N° 1719

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME IX

COHÉSION DES TERRITOIRES

 

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

PAR Mme Sylvie FERRER

Députée

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 Voir les numéros : 1680, 1745 (Tome III, annexe 8).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : Le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d’amÉnagement du territoire »

I. Des crédits en hausse par rapport aux financements du budget de l’année 2023

II. L’agence nationale de la cohésion des territoires : une agence dont l’ambition se heurte à la rÉalitÉ

A. L’ambition : une mission de conseil et d’accompagnement des collectivités

B. La réalité : une agence insuffisamment connue

C. Perspectives

III. Les maisons France services : un palliatif insuffisant à la disparition des services publics dans les territoires

A. Les maisons France services, héritières des Maisons de service au public, visent à garantir l’accès aux services publics dans les territoires

1. Les maisons France Services sont les héritières des maisons de service au public

2. Des progrès notables par rapport aux maisons de service au public

B. Une réussite affichée qui ne doit pas MASQUER le financement insuffisant du dispositif par l’État ainsi que la politique continue de disparition des services publics dans les territoires

1. Le réseau France Services est insuffisamment financé par l’État, ce qui handicape le dispositif et pèse de manière démesurée sur les finances des collectivités locales

2. Un palliatif insuffisant à la disparition des services publics dans les territoires

Deuxième partie : le programme 162 « interventions territoriales de l’État »

I. Un outil budgétaire atypique permettant la mise en avant de politiques publiques interministérielles au périmètre géographique limitÉ

A. Un programme budgÉtaire atypique

B. Les crédits dédiés aux actions du programme « interventions territoriales de l’état » sont en baisse

C. Détail par action

1. L’action 04 « Plan d’investissement pour la Corse »

2. L’action 09 « Plan littoral 21 »

3. L’action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane »

4. L’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire »

5. L’action 12 « Service d’incendie et de secours à WallisetFutuna »

6. L’action 13 « Plan sargasses II »

II. L’Action « eau et Agriculture en bretagne »

A. La prolifération des algues vertes en bretagne a conduit l’état à mettre en place des plans de lutte

1. Le modèle d’agriculture intensive breton a conduit à la prolifération des algues vertes dans les baies de la région

2. La lutte contre la prolifération des algues vertes est montée progressivement en puissance

B. le maintien du modèle agricole intensif nuit durablement à la qualité de l’eau en Bretagne et favorise la prolifération des algues

1. Depuis dix ans, aucun effet notable sur la concentration des eaux en nitrates et une prolifération continue des algues vertes

2. Perspectives : un changement de modèle agricole est nécessaire pour faire baisser durablement le taux de nitrates

III. Le volet territorialisé du plan national d’action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe

A. Une réponse tardive et insuffisante de l’état envers les victimes du chlordécone

1. Des territoires et des populations victimes du chlordécone

2. Une réponse trop tardive des pouvoirs publics

B. LEs actions menées demeurent insuffisantes et doivent être renforcées

1. Un plan chlordécone IV demeurant hélas sous-dimensionné

2. Une attention accrue qui devra nécessairement s’intensifier

examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

LISTE DES contributions écrites

 


   INTRODUCTION

Au sein des crédits du budget général de l’État, la mission « Cohésion des territoires » couvre l’ensemble des actions mises en œuvre par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et par le ministère de l’intérieur en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Elle représente dans le projet de loi de finances pour 2024 un montant total de 17,94 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) (+ 3,74 % par rapport aux AE ouvertes pour 2023) et de 17,85 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) (+ 3,90 % par rapport à 2023).

La mission « Cohésion des territoires » comporte six programmes. Le présent rapport porte, compte tenu des compétences de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur deux d’entre eux : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ».

Votre rapporteuse pour avis a souhaité faire de ce rapport un recueil d’expérience des acteurs de terrain. Si le programme 112 a suscité de nombreuses critiques, celles-ci visaient essentiellement un ajustement du montant des crédits alloués et suggéraient des solutions concrètes de perfectionnement des dispositifs mis en place. En revanche, les auditions relatives au programme 162 ont révélé des diversités d’appréciation entre la société civile et l’État sur la qualité des actions menées. Cette fracture est déplorable. La forte volonté politique et les mesures ambitieuses brillent par leur absence, sur des sujets pourtant essentiels.

C’est pourquoi votre rapporteuse pour avis invite la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à émettre un avis défavorable sur la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2024.

 


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   premiÈre partie : Le programme 112 « impulsion et coordination de la politique d’amÉnagement du territoire »

Le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » a pour objet la préparation et la mise en œuvre des décisions du Gouvernement en matière d’aménagement et de compétitivité des territoires. Il se caractérise par une forte dimension interministérielle dans les actions engagées.

Le programme 112 concourt à la réalisation de trois objectifs principaux.

Il privilégie d’abord une démarche partenariale avec les collectivités territoriales dans un cadre pluriannuel. Cette volonté de démarche contractuelle est concrétisée par les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de plans interrégionaux de fleuves et de massifs pour la génération 2021‑2027. Ces contrats doivent permettre de coordonner les politiques publiques de l’État et des régions. L’actuelle génération de CPER se décrit comme fondée sur une approche de coconstruction, avec des objets de contractualisation adaptés aux enjeux de chaque région. Les contrats définissent également les principes et les modalités des actions en faveur de la relance économique, d’une plus grande résilience des territoires et d’une transition vers une économie bas carbone. À noter qu’en 2023, deux CPER de la génération 2021‑2027 sont encore en cours de signature. Conformément à la loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, les volets « mobilités » des CPER portant sur la période 2023‑2027 seront intégrés par avenant aux CPER 2021‑2027 et mis en œuvre en 2024. À l’échelon infrarégional, les contrats de réussite et de transition écologique (CRTE), signés pour six ans en 2021, ont vocation à constituer la déclinaison territoriale des CPER. Ils sont un outil privilégié de la territorialisation de la planification écologique.

Le programme 112 vise ensuite à appuyer les collectivités dans leur démarche grâce à l’offre d’ingénierie de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), créée par la loi n° 2019‑753 du 22 juillet 2019. Dans le cadre de son avis budgétaire, votre rapporteuse pour avis a choisi de porter une attention particulière à cette agence.

Enfin, le programme 112 vise à accompagner les transformations territoriales grâce à des programmes d’appui spécifiques. Dans ce cadre, l’action de l’État cherche à garantir la compétitivité des territoires et à renforcer la cohésion sociale et territoriale. Les projets et interventions que le programme 112 finance concernent donc à la fois l’attractivité des territoires, leur développement économique et l’accessibilité des services publics aux usagers. Concrètement, la politique d’aménagement du territoire est déclinée en plusieurs programmes parmi lesquels :

– le programme « Petites villes de demain », qui s’adresse aux communes de moins de 20 000 habitants exerçant des fonctions de centralité. Il prévoit l’accompagnement des communes, avec notamment le cofinancement d’un poste de chef de projet. Depuis le lancement du programme en 2020, 1 600 communes ont été accompagnées ;

– le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens », qui prévoit le déploiement des manufactures de proximité contribuant à la relance de l’activité économique et à la relocalisation de la production au sein des territoires ;

– le programme « Territoires d’industrie », qui propose des services dans des lieux équipés en numérique (tiers lieux, espaces de travail partagé) ;

– le programme « Action cœur de ville » qui vise à renforcer l’attractivité des villes moyennes via la revitalisation des centres-villes. Le programme, qui a accompagné 222 territoires depuis 2017, a été prolongé jusqu’en 2026 pour soutenir les projets des élus autour de nouvelles priorités, notamment la transition écologique et les entrées de ville ;

– le programme « France Services », qui permet l’accompagnement des usagers dans leurs démarches administratives grâce au rassemblement, dans un lieu unique, des services de l’État et de ses partenaires. Dans le cadre de son avis budgétaire, votre rapporteuse pour avis a choisi d’y porter une attention spécifique.

Annoncé par la Première ministre le 15 juin 2023, le plan « France Ruralités » prend la suite de l’Agenda rural. Il a vocation à « adapter les modalités de l’action publique nationale et locale aux spécificités des territoires ruraux, et ce afin de mieux répondre aux besoins quotidiens de leurs habitants en matière de services publics, de mobilité, d’habitat, de sécurité et d’emploi » ([1]). Le plan France Ruralités comprend un nouveau programme porté par l’ANCT : « Villages d’avenir ». Dans ce cadre, le soutien de l’ANCT se traduira par le déploiement, à partir du 1er janvier 2024, de chefs de projet, placés sous l’autorité des préfets, auprès des communes ou groupements de communes rurales.

Le programme 112 comporte un outil budgétaire transversal, le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire (FNADT). Créé par la loi du 4 février 1995, ce fonds a vocation à soutenir, en investissement comme en fonctionnement, les actions qui appuient les choix stratégiques de la politique d’aménagement du territoire et intervient en complément des fonds publics et privés mobilisés pour ces opérations. Il comporte deux sections : l’une, générale, pour des projets d’envergure issus de programmes nationaux d’État, notamment inscrits au sein des CPER, ou des demandes locales adressées par les préfets de région ; l’autre, locale, gérée de manière déconcentrée par les préfets, finançant certaines opérations des CPER et des opérations non contractualisées.

I.   Des crédits en hausse par rapport aux financements du budget de l’année 2023

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour le programme 112 un montant de 387,9 millions d’euros en autorisation d’engagement (AE) et 338,5 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Les crédits prévus pour le projet de loi de finances 2024 augmentent de 58,5 millions d’euros en AE et 76 millions d’euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, soit une hausse de 18 % en AE et de 29 % en CP.

 

 

Montant total (euros)

Programme 112 en LFI 2023

AE

329 421 467

CP

262 448 144

Programme 112 en PLF 2024

AE

387 931 467

CP

338 520 529

Évolution 20232024

AE

58 510 000

CP

76 072 385

 

Cette hausse des crédits inscrite dans le projet de loi de finances 2024 succède à une baisse observée en loi de finances initiale pour l’exercice 2023, dans laquelle le programme 112 avait connu une baisse de 5 % en AE et de 19 % en CP. Si l’on considère l’évolution en valeur entre 2022 et 2024, la hausse des crédits prévue pour l’exercice 2024 par rapport à l’exercice 2022 n’est que de 6 % en AE (+ 20,75 millions d’euros) et 14 % en CP (+ 41, 29 millions d’euros).

S’agissant de l’action 11, on peut noter une diminution de l’enveloppe de 6 % en AE et une augmentation de 10 % en CP. Pour les AE, la baisse constatée porte sur les crédits ouverts pour les pactes spécifiques au titre de l’engagement pour le renouveau du bassin minier. S’agissant des CP, l’augmentation permet d’assurer l’apurement des restes à payer au titre des précédentes générations de CPER (2007‑2014 et 2015‑2020) et de la génération 2021‑2027.

S’agissant de l’action 12, l’augmentation du niveau d’AE et de CP (de respectivement 81 % et 74 %) s’explique principalement par les moyens supplémentaires alloués au programme France Services (augmentation du nombre de structures labellisées et hausse du subventionnement au titre du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire) et par l’obtention de moyens supplémentaires au titre de France Ruralités, notamment pour les chefs de projets « Villages d’avenir ». Dans le cadre du plan France Ruralités, le programme 112 disposera ainsi d’un schéma d’emplois de 100 équivalents temps plein (ETP) pour le recrutement des 100 chefs de projets.

Concernant l’action 13, le niveau d’AE et CP est en hausse de 33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 du fait de l’augmentation de la subvention pour charges de service public à l’ANCT après l’obtention de 20 millions d’euros supplémentaires en crédits d’ingénierie dans le cadre de France Ruralités. Un rebasage de la subvention pour charges de service public de l’ANCT conduit en outre à un transfert depuis le programme 147 « Politique de la ville » de 1,3 million d’euros en AE et en CP.

Enfin, concernant l’action 14 qui porte uniquement des restes à payer, les crédits en CP baissent de 41 % du fait de la diminution des restes à payer pour l’ensemble des dispositifs (prime d’aménagement du territoire, contrats de ruralité et pacte État-métropoles).

II.   L’agence nationale de la cohésion des territoires : une agence dont l’ambition se heurte à la rÉalitÉ

Lors de la Conférence nationale des territoires, organisée au Sénat le 17 juillet 2017, le Président de la République a annoncé la création d’une nouvelle agence dédiée au conseil et à l’accompagnement des collectivités territoriales dans leurs projets de développement.

La loi n° 2019‑753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a permis la création de ce nouvel établissement public de l’État par fusion, depuis le 1er janvier 2020, de trois organismes existants : le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), et deux des trois pôles de l’Agence du numérique.

Les recettes du budget de l’ANCT proviennent essentiellement de deux programmes de la mission « Cohésion des territoires » (le programme 112 et le programme 147 relatif à la politique de la ville) et du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » qui relève du ministère de l’économie, des finances de la souveraineté industrielle et numérique de la France. Le budget de l’agence inclut également ses propres revenus, liés à l’exploitation des locaux dont elle est propriétaire au titre des activités qui relevaient de l’Epareca avant la création de l’ANCT.

A.   L’ambition : une mission de conseil et d’accompagnement des collectivités

L’ANCT a pour principale mission d’accompagner et de faciliter la mise en œuvre des projets de territoire des collectivités territoriale. Les missions de l’agence s’articulent autour de trois axes :

– la déclinaison des programmes nationaux : l’ANCT met en œuvre et anime les politiques publiques destinées à soutenir le développement des territoires comme la politique de la ville (relevant du programme budgétaire 147), le numérique (France très haut débit, France mobile) et la réduction des inégalités entre les territoires (Petites villes de demain, Territoires d’industrie, Action cœur de ville) ;

– l’accompagnement à une démarche de projet de territoire, notamment via les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ;

– l’appui en ingénierie « sur mesure » : l’agence accompagne les collectivités territoriales faisant face à un problème d’ingénierie. Concrètement, la collectivité saisit le délégué territorial de l’agence dans son département. Le préfet fait d’abord appel à l’ingénierie locale mais saisit le niveau national de l’agence lorsqu’elle est absente ou insuffisante. L’ANCT répond alors aux besoins de la collectivité soit par ses ressources internes, soit par l’expertise de ses partenaires. Afin d’accompagner les territoires dans leurs projets, l’agence dispose en effet de partenariats avec cinq partenaires opérationnels : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’Agence de la transition écologique (Ademe), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

La performance de la mission de conseil et d’accompagnement des collectivités par l’agence est évaluée par l’indicateur 3.1 : « Soutenir efficacement les collectivités en demande d’ingénierie pour accélérer leurs projets spécifiques » du projet annuel de performances du programme 112. Le projet annuel de performances assure, d’une part, le suivi du nombre de projets accompagnés « en propre » par des services ou programmes de l’ANCT. Sur ce point, le nombre de projets accompagnés par l’agence en 2024 devrait poursuivre la hausse observée depuis 2022 : 333 projets ont été accompagnés en 2022, 500 en 2023, 800 devraient l’être en 2024. D’autre part, le projet annuel de performances du programme 112 assure le suivi du nombre de projets impliquant un prestataire issu du contrat-cadre d’ingénierie (166 en 2022, 250 en 2023 et près de 500 en 2024, selon la cible dans le projet annuel de performances).

B.    La réalité : une agence insuffisamment connue

Les auditions menées auprès des élus locaux témoignent d’un déficit de notoriété des missions de l’agence, voire de son existence même. Près de trois ans après sa création, ce qui devait apparaître comme un guichet unique au service des collectivités est globalement méconnu ou mal identifié par les élus locaux. Au cours de l’une des auditions menées par votre rapporteuse pour avis, un élu local interrogé n’a pas su établir clairement ce qu’était cette agence et ses missions.

L’organisation de l’ANCT apparaît largement en cause pour expliquer ce déficit de notoriété.

À l’échelle nationale, l’agence est organisée en trois grands pôles : « Territoires et ruralités » (qui regroupe notamment des programmes nationaux tels que Petites villes de demain et France Services), « Politique de la ville » et « Numérique », mais apparaît comme une institution parisienne, loin des acteurs de terrain.

À l’échelle locale, l’agence s’appuie territorialement sur le maillage des délégués territoriaux c’est-à-dire des préfets de département, et leurs services ainsi que sur deux instances : le comité local de la cohésion des territoires et le comité régional des financeurs. Le comité local de la cohésion des territoires (CLCT) réunit, à l’échelle départementale, les acteurs de l’ingénierie publique locale ainsi que des représentants des collectivités territoriales et des partenaires opérationnels. Le comité régional des financeurs (CRF) permet la coordination des acteurs locaux sur le plan financier. Pour autant, les élus n’identifient pas le préfet, délégué territorial de l’ANCT, comme le représentant de l’agence dans les territoires. En effet, un maire sur deux n’identifie pas le référent de l’ANCT sur le territoire, du fait de l’absence totale d’organigramme et d’outils basiques. Les missions assurées par les services déconcentrés au titre de l’ANCT sont assimilées à des missions des services de l’État. D’autant qu’il existe un investissement inégal des préfets et des services déconcentrés dans l’incarnation des missions de l’ANCT.

Par ailleurs, les missions assurées par l’agence sont insuffisamment connues des élus locaux. Si certains programmes portés par l’ANCT, en particulier Action cœur de ville et Petites villes de demain, sont bien identifiés, l’implication de l’agence est souvent mal identifiée.

C.   Perspectives

Près de trois ans après sa création, l’ANCT doit encore faire ses preuves et être davantage attentive aux dynamiques locales.

L’arrivée d’un nouveau directeur général en décembre 2022, M. Stanislas Bourron, auditionné par votre rapporteuse pour avis, a été l’occasion pour l’ANCT lors du conseil d’administration du 29 juin 2023 de présenter une nouvelle feuille de route. La feuille de route 2023‑2026 de l’agence est structurée autour de trois axes : « la mise en place d’une méthode renouvelée afin de rendre l’agence plus proche du terrain ; le renforcement de l’accompagnement sur mesure, incluant une dimension forte d’accompagnement des territoires vers leur transition écologique ; le renforcement de l’implantation de l’ANCT, dans une démarche de consolidation de la relation de proximité avec l’État territorial et du rôle du conseil d’administration en matière d’instance de dialogue ».

Votre rapporteuse pour avis souhaite rappeler son opposition à la stratégie pleinement assumée par le directeur de l’ANCT, M. Stanislas Bourron, de recourir à l’ingénierie privée disponible lorsque cela serait considéré comme nécessaire. En 2023, 80 % des accompagnements ont été réalisés par des partenaires privés ([2]).Or la trop grande sollicitation de prestataires privés comporte le risque d’une démobilisation des services de l’État déconcentrés, laissant les collectivités tributaires de missions trop courtes et déconnectées de la réalité des territoires, confiées à des cabinets de conseil.

Le président de la commission ruralité de l’Association des maires de France du département des Hautes-Pyrénées a ainsi qualifié l’ANCT de « coquille vide » dans les territoires ruraux et préconise de renforcer et de réformer l’existant. À titre d’illustration, le Cerema dispose des outils d’ingénierie nécessaires mais ne parvient pas à pallier la fracture entre l’urbain et le rural qui persiste. La mise en place de quotas réservés à la ruralité, par exemple à hauteur de 20 %, pour les projets financés, semble tout à fait opportune.

III.   Les maisons France services : un palliatif insuffisant à la disparition des services publics dans les territoires

A.   Les maisons France services, héritières des Maisons de service au public, visent à garantir l’accès aux services publics dans les territoires

1.   Les maisons France Services sont les héritières des maisons de service au public

Créées formellement par la circulaire du 1er juillet 2019 ([3]), les maisons France services sont un réseau de services publics mutualisés devant permettre aux usagers de procéder aux démarches administratives du quotidien dans un lieu unique et à moins de trente minutes de leur domicile. Elles ont été inscrites dans la loi par l’article 60 de la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS ».

Ces maisons s’appuient sur une « refonte complète du réseau existant des maisons de service au public (MSAP) », créées par la loi NOTRe du 7 août 2015. Conformément à la circulaire du 1er juillet 2019, le réseau France services doit permettre une plus grande accessibilité des services publics ainsi qu’une simplification des démarches administratives via le regroupement des services de l’État (services déconcentrés du ministère de l’intérieur, du ministère de la justice, de la direction générale des finances publiques) et de ses partenaires (La Poste, Pôle Emploi, la Mutualité sociale agricole, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la Caisse nationale d’assurance maladie, la Caisse nationale des allocations familiales et Agirc-Arrco) dans un même lieu.

Les maisons France Services sont essentiellement mises en place et financées par les collectivités territoriales (64 % des structures, dont 30 % par des intercommunalités), la Poste (18 %), des associations (15 %), l’État et la Mutualité sociale agricole. Sur les 10 millions de demandes accompagnées chaque année, les sollicitations des usagers portent principalement sur les démarches relatives à la retraite et les déclarations d’impôt.

2.   Des progrès notables par rapport aux maisons de service au public

Le réseau France services présente des améliorations d’ordre quantitatif et qualitatif par rapport aux MSAP.

Sur le plan quantitatif, le maillage territorial des MSAP a été renforcé, de manière à mettre en place une structure dans chaque canton. Au 1er août 2023, 2 600 structures fixes, mobiles (bus France Service) ou multi-sites ont été labellisées sur le territoire et 150 supplémentaires devraient l’être d’ici la fin de l’année 2023.

Sur le plan qualitatif, l’offre France services n’est plus à « géométrie variable » comme l’a expliqué le sénateur M. Bernard Delcros lors de son audition par votre rapporteuse pour avis. Contrairement à ce qui existait pour les MSAP, l’ensemble des opérateurs est présent au sein de chaque maison France Services, en application de la charte France Services. L’offre de services devrait être renforcée à partir du 1er janvier 2024 puisque toutes les maisons France Services seront prochainement en mesure de conseiller les particuliers dans leurs démarches administratives pour obtenir une aide MaPrimeRénov’ ou MaPrimeAdapt’. Les conseillers France services pourront également assurer le déploiement du dispositif du chèque énergie.

Ainsi, l’indicateur 2.1 « Réduction du temps d’accès des usagers à une maison France Services et amélioration du service rendu » est en progression dans ses deux dimensions. L’intégralité de la population a désormais accès à une maison France Services à moins de trente minutes de son domicile, contre 95 % en 2021 et 99,4 % en 2022. Le taux de réalisation des démarches de redirection vers un opérateur du réseau France Services devrait connaître une légère hausse en 2024, en atteignant 82 %, contre 80 % en 2023.

B.   Une réussite affichée qui ne doit pas MASQUER le financement insuffisant du dispositif par l’État ainsi que la politique continue de disparition des services publics dans les territoires

1.   Le réseau France Services est insuffisamment financé par l’État, ce qui handicape le dispositif et pèse de manière démesurée sur les finances des collectivités locales

La participation financière de l’État via l’ANCT au financement des maisons France Services atteint aujourd’hui 35 000 euros par an pour chaque maison, pour un coût de fonctionnement par structure d’environ 110 000 euros. Votre rapporteuse pour avis salue la hausse de 5 000 euros obtenue pour l’exercice 2023 mais rejoint les critiques des élus qui constatent unanimement l’importance du reste à charge pour les collectivités. Certains tiennent à signaler que les collectivités territoriales n’ont pas vocation à financer les services publics de l’État.

Lors du dernier comité de Pilotage France Services qui s’est tenu le 27 juin 2023, le ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé l’augmentation progressive de la subvention France Services jusqu’à 50 000 euros par structure à compter de 2026. Cette décision va dans le bon sens, mais la participation de l’État au dispositif demeure insuffisante.

Un effort supplémentaire doit être assuré pour combler les lacunes existantes en matière de communication. Aujourd’hui, seule une personne sur deux connaît les missions des maisons France Services. Par ailleurs, une pérennisation des emplois avec une titularisation dans la fonction publique, une formation rallongée et complétée ainsi qu’une réelle fiche métier sont nécessaires pour répondre aux attentes des usagers et des agents.

Votre rapporteuse pour avis salue l’obtention de 2,5 millions d’euros supplémentaires alloués à l’animation départementale du dispositif, inscrits au PLF en complément de 6,5 millions d’euros de crédits en hausse pour l’animation globale du dispositif. Elle estime toutefois que la cible doit être de 65 000 euros par maisons France Services, soit 50 % du coût médian d’une structure.

2.   Un palliatif insuffisant à la disparition des services publics dans les territoires

Si le réseau France Services jouit d’un bilan plutôt positif au regard des indicateurs de performance, il ne saurait masquer la disparition des services publics dans les territoires et le déploiement des services dématérialisés, qui nuisent à l’effectivité d’accès, physique et numérique, aux services par les citoyens.

L’atteinte des objectifs cibles pour le réseau France Services ne doit pas faire oublier le retrait massif des opérateurs nationaux des territoires, conduisant à la disparition des lieux d’implantation des services publics. Votre rapporteuse pour avis tient à rappeler que le réseau France Services ne saurait devenir un réseau de substitution de ces opérateurs, conduisant à encourager les fermetures de lieux d’implantation physique au nom d’une prétendue rationalisation. Les maisons France Services ne peuvent pas se substituer à l’offre existante. Elles ne doivent être qu’un complément de proximité, nécessaire à l’accompagnement des usagers de plus en plus victimes d’une « déshumanisation des services publics » ([4]) et sujets au non-recours à mesure que s’accélère la dématérialisation des démarches.

Sur la question du non-recours au droit, la politique d’« aller-vers » l’usager, mise en avant par le Gouvernement au cours de l’année 2023 comme une nouvelle priorité du réseau France Services, va dans le bon sens. Sa concrétisation doit toutefois encore faire ses preuves.

 


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   Deuxième partie : le programme 162 « interventions territoriales de l’État »

I.   Un outil budgétaire atypique permettant la mise en avant de politiques publiques interministérielles au périmètre géographique limitÉ

A.   Un programme budgÉtaire atypique

Le programme 162 « Interventions territoriales de l’État » (Pite) regroupe des actions régionales ou interrégionales, de nature interministérielle et territorialisée, caractérisées par la nécessité d’une rapidité d’action de l’État ou d’accélération d’un plan complexe. Il permet de mettre en avant des politiques publiques interministérielles ayant un périmètre géographique spécifique et non une dimension nationale.

Au regard du système vertical de gestion résultant de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le programme est un dispositif atypique. La Lolf a prévu un système vertical de gestion des crédits, dans lequel chaque programme est rattaché à un ministère et les crédits sont transférés vers des budgets opérationnels (BOP) déconcentrés. Ce système vertical peut entraîner, en pratique, des retards importants dans la conduite de grands programmes intégrés mobilisant plusieurs ministères ou opérateurs de l’État et pouvant également nécessiter de conclure des partenariats avec d’autres acteurs ou de solliciter des fonds européens. Grâce à sa dimension interministérielle, le Pite vise une rapidité d’action pour les politiques publiques concernées.

Le programme 162 ne crée pas de dépenses supplémentaires pour le budget de l’État : il est financé par des contributions issues de programmes de différents ministères, rendus fongibles au niveau de chaque action. Le Pite mutualise ainsi des moyens déjà consacrés par chaque ministère à la réalisation de l’action et non à la création de nouvelles lignes de crédits.

Les crédits fixés par la loi de finances, répartis en autant d’enveloppes que d’actions du programme, sont délégués aux préfets de région pour être dédiés à une intervention précise, ce qui assure leur sécurisation et permet concrètement d’avoir un interlocuteur unique. La grande souplesse de gestion des crédits, permise par la fongibilité, constitue en effet un avantage pour les gestionnaires. Ils disposent ainsi d’une réactivité accrue pour ajuster, en cours d’année, l’affectation des crédits aux priorités opérationnelles et à l’avancée des différentes mesures. Le Pite garantit également aux acteurs locaux une visibilité accrue des engagements de l’État sur le territoire.

B.   Les crédits dédiés aux actions du programme « interventions territoriales de l’état » sont en baisse

En 2024, la structure du programme reste la même qu’en 2023 : huit actions réparties sur l’ensemble du territoire, dont quatre dans l’hexagone et quatre dans les outre-mer.

Les actions du programme 162 : Interventions territoriales de l’État

02 – Eau - Agriculture en Bretagne

04 – Plan d’investissement pour la Corse

08 – Volet territorialisé du plan d’action chlordécone

09 – Plan littoral 21

10 – Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

11 – Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire

12 – Service d’incendie et de secours à Wallis-et-Futuna

13 – Plan Sargasses II

Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits accordés au programme 162 sont en baisse. Le montant total des autorisations d’engagement demandées pour 2024 pour ce programme représente 80,65 millions d’euros, soit une baisse d’environ 6 % par rapport à la loi de finances pour 2023. Le montant des crédits de paiement s’élève à 33,15 millions d’euros pour 2024, soit une baisse de près de 46 % par rapport à la loi de finances pour 2023, largement imputable à l’action 04.

Évolution par action des crédits du programme 162
« Interventions territoriales de l’État »

(en euros)

 

 

LFI 2023

PLF 2024

FDC attendus en 2024

02 – Eau - Agriculture en Bretagne

AE

1 967 481

1 885 122

0

CP

1 964 489

1 866 265

04 – Plan d’investissement pour la Corse

AE

50 000 000

47 907 005

20 000 000

CP

30 652 138

3 787 563

20 000 000

08 – Volet territorialisé du plan d’action chlordécone

AE

4 450 000

4 263 723

0

CP

4 450 000

4 227 500

09 – Plan littoral 21

AE

10 000 000

8 000 000

0

CP

4 426 794

4 205 454

10 – Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

AE

12 115 330

11 608 184

 

CP

12 147 018

11 539 668

 

11 – Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire

AE

59 491

57 002

0

CP

693 403

658 732

12 – Service d’incendie et de secours à Wallis-et-Futuna

AE

2 158 091

2 067 544

0

CP

2 158 025

2 049 874

13 – Plan Sargasses II

AE

5 070 000

4 857 770

0

CP

5 070 000

4 816 500

Source : Projet annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2024.

C.   Détail par action

Pour l’exercice 2024, votre rapporteuse pour avis a choisi de centrer ses travaux sur l’action 02 « Eau  Agriculture en Bretagne » et l’action 08 consacrée au volet territorialisé du plan d’action chlordécone. Ces actions font l’objet de développements ultérieurs.

1.   L’action 04 « Plan d’investissement pour la Corse »

L’action « Plans d’investissement pour la Corse » porte les dernières opérations du programme exceptionnel d’investissements (PEI) ainsi que, à compter de 2022, le plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC) qui vise à poursuivre le soutien de l’État et permettre de forger l’avenir de l’île dans le bassin méditerranéen.

Institué par l’article 53 de la loi n°2002‑92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et initialement prévu pour quinze ans (2002‑2017), le PEI visait à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité », et à « résorber son déficit en équipements et services collectifs ». Il a vu sa durée d’exécution prolongée à deux reprises, d’abord par la loi NOTRe du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, puis par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ce qui permettait la programmation des opérations jusqu’en 2020.

Le plan de transformation et d’investissement de la Corse (PTIC) a pris la suite du PEI depuis le 1er janvier 2020 pour contribuer au développement durable de l’île.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit près de 47,9 millions euros d’autorisations d’engagement pour le financement des déclarations d’intention signées dans le cadre de la mise en œuvre du PTIC, et 3,16 millions d’euros en crédits de paiement, soit près de dix fois moins que pour l’exercice 2023.

Cette baisse s’explique par la stratégie du responsable de programme de donner la priorité à la consommation des crédits du Plan de relance (restent 26,38 millions d’euros de CP à consommer sur le Plan de relance au titre du PTIC), sous peine d’annulation, par rapport à des crédits budgétaires ouverts sur le programme 162.

2.   L’action 09 « Plan littoral 21 »

L’action 09 « Plan littoral 21 » a été lancée en 2018 en région Occitanie pour une durée de dix ans. Elle vise à participer au financement du plan de reconversion du littoral de la région Occitanie à l’horizon 2050, dans le cadre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral conduite conjointement par l’État, les régions et la Caisse des dépôts et consignations. Destiné à répondre au vieillissement des stations touristiques, à l’inadaptation des infrastructures et aux conséquences de l’urbanisation qui menacent l’intégrité des espaces naturels, le dispositif comporte trois orientations :

– la première, « pour une vitrine française de la résilience écologique et de la valorisation patrimoniale », vise à adapter le littoral de l’Occitanie à deux tendances lourdes irréversibles : le réchauffement climatique et la croissance démographique ;

– la deuxième orientation, « pour une économie globale portée par l’innovation qui irrigue tout le territoire », consiste à favoriser le développement et le rayonnement de filières d’avenir pour la région, en matière d’économie numérique, de santé et de vitiviniculture ;

– le troisième axe « pour un littoral symbole d’attractivité, d’accueil et de cohésion républicaine » vise le renouvellement des cœurs de stations. Dans ce cadre, plusieurs actions sont priorisées : la modernisation des ports de plaisance, l’amélioration de l’offre de logements, la modernisation des stations de tourisme ainsi que la valorisation du patrimoine culturel et naturel.

Les crédits du programme 162 contribueront à la mise en œuvre de ce plan, en 2024, à hauteur de 8 millions d’euros en AE et de 4,2 millions d’euros en CP.

3.   L’action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane »

L’action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » traduit les engagements de l’État dans le cadre de l’application des accords de Cayenne (21 avril 2017) et de la visite du Président de la République en Guyane (octobre 2017) d’une part, et de l’adoption du contrat de convergence et de transformation (CCT) pour la Guyane signé le 8 juillet 2019, d’autre part.

L’action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » est articulée selon cinq axes : cohésion des territoires, mobilité multimodale, territoires résilients, territoires d’innovation et de rayonnement ainsi que cohésion sociale et employabilité.

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit près de 11,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 11,54 millions d’euros en crédits de paiement.

4.   L’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire »

L’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire » résulte du contrat d’avenir des Pays de la Loire signé le 8 février 2019 par l’État et la présidente du conseil régional. Elle doit permettre à l’État, en partenariat avec le conseil régional qui prend la compétence d’animation dans le domaine de l’eau, de poursuivre et intensifier son action pour répondre aux enjeux écologiques, économiques, d’aménagement du territoire et de santé publique liés à la qualité des eaux ligériennes très dégradées.

Elle permet concrètement d’accompagner les maîtres d’ouvrage porteurs d’actions de restauration des milieux aquatiques et la transition agro-écologique des exploitations agricoles. L’action finance également des études destinées à améliorer les connaissances et le suivi de la qualité de l’eau. Les montants inscrits au programme 162 pour le projet de loi de finances pour 2024 sont en légère baisse par rapport aux montants consacrés à cette action en 2023 : environ 57 000 euros en AE et 658 000 euros en CP.

5.   L’action 12 « Service d’incendie et de secours à Wallis‑et‑Futuna »

En application de la loi statutaire du 29 juillet 1961, le service d’incendie et de secours de Wallis‑et‑Futuna relève de la compétence de l’État. L’action 12 du Pite porte depuis 2021 les crédits permettant à l’établissement public territorial « service d’incendie et de secours » (SDIS) d’assurer les interventions courantes et les missions de gestion des crises pour le territoire, dans l’attente d’une éventuelle révision du statut qui pourrait attribuer cette compétence à l’assemblée territoriale.

Le SDIS est composé de deux centres de secours totalisant 29 sapeurs‑pompiers professionnels et un agent chargé du secrétariat et de la comptabilité. Quelques sapeurs-pompiers volontaires complètent le dispositif opérationnel.

Les montants inscrits au programme 162 pour 2024 sont stables par rapport aux montants consacrés à cette action les années précédentes : 2,07 millions d’euros en AE et 2,05 millions d’euros en CP.

6.   L’action 13 « Plan sargasses II »

L’action 13 du programme 162 rassemble les crédits destinés à la lutte contre la prolifération des sargasses dans les Antilles françaises, dont l’échouement massif sur l’arc antillais (Guadeloupe, Martinique, Saint‑Martin) s’inscrit désormais dans la durée. Dans la suite du plan national de prévention et de lutte contre les sargasses établi en 2018, le plan Sargasses II (2022‑2025) propose une réponse selon cinq axes : l’action préventive, la réponse opérationnelle, la gouvernance, la recherche et la coopération internationale.

Le plan Sargasses II représente un budget annuel prévisionnel de 7,6 millions d’euros, dont 4,8 millions d’euros (AE et CP) sont financés par l’action 13 du programme 162, les autres contributions étant issues des programmes 113, 123, 174, 181 et 204.

II.   L’Action « eau et Agriculture en bretagne »

L’action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » permet à l’État de poursuivre les actions générales d’amélioration de la qualité de l’eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l’environnement. Depuis 2011, cette action contribue à réduire la prolifération des algues vertes par le financement de projets de territoire préventifs destinés à limiter les rejets d’azote et de phosphore dans l’environnement dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) dans huit baies bretonnes.

A.   La prolifération des algues vertes en bretagne a conduit l’état à mettre en place des plans de lutte

1.   Le modèle d’agriculture intensive breton a conduit à la prolifération des algues vertes dans les baies de la région

Le modèle agricole national, amorcé dans les années 1950, fondé sur la sur‑optimisation des quantités produites, a conduit à une spécialisation de la Bretagne autour des filières de production animales. En volume, la Bretagne est la première région productrice de porcs (56 % de la production française), d’œufs de consommation (37 %), de poulets de chair (32 %), de lait (23 %) et de veaux (19 %) ([5]).

Cette prévalence de l’élevage a conduit à l’augmentation des concentrations des cours d’eau en nitrates, via l’écoulement dans les sols et les nappes. L’azote contenu dans les nitrates a favorisé le développement des algues vertes sur certaines baies du littoral breton. Dans les baies fermées, peu profondes et en pente douce, les algues, peu exposées à la houle, bénéficient d’une eau claire et prolifèrent plus facilement.

 

 

 

 

 

 

 

2.   La lutte contre la prolifération des algues vertes est montée progressivement en puissance

La prolifération des algues vertes en Bretagne a été prise en charge dans toutes ses dimensions seulement depuis 2010. Après un premier plan de lutte contre les algues vertes (Plav) 2010‑2015, un second plan lui a succédé sur la période 2017‑2021. Le troisième plan, courant jusqu’en 2027, a été lancé en 2022, en intégrant les recommandations formulées par la Cour des comptes dans un rapport de juillet 2021 ([6]).

Le plan actuel 2022‑2027 comprend quatre volets :

– le volet curatif : assurer la sécurité des personnes grâce au ramassage des algues échouées et à leur traitement ;

– le volet sanitaire : surveillance régulière des sites les plus dangereux, via le déploiement d’un réseau de capteurs et en renforçant l’information des usagers et des professionnels médicaux ;

– le volet préventif : prévenir le développement excessif des algues, en réduisant les fuites d’azote vers les cours d’eau. Il faut entre cinq et quinze ans pour que la réduction de l’azote produise des effets complets sur la quantité d’algues vertes échouées dans les baies ;

– le volet connaissance : améliorer la connaissance du phénomène.

Le plan est doté d’un budget global de 130 millions d’euros, dont 35 % relevant de l’État (programme 149 ([7]) et 162), et 28 % de l’agence de l’eau. Les conseils départementaux du Finistère et des Côtes d’Armor participent également au financement de ce plan.

Les crédits consacrés à l’axe 5 de l’action 02 du Pite, uniquement dédié au Plav, relèvent de dépenses d’intervention contribuant, pour l’État, à soutenir les huit projets de territoire du plan. Les crédits financent des actions d’animation, de diagnostic et de conseil et encouragent par la voie contractuelle et volontaire une évolution des systèmes de production vers des systèmes adaptés aux enjeux locaux de réduction des flux de nitrates. Le Pite finance ainsi plusieurs dispositifs innovants d’accompagnement des agriculteurs dans l’évolution de leurs pratiques : paiements pour services environnementaux, chantiers collectifs de travaux à fort intérêt environnemental…

Le Pite finance ensuite le soutien apporté aux communes pour le ramassage, le transport et le traitement des algues vertes échouées au titre du volet curatif du plan. À la suite des recommandations du Haut conseil de la santé publique, le déploiement d’un nouveau volet sanitaire du plan a été déployé, correspondant à un suivi renforcé des émanations potentielles d’hydrogène sulfuré par les algues vertes en décomposition et à une information poussée du public et des professionnels de santé. Le Pite finance également la mesure des émanations.

B.   le maintien du modèle agricole intensif nuit durablement à la qualité de l’eau en Bretagne et favorise la prolifération des algues

1.   Depuis dix ans, aucun effet notable sur la concentration des eaux en nitrates et une prolifération continue des algues vertes

Dans le cadre de ses auditions, votre rapporteuse pour avis a souhaité entendre M. Pierre Jolivet, réalisateur du film Les Algues vertes sorti en juillet 2023, inspiré du roman graphique d’Inès Léraud et de Pierre Van Hove : Algues vertes. L’histoire interdite (2019). L’ouvrage raconte le travail d’enquête de terrain mené par la journaliste pendant sept années. Ses travaux expliquent l’origine des algues vertes polluant les côtes, démontrent leur dangerosité liée au dégagement du sulfure d’hydrogène, et alertent sur l’inertie des pouvoirs publics. Le roman débute par ces mots : « Pas moins de trois hommes et quarante animaux ont été retrouvés morts sur les plages bretonnes. L’identité du tueur est un secret de polichinelle : les algues vertes ».


(Dreal Bretagne)

Votre rapporteuse pour avis constate une stabilisation des teneurs en nitrates depuis 2014, année pourtant marquée par la condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne sur la mauvaise application de la directive nitrates([8]). Cette stagnation doit conduire à s’interroger sur les modalités d’action nouvelles à même de poursuivre l’évolution positive antérieure, que votre rapporteuse pour avis tient tout de même à saluer.

Pour le moment, les algues vertes continuent à s’échouer sur les baies bretonnes. Les nitrates transitant par le sol et par les nappes souterraines avant de rejoindre les cours d’eau et le littoral, il faut entre cinq et quinze ans pour que la réduction des fuites d’azote à la source produise des effets complets sur les flux de nitrates vers le littoral et donc sur la quantité d’algues vertes échouées dans les baies. Par ailleurs, les modélisations de la prolifération des algues vertes montrent qu’il est délicat de se baser uniquement sur un objectif en termes de concentration en nitrates, d’autres facteurs, comme la reconduction des stocks d’algues d’une année à l’autre, pouvant fortement influencer les échouages.

2.   Perspectives : un changement de modèle agricole est nécessaire pour faire baisser durablement le taux de nitrates

Pour l’exercice 2024, les actions prévues dans le cadre du PITE poursuivent les politiques menées les années précédentes. Ces orientations consistent à accompagner, dans les huit baies, la mise en œuvre opérationnelle du volet préventif et curatif du plan. Les associations locales dénoncent un défaut d’application de la règlementation en vigueur due à la capacité de blocage des acteurs économiques régionaux. Certaines évoquent une « omerta ».

Les plans de lutte gouvernementaux s’apparentent à une « série de rustines sur une chambre à air en bout de course » ([9]) puisqu’ils n’offrent aucune solution ambitieuse pour lutter contre les racines du problème. En effet, la véritable lutte contre les algues vertes implique un changement de modèle agricole, fondé sur une écologie durable. La baisse du taux de nitrates dans les eaux ne passera que par l’alimentation des élevages par des cultures locales, le développement des élevages biologiques ou encore le retour de l’herbe pâturée.

Dans ce cadre, la question de la réorientation des financements vers des programmes de transition agricole prend tout son sens, tant le retour sur investissement actuel est faible. Votre rapporteuse pour avis invite, le plus rapidement possible, à inscrire au sein des appels d’offres pour les marchés publics des critères privilégiant les systèmes d’élevage respectueux de l’environnement et à instaurer une véritable aide au maintien de l’agriculture biologique.

III.   Le volet territorialisé du plan national d’action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe

L’action 08 « Volet territorialisé du plan national d’action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe » poursuit les mesures contre les effets de la pollution par le chlordécone prévue par le plan chlordécone IV 2021‑2027.

A.   Une réponse tardive et insuffisante de l’état envers les victimes du chlordécone

1.   Des territoires et des populations victimes du chlordécone

La monoculture hyperproductiviste de la banane, destinée à l’exportation, en Martinique et en Guadeloupe a conduit à l’épandage massif de produits phytosanitaires sur ces territoires. Le chlordécone, une substance active composée de pesticides organochlorés, a été utilisé entre 1972 et 1993 pour lutter contre le charançon du bananier.

L’utilisation massive du chlordécone sur ces territoires et le caractère rémanent et cancérigène du pesticide auront, pour des siècles encore, des conséquences sanitaires, environnementales et économiques délétères.

Sur le plan sanitaire, les analyses démontrent de graves conséquences pour les victimes, comme des cancers de la prostate, une potentielle prématurité, des troubles du développement cognitif et moteur des nourrissons. Cette pollution concerne, de manière directe, les ouvriers des bananeraies, qui épandaient le pesticide le plus souvent sans protection, et de manière indirecte l’ensemble des Antillais résidant sur ces terres polluées et s’alimentant de produits locaux parfois contaminés par les résidus du pesticide. En effet, l’utilisation du chlordécone a généré une pollution durable des sols ainsi que des eaux terrestres et marines par ruissellement, qui continue de se diffuser aux produits alimentaires agricoles, aux animaux d’élevage (bovins, volailles, porcs, œufs) et aux espèces marines sauvages et d’élevage (crustacés, poissons).

Sur le plan économique, les arrêtés d’interdiction de pêche côtière ou l’impossibilité, dans de nombreuses parties des territoires, de cultiver en pleine terre par risque de contamination des cultures, obèrent les capacités de ces collectivités à atteindre les objectifs d’autosuffisance alimentaire et empêchent le développement d’activités agricoles.

2.   Une réponse trop tardive des pouvoirs publics

Malgré l’identification de la toxicité du chlordécone depuis l’accident industriel de l’usine de Hopewell en Virginie en 1975, et le classement du pesticide comme cancérigène possible par l’Organisation mondiale de la santé en 1979, la France n’a interdit l’utilisation du chlordécone aux Antilles qu’en 1993, après de multiples dérogations octroyées aux producteurs pour poursuivre l’épandage de ce poison.

La réponse de l’État français face à ce scandale sanitaire a tardé à se concrétiser, en dépit de l’identification du problème. Si les risques liés à cette contamination étaient inscrits comme l’une des priorités du Plan national santé environnement (PNSE) de juin 2004, il a fallu attendre 2008 pour qu’un plan spécifique soit mis en place pour la période 2008‑2010. Il sera suivi d’un deuxième plan 2011‑2013, puis d’un plan chlordécone III pour la période 2014‑2019.

B.   LEs actions menées demeurent insuffisantes et doivent être renforcées

1.   Un plan chlordécone IV demeurant hélas sous-dimensionné

À la lumière des travaux de la commission d’enquête conduite en 2019 sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et des travaux ([10]) et de la consultation publique organisée aux Antilles, le plan chlordécone IV tire les conséquences des écueils des plans passés. Le plan chlordécone IV ambitionne un travail en commun entre l’État, les collectivités territoriales et la société civile afin de mieux lutter contre les conséquences du chlordécone et renforcer la confiance des populations.

Le budget global prévisionnel du plan IV pour la période 2021‑2027 était initialement fixé à 92 millions d’euros, dont plus de 31 millions financés par le programme 162.

Le plan chlordécone IV

Le plan chlordécone IV comporte six stratégies : trois stratégies transversales et trois stratégies thématiques :

 

Trois stratégies transversales pour une vision globale et un travail commun des acteurs sur :

 la « communication » (200 000 euros en AE et 258 284 euros en CP) pour mieux informer et sensibiliser tous les publics (grand public, consommateurs, travailleurs, professionnels de santé…) en vue de protéger la population ;

 la « recherche » (378 977 euros en CP) pour renforcer les connaissances et les mettre en application sur le terrain ;

 la « formation et l’éducation » pour former dès le plus jeune âge, mais aussi les professionnels. Cette stratégie n’est pas mise en place par le Pite.

 

Trois stratégies thématiques pour répondre aux grands enjeux :

 de « santé - environnement - alimentation » (3,045 millions d’euros en AE et 3 014 millions d’euros en CP) en vue de protéger la santé, l’environnement et promouvoir une alimentation locale saine et durable vers le zéro chlordécone ;

 de « santé - travail » (300 000 euros en AE et 310 000 euros en CP) à destination des assurés, des médecins et des entreprises ;

 « socio-économique » (904 500 euros en AE et 487 800 euros en CP) pour accompagner les professionnels impactés.

Un renforcement de la stratégie pour vivre à terme sans « risque chlordécone et réparer par l’action » a été annoncé en juin 2023 avec la mise en place de nouvelles mesures, notamment :

– le financement d’une aide aux éleveurs de bovins pour sécuriser leur production et l’enrichissement des outils à leur disposition (prise de sang prédictive du temps de décontamination avant abattage) ;

– la prise en charge, de façon exceptionnelle et dérogatoire, du surcoût du traitement de l’eau potable des usines de production dont la ressource est polluée par le chlordécone ;

– la simplification et la prolongation de l’aide aux pêcheurs ;

–  le doublement de l’effort sur la recherche et l’innovation à l’horizon 2030 pour la santé de la femme.

Budgétairement, ce renforcement se traduit par une augmentation de 2,5 millions d’euros par an de la contribution des ministères à cette action sur la période 2023‑2027.

Si votre rapporteuse pour avis salue l’effort budgétaire croissant du Gouvernement dans la lutte contre le chlordécone, elle regrette toutefois l’insuffisante ambition des politiques menées au regard de l’ampleur de la pollution.

 

 

Dotations LFI

Exécution
(y compris reports et
ressources en gestion)

 

AE

CP

AE

CP

2009

3 776 125

3 773 588

3 514 794

3 475 620

2010

2 913 781

2 918 399

2 735 050

1 806 801

2011

2 916 042

2 915 827

2 677 495

3 135 256

2012

2 918 390

2 918 387

2 681 094

2 683 138

2013

2 908 505

2 908 476

2 868 795

2 359 912

2014

2 692 182

2 692 869

2 161 776

2 220 247

2015

2 577 549

2 582 651

4 811 502

4 105 918

2016

2 076 244

2 075 989

1 817 283

2 184 362

2017

2 032 000

2 030 700

3 602 908

3 807 044

2018

1 994 616

1 993 319

2 132 523

2 105 108

2019

1 987 120

1 981 490

2 431 672

2 303 511

2020

4 988 424

4 985 708

4 315 743

3 769 737

2021

2 986 108

2 985 953

5 055 262

3 764 733

2022

4 292 355

4 297 650

3 917 261

3 683 087

2023 (au 31/08)

4 450 000

4 450 000€

3 687 921

3 161 545

TOTAL

45 459 441

45 461 006

47 390 240

43 959 800

2.   Une attention accrue qui devra nécessairement s’intensifier

Les auditions menées par votre rapporteuse pour avis ont permis de constater que la contamination par le chlordécone est vécue comme un scandale par la population locale, qui demeure défiante envers l’action des pouvoirs publics. De fait, les recommandations alimentaires ou sanitaires existantes se heurtent aux habitudes traditionnelles et le sujet demeure largement tabou au sein de la population.

Si la reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle constitue indéniablement un progrès, la population exposée en dehors du cadre professionnel et les travailleurs agricoles se considèrent oubliés, voire lésés.

Votre rapporteuse pour avis considère ainsi qu’au-delà de la nécessité de mieux indemniser les victimes professionnelles, l’État doit consacrer son action à répondre à la psychose collective qui s’est emparée de ces territoires meurtris. La mise en place d’un guichet unique pour une simplification des démarches permettrait de lutter contre le non-recours, encore trop répandu.

En outre, votre rapporteuse considère qu’il est de la responsabilité de l’État d’investir dans la recherche scientifique sur le chlordécone, d’une part concernant la recherche médicale sur les impacts du chlordécone sur la santé et sa part attribuable dans les pathologies qu’il peut occasionner, d’autre part, s’agissant de la recherche dans les techniques de dépollution.

 


— 1 —

   examen en commission

La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis les crédits relatifs à l’aménagement du territoire de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680), le mercredi 18 octobre 2023 après-midi.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis (Aménagement du territoire). Ne faisons pas durer le suspense plus longtemps : j’invite la commission à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires.

Comme vous le savez mon rapport porte sur le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire et sur le programme 162 Interventions territoriales de l’État. J’ai choisi de mener des auditions de manière semi-directive, c’est-à-dire en m’affranchissant de la contrainte quantitative au profit d’une approche davantage qualitative.

Nous avons décidé, pour le programme 112, de nous concentrer sur le budget alloué au réseau France Services et à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Les espaces France Services arrivent à faire l’unanimité chez les élus locaux, chose assez rare pour être soulignée. On a fait le choix de faire confiance aux collectivités : ce choix est payant, au sens propre comme au figuré.

Oui, les bénéfices pour les usagers sont là, mais oui, c’est trop cher pour les porteurs de projet. Remettre de l’offre de service public était nécessaire après les destructions massives, mais c’est à l’État de financer le service public national. La situation est difficilement tenable pour les collectivités : le préjudice se répercute sur les agents qui travaillent dans les espaces France Services, ainsi que sur les usagers – aucun président de communauté de communes ne dira le contraire. Il faut renforcer les moyens alloués au dispositif, améliorer la communication pour que les usagers connaissent les services disponibles, pérenniser les postes des agents et lever ce boulet budgétaire qui handicape nos collectivités.

Si cela ne tenait qu’à moi, nous laisserions l’État se charger de l’ensemble du dispositif, mais nous savons que cela n’arrivera jamais. Il faut toutefois que l’État couvre au moins la moitié des dépenses de France Services. Le groupe LFI-NUPES a déposé un amendement en ce sens, que je vous invite, bien entendu, à voter.

Les élus furent beaucoup moins loquaces sur l’ANCT, puisque dans l’hyper-ruralité, personne ne sait à quoi sert cette structure ni même ce qu’elle est. Un maire a employé le terme de « coquille vide », qui résume bien le ressenti général. Il y a un véritable besoin d’ingénierie dans nos territoires, mais le fonctionnement de l’ANCT et la trajectoire voulue par son directeur général n’apportent pas les réponses souhaitées. Les fonds de l’ANCT atterrissent à Paris puis transitent directement vers des cabinets de conseils. Il faudrait renforcer les moyens du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et des directions départementales des territoires (DDT) et augmenter la part de projets soutenus dans les territoires ruraux.

De cette synthèse du programme 112, nous retenons la nécessité de faire confiance aux acteurs de terrains.

La deuxième partie de mon rapport porte sur le programme 162. Nous nous sommes concentrés sur les plans d’action de lutte contre les algues vertes en Bretagne et contre la pollution au chlordécone. Ces deux scandales sanitaires agricoles ont tué et menacent encore aujourd’hui les populations. Ces lignes budgétaires sont les réponses apportées par le Gouvernement : elles sont mauvaises car elles ne représentent guère plus que des pansements sur une jambe de bois.

Le plan d’action territorialisé sur le chlordécone est sous-doté. La négligence fautive de l’État a été reconnue, mais la réponse de celui-ci pour tenter de réparer les dégâts est ridicule. Sur le terrain, les agents publics et les associations abattent du travail, mais ils ne reçoivent pas l’appui dont ils ont besoin. Ce constat justifie à lui seul l’émission d’un avis défavorable sur cette partie du budget. À titre personnel, je ne peux m’imaginer l’approuver sans honte. On pourrait au moins s’imaginer que des leçons soient tirées de ce scandale, mais il n’en est rien. Parmi les départements qui utilisent le plus de glyphosate à l’hectare, on retrouve la Martinique et la Guadeloupe. L’usage de ce produit, en plus d’être toxique, augmente les flux de chlordécone. On entend les mêmes arguments mortifères, selon lesquels il n’y aurait pas d’alternative et que la production menacerait de s’écrouler sans lui. Vous voyez où je veux en venir : il faut changer de modèle agricole pour intégrer pleinement le respect de l’environnement, du travailleur agricole, de la santé du consommateur et du bien-être animal. C’est la seule solution.

Cela s’applique également aux plans de lutte contre les algues vertes. Le niveau de nitrates dans l’eau stagne et reste trop élevé ; il ne baissera pas si la production animale reste la même. Les fonds déployés dans le budget s’attaquent aux conséquences de notre modèle, non aux racines du problème. La solution consiste à aider nos agriculteurs à mener la transition vers des modèles plus vertueux, en mettant en place de vraies aides à la conversion, en sortant du système des aides découplées, etc. Tant que le Gouvernement n’envisagera pas ces solutions, les algues vertes auront encore un bel avenir devant elles, contrairement à nos agriculteurs.

Pour résumer, le programme 112 est perfectible à bien des égards, mais il a ses mérites. À l’inverse, le programme 162 incarne l’échec des politiques publiques sur des sujets pourtant de la plus haute importance.

M. Anthony Brosse (RE). La cohésion des territoires dans notre République, que l’on accuse souvent d’être trop centralisée et aveugle aux spécificités de chaque région ou département, doit se situer au cœur de nos préoccupations. Les grandes lois de décentralisation promulguées depuis les années 1980 ont montré que la République n’était pas aveugle à ses enfants, où qu’ils soient.

Le projet de loi de finances pour 2024 pérennise et accroît les efforts entamés depuis de nombreuses années. À ce titre, je souhaite saluer l’ensemble des mesures prises en faveur du monde rural, notamment la bonification pour les maisons France Services dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). De nombreux concitoyens se sentent éloignés des services publics et démunis face aux démarches administratives qu’ils doivent entamer. Les maisons France Services sont le parfait exemple d’un dispositif efficace pour recréer un service de proximité qui facilite la vie au quotidien, en plus de lutter contre l’illectronisme.

La seconde ambition est claire ; elle concerne le développement économique et la revitalisation pérenne des zones rurales et urbaines les plus fragiles. Avec l’ANCT, les collectivités pourront bénéficier d’une aide sur-mesure pour l’essor d’activités dans leur territoire, sur le fondement d’une déclinaison par programmes portant sur l’industrie, l’artisanat ou la transition écologique.

Il faut également saluer le déploiement d’actions encore plus spécifiques pour résoudre des questions locales : il y a notamment des crédits importants pour lutter outre-mer contre la pollution au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ; dans l’Hexagone, les mesures d’accompagnement concernent la gestion de l’eau, par exemple dans les Pays de la Loire et en Bretagne.

Le groupe Renaissance salue ces mesures qui apportent des réponses concrètes aux problématiques quotidiennes de nos concitoyens.

M. Christophe Barthès (RN). Le peu d’amendements déposés sur les programmes 112 et 162 peut être le signe d’un consensus sur les actions que ceux-ci financent. Nous tenons tout de même à souligner les besoins auxquels font face les territoires ruraux ; nous saluons les moyens donnés au Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). Néanmoins, nous craignons que les 21,6 millions d’euros alloués en autorisations d’engagement et en crédits de paiement au plan France Ruralités se révèlent insuffisants pour répondre aux ambitions concrètes de celui-ci ; c’est pourquoi, mes collègues Pierre Meurin et Julien Rancoule proposeront d’augmenter les moyens dédiés à la ruralité, afin de répondre aux attentes des territoires ruraux, souvent mis de côté au profit des zones urbaines et périurbaines.

L’aménagement du territoire, en métropole comme outre-mer, devient un sujet central pour la qualité de vie de nos concitoyens : ce thème, trop peu connu, est pourtant hautement politique et déterminant. Nous défendons ceux qui n’ont pas toujours été prioritaires pour les plus grands investissements, à savoir les territoires ruraux et les petites villes, lieux les plus défavorisés.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Le budget affiche 7 milliards d’euros supplémentaires pour la transition écologique : cela semble beaucoup, mais c’est en réalité peu compte tenu des enjeux. Pour atteindre la neutralité en carbone, l’économiste Jean Pisani-Ferry estime qu’un investissement public de 34 milliards d’euros serait nécessaire, le financement de cet effort exigeant de taxer les plus riches.

Ce manque d’investissement global se retrouve dans les crédits de la mission Cohésion des territoires. Les crédits de l’action 02 Eau et agriculture en Bretagne du programme 162, dédiés à la lutte contre les algues vertes, et ceux du volet territorialisé du plan national d’action Chlordécone IV diminuent tous deux de 5 %. Pourtant, la justice a pointé dans les deux cas, en juin 2022 pour le chlordécone et en juillet dernier pour les algues vertes, les responsabilités de l’État et lui a demandé d’agir. Le danger que font peser les algues vertes est bien connu : plages polluées et désertées et pollution des cours d’eau et des terres ; concernant le chlordécone, plus de 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est touchée.

Les algues vertes et le chlordécone symbolisent les conséquences sanitaires et environnementales désastreuses d’un modèle agricole productiviste, qui se situe à l’opposé de l’agriculture paysanne et vivrière que nous défendons et qui repose, entre autres, sur la sortie des pesticides ou l’instauration d’un prix plancher pour assurer un revenu digne aux paysans.

Autre exemple, également aux Antilles, les algues sargasses s’échouent et s’accumulent sur les littoraux depuis 2011 : elles causent des problèmes cardiaques, notamment aux femmes enceintes. Or l’action créée dans la loi de finances pour 2023 et pour quatre ans connaît déjà une baisse de crédits dans ce PLF.

Ces trois exemples montrent que ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux écologiques et que le manque d’investissements aura des conséquences sur les dépenses de santé générées par ces trois fléaux pour le vivant. Pour ces raisons, nous voterons contre l’adoption des crédits de la mission.

M. Jimmy Pahun (Dem). Le groupe Démocrate (MoDem et indépendants) est très attaché au thème de la mission Cohésion des territoires. Les débats sur les crédits des programmes 112 et 162 prennent peu de place dans la discussion budgétaire annuelle, alors qu’ils financent des dispositifs importants pour les territoires, notamment en milieu rural. En avril dernier, un rapport de ma collègue Mathilde Desjonquères a souligné les progrès accomplis dans le développement du réseau France Services, notamment dans la prise en compte des difficultés des territoires ruraux. Un long chemin reste toutefois à parcourir pour ces zones qui se sentent abandonnées : il convient d’intensifier les efforts en faveur des maisons France Services. Celles-ci sont indispensables pour créer du lien dans les zones rurales, améliorer le service rendu à la population, lutter contre les fractures territoriales et répondre au sentiment d’isolement que peuvent ressentir certains territoires.

Si la question du financement du réseau des maisons France Services demeure cruciale, je me réjouis de constater que l’État s’est engagé à leur allouer des financements supplémentaires en 2024. Les 2 700 maisons existantes voient ainsi la contribution de l’État augmenter et atteindre 55,7 millions d’euros pour améliorer l’accessibilité des structures et la qualité du service offert aux usagers. Les neuf opérateurs nationaux associés au programme prévoient-ils d’augmenter leurs contributions pour que le coût de fonctionnement des maisons France Services soit couvert à 100 % ? En effet, ces opérateurs ne participaient l’an dernier qu’à hauteur de 30 000 euros par maison, soit seulement un tiers des coûts de fonctionnement. Si nous voulons que le réseau de ces maisons reste une priorité de notre agenda rural, il faut que les efforts consentis par l’État soient accompagnés et complétés par la participation des opérateurs ; dans le cas contraire, les maisons France Services resteront sous-dotées et ne suffiront pas à maintenir à terme des services publics dans les territoires.

Je tiens enfin à saluer la mobilisation de 90 millions d’euros en faveur du plan France Ruralités.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie pour votre rapport qui met en lumière les difficultés rencontrées par de nombreux élus locaux, notamment dans les territoires ruraux. Si je me réjouis du soutien financier consenti dans ce PLF en faveur de la politique de cohésion des territoires, je ne peux que déplorer la politique conduite depuis 2017, qui, en plus d’affaiblir l’autonomie financière des collectivités territoriales, peine à apporter, au travers de ses services déconcentrés, un soutien suffisant aux élus locaux, laissant nombre d’entre eux dans l’impossibilité de répondre aux attentes toujours plus grandes de nos concitoyens. Si la multiplication des programmes d’aides spécifiques, comme Petites villes de demain ou Action cœur de ville, a pu représenter un début d’alternative, la tâche reste immense pour combler le recul de l’État dans nos territoires.

L’une des solutions pour remédier à ce constat réside dans le soutien que l’État se doit d’apporter aux élus locaux, notamment dans le domaine de l’ingénierie. De nombreux élus sont en effet freinés dans leurs projets à cause d’un manque de personnel et de compétences. La création de 100 chefs de projet sur la ruralité, chargés d’accompagner les préfets dans le cadre du programme Villages d’avenir, est bien dérisoire par rapport aux enjeux.

Dans votre rapport, vous êtes longuement revenue sur les difficultés de l’ANCT. Comme vous, je critique l’impact de cette agence sur le terrain depuis sa création. Or les besoins sont là, comme le montre l’exemple de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), qui met en évidence le besoin d’accompagnement des élus des territoires ruraux dans la gestion des nouveaux enjeux liés à la transition écologique. Si le rôle et les missions de l’ANCT doivent être revus pour répondre aux fortes attentes des élus locaux, l’État doit se doter d’un véritable programme destiné aux communes rurales. Quel est votre point de vue sur cette proposition ? Quelles pistes faudrait-il étudier dans ce domaine ?

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Comme vous le mentionnez dans votre rapport, la fracture numérique est de plus en plus présente : dans ce contexte, les maisons France Services, essentielles pour nos concitoyens, sont de véritables leviers de cohésion sociale. Actuellement, plus de 2 600 centres France Services, sous forme de bus ou de maison, sont présents dans le pays : comme vous, je suis ravie d’apprendre que 150 nouveaux sites doivent voir le jour d’ici à la fin de l’année. Ainsi, l’intégralité de la population a maintenant accès à une maison France Services en moins de trente minutes : je tiens à saluer le travail effectué par chacun des agents dans ces maisons.

Vous faites part de vos inquiétudes sur le financement de ces sites compte tenu du coût qu’ils représentent pour les collectivités, alors que le PLF pour 2024 prévoit des moyens complémentaires pour le plan France Ruralités, conformément aux annonces de la Première ministre : le budget prévoit 69,5 millions d’euros pour ce plan et 55,7 millions pour les espaces France Services. Vous qualifiez ce dispositif de palliatif insuffisant à la disparition des services publics, mais tel n’est pas son but, celui-ci étant de faciliter l’accès de tous les usagers aux démarches administratives dans un lieu unique.

Ma question porte sur la possibilité de réorganiser la gouvernance d’un réseau France Services, conformément aux recommandations du rapport de la mission d’information de notre collègue Marie-Agnès Poussier-Winsback. Il s’agirait de formaliser dans la prochaine convention les différentes instances de gouvernance du réseau France Services et le déploiement d’un agent dédié dans chaque préfecture. Redonner du pouvoir aux préfets et aux sous-préfets n’entraînerait pas forcément de coût supplémentaire mais serait plutôt l’occasion de réorganiser le dispositif. Vos dispositions vous permettent-elles de nourrir cette réflexion ? Le groupe Horizons et apparentés soutiendra l’adoption des crédits de ces programmes.

M. Nicolas Thierry (Écolo-NUPES). Malgré l’augmentation du budget et quelques notables avancées que je tiens à saluer, le rapport de Mme Ferrer, fruit d’un recueil d’expériences auprès des acteurs de terrain, pointe des lacunes préoccupantes qui méritent d’être soulignées.

Dans le cadre du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, deux entités attirent l’attention : les maisons France Services et l’ANCT. L’organisation de cette dernière est inadaptée, le recours à l’ingénierie privée est excessif et le déficit de notoriété entraîne une méconnaissance de ses missions. Une réforme apparaît donc indispensable pour renforcer sa proximité avec les territoires, en particulier pour combler la fracture persistante entre les zones urbaines et les zones rurales. Le rapport pointe le sous-financement par l’État des maisons France Services, lequel pèse sur les collectivités locales qui comblent ce désengagement. Ces dernières n’ont pourtant pas vocation à financer les services publics de l’État, pas plus que la généralisation des services dématérialisés, ce qui entrave l’accès aux services essentiels de nos concitoyens.

Le rapport met en évidence un manque de volonté politique et de mesures ambitieuses dans le programme 162 Interventions territoriales de l’État : ces lacunes sont regrettables. L’action 02 Eau et agriculture en Bretagne en est un exemple frappant : malgré d’importants investissements, les teneurs en nitrates ne diminuent pas depuis 2014, année marquée par la condamnation de la France par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Dans ce domaine, il est impératif de reconnaître que seule une transformation du modèle agricole réduira durablement les taux de nitrates. S’agissant de l’action 08 Volet territorialisé du plan national d’action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, le rapport souligne la nécessité de mieux indemniser les victimes professionnelles. La mise en place d’un guichet unique destiné à simplifier les démarches aurait mérité d’être creusée. L’État doit intensifier ses investissements dans la recherche médicale et les techniques de dépollution.

Notre rôle de législateur est de garantir l’efficacité des politiques publiques pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. Compte tenu de nos critiques et de nos recommandations, le groupe Écologiste-NUPES émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires du projet de loi de finances.

M. Jean-Louis Bricout (LIOT). La mission Cohésion des territoires porte une belle ambition, celle de réduire les trop nombreuses fractures qui minent nos territoires. Élu de la ruralité, je sais à quel point certains de nos concitoyens se sentent, à juste titre, abandonnés : confrontés au recul des services publics, à la difficulté d’accéder aux soins, à la dématérialisation administrative et à la croissance du coût des transports. Malheureusement, le PLF pour 2024 ne changera pas la donne.

Le dispositif France Services bénéficie d’un maillage territorial de plus en plus satisfaisant, qui répond globalement aux objectifs de proximité fixés au lancement du programme, mais il n’est qu’un palliatif imparfait au recul des services publics dans nos territoires. Parmi les axes de progrès identifiés figurent les horaires d’ouverture, souvent trop restreints, le financement insuffisant et essentiellement à la charge des collectivités territoriales, l’offre de services actuellement trop limitée et qui pourrait s’étoffer par Mon Accompagnateur Rénov’, par exemple.

Je serai moins sévère avec les programmes Action cœur de ville – plébiscité par les élus locaux – et Petites villes de demain, dont nous attendons beaucoup. S’agissant du dispositif Territoires d’industrie, nous redoutons que les moyens mis sur la table ne soient pas à la hauteur pour relancer l’activité là où la désindustrialisation a causé des ravages.

Le plan Sargasses II est plus ambitieux que son prédécesseur, mais les dépôts d’algues attestent de l’ampleur de la catastrophe écologique, économique, sociale et sanitaire : autant de dégâts dans un si bel écrin nous obligent à la solidarité. L’accompagnement des collectivités locales reste toutefois insuffisant, puisque celles-ci doivent consentir des avances de trésorerie importantes pour lutter contre l’amassement des algues. Nous ne pouvons que partager les commentaires de la rapporteure pour avis sur le plan Chlordécone IV, qui est à la fois trop tardif et sous-dimensionné.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Les maisons France Services ont été créées pour pallier la disparition des services publics ; elles servent même parfois à justifier la fermeture de certains services publics, notamment des trésoreries qui rendent pourtant de très grands services aux élus de l’hyper-ruralité. Les maisons France Services ont remplacé les maisons de service au public, qui n’étaient pas à la hauteur des besoins dans les communes ; le problème est que celles-là ne le sont pas plus que ne l’étaient celles-ci, d’autant que dans le contexte de la dématérialisation complète des procédures administratives, les citoyens ont besoin d’autre chose que d’un simple accès à un ordinateur.

La gestion du problème du chlordécone est totalement scandaleuse : ce pesticide a dévasté des territoires pour de nombreuses années ; 90 % de la population de la Martinique et de la Guadeloupe ont du chlordécone dans le sang. Il manque des moyens pour la recherche, seules les maladies professionnelles causées par ce pesticide étant étudiées ; il serait surtout nécessaire de se pencher sur ses incidences sur les femmes, pour lesquelles aucune maladie professionnelle liée au chlordécone n’est actuellement reconnue.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CD201 de M. Pierre Meurin

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à augmenter de 4,3 millions d’euros les crédits alloués de l’action 08 Volet territorialisé du plan national d’action Chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ; il n’est pas mauvais sur le fond, mais je dois signaler la manœuvre de récupération politique à laquelle il obéit : en janvier dernier, quand les Antillais ont manifesté pour obtenir réparation, aucun représentant de votre parti ne les a soutenus ; on ne vous a d’ailleurs jamais entendus sur le sujet, ce qui est bien dommage. Je soutiens l’amendement mais pas la manœuvre, donc j’émets un avis défavorable. Rassurez‑vous, l’amendement II-CD24 saura vous combler.

M. Pierre Meurin (RN). J’espère que vous n’êtes pas sérieuse, madame la rapporteure pour avis. Affirmer que mon amendement relève d’une manœuvre est totalement gratuit : lors de l’examen du PLF pour 2023, Marine Le Pen a déposé un amendement identique à celui-ci ; le Rassemblement national a un attachement tout particulier aux territoires d’outre-mer qui sont désertifiés. Votre attaque gratuite qui qualifie nos amendements de manœuvre politique me semble scandaleuse. Je vous invite, madame la rapporteure pour avis, à baisser d’un ton, surtout pour nous donner raison sur le fond. Je ne vous laisserai pas nous insulter de cette façon.

Mme Catherine Couturier (LFI-NUPES). Monsieur Meurin, vous êtes-vous rendu compte de votre comportement et des propos que vous avez tenus tout à l’heure sur la CNDP et les questions environnementales ? Vous avez montré une attitude irrespectueuse envers l’ensemble des groupes qui ont présenté des amendements. Nous pouvons avoir des désaccords, mais il y a un minimum de respect à avoir entre nous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD24 de M. William Martinet

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Les Ultramarins ne s’y sont pas trompés en soutenant et en plébiscitant Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle.

Votre empathie, votre émotion et votre engagement, madame la rapporteure pour avis, doivent être soulignés : je vous remercie d’avoir repris le flambeau des nombreux collègues ultramarins et hexagonaux qui ont mené ce combat pendant des années. Les crédits diminuent de 5 % dans le PLF pour 2024, alors que nous savons tous que 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est contaminée par le chlordécone. Nous savons depuis 1979 que cette substance est dangereuse, mais elle a continué à servir un modèle agricole mortifère – que l’on songe au taux d’incidence du cancer de la prostate chez nos compatriotes antillais ou à la communication de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) du 6 décembre 2022, selon laquelle 25 % des analyses sanguines de la population adulte en Martinique présentaient un dépassement de la valeur toxicologique de référence.

L’amendement vise à abonder de 4 millions d’euros les crédits de l’action 08 Volet territorialisé du plan national d’action Chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, pour mieux indemniser et investir.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. En Martinique et en Guadeloupe, la monoculture hyperproductiviste de la banane destinée à l’exportation a conduit à l’épandage massif de produits phytosanitaires sur ces îles, lequel a eu des effets désastreux sur la santé des ouvriers agricoles et de l’ensemble de la population, comme nous l’ont dit les acteurs institutionnels – la déléguée interministérielle Santé publique France et l’Anses – et les associations locales comme le Collectif des ouvriers agricoles et de leurs ayants droit empoisonnés par les pesticides. Je suis donc favorable à l’augmentation des crédits finançant le plan de lutte contre le chlordécone.

M. Pierre Meurin (RN). L’amendement auquel vous donnez un avis favorable consacre 300 000 euros de crédits en moins à l’action 08 que le mien. Par sectarisme politique, vous pénalisez nos concitoyens ultramarins.

Madame Couturier, je vous défie de trouver dans mes propos la moindre trace d’attaque personnelle ou d’irrespect envers qui que ce soit. Vous surjouez stupidement l’indignation et votre sectarisme plombe l’ambiance de nos débats. Les territoires d’outre-mer sont une priorité du Rassemblement national ; leurs habitants l’ont d’ailleurs parfaitement compris en plaçant Marine Le Pen largement en tête du deuxième tour de l’élection présidentielle.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CD23 de M. François Piquemal

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Cet amendement vise à renforcer la lutte contre les algues vertes puisque les crédits de l’action 02 Eau et agriculture en Bretagne, dédiés à la lutte contre les algues vertes, diminuent de 5 % dans le PLF, alors que le tribunal administratif de Rennes a fixé en juillet dernier un délai de quatre mois à l’État pour renforcer la lutte contre les algues vertes dans la région. Je me suis rendue il y a deux jours dans la baie de Saint-Brieuc avec des collègues et des lanceurs d’alerte : nous avons visité un endroit qui était une plage magnifique de sable fin très prisée des familles dans les années 1960 et qui n’est plus qu’une étendue d’algues vertes : tout meurt sous celles-ci. Le sable devient noir et ressemble à du bitume à cause de la décomposition des algues, qui produit de l’hydrogène sulfuré, gaz extrêmement toxique et potentiellement mortel car il peut provoquer des bouffées asphyxiantes pouvant tuer en quelques secondes. Nous étions d’ailleurs sur le site où un jogger est mort en 2016 ; la veille de notre déplacement, un sanglier y avait été retrouvé mort.

C’est la surcharge en nitrates dans les eaux et les sols, due à l’élevage industriel de porcs – il y a plus de porcs que de Bretons en Bretagne –, qui cause la prolifération des algues vertes. Les porcs produisent plus d’excréments que 60 millions d’habitants : il y a là un enjeu écologique et de santé publique absolument majeur pour les Bretons. Voilà pourquoi nous proposons d’allouer 2 millions d’euros supplémentaires à la lutte contre les algues vertes. L’urgence est de sortir du système agro-industriel, de végétaliser notre alimentation, de consommer moins de produits animaux et d’accompagner les agriculteurs vers une agriculture paysanne respectueuse du vivant.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Je suis favorable à cet amendement. Il est essentiel de renforcer, par exemple par l’intermédiaire du programme 162, les moyens apportés aux communes pour le ramassage, le transport et le traitement des algues vertes échouées, au titre du volet curatif du plan.

La lutte durable contre les algues vertes passe toutefois par un changement de modèle agricole. Le modèle amorcé dans les années 1950, fondé sur la suroptimisation des quantités produites, est mortifère pour l’ensemble de la région.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD34 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Cet amendement tend à mettre en lumière les limites du plan France Ruralités, annoncé tambour battant le 15 juin 2023 pour résoudre les problèmes de la ruralité, et qui bénéficie de 21,6 millions d’euros dans le cadre de ce budget. Comment parler d’ambition pour la ruralité avec un tel montant ? Alors que de nombreux maires n’ont plus de moyens d’investir, on crée un plan national, certes utile, mais qui ne contient que des mesures d’ingénierie.

Le contexte inflationniste auquel nous sommes confrontés a rongé considérablement les marges de manœuvre des maires. Selon une étude menée fin 2022 par l’AMF – Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité – et la Banque postale, la ruralité est particulièrement concernée.

Nous proposons donc d’augmenter de 2 millions d’euros le budget de l’action 12 relative au FNADT section générale, du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire. Ce serait l’occasion de dépasser les seules mesures d’ingénierie, pour financer de véritables projets d’investissement pour notre ruralité, qui en a besoin.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Le plan France Ruralités n’est pas la solution : les fonds doivent aller dans l’existant. C’est le sens des recommandations de mon rapport. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD26 de M. William Martinet

M. François Piquemal (LFI-NUPES). France Services nous a coûté de nombreuses fusions et fermetures de services publics. Toutefois, ce réseau existe, et le Gouvernement ne doit pas se désengager d’un dispositif qu’il a créé. Selon un rapport sénatorial de juillet 2022, il faudrait une maison France Services dans chaque centre-bourg. Son coût annuel étant de 110 000 euros – 150 000 euros pour les maisons France Services postales – et la subvention de chaque structure, de 50 000 euros à l’horizon 2026, le reste à charge pour les collectivités s’élève à près de 100 000 euros.

C’est pourquoi nous proposons de transférer 40 millions d’euros de l’action 7 du programme 135, Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, vers l’action 12 du programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Votre amendement propose d’augmenter la dotation au réseau France Services pour abaisser le reste à charge pour les collectivités. Ce réseau permet le rassemblement, dans un lieu unique, des services de l’État et de ses opérateurs. La participation financière de l’État au financement de ces maisons, par l’intermédiaire de l’ANCT – Agence nationale de la cohésion des territoires –, atteint aujourd’hui 35 000 euros, pour un coût de fonctionnement d’environ 110 000 euros par structure. Le reste à charge est trop important pour de nombreuses collectivités.

Je suis très favorable à votre amendement qui propose d’abaisser ce reste à charge, et demande au Gouvernement de lever le gage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD22 de M. William Martinet

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Imaginons un pays où l’on crée une agence pour faciliter les projets des mairies et autres collectivités et qu’au bout de trois ans, la moitié des maires disent connaître son existence, et trois quarts d’entre eux ne l’ont jamais sollicitée. Imaginons que cette agence, conçue pour aider les plus petites collectivités, livre 65 % de ses dossiers d’accompagnement aux cabinets de conseil ; que ceux-ci mangent le tiers de son budget et que le travail de ces cabinets, payés en moyenne 2 000 euros par jour, soit d’envoyer des consultants de la capitale en province, pour vendre des powerpoint aux élus locaux.

Ce pays et cette agence existent : ce sont l’ANCT et la France, où les collectivités territoriales et ceux qui les font vivre se sentent méprisés. L’amendement a donc pour objet de transférer 20 millions d’euros de l’action 13 du programme 112 vers un nouveau programme, Ingénierie territoriale.

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à créer un programme dédié à l’ingénierie territoriale plutôt que de doubler les moyens de l’ANCT dans ce domaine. Le besoin en ingénierie est réel, mais l’ANCT n’est pas un établissement public qui apporte les bonnes solutions. Je suis donc favorable à cet amendement tout à fait pertinent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD202 de M. Pierre Meurin

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. Le plan France Ruralités n’est pas la solution : les fonds doivent aller dans l’existant. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Cohésion des territoires modifiés.

Avant l’article 50

Amendement II-CD25 de M. François Piquemal

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Notre amendement, également relatif à l’ANCT, vise à réformer le mode de fonctionnement de cette agence.

Contre la position de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Madame la rapporteure pour avis, souhaitez-vous ajouter quelques mots de conclusion ?

Mme Sylvie Ferrer, rapporteure pour avis. J’aurais préféré qu’il y ait des services publics partout dans nos bourgs plutôt que des maisons France Services, construites sur les ruines des agences qui accueillaient physiquement les personnes.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

M. Stanislas Bourron, directeur général

M. Bernard Delcros, sénateur du Cantal

M. Richard Capel, maire de Boulin

M. Loïc Riffaut, vice-président de la communauté de communes des vallées des Gaves

Intercommunalités de France*

Mme Isabelle de Waziers, vice-présidente de la communauté de communes Somme Sud-Ouest

M. Clément Baylac, conseiller « Économie et attractivité »

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Association des petites villes de France

M. Francisque Vigouroux, maire d’Igny et secrétaire général adjoint de l’association

Mme Marie Coulet, conseillère de l’association

Collectif des ouvriers agricoles et de leurs ayants droit empoisonnés par les pesticides (COAADEP)

M. Yvon Serenus, président

Mme Cannelle Fourdrinier, coordinatrice de la commission juridique

Agence de l’eau Loire-Bretagne

M. Martin Gutton, directeur général

Table ronde des acteurs associatifs et lanceurs d’alerte sur les algues vertes

M. Pierre Jolivet, réalisateur

M. Jean-Yves Piriou, président de France Nature Environnement Bretagne*

M. Arnaud Clugery, directeur et porte-parole de l’association Eau et rivières de Bretagne

Table ronde dédiée aux actions relatives au chlordécone
menées en Martinique et en Guadeloupe

Mme Edwige Duclay, directrice de projet « Coordination du plan chlordécone IV »

M. Jacques Rosine, coordinateur des actions « Chlordécone » de Santé Publique France

Mme Alima Marie-Malikité, directrice de cabinet du directeur de Santé publique France

M. Jean-Luc Volatier, adjoint au directeur « Observatoires, données et méthodes » de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

M. Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle « Sciences pour l’expertise » de l’ANSES

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


   LISTE DES contributions écrites

Mission interdépartementale et régionale sur l’eau (MIRE) de la région Bretagne et Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement du territoire et du logement (DREAL) de Bretagne.

Association des maires de France

 


([1]) Projet annuel de performances du programme budgétaire 112 pour le projet de loi de finances pour 2024, page 5.

([2]) Intercommunalités de France.

([3]) Circulaire n° 6094SG du 1er juillet 2019 relative à la création de France Services.

([4]) Rapport annuel d’activité du Défenseur des droits 2022, 17 avril 2023.

([5]) Contribution écrite DREAL.

([6]) La lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne, chambre régionale des comptes de Bretagne, 2 juillet 2021.

([7]) Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture.

([8]) Directive 91/676/CEE relative à la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

([9]) Site internet de France Nature Environnement : https://fne.asso.fr/dossiers/algues-vertes-le-littoral-empoisonne.

([10]) Commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires, 2019.