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N° 1723

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE

PAR M. Jérôme NURY

Député

 

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 Voir les numéros : 1680 (Tome III, Annexe 16).


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SOMMAIRE

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  Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : analyse des crÉdits

I. un programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines » encore renforcÉ pour accompagner la transition ÉnergÉtique

1. Un chèque énergie maintenu dans ses fondamentaux

2. La consolidation de MaPrimeRénov’

3. Un nouveau renforcement des aides à l’acquisition de véhicules propres

II. Un programme 345 « Service public de l’Énergie » en fort recul grÂce À l’attÉnuation de la crise de l’Énergie

1. Une réduction des dotations consacrées aux mesures de protection des consommateurs qui découle avant tout du reflux des prix de l’énergie

2. Un soutien au développement des énergies renouvelables en métropole qui impacte peu le programme 345

3. Une solidarité territoriale préservée

III. Un Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » simplement reconduit (programmes 793 et 794)

SECONDE partie : L’impact en 2024 des prix de l’électricité et du gaz sur le pouvoir d’achat des consommateurs finals et sur le modèle économique des entreprises françaises

I. Les consommateurs français face À la crise des prix de l’Énergie

A. Une crise qui a fortement ÉbranlÉ nos concitoyens et nos entreprises

1. L’emballement de 2021-2022 et les tendances pour 2024

2. Les conséquences en cascade de la flambée des prix de l’énergie

B. Des modÉrateurs prÉExistants mais insuffisants face À la crise

1. La restriction des TRVe aux contrats de puissance inférieure à 36 kVA

2. L’inadaptation croissante de l’Arenh

3. Des soutiens aux électro-intensifs encadrés par le droit européen

II. DES AIDES d’urgence vitales et qui doivent Être maintenues À court terme

A. une protection progressivement Étendue

1. Les mesures prises

2. Un soutien significatif pour les consommateurs, mais longtemps laborieux pour les entreprises

B. l’indispensable prolongation des soutiens aux factures d’électricité en 2024

1. L’apparente stabilisation des contrats gaz malgré la fin des TRVg

2. Mais des difficultés qui perdurent pour les consommateurs d’électricité

3. Un projet de loi de finances pour 2024 qui prolonge certaines aides, mais laisse de nombreuses entreprises dans l’incertitude

4. Un coût pour l’État qui ne saurait être maintenu dans la durée

C. La nÉcessitÉ de garde-fous durables

1. Supprimer le seuil des 36 kVA

2. Installer le modérateur qui remplacera l’Arenh

3. Réguler par l’État ou par le marché ? Les arbitrages à venir de la réforme du marché européen de l’électricité

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

 


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   INTRODUCTION

Dans un contexte national, européen et mondial tendu, l’énergie est devenue un sujet crucial pour l’ensemble des consommateurs français. Alors qu’avant 2021, la faiblesse des prix du gaz et de l’électricité était un atout important pour nos entreprises et une charge relativement transparente pour le budget de la plupart des ménages, leur envolée depuis deux ans et demi a remis en cause ces équilibres. 2023 a connu un reflux relatif de ces prix mais ils restent élevés, particulièrement s’agissant de l’électricité, dans un contexte de fragilité accrue de nos concitoyens et de nos PME et TPE.

Votre rapporteur a précisément choisi de consacrer la partie thématique de son avis à l’impact en 2024 des prix du gaz et de l’électricité sur le pouvoir d’achat des ménages français et la compétitivité des entreprises nationales.

Pour étudier la situation à venir, ses enjeux, ses problématiques et les réponses qui leur sont, ou pas encore, apportées, il convient en premier lieu de faire un bilan de la crise et des mesures prises par le Gouvernement pour soutenir les consommateurs. Les aides de l’État ont été indubitablement massives : entre fin 2021 et 2023, ce sont près de 34 milliards d’euros de dépenses pour les boucliers tarifaires gaz et électricité et l’amortisseur électrique, 18 milliards d’euros de pertes de recettes pour la minoration de l’accise sur l’électricité, 2,9 milliards pour les chèques énergie exceptionnels (en compter les chèques fioul et bois) – sans parler des 7,9 milliards d’euros économisés par les consommateurs grâce au relèvement de l’enveloppe de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) en 2022, qui ont été supportés par EDF, ni des 10,4 milliards d’aides au titre du renchérissement des carburants qui ne sont pas traités dans cet avis.

Le projet de loi de finances propose heureusement de reconduire en 2024 la minoration de l’accise et le bouclier tarifaire électricité. Lors de ses travaux, votre rapporteur a également reçu la quasi-assurance que le bouclier collectif gaz et l’amortisseur électricité, qui accompagne les PME et TPE non éligibles aux tarifs réglementés de vente, seraient prolongés avec quelques adaptations. Votre rapporteur salue ces mesures, mais déplore que ces dernières prolongations ne soient pas encore actées et définies dans un texte, et que rien ne soit envisagé pour soutenir les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui resteraient piégées par un contrat d’approvisionnement à tarifs exorbitants. Enfin, votre rapporteur considère qu’il faut dès à présent préparer la suite en renforçant les garde-fous durables. Deux réformes lui semblent indispensables : supprimer le seuil des 36 kilovoltampères de puissance contractée pour bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité et définir rapidement un nouveau système de régulation des prix de vente de l’électricité nucléaire historique, qui prendra la suite de l’Arenh avant sa fin en décembre 2025, même si cette nouvelle régulation sera fortement déterminée par la réforme du marché européen en cours de négociation.

Assurer aux consommateurs français un approvisionnement en énergie sûr, suffisant et à des coûts soutenables est un des objectifs fondamentaux de la politique énergétique nationale, que doit traduire ce projet de budget pour 2024. Mais elle a également pour visées de favoriser et accompagner la transition énergétique de notre pays, tout en confortant autant que possible sa souveraineté.

Le projet de budget pour 2024 montre certains efforts à répondre à ces enjeux : les dotations consacrées à MaPrimeRénov’ augmenteraient de 247 millions d’euros et les crédits alloués aux aides à l’acquisition de véhicules propres de 203 millions d’euros. Par ailleurs, le soutien à la transition énergétique dans les zones non interconnectées serait abondé de 306 millions d’euros, et le soutien à l’injection de biométhane de 841 millions d’euros. Pour la deuxième année consécutive, l’État ne provisionne pas de dépenses pour le développement des énergies renouvelables électriques en métropole, mais pour l’unique raison que les recettes qu’il dégagera de la vente des productions déjà aidées suffiront à couvrir les futurs contrats aidés.

Toutefois, malgré ces quelques avancées intéressantes, le projet de loi de finances et ses prévisions budgétaires laissent traîner de lourdes incertitudes et un certain nombres d’injustices.

Outre l’attente d’une confirmation de la prolongation du bouclier collectif gaz et de l’amortisseur électrique et l’absence de réponse aux difficultés des ETI, votre rapporteur relève plusieurs manques importants : le chèque énergie est simplement reconduit, sans aucune revalorisation alors que les tarifs réglementés de vente ont été augmentés de 26,5 % en 2023 ; et rien ne sera fait pour les ménages se chauffant au fioul, nombreux dans nos territoires ruraux, malgré un prix au litre d’au moins 1,40 euro.

Par ailleurs, si les budgets alloués à la rénovation thermique des bâtiments progresseraient de 916 millions d’euros, c’est encore loin du 1,6 milliard d’euros annoncé par Mme la Première ministre.

Enfin, ce projet de budget ne parle absolument pas du financement des futures installations nucléaires, absolument indispensables à la réussite de la transition énergétique de notre pays et à son indépendance. Pourtant, il serait difficilement envisageable qu’EDF assume seule des investissements de cette ampleur.

Pour ces différentes raisons, votre rapporteur donne un avis négatif à la proposition de budget pour la politique énergétique de la France en 2024.

 

 


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   premiÈre partie :
analyse des crÉdits

Le présent avis porte sur les programmes 174 et 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur les programmes 793 et 794 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », qui concentrent les crédits durablement consacrés à la politique énergétique, l’ensemble devant représenter des dépenses prévisionnelles de plus de 12 milliards d’euros (Md€) en 2024 ([1]).

I.   un programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines » encore renforcÉ pour accompagner la transition ÉnergÉtique

Évolution des CrÉdits du programme 174

(En millions d’euros)

Actions

AE

LFI  2023

AE

PLF 2024

Δ AE

CP

LFI 2023

CP

PLF 2024

Δ CP

01. Politique de l’énergie

117,3

197,3

+ 68,2 %

141,4

192,7

+ 36,3 %

02. Accompagnement transition énergétique

 

dont MaPrimeRénov’

 

4 049

 

2 450

 

3 595,9

 

2 697

 

– 11,2 %

 

+ 10,1 %

 

3 795,5

 

2 300

 

2 860,2

 

2 065

 

- 24,6 %

 

- 10,2 %

03. Aides à l’acquisition de véhicules propres

1 296,6

1 4 999,9

+ 15,7 %

1 296,6

1 499,9

+ 15,7 %

04. Gestion économique et sociale de l’après-mines

270,3

270,2

– 0,02 %

270,3

270,2

- 0,02 %

05. Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

58,4

65,4

+ 12 %

58,7

63,7

+ 8,5 %

06. Soutien

1,4

1,4

-

1,4

1,4

-

Total

5 792,9

5 630,2

- 2,81 %

5 563,8

4 888,2

- 12,1 %

AE : Autorisations d’engagement. CP : Crédits de paiement

Source : projet annuel de performances 2024.

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » finance trois grands ensembles d’actions : des outils et acteurs participant à la mise en œuvre de la politique de l’énergie, l’accompagnement des anciens mineurs et des territoires touchés par les mutations industrielles liées à la transition énergétique, ainsi que l’accompagnement de la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air, qui mobilisent 91,7 % de ses autorisations d’engagement.

Les prévisions pour 2024 marquent un recul par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2023. Les autorisations d’engagement (AE) diminuent en effet de 2,8 % (- 162,7 millions d’euros [M€]) et les crédits de paiement (CP) de 12,1 % (- 675,50 M€). Toutefois, cette contraction des moyens n’est qu’apparente : elle traduit en réalité la non‑reconduction de l’aide versée aux « gros rouleurs » qui représentait 700 M€. À périmètre constant, les dotations du programme 174 progresseraient globalement de 537 M€ (+ 11 %) en autorisations d’engagement et de 24 M€ (+ 1 %) en crédits de paiement.

Ces dotations seraient complétées par 3,8 Md€ de dépenses fiscales liées au programme 174, en progression de 494 M€ selon les prévisions du projet annuel de performances. Cette progression résulterait d’évolutions en sens contraires :

– le durcissement de la taxation sur les gazoles non routiers autres que celui utilisé pour les usages agricoles, qui réduirait de 139 M€ le manque à gagner pour l’État ;

– l’augmentation de 531 M€ de la dépense fiscale induite par le tarif réduit de l’accise sur le gaz naturel utilisé comme combustible par les entreprises énergo‑intensives soumises au régime des quotas européens d’émission de gaz à effet de serre ou fortement exposées à la concurrence internationale ;

– enfin, l’accroissement de 70 M€ de la perte de recettes découlant du taux réduit de TVA sur les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements.

S’agissant des prévisions budgétaires pour le programme 174, seuls les crédits de paiement proposés pour MaPrimeRénov’ (action n° 02, voir infra) régresseraient de 10,22 % (- 235 M€), mais cela reflète le décalage du versement des aides par rapport à leur engagement initial. L’enveloppe envisagée, de 2,07 Md€, reste nettement supérieure aux 1,28 Md€ consommés en 2022.

Ainsi, l’action n° 01 « Politique de l’énergie » progresse de 68,2 % en autorisations d’engagement et 36,3 % en crédits de paiement, passant de 117,30 M€ et 141,40 M€ à 197,30 M€ et 192,70 M€, respectivement.

Cette action finance notamment les subventions pour charges de service public à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (3,20 M€) et au Médiateur de l’énergie (reconduite à 5,50 M€) mais surtout la programmation pluriannuelle dans les zones non interconnectées (dont les dotations augmentent de 24 M€ en autorisations d’engagement, pour atteindre 54,60 M€) et les études du ministère dans le domaine de l’énergie.

Les crédits proposés pour ces dernières connaissent une progression de 84 % en autorisations d’engagement, atteignant 125,60 M€ (+ 57 M€), et s’établissent à 110,60 M€ (+ 42 M€) en crédits de paiement, pour la réalisation d’études techniques et environnementales relatives à l’identification et l’attribution des zones propices au développement de l’éolien en mer (sur une dizaine de zones de projets actuels ou au moins potentiels). Il s’agit en effet de permettre à la France de réaliser ses objectifs de 18 GW d’éolien en mer installés en 2035 et de plus de 40 GW installés en 2050, contre 480 MW installés fin 2022.

Mais l’augmentation de l’enveloppe des études couvre aussi la réalisation de cartographies régionales des zones potentiellement favorables au développement de l’éolien terrestre, ainsi que des études sur la planification du développement des énergies renouvelables terrestres, sur le nouveau nucléaire et sur la mise en place d’un observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité.

Le coût des instances externes en question

Votre rapporteur s’est interrogé sur le coût des différentes instances externes qui traitent de l’énergie. Le programme 174 en finance deux, à savoir le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) et le Haut Conseil pour le climat (HCC).

Le Conseil supérieur de l’énergie (CSE), créé en 2006, est composé de cinq collèges. Il a pour objet d’assurer un dialogue régulier et une association étroite des principales parties prenantes du secteur de l’énergie dans la construction de la politique énergétique du Gouvernement. Il est ainsi consulté sur la plupart des actes réglementaires relatifs à l’énergie, sur les décisions de la Commission de régulation de l’énergie pouvant avoir une incidence importante sur les objectifs de la politique énergétique et sur la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il se réunit une à deux fois par mois. Le programme 174 lui assure un budget de fonctionnement de 250 000 € par an, mais il ne verse aucune rémunération ou indemnité pour les travaux menés en son sein.

Quant au Haut Conseil pour le climat, installé en novembre 2018, il a principalement pour mission de rendre, chaque année, un rapport sur le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre et la bonne mise en œuvre des politiques et mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et développer les puits de carbone, ainsi que, tous les cinq ans, un avis sur les projets de stratégie bas carbone et de budgets carbone et la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France – auxquels il faut ajouter, pour être exhaustif, deux autres avis et un rapport rendus tous les trois ans au moins. Le Conseil est composé de 13 experts et dispose d’un secrétariat de six emplois à temps plein, financés par le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » ainsi que par une dotation annuelle de 540 000  portée par le programme 174 – ce qui revient à une dotation annuelle moyenne de 41 500 € par expert.

Le HCE est ainsi, avant tout, dans une mission d’évaluation des politiques publiques et de conseil stratégique, rôle essentiel pour éclairer les pouvoirs publics dans un domaine scientifique complexe et très discuté. Votre rapporteur s’interroge cependant sur la légitimité d’un tel niveau de dotation.

Les champs d’expertise du CSE et du HCE ne coïncident pas et leurs travaux ne portent pas sur les mêmes documents. Néanmoins, votre rapporteur se demande si une organisation duale est nécessaire et s’il serait possible de l’optimiser.

On rappelle, pour mémoire, que les frais de fonctionnement du Conseil national de la transition écologique (CNTE) sont, quant à eux, portés par le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, mais qu’ils se limitent à 7 000 € pour l’adhésion annuelle de l’instance au European Environment and Sustainable Development Advisory Councils Network (EEAC), réseau des conseils consultatifs européens en matière d’environnement et de développement durable. Consulté sur les projets de loi relatifs principalement à l’environnement et à l’énergie et sur les stratégies nationales, le CNTE réunit cinquante membres, organisés en six collèges.

L’action n° 4 « Gestion économique et sociale de l’après-mines », qui finance en particulier diverses prestations aux retraités (ou retraités anticipés) des mines fermées et de certaines mines et ardoisières en activité, reste stable à un peu plus de 270 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

L’essentiel de ces prestations sont distribuées par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM), qui prévoit 222 M€ de dépenses d’intervention en 2024 comme en 2023, même si les effectifs des ayants droit tendent à diminuer – ils étaient 82 997 personnes au 31 décembre 2020.

L’action n° 5 « Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air » porte un ensemble de mesures d’étude, de recueil de données, de surveillance, de contrôle, de diffusion de connaissances, de subvention à des associations et de participation à des instances internationales, avec pour principales finalités la lutte contre l’effet de serre, le suivi de la qualité de l’air et les contrôles techniques des véhicules. Les crédits augmenteraient de 12 % en autorisations d’engagement (65,40 M€) et de 8,8 % en crédits de paiement (63,70 M€). Le premier poste financé est le soutien aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA), qui devraient recevoir 31,50 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, en hausse d’environ 7,50 M€.

L’enveloppe consacrée au contrôle de la régularité de la délivrance des certificats d’économie d’énergie (CEE) est légèrement accrue à 8,64 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Il s’agit de vérifier l’existence et la qualité des travaux réalisés et le respect des exigences techniques justifiant la génération de CEE.

Quant à l’action n° 6 « Soutien », qui finance des dépenses de fonctionnement comme la location d’espaces ou des modules d’animation pédagogique, elle est reconduite à l’identique (1,40 M€).

Mais les neuf dixièmes des crédits sont concentrés sur les actions n° 02 « Accompagnement de la transition énergétique » et n° 03 « Aides à l’acquisition de véhicules propres », qui financent les principales dépenses de la politique de transition énergétique : le chèque énergie et la prime de transition énergétique dite « MaPrimeRénov’ », pour la première, la prime à la conversion des véhicules et le bonus écologique, pour la seconde.

En neutralisant l’ancienne aide aux « gros rouleurs », les autorisations d’engagement de l’action n° 02 croissent de 7 % (+ 247 M€) – même si les crédits de paiement reculent de 8 % (- 235 M€, voir supra). Quant aux autorisations d’engagement et crédits de paiement de l’action n° 03, elles progressent de 16 % (+ 203 M€). Ces rebasages budgétaires contribuent à conforter et renforcer des leviers essentiels pour atteindre nos objectifs de réduction de consommation d’énergies fossiles et d’émissions de gaz à effet de serre.

1.   Un chèque énergie maintenu dans ses fondamentaux

Attribué aux ménages les plus modestes, le chèque énergie remplace les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz depuis 2018. Il peut être utilisé pour régler des factures d’énergie ou des travaux d’efficacité énergétique.

Hors campagne exceptionnelle, près de 5,8 millions de ménages en ont bénéficié en 2022, pour un montant total de 862,60 M€ et un montant moyen de 149,42 €.

Au plus fort de la crise énergétique, fin 2021, ce chèque a été abondé de 100 €, s’ajoutant à l’« indemnité inflation » de 100 € versée aux 38 millions de Français gagnant moins de 2 000 € nets par mois. Puis, fin 2022, il a été doublé d’un chèque énergie exceptionnel, d’un montant de 200 € pour ceux qui bénéficiaient déjà du chèque énergie en 2022 et de 100 € pour les nouveaux bénéficiaires. Son public a été élargi à cette occasion, concernant environ 12 millions de foyers.

Les utilisateurs de bois ou de fioul pour le chauffage ont également perçu en 2022 un « chèque bois » ou un « chèque fioul » pour les aider à payer leurs combustibles, également touchés par une forte inflation. Mais ces crédits ont été imputés sur la mission « Cohésion des territoires ».

Par nature exceptionnelles, ces dépenses supplémentaires ont toujours été ouvertes en loi de finances rectificative. Au demeurant, la décrue relative des prix du gaz et de l’électricité ainsi que la prolongation en 2024 des dispositifs de soutien plus globaux (voir partie II du présent avis) font espérer qu’il ne sera pas nécessaire de réactiver ces dispositifs.

Les prévisions pour 2024 sont logiquement calées sur les caractéristiques du public concerné par le chèque énergie de droit commun, à savoir une hypothèse de 5,8 millions de bénéficiaires avec un taux d’usage global de 87 à 88 % (contre 5,6 millions de ménages qui ont réellement perçu cette aide en 2023), auxquels s’ajoutent 55 000 bénéficiaires en résidence sociale.

Les crédits sont ainsi reconduits aux mêmes niveaux qu’en loi de finances initiale pour 2023, à savoir 899 M€ en autorisations d’engagement et 795 M€ en crédits de paiement.

Votre rapporteur s’étonne toutefois qu’il ne soit pas tenu compte, au moins, de l’impact des hausses des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) dans les montants nominaux des chèques énergie. Ceux-ci n’ont pas été revalorisés en 2023, alors que les TRVe ont été augmentés de 15 % en février dernier, puis de 10 % en août, soit une progression de 26,5 % sur l’année. Ils pourraient être à nouveau augmentés en février prochain, réduisant encore un peu plus l’efficacité de l’aide des chèques énergie s’ils ne sont pas majorés. Or, cela ne semble pas envisagé dans le projet de budget pour 2024.

2.   La consolidation de MaPrimeRénov’

Le secteur du bâtiment serait responsable de 18 % des émissions de gaz à effet de serre de la France et consommerait 45 % de l’énergie. La rénovation énergétique des bâtiments représente donc un enjeu crucial pour l’atteinte des objectifs français de neutralité carbone et de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre ([2]).

La prime de transition énergétique, dite « MaPrimeRénov’ », remplace l’ancien crédit d’impôt transition énergétique (CITE) depuis 2020. Initialement réservé aux seuls propriétaires occupants aux revenus modestes et très modestes, le dispositif avait été ouvert aux autres propriétaires occupants en 2021, puis aux propriétaires bailleurs en juillet 2021 en contrepartie de leur engagement à louer ce logement à titre de résidence principale pendant au moins cinq ans. Il a également été étendu aux copropriétés la même année.

Le projet annuel de performances pour 2024 indique que plus d’un million et demi de foyers en ont bénéficié depuis son lancement en 2020.

L’évolution des modalités de MaPrimeRénov’

MaPrimeRénov’ (MPR) prend la forme d’une subvention forfaitaire versée aux ménages qui engagent des travaux de rénovation énergétique. Cette prime varie en fonction des travaux et des ressources des ménages. Elle est bonifiée si les travaux qu’elle finance permettent une rénovation performante ou sortent les logements des classes F et G (passoires thermiques) et peut être cumulée avec les primes du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE), l’éco-prêt à taux zéro et la TVA à taux réduit.

Au fil de ses évolutions, l’aide s’est déclinée en différents dispositifs : MaPrimeRénov’ ouverte à tous, qui prévoit en outre un forfait MPR Rénovation globale pour des travaux permettant un gain énergétique d’au moins 55 %, MPR Sérénité, réservée aux propriétaires occupants modestes à très modestes pour des travaux de rénovation globale permettant un gain minimal de 35 %, et MPR Copropriétés, s’adressant à tous les syndicats de copropriétaires comportant au moins 75 % de résidences principales, qui finance aussi des rénovations globales offrant un gain énergétique d’au moins 35 % – sans parler de Habiter Mieux Propriétaires bailleurs, sans condition de ressources, pour des logements conventionnés avec l’Anah et des travaux de rénovation globale permettant de gagner au moins 35 % et au moins la classe D. En 2024, les trois aides MaPrimeRénov’ seront refondues en deux piliers :

– un premier pilier dit « efficacité », centré sur le remplacement des modes de chauffage carbonés, via une aide forfaitaire « par geste » pour sortir un grand nombre de logements des énergies fossiles et accélérer la dynamique de décarbonation. Les passoires énergétiques seront exclues de ce pilier pour être orientées vers le pilier « performance » ;

– un second pilier dit « performance », à destination de tous les propriétaires et ciblé sur des projets de rénovations performantes et « globales », induisant au moins deux sauts de classes du diagnostic de performance énergétique (DPE). La création de ce pilier vise aussi à faciliter le parcours des ménages propriétaires qui rénovent leurs logements à travers la mobilisation systématique de Mon Accompagnateur Rénov’.

Par ailleurs, l’article 50 du projet de loi de finances pour 2024 propose de pérenniser la possibilité de distribuer MPR à l’ensemble des propriétaires de logements, occupants et bailleurs, sans condition de ressources, tout en renforçant les outils de lutte contre la fraude aux aides publiques.

En ce qui concerne les prévisions budgétaires, si l’enveloppe des crédits de paiement devrait reculer de 235 M€ entre 2023 et 2024, celle des autorisations d’engagement augmenterait de 247 M€ (+ 10,1 %) pour atteindre près de 2,7 Md€. On relèvera que ces enveloppes sont renforcées par :

– l’ouverture de 682,61 M€ de crédits de paiement au titre de l’action n° 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », dont 373,90 M€ pour les bâtiments publics et 296 M€ pour les bâtiments des collectivités locales. 149,20 M€ de crédits de paiement sont également prévus pour la rénovation thermique et la réhabilitation lourde du parc social, mais ils seront couverts par les reports de crédits non consommés en 2023 ;

– une subvention de 1,04 Md€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement attribuée à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) pour la rénovation thermique des logements (en hausse de 669 M€ par rapport à 2023), au titre de l’action n° 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

Cela porte l’ensemble des crédits consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments à 3,73 Md€ en autorisations d’engagement et 3,78 Md€ en crédits de paiement, en hausse de 916,30 M€ et 134 M€, respectivement ([3]) – sans compter le milliard d’euros de perte de recettes pour l’État que pourrait représenter le taux de TVA à 5,5 % sur les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements en 2024 (+ 70 M€).

Votre rapporteur salue l’importance de l’effort budgétaire que représentent ces abondements. Mais il constate avec regret qu’ils sont encore loin des 1,6 Md€ annoncés par la Première ministre le 12 juillet dernier à l’issue d’un Conseil national de la transition écologique.

3.   Un nouveau renforcement des aides à l’acquisition de véhicules propres

Avant le secteur du bâtiment, les transports sont le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre – sans parler des émissions de polluants atmosphériques. Ils représentent 30 % des émissions de l’inventaire national de 2021, dont 95 % sont dues au transport routier.

L’action n° 03 regroupe les crédits relatifs, d’une part, à la prime à la conversion, qui incite à remplacer les véhicules les plus anciens par des véhicules moins polluants et, d’autre part, au bonus écologique, qui aide à l’achat de véhicules électriques légers et de cycles ([4]) et elle complète le mécanisme du malus écologique, qui pénalise les acquéreurs optant pour les véhicules les plus polluants ([5]).

Ces dispositifs sont complétés par :

– un appel à projets « Écosystèmes des véhicules lourds électriques », qui vise à accompagner l’acquisition de véhicules lourds électriques et le déploiement des infrastructures de recharge associées ;

– un nouveau dispositif de leasing, qui doit permettre aux ménages des cinq premiers déciles de revenus d’avoir accès à une offre de location de voitures électriques performantes sur le plan environnemental à 100 € par mois. Il sera ouvert à compter du 1er janvier 2024 avec une possibilité de pré-enregistrement à l’automne. L’offre sera cumulable avec le bonus écologique, mais pas avec la prime à la conversion ;

– les éventuels dispositifs budgétaires de soutien au déploiement de bornes de recharge.

Le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2024 ne précise pas les enveloppes de chaque ligne, qui sont fongibles entre elles. On peut noter qu’en 2022, près de 150 M€ ont été consommés au titre de la prime à la conversion et 828 M€ au titre du bonus écologique. En 2024, l’ensemble de l’action n° 03 devrait s’élever à près de 1,5 Md€, en croissance de 203 M€ par rapport aux prévisions pour 2023.

En parallèle, les articles 13 à 14 du projet de loi de finances pour 2024 proposent de renforcer la fiscalité incitative pour la décarbonation des véhicules, en modifiant certains paramètres de la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports (Tiruert), et de durcir la taxation des véhicules polluants (malus appliqués à l’acquisition de certains véhicules de tourisme et taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules de tourisme affectés à des fins économiques).

Votre rapporteur reconnaît la cohérence de cette stratégie, qui actionne tous les leviers financiers à sa disposition pour accélérer la transition du parc roulant. Mais, si légitime soit-il pour la lutte contre le réchauffement climatique, le durcissement de la taxe annuelle sur les émissions de dioxyde de carbone des véhicules utilitaires polluants apparaît prématuré dans un contexte d’inflation élevée, voire contre-productif dans la mesure où il réduit les capacités d’investissement des entreprises dans leur transition.

II.   Un programme 345 « Service public de l’Énergie » en fort recul grÂce À l’attÉnuation de la crise de l’Énergie

Le programme 345 regroupe le remboursement de ce que l’on appelle les « charges de service public » supportées par les entreprises des secteurs du gaz et de l’électricité ([6]).

Évolution des crÉdits du programme 345

(En millions d’euros)

 

AE

LFI 2023

AE

PLF 2024

CP

LFI 2023

CP

PLF 2024

Variation des CP

09 Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale

0

0

0

- 17 476,5 en réel

0

- 2 672,2 en réel

-

09.01 Éolien terrestre

0

0

0

- 9 988,5 en réel

0

- 2 672,2 en réel

-

09.02 Éolien en mer

0

0

0

- 2 188 en réel

0

- 35,6 en réel

-

09.03 Solaire photovoltaïque

0

0

0

- 2 500 en réel

0

597,9 en réel

-

09.04 Bio-énergies

0

0

0

- 1 200 en réel

0

8,9 en réel

-

09.05 Autres énergies

0

0

0

- 1 600 en réel

0

- 280,2 en réel

-

10 Soutien à l’injection de biométhane

34,3

875,5

34,3

875,5

+ 2 448,8 %

11 Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain

2 478,1

2 236,4

2 478,1

2 236,4

- 9,8 %

11.01 Soutien à la transition énergétique dans les ZNI

748,2

1 054,1

748,2

1 054,1

+ 40,9 %

11.02 Mécanisme de solidarité avec les ZNI

1 729,9

1 182,3

1 729,9

1 182,3

- 31,7 %

12 Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

376,7

100,5

376,8

100,5

- 73,3 %

13 Soutien aux effacements de consommation

72

63

72

63

- 12,5 %

14 Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique

43,9

44,9

43,9

44,9

+ 2,3 %

15 Frais divers

73,3

0,4

73,3

0,4

- 99,5 %

17 Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

17 921,6

2 154,3

17 921,6

2 154,3

- 87,9 %

17.01 Mesures à destination des consommateurs d’électricité

8 879,5

1 854,3

8 879,5

1 854,3

- 79,1 %

17.02 Mesures à destination des consommateurs de gaz

9 042,2

300

9 042,2

300

- 96,7 %

18 Soutien hydrogène

0

680

0

25

-

Total

21 000

6 155

21 000

5 550

- 73,8 %

Sources : projet annuel de performances 2024.

Les propositions budgétaires pour les actions n° 09 à n° 17 du programme sont fondées sur les prévisions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) – en l’espèce, sur sa délibération du 13 juillet 2023 – relatives aux charges de l’année 2024, complétées par les régularisations des charges et frais des années précédentes et modulées par le Gouvernement en fonction des évolutions des prix des marchés.

Les dotations prévues reculent de 70,7 % en autorisations d’engagement, à 6,16 Md€ (- 14,8 Md€), et de 73,8 % en crédits de paiement, à 5,5 Md€ (- 15,5 Md€) en 2024 par rapport aux crédits votés en 2023. Ce recul très significatif résulte, avant tout, de la forte réduction du poids des aides exceptionnelles versées aux consommateurs finals d’énergie pour atténuer la flambée des prix constatée en 2022.

Plus indirectement, ce recul reflète aussi le renversement des flux financiers que cette crise a entraîné, s’agissant des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables (EnR).

1.   Une réduction des dotations consacrées aux mesures de protection des consommateurs qui découle avant tout du reflux des prix de l’énergie

La diminution des crédits envisagés pour le programme 345 est due, pour l’essentiel, à la forte baisse de l’action n° 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ». Ces dispositifs ont été mis en place entre la fin 2021 et 2023 pour plafonner les factures de gaz et d’électricité des consommateurs finals français frappés par la crise des prix de l’énergie (cf. partie II du présent avis). La diminution de ces dépenses prévisionnelles résulte de plusieurs facteurs :

– la nette réduction des prix de l’électricité et du gaz observés ces derniers mois et anticipés par les marchés pour 2024, même s’ils resteraient supérieurs à leurs niveaux antérieurs à la crise énergétique ;

– la fin des tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) au 30 juin 2023. Leur disparition met également fin au bouclier tarifaire « gaz » – mais il est vrai que les prix du marché étant passés sous le niveau des TRVg depuis 2023 (autour de 56 €/MWh), le bouclier tarifaire a perdu de son utilité.

Votre rapporteur regrette que ce dispositif n’ait pas été conservé, par précaution, afin de pouvoir le réactiver rapidement en cas de nouveaux emballements des prix du gaz. Il lui a été répondu que les prévisions des marchés ne justifient pas sa reconduction et la mobilisation des crédits correspondants, et qu’il ne serait pas difficile de le recréer, le cas échéant.

Il avait également été envisagé de supprimer, dès 2024, le bouclier tarifaire pour l’électricité. Mais les prix sur le marché restant encore notablement supérieurs à leurs niveaux d’avant la crise, ainsi qu’aux tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe) – en dépit des deux revalorisations opérées en 2023 –, les articles 11 et 52 du projet de loi de finances proposent finalement d’en prolonger les principales mesures en 2024 (cf. partie II).

Les dotations de l’action n° 17 régressent ainsi de près de 88 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2023, mais elles restent proposées à 2,15 Md€, dont 1,85 Md€ pour les dispositifs de protection des consommateurs d’électricité.

Les 300 M€ encore inscrits sur la sous-action n° 17.02, qui finance le bouclier tarifaire « gaz » (contre 9 Md€ votés en 2023), correspondent au solde des remboursements dus aux fournisseurs, en particulier au titre des bâtiments chauffés collectivement au gaz et pour lesquels l’aide est maintenue jusqu’à la fin de l’année 2023 – et pourrait être prolongée en 2024 (cf. partie II).

Enfin, votre rapporteur rappelle qu’il avait fait adopter, en loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022, un amendement ([7]) visant à aider les utilisateurs de chaudières au fioul, encore nombreux dans les territoires ruraux, qui ne disposent pas de réseaux de chaleur ou de gaz. Ce programme n’a pas été reconduit pour 2024. Votre rapporteur constate avec regret qu’une nouvelle fois, ces consommateurs sont les grands oubliés des aides sur les factures d’énergie. Or, pour ces utilisateurs, le « plein de cuve » est encore très coûteux.

Cette omission est d’autant moins compréhensible que l’on intègre progressivement du carburant végétal au fioul (F30 et demain F100).

2.   Un soutien au développement des énergies renouvelables en métropole qui impacte peu le programme 345

Les actions nos 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale », 10 « Soutien à l’injection de biométhane » et, dans une certaine mesure, 18 « Soutien hydrogène » financent les principales aides nationales au développement de la production d’énergie renouvelable.

La France s’est en effet donné l’objectif de porter à 33 % au moins la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2030. Mais il se décline différemment selon les formes d’énergie : le gaz renouvelable doit représenter 10 % de la consommation à l’horizon 2030 ; pour l’électricité, l’objectif est de porter la part des énergies renouvelables (EnR) à 40 % de la production d’électricité en 2030.

Or, fin 2022, la part des EnR dans la production d’électricité n’est encore que de 23,8 % et leur part dans la consommation de gaz, de 1,6 %.

À la fin de l’année dernière, 7 TWh par an de biométhane étaient injectés ; les prévisions d’achat transmises par les fournisseurs à la CRE tablent sur 11,9 TWh en 2023 et 12,4 TWh en 2024, mais le ministère considère que la production cumulée atteindra plutôt les 8,9 TWh en 2023 et 9,8 TWh en 2024, au regard du taux de chute des projets. Cela reste néanmoins supérieur à la cible qui était envisagée par la programmation pluriannuelle de l’énergie pour 2023 (6 TWh).

Bien que plus prudent que les fournisseurs sur les prévisions de production, le Gouvernement a néanmoins inscrit à l’action n° 10 les 875,50 M€ de charges prévisionnelles évaluées par la CRE. Cela entraîne une augmentation de 2 449 % des dotations par rapport à 2023, actant le fort dynamisme du secteur.

L’hydrogène est utilisé comme combustible ou composant dans la production de certaines industries. Mais sa propre production est aujourd’hui très consommatrice d’énergie fossile et le verdissement de cette production est donc un élément essentiel de la décarbonation de ses usages. Pour y parvenir, il faudrait déployer 6,5 GW d’électrolyse d’ici 2030 ; le dispositif ouvert vise à financer 1 GW pour lancer le marché.

La première session d’appels d’offres porterait sur 150 MW en 2024 puis monterait en puissance jusqu’en 2029. À cet effet, 680 M€ sont inscrits en autorisations d’engagement, mais seulement 25 M€ en crédits de paiement (car les décaissements seront étalés sur plusieurs années).

La cogénération au gaz naturel n’est pas une production renouvelable, mais un moyen d’optimiser l’utilisation du gaz naturel et le rendement des centrales électriques fossiles en produisant simultanément de l’électricité et de la chaleur. Toutefois, ces solutions ne sont pas adaptables à toutes les installations, sont onéreuses à mettre en place et maintiennent une consommation encore significative de gaz. La programmation pluriannuelle de l’énergie adoptée en avril 2020 a donc prévu la fin du soutien à cette filière : il ne sera pas conclu de nouveaux contrats de soutien et les contrats en cours arrivent progressivement à leur terme.

La CRE estime les charges prévisionnelles dues aux acheteurs obligés, qui sont ensuite inscrites dans les différentes sous-actions de l’action n° 09. Mais depuis la flambée des prix de l’électricité, ces charges sont devenues négatives, c’est-à-dire que les bénéficiaires des aides ou des compensations doivent reverser à l’État l’excédent de revenus perçus en vendant sur le marché à des prix supérieurs aux prix garantis par le tarif d’achat ou la prime (À ne pas confondre avec les recettes de la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité – dite CRIM –  appliquée en 2022 et 2023 sur les installations de production supérieures à 1 MW ne s’inscrivant pas dans des contrats d’achat aidés, même si l’ensemble de ces recettes ont permis de financer les dispositifs de protection des consommateurs finals d’énergie).

En 2024 encore, malgré un certain reflux des prix de l’électricité, ceux-ci devraient rester suffisamment élevés pour que la CRE estime que les charges seront négatives, à hauteur globalement de - 2 672,80 M€ (contre - 17 476,50 M€ en 2023) et dans la plupart des sous‑actions, hormis le « Solaire photovoltaïque » et les « Bioénergies ».

Quant à l’évolution des puissances installées, les prévisions établies par la CRE d’après les projets en cours et les mécanismes de soutien envisagés donnent les chiffres présentés ci-dessous.

la production d’ÉlectricitÉ renouvelable soutenue entre 2022 et 2024

Filières

Production en 2022

Puissance installée atteinte fin 2022

Puissance attendue fin 2023

(en cumulé)

Puissance visée fin 2024

(en cumulé)

Charges prévisionnelles en 2024 (1)

(en M€)

Éolien terrestre

nc

20,4 GW

23 GW

26 GW

- 2 963,2

Éolien en mer

0,6 TWh

0,48 GW

0,5 GW

1,56 GW

- 35,6

Photovoltaïque

19,1 TWh

16,3 GW

19,5 GW

22 GW

+ 597,9

Bioénergies

nc

0,8 GW

0,6 GW

0,7 GW

+ 8,9

Autres énergies

Hydraulique 4,1 TWh

 

Hydraulique soutenu : 1,8 GW

Filière incinération d’ordures ménage. soutenue : 469 MW

Géothermie : nc

nc

Hydraulique : 0,9 GW

Incinération : 35 MW

- 280,2

  1.   Prévisions de la CRE. Source : projet annuel de performances 2024

N.B. Il convient de rappeler que les chiffres ci-dessus correspondent aux seules installations de production aidées. La fin des aides n’entraîne pas la disparition des productions concernées.

Enfin, si le régime des aides aux EnR génère des revenus pour l’État depuis 2023, il reste que les engagements pris par l’État au titre des diverses compensations prévues au programme 345 étaient évalués à 95,5 Md€ en euros courants au 31 décembre 2022, dont 50,1 Md€ de soutien aux énergies électriques en métropole, 11,5 Md€ de soutien à l’injection de biométhane en métropole, 3 Md€ de soutien à la cogénération gaz, 30,1 Md€ au titre du soutien aux EnR et à la péréquation tarifaire en zones non interconnectées et 1,8 Md€ au titre des boucliers tarifaires.

3.   Une solidarité territoriale préservée

L’action n° 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » bénéficie à la Corse, aux Îles du Ponant et aux grands territoires ultramarins (hors la Nouvelle Calédonie et la Polynésie française), qui, n’étant pas – ou très peu – connectés au réseau électrique continental, supportent des charges d’approvisionnement en électricité beaucoup plus lourdes.

Elle finance ainsi deux dispositifs : la transition énergétique de ces territoires, très dépendants des énergies fossiles importées (sous-action n° 11.01), et la péréquation tarifaire, qui permet aux consommateurs de bénéficier de prix de l’électricité comparables à ceux applicables en métropole continentale, malgré des coûts de production sensiblement supérieurs (sous-action n° 11.02).

Les compensations évaluées par la CRE s’élèveraient à un total de 2 236 M€ en 2024, en retrait de 241,60 M€ (– 9,8 %) par rapport aux prévisions pour 2023 ; mais cela résulte simplement de la diminution des besoins sur la sous‑action n° 11.02.

Celle-ci se réduit en effet de 547,60 M€ (– 31,7 %) par rapport aux crédits votés pour 2023, essentiellement en raison du reflux des prix de l’électricité, qui allège le surcoût à compenser par le budget de l’État.

Le recul de l’action 11 cache le net renforcement de la sous-action n° 11.01 qui finance le développement des énergies renouvelables dans ces territoires : elle devrait progresser de 40,9 % pour dépasser une enveloppe de 1 Md€, en hausse de 306 M€. Le projet annuel de performances ne précise pas cependant ce qui relève du développement des capacités de production d’électricité renouvelable soutenues et ce qui est imputable à des prix de marché moins avantageux pour les vendeurs.

III.   Un Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » simplement reconduit (programmes 793 et 794)

En 2024, l’enveloppe globale du compte d’affectation spéciale « Fonds d’amortissement des charges d’électrification rurale » sera reconduite au niveau voté les précédents exercices, soit 360 M€.

Cette enveloppe a vocation à soutenir les collectivités territoriales rurales qui financent et exercent la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement et d’adaptation de leurs réseaux de distribution d’électricité.

Une nouvelle redistribution des dotations entre les deux programmes sera néanmoins opérée à la marge : 5,50 M€ seront ainsi « rendus » au programme principal (programme 793 « Électrification rurale ») qui revient à 357 M€ en 2024, à partir du programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées », qui s’adresse en particulier aux sites isolés des territoires d’outre-mer.

Malgré ce transfert, les 357 M€ de dotations restent inférieurs de près de 11 M€ au niveau des consommations constatées sur le programme 793 en 2022. Cette progression des dépenses pouvait résulter des travaux exceptionnels induits par les destructions qui se sont multipliées cette année-là. Mais elle peut aussi traduire une hausse des coûts des travaux, qui pèseront durablement sur les chantiers à venir.

Votre rapporteur craint donc que le programme 793 reste sous-doté par rapport à la réalité des besoins, en particulier ceux qui découleront de la multiplication des installations d’électricité renouvelable.


—  1  —

   SECONDE partie :
L’impact en 2024 des prix de l’électricité et du gaz sur le pouvoir d’achat des consommateurs finals et sur le modèle économique des entreprises françaises

Votre rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son avis à l’impact en 2024 des prix de l’électricité et du gaz sur le pouvoir d’achat des consommateurs résidentiels et sur le modèle économique des entreprises françaises. Mais pour étudier la situation à venir, il convient de faire le point sur la gestion des premières années de la crise énergétique.

I.   Les consommateurs français face À la crise des prix de l’Énergie

A.   Une crise qui a fortement ÉbranlÉ nos concitoyens et nos entreprises

1.   L’emballement de 2021-2022 et les tendances pour 2024

  1. Une hausse rapide des prix du gaz…

Avant la crise énergétique, les prix de gros du gaz se situaient en moyenne autour de 20 €/MWh et variaient entre 10 et 40 €/MWh depuis dix ans.

Un hiver froid en 2020-2021 et, surtout, la reprise économique mondiale avec l’amélioration de la situation sanitaire ont fait bondir la demande de gaz dès 2021. Les prix de gros du gaz ont alors commencé à croître, de 150 % environ entre fin avril 2021 et fin octobre 2021 par exemple, passant de 35 €/MWh à 87 €/MWh selon les données de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Mais ces prix ont véritablement « bondi » à partir du 24 février 2022, avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. La fermeture de plusieurs gazoducs entre la Russie et l’Europe, jusqu’alors son premier client, les a mécaniquement fait grimper. Les prix ont atteint un pic de 275 €/MWh fin août 2022 (source : CRE) ([11]).

Les prix de gros du gaz se sont détendus depuis le passage de l’hiver dernier parce que l’Europe a rempli ses réserves et diversifié ses sources, que l’automne 2022 a été doux et que les ménages et les entreprises ont volontairement réduit leur consommation. Depuis mars 2023, ils sont stables autour de 35 €/MWh.

Toutefois les prix pour 2024 sont anticipés à un niveau plus élevé, autour de 50 €/MWh.

  1. … Qui s’est fortement répercutée sur les prix de l’électricité

Le prix de l’électricité sur les marchés de gros a directement subi les conséquences de la hausse des prix du gaz. En effet, le prix de gros de l’électricité est fixé en fonction du coût marginal de production de la dernière centrale appelée pour satisfaire la demande. Sont d’abord appelés les moyens de production à coût marginal faible à modéré, comme la production issue de sources renouvelables, jusqu’à ceux disposant des coûts marginaux les plus élevés, soit les centrales fonctionnant à l’énergie fossile et en particulier les centrales à gaz.

Or, à partir de l’automne 2021, la forte demande en électricité s’est heurtée à un amoindrissement des capacités de production renouvelable (notamment hydroélectrique, en raison de la faible pluviométrie) et nucléaire avec la mise à l’arrêt de plusieurs centrales. Il a donc été fait appel plus fréquemment aux centrales à gaz, renchérissant ainsi les prix. Selon la CRE, ces prix auront triplé en un an sur 2021 ; puis les difficultés de production perdurant, ils n’ont cessé de croître en 2022.

Le prix spot (au jour le jour) sur le marché de gros européen est ponctuellement monté jusqu’à 743 €/MWh en 2022. Quant aux prix des contrats français à un an (pour 2023 en l’espèce), qui s’établissaient entre 40 et 60 €/MWh ces dernières années, ils ont évolué entre 500 et 600 €/MWh la majeure partie du second semestre 2022 (source : CRE). Ces prix très élevés s’expliquaient par les causes évoquées, mais également par le manque de confiance des acteurs de marché dans la tenue du calendrier des redémarrages des réacteurs nucléaires avant et pendant l’hiver. Les prix de l’électricité français comportaient ainsi une prime de risque élevée par rapport aux autres marchés européens et notamment l’Allemagne.

Avec l’amélioration progressive des capacités de production en 2023, les prix de l’électricité pour livraison en France en 2024 sont en baisse depuis le printemps 2023, même s’ils restent supérieurs au niveau d’avant crise. Ces prix sont passés d’environ 250 €/MWh en début d’année à 130-140 €/MWh en septembre 2023 (source : CRE). L’écart avec l’Allemagne s’est considérablement réduit (de moins de 10 €/MWh sur l’année 2024) et le prix français sur le marché de gros n’est plus le plus élevé d’Europe. Cette baisse est particulièrement perceptible pour le prix des livraisons en France au premier trimestre 2024, qui est passé d’environ 330 €/MWh en juin 2023 à 145 €/MWh en septembre 2023, soit une baisse de près de 57 %.

On rappelle toutefois qu’il ne s’agit que des prix de gros et que les prix de détail varient selon les offres des fournisseurs, les profils de consommation, les périodes couvertes par les contrats et les dates de leur conclusion.

2.   Les conséquences en cascade de la flambée des prix de l’énergie

Les répercussions de ces hausses ont été diverses selon les consommateurs finals français, mais la plupart se sont trouvés exposés à des augmentations explosives de leurs factures, à court terme ou potentiellement à plus long terme.

Le choc économique et social a été d’autant plus brutal qu’avant la crise, le prix de l’électricité en France était plus avantageux que dans le reste de l’Europe. Les coûts de l’électricité et du gaz n’étaient pas un sujet pour la plupart des consommateurs. Avec un approvisionnement abondant et de qualité, un accès aux TRVe pour les microentreprises, l’effet modérateur du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) sur les contrats des fournisseurs aux tarifs du marché et de quelques aides pour les plus énergivores (voir le B ci-dessous), les entreprises françaises bénéficiaient même d’un avantage compétitif sur leurs concurrents européens et internationaux, que la crise de l’énergie a gommé.

Les travaux menés en décembre 2021 par le groupe de travail « Prix de l’énergie » de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ([12]) ont montré que la facture de gaz d’un client moyen, c’est-à-dire utilisant un chauffage au gaz et consommant 14 000 kWh par an, était passée de 977 € à 1 482 € entre janvier et octobre 2021, soit une hausse de 52 % environ.

Quant à l’électricité, les consommateurs ayant des contrats aux tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe), soit environ 66 % de la clientèle résidentielle en France, ont été préservés les premiers mois de la crise par le fait que leurs prix ne sont réévalués que deux fois par an, en février et en août. Ils n’ont ainsi supporté qu’une hausse de 2,1 % en 2021. Toutefois le groupe de travail précité a constaté que « les répercussions des hausses de prix de l’automne 2021 auraient normalement conduit à une hausse des TRVe de 14 % TTC lors de la prochaine réévaluation de ces tarifs au 1er février 2022 ».

Les contrats à prix fixes ou indexés sur les TRVe semblent également avoir joué leur rôle protecteur en 2021.

Mais les autres entreprises, les collectivités et les grandes copropriétés n’y ont pas accès. À l’automne 2021, seul l’Arenh leur assurait encore un prix maîtrisé sur une partie de l’électricité achetée (dans la mesure où leurs fournisseurs le sollicitaient).

Enfin, les offres à prix fixes, en électricité ou en gaz, n’ont pas toujours été le garde-fou espéré : de grands fournisseurs comme Hydroption et E. Leclerc Énergies se sont retrouvés en graves difficultés financières et ont mis fin aux contrats de leurs clients sans offre alternative, laissant de nombreux consommateurs en difficulté pour trouver un autre fournisseur. D’autres fournisseurs ont imposé une renégociation de leurs offres à prix fixes pour les porter à des tarifs plus en rapport avec le marché. En outre, toutes les nouvelles offres ont considérablement augmenté leurs grilles de prix et les ont parfois indexées sur les marchés de gros, n’offrant pas de marge de discussion aux entreprises qui devaient renégocier leurs contrats.

Les contrats conclus en 2022 pour un, deux voire trois ans (contre la promesse d’un prix « allégé ») ont donc été établis au plus haut niveau de la crise, à des tarifs difficilement soutenables.

Votre rapporteur a interrogé différentes organisations représentant les entreprises et les professionnels.

Le Mouvement des entreprises de France (Medef) dit avoir mené pendant la crise plusieurs enquêtes auprès de son réseau d’adhérents : elles ont montré que, quels que soient leur taille et leur secteur, toutes les entreprises ont été touchées par la hausse des prix du gaz et de l’électricité. L’énergie est devenue un sujet de préoccupation majeure, les craintes se cristallisant sur les renouvellements de contrats d’électricité en 2022, mais aussi en 2023. La note de conjoncture du quatrième trimestre 2022 de l’Insee estimait en effet que 56 % des contrats d’électricité des entreprises industrielles arriveraient à échéance à fin 2023 – contre 27 % dans les services. Pour le gaz, l’ordre de grandeur était de 66 %, essentiellement dans l’industrie.

En dépit d’un tassement des prix en 2023, encore 35 % des répondants prévoyaient des hausses de plus de 100 % de leur facture d’électricité (sans les aides) en 2023 : « À la veille de potentiels renouvellements de contrats, le sujet de l’énergie demeure prioritaire dans la mesure où les prix du gaz et de l’électricité restent toujours plus élevés que ceux connus en 2021 ».

La Confédération des PME (CPME) a fait les mêmes constats : « toutes les entreprises ont connu, chacune à leur niveau, une augmentation sans précédent du coût énergétique venant impacter durablement les coûts de production – directement ou par le renchérissement des prix de leurs fournisseurs ([13]). Il devient dès lors de plus en plus difficile, voire impossible, pour elles, de répercuter les hausses de prix. »

Enfin, le Comité de liaison des entreprises consommatrices d’énergie (Cleee), association de grands consommateurs industriels et tertiaires d’électricité et de gaz, souligne non seulement que les prix payés (avant aides) par ses membres (entreprises et collectivités) ont été multipliés par 4 à 5 entre 2021 et 2023 ([14]), mais que ces moyennes masquent des écarts-types très importants – ainsi, le prix 2023 de l’électricité varie-t-il selon les entreprises entre 50 €/MWh et 440 €/MWh ; quant au prix 2023 du gaz, il s’étage de 20 €/MWh à 210 €/MWh.

Ces écarts sont notamment liés à la durée des contrats. En effet, la grande majorité des entreprises et la quasi-totalité des collectivités se couvrent sur le marché à terme, afin de connaître leur budget en avance et pouvoir définir leurs prix de vente. Les prix payés par ces consommateurs dépendent donc du marché à terme qui a augmenté dans des proportions très supérieures au marché spot. De juillet à novembre 2022, les prix de couverture (CAL+1) pour 2023 sont montés jusqu’à 535 €/MWh. Quant aux prix pour 2024, jusqu’en septembre dernier, ils s’établissaient encore à 211 €/MWh.

Conséquences des hausses des prix de l’énergie sur les activités des entreprises

Ces conséquences sont multiples, comme en témoignent les membres du Comité de liaison des entreprises consommatrices d’énergie :

– augmentation importante en 2023 des prix de vente des produits et services. En revanche, si ces hausses ont été relativement bien acceptées par les clients, en 2024, les entreprises qui continuent à payer un prix élevé de l’électricité ne peuvent plus faire admettre de nouvelles hausses à des clients qui réclament plutôt de fortes baisses ;

– baisse importante de la marge opérationnelle ;

– baisse importante des commandes en volume et/ou bascule des clients vers des produits de gamme inférieure ;

– pertes de part de marché au profit des concurrents étrangers, notamment extra-européens ;

– décision de stopper la production en France de certaines lignes de produits qui ne sont plus rentables, voire de fermer certains sites ;

– perte de capacité d’autofinancement. Par ailleurs la plus grande volatilité des prix rend plus difficiles les décisions d’investissement.

Un point positif cependant : la crise a entraîné une accélération des projets d’optimisation énergétique des processus.

Les entreprises se sont ainsi retrouvées prises en étau entre la nécessité de préserver une certaine compétitivité et leur rentabilité, leur trésorerie, voire leur simple survie. Dans une enquête de la CPME en date de mai 2023, 6 % des dirigeants interrogés « [envisageaient] un arrêt définitif de leur activité du fait de la hausse du prix de l’énergie » en dépit des dispositifs mis en place pour alléger leurs factures énergétiques.

En tout état de cause, fin 2022, France Industrie constatait une réduction de 10 % de la production industrielle en France.

Eu égard au poids que représente l’énergie dans leurs coûts de production, ces entreprises bénéficiaient déjà de soutiens spécifiques avant la crise, malgré un niveau de prix de l’électricité française très compétitif, a fortiori quand elles sont très exposées à la concurrence internationale. Elles disposent en outre d’un accès privilégié au dispositif de l’Arenh qui leur garantit un prix stable et modéré sur une partie de leurs consommations d’électricité (Voir le B suivant).

Une part de la consommation de ces entreprises dépend néanmoins des marchés. Les industriels électro-intensifs se couvrant peu sur les marchés à terme, la plus grande partie de cette consommation varie donc en fonction du marché spot. Selon le relevé du Cleee, le prix spot serait passé de 42 €/MWh en moyenne sur 2010-2020 à 63 € de janvier à août 2021, 200 € de septembre à décembre 2021, 275 € en 2022, pour redescendre à 105 € sur la période de janvier à août 2023.

Ces évolutions ont été plus limitées que celles qu’ont subies les autres entreprises. En 2021, l’impact pour les électro-intensives est resté limité. Néanmoins, l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden), qui représente les plus grands consommateurs, rapporte que certains sites ont commencé à arrêter ou adapter leur production dès la fin de l’année. Le phénomène s’est accentué en 2022, quand la flambée des prix était à son apogée. L’Uniden indique qu’en 2023 encore, un certain nombre d’industries situées en amont des chaînes de valeur, dans le secteur de la chimie ou de l’électrométallurgie, tournent toujours à capacité réduite (de – 20 % à – 50%) en raison d’un déficit de compétitivité trop marqué par rapport à la concurrence internationale, notamment asiatique et américaine.

L’Uniden précise toutefois qu’aucune entreprise électro-intensive n’a été contrainte d’accepter de contrat à des prix exorbitants : « cela n’est simplement pas possible pour elles ».

B.   Des modÉrateurs prÉExistants mais insuffisants face À la crise

Comme cela a été rappelé précédemment, plusieurs dispositifs permettent d’ores et déjà de réguler ou modérer les coûts de l’énergie pour certains consommateurs. Mais la crise des prix de l’énergie a souligné leurs limites face à des difficultés de cette ampleur.

En premier lieu, on notera qu’en eux-mêmes les tarifs réglementés de vente du gaz n’offraient aucune protection particulière aux consommateurs finals. Non seulement les TRVg n’étaient plus ouverts qu’aux particuliers et aux copropriétés consommant moins de 150 MWh par an, avant leur disparition complète en juillet dernier, mais le code de l’énergie imposait que ces tarifs couvrent les coûts d’approvisionnement en gaz naturel de leurs distributeurs, Engie et les entreprises locales de distribution. De ce fait, ils étaient révisés tous les mois pour tenir compte de l’évolution de ces coûts, directement liés aux prix sur les marchés.

1.   La restriction des TRVe aux contrats de puissance inférieure à 36 kVA

À la différence de la situation qui prévaut pour le gaz, la construction des tarifs réglementés de vente de l’électricité par « empilement des coûts » ([15]) comporte trois éléments modérateurs :

– un volume d’électricité disponible au prix régulé de l’Arenh. La CRE indiquait en juin dernier que les droits Arenh représentent en moyenne 67 % de la consommation des clients aux TRVe ([16]) – avant application d’un éventuel écrêtement en cas d’atteinte du plafond d’Arenh, qui vient alors augmenter la part d’approvisionnement sur le marché et donc renchérir le coût total.

Le tarif de 42 €/MWh systématiquement reconduit depuis 2012 – et même les 46,20 €/MWh appliqués aux 20 TW d’Arenh supplémentaire livrés en 2022 – s’avèrent particulièrement protecteurs en période de flambée des prix libres d’électricité ;

– le fait que les TRVe n’évoluent généralement que deux fois par an, en février et en août – ce qui assure une certaine stabilité et une lisibilité aux clients finals sur le moyen terme –, sur proposition de la CRE mais dans la proportion arrêtée par les ministres chargés de l’économie et de l’énergie ;

– dans une moindre mesure, le lissage sur les vingt-quatre mois précédant l’année de livraison du tarif du complément d’approvisionnement au prix de marché.

Les TRVe sont ouverts à tous les clients finals, domestiques ou non, des zones non interconnectées (ZNI). En métropole, cette protection, qui a permis de retarder et minimiser les hausses, est limitée aux clients résidentiels, quelle que soit la puissance souscrite, et aux entreprises, collectivités et associations répondant à un double critère :

– entrer dans la catégorie des « microentreprises » au sens de la réglementation européenne ([17]), c’est-à-dire employer moins de dix salariés et réaliser un chiffre d’affaires annuel ou présenter un total de bilan annuel n’excédant pas 2 M€ ;

– avoir souscrit une puissance inférieure à 36 kilovoltampères (kVA). Ce seuil a été fixé par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l’électricité, dite loi « Nome », et réaffirmé par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Il correspondait historiquement au seuil maximal de puissance pour pouvoir bénéficier des tarifs « bleus ».

Or ce seuil des 36 kVA a créé des différences de situation entre petites entreprises selon le matériel qu’elles utilisent, qui ne sont pas faciles à comprendre quand elles exercent la même activité.

2.   L’inadaptation croissante de l’Arenh

L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) a été mis en place par la loi Nome dans le double objectif d’ouvrir effectivement à la concurrence un marché de la fourniture d’électricité dominé par EDF et de permettre aux consom­mateurs français de continuer à bénéficier de prix compétitifs, reflétant les coûts amortis du parc nucléaire historique, quel que soit leur choix de fournisseur. Pour les consommateurs finals français, ce mécanisme était la contrepartie de la réduction du champ des TRVe et, pour la Commission européenne, la contrepartie du maintien de tarifs réglementés pour les petits consommateurs. Il s’agit d’un dispositif transitoire qui doit s’éteindre le 31 décembre 2025.

Ce mécanisme impose à EDF de livrer chaque année, aux fournisseurs alternatifs qui ont demandé à bénéficier du dispositif, un certain volume de l’électricité qu’elle produit à un prix fixe, défini par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie. Les fournisseurs doivent répercuter les volumes et le prix ainsi obtenus dans leurs tarifs de fourniture au consommateur final.

Le plafond maximal d’électricité pouvant être cédé par EDF était fixé à 150 TWh par la loi « Énergie‑climat » de 2019, puis abaissé à 120 TWh par la loi « Pouvoir d’achat » de 2022 ([18]). En pratique, le plafond a toujours été arrêté à 100 TWh, sauf en 2022 où il a été exceptionnellement relevé à 120 TWh afin d’amortir l’augmentation des prix.

Le prix de l’Arenh reste, quant à lui, fixé à 42 €/MWh depuis 2012, sauf pour l’année 2022, où les 20 TWh supplémentaires d’Arenh ont été livrés au prix de 46,20 €/MWh (dispositif dit « Arenh+ »). La loi « Pouvoir d’achat » a bien relevé le prix de l’Arenh à un minimum de 49,50 €/MWh, mais, conditionné à sa notification auprès de la Commission européenne, ce relèvement n’a pas encore été mis en œuvre.

L’Arenh est un puissant modérateur des prix de l’électricité en France et il est indéniable que la livraison de 20 TWh supplémentaires en 2022 a été une véritable « bouffée d’air » pour les consommateurs finals, en particulier ceux qui ne bénéficient pas des TRVe (voir infra).

Cependant, le dispositif pèche par plusieurs défauts de conception :

– son caractère asymétrique et optionnel : alors que les fournisseurs alternatifs sont libres de renoncer à demander de l’Arenh quand les prix sur le marché de gros sont inférieurs, obligeant donc EDF à céder à moindre prix les volumes d’Arenh concernés – ce qui s’est déjà produit –, EDF doit toujours être en mesure de livrer les volumes d’Arenh ;

– l’absence d’obligation claire des fournisseurs alternatifs à développer la production d’électricité. Pouvant s’approvisionner sans difficultés en électricité à prix maîtrisé, les fournisseurs alternatifs n’ont pas été incités à développer leurs propres moyens de production ([19]) ;

– la possibilité d’un débordement du plafond global d’Arenh. Depuis 2019, avec le renchérissement des prix de l’électricité, les demandes d’Arenh ont systématiquement et largement dépassé les 100 TW, obligeant la CRE à réduire la part de chaque fournisseur, et par suite de chaque client éligible, afin de répartir équitablement l’enveloppe livrable. Ce mécanisme d’« écrêtement » aboutit à réduire le bouclier tarifaire que représente l’Arenh dans chaque contrat individuel, y compris dans le cadre des TRVe. Alors que l’Arenh représentait en moyenne 67 % de l’approvisionnement des TRVe jusqu’en 2018, dans les tarifs de 2023, après écrêtement, la part régulée ne représente plus que 45 % de leur approvisionnement.

Enfin, la gestion de l’Arenh par les pouvoirs publics depuis 2012 a systématiquement privilégié les consommateurs finals au détriment de plus en plus net de l’équilibre financier d’EDF et, par répercussion, de sa capacité à investir dans de nouveaux moyens de production.

L’article L. 337-14 du code de l’énergie prévoit que le prix de l’Arenh doit être réexaminé chaque année, qu’il doit être représentatif des conditions économiques de production d’électricité nucléaire par EDF et qu’il doit assurer une juste rémunération à l’opérateur.

Mais si le tarif de 42 €/MWh répondait initialement à ces exigences, selon la plupart des témoins du début du dispositif, il n’a jamais été revalorisé depuis, et un fossé s’est creusé au fil des années entre ce tarif et la réalité des coûts de production pour EDF – même limités au périmètre du « nucléaire historique », c’est-à-dire sans prendre en compte la construction de l’EPR de Flamanville. En particulier, le tarif de 42 €/MWh n’intègre pas les investissements des travaux du Grand carénage, destinés à prolonger l’activité des centrales existantes.

L’impact sur les comptes d’EDF n’est devenu insoutenable qu’assez récemment. Dans son rapport de 2022 sur la nouvelle organisation des marchés de l’électricité ([20]), la Cour des comptes a calculé qu’EDF a tout de même dégagé, avec l’Arenh, 1,75 Md€ de revenus supérieurs aux coûts comptables de la production nucléaire sur la période 2011-2021. Ces revenus excédentaires se seraient toutefois élevés à 7 Md€ sans l’Arenh.

La Cour des comptes considère plus globalement que le dispositif de l’Arenh ne permet pas de garantir la couverture des coûts de production de l’électricité nucléaire, car la rémunération de la filière « dépend de paramètres difficilement pilotables ». De son côté, la CRE s’est efforcée de calculer le coût de production du parc nucléaire existant. Dans son rapport publié sur ce sujet en juillet dernier, elle a estimé que le « coût complet » du parc nucléaire existant, sur la base d’une prolongation de sa durée de fonctionnement à soixante ans et en intégrant l’EPR de Flamanville, s’établit à 60,70 2022/MWh sur la période 2026-2030.

Enfin, l’expérience du relèvement de l’enveloppe annuelle de l’Arenh à 120 TW en 2022 a été catastrophique pour EDF : ayant pré-vendu ses productions, l’entreprise a été obligée de se réapprovisionner sur les marchés au plus fort de la crise, pour pouvoir livrer les 20 TW supplémentaires (Arenh+). Pour limiter les surcoûts, le Gouvernement avait fixé un prix de rétrocession de 257 €/MWh et relevé le tarif de vente des volumes additionnels à 46,20 €/MWh ; mais le surcoût final restait substantiel. Cette situation aberrante résulte de la tardiveté de la décision du Gouvernement à élargir l’enveloppe livrable : cette enveloppe a été augmentée par un arrêté du 11 mars 2022, alors que les demandes de livraison sont fixées au mois de novembre précédent. Les pertes furent en outre aggravées par l’arrêt non prévisible de plusieurs réacteurs de l’énergéticien cette même année, lequel n’a pu se rattraper en vendant mieux ses excédents – comme le Gouvernement l’avait escompté, a précisé le ministère de la transition énergétique à votre rapporteur.

Cette mesure gouvernementale a permis, ou permettra, de modérer les factures des consommateurs éligibles à hauteur de 7,8 Md€ ([21]), de façon directe (sur les factures) ou indirecte (via la couverture des surcoûts supportés par les fournisseurs au titre du maintien des contrats à prix fixes).

Et contrairement à ce que l’on a pu entendre, la CRE n’a de doutes sur la redistribution aux consommateurs qu’à hauteur de 34 M€, soit 0,4 % des 7,9 Md€ que la mesure a coûté, attribués à trois sociétés faisant l’objet d’une surveillance particulière.

Ces premiers contrôles ont permis à la CRE de conclure que, pour les consommateurs français ayant signé leur contrat d’approvisionnement en électricité avant septembre 2022, « la protection issue du dispositif Arenh+ a été efficace. En incluant les tarifs réglementés de vente, 96,8 % des consommateurs ont eu un prix de l’électricité équivalent à ou très proche des prix moyens d’avant la crise. Moins de 0,5 % des clients ont un prix supérieur de plus de 100 €/MWh aux prix moyens avant la crise. L’Arenh additionnel a joué un rôle majeur dans ce résultat et a réduit fortement le coût du bouclier tarifaire pour le budget de l’État ». ([22])

Mais la mesure a représenté un manque à gagner ou des pertes de 7,9 Md€ pour EDF. Du fait de la conjonction entre cette mesure de régulation exceptionnelle et la chute de sa production nucléaire, l’entreprise s’est trouvée, pour la première fois, avec un excédent brut d’exploitation (ou Ebitda) lourdement négatif (- 5 Md€) en 2022 (contre + 18 Md€ en 2021) et un endettement augmenté de 21 Md€.

En dépit de l’efficacité qu’a montrée l’Arenh à atténuer la crise des prix de l’énergie pour l’ensemble des consommateurs français, et qu’ont soulignée les représentants des entreprises auditionnées par votre rapporteur, le coût du dispositif est devenu exorbitant pour EDF, décalé par rapport à ses charges réelles et contradictoire avec les lourds investissements auxquels elle va devoir faire face.

On peut relever que le Gouvernement n’a pas réitéré l’expérience lors du guichet de novembre 2022 et n’annonce rien d’équivalent pour le guichet de novembre 2023.

3.   Des soutiens aux électro-intensifs encadrés par le droit européen

Maîtriser et minimiser la part de l’énergie dans les coûts de production des industries aux processus les plus énergivores est crucial pour soutenir leur compétitivité face à la concurrence internationale, mais également déterminant pour leur maintien en activité sur le territoire national, avec les enjeux que ces entreprises représentent pour l’emploi (de l’ordre de 97 000 emplois directs en 2013), l’activité économique, la balance commerciale de notre pays et même la souveraineté de la France.

Ces enjeux sont partagés au niveau européen, en particulier depuis la mise en place du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre, également dits « quotas CO2 » ou « quotas carbone » (EU-ETS) en 2005 : l’Union européenne autorise les États membres à aider leurs entreprises grandes consommatrices d’énergie afin d’éviter qu’elles ne soient tentées de se délocaliser hors du continent. La notion d’« entreprise grande consommatrice d’énergie » est précisée à l’article 17 de la directive 2003/96/CE : il s’agit d’entreprises dont les achats d’énergie atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou dont les taxes énergétiques annuelles représentent plus de 0,5 % de la valeur ajoutée.

Le droit français vise un certain nombre de procédés industriels ou d’activités économiques déterminés ou se réfère à une notion d’« intensité énergétique » précisée aux articles L. 312-43 à L. 312-46 du code des impositions sur les biens et services (CIBS) et déclinée dans ses différents dispositifs de réduction.

C’est ainsi que les installations considérées comme grandes consommatrices d’énergie, car présentant un niveau d’intensité énergétique au moins égal à 3 % en valeur de production ou 0,5 % en valeur ajoutée, et qui sont soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre du dispositif EU ETS ou exercent une activité considérée comme fortement exposée à la concurrence internationale, bénéficient de tarifs réduits d’accise sur le gaz consommé comme combustible.

Les entreprises électro-intensives (EI) sont, quant à elles, définies en fonction du rapport entre leur consommation annuelle d’électricité et la valeur ajoutée produite, ainsi que de leur degré d’exposition à la concurrence internationale. En pratique, leur approvisionnement en électricité représente entre 15 et 50 % de leurs coûts de production. Elles disposent d’un régime d’aides publiques plus complet, conjuguant :

– un accès direct à l’électricité d’EDF si elles participent au consortium Exeltium ([23]) ou ont négocié des contrats bilatéraux de fourniture avec l’entreprise, à des prix calés sur l’Arenh (voire inférieurs), sachant que ces industries sont par ailleurs éligibles au dispositif de l’Arenh, qui couvre en moyenne 60 % de leur approvisionnement selon l’Uniden ;

– le plafonnement de l’accise sur l’électricité (ex-TICFE), grâce à des taux réduits variant selon leur niveau d’électro-intensité (de 2,5, 5 ou 7,50 €/MWh au lieu de 22,50 €/MWh pour les contrats supérieurs à 250 kVA), jusqu’au minimum européen de 0,50 €/MWh pour les deux cents sites hyper-électro-intensifs (HEI) ([24]).

Selon l’Uniden, cette dépense fiscale correspondait en 2019 à 4 % en moyenne de la valeur ajoutée des EI non soumis au risque de fuite de carbone, mais jusqu’à 22,5 % de la valeur ajoutée des HEI, voire 60,5 % pour certains ;

– un abattement sur le tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité (Turpe) pour les sites de consommation directement raccordés au réseau de transport ([25]) – abattement qui est également la contrepartie du rôle joué par ces sites industriels dans la stabilité et la flexibilité du réseau ;

– enfin, la compensation partielle du coût européen du CO2 inclus dans le prix de l’électricité (aide portée par l’action 23 « Industries et services » du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission Économie).

Pour l’Uniden, c’est le dispositif qui a le plus d’effet sur le coût d’accès à l’électricité des électro-intensifs. L’organisation demande donc qu’il soit préservé, « à l’instar de ce que font les autres États membres, à hauteur du plafond autorisé par la Commission ».

Les perspectives d’évolution de la compensation carbone

L’aide est prévue par des lignes directrices européennes spécifiques du 21 septembre 2020 en matière d’aides d’État et limitée à la période 2021-2030. Le dispositif est régi par l’article L. 122-8 du code de l’énergie.

Cette aide est financée par le produit des enchères de quotas de CO2 dans le système EU-ETS. Son montant dépend du prix de marché du CO2 de l’année de référence et évolue avec lui avec un effet retard. La compensation pour 2023 représente une aide comprise entre 15 et 27 €/MWh selon le niveau d’électro-intensivité et les secteurs concernés, pour un prix de référence du quota CO2 de 54 €/tCO2 eq. Pour 2024 (compensation au titre de 2023), l’aide devrait être comprise entre 25 et 40 €/MWh pour un prix du CO2 de 83,71 €/t. En cohérence, le projet annuel de performances pour 2024 a prévu une enveloppe de 1,07 Md€ (+ 218 M€ ou + 24 %).

Les perspectives au-delà sont plus floues : la formule de calcul, définie par la Commission européenne, devrait se traduire par un ajustement à la baisse pour 2026, non pas en volume global mais en part compensée, et les industriels n’ont aucune visibilité pour l’après 2030.

Ces différents dispositifs ont contribué à retarder et modérer l’impact de la flambée des prix de l’électricité pour les consommateurs finals français. Mais leur utilisation s’est heurtée à des effets de bord problématiques, comme avec l’Arenh+, ou à leur insuffisance à accompagner des hausses aussi importantes.

À ces limites s’ajoute le fait qu’en-dehors du bouclier partiel que l’Arenh continue d’assurer pour l’ensemble des consommateurs, seules les TPE ayant souscrit une puissance inférieure à 36 kVA et les entreprises énergo-intensives disposent de protections complémentaires. Nombre d’entreprises se sont ainsi retrouvées démunies face à la violence immédiate ou prévisible de la crise.

II.   DES AIDES d’urgence vitales et qui doivent Être maintenues À court terme

A.   une protection progressivement Étendue

Afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages français et la compétitivité de nos entreprises face à l’emballement apparemment sans fin des prix, le Gouvernement a progressivement mis en place des dispositifs visant à limiter l’augmentation de leurs factures de gaz et d’électricité.

1.   Les mesures prises

Le gouvernement a d’abord utilisé les leviers universels à sa disposition ou ciblé les particuliers. Des soutiens bénéficiant spécifiquement aux entreprises ont été mis en place un peu plus tard, au fur et à mesure que la crise s’approfondissait.

Outre un « chèque fioul » et un « chèque bois », fin 2022, le chèque énergie est doublé par un « chèque énergie exceptionnel », d’un montant de 200 € pour ceux qui bénéficiaient déjà du chèque énergie en 2022 et de 100 € pour les nouveaux bénéficiaires. Avec un public élargi à cette occasion, cette aide aura concerné environ 12 millions de foyers.

– dès octobre, il est annoncé que les TRV gaz seront gelés en 2022 à leur niveau du 1er octobre 2021 et que les pertes des fournisseurs seront compensées par l’État (cf. action n° 17.02 du programme 345). Le bouclier Gaz sera prolongé jusqu’à la fin des TRVg au 30 juin dernier – mais jusqu’à la fin de l’année 2023 pour les structures d’habitat collectif – avec non plus un gel, mais un plafonnement de leur hausse à 15 % sur les six premiers mois de 2023.

Ce bouclier a d’abord bénéficié aux contrats des particuliers (y compris les offres à prix indexés sur les TRV ou les offres à prix fixes) ainsi qu’aux petites copropriétés.

En avril 2022, le bouclier est d’abord étendu aux logements chauffés au chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain utilisant du gaz et aux résidences à caractère social, avec effet rétroactif au 1er novembre 2021 ; puis, en 2023, il est étendu aux résidentiels dont la consommation dépasse les 30 MWh/an et aux copropriétés consommant plus de 150 MWh/an. Cela représentera, à ce stade, plus de 4,8 millions de bénéficiaires ;

– le bouclier Électricité est mis en place par la loi de finances pour 2022. Il se fonde sur deux mesures :

. la première permet aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie de limiter la hausse des TRV électricité, à savoir une progression maximale des tarifs pratiqués au 31 décembre 2021 de + 4 % TTC en moyenne sur l’année 2022, et prévoit que les pertes des fournisseurs, en-dehors d’EDF, seront également compensées par l’État (action 17.01 du programme 345).

La loi de finances initiale pour 2023 a relevé ce plafond à + 15 % pour la revalorisation opérée en février. Enfin, en août dernier, les TRVe ont été à nouveau augmentés de 10 %. Toutefois, la CRE estime que ces hausses, qui auraient généré un supplément de 20 € en moyenne par mois pour les contrats en option base, pour la première, et de 15 € pour la seconde, auront permis d’éviter une augmentation de 99,22 % en février (+180 €) et de 74,5 % en août ;

. la seconde, qui bénéficie à tous les clients achetant de l’électricité sur le territoire national, consiste en une minoration de la fraction d’accise sur l’électricité (ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, dite TICFE) à 1 €/MWh pour les clients résidentiels et assimilés (au lieu de 25,6875 €/MWh) et au minimum européen de 0,50 €/MWh pour les autres consommateurs. Elle est appliquée à compter de février 2022. Cette accise représentant une large part de la taxation des consommations d’électricité, laquelle représente le tiers du prix de détail pour les consommateurs finals, une telle réduction a un effet modérateur immédiat et significatif.

– le dispositif de base est accessible aux TPE et PME (qui emploient moins de 250 salariés et dégagent un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€ ou un total de bilan n’excédant pas 43 M€), ainsi qu’aux collectivités, si elles ont signé des contrats d’approvisionnement en électricité à des tarifs supérieurs à 180 €/MWh. L’État prend en charge, sur 50 % des volumes d’électricité consommés ([27]), l’écart entre le prix de l’énergie du contrat (hors Turpe et taxes) et 180 €/MWh, dans la limite d’un montant pris en charge de 320 €/MWh, ce qui revient à une aide de 160 €/MWh sur la totalité de la consommation ([28]).

L’aide perçue au titre de l’amortisseur électricité ne peut excéder 2 M€ au titre de l’année 2023 pour tous les consommateurs, exception faite des collectivités territoriales et de leurs groupements ;

– pour les très petites entreprises dont le prix de la part variable d’électricité excède 280 €/MWh en moyenne annuelle, l’amortisseur est bonifié : il permet de réduire, sur la totalité des volumes d’électricité consommée, le prix annuel moyen à 230 €/MWh (dans la limite maximale d’une aide de 1 500 €/MWh sur la totalité de la consommation).

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2023 également, les TPE et PME, ainsi que certaines personnes morales de droit public, peuvent s’adresser à un guichet d’aide au paiement des factures d’électricité et de gaz ([29]). Les entreprises peuvent alors obtenir un étalement de leurs factures, le report du paiement de leurs impôts et cotisations sociales, un cautionnement partiel de l’État sur leurs factures de fourniture d’énergie, etc.

Au final, un boulanger, par exemple, bénéficie de la minoration de la TICFE et du dispositif de l’Arenh, à l’instar de tous les consommateurs finals, mais aussi du bouclier tarifaire s’il consomme moins de 36 kVA ou de l’amortisseur électrique bonifié s’il dépasse ce seuil.

2.   Un soutien significatif pour les consommateurs, mais longtemps laborieux pour les entreprises

Interrogée par votre rapporteur, la Commission de régulation de l’énergie a calculé les économies que ces mesures ont assurées aux consommateurs français sur leurs factures de gaz et d’électricité.

Ainsi, pour un consommateur résidentiel aux TRVg qui dispose d’un chauffage au gaz consommant 14 000 kWh chaque année, l’économie réalisée grâce au bouclier tarifaire gaz (entre le 1er novembre 2021 et le 30 juin 2023) s’élève à 1 818,50 € TTC. Sans bouclier, la facture moyenne aurait été de 4 806,40 € contre 2 987,90 € avec bouclier – soit un allègement de près de 38 %.

Pour un consommateur résidentiel aux TRVe avec un chauffage électrique, une consommation annuelle de 8 500 kWh, un compteur de 9 kVA et un contrat heures pleines/heures creuses, l’économie réalisée s’est établie à 1 371 € TTC. Sans bouclier, la facture moyenne aurait été de 3 400 € contre 2 029 € avec bouclier – soit un allègement de plus de 40 %.

Et pour un consommateur professionnel aux TRVe avec un compteur de 18 kVA et consommant 14 000 kWh par an, la CRE estime l’économie réalisée à 2 243 € TTC. Sans bouclier, la facture moyenne aurait été de 5 500 €, contre 3 307 € avec bouclier – soit une réduction de la facture de presque 41 %.

Or, environ 34 millions de sites résidentiels ou assimilés seraient éligibles au bouclier électricité d’après la CRE.

Quant à l’amortisseur, 147 000 structures éligibles ont été recensées à ce jour et 25 000 TPE avaient sollicité le sur-amortisseur en avril.

Catégorie

Effectifs des éligibles

Consommation moyenne

(en MWh)

Compensation moyenne HT

(en €)

Montant unitaire moyen pris en charge par l’État HT

(en €/MWh)

TPE >36 kVA éligibles au sur-amortisseur

(25 000)

87

12 310

143

TPE >36 kVA non éligibles au sur-amortisseur

26 845

115

4 082

36

PME

75 782

170

10 101

60

Personnes morales de droit  public < 250 salariés et 50 M€ recette

18 496

397

23 081

58

"Associations" et assimilés

4 740

268

13 119

49

Collectivités territoriales et leurs groupements

21 472

331

21 935

66

TOTAL

147 335

 

 

 

Sources : CRE et ministère de la transition énergétique, octobre 2023.

De son côté, l’Uniden a évalué l’aide apportée à ses membres, qui représentent à eux seuls une consommation électrique de 70 TW par an, par l’Arenh+ à plus de 5 Md€ en 2022 et celle apportée par la minoration de l’accise sur l’électricité à 280 M€ (même si le différentiel est plus limité pour les EI et inexistant pour les HEI) – sans compter l’aide ponctuelle sur les approvisionnements en gaz et en électricité, dont elle ne connaît pas les montants.

Toutes les organisations représentant les entreprises auditionnées par votre rapporteur ont reconnu l’ampleur du soutien apporté par les dispositifs d’urgence mis en place par le Gouvernement – même si d’aucuns notent avec inquiétude un reste à charge encore considérable pour les entreprises qui ont signé des contrats pluriannuels à prix exorbitants.

La CPME déplore toutefois que ces aides aux entreprises aient été mises en place tardivement « malgré les nombreuses alertes faites au gouvernement (…) sur l’enjeu économique lié à l’explosion du prix de l’électricité pour de nombreuses TPE ».

Plusieurs organisations ont par ailleurs regretté la complexité du premier dispositif d’aide spécifique aux entreprises non éligibles aux TRVe (aide Gaz et électricité).

Le Medef souligne ainsi : « Les aides résilience ont été bâties conformément au cadre réglementaire [européen] des aides d’État qui a été revu de façon temporaire pour l’occasion. Plusieurs rounds de négociations ont permis d’assouplir certains points (…) mais certains critères sont restés trop stricts pour que les aides atteignent leurs cibles. »

Plus globalement, le Medef observe que « l’ensemble des outils proposés (et conçus en plusieurs étapes) ont manqué de lisibilité et ont été complexes à appréhender et à décrypter pour les entreprises ». Il reconnaît toutefois : « Dans ce contexte, l’amortisseur électricité avec son architecture finale a été salué dans la mesure où sa mise en œuvre est beaucoup plus simple (un seul formulaire [d’éligibilité et déduction] automatique sur la facture par l’intermédiaire des fournisseurs). Il a tout de même fallu engager des actions de décryptage ».

Le Cleee a également jugé l’accessibilité de ce dispositif « correcte ».

Le Gouvernement dit en effet avoir conçu le dispositif de l’amortisseur pour que les entreprises aient le moins possible de démarches à faire et a demandé aux fournisseurs d’accompagner leurs clients dans ces démarches – sans parler des « conseillers départementaux à la sortie de crise », désignés dans chaque département pour orienter et accompagner les entreprises dans leurs démarches.

Il n’en reste pas moins que, non éligibles à l’amortisseur, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises n’ont eu accès qu’à l’aide Gaz et électricité, avec toute sa complexité et les délais importants (jusqu’à six mois d’instruction) induits par l’afflux des demandes et le nombre de pièces à traiter par les services fiscaux.

Au surplus, cette aide, temporaire et plafonnée, ne sera pas renouvelée en 2024. Le Cleee indiquait à votre rapporteur sa crainte que les ETI ayant signé des contrats pluriannuels à prix élevés ne se retrouvent sans aide et en difficulté. « Ceci génère une distorsion de concurrence anormale entre ETI et PME d’un même secteur d’activité. »

B.   l’indispensable prolongation des soutiens aux factures d’électricité en 2024

1.   L’apparente stabilisation des contrats gaz malgré la fin des TRVg

Depuis sa position d’observateur et de régulateur des marchés du gaz et de l’électricité, la CRE a pu assurer à votre rapporteur que « de manière générale, la fin des TRVg n’a pas été un bouleversement pour les consommateurs de gaz et le changement s’est passé dans de bonnes conditions. Les consommateurs (…) n’ont pas été dos au mur à la date de fin des TRVg ».

L’opération a été très accompagnée et la mise en place du « prix repère » de vente du gaz, que la CRE publie chaque mois depuis juin, offre désormais une référence qui permet de guider les choix des consommateurs.

Ce dispositif s’inspire de l’initiative de la CRE, à l’automne 2022, de publier toutes les semaines une référence de prix de l’électricité afin de permettre aux PME et aux collectivités locales amenées à souscrire ou renouveler leur contrat de fourniture au plus fort de la crise de s’assurer que les offres étaient compétitives et reflétaient la réalité des coûts d’approvisionnement ([30]). Les retours positifs qu’elle a reçus l’ont convaincue de renouveler ces publications dans les prochaines semaines. Votre rapporteur note que cela irait dans le sens des demandes du Medef et de la CPME d’offrir aux entreprises des outils les informant et les guidant dans le renouvellement de leurs contrats avec leurs fournisseurs.

Pour accompagner la disparition des TRVg sur le marché de détail du gaz, la CRE a également mis en place différents prix de référence :

– depuis janvier 2023, en application de la loi de finances pour 2023, une référence « coût d’approvisionnement gaz », construite dans la continuité de la formule des TRVg (80 % de prix à terme mensuel et 20 % de prix à terme trimestriel).

La CRE constate qu’une grande majorité des fournisseurs ont suivi cette référence pour définir leurs offres de bascule. Cette référence avait aussi vocation à être utilisée en cas de réactivation du bouclier tarifaire pendant l’année 2023 ;

– depuis juin 2023, le « prix repère » de vente du gaz naturel, qui porte sur l’intégralité de la facture hors taxes des consommateurs résidentiels (coûts d’approvisionnement mais aussi coût d’acheminement, coûts commerciaux, etc.). Il comprend un prix d’abonnement et un prix du kilowattheure ([31]). Ce prix indicatif peut servir à comparer les offres sur le site du Médiateur national de l’énergie.

Sur les 10,6 millions de clients résidentiels utilisant le gaz, 2,55 millions étaient encore aux TRVg au 30 juin 2023, dont 2,35 millions uniquement chez Engie. Au 1er septembre, l’offre de bascule d’Engie a pris automatiquement le relais pour 2,05 millions de clients.

Sur le front des prix, la disparition des TRVg n’a pas entraîné de hausse. Au contraire, du fait de la détente relative du marché du gaz, le niveau du prix repère de la CRE est, pour octobre 2023, encore inférieur au niveau du bouclier tarifaire du premier semestre 2023. Le ministère a indiqué à votre rapporteur que le Médiateur national de l’énergie observe aussi qu’un certain nombre des offres de gaz ont des prix moins élevés que les TRVg à leur niveau de juin 2023. Sur 23 offres, la moitié est même moins chère que le prix de référence de la CRE et 8 sont à prix fixes.

Et si les anticipations des marchés de gros montrent une reprise des prix jusqu’à la fin de l’année, puis une stabilisation en 2024, passant de 30 €/MWh en juillet dernier pour s’établir autour de 50 €/MWh en 2024, le prix de référence de la CRE retrouverait un niveau qui reste proche du niveau du TRV gelé appliqué au premier semestre 2023, soit 122 €/MWh TTC.

Dans ces conditions le Gouvernement n’a pas vu la nécessité de reconduire en 2024 un bouclier tarifaire « individuel » qui ne s’appliquait plus depuis que les prix de détail étaient passés sous son niveau de protection.

En revanche, non seulement le bouclier « collectif » gaz se poursuit jusqu’à la fin de l’année 2023, mais le ministère a indiqué qu’il est prévu de le prolonger en 2024 dans les mêmes conditions qu’au second semestre 2023 afin de continuer à protéger les structures ayant contractualisé à des prix supérieurs. « En pratique, compte tenu de la baisse des prix, l’aide de base (équivalente aux boucliers individuels) serait nulle, et seule serait maintenue l’aide complémentaire “top-up” qui bénéficie aux contrats signés au second semestre 2022 ».

Votre rapporteur approuve cette précaution, tout en regrettant qu’elle ne soit pas encore inscrite en loi de finances.

Il s’interroge enfin sur la répercussion sur les prix de détail du gaz que pourrait avoir la « forte hausse » du futur tarif de distribution de gaz de GRDF, que la CRE vient d’évoquer le 12 octobre dernier ([32]).

2.   Mais des difficultés qui perdurent pour les consommateurs d’électricité

Comme cela a été vu précédemment, les anticipations des prix de gros pour 2024 connaissent un reflux important. Elles ont été pratiquement divisées par deux entre le début de l’année et octobre 2023, s’établissant autour de 130-140 €/MWh.

Il est encore trop tôt pour connaître l’évolution des TRVe en 2024. La CRE a commencé à envisager une revalorisation de l’ordre de 10 % à la prochaine échéance de février, mais le Gouvernement attend les prix de fin d’année pour arrêter sa décision. S’il décide de maintenir un écart par rapport aux évolutions découlant du marché, il faudra compenser le manque à gagner pour les fournisseurs autres qu’EDF.

Quant aux consommateurs finals non éligibles aux TRVe, le Cleee indique que ses membres déduisent des actuelles anticipations un prix moyen d’approvisionnement en 2024 (hors taxes et avant aides) de 130 €/MWh. C’est moins que le prix moyen payé par leurs entreprises en 2023 (195 €), mais encore très supérieur au prix moyen payé avant la crise (46 €) et même à la valeur moyenne en 2022 (88 €, avec l’effet modérateur de l’Arenh+). Cela génère des suppléments de charges que les actuelles aides d’urgence n’allègent que partiellement et que les entreprises auront plus de mal encore à répercuter sur leurs prix.

Le Cleee souligne en outre que cette moyenne cache d’importants écarts de situation : ainsi, près de 20 % de ses entreprises ou collectivités paieront toujours en 2024 un prix supérieur à 180 €/MWh (soit le seuil de l’amortisseur en 2023).

De fait, parmi les entreprises et collectivités contraintes de négocier, ou renégocier, leurs contrats d’approvisionnement en 2022, au plus fort de la crise des prix de l’électricité, un certain nombre ont accepté des contrats sur plusieurs années en contrepartie d’une modération (relative) des tarifs. Certains de ces contrats pluriannuels les mènent jusqu’en 2024 (voire 2025) en leur imposant des prix qui apparaissent aujourd’hui très supérieurs aux prévisions, mais aussi au niveau de protection assuré, aujourd’hui, par l’amortisseur.

Le Cleee témoigne ainsi que de nombreuses entreprises, notamment des ETI et des PME, seraient encore soumises à des prix supérieurs à 300 €/MWh.

Or, de l’avis de tous les acteurs auditionnés, il n’y a généralement pas de renégociation possible, soit parce que les fournisseurs sont eux-mêmes contraints par les coûts de leurs achats d’énergie sur les marchés, soit parce que les clauses contractuelles imposent des pénalités trop lourdes en cas de rupture de contrat.

3.   Un projet de loi de finances pour 2024 qui prolonge certaines aides, mais laisse de nombreuses entreprises dans l’incertitude

Auditionné par votre rapporteur, le ministère de la transition énergétique lui a indiqué que :

– l’émission d’un nouveau chèque énergie exceptionnel n’est pas prévue ;

– l’accise sur l’électricité resterait fixée à son niveau plancher de 0,50 €/MWh jusqu’au 31 janvier 2025, comme le prévoit l’article 11 du projet de loi de finances pour 2024 ;

– « comme cela a été annoncé par le Gouvernement, le bouclier tarifaire sur l’électricité s’arrêtera, au plus tard, à la fin de l’année 2024. [L’article 52 du] PLF prévoit des dispositions pour le prolonger en 2024 si la hausse des prix le justifie » ;

– « le maintien du dispositif d’amortisseur électricité est envisagé pour l’année 2024 pour les entreprises ayant souscrit des contrats très onéreux en 2022 et qui seront encore actifs en 2024. Pour les autres, compte tenu de la baisse des prix sur les marchés, qui se reflétera dans les contrats nouvellement signés pour l’année prochaine, une aide ne paraît plus nécessaire ».

Le ministère estime, sur la base des remontées des fournisseurs, que le nombre de contrats à prix élevés qui seront encore en vigueur en 2024 devrait diminuer de moitié par rapport au volume de contrats bénéficiant de l’amortisseur en 2023 ;

– le bouclier « collectif » gaz devrait être reconduit pour les mêmes raisons (cf. le point 1).

En revanche, le projet annuel de performances pour 2024 confirme, à l’action 23 du programme 134 de la mission Économie, la fin du dispositif d’aide aux entreprises énergo-intensives (l’aide ponctuelle « Gaz et électricité »). Aucun crédit n’est prévu à ce titre en 2024, entraînant la baisse des dotations de l’action 23 de 4 Md€.

La CRE a confirmé à votre rapporteur que, concernant les consommateurs résidentiels, les petits professionnels et les petites collectivités, la prolongation des boucliers tarifaires est autorisée par le droit communautaire. Mais s’agissant des amortisseurs, leur prolongation dépend des discussions du Gouvernement avec la Commission européenne.

Or, pendant l’été 2023, la Commission européenne a averti les États membres que le relèvement des plafonds d’aides d’État face à l’envolée des prix de l’énergie ne devait pas être prolongé après la fin de 2023 : dans sa dernière révision du cadre temporaire des aides d’État en période de crise, la Commission prévoyait d’accepter jusqu’à 4 M€ d’aide par entreprise touchée par la hausse des prix du gaz et de l’électricité, et même jusqu’à 150 M€ pour certains énergo-intensifs, mais l’exécutif européen affirmait ne pas vouloir prolonger ces hausses de plafond au-delà de la fin d’année. « Toute modification du plan de retrait progressif nécessiterait une justification solide ».

En tout état de cause, le Gouvernement français a annoncé publiquement sa volonté de vouloir protéger les entreprises ayant signé des contrats à des prix très élevés au second semestre 2022. Votre rapporteur espère que ces annonces se concrétiseront rapidement. Il s’interroge enfin sur les décisions qui seront prises à l’égard des ETI confrontées aux mêmes difficultés sans être éligibles à l’amortisseur.

4.   Un coût pour l’État qui ne saurait être maintenu dans la durée

Le ministère de la transition énergétique a précisé à votre rapporteur la décomposition des dépenses budgétaires prises en charge par le programme 345, par mesures et par années de paiement, dans le tableau ci-après :

N.B. : Les ouvertures de crédits indiquées dans le projet annuel de performances du programme 345 pour 2024 tiennent compte du décalage d’un exercice sur l’autre de certains versements.

Ces chiffres découlent de la délibération de la CRE n° 2023-200 du 13 juillet 2023.

Au total, le bouclier individuel gaz aura coûté 4,8 Md€ pour la période du 1er novembre 2021 au 30 juin 2023.

Le bouclier collectif gaz a coûté 1,3 Md€ au titre de la période du 1er novembre 2021 au 31 décembre 2022. Les montants des aides demandées pour 2023 ne sont pas encore connus.

Les boucliers tarifaires électricité (individuel et collectif) ont représenté une dépense de l’ordre de 0,9 Md€ en 2022 et leur coût en 2023 est estimé à 23,65 Md€.

Les coûts budgétaires des dispositifs de soutien en 2024 devraient être beaucoup moins élevés qu’en 2023 du fait de la nette baisse des prix de gros de l’électricité et du gaz. Le projet annuel de performances les a estimés à presque 3 Md€ – dont 770 M€ pour accompagner les TPE et PME liées par des contrats à tarifs exorbitants.

À ces dépenses, il faut ajouter la perte de recettes pour l’État que représente la minoration de l’accise sur l’électricité appliquée depuis février 2022. Selon le Gouvernement, cette minoration a représenté un coût de l’ordre de 8 Md€ en 2022 et déjà 5 Md€ sur le premier semestre 2023. Par extrapolation, la mesure coûterait 18 Md€ sur les deux années – auxquels s’ajouterait 1,5 Md€ découlant de l’intégration de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) à l’accise sur l’électricité à compter du 1er janvier 2023, que l’État s’était engagé à compenser pour les communes. On ignore ce qu’elle représentera en 2024.

Pour compléter ce bilan, on relèvera que la somme des chèques énergie exceptionnels de 2021 et 2022 et des chèques « fioul » (230 M€) et « bois » (230 M€) de 2022 atteindrait 2,9 Md€ (imputés sur le programme 174 ou la mission « Cohésion des territoires »). On peut également évoquer les 300 M€ d’aides énergétiques pour les universités et 10,4 Md€ d’aides à l’achat de carburant (ponctuellement portées par le programme 174). Ces dernières aides ne seront pas renouvelées. Mais il reste, en tout état de cause, difficile d’envisager de faire porter durablement à l’État la prise en charge du différentiel de coût entre les prix de l’électricité découlant des marchés libres, que l’on peut imaginer durablement élevés avec les investissements massifs qui devront être réalisés pour la transition écologique, et des prix que l’on estimerait « acceptables » pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens et la compétitivité de nos entreprises, au-delà de ce qui était déjà financé jusqu’à l’irruption de la crise (cf. charges du service public de l’énergie du programme 345).

Cette prise en charge financière, venant en complément des modérateurs ordinaires (TRV, Arenh, charges de service public de l’énergie, modulation des accises), est d’autant moins envisageable que la question du financement du « nouveau nucléaire » n’est pas encore tranchée, que celuici pourrait fonder un relèvement significatif des tarifs de vente d’EDF et qu’enfin, on ignore encore ce qui remplacera la régulation de l’Arenh, qui s’achèvera au plus tard en décembre 2025.

Dès lors, si votre rapporteur croit à l’intérêt de conserver à disposition l’outil des boucliers tarifaires, pour pouvoir répondre très vite à de nouvelles poussées des prix, se pose, dès aujourd’hui, la question des modérateurs qui pourront être mis en œuvre après 2024, et plus encore après 2025.

C.   La nÉcessitÉ de garde-fous durables

Plusieurs pistes sont étudiées et la plupart ne sont pas encore closes. Votre rapporteur est toutefois convaincu de la nécessité de faire « sauter » le seuil des 36 kVA, qui discrimine sans véritable justification certaines TPE et petites collectivités.

1.   Supprimer le seuil des 36 kVA

Comme la CPME l’a souligné, « ce seuil est mal compris par beaucoup d’adhérents et a créé de nombreuses difficultés dans la lisibilité des aides ».

Ce critère a été introduit par la loi Nome de 2010 pour délimiter les consommateurs finals éligibles aux TRVe. Il s’inspirait du seuil de puissance utilisé pour distinguer les tarifs « bleus » des tarifs « verts ».

Mais il ne figure pas dans l’article 5 de la directive (UE) 2019/944 de 2019 : celui-ci autorise des interventions publiques sur les prix de fourniture de l’électricité pour l’ensemble des microentreprises, sans considération de puissance.

Sans aller jusqu’à l’extension à l’ensemble des PME proposée par notre collègue Philippe Brun dans sa proposition de loi visant à la nationalisation du groupe Électricité de France (déposée sur le bureau du Sénat en mai dernier, après son adoption en deuxième lecture par l’Assemblée nationale) ([33]), votre rapporteur le rejoint sur l’objectif de supprimer le seuil des 36 kVA.

Interrogée, la Commission de régulation de l’énergie s’est dite favorable à l’extension des TRVe pour les TPE sans distinction de puissance. Ce serait « une mesure positive pour renforcer la protection des consommateurs concernés qui sont bien souvent de petits artisans ».

Elle aurait cependant besoin d’au moins six mois de travail entre la décision et sa mise en application. En effet, les profils de consommations des TPE de plus de 36 kVa sont peu connus par le régulateur à ce jour. La mise en place d’un nouveau tarif nécessiterait des échanges approfondis avec les fournisseurs pour arrêter les modalités de construction du nouveau tarif.

De son côté, le ministère de la transition énergétique admet que cette extension est « a priori » compatible avec le droit sectoriel européen, même si la Commission européenne examinerait de près ses effets au regard du droit de la concurrence. Il faudrait peut-être envisager une distribution des TRVe plus large qu’EDF et les entreprises locales de distribution.

Le ministère observe en outre que cette opération nécessiterait un délai d’anticipation suffisant pour développer l’offre commerciale correspondante et assurer son approvisionnement ([34]).

Il rappelle enfin que les TRV sont le reflet des coûts d’approvisionnement et tiennent compte des prix de marché. Ils ne sont pas, en eux-mêmes, un dispositif de gestion de crise.

De fait, les enjeux fondamentaux sont encore à chercher du côté de l’évolution du marché européen de l’électricité et de l’après-Arenh.

2.   Installer le modérateur qui remplacera l’Arenh

En dépit de ses défauts, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique assure une plus grande stabilité des prix et montre une véritable capacité à les modérer, très appréciée en ces temps d’emballement.

En dehors d’EDF, tous les acteurs économiques auditionnés ont souligné l’importance de cet amortisseur et leur inquiétude à le voir disparaître sans connaître la suite.

Aucun n’envisage la suppression pure et simple de l’Arenh. Son remplacement est au cœur des enjeux de protection des consommateurs finals français et de la compétitivité des entreprises nationales.

Le Medef demande « un prix de l’électricité cohérent avec la réalité du mix et des coûts de production qui le composent, reflétant les coûts qu’ils font peser sur le système électrique, et [permettant] aux consommateurs de bénéficier des avantages de la production bas carbone ». La CPME appelle de ses vœux « une nouvelle régulation du nucléaire historique pour protéger les consommateurs, particuliers mais également les entreprises contre les hausses de prix du marché après 2025 » et contre les pertes de compétitivité. Pour le Cleee, une nouvelle régulation des prix de l’électricité est « une nécessité impérieuse » et il est nécessaire de prolonger l’Arenh jusqu’à ce qu’une alternative soit trouvée, quitte à réviser ses fondamentaux (tarif et volume livrable) pour corriger ses principaux défauts. Enfin, l’Uniden souligne depuis longtemps le besoin d’anticiper l’après‑Arenh « pour donner aux industries électro-intensives la visibilité qui leur est vitale, en particulier pour accélérer leur décarbonation qui demandera de lourds investissements et, globalement, conduira à augmenter les besoins de l’industrie en électricité ». Cette transition ne se fera que si elles ont la garantie de disposer de volumes importants d’électricité bas carbone et à prix compétitifs.

Différentes approches sont aujourd’hui examinées et négociées pour la future régulation de la production nucléaire existante :

– la première reposerait sur la mise en place de contrats à prix garantis par l’État (« contrats pour la différence » ou CfD envisagés dans la réforme plus globale du marché européen de l’électricité, voir le C suivant) sur la production nucléaire existante.

Cette piste aurait l’avantage de garantir des revenus stables à EDF sur quinze à vingt ans. Le mécanisme de soutien fonctionnerait comme celui des énergies renouvelables, pour lesquels les CfD sont très largement utilisés en Europe : si les prix de gros de l’électricité sont plus bas que les prix de soutien définis, l’État compenserait à EDF la différence ; inversement, en cas de prix plus élevés sur les marchés, EDF rendrait la différence à l’État, qui la redistribuerait aux consommateurs via les fournisseurs ou directement. Toutes les parties seraient protégées. La question fondamentale serait de définir le bon niveau du prix de soutien (coûts complets, marge d’autofinancement, etc.).

La CRE observe qu’une attention particulière devrait alors être portée au maintien d’incitations à la production et à l’optimisation, qui pourraient être moindres dans un système de soutien CfD sur la totalité de la production nucléaire existante. Elle rappelle également que ce modèle pourrait être assimilé à une aide d’État selon le niveau des retours aux consommateurs et en particulier aux entreprises.

Cette option a la préférence du Cleee, dont les membres n’ont pas l’envergure pour négocier des contrats bilatéraux (« de gré à gré ») directement avec EDF, au contraire des membres de l’Uniden.

De fait, l’Uniden estime qu’un accès direct des industries électro-intensives, sur le long terme (à 10, 15 ou 20 ans selon les sites), à la production nucléaire du parc existant, à des conditions compétitives permises par les coûts de production de ce parc amorti, serait la solution la plus viable pour réussir leur transition énergétique. Le prix ne serait pas « administré », mais résulterait des négociations contractuelles, menées soit entre EDF et une entreprise, soit entre EDF et des consortiums constitués à cet effet pour mutualiser les volumes et les éventuels risques.

Notons toutefois que certains craignent que ces gros contrats de long terme, s’ils mobilisent une trop grande part de la production, ne pèsent négativement sur les conditions offertes aux autres profils de consommateurs ;

– la deuxième approche, qui n’intègre plus de régulation publique, est la vente intégrale sur le marché de gros de l’électricité. EDF pourrait vendre l’intégralité de sa production sur le marché de gros, prenant ainsi le risque de marché pour son compte. Et pour donner plus de stabilité et de visibilité aux prix français, l’énergéticien pourrait commercialiser des produits à long terme au-delà de trois ans. C’est une des pistes défendues par EDF, qui considère que cela devrait amener « naturellement » les prix autour de 130 à 140 €/MWh, soit leur niveau actuel pour 2024.

Dans cette configuration, les tarifs des consommateurs seraient entièrement indexés sur le marché de gros de l’électricité et il n’existerait pas de mécanisme de protection des consommateurs en cas de hausse des prix sur les marchés. Dans cette hypothèse toutefois, EDF, propriété à 100 % de l’État, réaliserait un bénéfice important dont il pourrait reverser tout ou partie au budget de l’État sous forme de dividendes, à charge pour ce dernier de redistribuer ces ressources, dans les limites autorisées par la réglementation européenne, ou de les utiliser pour cofinancer les investissements dans le nouveau nucléaire ;

– enfin, la troisième approche serait la vente sur le marché de gros avec un plafond de prix – autre option portée par EDF –, fixé à un niveau supérieur à celui des coûts de production du parc existant mais qui donnerait une limite maximale.

EDF assumerait toujours le risque de marché, notamment en cas de baisse prolongée des prix, mais le plafond protégerait les consommateurs en cas de trop fortes hausses de prix sur les marchés. Cette régulation publique pourrait prendre la forme d’une taxe qui serait prélevée par l’État sur EDF puis redistribuée aux consommateurs via les fournisseurs ou directement.

Dans ce cas de figure, il faudrait se poser la question des modalités de redistribution, soit de manière homogène à l’ensemble des consommateurs, soit de manière différenciée en privilégiant les consommateurs industriels, par exemple. Et le débat reste entier sur le juste prix plafond, le niveau évoqué par EDF (120 €/MWh) étant vivement contesté par les représentants des entreprises. Néanmoins, cette troisième option aurait leur préférence en cas d’échec des négociations sur les CfD.

De fait, la nouvelle régulation du nucléaire existant sera fortement déterminée par l’issue des discussions en cours sur la réforme du marché européen de l’électricité.

3.   Réguler par l’État ou par le marché ? Les arbitrages à venir de la réforme du marché européen de l’électricité

Comme cela a été précédemment rappelé, le cadre actuel du marché européen de l’électricité repose sur la rémunération des capacités de production selon leur coût marginal, c’est-à-dire le coût de production d’un mégawattheure additionnel par la centrale en fonctionnement la plus chère. Ce système permet d’assurer, en permanence, l’appel efficient des installations partout en Europe, au moindre coût, garantissant ainsi la sécurité d’approvisionnement à court terme et le recours le plus pertinent aux interconnexions entre les marchés nationaux. Il est un des éléments centraux de l’intégration européenne en matière d’énergie.

Sur le long terme en revanche, le ministère de la transition énergétique rappelle que l’organisation actuelle des marchés présente trois difficultés majeures, pointées par les autorités françaises depuis 2018 :

– elle n’assure pas, pour les consommateurs, une exposition juste aux coûts complets de long terme des installations de production qui les alimentent.

La crise de 2021-2022 a particulièrement mis en évidence le décalage qu’il y avait pour les consommateurs français entre des prix d’approvisionnement indexés sur le gaz et la réalité des coûts de leur parc de production faiblement utilisateur de gaz ;

– elle ne répond pas à l’enjeu de sécurité d’approvisionnement sur le long terme. En effet, suivant les aléas du marché, les coûts complets de long terme des producteurs peuvent, sur plusieurs années, ne pas être suffisamment couverts, ce qui peut rendre difficile le maintien d’actifs essentiels ;

– n’ayant pas réussi à faire émerger un signal-prix de long terme, elle n’incite pas les consommateurs à investir dans l’électrification des usages et des procédés, ni ne favorise l’investissement dans les installations de production décarbonées, qui ne se développent pas aujourd’hui sans soutien public.

Dès le début de la crise de l’énergie, la France a activement appelé à une réforme structurelle du marché européen de l’électricité, qui permettrait de rapprocher le prix payé par le consommateur national du coût de production tout en préservant les avantages du marché commun.

Cette réforme fait depuis l’objet de discussions soutenues au sein de l’Union européenne, autour des deux principaux instruments de « régulation » du marché envisagés que sont les contrats de long terme et les contrats pour différence (CfD).

Ces contrats de long terme peuvent prendre la forme d’engagements bilatéraux, comme les « Power Purchase Agreements » (PPA), mais ils pourraient également se développer sous forme d’offres de contrats de vente à prix lissés sur trois à cinq ans proposées sur les marchés de gros, à condition que le segment « long terme » gagne en liquidité (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui au-delà de deux à trois ans). Ce cadre ouvrirait les contrats à long terme à des entreprises plus petites. Aussi, le ministère regarde‑t‑il avec intérêt les propositions d’EDF pour faire émerger de la liquidité sur le marché de moyen terme.

Mais le ministère rappelle que l’État n’est pas autorisé à intervenir dans la formation des prix de tels contrats, en vertu de l’article 5 de la directive 2019/944.

En outre et au-delà des contrats à long terme, la réforme du marché européen de l’électricité doit porter les dispositions nécessaires au soutien des investissements dans de nouveaux moyens de production décarbonés. Est aussi en jeu le soutien aux réinvestissements dans les moyens existants.

La réforme doit par ailleurs prendre en compte les modalités de redistribution à l’ensemble des consommateurs des fruits de ces contrats de long terme. Enfin, elle doit améliorer la protection de ces consommateurs, notamment via le développement des contrats à prix fixes, la création d’un droit au partage d’énergie et une extension ou un complément des TRVe en cas de crise.

Dans les négociations en cours, le Gouvernement dit défendre les principes selon lesquels :

– les consommateurs français doivent « pouvoir bénéficier de la compétitivité du parc de production décarboné français en les exposant non plus aux prix de marché, largement dictés par celui des fossiles, mais aux coûts complets de ces installations » ;

– les producteurs doivent « disposer d’une visibilité de long terme sur les prix de valorisation de leur production, et donc d’un cadre permettant de faciliter les investissements dans les actifs de production » ;

– et les fournisseurs doivent « être davantage incités à une pratique d’approvisionnement prudente sur le long terme, et prendre une juste part dans le développement de l’outil de production ».

Jusqu’à récemment, un groupe d’États membres, dont l’Allemagne, s’opposaient à l’application de CfD au soutien du parc nucléaire existant – le recours aux CfD pour de nouvelles installations nucléaires étant déjà accepté par le Conseil européen à condition que leur financement comporte un soutien public. Toutefois, la France et l’Allemagne sont parvenues à un compromis le 17 octobre dernier, vraisemblablement contre l’assurance que le prix garanti des CfD ne soit pas inférieur aux coûts de production. Le Gouvernement français a indiqué, ce même jour, compter fixer les prix des CfD sur le nucléaire en s’appuyant sur le récent rapport de la CRE sur le coût de la production nucléaire (voir supra).

La mise en œuvre de CfD serait tout de même liée à de nouveaux investissements « visant à rééquiper de manière substantielle des installations de production d’électricité existantes, ou à augmenter substantiellement leur capacité ou à prolonger leur durée de vie » (article 19b-1a de la proposition finalisée par la présidence espagnole). Mais les travaux de Grand carénage s’inscrivent aisément dans ce cadre.

S’il est adopté par le Parlement européen, le CfD offrirait enfin une forme de bouclier tarifaire, car si les prix de l’électricité explosent, la différence entre un prix de marché excessif et le prix fixé par le CfD pourra être récupérée par l’État et redistribuée au consommateur.

Les modalités de fixation de ce niveau de prix garanti seront, sans nul doute, au centre des négociations avec le Parlement européen.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jérôme Nury, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », en ce qui concerne l’énergie

M. le président Guillaume Kasbarian. Notre commission achève aujourd’hui son examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024. Nous étudions ce matin les crédits relatifs à l’énergie dans le cadre de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Comme la semaine dernière, beaucoup d’amendements ont été déposés – 56 en l’espèce – mais tous n’entrent pas dans le champ de compétences de notre commission. Les irrecevabilités sont donc nombreuses. Je vous invite à bien cibler vos amendements sur chaque mission budgétaire.

Notre rapporteur pour avis sur l’énergie est Jérôme Nury. Il a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à l’impact des prix de l’électricité et du gaz sur le pouvoir d’achat des consommateurs finals et sur le modèle économique des entreprises françaises.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis (énergie). Dans un contexte national, européen et mondial tendu, où l’énergie représente un enjeu majeur pour les populations et pour les entreprises, ce projet de budget mérite d’être examiné avec attention. Nous avons pu obtenir quelques précisions auprès du Gouvernement, mais les incertitudes sur son contenu exact et la technicité du sujet rendent la lecture des chiffres et de la stratégie difficile.

Deux des quatre programmes que nous examinons perdent une part importante de leur dotation par rapport à 2023. La baisse est ainsi de 163 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 676 millions d’euros en crédits de paiement pour le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables, et avoisine les 15 milliards d’euros pour son programme 345 Service public de l’énergie.

Ces reculs reflètent en réalité la diminution des prix de l’énergie, ce qui est une bonne nouvelle pour les usagers et pour les finances publiques. Les budgets consacrés à la protection des consommateurs ne disparaissent pas, mais ont été fortement révisés à la baisse. Les autres actions de ces programmes devraient, en revanche, bénéficier d’une hausse. Ainsi, 247 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour MaPrimeRénov’, 203 millions d’euros pour les aides à l’acquisition de véhicules propres, 306 millions d’euros pour le soutien à la transition énergétique dans les zones non interconnectées et 841 millions d’euros pour le soutien à l’injection de biométhane.

Malgré quelques avancées intéressantes, ce projet de loi de finances (PLF) et ses prévisions budgétaires s’accompagnent d’incertitudes et d’injustices.

Le chèque énergie, important pour les ménages fragiles, est reconduit sans aucune revalorisation. Le ministère de la transition énergétique m’a confirmé qu’aucun complément n’était envisagé, alors que le prix de l’énergie reste élevé et que les tarifs réglementés de vente de l’électricité ont augmenté de 26,5 % cette année.

En outre, aucun dispositif d’accompagnement n’est prévu pour les foyers se chauffant au fioul, qui sont nombreux dans nos territoires ruraux et directement frappés par la hausse du pétrole et des carburants. Avec un prix au litre d’au moins 1,40 euro ces derniers jours, il sera difficile de remplir la cuve. Dans nos campagnes, nos concitoyens n’ont pas forcément accès aux énergies à bouclier comme le gaz et il n’y aura aucune aide spécifique – telle que celle que nous avions obtenue l’an dernier – pour leur permettre de passer l’hiver.

L’augmentation des crédits alloués à la rénovation thermique des bâtiments est, par ailleurs, bien loin du 1,6 milliard d’euros annoncé par Mme la Première ministre. On compte 247 millions d’euros supplémentaires pour MaPrimeRénov’ et 669 millions d’euros pour l’Agence nationale de l’habitat (Anah), soit un total de 916 millions d’euros.

Les modalités de prolongation de l’amortisseur électricité ne sont pas non plus très claires. Le ministère m’a indiqué qu’il était prévu de maintenir ce dispositif pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) non éligibles au tarif réglementé de vente et qui resteraient engagées dans des contrats d’approvisionnement aux tarifs exorbitants. Selon les calculs des experts, la mesure pourrait coûter 770 millions d’euros en 2024. Pour le moment, elle n’est toutefois pas intégrée au PLF et aucune mesure semblable n’est envisagée pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui sont pourtant stratégiques pour nos ambitions industrielles.

Enfin, le projet de budget n’évoque pas le financement des futures installations nucléaires. Même si les modalités qui seront retenues dépendront de l’issue de la réforme du marché européen de l’électricité, il s’agit d’une question cruciale pour la préservation de notre indépendance énergétique. Compte tenu des sommes en jeu et de son niveau d’endettement, il paraît difficilement envisageable qu’EDF assume seule ces investissements. Le Gouvernement nous a finalement rejoints sur l’importance stratégique de relancer notre parc nucléaire mais, plus d’un an et demi après le discours de Belfort du Président de la République, nous ne savons toujours pas comment il compte réaliser son programme.

Pour toutes ces raisons, je ne peux me satisfaire du projet de budget qui nous est présenté pour financer la politique énergétique de notre pays. J’émettrai donc un avis négatif.

J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis à l’impact, en 2024, des prix du gaz et de l’électricité sur le pouvoir d’achat des ménages français et la compétitivité de nos entreprises.

Nous sortons d’une crise de l’énergie d’une violence inédite. Les prix de gros du gaz ont atteint 275 euros le mégawattheure en août 2022, alors qu’ils variaient entre 10 et 40 euros depuis dix ans. Ceux de l’électricité ont oscillé entre 500 et 600 euros le mégawattheure pendant la majeure partie du second semestre 2022, alors que la fourchette était comprise entre 40 et 60 euros ces dernières années.

Les modérateurs ordinaires que sont les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe) ou l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) ont permis de contenir les augmentations pour les consommateurs français. Toutefois, face à une telle flambée des prix, ils n’ont pas été suffisants. En outre, nous avons tous constaté les répercussions désastreuses pour EDF d’un relèvement de l’enveloppe de l’Arenh en période de sous-production de ses installations : s’il a permis d’alléger les factures des ménages et entreprises françaises de 7,8 milliards d’euros en 2022, il a fortement pesé sur les comptes de l’énergéticien. Or celui-ci va devoir réaliser d’énormes investissements.

Il faut reconnaître que, face aux ravages engendrés par cette crise et à la fragilisation rapide de nos concitoyens et de nos entreprises, l’État a réagi massivement. Les efforts, au départ ciblés sur les ménages et les petites entreprises, ont ensuite été élargis aux autres entreprises à partir de l’été 2022. Je ne rappellerai pas l’ensemble des mesures prises entre octobre 2021 et janvier 2023, parmi lesquelles les boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité, l’amortisseur électricité ou la minoration de l’accise sur l’électricité. D’après les calculs communiqués par le ministère de la transition énergétique, les dépenses supportées par le seul programme 345 s’élèveraient à près de 34 milliards d’euros entre 2021 et 2023. Quant aux pertes de recettes découlant de la minoration de l’accise sur l’électricité, qui bénéficie à tous les consommateurs depuis février 2022, elles pourraient s’élever à 18 milliards d’euros pour 2022 et 2023.

Ces aides n’ont pas neutralisé les hausses de prix, mais ont permis de contenir les surcoûts. Les boucliers tarifaires par exemple ont allégé les factures des abonnés électriques d’environ 40 %, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Sans eux, les hausses de 15 % en février et 10 % en août 2023 auraient respectivement atteint 99 % et près de 75 %.

Quand j’ai débuté mes travaux de rapporteur pour avis, il n’était pas question de prolonger ces dispositifs en 2024. Le ministre en charge de l’économie l’affirmait encore courant septembre. Mais si les prix libres du gaz sont inférieurs au plafond garanti par les tarifs réglementés de vente depuis mars et devraient le rester en 2024, ce qui rend inutile un bouclier tarifaire, la situation reste difficile pour les consommateurs d’électricité, malgré une amélioration. Les prévisions pour 2024 restent autour de 130 à 140 euros le mégawattheure, ce qui est certes mieux que les 250 euros du début de l’année, mais deux à trois fois supérieur aux niveaux d’avant la crise.

Certaines TPE, PME et ETI non éligibles au TRVe sont dans une situation critique. Contraintes de négocier ou renégocier leurs contrats d’approvisionnement lorsque les prix étaient au plus haut, elles ont accepté de s’engager pour deux ou trois ans afin de bénéficier de certains allègements. Elles se retrouvent donc piégées et devront supporter encore des tarifs exorbitants en 2024. Dans ce contexte, des mesures de soutien apparaissent donc toujours nécessaires, voire vitales, pour des entreprises ébranlées par la crise à la fois dans leur équilibre financier et dans leur compétitivité à l’égard de concurrents étrangers épargnés par cet emballement des prix.

Finalement, le PLF prévoit la poursuite de certaines mesures de protection, comme la minoration de l’accise sur l’électricité et le bouclier tarifaire pour l’électricité. Le ministère m’a également indiqué envisager le maintien de l’amortisseur électricité en 2024 pour les entreprises encore engagées dans des contrats très onéreux souscrits en 2022. Je le salue, même si je déplore que le nouveau dispositif d’amortisseur ne soit pas encore confirmé ni défini clairement et que rien ne semble envisagé pour accompagner les ETI qui seraient, elles aussi, liées par des contrats beaucoup trop chers.

Au-delà de ces préoccupations immédiates, il est indispensable de préparer la suite, en travaillant à renforcer les garde-fous durables, tels que le TRVe, et à faire évoluer l’Arenh. Pour le TRVe, je recommande de supprimer le seuil de 36 kilovoltampères (kVa) de puissance contractée permettant d’en bénéficier, comme le proposait notre collègue Philippe Brun dans sa proposition de loi visant à la nationalisation du groupe Électricité de France. Cette limite ne figure que dans la loi française. Quant à l’Arenh, en dépit de son indéniable efficacité pour protéger les consommateurs français des hausses de prix et de la variabilité des marchés, ses défauts sont devenus trop lourds à supporter pour EDF. Le dispositif arrivant à échéance en décembre 2025, nous devons trouver un nouveau système de régulation des prix de vente de l’électricité nucléaire historique, dont le parc de production est largement amorti. Plusieurs pistes sont à l’étude, parmi lesquelles les contrats à prix garantis par l’État, dit « contrats pour la différence », le plafonnement des prix de vente sur le marché de gros ou les contrats à long terme négociés dans un cadre bilatéral par les plus grandes entreprises. Les modalités de cette nouvelle régulation dépendront fortement de la réforme du marché européen de l’électricité qui est en cours de négociation, mais la question du juste niveau de prix garanti ou plafonné reste entière.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Antoine Armand (RE). Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez reconnu que l’État avait réagi massivement pour amortir la hausse des prix de l’électricité. Je salue à la fois ce propos, qui rend hommage à l’effort budgétaire inédit qui a été consenti l’année dernière, et la qualité de votre travail, dans lequel nombre d’entre nous se retrouveront. Comme le montrent les chiffres que vous avez cités, les mesures mises en œuvre ont permis de contenir à 15 % une augmentation, qui, sinon, aurait pratiquement atteint 100 %. Il est important d’avoir en tête cet ordre de grandeur.

Le programme 174 est celui de la transition écologique et solidaire, puisqu’il vise à décarboner notre économie en aidant les ménages les plus modestes en vue de rénover les bâtiments, changer les installations de chauffage ou renouveler le parc automobile.

S’agissant des prix de l’électricité, je partage l’essentiel de vos propos. Je souligne que nous ne réussirons à conserver des prix durablement bas qu’en combinant une hausse de la production, ce qui passe par une accélération des énergies renouvelables, et un nouveau cadre tarifaire, qui nécessite une réforme profonde du marché européen de l’électricité. Un accord a été trouvé. Il reviendra aux parlementaires de le transposer de manière efficace, pour résoudre le dilemme que vous avez évoqué : EDF doit à la fois disposer de moyens suffisants pour investir dans les énergies renouvelables et le nucléaire de demain et vendre son électricité à un prix soutenable pour nos industries, y compris pour nos nombreuses énergo-intensives.

Comme député d’un département alpin, je ne peux pas m’empêcher d’évoquer également la question du cadre régulatoire et statutaire des concessions hydroélectriques, qui sont un atout pour la souveraineté de notre pays.

Enfin, je salue l’augmentation des crédits alloués à MaPrimeRénov’ et l’évolution du bonus écologique automobile, qui permettra de différencier production européenne et extra-européenne et contribuera ainsi à la défense de notre souveraineté nationale.

Pour ces raisons, le groupe Renaissance est favorable à la fois au programme 174 et à la mission Écologie, développement et mobilité durables.

M. Alexandre Loubet (RN). Le projet de budget pour 2024 révèle l’absence de politique énergétique du Gouvernement, malgré les risques de pénurie d’électricité et la flambée des factures énergétiques que subissent les ménages et les entreprises. Partant de ce constat, il n’est pas étonnant qu’il préfère éviter le débat par un 49.3.

Ce budget est profondément technocratique. Le Gouvernement finance une multitude d’agences bureaucratiques et saupoudre des aides ponctuelles et complexes, notamment par le biais du Fonds vert, sans vision d’ensemble. Le problème est bien là : ce budget n’a aucune ambition nationale.

Alors que la France a risqué des pénuries énergétiques durant l’hiver dernier, le Gouvernement n’agit pas pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique du pays. Comme le rapporteur pour avis l’a souligné, il n’y a rien dans ce budget pour la relance du nucléaire, pourtant prioritaire. Quelques dizaines de millions d’euros sont certes alloués aux réacteurs de petite taille, mais il faut surtout accélérer le lancement du plan de construction de nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR) pour qu’ils soient opérationnels le plus rapidement possible. De même, le Gouvernement refuse toujours d’étudier la possibilité d’exploiter, en utilisant des méthodes écologiques, certaines ressources nationales comme le gaz contenu dans les sols.

Ce budget témoigne de l’idéologie européiste qui anime ce Gouvernement et de sa soumission à la Commission européenne. Comme j’avais eu l’occasion de le dire en défendant ma proposition de loi visant à faire baisser la facture énergétique des Français et des entreprises sur le territoire, les aides aux ménages constituent près d’un tiers du budget du service public de l’énergie. Elles sont nécessaires, mais coûtent cher aux contribuables et pourraient être évitées si nous nous libérions des règles absurdes du marché européen de l’électricité.

Malheureusement, la réforme du marché européen de l’électricité que Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher revendique comme une victoire est en réalité une véritable défaite. Elle ne changera rien aux factures énergétiques des ménages et des entreprises. La compétitivité du parc nucléaire existant ne profitera qu’à certains grands groupes et aux énergéticiens. Le prix de l’électricité en France, qui est pourtant parmi les moins chers d’Europe, restera indexé sur les prix européens du gaz.

Le Gouvernement ne tiendra évidemment pas compte de nos propositions. Il utilisera le 49.3 et rejettera nos amendements, qui visent pourtant à défendre la France et les Français. Je ne doute pas que ces derniers le sanctionneront lors des prochaines élections européennes.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez eu le mérite d’avoir examiné le budget d’une politique énergétique qui est un véritable canard sans tête.

Le Gouvernement prétend accélérer le déploiement des énergies renouvelables, mais la Cour des comptes pointe une planification inopérante. Il se félicite d’une réforme du marché européen de l’électricité qui ne changera rien, mais qui entérine la fin des tarifs réglementés pour les ménages. Il nous soumet des crédits énergétiques sans que nous ayons la moindre perspective, puisqu’il ne nous a toujours pas communiqué, alors qu’il y était théoriquement contraint, la loi de programmation de l’énergie, par crainte d’être minoritaire.

Il y a un an, c’est dans le cadre de l’examen de cette mission que nous avions fait voter les 12 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour la rénovation thermique que le Gouvernement a balayés par un 49.3 climaticide. Nous avons donc perdu un an – un an de plus ! Cette année, nous devrons nous contenter d’une hausse qui, pour être réelle, n’en demeure pas moins insuffisante par rapport aux besoins.

Au demeurant, nous ne trouvons pas plus que le rapporteur pour avis la totalité du 1,6 milliard d’euros supplémentaire dont se vante le ministre Christophe Béchu. Ce débat permettra peut-être de nous éclairer. Sinon, nous devrons nous contenter du 49.3 !

La politique écologique et énergétique du Gouvernement se résume à : trop peu, trop tard, trop lentement. Elle brille par sa constance autant que par son insuffisance. Nous sommes nombreux, par-delà nos différences, à le constater et à le regretter.

S’agissant de la rénovation énergétique, il faudrait rénover environ 300 000 logements classés F ou G par an pour faire disparaître les 7,2 millions de passoires thermiques qui existent dans notre pays. L’an dernier, MaPrimeRénov’ n’en a fait sortir de cette catégorie que 2 500. À ce rythme, il nous faudra 2 500 ans pour atteindre notre objectif ! Nous sommes très loin du compte et les efforts prévus pour 2024 ne suffiront pas à rattraper le retard.

Pourtant, l’argent existe. La baisse du coût du bouclier tarifaire permettra de dégager 6,8 milliards d’euros, qui auraient dû être redéployés pour accélérer la rénovation énergétique des logements, modérer les factures de chauffage de nos concitoyens et arrêter l’explosion de la dette écologique. Ne pas faire cet investissement s’apparente à une quadruple peine : nous aggravons notre retard vis-à-vis de nos objectifs écologiques et climatiques, nous ratons une occasion de créer massivement des emplois non délocalisables, nous soumettons les Français à une forme de matraquage tarifaire et enfin nous gérons mal les fonds publics, puisque l’absence de travaux d’isolation nécessitera des mesures de soutien.

M. Vincent Rolland (LR). L’évolution du prix de l’énergie inquiète autant nos concitoyens que nos entreprises. La France bénéficie d’un avantage considérable en la matière, avec son mix électrique reposant notamment sur le nucléaire et l’hydroélectricité. S’agissant de cette dernière, nous devrons avoir un jour des réponses précises concernant l’avenir des concessions.

Nous n’avons jamais changé de cap depuis la crise : il faut faire baisser les factures en amont, en rapprochant au maximum le prix de l’électricité des coûts de production du parc nucléaire historique. Un accord européen semble avoir été trouvé, mais nous n’en connaissons pas les détails et encore moins les modalités d’application pour nos industriels. Nous pensons particulièrement aux secteurs électro-intensifs, où l’électricité peut représenter jusqu’à 40 % des coûts de production. Beaucoup d’entre eux appartenant à des filières stratégiques pour notre pays, nous souhaitons, comme le rapporteur pour avis, que les conditions qui leur seront proposées par EDF soient rapidement clarifiées. Nous partageons aussi son inquiétude quant au devenir de l’amortisseur électricité pour les TPE, PME et ETI non éligibles au TRVe.

S’agissant des ménages les plus modestes, notre groupe partage l’étonnement du rapporteur pour avis quant à l’absence de revalorisation des chèques énergie, alors que le tarif réglementé de vente de l’électricité a augmenté de plus de 26 %. Nous considérons également qu’il est nécessaire de supprimer le seuil de 36 kVa qui a posé tant de problèmes à nos boulangers ou nos hôteliers-restaurateurs, pour ne citer qu’eux.

L’absence de bouclier tarifaire pour le gaz nous surprend, car le contexte international inquiète fort légitimement les marchés.

Enfin, pour ce qui est des énergies renouvelables, je regrette que la filière de l’huile végétale hydrotraitée ne soit pas soutenue. Elle pourrait être un vecteur de décarbonation de certaines économies, comme celle des zones de montagne. Les professionnels se sont déjà emparés du sujet. Il est regrettable que des amendements abordant cette question ne soient pas adoptés.

Nous suivrons la position du rapporteur pour avis.

Mme Louise Morel (Dem). La production énergétique est au cœur des défis que nous devons relever pour mener à bien la transition écologique. Dans les années 1970, le plan Messmer nous avait ouvert l’accès à une énergie abondante et peu chère. À notre tour, nous devons trouver des solutions pour les cinquante prochaines années. Plusieurs spécialistes estiment que la clef réside dans la diversification. Cette mission répond à ce besoin en mettant l’accent sur les énergies décarbonées, avec 4,2 milliards d’euros pour les énergies renouvelables, 800 millions d’euros pour le fonds Chaleur et 1,5 milliard d’euros pour le nucléaire. Il y a donc un alignement entre les objectifs et les moyens.

Je me joins toutefois aux interrogations sur le financement du nucléaire. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, les fameux « contrats pour la différence », ces contrats à prix garantis par l’État qui auraient vocation à financer le nouveau nucléaire français. Vous vous interrogez dans votre rapport sur le bon niveau de prix qui devrait être fixé, mais sans apporter de réponse.

Trois remarques à ce sujet. D’abord, nous sommes face à une contradiction : EDF nous demande de relever ses tarifs pour financer le nouveau nucléaire, mais nous avons besoin de prix de l’électricité accessibles pour les consommateurs.

Ensuite, la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, qui a rapporté 5 milliards d’euros entre 2022 et 2023, devrait être reconduite en 2024. Elle permettra, par le biais du bouclier tarifaire, de compenser une partie des prix encore élevés.

Enfin, l’accord trouvé avec nos voisins européens la semaine dernière constitue une belle victoire de la France pour financer le renouveau de son parc nucléaire. Toutefois, la question du prix demeure : quel est le niveau qui permet la réalisation des investissements nécessaires tout en restant juste pour le consommateur ? Quelles sont vos réflexions à ce sujet ?

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je comprends vos interrogations, mais je ne suis pas compétent pour calculer le juste prix du mégawattheure compte tenu du coût d’amortissement de notre parc nucléaire. Il y a des personnes beaucoup plus expertes que moi.

Pour le moment, les contrats pour la différence ne sont qu’une piste. On nous dit qu’un accord a été trouvé entre la France et l’Allemagne, mais le Parlement européen devra également se prononcer. La fixation d’un prix n’interviendra donc que dans un deuxième temps. Un prix de 60 euros le mégawatt a été évoqué, mais celui-ci ne concerne que le fonctionnement du parc existant et les travaux à réaliser dans les centrales actuelles. Il n’intègre pas les nouveaux programmes nucléaires, qui sont indispensables.

Comme je l’ai souligné dans mon rapport, tout cela reste assez flou. Si nous voulons accélérer en matière d’énergie nucléaire, un important travail devra être effectué, et rapidement.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Dans le contexte que nous connaissons depuis deux ans, cet avis budgétaire est presque le plus important du projet de loi de finances. Malheureusement, le débat est plutôt frustrant car les règles qui régiront les prix et les tarifs, les modes de gestion, les investissements futurs et l’évolution de l’Arenh font l’objet de négociations à Bruxelles, entre États : la représentation nationale n’y voit pas très clair. Peut‑être, monsieur le président, pourrions-nous convier Mme la ministre Agnès Pannier-Runacher pour nous éclairer sur l’avancement des discussions qui viendront structurer le marché européen de l’énergie dans les prochaines années et sur la future loi de programmation sur l’énergie et le climat ?

Depuis la création de MaPrimeRénov’, mon groupe propose de la conditionner, en imposant un gain énergétique minimal de 30 % ou de deux classes énergétiques. Cela permettrait de réduire le recours au monogeste, qui est peu performant et ne permet pas de résorber les passoires thermiques.

Malgré l’augmentation des crédits cette année, nous regrettons que le dispositif subventionne moins les poêles à bois et à granulés de chauffage. En milieu rural et en montagne, le passage du fioul au bois permet en effet à la fois de faire des économies et, dans le cadre d’une rénovation à gestes multiples, d’engager la transition énergétique.

Nous nous réjouissons de l’apparition, à l’article 50 du PLF, du pilier « performance » de MaPrimeRénov’. Toutefois, pour massifier les rénovations globales, nous devrons réduire le reste à charge. Or le niveau de cofinancement qui est proposé actuellement n’est pas suffisant. Le bilan de l’Anah montre que seuls les ménages aisés réalisent, parmi les trois principaux gestes financés, les travaux les plus performants mais aussi les plus coûteux. Nous proposerons donc un amendement qui permettra de financer 125 000 rénovations globales avec un taux moyen de prise en charge de 50 %.

Je souhaite aussi vous alerter sur l’insuffisance des moyens alloués au chèque énergie. Non seulement le nombre de bénéficiaires demeure trop faible, mais l’évolution de son montant ne permet aucunement de faire face à l’évolution des prix. Nous proposerons donc une revalorisation de l’enveloppe prévue pour 2024.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous appelez, dans la partie thématique de votre rapport, à maintenir les aides d’urgence et à supprimer le seuil des 36 kilovoltampères. Un texte est en cours de navette à ce sujet. J’espère que votre groupe le soutiendra.

M. le président Guillaume Kasbarian. Votre suggestion d’auditionner la ministre me paraît tout à fait pertinente. Nous avons de nombreux sujets énergétiques à aborder avec elle, nous pourrions le faire en novembre.

M. Thierry Benoit (HOR). Au sein de cette mission, je me suis intéressé à tous les organismes que les gouvernements successifs ont créés depuis quelques années. Historiquement, nous avions l’Agence de la transition écologique (Ademe). Sont apparus ensuite la direction générale de l’énergie et du climat, le Haut Conseil pour le climat et le dernier né, le fameux Secrétariat général à la planification écologique. Monsieur Antoine Pellion, qui y a été nommé, a eu besoin de s’entourer de compétences et a fait appel à Mme Barbara Pompili, ancienne députée et ancienne ministre.

Cet enchevêtrement d’organismes multiplie les complexités et les financements. À une époque où l’État manque d’argent pour l’hôpital, pour les personnes âgées ou handicapées, pour l’école, pour la justice, est-ce raisonnable ? Plus on avance, plus le nouveau monde se coule dans le moule de l’ancien. Toutes ces structures sont-elles vraiment au service des causes qui leur sont confiées, ou servent-elles à recycler des personnalités politiques désireuses de se mettre à l’abri ?

Dans le domaine de l’énergie, nous disposons depuis longtemps des plateformes territoriales de rénovation énergétique. Nous cherchons à améliorer l’efficacité du service public de l’énergie, mais MaPrimeRénov’ est d’une complexité extrême. Nos permanences parlementaires se sont transformées en agences d’aide pour mener une rénovation énergétique !

Quel est votre point de vue concernant cette nécessaire simplification et le nombre de structures qui abritent – j’utilise ce mot à dessein – des personnes qui nous coûtent probablement très cher et qui rendent peu de comptes à la représentation nationale ?

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre point de vue. Nous devons prendre garde à la multiplication de ces agences d’État, qui absorbent beaucoup de crédits et de postes budgétaires. Vous trouverez en page 9 de mon rapport le coût des instances externes. Le budget de fonctionnement du Conseil supérieur de l’énergie est de 250 000 euros, celui du Haut Conseil pour le climat de 540 000 euros, et il y a encore le Secrétariat général à la planification écologique, sans même parler de l’Ademe… Au final, l’addition devient très significative. J’ai donc suggéré de rationaliser le tout et de rassembler les expertises. Des regroupements nous permettraient de faire des économies, probablement sans nuire à la qualité des avis rendus. Nous devons œuvrer en ce sens.

M. le président Guillaume Kasbarian. À titre personnel, je rejoins à la fois ce constat et cette demande, qui dépasse d’ailleurs la question énergétique. Nous avions commencé cet exercice de rationalisation en 2020 avec la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dont toute la première partie permettait de dissoudre ou fusionner des comités, hauts conseils, conseils supérieurs, hautes autorités et autres. Malheureusement, c’est un peu comme le tonneau des Danaïdes : quand vous videz d’un côté, cela se remplit de l’autre !

Pour les ministères qui relèvent de notre commission, nous pourrions demander aux ministres d’effectuer une revue de ces structures. Connaissant leur nombre, nous pourrions réfléchir à des mécanismes d’optimisation et de rationalisation. Je m’engage à évoquer le sujet avec les ministres concernés.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Accélérer la transition écologique et sociale apparaît plus urgent que jamais. La crise que nous avons vécue l’hiver dernier, avec l’augmentation des factures énergétiques, la crainte d’une panne du parc nucléaire ou les risques d’une rupture d’approvisionnement en raison du conflit en Ukraine, en témoigne. Les budgets que nous examinons aujourd’hui devraient avoir comme seul objectif la transformation de nos modes de vie et de la production d’énergie, afin de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, de baisser nos émissions de CO2, de protéger les Français face à la fluctuation des prix et d’améliorer la qualité de vie.

Nous avons besoin d’une loi de programmation énergie climat qui nous assure un cadre stable, une orientation claire et une politique assumée. Nous devons investir dans une diversification et un verdissement de nos modes de production, mais nous devons surtout changer de paradigme et faire de la réduction de la consommation d’énergie le nouveau pivot de la politique publique française.

Monsieur le rapporteur pour avis, nous ne partageons pas l’ensemble de vos recommandations, mais votre rapport a le mérite de mettre en évidence les faiblesses de ce budget, les contradictions du Gouvernement et le décalage qui existe entre ses promesses et ses actes.

La rénovation énergétique devrait être l’une des priorités nationales, à la fois pour relever le défi climatique et pour lutter contre la précarité énergétique, puisque le bâtiment est le quatrième secteur le plus émetteur de CO2 et coûte aux Français en moyenne 1 600 euros par an en énergie. Malheureusement, nous constatons un fossé abyssal entre les crédits prévus dans ce budget et les grandes annonces du Gouvernement. Seulement 916,3 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à MaPrimeRénov’, ce qui est loin du montant de 1,6 milliard d’euros promis par la Première ministre. C’est très insuffisant pour passer des 66 000 rénovations globales recensées l’année dernière aux 370 000 par an prévues jusqu’en 2030, comme notre collègue Marjolaine Meynier-Millefert et moi-même l’avons relevé dans notre rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Cet objectif ne sera pas atteint sans une massification des aides. Pour le moment, le compte n’y est pas.

Le groupe Écologiste a déposé différents amendements tendant à mettre en cohérence le budget avec les annonces qui ont été faites en matière de rénovation énergétique. Nous ne pouvons pas imaginer que le Gouvernement ait menti à propos d’enjeux aussi cruciaux. Je compte donc sur des votes positifs pour lui permettre de tenir sa parole.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Les libéraux se sont vraiment jetés sur la révision générale des politiques publiques comme la vérole sur le bas clergé. Leur réaction, face à la crise de l’énergie, consiste à installer de nouvelles instances leur permettant de récupérer des postes ! Or, pour assurer une vraie bifurcation écologique, réussir la rénovation thermique des logements, développer les transports publics ou le fret ferroviaire, nous devons nous doter d’outils et de politiques publiques efficaces.

La ministre se félicite de l’accord conclu à l’échelle européenne, qui serait inédit et historique. Son audition sera nécessaire, d’autant plus que le 49.3 va nous priver de tout débat en séance. Pour le moment, ce qui a été obtenu reste flou. J’ai le sentiment que rien ne nous permettra de préserver durablement la facture électrique des usagers et le financement de notre mix énergétique. Cette réforme va surtout ajouter du marché au marché ! En complément des prix spot ou à terme, de nouveaux dispositifs seront mis en place, comme les contrats de vente directe d’électricité, les contrats pour la différence et peut-être un prix plafond pour chapeauter le tout… Bref, nous allons créer une usine à gaz qui ne nous dit pas comment nous allons sortir de l’Arenh, ce qui est pourtant nécessaire.

Cet accord dont tout le monde se réjouit donnerait la possibilité, en cas de crise, de revenir aux tarifs réglementés de l’énergie au bout de six mois, si les prix ont atteint un niveau 2,5 fois supérieur à celui constaté au cours des cinq dernières années. Qu’attendons-nous pour que le Parlement vote le retour aux tarifs réglementés, qui constituent le seul bouclier tarifaire qui vaille pour protéger les habitants et l’économie réelle de l’explosion des coûts de l’énergie ? J’aimerais que nous évoquions ce sujet au moment de l’examen du budget. Tout le reste ne sert qu’à amuser la galerie.

M. David Taupiac (LIOT). Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie disait hier que la transition vers l’énergie propre était en cours dans le monde entier et que rien ne pourrait l’arrêter. La question n’est plus de savoir si elle se fera, mais dans quels délais. Le même constat peut être fait à l’échelle nationale : le défi n’est plus de convaincre de la nécessité de changer de modèle énergétique, mais d’accélérer nos efforts pour décarboner le plus rapidement possible notre économie.

Les crédits relatifs à l’énergie ne permettront malheureusement pas d’engager l’accélération nécessaire. En matière de rénovation énergétique, nous sommes loin de l’objectif de 700 000 rénovations complètes par an fixé par la stratégie nationale bas-carbone à l’horizon 2030. En 2022, elles n’ont été que 65 939, selon les chiffres de l’Anah. Le Gouvernement a annoncé que MaPrimeRénov’ bénéficierait de 1,6 milliard d’euros en autorisations d’engagement supplémentaires en 2024 : ce n’était déjà pas suffisant pour opérer un changement d’échelle, et il y manque 700 millions d’euros.

Les nouvelles modalités d’octroi de MaPrimeRénov’ vont en revanche dans le bon sens, pour plus de rénovations d’ampleur et moins de monogestes. Toutefois, la question du reste à charge demeure. Un foyer au revenu de 25 000 euros ne s’engagera pas dans des travaux massifs qui lui coûteront 10 000 euros, même avec un prêt à taux zéro, d’autant qu’en cette période d’inflation, la capacité d’endettement des ménages est particulièrement réduite. Quant aux foyers de la classe moyenne, on attend d’eux qu’ils avancent des montants parfois équivalents à leurs revenus annuels, ce qui semble peu réaliste.

La faculté donnée à l’Anah de valoriser elle-même les aides relevant des certificats d’économie d’énergie (CEE), sans démarche de la part des ménages, est un premier pas vers la simplification du parcours de financement. Mon groupe propose toutefois de franchir une étape supplémentaire en créant une banque de la rénovation qui centraliserait l’ensemble des dispositifs.

Concernant l’électrification du parc de véhicules, le bonus écologique et la prime à la conversion évoluent positivement. Nous devons cependant être réalistes : les véhicules électriques restent trop chers pour une grande partie des ménages. Le leasing social est évoqué pour les plus modestes, mais avec un public cible trop restreint. Nous souhaiterions en outre connaître le coût total du dispositif pour les finances publiques.

En dépit de quelques avancées en matière de rénovation énergétique et de mobilité, les crédits de cette mission nous laissent dubitatifs, si ce n’est critiques.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Monsieur le rapporteur pour avis, vous déplorez à juste titre la réduction des dotations consacrées aux mesures de protection des consommateurs en matière de factures énergétiques. Il aurait été préférable de conserver ces dispositifs, afin de pouvoir les réactiver rapidement en cas d’emballement des prix.

Quant aux aides destinées aux entreprises, elles laissent beaucoup d’entre elles dans l’incertitude. Le fameux seuil des 36 kVa qui conditionne l’accès aux tarifs réglementés de vente discrimine certaines TPE, ainsi que de petites collectivités. Dans quel délai pouvons-nous espérer sa suppression ? Il y a urgence. Il y va de la survie de nombreux boulangers, restaurateurs, hôteliers, tous ces commerçants et petits artisans qui ont vu leur facture multipliée par trois, voire davantage.

M. André Villiers (HOR). Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, les prix qu’ont atteint le gaz et l’électricité : 275 et 500 euros, ce sont des niveaux explosifs.

La distribution monopolistique des énergies gazière et électrique a longtemps relevé de tarifs réglementés. C’est notre histoire nationale. L’ouverture à la concurrence, y compris du marché des particuliers, génère une inquiétude légitime dans le pays, malgré le dispositif de bouclier tarifaire. Une augmentation des tarifs de l’électricité de 10 à 20 % au début de 2024 a été annoncée par la CRE, démentie par le ministre des finances. Qu’en est-il ?

Réseau de transport d’électricité a tracé le chemin, en privilégiant un mix énergétique composé du nucléaire et des énergies renouvelables. L’Assemblée nationale a adopté un texte relatif à l’accélération de la production de ces dernières. Où en sommes-nous de nos objectifs ?

M. Julien Dive (LR). Dans ce budget, nous regrettons le manque de mesures destinées à soutenir le développement des énergies biosourcées. Au nom de la décarbonation de l’agriculture, le Gouvernement a souhaité augmenter la fiscalité sur le gazole non routier, mais aucun moyen n’est alloué à l’accompagnement de la conversion. Que pouvez-vous nous dire des efforts faits en faveur du développement des carburants biosourcés pour les particuliers, comme l’éthanol et le diester ?

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai une question qui ne relève pas de la commission, mais, puisque le 49.3 nous prive de tout débat, vous pourrez certainement m’apporter une réponse. La décision a été prise d’exonérer du paiement de la taxe foncière les bailleurs sociaux qui investissent dans la rénovation thermique. Je ne critique pas cette mesure, qui encourage la transition écologique. Malheureusement, selon Villes de France, qui rassemble des villes moyennes, le Gouvernement n’a accordé aucune compensation aux communes, qui se retrouvent donc privées de ces recettes pendant vingt-cinq ans. Vous pourrez vérifier mes propos. Ces méthodes sont l’illustration parfaite de nos dysfonctionnements.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Optimisation ou rationalisation sont des mots qui sonnent bien dans un projet libéral. Ils sont utilisés dans de nombreux domaines, y compris pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et réduire notre consommation. En revanche, les appliquer à des organismes qui n’ont pas assez de moyens pour gérer les missions qui leur sont confiées me paraît hasardeux. Est-il judicieux d’évoquer la suppression du Haut Conseil pour le climat dans la période actuelle, alors que nous n’avons pas de loi de programmation énergie-climat et que le réchauffement climatique est la troisième préoccupation des Français ? Quant à l’Ademe, elle a certes connu une crise de gouvernance, mais qui est liée à la procédure de nomination de son président. Le travail engagé par ces différentes agences est fondamental. En outre, leurs moyens sont stables, alors que les enjeux à venir ne feront qu’accroître leur charge de travail.

M. le président Guillaume Kasbarian. La question de l’optimisation des moyens n’est pas le monopole des libéraux, à moins de penser que les communistes ou les socialistes ne sont pas attachés au bon usage de l’argent public. Vérifier l’utilisation qui est faite des fonds publics, notamment en nous assurant que les structures qui sont créées par les différents ministères fonctionnent correctement et ne sont pas redondantes, me semble faire partie de nos missions. Nous devrions être capables de trouver un terrain d’entente à ce sujet, qui n’a rien d’idéologique.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Quand nous avons commencé les discussions avec le Gouvernement, fin août, tous les dispositifs protecteurs devaient avoir disparu en 2024. Les prix de l’électricité devant rester élevés toute l’année, nous pouvons nous réjouir que le bouclier ait finalement été maintenu.

Même si elle n’est pas encore inscrite dans le budget, nous avons également obtenu l’avancée concernant l’amortisseur pour les PME ayant conclu leur contrat d’électricité à des prix très élevés. C’est une mesure de protection indispensable, qu’il faudra peut-être prolonger pour 2025, car certaines entreprises se sont engagées sur trois ans. Nous restons vigilants sur ce dispositif.

Concernant le seuil des 36 kVa, nous avons été nombreux à demander sa suppression. Quand les boulangers nous ont alertés, nous avons constaté que cette limite était une spécificité française, apparemment héritée des tarifs « jaune » et « bleu ». Nous devons revoir le système pour prendre en compte la nature du client au lieu de la puissance souscrite. Certaines toutes petites entreprises peuvent en effet avoir des besoins importants, notamment lorsqu’elles utilisent des fours. Nous avons interpellé le ministère et la CRE : celle-ci a besoin de six mois de travail pour réajuster le dispositif. Tant que nous n’aurons pas obtenu de garanties, nous devrons continuer à faire pression.

Pour ce qui est de l’évolution des prix, j’ai effectivement entendu la CRE annoncer une hausse de 10 à 20 % en 2024. Toutefois, la tendance actuelle sur les marchés est plutôt à la baisse. Le Gouvernement table sur une augmentation maximale de 5 %, ce qui est une bonne nouvelle pour les usagers.

Je partage l’avis de notre collègue Julien Dive à propos des carburants biosourcés. Certaines expérimentations donnent des résultats très satisfaisants. En Normandie par exemple, le train Paris-Granville roule au colza, dont le processus de fabrication donne aussi des tourteaux qui sont indispensables pour nos éleveurs. Nous devons encourager ces initiatives. Le Gouvernement pourrait également se mobiliser davantage en faveur des biofiouls, qui sont composés de 30 % de végétaux, et demain le seront à 100 %. Or le fioul reste le mode de chauffage principal dans les territoires ruraux. Inciter à l’utilisation d’énergies biosourcées, notamment grâce à la fiscalité, serait une bonne chose et je regrette que l’approche du Gouvernement ne soit pas un peu plus innovante sur ce sujet.

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendements II-CE200 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, II-CE199 de M. Matthias Tavel et II-CE252 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). L’amendement II-CE200 vise à rétablir l’amendement voté en séance publique l’année dernière pour augmenter les crédits alloués à la rénovation énergétique de 12 milliards d’euros et que le Gouvernement avait balayé en utilisant le 49.3. Il s’agit donc de faire respecter la volonté de l’Assemblée nationale.

Une augmentation de 12 milliards d’euros peut sembler importante, mais elle est nécessaire pour répondre aux besoins climatiques et sociaux. Elle permettra en outre de créer de l’activité économique dans le secteur de la rénovation des logements. Il s’agit donc d’un investissement au service du dynamisme de notre pays.

Accessoirement, cette somme ne représente que la moitié des profits cumulés d’Engie et de TotalEnergies en une année. C’est donc un amendement parfaitement raisonnable que je vous invite à voter.

L’amendement II-CE199 est un amendement de repli à 2 milliards d’euros, ce qui est très peu en comparaison des besoins.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement II-CE252 se fonde sur des recommandations du rapport d’information sur la rénovation énergétique pour rendre le budget conforme aux annonces gouvernementales.

Il est important de ne pas augmenter de manière trop brutale les aides, pour éviter de créer des bulles spéculatives. La montée en charge doit, au contraire, être progressive, y compris pour permettre à la filière de s’adapter.

Conformément aux montants annoncés par le Gouvernement, nous proposons de porter le budget alloué à MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros dès 2024, soit une hausse de 1,6 milliard d’euros, comme promis, au lieu de 916,3 millions d’euros.

Comme nous l’avons souligné dans notre rapport, qui a été adopté par l’ensemble des membres de cette commission, un peu moins de 66 000 rénovations globales ont été réalisées en 2022, pour un objectif de 370 000 par an jusqu’en 2030. Pour être réaliste, le Gouvernement a ramené l’objectif à 200 000 pour 2024, ce qui ne sera possible que si l’on dégage les crédits correspondants.

Cet amendement, qui est également défendu par ma corapporteure du groupe Renaissance, devrait faire l’objet d’un consensus, puisqu’il consiste simplement à se donner les moyens d’avancer en matière de rénovation énergétique des logements, sujet crucial pour protéger les Français face à la hausse du prix de l’énergie.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je regrette comme vous que l’augmentation des crédits n’atteigne pas 1,6 milliard d’euros dans ce budget. Les montants que vous proposez sont toutefois très élevés, voire irréalistes. Vous savez bien que le Gouvernement ne lèvera pas le gage pour de telles sommes. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). La frilosité du rapporteur pour avis n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous sommes face à une urgence climatique, car les passoires thermiques génèrent des gaz à effet de serre, mais aussi face à une urgence sociale.

Notre collègue Thierry Benoit évoquait tout à l’heure ses permanences parlementaires : les miennes ne désemplissent pas ! Beaucoup de gens ne sont plus mesure de payer leur loyer, leur facture d’électricité, leur alimentation… Ils n’ont plus de cran pour se serrer davantage la ceinture ! Les communes, les centres communaux d’action sociale ont élaboré des dispositifs d’aide, mais ils ne suffisent pas. C’est la double peine : les plus pauvres sont aussi ceux qui habitent le plus fréquemment dans les passoires thermiques.

M. Antoine Armand (RE). Le combat pour la rénovation des logements n’est pas politicien et mérite d’être pris au sérieux. Je salue d’ailleurs le travail de nos collègues Laernoes et Meynier-Millefert.

Pour être efficace, il faut objectiver les choses. Or les chantiers doivent donner lieu à un accompagnement personnalisé, être réalisés par des artisans formés, répartis sur tout le territoire… Avancer des montants de 12 milliards d’euros est totalement irresponsable et n’a aucun sens. Puisque vous avez travaillé le fond du sujet, je suppose que vous ne le faites que pour vous faire mousser médiatiquement. Évidemment, nous voterons contre.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-CE251 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Les précédents amendements n’ont pas été mis aux voix de façon totalement correcte. J’estime que l’Assemblée n’a pas été assez éclairée. L’amendement que je présentais ne proposait pas une augmentation de 12 milliards d’euros, mais visait seulement à traduire dans le budget les annonces du Gouvernement, ce qui représente une hausse de 770 millions d’euros. Il s’agit d’un amendement de bon sens, déposé en accord avec le groupe Renaissance.

Je regrette que le rapporteur pour avis, qui pointait également ce décalage dans son rapport, ait donné un avis défavorable. Il aurait pu rendre un avis favorable, car cet amendement n’aurait pas déséquilibré le budget. Notre proposition n’entraînait pas de révolution, puisqu’elle restait conforme aux annonces du Gouvernement.

L’amendement II-CE251 concerne les aides octroyées dans le cadre du fonds Chaleur. L’année dernière, celles-ci ont été consommées en cinq mois. Or elles ont des effets immédiats sur la réduction de notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Nous proposons donc d’augmenter les crédits de 200 millions d’euros, pour atteindre un montant total de 1 milliard d’euros.

M. le président Guillaume Kasbarian. S’agissant de la procédure, j’ai appliqué les mêmes règles que d’habitude : un orateur pour l’amendement, un contre.

Par ailleurs, la présentation que vous venez de faire ne correspond pas à l’amendement II-CE251. Le rapporteur pour avis va donner sa position sur ce dernier, et vous pourrez reprendre la parole ensuite.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je ne fais pas preuve de frilosité, mais de lucidité. Les annonces de la Première ministre étaient de la communication. Nous ne devons pas tomber dans ce piège. Les autorisations d’engagement de MaPrimeRénov’ sont une chose, mais seulement la moitié des crédits inscrits l’année dernière ont été consommés ! On peut se faire plaisir en inscrivant dans le budget des sommes folles, mais cela reste de l’affichage, puisqu’elles ne sont pas utilisées. Comme cela a été souligné, les professionnels du bâtiment ne vont pas pouvoir suivre, parce qu’ils font face à des pénuries de main-d’œuvre et de matériaux.

L’amendement II-CE251 vise à financer une mission de préfiguration d’une banque de la rénovation énergétique. J’émets un avis défavorable, car le programme 174 permet déjà la prise en charge d’études en matière de politique de l’énergie.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Pardon pour la confusion entre les amendements. La rénovation des logements nécessite des subventions et des aides publiques, mais également des financements privés. Or nous avons constaté dans notre rapport que ces derniers étaient difficiles à obtenir, car les banques ne jouent pas le jeu. Cet amendement d’appel ne pèse pas sur le budget, mais permettrait de travailler à la création d’une banque de la rénovation. Puisque nous ne pouvons plus reculer devant la nécessité de réduire la consommation énergétique de nos logements, nous essayons de trouver des solutions.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques II-CE201 de M. Matthias Tavel et II-CE277 de Mme MarieNoëlle Battistel

M. William Martinet (LFI-NUPES). Le calendrier des obligations de performance énergétique à respecter pour mettre en location des logements est contesté au sein de la Macronie. À La France Insoumise, nous considérons que plutôt que de remettre en cause les échéances, nous devons nous donner les moyens de les respecter.

L’amendement II-CE201 vise à cibler les subventions et les aides sur les propriétaires bailleurs modestes afin qu’ils puissent réaliser les travaux nécessaires et continuer à louer leurs logements. Il répond ainsi à des objectifs écologiques et sociaux, mais aussi sanitaires. Car vivre dans une passoire thermique, où il fait trop froid l’hiver et trop chaud l’été, constitue un risque pour la santé. Des études montrent la surmortalité liée à ces conditions de vie.

Écologiques, sociales et sanitaires, les raisons d’accélérer la rénovation des logements sont suffisamment nombreuses pour lui octroyer des moyens importants.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il faut en effet accompagner l’interdiction de location des passoires thermiques en créant une aide spécifique pour les rénovations qui permettent d’atteindre un niveau bâtiment basse consommation (BBC) ou équivalent. Celle-ci serait ciblée sur les propriétaires bailleurs d’un logement de la classe F ou G, dont le niveau de revenu est compris entre les premier et quatrième déciles. Cette prime additionnelle, versée par l’Anah, permettrait de supprimer tout reste à charge.

La location des logements énergivores est déjà interdite pour la fraction des logements les plus consommateurs de la classe G, soit 191 000 logements. Les prochaines échéances sont fixées à 2025 pour le reste de la classe G, 2028 pour la classe F et 2034 pour la classe E.

Les propriétaires bailleurs privés, en particulier les plus modestes – qui possèdent 167 000 logements – ont besoin d’un soutien financier et d’un accompagnement accrus. Depuis la disparition du crédit d’impôt pour la transition énergétique, il est nécessaire de rendre plus attractives les différentes aides et primes versées par l’Anah.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. J’aurais pu soutenir ces amendements, parce que je considère que les propriétaires bailleurs sont souvent mal traités dans les dispositifs de l’Anah et les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah). Si j’avais pu les sous-amender, j’aurais ouvert cette aide à l’ensemble des propriétaires bailleurs. Ne pouvant pas le faire, je donne un avis défavorable. Les volumes de crédits envisagés sont de toute façon trop élevés pour espérer lever le gage.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous dites à la fois que les crédits sont trop élevés et que vous seriez favorable à un dispositif encore plus large. N’y a-t-il pas là une petite contradiction ?

Dans nos amendements, nous avons fait le choix de cibler la mesure de deux manières. Tout d’abord, elle ne s’appliquerait qu’aux passoires thermiques devenant des logements BBC. Les exigences en matière de performance énergétique sont donc très fortes. Par ailleurs, elle serait réservée aux propriétaires bailleurs les plus modestes – alors que nous sommes souvent accusés de ne pas être sensibles à leur sort.

Un dispositif qui s’adresserait à tous les propriétaires bailleurs pourrait s’accompagner d’effets d’aubaine et engagerait des dépenses déraisonnables. Je vous invite donc à émettre un avis de sagesse sur cet amendement très ciblé.

M. Antoine Armand (RE). Accuser notre majorité de remettre en cause l’interdiction des passoires thermiques alors que c’est précisément elle qui l’a voulue, c’est une certaine mauvaise foi.

En quatre ou cinq amendements, je constate que les amendements de la NUPES auraient déjà engagé une quinzaine de milliards d’euros de dépenses supplémentaires, qui se seraient immédiatement ajoutés à notre déficit alors que de très nombreuses aides existent déjà en matière de rénovation des logements. Lors de l’examen d’un PLF, il faut savoir garder une certaine responsabilité budgétaire.

La commission rejette les amendements.

 

Amendements II-CE276 de Mme Marie-Noëlle Battistel et II-CE202 de Mme Anne Stambach-Terrenoir (discussion commune)

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Mon amendement vise à faire financer par l’Anah 125 000 rénovations globales en 2024 avec un taux moyen de cofinancement de 50 %.

Depuis sa création, MaPrimeRénov’ n’est pas assez exigeante sur le plan des gains énergétiques. Elle favorise principalement les monogestes et incite les ménages modestes ou intermédiaires à choisir les gestes les moins coûteux, qui sont aussi les moins efficaces du point de vue de la performance thermique.

L’isolation n’a représenté que 21 % des travaux subventionnés, contre 20 % pour l’acquisition de poêles à granulés. Le changement de mode de chauffage représente au total 70 % des dossiers. Il contribue évidemment à réduire la consommation énergétique, mais il n’est pas aussi efficace que l’isolation.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). L’amendement II-CE202 est un peu facétieux : il sollicite une augmentation de 1 euro symbolique des crédits alloués à la rénovation énergétique.

Nous considérons que le compte n’y est pas et regrettons que le débat ne puisse pas avoir lieu en séance. Au moins pour les petits propriétaires, au moins pour les passoires thermiques, il y a un effort budgétaire à faire. Or la promesse de 1,6 milliard d’euros supplémentaire faite par la Première ministre ne se retrouve pas dans les documents budgétaires. Alors, voyons si un effort de 1 euro est autorisé en Macronie ou si c’est déjà trop !

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation. Le niveau des restes à charge notamment est décourageant. Je dois néanmoins émettre un avis défavorable à cause des montants de ces amendements, le premier très élevé, pour lequel le gage ne pourra être levé, et le second… facétieux !

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Il ne faudrait quand même pas que notre collègue Nury se prenne pour le ministre ! Ce n’est pas à lui de décider si le gage sera levé, d’autant que nous avons proposé des recettes supplémentaires pour ce budget.

À Dieppe, nous avons mené onze opérations programmées d’amélioration de l’habitat, pour rénover des logements sur le plan thermique et conserver en cœur de ville des populations modestes dans des conditions de logement dignes. Nous constatons que le reste à charge est un frein. Nous n’atteindrons pas nos objectifs si nous n’augmentons pas les financements.

Comme l’a dit l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, le logement constitue la bombe sociale de demain. Si nous laissons des logements sortir du parc faute de nous donner les moyens de les rénover, nous ne ferons qu’aggraver la situation.

M. Thibault Bazin (LR). Les avis émis par le rapporteur pour avis traduisent une écologie à la fois réaliste et pragmatique. Les causes qui sont défendues par ces amendements sont légitimes, mais il est difficile d’acter une modification budgétaire de 1 milliard d’euros. C’est une réalité politique.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Sans me prendre pour ce que je ne suis pas, je remarque que les propos de notre collègue Jumel pourraient laisser penser que seul le ministre doit se préoccuper de l’état des finances publiques. Or je considère que les députés aussi doivent se montrer responsables. Quand il est question de créer une dépense de 1 milliard d’euros, heureusement que les parlementaires sont vigilants ! Sinon, voulez-vous que nous proposions des budgets qui ne sont pas à l’équilibre, démagogiques, en disant que c’est de toute façon l’affaire du ministre ? Ce n’est pas ma façon de concevoir le rôle du législateur.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendements II-CE258 de Mme Julie Laernoes et II-CE284 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement II-CE258 ne déstabilisera pas les finances publiques et ne creusera pas la dette de manière excessive, puisqu’il consiste à dégager 545 millions d’euros pour le tiers des ménages français qui vivent en copropriété.

Beaucoup de copropriétés ont été construites dans les années 1970, avant l’entrée en vigueur de la réglementation thermique, à une époque où il fallait écouler une électricité nucléaire à bas coût. Il est parfois difficile d’obtenir des décisions collectives pour rénover ces logements souvent peu isolés.

Nous souhaitons relever le plafond des travaux de 25 000 à 40 000 euros par copropriétaire, pour tenir compte du coût réel des chantiers et réduire le reste à charge. Nous proposons aussi de multiplier par dix la bonification BBC, qui est beaucoup trop faible pour être incitative – or, puisque de nouveaux travaux n’auront pas lieu avant longtemps, autant engager directement une rénovation performante. Enfin, la bonification accordée aux ménages modestes et très modestes doit être revue, car son montant est trop faible pour leur permettre de financer le reste à charge et de passer à l’action. En outre, son caractère forfaitaire conduit à pénaliser les propriétaires de grands logements.

L’enveloppe que nous demandons est, vous en conviendrez, assez modeste, pour un enjeu prioritaire. La décision d’une copropriété permet, à l’occasion d’un même chantier, d’améliorer la performance énergétique de beaucoup de logements.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement II-CE284 est proposé par le collectif Alerte. Il vise à majorer les crédits alloués à l’Anah de 545 millions d’euros. J’espère que le rapporteur pour avis ne trouvera pas cela démesuré.

L’objectif est d’augmenter les moyens dédiés à MaPrimeRénov’ dans les copropriétés, qui restent un point noir, et de favoriser des rénovations beaucoup plus performantes. Comme le préconise le rapport Firéno, publié par l’Ademe, l’obtention de l’aide serait réservée aux rénovations qui atteignent les classes A ou B du diagnostic de performance énergétique ou à la réalisation dans les parties communes des six postes de travaux mentionnés dans la loi.

Les aides publiques à la rénovation énergétique destinées aux copropriétés sont parmi les seules à tendre vers une approche globale. Des économies d’énergie d’au moins 35 % sont par exemple exigées pour bénéficier de MaPrimeRénov’ Copropriétés. Il nous semble important de les favoriser. Notre amendement n’est pas si ambitieux que ça et tout à fait réaliste.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il s’agit tout de même d’un demi-milliard d’euros. Par ailleurs, les copropriétaires peuvent solliciter un prêt à taux zéro pour financer ces travaux. En outre, rien n’interdit au Gouvernement d’expérimenter, à budget constant, l’efficacité d’un renforcement de MaPrimeRénov’ Copropriétés. Pour ces raisons, avis défavorable.

M. Antoine Armand (RE). David Amiel a effectivement déposé un amendement, voté en commission des finances, qui prévoit un prêt à taux zéro pour les copropriétés. Par ailleurs, l’enveloppe actuelle de l’Anah pourra être davantage orientée en leur faveur le cas échéant. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Rien n’interdit d’abonder la rénovation des copropriétés, bien sûr, mais nous savons bien qu’à enveloppe constante, le nombre total de logements rénovés sera limité. Ce n’est pas une réponse acceptable.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Comme je l’ai déjà dit, nous ne dépensons chaque année que la moitié des crédits provisionnés pour MaPrimeRénov’. Il ne sert à rien de vouloir les augmenter, commençons par les dépenser ! Je partage votre objectif d’accélérer la rénovation des logements, mais je ne comprends pas votre posture.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-CE259 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). L’amendement II-CE259 concerne l’accompagnement des ménages. Nous avons eu beaucoup d’inquiétudes quant à l’avenir des espaces conseil France Rénov’. Jusqu’à l’été, nous ne savions pas si le service d’accompagnement pour la rénovation énergétique (Sare) aurait les moyens de poursuivre son activité en 2024. Nous avons besoin d’une visibilité pluriannuelle dans ce domaine.

Dans notre rapport, nous avions souligné la nécessité de disposer d’un service d’accompagnement gratuit et indépendant. Aujourd’hui, notre modèle privilégie la quantité au détriment de la qualité, ce qui peut conduire à prioriser les ménages qui ont les moyens de financer leurs travaux, qui comprennent les enjeux et les explications qui leur sont données et qui sont prêts à passer à l’acte, car ces dossiers sont plus simples et prennent moins de temps. Nous devons réformer ce système afin de ne pas mettre de côté les ménages les plus modestes ou les situations les plus complexes. Dans un service public, il n’est pas possible d’effectuer un tel tri.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation quant à la continuité du Sare. Tout le monde souhaite qu’il se poursuive. Dans les territoires, ce sont souvent les régions, les départements et les intercommunalités qui sont appelés en renfort pour le suivi et l’animation.

Votre proposition coûterait 270 millions d’euros et serait financée en prenant sur les crédits alloués au réseau ferroviaire et au biométhane. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Le rapporteur pour avis et la majorité semblent très préoccupés par le montant des dépenses générées par les amendements que nous proposons pour accélérer la rénovation énergétique. Mais je rappelle qu’avec le mécanisme de l’Arenh, les fournisseurs alternatifs d’énergie ont gagné des sommes folles sur le dos d’EDF et donc des pouvoirs publics. Leurs profits indus s’élèvent à plusieurs milliards d’euros. Voyez, des solutions existent pour trouver de l’argent !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE255 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Conformément au rapport que nous avons adopté, cet amendement propose d’allouer un budget supplémentaire pour le contrôle des travaux. En effet, l’un des écueils que nous avons relevés tient au manque de confiance : celle‑ci est essentielle pour engager une rénovation. Pour massifier les travaux, l’État doit donc disposer de moyens supplémentaires pour contrôler les chantiers, fiabiliser les travaux, éviter les malfaçons et garantir la confiance dans la labellisation des professionnels « Reconnu garant de l’environnement » (RGE).

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Pour 2024, un peu plus de 8 millions d’euros y sont consacrés. Il est déjà très compliqué d’obtenir les CEE et, pour les artisans, la labellisation. Nous n’avons pas intérêt à décourager les uns et les autres. Au contraire, nous devons faire confiance à nos concitoyens et aux artisans, qui sont généralement très professionnels. Je ne souhaite pas le renforcement et la systématisation des contrôles. Avis défavorable.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Puisque nous arrivons à la fin des amendements consacrés à la rénovation énergétique des logements, j’en profite pour interroger M. le rapporteur pour avis et ses collègues LR. Depuis le début de la discussion, nous constatons en effet un revirement par rapport à l’an dernier. Cette année, quand nous proposons d’investir massivement, comme nous l’avions fait ensemble précédemment, vous trouvez tout trop cher. Quand, à l’inverse, nous proposons des dispositifs ciblés, par exemple sur les propriétaires bailleurs modestes, vous les trouvez insuffisamment ambitieux. Et quand nos demandes sont sectorielles, par exemple pour les copropriétés, vous nous répondez que les mécanismes existants suffisent. Que voulez-vous faire réellement en matière de rénovation énergétique ?

M. Thibault Bazin (LR). Vous voulez attribuer des crédits supplémentaires alors que les enveloppes actuelles ne sont pas consommées ! Ce qu’il faut avant tout, c’est faire évoluer les modalités d’accès aux subventions. Compte tenu du problème du reste à charge, on peut d’ailleurs craindre que les évolutions apportées au dispositif réduisent encore la consommation des crédits.

Nous ne changeons pas de cap et nous sommes en désaccord avec vous. Vous voulez cibler davantage les aides quad nous pensons qu’elles doivent être plus accessibles aux classes moyennes. La discussion sera la même dans le cadre de l’examen des crédits de la mission Cohésion des territoires.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE203 de M. Matthias Tavel

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je suis étonné de l’incohérence de nos collègues LR : ils nous reprochent que nos mesures soient trop générales quand elles sont générales, et trop ciblées quand elles sont ciblées ! Bref, ils se sont opposés à tous les amendements visant à accélérer la rénovation énergétique, même ceux qui étaient en faveur des copropriétés et des propriétaires bailleurs modestes.

Le présent amendement vise à augmenter les crédits prévus pour protéger les Français de la hausse des tarifs de l’électricité : après 15 % en février et 10 % en août, nous pouvons nous attendre à 10 %, voire 20 % en 2024, comme la Commission de régulation de l’énergie l’envisage et comme le Gouvernement semble bien peu motivé à s’y opposer… Nous considérons donc qu’il est nécessaire d’allouer des crédits au bouclier tarifaire et de prévoir dans le budget le maintien des tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz, auquel nous sommes attachés. À ce propos, il est regrettable que le Gouvernement se plie, une nouvelle fois, aux exigences de la Commission européenne.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis.  Je comprends votre préoccupation. Le tarif réglementé de vente de gaz (TRVg) a été arrêté en juillet. Les prix de marché y étaient inférieurs, mais la question se pose pour 2024. Si nous assistions à une hausse subite du gaz, comment pourrions-nous protéger nos concitoyens ? Dans mon rapport, j’ai regretté qu’aucune ligne budgétaire ne soit prévue, mais le Gouvernement m’a répondu qu’un projet de loi de finances rectificative (PLFR) serait de toute façon nécessaire. Par ailleurs, il nous a été indiqué que le bouclier tarifaire gaz pour l’habitat collectif serait prolongé l’année prochaine, ce qui est plutôt rassurant.

Pour ces différentes raisons, je ne pense pas qu’il soit nécessaire de renforcer les aides aux consommateurs de gaz en 2024.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Mais, comme vous, j’estime qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Faire figurer une ligne budgétaire dans ce PLF nous aurait permis de réagir plus rapidement en cas de flambée des prix du gaz, ce qui est important dans le contexte géopolitique actuel.

Par ailleurs, notre amendement porte également sur la question de l’électricité, pour laquelle vous n’avez pas apporté de réponse. Si la proposition de loi de Philippe Brun sur le groupe Électricité de France était adoptée, il faudrait la traduire du point de vue budgétaire. Nous proposons donc d’anticiper.

Pour financer ces mesures, nous proposons de ne pas compenser auprès des fournisseurs d’énergie le manque à gagner dû au contrôle des prix que nous appelons de nos vœux. Malheureusement, nous constatons que vous préférez, comme le Gouvernement, vider le Trésor public plutôt que de vous attaquer au trésor privé !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE206 de Mme Alma Dufour

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). J’espère que nos collègues LR seront sensibles à cet amendement qui vise à élargir le bouclier tarifaire pour les PME et les ETI, qui sont mises en danger par l’envolée des prix de l’électricité. Afin de protéger l’outil de production et l’emploi, il nous semble indispensable de prévoir, encore cette année, des dispositifs budgétaires solides pour les accompagner.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je suis moi-même très attentif à ce que les PME et les ETI soient protégées. Il faut cependant rappeler que la minoration de l’accise sur l’électricité sera prolongée en 2024. Elle bénéficiera à l’ensemble des consommateurs, particuliers et professionnels. Le ministère nous a en outre donné l’assurance verbale que l’amortisseur électricité perdurerait pour les entreprises ayant signé des contrats d’approvisionnement pluriannuels à tarifs élevés. Tant que nous n’aurons pas de précisions sur la manière dont le Gouvernement mettra en œuvre cette mesure, il me paraît prématuré d’augmenter les crédits.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Nous avons voté à deux reprises, une première fois à l’initiative du groupe PS et une seconde fois à l’initiative du groupe communiste, une proposition de loi sur les tarifs réglementés, pour protéger les artisans, TPE et PME. La droite a voté ce texte – j’avais obtenu le soutien du président Olivier Marleix.

Les négociations à l’échelle européenne permettent enfin à la France de faire ce qu’elle veut en cas de crise – ce qui devrait d’ailleurs être le cas même en dehors des crises. Il faut donc prévoir des crédits budgétaires pour assurer la mise en œuvre de la proposition de loi « Brun, Jumel et Cie » qui reviendra en discussion. Je vous invite à être constants et à ne pas faire, à quelques mois d’écart, l’inverse de ce que vous avez voté en séance.

M. Antoine Armand (RE). Je m’étonne de ce type de raisonnement, surtout de la part de notre collègue Jumel, dont je connais l’attachement à l’industrie. Les prix doivent avoir un lien avec les coûts de production. C’est l’objet de la réforme du marché européen de l’électricité, qui doit permettre d’éviter une totale décorrélation. Dans un monde où nous aurions cette garantie et où nous pourrions disposer de contrats de long terme, avoir des prix administrés ne dépendant pas des capacités industrielles de notre producteur d’énergie représenterait pour ce dernier, en l’occurrence EDF, un danger énorme.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE207 de Mme Alma Dufour

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). C’est le même amendement que le précédent, mais pour le gaz. Nous connaissons tous la volatilité des prix du gaz dans le contexte actuel. Il faut donc adopter une logique de prévention. Si nous voulons éviter des défaillances de PME ou d’ETI et des arrêts de production au cours de l’année, nous devons prévoir des dispositifs permettant à la puissance publique de réagir rapidement face aux chocs qui ne manqueront pas de se produire.

Contrairement à ce que vient de dire notre collègue Antoine Armand, la réforme du marché européen de l’électricité ne prévoit pas de fixer le prix de l’électricité en fonction des coûts de production. La tarification reste dépendante du coût marginal. La seule évolution est la possibilité de négocier qu’une partie de la production puisse être vendue à une partie des consommateurs à un prix différent, mais le principe global n’est pas remis en cause. Il s’inscrit toujours dans une logique spéculative à laquelle nous nous opposons.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Notre collègue nous accuse de nous contredire, mais alors qu’il vient de demander 2 milliards d’euros supplémentaires pour MaPrimeRénov’, il propose maintenant qu’on lui retire 2 milliards !

S’agissant du TRVg, il était de 56 euros le mégawatt. Or les prix de marché sont actuellement de l’ordre de 50 euros et devraient être stables en 2024. Abonder le bouclier tarifaire ne me paraît donc pas avoir de sens. Avis défavorable.

M. Antoine Armand (RE). Nous ne devons pas laisser s’installer des confusions.

Puisque l’électricité ne se stocke pas, un système de tarification marginale est indispensable pour avoir de l’électricité à tout instant. Il a été inventé par Marcel Boiteux, qui est mort récemment et auquel nous pouvons rendre hommage. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’un dangereux ultralibéral.

Parallèlement, certains outils, comme les contrats pour la différence ou les contrats de long terme, ont été demandés par les énergéticiens, au premier rang desquels EDF. Ces outils sont nécessaires pour conclure des contrats qui reflètent les coûts de production.

Nous avons bien besoin des deux en même temps.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre collègue Antoine Armand nous appelle à respecter les coûts de production : je suis tout à fait d’accord, mais, dans ce cas, pourquoi avoir hésité aussi longtemps à relever l’Arenh et pourquoi les prix que nous avons votés ne sont-ils toujours pas effectifs ?

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE205 de Mme Aurélie Trouvé

Mme Mathilde Hignet (LFI-NUPES). Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à faire bénéficier du bouclier tarifaire les associations d’intervention sociale et d’urgence.

L’Insee et les associations estiment que près de huit millions de personnes relèvent de l’aide alimentaire. Les banques alimentaires pallient les carences de notre système économique et social, qui ne permet plus aux étudiants, aux enfants de familles monoparentales ou aux retraités de manger à leur faim. L’enquête de l’Insee parue en juin 2022 montre que 10 % des bénéficiaires se sont tournés vers ces associations depuis la crise sanitaire. Or celles-ci doivent faire face à des dépenses de logistique et de transport élevées et difficilement compressibles, liées à leurs chambres froides et à leurs véhicules par exemple.

Nous proposons de créer un programme Mesure d’aide exceptionnelle aux associations d’intervention sociale d’urgence et d’aide alimentaire et de le doter de 10 millions d’euros, afin d’aider ces structures à faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. La somme demandée n’est pas déraisonnable, contrairement aux précédents amendements. Toutefois, ces structures bénéficient déjà du bouclier tarifaire pour l’électricité si elles comptent moins de dix salariés, ont un bilan inférieur à 2 millions d’euros et ont un contrat de puissance inférieur ou égal à 36 kVa. Si elles dépassent ces seuils, elles seront éligibles à l’amortisseur que j’ai évoqué tout à l’heure. Mon avis n’est donc pas favorable, car cet amendement est redondant par rapport aux dispositifs existants.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je crains de ne pas partager l’optimisme du rapporteur pour avis. Il nous dit que le problème est déjà pris en charge, mais les remontées dont nous avons connaissance ne vont pas dans ce sens. Peut-être y a-t-il des difficultés d’application sur le terrain. En tout cas, conformément au principe de précaution, il nous semble préférable de voter cet amendement plutôt que d’être confrontés à des défaillances imprévues. Mieux vaut prévenir que guérir. Si le montant est faible, monsieur le rapporteur pour avis, l’intérêt est majeur !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE213 de M. William Martinet

M. William Martinet (LFI-NUPES). Il s’agit de lancer l’alerte à propos d’une discrimination qui dure depuis deux ans en matière d’énergie : les habitants de logements collectifs, qu’ils soient locataires ou propriétaires occupants, dans les copropriétés ou dans le logement social, ne bénéficient pas du même bouclier tarifaire que les autres particuliers.

Le bouclier tarifaire pour les particuliers est déjà insuffisant, et celui qui s’applique au logement collectif l’est encore davantage. Les fédérations de copropriétaires ou de bailleurs sociaux estiment qu’il existe une inégalité de traitement par rapport aux comptes individuels, qui aura des conséquences importantes lors des régularisations de charges effectuées en fin d’année. Certains montants très élevés pourront mettre les personnes concernées en grande difficulté.

Ce n’est pas une augmentation de 15 % que subissent les locataires ou propriétaires occupants du logement collectif, mais un doublement ou un triplement des prix. Nous sommes face à une véritable bombe sociale. C’est un amendement d’appel que je vous propose, mais nous menons cette bataille depuis deux ans et nous n’abandonnerons pas. Les habitants du logement collectif doivent être protégés aussi efficacement que les autres. Il n’y a pas de raison qu’ils soient discriminés et qu’ils payent leur électricité ou leur gaz plus cher.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il ne doit pas exister de discrimination entre les différents utilisateurs. Cet amendement est toutefois facétieux, puisqu’il porte sur des crédits de 1 euro, ce qui lui retire toute portée.

Les logements collectifs seront éligibles en 2024 au bouclier tarifaire ou à l’amortisseur, qui sera prolongé pour les contrats qui ont été signés il y a plusieurs mois. C’est une réponse à votre préoccupation. Avis défavorable.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Il y a un peu plus d’un an, j’avais interpellé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, dans cette même commission. Il avait affirmé que tout le monde était protégé par le bouclier tarifaire. Puis il s’est rendu compte que ce n’était pas le cas pour le logement collectif. Depuis, certes, les choses ont évolué : un bouclier tarifaire spécifique a été instauré pour le logement collectif.

Toutefois, ce bouclier tarifaire n’est pas aussi protecteur que celui dont bénéficient les autres clients, selon l’analyse faite par les fédérations de copropriétaires et les fédérations de bailleurs sociaux. Cette discrimination pénalise des publics qui n’ont pas les moyens de supporter des hausses importantes de leurs factures d’énergie. En effet, les habitants du logement social sont souvent des travailleurs de première ligne ou des retraités avec de petites pensions.

Il est temps de faire cesser cette discrimination. Nous sommes favorables à un retour au tarif réglementé de vente pour tout le monde : bailleurs sociaux, copropriétés, particuliers et entreprises. En tout cas, il faut agir, car cette inégalité n’est pas supportable.

M. Thibault Bazin (LR). Pour siéger dans des structures d’habitat collectif, je reconnais que nous rencontrions les difficultés que vous évoquez il y a un peu plus d’un an : certains avaient été oubliés par le dispositif. Mais des corrections ont été apportées et j’ai le sentiment que la situation s’est plutôt inversée. Les occupants du logement collectif semblent maintenant mieux protégés que les autres : leurs contrats sont souvent conclus après des mises en concurrence, ce qui permet de mieux maîtriser les prix, et des investissements ont été programmés par les bailleurs sociaux. Je ne partage pas votre constat d’un manque d’équité, ou alors de manière inversée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE225 de M. Benjamin Saint-Huile et amendements II-CE274 et II-275 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune)

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement II-CE225 concerne le chèque énergie. Il vise d’une part à relever le plafond de revenus, afin d’élargir l’assiette des bénéficiaires. Aujourd’hui, ce plafond est de 11 000 euros, ce qui exclut de nombreux ménages modestes : parmi les 3,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique, on sait que 25 % ne bénéficient pas du dispositif. D’autre part, il veut augmenter le montant du chèque énergie, qui s’élève en moyenne à 148,56 euros. C’est moins de 10 % des dépenses moyennes, qui étaient de 1 589 euros en 2020 et de 1 720 euros en 2021.

 

 

Présidence de Mme Marie-Noëlle Battistel, vice-présidente de la commission.

 

 

M. Dominique Potier (SOC). L’amendement II-CE274 vise à majorer les crédits consacrés au chèque énergie de 26,5 % afin de tenir compte des hausses de 10 %, puis de 15 % des tarifs réglementés de vente d’électricité intervenues au cours de l’année 2023.

Le bouclier tarifaire apporte une protection nécessaire et bienvenue aux ménages modestes, même s’il n’est pas ciblé sur ceux qui en ont le plus besoin. Toutefois, une hausse de 26,5 % des dépenses d’électricité en 2023, qui s’ajoute à d’autres subies depuis 2020, sans même parler des autres énergies domestiques comme le gaz, justifie de revaloriser le chèque énergie.

L’amendement II-CE275 est un amendement de repli. Pour tenir compte de l’inflation prévisionnelle, il propose de rehausser le seuil d’éligibilité, autrement dit de modifier le revenu de référence permettant de bénéficier du chèque énergie. C’est le strict minimum.

Monsieur le rapporteur pour avis, le premier de ces deux amendements ne corrige pas les inégalités que subissent les plus pauvres de nos concitoyens, il évite de les creuser. Il pourrait plaire aux droites, puisqu’il maintient les pauvres dans leur pauvreté…

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je comprends et partage l’objectif de ces amendements. Il faut tenir compte de l’inflation et de la hausse des tarifs. L’augmentation du chèque énergie me paraît donc légitime.

Je suis défavorable à l’amendement de M. Sainte-Huile, dont les montants me paraissent beaucoup trop élevés. L’amendement II-CE274 de la présidente Battistel, qui porte sur 238 millions d’euros, me paraît à la fois plus réaliste et tout à fait justifié. Je lui donne un avis favorable, en espérant que le Gouvernement réussira à lever le gage. Je préfère cet amendement au II-CE275, sur lequel j’émets un avis défavorable.

M. Thibault Bazin (LR). Personne ne veut maintenir les pauvres dans la pauvreté ! Nous ne sommes simplement pas d’accord sur les moyens pour les en sortir. Notre groupe compte surtout sur le travail et l’insertion professionnelle mais, pour lutter contre la précarité énergétique, il faut évidemment un accompagnement, qui soit le plus pragmatique possible.

M. Dominique Potier (SOC). J’ai simplement voulu faire un peu d’humour pour dire qu’il ne s’agit pas de réduire des inégalités, mais d’adapter le niveau du chèque à la hausse des prix.

L’amendement II-CE275 est retiré.

La commission rejette l’amendement II-CE225 puis adopte l’amendement II-CE274.

 

Amendement II-CE208 de Mme Anne Stambach-Terrenoir

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Pour contenir la hausse des prix de l’énergie, notamment de l’électricité, il faut développer les énergies renouvelables. Il importe de structurer nos filières industrielles si nous voulons créer des emplois en France et ne pas dépendre de l’étranger, comme c’est déjà le cas pour le photovoltaïque par exemple.

Avec cet amendement, nous proposons donc de créer un nouveau programme budgétaire intitulé Fonds de soutien au développement des énergies renouvelables. La France est le seul pays à ne pas avoir tenu ses objectifs au niveau européen : il faut rattraper notre retard, ce qui suppose aussi un rattrapage budgétaire.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Ce que vous voulez créer existe déjà au sein du programme 345 Service public de l’énergie, qui contient les crédits consacrés par l’État au développement des énergies renouvelables.

Certes, en 2024 comme en 2023, aucun crédit ne sera inscrit sur l’action 09 qui soutient les énergies renouvelables électriques en métropole. La raison est que les prix de vente sur les marchés sont supérieurs aux prix garantis pour les contrats aidés en cours. L’État n’aura donc rien à verser et devrait même récupérer 2,67 milliards d’euros de recettes, lesquels couvriront les nouveaux contrats aidés.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-CE212 de Mme Clémence Guetté

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je me félicite de l’adoption de l’amendement précédent, qui marque une profonde et heureuse conversion idéologique de nos collègues du Rassemblement national. Ils viennent de comprendre que le développement des énergies renouvelables a un intérêt national.

Dans le même esprit, le présent amendement vise à renforcer notre souveraineté en matière de développement des énergies renouvelables. Nous appelons à créer, sur le modèle de la base industrielle et technologique de défense (BITD), une « base industrielle et technologique des énergies renouvelables ». Cette filière doit être considérée comme une industrie de souveraineté, pas comme une activité concurrentielle comme une autre. Il est essentiel que l’État ne soit pas dépendant de décisions prises par des groupes privés comme General Electric ou Engie. Il doit se donner les moyens de participer à leur capital et à leurs décisions, voire de maîtriser une partie de ces filières d’intérêt national.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Bien que très sensible aux questions de souveraineté nationale, je ne suis pas convaincu de l’efficacité des prises de participations que vous proposez. Avec 0,5 % de la capitalisation de TotalEnergie et de General Electric, l’État ne pèsera pas pour grand-chose dans les prises de décision de ces entreprises, mais devra mobiliser 900 millions d’euros. Quant au renforcement de sa participation au capital d’Engie, il n’est pas indispensable puisque l’État pèse déjà sur la stratégie de l’entreprise, et coûterait 1,9 milliard d’euros. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Une augmentation assez limitée de la part de l’État au capital d’Engie lui donnerait 50 % des voix. Je conçois que ceux qui ont privatisé GDF – votre famille politique, monsieur le rapporteur pour avis – n’y soient pas particulièrement favorables, mais, pour notre part, nous souhaitons reconquérir le capital d’Engie comme nous avons obtenu la reconquête du capital d’EDF. C’est une première étape. Quant à General Electric, il faut montrer notre désaccord avec le plan de suppression d’emplois qui a lieu en ce moment même dans la filière de l’éolien terrestre et qui, selon nous, met en cause l’intérêt industriel de notre pays.

M. Antoine Armand (RE). Sans vouloir remettre en cause la présidence, au vu du nombre de personnes dans la salle et des mains levées, nous n’avons pas la même appréciation sur le sort des deux amendements qui viennent d’être adoptés.

Chers collègues de La France insoumise, si vous aviez vraiment voulu soutenir le développement des énergies renouvelables, vous auriez pu commencer par voter la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Une autre incohérence est d’opposer sans cesse l’énergie nucléaire aux énergies renouvelables, alors qu’elles ont en commun de nous fournir de l’électricité décarbonée. Enfin, je constate que les nationalisations recommencent à vous démanger, mais faire un peu confiance aux entreprises de notre pays n’est pas nocif à l’économie française ni européenne.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Sans vouloir remettre en cause la présidence, vous le faites quand même. Mais il n’y a pas eu d’erreur. Je confirme que nos collègues du Rassemblement national ont tous voté pour l’amendement II-CE208 – même s’ils ne le souhaitaient peut-être pas.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE209 de Mme Clémence Guetté

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous aurions rêvé de voter une loi d’accélération des énergies renouvelables. Malheureusement, loin d’accélérer les choses, la loi que vous avez votée a créé de nouvelles difficultés pour les acteurs du secteur.

Le présent amendement propose de créer un fonds de sauvegarde et de développement de l’industrie éolienne, qui est bien loin de ce qu’elle devrait être dans notre pays. Nous n’atteindrons pas nos objectifs de développement des énergies renouvelables sans le soutien de la population, que nous n’aurons pas si nous devons importer des composants – pales ou turbines – qui pourraient être produits en France. Pour que la population s’y retrouve, il faut que ces énergies aient des retombées industrielles et qu’elles créent de l’emploi local. Défendons cette filière, ne l’abandonnons pas aux entreprises étrangères. Notre collègue Armand nous dit qu’il faut faire confiance aux entreprises de notre pays, mais la situation énergétique française n’incite pas à faire confiance aux acteurs privés ! Et, n’en déplaise au président Macron, General Electric, jusqu’à preuve du contraire, n’est pas une entreprise française.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Pour le coup, il est vrai qu’on encourage beaucoup le développement de l’éolien, mais en faisant tourner l’industrie allemande, scandinave ou chinoise. Nous aurions effectivement intérêt à structurer une vraie filière en France et à encourager l’innovation, notamment pour le recyclage des pales, des mâts et du béton. Je partage donc votre préoccupation sur ce point.

Cela étant, votre amendement coûterait 1 milliard d’euros, que vous voulez prendre dans les crédits alloués à MaPrimeRénov’ – dont vous demandiez l’augmentation tout à l’heure. Au reste, le projet de loi de finances prévoit un crédit d’impôt pour soutenir les investissements dans les industries vertes, dont l’éolien, à hauteur de 500 millions d’euros. Cela peut faire avancer le sujet.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous savez parfaitement que nous devons gager les dépenses que nous proposons et que nous tenons aux crédits alloués à la rénovation thermique : c’est vous qui avez refusé de les augmenter, arguant du fait qu’ils n’étaient pas totalement consommés. Et à présent, vous les défendez…

Sur le fond, nous ne croyons pas qu’un crédit d’impôt soit aussi efficace qu’un fonds de sauvegarde piloté par l’État. Il y a un désaccord philosophique entre nous : pour notre part, nous croyons que la planification doit se faire avec des outils publics davantage qu’avec des subventions à des acteurs privés, même si elles peuvent parfois se justifier. Si nous voulons reconstruire une filière, il faut davantage que des crédits d’impôt pour des acteurs privés : il faut une stratégie pilotée par l’État.

M. Antoine Armand (RE). Nous partageons votre préoccupation d’avoir une filière industrielle dans les énergies renouvelables. Toutefois, le marché étant déjà relativement mature, il ne s’agit pas de créer ab initio une économie administrée, mais de soutenir les nombreux acteurs qui sont déjà engagés dans le secteur. Notre intérêt, c’est qu’ils se saisissent du crédit d’impôt de la manière la plus rentable économiquement, de sorte que la filière française non seulement se crée, mais soit durable et rentable à moyen terme. C’est cela qui nous permettra d’avoir des composants locaux pour nos éoliennes.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE210 de Mme Clémence Guetté

M. René Pilato (LFI-NUPES). Dans le même esprit, nous proposons la création d’un fonds de sauvegarde et de développement de l’industrie photovoltaïque piloté par Bpifrance.

En 2018, le dumping social international a conduit à la délocalisation en Asie d’activités de l’entreprise Photowatt. Les pouvoirs publics doivent tout mettre en œuvre pour sauvegarder et développer l’outil industriel existant, notamment celui de Photowatt, au service de l’emploi local et de la souveraineté énergétique nationale.

Bpifrance est d’ores et déjà un financeur de la recherche et développement dans le secteur de l’énergie photovoltaïque. Le fonds que nous voulons créer doit permettre de renforcer sa capacité à investir dans les entreprises innovantes du secteur. Il doit aussi permettre de faciliter l’industrialisation des solutions photovoltaïques innovantes et de consolider les outils industriels existants. Il s’agit d’intensifier le soutien public à l’industrie photovoltaïque et de développer la capacité des pouvoirs publics à planifier son développement.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Comme la filière éolienne, la filière photovoltaïque dépend d’industries étrangères, surtout asiatiques. Il faut effectivement encourager la fabrication de composants et de panneaux en France.

Vous proposez de prendre 1 milliard d’euros sur les crédits alloués à MaPrimeRénov’. Le problème, c’est que l’amendement II-CE208, qui a été voté grâce à la connivence entre le Rassemblement national et la France insoumise, a déjà privé MaPrimeRénov’ de 2 milliards d’euros et qu’il ne lui reste plus que 700 millions d’euros.

Par ailleurs, le crédit d’impôt pour soutenir les investissements dans les industries vertes, que j’ai déjà évoqué, contribuera aussi à développer une filière photovoltaïque française.

M. Thibault Bazin (LR). Ces amendements démontrent que le développement d’un certain nombre d’énergies renouvelables, notamment le photovoltaïque et l’éolien, ne contribue pas nécessairement au développement durable, puisqu’il suppose l’importation de matériaux qui ne sont pas produits d’une manière vertueuse, du point de vue aussi bien social qu’environnemental. Nous avons la chance, en France, de développer des technologies et de produire des matériaux pour d’autres énergies vertueuses : l’hydroélectricité, que l’on peut en outre stocker, contrairement à l’énergie produite par le vent ou le soleil, mais aussi le nucléaire. Cela devrait nous amener à repenser l’ensemble de notre stratégie énergétique.

M. Dominique Potier (SOC). Je souscris totalement aux propos de notre collègue René Pilato. Monsieur le rapporteur pour avis, vous savez bien qu’il faut prendre des crédits quelque part si l’on veut proposer un amendement. En cas d’adoption de celui-ci, il reviendra au Gouvernement de lever le gage.

Dans la loi sur la production d’énergies renouvelables, le groupe Socialistes a défendu l’idée qu’il fallait sélectionner des entreprises européennes selon des critères de RSE (responsabilité sociale des entreprises). Nous avons renforcé cette disposition dans la loi relative à l’industrie verte avec l’amendement sur le principe de réciprocité commerciale, qui protège notre industrie de la concurrence déloyale des entreprises asiatiques dans les marchés publics. Le présent amendement serait un instrument de plus pour reconquérir notre souveraineté industrielle au service de la planification écologique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE211 de Mme Clémence Guetté

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Nous nous attachons là à des énergies en cours de développement et d’industrialisation, les énergies marines renouvelables : énergie marémotrice, énergie hydrolienne, énergie houlomotrice par exemple. Notre pays a beaucoup d’atouts en la matière. Dans le secteur de l’hydrolien, une ferme pilote va être lancée au large du raz Blanchard, avec un soutien public de 65 millions d’euros. En revanche, une hydrolienne qui fournissait 25 % de l’électricité de l’île d’Ouessant est en danger, car la société qui l’exploite est en redressement judiciaire. Il faut apporter un soutien public à ces technologies prometteuses afin qu’elles aillent au bout de leur développement et que les filières industrielles commencent à se structurer. Cela nous permettra de diversifier au maximum nos sources d’approvisionnement énergétique.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il existe déjà des dispositifs de financement pour ces investissements : le programme 345 Service public de l’énergie, qui finance les installations de production, ou le programme 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables de la mission Recherche et enseignement supérieur. Enfin, le nouveau crédit d’impôt soutiendra les investissements dans les industries qui fabriqueront ces systèmes de production. Votre amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.

M. Antoine Armand (RE). Jean-Luc Mélenchon a proposé de remplacer l’énergie nucléaire, qui représente en France une puissance de 60 gigawatts, par l’hydrolien, dont le potentiel maximal de puissance serait de 3 à 4 gigawatts. Cela doit tous nous rappeler à la réalité.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je ne comprends pas bien cette remarque et je vous invite, cher collègue, à relire avec plus d’attention notre programme. Le scénario négaWatt auquel nous nous référons ne prévoit pas le remplacement du nucléaire par le seul hydrolien.

Il est vrai qu’il existe des dispositifs de soutien mais si nous voulons développer ces filières à la fois dans l’Hexagone et outre-mer, il faut y consacrer davantage de moyens. Il est très important de développer de petites sources d’énergie, qui ne produiront pas des volumes énormes mais qui auront leur importance localement et permettront de renforcer la sécurité globale de notre système d’approvisionnement, par exemple par leur régularité s’agissant des énergies marines.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Présidence de M. le président Guillaume Kasbarian.

 

 

Amendement II-CE253 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Il s’agit de porter les crédits du fonds Chaleur à 1 milliard d’euros au lieu des 800 millions d’euros prévus, afin d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans la loi : la chaleur renouvelable couvre en effet à peine 23 % de nos besoins, pour un objectif de 38 %.

Depuis sa création, le fonds Chaleur a donné un puissant coup d’accélérateur aux énergies renouvelables et a permis d’aider plus de 7 100 installations. Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dit que les crédits de MaPrimeRénov’ n’étaient pas tous consommés, mais ceux du fonds Chaleur l’ont été en seulement cinq mois et de nombreux projets sont en attente faute de crédits. La hausse que nous proposons, de 200 millions d’euros est modérée et ne va pas déséquilibrer l’ensemble. Elle nous permettrait d’atteindre nos objectifs et d’être efficaces, en lien avec les collectivités territoriales, qui sont souvent à l’origine de la création des réseaux de chaleur.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le fonds Chaleur, inscrit au programme 181 Prévention des risques de la mission Écologie, ne fait pas partie des programmes budgétaires que j’ai eus à examiner. Je constate néanmoins que ses moyens seront portés à 820 millions d’euros en 2024, contre 520 millions d’euros en 2023 : l’effort budgétaire que vous demandez est donc déjà inscrit dans la loi de finances. Avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Si le fonds Chaleur ne bénéficie pas de moyens supplémentaires, des projets en cours vont être bloqués : je répète que ses crédits ont été consommés en seulement cinq mois. Par ailleurs, comme on y a ajouté la géothermie, un ajustement de ses moyens s’impose. Je précise que cet amendement est issu de discussions avec le syndicat des énergies renouvelables et l’association Amorce. Il faut protéger ceux de nos concitoyens et celles de nos entreprises qui sont raccordés à un réseau de chaleur de la volatilité des prix.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE286 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Cet amendement a été adopté en commission du développement durable à l’initiative de notre collègue Marjolaine Meynier-Millefert, corapporteure de la mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments. Nous proposons de créer un fonds de garantie pour encourager la valorisation de la chaleur fatale, qui est un angle mort de la politique énergétique française alors qu’elle a un vrai potentiel industriel. On estime que la chaleur fatale pourrait couvrir 15 % des besoins nationaux ou répondre aux besoins annuels de chauffage de la ville de Paris. Nous proposons de créditer ce fonds de 50 millions d’euros, hors dotation du fonds Chaleur.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je suis convaincu de l’intérêt de développer l’exploitation de ces sources d’énergie, d’autant que le redéploiement de 50 millions d’euros que vous proposez se ferait à partir d’une action mise en extinction. Avis favorable.

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement est le fruit d’un travail transpartisan de qualité sur la question de la chaleur fatale, qui a trop souvent été négligée, alors qu’il s’agit d’une énergie déjà produite que nous devons continuer à récupérer dans l’intérêt économique et écologique de nos entreprises et de notre tissu social.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements II-CE230 de Mme Hélène Laporte et II-CE270 de M. Alexandre Loubet (discussion commune)

M. Alexandre Loubet (RN). En début d’année, nous avons voté une loi de relance du nucléaire, qui prévoit notamment de construire six réacteurs de nouvelle génération d’ici à 2035. Pourtant, le projet de loi de finances ne consacre pas le moindre centime à cet objectif. Nous avons déposé ces deux amendements d’appel afin que l’État contribue au financement de la relance du nucléaire, indispensable pour assurer la sécurité d’approvisionnement électrique du pays. Sinon, qui va payer ? EDF, avec ses 65 milliards d’euros de dette, ne saurait financer seule la construction des nouveaux réacteurs, d’autant plus qu’elle pourra être amenée à vendre une partie de sa production électronucléaire à ses concurrents alternatifs.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je partage votre inquiétude quant à la remise en route du programme nucléaire. Il n’y a rien, dans ce budget, qui se rattache à une quelconque stratégie en la matière. Cela étant, on ne peut pas se décider pour n’importe quel montant – 500 millions d’euros ou 1 milliard d’euros pour vos amendements. Il faut une étude sérieuse pour chiffrer le montant de l’investissement nécessaire à un véritable programme électronucléaire, dans une stratégie globale. Mon avis sera donc défavorable, d’autant plus que le programme 172 de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui est renforcé par le plan « France 2030 », est destinataire de crédits destinés au nucléaire.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Ces amendements un peu délirants prévoient la relance du projet de réacteur rapide refroidi au sodium Astrid, qui a été arrêté en 2019 par M. Macron. Ils tendent à faire croire à nos compatriotes qu’ils seront protégés grâce au nucléaire, ce qui est une fable : le parc vieillit, et chacun s’accorde à reconnaître que l’on ne saurait mettre en service de nouvelles centrales avant les années 2037 à 2040 ; or nous avons des besoins immédiats. Les crédits proposés n’aideront en rien à faire face aux enjeux de la montée en puissance des énergies renouvelables et de la nécessaire réduction de la consommation. Ce serait investir dans une mauvaise direction, et cela témoigne de l’absence totale de vision écologique du Rassemblement national. Nous voterons contre ces amendements.

M. Alexandre Loubet (RN). Monsieur le rapporteur, je partage votre avis : ni 500 millions d’euros, ni même 1 milliard d’euros ne suffiraient à relancer le nucléaire dans notre pays. C’est pourquoi j’ai précisé qu’il s’agissait d’amendements d’appel. Mais on ne peut que déplorer que le financement du programme nucléaire soit complètement absent du projet de loi de finances. Nous perdons du temps, alors qu’il nous faut défendre le pouvoir d’achat des Français et la sécurité d’approvisionnement électrique du pays.

Madame Laernoes, le nucléaire protège les factures énergétiques des Français et des entreprises, et nous prémunit contre les pénuries d’électricité. Lorsqu’Emmanuel Macron a fermé la centrale de Fessenheim pour faire plaisir aux écolos, on s’est retrouvé avec des ruptures d’approvisionnement et de production électrique et on a dû relancer une centrale à charbon !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-CE272 de M. Alexandre Loubet

M. Alexandre Loubet (RN). Malgré notre dépendance aux importations de gaz, essentiellement américain, la flambée des prix énergétiques et les risques de pénurie en énergie que nous venons de connaître, le Gouvernement s’obstine à refuser d’étudier la possibilité d’exploiter les ressources contenues dans nos sols. Ne serait-ce que dans ma circonscription, en Moselle-Est, on trouverait l’équivalent de près de 4 % de la consommation annuelle française de gaz pour une vingtaine d’années. Après avoir étudié la possibilité d’exploiter les gisements de gaz de manière écologique, cela nous permettrait de contribuer à la sécurité d’approvisionnement électrique du pays, de réduire notre dépendance et de diminuer la facture des Français.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le gaz de couche est contenu dans les veines de charbon, en profondeur, et ne peut en être extrait que par forage. En Australie et aux États-Unis, les exploitants recourent majoritairement à la fracturation hydraulique, qui est interdite en France. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Le programme du Rassemblement national est décidément invraisemblable. Outre le tout-nucléaire tout de suite – impossible puisque même les modèles des nouvelles centrales ne sont pas prêts – il propose d’exploiter des énergies fossiles sur notre propre sol, et cela de manière écologique ! En réalité, on dégraderait notre environnement tout en continuant à exploiter des énergies fossiles. Le programme du Rassemblement national est un danger absolu, y compris en matière énergétique.

M. Alexandre Loubet (RN). Madame Laernoes, si l’on avait suivi votre logique, on n’aurait même pas inventé la roue parce qu’elle aurait écrasé des insectes ! Il faut revenir à la réalité : la France serait restée un pays du tiers-monde si elle n’avait pas exploité les ressources contenues dans ses sols et ses sous-sols, comme le charbon. C’est ce qui nous a permis de devenir une puissance industrielle et de demeurer une des principales économies mondiales – en tout cas, tant que votre idéologie n’arrivera pas aux commandes.

En 2014, le ministre Arnaud Montebourg s’était vu remettre un rapport proposant des méthodes écologiques d’extraction du gaz, sans fracturation hydraulique. Et rappelons que le gaz que nous importons, en particulier des États-Unis, est obtenu par fracturation hydraulique.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Il existe en effet d’autres méthodes, en particulier la stimulation. Toutefois, cette dernière a été interdite en juillet, car l’entreprise qui devait l’employer n’a pas démontré qu’elle en avait la capacité technique, ni que cette technologie était dépourvue d’effets nocifs pour la nature. Cette méthode n’est manifestement pas encore aboutie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE229 de Mme Hélène Laporte

M. Alexandre Loubet (RN). Cet amendement d’appel vise à inciter le Gouvernement à soutenir davantage l’hydrogène, dont le développement est fondamental pour réussir la transition écologique. Il faut soutenir les usines de production d’hydrogène vert, par électrolyse, mais aussi la possibilité d’extraire et d’exploiter de l’hydrogène blanc. On a découvert dans ma circonscription, en Moselle, l’un des plus gros gisements d’hydrogène naturel au monde, qui correspondrait à près de la moitié de la production annuelle mondiale. Il nous faut étudier la possibilité d’exploiter l’hydrogène blanc, en nous assurant que cela n’aura pas d’impact nocif sur l’environnement.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le budget satisfait votre proposition puisque l’action Soutien hydrogène a été dotée de 680 millions d’euros. Je partage votre avis : il faut absolument encourager le développement de la technologie par électrolyse, notamment pour les transports individuel et collectif, mais aussi pour le matériel agricole, gros consommateur de carburant carboné. Mais voyons déjà comment les 680 millions d’euros seront consommés en 2024. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE231 de Mme Hélène Laporte

M. Frédéric Falcon (RN). Il s’agit de renforcer l’action Aides à l’acquisition de véhicules propres afin de revenir à un système de bonus écologique incitatif pour les véhicules thermiques et hybrides économes. Le système institué en 2008 reposait sur un équilibre entre bonus et malus à l’achat de véhicules. Il s’est progressivement transformé en un dispositif purement punitif pour les véhicules thermiques et hybrides, réservant le bonus aux véhicules électriques et à hydrogène. Pourtant, les constructeurs ont effectué des progrès considérables en matière de limitation de la consommation de carburant et d’émissions de CO2. À l’heure actuelle, 77 % des voitures neuves vendues sont thermiques ou hybrides. Les autres technologies ne sont, pour l’heure, pas adaptées à tous les usages et ne peuvent prendre le dessus. Le dispositif actuel est donc en décalage avec la réalité.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis favorable. Les dispositifs d’aide sont en effet centrés sur des véhicules totalement électriques, dont le coût demeure élevé pour nombre de nos concitoyens. Il faut encourager l’achat de voitures hybrides milieu de gamme ou bas de gamme, dont la consommation est de l’ordre de 1,5 à 2 litres pour cent kilomètres, ce qui en fait des véhicules vertueux du point de vue environnemental.

M. Thibault Bazin (LR). Je soutiens cette position pragmatique. Dans nos territoires, l’offre hybride est parfois beaucoup plus adaptée aux usages et aux problématiques rencontrées par les professionnels et les familles.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE278 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement, issu du collectif Alerte, vise à renforcer le principe de justice sociale dans l’octroi de la prime à la conversion pour permettre aux ménages modestes dépendants de la voiture de s’équiper d’un véhicule électrique. Nous proposons la création d’une « super-prime » de 2 000 euros pour les 50 % de ménages les plus modestes, ce qui porterait le montant de la prime à la conversion de 6 000 à 8 000 euros. Malgré une augmentation de 1 000 euros du montant maximal de la prime à la conversion en 2023, le calibrage actuel du dispositif reste en effet insuffisant pour réduire suffisamment le reste à payer.

Le dispositif proposé permettrait de réduire de 30 % le reste à charge des ménages modestes. Ainsi une Renault Twingo E-tech, qui est vendue 24 000 euros, ne leur reviendrait, après cumul des bonus, des primes et de l’aide des collectivités locales, qu’à 4 000 euros. Cela aiderait particulièrement les personnes qui résident dans une zone rurale ou de montagne et qui n’ont d’autre choix que d’utiliser leur voiture.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je comprends votre objectif, mais il me paraîtrait trop restrictif de limiter l’aide à l’achat de véhicules électriques. Pour accompagner les territoires ruraux, il faut aussi encourager l’hybride.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE285 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cet amendement, proposé par le Réseau Action Climat, a pour objet de financer une garantie de l’État à hauteur de 75 % sur le prêt à taux zéro mobilité (PTZ-m), sur le modèle du prêt avance rénovation créé par la loi « Climat et résilience ». En effet, la possibilité offerte aux organismes prêteurs de bénéficier d’un crédit d’impôt est intéressante, mais insuffisante pour garantir un déploiement rapide et généralisé du PTZ-m à la hauteur de l’enjeu que constituent les zones à faibles émissions. Sur le modèle du microcrédit, cette garantie de l’État pourrait être assurée par le fonds de cohésion sociale, dont la gestion est assurée par Bpifrance.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Le PTZ-m est une expérimentation toute récente, qui a commencé le 1er janvier dernier. Il convient d’en dresser le bilan avant d’engager plus avant les finances de l’État. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE226 de M. Benjamin Saint-Huile

M. David Taupiac (LIOT). Cet amendement vise à créer un programme Leasing social. En effet, si l’action Aides à l’acquisition de véhicules propres voit ses crédits augmenter de 15 %, le projet de loi de finances ne détaille pas les sommes qui seront allouées à la prime à la conversion, au bonus écologique et au leasing social. Nous proposons de flécher 50 millions d’euros vers ce nouveau programme.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Je rappelle que les crédits de l’action 03 Aides à l’acquisition de véhicules propres sont portés à 1,5 milliard d’euros, ce qui marque une progression de 203 millions d’euros et laisse de la marge pour ajuster les enveloppes. Limiter à 50 millions d’euros les moyens consacrés au leasing social risque au contraire de brider son développement, ce qui serait un peu paradoxal. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Conformément à l’avis du rapporteur pour avis, la commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits modifiés de la mission Écologie, développement et mobilité durables relatifs à l’énergie.

 

 

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

 

Amendement II-CE240 de Mme Christine Engrand et sous-amendement II-CE317 de M. Jérôme Nury

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Cet amendement est intéressant, car il propose d’élargir l’indicateur de performance, qui suit l’évolution des émissions de gaz à effet de serre des véhicules neufs, en prenant en compte non seulement les émissions produites pendant leur période d’utilisation, mais aussi le poids carbone issu de leur fabrication. Toutefois, la rédaction en étant quelque peu ambigüe, je propose un sous-amendement visant à ajouter les mots : « de leur fabrication à leur recyclage ». Avis favorable à l’amendement ainsi sous-amendé.

M. Antoine Armand (RE). On peut légitimement partager cette préoccupation. Pour mener à bien la transition écologique, il faut en effet avoir la capacité de mesurer l’ensemble de l’empreinte carbone d’un véhicule. À cet égard, le « score carbone », qui est en cours d’élaboration par les ministères de la transition écologique et des finances, vise à prendre en compte cette empreinte, notamment l’énergie nécessaire à la fabrication d’un véhicule. Cet amendement ne paraît donc pas pertinent.

La commission adopte le sous-amendement et rejette l’amendement.

 

 

Article 50 : Évolution de la prime de transition énergétique dite « MaPrimeRénov’ »

 

Amendements II-CE260 et II-CE256 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Une refondation du dispositif MaPrimeRénov’ est en cours, qui a pour objet de le faire reposer sur deux piliers, l’efficacité et la performance, et de favoriser la rénovation globale plutôt que les monogestes. L’amendement II-CE260 vise à exclure les logements à la performance énergétique classée E du pilier Efficacité, qui permet le changement de chauffage sans modification portée au corps du bâtiment. Il vise également à conditionner l’octroi du pilier Performance à des travaux induisant au moins trois sauts de classe énergétique au lieu de deux. Enfin, l’amendement vise à systématiser la réalisation d’un contrôle sur site pour les travaux qui seront financés par MaPrimeRénov’, car c’est essentiel à la confiance et permettrait de vérifier le bon usage de l’argent public.

Le second amendement ne concerne que le contrôle sur site pour l’octroi de MaPrimeRénov’. Ces amendements ont notamment été travaillés avec le Réseau pour la transition énergétique et négaWatt.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Avis défavorable sur les deux. Je suis opposé au durcissement des vérifications. On peut faire confiance à nos concitoyens et aux entreprises quant à l’utilisation de l’argent public. Je ne suis pas davantage favorable à ce que l’on durcisse les conditions d’octroi de MaPrimeRénov’, car cela découragerait un peu plus les propriétaires. Il existe déjà un maquis d’aides au sein duquel il est difficile de se retrouver : cela irait à l’encontre de ce que vous prônez.

M. Thibault Bazin (LR). Je partage l’avis du rapporteur. Je suis inquiet de l’évolution qui est proposée. Il ne faut pas rendre les choses encore plus contraignantes.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). La réforme de MaPrimeRénov’ vise à atteindre l’objectif fixé par la loi, qui est de 370 000 rénovations globales par an alors que l’on en était à 66 000 l’année dernière. Dans le cadre de notre rapport d’information, nous avons mis en évidence la nécessité, pour lever les freins à la rénovation globale, de cesser d’accorder des subventions pour changer juste de modèle de chauffage. Cela implique d’ajuster les modalités de financement, ce qui, nous l’avons noté, est compliqué. L’accompagnement indépendant et gratuit est essentiel pour accompagner tous les ménages. Par ailleurs, je suis choquée que vous négligiez ainsi le contrôle d’une aide publique. Le fléau de la fraude nuit au secteur du bâtiment, comme l’a montré notre rapport.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 50 non modifié.

 

 

Article 51 : Prolongation complémentaire du congé d’accompagnement spécifique des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 51 non modifié.

 

 

Article 52 : Prolongation temporaire du bouclier tarifaire sur l’électricité et modification des conditions d’établissement des tarifs réglementés de vente de l’électricité

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 52 non modifié.

 

 

Après l’article 52

 

Amendement II-CE214 de M. Matthias Tavel

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les insuffisances du bouclier tarifaire, en se concentrant sur trois points : les publics qui en sont exclus ; la perte de pouvoir d’achat, y compris pour les bénéficiaires ; et l’exposé de solutions de long terme, comme les tarifs réglementés de vente, malheureusement amenés à disparaître. L’existence même de ce bouclier est la preuve que le marché ne fonctionne pas. Il est urgent de protéger les ménages, frappés par l’inflation, mais aussi les très petites, petites et moyennes entreprises, les collectivités, qui l’année dernière ont dû fermer des bibliothèques et des piscines, ou les associations qui viennent en aide aux plus démunis. La Banque alimentaire a besoin de 16 millions d’euros supplémentaires rien que pour faire face à l’augmentation des factures d’énergie.

Une réforme est en cours à l’échelle européenne. À ce propos, la ministre Agnès Pannier-Runacher a cherché à faire croire à la représentation nationale et à l’ensemble des Français, hier, dans l’hémicycle, que l’on avait obtenu une déconnexion des prix du gaz et de l’électricité. C’est un mensonge : la seule « victoire » – et c’est ironique – est celle de l’implication du nucléaire dans la réforme. Il est urgent de sortir de la concurrence.

M. Jérôme Nury, rapporteur pour avis. Parler d’insuffisance du bouclier tarifaire me paraît abusif alors que l’État y a consacré 32 milliards d’euros de dépenses budgétaires, plus 18 milliards d’euros de pertes de recettes découlant de la minoration de l’accise sur l’électricité, soit 50 milliards d’euros en tout.

Toutefois, il serait intéressant d’obtenir un rapport sur le sujet, dans la mesure où cette crise énergétique, qui est venue percuter les entreprises et nos concitoyens, a été peu anticipée. Nous avons également payé « cash », ces derniers mois, l’abandon de la filière électronucléaire. Il faut mener une vraie réflexion sur les crises énergétiques, passées et à venir. Sagesse.

M. Antoine Armand (RE). Monsieur Laisney, ce n’est pas parce que l’on dit plusieurs fois quelque chose de faux que cela devient vrai. Ce que la ministre de la transition énergétique a dit hier, c’est que les outils qui seront mis en place dans le cadre du nouveau marché européen de l’électricité permettront de déconnecter durablement le prix de l’électricité dans les contrats de long terme du prix du gaz spot, établi à chaque instant, qui est une tarification marginale nécessaire pour avoir de l’électricité – laquelle ne se stocke pas : c’est une loi physique, pas une loi que pourrait voter La France insoumise, irréaliste parce qu’elle ne s’appuie pas sur les réalités techniques et industrielles.

La commission adopte l’amendement.

 

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables consacrés à l’énergie.

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables consacrés à l’énergie

 


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   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

 

Ministère de la transition énergétique :

Cabinet de la ministre de la transition

Mme Roxane Mestrius, conseillère budgétaire, fiscalité et décarbonation du bâtiment ;

Mme Célia Agostini, conseillère parlementaire

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Thimotée Furois, sous-directeur des marchés de l’énergie

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

Mme Emmanuelle Wargon, présidente

Mme Olivia Fritzinger, cheffe du service relations institutionnelles

M. Aodren Munoz, chargé des relations institutionnelles

Table ronde Grands consommateurs d’énergie :

UNIDEN *

M. Nicolas de Warren, président

M. Fabrice Alexandre, directeur associé

CLEEE *

M. Frank Roubanovitch, président

M. Fabrice Fages, conseil du Comité

EDF *

Mme Nelly Recrosio, directrice Marché d’affaires

M. Erwan Tanguy, directeur Économie des offres et régulation

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


 

Liste des contributions écrites

 

Mouvement des entreprises de France *

Confédération des PME *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Hors les 800 millions d’euros mobilisés pour le fonds « Chaleur » de l’ADEME au sein du programme 181, en hausse de 300 millions d’euros par rapport à 2023.

([2]) La France s’est fixé pour objectifs de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle vise, par ailleurs, à réduire la consommation d’énergie finale de 20 % d’ici 2030 et de 50 % d’ici 2050.

([3]) À noter par ailleurs qu’en soutenant les opérations de production de chaleur à partir de sources renouvelables à un prix inférieur ou presque équivalent à celui de la chaleur conventionnelle, les 820 M€ prévues en 2024 pour le Fonds chaleur géré par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (cfaction n° 12 du programme 181 « Prévention des risques ») contribuent également à améliorer le bilan carbone des bâtiments.

([4]) Depuis le 1er janvier 2023, les véhicules hybrides rechargeables ne sont plus éligibles au bonus écologique, ainsi que les voitures particulières électriques dont le prix d'acquisition est supérieur à 47 000 € ou dont la masse en ordre de marche est supérieure à 2,4 tonnes. Enfin, d’ici la fin de l’année 2023, l’éligibilité sera également liée à un score environnemental minimal.

([5]) Lors de leur première immatriculation en France, les véhicules de tourisme des particuliers sont soumis à une taxe sur les émissions de dioxyde de carbone, dite « malus CO2 » et, depuis le 1er janvier 2022, à une taxe sur la masse en ordre de marche, dite « malus masse ». Les véhicules de tourisme des entreprises sont, quant à eux, soumis à une taxe annuelle sur les émissions de CO2 et à une taxe annuelle sur l’ancienneté.

([6]) Ces charges correspondent à des surcoûts supportés par les entreprises des secteurs de l’électricité et du gaz qui sont compensés par l’État. Ces surcoûts découlent des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, de l’obligation d’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel, de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, de l’application de dispositifs sociaux bénéficiant aux ménages en situation de précarité énergétique et du gel des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz.

([7]) Amendement n° 340, adopté en séance qui a ouvert 230 M€ supplémentaire dans un nouveau programme « Aide exceptionnelle pour les particuliers utilisant du fioul » au sein de la mission « Cohésion des territoires ».

([8]) Depuis l’arrêté tarifaire du 23 novembre 2020, ce soutien est désormais limité aux installations de capacité maximale de production inférieure à 300 Nm3/h. Au-delà les installations sont considérées comme suffisamment rentables.

([9]) Les fournisseurs historiques (EDF, les entreprises locales de distribution et, depuis 2017, des organismes agréés) sont tenus de conclure des contrats d’achat de 15 à 20 ans de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable par les installations éligibles à l’obligation d’achat ou par les lauréates d’un appel d’offres dans lequel le soutien est attribué sous forme de tarif d’achat. Le programme 345 leur compense le surcoût que représente l’achat de ces productions.

([10]) Ce dispositif est fondé sur la possibilité de vendre directement sur le marché l’électricité produite, tout en bénéficiant du versement d’une prime par EDF qui est compensée par le programme 345. Le soutien est attribué soit en guichet ouvert, soit à l’issue d’un appel d’offres.

([11]) Ou 342 €/MWh pour l’indice TTF (Title Transfer Facility), référence de la bourse du gaz en Europe.

([12])  Communication du 7 décembre 2021 « Prix de l’énergie », Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Anthony Cellier.

([13]) 91 % des dirigeants interrogés se disent impactés par la hausse des prix de la part de leurs fournisseurs. Parmi eux, 50 % indiquent qu’elle a eu pour effet d’accroître le prix de revient de plus de 10 %.

([14]) Leurs prix moyens de l’énergie hors acheminement et taxes, avant guichet ou amortisseur, sont passés de 46 € à 195 € par MWh pour l’électricité et de 15 € à 89 € par MWh pour le gaz entre 2021 et 2023.

([15]) Article L. 337-6 du code de l’énergie.

([16]) CRE, Délibération n° 2023-148 du 22 juin 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité.

([17]) Recommandations de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises C (2003) 1422.

([18]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, dite « loi Pouvoir d’achat ».

([19]) Cour des comptes, référé, « l’évaluation de la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique », Courrier du Premier Président de la Cour des comptes M. Didier Migaud à MM. Bruno Lemaire et Nicolas Hulot en date du 22 décembre 2017, https://www.ccomptes.fr/fr/documents/41952.

([20]) Cour des comptes, L’organisation des marchés de l’électricité, juillet 2022.

([21]) Les 19,5 TW d’Arenh+ finalement demandés ont représenté une mesure de 7,9 Md€, à raison de 4,1 Md€ au titre des livraisons aux fournisseurs alternatifs et de 3,8 Md€ versés directement par EDF à ses clients (TRVe ou offres indexées). Mais la CRE relève que sur ces 7,9 Md€, il faut déduire les frais de gestion, des ajustements et 34 M€ litigieux pour aboutir au bénéfice réel de la mesure pour les consommateurs. Pour une présentation plus détaillée, voir la délibération de la CRE n° 2023 225 du 13 septembre 2023 portant communication sur le bilan de la répercussion des volumes additionnels d’Arenh dans les offres de fourniture d’électricité.

([22]) CRE, Communiqué de presse du 14 septembre 2023.

([23]) Exeltium est un consortium qui approvisionne 25 clients électro-intensifs et une centaine de sites. Il s’agit d’un contrat de partenariat industriel avec EDF qui a débuté en mai 2010 et se terminera en avril 2034.

([24]) C’est-à-dire dont l’électro-intensité est supérieure à 6 kWh par euro de valeur ajoutée et le taux d’exposition à la concurrence internationale supérieur à 25 % (soit un niveau minimal d’électro-intensité égal à 13,5 %).

([25]) À raison de 81 % d’abattement pour ceux dont le profil de consommation est stable, 74 % pour les « anticycliques » et 50 % pour les sites permettant le stockage et la restitution de l’électricité. Cela représentait une économie pour ces entreprises de 223,80 M€ en 2021 et de 231 M€ en 2022.

([26]) Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022. Elle prend la forme d’une subvention égale à :

– 30% des coûts éligibles, plafonnée à 2 millions d’euros, pour les entreprises subissant une baisse d’excédent brut d’exploitation (EBE) de 30 % par rapport à 2021 ou ayant des pertes d’exploitation (condition vérifiée à la maille trimestrielle) ;

– 50 % des coûts éligibles, plafonnée à 25 millions d’euros, pour les entreprises subissant des pertes d'exploitation et dont le montant des pertes est au plus égal à deux fois les coûts éligibles. L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes d’exploitation.

([27]) Le ministère explique que cette limite correspond au cadre donné par les articles 12 et 13 du règlement 2022/1854 d’octobre 2022. Elle « préserve les incitations à la maitrise de la consommation ».

([28]) Par exemple, si une entreprise a un prix unitaire de la part énergie de son contrat de 350 €/MWh (0,35 €/kWh), l’amortisseur électricité permet de prendre en charge environ 20 % de sa facture totale d’électricité TTC (Turpe compris).

([29]) Elles doivent être éligibles au dispositif de l’amortisseur électricité et remplir, après prise en compte de l’amortisseur électricité, les autres critères d’éligibilité au guichet, à savoir :

 les dépenses d’énergie représentaient 3 % de leur chiffre d’affaires au cours de la période correspondante en 2021, avant prise en compte de l’amortisseur ;

– leur facture d’électricité, après réduction perçue via l’amortisseur électricité, a connu une hausse de plus de 50 % par rapport au prix moyen payé en 2021 ;

– l’entreprise a subi des évènements de nature exceptionnelle en 2021 et elle ne pouvait jusqu’ici pas bénéficier de l’aide en raison de la faiblesse ou de l’absence de consommations énergétiques en 2021.

([30]) Ces prix étaient calculés pour une offre d’un fournisseur, d’une durée d’un an pour une livraison sur l’année calendaire 2023, valable 24 heures et fondée sur les prix de gros de l’électricité du lundi. Les prix de référence intégraient le bénéfice de l’ARENH.

([31]) https://www.cre.fr/L-energie-et-vous/prix-repere-de-vente-de-gaz-naturel-a-destination-des-clients-residentiels

([32]) Consultation publique n° 2023-08 du 12 octobre 2023.

([33]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/nationalisation_EDF?etape=16-SN2

([34]) En effet, les TRVe sont actuellement construits en prenant en compte un approvisionnement sur les marchés qui est lissé sur 24 mois afin d’assurer leur stabilité et leur contestabilité (c’est-à-dire la possibilité pour tous les fournisseurs de proposer des offres équivalentes). Cela signifie que les volumes vendus au titre des TRVe sont achetés à l’avance sur les 2 années précédentes. Pour le ministère, cela signifierait que tout changement significatif du périmètre des consommateurs éligibles aux TRVe devrait être anticipé d’au moins 24 mois pour permettre aux opérateurs qui proposent ces tarifs réglementés d’adapter leurs offres, mais aussi à d’autres fournisseurs de proposer des offres indexées sur les tarifs réglementés.