres, débouchant sur un communiqué conjoint, suivi de la signature de dix accords sectoriels dans les domaines du tourisme, de l’énergie, de la santé, de l’éducation ou de l’agriculture et de la désignation au sein des ministères français et algériens de « hauts responsables » chargés de l’animation de la coopération bilatérale.

● Parmi les principaux chantiers de coopération mentionnés dans ces déclarations et accords figurent par exemple :

– en matière de coopération culturelle, outre le comité conjoint d’historiens, la création, en France et en Algérie, de lieux de création, de dialogue et d’échange des jeunesses franco-algériennes ;

– l’entretien des cimetières européens et la valorisation de leur patrimoine, ainsi qu’une relance de la coopération en matière de fouilles archéologiques ;

– la facilitation mutuelle de l’ouverture d’établissements scolaires ;

– la relance de la coopération entre les Instituts Pasteurs et entre les centres de recherche et les universités.

En matière de coopération économique, outre l’identification de secteurs prioritaires (le numérique, les énergies renouvelables, les métaux rares, la santé, l’agriculture, le tourisme), sont expressément prévus un programme de recherche sur la récupération et le traitement du gaz de torchage, un « fonds d’investissement commun » dont était annoncée, à l’été 2022, « l’opérationnalisation rapide », ou encore un fonds de 100 millions d’euros pour les entrepreneurs issus de la diaspora maghrébine qui devait être implanté à Marseille...

● S’il est fort possible que certains des chantiers annoncés trouvent quelques traductions concrètes dans les prochaines années, il fait peu de doute que cette nouvelle relance de la coopération va butter sur les mêmes obstacles que les précédentes tentatives, à l’exemple de la déclaration d’Alger du 2 mars 2003 censée préparer un traité d’amitié entre les deux pays, qui n’a jamais été élaboré.

De fait, la dernière séquence franco-algérienne a été rapidement suivie par un épisode de tensions bilatérales, entre février et mars 2023, l’Algérie décidant de rappeler pour consultations son ambassadeur en France après la décision de la France d’exercer la protection consulaire au profit de la militante franco-algérienne Amira Bouraoui, alors qu’elle se trouvait en Tunisie. Les coopérations en cours avaient été alors été suspendues et n’ont pu redémarrer qu’à la suite de deux appels entre chefs d’État, le 24 mars et le 23 avril 2023, permettant de « lever les incompréhensions ».

Cependant, les aléas de la coopération franco-algérienne ne sauraient se résumer à une chronique diplomatique. En effet, de nombreux interlocuteurs du rapporteur pour avis lui ont indiqué qu’ils considèrent que, de façon structurelle, « les accords signés n’engagent pas le partenaire algérien ».

Toute approche strictement institutionnelle semble en effet butter, en Algérie, sur des obstacles sans cesse renouvelés qui trouvent leur origine dans l’organisation même de l’État algérien.

● Dans leur ouvrage récent, Le Mal algérien ([24]), Jean-Louis Levet et Paul Tolila ont ainsi décrit le fonctionnement d’un système prétorien, contrôlant tous les leviers du pouvoir, et pour lequel toute forme de coopération avec la France susceptible de présenter un intérêt pour la société algérienne est une considération de second ordre par rapport aux préoccupations de maintien de sa propre sécurité, de surveillance de la population et d’administration de la rente énergétique.

À la suite de la déclaration d’Alger du 19 décembre 2012, MM. Levet et Tolila s’étaient en effet vu confier par le président François Hollande une mission de haut niveau pour la coopération technologique et industrielle franco-algérienne, menée de mai 2013 à janvier 2019.

Dans ce cadre, ils ont pu dresser le constat, d’une part, de l’intérêt envers la France de la part de pans entiers de la société algérienne et des opportunités considérables qui peuvent en résulter et, d’autre part, d’un État constituant le principal goulot d’étranglement de la société algérienne tout entière et, a fortiori, d’une coopération viable avec la France.

 

 

Au sein de l’État algérien, contrastent en effet :

– la stabilité des intérêts à défendre au titre des ressources énergétiques et minières, contrôlée par l’armée et la « nomenklatura », procurant des ressources extrabudgétaires entièrement soustraites au contrôle du Parlement et de la Cour des comptes, ainsi que du contrôle de tous les passages obligés d’une consommation nationale très dépendant envers les importations, comme les ports et les douanes ;

– l’instabilité, l’illisibilité et la précarité de l’administration, y compris aux plus hauts niveaux hiérarchiques, qui rend très difficile l’identification d’interlocuteurs pérennes avec qui mener des projets sur la durée.

Tout changement étant susceptible de bousculer des réseaux et des intérêts puissants en place, les ministres comme leurs administrations hésitent à prendre des initiatives sur fond de crainte de règlements de comptes, instrumentalisant les procédures judiciaires.

Les projets sont fréquemment remis en cause en raison d’un fort turn-over des ministres, des hauts-fonctionnaires et des walis ([25]). En outre, les administrations algériennes ne disposant ni d’annuaires publics, ni de sites intranet, les échanges professionnels n’ont lieu qu’au moyen de messageries personnelles : lorsqu’un responsable administratif change, il y a solution de continuité et les interlocuteurs extérieurs à l’administration peuvent ne pas en être informés pendant de très longues périodes.

De fait, les coopérations initiées sont rarement interrompues de façon formelle par la partie algérienne : elles cessent faute d’interlocuteurs ou du moindre accusé de réception aux sollicitations du partenaire, sans que le choix d’une rupture soit assumé.

Ce mode de fonctionnement met au défi la relation à un État telle que nous la concevons en France et constitue un obstacle structurel à nos modes traditionnels d’action diplomatique.

Si cet état de fait présente des difficultés manifestes à la fois pour les larges pans de la société algérienne non directement liés au pouvoir, ainsi que pour bon nombre de partenaires internationaux de l’Algérie, celles-ci sont accrues, concernant la France, par le fait que des élites en rivalité constante trouveraient un point d’accord dans le refus de coopérer avec notre pays, en faisant reposer la légitimité de l’État sur la mémoire sans cesse ravivée de la guerre d’indépendance et de la colonisation.

● À cet égard, les perspectives de coopération interétatiques franco-algériennes sont hypothéquées plus encore par une hostilité à la France qui trouve de solides points d’ancrage dans la société :

– au moins 12 millions d’Algériens peuvent se rattacher à la « famille révolutionnaire », c’est-à-dire aux descendants des combattants réels ou supposés de la guerre d’indépendance et bénéficient, à ce titre, d’avantages importants accordés par le ministère des Moudjahidines et des ayants droit : leur position privilégiée dans la société est donc tributaire de la perpétuation d’un discours anti-Français ;

– les progrès constants de l’islamisme au sein de la société, son échec politique au terme de la décennie 1990-2000 s’étant assorti de la victoire sociale des normes religieuses et conservatrices, avec l’appui tacite des autorités, et du renforcement de la présence des religieux dans la sphère publique mais également dans l’enseignement et l’université. Il en résulte un discours constant d’hostilité à la France, qui contraint durablement tout rapprochement ambitieux que pourraient envisager les dirigeants politiques ;

– enfin des politiques publiques, conduites avec plus ou moins de détermination depuis désormais deux générations, visant à faire reculer l’usage de la langue française, au bénéfice d’une arabisation à forte teneur politique et religieuse, ce qui fragilise des fonctionnaires et élites francophones, qui peuvent, à des fins de survie, affecter plus encore des sentiments anti-français.

  1.   Un enseignement français ou en français, attractif mais directement menacé

Ces constats peuvent être illustrés par la situation de l’enseignement français ou en langue française en Algérie, qui présente un contraste saisissant entre une demande venant de larges pans de la société et des blocages politiques et administratifs incessants.

● Il n’existe qu’un seul « Lycée français » en Algérie, contre dix-sept au Maroc : après la fermeture des établissements français au cours de « la décennie noire », un accord bilatéral de 2001 a permis d’ouvrir, à Alger, le lycée-collège international Alexandre Dumas d’Alger (LIAD), établissement en gestion directe de l’AEFE, couvrant l’ensemble du cycle de scolarité pour 1 773 élèves.

En outre le LIAD peut scolariser des élèves dans deux antennes, autorisées par un avenant de 2016 à la convention bilatérale : une antenne à Oran, ouverte en 2017, qui accueille 249 élèves jusqu’à la classe de seconde, ainsi qu’une antenne à Annaba, ouverte en 2018, qui comprend moins de 100 élèves, avec des classes du primaire à la cinquième. À cet égard, le rapporteur pour avis se félicite du fait que le ministère français de l’éducation nationale et de la jeunesse ait accordé au LIAD, pour ses annexes, une simple extension de son homologation, alors qu’il y est parfois réticent lorsque des établissements ne sont pas localisés dans la même ville : cela a peut-être évité aux familles d’Oran et d’Annaba d’attendre les trois années requises pour l’attribution d’une nouvelle homologation, mais surtout, cela a permis un développement du réseau que les autorités algériennes auraient sans doute retardé pour une période indéterminée.

L’effectif total du LIAD atteint ainsi aujourd’hui 2 119 élèves, contre 279 en 2002, et 80 % des élèves sont de nationalité algérienne ou binationaux. L’établissement comprend une section internationale en langue arabe, et a mis en place le baccalauréat français international trilingue depuis 2022.

Par ailleurs, un accord bilatéral de 2006, a permis d’ouvrir la Petite école d’Hydra (PEH), école d’entreprises du réseau de la Mission laïque française, avec un effectif de moins de 200 élèves, qui accueille exclusivement des enfants de cadres expatriés, jusqu’au CM2, des places leur étant réservées en 6e au LIAD.

● Le LIAD d’Alger est aujourd’hui totalement saturé, en dépit des travaux en cours pour en agrandir les locaux dans le cadre d’un projet « Grand LIAD » ([26]) qui ne pourra cependant pas répondre à une demande considérable.

À la rentrée 2023, pour chaque inscription d’élève, l’établissement a ainsi dû refuser près de 40 demandes et la proviseure est quotidiennement sollicitée par des familles qui ne peuvent inscrire leurs enfants.

Ces niveaux excessifs de sollicitation du LIAD sont la conséquence des obstacles mis par l’administration algérienne, non seulement à l’ouverture d’un nouveau lycée français, mais surtout aux initiatives des établissements privés algériens pour dispenser, en tout ou partie, un enseignement français ou en français.

Ainsi, pendant de nombreuses années, l’enseignement français en Algérie a pu bénéficier de l’appoint d’une section Sciences et Technologies de la Gestion de l’établissement privé « Les Glycines », qui coopérait avec le LIAD. Cependant, en décembre 2019, sur la pression des autorités algériennes, la directrice des Glycines a été contrainte de renoncer au renouvellement de son homologation par l’éducation nationale française.

Au premier semestre 2023, un nouveau durcissement de l’administration algérienne l’a conduite à menacer de retirer tout agrément aux écoles privées dispensant un enseignement renforcé de la langue française et des disciplines non linguistique en français, même lorsqu’elles dispensaient par ailleurs l’intégralité du programme algérien.

Juste avant la rentrée scolaire de septembre 2023, 22 établissements privés algériens scolarisant plus de 10 000 élèves ont dû renoncer au Label FrancEducation, attribué par le MEAE aux filières bilingues d’excellence et qui peut constituer une première étape vers l’homologation. Quelques mois à peine après que la déclaration conjointe des chefs d’État du 27 août 2022 annonçait « la facilitation mutuelle de l’ouverture de nouveaux établissements scolaires », l’administration algérienne a donc fait directement obstacle à un développement de l’enseignement français pourtant réclamé par les familles algériennes.

Le rapporteur pour avis a pu constater le déchirement des familles qui ne peuvent plus scolariser leurs enfants dans un environnement bilingue francophone et qui ont témoigné des moyens déplorables de pression sur les établissements, comme des contrôles de police pour s’assurer que les cartables des enfants ne contiennent pas de manuels scolaires français.

  1.   Une coopération universitaire entravée

● Le refus de laisser se développer un enseignement scolaire français ou francophone résulte d’une stratégie d’arabisation mise en œuvre, par vagues successives, depuis près de quarante ans et qui se double désormais d’une volonté de remplacement complet de la langue française par l’anglais à l’université.

Le ministre algérien de l’enseignement supérieur a en effet annoncé, au début de cette année que, dès la rentrée 2023, l’ensemble des enseignements non dispensés en arabe, le seront désormais en anglais.

Cette décision était présentée comme la conséquence nécessaire de la décision des autorités algériennes d’accueillir désormais en Algérie des étudiants étrangers, ainsi qu’une université américaine. En outre, à une échéance encore indéterminée, l’Algérie mettrait fin à l’organisation de l’enseignement supérieur selon le système LMD (licence-master-doctorat), utilisé dans l’Union européenne, afin de se rapprocher d’un système anglo-américain.

De nombreux interlocuteurs algériens rencontrés par le rapporteur pour avis ont fait état de leur consternation à l’annonce de ces décisions, alors que, par exemple, tout le cursus des études algériennes en médecine s’effectue en français.

● Un indice du décalage complet, sur ce point, entre l’État et de larges pans de la société algérienne est fourni par l’annonce, en août 2023, par la voie de l’agence de presse gouvernementale, que les enseignants universitaires et les étudiants algériens n’auraient plus le droit de participer à des manifestations scientifiques internationales sans obtenir au préalable l’accord du ministère algérien de l’enseignement supérieur.

● Le raidissement du gouvernement algérien s’était déjà manifesté, en 2021, par l’arrêt de la participation de l’Algérie à des programmes de mobilités scientifiques en France, par exemple :

– le Programme Hubert Curien (PHC) régional Maghreb, programme multilatéral établi depuis dix ans, initié par l’ambassade de France et mis en œuvre par Campus France, qui finance, pendant trois ans, des échanges sur appels à projet. La France ne poursuit donc ce programme qu’avec la Tunisie et le Maroc ;

– le programme algéro-français de bourses « PROFAS B+ », accordant des bourses et un soutien pour des doctorants en cotutelle dans des universités des deux pays, et qui avait bénéficié à des centaines de doctorants.

En outre, il a été indiqué au rapporteur pour avis que l’accord entre le CNRS et ministre algérien de l’enseignement supérieur et de la recherche, signé l’an passé à l’occasion du CIHN, n’a pas encore trouvé le moindre début de mise en œuvre.

Néanmoins, l’Algérie a maintenu sa participation au PHC Tassili qui finance des coopérations de chercheurs en particulier dans les domaines de la sécurité alimentaire, de la sécurité énergétique, de la santé, de la digitalisation et des changements environnementaux, et accorde à leurs bénéficiaires une bourse de 20 000 euros par an pendant trois ans.

La fin du « Réseau franco-algérien de recherche et de formation doctorale sur la langue française et les expressions francophones » (LaFeF)

Créé en 2012 et reconduit par des conventions intergouvernementales en 2015 puis en 2017 jusqu’en 2021, LaFeF visait l’élaboration scientifique et la mise en œuvre institutionnelle et pédagogique de la coopération universitaire franco-algérienne portant sur la langue française en Algérie. Le LaFeF a fait suite à l’École doctorale algéro-française de Français (EDAF) mise en place de 2004 à 2011, à la demande du gouvernement algérien, pour former des universitaires algériens spécialistes du français, notamment de rang magistral.

Entre 2012 et 2021, LaFeF a rendu possible :

- 919 inscriptions en thèses, pour 395 soutenances enregistrées ;

- 51 ateliers de formation doctorale touchant environ 2 500 participants en Algérie ;

- 53 bourses accordées à des doctorants de l’EDAF en finalisation de thèse pour séjourner en France. ;

- 29 bourses attribuées à des étudiants de master et doctorants en cotutelle.

Une convention entre l’ambassade de France et l’université Rennes 2 a permis de financer ces activités pour la partie française (230 000 euros en 2019), dont deux emplois à temps plein, dédiés au réseau.

Depuis 2020, l’absence de tenue du conseil scientifique, refusée par les autorités algériennes, a considérablement ralenti le réseau.

L’université de Rennes 2 a alors établi un bilan complet des activités du réseau, afin d’apporter des arguments pour sa reconduction et de répondre à une demande récurrente du ministère algérien de mettre en place une « évaluation » de ces activités.

Depuis, les différentes relances du SCAC auprès des autorités algériennes, afin de décider des suites à donner au dispositif, n’ont pas permis d’entrer dans des discussions constructives. En conséquence, le poste diplomatique a été amené à constater l’arrêt du réseau à l’échéance de fin 2021, prévue par la convention interministérielle.

4.   Une coopération technique sous couvert de l’Union européenne

● L’absence d’appétence de la partie algérienne pour la coopération avec la France peut également être illustrée par la modestie de l’investissement en Algérie de l’Agence française de développement (AFD), qui y intervient pourtant de manière continue depuis 1968.

Depuis 2005, l’activité de l’AFD y est limitée aux dons, le gouvernement algérien ayant alors décidé de ne plus recourir aux emprunts internationaux.

L’AFD se concentre donc sur le renforcement de capacités, la réalisation d’études et de projets, l’appui à la société civile, son portefeuille d’activités comportant, outre 171,5 millions d’euros de prêts et lignes de crédit au secteur public accordés par l’agence avant 2005 :

– 37,5 millions d’euros de subventions, dont 10 millions d’euros de financements européens, mais un volume de subventions bilatérales inférieur à un million d’euros par an depuis plusieurs années : par exemple une étude de faisabilité sur l’hybridation des centrales thermiques du grand Sud (pour 360 000 euros), des programmes de formation des cadres des collectivités territoriales (pour 260 000 euros) ou un programme de recherche sur la modélisation des scénarios de transition énergétique à horizon 2050, avec le ministère de l’énergie (pour 1,25 million d’euros).

– 48,5 millions d’euros de participations directes de Proparco, filiale de l’AFD, dans les télécoms notamment, ce qui reste modeste, le financement international du secteur privé en prêts demeurant très difficile en Algérie compte tenu des contraintes réglementaires et du contrôle des changes.

Les perspectives de l’AFD en matière de développement des énergies renouvelables en Algérie

● L’AFD considère que la déclaration d’Alger du 27 août 2022 pourrait lui ouvrir de nouvelles perspectives dans le domaine du développement des énergies renouvelables (EnR), alors que l’Algérie prévoit d’installer, d’ici 2028, 16 000 mégawatts de capacité de production d’électricité renouvelable, soit un investissement total d’environ 15 milliards d’euros.

Dans ce but :

– l’AFD et le ministère de l’énergie algérien préparent un mémorandum d’entente pour cadrer la coopération sur la transition énergétique et la maîtrise de l’énergie, qui pourrait être signé lorsque le président Tebboune effectuera une visite d’État en France ;

– l’AFD et le service économique régional de l’ambassade étudient la possibilité de soutenir le Centre algérien de développement des énergies renouvelables sur un projet d’accréditation des équipements des installations solaires ;

– Proparco se positionnera pour financer les projets proposés par des entreprises privées, notamment françaises.

● En matière de coopération technique, l’essentiel des activités françaises, mises en œuvre par l’opérateur Expertise France, filiale de l’AFD, est financée par l’Union européenne au titre de la politique de voisinage, l’Algérie acceptant des partenariats de ce type lorsqu’ils sont formellement initiés par l’Union européenne, mais pas en règle générale avec la France.

Alors qu’Expertise France s’efforce de développer ses activités en Algérie, il convient de souligner que l’opérateur n’y dispose pas d’un bureau, et doit y mener ses activités sous couvert de la direction locale de l’AFD.

Les services de l’ambassade ont adressé aux autorités algériennes une note verbale afin qu’elles accordent cette reconnaissance juridique à Expertise France, sans réponse à ce jour.

● Expertise France a néanmoins pu mobiliser près de 40 millions d’euros de subventions de l’Union européenne pour permettre à des experts techniques français d’intervenir en Algérie au travers de trois programmes et de plusieurs jumelages entre administrations :

– un programme d’appui à la gestion des finances publiques et à la mobilisation des ressources intérieures en Algérie (PAGFA) (12 millions d’euros depuis mars 2023), qui vise à aider les administrations financières algériennes en matière de gouvernance budgétaire, l’Algérie s’étant dotée, en 2018, d’une loi organique relative aux lois de finances, à l’image de ce qu’a fait la France ;

– un programme Économie bleue dans les domaines de la pêche et de l’aquaculture (20,7 millions d’euros entre 2021 et 2025), qui vise à améliorer la résilience et la compétitivité́ des communautés côtières et des filières stratégiques, et à soutenir la création d’emplois dans les secteurs de l’économie bleue. Conduit en partenariat avec Sea Tech, l’école d’ingénieurs de Toulon, ce programme vise à lever les blocages, notamment administratifs, à la conduite de politiques de la mer, par nature interministérielles. Il doit permettre par exemple de développer des activités d’engraissement du thon rouge ([27]) , en développant un cadre favorable aux investissements importants par ces installations, la loi algérienne autorisant, en la matière, que des investisseurs étrangers soient majoritaires ;

– un programme d’appui au secteur agricole (PASA) d’un montant total de 15 millions d’euros. Expertise France met en œuvre un volet relatif à la filière oléicole en Kabylie, pour 5,8 millions d’euros entre 2018 et 2023 (détaillé dans l’encadré ci-après), les autres volets relevant de l’agence de coopération allemande GIZ ([28]). Expertise France présente par ailleurs un projet PASA 2 visant un champ plus large d’activités agricoles dans les territoires de montagne et du piémont du Nord-Est algérien, visant à y valoriser les productions agro-sylvo-pastorales issues des filières locales.

L’appui à la filière oléicole en Kabylie

Le PASA mis en œuvre par Expertise France, initialement destiné aux agriculteurs de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, a été élargi à cinq autres wilayas (Jijel, Bordj Bou Arréridj, Sétif, Médéa et Boumerdè), pour toucher 50 000 producteurs d’huile d’olive pour plus d’un millier de moulins, dont 600 moulins traditionnels et 400 moulins modernes.

Alors qu’il est très difficile d’obtenir une huile de grande qualité au moyen de moulins traditionnels, 46 conseillers en production et transformation ont été formés pour aider les producteurs à tirer le meilleur parti de leurs équipements, y réduire l’oxydation lors du pressage et améliorer la conservation des huiles.

Une station de grande référence de l’huile d’olive a été installée à Sidi Aïch, avec quatre laboratoires dont un chargé de mesurer les contaminants, permettant d’attribuer des bulletins d’analyse attestant l’absence de résidus.

Depuis début 2023, des producteurs algériens peuvent ainsi afficher la mention « Bio » sur leur production d’huile d’olive.

Le second volet du programme vise à améliorer l’inventaire des variétés d’olives et d’huiles, l’Algérie comptant plus de 150 variétés, dont 71 algériennes endogènes, parmi lesquelles 36 ont été inscrites au catalogue oléicole international ([29]) et 35 sont en cours d’inscription.

La directrice du conservatoire de l’olivier en France a eu pour mission d’appuyer cette collection et d’améliorer la caractérisation des variétés algériennes.

Ce projet, « en dessous des radars » a été décrit par tous les interlocuteurs du rapporteur pour avis, comme une réussite.

● Les jumelages entre administrations mis en œuvre par Expertise France, débutés en septembre 2022 sont en cours jusqu’à fin 2024 :

– un programme d’appui au renforcement du développement local (ARDeL), qui vise à accompagner la modernisation de l’organisation du ministère de l’intérieur, des collectivités locales et de l’aménagement du territoire (MICLAT), renforcer ses capacités et optimiser les ressources des collectivités locales (1,5 million d’euros) ;

– un programme visant à améliorer la performance de la direction générale des impôts en matière de fiscalité internationale pour une « mobilisation optimale des recettes intérieures » (1,1 million d’euros) ;

– un appui au renforcement des capacités du Conseil national économique et social et environnemental (CNESE) dans l’évaluation des politiques publiques (800 000 euros).

Par ailleurs, d’autres jumelages directs entre administrations, non mis en œuvre par Expertise France, se fondent également sur des financements européens.

C’est le cas par exemple d’un jumelage, entre 2022 et 2024, de la Cour des comptes algérienne avec un consortium constitué de la Cour des comptes française et du « Tribunal de contas » portugais, en matière de certification des comptes de l’État, d’audit de performance et d’évaluation des politiques publiques, financé à hauteur d’1 million d’euros par le Programme de facilité d’appui aux priorités du partenariat Algérie-UE (FAPP).

● Le rapporteur pour avis souhaite souligner le fait que le format européen est une condition importante pour que la France avance en Algérie.

Il recommande que la feuille de route de l’ambassadeur lui donne expressément pour mission de mobiliser prioritairement les processus de coopération européenne et d’utiliser le canal européen pour déployer les outils de coopération français.

Même en l’absence de l’affichage formel d’une contribution de la France, il peut en effet en résulter une reconnaissance de la part la société civile ainsi que de personnes de bonne volonté au sein des administrations, permettant de cultiver des liens d’avenir et de construire les viviers d’un partenariat euro-algérien et franco-algérien.

  1.   Une diplomatie des sociétés civiles vivace permet de préparer l’avenir

Si la diplomatie des chancelleries butte, en Algérie, sur un désintérêt du partenaire institutionnel, voire sur certaines de ses orientations stratégiques qui nous sont directement hostiles, le rapporteur pour avis a pu mesurer, lors de son déplacement à Alger et à Oran, que les réseaux de coopération culturelle français peuvent encore agir et contribuer à des mises en relations constructives des sociétés française et algérienne.

1.   Un service de coopération et d’action culturelle important, aux équipes résilientes et aux actions innovantes

● Le SCAC de l’ambassade de France en Algérie peut, en premier lieu, s’appuyer sur l’Institut français d’Algérie (IFA), qui a repris ses activités au début de la décennie 2000 après une interruption pendant la « décennie noire » et qui dispose désormais de cinq antennes, à Alger, Annaba, Constantine, Oran, Tlemcen et de seize implantations au total.

Installée au cœur de la vieille ville, l’antenne d’Alger est l’un des principaux lieux de culture de la capitale et il va bénéficier d’une rénovation d’ampleur, qui permettra d’en accroître la capacité d’accueil, pour 4 millions d’euros entièrement autofinancés à partir de ses recettes d’activité. Il pourra en outre installer une antenne dédiée aux enfants de 4 à 12 ans dans le quartier d’Hydra et ouvrir des espaces supplémentaires pour les cours de français dans des nouveaux pôles urbains ceinturant Alger.

À Alger comme à Oran, les instituts français visités par le rapporteur pour avis sont des lieux très fréquentés par la jeunesse algérienne et les artistes, celui d’Oran offrant au demeurant le seul lieu d’exposition de la région, en l’absence de toute implantation pérenne de galeries d’art. Ils proposent aussi des médiathèques modernes, très sollicitées, notamment par des étudiants.

Doté d’un compte Instagram à très fort suivi, l’IFA a développé une communication distincte de celle de l’ambassade : loin de marquer un désintérêt du poste diplomatique pour la diplomatie culturelle, l’utilisation de canaux de communication différents paraît, en Algérie, de bonne politique.

L’hostilité des Algériens à la réouverture d’un Institut français à Tizi Ouzzou, en Kabylie, pourrait conduire la France à devoir restituer à l’Algérie les locaux qu’elle y possède de longue date mais le poste envisage d’ouvrir de nouvelles antennes dans le grand Sud algérien, où il a identifié des demandes et des partenariats préexistants, comme le précise l’encadré suivant.

 

Les projets d’ouverture d’antennes de l’Institut français d’Algérie dans le grand Sud algérien

Le poste diplomatique a fait état de l’intérêt d’établir une présence culturelle française dans le Sud algérien, afin de répondre à une appétence identifiée à l’occasion d’événements culturels et artistiques organisés de façon ponctuelle.

Au regard de leur situation géographique et stratégique, des attentes d’acteurs associatifs et de premiers échanges avec les autorités locales, deux projets d’implantations sont envisagés :

- À Ouargla (wilaya de 600 000 habitants au dernier recensement en 2008), la coopération franco-algérienne a permis l’ouverture en 2014 d’un institut en sciences et technologies appliquées (ISTA) spécialisé en gestion des entreprises et de l’administration. L’université compte près de 25 000 étudiants et dispose de conventions avec des universités françaises (Bourgogne et Bretagne notamment). Située à proximité des sites pétroliers de Hassi Messaoud, la ville accueille depuis quelques semaines un centre de formation et de réparation des matériels de la société Bergerat Monnoyeur Algérie (BMA) et Alstom y a vendu un tramway. Le SCAC considère que les autorités algériennes, qui font du développement économique et culturel de la région de Ouargla un enjeu majeur pourraient se montrer réceptives au projet d’ouverture d’une antenne de l’IFA.

- À Tamanrasset (wilaya la plus étendue mais presque la moins peuplée, avec près de 200 000 habitants recensés en 2008), la coopération bilatérale est quasi-inexistante. Les autorités locales, économiques, universitaires ainsi que les acteurs associatifs souhaitent développer des activités culturelles pérennes. Ancrée dans un territoire sahélo-saharien, Tamanrasset paraît en outre un choix intéressant pour la mise en œuvre d’une coopération dans le domaine du patrimoine, qui constitue l’un des axes d’effort du SCAC. Au centre-ville, le « borj » du Père de Foucauld pourrait donner lieu à un projet de restauration, dans le cadre d’une coopération entre l’école nationale supérieure d’architecture de Grenoble et le centre algérien du patrimoine culturel bâti en terre (Capterre) de Timmoune, spécialisés dans les constructions en terre. Cet établissement public créé par le ministère de la culture algérien en 2012 a bénéficié d’une subvention de la France, en 2017 puis de nouveau en 2020, au titre d’un programme PROFAS C+ de coopération institutionnelle.

 Comme tous les Instituts français les plus actifs, l’IFA déploie une large palette d’activités de coopération artistique en soutenant la diffusion des productions françaises et franco-algériennes, des programmes de résidences d’artistes français en Algérie et algériens en France, des formations, des appels à projets et il participe aux grandes manifestations algériennes.

L’action de l’IFA peut être structurante en Algérie : alors que la photographie n’y bénéficie d’aucune forme de reconnaissance institutionnelle en tant que pratique artistique, la 23e édition du Phot’Aix, le festival photographique d’Aix-en-Provence, qui se déroule cet automne 2023, met en valeur la photographie algérienne grâce à une initiative de l’IFA et d’associations artistiques de la diaspora algérienne en France.

 

Le soutien aux industries culturelles et créatives numérique par le FSPI Mawahub

L’Institut français d’Algérie a développé un projet d’accompagnement des nouveaux entrepreneurs de l’économie de la culture algérienne dans leur transformation numérique, afin de les aider à amorcer des projets artistiques du « Web 3.0 ».

Il s’agit d’aider les créateurs algériens à tirer pleinement parti des nouvelles technologies pour redéfinir la manière dont ils travaillent, financent ou distribuent leurs œuvres, au moyen de la réalité virtuelle et augmentée, de l’intelligence artificielle, du metavers, de la blockchain ou des NFT.

Financé par un FPSI, à hauteur de 600 000 euros sur deux années, ce projet Mawahub permet d’accompagner cinquante artistes et entrepreneurs du numérique dans une période d’incubation à Alger, suivie pour sept lauréats d’un séjour en immersion à Paris, fournissant un véritable microcosme de la jeunesse entrepreneuriale algérienne.

Il s’agit donc du premier programme franco-algérien d’incubation de start-up : pour le concevoir et pour le mettre en œuvre, l’IFA a fait appel à un incubateur référence en Algérie « IncubMe » et à un incubateur référence en France « Creative Cluster »

La première édition 2023 a suscité plus de 250 candidatures. Le rapporteur pour avis a pu, lors de son déplacement à Alger, rencontrer deux des lauréats.

● Des coopérations à vocation régionale s’articulent autour de grands projets phares :

– le 3ème Forum régional Afrique-Europe qui s’est tenu à Alger en février 2023 autour de la thématique « Notre Futur : Ensemble pour la nature ». Il s’agit d’une déclinaison de série de débats dans différents pays d’Afrique selon les orientations fixées par le président de la République, lors du Nouveau sommet Afrique-France d’octobre 2021 à Montpellier ;

– le FSPI « Livres des deux rives : un dialogue méditerranéen par le livre », concernant la coopération dans le domaine du livre, présentée dans l’encadré ci-après ;

– la Saison Méditerranée, annoncée par le président de la République et qui doit se tenir en 2026, en France et dans l’ensemble des pays partenaires, dont l’Algérie.

 

La coopération dans le domaine du livre

Avec une production éditoriale d’environ 250 titres par an, en excluant le parascolaire, pour un tirage moyen de 1 000 exemplaires, la taille globale du marché du livre en Algérie ne dépasse pas les 35 millions d’euros.

La diffusion et la distribution sont les deux maillons faibles de la chaîne du livre en Algérie. Ces deux réseaux pourtant essentiels sont inexistants ce qui pousse les éditeurs à tenir eux-mêmes ces rôles en ayant, lorsqu’ils le peuvent, une librairie diffusant leur production. Une difficulté majeure vient du fait que l’Algérie ne dispose que d’une quarantaine de librairies réparties dans un pays de 45 millions d’habitants.

Dans ce contexte, le SCAC mène une action :

- d’aide à l’édition, deux commissions annuelles attribuant aux éditeurs algériens, des aides à la publication, à la cession de droits d’ouvrages français et à la traduction en arabe ;

- de formations professionnelles, au moyen du FSPI régional « Livre des Deux Rives », achevé au printemps 2023 qui a permis de mettre en œuvre des ateliers de formation à la traduction, dont un s’est tenu à Alger, afin de mettre en réseau et de favoriser le travail en commun des traducteurs. Le FSPI a en outre financé un fonds d’aide à la publication et à la traduction. Des rencontres professionnelles ont également lieu, ainsi que des séminaires thématisés et des tournées d’auteurs et d’éditeurs dans les différents pays concernés. Pour poursuivre et amplifier l’action engagée par ce programme, le SCAC a présenté un projet de FSPI-R franco-algérien dans le domaine de la traduction ;

- des résidences d’auteurs algériens en France : une bourse de création est programmée avec la Maison internationale des écritures contemporaines d’Aix-en-Provence (MéCA) pour la poétesse Samira Negrouche, et une bourse d’écriture à la Fondation Camargo pour l’autrice algérienne Wassyla Tamzali.

Enfin, le SCAC participe aux grandes manifestations littéraires d’Alger, comme le salon international du livre d’Alger et le festival international de la bande dessinée d’Alger.

Le rapporteur pour avis tient à saluer la ténacité des équipes de l’IFA pour mettre en œuvre les échanges franco-algériens, car, même lorsqu’elles n’ont pas à solliciter d’accords formels de la part des autorités algériennes, leurs initiatives peuvent butter sur l’obstacle des refus de visas opposés aux Français ou étrangers pressentis pour participer aux événements culturels organisés par l’ambassade.

En moyenne annuelle, près de 40 % des intervenants non algériens se trouvent ainsi contraints d’annuler leur participation, souvent à la dernière minute, faute de s’être vus accorder un visa. À titre d’exemples, une formation aux métiers du son en partenariat avec l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son, la Fémis, a dû être reportée pour non-délivrance du visa au formateur et un projet de festival du film d’animation francophone à Oran a été suspendu faute de visas pour l’équipe d’Unifrance.

Par ailleurs, l’action du SCAC à destination des sociétés civiles doit s’accommoder, en Algérie, d’un contrôle administratif important sur les associations, soumises à un agrément préalable de l’administration, selon des conditions durcies depuis 2012 ([30]).

Ces contraintes ont empêché, de longue date, que se développent en Algérie des comités de l’Alliance française. En 2019, des associations comme Caritas ou Médecins du Monde ont en outre dû cesser toute activité, faute d’avoir reçu un agrément, au motif qu’une part trop élevée de leurs financements proviendrait de l’étranger.

Cependant, le SCAC parvient à promouvoir des liens entre les sociétés civiles algériennes et françaises, même autour de questions politiques, culturelles ou sociales dont l’expression est difficile en Algérie, en s’appuyant sur des initiatives locales courageuses.

Alors que le code de la famille algérien a établi en 1984 la supériorité des hommes en plaçant les femmes sous la tutelle du père ou du mari et n’a été modifié en 2005 qu’à la marge, de nombreuses organisations de femmes dans les domaines culturel, social et économique affirment leur existence, en un long combat pour leur émancipation.

Le SCAC a pu soutenir ces initiatives dans le cadre d’un FPSI consacré aux Nouvelles initiatives de soutien solidaires et actives pour les femmes (NISSA). Le rapporteur pour avis a rencontré certaines des lauréates et souhaite saluer leur courage, à l’exemple des organisatrices de la campagne Dhayen, Yakfi, Stop de lutte contre les violences à l’égard des femmes et des filles en Algérie, qui a pu mener des campagnes de sensibilisation et élaborer un mémorandum pour la mise en place d’un guichet unique de prise en charge.

Plusieurs des partenaires de l’ambassade sont des Franco-Algériens menant de projets concomitamment en Algérie et en France, dans l’intérêt mutuel des deux pays, manifestant ainsi l’exercice d’une bi-citoyenneté féconde.

En matière d’accueil des femmes migrantes par exemple, les connaissances acquises par les associations algériennes dans les zones de transit de migrants d’Afrique subsaharienne, ont pu être mises à profit par des associations de Montpellier, qui ont pu mieux définir les réponses à apporter à leurs difficultés. Ces approches à partir des initiatives des sociétés civiles congédient ainsi toute forme d’asymétrie ou de regard surplombant du Nord vers le Sud.

● L’enjeu est aussi, pour notre diplomatie, d’identifier les personnalités d’avenir en Algérie susceptibles de contribuer à une refonte de nos relations à long terme.

À cet égard, le MEAE dispose du programme d’invitation des personnalités d’avenir (PIPA), destiné aux personnalités de moins de 40 ans, qui offre à de futurs leaders issus du monde politique ou de la société civile l’opportunité de séjourner en France pour y effectuer des rencontres de haut niveau en lien avec leurs activités. La mise en œuvre du PIPA relève exclusivement de l’administration centrale sous la responsabilité du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), financé sur des crédits du programme 105 de la mission Action extérieure de l’État.

Si les postes diplomatiques participent à la mise en œuvre du PIPA et sont chargés de suivre l’évolution des carrières des lauréats, ils ne sont pas directement décisionnaires, ce qui peut introduire un biais de sélection en faveur des personnalités les plus « visibles » depuis Paris, selon des considérations strictement institutionnelles.

Or dans un pays comme l’Algérie, les personnalités susceptibles de contribuer le mieux à écrire une nouvelle page de l’histoire franco-algérienne ne sont pas nécessairement les plus facilement identifiables dans les services centraux du Quai d’Orsay…Le rapporteur pour avis suggère donc de mettre en place des outils complémentaires plus souples qui pourraient être directement à la main du poste diplomatique.

 Enfin, le rapporteur pour avis relève que, malgré les difficultés rencontrées avec les administrations algériennes, le SCAC de l’ambassade a pris l’initiative d’engager directement une coopération technique avec le ministère algérien de la santé, par un projet d’appui au dépistage, au diagnostic et à la prise en charge de l’autisme en Algérie (Autisme PROFAS C+), seul programme mis en œuvre par Expertise France non financé par l’Union européenne (voir supra).

De novembre 2018 à 2023, ce programme algéro-français de partenariat institutionnel a permis d’accompagner le ministère algérien pour améliorer le dépistage et le diagnostic des personnes avec autisme, dont l’incidence est croissante en Algérie, en élaborant un plan national en matière d’autisme, avec un site internet national sur l’autisme ([31]), et en déployant un programme de formations.

2.   Des mobilités étudiantes considérables, une gestion modernisée

● Les choix des étudiants algériens qui souhaitent entreprendre des études à l’étranger offrent un contraste saisissant avec le refus, ouvert ou tacite, du gouvernement d’engager des coopérations universitaires avec la France.

La France reçoit en effet 79 % de la mobilité étudiante algérienne, loin devant le Canada et la Turquie. Les 32 147 étudiants algériens en France à la rentrée universitaire 2022-2023 représentaient le deuxième contingent des étudiants étrangers, derrière le Maroc et devant la Chine.

En 2021, 86 % des étudiants algériens en France sont à l’université, soit 26 544 étudiants, suivis principalement par les écoles de commerce (5 %) et les écoles d’ingénieurs (3 %).

Une majorité des étudiants algériens dans les universités françaises suivent des cursus dans les domaines des sciences (46 %) et de la santé et de la médecine (11 %), suivis des lettres, langues, sciences humaines et sociales (25 %), puis de l’économie et du droit.

● En conséquence, le réseau des espaces Campus France au sein de l’Institut français d’Algérie est celui qui recueille le plus de dossiers de candidature au monde, pour un total de près de 50 000 dossiers lors de la campagne 2022-2023, dont le graphique suivant présente les volumes gérés à chacune des étapes du parcours du candidat aux études en France.

Principales donnÉes de la campagne 2022-2023 des espaces campus-France de l’Institut Français d’AlgÉrie

Source : Commission des affaires étrangères, d’après les réponses de l’ambassade de France en Algérie au questionnaire du rapporteur pour avis.

On constate que les équipes des espaces Campus France ont conduit plus de 40 000 entretiens avec les candidats et donné un avis favorable à plus de 30 000 candidatures.

Seul un tiers des candidats ayant obtenu un avis favorable du SCAC ont été acceptés par un établissement d’enseignement supérieur en France, ce qui atteste de l’écart entre la demande de la part des Algériens et l’offre aujourd’hui disponible en France : faute de coopération franco-algérienne, un tel écart ne peut manifestement pas être comblé par des offres d’études supérieures francophones en Algérie ou des initiatives telles que les campus Franco-X, initiés en Afrique subsaharienne, précisément dans le but de résoudre ce type de difficultés.

Enfin, sur 10 525 candidats ayant obtenu à la fois l’accord du SCAC et d’un établissement d’enseignement supérieur en France, 1 325 se sont vus opposer un refus de visa par les services consulaires.

L’externalisation de la passation des tests de connaissance du français (TCF)

● Les tests de connaissance du français pré-consulaires (TCF) permettent d’attester d’un niveau de français constaté au terme d’une épreuve, écrite et orale, passée sur ordinateur dans un centre d’examen relevant de la responsabilité de l’espace Campus France. La correction est effectuée à distance, par France éducation international (FEI). La certification obtenue est valable deux ans.

En 2022, 40 000 tests de connaissance du français ont été réalisés dans la circonscription de l’antenne d’Alger de l’IFA, et 62 000 dans toute l’Algérie. Les volumes d’examens ont été multipliés par douze en dix ans.

En 2020, alors que la crise sanitaire avait réduit l’activité en matière de visas, le poste a saisi l’occasion pour louer des espaces vacants du prestataire visas de l’ambassade (alors la société TLS) et a initié une réflexion sur l’externalisation des opérations de passation des TCF. L’appel d’offres en ce sens a finalement été remporté par l’entreprise VFS, qui a également emporté un nouvel appel d’offres concernant le traitement des dossiers de demandes de visas, pour plus de 280 000 dossiers en 2022.

Le rapporteur pour avis a visité les locaux et rencontré les équipes en charge de ces procédures. Le centre, moderne et spacieux, est installé à proximité de l’aéroport international d’Alger et de l’autoroute reliant la capitale à la Kabylie, région d’où proviennent près de 80 % des demandes de visas. Le poste semble avoir atteint les objectifs qu’il s’était fixés en termes de qualité de service et de sécurité. Les frais de dossier prélevés par le prestataire concernant les TCF sont de 12 euros sur les 80 euros acquittés pour passer le test, ce qui semble constituer un tarif préférentiel compte tenu de l’importance des volumes.

● Ce succès vient de conduire le poste à expérimenter, depuis septembre 2023, l’externalisation des dépôts de dossiers de candidats aux études en France, afin d’en décharger les équipes des espaces Campus France et de les recentrer sur leur cœur de métiers : l’orientation des candidats, l’analyse de leurs dossiers et les entretiens. Le prestataire retenu est à nouveau VFS, qui peut ainsi mettre ses mêmes locaux à disposition, s’assurer de la complétude des dossiers, et offrir des solutions numériques pour la prise de rendez-vous et le paiement en ligne.

● À l’occasion de la campagne 2022-2023, le poste a pu améliorer le processus de traitement des candidatures :

— concernant les prises de rendez-vous auprès des conseillers Campus France, plutôt que l’ancien système par lequel le candidat choisissait librement en ligne des créneaux disponibles et qui occasionnait des doublons voire des pratiques de revente de rendez-vous, mission a été confiée au prestataire VFS (voir l’encadré ci-avant) de mettre sa plate-forme à disposition afin de proposer de façon directive le choix entre trois créneaux ;

— afin d’améliorer la qualité des dossiers proposés aux établissements d’enseignement supérieur français, le poste a établi des critères de recevabilité spécifiques, en n’autorisant pas plus d’un redoublement, en exigeant un niveau de français égal ou supérieur à B1 et en autorisant des régressions ([32]) d’une année au maximum. Il a en outre augmenté les frais de dossier de 20 %, et prévu leur paiement intégral dès la soumission du dossier, et non au moment de l’entretien ;

— afin de lutter contre la fraude documentaire, le poste demande désormais l’authentification des relevés de notes et diplômes de tous les étudiants acceptés dans les établissements français ; la création d’une « cellule fraude » dans l’espace Campus France d’Alger et la conduite d’entretiens avec une centaine d’étudiants fraudeurs a permis de démanteler deux agences ayant participé à la production de faux documents.

Le poste a en outre incité les candidats à anticiper les demandes, afin d’éviter l’effet de concentration des mois de juillet et août qui allonge les délais de réponse.

● Au-delà de l’enjeu quantitatif, les équipes de l’ambassade ont fait état de leur attention aux enjeux qualitatifs, dans le contexte de concurrence internationale pour les meilleurs profils.

Ils ont souligné que si 800 étudiants algériens vont au Canada chaque année, c’est principalement dans des filières de haut niveau, et ce serait le cas pour un quart des élèves de terminale du LIAD, parmi les plus aisés d’entre eux. En outre, certaines universités canadiennes inviteraient les Algériens à passer au préalable une licence en France avant de candidater pour des études au Canada.

Il convient d’ailleurs de relever que, parmi les étudiants algériens à l’université en France, les effectifs en master n’ont augmenté que de 6 % en cinq ans, contre une hausse de 29 % pour les étudiants en licence et une baisse de 13 % pour les doctorants.

Pour attirer les meilleurs profils, le SCAC d’Algérie dispose d’un budget de bourses de 1,45 million d’euros, soit la deuxième enveloppe mondiale : 150 bourses du gouvernement français ont été financées en 2022 et 200 ont été programmées en 2023.

Outre les bourses du gouvernement français, le poste a pu accorder cette année 43 bourses « coup de pouce », correspondant à quatre mois de bourses à taux plein complétés d’une bourse de couverture sociale pour le reste de l’année universitaire. Elles ont été attribuées à des étudiants algériens particulièrement méritants et dont les niveaux de revenus auraient pu conduire les services consulaires à devoir leur refuser un visa.

3.   Des relations économiques qui pourront être dynamisées par les nouvelles générations d’entrepreneurs franco-algériens

● La position de la France en tant que deuxième fournisseur, deuxième client, et l’un des principaux investisseurs en Algérie (voir l’encadré ci-après) n’a pas, jusqu’à présent, constitué un vecteur d’amélioration d’ensemble de la relation franco-algérienne.

Pourtant, la chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF), forte de 2 300 entreprises adhérentes, dont 200 entreprises françaises et 2 100 entreprises algériennes, de toutes tailles, qui est une association de droit algérien, peut être considérée comme la plus grande organisation patronale algérienne, alors que la représentation des entreprises algériennes est par ailleurs très fragmentée et que les chambres consulaires établies par des entreprises allemandes, italiennes ou américaines ont peu d’adhérents.

Les dirigeants d’entreprises françaises entendus par le rapporteur pour avis ont considéré que les difficultés qu’ils rencontrent avec les administrations sont identiques à celles de l’ensemble des entreprises algériennes, toutes confrontées à l’instabilité normative ou aux contraintes du contrôle des changes.

 

Les échanges économiques franco-algériens

La France est le deuxième fournisseur de l’Algérie, derrière la Chine, avec 4,5 milliards d’euros d’exportations 2022. Les exportations françaises sont composées principalement de produits industriels, de produits chimiques et pharmaceutiques, d’équipements mécaniques et de matériels de transport. Les produits agricoles sont en fort recul du fait de la quasi-disparition des exportations de céréales, résultat d’une modification du cahier des charges de l’Office algérien interprofessionnel des céréales, qui a permis l’entrée de grains punaisés au taux protéique plus élevé en provenance de la Mer noire, en défaveur des blés français à la teneur moindre, et favorisant le blé russe, plus compétitif.

La France est le deuxième client de l’Algérie, avec 6,6 milliards d’euros d’importations en 2022, derrière l’Italie : la demande française porte, à 81 %, sur le secteur des hydrocarbures, puis sur les engrais et de composés azotés, les produits en caoutchouc et plastiques et très marginalement sur les produits agricoles et agroalimentaires.

Le stock des investissements directs à l’étranger (IDE) français est évalué à 2,6 milliards d’euros, ce qui fait de l’Algérie le cinquième récipiendaire des investissements français en Afrique, derrière le Maroc (8 milliards d’euros), mais devant l’Égypte (2,1 milliards d’euros) ou le Sénégal (2,1 milliards d’euros).

Selon le Fonds monétaire international (FMI), la France est désormais le troisième investisseur en Algérie en 2021, derrière les États-Unis et l’Italie, avec 10,4 % du stock total d’IDE, l’Italie lui ayant récemment ravi la deuxième place. Les IDE français se dirigent vers les services financiers, l’industrie manufacturière et les industries extractives.

213 entreprises françaises sont présentes en Algérie et y emploient directement près de 35 000 personnes.

Si la législation algérienne imposant un partenariat algérien majoritaire à tout investisseur étranger constitue un frein majeur et peut être qualifiée de « risque de bilan », cet obstacle a été récemment levé dans des domaines stratégiques, dont la pharmacie. En matière agricole, la propriété de la terre algérienne est restreinte aux seuls nationaux algériens mais des investissements en joint-venture sont possibles si les étrangers sont minoritaires.

● Malgré les obstacles politiques et administratifs à la diversification de l’économie algérienne indispensable à l’entrepreneuriat local et à la démultiplication des liens économiques avec la France, des perspectives économiques nouvelles existent, grâce à des écosystèmes entrepreneuriaux de plus en plus fortement arrimés au marché local, mais aussi africain.

Les atouts principaux de la France résident dans la densité et l’ancienneté de ses échanges, sa proximité, sa langue et, de façon croissante, dans des formes de symbioses entrepreneuriales des jeunesses françaises et algériennes.

● À cet égard, le rapporteur pour avis souhaite insister sur les difficultés que pose l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, pour le développement des liens économiques franco-algériens. Cet accord facilite les conditions d’accès à certains titres de séjour ou de long séjour, de manière à favoriser une immigration familiale ou étudiante mais ses règles ne sont pas adaptées aux mobilités des entrepreneurs et à la qualité des échanges économiques.

En effet, le recours à un accord bilatéral a eu pour effet de ne pas rendre applicable aux Algériens les différents titres de séjour spécifiques établis par la loi française ces dernières années. C’est en particulier le cas pour la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent » et ses variantes telles que les visas « French tech », ou encore de la carte de séjour pluriannuelle étudiant « programme de mobilité », qui n’ont pas d’équivalent dans l’accord franco-algérien.

Loin des débats caricaturaux sur l’immigration ou sur le traitement « privilégié » résultant d’un régime réservé aux Algériens, le rapporteur pour avis invite à avancer sereinement sur la voie d’une renégociation permettant de mieux prendre en compte la question des circulations professionnelles, tant pour les Algériens en France que pour les Français en Algérie.

● En outre il convient de souligner l’absence totale, en Algérie, de volontaires internationaux en entreprises (VIE), la législation algérienne ne permettant pas de leur accorder de visas de long séjour.

Sollicité par la France, un accord, signé le 26 octobre 2015, a visé à faciliter la mise à disposition de VIE au sein des entreprises françaises installées en Algérie, en autorisant l’attribution de visas de long séjour à un contingent maximal de 200 jeunes chaque année, dans chacun des deux États. Si en 2017 ([33]), le Parlement français a autorisé la ratification de la convention qui devait permettre d’encourager les échanges de jeunes actifs Français et Algériens tout en sécurisant le statut particulier des VIE, la partie algérienne ne l’a, depuis lors, pas mise en œuvre.

  1.   Poursuivre le travail sur l’histoire et la mémoire, faire évoluer les méthodes

● Le président de la République s’est fortement engagé en faveur d’un dépassement des clivages de la relation bilatérale résultant des enjeux de l’histoire et de la mémoire.

À cet effet, l’historien Benjamin Stora a remis le 20 janvier 2021 un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie.

Le président de la République a reconnu, le 2 mars 2021, la responsabilité de la France dans la torture et l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, comme il l’avait fait, le 13 septembre 2018, concernant l’assassinat de Maurice Audin.

Le 9 mars 2021, le président de la République a annoncé que la déclassification des archives de la guerre d’Algérie serait facilitée, puis il a été le premier chef de l’État français à commémorer les évènements du 17 octobre 1961, à l’occasion de leur 60ème anniversaire.

Enfin, la déclaration d’Alger du 29 août 2022 a créé une commission conjointe d’historiens français et algériens, qui s’est réunie le 19 avril 2023 puis de nouveau le 7 juin 2023.

● Le rapporteur pour avis se félicite de l’attention sincère portée par le chef de l’État aux enjeux de l’histoire franco-algérienne, par une série de gestes mesurés, ayant eu un large retentissement en France, et éloignés de toute instrumentalisation politique du passé.

Il a ainsi congédié les usages polémiques du passé de la France en Algérie, qui ne relèvent ni de l’histoire, ni de la mémoire, et qui sont utilisés dans les débats nationaux sur l’immigration, l’islam, le terrorisme ou la nation.

Cependant, sur un sujet aussi central à la légitimation du pouvoir algérien que la colonisation et la guerre d’indépendance, une coopération bilatérale très institutionnelle paraît condamnée à une impasse, plus immanquablement encore que les autres formes de relations bilatérales très institutionnelles. En effet, en Algérie, la référence à la guerre n’a pas seulement une dimension rhétorique : elle est le fondement politico-religieux du régime.

● Il n’est dès lors pas surprenant qu’au sein de la commission conjointe d’historiens, l’Algérie ait désigné exclusivement des universitaires tenant de l’approche la plus dure. Le plus jeune d’entre eux, qui a pourtant effectué sa thèse à l’université d’Aix-Marseille, tiendrait même désormais les propos les plus caricaturaux.

Le principe même d’une commission bilatérale a, au demeurant, été mis en question par de nombreux historiens, puisque, sur le plan scientifique, l’historiographie ne saurait opposer historiens français et algériens, la discipline historique étant, aujourd’hui, d’abord, internationale.

Si une commission d’historiens peut avoir du sens pour traiter de sujets historiques bien circonscrits, par exemple pour traiter de la question des disparus, la démarche est plus incertaine avec un périmètre aussi large que « l’histoire » franco-algérienne dans son ensemble.

Ce qui importe n’est pas la nationalité des chercheurs mais le protocole de recherche, les sources mobilisées et les méthodes pour les traiter. Ceci invite à privilégier le travail en réseau entre les chercheurs français, algériens, franco-algériens le cas échéant, et internationaux, par une approche croisée et élargie.

À cet égard, la direction générale du CNRS a communiqué au rapporteur pour avis une proposition de recherche sur la mémoire et l’histoire de la colonisation et la guerre d’Algérie qu’elle avait soumise aux services du premier ministre en février 2022, afin de structurer des universitaires spécialistes de la question et :

— de confronter les approches ;

— de rendre plus visible les recherches en France sur l’Algérie ;

— de proposer une approche internationale, en mobilisant plusieurs groupes chercheurs de différents pays qui s’intéressent à l’Algérie ;

— de travailler la question des archives et de l’accès aux archives.

● Au demeurant, le SCAC de l’ambassade de France en Algérie adopte d’ores et déjà une approche agile pour promouvoir la coopération scientifique dans les domaines de l’histoire franco-algérienne, en dehors des canaux institutionnels susceptibles de subir les aléas et tribulations de la relation diplomatique, en facilitant les mises en relation de travail directes entre chercheurs algériens et français.

À cette fin, le SCAC a mis en place le programme de bourses André Mandouze, qui finance des courts séjours en sciences humaines et sociales pour un travail de recherche sur des fonds d’archives en France ou sur des questions mémorielles, doublé d’un accueil par des collègues français. Ce programme annuel, qui va connaître sa cinquième édition, est financé exclusivement par l’ambassade de France, sans cofinancement des universités algériennes et il semble que ses lauréats effectuent le plus souvent cette mobilité pendant leurs périodes de congés, afin précisément de ne pas avoir à solliciter d’autorisation d’absence de la part des autorités algériennes.

En outre, le SCAC d’Alger peut s’appuyer sur l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), UMIFRE de Tunis dont le champ de compétence couvre également l’Algérie. À ce titre, l’IRMC reçoit d’ailleurs une subvention annuelle du SCAC d’Alger pour accueillir, en courts séjours, des doctorants français ou algériens travaillant sur l’Algérie ainsi qu’une douzaine de doctorants algériens qui peuvent s’y exercer à l’écriture de leurs thèses.

En matière d’histoire et de mémoire, la première initiative à prendre paraît donc de faciliter la circulation et le libre travail des chercheurs, ainsi que l’historienne Raphaëlle Branche l’avait déjà proposé, en 2009, dans un rapport ([34]) établi pour le ministère des anciens combattants, qui invitait à offrir de meilleures conditions de travail aux Algériens venant travailler sur les documents de la période de la guerre conservés en France, par une politique de visas plus ouverte et de bonnes conditions matérielles d’accueil à Aix-en-Provence, où se trouvent les archives nationales d’outre-mer.

*

*     *

 


—  1  —

 

   Travaux de la commission

I.   Audition de Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Lors de sa réunion du 10 octobre 2023, la commission a entendu Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2024.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Notre ordre du jour vise à vous auditionner, Madame la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances (PLF) initiale pour 2024. Nous vous sommes reconnaissants de revenir devant nous, moins d’une semaine après votre audition sur d’importantes questions touchant à nos rapports à l’Afrique, pour un sujet lui aussi essentiel : les dotations budgétaires à votre ministère pour l’an prochain. Il s’agit de l’acte inaugural de l’examen par notre commission du PLF pour 2024. Nous abordons ce rendez-vous avec attention et vigilance, alors que des engagements forts ont été pris par le président de la République et par vous-même en faveur du « réarmement » de notre diplomatie.

Après une loi de finances pour 2023 plutôt satisfaisante, le PLF pour 2024 s’annonce sous des auspices prometteurs, puisque le budget du ministère devrait s’établir à un peu moins de 6,8 milliard d’euros, soit une augmentation de 293 millions d’euros et de 4,5 % de ses crédits.

Dans cette épure, les crédits de la mission Action extérieure de l’État se monteront à un peu plus de 3,5 milliards d’euros, en hausse de 9 %. Pour mémoire, les dépenses de fonctionnement du ministère ne représentent que 17 % de cette enveloppe : il faut toujours rendre hommage à ce ministère, qui n’est pas un grand consommateur de crédits de fonctionnement.

Après une première hausse de 100 équivalents temps plein (ETP) lors de l’exercice budgétaire en cours, les effectifs de votre ministère augmenteront de 165 ETP en 2024, inscrivant ainsi dans la durée le nécessaire renversement de tendance amorcé en matière de ressources humaines. Nous avons toujours dit ici que s’il fallait peut-être moins de fonctionnaires dans les ministères qui en comptaient beaucoup, il fallait aussi reconnaître que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères se trouvait « au-delà de l’os » : il est bon qu’il puisse faire face aux défis actuels avec des moyens nouveaux.

La hausse des crédits renforcera l’action de la France en Europe et dans le monde : les dotations du programme 105 vont ainsi progresser de 13 % et atteindre presque 1,5 milliard d’euros. L’accent est plus particulièrement mis sur notre soutien aux opérations de maintien de la paix et à l’Ukraine, ainsi que sur l’organisation d’événements importants comme le sommet de la francophonie à Villers-Cotterêts – saluons la mémoire du roi François Ier –, le quatre-vingtième anniversaire du débarquement ou le sommet des chefs d’État et de gouvernement lors des Jeux olympiques. Je me réjouis que des enveloppes en hausse soient également dévolues à l’accroissement de la sécurité des personnels et des ambassades et à l’amélioration des conditions d’expatriation. Les agents diplomatiques français sont exposés à des situations de plus en plus difficiles et de plus en plus dangereuses, qu’ils affrontent avec un courage et un sens de l’État auxquels notre commission ne peut que rendre hommage.

Les dotations allouées à l’action consulaire et à l’assistance aux Français à l’étranger, rassemblées dans le programme 151, ne sont pas oubliées : elles augmentent de 17 % pour atteindre 165 millions d’euros. L’essentiel de cette hausse concerne les bourses scolaires des enfants français scolarisés dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger, ce qui est une très bonne chose.

Enfin, toujours dans le cadre de la mission Action extérieure de l’État, les crédits destinés à la diplomatie culturelle et d’influence, regroupés dans le programme 185, progresseront de 8 %, à 721,2 millions d’euros, afin de revaloriser les moyens des Instituts français et ceux du réseau culturel et de coopération dans les zones géographiques prioritaires : là encore, cet effort est tout à fait nécessaire.

Les dotations inscrites dans le programme 209 de la mission Aide publique au développement sont, quant à elles, stabilisées à un peu moins de 3,3 milliards d’euros. Ces crédits, qui représentent le principal outil d’aide publique au développement (APD) du Quai d’Orsay, placent la France au quatrième rang mondial des bailleurs en la matière.

Dans cette enveloppe, l’aide humanitaire représente 900 millions d’euros, dont près d’un tiers est destiné à la provision pour crises majeures. Le financement de la coopération bilatérale augmentera de 5 %, à un peu moins de 2,2 milliards d’euros, afin d’abonder notamment les instruments dont nos ambassades disposent directement : cette hausse, très attendue, avait été annoncée par le président de la République dans un discours à l’Élysée avant sa visite en Afrique. Seuls les moyens dédiés à la coopération multilatérale diminueront de 4 %, à 796 millions d’euros, en raison de l’effet mécanique de la fin de dépenses à caractère exceptionnel.

Le programme 370, qui représente le montant des cessions de biens mal acquis pour les restituer sous forme de coopération aux populations spoliées, bénéficiera d’un premier versement, certes modeste – 6 millions d’euros – mais symbolique, au profit de la Guinée équatoriale. Le Parlement, qui a beaucoup œuvré à cet égard, ne peut qu’accueillir avec satisfaction ce premier pas dans la bonne direction.

Ce panorama, par définition incomplet, me porte à croire, Madame la ministre, que vous êtes globalement satisfaite des arbitrages que vous avez obtenus et du contenu de ce budget pour 2024. Pour ma part, je constate de nombreux points positifs aux équilibres qui ont été trouvés.

Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Je suis heureuse de vous présenter le projet de budget du Quai d’Orsay pour la deuxième fois depuis ma prise de fonction, d’autant que les nouvelles sont positives. En effet, ce budget offensif nous permettra, plus encore que l’année dernière, de mettre en œuvre les priorités fixées par le président de la République en mars dernier, lors de la clôture des états généraux de la diplomatie, lancés il y a un peu moins d’un an.

Si votre Assemblée l’adopte, ce projet de loi de finances nous donnera les moyens d’affirmer nos principes, nos intérêts et nos solidarités, pour reprendre le titre de la dernière conférence des ambassadrices et des ambassadeurs tenue à la fin du mois d’août. Avant de vous présenter l’économie générale du projet de budget et ses principales priorités, je souhaiterais évoquer rapidement le contexte international dans lequel nous nous trouvons et qui nous impose de nous affirmer toujours davantage. Sans revenir sur le Proche-Orient, notre environnement est marqué par une brutalité accrue, dont la guerre en Ukraine est le signe le plus net depuis un an et demi, mais dont témoigne aussi l’effondrement sécuritaire au Sahel, du Mali au Soudan, ou l’accroissement des tensions en Asie de l’Est ; en découle notamment l’accroissement des flux migratoires vers les zones stables et prospères comme l’Europe. C’est un monde également marqué par le « chacun pour soi », c’est-à-dire que les cadres habituels de la régulation internationale sont remis en cause : divisions au sein du G20, gouvernance financière internationale contestée, difficultés à trouver des compromis, même sur le climat, et recul des droits de l’Homme dans un nombre croissant de pays. Enfin, c’est un monde marqué par la propagande et les manipulations de l’information, à une échelle décuplée par les réseaux sociaux : cette situation ne manque pas d’être préoccupante pour la démocratie.

Dans ce contexte, nous devons combiner trois lignes d’action.

La première est de continuer à jouer notre rôle de partenaires de confiance. Nous le faisons en participant activement à la résolution des crises internationales de sécurité et en affichant, quand cela est nécessaire, notre fermeté au Sahel, en Ukraine ou dans le Caucase : j’ai eu l’occasion de le faire la semaine dernière lors de mes déplacements en Ukraine et en Arménie, comme je vous le disais lors de mon audition du 4 octobre. Le même principe vaut évidemment pour les enjeux globaux. La France est vue comme un leader en la matière, du fait de sa mobilisation sur tous les fronts : climat, biodiversité, océans, finance internationale. La mise en œuvre des conclusions du sommet de Paris de juin dominera notre agenda des prochains mois, comme nous avons commencé de le faire à l’Assemblée générale des Nations Unies. L’un des instruments de notre action dans ce domaine sera notre politique de partenariats solidaires, confortée et rénovée lors du conseil présidentiel du développement et du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Dans cette optique, la fin des critères de concentration géographique au profit de la poursuite d’objectifs nous permettra de piloter l’aide publique au développement de manière plus politique.

Dans le même temps, dans cette atmosphère du « chacun pour soi », nous devons défendre avec lucidité et vigueur nos intérêts. C’est ce que nous faisons en matière de diplomatie économique, l’action du ministre délégué Olivier Becht visant à aider nos entreprises à conquérir des marchés et à attirer des investisseurs dans nos territoires. C’est aussi notre objectif en développant des partenariats aussi structurants que celui que nous avons conforté avec l’Inde le 14 juillet dernier. De la même manière, nous assumons pleinement la défense de notre modèle énergétique, notamment du nucléaire civil, à l’international ; nous l’avons encore fait aujourd’hui en Allemagne et je l’avais déjà réalisé fin septembre en Finlande, en participant à l’inauguration du premier réacteur pressurisé européen (EPR) en fonctionnement sur le continent européen, lequel a été construit par EDF sur place : cet EPR fournit déjà 30 % de la consommation électrique de ce pays et contribue donc à son autonomie stratégique.

Enfin, pour mieux réguler, comme pour mieux défendre nos intérêts, rien n’est possible sans l’Europe, qui est notre levier de puissance le plus évident. Nous poursuivrons donc l’application de l’agenda de souveraineté de Versailles : souveraineté économique, défense, énergie et migrations. Nous avons beaucoup progressé dans la définition de solutions européennes.

Deuxièmement, notre projet de budget est offensif afin de nous adapter à un contexte de plus en plus difficile. Le projet de loi de finances consacre le « réarmement » – n’ayons pas peur des mots ! – de la diplomatie française, grâce à une hausse de ses moyens que l’on n’avait pas vue depuis des décennies : 165 ETP supplémentaires et une augmentation de 4,5 % de nos crédits par rapport à 2023, qui marquait déjà une première inflexion. D’ici à 2027, il y aura 700 ETP supplémentaires, sans compter les 100 ETP de 2023, et une hausse des crédits de 22 %. En 2024, le budget du ministère atteindrait ainsi, si le Parlement l’adopte, 6,7 milliards d’euros en crédits de paiement hors pensions, soit une hausse de 293 millions d’euros par rapport à l’année précédente. La mission Action extérieure de l’État se verrait attribuer 3,344 milliards d’euros en crédits de paiement hors pensions et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, 3,42 milliards d’euros, hors pensions également.

Ce budget est novateur en ce qu’il renforce très substantiellement la mission Action extérieure de l’État pour nous donner les moyens de la transformation souhaitée par le président de la République, dans le prolongement des états généraux de la diplomatie. La mission connaîtrait ainsi sa plus forte hausse depuis 2005, avec 11 % d’augmentation.

Je voudrais me concentrer d’abord sur le programme 105, qui regroupe les moyens de notre action diplomatique et les crédits de fonctionnement des ambassades et consulats. Le budget de ce programme croîtrait de 13 % l’année prochaine. Ces nouveaux crédits nous permettront de moderniser et de transformer le ministère : en poursuivant nos investissements dans le domaine numérique pour installer des outils collaboratifs et moderniser le travail diplomatique, ainsi que nos capacités d’analyse et d’anticipation ; en investissant davantage dans l’immobilier, y compris dans l’efficacité énergétique de nos bâtiments en France et à l’étranger ; en renforçant certains services en France ou certains postes à l’étranger de manière à mieux adapter les moyens humains aux besoins. Cela concernera la direction de la communication et de la presse et les services de presse de nos ambassades mais aussi le protocole, qui a son rôle dans la conduite de notre diplomatie publique, la future académie diplomatique ou encore nos plus petites ambassades, les 25 postes de présence diplomatique (PPD), que nous souhaitons tous renforcer de quelques ETP supplémentaires, tant l’expérience montre qu’on les a trop réduits.

Ces crédits supplémentaires permettront également de porter une attention plus grande au quotidien des agents et de leurs familles, ce qui se traduira notamment par un effort supplémentaire en matière de logement social ou encore par une meilleure couverture des frais de scolarité à l’étranger.

Troisièmement, je voudrais insister sur quelques priorités qui me tiennent particulièrement à cœur, sans prétendre à l’exhaustivité.

Première priorité : les fonctions politiques, y compris les enjeux globaux. En 2024, le programme 209 bénéficierait d’un budget s’établissant, hors dépenses de personnel, à 3,265 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui permettra de faire face à tous nos engagements et à la France d’être le quatrième bailleur au monde. L’aide humanitaire, dont le caractère prioritaire a été réaffirmé par le CICID de juillet 2023, serait maintenue à près de 900 millions d’euros en 2024. Ce montant comprend la provision pour crises majeures, inaugurée en loi de finances initiale pour 2022, augmentée en 2023 et maintenue à 270 millions d’euros, pour répondre efficacement et rapidement en 2024 à de nouveaux engagements non anticipés.

Permettez-moi quelques mots supplémentaires sur cette provision. Elle nous a permis d’activer très rapidement, sans passer par de longs processus d’arbitrages budgétaires, des moyens d’aide humanitaire dans des pays touchés par des crises : l’Ukraine, bien entendu, mais aussi la Turquie frappée par un tremblement de terre en février, le Soudan en proie à la guerre civile, ainsi que les pays limitrophes qui reçoivent des réfugiés soudanais, la Libye après les inondations de septembre et, plus récemment, les populations fuyant le Haut‑Karabagh : nous avons augmenté notre aide humanitaire à l’Arménie pour plus de 12 millions d’euros. Je veille personnellement à ce que l’usage de cette provision reste conforme à son objet, avec des actions très ciblées et à fort impact. Le projet de loi de finances qui vous est proposé reconduit cette provision pour crises majeures, qui a donné à la France les moyens d’agir vite et bien partout où elle était attendue.

Nous consacrerions aussi 76 millions d’euros de plus qu’en 2023 aux mesures d’assistance à l’Ukraine, en partenariat avec les États membres de l’Union européenne. Nous devons prévoir d’être à ses côtés dans la durée. La Facilité européenne pour la paix deviendrait ainsi le bénéficiaire de notre plus importante contribution internationale en 2024.

La coopération bilatérale financée par le programme 209 serait quant à elle rehaussée de 109 millions d’euros, soit une augmentation de 5 %, s’établissant à 2,184 milliards d’euros en crédits de paiement. Ce renforcement de l’aide bilatérale abonderait significativement les outils à la disposition directe de nos ambassades. Ainsi, les moyens alloués aux Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), dont l’efficacité est saluée par tous, augmenteraient de 20 millions d’euros, atteignant 100 millions d’euros. Le Fonds équipe France (FEF) et le Fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel (FAEC), dispositifs d’aide bilatérale plus réactifs, visibles et lisibles créés en 2023, bénéficieraient quant à eux de 77 millions d’euros. Enfin, le don-ONG alloué à l’Agence française de développement (AFD) augmenterait de 7 millions d’euros en crédits de paiement, conformément à notre volonté de soutenir les organisations de la société civile.

Le montant des crédits consacrés à la coopération multilatérale baisserait légèrement pour s’établir à 796 millions d’euros en crédits de paiement. Cette contraction tient au fait que d’importantes dépenses réalisées en 2023 présentaient un caractère exceptionnel et ne seront pas renouvelées en 2024. Je pense par exemple à l’arriéré de contribution au Fonds mondial de lutte contre le syndrome d’immunodéficience active (SIDA), la tuberculose et le paludisme, pour 70 millions d’euros, et à la Facilité pour les réfugiés en Turquie, pour 20 millions d’euros. En réalité, ce niveau de 796 millions d’euros permettrait de consacrer des moyens pour de nouveaux engagements et de renforcer les contributions volontaires françaises dans les thématiques prioritaires du climat, de la santé, de l’égalité femme-homme ou de l’éducation. J’ajoute que l’extinction progressive du Fonds européen de développement (FED) jusqu’en 2027 libérera des marges pour financer de nouveaux projets à budget constant au titre du programme 209.

Deuxième priorité : l’influence. En 2024, la dotation du programme 185 hors dépenses de personnel croîtrait de 50 millions d’euros par rapport à 2023, s’établissant à 721,2 millions d’euros, soit une hausse de 8 %. Cette politique d’influence se structurerait autour de deux grands axes : d’une part, le développement d’un nouveau partenariat culturel et solidaire avec le continent africain ; d’autre part, la consolidation de l’attractivité française dans les autres pays prioritaires, notamment dans la zone indopacifique.

Un renforcement du réseau culturel est engagé. Les dotations aux établissements à autonomie financière, principalement les Instituts français et les Instituts français de recherche à l’étranger, augmenteraient de 8,2 millions d’euros par rapport à 2023.

De même, les crédits alloués au réseau des Alliances françaises augmenteraient de 1,5 million d’euros, soit une hausse de 20,8 %, pour financer leur sécurisation, leur transformation numérique et le renforcement de leur attractivité. Enfin, une hausse des crédits d’intervention de 24,3 millions d’euros, soit une progression de 60 % ciblant en priorité les postes, permettrait d’offrir de nouvelles marges d’action au réseau culturel et de coopération sur les géographies prioritaires, de renforcer le soutien aux industries culturelles et créatives – certains d’entre vous sont peut-être allés au forum Création Africa ce week-end – et de financer de nouveaux campus ou des résidences d’artistes.

Dans un contexte de compétition internationale accrue, la politique d’attractivité étudiante fera par ailleurs l’objet d’un investissement important, afin de maintenir le rang de la France. Les crédits alloués aux bourses pour les étudiants étrangers en France seraient portés à 70 millions d’euros, soit une augmentation de 6 millions par rapport à 2023 et une hausse de 9 %, notamment pour faire venir des profils qualifiés dans des secteurs en tension. De même, une augmentation de 2 millions d’euros, soit une hausse de 15 %, est prévue pour les échanges d’expertise et scientifiques, qui contribuent à la politique d’attractivité de la France.

Enfin, avec ces crédits, mon ministère continuera d’œuvrer pour renforcer la place de la France dans le système multilatéral, grâce à notre contribution aux opérations de maintien de la paix, de prévention et de médiation des conflits. En 2024, 6,5 millions d’euros de contributions supplémentaires à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sont prévus dans le sillage du sommet de Madrid, tandis que les versements aux différents organes des Nations Unies augmenteraient de 17 millions d’euros.

Troisième priorité : la communication et la diplomatie publique. En matière de communication et de presse, les moyens progresseraient de 2,2 millions d’euros. Ces crédits visent à accroître le rôle du ministère dans le pilotage de la communication de la France à l’étranger, ainsi que les capacités de nos ambassades dans les géographies prioritaires comme l’Afrique ou l’Indopacifique. La direction de la communication et de la presse continuera d’être renforcée en moyens humains et en outils de promotion et de riposte.

Nous souhaitons doter le ministère d’une nouvelle culture de la communication stratégique, selon deux axes principaux : la dynamisation et le renforcement de notre présence dans les médias et sur les réseaux sociaux, pour toucher de nouveaux publics, grâce à l’accroissement de nos capacités de production audiovisuelle, au décryptage de l’action diplomatique par le biais de nouveaux produits dédiés, aux vidéos diffusées sur les réseaux sociaux et à un travail avec les influenceurs ; le renforcement de nos capacités à lutter contre les manipulations, le développement de notre veille sur les réseaux sociaux, la mise en place d’un fonds d’innovation destiné à sélectionner et aider financièrement les projets des postes les plus pertinents, ainsi que le développement de mécanismes de coordination avec nos partenaires internationaux.

Enfin, une enveloppe de 600 000 euros est prévue au titre des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 pour activer un programme spécifique d’invitation de journalistes et accompagner notre communication sur les Jeux.

Quatrième priorité : les Français de l’étranger. Le programme 151 regroupe les moyens de l’action consulaire et d’assistance aux Français à l’étranger. En 2024, il verrait ses crédits hors dépenses de personnel croître de 24 millions d’euros par rapport à 2023, soit une hausse de 17 %, pour atteindre un montant de 165,2 millions d’euros. En 2024, se tiendront les élections européennes, dont le coût de l’organisation à l’étranger est estimé à 6 millions d’euros. À ce titre, le programme 151 bénéficiera d’une augmentation de 1,1 million d’euros de son enveloppe, laquelle sera complétée par un transfert de 4,4 millions d’euros en provenance du ministère de l’intérieur et des outre-mer.

Les crédits consacrés à l’accès des élèves français au réseau scolaire de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et à la langue française s’élèveraient à 120,5 millions d’euros en 2024, soit une hausse de 14,8 millions d’euros par rapport à cette année. Cette enveloppe financera principalement les bourses scolaires des enfants français dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger, pour permettre aux familles de faire face à l’accroissement des frais de scolarité en raison de l’inflation élevée. De plus, 1,5 million d’euros seraient alloués aux élèves en situation de handicap. Enfin, 1 million d’euros financeraient l’instauration du pass éducation en langue française, annoncé par le président de la République, pour permettre aux enfants de nos compatriotes scolarisés localement qui en ont besoin, de se remettre à niveau en langue française.

Les crédits alloués au service public consulaire ainsi qu’à la modernisation de l’administration consulaire augmenteraient de 2,8 millions d’euros, afin d’améliorer la qualité des services rendus aux Français de l’étranger, notamment grâce à la poursuite du déploiement du service France consulaire, du vote électronique et de la finalisation du registre d’état civil électronique (RECE).

Telles sont les principales informations que je souhaitais porter à votre attention dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Comme vous pouvez le constater, ce deuxième budget du quinquennat reflète plus encore que l’année dernière l’importance accordée à notre diplomatie. Il ne s’agit, ni plus ni moins, que d’engager son réarmement complet jusqu’à 2027. Je tiens à vous remercier pour les efforts que vous avez déployés, afin d’offrir à notre diplomatie les moyens nécessaires.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. C’est très satisfaisant, Madame la ministre, de constater une telle progression des effectifs. Nous sommes convaincus ici que les affaires du monde sont les affaires de tout le monde et non pas des affaires extérieures.

Je donne à présent la parole aux orateurs des groupes politiques.

Mme Amélia Lakrafi (RE). À mon tour, je tiens à exprimer notre profonde émotion et nos condoléances attristées aux civils victimes des terroristes du Hamas, aux victimes directes, israéliennes, et victimes indirectes, palestiniennes, dans ce drame qui remet en cause les accords de paix dans cette région sensible.

Je souhaite appeler votre attention sur le XIXe sommet de la francophonie, qui se tiendra en France, en novembre 2024. Ce sommet, le premier organisé en France depuis plus de trente ans, représente une occasion unique de renforcer les liens au sein de l’espace francophone. Cependant, il me semble important de souligner un paradoxe : alors que la francophonie représente un espace géopolitique et culturel majeur et que l’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) se félicitait de compter 22 millions de locuteurs supplémentaires en 2022, il est regrettable de constater un désintérêt réel ou supposé des citoyens et des responsables politiques français à son égard. J’ai dû faire ce constat préoccupant en tant que présidente déléguée de la section française de l’APF.

Dans ce contexte, Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer quels sont les objectifs stratégiques de la France pour ce sommet, notamment en matière de sensibilisation et d’engagement du public et des responsables politiques français ? Quels moyens humains, financiers et diplomatiques votre ministère compte-t-il mobiliser pour assurer le succès de cet événement et inverser la tendance du désintérêt ? Enfin, comment envisagez-vous d’utiliser ce sommet pour aborder les crises politiques qui affectent certains pays, notamment en Afrique ?

Je vous assure que je mettrai toute mon énergie, ainsi que celle de mes collègues de l’APF, pour contribuer à faire de ce sommet un succès. Je ne peux terminer mon intervention sans exprimer ma plus profonde gratitude à l’endroit de nos diplomates et agents dévoués sur le terrain, au Quai d’Orsay, ainsi qu’au centre de crise et de soutien du ministère, qui font un travail extraordinaire. Je salue enfin l’augmentation absolument inédite de 165 postes.

Mme Catherine Colonna, ministre. Je vous remercie, Madame la députée, des propos que vous avez tenus à l’égard des agents de mon ministère, qui y sont très sensibles et le méritent.

La France accueillera le prochain sommet de la francophonie, pour la première fois depuis trente-trois ans exactement. Nous avons pour ambition de faire vivre une francophonie attractive, ouverte, inclusive, comme on le dit désormais, et multiple. Nous voulons bien évidemment promouvoir la langue française et le plurilinguisme, les deux allant de plus en plus de pair, mais aussi défendre plusieurs grandes causes, notamment l’égalité entre les femmes et les hommes, l’éducation, l’employabilité, favorisée par le fait de parler le français. Nous mettrons en valeur la créativité du monde francophone, en particulier celle de la jeunesse qu’il faut encourager à avoir beaucoup d’idées et d’ambition. Je me rendrai prochainement à la Conférence ministérielle de la francophonie à Yaoundé, au Cameroun.

Quant au sommet, qui se tiendra au mois d’octobre 2024, il sera aussi l’occasion de mettre en lumière, et pour longtemps, la nouvelle Cité internationale de la langue française à Villers‑Cotterêts, en hommage au roi François Ier, qui sera inaugurée le 19 octobre par le président de la République. Ce sera un lieu d’exposition, dédié à la créativité francophone et ouvert à la diversité des expressions. Nous espérons aussi que ce sommet sera l’occasion d’évoquer des questions d’actualité et de réunir autant que possible les membres de la famille francophone autour des valeurs qui sont les leurs, au titre de la charte qu’ils ont signée.

Mme Marine Hamelet (RN). Madame la ministre, le budget de votre ministère ainsi que celui des missions dont il a la charge, sur l’aide au développement et l’action extérieure de l’État, ne sont pas suffisamment transparents pour répondre efficacement aux enjeux et aux bouleversements actuels. Nous sommes également frappés par le manque de sérieux de l’utilisation des fonds. Un seul exemple pris à la page 35 du projet annuel de performances de la mission Aide publique au développement : on y lit une dépense de 609,5 millions d’euros en autorisations d’engagement pour le continuum finances publiques, alors que le détail du calcul de tous les postes n’atteint que 300 millions d’euros. Pourriez-vous nous dire quels projets sont financés par cette somme ?

Ce manque de transparence est d’autant plus grave que les budgets augmentent. Le projet annuel de performances pour 2024 pour l’APD fait ainsi état d’une dynamique de hausse sans précédent des moyens publics consacrés à la politique de développement depuis 2017. Rappelons également que, la France aidant aussi indirectement en participant aux programmes européens, nous contribuons doublement.

S’agissant des bouleversements que nous traversons, j’ai eu l’occasion, Madame la ministre, de vous demander quels étaient les pays bénéficiaires de l’APD qui étaient désormais autonomes. Vous m’aviez répondu qu’il n’y en avait aucun. Est-ce toujours le cas ?

Vous pensez défendre les intérêts de la France, mais il faut aussi défendre les intérêts des Français, qui font de plus en plus de sacrifices et ont de plus en plus de difficultés. C’est pourquoi nous devons être d’autant plus vigilants. Nous demandons une simplification des organismes et le retour à une aide strictement bilatérale. Nous refusons en effet le multilatéralisme, par lequel le peuple français enrichit les organisations non gouvernementales (ONG), qui sont généreuses en notre nom.

Mme Catherine Colonna, ministre. Vous évoquez un prétendu manque de sérieux. Les équipes qui gèrent les fonds du ministère de l’Europe et des affaires étrangères s’appliquent à le faire avec le plus grand sérieux. Dans le domaine de l’aide publique au développement, des audits internes et externes sont menés. Si des fonds devaient être mal dépensés, des mécanismes de remboursement existent.

Je reviendrai vers vous pour ce qui est de la décomposition précise de l’usage des 609,5 millions d’euros d’autorisations d’engagement au sein de la mission Aide publique au développement.

Enfin, je vous confirme la réponse que je vous avais faite : notre aide au développement ne suffit pas à sortir des pays du sous‑développement. Il est néanmoins de notre intérêt de favoriser les progrès de ces pays et de faire sortir leur population de la pauvreté absolue. Si dans cette action, la France doit être épaulée par tous les autres pays, nous sommes l’un des rares dont l’aide publique au développement ait augmenté au point de faire de nous le quatrième bailleur mondial.

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Pour porter une parole claire en faveur du dialogue et de la paix, la diplomatie a besoin d’importants moyens humains et financiers. À vous entendre, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères est à même, grâce à un budget en hausse pour la deuxième année consécutive, de mener sa mission. Certes, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une hausse de 165 ETP, mais c’est un succès en trompe-l’œil, le Quai d’Orsay ne faisant finalement que retrouver son niveau d’avant 2018. Le désossement subi ces trente dernières années s’est par ailleurs accompagné de la suppression effective des corps diplomatiques, décision unilatérale et très contestée, suivie par des états généraux de la diplomatie dont les conclusions étaient connues d’avance.

Les Français de l’étranger sont les premiers à pâtir des effets de cette politique. Les délais de traitement des services consulaires continuent de s’accroître. Le délai d’obtention de visas de court séjour a été trois fois plus long que l’objectif fixé. Notre crédibilité sur la scène internationale souffre aussi des effets de cette politique, ce qui est fâcheux dans un contexte de multiplication des tensions internationales.

Vous dites, à propos de la situation israélo-palestinienne, que la France est toujours du côté de la paix. Je suis heureuse d’entendre ce mot, malheureusement absent des deux derniers communiqués du Quai d’Orsay. Mais, concrètement, que faites-vous ? Pour Denis Sieffert, spécialiste de ce conflit, il n’existe plus aucune alternative politique à la violence depuis l’échec de Camp David en juillet 2000. C’est ce qui a conduit au drame que nous savons.

Par ailleurs, si la France est du côté de la paix, comment expliquer qu’elle pratique le chantage à l’aide publique au développement en sanctionnant tel ou tel peuple au gré des alliances diplomatiques ? Ce n’est pas l’esprit de la loi de 2021, qui ne trie pas les peuples en fonction des régimes qui les gouvernent.

En outre, les budgets alloués à l’aide publique au développement destinée à soutenir les pays en difficulté économique ne répondront pas à l’ambition affichée en 2021. La France devait, en 2023, dédier 0,61 % de son revenu national brut (RNB) à l’APD ; elle ne l’a pas fait, comme elle n’atteindra pas les 0,66 % en 2024. La trajectoire place la France au quatrième rang mondial des contributeurs : au vu des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, nous n’aurons pas maintenu ce rang en fin de quinquennat.

Pourquoi la France a-t-elle reculé son objectif de consacrer 0,7 % de son RNB à l’aide publique au développement ? La santé mondiale, notamment, paiera le prix de ces choix regrettables.

Mme Catherine Colonna, ministre. Les états généraux de la diplomatie se sont tenus parce que je l’ai proposé au président de la République et à la première ministre, et leurs conclusions n’étaient nullement connues d’avance. Consulter autant d’agents, de tous niveaux, de toutes catégories, en poste partout dans le monde, était un exercice inédit. L’augmentation budgétaire pluriannuelle que connaît le ministère, après trois décennies de déclin, n’était pas non plus connue d’avance.

Je ne reviens sur la réforme de la haute fonction publique que pour vous donner une information : 70 % des agents concernés ont déjà basculé vers le nouveau corps des administrateurs de l’État, le choix pouvant être exprimé jusqu’à la fin de l’année 2023.

Nos ressources connaissent une hausse sans précédent. La France consacre bien 0,55 % de son revenu national brut à l’aide publique au développement, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. Peu nombreux sont les pays à le faire.

Je ne parlerais pas comme vous le faites de suspensions punitives. Certains pays ont connu des coups d’État, parfois à plusieurs reprises. Nous ne pouvons pas prendre le risque que l’argent du contribuable finisse dans les mains de putschistes. Notre position est claire et conforme à nos valeurs : vous devriez vous en réjouir.

En ce qui concerne le Proche-Orient, nous serons difficilement d’accord, sauf sur un point : il faudra en effet restaurer un horizon politique, le moment venu. Nous nous y efforçons en prenant des contacts afin d’éviter l’embrasement et en rappelant cette perspective nécessaire.

M. Vincent Seitlinger (LR). Le groupe Les Républicains soutient Israël face à l’agression brutale et barbare survenue ce week-end.

En tant que rapporteur pour avis des crédits de l’action diplomatique et consulaire, j’ai constaté que la plupart des acteurs de la diplomatie se félicitent de la hausse inédite des moyens, après de nombreuses années de restriction : le réarmement de notre diplomatie est un impératif au moment où les crises se multiplient et s’intensifient.

Cependant, nous nous interrogeons sur l’allocation de ces moyens nouveaux. Des moyens humains supplémentaires étaient prévus dans la loi de finances pour 2023 : pourriez-vous dresser un bilan de leur usage ? Quelles sont les perspectives pour l’année prochaine, et à quelles actions précises seront destinés ces nouveaux moyens humains et financiers ?

La France est régulièrement cheffe de file dans les opérations d’évacuation, non seulement de nos compatriotes mais aussi de ressortissants de pays tiers, notamment européens. Pourriez-vous revenir sur le coût de ces opérations et sur le soutien logistique et financier apporté par les institutions européennes comme par nos alliés ? Les Européens ne devraient-ils pas être davantage mobilisés pour mener à bien de telles opérations ?

Vous avez évoqué la diplomatie d’influence et les crédits destinés à la communication. Quelles zones géographiques constituent vos priorités en la matière ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Au cours de l’exercice 2023, un peu plus de la moitié des nouveaux emplois ont été affectés à notre réseau diplomatique, et le reste à la France. Ils ont soutenu nos priorités : renforcement de nos ambassades dans le Pacifique  – vous avez suivi la tournée du président de la République au mois de juillet –, sécurisation de nos emprises, cybersécurité et lutte contre les manipulations de l’information.

En ce qui concerne les opérations d’évacuation, elles sont confiées au centre de crise et de soutien du ministère, toujours en étroite coordination avec le ministère des armées et la présidence de la République. Malheureusement, nous avons dû procéder à plusieurs opérations de ce type cette année. Nous avons ainsi évacué du Soudan 998 personnes, dont un peu plus d’un quart de Français ; mon ministère a déboursé 900 000 euros pour payer la projection des équipes, les vols civils… S’agissant du Niger, nous avons dû engager 2,8 millions d’euros mais un remboursement sera fait par le biais du mécanisme européen de protection civile, à hauteur de 75 % me semble-t-il.

S’agissant de l’influence, le temps qui m’est imparti pour vous répondre ne me permettra que de citer la zone indopacifique et l’Afrique comme priorités géographiques.

M. Frédéric Petit (Dem). Je ne reviens pas sur l’émotion qui nous saisit depuis deux jours.

Le groupe Démocrate salue avec moi ce budget en hausse. Il faut marteler que nos budgets augmentent car je rencontre encore des gens qui pensent le contraire.

Vous avez annoncé l’introduction du pass éducation en langue française. C’est le respect d’une promesse de campagne présidentielle. Nous souhaitons être associés à sa mise en place, afin d’éviter qu’il ne devienne une usine à gaz. Ce très vieux projet a été intégré au programme de campagne après des années d’efforts des élus locaux des Français à l’étranger, et il serait dommage que toutes les décisions soient prises dans un bureau parisien. Je vous en prie, appuyez-vous sur les élus locaux et les parlementaires pour que ce soit une réussite.

En tant que rapporteur du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, je me réjouis de la hausse de ce budget. Je salue en particulier les diplomates, qui s’adaptent à de nouveaux outils comme le FSPI et qui travaillent en coordination. Je vois un extraordinaire engagement et une grande capacité de transformation des méthodes.

Je me félicite également de la consolidation de France Médias Monde.

Ma question porte sur le soutien que nous apportons aux ONG et aux organisations de la société civile (OSC). La loi du 4 août 2023 a créé les conditions d’une APD plus participative, plus transversale, plus transparente et mieux coordonnée. Dans le contexte des crises multiples que nous connaissons, pouvez-vous confirmer qu’il n’y aura pas d’annulations, mais des suspensions ? Pouvez-vous aussi confirmer qu’il y a bien du cas par cas mais pas de doctrine ? Comment ces choix seront-ils opérés pour être transparents et pour ne pas mettre en danger les équipes de terrain ? Comment entendez-vous maintenir l’esprit d’unanimité de la loi du 4 août 2021, malgré les fracas du monde ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Le pass éducation en langue française est en effet un engagement du président de la République. Nous allons d’abord l’expérimenter et c’est bien volontiers que je vous associerai, ainsi que les élus locaux.

En ce qui concerne le programme 185, nous allons privilégier les fonds innovants, dont nous avons constaté qu’ils fonctionnent bien.

En matière d’aide publique au développement, nous préservons toujours l’aide humanitaire, en dialogue avec les ONG : il ne s’agit pas de pénaliser les populations. Afin de ne pas financer des régimes putschistes que nous condamnons et qui font une fort mauvaise utilisation de ces fonds, nous avons effectivement dû suspendre nos aides publiques au développement au Mali, au Burkina Faso et au Niger. L’avenir dépend du comportement de ces régimes et des calendriers de transition. Dans le cas du Niger, aucun processus de transition n’est prévu et le président Mohamed Bazoum n’a pas été libéré ; les putschistes n’ont montré aucun intérêt pour les différentes médiations et approches diplomatiques, de la part de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou d’autres pays.

M. Alain David (SOC). Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, nous sommes vraisemblablement entrés dans une nouvelle ère des relations internationales, plus incertaine, plus violente. Les atrocités du week-end en Israël viennent, hélas, confirmer cette tendance. Notre discussion budgétaire est placée sous ces auspices inquiétants et il conviendra d’en tenir compte dans nos arbitrages, nos expressions et nos amendements.

L’Allemagne et l’Autriche notamment ont fait savoir qu’ils reconsidéraient l’attribution de leur aide au développement au Proche-Orient. Que vont décider la France et l’Europe ?

Notre stratégie d’influence est malmenée par les ambitions assumées de désinformation de pays comme la Russie, la Chine ou la Turquie. Je ne vous demande pas de dévoiler des informations secrètes mais notre travail est lié à ces événements : pouvez-vous nous éclairer sur la situation militaire en Ukraine, dont on ne parle plus guère depuis quelques jours ?

Mme Catherine Colonna, ministre. En ce qui concerne l’aide au développement, le président de la République s’est exprimé aujourd’hui même à Hambourg, lors de la conférence de presse qu’il a donnée avec le chancelier Scholz.

Pour ce qui est du volet bilatéral, notre aide s’élève à environ 95 millions d’euros, si l’on inclut les quelque 22 millions de notre contribution à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA). Les mécanismes de distribution sont précis et rigoureux, afin de nous assurer que les fonds parviennent bien aux populations ; nous agissons notamment beaucoup dans le domaine de l’éducation. Les garanties nous paraissent suffisantes pour ne pas prendre la décision de ne plus accorder cette aide. Ce serait même contre-productif et nombre de nos partenaires le comprennent.

En ce qui concerne l’aide européenne, nous avons regretté la confusion d’hier soir dans les prises de position au sein de la Commission, exprimées sans concertation même au sein du collège des commissaires, avec une série de propositions qui ont été précisées par la suite. Il n’y a pas non plus lieu de suspendre cette aide, qui obéit à des procédures tout à fait strictes. Nous pourrons vérifier précisément une nouvelle fois ce qu’il en est.

S’agissant de l’Ukraine, les vingt-sept étaient exceptionnellement réunis lundi dernier en Conseil des affaires étrangères à Kiev. Ils ont réaffirmé leur soutien militaire, économique et diplomatique, envisagé des mesures pour aider l’Ukraine à passer l’hiver et examiné les meilleurs moyens de demeurer aux côtés de ce pays, sur le plan militaire mais pas seulement, dans une guerre sans doute appelée à durer. Sur le terrain, je ne vous apprends rien en vous disant que la contre-offensive est difficile mais se traduit par des progrès, tandis que la Russie n’a pas atteint ses objectifs stratégiques et ne progresse plus. La Russie devra s’interroger sur cet échec stratégique.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Le groupe Horizons et apparentés se réjouit du fait que ce budget confirme l’engagement de la précédente loi de finances. Les crédits supplémentaires alloués à la mission Action extérieure de l’État sont bienvenus pour faire face à la montée des tensions internationales depuis le début de la guerre en Ukraine.

Pour nos compatriotes résidant hors de France, les dangers se multiplient ; ils doivent pouvoir compter sur notre diplomatie et notre réactivité en cas de crise. Je salue les agents du centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui informent, rassurent et orientent nos ressortissants vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant les crises majeures. C’est en partie grâce à eux que des aides d’urgence ont pu être apportées, par exemple lors des séismes en Turquie et en Syrie ; ils s’occupent de l’acheminement de matériel médical vers l’Arménie face au nettoyage ethnique en cours au Haut-Karabagh ; ils ont permis les évacuations depuis le Niger ou le Soudan, avec l’appui des armées ; ils apportent leur soutien après les actes terroristes abominables qui ont frappé Israël.

Face à cette multiplication des crises, quelles évolutions peut-on attendre pour le centre de crise et de soutien en 2024 ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Merci des mots que vous avez eus pour ces agents. Leur activité a été intense cette année. Les moyens destinés à la protection de nos communautés expatriées sont en augmentation de 5 millions d’euros. Le centre de crise et de soutien sera sans doute fort sollicité à nouveau dans les mois et les années à venir. Il travaille de façon admirable et avec une grande réactivité, dans des situations parfois dangereuses. Ainsi, dès demain, des agents seront déployés à Jérusalem et à Tel-Aviv. Ce service est relativement modeste, puisqu’il compte 104 agents, en grande majorité chargés de la sécurité de nos compatriotes. Au-delà du budget propre du centre, nous avons créé puis augmenté une provision pour crise, qui se révèle utile et efficace ; elle nous permet de réagir très vite.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Mes pensées se dirigent vers les familles et les proches des victimes en Israël et dans la bande de Gaza. La paix n’est pas une option, c’est une impérieuse nécessité et notre diplomatie doit être à la hauteur de cette urgence. Le président de la République a exprimé le 16 mars dernier devant les états généraux de la diplomatie le souhait d’un réarmement complet de notre diplomatie. Dans ces discussions budgétaires, nous devons nous assurer que ce vœu se traduise dans des actions concrètes.

Avec la hausse des crédits nous avançons dans la bonne direction, mais nous devons aller plus loin. Ces augmentations font notamment suite à une longue grève menée par les diplomates, dans un contexte de démantèlement du ministère chargé des affaires étrangères, qui a perdu en trente ans la moitié de ses effectifs. Nous sommes donc encore bien loin du compte.

Alors que la guerre fait rage en Ukraine et que le Moyen-Orient s’enflamme à nouveau, les nations se réarment. Nous, écologistes, sommes partisans d’une stratégie d’équilibre : ouvrir d’importants crédits à nos armées – c’est nécessaire – sans en faire de même pour le Quai d’Orsay, c’est éloigner les perspectives de la paix. L’actualité nous rappelle les défis auxquels notre diplomatie est confrontée, notamment en Afrique où la désinformation et les narratifs antifrançais gagnent toujours davantage de terrain. Les coups d’État au Niger et au Gabon ont non seulement déstabilisé ces pays mais poussé la France à faire évoluer ses positions militaires sur le continent africain.

Il est légitime de s’interroger : si le Quai d’Orsay avait été doté de moyens plus conséquents au cours de la dernière décennie, aurions-nous pu jouer un rôle plus actif pour prévenir ces crises, en Afrique comme aux frontières Est de l’Europe ? Aurions-nous pu anticiper et peut-être atténuer les impacts des bouleversements politiques ? Alors que la désinformation joue un rôle crucial dans la déstabilisation des nations, il est impératif que notre diplomatie soit équipée pour contrer efficacement ces menaces. De quelles manières les crédits de la mission seront-ils mis au service de cet objectif ?

L’heure est grave et nos responsabilités sont immenses. Nous avons besoin d’une diplomatie robuste, agile et résolument tournée vers l’avenir, capable de répondre aux défis d’un monde en mutation.

Mme Catherine Colonna, ministre. Il serait erroné de parler de démantèlement de l’outil diplomatique alors que nous sommes en train d’augmenter fortement ses moyens. J’utilise volontiers le mot de réarmement, justement parce qu’il s’oppose au concept que vous avez utilisé. L’augmentation des moyens humains et budgétaires n’a rien de rhétorique : elle permet plus de sécurité, plus de communication stratégique, plus de capacité d’influence, plus d’aides, plus de capacités à gérer des crises. L’effort sur l’aide publique au développement est constant puisque celle-ci a crû de 50 % depuis 2017. Aurions-nous pu empêcher les désordres du monde ? J’aimerais le croire mais je me contenterai d’espérer que notre rôle peut être bénéfique.

Nous ne cessons d’appeler votre attention sur la communication stratégique car la désinformation et les manipulations masquent souvent une tentative d’atteinte au modèle démocratique lui-même. Ce sont des enjeux importants, sur lesquels nous pouvons nous réunir.

Nous avons beaucoup renforcé la direction de la presse et de la communication en 2022, puis en 2023. Avec 118 agents en administration centrale et un réseau de 480 personnes dans nos ambassades, cette direction pilote nos moyens de communication. France diplomatie s’exprime en six langues depuis Paris et cinquante depuis nos ambassades. Au total, nous avons 16 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux et une centaine de millions de visites par an sur les sites du ministère et de nos ambassades. Nous continuerons à renforcer ces moyens en personnel et en actions.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Madame la ministre, nous avons des échos de problèmes de ressources humaines tant dans votre ministère qu’à l’AFD, les syndicats nous faisant remonter des problèmes de management. Le budget que vous nous présentez permettra-t-il d’améliorer les conditions de travail des salariés ?

La diplomatie, c’est la prévention, la science de l’anticipation pour prévenir le déclenchement de guerres et pour régler les conflits avant qu’ils ne dégénèrent. Je me demande si ce budget vous le permet, même si nous reconnaissons qu’il est en progression.

Les derniers événements en Israël et dans la bande de Gaza ont fait de nombreuses victimes. J’ai passé des années dans cette commission à alerter sur la situation dans cette région. La dernière fois que nous avons abordé ce sujet, c’était après l’opération Plomb durci – comme s’il fallait attendre qu’il y ait des victimes pour que nous en discutions. D’autres conflits méritent aussi l’attention de notre commission mais il semble que la diplomatie des affaires s’accommode mal du débat sur ce sujet. Or la confrontation d’idées a du sens et pourrait même, qui sait, aboutir à un dispositif de paix ou à une proposition d’amélioration. J’espère que votre budget vous permettra d’enclencher cette dynamique.

Mme Catherine Colonna, ministre. Nous sommes en dialogue régulier avec les syndicats au ministère ; je ne me prononcerai pas sur l’AFD, dont je connais moins le fonctionnement interne. Les moyens supplémentaires dont nous disposons dans le cadre d’un plan pluriannuel permettront d’aider les agents au quotidien, aussi bien à l’étranger qu’à Paris. En 2023, nous avons renforcé les directions les plus sollicitées grâce à des créations d’emplois : les premières depuis trente ans. J’ai évoqué les conditions de vie, de transport, de logement et de scolarisation des enfants pour ceux de nos agents qui vivent à l’étranger. Nous avons également renforcé des chancelleries politiques.

Il est essentiel d’augmenter nos capacités d’anticipation et d’analyse : je vous rejoins sur ce sujet. C’est pourquoi ces moyens humains nous étaient indispensables. Cela peut-il contribuer à la paix dans le monde ? Je veux le croire. En tout cas, notre mission est bien, en effet, d’apaiser les tensions, voire d’aider à faire la paix.

Je ne peux pas vous suivre totalement lorsque vous dites qu’on ne parle du Proche-Orient qu’en cas de crises ou de drames : il m’est arrivé d’en parler devant vous. Toutefois, je prends votre rappel de l’exigence de lucidité comme un signe positif.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Notre groupe salue la hausse du budget du ministère et de l’action extérieure de l’État.

Madame la ministre, que fait votre ministère pour Mayotte, seul territoire français habité revendiqué par un voisin ouvertement hostile ? Que faites-vous pour faire plier les Comores ? Que faites-vous pour faire reconnaître Mayotte comme française par la communauté internationale ? Votre inertie nous indigne.

Lors de son discours aux Nations Unies, le mois dernier, le président Azali a encore une fois répété que Mayotte est comorienne, une hostilité claire : pas un mot du Quai d’Orsay.

Encore une fois, lors des Jeux des îles de l’océan indien, cet été, les athlètes mahorais n’ont pas eu le droit de défiler avec le drapeau tricolore, parce que les Comores s’y opposent. Comme des apatrides, nos athlètes ont arboré les couleurs des Jeux, avec un hymne ridicule à défaut de pouvoir chanter La Marseillaise : pas un mot du Quai d’Orsay.

Pendant l’opération Wuambushu, le président Azali a multiplié les interviews pour revendiquer Mayotte, pour contester au gouvernement français une opération de maintien de l’ordre sur son territoire et pour assumer son chantage migratoire en refusant de reprendre ses ressortissants en situation irrégulière : face à cette ingérence, pas un mot du Quai d’Orsay.

Je vous pose donc la question : qui ne dit mot consent ? Est-ce trop vous demander que de condamner enfin et sans ambages les propos du président Azali et d’exiger le respect de l’intégrité territoriale nationale ? Quand mobiliserez-vous vos services pour le respect des frontières de la République, à laquelle Mayotte appartient depuis 1841 ?

Vous êtes face à nous pour défendre le budget de votre ministère. Regardons donc comment vous dépensez cet argent pour financer un pays ouvertement hostile à la France. L’Agence française de développement annonce qu’elle a financé vingt-cinq projets aux Comores en engageant 150 millions d’euros sur dix ans, et 150 millions d’euros supplémentaires pour le récent plan de développement. Nous apprenons même que l’agence des Comores fait partie de la direction régionale océan indien de l’AFD, qui est chargée de la coopération régionale. De quelle coopération régionale voulez-vous parler ? De la Commission de l’océan indien (COI), financée par Paris mais sans Mayotte ?

Ces centaines de millions d’euros qui financent les Comores, en partie payés par les contribuables mahorais, sont une obscénité. Cet argent français aurait dû financer le territoire français de Mayotte, par exemple pour sa production en eau potable ou pour la piste longue. Les positions publiques d’Azali lors de l’opération Wuambushu le démontrent : cet argent n’a rien changé aux revendications comoriennes. Votre stratégie du carnet de chèques ne mène à rien. Le financement des Comores rappelle que, contrairement à vos déclarations, Paris soutient certains putschistes africains et leur déroule le tapis rouge. Dans le cas d’espèce, le président Azali, un général arrivé au pouvoir par un putsch en 1999, est reçu à l’Élysée.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nombre de questions que vous avez posées s’adressent plutôt au ministre chargé de l’outre-mer, qui a d’ailleurs répondu en partie au sujet de l’enjeu de l’eau.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Je n’ai pas posé de question sur l’eau, Monsieur le président ! C’était un constat ; mes questions s’adressent bien au Quai d’Orsay.

Mme Catherine Colonna, ministre. Mme la députée Youssouffa a l’habitude de critiquer la diplomatie française, en se montrant oublieuse de ce que celle-ci fait pour Mayotte et pour assurer sa place dans la République. Je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos, Madame la députée. D’autre part, je veux vous assurer qu’il n’y a pas de divergence de points de vue et d’action au sein du Gouvernement.

La place de Mayotte dans la République est défendue par tous les ministères et la diplomatie française y prend toute sa part, notamment aux Nations Unies, où nous évitons, année après année, depuis plus de trente ans, que soient présentées à l’Assemblée générale des résolutions qui la remettraient en cause. Je voudrais au moins que vous nous en fassiez crédit.

Nous le faisons aussi lorsque nous travaillons à réduire la pression migratoire en provenance des Comores. C’est mon ministère qui a négocié l’accord de 2019, lequel permet d’opérer davantage de reconduites vers les Comores.

C’est également mon ministère qui défend l’intégration régionale de Mayotte dans son environnement. Nous avons obtenu l’accord des Comores et des autres États membres de la Commission de l’océan indien pour associer Mayotte à plusieurs projets de la COI. Je pourrais continuer cette énumération et contester point après point tout ce que vous avez dit sur la diplomatie française.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions individuelles des autres députés.

Mme Éléonore Caroit (RE). Pour la deuxième année consécutive, le budget de votre ministère est en hausse : cette année, de 4,5 %, soit près de 300 millions d’euros. Cette augmentation permettra d’affecter 1 million d’euros à la création du pass éducation en langue française, promesse du président de la République. Je m’en réjouis car j’avais déposé un amendement en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2023. Le pass facilitera l’accès à l’enseignement de la langue française aux enfants français résidant à l’étranger. Pourriez-vous nous préciser quand il pourra être lancé et s’il sera piloté par l’AEFE ?

Par ailleurs, les moyens de nombreux consulats dans ma circonscription, comme au Chili ou en Colombie, sont insuffisants. Pourriez-vous nous indiquer si les augmentations budgétaires prévues se traduiront par davantage de moyens pour les consulats, et donc pour les Français d’Amérique latine et des Caraïbes ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Le pass éducation en langue française entrera en vigueur en 2024, si votre Assemblée approuve le projet de loi de finances. Il comportera une première phase d’expérimentation d’un dispositif d’apprentissage sous format numérique. Le pass s’adressera aux enfants inscrits au registre des Français établis hors de France mais non scolarisés dans un établissement français, qui ont donc potentiellement besoin d’être remis à niveau en français. Nous aurons le soutien de l’AEFE, du Centre national d’enseignement à distance (CNED) et du réseau Flam – Français langue maternelle –, qui est particulièrement utile et efficace.

Votre deuxième question portait sur les consulats. C’est très simple : oui, les moyens seront augmentés. Nous traitons de façon séparée la question des visas.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). La stagnation des crédits de la mission Aide publique au développement et le report à 2030 de l’atteinte de l’objectif de 0,7 % du RNB dédié à l’APD constituent un recul sans précédent, alors que la France a un rôle crucial à jouer pour la solidarité internationale. Les besoins n’ont jamais été aussi forts et le désengagement de l’APD française est une catastrophe pour les populations civiles.

La suspension de l’APD bilatérale française pour le Mali, le Burkina Faso et le Niger risque ainsi de précariser encore plus des populations particulièrement fragiles. Lors de mes auditions de rapporteure pour avis sur les crédits de l’APD, plusieurs acteurs m’ont alertée sur le recul des indicateurs de santé au Niger. Cette décision, qui n’influera pas sur le choix des élites au pouvoir, risque en revanche d’accroître l’hostilité d’une partie des sociétés civiles de ces pays à l’égard de la France et de défaire des années de travail des ONG, des associations et de l’AFD. La boussole de notre APD doit être le développement et la protection des biens communs.

Madame la ministre, garantissez-vous solennellement que notre aide publique au développement, qu’elle passe par les canaux bilatéraux, européens ou multilatéraux, sera maintenue et allouée selon les besoins des populations ? Il y a une nuance entre financer des putschistes, pour reprendre vos propos, et suspendre toute l’APD.

Mme Catherine Colonna, ministre. L’aide publique au développement a énormément progressé depuis 2017 : 50 % d’augmentation en cinq ans, c’est tout à fait considérable ! Cette progression tient également à une diminution des dépenses, puisque nous avons rattrapé les 70 millions d’euros d’arriérés du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, ainsi que 20 millions d’euros par ailleurs.

Concernant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, nous maintenons l’aide humanitaire, qui passe par le canal des ONG. En revanche, pour le reste, nous n’envisageons pas de maintenir l’aide à des régimes qui utilisent fort mal l’assistance qui peut leur être donnée soit par leurs partenaires, soit par les institutions financières internationales. Le Mali, qui a apporté une aide aux putschistes du Niger, en est un exemple patent.

Mme Béatrice Piron (RE). L’actualité de ces derniers mois nous rappelle l’importance cruciale de l’audiovisuel extérieur de la France. Nos journalistes, qui risquent leur vie pour nous tenir informés, doivent bénéficier d’une plus grande considération et d’une protection renforcée. De plus, ces médias luttent activement contre la désinformation et tentent d’assurer au maximum une continuité d’information trop souvent menacée par des coupures d’ondes dans ces zones géographiques ébranlées politiquement.

Il est de notre devoir d’augmenter nos efforts budgétaires, afin d’assurer l’équilibre, la continuité et la fiabilité de cette information internationale. Le ministère chargé des affaires étrangères consacre une partie du budget de l’audiovisuel extérieur de la France au financement de divers projets audiovisuels locaux. Comment pérenniser et améliorer ce mode de financement indispensable à ces projets de proximité ? Envisagez-vous de simplifier les procédures d’appel à projets pour faciliter l’accès à ce financement ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Il est indispensable que nos médias extérieurs conservent leur indépendance dans un contexte de concurrence brutale des pensées, je dirais même des visions du monde, s’éloignant bien souvent des valeurs démocratiques que nous défendons. La guerre informationnelle se joue à l’échelle mondiale ; il est important, à ce titre, de maintenir un bon niveau de capacité d’action, notamment pour France Médias Monde. Tel est le cas : après une dotation de 263 millions d’euros en 2023, ce groupe recevra 274 millions d’euros en 2024. Cela permet de financer des projets locaux tels que le hub que nous avons ouvert à Bucarest avec Radio France internationale (RFI), qui permet à des journalistes ukrainiens de diffuser dans la zone une information de qualité, ou encore le projet Afri’Kibaaru, qui diffuse en langue sahélienne.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). De 2006 à 2015, la France a financé une station d’épuration dans le Nord de la bande de Gaza à hauteur de 16 millions d’euros. Depuis 2022, notre pays subventionne le réseau de distribution d’eau à partir de l’usine de dessalement de la bande de Gaza à hauteur de 10 millions d’euros. En 2019, le chef du Hamas dans la bande de Gaza a expliqué avoir à sa disposition « assez de tuyaux pour fabriquer des roquettes pour les dix prochaines années ». Il s’agit de tuyaux de distribution d’eau, comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement à Sdérot, où les roquettes envoyées depuis Gaza sur les civils israéliens étaient exposées.

Pouvez-vous nous donner la garantie que les 26 millions d’euros donnés par la France à Gaza pour améliorer la distribution d’eau à la population gazaouie n’ont pas servi à envoyer des roquettes sur Israël ? Alors que la première ministre refuse de suspendre l’aide au développement à la Palestine, et donc à Gaza, quels moyens avez-vous de vous assurer que l’argent du contribuable français ne financera pas, demain, l’armement des terroristes du Hamas ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Personne ne peut contester le fait que fournir de l’eau aux Palestiniens est une action utile. Je ne peux pas imaginer que vous pensiez qu’il faut les priver d’eau. Quant au fond du sujet, ce n’est pas la première ministre qui refuse ; je vous rappelle que le président de la République s’est exprimé et que nous nous sommes réunis dans un format européen sur ce sujet.

Nous souhaitons vérifier si toutes les procédures destinées à garantir que ce genre de choses ne se produit pas sont bien observées. Si elles devaient ne pas l’être, nous en tirerions les conséquences. Cela s’appelle une revue et c’est ce qui sera fait par la Commission européenne pour ce qui la concerne.

Nos procédures, à ma connaissance, sont suffisamment précises pour nous offrir des garanties.

M. Lionel Vuibert (RE). Le 31 août dernier, le Gouvernement a lancé le programme Osez l’export !, doté de 125 millions d’euros. Il vise à passer de 150 000 entreprises françaises exportatrices à 200 000 d’ici 2030, ce qui me paraît excellent. Ce plan se décline en treize mesures portant sur la formation, la communication et la promotion du savoir-faire français. Il s’agit de miser sur les nouveaux marchés de croissance, à la fois sur le plan marketing et sur le plan des zones géographiques. Entendez-vous amplifier ce plan dans le cadre du PLF pour 2024 ? Faut-il au contraire prévoir des inflexions ?

Mme Catherine Colonna, ministre. Olivier Becht vient de présenter ce plan, qui s’inscrit dans une trajectoire allant jusqu’à 2030. Je ne prévois pas de le modifier quelques semaines après sa présentation mais, si tout se passe comme nous le souhaitons, il faudra peut-être renforcer les mesures destinées à augmenter le nombre d’entreprises françaises exportatrices, insuffisantes si l’on compare avec d’autres pays.

Quatre priorités ont été définies pour aider les entreprises françaises : un renforcement de la visibilité et de la lisibilité des dispositifs publics de soutien et d’aide ; le maintien d’une information de qualité sur les marchés extérieurs ; une meilleure offre de formation en direction des petites et moyennes entreprises (PME) et des établissements de taille intermédiaire (ETI) ; le développement de services numériques. Nous sommes sûrs que ce plan donnera de bons résultats. Nous verrons ensuite s’il faut le faire progresser.

M. Jérôme Buisson (RN). Le commissaire européen à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage, Olivér Várhelyi, a annoncé hier vouloir suspendre le versement des 691 millions d’euros d’aide publique au développement que verse l’Union européenne à la Palestine, avant de reculer face au refus de plusieurs pays membres. Il a non seulement demandé la suspension des versements mais aussi que les projets financés soient réétudiés. Au regard de la confusion provoquée par ses déclarations, le doute est désormais permis et vos affirmations, Madame la ministre, ne suffisent pas à assurer une plus grande transparence dans l’attribution de l’aide au développement de l’Union européenne. Il est primordial que les peuples des États membres soient assurés que leur argent ne finance pas les organisations terroristes.

Mme Catherine Colonna, ministre. Nous nous rejoignons sur cet objectif. Je précise toutefois que si le commissaire a modifié sa déclaration, cela tient non pas à l’opposition des États membres mais au fait qu’il n’en avait informé ni le collège des commissaires, ni la présidente de la Commission. Je ne suis d’ailleurs pas certaine qu’il était dans ses pouvoirs de décider d’une telle suspension. La situation a été clarifiée hier soir, après un moment tout à fait inutile de flottement et d’interrogations.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, Madame la ministre, d’avoir répondu à toutes les questions, rapidement, fortement et sans biaiser. Vous avez eu la partie heureuse de défendre un budget dynamique mais c’est l’aboutissement public de l’action de longue haleine que vous avez entreprise au sein de votre ministère.


—  1  —

 

II.   PrÉsentation de l’avis devant la commission des affaires EtrangÈres et examen des crÉdits

Au cours de sa réunion du mercredi 18 octobre 2023, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous poursuivons l’examen de nos différents avis budgétaires sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Ce matin, nous nous prononcerons sur deux missions budgétaires, la mission Action extérieure de l’État, cœur de cible de nos travaux et objet de deux avis budgétaires, puis la mission Immigration, asile et intégration. La mission Action extérieure de l’État fera l’objet d’une discussion globale, après la présentation de nos deux rapporteurs pour avis, MM. Vincent Seitlinger et Frédéric Petit.

Examen pour avis et vote des crédits de la mission Action extérieure de l’Etat : Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires - Diplomatie culturelle et d’influence – Francophonie (MM. Vincent Seitlinger et Frédéric Petit, rapporteurs pour avis)

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les deux premiers avis budgétaires inscrits à notre ordre du jour portent sur la mission Action extérieure de l’État, sur le rapport de MM. Vincent Seitlinger et Frédéric Petit.

Les crédits de la mission Action extérieure de l’État s’élèvent à 3,5 milliards d’euros, en hausse de 9 %. Parmi les points saillants dont nous avons débattu avec la ministre Catherine Colonna, lors de son audition, figure notamment la création nette de 165 équivalents temps plein (ETP) pour répondre aux besoins prioritaires : présence dans l’Indopacifique, capacité d’analyse politique dans les postes sensibles, sécurisation des emprises diplomatiques, cybersécurité, etc. Il s’agit d’une confirmation de l’inversion de tendance amorcée l’an passé, que je qualifierai plutôt de « remise à niveau » que de « réarmement » de notre diplomatie.

M. Vincent Seitlinger a décidé d’insister plus particulièrement sur les opérations d’évacuation et de gestion des situations de crise, en s’appuyant sur les cas récents : Afghanistan, Soudan et Niger. L’action du centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d’Orsay sera au cœur de son analyse.

M. Frédéric Petit a quant à lui porté son attention sur l’action culturelle et la coopération françaises en Algérie, un sujet sensible et fondamental.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis (Action de la France en Europe et dans le monde ; Français à l’étranger et affaires consulaires). Nous examinons, pour avis, les crédits des programmes 105, Action de la France en Europe et dans le monde, et 151, Français à l’étranger et affaires consulaires de la mission Action extérieure de l’État.

Les crédits de ces deux programmes regroupent les moyens de fonctionnement, numériques, d’investissement et de sécurité, les moyens d’intervention du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ainsi que les crédits relatifs aux actions consulaires. Ces programmes représentent, avec le programme 185, Diplomatie culturelle et d’influence, l’essentiel des moyens octroyés au Quai d’Orsay pour assurer la mise en œuvre de ses missions.

En 2024, le budget du ministère de l’Europe et des affaires étrangères atteindra 6,764 milliards d’euros en crédits de paiement, hors pensions, soit une hausse de 293 millions – 4,5 % – par rapport à la loi de finances pour 2023. Ce budget est également marqué par une hausse des effectifs, avec 165 nouveaux ETP, qui s’ajoutent aux 100 ETP créés lors du dernier exercice : c’est un fait notable pour un ministère qui, depuis trente ans, voyait ses effectifs baisser. Comme le président Bourlanges l’a souligné lors de l’audition de la ministre, le Quai d’Orsay était vraiment « au-delà de l’os » en matière de ressources humaines.

Le PLF pour 2024 s’inscrit ainsi dans le sillage des annonces faites par le président de la République en clôture des états-généraux de la diplomatie, le 16 mars 2023, qui visent un « réarmement » de notre diplomatie d’ici à 2027, avec la création de 700 ETP et une hausse des crédits de 20 %. Ces moyens nouveaux pour notre outil diplomatique, que beaucoup considèrent en crise profonde, à l’intérieur comme à l’extérieur du Quai d’Orsay, apparaissent comme une nécessité à une époque où les tensions à l’échelle mondiale ne cessent de se multiplier et de s’intensifier.

Cependant, c’est de l’allocation de ces moyens nouveaux que dépendra le renouveau effectif de notre diplomatie. Des priorités fixées pour le pilotage du ministère et de son réseau dépendront le renforcement de la place de la France dans le concert des nations et l’affermissement de notre capacité d’action. Si je salue la hausse des moyens humains et financiers dédiés au Quai d’Orsay pour 2024, j’appelle néanmoins à la plus grande vigilance sur leur utilisation, afin que la volonté politique affichée ne soit pas un vœu pieux mais qu’elle devienne un réel outil au service du renforcement de l’action extérieure de notre pays.

À mes yeux, l’allocation imprécise de ces nouvelles ressources, notamment des 165 ETP supplémentaires, constitue un motif d’inquiétude. Pour l’heure, on m’a seulement indiqué que ces ressources viendraient soutenir les priorités érigées par le président de la République. En conséquence, je m’abstiendrai sur le vote de ces crédits et j’appelle la commission à en suivre l’exécution avec la plus grande attention.

Pour illustrer combien il importe de garantir à notre diplomatie les moyens d’agir dans un environnement international de plus en plus dégradé – avec la guerre en Ukraine, la situation en Afrique sahélienne et les évènements dramatiques qui se déroulent au Proche‑Orient –, j’ai fait le choix de consacrer la partie thématique de mes travaux aux actions de notre outil diplomatique dans les situations d’urgence, plus particulièrement aux opérations d’évacuation de nos ressortissants qui se sont multipliées ces dernières années : en Afghanistan en 2021, en Ukraine en 2022, au Soudan et au Niger en 2023, et, ces derniers, jours en Israël.

La France dispose en la matière d’un savoir‑faire et d’une capacité d’action reconnus par tous, qui la placent souvent en première ligne pour mener à bien ces missions périlleuses au service de nos ressortissants mais aussi au bénéfice des ressortissants d’autres États partenaires. Pour y parvenir, la France peut compter sur des moyens militaires et civils, ainsi que sur des agents aguerris et dévoués disposant d’une réelle expertise. Je pense notamment aux équipes qui étaient en poste dans les pays concernés, ainsi qu’aux agents du centre de crise et de soutien, qui est actif 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Lorsqu’une crise survient à l’étranger – qu’elle soit sécuritaire, climatique, humanitaire, politique ou sanitaire –, ils assurent la protection de nos ressortissants.

Je présente dans mon rapport la mise en œuvre opérationnelle des évacuations et je fais un bilan des dernières opérations, attestant de l’expertise de notre pays en la matière et soulignant aussi parfois, en creux, le faible investissement de nos partenaires, notamment européens. Je reviens également sur les difficultés rencontrées dans ces moments critiques, notamment sur le fait que nombre de nos ressortissants ne sont pas inscrits au registre des Français établis hors de France, qui est pourtant un outil essentiel lorsque survient une crise. J’aborde enfin la question de la formation et de l’accompagnement professionnel, indemnitaire et psychologique des agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères face à ces situations de crise. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur la préparation, la gestion et le coût de ces opérations d’urgence, qui font partie depuis longtemps de la culture du Quai d’Orsay et qui y occupent une place prééminente. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères reste bien le ministère des crises.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis (Diplomatie culturelle et d’influence ; Francophonie). Je vais vous présenter, pour la septième fois, un rapport sur le programme Diplomatie culturelle et d’influence. À cet intitulé, je préfère l’expression « diplomatie des sociétés civiles » ou « diplomatie non institutionnelle ». Je ferai quatre remarques : deux sur la partie générale et deux sur la partie thématique.

Tout d’abord, nous avons là un bon budget. Les moyens de cette diplomatie ont augmenté depuis 2017, notamment ceux de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), mais la hausse de cette année – 62 millions d’euros, hors personnels – est vraiment considérable. C’est la première fois que je vois une telle hausse et l’on sent que la répartition des crédits entre les différentes actions a vraiment été bien pensée.

Par ailleurs, l’administration diplomatique poursuit sa mue et sort de la logique des silos. J’avais présenté des rapports très critiques sur ce que j’appelais la « diplomatie du dessert » ou la « diplomatie qu’on fait quand on a le temps », se caractérisant par des actions très éclatées et incontrôlables. Or il y a eu une vraie évolution de ce point de vue : désormais, les outils diplomatiques procèdent d’une même volonté et témoignent de la cohérence de notre action à l’extérieur. J’appelle votre attention sur le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI), un outil budgétaire transversal très performant que nos ambassades utilisent beaucoup et qui permet de sortir des silos de notre administration publique un peu rigide.

J’en viens à la partie thématique. Si j’ai choisi d’aller en Algérie – dans le prolongement de mes missions au Liban, en Israël et en Palestine –, c’était pour réfléchir à la notion de « guerre des mémoires », que je n’aime pas. Il y a des confrontations, des choses à régler entre les mémoires, mais je crois que c’est une erreur de parler de guerre à propos d’actions qui visent à la dépasser. La commission mixte d’historiens français et algériens sera un outil utile pour apaiser les tensions mais elle ne va pas révolutionner la connaissance scientifique de l’histoire de la colonisation et de la décolonisation. Des historiens ont déjà fait ce travail scientifique : des Français, des Algériens, des Franco-Algériens, mais aussi des historiens d’autres nationalités. L’intérêt de cette commission mixte est diplomatique et pas scientifique.

J’aimerais par ailleurs revenir sur la place de la langue française en Algérie. Ce que je peux vous dire, c’est qu’on a soif de français en Algérie. Toutes les personnes que j’ai rencontrées, qui avaient des statuts et des histoires très différents, m’ont dit que l’Algérie resterait quadrilingue – avec le darja, l’arabe, le tamazight et le français –, que cela fait partie de leur manière de vivre. Au lycée français d’Alger, il y a une place pour soixante-dix demandes. Les mesures étatiques prises pour essayer de sortir du français ne me font pas peur. Il faut que nous nous battions avec des outils diplomatiques culturels – que l’on peut aussi qualifier de « soft » ou de « non-étatiques » –, sous les radars, en veillant à ne pas recréer de conflit. Il est inutile de publier des tribunes pour dire que l’État algérien se trompe. La diplomatie dont je parle relève de la société civile. Il faut travailler avec elle et non chercher à toute force à s’opposer à des mesures officielles qui, de toute façon, n’atteindront pas leur but.

Je voudrais saluer la très grande capacité d’adaptation et d’évolution de notre personnel diplomatique. Si l’on est sorti des silos, c’est parce que nos agents ont su changer leur manière de travailler et se remettre en question. À Alger, un chef de poste m’a dit qu’il mettait au-dessus de la pile les dossiers relatifs au lycée français et aux bourses André Mandouze, parce qu’il les considère comme prioritaires.

Parce que nombre d’amendements déposés ce matin portent sur les lycées français à l’étranger, je vous rappelle qu’à de rares exceptions près, qui tiennent à des raisons historiques, ils ne sont pas gérés par l’État français mais sont avant tout des institutions de droit local. Ce qui fait un lycée français à l’étranger, c’est un agrément, une homologation de l’Éducation nationale française. Le fait que nous gérions soixante de ces lycées de façon centralisée à Paris n’a rien à voir avec l’avenir de ce réseau de 580 lycées, dont l’immense majorité relève d’une gestion locale. L’État n’intervient que par l’envoi de personnel pour les développer, les aider et contrôler l’excellence de ce qui y est enseigné, en particulier la langue française.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je vous remercie, messieurs les rapporteurs pour avis. La parole est à présent aux orateurs des groupes.

M. Vincent Ledoux (RE). Je n’ai pas cessé de dire, lorsque j’étais rapporteur spécial de la commission des finances sur ces questions, que l’outil diplomatique était à l’os. Désormais, nous sommes plutôt dans une phase ascendante, avec des investissements dans tous les domaines : ressources humaines, immobilier, contributions internationales, plans d’urgence, etc. L’enjeu a été défini par le président de la République : il ne s’agit pas de rebâtir ou d’être « au service d’une nostalgie », mais de se donner les moyens d’une action nouvelle, ce qui implique une adaptation de l’outil diplomatique. La réforme du corps diplomatique, qui faisait un peu figure d’épouvantail il y a quelques mois, est entrée dans les mœurs et une large majorité de diplomates ont fait le choix de rejoindre le nouveau corps interministériel sans que cela affaiblisse leur lien au ministère.

Monsieur Seitlinger, vous soulignez dans votre rapport l’importance du CDCS, qui s’est illustré à plusieurs reprises. Vous évoquez également le mécanisme européen de protection civile, qui permet une prise en charge partielle par l’Union européenne. Lors de contrôles budgétaires réalisés à l’occasion de la crise sanitaire, j’avais constaté des difficultés ponctuelles pour valider les remboursements par la Commission européenne, qui exige des parts minimales de ressortissants des autres États. Avez-vous observé le même type de difficulté ? Les critères actuels mériteraient-ils d’être revus ?

Monsieur Petit, comment renforcer la mobilité étudiante en direction de la France, qui achoppe parfois sur la politique des visas ? Par ailleurs, comment booster la création d’écoles nouvelles à l’étranger tout en garantissant l’excellence française ?

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Les représentants du ministère que nous avons auditionnés n’ont pas fait état de difficultés de cet ordre : lors des dernières opérations d’évacuation, au Niger ou au Soudan, le nombre de ressortissants d’autres pays était respecté. Le seul bémol, c’est que nos partenaires européens ne sont pas aussi engagés que nous dans ce genre d’opérations d’évacuation.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les hausses de crédits concernent aussi les programmes budgétaires de la mission Aide publique au développement, ainsi que le compte d’affectation spéciale 723, Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État : lors de nos déplacements, nous voyons que les ambassades font l’objet d’investissements.

Le Gouvernement soutient deux politiques publiques qui peuvent sembler contradictoires : l’une vise à faire passer de 400 000 à 500 000 le nombre d’étudiants étrangers en France ; l’autre vise à éviter l’utilisation détournée des visas étudiants. Il peut arriver que deux politiques publiques soient difficiles à harmoniser mais ce qui me choque, c’est que la décision finale revienne finalement à la personne qui est derrière le guichet, à Marrakech ou au Soudan. Je me bats pour que la conciliation de ces deux politiques publiques soit coordonnée au plus haut niveau et que des consignes claires soient données à nos agents.

Pour booster les écoles françaises à l’étranger, l’agence a enfin défini onze pays prioritaires. L’essentiel est de trouver les partenaires locaux capables de promouvoir les projets : communauté française, entreprises, lycées locaux. Le lycée français de Tel-Aviv est un lycée de droit israélien, qui accueille une filière homologuée par le ministère français.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Le Rassemblement national salue l’augmentation des crédits alloués à l’action diplomatique de la France dans le monde, même si cette hausse, de 4,5 %, doit être relativisée du fait d’une inflation estimée par la Banque de France à 2,8 %.

Une partie de ces augmentations pourrait être mieux ventilée, en particulier celles concernant les contributions de notre pays au mécanisme de facilité européenne pour la paix. Nous sommes opposés au transfert de souveraineté à l’Union européenne dans les domaines constitutifs de notre État et de notre identité que sont la politique étrangère et la défense nationale. Les échecs des tentatives d’établissement d’une politique européenne de défense ou d’une politique étrangère commune ne sont que les conséquences d’un fait universel : les nations ont des intérêts qui leur sont propres.

Ces crédits pourraient financer les actions diplomatiques menées par la France en son nom. En effet, la décrédibilisation et la montée d’un sentiment antifrançais, en particulier en Afrique, ont souligné la nécessité de renforcer nos actions diplomatiques, ainsi que la promotion du français et de notre culture. La francophonie est un atout dont la France s’est détournée. Elle est l’expression de notre culture mais aussi une arme économique que l’on n’a pas voulu développer. Nous militons par ailleurs pour la création d’une union francophone fondée sur des partenariats égalitaires, économiques et culturels.

Le projet de loi indique que les crédits supplémentaires sont destinés en priorité au renforcement du réseau culturel, principalement en Afrique et en Indopacifique, avec pour objectif de promouvoir la francophonie et particulièrement le développement de l’apprentissage du français. Ce modèle d’intervention de la France à l’étranger, fondé sur l’échange et la coopération culturelle et scientifique, nous paraît être un bon levier pour conserver et développer l’influence de la France dans le monde.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous considérons comme nécessaire de mettre notre diplomatie au cœur de notre action internationale, nous serons particulièrement attentifs au débat qui s’ouvre.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. La montée en charge du mécanisme de facilité européenne pour la paix est due à la guerre en Ukraine et au soutien de l’Union européenne aux Ukrainiens. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il importe de soutenir l’Ukraine dans cette guerre.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je remarque que vous saluez des hausses de crédits que vos amendements tendent à détruire.

Je suis surpris de vos remarques car ce budget soutient l’Organisation internationale de la francophonie. Celle-ci fait déjà de la coopération économique et scientifique ; elle fonctionne bien et a sa propre agence universitaire, qui est présente non seulement dans les pays d’Afrique mais aussi dans tous les pays d’Europe.

Je rappelle par ailleurs que la francophonie, ce n’est pas la France, mais ceux qui parlent français. La chaîne TV5 Monde n’est pas gérée par le gouvernement français mais par l’ensemble des pays francophones. Dans un très beau discours prononcé à Ouagadougou en 2017, le président de la République a rappelé que la francophonie, c’est le plurilinguisme. Dans ma circonscription, des enfants et des collègues parlent deux ou trois langues et je considère que c’est une force. L’esprit de la francophonie, c’est de sortir du côté colonialiste pour aller vers le coopératif.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). La diplomatie française a longtemps été le parent pauvre des budgets successifs : moyens réduits à peau de chagrin, fermeture de consulats et dégradation continue des services aux Français de l’étranger, détricotage continu du tissu diplomatique et influence décroissante de la France à l’international, à mesure qu’elle se fourvoyait, à nos yeux, dans sa politique étrangère et renonçait au non-alignement.

La progression des crédits alloués à l’action extérieure de la France, actée par l’Exécutif pour les années à venir, est donc une bonne nouvelle – à relativiser au regard de l’inflation –, même si les montants en hausse ne compenseront pas trente années d’abandon. Rappelons les faits, qui sont terribles : diminution continue du budget de fonctionnement et suppression de 50 % de l’effectif du ministère. Dès lors, l’effectif destiné à l’action extérieure de l’État ne fait que retrouver son niveau de 2015 et, surtout, s’accompagne d’un coup terrible : la suppression du corps diplomatique. La France deviendra donc, en 2024, le seul pays du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sans diplomatie de métier.

Les indicateurs de ce PLF montrent également l’insuffisance des moyens des consulats. En cinq ans, le délai de traitement des demandes de passeport a été multiplié par deux, tandis que le nombre des demandes de visas de court séjour a été multiplié par quatre.

Enfin, on constate une surpolitisation inquiétante de la diplomatie culturelle. Comme pour l’aide publique au développement (APD), les milieux culturels semblent soumis aux alliances de circonstance de la France. Dernièrement, les artistes du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont été menacés de boycott, à cause du pays figurant sur leur passeport. C’est un coup immense porté à l’image de la France dans la région, qui risque de façonner durablement la perception de nos relations pour les années à venir. Compte tenu de ces éléments, nous voterons contre ces crédits, à moins de voir nos amendements acceptés.

Monsieur Seitlinger, le centre de crise et de soutien est souvent pris en exemple pour ses opérations d’évacuation mais, alors que les crises sont amenées à se multiplier en raison des conflits et du changement climatique, et que les crédits qui lui sont alloués ne cessent d’augmenter, ce modèle est-il soutenable à long terme ?

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. S’agissant des ressources humaines du Quai d’Orsay, la création de 165 ETP représente un effort considérable. Il est encore difficile de mesurer l’incidence de la suppression du corps diplomatique. Il faudra attendre quelques années pour l’apprécier.

Il y a une vraie volonté de réduire les délais de traitement des demandes de visas : une cellule d’appui a été créée au ministère pour soutenir les postes les plus en difficulté.

Il est vrai que le CDCS connaît depuis quelques mois une montée en charge qui pourrait malheureusement s’accentuer dans les prochains mois mais les choses se passent relativement bien. En cas de crise majeure, des appels sont lancés au sein du ministère et des personnes se portent volontaires pour rejoindre le CDCS de façon ponctuelle.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Supprimer un corps ne veut pas dire que l’on supprime un métier. Du reste, 70 % des diplomates ont choisi de passer à la nouvelle formule : c’est donc qu’ils l’ont acceptée.

Je suis choqué par vos propos au sujet des artistes maliens : ce que vous dites est faux et il n’y a eu aucune restriction de cet ordre. Si certains artistes n’ont pas obtenu de visa, c’est parce qu’on ne peut pas en délivrer quand l’ambassade de France est caillassée et qu’on lui coupe l’eau. Les artistes maliens sont toujours bien accueillis. Je suis désolé de vous le dire mais c’est vous qui portez un coup à la France par de telles affirmations.

M. Michel Herbillon (LR). Au nom du groupe Les Républicains, je veux saluer et remercier l’ensemble des agents du Quai d’Orsay, plus spécifiquement ceux du centre de crise et de soutien. C’est grâce à leur mobilisation sans faille au service de nos concitoyens et à leur savoir-faire que plusieurs milliers de nos ressortissants, ainsi que ceux de nos partenaires, ont été mis en sécurité lors de différentes crises. Cela démontre l’excellence des agents du Quai d’Orsay mais également de nos armées.

Monsieur Seitlinger, avez-vous identifié des difficultés que le CDCS aurait rencontrées dans le cadre des opérations d’évacuation ? Quelles leçons tirer des dernières crises ayant touché nos postes et les ressortissants français à l’étranger ?

Les députés Les Républicains prennent acte de la nouvelle augmentation des crédits alloués à la mission Action extérieure de l’État. Certes, cela vient mettre fin à l’érosion des crédits dont a souffert ce ministère pendant des années. Toutefois, nous sommes encore loin du temps du réarmement de notre diplomatie, annoncé par la ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Face à l’ampleur des enjeux, dans un contexte international particulièrement dangereux, comment ces moyens nouveaux vont-ils être répartis ? On nous dit que cette répartition se fera dans le cadre des priorités érigées par le président de la République, sans plus de précision.

Pendant ce temps, nous assistons à l’affaiblissement de la France sur la scène internationale, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe orientale. Très souvent, notre pays se voit relégué, malgré des discours grandiloquents et volontaristes. Au-delà des moyens, il est urgent de redéfinir une politique diplomatique claire et audacieuse, capable de redonner à notre pays le rôle qui a été le sien et qui doit être le sien. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur les crédits de cette mission.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. S’agissant des opérations d’évacuation, l’une des difficultés tient au fait que tous nos compatriotes ne sont pas inscrits au registre des Français établis hors de France, ce qui complique le travail des ambassades. La deuxième difficulté tient à la localisation et à l’état de nos emprises immobilières– ambassades ou résidences –, qui ne se prêtent pas toujours à des opérations d’évacuation. Enfin, ce ne sont pas forcément les diplomates les plus expérimentés qui se trouvent dans ces pays, alors qu’il faudrait justement des profils aguerris pour affronter ces situations extrêmes. Mais les gens ne se bousculent pas pour occuper ces postes difficiles...

Quant aux ETP créés, il faut effectivement qu’ils soient affectés à des missions opérationnelles, comme la délivrance de visas.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il faudra effectivement contrôler la manière dont ces moyens supplémentaires seront utilisés.

On peut aussi se dire que si notre administration n’est pas tout à fait prête et a du mal à exposer clairement la manière dont ces nouveaux ETP seront répartis, c’est aussi parce que sa manière de travailler évolue énormément et que certains postes restent à inventer.

Un autre signe encourageant est le fait que notre diplomatie se construit par pays. Dans de nombreux domaines, tels que le développement, l’enseignement ou l’environnement, nous avons des plans pays. L’ambassadeur n’arrive plus avec sa feuille de route mais construit son plan pays en partant du terrain. Définir précisément ce que nous allons faire prend du temps mais on peut y voir le signe d’une évolution sincère.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Dans un contexte international instable, alors que les crises se multiplient et menacent la sécurité et la paix mondiales, la France doit faire entendre sa voix et promouvoir ses valeurs. Dès lors, comment ne pas se réjouir de la hausse significative de 289 millions d’euros des crédits de la mission Action extérieure de l’État ? Il s’agit de la plus forte hausse depuis l’entrée en vigueur complète et définitive de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), en 2005. En se donnant les moyens d’agir, de se transformer et de moderniser les services rendus à nos compatriotes vivant à l’étranger, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pourra ainsi promouvoir le multilatéralisme et valoriser l’image de la France.

Le programme 105 connaît une augmentation inédite de ses crédits, en hausse de 13 % par rapport à 2023. Alors que la guerre est de retour en Europe et que le Moyen-Orient s’enflamme, la majeure partie des crédits que nous examinons est consacrée au renforcement de l’influence de la France dans le monde et au retour à la paix. Je veux souligner l’augmentation de 98,6 millions d’euros des crédits consacrés aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix et celle de 76 millions d’euros pour la contribution au mécanisme de facilité européenne pour la paix, destiné à renforcer les mesures d’assistance, notamment à l’Ukraine. Il est également prévu une contribution supplémentaire de 6,5 millions d’euros à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et 17 millions d’euros de versements supplémentaires aux différents organes des Nations Unies.

Je me réjouis de la priorité donnée à l’influence française en vue de construire un nouveau partenariat culturel et solidaire avec le continent africain, à l’heure où les régimes connaissent des coups d’État encouragés par des puissances étrangères. Cette influence se concrétisera également par une diplomatie renforcée dans les zones indopacifique et européenne, au travers de bourses de mobilité étudiantes, d’échanges scientifiques et du soutien aux Alliances et Instituts français. Nous renforcerons également cette influence par la création de 165 ETP en 2024. Le groupe Démocrate votera donc en faveur de ces crédits.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Vous avez raison de noter que les contributions européennes et internationales de la France continuent d’augmenter.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. On améliore la cohérence entre la diplomatie culturelle d’influence et la réaction en cas de crise. En Algérie – et c’est peut-être ce qu’il faudrait faire en Israël, en Palestine ou en Arménie –, le corps diplomatique commence à utiliser des outils diplomatiques qui n’étaient pas considérés comme « nobles » pour faire ce qu’on doit faire et promouvoir notre image.

M. Guillaume Garot (SOC). Je salue l’augmentation des crédits du programme 105, inédite depuis 2017. On peut considérer qu’il ne s’agit que d’un rattrapage mais, quand cela va dans le bon sens, il faut le reconnaître. Ce que nous espérons, c’est qu’il ne s’agit pas que d’un soubresaut mais que l’on s’engage bien dans une action durable : c’est à cela aussi que l’on juge l’efficacité d’une politique et d’une diplomatie. Nous sommes préoccupés par la suppression du corps diplomatique : nous doutons que ce soit un gage d’efficacité.

J’aimerais dire un mot de la philosophie de nos amendements. Nous estimons que la dimension sociale de l’action de l’État doit être davantage prise en considération. Je pense au soutien aux familles d’élèves lorsque les droits de scolarité augmentent et que le périmètre des bourses reste inchangé. Nous devons aussi renforcer notre soutien aux étudiants et aux chercheurs étrangers qui viennent en France, afin de renforcer l’attractivité et l’influence de notre pays. Enfin, la diplomatie de l’alimentation et de la gastronomie n’est pas suffisamment active, alors qu’elle est utile pour faire entendre la voix de la France partout dans le monde.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Merci de reconnaître que des évolutions positives sont intervenues depuis 2017. Je rappelle que la dotation de l’AEFE est passée de 353 millions à 450 millions d’euros depuis 2017 et que le nombre de bourses accordées aux enfants français à l’étranger augmente, alors qu’il avait chuté de manière vertigineuse entre 2012 et 2017.

S’agissant des étudiants, il y a un problème d’ordre technique et administratif. Quand nous ouvrons une autorisation d’engagement pour une bourse étudiante à l’étranger, d’un montant d’ailleurs assez faible, l’ingénierie est assurée par un autre opérateur. Depuis quelques années, nous travaillons avec Campus France pour fluidifier ce travail administratif complexe. Il ne servirait à rien d’augmenter ces crédits, tant que ce système n’est pas plus fluide.

S’agissant de la gastronomie et de la diplomatie de l’alimentation, l’opération Goût de / Good France est maintenue. Nous soutenons nos restaurateurs à l’étranger. Dans ma circonscription, Baguette Jeanette ouvre son deuxième magasin à Francfort, ce dont je suis fier. Par ailleurs, dans les écoles et les lycées français, la cantine est un outil de la diplomatie.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. La création de 165 ETP est une bonne chose mais il faut effectivement que cette évolution se poursuive. L’engagement de financer 700 ETP supplémentaires sur les quatre années à venir a été pris et on peut espérer qu’il sera tenu.

La dimension sociale doit être prise en compte, non seulement pour nos ressortissants mais aussi pour nos agents sur place. Dans certains postes, ils ont du mal à scolariser leurs enfants parce que les frais de scolarité sont très élevés.

La diplomatie de la gastronomie est un sujet très important. Le délai d’obtention des visas peut parfois bloquer les échanges avec certains pays ; on ne peut qu’espérer qu’il soit raccourci.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Je salue à mon tour l’augmentation significative du budget de la mission Action extérieure de l’État, dont l’objectif premier est le réarmement de la diplomatie française, comme le chef de l’État l’annonçait en mars 2023, lors des états-généraux de la diplomatie.

Cette augmentation du budget de la mission est encore plus indispensable lorsque l’on constate la multiplication des crises, la montée des tensions internationales ou le retour des logiques de confrontation entre puissances. Pour servir nos intérêts, étendre notre influence et protéger les Français dans le monde, la diplomatie doit être au niveau. Grâce à ce budget, notre action en Europe et dans le monde est renforcée. Il permettra d’augmenter les investissements qui renforceront notre sécurité commune avec nos partenaires européens et celle de nos alliés. Dans le même temps, notre soutien à l’Ukraine est pérennisé, notamment par des contributions plus importantes à l’OTAN ou au profit de la facilité européenne pour la paix.

Nous renouvelons aussi notre engagement en faveur du multilatéralisme en apportant un soutien renforcé aux différents organes des Nations Unies. La politique d’influence de la France profitera également de financements importants.

Parce que la France doit rester un acteur majeur de la francophonie, de la promotion de notre culture et de l’enseignement du français dans le monde, nous saluons la stabilité de nos subventions pour charges de service public à l’Institut français. Quant à notre diplomatie économique, elle bénéficiera également de cette mission car la France doit rester la première destination des investissements étrangers en Europe. Enfin, pour nos compatriotes établis ou de passage hors de France, nous pouvons nous féliciter des moyens supplémentaires accordés à nos services, notamment par le renforcement de l’action du centre de crise et de soutien.

Vous l’aurez compris, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission Action extérieure de l’État.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. L’Institut français de Paris s’est réformé depuis 2018. Il y a désormais une direction du réseau et un lien beaucoup plus direct avec les quatre-vingt-seize Instituts français dans le monde, de sorte que les moyens attribués vont réellement aider les gens sur le terrain.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Nous examinons le budget de la diplomatie française à un moment où le monde va mal. Peut-être que le désarmement de notre diplomatie nous a empêchés de voir les choses arriver.

Nous prétendons être une démocratie et nous sommes tous derrière un seul homme, qui décide seul des orientations politiques en matière diplomatique. Or le président de la République devrait être le porte-parole d’une diplomatie co-construite par le Parlement, le Gouvernement et le président lui-même.

Vous dites que ce budget marque un réarmement de la diplomatie. Il y a eu un réarmement de l’armée, grâce à une loi de programmation militaire, assortie de budgets colossaux. Là, on note la création d’un peu plus de 100 ETP : j’aurais préféré une loi de programmation du réarmement de la diplomatie sur plusieurs années, co-construite avec le président de la République et le Gouvernement, en fonction d’objectifs politiques.

On aurait pu évoquer la question des emplois de droits locaux : jusqu’à quel niveau est-ce compatible avec une œuvre diplomatique ? Certes, c’est bon pour le budget : ça coûte moins cher et ça fait travailler des gens localement, mais où placer le curseur entre les diplomates et les agents de droit local ? Combien sont payés nos diplomates ? Quelles sont leurs conditions de travail ?

Concernant le patrimoine, Bernard Kouchner voulait vendre la plupart des biens français et installer les ambassades dans de grands immeubles. Heureusement, cette politique a été interrompue mais où en est-on ? Combien faudrait-il investir pour améliorer les conditions de vie de nos agents à l’étranger ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je crois effectivement qu’il vaut mieux parler de remise à niveau que de réarmement de notre diplomatie.

Certains de mes amendements concernent des thèmes que vous avez évoqués : la nécessité d’une loi de programmation et d’une participation accrue des parlementaires aux décisions importantes.

On a peu parlé du compte d’affectation spéciale 723, Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État, dont les crédits augmentent et qui permet de réinvestir dans les ambassades.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Chaque réseau diplomatique possède des agents de droit local. Il faut évidemment veiller à ce que les fonctions un peu sensibles, comme la délivrance de visas, soient toujours supervisées par des agents français.

On ne peut tous qu’être d’accord pour que le Parlement tienne une plus grande place dans la conduite de notre diplomatie mais le processus parlementaire est parfois long et complexe. Dans certains cas, comme les opérations d’évacuation, seul le président de la République peut prendre la décision, parce qu’il faut agir dans l’urgence.

Enfin, des efforts ont déjà été faits, s’agissant de notre patrimoine immobilier, mais il faut les poursuivre car certaines de nos emprises, notamment en Afrique, ne sont plus adaptées au contexte sécuritaire.

M. Bertrand Pancher (LIOT). Les crédits dédiés à la mission Action extérieure de l’État ont augmenté de 300 millions d’euros, en hausse de 9 % par rapport à l’année précédente. Le budget total alloué à cette mission est de 3,5 milliards d’euros. On peut saluer une hausse supérieure à l’inflation, ce qui n’est pas le cas de toutes les missions du budget de l’État. L’an prochain, ces crédits devront soutenir les opérations de maintien de la paix, les négociations multilatérales, l’enseignement du français à l’étranger, l’aide sociale aux expatriés et permettre une accélération de l’instruction des demandes de visas.

Je regrette néanmoins que les conséquences de la réforme du corps diplomatique sur les compétences et la fidélisation des personnels ne soient pas abordées, surtout après qu’une logique d’économies de bouts de chandelles a beaucoup affaibli le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et, par là même, la place de la France dans le monde. Nous nous abstiendrons sur les crédits de cette mission car le mal est encore loin d’être résorbé.

S’agissant du centre de crise et de soutien, je salue le travail réalisé pour la libération du journaliste Olivier Dubois, en mars dernier, qui était longtemps resté le dernier otage français dans le monde. La centaine d’agents du CDCS a une importance stratégique pour les opérations d’évacuation. À cet égard, l’application Ariane et le registre des Français vivant à l’étranger présentent un intérêt tout particulier. Avec au moins une opération par an – l’Afghanistan en 2021, l’Ukraine en 2022, le Soudan et le Niger en 2023 –, l’utilité et l’efficacité de ce centre ne sont plus à démontrer. Il est actuellement mobilisé au Moyen-Orient.

On a beaucoup parlé de la nécessité d’évacuer nos compatriotes présents en Israël mais beaucoup moins des éventuels Français présents en Palestine. Un plan d’évacuation de ces derniers est-il prévu ? Des agents de droit local palestinien pourraient-ils être concernés par une évacuation au titre de la jurisprudence de Kaboul ? Je pense notamment au personnel de l’Institut français qui est le seul centre étranger présent à Gaza.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. La suppression du corps diplomatique était au cœur de mon rapport l’année dernière. C’est une réforme dont on ne pourra réellement apprécier les conséquences que dans quelques années.

Concernant les opérations d’évacuation en Palestine, nous avons auditionné les représentants du CDCS avant le début du conflit. Dans la mesure où la France a, dans ce domaine, une expertise unique en Europe, on peut penser que le CDCS sera de nouveau mobilisé pour évacuer des ressortissants français, mais aussi d’autres pays, dans les territoires palestiniens et en Israël.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. En 2019, pour un précédent rapport, je suis allé en Israël et en Palestine. J’ai voulu me rendre à l’Institut français de Gaza mais les autorités israéliennes m’en ont empêché pour de prétendues raisons de sécurité. Le fait que nous ayons un Institut français à Gaza est un acte de diplomatie très fort.

Je suis tout à fait d’accord avec votre analyse de la jurisprudence Kaboul. Être un bon employeur local, ce n’est pas uniquement bien pour les familles concernées, c’est un acte diplomatique. Par exemple, si nous aidons les enfants du chauffeur de l’ambassadeur à aller au lycée français, ce n’est pas bon uniquement pour eux, c’est un acte diplomatique consistant à dire que notre lycée français est bien pour tout le monde.

Je rêve d’un lycée français à Gaza, comme je rêve d’un lycée français dans la plaine de la Bekaa. Nous avons développé un nouveau lycée français à Oran malgré nos difficultés avec l’État algérien. Ces décisions ont une très haute valeur diplomatique.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons à présent aux questions individuelles des collègues inscrits à cet effet.

M. Jérôme Buisson (RN). Monsieur le président, vous avez dit vous-même à la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à propos des ressources humaines de son ministère, que nous étions « au-delà de l’os ».

Bien que nous la saluions, la hausse des moyens prévue pour 2024 demeure insuffisante au regard des années de disette budgétaire qu’a connues notre diplomatie. Cette hausse de 4,5 % est à relativiser, dans la mesure où l’inflation pourrait être de 2,8 % en 2024. Cette hausse, qui reste modeste, pourrait donc devenir un trompe-l’œil. Croyez-vous réellement que ce budget en hausse modeste pourra permettre le réarmement promis de notre diplomatie ?

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Certes, l’augmentation pourrait être supérieure mais il faut tout de même saluer la création de 165 ETP. En outre, il serait difficile d’en créer beaucoup plus en un seul exercice budgétaire car le ministère doit organiser des campagnes de recrutement et des concours. Il ne serait dans l’intérêt de personne de créer tout d’un coup trop de postes. Il vaut mieux créer chaque année une centaine d’ETP pour que, d’ici à cinq ans, ce ministère soit vraiment réarmé.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je vous invite à examiner ce budget dans le détail et à aller au-delà des moyennes : les Alliances françaises voient leurs crédits augmenter de 23 %. Que la dotation de l’AEFE soit passée à 450 millions d’euros et celle des bourses à 120 millions sont des éléments qui marquent les gens et le terrain.

Mme Marine Hamelet (RN). Je souhaite revenir sur la hausse importante – 9 % – des crédits alloués aux bourses pour les étudiants étrangers en France et appeler votre attention sur la formation des médecins étrangers. Présidente du groupe d’amitié France-République centrafricaine, j’ai échangé à maintes reprises avec l’ambassadeur. Quand on sait qu’un médecin africain perçoit environ 10 000 euros par an et que la rémunération annuelle moyenne d’un médecin en France est de 80 000 euros, on se demande ce qui pourrait pousser ces médecins à repartir dans leur pays. N’y a-t-il pas une hypocrisie à profiter d’une fuite des cerveaux ? Nous pensons que l’élite africaine doit retourner et rester en Afrique. C’est la meilleure aide qu’on puisse lui offrir. Quelle est la répartition de ces bourses par continent ?

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je crois que vous faites une confusion : ces bourses servent à développer notre armement académique ; elles ne financent pas la formation continue de professionnels.

Pour inscrire l’université française dans la science mondiale, nous avons besoin de passer de 400 000 à 500 000 étudiants étrangers. Or, il n’y a que 5 000 bourses pour études longues : tous les autres viennent avec leurs propres moyens. Si un étudiant ou un membre de l’élite d’un pays veut venir se former à la médecine en France, il paie. Les bourses sont du ressort de l’établissement public Campus France et des postes diplomatiques qui examinent les candidatures. Nous avons besoin de réarmer cette action. Tous les députés n’ont pas le même avis sur les rapports entre le politique et l’académique. Je suis de ceux qui pensent que le monde académique doit être libre et qu’il est sain qu’il y ait des conflits dans le monde académique. Ce n’est pas à nous de trancher les débats ; c’est à nous de les écouter. Ces bourses sont un accompagnement lié à une politique de l’ambassade dans certains pays et ne doivent pas être confondues avec la stratégie Bienvenue en France. L’immense majorité des gens paient leurs études.

*

Article 35 et état B : Crédits du budget général

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Notre commission a été saisie de cinquante-quatre amendements. Les amendements II-AE85 et II-AE86 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

Amendement II-AE93 de M. Jérôme Buisson 

M. Jérôme Buisson (RN). La Facilité européenne pour la paix (FEP) finance des opérations militaires communes aux pays membres de l’Union européenne (UE) et des projets industriels de défense développés en commun. Sa dotation augmente de façon constante. En 2024, elle coûtera aux Français près de 150 millions d’euros. Pourtant, les États membres de l’UE ont des intérêts divergents. Leurs coopérations dans l’industrie de défense piétinent.

Au Rassemblement national, nous dressons le constat suivant : la défense nationale relève de l’intime pour les nations. Nous proposons de baisser de 100 millions d’euros la contribution française à la FEP, qui nous semble être une chimère dispendieuse.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La FEP est montée en puissance en raison de la guerre en Ukraine et du soutien de l’UE aux Ukrainiens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE89 de Mme Laurence Robert-Dehault 

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Le projet de loi de finances pour 2024 accorde une augmentation de crédits de 13 millions d’euros à la sous-action Bourses de l’action 04 Enseignement supérieur et recherche du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence. Ces crédits sont destinés à renforcer l’attractivité de la France dans les domaines universitaires et de la recherche, et à permettre de mobiliser des financements dans le cadre de partenariats locaux et d’échanges scientifiques.

Nous saluons ce modèle de coopération scientifique et culturel, basé sur l’échange. Toutefois, d’après les documents budgétaires, seule une partie de cette augmentation semble justifiée. Elle est notamment due à un chantier technique d’envergure de modernisation numérique, dont le coût est d’environ 1,5 million d’euros.

Cet amendement d’appel vise à obtenir des éclaircissements sur la vocation des crédits, dont l’augmentation n’est pas justifiée.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Cette petite augmentation, de 10 à 13 millions, vise à financer la réforme informatique réussie de Campus France, le développement du Campus franco-indien et le nouveau Campus franco-australien. Un travail préalable d’accompagnement en administration centrale est nécessaire avant la mise en œuvre sur le terrain, à l’exemple de ce qui a été fait pour le Campus franco-sénégalais, qui fonctionne.

Ces crédits sont indispensables pour continuer à développer la coopération scientifique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE87 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). La situation des étudiants français est précaire : 36 % d’entre eux déclarent sauter des repas régulièrement, un étudiant sur quatre éprouve des difficultés à se loger, notamment en raison d’un parc immobilier de logement universitaire insuffisant, et un quart des étudiantes sont contraintes de renoncer au moins occasionnellement à l’achat de protections hygiéniques, faute d’argent.

Cette situation préoccupante est aggravée par l’inflation persistante sur les produits alimentaires et de première nécessité. À la publication du projet de loi de finances pour 2024, le président de France Universités a sonné l’alarme devant la commission des affaires culturelles sur la situation de l’enseignement supérieur en France, estimant que le budget 2024 ne parviendra pas à compenser les déficits des universités dus aux revalorisations de salaires, ni la hausse des charges due à l’inflation. Le président de l’université de Bordeaux s’est également exprimé en ce sens. Il s’inquiète de la pression financière qui pèse sur les universités.

Le sous-financement des universités françaises risque de mettre à mal le principe d’autonomie des universités et pourrait se traduire par une réduction du nombre d’étudiants accueillis. Dans ce contexte, le budget devrait donner la priorité à l’amélioration des conditions de vie étudiante en France avant de revaloriser les bourses destinées aux étudiants étrangers. L’amendement vise à revenir sur les 5,6 millions d’euros supplémentaires alloués à ces bourses.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Votre amendement n’est pas construit comme vous l’avez dit. Il ne se borne pas à réattribuer les crédits destinés aux bourses mais il les réduit.

Par ailleurs, attribuer des bourses à 5 000 étudiants, c’est régler le problème au moins pour eux. Il ne faut pas confondre deux politiques publiques très différentes, celle visant à l’amélioration générale des conditions étudiantes et celle visant à accompagner des étudiants d’excellence, ce qui renforce les universités. C’est un coût effacé pour elles, car sans ces bourses, des milliers d’étudiants ne vivraient pas dans de bonnes conditions. Techniquement, le sens de cet amendement m’échappe.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE88 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Les dernières décennies sont marquées par l’augmentation des manifestations antifrançaises en Afrique centrale et au Sahel. Les narratifs antifrançais dans le Sahel finissent par déborder et se répandre dans le reste de l’Afrique francophone, notamment au Gabon, en République démocratique du Congo ou en Côte d’Ivoire.

Malgré ces bouleversements, l’action française est encore présente parmi nos partenaires de l’Afrique francophone. Nous continuons à participer à leur formation et à leur encadrement dans les domaines de la sécurité et de la défense, dans le cadre des écoles nationales à vocation régionale (ENVR), notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Gabon. Des formations y sont dispensées à leurs militaires dans les domaines du maintien de la paix, de l’État de droit, de la sécurité maritime et de la protection civile.

Par ailleurs, des experts sont mis à disposition du ministère des armées pour faire bénéficier nos partenaires des savoir-faire français en matière de lutte contre le terrorisme, de lutte contre le narcotrafic, de renforcement de la police aux frontières et de maintien de l’ordre public. La maîtrise de ces domaines d’intervention est indispensable à nos partenaires pour leur permettre d’atteindre et de conserver la stabilité politique.

Cet amendement vise à renforcer les crédits alloués à cette politique, en affectant 3 millions d’euros à la sous-action Formations en sécurité-défense-développement de l’action 05 Coopération de sécurité et de défense du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde et 500 000 euros à la sous-action Ingénierie et expertise sécurité-défense-développement, et en réduisant les crédits de la sous-action 03 Bourses de l’action 04 Enseignement supérieur et recherche du programme 185 Diplomatie culturelle et d’influence, dont les crédits augmentent de 5,6 millions d’euros.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le financement des bourses pour étudiants étrangers est un outil d’influence pour notre pays. Par ailleurs, les politiques de formation destinées aux pays africains ne sont pas sous-financées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE44 de M. Frédéric Petit

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je souhaite que l’organisation de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) soit davantage structurée autour de ses deux missions principales, qui sont bien distinctes.

La première est la gestion quotidienne d’une soixantaine de lycées qui sont des établissements en gestion directe (EGD). S’il faut déboucher des toilettes au lycée français de Tunis, la décision est prise place de Catalogne, à Paris.

Sa deuxième mission est de développer le réseau, promouvoir l’enseignement du français, contrôler les lycées homologués et ceux qui ont vocation à l’être, contrôler le LabelFrancÉducation et développer le dispositif Français langue maternelle (Flam). Ce travail de réseau à l’échelle mondiale exige des compétences distinctes de celles exigées par la première mission.

L’amendement vise à faire en sorte que le Parlement ait une vision de la répartition de la subvention qu’il attribue, afin que celle-ci ne soit plus une boîte noire, dotée cette année de 450 millions d’euros. Pour ce faire, je transférer ces crédits au sein du programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde, où le Gouvernement pourra créer une action dédiée à l’administration des EGD par l’AEFE et dotée de 310 millions, le reste de la dotation restant inscrit au programme 185.

Ainsi, lorsque je ferai mon travail de contrôle, je pourrai identifier, de même que je suis le financement des aides à la scolarité des élèves français du programme 151 Français à l’étranger et affaires consulaires, qui sont gérées par l’AEFE, ce que celle-ci a donné pour gérer les EGD, ce qu’elle a donné pour le réseau et ce qu’elle a donné pour les bourses.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE52 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Notre groupe souhaite augmenter les moyens alloués à la rénovation thermique des bâtiments de l’État à l’étranger. Ni les ambassades, ni les consulats, ni les bâtiments de l’AEFE ne bénéficient d’une politique ambitieuse de rénovation thermique, alors que le plan de relance pour la rénovation thermique des bâtiments publics sur le territoire national dispose d’une enveloppe de près de 4 milliards d’euros.

Cette question est d’autant plus cruciale que certains de ces bâtiments sont situés dans des pays particulièrement affectés par de fortes hausses des températures, dues au réchauffement climatique. Cette politique est d’autant plus impérieuse que certains de ces bâtiments accueillent des élèves. Le Gouvernement a la mission de leur garantir des conditions d’étude optimales.

La direction des immeubles et de la logistique (DIL) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a estimé les besoins à 15 millions d’euros. Nous abondons en ce sens.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Une enveloppe budgétaire est consacrée à la rénovation lourde de nos emprises dans les postes diplomatiques, notamment à la rénovation énergétique des bâtiments. Il n’est pas nécessaire de l’augmenter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE57 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Il s’agit de soulever la question du poids de la France dans de nombreuses organisations internationales. La France recule dans le classement des principaux contributeurs, ce qui entraîne une perte d’influence.

Pourtant les conflits en Ukraine, en Palestine et en Israël témoignent de la nécessité d’une diplomatie au service de la paix. Pour construire la paix, il faut se doter de moyens. L’ONU est la seule organisation universelle reconnaissant l’égalité entre les États et les peuples. Elle devrait être la seule à même de résoudre les conflits. Notre groupe appelle à un renforcement du financement de l’ONU et de ses agences pour permettre la construction de solutions au service de la paix, fréquemment menacée.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. La diminution de la contribution obligatoire de la France est due à la diminution de son poids relatif en matière démographique et économique. Les contributions volontaires sont en légère augmentation. L’amendement est donc en partie satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE66 de M. Alain David

M. Alain David (SOC). Cet amendement vise à ouvrir les crédits prévus dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre de la FEP à l’Arménie et à la gestion de crise dans ce pays, dans la mesure où la FEP a vocation à aider potentiellement tout pays sur la scène internationale. Il s’agit de placer le Gouvernement, qui a proposé une telle mesure à l’échelon européen, face à ses responsabilités.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. L’attribution des crédits de la FEP est décidée à l’échelon européen et dépasse le cadre de notre commission, dont le soutien à l’Arménie n’est pas en cause.

M. Jean-Louis Bourlanges (Dem). J’ai exprimé le souhait que l’Arménie bénéficie de la FEP.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE94 de M. Jérôme Buisson

M. Jérôme Buisson (RN). Notre pays fait face à une offensive informationnelle sur le continent africain, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Cette opération de dénigrement de la France par des narratifs fallacieux a des effets concrets et dévastateurs sur nos relations avec les pays africains.

Le budget prévoit une dotation de 3 millions d’euros pour la constitution d’un réseau de veilleurs en poste permettant d’assurer une veille linguistique globale, afin de faire face à la menace que constitue la désinformation. Nous proposons de renforcer les moyens alloués à la lutte informationnelle en abondant cette dotation de 5 millions supplémentaires.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Les crédits visés augmentent de façon significative, passant de 2,8 millions à 5,3 millions d’euros, ce qui devrait apaiser vos inquiétudes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE70 de M. Alain David

M. Alain David (SOC). Cet amendement vise à alimenter les crédits du ministère de l’Europe et des affaires étrangères alloués à la coopération de sécurité et de défense, afin de faire face au nouveau contexte stratégique. Leur renforcement s’inscrit directement dans l’évolution de la stratégie française de redéploiement de notre dispositif militaire et de notre présence en Afrique, qui privilégie désormais des actions de soutien et de formation, visant notamment à maintenir des relations de proximité et de confiance avec les États de ce continent avec lesquels la France entretient une longue relation, et à tisser des liens avec de nouveaux partenaires.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Des actions sont prévues dans le domaine de la coopération de sécurité et de défense avec les pays africains, notamment le projet de formation Afrique autrement, financé par le budget 2024.

L’amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE74 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). Il s’agit de renforcer la capacité d’action de la France face à la désinformation. Nous proposons d’investir internet et les réseaux sociaux de façon plus affirmée et d’en faire une priorité de l’action de notre pays dans le monde.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Il importe d’être présents et actifs sur les réseaux sociaux. L’actualité récente nous a rappelé que nous ne le sommes pas assez. Le budget 2024 prévoit la création de 25 ETP dédiés à la communication stratégique. La création d’une cellule de veille et de production de contenus 24 heures sur 24 et sept jours sur sept nous permettra d’être très réactifs, s’agissant notamment de l’Afrique.

L’amendement est en partie satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Nous avons examiné la semaine dernière le budget en hausse de France Media Monde (FMM), qui travaille énormément sur ces sujets, de façon professionnelle, et assure des formations à la désinformation au travers de sa filiale Canal France International (CFI), opérateur de la coopération dans le domaine des médias.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE63 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Nous souhaitons augmenter la part des EGD de l’AEFE. Nous refusons, dans l’éducation, la mise en concurrence des secteurs privé et public, qui procède d’une vision néfaste de l’enseignement, à rebours de la vision républicaine. Le secteur privé vise toujours à tirer profit de son activité. À nos yeux, cette philosophie et ce mode de fonctionnement sont en contradiction avec les principes qui devraient régir nos politiques éducatives.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les EGD ne sont pas en concurrence avec les établissements en gestion locale. À Bucarest, dans ma circonscription, les deux établissements sont homologués par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et ils ne sont nullement en concurrence.

Ce que vous appelez « privé » relève du monde associatif, des organisations non gouvernementales (ONG) et de l’État local. Les lycées français de Tel Aviv et de Berlin sont des établissements publics de l’État local. Les salariés qui travaillent dans ces établissements ne sont pas des gens du CAC40. La qualité de l’enseignement est identique dans les lycées français en gestion locale, qui représentent 80 % du réseau, et les EGD. Les écolages y sont en moyenne moins élevés en raison de charges administratives moindres, surtout dans les pays pauvres comme Madagascar.

Par ailleurs, ce que vous proposez de faire est juridiquement impossible. Comment nationaliser des structures locales de pays tiers, par exemple le lycée français de Budapest, co-géré par les parents dans le cadre d’une convention conclue avec l’État hongrois ? Votre amendement est surréaliste.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE64 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). Il s’agit ici de résidentialiser les titulaires non-résidents des établissements de l’AEFE et de mettre fin à la généralisation des contrats de droit local.

Ces contrats précarisent énormément les professeurs. Leur salaire de contractuel est souvent très insuffisant, notamment dans des pays en voie de développement. De plus, ils n’ont droit à aucun avancement. La généralisation de ces contrats va à l’encontre des principes qui devraient guider notre politique éducative. Elle s’inscrit dans une logique néolibérale de destruction du statut de fonctionnaire.

À la France insoumise, nous pensons que ces personnels doivent être fonctionnaires et bénéficier des droits afférents à la fonction publique.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Selon une confusion relevée précédemment, vous voulez que tous les enseignants du réseau soient fonctionnaires français. Le réseau compte 40 000 enseignants. Tous sont agréés par le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse et exercent leur activité dans un cadre homologué.

Seuls 5 000 relèvent de la situation dont vous parlez. Tous sont très heureux. Ils ne sont pas contractuels de l’AEFE mais fonctionnaires, par exemple du Land de Berlin ou de l’État israélien.

Avis défavorable à cet amendement surréaliste.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE72 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). Cet amendement vise à doubler l’augmentation des crédits alloués aux bourses d’enseignement et de recherche des étudiants étrangers. S’agissant d’un formidable outil d’influence pour notre pays, favorable à son rayonnement, nous considérons ces 6 millions d’euros moins comme une dépense que comme un investissement nécessaire.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. L’amendement aurait pour effet de créer des crédits non utilisés. L’augmentation de 6 millions d’euros prévue au budget est un bel effort. La doubler ne servirait à rien, parce que la tuyauterie ne suivrait pas et nous aurions 6 millions non utilisés à la fin de l’année prochaine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE73 de M. Olivier Faure

M. Alain David (SOC). Cet amendement vise à doubler les dotations pour opérations aux établissements de l’Institut français et aux autres établissements à autonomie financière (EAF). Il prévoit d’abonder les fonds destinés à ces institutions à hauteur de 4 millions d’euros.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Les dotations visées augmentent de 23 %. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE67 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). Créer en Ukraine, à Kiev, un institut culturel franco-allemand serait un signe fort adressé au peuple ukrainien pour construire un avenir en commun et dialoguer sur le plan culturel. Il s’agirait d’un investissement utile et approprié.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Cet amendement me touche mais il est inutile. À Kiev, un Institut français vient de rouvrir. Il fonctionne très bien malgré la guerre. Il collabore avec un Institut Goethe, qui lui aussi fonctionne très bien.

Un institut franco-allemand, au sens du traité d’Aix-la-Chapelle, n’est rien d’autre qu’un Institut français et un Institut Goethe travaillant ensemble. Certes, il faut prolonger, approfondir, en faire encore plus, comme toujours s’agissant du franco-allemand qui s’exporte. Nous suivons la question à l’Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA). L’outil budgétaire n’est pas le bon pour aller aussi loin que nous le souhaitons.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE49 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Notre groupe souhaite revenir sur la décision funeste du Gouvernement de mettre fin aux politiques de soutien aux artistes maliens, burkinabés et nigériens.

Cette décision fait honte à notre diplomatie. Les artistes et autres populations civiles du Mali, du Niger et du Burkina Faso ne sont pas comptables des conflits entre leurs gouvernements de fait et le gouvernement français. Par son action, le Gouvernement a donné raison aux discours d’hostilité envers la France car il fait le choix de rompre le dialogue et d’appliquer des sanctions contre-productives à l’encontre des acteurs, qui paient un lourd tribut à l’instabilité démocratique de leur État.

L’ingérence dans les programmations culturelles a-t-elle jamais produit quelque effet viable et pérenne ? Les milieux culturels ne peuvent être soumis aux alliances de circonstance de la France. L’intérêt général humain doit demeurer notre principale boussole dans la définition de notre politique étrangère.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Si quelque chose fait honte, c’est la répétition de ces erreurs et de ces mensonges au sein du Parlement. Rien de ce que vous dites n’est vrai. Parler d’ingérence est une mécompréhension de ce que ces financements apportent. Les Instituts français ne font pas d’ingérence dans les milieux culturels locaux. Prétendre le contraire est absurde.

Les artistes maliens, les artistes nigériens et les artistes algériens – j’en ai rencontrés – sont éligibles à toutes nos aides, à la restriction près que nous ne pouvons pas délivrer des visas dans une ambassade caillassée. Ceux qui en ont un peuvent venir. Ils sont soutenus, sous les radars, par des diplomates qui prennent des risques et font face avec brio.

Que vous répétiez ces mensonges depuis deux mois me fait honte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE71 de M. Alain David

M. Alain David (SOC). Cet amendement vise à encourager l’enseignement du français à l’étranger et le développement de la francophonie dans toutes ses dimensions : politique, culturelle, scientifique et linguistique. Il vise à augmenter les crédits de manière suffisante pour que l’objectif de doublement des effectifs d’élèves scolarisés en langue française d’ici à 2030 soit effectivement atteint.

M. Frédéric Petit, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable. Deux actions, dont l’amendement tient insuffisamment compte, bénéficient de crédits largement supérieurs à ceux que vous proposez. Des crédits sont fléchés vers l’apprentissage du français dans les Instituts français, à hauteur de 1 million d’euros, vers les Alliances françaises, à hauteur de 1,5 million d’euros, vers les interventions en administration centrale pour aider à l’apprentissage du français par les administrations locales, à hauteur de 5 millions d’euros, et vers l’AEFE, à hauteur de 8 millions d’euros.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES).  Nous avons des échanges de mails qui disent le contraire.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Des échanges de mails ne constituent pas des mesures de l’État français.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE62 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Nous souhaitons élargir l’accès à la protection universelle maladie aux Français de l’étranger. Nos ressortissants habitent souvent des pays ne disposant pas de sécurité sociale universelle ou dans lesquels l’accès aux services de santé de qualité est réservé à une frange privilégiée de la société car il faut avancer des frais élevés. Certains sont confrontés à une précarité grandissante en raison de la crise inflationniste.

Les ressortissants français à l’étranger n’ont pas tous des revenus élevés, contrairement à une image d’Épinal répandue. Il est de notre responsabilité de garantir un accès à la protection de santé à tous les Français.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Nous sommes conscients des difficultés rencontrées par certains Français vivant à l’étranger en matière de soins. Les 100 millions d’euros prévus par cet amendement sont très insuffisants pour financer la mesure proposée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE69 de M. Olivier Faure

M. Guillaume Garot (SOC). Il s’agit ici d’abonder le budget d’aide à la scolarité des enfants français inscrits dans les établissements de l’AEFE. L’inflation est mondiale, le besoin d’augmenter les bourses aussi, d’autant que le taux de change est défavorable et que certains frais de scolarité augmentent de façon significative. L’augmentation de crédits proposée, qui vise à accompagner les familles en difficulté, est donc pleinement justifiée.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits visés sont en hausse de 13,6 millions d’euros, ce qui représente un effort important. Il n’est pas nécessaire de les augmenter, d’autant qu’ils ne sont pas intégralement exécutés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE59 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Cet amendement vise à augmenter les bourses scolaires pour favoriser l’accès des élèves français au réseau AEFE, dans un contexte de forte inflation et de hausse des frais de scolarité dans de nombreux établissements.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je rends hommage aux élus locaux de la République française dans les pays étrangers, qui siègent, dans cette période, au sein des commissions d’attribution de bourses rattachées aux services consulaires.

L’amendement aurait pour effet de créer de la soulte, c’est-à-dire des crédits inutilisés. En 2024, les crédits visés s’élèveront au niveau historique de 118 millions d’euros, soit près de 30 millions de plus que lorsque nous sommes arrivés aux affaires. Nous avons utilisé 115 millions d’euros cette année. Faire correspondre les principes de répartition des bourses et les montants affectés est un travail de dentellerie.

Avis défavorable à cet amendement inutile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE47 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Cet amendement vise à revaloriser les aides accordées par les conseils consulaires pour la protection et l’action sociale (CCPAS).

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. De nombreuses demandes d’aide ont été déposées pendant la crise de la Covid. Depuis quelques mois, leur nombre diminue légèrement. Le montant prévu par le projet de loi de finances pour 2024 est suffisant.

La commission rejette l’amendement

Amendement II-AE48 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES).  Nous voulons mettre fin à ce que nous considérons comme une anomalie dans la délivrance de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Les CCPAS demandent un taux d’incapacité de 80 % pour en accorder le bénéfice, alors que, dans l’Hexagone, ce taux peut être de 50 % si le handicap empêche de travailler suffisamment.

Nous y voyons une forme de rupture d’égalité entre les citoyens, selon qu’ils vivent à l’étranger ou non, et un refus de prise en compte du handicap, alors même que la détection du handicap fait des progrès et que nous assistons, depuis plusieurs années, à une augmentation des cas de maladies chroniques susceptibles de provoquer des handicaps. Il convient de rectifier cette inégalité dans la délivrance de l’AAH.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Certes, les modalités d’attribution de l’AAH varient entre les Français vivant sur le territoire national et ceux vivant à l’étranger. La mesure proposée provoquerait un surcoût considérable, que le programme 151 ne peut absorber.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE51 de Mme Nadège Abomangoli

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NUPES). Nous souhaitons revenir sur le désinvestissement de l’État du financement du dispositif d’aide d’accès à la couverture santé des caisses des Français de l’étranger (CFE). En 2012, l’État en finançait 50 % ; il en finance 10 % aujourd’hui.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Les CFE disposent de réserves qui leur permettent d’absorber cette charge. Par ailleurs, elles travaillent à une revalorisation tarifaire visant à augmenter leurs ressources propres. Les subventions de l’État ne sont qu’une partie de leur budget, la majeure partie étant constituée des cotisations des adhérents.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE61 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Nul ne peut ignorer que le contexte inflationniste mondial encouragé par les pratiques spéculatives plonge nos compatriotes dans une grande précarité économique. Parmi les plus vulnérables, près de 4 000 personnes à très faibles revenus, âgées de plus de 65 ans ou en situation de handicap, ont bénéficié des aides versées par les CCPAS.

Cette enveloppe, qui permet de verser des aides mensuelles ou ponctuelles à nos compatriotes en difficulté, parmi lesquels on compte des enfants en détresse, est insuffisante. Le contexte inflationniste appelle un effort de solidarité nationale redoublé. Seule une hausse substantielle de cette enveloppe permettra de mieux soutenir nos compatriotes les plus vulnérables.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Pendant la crise de la Covid, les demandes ont été nombreuses. Leur nombre ayant diminué, le budget alloué aux CCPAS est suffisant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE68 de M. Olivier Faure

M. Alain David (SOC). Cet amendement vise à augmenter les crédits de l’action sociale des CCPAS en faveur de nos compatriotes les plus démunis vivant à l’étranger. Cette enveloppe permet de verser des aides mensuelles à nos compatriotes à très faibles revenus âgés de plus de 65 ans ou handicapés.

Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE50 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Par le biais de cet amendement d’appel, nous souhaitons clarifier notre modèle de prise en charge des frais des consuls honoraires, qui assurent des missions de service public permettant le bon fonctionnement de notre réseau consulaire. Ils ne sont pas rémunérés mais les frais inhérents à leur mission sont pris en charge par l’État.

Ce modèle soulève des difficultés. En raison des retards de remboursement, les consuls honoraires sont souvent contraints d’avancer les sommes sur leurs deniers personnels. Au Laos, un consul honoraire m’a dit que ses billets de train ne lui sont pas toujours remboursés. D’autres États, comme les Pays-Bas, ont choisi un modèle d’indemnité forfaitaire pour éviter de telles avances. Nous souhaitons que des pistes de réforme soient étudiées.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Dans le réarmement et la réorganisation de nos services consulaires, le statut de consul honoraire est une zone grise. J’en connais qui sont ravis de payer de leur poche et agissent pour leur influence personnelle. Nous utilisons mal les consuls honoraires. J’émets un avis défavorable à cet amendement d’appel, dont l’aspect financier est anecdotique, mais je suis favorable à l’ouverture d’une réflexion sur la réorganisation de nos services consulaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE53 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Nous souhaitons donner l’alarme sur le fonctionnement du traitement des visas, dont une part belle est attribuée aux prestataires privés. Non rémunérés par les consulats, ils le sont directement par les demandeurs, par le biais de frais de service qui s’ajoutent aux frais de visa.

Non seulement cette politique d’externalisation affecte directement les usagers, en leur demandant d’assumer des charges supplémentaires, mais elle met dans la main du privé les données personnelles de millions d’usagers, ce qui est totalement irresponsable. Les missions de service public doivent être assurées par le service public.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Les prestataires privés sont efficaces. Les problèmes de délai se posent surtout dans les consulats.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous allons passer au vote sur les crédits de la mission budgétaire Action extérieure de l’Etat. J’invite les rapporteurs à nous rappeler leur avis.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’Etat.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Pour ma part, je m’abstiendrai.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Action extérieure de l’État modifiés.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AE97 de M. Mansour Kamardine

M. Michel Herbillon (LR). Il s’agit, par cet amendement, d’obtenir la reconnaissance internationale de l’appartenance de Mayotte à la France. Cet objectif, me semble-t-il, peut nous réunir.

L’amendement II-AE97 vise à créer un indicateur de performance permettant de connaître l’état de la reconnaissance internationale de la souveraineté de la France sur Mayotte et son évolution, notamment par les États membres de l’Union africaine (UA), et d’adapter et d’améliorer en conséquence l’efficience de l’action extérieure portée par la diplomatie française.

L’indicateur donnerait, au 1er janvier 2024 et selon une fréquence annuelle, sur la base des données du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, le nombre de pays membres de l’UA ayant contracté avec la République française, au niveau étatique ou infra-étatique, des conventions ou des accords de coopération relatifs à Mayotte.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis favorable. L’amendement permet d’exprimer notre soutien à Mayotte, dans la continuité de l’opération lancée sur l’île par le ministre de l’intérieur il y a quelques semaines.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Je suis très favorable à la réflexion sur les indicateurs, qui est proprement un travail de parlementaire et qui nous permet de travailler de façon plus rapide et plus systématique sur les budgets.

Sur l’amendement, je m’abstiens, faute d’en saisir l’implication concrète.

M. Vincent Ledoux (RE). Le groupe Renaissance ne votera pas l’amendement.

M. Michel Herbillon (LR). Pour ma part et au nom de M. Kamardine, j’aimerais que nos collègues du groupe Renaissance expliquent leur vote, qui est très surprenant compte tenu de l’engagement fort et clair du Gouvernement, notamment du ministre de l’intérieur, envers Mayotte. S’agissant du sujet capital de la reconnaissance internationale de l’appartenance de Mayotte à la République française, je regrette que le groupe majoritaire de la majorité n’exprime pas son point de vue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE58 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Cet amendement vise à ajouter, parmi les objectifs de l’action Accueil des élèves français du réseau AEFE, celui de favoriser l’inclusion des élèves en situation de handicap et, pour ce faire, l’assortit de l’indicateur des parts d’heures d’accompagnement attribuées.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Cet amendement peut être retravaillé en vue de l’examen du texte en séance publique.

L’AEFE inclut un observatoire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers (OBEP), auquel contribuent des accompagnants des enfants en situation de handicap (AESH) et les parents. Cet énorme travail est ponctué de réunions mensuelles partout dans le monde. Nous sommes le seul réseau international à le faire et nous le faisons très bien. L’activité de l’OBEP est suivie par des indicateurs tels que le nombre d’élèves et d’AESH, qui permet une amélioration constante de son action.

Peut-être pourrions-nous faire en sorte, par voie d’amendement, que ces indicateurs cantonnés au budget de l’AEFE en soient extraits à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances. Par ailleurs, l’amendement mentionne les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), qui n’ont rien à voir avec l’OBEP.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES).  Je le maintiens.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 38 non modifié.

Après l’article 49 :

Amendement II-AE45 de M. Frédéric Petit

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Cet amendement, que je présente régulièrement, vise à préciser la définition des EGD par l’AEFE, en y incluant les ressources des familles, oubliées par la loi il y a trente ans mais qui constituent l’essentiel des ressources, et en les rassemblant au sein d’un comité d’administration des EGD.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE46 de M. Frédéric Petit

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Si nous ne pouvons modifier les contrats d’objectifs et de moyens (COM) et les contrats d’objectifs et de performances (COP), nous pouvons demander au Gouvernement d’étudier l’harmonisation de leur temporalité s’agissant des opérateurs dans un domaine donné, pour mettre un terme à une forme de cacophonie. En outre, les approuver, les passer en revue un an plus tard et les analyser un an avant leur terme pourrait servir de base à une loi de programmation de notre action extérieure, que beaucoup d’entre nous appellent de leurs vœux, coïncidant avec leur exécution et assurant l’engagement de Bercy, que je demande en vain depuis six ans.

Cet amendement d’appel permet de placer notre éternelle discussion sur les COM et les COP au bon niveau en vue de progresser dans cette législature.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE54 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). La dégradation des relations entre la France et le Burkina Faso, le Mali et le Niger a des conséquences importantes sur les établissements de l’AEFE qui s’y trouvent. Plusieurs familles françaises ont quitté ces pays. Leurs finances en sont d’autant plus détériorées. Il en résulte un risque de hausse des frais de scolarité pour les élèves restants. Le groupe La France insoumise demande un état des lieux financier des établissements et les moyens mis en œuvre pour éviter des frais de scolarité prohibitifs.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Notre commission a déjà ces informations. Deux de ses membres siègent au conseil d’administration de l’AEFE ; votre rapporteur fait son travail. Les budgets de l’AEFE figurent dans mes rapports pour avis depuis sept ans. Nous disposons, dans le cadre de notre mission de contrôle de l’action du Gouvernement, des budgets de chaque lycée géré par l’AEFE. Demander au Gouvernement de rédiger les rapports que nous devons faire nous-mêmes me surprend toujours. C’est à chacun de nous de faire ce travail. Nul ne nous en empêche.

Par ailleurs, un seul des six établissements auxquels vous faites allusion est un EGD. Les cinq autres sont des établissements en gestion locale. L’État français ne peut se prévaloir d’aucune autorité pour demander la comptabilité d’un organisme de droit malien ou de droit burkinabé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE55 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Cette demande de rapport vise à alerter sur la multiplication du recours à la dématérialisation dans les services consulaires. Dans un rapport publié en janvier 2019, la Défenseure des droits sonnait l’alarme sur les risques d’inégal accès au droit et d’exclusion auxquels expose le développement de la dématérialisation des services publics. Il en résulte une rupture d’accès aux droits pour de nombreuses personnes âgées, étrangères et en situation de précarité, mais aussi pour un jeune sur quatre.

La dématérialisation ne palliera jamais le manque de moyens humains. Les usagers ne parviennent pas à trouver des créneaux pour des demandes de visas ou de documents car nous manquons de personnes pour les accueillir. Le manque de moyens et la dématérialisation créent une telle complexité que des commerces parallèles de prise de rendez-vous émergent dans plusieurs pays, ce qui ne peut être toléré.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Certes, la dématérialisation des services pose des problèmes, notamment aux publics les plus éloignés du numérique. Toutefois, s’agissant des Français de l’étranger, dont le domicile est souvent éloigné de leur consulat, elle permet de faciliter les démarches.

Avis de sagesse.

M. Frédéric Petit, rapporteur pour avis. Il ne faut pas avoir peur de la numérisation, qui se passe plus ou moins bien selon les consulats. Ce qui s’impose, c’est une réorganisation fondamentale et commune des services consulaires, par le biais notamment d’échanges de bonnes pratiques.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE56 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Ersilia Soudais (LFI-NUPES). Nous appelons l’attention sur l’accroissement des délais de délivrance des visas de court séjour par les services consulaires français. En 2021, le délai de délivrance était de presque sept jours. En 2023, l’objectif de trois jours n’a pas été atteint. En 2024, on baisse les bras et on passe à une cible de neuf jours. Outre ces délais de traitement, obtenir un rendez-vous pour déposer une demande de visa est très difficile. La situation est telle que, dans plusieurs pays, un commerce parallèle de facilitateur de prise de rendez-vous se développe, multipliant par deux ou trois les dépenses engagées par les demandeurs. Nous demandons un rapport pour faire la lumière sur cette situation.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Plusieurs mesures ont récemment été prises pour réduire les délais. Par ailleurs, un rapport d’information à ce sujet a été rédigé il y a deux ans.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE60 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Nous appelons l’attention sur la multiplication des recours à des prestataires dans la réalisation de nos missions de service public. Depuis plusieurs années, les millions de Français et d’étrangers qui dépendent des réseaux consulaires constatent une baisse générale de la qualité des services publics consulaires. Les interlocuteurs sont de moins en moins identifiables. Les délais de prises de rendez-vous et de délivrance ne cessent de croître. La situation est telle que, dans plusieurs pays, des commerces parallèles, parfois à proximité de nos établissements, se multiplient pour proposer des prises de rendez-vous. Au Sénégal par exemple, contre l’équivalent d’un salaire minimum (SMIC), un prestataire privé obtiendra un rendez-vous à votre place. Cette situation n’est pas tolérable. Elle est une honte pour notre pays. Nous demandons un rapport pour faire la lumière sur cette dégradation des services consulaires.

M. Vincent Seitlinger, rapporteur pour avis. Les abus que vous décrivez ne sont pas acceptables. Toutefois, les prestataires privés permettent d’obtenir des délais de délivrance de visas raisonnables.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en avons terminé avec le débat sur la mission Action extérieure de l’Etat. Je remercie nos rapporteurs et tous les participants pour leur contribution à ces échanges.

*

*     *


—  1  —

 

   Annexe : Liste des personnes auditionnÉes ou rencontrÉes par le rapporteur pour avis

À Paris

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

— M. Aurélien Lechevallier, directeur général de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international ;

— M. Matthieu Peyraud, directeur de la diplomatie d’influence ;

— M. Jérémy Opritescu, sous-directeur, délégué des programmes et des opérateurs ;

— Mme Huriye Bulut, cheffe du pôle budget de la délégation des programmes et des opérateurs ;

— Mme Myriam Gourrin, chargée de mission auprès du directeur de la Culture.

● Audition conjointe sur les Unités mixtes – Instituts français de recherche à l’étranger (UMIFRE)

— Mme Marie Gaille, directrice de l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS ;

— M. William Berthomière, directeur adjoint scientifique du CNRS en charge de l’international ;

— M. Jakob Vogel, ancien directeur du Centre Marc Bloch à Berlin ;

— Mme Katia Boissevain, directrice de l’Institut de recherche sur le Maghreb contemporain (IRMC), à Tunis ;

— M. Mateusz Chmurski, directeur du Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES), à Prague ;

— Mme Odile Henry, directrice du Centre de sciences humaines (CSH), à New Delhi.

● Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse

— Mme Nathalie Nikitenko, déléguée aux relations européennes et internationales et à la coopération ;

— Mme Caroline Pascal, cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la jeunesse.

● Ministère de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

— Mme Anne-Hélène Bouillon, sous-directrice de la 7ème sous-direction ;

— M. Tài Nguyen, chef du bureau des affaires étrangères et de l’aide au développement.

● Campus France

— Mme Donatienne Hissard, directrice générale ;

— M. Patrice Goujet, chargé de mission.

● Institut français

— M. Erol Ok, directeur général ;

— M. Thomas Hannebique, secrétaire général.

● Fondation des Alliances française

— M. Marc Cerdan, secrétaire général ;

— M. Jean-François Hans, délégué géographique Afrique, Moyen-Orient, Océan Indien, Asie et Océanie.

● Table-ronde d’acteurs de l’enseignement français à l’étranger

— M. Jonathan Derai, vice-président délégué du réseau Odyssey International

— M. Mohamed Hamdoun, directeur général adjoint de la Mission laïque française ;

— M. Rimah Hammoud, vice-président de l’Association franco-libanaise pour l’éducation et la culture (AFLEC).

● Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE)

— Mme Claudia Scherer-Effosse, directrice générale ;

— Mme Clotilde Fayet, secrétaire générale ;

— Mme Anne Bétrencourt, directrice des affaires financières.

● Audition sur le thème de la coopération technique en Algérie

— MM. Jean-Louis Levet et Paul Tolila, co-auteurs de l’ouvrage Le Mal Algérien ;

— M. Jérémie Pellet, directeur général d’Expertise France.

● Audition conjointe sur le thème de l’histoire et de la mémoire dans les relations entre la France et l’Algérie

— Mme Raphaëlle Branche, professeure d’histoire contemporaine à l’Université de Paris-Nanterre ;

— Mme Karima Dirèche, directrice de recherche au CNRS ;

— Mme Sylvie Thénault, directrice de recherche au CNRS.

France Médias Monde

— Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale ;

M. Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources.

 

Déplacement en Algérie du 17 au 21 septembre 2023

À Alger

Ambassade de France

— M. Stéphane Romatet, ambassadeur de France ;

— M. Adrien Pinelli, ministre-conseiller ;

— Mme Emmanuelle Talon, adjointe à la conseillère de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France ;

— M. Mathieu Bruchon, chef du service économique régional et M. Grégoire Fauquier, adjoint au chef du service ;

— M. Romain Keraval, directeur Algérie de Business France ;

— Mme Souhire Medini, conseillère politique intérieure ;

— Mme Emmanuelle Deschamps, attachée de coopération scientifique et universitaire ;

— M. Yacine Hadjeb, responsable adjoint de Campus France ;

— Mme Valérie Le Galcher-Baron, attachée de coopération éducative ;

— Mme Rémi Veyrier, attaché de coopération pour le français ;

— Mme Inas de Brion, attachée de coopération institutionnelle.

Consulat général de France à Alger

— M. Bruno Clerc, Consul général de France ;

— Mme Delphine Speich-Delawar, cheffe du service des visas ;

— Mme Marguerite Morzy, cheffe du service des affaires sociales.

Rencontre de porteurs de projets dans les domaines du numérique et des lauréats du programme Mawahub

Visite de l’Institut français d’AlgérieAntenne d’Alger

— M. Walid Sahraoui, adjoint au directeur.

 

Petite école d’Hydra (Mission Laïque Française)

— M. Olivier Solé, directeur.

Lycée international Alexandre Dumas (LIAD)

— Mme Chantal Lévy, proviseure ;

— M. Victor Tremblot de La Croix, proviseur adjoint ;

— M. David Thiberge, directeur administratif et financier ;

— Représentants des personnels et associations de parents d’élèves.

Rencontre avec des acteurs algériens de l’enseignement du français et en français

● Rencontre avec des membres de la société civile dans le domaine des droits des femmes

Rencontre des équipes d’Expertise France en charge du Programme Économie bleue financé par l’Union européenne

— M. Bertrand Cazalet, chef de projet adjoint ;

— M. Réda Allal, chef de projet ;

— M. Laurent Fiat, conseiller aux affaires agricoles et agroalimentaires au Service économique régional ;

— Mme Nabila Ichalamene, directrice de l’Agence française de développement (AFD) en Algérie.

— M. Johan Virassamynaick, Responsable du bureau régional Afrique du Nord de VFS Global.

Chambre de Commerce et d’Industrie Algéro-Française (CCIAF)

— M. Michel Bisac, président ;

— M. Réda El Baki, directeur général ;

— M. Patrick Coutellier, président de la section Algérie des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) ;

— M. Morade Kobzili, directeur général Hotelinvest Accor Algérie ;

Conseillers consulaires, membres de l’Assemblée des Français de l’étranger

— M.  Karim Dendène ;

— Mme Radya Rahal.

 

À Oran

Consulat général de France à Oran

— M. Alexis Andres, Consul général de France ;

— Mme Karine Bordier, cheffe du service des visas ;

— M. Nawal Medjdoub, responsable des dossiers de visas étudiants.

Antenne d’Oran de l’Institut Français d’Algérie (IFA)

— Mme Ahlem Gharbi, conseillère de coopération et d’action culturelle de l’ambassade de France et directrice de l’IFA ;

— M. Romain de Tarlé, directeur de l’antenne d’Oran de l’IFA ;

— M. Sylvain Bagarie, secrétaire général ;

● Institut Cervantès

— M. Juan Manuel Cid Muñoz, directeur.

Acteurs économiques locaux

— M. Frédéric Fournier, directeur général d’Ewamax Spa ;

— M. Rémi Houillons, directeur général de Renault Algérie productions ;

— M. Rachid Ait Habib, vice-président de la chambre de commerce et de l’industrie de l’Oranie ;

— M. El Mortada Rahmani, chef du bureau d’Oran de la chambre de commerce et de l’industrie algéro-française.

● Antenne d’Oran du LIAD

— M. Christophe Petit, directeur ;

— Entretien avec des représentants des associations de parents d’élèves.

● Rencontre avec des personnalités de la société civile dans les domaines des arts et des droits des femmes 


([1]) Discours du président de la République, 16 mars 2023 (lien).

([2]) La compétence en matière de tourisme a été transférée du ministère de l’Europe et des affaires étrangères vers le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, emportant le transfert des crédits liés à la subvention pour charges de service public de l’opérateur Atout France ainsi que d’une partie des crédits du Plan de reconquête et de la transformation du tourisme.

([3]) 63,8 millions d’euros, nets des effets de périmètres déjà mentionnés.

([4]) Il s’agira de deux emplois de titulaires ou sous contrat à durée indéterminée et de quatorze emplois sous contrat à durée déterminées ou de volontaires internationaux.

([5]) Article 76 de la loi de finances n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 pour 2009.

([6]) Projets Innovants des Sociétés Civiles et Coalition d’Acteurs.

([7])  Il s’est agi des pays suivants : Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Niger, République Démocratique du Congo Sénégal, Tchad.

([8]) Les pays éligibles sont les suivants : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée Conakry, Kenya, Madagascar, Niger, Nigéria, Ouganda, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tanzanie, Tchad, Togo.

([9]) Article 1er de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État.

([10])  Afrique du Sud, Maroc, Russie, Afghanistan et Inde.

([11]) Traité entre la République française et la République fédérale d’Allemagne sur la coopération et l’intégration franco-allemandes, signée à Aix-la-Chapelle le du 22 janvier 2019.

([12])  Le réseau des IFRE représentait un budget consolidé de 13,7 millions d’euros en 2021 dont 34 % supportés par le MEAE. Les dotations pour fonctionnement et opérations aux IFRE ont totalisé 4,7 millions d’euros.

([13]) Les contributions du MEAE sont financées sur le programme 209 Solidarité avec les pays en développement.

([14]) Les partenariats Hubert Curien sont des programmes de recherche bilatéraux avec pour objectif de développer les échanges scientifiques et technologiques entre les laboratoires de recherche de deux communautés scientifiques.

([15]) Créé par la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

([16]) La création des IRF résulte de la loi n° 2022-272 du 28 février 2022 visant à faire évoluer la gouvernance de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et à créer les instituts régionaux de formation.

([17]) Samantha Cazebonne, rapport de mission pour le Gouvernement. « L’enseignement français à l’étranger une ambition réaffirmée dans un nouveau contexte international », 332 p.

([18]) Assemblée nationale, 5 janvier 2022, rapport d’information n° 4869 valant avis sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger pour 2021-2023, présenté par M. Frédéric Petit, p. 31. (lien).

([19]) Les comparaisons internationales se fondent sur la définition, introduite par l’UNESCO en 2013, des étudiants « en mobilités internationales », c’est-à-dire ayant quitté provisoirement leur territoire national dans le but de poursuivre leurs études et inscrits dans un programme d’enseignement dans un pays étranger.

([20]) Trois catégories principales de bourses définies par un arrêté du 27 décembre 1983 sur le régime des bourses accordées par le ministre des relations extérieures aux étrangers boursiers du gouvernement Français.

([21]) Trois sociétés opèrent au plan mondial : TLS Contact, VFS Global et CAPAGO.

([22])  Directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair.

([23])  Paul Hermelin, « Propositions pour une amélioration de la délivrance des visas », rapport à l’attention du ministre de l’intérieur et des outre-Mer et de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, avril 2023, p. 37.

([24]) Jean-Louis Levet, Paul Tolila, Le mal algérien, éditions Bouquins, 2023, p. 372.

([25]) Le wali est l’équivalent d’un préfet, et concentre l’essentiel des pouvoirs administratifs dans sa circonscription territoriale, la wilaya.

([26]) Le permis de construire pour l’extension a été délivré sans encombre en février 2023, pourtant à un moment particulièrement difficile dans la relation bilatérale.

([27]) L’Algérie a obtenu des droits d’engraissement auprès de la commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (ICCAT), organisation intergouvernementale créée en 1972 dont le siège est à Madrid.

([28]) Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit

([29]) Cette liste est établie par le Conseil oléicole international (COI), organisation intergouvernementale créée à Madrid en 1959 pour mettre en œuvre le premier accord international sur l’huile d’olive adoptée à Genève le 17 octobre 1955. Régi, en dernier lieu, par un accord international de 2015 sous les auspices de la conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le COI comprend quarante-six pays membres (lien).

([30])  Loi n° 12-06 du 12 janvier 2012 relative aux associations.

([31])  https://autisme.sante.gov.dz/fr/

([32]) La régression caractérise la situation de l’étudiant qui candidate à une mobilité visant un niveau d’études inférieur à celui qu’il a déjà atteint dans son pays d’origine, par exemple un étudiant en troisième année de licence en Algérie candidatant pour une première année de licence en France.

([33])  Loi n° 2017-1249 du 9 août 2017 autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs.

([34]) Raphaëlle Branche. « La mémoire combattante de la guerre d’indépendance algérienne », janvier 2009, p. 57 (lien).