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N° 1715

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

TOME VI

 

ÉCONOMIE

 

Commerce extÉrieur et diplomatie Économique

PAR M. Jean-François PORTARRIEU

Député

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 Voir le numéro : 1680


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. LA SITUATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR

A. UN BILAN CONTRASTÉ POUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS

1. La réalité du commerce extérieur français dépasse les seuls chiffres du déficit commercial, faussé par la facture énergétique

a. Le déficit commercial se creuse, affecté par le net renchérissement du coût de l’énergie

b. Le nombre d’entreprises exportatrices est en croissance continue

2. Un rebond différencié en fonction des secteurs d’activité

B. LES ACTIONS MENÉES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR SOUTENIR LES ENTREPRISES EXPORTATRICES

1. Le volet export du plan France Relance a été mis en œuvre jusqu’à la fin de l’année 2022, ciblant un retour des PME-ETI sur les marchés étrangers

2. Son successeur, le plan « Osez l’export », vise à faire accompagner et à rendre plus résilientes et audacieuses les entreprises exportatrices

3. La diplomatie économique demeure engagée aux côtés des entreprises françaises

II. LA SITUATION DE LA FILIÈRE VINICOLE, ATOUT MAJEUR DE LA FRANCE À L’EXPORTATION

A. la filiÈre des vins et spiritueux est un pilier essentiel de l’économie francaise

1. La filière viti-vinicole : une histoire française

2. Une filière d’excellence à l’export

B. UNE FILIÈRE EXPOSÉE À DE NOUVEAUX DÉFIS

1. Les défis écologiques et sanitaires

a. Le changement climatique a un impact direct sur la culture de la vigne

b. La bataille de la modération, qui a été gagnée, entraîne de profondes mutations du paysage viticole français

2. Les défis conjoncturels liés au contexte géopolitique

a. Les défis liés aux tensions inflationnistes

b. Les défis liés aux menaces de guerres commerciales

C. Un soutien des pouvoirs publics à renforcer

1. Un Gouvernement mobilisé pour la distribution d’aides d’urgence dont la nécessité doit être défendue par la diplomatie française

2. Une fiscalité complexe qui ne doit pas être alourdie

3. Un renforcement de la « marque France » à poursuivre

4. Une mobilisation de notre réseau diplomatique qui doit être sans faille dans la renégociation des droits à l’importation et la prévention d’éventuelles guerres commerciales

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE  1 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

 


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introduction

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis sur la mission Économie – Commerce extérieur et diplomatie économique du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, afin de se prononcer sur les crédits destinés au financement et au soutien du commerce extérieur de la France. Ces crédits visent principalement à soutenir les entreprises françaises sur les marchés étrangers, à promouvoir l’attractivité du territoire et à faire de la régulation internationale un atout pour l’économie française.

L’examen du budget constitue, en outre, pour la commission des affaires étrangères l’occasion d’examiner les instruments, les objectifs et les modalités de la diplomatie économique. Cette année, le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à la filière vinicole.

La filière vinicole a été fortement touchée, au cours des dernières années, par une crise protéiforme. Les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 ont directement affecté la demande intérieure, quand les perturbations logistiques mondiales ont contribué à un affaissement de la demande internationale. Le changement climatique produit, quant à lui, des effets directs sur la culture de la vigne. Le changement des habitudes de consommation incite, enfin, le secteur à se renouveler. 

Malgré ces tensions – qui sont hétérogènes selon les territoires et les appellations –, la filière vinicole constitue un atout majeur de la France à l’exportation : si les exportations de vin ne représentent que 2 % des exportations totales de notre pays, le secteur en est le deuxième secteur le plus excédentaire après l’aéronautique et contribue donc significativement à la réduction du déficit de la balance commerciale.

Ainsi, en 2022, la France a consolidé sa position en tant que leader mondial des exportations de vin et spiritueux en valeur. Ces dernières ont atteint le montant de 17,2 milliards d’euros, en hausse de 10,8 % par rapport à 2021.

Au premier semestre 2023 les exportations de vins et spiritueux français ont généré plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, malgré une baisse de 10,6 % des volumes exportés. La situation selon les zones géographiques est, comme souvent, variable : la plus forte chute des exportations provient des États-Unis – une baisse de 28 % en volume et de 23 % en valeur – en raison des stocks existants ; à l’inverse, l’Asie a enregistré une croissance positive de 14 % en valeur, soutenue par les exportations vers la Chine et Singapour.

Fort de ce constat, le rapporteur pour avis a souhaité se rendre en Chine, ce pays illustrant à la fois les multiples défis auxquels le secteur fait face, mais également le dynamisme et les succès de cette filière d’excellence qui porte en elle une certaine idée de la France. 


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Synthèse : les moyens budgétaires du commerce extérieur et de la diplomatie économique pour 2024

– Mission Économie

-          Programme 134 Développement des entreprises et régulations

La subvention pour charges de service public allouée à Business France s’élève à 100,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en 2023, soit une stricte identité avec les moyens prévus en précédente loi de finances. Un nouveau contrat d’objectifs et de moyens a été conclu le 2 octobre 2023 entre Business France et ses ministres de tutelle, pour la période 2023-2026.

Ce contrat poursuit l’approfondissement de la Team France et traduit de manière opérationnelle les objectifs du Gouvernement, à savoir la consolidation des entreprises à l’export et l’accroissement du volume d’exportations mais également le développement des investissements étrangers sur le territoire national.

La rémunération de Bpifrance Assurance Export, au titre de ses prestations réalisées pour le compte de l’État s’élève, quant à elle, à 323,9 millions d’euros en AE et 79,9 millions d’euros en CP, contre 78,1 millions d’euros en AE et CP l’année dernière.

Les montants en AE correspondent à l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l’État et Bpifrance Assurance Export ; les 79,9 millions d’euros correspondent au versement prévu pour 2024, dans la convention.

La subvention pour charges de service public de l’opérateur Atout France (agence de développement touristique de la France) s’élève dans le projet de loi de finances pour 2023 à 28,7 millions d’euros en AE et en CP, montants identiques à ceux de l’année dernière.

Une dotation budgétaire de 0,7 million d’euros en AE et en CP est par ailleurs prévue pour financer l’organisation d’évènements en faveur du développement à l’international des entreprises françaises et de l’attractivité du territoire. Elle est identique à celle qui avait été prévue l’année dernière.

-          Programme 305 Stratégie économique

Le programme 305 Stratégie économique prévoit un montant de 73,8 millions d’euros en AE et 73,8 millions d’euros en CP pour 2023, pour les dépenses du réseau international de la direction générale du Trésor (DG Trésor) entrant dans le champ de l’action n° 2 Développement international de l’économie française.

Hors dépenses de personnel, les dépenses de fonctionnement prévues s’élèvent à 5,2 millions d’euros en AE et en CP. Elles couvrent essentiellement les dépenses gérées par l’administration centrale de la direction générale du Trésor : frais de changement de résidence des agents, dépenses informatiques, paiement de prestations de la Banque de France, prise en charge de la couverture sociale des volontaires internationaux en administration et dépenses de formation spécifiques aux agents des services économiques. Ces dépenses de fonctionnement s’élevaient à 6 millions d’euros en AE et 5,3 millions d’euros en CP l’année dernière.

La majeure partie des crédits du réseau international de la DG Trésor exécutés à l’étranger est cependant supportée par le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde.

– Mission Cohésion des territoires

Le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire prévoit une subvention pour charges de service public allouée à Business France. Cette subvention, de nature assez résiduelle, est historiquement liée au rôle d’aménagement du territoire reconnu aux investissements étrangers, que Business France a pour mission d’encourager. Elle est d’un montant de 4,8 millions d’euros en AE et CP, montant identique à celui prévu l’année dernière.

– Mission Agriculture

Le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture prévoit une subvention pour charges de service public allouée à Business France d’un montant de 3,71 millions d’euros en AE et 3,71 millions d’euros en CP pour le financement de sa mission d’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire et de sa mission de prestations en matière de statistiques sur le commerce extérieur et d’études sur les marchés à l’exportation. Elle s’élevait à 3,71 millions d’euros en AE et 3,73 millions d’euros en CP l’année dernière.

– Mission Plan de relance

L’action n° 3 Plan de soutien à l’export dispose de 8 millions d’euros en CP. Il s’agit de transferts aux entreprises pour les soutenir dans leur démarche de prospection à l’export, au titre de la dotation aux fonds d’études et d’aide au secteur privé. Ce montant est identique à celui déterminé en loi de finances pour 2023.

– Mission Aide au développement

Une dotation de 30 millions d’euros en AE et 36,9 millions d’euros en CP est prévue pour le fonds d’études et d’aide au secteur privé (FASEP) par le programme 110 Aide économique et financière au développement, contre 30 millions d’euros en AE et 41,5 millions d’euros en CP l’année dernière.


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I.   LA SITUATION DU COMMERCE EXTÉRIEUR

Le commerce international a été, ces dernières années, confronté à un triple choc : une crise liée à la pandémie mondiale de coronavirus, une crise liée à la recomposition des chaînes d’approvisionnement mondiales avec des tensions pour certains intrants critiques et enfin une crise liée aux conséquences de la guerre en Ukraine entraînant une hausse du coût de l’énergie.

Les prévisions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) indiquent une reprise des échanges commerciaux plus faible qu’attendue – + 3,2 % selon le dernier baromètre du commerce mondial – et contrastée selon les régions du monde, avec une reprise plus faible pour l’Afrique, l’Amérique latine et une partie de l’Asie du Sud‑Est.

A.   UN BILAN CONTRASTÉ POUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS

1.   La réalité du commerce extérieur français dépasse les seuls chiffres du déficit commercial, faussé par la facture énergétique

a.   Le déficit commercial se creuse, affecté par le net renchérissement du coût de l’énergie

Le déficit commercial français s’est fortement dégradé, de l’ordre de 78 milliards d’euros en 2022 par rapport à 2021, pour atteindre près de 164 milliards d’euros, dans un contexte de renchérissement substantiel de la facture énergétique, qui a plus que doublé en un an pour atteindre 115 milliards en 2022, contre 45 milliards en 2021 : plus de 86 % de la dégradation du déficit commercial est directement imputable à la facture énergétique et le gaz représente à lui seul 59 milliards d’euros de déficit.

Ainsi, sur l’année 2022, le déficit des transactions courantes s’est creusé pour atteindre 53,5 milliards d’euros – soit 2,03 % du produit intérieur brut (PIB) – après un excédent de 9 milliards d’euros en 2021.

Plus subsidiairement, le dynamisme de l’activité a contribué à la dégradation du solde des biens d’investissement et intermédiaires dans un contexte, désormais ancien, de désindustrialisation structurelle.

De manière générale, bien qu’elle se soit partiellement redressée au milieu des années 2010, la balance commerciale de la France se dégrade depuis vingt ans en lien avec le décrochage de notre compétitivité observé au début des années 2000, et avec la stratégie d’internationalisation des entreprises françaises, qui privilégient l’implantation à l’international par le biais de filiales et délocalisent leur production ([1]).

Soldes des transactions courantes

(en milliards d’euros et en pourcentage du PIB)Une image contenant texte, capture d’écran, diagramme, ligne

Description générée automatiquement

Source : Banque de France

Plusieurs constats permettent néanmoins d’atténuer ce tableau rendu difficile principalement du fait de la conjoncture internationale.

D’une part, le déficit des biens hors énergie se réduit légèrement, à 24,4 milliards d’euros en 2022, contre 26,4 milliards d’euros en 2021.

D’autre part, les données agglomérées du solde courant ne doivent pas masquer les succès enregistrés par l’excédent record enregistré par le secteur des services, qui s’est élevé à 49,9 milliards d’euros en 2022, contre 36,4 milliards d’euros en, 2021.

De même, la balance des revenus reste largement excédentaire, à hauteur de 31 milliards d’euros.

Il est à noter que le solde de la balance commerciale française s’améliore au premier semestre 2023, passant de - 89 milliards d’euros au second trimestre 2022 à - 54 milliards d’euros. Cette amélioration est principalement due à la baisse de la facture énergétique, qui passe de 65 milliards à 36 milliards d’euros sur la période, par rapport au semestre précédent.

b.   Le nombre d’entreprises exportatrices est en croissance continue

La France demeure le 6ème exportateur mondial de biens et services avec plus de 147 900 entreprises exportatrices au 1er trimestre 2023 et une part de marché légèrement supérieure à 3 %.

La part de marché mondiale de la France pour les seules marchandises est passée de 2,6 % en 2021 à 2,4 % en 2022 mais, selon les réponses apportées au rapporteur, atteignent 2,8 % au premier trimestre 2023 : pour la première fois depuis dix ans, la France a su reconquérir des parts de marché à l’export. Les exportations de biens en volume ont continué de progresser au cours du deuxième trimestre 2023 (de + 2,6 %) et la contribution en valeur du commerce extérieur à la croissance est nettement positive au premier semestre 2023 : + 0,5 % au premier trimestre, + 0,7 % au deuxième trimestre.

À noter que, selon les réponses apportées au rapporteur par la DGDDI, la croissance du nombre d’entreprises exportatrices entre 2015 et 2022 a été plus soutenue pour les entreprises de moins de 20 salariés (+ 21 %) que pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (+ 13 %), et que pour les entreprises employant entre 20 et 249 salariés (+ 7 %).

En outre, plus de la moitié des entreprises exportatrices (79 000 en 2022, soit 54 % des entreprises exportatrices) desservent le marché de l’Union européenne (UE), ce ratio étant relativement stable depuis 2015, année où il était de 55 %.

Selon les données d’Eurostat pour 2021, la part des entreprises exportant vers l’UE est de 52 % pour les très petites entreprises (TPE) exportatrices (moins de 10 salariés), 69 % pour les petites et moyennes entreprises (PME, entre 10 et 249 salariés) et 72 % pour les ETI et grandes entreprises (au moins 250 salariés).

Une grande majorité des entreprises exportatrices françaises exportent
au-delà de l’UE (73 % en 2021 contre une part de 76 % en 2015 ([2])). Cette part a été, en 2021, de 76 % pour les TPE, 82 % pour les PME et 94 % pour les ETI et grandes entreprises selon les données d’Eurostat.

2.   Un rebond différencié en fonction des secteurs d’activité

En raison de la reprise du transport aérien, le secteur aéronautique bénéficie d’une hausse marquée de ses exportations : celles-ci progressent de 21 % pour atteindre 46 milliards d’euros. Pour autant, cette somme ne correspond qu’à 71,7 % du niveau de 2019. L’excédent du secteur aéronautique s’établit ainsi à 23,5 milliards d’euros, en progression de 2,4 milliards d’euros par rapport à 2021, mais toujours inférieur de 7,6 milliards d’euros par rapport au niveau record de 2019. Le poids du secteur dans les exportations françaises reste stable, passant de 7,8 % en 2021 à 7,9 % en 2022.

S’agissant de l’automobile, la reprise des échanges s’est poursuivie en 2022 pour quasiment retrouver son niveau d’avant-crise. Les exportations ont ainsi augmenté de 9,4 % pour s’établir à 48,3 milliards d’euros, soit 97,1 % de leur niveau d’avant-crise.

Tous les autres secteurs affichent une hausse marquée de leurs échanges qui dépassent largement leur niveau d’avant-crise.

Ainsi, les exportations du secteur textile progressent de 20,9 % par rapport à l’année précédente, pour atteindre 37,8 milliards d’euros.

Le secteur agricole et agroalimentaire a vu ses exportations progresser de 19,3 % par rapport à 2021, pour atteindre 83,6 milliards d’euros tandis que les importations sont en hausse de 18,3 % à 73,3 milliards d’euros ; l’excédent sectoriel progresse de 2,2 milliards d’euros pour s’établir à 10,3 milliards d’euros.

En 2022, les exportations du secteur des produits chimiques, parfums et cosmétiques poursuivent leur dynamique de reprise entamée en 2021, avec une hausse de 18 % à 78 milliards d’euros. Les importations augmentent, quant à elles, de 29,7 %, ce qui se traduit par une légère contraction de l’excédent sectoriel, à 11,9 milliards d’euros.

Les exportations de produits de luxe progressent de 17,9 %, pour atteindre 69,8 milliards d’euros. L’excédent sectoriel progresse de 4,5 milliards d’euros, pour s’établir à 36,6 milliards d’euros. À noter que cette hausse des exportations est plus marquée à destination de l’Amérique (+ 26,2 %) et de l’Europe (+ 17,6 %) que de l’Asie (+ 12,7 %).

Selon les prévisions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la croissance en volume des échanges au niveau mondial ralentirait fortement en 2023 pour atteindre + 0,8 %, avant de se normaliser en 2024 (+3,3 %). Cette contraction s’explique principalement par le ralentissement de la croissance chinoise et le durcissement des politiques monétaires qui devraient peser sur la demande. En effet, l’inflation est toujours située à un niveau élevé, même si elle ralentit : en août, elle a atteint + 3,7 % sur un an aux États-Unis et + 5,2 % dans la zone Euro.

Rappelons que le commerce mondial de biens, en 2022, a progressé
de + 3 %, sous l’effet de la poursuite post-pandémique débutée en 2021.

B.   LES ACTIONS MENÉES PAR LES POUVOIRS PUBLICS POUR SOUTENIR LES ENTREPRISES EXPORTATRICES

Les parts de marché mondiales de la France, stables depuis une dizaine d’années, ont légèrement reculé entre 2019 et 2021 du fait de la pandémie de la Covid-19. Les performances de l’ensemble des secteurs à l’export s’améliorent depuis, bien aidées par un important soutien des pouvoirs publics.

1.   Le volet export du plan France Relance a été mis en œuvre jusqu’à la fin de l’année 2022, ciblant un retour des PME-ETI sur les marchés étrangers

En réponse aux conséquences économiques de la crise sanitaire, le Gouvernement a inclus un volet export au sein du plan France Relance, dont la mise en œuvre a débuté le 1er octobre 2020 et qui a été prolongé jusqu’à la fin de l’année 2022. Ce volet export prévoyait plusieurs mesures visant à renforcer, dans un contexte qui demeure à ce jour difficile pour les exportateurs, le soutien aux entreprises françaises, et en particulier aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux entreprises de taille intermédiaire. Ce soutien des pouvoirs publics s’est révélé crucial pour maintenir l’activité de certaines entreprises exportatrices au plus fort de la crise sanitaire, tout en encourageant la conquête de nouveaux marchés au moment de la phase de reprise.

Concernant l’accompagnement à l’export, le plan France Relance s’est notamment concrétisé par :

-         la création d’un « chèque relance export » (CRE) pour les PME-ETI achetant des prestations de projections à l’export, ce dispositif permettant de prendre en charge 50 % des frais de participation à un salon international ou à l’achat d’une prestation de projection collective ou individuelle dans la limite d’un certain plafond. Au final, 19 300 CRE ont été délivrés, pour un montant total de 33,5 millions d’euros ;

-         la prise en charge par l’État, via un « chèque V.I.E. » d’un montant de 5 000 euros, de l’envoi en mission d’un volontaire international en entreprise (V.I.E.) dans la limite de deux par entreprise bénéficiaire. Le « chèque relance V.I.E. » permet également de financer l’envoi à l’international de V.I.E. issus de formations courtes ou venant des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Dans ce cas, le montant du dispositif est porté à 10 000 euros depuis le 1er septembre 2021. Au final, 1 905 chèques relance V.I.E. ont été délivrés, pour un montant de 10,4 millions d’euros ;

-         le doublement de l’enveloppe (50 millions d’euros) du fonds FASEP, destiné à financer des études de faisabilité pour des projets d’infrastructures ou des démonstrateurs des technologies innovantes dans les pays émergents ;

-         le déploiement d’outils digitaux avec notamment la mise en place d’une veille-information sur les marchés, personnalisée et gratuite pour les exportateurs, proposée sur la plateforme de la Team France Export (TFE), la création de trois e‑vitrines sectorielles sur lesquelles les PME-ETI peuvent être recensées ou encore le soutien au référencement de produits français sur des plateformes « B2B » (commerce entreprise à entreprise).

Concernant l’accompagnement financier des entreprises à l’export, le plan France Relance s’est notamment concrétisé par :

-         l’octroi de différentes enveloppes complémentaires à Bpifrance Assurance Export, notamment pour la modernisation des systèmes d’information et le renforcement des capacités de l’entité ;

-         le dispositif « Cap France Export », permettant aux entreprises de continuer à disposer de toutes les couvertures d’assurance-crédit dont elles ont besoin, afin de pallier le manque d’appétit des assureurs-crédits sur certains acheteurs. Ce dispositif a ainsi permis de couvrir près de 15 000 opérations vers l’international, avec un encours total garanti de 1,6 milliard d’euros depuis son lancement.

2.   Son successeur, le plan « Osez l’export », vise à faire accompagner et à rendre plus résilientes et audacieuses les entreprises exportatrices

En 2018 le Gouvernement engageait à Roubaix une stratégie pour le commerce extérieur qui s’est traduite par la création de la Team France Export, regroupant l’ensemble des opérateurs chargés de soutenir les entreprises françaises à l’export. Leur nombre est passé de 125 000 en 2018 à 147 900 entreprises exportatrices au 1er trimestre 2023, selon les données communiquées au rapporteur.

Pour autant, les bouleversements provoqués par la pandémie de Covid-19 et la guerre d’agression russe en Ukraine ont mis en lumière le rôle déterminant des échanges commerciaux dans la capacité des États à préserver leur résilience, leur souveraineté économique et à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement.

C’est ainsi que le plan « Osez l’export » a été présenté le 31 août 2023 par la Première ministre, Mme Élisabeth Borne, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Bruno Le Maire, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Mme Catherine Colonna, et le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des français de l’étranger, M. Olivier Becht.

Le plan « Osez l’export » et ses 13 axes

Ce plan s’articule autour de trois priorités : investir dans l’humain et dans les territoires, faire gagner la France à l’export et préparer l’avenir. Ces prioriétés sont elles-mêmes déclinées à travers treize axes :

– création d’un volontaire territorial à l’export (VTE), dispositif d’aide à l’embauche pour l’engagement d’un jeune dédié à l’export dans les territoires, afin d’accompagner les PME-ETI dans leur stratégie de développement à l’international ;

– stimulation du volontariat international en entreprise (VIE) en renforçant le dispositif à destination des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

– faire mieux connaître les bénéfices de l’export au cœur des territoires ;

– création d’une académie de l’export, afin de former les entrepreneurs aux enjeux de l’export ;

– accompagnement de 5 000 entreprises par an sur les salons internationaux grâce à une meilleure prise en charge de leur coût par l’État ;

– faire mieux connaître l’offre des PME françaises grâce à des e-vitrines sectorielles et renforcer la visibilité des produits français sur les plus grandes plateformes mondiales d’e-commerce ;

– créer une marque « France » pour valoriser et renforcer l’image des produits français à l’international ;

– mieux utiliser les accords commerciaux de l’Union européenne pour investir de nouveaux marchés et faire bénéficier nos entreprises de la réduction des droits de douane ;

– proposer un accompagnement à l’export sur mesure à 1 000 PME soutenues par le plan France 2030 ;

– faire bénéficier 200 PME-ETI à fort potentiel à l’export d’un accompagnement collectif intensif pris en charge à 60 % par l’État ;

– faciliter la participation des entreprises françaises dans les grands projets internationaux et leurs échanges avec les acheteurs internationaux ;

– dématérialiser les procédures de financement du commerce international ;

– moderniser les financements export pour les rendre plus accessibles.

Le rapporteur se félicite de la mise en place de ce plan qui doit être à même d’inscrire pleinement notre tissu de PME-ETI dans la mondialisation, à travers une simplification de l’accompagnement public et une plus grande résonnance donnée à nos champions locaux.

3.   La diplomatie économique demeure engagée aux côtés des entreprises françaises

La diplomatie économique comporte plusieurs objectifs. Elle vise principalement à mettre la politique étrangère au service du soutien des entreprises françaises, à attirer des investissements étrangers, à influencer les normes internationales, à déceler les éventuelles vulnérabilités économiques pour peser dans les rapports de force internationaux, d’une part, et assurer la sécurité de nos approvisionnements, d’autre part.

Parmi les principales actions menées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères pour développer et faire rayonner les entreprises françaises à l’international, il convient de relever le soutien fourni à nos entreprises par les ambassades et les consulats, qui partagent leurs analyses, contribuent à ouvrir des portes à nos compatriotes, à aplanir les difficultés qu’ils rencontrent – dans leurs déplacements ou dans leurs démarches administratives auprès d’autorités étrangères – à faciliter leur implantation, à appuyer leur développement commercial en promouvant les offres françaises, à alerter les entreprises sur d’éventuelles évolutions du cadre normatif local susceptibles de les concerner ou d’avoir un effet sur l’environnement des affaires.

Il faut également relever le déploiement d’une stratégie de marque et de communication, autour de la « marque France » et de ses déclinaisons sectorielles, destinée à asseoir une image favorable de notre pays et de ses talents, sur le plan économique. Par ailleurs, l’organisation de nombreux évènements par Business France (forums d’affaires, présence sur les grands salons internationaux, appui par le dispositif des VIE, etc.) participe de ce soutien aux entreprises françaises exportatrices.

Selon les données recueillies par le rapporteur, plus de 1000 « dossiers de diplomatie économique prioritaires » (contrats, litiges, normes locales) font actuellement l’objet d’une attention particulière des chancelleries diplomatiques. En outre, les ambassadeurs réunissent régulièrement les communautés d’affaires, notamment dans les « conseils économiques » et veillent à promouvoir auprès des autorités de leur pays de résidence les mesures susceptibles d’améliorer le climat des affaires pour les entreprises françaises.

M. Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères et du développement international, avait déclaré en 2014 souhaiter qu’au sein de notre appareil diplomatique « l’impératif économique soit renforcé puissamment et rapidement » ([3]). Il avait, en outre, insisté pour que la diplomatie économique soit placée en tête des priorités des missions du réseau.

Le rapporteur souscrit à cette position et pense qu’il serait utile de la réaffirmer.

S’agissant, par exemple, de la filière vinicole, une attention toute particulière devrait être portée aux attachés agricoles présents dans certaines de nos ambassades, qui disposent d’une connaissance très fine des besoins du secteur et jouent un rôle crucial en matière de veille, de mise en relations d’affaires et de négociation des contrats pour que les coopérations proposées aillent dans le sens de nos intérêts.

Il conviendrait donc que la réflexion se réalise en format « Team France » de sorte à structurer, autour de la figure de l’ambassadeur, un écosystème à même d’aider les entreprises françaises désireuses de se lancer à l’export tout autant que de favoriser l’investissement dans nos territoires.

Au demeurant, si la diplomatie économique consiste à mobiliser la politique étrangère au service de nos entreprises, le rapporteur tient également à insister sur l’autre aspect de cette politique qui vise aussi à mobiliser l’économie au service de notre politique étrangère.

La diplomatie économique constitue, en effet, un levier important, que de nombreux États n’hésitent pas à actionner comme le prouve de manière éclatante l’actualité récente. De ce point de vue, la diplomatie économique s’apparente bien plus à du hard power qu’à de la simple politique d’influence. En raison des nombreuses interdépendances engendrées par la mondialisation, les leviers économiques peuvent permettre de peser dans les rapports de force et de faire pression sur la politique extérieure d’autres États.


II.   LA SITUATION DE LA FILIÈRE VINICOLE, ATOUT MAJEUR DE LA FRANCE À L’EXPORTATION

A.   la filiÈre des vins et spiritueux est un pilier essentiel de l’économie francaise

1.   La filière viti-vinicole : une histoire française

La transformation graduelle de la vigne sauvage en vigne cultivée s’est réalisée à partir du onzième millénaire avant l’ère chrétienne, dans le Caucase et au Moyen-Orient, avant de donner lieu aux premières vinifications trois millénaires plus tard. Les Grecs, initiateurs de la viticulture en Europe méditerranéenne, sont relayés dans leur œuvre civilisatrice par les Romains : si le premier vignoble français s’implante à Massilia autour de – 600 avant notre ère, c’est avec les Romains que la culture de la vigne connaît une extension à travers la Gaule, qui se répand au Ier siècle dans la vallée du Rhône, apparaît au IIème siècle en Bourgogne et dans le Bordelais, pour atteindre la vallée de la Loire au IIIème siècle et la Champagne au IVème siècle.

Le christianisme, notamment pour des raisons liturgiques, a été un important facteur de développement de la vigne et du vin en France : ainsi, en 816, le concile d’Aix-la-Chapelle encourage les viticultures épiscopales et monastiques. Pour autant, dès cette période, le vin est également une monnaie d’échange et un élément de force économique.

Aujourd’hui, avec 750 000 hectares, la surface des vignes de cuve représente 3 % des surfaces agricoles françaises – mais 11 % de la surface des vignes de cuve au niveau mondial – et 15 % de la production agricole en valeur.

Cette activité génère près de 500 000 emplois directs et indirects sur le territoire, faisant vivre les quelques 383 appellations et près de 3 300 vins différents présents sur 80 départements. 

En 2022, sur les 33 milliards de bouteilles de vin consommées à l’échelle mondiale, près de 3,5 milliards de bouteilles l’ont été en France : ainsi, 60 % de la production de vin française est destinée au marché intérieur, même si cette proportion varie très fortement selon les appellations. 

2.   Une filière d’excellence à l’export

La filière des vins et spiritueux est un pilier essentiel de l’économie française, se positionnant au premier rang du secteur agroalimentaire en termes de solde commercial. Le secteur maintient, depuis 2016, un solde excédentaire d’environ 10 milliards d’euros.

En 2022, la France a consolidé sa position en tant que leader mondial des exportations de vin et spiritueux en valeur. Ces dernières ont atteint le montant de 17,2 milliards d’euros, en hausse de 10,8 % par rapport à 2021. Après le secteur aéronautique, le secteur des vins et spiritueux constitue le deuxième excédent commercial de la France, avec un solde de 15,7 milliards d’euros, soit près du tiers des exportations mondiales du secteur en valeur. 

Au premier semestre 2023, les exportations de vins et spiritueux français ont généré plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, malgré une baisse de 10,6 % des volumes exportés. La situation selon les zones géographiques est, comme souvent, variable : la plus forte chute des exportations provient des États-Unis – une baisse de 28 % en volume et 23 % en valeur – en raison des stocks existants ; à l’inverse, l’Asie a enregistré une croissance positive de 14 % en valeur, soutenue par les exportations vers la Chine et Singapour.

La France est le premier fournisseur en valeur de boissons alcoolisées en Chine, concentrant 47,9 % des parts de marché, et le deuxième exportateur en volume, avec 16,5 % des exportations en 2022. S’agissant plus particulièrement du vin, la France est le premier fournisseur, avec 46,3 % des parts de marché, et le deuxième en volume, avec 14,3 % des exportations.

B.   UNE FILIÈRE EXPOSÉE À DE NOUVEAUX DÉFIS

1.   Les défis écologiques et sanitaires

a.   Le changement climatique a un impact direct sur la culture de la vigne

Le changement climatique impacte directement la culture de la vigne puisque, s’il rend moins fréquents et moins intenses les épisodes de gel, il augmente dans des proportions encore plus grandes les phénomènes de chaleur précoce. Cette douceur favorise alors le débourrement de la végétation, qui sort plus tôt de sa dormance hivernale et bourgeonne. Dès lors, plus la température globale augmente, plus la végétation est exposée au risque de gel tardif.

Ainsi, les gelées d’avril 2021, qui ont causé une perte estimée à un tiers de la production viticole française, ont été qualifiées par Julien Denormandie, alors ministre de l’agriculture, comme « la plus grande catastrophe agronomique en ce début de XXIème siècle ».

De même, le plasmopara viticola – l’agent responsable du mildiou de la vigne – provoque de nombreuses épidémies dans les vignobles français. Ce champignon en provenance d’Amérique du Sud, détecté pour la première fois en 1878 en France, est de plus en plus présent dans les années récentes. Ainsi, 29 % du vignoble français était sous pression parasitaire en 2016, contre seulement 9 % en 2009. Cette maladie, qui s’attaque à la vigne et détruit le feuillage jusqu’à dessécher les baies, est très difficile à combattre. Sa prolifération est favorisée par le changement climatique puisque sa multiplication nécessite un climat chaud et humide. En 2023, près de 90 % des vignobles de Gironde auraient été touchés par le mildiou. La France n’est pas la seule à être confrontée à ce phénomène puisque l’Italie subit actuellement une grave épidémie de mildiou, qui devrait aboutir à une baisse de la production à hauteur de 14 %, permettant ainsi à la France de redevenir le premier exportateur mondial de vin en volume. 

b.   La bataille de la modération, qui a été gagnée, entraîne de profondes mutations du paysage viticole français 

La consommation de vin des Français a chuté de 70 % en soixante ans, passant de 120 litres par an et par habitant, à moins de 40 litres en 2020. Cette diminution de la consommation, si elle possède des externalités positives en matière de santé publique, a un impact direct sur l’économie viticole.

La surface agricole destinée à la production de vin est passée de 1,1 million d’hectares en 1980, à 876 000 hectares en 2000 ; elle est actuellement d’environ 750 000 hectares.

Ainsi, la crise de la consommation aboutit à une lutte permanente contre la surproduction. Selon le comité national des interprofessions des vins d’appellations d’origine à indication géographique (CNIV), rencontrés par le rapporteur, cette consommation pourrait encore diminuer de 60 % au cours des dix prochaines années.

Cette surproduction entraîne des mesures de crise, particulièrement dans le Bordelais, comme des arrachages, des reboisements et des campagnes de distillation.

2.   Les défis conjoncturels liés au contexte géopolitique

a.   Les défis liés aux tensions inflationnistes

Les bouleversements provoqués par la pandémie de Covid-19 et l’agression russe en Ukraine ont mis en lumière le rôle déterminant des échanges commerciaux dans la capacité des États à assurer leur résilience, leur souveraineté économique et à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement.

Ces évènements internationaux ont également perturbé les chaînes de valeur du secteur des vins et spiritueux. En effet, la Russie représente 13 % du commerce mondial des produits intermédiaires d’engrais. En outre, la Russie et l’Ukraine sont parmi les plus importants producteurs de potasse, très utilisée dans la vigne pour améliorer la résistance des cultures face à un stress hydrique. De même, le conflit a fortement renchéri le prix du bois et du carton, sans même évoquer les hausses du coût de l’énergie qui impactent directement la fabrication des bouteilles et le coût du transport.

Le secteur des vins et spiritueux en Chine

Au cours des deux dernières décennies, la Chine était devenue un relais de croissance pour le marché mondial du vin, atteignant 7 % de la consommation globale et des volumes importés en 2017. Depuis cette date, la progression de la consommation de vin portée par le pays a ralenti. Entre 2017 et 2019, les importations françaises ont diminué de 42 % en volume et de 33 % en valeur. En 2022, les importations de vin ont diminué de 55 % par rapport à 2021, du fait de la stratégie chinoise de lutte contre la pandémie de
Covid-19.

Ce sombre tableau pourrait toutefois s’améliorer. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoit une croissance réelle du PIB de 5 % en 2023 et 2024, contre 3 % en 2022.

Dans ce contexte, certaines PME-ETI privilégient les marchés européens, plus proches, stables et lisibles. Le secteur des vins et spiritueux n’y fait pas exception.

b.   Les défis liés aux menaces de guerres commerciales

Les pressions règlementaires internationales sont de plus en plus strictes concernant la production, l’étiquetage, la publicité et la distribution des vins, ce qui oblige les acteurs à s’adapter en conséquence et donc à assumer des coûts supplémentaires parfois significatifs.

Le coût administratif : l’exemple du décret n° 248 en Chine

Le décret n° 248 de l’administration générale des douanes, instauré à la fin de l’année 2022 en Chine, est un exemple significatif de ce type de défis administratifs adressés aux exportateurs français. Ce décret exige l’enregistrement des exportateurs de vins auprès des autorités chinoises, introduisant une complexité supplémentaire au processus d’exportation. Si des initiatives de l’Union européenne et de la diplomatie française ont atténué certaines préoccupations initiales, des difficultés persistent, du fait de l’impréparation des douanes chinoises et de la publication tardive d’une interprétation du décret.

L’économie du vin doit également s’adapter à la donne géopolitique. Ainsi, la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a entraîné une augmentation significative des droits d’accises : pour les vins tranquilles entre 11,5 et 14,5 degrés, la hausse a été de 20 %, soit une majoration de 44 pences par bouteille.

Plus inquiétants, certains États ciblent parfois volontairement la filière vinicole française, dont ils savent qu’elle est un vecteur de croissance, par des mesures de rétorsion qui trouvent leur origine dans d’autres dossiers. Cela a été le cas des États-Unis, qui ont imposé des sanctions commerciales à l’encontre de l’Union européenne en 2019 : les vins tranquilles se sont vus imposer une taxe ad valorem additionnelle de 25 %, qui a entraîné une perte économique d’environ 300 millions d’euros pour les producteurs français en 2020. Un moratoire sur les sanctions pour quatre mois a été conclu en mars 2021 ; il a été prorogé jusqu’à l’été 2026.

L’exemple d’une guerre commerciale : les vins australiens en Chine

Plus généralement, les droits de douane constituent autant d’obstacles à la pénétration d’un marché et aboutissent à favoriser certaines origines au détriment d’autres ; ils constituent en cela un véritable marqueur de la politique étrangère d’un pays.

Du fait des fortes tensions diplomatiques entre l’Australie et la Chine depuis 2017
– renforcées lorsque Canberra a exclu, le 23 août 2018, l’opérateur Huawei de son marché 5G –, cette dernière a imposé aux vins australiens, alors les plus consommés du pays, des surtaxes allant de 116 à 218 %. La consommation de vins australiens en Chine s’est alors effondrée.

Les vins français, dont la part de marché en Chine s’établit aux environs de 30 %, aurait pu en profiter. Néanmoins, ces vins sont considérés comme plutôt « haut de gamme » et sont affectés de droits d’importation significatifs – 14 % pour le vin et bouteille et 20 % pour le vin en vrac –, qui en renchérissent d’autant le coût.

Le Chili, qui a signé un accord de libre-échange avec la Chine en 2006
– actualisé en 2015 – a largement profité des sanctions australiennes : la vente de vins chiliens en Chine a augmenté de 44 % dès l’année d’implémentation des sanctions australiennes. Le vin chilien, avec un positionnement sur l’entrée de gamme, est désormais le 1er vin importé sur le territoire chinois en volume et 2ème en valeur.

Au cours des auditions menées par le rapporteur, il a été indiqué que les acteurs du secteur s’attendent à un retour des vins australiens à moyen terme, dans un contexte de réchauffement relatif des relations entre les deux pays. Ce retour est à même de supprimer l’avantage comparatif dont bénéficient actuellement les autres vins étrangers, notamment français.

Le rapporteur souhaite faire état de son inquiétude s’agissant de l’enquête antisubventions sur les véhicules électriques en provenance de Chine ouverte par la Commission européenne en septembre 2023. Il forme le vœu que cette enquête, dénoncée par la partie chinoise, n’aboutisse pas à ouvrir un nouveau front commercial au détriment des vins européens.

C.   Un soutien des pouvoirs publics à renforcer

1.   Un Gouvernement mobilisé pour la distribution d’aides d’urgence dont la nécessité doit être défendue par la diplomatie française

Face aux crises protéiformes que connaît le secteur de la vigne et du vin, les plans d’aides de la part du Gouvernement se sont multipliés au cours des années récentes.

Lors de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, des mesures de soutien exceptionnelles – dont certaines spécifiques au secteur – ont été mises en place dès le mois de mai 2020, comprenant notamment des exonérations de cotisations sociales pour les TPE et les PME les plus en difficulté, ainsi qu’un dispositif de distillation de crise à hauteur de 140 millions d’euros. Pour l’année 2020, le dispositif d’aide s’est élevé à 250 millions d’euros pour les viticulteurs, dont 120 millions de crédits nationaux.

Le Gouvernement est également présent lors des épisodes de gel : en 2021 ont été mis en place, sur les plans fiscaux et sociaux, des dégrèvements de taxes foncières sur le non bâti (TFNB) ainsi qu’une année blanche de cotisations sociales. En outre, l’indemnisation au titre des calamités agricoles a été portée jusqu’à 50 % pour les pertes les plus importantes.

Le rapporteur forme le vœu qu’à l’occasion de telles calamités, les procédures d’indemnisation soient simplifiées, afin que la demande soit traitée le plus rapidement possible, notamment en posant le principe d’un contrôle des pièces a posteriori.

De même, l’État doit être au rendez-vous pour aider les viticulteurs qui souhaitent réduire leur surface cultivée, de manière à prévenir la surproduction. Il convient de garder à l’esprit que les vignes ne doivent pas rester en jachère à peine de favoriser le développement de graves maladies – flavescence dorée, virus de Court-noué etc. –, qui peuvent porter atteinte à la pérennité du vignoble.

Aussi, il convient de procéder à de coûteuses campagnes d’arrachage. Le 5 juin 2023, le ministre de l’agriculture a annoncé le déblocage d’une aide à l’arrachage d’une partie du vignoble bordelais (9 500 hectares) d’un montant de 57 millions d’euros, cofinancée par le Comité interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) à hauteur de 19 millions d’euros et l’État, pour 38 millions d’euros. 

De même, lorsque le vin est tiré, et à défaut de pouvoir le boire, il convient de le distiller. Une situation de surproduction entraîne un effondrement des cours du vin en vrac, qui sont alors inférieurs aux coûts de production : dans le Bordelais, à l’été 2023, le cours du vrac se situait aux alentours de 700 euros le tonneau, pour un coût de production proche de 1 300 euros le tonneau. Dès lors, les producteurs souhaitent transformer la production en alcool blanc à destination des industriels de la pharmacie ou de la parfumerie, afin de soutenir les prix.  

En 2023, l’enveloppe gouvernementale destinée à la distillation de crise s’est élevée à 200 millions d’euros.

Les aides et subventions directes, qui doivent respecter la législation touchant aux aides d’État des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), nécessitent l’accord de la Commission européenne.

Le rapporteur forme le vœu que la diplomatie française demeure pleinement mobilisée pour défendre nos viticulteurs et vignerons auprès des instances européennes, afin de permettre la distribution d’aides directes en cas de crise du secteur.

La question des fonds OCM

Au niveau européen, les organisations communes de marché (OCM) sont les dispositions qui régissent la production et le commerce des produits agricoles de tous les États membres de l’Union européenne. L’OCM viti-vinicole vise à améliorer la compétitivité du secteur et permet le financement de la restructuration d’une partie du vignoble européen.

Dans le cadre des auditions menées par le rapporteur, l’utilisation de ces fonds OCM a été questionnée.

Gérés par FranceAgriMer, ils sont directement utilisés par les interprofessions qui disposent de l’ingénierie juridique pour participer aux appels d’offres, longs et coûteux. De fait, les entreprises ne bénéficient pas directement, en pratique, de ces fonds. De même, Business France ne peut pas les distribuer, contrairement à ses homologues italiens ou espagnols.

Le rapporteur y voit là un axe d’amélioration. 

2.   Une fiscalité complexe qui ne doit pas être alourdie

Les règles générales de la fiscalité des entreprises sont applicables aux exploitations vini-viticoles.  Les exploitants non passibles de l’impôt sur les sociétés à raison de leur choix de forme sociale sont ainsi imposés à l’impôt sur le revenu, dans le cadre des bénéfices agricoles ; à ce titre, ils bénéficient de règles dérogatoires quant à l’assiette de l’impôt, comme les déductions pour aléa climatique ou le dispositif d’étalement du résultat destiné à compenser l’irrégularité du revenu agricole.

Les exploitants soumis à l’impôt sur les sociétés peuvent, quant à eux, bénéficier d’un mécanisme de provision pour hausse de prix prohibé en matière d’imposition à l’impôt sur le revenu. Il serait souhaitable de faire évoluer la législation fiscale sur ce point en faisant bénéficier les exploitants à l’impôt sur le revenu du mécanisme de provision pour hausse de prix, et les exploitants à l’impôt sur les sociétés de la déduction pour aléa et du dispositif d’étalement du résultat.

Au-delà de l’exploitation, c’est la production de vin elle-même qui fait l’objet d’une fiscalité spécifique. La mise à la consommation donne lieu au paiement de contribution indirectes – les droits d’accises – longtemps matérialisés par l’apposition d’une capsule représentative des droits sur la coiffe de la bouteille, à l’effigie de Marianne ([4]).

La mise à la consommation correspond à l’entrée sur le marché national ou à l’importation. Plusieurs régimes suspensifs permettent de décaler le moment du paiement de ces droits, voire de les éviter lorsque les bouteilles sont destinées à l’export. C’est le cas, notamment, du statut d’entrepositaire agréé.

Ces droits diffèrent selon la nature de l’alcool et sont fixés, chaque année, par arrêté ministériel. La hausse annuelle est indexée sur l’inflation de l’année N-2 et ne peut pas dépasser 1,75 %. En 2023, ces tarifs sont les suivants :

– 3,98 euros par hectolitre pour les vins tranquilles ;

– 9,85 euros par hectolitre pour les vins effervescents ;

– 49,73 euros pour les vins doux naturels.

Face aux rumeurs de déplafonnement de l’indexation figurant au deuxième alinéa de l’article L. 313-19 du code des impositions sur les biens et services, qui pourrait trouver une traduction au cours des discussions budgétaires portant sur le projet de loi de finances pour 2024, le rapporteur fait part de sa vive inquiétude et de sa ferme opposition : il convient de ne pas toucher à un secteur déjà fortement éprouvé par les évènements géopolitiques et climatiques récents. Une augmentation de la fiscalité pesant sur les viticulteurs et vignerons serait un très mauvais signal.

3.   Un renforcement de la « marque France » à poursuivre

Le plan « France 2030 » prévoit un investissement de 54 milliards d’euros pour transformer l’économie française et Business France travaille avec le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) pour adjoindre à ce plan une dimension internationale, où l’export à toute sa place.

Le plan « Osez l’export », s’inscrit dans cette ambition en permettant aux PME-ETI, parmi lesquels de nombreux primo-exportateurs, de se projeter sur les pavillons France, que Business France organise chaque année.

En 2023, grâce à l’organisation des 120 pavillons France, Business France aura accompagné 996 entreprises de la filière viticole sur dix des principaux grands rendez-vous, comme le Pavillon France présent à Prowine Shanghai, le plus important salon asiatique du secteur. De même, le succès du format des
« Tastin’ France » , dans une démarche de création de courant d’affaires, a pu être remarqué. Le rapporteur se félicite de sa montée en puissance, puisqu’une trentaine d’évènements de ce type sont programmés pour l’année 2024, dans 49 pays et 67 villes – certains ont plusieurs étapes.

Dans le cadre du déploiement de la marque « Taste France » à l’international, huit pavillons France bénéficient d’un accompagnement renforcé en matière de communication, avec une promotion de la présence française sur les sites d’exposition et dans la presse spécialisée, ainsi que la venue de journalistes et d’influenceurs sur les stands.  

Cet accompagnement est fondamental afin de gagner de nouveaux marchés, les primo-exportateurs ayant souligné rencontrer des difficultés majoritairement liées au manques de ressources, humaines et financières. Aussi, le mécanisme du V.I.E. est également particulièrement intéressant pour projeter l’entreprise à l’export ; il est d’ailleurs un succès : sur 600 V.I.E. actuellement en poste au sein des filières agroalimentaires, 169 le sont dans le secteur des vins et spiritueux, pour le compte de 50 entreprises françaises.  

Les crédits budgétaires du programme 134 – et notamment la subvention pour charge de service public allouée à Business France – permettent de mener à bien ces évènements promouvant la France et ses produits, singulièrement les vins et spiritueux. Tous les interlocuteurs ont souligné le très important soutien financier public en la matière dont font preuve nos voisins européens, en particulier l’Italie.

Il convient de se féliciter de la signature du contrat d’objectifs et de moyens qui a fixé, au début du mois d’octobre 2023 les objectifs de Business France pour la période 2023-2026. Ayant pu constater l’efficacité de cet opérateur en matière d’accompagnement de nos entreprises à l’export, le rapporteur pour avis jugerait utile une augmentation des crédits budgétaires de Business France, au sein du programme 134, à brève échéance.

4.   Une mobilisation de notre réseau diplomatique qui doit être sans faille dans la renégociation des droits à l’importation et la prévention d’éventuelles guerres commerciales

Le rapporteur souhaite enfin rappeler l’importance d’une mobilisation constante des services de la diplomatie économique, tant au sein du ministère de l’Europe et des affaires étrangères qu’au sein du réseau international du Trésor, afin d’identifier et de lutter contre les distorsions de concurrence en matière douanière.

Il convient de se montrer particulièrement vigilant : dans un monde conflictuel l’économie, qui est également la continuation de la diplomatie par d’autres moyens, ne peut donner lieu à candeur. Les exemples de la taxation des vins français aux États-Unis sous la présidence de Donald Trump, ou celui, actuel, des vins australiens en Chine, le démontrent avec force (v. supra).

Aussi, le rapporteur pour avis entend-il défendre un amendement portant demande de rapport afin que la représentation nationale bénéficie d’une cartographie des barrières les plus néfastes à l’exportation des vins et spiritueux français dans le monde.


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Au cours de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023, la commission examine le présent avis budgétaire.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges.  Le dernier des avis budgétaires que nous sommes appelés à examiner ce matin porte sur la mission Économie - commerce extérieur et diplomatie économique. J’indique à titre liminaire que les moyens de la mission sont portés par le PLF 2024 à près de 4,3 milliards d’euros. Notre rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à la situation de la filière vinicole à l’export. Je ne peux que comprendre son choix car, outre qu’il incarne une part importante du patrimoine et du savoir-vivre français, le secteur viticole – spiritueux inclus – a un poids important dans notre balance commerciale.

Le vignoble français est le deuxième au monde en surface, derrière celui de l’Espagne, avec environ 750 000 hectares. Notre pays est le troisième exportateur mondial en volume, avec 1,4 milliard de litres en 2022 derrière l’Espagne et l’Italie, mais se situe devant nos concurrents en valeur, avec un solde net de plus de 10 milliards d’euros dégagé par ces exportations en 2021, contre 7 milliards d’euros pour l’Espagne et 3 milliards d’euros pour l’Italie.

Les vins et spiritueux français sont les seconds contributeurs à la balance commerciale française, derrière l’aéronautique et devant les cosmétiques. C’est dire l’enjeu de cette filière et l’importance de s’intéresser aux défis et difficultés qu’elle peut rencontrer à l’export.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Le commerce international a été, ces dernières années, confronté à un triple choc : une crise liée à la pandémie mondiale de coronavirus, une crise liée à la recomposition des chaînes d’approvisionnement mondiales avec des tensions pour certains intrants critiques et, enfin, une crise liée aux conséquences de la guerre en Ukraine entraînant une hausse aussi forte qu’inédite du coût de l’énergie.

Les effets persistants de cette triple crise se font encore ressentir sur le commerce international et le bilan du commerce extérieur a été, l’an passé, contrasté. Le déficit commercial français s’est fortement dégradé, de l’ordre de 78 milliards d’euros en 2022 par rapport à 2021, pour atteindre près de 164 milliards d’euros, dans un contexte de renchérissement très substantiel de la facture énergétique, qui a plus que doublé en un an pour atteindre 115 milliards d’euros en 2022, contre 45 milliards d’euros en 2021. Plus de 86 % de la dégradation du déficit commercial est directement imputable à la facture énergétique et le gaz représente à lui seul 59 milliards d’euros de déficit.

De manière générale, bien qu’elle se soit partiellement redressée au milieu des années 2010, la balance commerciale de la France continue de se dégrader depuis vingt ans, en lien avec le décrochage de notre compétitivité observé au début des années 2000. Il convient également de pointer la stratégie d’internationalisation des entreprises françaises, qui privilégient l’implantation à l’étranger par le biais de filiales et délocalisent leur production. Même si ce mouvement, qui est ancien, semble désormais en retrait, ces effets restent évidemment persistants.

Plusieurs constats permettent néanmoins d’atténuer ce tableau. D’une part, le déficit des biens hors énergie se réduit légèrement, à 24,4 milliards d’euros en 2022, contre 26,4 milliards d’euros en 2021. D’autre part, les données agglomérées du solde courant ne doivent pas masquer les succès enregistrés par l’excédent record du secteur des services, qui s’est élevé à 49,9 milliards d’euros en 2022, contre 36,4 milliards d’euros en 2021. De même, la balance des revenus reste largement excédentaire, à hauteur de 31 milliards d’euros.

Il est à noter que le solde de la balance commerciale française s’améliore au premier semestre 2023, passant d’un déficit de 89 milliards d’euros – au second trimestre 2022 – à un déficit de 54 milliards d’euros – au premier trimestre 2023. Cette amélioration est principalement due à la baisse de la facture énergétique, qui passe de 65 milliards d’euros à 36 milliards d’euros par rapport au semestre précédent. Au demeurant, la France reste le sixième exportateur mondial de biens et services avec plus de 147 900 entreprises exportatrices au premier trimestre 2023 et une part de marché légèrement supérieure à 3 %.

La part de marché mondial de la France pour les seules marchandises est passée de 2,6 % en 2021 à 2,4 % en 2022 mais, selon les réponses apportées au cours des auditions, elle atteint 2,8 % au premier trimestre 2023. Pour la première fois depuis dix ans, la France semble donc reconquérir des parts de marché à l’export. Ce rebond est différencié selon les secteurs d’activité. En raison de la reprise du transport aérien, le secteur aéronautique bénéficie d’une hausse marquée de ses exportations. Celles-ci progressent de 21 % pour atteindre 46 milliards d’euros. Pour autant, cette somme ne correspond qu’à 71,7 % du niveau de 2019. Tous les autres secteurs affichent une hausse marquée de leurs échanges, qui dépassent largement leur niveau d’avant-crise.

Ces secteurs sont soutenus par les aides apportées aux pouvoirs publics en direction des entreprises exportatrices. Nous avions beaucoup parlé, l’an dernier, du volet export du plan France Relance. Le plan Osez l’export lui a succédé au mois d’août 2023. Je ne peux que soutenir ce plan, qui comporte treize axes pour aider les entreprises exportatrices, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans les territoires. Voilà pour le tableau du commerce extérieur.

Je souhaite maintenant placer la focale sur la situation des vins français, et plus particulièrement sur le marché chinois. Nos vins, dont les résultats comptent pour beaucoup dans la balance des échanges, connaissent une situation assez paradoxale, teintée à la fois d’inquiétudes liées à la situation actuelle en Chine et d’optimisme. La filière vinicole a été fortement touchée, au cours des dernières années, par une crise protéiforme. Les mesures sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 ont directement affecté la demande intérieure, quand les perturbations logistiques mondiales ont contribué à un affaissement de la demande internationale. Le changement climatique produit, quant à lui, des effets directs sur la culture de la vigne. La modification des habitudes de consommation incite, enfin, le secteur à se renouveler.

Malgré ces tensions, la filière vinicole constitue un atout majeur de la France à l’exportation : si les exportations de vin ne représentent que 2 % des exportations totales de notre pays, cette filière est le deuxième secteur le plus excédentaire après l’aéronautique et contribue donc significativement à la réduction du déficit de la balance commerciale. Ainsi, en 2022, la France a consolidé sa position en tant que leader mondial des exportations de vin et spiritueux, en valeur. Ces dernières ont atteint le montant de 17,2 milliards d’euros, en hausse de 10,8 % par rapport à 2021.

Au premier semestre 2023, les exportations de vins et spiritueux français ont généré plus de 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires, malgré une baisse de 10,6 % des volumes exportés. La situation selon les zones géographiques est, comme souvent, variable : les exportations vers les États-Unis affichent une forte baisse de 28 % en volume et de 23 % en valeur en raison des stocks existants. À l’inverse, les exportations vers l’Asie ont enregistré une croissance de 14 % en valeur, soutenue par les exportations vers la Chine et Singapour.

Pour autant, de nombreux acteurs et opérateurs du marché chinois que j’ai rencontrés m’ont confirmé que des défis renouvelés pèsent sur la filière vinicole à plusieurs niveaux. Les tensions inflationnistes dans le monde et le ralentissement de la croissance en Chine menacent la demande dans ce pays. Surtout, le secteur, particulièrement bien identifié comme un fleuron de l’Europe de l’Ouest – la France et l’Italie sont les deux premiers exportateurs au niveau mondial – en fait une cible toute trouvée pour d’éventuelles guerres commerciales.

C’est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement afin d’obtenir de l’administration les éléments d’analyse nécessaires pour que les entreprises soient en mesure de mieux identifier les menaces commerciales et douanières. Dans ce contexte de tensions et d’incertitudes, le Gouvernement et nos services diplomatiques doivent rester mobilisés pour soutenir ce secteur clé pour l’export et défendre tous nos vignerons. Des mesures fiscales appropriées au secteur vinicole me semblent par exemple souhaitables.

J’en profite pour rendre un hommage appuyé à nos différents services économiques à l’étranger et à l’opérateur Business France qui réalise à cet égard un accompagnement remarquable, particulièrement en Chine. Pour conclure, je vous invite, chers collègues, à adopter les crédits de la mission Économie - commerce extérieur et diplomatie économique inscrits pour 2024, qui sont stables, après avoir enregistré une hausse très significative l’an dernier.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La parole est aux orateurs des groupes politiques.

M. Philippe Guillemard (RE). J’exprime d’ores et déjà le soutien du groupe Renaissance pour l’adoption de ces crédits. Nous voterons en faveur de ces derniers.

En dépit d’un contexte mondial que vous avez rappelé, marqué par un ralentissement des échanges, exacerbé par la succession de crises, de tensions commerciales et des tensions inflationnistes persistantes, la France tient bon, bien que son déficit commercial se creuse, notamment en raison du coût de l’énergie que vous avez également souligné. Elle poursuit la résorption du déficit de sa balance courante au premier semestre 2023. Cette résilience française s’appuie, vous l’avez rappelé également, sur des domaines d’excellence.

Nos exportations dans le secteur aéronautique affichent une croissance de 12 %, approchant le record de 2019. Avec 1 259 projets d’investissements étrangers enregistrés en 2022, la France confirme son statut de leader européen en matière d’attractivité pour les investisseurs étrangers. Au cœur de ces réussites se trouvent nos opérateurs, notamment ceux de la Team France Export, qui bénéficient de la mobilisation et du soutien de notre corps diplomatique et consulaire.

À titre d’exemple, il convient de mentionner le lancement récent par le ministre délégué aux commerces extérieurs du plan Osez l’export, visant à favoriser un réflexe à l’export de nos entreprises, alors que nous partageons bien sûr l’importance de réaffirmer l’impératif économique dans notre politique étrangère. Quelle sera, selon vous, Monsieur le rapporteur, la place dévolue aux diplomates et aux parlementaires pour favoriser ce réflexe à l’export de nos entreprises dans le cadre du plan Osez l’export ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Votre question portant sur le rôle des parlementaires trouvera une partie de réponse dans l’amendement que je propose, puisqu’il vise à collecter dans les différentes administrations des informations à destination des opérateurs et des entreprises, sur l’évolution du contexte de tension dans le monde, et notamment l’application des barrières douanières. Je pense notamment au cas du vin australien en Chine. L’Australie a demandé en 2019 une enquête en Chine sur les origines de la pandémie de Covid. Dans les semaines suivantes, les autorités chinoises ont déclenché des mesures de rétorsion, dont des sanctions très marquées sur les vins australiens, ayant conduit à un triplement de leur prix et à l’effondrement de leur consommation sur le marché chinois. Mais les relations entre la Chine et l’Australie se sont considérablement améliorées, à tel point que le 8 novembre prochain, le premier ministre australien se rendra en Chine pour négocier la fin de ce régime de sanctions qui, de mon point de vue, devait se poursuivre jusqu’en 2026. Je souhaite donc que nous soyons davantage éclairés sur ce point.

Mme Yaël Menache (RN). Ce rapport expose le constat suivant : la réalité du déficit extérieur de la France est faussée par la facture énergétique. Cependant, sans entrer dans le détail, nous redisons que les gouvernements d’Emmanuel Macron sont responsables de l’énormité de cette facture par l’adhésion au mécanisme mortifère de l’Arenh. Au passage, cette facture énergétique affaiblit les entreprises et, partant, leur capacité à se maintenir à l’export. Ainsi, 156 milliards d’euros de déficit ont été enregistrés en 2022. Si les projections pour 2023 sont à la stabilisation, relevons que la France demeure la lanterne rouge au classement européen des balances commerciales rapportées au produit intérieur brut (PIB), au second trimestre 2023.

Pour promouvoir le commerce extérieur, les dépenses prévues sont significatives. Sans entrer dans le détail, les efforts consentis en faveur de Bpifrance, Business France et la Team France Export ne doivent pas masquer d’autres acteurs du soutien à l’exportation, comme le réseau international de la direction générale du Trésor, moins connu mais qui jouit d’une expertise qui mériterait des encouragements budgétaires plus importants.

Il existe en outre d’autres acteurs reconnus, qui ont fait leurs preuves. Je pense notamment au réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international (CCI France International). Fort de ses plus de cent ans d’expérience, CCI France International est présente dans quatre-vingt-treize pays. Voilà plusieurs années que ce réseau aspire à recueillir un effort particulier de l’État. En ce sens, nous défendons un amendement pour créer un fonds de soutien au développement du réseau des chambres de commerce et d’industrie françaises à l’international, afin de recruter une quarantaine de volontaires internationaux en administration. Ce mécanisme s’inspire des exemples allemand ou italien qui s’appuient entre autres sur un réseau de véritables « VRP du commerce extérieur », tant en prospection qu’en représentation. Le plan Osez l’export a le mérite d’exister et d’afficher une volonté de soutenir les PME-ETI. Il faudra en mener le bilan dès l’année prochaine, notamment quant à la création et au déploiement du volontariat territorial à l’export et du volontariat international en entreprise.

L’an passé, Monsieur le rapporteur, vous aviez placé la focale sur l’aéronautique et sa part dans le commerce extérieur français. Vous avez choisi cette année les vins et spiritueux, filière d’excellence française. Nous constatons que sa part et ses performances sont elles aussi en trompe-l’œil. En effet, si les vins de grande qualité connaissent de bons résultats, ceux d’entrée et de moyenne gamme enregistrent des baisses inquiétantes.

En conclusion, cette mission budgétaire nous semble dotée de manière imparfaite. Compte tenu de la situation géopolitique mondiale, nous nous inquiétons de changements en cours, notamment les redéfinitions monétaires, commerciales et douanières à venir sur le commerce extérieur. Nous sommes circonspects quant à la cohérence d’ensemble des politiques économiques de ce Gouvernement qui, rappelons-le, plombe par ses choix énergétiques l’équilibre de nombreuses entreprises de taille moyenne et intermédiaire, quelles que soient les filières, et notamment la filière agricole.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Vous avez parfaitement raison de souligner qu’une part prépondérante, de l’ordre de 86 %, de notre déficit commercial est imputable au renchérissement de la facture énergétique. Je souhaite que nous parvenions à renforcer notre indépendance énergétique, probablement en développant et soutenant les énergies renouvelables. J’espère également que la renégociation en cours du marché européen de l’électricité sera favorable à notre commerce extérieur.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NUPES). La France insoumise défend la vision d’une diplomatie altermondialiste pour la paix, la coopération scientifique et l’écologie. Les diplomates ne peuvent pas être les « VRP » de grandes entreprises françaises. Ils jouent un rôle relationnel, de coopération culturelle et scientifique, de renseignement et alertent depuis des mois maintenant sur leur manque de moyens. De la même façon, la diplomatie ne peut pas être réduite à promouvoir l’attractivité de la France et un développement industriel grossièrement verdi. Ce logiciel ne prend pas en compte les grands enjeux de l’époque, notamment écologiques, et ne peut pas non plus être économiquement satisfaisant.

Il est temps de refuser les accords de libre-échange et d’instaurer un protectionnisme écologique. À titre d’exemple, le traité de libre-échange entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande autorise l’exportation, à terme, de 164 000 tonnes de viande ovine, 10 000 tonnes de viande bovine, 36 000 tonnes de beurre et 2 500 tonnes de fromage néo-zélandais, exemptes ou presque de droits de douane. Or, au cours des dix dernières années en France, le nombre d’éleveurs bovins a baissé de 24 % et la production laitière française n’a fait que chuter, entraînant une augmentation des importations de produits laitiers.

Nous nous retrouvons ainsi dans une situation absurde, liée à la logique de marché. Ainsi, la nécessité de construire des coopérations altermondialistes et internationalistes est démontrée tous les jours par l’absurde, cette logique de marché étant incompatible avec le respect de la nature et du vivant. La France peut et doit œuvrer à tous les projets sortant d’une conception néolibérale et occidentaliste de la mondialisation, promouvant des biens publics mondiaux exempts des mécanismes du marché et luttant contre les inégalités et la crise écologique. Cela implique de relancer le codéveloppement et la coopération, notamment dans la lutte contre le changement climatique. En cela, nous avons un désaccord politique radical avec la vision économique de la diplomatie portée par le Gouvernement, qui n’est pas à la hauteur des enjeux de notre époque.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je vous rejoins sur un point : je pense que l’affaiblissement de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a généré une multiplication d’accords de libre-échange entre États, ce qui conduit à créer bien plus d’incertitudes que par le passé. La fin du multilatéralisme engendre des effets plutôt délétères sur le commerce mondial.

M. Frédéric Zgainski (Dem). Les crédits de la mission budgétaire que nous examinons aujourd’hui visent principalement à soutenir les entreprises françaises sur les marchés étrangers, à promouvoir l’attractivité du territoire et à faire de la régulation internationale un atout pour économie française. Je me réjouis que nous puissions discuter des instruments, des objectifs et des modalités de la diplomatie économique française, enjeux essentiels pour promouvoir notre commerce extérieur.

Chers collègues, nous le savons, notre commerce extérieur, en amélioration en 2023, est confronté à des difficultés liées principalement aux crises internationales et à l’augmentation du coût de l’énergie. Cependant, et nous devons nous en féliciter, le nombre d’entreprises exportatrices demeure en croissance continue. Le volet export du plan France Relance et le nouveau plan Osez l’export contribuent fortement à cette reconquête exportatrice. Nous devons donc poursuivre nos efforts. L’augmentation des crédits alloués au programme que nous étudions aujourd’hui est essentielle. La France dispose de vrais champions à l’international et nous devons les accompagner dans leur développement à l’export. Cet accompagnement passe par l’action de deux acteurs désormais incontournables, Business France et Bpifrance.

Les subventions allouées à Business France s’élèvent à 100,7 millions d’euros, soit le même montant que lors de la précédente loi de finances. C’est une marque de confiance envers Business France, qui traduit les objectifs qui lui sont fixés de consolidation des entreprises à l’export et d’accroissement du volume d’exportations. La rémunération de Bpifrance Assurance Export, au titre de ses prestations réalisées, est quant à elle, en hausse.

Je souligne le choix de monsieur le rapporteur d’analyser en détail la situation de la filière vinicole. Je viens d’une circonscription girondine où sont implantés des grands domaines de l’appellation Pessac-Léognan tels que Pape Clément, Rouillac, Haut-Brion ou encore Seguin. Ces grands châteaux font l’honneur de notre territoire et constituent un pilier de notre économie exportatrice. Je rejoins votre position, Monsieur le rapporteur, sur la nécessité de renforcer le soutien des pouvoirs publics à cette filière d’excellence dans un marché global de plus en plus concurrentiel. Notre diplomatie doit, en complément des nombreux plans d’aide du Gouvernement qui se sont multipliés au cours des années récentes, être mobilisée pour défendre nos viticulteurs et vignerons auprès des instances européennes et des institutions locales des pays dans lesquels ils sont implantés. Nous devons être mobilisés pour prévenir de possibles guerres commerciales.

Nous devons également renforcer notre marque nationale, témoin de l’excellence de nos vins, pour permettre la continuité de nos exportations. À ce titre, les crédits que nous examinons vont dans le bon sens pour atteindre les objectifs. Le groupe Démocrate votera donc en faveur de leur adoption.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Les grands crus de Bordeaux conservent leur prestige sur le marché chinois. Cependant, l’apogée des vins français en Chine a eu lors des années 2017-2019 : la crise de la Covid, qui a frappé la Chine, a considérablement modifié la donne. Aujourd’hui, en dehors des grands crus, les vins de Bordeaux voient leurs exportations s’effondrer. Les vins fins de Bourgogne maintiennent à peu près leur position mais, plus largement, nous sommes confrontés à la concurrence des vins chiliens, qui offrent un rapport qualité-prix déconcertant et qui sont leader en Chine sur le marché du vrac non embouteillé. Selon moi, la plus grande menace provient des vins australiens, qui devraient regagner des parts de marché pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.

M. Alain David (SOC). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre présentation et pour votre travail thématique sur la filière viticole qui m’intéresse particulièrement, en tant qu’élu de la Gironde. La crise sanitaire et ses conséquences économiques ont conduit notre commission à se pencher, d’une part, sur le sujet primordial des relocalisations industrielles stratégiques et, d’autre part, sur le sujet épineux des accords commerciaux. Ainsi que vous l’écrivez dans votre rapport, le déficit commercial s’est encore dégradé en 2022, pour atteindre le niveau record de 164 milliards d’euros.

La Cour des comptes avait d’ailleurs livré un rapport et une série de recommandations sur le sujet. Son rapport formulait un certain nombre de recommandations, notamment celle de confier au Conseil stratégique de l’export l’articulation de l’offre de soutien à l’export, mais également de mieux intégrer les CCI et BPI France dans Team France Export, notamment via la plateforme numérique One Team. À cet égard, je déplore la diminution constante des budgets de ces CCI depuis plusieurs années, qui affecte non seulement leur efficacité mais également leur capacité à simplement pouvoir poursuivre leur travail.

La Cour des comptes suggère en outre d’instaurer des partenariats entre les organisations représentatives des entreprises et les fédérations professionnelles et de proposer une offre de service gratuite à destination des entreprises souhaitant exporter, ainsi qu’une offre personnalisée pour celles jugées prioritaires. Que pensez-vous de ces pistes données par la Cour des comptes ? Pensez-vous qu’elles sont suffisamment explorées dans les choix budgétaires ? En tout état de cause, le groupe Socialistes et apparentés déposera une série d’amendements dans la perspective de la séance publique, afin d’améliorer cette mission budgétaire et nous serons très exigeants quant à l’ambition en matière de renforcement du commerce extérieur, qui doit être complétée de réels moyens.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Vous faites référence au rapport de la Cour des comptes, dont vous extrayez à juste titre, la question du rôle des CCI. Je suis plutôt d’accord avec vous : les CCI demeurent un acteur majeur en matière d’aide à l’exportation. Je relève d’ailleurs que la nouvelle direction générale de Business France a intégré certaines de ses équipes dans les CCI. Ce choix me semble opportun, même si cette démarche demeure sans doute insuffisante.

Ensuite, le plan Osez l’export, dévoilé au mois d’août, présente également des éléments positifs. En effet, il a été créé à partir des territoires, et notamment à partir des CCI, ce qui n’était pas le cas des plans précédents. Ces efforts doivent être soulignés mais également encouragés.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). À titre liminaire, j’aimerais vous remercier, Monsieur le rapporteur, d’avoir fait de la filière vinicole la thématique de votre rapport et d’avoir mis ainsi en évidence les enjeux de la mondialisation et les difficultés que rencontre cette filière. Étant moi-même élu dans une région viticole, j’y suis particulièrement sensible. Plus globalement, le groupe Horizons et apparentés salue les actions menées par les pouvoirs publics pour soutenir nos entreprises exportatrices. Malgré un bilan contrasté pour le commerce extérieur français, la mission Économie - commerce extérieur et diplomatie économique a financé les politiques publiques pour soutenir l’activité et la compétitivité des entreprises françaises, ce qui a permis d’obtenir des résultats encourageants.

La France est ainsi régulièrement considérée comme le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers, malgré un léger recul entre 2019 et 2021, du fait de la pandémie de la Covid-19. Les performances de l’ensemble des secteurs exportateurs se sont depuis améliorées grâce à l’important soutien des pouvoirs publics. Le volet export du plan France Relance a notamment permis aux entreprises de conserver leurs parts de marché à travers des mesures comme la création d’un chèque-relance export, qui permet entre autres de prendre en charge 50 % des frais d’inscription à un salon international pour nos PME-ETI ou bien d’autres mesures comme la mise en place d’outils digitaux pour assurer une meilleure veille des marchés.

Le groupe Horizons et apparentés se félicite également de notre diplomatie économique, qui demeure engagée aux côtés des entreprises. Les actions menées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères participent au développement et au rayonnement des entreprises françaises à l’international. Comme vous l’avez rappelé, Monsieur le rapporteur, la balance commerciale française s’est durablement dégradée depuis vingt ans. Des améliorations notables ont vu le jour, telles la réduction du déficit des biens hors énergie en 2022 ou un solde de la balance commerciale qui s’est amélioré au premier semestre 2023. Toutefois, ces progrès restent tributaires de l’évolution du coût de l’énergie. Aussi, quelle sera la marge de manœuvre de la France dans sa politique d’export, si la facture énergétique devait rester élevée à moyen et à long termes ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Il convient d’être lucide. Les marges de manœuvre pour réduire le poids de la facture énergétique dans notre balance commerciale sont limitées, au moins à court terme. J’estime qu’il faut soutenir le développement et le déploiement d’énergies renouvelables sur notre territoire pour gagner en indépendance mais je pense que ces effets ne se produiront qu’à moyen et long termes.

Je profite par ailleurs de votre intervention pour informer la commission que le Riesling a fait son apparition sur le marché chinois et qu’il trouve un écho très favorable chez les consommateurs, notamment les consommatrices. Par ailleurs, en Chine, les cartes des vins dans les restaurants distinguent les vins du nouveau monde, généralement mono-cépages – le Malbec en Argentine ou au Chili, le Chardonnay pour les vins australiens – et les vins de l’ancien monde, qui sont associés à des assemblages, héritage du savoir-faire de leurs viticulteurs. Il est nécessaire de mieux faire savoir que les vignerons français savent produire les deux types de vin.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Je souhaite établir un lien avec la précédente mission budgétaire, dont je suis rapporteur. En effet, les vins et spiritueux représentent des produits de grande valeur, qui peuvent être transportés de manière très rentable par des bateaux à voile, qui pourraient partir du Havre pour traverser l’Atlantique. Plus largement, les exportations d’armes représentent également un élément non négligeable de notre balance commerciale, même s’il n’a pas été évoqué aujourd’hui.

Par ailleurs, je constate avec satisfaction que Monsieur le rapporteur tend à se rapprocher de nos positions concernant les accords de libre-échange, que nous dénonçons depuis longtemps. Le soutien aux produits équitables devrait également être renforcé, de même que l’intégration des droits de l’Homme et des questions écologiques dans les accords commerciaux. Enfin, la réindustrialisation de notre pays devrait nous permettre d’exporter plus de marchandises produites en France, alors que durant les quarante dernières années, nous avons malheureusement surtout exporté nos usines.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je ne dénonce pas les accords de libre-échange mais leur multiplication, qui crée de l’incertitude. Surtout, je regrette la mise en retrait du multilatéralisme. Parfois, les accords de libre-échange traduisent des intérêts qui ne sont pas globalement partagés.

Par exemple, l’accord de libre-échange entre la Chine et le Chili est assez laxiste concernant les mentions obligatoires sur les étiquettes des bouteilles. Ce sujet est particulièrement important pour le marché chinois, où les contrefaçons peuvent être fréquentes. Nous, Français, aurions tout intérêt à nous montrer plus exigeants sur les conditions d’apposition des étiquettes, aussi bien sur les vins à destination de Chine que du continent nord-américain.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les groupes se sont exprimés et je donne à présent la parole pour des interventions à titre individuel.

M. Michel Guiniot (RN). L’article 23 détaille le projet du Gouvernement pour Atout France, qui est depuis mai 2009, l’Agence de développement touristique de la France, unique opérateur de l’État dans le secteur du tourisme. À la page 71 du rapport, les fonds dédiés au soutien en faveur du tourisme font état de 6,2 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). L’opérateur Atout France dispose de 28,7 millions d’euros en AE et en CP pour couvrir ces besoins, dont la rémunération de 338 salariés. Toutefois, au sein de cette somme, 18,6 millions d’euros proviennent de dotations du plan Destination France, qui cesseront après 2024, selon le PLF 2024.

Par conséquent, l’opérateur Atout France disposera d’un budget de 10 millions d’euros en AE et en CP pour le PLF 2025, sans que les fonds dédiés au soutien du tourisme n’augmentent. Selon les chiffres de la Banque de France rappelés à l’indicateur 4.1, les recettes nettes du tourisme international en France devraient atteindre 60 milliards d’euros en 2024. Comment expliquez-vous que l’opérateur qui coordonne le tourisme en France ne dispose même pas de 1 % de ces recettes en budget ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Ces éléments ne font pas partie de mon rapport. Je veux bien les étudier pour vous apporter des réponses mais je pense que vous êtes au moins aussi bien outillé que moi pour en savoir davantage.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Je vous interroge aujourd’hui en tant que présidente du groupe d’études sur la vigne, le vin et l’œnologie. Vous écrivez en page 12 de votre rapport que les exportations de vins et spiritueux ont progressé de 28 %, ce qui constitue un motif de satisfaction pour la filière. Cependant, nous nous devons d’ajouter que cette progression en valeur se fait en parallèle d’une baisse en volume, avec des vins de haut de gamme qui progressent et des vins d’entrée de gamme qui s’exportent de moins en moins bien.

Parmi les auditions que vous avez pu mener auprès de Business France ou de la fédération des exportateurs de vins et spiritueux, quelles stratégies vous ont été présentées pour conserver un équilibre entre les gammes vouées à l’exportation ? Enfin, Monsieur le rapporteur, je souhaite vous inviter prochainement pour une audition sur le sujet de l’export au sein de mon groupe d’études.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. J’accepte bien volontiers cette invitation. Ensuite, vous avez raison de souligner que les 28 % d’augmentation en valeur ne se traduisent pas dans les volumes. Par exemple, les vins en vrac accusent de véritables difficultés. D’autres problèmes doivent également être mentionnés dans la production, en lien avec le changement climatique ou le mildiou, qui a frappé une part considérable de notre vignoble. Les mesures prises par l’État pour favoriser la distillation, à hauteur de 160 millions d’euros pour cette année, ne permettront pas à tous nos vignerons de sauver la face. Il faut également accorder de l’importance aux vins courants, aux vins de table, aux vins parfois hors appellation.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Il convient de se demander si une restructuration du marché du vin en faveur du haut de gamme et au détriment du bas de gamme n’est pas en cours.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. L’image du vin français à l’international reste centrée sur les grands crus mais la production nationale ne doit pas se réduire à ces derniers. Nous savons produire un grand nombre d’autres bons vins, qu’il faut savoir vendre. Par exemple, j’ai rencontré un représentant du groupe Gérard Bertrand qui travaille sur le packaging, c’est-à-dire le contenant, qui est particulièrement important pour le marché chinois. Ce groupe a créé une bouteille aux formes beaucoup plus oblongues pour leur rosé.

M. Frédéric Petit (Dem). Je suis rapporteur du programme 185, qui présente de nombreux points communs avec le programme que nous étudions aujourd’hui. Je voudrais revenir sur un certain nombre de confusions. Le service économique des ambassades fait partie de la Team France, au même titre que les conseillers du commerce extérieur. Il importe également de distinguer les CCI implantées en France et le réseau CCI France International. Le rôle des ambassadeurs est également à relever, notamment à travers la mise à disposition non étatique de données diffuses.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Vous avez parfaitement raison d’établir une différence entre les chambres de commerce et d’industrie du territoire français et le réseau de CCI France International, qui regroupe 125 chambres de commerce indépendantes.

M. Didier Parakian (RE). Je vous remercie à mon tour, Monsieur le rapporteur, pour le travail effectué. J’ai lu sans modération votre rapport, et notamment les pages consacrées au commerce extérieur et à la diplomatie économique. Le président de la République veut faire du territoire où je suis élu, Marseille, la capitale de l’Euro-Méditerranée. Marseille dispose en effet d’une position géostratégique que le monde entier nous envie, puisqu’elle constitue un véritable hub entre l’Afrique et l’Europe. L’Afrique représente un marché de plus de 1,5 milliard d’habitants, qui doublera dans les vingt-cinq prochaines années. Il s’agit d’un continent jeune, qui a soif de tout, même du bon vin français, et où la croissance économique avoisine 5 %.

Nous avons plus besoin de l’Afrique que l’Afrique a besoin de nous. La métropole, Marseille-Provence et l’Afrique doivent grandir ensemble. Pourquoi, dans votre rapport, ce volet du commerce extérieur est-il très peu abordé ? Et à la lumière de vos auditions, avez-vous pris la mesure du poids de l’Afrique dans nos échanges commerciaux ?

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. J’ai fait le choix d’étudier la situation des vins français sur le marché chinois. En revanche, votre question m’aide à souligner que les Chinois destinent leurs vins, qui sont montés assez nettement en gamme, au marché africain. Nous vivons dans un monde assez étrange où les vins européens visent le marché chinois, et où les vins chinois ciblent le marché africain. Je pense que les vins français doivent également être présents en Afrique, en transitant par Marseille ou Le Havre.

*

 

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-AE119 de Mme Yaël Ménache

Mme Yaël Menache (RN). Cet amendement a pour but de s’appuyer sur CCI France International dans le soutien au commerce extérieur. Les chambres de commerce et d’industrie à l’international représentent un instrument qui doit être soutenu, afin de compléter les autres dispositifs et opérateurs existants. Dans cette politique, il est indispensable, non de multiplier les acteurs, mais plutôt de maintenir et d’encourager ceux qui existent, dont les CCI France International. Cet amendement est très proche du dispositif déjà proposé l’année dernière sur le PLF 2023 au Sénat par les sénateurs des groupes Les Républicains et Socialistes. Compte tenu des propos tenus par les représentants des groupes Socialistes et Horizons, je suis ravie d’apprendre que ceux-ci voteront avec grand plaisir cet amendement.

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec vous pour souligner l’importance et l’efficacité des dispositifs de volontariat international. Je souscris à la démarche de votre amendement mais je ne suis pas d’accord avec la méthode employée, puisque vous proposez de transférer 3 millions d’euros d’une ligne budgétaire à une autre pour créer 40 postes de volontaires internationaux dans l’administration, alors même que la ligne prévue abonde le budget de création de 120 postes de volontaires internationaux en entreprise (VIE).

Par ailleurs, je suis, comme vous, très favorable à ces dispositifs, d’autant plus que 92 % des VIE trouvent un emploi à l’issue de leur mission. Je rappelle également que ces missions sont comprises entre six et vingt-quatre mois. Par conséquent, je souscris à l’objectif de cet amendement mais pas à sa méthode.

La commission rejette l’amendement.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’interroge à présent la commission sur l’avis qu’elle a l’entend donner aux crédits de la mission Économie - commerce extérieur et diplomatie économique, qui ont recueilli un avis favorable du rapporteur.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie – commerce extérieur et diplomatie économique non modifiés.

*

 

 

Avant l’article 50

 

Amendement II-AE125 de M. Jean-François Portarrieu

M. Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis. Il s’agit par cet amendement de permettre à tous les acteurs et opérateurs, à commencer par les entreprises, d’avoir accès à des données qui existent dans l’administration sur le contexte très évolutif des barrières douanières.

En effet, les acteurs de terrain ne sont pas au fait des évolutions en matière de droits de douane. J’ai illustré cet exemple avec les sanctions chinoises contre les vins australiens, qui sont supposées se prolonger jusqu’en 2026 mais qui pourraient être remises en cause lors de la visite imminente du premier ministre australien en Chine.

En résumé, il s’agit simplement de mettre à disposition des opérateurs et des acteurs des informations dont dispose l’administration.

La commission approuve l’amendement.

 


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ANNEXE  1
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

À Paris

      Direction générale du Trésor : Mme Magali Cesana, cheffe du service des affaires bilatérales, de l’internationalisation des entreprises et de l’attractivité ;

      Ministère de l’Europe et des affaires étrangères : Mme Hélène Dantoine, directrice de la diplomatie économique ;

      Business France : M. Laurent Saint-Martin, directeur général ;

En Chine

      SEM Bertrand Lortholary, ambassadeur de France en Chine ;

      M. Joan Valadou, consul général de France à Shanghai ;

      Service économique régional en Chine :

o       M. Christian Gianella, ministre-conseiller pour les affaires économiques, chef du service économique régional pour la Chine et la Mongolie ;

o       M. Pierre Moussy, délégué du service économique régional de Pékin à l’antenne de Shanghai ;

o       M. Jo Cadhilon, conseiller agricole ;

o       M. Arthur Quinquenet, attaché sectoriel ;

      Business France :

o       M. Pascal Gondrand, directeur du réseau Business France en Chine et à Hong-Kong ; 

o       M. Xavier Chatte-Ruols, directeur adjoint du réseau Business France en Chine et à Hong-Kong ;

o       M. Bertrand Quevremont, directeur du pôle Agrotech du réseau Business France en Chine et à Hong-Kong ;

o       M. Kaidong Lee, chargé de développement export au sein du pôle Agrotech ;

o       Mme Ying Li, chargée d’affaires export du pôle Agrotech ;

      Castel Frères : M. Xavier Pignel-Dupont, directeur général Chine ;

      Comité interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) : Mme Morgane Yang, représentante en Chine ;

      ProWine : M. Marius Berlemann, directeur général Chine ;

      Gérard Bertrand : M. Oscar Nagore, directeur général Chine ;

      Epermarket : M. Jean-Yves Lu, directeur général ;

      Casal : M. Yandgdong Huang, directeur général ;

      Ad’Occ : Mme Pauline Xu, responsable du bureau de Shanghai ;

      JD : M. Larry Lee, vice-président ;

      Cofco : M. Zhaohui Bu, directeur-adjoint ;

      Comité national des interprofessions des vins (CNIV) : Mme Dan Hu, représentante en Chine ;

      Sopexa : Mme Laurence Evrard, directrice générale Chine.


([1]) Ce dernier point explique d’ailleurs pourquoi la dégradation de la balance commerciale française a été partiellement compensée par l’augmentation des revenus d’investissements directs réalisés par des entreprises françaises à l’étranger.

([2])  Les entreprises exportant à la fois dans des pays de l’Union Européenne et dans des pays hors de l’Union européenne sont comptabilisées comme exportant dans l’« UE » et « Hors UE ». La somme de ces deux lignes est donc supérieure au nombre total d’entreprises exportatrices.

([3]) https://www.vie-publique.fr/discours/191807-laurent-fabius-16072014-la-diplomatie-economique.

([4]) Conformément à l’article 187 de la loi n° 2019-1479 du 29 décembre 2019 de finances pour 2020, cette particularité n’est plus obligatoire depuis le 1er juin 2019 pour les bouteilles inférieures à 3 litres.