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N° 1723

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME IX

INVESTIR POUR LA FRANCE DE 2030

PAR M. Laurent ALEXANDRE

Député

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 Voir les numéros : 1680 (Tome III, Annexe 29).


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : l’approfondissement en 2024 du programme d’investissements d’avenir au travers de « France 2030 »

I. La continuitÉ entre le PIA et « France 2030 »

A. L’adjonction de « France 2030 » au PIA dans la loi de finances pour 2022

B. les modalitÉs d’intÉgration des nouveaux crÉdits aux programmes du PIA

II. une trajectoire budgÉtaire sur 2023 conforme au dÉploiement du dispositif

A. L’AchÈvement du PIA 3 et la poursuite du PIA 4 confortÉe par « France 2030 »

B. une dynamique d’Évolution des crÉdits de paiement qui s’accÉlÈre pour le programmes 424

PARTIE THÉMATIQUE : France 2030, DES INSUFFISANCES À l’Épreuve des stratÉgies RELATIVES AUX biomÉdicaments ET À LA mobilitÉ Électrique

I. FAIRE DE LA France UN LEADER DE LA PRODUCTION DE THÉRAPIES INNOVANTES : une ambition peu rÉaliste QUI ne doit pas OCCULTEr LA QUESTION PREMIÈRE DE L’ACCES AUX SOINS

A. PRODuire 20 biomÉdicaments en France À l’horizon 2030, un objectif très ambitieux dont le dÉploiement pose question

1. Un objectif surdimensionné face aux investissements réalisés, souffrant de la comparaison internationale

a. Définition de la notion de biomédicaments

b. La position de la France () dans un marché à forte croissance

c. Les atouts et les défis du secteur des biothérapies en France

d. Brève présentation de la stratégie d’accélération biomédicaments et thérapies innovantes (SABB)

e. Les avis mitigés des acteurs du secteur sur la capacité à atteindre cet objectif

2. Des dispositifs de financement éclatés compromettant leur lisibilité pour les acteurs ainsi que l’articulation cohérente des filières santé

a. Les opérateurs de la mise en œuvre de la stratégie nationale d’accélération

b. Rappel des actions (AAP (), AMI, PEPR) financées par la stratégie

3. Une mise en relation entre acteurs publics et privés qui peut apparaître nécessaire, mais dont l’équilibre entre partenaires reste flou

a. Association France BioLead (portée par Sanofi)

b. Le soutien public au développement des écosystèmes d’innovation en santé

c. Le partage de la propriété intellectuelle entre acteurs publics et privés

B. l’accÈs universel aux soins des français, une question primordiale, mais un angle mort du volet santÉ de France 2030

1. La nécessité de concilier les innovations apportées par les biomédicaments et la préservation du système de santé solidaire français à travers une vigilance accrue sur les prix des biomédicaments

a. Le besoin de maintenir la vigilance sur les prix des médicaments

b. La question des conditionnalités à introduire sur la fixation des prix de vente des médicaments ayant reçu des soutiens publics

2. L’approvisionnement des français en médicaments du quotidien, un autre impensé du volet santé France 2030

a. France 2030 et les médicaments du quotidien

b. Les pénuries de médicaments observées ces derniers mois sont-elles appelées à perdurer ?

II. La TRANSITION de L’INDUSTRIE AUTOMOBILE vers l’Électrique pose des questions de souverainetÉ et laisse craindre une France À deux vitesses

A. Des efforts engagés en faveur de l’Électrification gÉnÉrale des vÉhicules automobiles À horizon 2030

a. Un objectif ambitieux de production de 2 millions de véhicules électriques (VE) à horizon 2030

b. Des stratégies différentes des deux grands constructeurs automobiles français.

c. Le sujet de la compétitivité des véhicules électriques français par rapport à la concurrence

B. Le risque d’une France à deux vitesses

a. Des barrières financières importantes à l’achat de véhicules électriques pour certains Français.

b. Des infrastructures de transport inégalement réparties : ceux qui auront accès à des solutions de mobilité et les autres

C. Des dépendances persistantes…

a. … Aux matières premières permettant de produire des batteries

b. … À la production d’énergie nécessaire

D. L’avenir de la voiture : un défi majeur pour notre souveraineté industrielle

a. Revoir la relation entre l’État et les constructeurs automobiles

b. La nécessité d’engager la transformation industrielle des sous-traitants et de toute la chaîne de fabrication des véhicules électriques en Europe (et en France) et d’accélérer la formation des personnels aux nouveaux métiers de la filière (école de la batterie), entretien, garages individuels…

c. Le recyclage des batteries électriques, une solution aussi bien écologique qu’un outil de souveraineté à long terme.

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

 


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   INTRODUCTION

Le Président de la République, lors de sa présentation du Plan France 2030 le 12 octobre 2021, pose l’innovation comme un préalable indispensable à la réindustrialisation, afin d’engager un nouveau cercle vertueux de croissance pour notre pays.

Pour votre rapporteur, l’idée que l’innovation permettrait, dans une course à la compétitivité, de répondre à elle seule aux défis économiques et climatiques de la France, est trompeuse. Elle fait l’impasse sur la nécessité d’un tissu industriel cohérent pour répondre aux besoins humains et écologiques et sur la sobriété qui devrait être pensée dans nos modes de production et de consommation. Votre rapporteur souhaite mettre en avant diverses insuffisances du plan France 2030.

En premier lieu, un défaut de planification majeur fait passer le Plan France 2030 à côté de ses objectifs.

Au lendemain de la crise sanitaire, les plus grandes puissances économiques ont engagé d’importants plans d’investissements publics ciblés pour accélérer la reprise économique et renforcer la croissance potentielle. Le Plan France 2030 s’inscrit dans cette logique. Les États-Unis par exemple ont mis en place le 16 août 2022, un plan inédit dénommé l’Inflation Reduction Act (IRA), qui consacre près de 400 milliards de dollars de dépenses fédérales sur dix ans à de grands enjeux sociétaux comme la transition énergétique ou les soins de santé. La loi vise les investissements dans les capacités de productions nationales notamment décarbonées, la stimulation de la recherche et développement (R&D) ou encore le développement des technologies de pointe.

Ce plan est pensé et défendu pour replacer la France de 2030 dans la compétition internationale. Pourtant, les pays identifiés comme les concurrents de la France, principalement les États-Unis et la Chine, mettent en place en complément de leurs plans d’investissements, des mesures protectionnistes d’opportunité qui offrent des débouchés à leurs propres entreprises. La France et plus globalement l’Europe n’appliquent pas les mêmes règles. La grande compétition internationale est biaisée.

Ainsi, France 2030 ne s’inscrit pas dans une stratégie industrielle globale. Une telle stratégie demande notamment des investissements suffisants dans la recherche, le développement et la bifurcation écologique.

. Selon le comité de surveillance des investissements d’avenir, « Il n’est pas d’industrie durablement compétitive sans une recherche fondamentale de niveau international ». Or, les dépenses consacrées à l’ensemble des activités de recherche et développement en France correspondent à seulement 2,21 % du produit intérieur brut (PIB) en 2021, ce qui situe la France dans la catégorie des pays intermédiaires en la matière alors que les États-Unis consacrent 2,7 % de leur PIB à ces dépenses, et l’Allemagne 2,9 %.

De même, le rapport de M. Jean Pisani-Ferry publié lundi 22 mai 2023, estime le niveau d’investissements supplémentaires à 66 milliards d’euros par an d’ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone, dont 34 milliards d’euros par an qui devraient venir des pouvoirs publics. Avec le seul plan France 2030 et les orientations budgétaires du gouvernement, le compte n’y est pas.

Deuxièmement, il serait nécessaire d’exiger des conditions écologiques et sociales aux aides versées

Pour mémoire, dès le déploiement du second Programme d’investissements d’avenir (PIA2), dans le PLF 2014, la question de la conditionnalité des aides aux entreprises était apparue comme un enjeu, et une demande de rapport au Gouvernement a été formulée sur les critères d’éco-conditionnalité auxquels étaient soumis les projets du PIA (II de l’article 59 de la loi de finances pour 2014).

Il ressort par ailleurs que les exigences définies par le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et les opérateurs de France 2030 à l’égard des entreprises bénéficiaires ne portent que sur le périmètre du projet financé. Il n’est donc pas tenu compte de leurs autres activités ni des éventuelles délocalisations ou licenciements qu’elles pourraient réaliser en parallèle du projet soutenu par France 2030.

Par exemple, la filière automobile est massivement soutenue par le Plan France 2030 notamment pour la production française de batteries, alors même que les constructeurs délocalisent des activités à l’étranger comme les fonderies d’aluminium qui sont pourtant nécessaires à la réalisation des voitures électriques.

Troisièmement, l’évaluation du dispositif manque d’indépendance alors même que le plan souffre d’un déficit démocratique.

L’évaluation du dispositif est assurée par un comité de surveillance des investissements d’avenir, composé à majorité de personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre. Votre rapporteur estime que ce comité manque d’indépendance dès lors que France 2030 est piloté par le SGPI, qui est lui-même un service sous l’autorité du Premier ministre. Une telle structure mériterait une composition plus pluraliste laissant davantage de place à la société civile et à des représentants qualifiés à même d’apporter une approche économique plus objective.

Différents rapports parlementaires ainsi que la Cour des comptes ont régulièrement souligné l’insuffisante évaluation des investissements d’avenir et de France 2030.

France 2030 est un plan qui souffre d’un déficit démocratique. Il a été créé sans débat parlementaire par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances de l’année 2022 pour engager 34 milliards d’euros sur la base d’un simple exposé sommaire. Le parlement n’a pas non plus été consulté sur la définition des 10 objectifs stratégiques de France 2030.

Le recours à l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le PLF 2023 a aggravé ce déficit démocratique. L’Assemblée nationale a été privée à cette occasion d’un débat en séance publique sur le texte et les députés se sont vu ôter par le Gouvernement de leurs droits de contrôle du Gouvernement et d’amendement sur ce texte.

*

* *

Le projet de budget de la mission « Investir pour la France de 2030 » pour l’exercice 2024 traduit la mise en œuvre des autorisations d’engagement (AE) allouées en 2022 et 2021 et permet de doter les opérateurs des crédits de paiement (CP) nécessaires à la mise en œuvre des orientations stratégiques de ce plan. S’il peut aider le pays à poursuivre ses efforts d’innovation, il comporte des insuffisances et nécessite plusieurs réorientations majeures.

Autorisations d’engagement et crédits de paiement
de la mission « investir pour la France de 2030 »

(En milliers d’euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution

(%)

Autorisations d’engagement

262 500

0

- 100,0 %

Crédits de paiement

6 087 628

7 701 710

+ 26,5 %

Source : PLF 2024.

Votre rapporteur vous propose donc de donner un avis défavorable à l’adoption des crédits pour 2024 de la mission « Investir pour la France de 2030 ».


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   premiÈre partie :
l’approfondissement en 2024 du programme d’investissements d’avenir au travers de « France 2030 »

I.   La continuitÉ entre le PIA et « France 2030 »

A.   L’adjonction de « France 2030 » au PIA dans la loi de finances pour 2022

Pour mémoire, le terme de « France 2030 » renvoie aux propos tenus par le Président de la République lors de sa présentation au Palais de l’Élysée, le 12 octobre 2021, d’une stratégie d’investissement à l’horizon de l’année 2030, d’un montant de 34 milliards d’euros (Md€) sur une période de cinq ans. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, les crédits correspondants ([1]) ont finalement été rattachés à la mission « Investissements d’avenir » par un amendement du Gouvernement visant à placer les moyens de soutien à l’investissement sous le couvert d’une doctrine et d’une gouvernance partagées. L’intitulé de la nouvelle mission est actuellement inscrit à l’article 187 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances initiale pour 2022.

Le terme même d’« investissements d’avenir » est issu du rapport de la commission sur l’emprunt national, publié le 19 novembre 2009, qui estimait nécessaire pour la France « d’investir pour l’avenir » selon des voies nouvelles. Un dispositif budgétaire dérogatoire, piloté au niveau du Premier ministre, a été mis en place dès l’année 2010 sous le nom de « Programme d’investissements d’avenir » (PIA). Plusieurs autres PIA (2, 3 et 4) ont été créés successivement en 2014, 2017 et 2020.

Le dispositif « France 2030 » s’affiche comme la continuation des PIA précédents :

2010

2014

2017

2020

2021

PIA 1

PIA 2

PIA 3

PIA 4

France 2030

35 Md€

(AE)

12 Md€

(AE)

10 Md€

(AE)

20 Md€

(AE)

Continuation du PIA 4 + 34 Md€ (AE)

B.   les modalitÉs d’intÉgration des nouveaux crÉdits aux programmes du PIA

Les dotations du PIA avaient été conçues pour être utilisées sur plusieurs années selon des modalités d’engagement et de paiement différentes de celles prévues par la loi organique n° 2021-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). L’engagement des crédits se matérialise ainsi par la conclusion d’une convention entre l’État et un opérateur chargé de gérer les fonds à destination des différents bénéficiaires (entreprises, organismes de recherche, etc.).

Flux État Opérateur

Flux Opérateur bénéficiaire

AE

CP

Engagement : décision du Premier ministre

Consommation de l’intégralité des AE lors de la signature de la convention

Crédits inscrits à chaque PLF annuel

Contractualisation entre l’opérateur et le bénéficiaire

Décaissement de l’opérateur au bénéficiaire

Source : Secrétariat général pour l’investissement (SGPI).

En raison de ces spécificités, le PIA n’apparaissait pas initialement en tant que tel dans la répartition des crédits annuels par mission. Le dispositif a été érigé en mission à part entière dès le projet de loi de finances pour 2017 (PIA 3) et décliné en trois programmes :

– « Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche » (P 421) : émergence d’acteurs répondant aux meilleurs standards internationaux dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

– « Valorisation de la recherche » (P 422) : accompagnement des structures d’innovation et de transfert de technologie créées lors des PIA 1 et 2, qu’il s’agisse des sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT) ou des « démonstrateurs territoriaux » ;

– « Accélération de la modernisation des entreprises » (P 423) : industrie du futur, concours d’innovation, etc.

Deux nouveaux programmes sont venus étoffer la mission à compter du PIA 4 en 2020 :

– « Financement des investissements stratégiques » (P 424) : programmes et équipements prioritaires de recherche, soutien au déploiement et démonstrateurs en conditions réelles ([2]), etc.

– « Financement structurel des écosystèmes d’innovation » (P 425) : aides dites « bottom-up » : aides de guichet, concours d’innovation de Bpifrance, dotations en fonds propres, etc.

Les crédits alloués au titre de « France 2030 » (34 Md€) ont été intégrés aux autorisations d’engagement des programmes 424 et 425 dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2022.

(En milliers d’euros)

Programme

LFI 2021

PIA 4

LFI 2022

France 2030

Total (AE)

Financement des investissements stratégiques (P424)

12 500 000

27 998 300

40 498 300

Financement structurel des écosystèmes d’innovation (P425)

4 062 500

6 001 000

10 073 500

Total

16 562 500

34 009 300

50 571 800

Source : Projets annuels de performance 2022 et 2023 (montants en AE)

II.   une trajectoire budgÉtaire sur 2023 conforme au dÉploiement du dispositif

A.   L’AchÈvement du PIA 3 et la poursuite du PIA 4 confortÉe par « France 2030 »

Les variations des crédits alloués au PIA d’un exercice à l’autre sont différentes de celles apparaissant sur les autres missions : les autorisations d’engagement font souvent l’objet d’un abondement significatif dès l’annonce d’un plan d’investissement, puis sont rapidement consommées au fur et à mesure de la contractualisation avec l’opérateur. Les crédits de paiement, pour leur part, font l’objet de tranches de versement plus ou moins régulières selon le degré de réalisation des projets par les opérateurs concernés. D’un point de vue général, les décaissements reflètent l’avancement d’un PIA.

En ce sens, l’évolution des crédits de la mission entre la LFI 2023 et le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 traduit la poursuite du déploiement du dispositif « France 2030 » :

– remise à zéro des autorisations d’engagement ;

– épuisement progressif des crédits de paiement ouverts sur les programmes relatifs aux PIA 1, 2 et 3 ([3]) (421, 422 et 423) ;

– poursuite en 2024 des décaissements entamés en 2023 au titre du PIA 4 et de « France 2030 », les crédits de paiement cumulés des programmes 424 et 425 progressant de 28,4 % entre 2023 (5,7 Md€) et 2024 (7,3 Md€).

 

Source : Analyse du projet annuel de performances (PAP) 2024.

B.   une dynamique d’Évolution des crÉdits de paiement qui s’accÉlÈre pour le programmes 424

Dans le PLF 2024, un fort ralentissement de la consommation des CP est anticipé sur l’action 03 « Aides à l’innovation " bottom-up " (fonds propres) » du programme 425 alors que des hausses sont attendues pour les actions 01 « Financements de l’écosystème ESRI et valorisation » et 02 « Aides à l’innovation " bottom-up ", soit + 7,3 % et + 37,8 % par rapport à 2023).

S’agissant du programme 424, d’autres dispositifs montent nettement en puissance en particulier l’action 02 « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche » (640 M€, soit + 300 %) afin de poursuivre le soutien aux stratégies « nucléaire », « puces électroniques ». De même, les actions 03 « Démonstrations en conditions réelles, amorçage et premières commerciales » et 04 « Soutien au déploiement » restent dynamiques (respectivement 1,2 Md€ et 1,9 Md€, soit + 90,6% et + 199,7 %) notamment pour poursuivre le soutien à l’industrialisation des projets innovants concernant les énergies renouvelables, l’agriculture et l’alimentation.

La dotation allouée aux Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) (action 01 du programme 424) apparaît toutefois surprenante (0 , soit - 100 %), au regard du dynamisme de ce dispositif de financement « dirigé » de grands programmes de recherche.


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  PARTIE THÉMATIQUE :
France 2030, DES INSUFFISANCES À l’Épreuve des stratÉgies RELATIVES AUX biomÉdicaments ET À LA mobilitÉ Électrique

I.   FAIRE DE LA France UN LEADER DE LA PRODUCTION DE THÉRAPIES INNOVANTES : une ambition peu rÉaliste QUI ne doit pas OCCULTEr LA QUESTION PREMIÈRE DE L’ACCES AUX SOINS

Les difficultés des acteurs français à occuper les premiers rôles dans la course à la découverte du vaccin contre le covid-19 ont montré l’impérieuse nécessité pour la France d’investir massivement dans ses capacités productives notamment dans le domaine de la santé. La part croissante des biomédicaments dans les solutions thérapeutiques en développement aujourd’hui place cette famille de médicaments au cœur des enjeux de la médecine du futur.

L’essor des biomédicaments entraine en effet une véritable révolution dans la médecine. L’objectif de produire 20 biomédicaments en France à l’horizon 2030 fait ainsi partie des annonces emblématiques du volet santé de France 2030. Une analyse de cette transformation en cours et la mesure de ses effets potentiels sur le système de santé solidaire français apparaît nécessaire à votre rapporteur, d’où son choix de se porter sur ce volet, ici essentiellement abordé par le prisme de la production des biomédicaments.

A.   PRODuire 20 biomÉdicaments en France À l’horizon 2030, un objectif très ambitieux dont le dÉploiement pose question

L’année 2030 constitue l’horizon fixé par le plan innovation santé 2030 ([4]) pour mobiliser l’ensemble des acteurs de la filière des biothérapies et thérapies innovantes dans une dynamique d’accélération des innovations. Il s’agit de convertir cet effort en production de médicaments en vue de « positionner la France en leader mondial des biothérapies et de leur bioproduction ».

1.   Un objectif surdimensionné face aux investissements réalisés, souffrant de la comparaison internationale

À l’image des neuf autres objectifs stratégiques de France 2030, une stratégie nationale d’accélération biomédicaments et thérapies innovantes (SABB) ([5]) a été adoptée. Un budget de près de 800 M€ est alloué à la stratégie jusqu’en 2025.

a.   Définition de la notion de biomédicaments

Le terme biomédicaments est défini dans le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine ([6]) comme la « famille de médicaments issus de cultures cellulaires qu’on conduit à synthétiser un anticorps spécifiquement dirigé contre une cible déterminante d’une maladie. » Plus simplement, le vocable biomédicaments ([7]) désigne tout « médicament dont le principe actif est issu de matière biologique, elle-même issue du vivant : cellule, tissus ou organismes ».

b.   La position de la France ([8]) dans un marché à forte croissance

Les biomédicaments représentent la moitié des médicaments en développement en 2022 et les projections pour 2024 anticipent que cette catégorie de médicaments sera dominante. En 2019, les biomédicaments représentaient 24,3 % du marché mondial des médicaments, soit 240 Md€. Ce marché est en forte croissance et devrait évoluer au rythme annuel de 8 % à 9 % pour atteindre 320 Md€ en 2025.

En dépit de cette vigueur du marché, de la présence en France de nombreux acteurs de la filière et de l’excellence de sa recherche académique, la position de la France s’est fortement dégradée y compris à l’égard de ses partenaires européens. En 2020, seulement 5 biothérapies étaient produites en France contre 21 en Allemagne et 12 en Italie sur les 76 autorisées et commercialisées en Europe. La France dépend par ailleurs à 95 % des importations pour les biothérapies.

Cette position française s’explique aussi bien par des difficultés de financement que par la faible structuration et densité de sa filière biomédicaments. À cet égard, 64 % des acteurs déclarent éprouver des difficultés dans le financement des phases précoces et des études cliniques. De même, seuls 10 façonniers dits midsized ([9]) sont installés sur toute l’étendue du territoire et la filière ne compte que 9 usines pour la production en propre (Sanofi, Servier et Novartis). La faible offre de producteurs de médicaments sous-traitants ou CDMO ([10]) pénalise notre pays, ce qui renforce les choix d’acteurs à produire à l’étranger aussi bien leurs lots cliniques que les lots commerciaux.

Dans ce contexte, « la France n’est pas très bien placée, avec une seule « big pharma », Sanofi, qui ne cesse depuis des années de réduire ses capacités d’investissement et de production en France, et deux acteurs « mid-size » Servier et Ipsen. Le Royaume Uni, la Suisse, l’Allemagne, et même la Belgique sont sans doute mieux placés que la France » ([11]) notamment en raison de ce défaut de production.

c.   Les atouts et les défis du secteur des biothérapies en France

Le retard français est marqué par une discontinuité entre l’amont et l’aval de la chaîne de développement des médicaments en ce sens que si la France dispose de véritables forces qui pourraient lui servir de tremplin et d’appui au développement de sa filière de biomédicaments, elle devrait également s’atteler à surmonter certaines difficultés structurelles du secteur.

Tout d’abord l’excellence académique française est reconnue dans la recherche en santé et représente un vivier favorable à la création de technologies disruptives susceptibles de générer des projets de biothérapies. Le pays conserve encore son attractivité dans le domaine de la recherche clinique et des dépôts de brevets. Ainsi la France est relativement bien placée au niveau européen en ce qui concerne les premières étapes de recherche et de développement clinique en 2019 ([12]).

Par ailleurs, l’accès universel aux soins et un réseau organisé d’hôpitaux représentent un cadre propice au développement des médicaments qui peut par ailleurs bénéficier de la profondeur du marché pharmaceutique français. Les informations transmises par l’Agence de l’innovation en santé (AIS) montrent enfin un secteur composé de plus de 750 acteurs allant des start-ups aux grands acteurs de la filière.

S’agissant des défis à relever, au-delà de la faiblesse du tissu industriel de fournisseurs technologiques pour les équipements, les consommables ou les matières premières et le maigre nombre de producteurs sous-traitants des thérapies innovantes pour lots cliniques et commerciaux, déjà mentionnés plus haut, le pays doit également surmonter les difficultés résultant du manque de personnels qualifiés ([13]), sans doute en raison de la carence de production industrielle en la matière.

De même, certains acteurs auditionnés ont regretté un manque de structuration de la filière en partie en raison de locomotives qui n’ont pas joué le jeu pendant longtemps : « Il y a un manque de soutien des groupes pharmaceutiques français à l’innovation française : ces groupes trouvent souvent que c’est plus “ sexy ” quand c’est américain ou canadien… » ([14]).

d.   Brève présentation de la stratégie d’accélération biomédicaments et thérapies innovantes (SABB)

Cette stratégie nationale, élaborée dans une démarche de co-construction avec les acteurs de la filière, a vocation à favoriser l’atteinte de l’objectif de produire en France au moins 20 biomédicaments. Les objectifs intermédiaires suivants découlent de cet objectif stratégique : « produire au moins 5 nouveaux biomédicaments d’ici 5 ans, doubler le nombre d’emplois du secteur qui passerait de 10 000 à 20 000 et permettre l’émergence d’au moins une nouvelle licorne et 5 nouvelles entreprises de taille intermédiaires (ETI) de la biotech » ([15]).

Il est dès lors possible d’établir un premier constat : la capacité de la France à satisfaire cette ambition dépend fortement de la pertinence de cette stratégie nationale, de l’efficacité de sa mise en œuvre et de l’ampleur des moyens qui lui sont consacrés.

La Stratégie en un coup d’œil ([16])

La France se mobilise massivement autour des 4 thématiques suivantes :

– les biotechnologies en oncologie et notamment les anticorps monoclonaux ou les CAR-T cells ;

– les biotechnologies et innovations en thérapie génique et cellulaire hors oncologie ;

– les systèmes d’optimisation de technologies existantes dont les nouveaux systèmes d’expression permettant de produire ces biomédicaments ;

– le développement d’unités de production plus performantes et d’outils d’optimisation des systèmes de culture et procédés de bioproduction (nouvelles unités de production intégrant des innovations technologiques de rupture).

Pour y parvenir, les principaux axes de la stratégie sont de :

– catalyser l’innovation et former aux compétences des bioproductions ;

– développer l’outil industriel pour permettre aux entreprises innovantes de passer du prototype à l’échelle de fabrication industrielle (scale-up) et de produire sur le territoire national ;

– renforcer la structuration de la filière pour accélérer la mise sur le marché de nouvelles biothérapies.

Pour y parvenir, un budget total de près de 800 M€ sera alloué à cette stratégie d’ici 2025, en complément des moyens transverses alloués à ces enjeux

D’une durée de cinq années, la stratégie est structurée autour des quatre axes suivants :

e.   Les avis mitigés des acteurs du secteur sur la capacité à atteindre cet objectif

Le rapport ([17]) sur l’état d’avancement des chantiers de France 2030 donne un premier aperçu des résultats concrets sur la production des biomédicaments : pour un objectif intermédiaire de production de 5 ([18]) nouveaux biomédicaments en 2025, un seul nouveau biomédicament a été produit depuis 2020, portant à 6 ([19]) le nombre total de biomédicaments actuellement produits en France, ce qui laisse présager de l’immensité de la tâche à accomplir. 

Ainsi, des acteurs auditionnés ont exprimé leur scepticisme quant à la capacité de la France à atteindre cet objectif de 20 biomédicaments en 2030 :

Par ailleurs, replacer cet objectif de production de 20 biomédicaments dans le contexte international n’inspire guère à plus d’optimisme. Si la France alloue 7,5 Md€ au plan innovation santé 2030 dont 800 millions d’euros (M€) pour la stratégie nationale d’accélération biothérapies et bioproduction de thérapies innovantes, cela semble insuffisant pour combler son retard sur ses concurrents directs européens ou américains d’après les acteurs de la filière auditionnés. D’autant que les États-Unis, par exemple, ont adopté le 16 août 2022, un plan dit de réduction de l’inflation, Inflation Reduction Act (IRA), d’une ampleur bien plus importante que le plan d’investissement français, qui marque un soutien public à l’innovation et à la décarbonation en général alors même que l’innovation dans le secteur pharmaceutique était d’ores-et-déjà massivement financée via le capital‑risque dans ce pays.

2.   Des dispositifs de financement éclatés compromettant leur lisibilité pour les acteurs ainsi que l’articulation cohérente des filières santé

a.   Les opérateurs de la mise en œuvre de la stratégie nationale d’accélération

La mise en œuvre du plan France 2030 s’appuie sur les quatre opérateurs historiques des PIA, c’est-à-dire l’Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Seuls les deux premiers opérateurs portent des actions en lien direct avec la stratégie nationale biothérapies.

Il est précisé que la mise en place le 31 octobre 2022 dernier de l’Agence de l’innovation en santé (AIS) qui est désormais chargée de la coordination et du pilotage du plan Innovation Santé 2030 incluant la stratégie nationale biothérapie comme composante prioritaire. Cette agence placée sous l’autorité de la Première ministre et rattachée au Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), a pour objectif d’accélérer l’efficience des innovations françaises en mettant en œuvre les priorités définies par ce plan.

En dépit cette volonté d’harmonisation et de coordination qui peut être mentionnée, il est apparu de façon générale lors des auditions que certaines start‑ups et PME avaient des difficultés pour identifier l’interlocuteur le plus indiqué pour leurs projets. En l’état, ces entreprises se retrouvent trop souvent exclues des financements faute de ressources nécessaires pour répondre à la complexité des différents AAP.

b.   Rappel des actions (AAP ([24]), AMI, PEPR) financées par la stratégie

Le tableau des actions financées dans la stratégie nationale, de l’amont à l’aval de la filière des biothérapies 

Actions ([25])

OpÉrateurs

Programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR)

ANR

AAP Intégrateurs biothérapies et bioproduction (IBB)

ANR

AAP prématuration et maturation

ANR

AAP Innovation biothérapie et bioproduction

Bpifrance

AAP Industrialisation et capacité santé 2030

Bpifrance

AMI Compétences et métiers d’avenir (CMA)

ANR

Des acteurs auditionnés regrettent que les ouvertures des appels à projet n’interviennent qu’au compte-goutte et sur des champs restreints. Il en résulte à leurs yeux une dilution des moyens mobilisés dans le temps et entre acteurs. Sanofi France soutient à ce titre que les publications des AAP et AMI devraient intervenir en grand nombre sur tous les champs visés de sorte à pouvoir entraîner un afflux massif de projets et d’initiatives auprès des investisseurs qui auraient une meilleure visibilité sur les incitations.

3.   Une mise en relation entre acteurs publics et privés qui peut apparaître nécessaire, mais dont l’équilibre entre partenaires reste flou

Deux mouvements emblématiques et complémentaires se conjuguent pour structurer la filière française de bioproduction en vue d’amorcer la dynamique de rattrapage de son retard sur ses concurrents : la mise en place récente de l’association de la filière française de bioproduction de biomédicaments, France Biolead, d’une part ; une structuration des acteurs de cette même filière à travers la création de différents écosystèmes d’innovation soutenus par France 2030, d’autre part. Les questions sur l’équilibre des acteurs au sein de ces initiatives restent toujours ouvertes.

a.   Association France BioLead (portée par Sanofi)

Lancée en décembre 2022, l’association pour la production de biomédicaments en France, France Biolead ([26]) fédère au sein d’une même filière, tous les acteurs de la bioproduction française, les industriels (Entreprises pharmaceutiques et de biotechnologies, CDMO, CRO ([27]) équipementiers, fournisseurs de solutions technologiques ou consommables), la recherche académique, les acteurs de la formation, l’État et les pôles de compétitivité, clusters, associations et syndicats professionnels. Votre rapporteur précise que cette réflexion entre acteurs de la filière a débuté en amont du plan France 2030 ([28]).

Son ambition est de structurer et piloter une filière unique de bioproduction française de biomédicaments avec le soutien de l’État, pour faire de la France un leader de la bioproduction en Europe et restaurer l’indépendance et la souveraineté de la France dans ce domaine.

Différents types de biomédicaments sont concernés par la feuille de route de France BioLead : les thérapies géniques, les thérapies cellulaires, les anticorps monoclonaux, les protéines recombinantes.

b.   Le soutien public au développement des écosystèmes d’innovation en santé

Dans le domaine des biothérapies, l’AMI « Biocluster » a pour ambition de doter la France de cinq bioclusters ([29]) de dimension mondiale susceptibles de porter l’ambition française chacun dans un domaine donné. Il est rappelé qu’un biocluster est un écosystème d’innovation regroupant laboratoires, centres de recherche, centres de soins et entreprises travaillant dans le domaine de la santé.

Biocluster Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC) : l’écosystème français du cancer ([30])

Le PSCC ([31]) a d’abord été une association de préfiguration créé en janvier 2022. C’est désormais une fondation de coopération scientifique (FCS), depuis le décret du 20 septembre 2023. Premier lauréat du plan France 2030 (100 M€ de financement) NextGenerationEU, Paris Saclay Cancer Cluster change le rythme de l’innovation en oncologie afin de la rendre plus prédictive, précise et efficace.

Pour accélérer cette transformation, l’oncocluster vise à favoriser les échanges au sein de la communauté du cancer, à renforcer l’offre disponible pour les projets innovants et à fournir aux chercheurs et développeurs européens les plus prometteurs l’accès au meilleur des expertises, des outils et des services du domaine : mentors, réseau, financements, données, échantillons, technologies, infrastructures et laboratoires.

Créée en février 2022 à l’initiative de l’Université Paris-Saclay, de l’Institut polytechnique de Paris, de l’Inserm, de l’Institut Gustave Roussy et de Sanofi, Paris Saclay Cancer Cluster rassemble déjà un continuum d’excellence de près de 80 membres relevant de 9 nationalités : organismes de recherche, universités, hôpitaux, start-ups, scale-ups, industriels, investisseurs en capital, associations de patients, Gouvernement, collectivités et acteurs du territoire.

La double ambition du cluster : changer le destin de millions de patients et positionner la France et l’Europe à la pointe du premier marché mondial de l’industrie pharmaceutique.

c.   Le partage de la propriété intellectuelle entre acteurs publics et privés

Les moyens mobilisés par les PIA 1, 2 et 3 ont progressivement favorisé la mise en place auprès d’organismes publics de recherche, des structures de transfert de technologie visant à accompagner leurs efforts de valorisation des résultats de recherche. Cette mobilisation s’est poursuivie à travers la mise en place de sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) réparties sur l’étendue du territoire.

En dépit de ces efforts consentis dans l’accompagnement des organismes publics de recherche, la question du partage de la propriété intellectuelle issue de leurs collaborations avec des acteurs privés garde toute son acuité. Les réponses fournies par des acteurs publics de recherche auditionnés ainsi que par le SGPI n’ont pas convaincu votre rapporteur que ce sujet était complètement satisfait, d’où la nécessité pour l’État d’observer une vigilance particulière sur ce sujet. Il peut en effet être fort regrettable que les brevets issus de la recherche publique, voire seulement en partie, se retrouvent exclusivement dans le portefeuille d’un acteur privé et qui par ailleurs vendrait au prix fort les médicaments correspondants.

 

Votre rapporteur formule deux propositions :

1/ Renforcer les capacités des organismes publics de recherche dans le suivi des mécanismes de partage de la propriété intellectuelle issue de leurs collaborations avec des laboratoires pharmaceutiques ou biotech privés.

2/ Demander au Gouvernement quelles contreparties concrètes sont demandées en termes de propriété intellectuelle demandées en cas de collaboration d’organismes publics de recherche avec des partenaires privés.

B.   l’accÈs universel aux soins des français, une question primordiale, mais un angle mort du volet santÉ de France 2030

1.   La nécessité de concilier les innovations apportées par les biomédicaments et la préservation du système de santé solidaire français à travers une vigilance accrue sur les prix des biomédicaments

a.   Le besoin de maintenir la vigilance sur les prix des médicaments

L’innovation apportée par les biomédicaments s’accompagne d’un renchérissement non négligeable du prix de ces nouveaux médicaments. Si l’article 54 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 donne de premières indications sur le cadre qui régit le mode de tarification applicable aux thérapies innovantes (type de contrats de performance avec étalement des versements conditionnés à l’atteinte d’objectifs cliniques) ([32]), une vigilance particulière doit être observée sur cette question. D’autant qu’une éventuelle explosion des prix des médicaments poserait en premier lieu la question de leur soutenabilité pour les finances publiques mais ferait courir par ailleurs un risque de privatisation ou de médecine à deux vitesses.

Pour mémoire, le Zolgensma, de la famille des thérapies géniques, est vendu près de 2 M€ la dose. L’ONG suisse Public Eye ([33]) souligne en outre que les marges des laboratoires sur les nouveaux médicaments comme les anti-cancéreux tourneraient autour de 80 %. À cet égard, les négociations engagées aux États-Unis dans le cadre du plan Inflation Reduction Act pour solliciter des baisses de prix sur les petites molécules montrent que la volonté politique peut faire bouger les lignes, y compris à l’égard des grands groupes pharmaceutiques ou big pharma. Votre rapporteur alerte sur le risque que ces laboratoires consentent à des baisses de prix aux États-Unis pour les répercuter sur le marché européen. La vigilance à venir sur les prix des molécules lui apparaît ainsi d’autant plus nécessaire.

Sur cette question des prix, L’AIS annonce avoir retenu comme priorité de prospective le champ des médicaments de thérapie innovante (MTI). L’impact financier de ces traitements très coûteux pour la solidarité nationale sera examiné dans le cadre de ces travaux de prospective par l’estimation du nombre de patients concernés, des prescriptions correspondantes ainsi que les prix pratiqués. À son issue, des scénarios de prise en charge des coûts seront présentés, avec des propositions d’adaptation des dispositifs existants si nécessaire.

Votre rapporteur est d’autant plus préoccupé par le poids de ces coûts supplémentaires que certaines réformes du Gouvernement, notamment celle portant sur l’élargissement de l’accès précoce ([34]) en 2021, lui semblent incliner ces coûts à la hausse.

b.   La question des conditionnalités à introduire sur la fixation des prix de vente des médicaments ayant reçu des soutiens publics

Le concours de l’État ou de ses opérateurs à certains acteurs du secteur pharmaceutique pose nécessairement la question des éventuels engagements pris par ces acteurs en contrepartie des aides reçues. Si des exemples de conditionnalités introduites dans certains appels à projet ou appels à manifestation d’intérêt ont pu être fournis par L’AIS notamment, l’introduction de conditionnalités n’est pas systématisée pour les appels à projet. Le SGPI mentionne par ailleurs la limite de l’intervention des opérateurs sur le périmètre et la durée du projet qui diffère de la durée de vie du produit ou de l’entreprise accompagnée.

Votre rapporteur propose :

1/d’encadrer les négociations commerciales entre les laboratoires pharmaceutiques vendant leurs traitements innovants et l’État acheteur dans le cas où la molécule innovante aurait été découverte par l’intermédiaire des efforts conjoints de recherche publique et privée. Normaliser par exemple l’utilisation de mécanismes comme la licence d’office pour ce faire.

2/ d’intégrer l’ensemble des aides publiques perçues par l’industrie pharmaceutique dans leur obligation de déclaration auprès du CEPS, en particulier le crédit impôt recherche (CIR) ([35]), afin de prendre compte de ces informations dans les négociations de prix des médicaments.

2.   L’approvisionnement des français en médicaments du quotidien, un autre impensé du volet santé France 2030

a.   France 2030 et les médicaments du quotidien

Si l’essor des biomédicaments représentent des progrès indéniables pour de nombreux patients, les petites molécules ([36]) produites par synthèse chimique, restent la modalité dominante (entre 50 % et 70 % des nouveaux médicaments approuvés chaque année) ([37]), notamment parce que de nombreuses cibles thérapeutiques ne peuvent être touchées que par des petites molécules. Par ailleurs, des nouvelles technologies de petites molécules apparaissent encore, telles que les PROTACs qui induisent la dégradation ciblée d’une protéine, ou bien encore les inhibiteurs covalents.

L’une des thématiques portées par l’appel à projet (AAP) « Industrialisation et capacité Santé 2030 », dont le guichet est ouvert jusqu’à mars 2025, concerne la « relocalisation ou renforcement de la chaîne de valeur des médicaments essentiels » dont l’objectif serait de « consolider notre autonomie et notre souveraineté industrielle en relocalisant en France ou en augmentant la production de ces médicaments stratégiques ainsi que leurs principes actifs et leurs intrants. »

450 médicaments dits essentiels sont répertoriés dans une liste publiée par le ministère de la santé et de la prévention pour répondre aux besoins prioritaires des Français. Certains de ces médicaments peuvent présenter une vulnérabilité d’un point de vue industriel en raison d’approvisionnements dépendants d’importations extra-européennes. L’AAP aujourd’hui porte sur ces médicaments.

À titre d’exemple, l’AIS soutient que tous les projets de relocalisation de la production de médicaments en tension qui ont fait l’objet de soutien public ont été assortis d’engagements conséquents sur la sécurité d’approvisionnement. En pratique, l’industriel s’engage à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour pallier le déficit d’offre en cas de pénurie nationale : fonctionnement en 24/7, augmentation de la production, limitation des envois à l’export.

Votre rapporteur prend bonne note des indications de l’AIS mais s’interroge toutefois sur la portée réelle des moyens de contrôle déployés par l’État pour rendre cette sécurité d’approvisionnement effective. De même, votre rapporteur s’inquiète d’un possible manque de volonté des industriels de relocaliser des médicaments dits essentiels, mais matures, qui apparait de la contribution additionnelle écrite de Sanofi à son audition. L’entreprise se montre critique sur la liste de molécules essentielles publiée par le ministère de la santé et de la prévention, arguant que « l’accent est beaucoup trop mis sur les produits matures et non les biomédicaments ». Elle souligne par ailleurs que « le manque de cohérence d’ensemble sur ce volet réindustrialisation n’est pas favorable à la prise de décision en faveur des investissements industriels. » ([38]), ce qui laisse penser votre rapporteur que l’accent n’a peut-être pas été suffisamment mis par le Gouvernement sur la nécessaire relocalisation de molécules essentielles dans le Plan France 2030. Il en découle une relative incompréhension de la part des industriels.

b.   Les pénuries de médicaments observées ces derniers mois sont-elles appelées à perdurer ?

Le rapport d’information ([39]) parlementaire Pénurie de médicaments : trouver d’urgence le bon remède souligne une aggravation continue des pénuries de médicaments depuis l’année 2018 alors que le nombre de signalements de ruptures de stock de médicaments et de risques de rupture a atteint des niveaux inédits en 2022. Ce rapport du Sénat mentionne parmi les principales causes une forte concentration des chaînes de production, mondialisées et vulnérables et une stratégie commerciale et financière portée vers les médicaments innovants et onéreux au détriment des médicaments matures.

Selon le baromètre droits des malades, France Assos Santé, 2022, une personne sur trois a déjà été confrontée à une pénurie de médicaments et 45 % de ces personnes ont été contraintes de reporter leur traitement. Les manquements à l’obligation pour les industriels de constituer des stocks de sécurité d’au moins deux mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) et d’une semaine minimum pour les autres seraient très peu sanctionnés : le rapport précité du Sénat fait état de seulement 8 amendes prononcées contre des laboratoires entre les années 2018 et 2022.

Dans ce contexte, l’initiative de l’entreprise SEQENS, en partenariat avec Sanofi et UPSA, de relocaliser une unité de production du paracétamol sur le site de Roussillon en Isère pour une production annuelle, de 10 000 tonnes, à horizon 2025, va globalement dans le bon sens. Votre rapporteur informe qu’à la question de savoir si cette production permettrait de couvrir les besoins français en paracétamol, Sanofi n’a pas répondu et a renvoyé à SEQUENS.

Votre rapporteur formule deux propositions :

1/ Demander des contreparties aux laboratoires aidés par des ressources publiques pour assurer le développement de molécules innovantes, telles que la relocalisation en France de la production de principes actifs produits à l’étranger et leur conditionnement, nécessaires aux besoins courants des Français.

2/ À l’image des Pays-Bas, créer un pôle public du médicament pour assurer la production en priorité des molécules manquantes aux besoins courants des Français. Envisager également l’idée de donner à ce pôle public la possibilité d’exploiter certains brevets coproduits entre les ressources privées et publiques, en suivant la cohérence des règles fixées sur la propriété intellectuelle proposées par votre rapporteur. Cette piste aurait l’avantage d’offrir plus de leviers au négociateur public dans le cadre de ses discussions avec les partenaires privés pour le remboursement des molécules.


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II.   La TRANSITION de L’INDUSTRIE AUTOMOBILE vers l’Électrique pose des questions de souverainetÉ et laisse craindre une France À deux vitesses

En France et ailleurs, les transports routiers représentent une proportion importante des émissions de gaz à effet de serre. En conséquence, la nécessité du développement de moyens de transports plus respectueux de l’environnement s’est imposée. C’est à ce titre que la tendance à l’œuvre consacre une transition, parfois à marche forcée, vers les véhicules propres à zéro émission.

À l’échelle européenne plus particulièrement, les mesures adoptées pour contribuer à l’atteinte de l’objectif de neutralité climatique de l’Union européenne à horizon 2050, fixent l’objectif de zéro émission de CO2 pour les nouvelles voitures et véhicules utilitaires légers en 2035.

Toutefois, le retard de la construction de la filière automobile électrique européenne et française sur ses concurrents asiatiques et les prix pratiqués pour l’achat de voitures zéro émission, font craindre une trop forte dépendance des approvisionnements de l’industrie européenne vis à vis de ses concurrents et une crainte de l’accentuation des inégalités d’accès à ces véhicules pour les français.

A.   Des efforts engagés en faveur de l’Électrification gÉnÉrale des vÉhicules automobiles À horizon 2030

Marquée par une tendance forte à la délocalisation vers les pays à faibles coûts de main d’œuvre, l’industrie automobile française a vu sa production se réduire de deux tiers passant de 3,6 millions de véhicules produits en 2004 à seulement 1,3 million d’unités fabriquées en 2022 ([40]). La France compte dès lors saisir les nouvelles opportunités qui pourraient découler de la mutation de cette industrie vers l’électrique pour redresser le niveau de la production française. Le Plan France 2030 prévoit des efforts publics conséquents pour accompagner le secteur dans sa marche vers l’électrique et permettre à la France de prendre toute sa place dans l’industrie automobile de demain.

a.   Un objectif ambitieux de production de 2 millions de véhicules électriques (VE) à horizon 2030

L’atteinte de cet objectif stratégique passe aussi bien par la production de voitures que par celle des batteries.

La marche vers les véhicules électriques nécessite aussi bien un engagement public pour retenir les emplois sur le sol français qu’une mobilisation des constructeurs automobiles et de leurs sous-traitants pour adapter leurs outils de production aux nouveaux besoins. Un des objectifs stratégiques porté par le Gouvernement est de produire en France, à l’horizon 2030, « 2 millions de véhicules zéro émission » et faciliter le développement d’une mobilité sobre, souveraine et résiliente. Un montant de 3,6 Md€ est alloué à cet objectif dans le cadre du Plan France 2030.

La mise en œuvre de cet objectif s’est matérialisée par l’ouverture de différents appels à projets (AAP) lancés par Bpifrance pour soutenir la filière automobile :

 Soutien aux projets de diversification des sous-traitants de filière automobile : lancé en 2022, 83 projets ont été sélectionnés, représentant plus de 307 M€ d’investissements industriels, soutenus pour près de 91 M€ par L’État ;

● Soutien aux projets d’investissements pour produire en France les véhicules routiers de demain et leurs composants.

Votre rapporteur invite les constructeurs automobiles français à prendre toute leur part dans la dynamique de relocalisation de leurs productions de véhicules électriques sur le territoire national pour inverser cette tendance à la délocalisation. Cette relocalisation devant intégrer toute la chaine de production des pièces composants les véhicules.

L’infographie issue du rapport précité sur l’état d’avancement des chantiers de France 2030 de juin 2023 fait état d’ores-et-déjà de la production en France de 300 000 unités de véhicules électriques en 2023 et d’un objectif intermédiaire à 500 000 véhicules zéro émission en 2025. Cet objectif intermédiaire devrait être tenu sous réserve que Renault atteigne lui-même sa cible de production fixée à 400 000 véhicules zéro émission la même année sur son pôle électrique du Nord.

Les acteurs auditionnés ([41]) ont toutefois attiré l’attention de votre rapporteur sur le fait que les volumes de ventes des véhicules sont restés en deçà du niveau atteint avant la crise sanitaire de covid-19, laissant présager qu’une part du parc automobile pourrait se déporter vers les mobilités alternatives.

S’agissant de la batterie, elle est essentielle pour le fonctionnement d’un véhicule électrique, représentant entre 35 % et 40 % de sa valeur ajoutée. Le secteur des batteries revêt dès lors un caractère stratégique et un enjeu de souveraineté industrielle qu’il est indispensable de prendre en compte pour assurer l’indépendance industrielle de la France.

C’est justement l’objet de la stratégie nationale « Batteries », qui représente un axe clé de France 2030 sur les mobilités durables. Ce plan français est facilité par les mesures prises par l’Union européenne à travers le « projet important d’intérêt européen commun » (PIIEC) sur les batteries, c’est-à-dire un dispositif qui autorise les États membres à subventionner directement des acteurs économiques privés par dérogation aux règles habituelles du marché unique européen. 

Ce sont ainsi les projets d’installation sur le territoire français de 4 gigafactories ou méga-usines de batteries qui sont soutenus par France 2030. Ces usines d’une capacité de production combinée de 100 GWh à 120 GWh ([42]) ont bénéficié de 903 M€ d’aides de la France dans le cadre des deux PIIEC sur les batteries. Ce niveau de production correspond à 2,5 millions ([43]) de batteries produites chaque année, soit au-dessus de l’objectif de production de véhicules fixés par France 2030.

b.   Des stratégies différentes des deux grands constructeurs automobiles français.

Les travaux préalables à ce rapport ont conduit votre rapporteur à considérer que la priorité doit être donnée à la production de véhicules électriques légers, les plus sobres et les plus accessibles possibles en matière de prix de vente.

Aucun des deux constructeurs historiques français n’a fait clairement ce choix même s’ils abordent de façon différente le virage de l’électrique.

S’agissant de Stellantis ([44]) le constructeur a annoncé que son modèle Peugeot e-3008, le futur SUV électrique de Peugeot, sera produit dans l’usine de Sochaux dans le Doubs et sera commercialisé dès 2023. À l’horizon 2025, le groupe table sur douze véhicules électriques qui seraient produits en France avec l’arrivée des Peugeot e-308 berline et break, de l’e-408, de l’e-3008 et de l’e-5008, ainsi que du futur SUV électrique Citroën. Quant à la Peugeot e-208, sa production ne sera pas relocalisée en France. Il ressort que la stratégie du groupe semble portée vers le maintien en France de la production des seules voitures à fortes valeurs ajoutées. Pour l’heure, aucun petit véhicule électrique ne serait produit en France par Stellantis.

À moyen terme, Stellantis espère produire 2 millions de véhicules sur sa nouvelle plateforme STLA Medium, qui sera déployée en France, en Italie et aux États-Unis. Stellantis joue ainsi la carte internationale. Le rapporteur déplore par ailleurs de ne pas avoir pu auditionner ce constructeur en dépit de nombreuses invitations adressées à ses responsables.

Renault, en revanche, a annoncé que la future remplaçante de la Zoe, la Renault R5, sera produite à Douai dans le Nord à partir de 2024. Renault ([45]) confirme, par ailleurs, sa volonté de développer un écosystème de la voiture électrique en France. Il affirme à ce titre avoir localisé dans le pays la production des composants essentiels du véhicule électrique : batteries Envision AESC à Douai et Verkor à Dunkerque ; les bacs pour batteries avec la création à Ruitz (Pas‑de‑Calais) d’une unité de fabrication pilotée par une co-entreprise avec le groupe Minth.

Si des différences de stratégie, sur la question de la relocalisation de la production de véhicules à petit prix et de concentration géographique des véhicules électriques sur certains sites, existent entre ces deux constructeurs automobiles, ils ont en revanche en commun d’avoir opéré le choix de se positionner essentiellement sur des véhicules à plus forte rentabilité, plus chers et aussi souvent plus lourds à destination du marché français, posant la questions des consommations futures d’énergie.

Le projet Renault ElectriCity, le pôle électrique de Renault

Transformation de trois sites industriels Renault situés dans la région Hauts-de-France : Douai, Maubeuge et Ruitz pour constituer le pôle industriel de Renault consacré aux véhicules électriques.

L’ambition de production annuelle est de 400 000 unités à horizon 2025 et le nombre de véhicules produits devrait atteindre 700 000 ([46]) unités d’ici 2030.

La manufacture de Douai produit en 2022 son premier véhicule électrique, Mégane E‑TECH Electric (ou « MéganE »).

À Maubeuge, Nouveau Kangoo s’est offert un lifting en 2021. Sur ce site spécialisé dans la fabrication de fourgonnettes, qui fabrique également des utilitaires pour Daimler (Mercedes Citan) et Nissan (NV250), tous les modèles seront produits en version électrique à la fin de cette année 2023.

La manufacture de Ruitz, acteur clé de la transition vers le véhicule électrique, accueillera une nouvelle activité de fabrication de composants électriques.

c.   Le sujet de la compétitivité des véhicules électriques français par rapport à la concurrence

Selon Carlos Tavares ([47]), directeur général de Stellantis, la mutation vers l’électrique expose les constructeurs automobiles français à deux réalités majeures qui ne sont pas favorables à la compétitivité de l’industrie automobile française. En premier lieu « le coût de production d’un véhicule électrique est 40 % plus élevé que celui d’un véhicule thermique ». En second lieu, les constructeurs européens sont par ailleurs en concurrence, y compris sur le marché européen, avec des concurrents chinois dont les coûts de production sont inférieurs de 20 à 25 % à ceux de Stellantis.

Le déficit de compétitivité des constructeurs français par rapport à leurs concurrents asiatiques combiné aux choix opérés par ces premiers de ne pas produire en France des véhicules électriques à petits prix ([48]), ouvrent largement la porte de ce segment de véhicules à une éventuelle domination des constructeurs asiatiques qui proposent des offres de véhicules de bonne qualité à bas prix. Il est à préciser que les constructeurs chinois ont bénéficié de soutiens massifs sur toute leur chaîne de valeur et s’appuient aujourd’hui sur un écosystème déjà mature alors que l’écosystème européen est seulement en cours de mise en place. Par ailleurs, le bilan carbone de production des véhicules produits en Asie est à prendre en compte notamment dans l’évaluation de leur éligibilité aux subventions européennes à l’achat de véhicules électriques.

À cette concurrence asiatique par le prix, il convient d’ajouter la concurrence américaine par l’innovation et des incitations à la délocalisation. En effet, le vaste plan de subventions des technologiques vertes mises en place aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act (IRA), pourrait inciter des acteurs européens à délocaliser certaines productions dans ce pays en raison notamment de l’existence des mesures d’aides à l’achat pouvant atteindre 7 500 $ par véhicule assorties de règles de contenu local sur l’assemblage et sur l’origine des minerais utilisés dans la production de batteries.

B.   Le risque d’une France à deux vitesses

a.   Des barrières financières importantes à l’achat de véhicules électriques pour certains Français. 

L’apparition d’une France à deux vitesses pourrait tout d’abord résulter du renchérissement des prix des véhicules électriques par rapport aux véhicules thermiques. La tendance du marché automobile semble être, pour l’Europe, une domination des SUV luxueux de taille intermédiaire, alors qu’aux États-Unis, ce sont de gros pick-ups, et dans le reste du monde des petites ou moyennes citadines, plutôt à moteur thermique, avec une part croissante de l’électrique mais une hausse rapide des prix et des consommations.

Ce phénomène de montée en gamme des modèles de véhicules proposés aux consommateurs et leurs prix plus élevés risquent d’exclure une partie des Français de l’accès aux véhicules électriques. Le coût de l’énergie qui s’inscrit dans une tendance haussière pourrait aussi représenter à terme un facteur excluant. De plus, il parait probable qu’il n’y aura pas réellement de marché de la voiture électrique d’occasion qui permettrait d’en démocratiser l’accès puisque la durée de vie des batteries est environ de 10 ans, alors même que le prix de la batterie est central dans le prix d’un véhicule électrique.

b.   Des infrastructures de transport inégalement réparties : ceux qui auront accès à des solutions de mobilité et les autres

La carence de l’accès à des modes de transports alternatifs à la voiture individuelle, notamment aux transports en commun par exemple en zone rurale, peut renforcer les difficultés d’accès aux moyens de transport pour les citoyens les plus précaires, créant ainsi des risques de nouvelles exclusions sociales.

 

Votre rapporteur incite l’État à contraindre les constructeurs automobiles au développement en priorité de véhicules électriques légers, à prix de vente accessible aux catégories sociales moyennes et populaires du pays et la prise en compte de cette priorité dans l’octroi des aides à l’achat et du bonus écologique. Il invite aussi le Gouvernement à présenter un nouveau prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule électrique.

C.   Des dépendances persistantes…

a.   … Aux matières premières permettant de produire des batteries

Si d’immenses efforts sont entrepris pour rattraper le retard français et européen dans la production des batteries, la quasi-totalité de la chaîne de valeur des batteries est encore à la main de l’Asie (Chine, Corée, Japon) : extraction et raffinage des minerais, et fabrication et assemblage des composants. Cette situation constitue une vulnérabilité pour l’industrie automobile européenne qu’il convient d’accompagner pour relever les défis touchant à la reconstruction d’une chaîne de valeur autonome et à la diversification de son approvisionnement aux métaux critiques entrant dans la fabrication des batteries.

Selon les données fournies par le cabinet d’études britannique BMI ([49]), la Chine représentait 79,1 % des capacités de production de batteries au lithium-ion en 2021 contre seulement 6,8 % en Europe. En outre, Stéphane Bourg ([50]), directeur de l’Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles, soutient que « pour fabriquer une cathode, élément-clé de la batterie, il faut des matériaux actifs, le fameux alliage d’oxydes de nickel, cobalt, manganèse et lithium. Celui-ci se présente sous forme de poudre et arrive presque exclusivement de Chine ». Le cobalt est extrait et transformé en minerai en République démocratique du Congo (RDC), mais raffiné en Chine.

La dépendance aux métaux critiques en provenance de l’Asie est toutefois prise en compte par le Plan France 2030. La stratégie nationale d’accélération « Recyclabilité, recyclage, réincorporation des matériaux recyclés » traite ce sujet. L’appel à projets « Métaux critiques ([51]) » opéré par Bpifrance précise que son objectif porte sur une « réduction majeure de la dépendance nationale aux approvisionnements en métaux critiques pour les filières industrielles stratégiques ».

Il peut être mentionné des projets ([52]) de réouverture de mines sur le territoire national : un projet d’exploitation à l’horizon 2028 d’une ancienne mine de lithium dans l’Allier est lancé par l’entreprise Imerys, trois projets d’extraction et quatre projets de raffinage sont prévus en 2026 en Alsace. Un projet de l’entreprise française Orano et du chinois XTC vise à la production de matériaux critiques et le recyclage de batteries à Dunkerque.

b.   … À la production d’énergie nécessaire

La question de la forte dépendance des véhicules électriques à la capacité de production d’énergie pour faire fonctionner les batteries est posée. Joseph Bereta, président de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, l’Avere-France, estime qu’un véhicule électrique consommera en moyenne 1800 kWh/an environ. À l’appui des scénarii établis par RTE, Selectra ([53]) Info estime l’augmentation de la consommation d’énergie entre 28TWh et 34 TWh à l’horizon 2040, soit 7 % de la consommation finale d’électricité. Ce qui implique nécessairement une augmentation de la capacité de production d’électricité de la France et/ou la baisse de la consommation d’énergie dans d’autres secteurs d’activités pour répondre au besoin supplémentaire né de l’électrification massive du parc automobile.

Votre rapporteur propose :

De développer et soutenir les projets de recherche visant à la production de batteries sans utilisation de certaines des matières premières fortement concentrées dans certains pays comme la Chine.

D.   L’avenir de la voiture : un défi majeur pour notre souveraineté industrielle

a.   Revoir la relation entre l’État et les constructeurs automobiles

Au regard des fermetures régulières de sites industriels ou de délocalisations impliquant les constructeurs automobiles, votre rapporteur soutient que l’État devrait poser certaines contraintes vis-à-vis des constructeurs. L’exemple des fonderies représente des non-sens industriels : la délocalisation de la fonderie d’aluminium SAM, située à Décazeville dans l’Aveyron, par ailleurs sous-traitant de Renault a conduit à 333 licenciements alors même que la production de véhicules électriques nécessite des activités de fonderie, quoique dans des proportions différentes.

Les délocalisations ces derniers mois de Valéo Amiens, de Bosch Mondeville et de Marelli à Argentan, entraînant là aussi des centaines de suppressions d’emplois sont aussi des illustrations de la nécessité pour l’État, compte tenu de ses rapports avec les constructeurs, en qualité d’actionnaires ou non, d’exiger une certaine responsabilité de la part de ces groupes.

Votre rapporte appelle le Gouvernement à demander de la transparence sur le lieu de production des composants des voitures assemblées en France par Renault et Stellantis. À cette question posée par votre rapporteur pour la Mégane E-Tech électrique et la future R5 électrique, Renault a répondu « plus de 80 % des volumes de pièces emballées transportées viennent de France », ce qui ne parait pas lever les incertitudes.

b.   La nécessité d’engager la transformation industrielle des sous-traitants et de toute la chaîne de fabrication des véhicules électriques en Europe (et en France) et d’accélérer la formation des personnels aux nouveaux métiers de la filière (école de la batterie), entretien, garages individuels…

La chaîne de valeur de la voiture électrique et son écosystème sont en construction en Europe. L’enjeu de constituer rapidement un tissu industriel de sous-traitants solides, capables de fournir les constructeurs automobiles en composants est capital.

Concernant l’installation des gigafactories de batteries électriques, il ressort de l’audition d’ACC ([54]) que les machines-outils nécessaires à la production sont achetées auprès d’acteurs chinois ou coréens, ce qui pose à nouveau la question de l’incohérence du tissu industriel global de notre pays.

Ce sujet est abordé par France 2030 à travers l’AAP précité et opéré par Bpifrance « Soutien aux projets de diversification des sous-traitants de filière automobile », avec près 91 M€ de financement de l’État.

Il est de la responsabilité des constructeurs d’aider à structurer une filière robuste de la voiture électrique.

Il est précisé que la main d’œuvre qualifiée manque. Verkor ([55]) a fait valoir qu’il a dû recruter quasi exclusivement dans les pays asiatiques lors du lancement de son usine pilote.

Renault affirme s’être engagé en juin 2021 aux côtés de Stellantis et de l’État pour la constitution du fonds exceptionnel d’accompagnement et de reconversion des salariés de la filière automobile. Ce fonds est doté de 50 M€, dont 20 M€ fournis par les constructeurs. Toutefois, votre rapporteur trouve insuffisante cette participation des constructeurs automobiles à la reconversion des salariés victimes des nombreuses délocalisations et fermetures d’usines de sous‑traitance notamment. De plus, l’accent devrait être mis sur la relocalisation d’activités sur les sites sinistrés et sur la reconversion des salariés en conséquence.

c.   Le recyclage des batteries électriques, une solution aussi bien écologique qu’un outil de souveraineté à long terme.

Les questions du recyclage des batteries et du traitement des déchets sont tout aussi essentielles. Le projet précité de l’entreprise française Orano et du chinois XTC qui vise notamment au recyclage de batteries à Dunkerque est à mentionner.

Verkor fait savoir qu’il existe quatre étapes principales dans le recyclage d’une batterie : la logistique, le prétraitement, l’hydrométallurgie et la synthèse des matériaux actifs : s’il n’est pas indispensable qu’une même entité investisse sur ces quatre phases du cycle de recyclage, la recherche de partenariats ou de joint-venture peut offrir des solutions intéressantes pour des raisons de coût, de souveraineté et d’environnement.

La stratégie d’accélération « Recyclabilité, recyclage, réincorporation des matériaux recyclés », déclinée notamment par l’AAP « Solutions innovantes pour l’amélioration de la recyclabilité, du recyclage et de la réincorporation des matériaux (RRR) ([56]) » opéré par l’ADEME prend en compte cette nécessité du recyclage des batteries. Il convient par ailleurs de tenir compte de l’accélération de la demande mondiale en matière premières qui se renchérissent et de la nécessité de substituer aux matières premières vierges (MPV) des matières premières de recyclage (MPR) pour découpler croissance économique et consommation de ressources naturelles.

Votre rapporteur formule les trois propositions suivantes :

1/ Réajuster les critères de sélection des projets de France 2030 en faveur d’un plus fort maillage territorial et d’une meilleure prise en compte des bassins désindustrialisés et des qualifications ouvrières qui s’y trouvent;

2/ Accélérer la mise en place d’infrastructures de recharge rapide sur toute l’étendue du territoire en priorisant les aires d’autoroutes ;

3/ Soutenir et accompagner les copropriétés anciennes pour favoriser l’installation des infrastructures de recharge en leur sein.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Laurent Alexandre, les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de notre président, M. Guillaume Kasbarian, retenu en séance publique par la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire (CMP), du projet de loi relatif à l’industrie verte, dont il est le rapporteur général.

Notre commission commence aujourd’hui l’examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024. Elle  a désigné dix rapporteurs budgétaires pour avis sur les missions de la seconde partie du PLF. Il ne nous appartient pas de nous substituer aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances : c’est pourquoi nos avis consacrent peu de pages aux crédits des missions et s’attachent essentiellement à approfondir une ou plusieurs thématiques choisies par les rapporteurs pour avis. Afin de valoriser le travail de ces derniers, il est d’usage de ne pas convier les ministres à nos réunions.

Nous examinons aujourd’hui l’avis sur la mission Investir pour la France de 2030, sur le rapport de notre collègue Laurent Alexandre, qui a choisi la thématique suivante : « France 2030 à l’épreuve des stratégies relatives aux biomédicaments et à la mobilité électrique ». Les crédits de cette mission, qui ne font l’objet d’aucun amendement, seront examinés en séance publique le jeudi 2 novembre.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Lors de la présentation du plan France 2030, le 12 octobre 2021, le Président de la République a décrit l’innovation comme un préalable indispensable à la réindustrialisation afin d’engager un « nouveau cercle vertueux de croissance ».

Les travaux que j’ai conduits dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire ont emporté ma conviction sur deux points. Je vous expliquerai d’abord qu’au-delà des 54 milliards d’euros de crédits sur lesquels le Gouvernement communique abondamment, le plan France 2030 présente des défauts majeurs qui empêchent de construire un futur plus humain et résilient. Je vous exposerai ensuite les résultats de mes travaux sur deux thématiques stratégiques qui me tiennent particulièrement à cœur : la production de biomédicaments sur notre territoire, d’une part, et la réindustrialisation de la France par le prisme des véhicules électriques, d’autre part.

Je commence donc par les défauts de ce plan. Vous aurez compris que je ne partage pas l’idée du Président de la République selon laquelle l’innovation serait le préalable au retour des capacités de production et d’exportation. L’innovation doit, au contraire, découler d’une politique industrielle cohérente au service des besoins humains et écologiques.

L’objectif de faire de la France un leader dans certains secteurs économiques, dans le cadre de la compétition internationale, me paraît mal calibré.

Tout d’abord, nous ne luttons pas à armes égales contre nos concurrents. Après la crise sanitaire, les États-Unis ont adopté un plan, l’Inflation Reduction Act, doté de près de 400 milliards de dollars et consacré à de grands enjeux de notre temps. Si les autres puissances, dont la France, ont emboîté le pas, leurs plans sont fondamentalement différents, non seulement parce qu’ils n’ont pas la même ambition budgétaire, mais aussi et surtout parce que nos concurrents, notamment les États-Unis et la Chine, mettent en place des mesures protectionnistes qui offrent des débouchés à leurs propres entreprises. La France et plus globalement l’Europe n’appliquent pas les mêmes règles que leurs concurrents : la compétition est donc faussée. La seule variable, pour être plus compétitif, est alors souvent la baisse du coût du travail, avec un corollaire, les délocalisations. Cette vision du Président, mise en œuvre par le Gouvernement, me paraît dogmatique et étriquée.

Ce dispositif souffre d’un manque de cadrage et de planification. Je retiens six défauts majeurs qui font de France 2030 un plan mal calibré.

Le premier, c’est que la sobriété constitue un angle mort du dispositif. Pourtant, du fait des limites planétaires, de l’augmentation de la population mondiale et de la raréfaction des ressources naturelles, la sobriété devrait être une pierre angulaire de France 2030, un concept à l’aune duquel nos modes de production et de consommation devraient être revus.

Le deuxième défaut est l’absence de stratégie industrielle cohérente pour accompagner ces investissements. Je vous donnerai deux exemples.

France 2030 investit plusieurs milliards d’euros dans la construction de quatre gigafactories – ou méga-usines, pour parler français – de batteries électriques dans le Nord. Or les représentants des entreprises concernées n’ont pas pu acheter en France les machines-outils nécessaires à l’installation de leurs usines, faute de produits susceptibles de répondre à leurs besoins. Ils les ont donc achetées à l’étranger, pour l’essentiel en Chine et en Corée.

Mon second exemple concerne ce même secteur de l’industrie automobile. Le Gouvernement met le paquet sur la production de batteries électriques en France, mais les constructeurs automobiles délocalisent des activités pourtant nécessaires à la production de voitures électriques, comme les fonderies d’aluminium. En tant que rapporteur, j’ai cherché à connaître l’origine de l’ensemble des pièces assemblées pour la production des modèles électriques de Renault et Stellantis. La réponse de Renault est insatisfaisante. Quant aux représentants de Stellantis, ils ont refusé d’être auditionnés. Notre pays souffre clairement d’un manque de coordination entre les acteurs et d’une incohérence de son tissu industriel.

Le troisième défaut de planification est l’insuffisance des investissements dans la recherche et le développement. Plusieurs acteurs auditionnés ont déploré le manque de crédits structurels pour la recherche publique et le fait que les chercheurs doivent passer leur temps à répondre à des appels à projets complexes pour bénéficier de financements. Plus généralement, les dépenses consacrées à l’ensemble des activités de recherche et développement représentent seulement 2,21 % du PIB, ce qui classe la France dans la catégorie des pays intermédiaires, assez loin derrière les États-Unis et l’Allemagne, par exemple.

Le quatrième défaut est l’insuffisance des crédits affectés à la bifurcation écologique. Le rapport Pisani-Ferry estime à 66 milliards d’euros par an le niveau d’investissements supplémentaires nécessaires d’ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone. Avec France 2030 et les orientations du Gouvernement, le compte n’y est pas.

Le cinquième défaut est le peu de conditions écologiques et sociales imposées aux entreprises en contrepartie des aides publiques versées. Les dépenses publiques au profit des entreprises ont atteint 157 milliards d’euros en 2019, contre 30 milliards par an dans les années 1990, soit une multiplication par cinq.

Le dernier défaut majeur est le déficit démocratique du dispositif, mis en place sans aucun débat parlementaire préalable – il n’y a pas eu davantage de débat sur la définition des dix axes stratégiques. Le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour l’adoption du projet de loi de finances pour 2023 a empêché l’Assemblée nationale de jouer son rôle.

Divers rapports parlementaires ainsi que la Cour des comptes ont régulièrement souligné l’insuffisante évaluation du plan. Celle-ci est assurée par un comité de surveillance composé en majorité de personnes nommées par la Première ministre. Or France 2030 est piloté et coordonné par le Secrétariat général à l’investissement, lui-même placé sous l’autorité de la Première ministre. Il y a donc un problème d’indépendance de l’évaluation ; c’est la raison pour laquelle je préconise de modifier la composition du comité de surveillance des investissements d’avenir.

J’en viens maintenant à mes deux thématiques.

S’agissant tout d’abord de la santé, le plan France 2030 a fixé l’objectif de produire au moins vingt biomédicaments en France à l’horizon 2030. Il s’agit de médicaments dont le principe actif est issu de matières biologiques, c’est-à-dire du vivant – cellules, tissus ou organes. Ils représentent la moitié des médicaments en développement en 2022 et 24 % du marché mondial du médicament. Alors que notre pays n’en produisait que cinq en 2020, les acteurs auditionnés m’ont abondamment fait part de leur scepticisme quant à la capacité de la France à atteindre l’objectif fixé. Si les acteurs de la filière des biothérapies mentionnent tous l’excellence de la recherche académique française, ils soulignent en même temps notre difficulté à passer à l’étape de la production, en raison notamment d’un manque de structuration de la filière. Ils évoquent également un manque de locomotives et le fait que celles qui existent ne jouent pas toujours le jeu : ainsi, Sanofi travaille trop peu avec les entreprises françaises.

Au-delà de cette question, mon rapport présente les risques qu’un trop fort accent mis sur l’innovation fait peser sur l’accès aux soins de tous nos concitoyens – un enjeu qui ne peut être occulté par celui de la santé du futur. Pourtant, notre système de soins solidaire est en proie à de graves tensions d’approvisionnement en médicaments ; il souffre aussi d’un manque pathologique de moyens et d’une pénurie de soignants à tous les niveaux. Dans ma circonscription, les services d’urgences sont régulés. L’annonce récente d’un possible doublement des franchises médicales montre que le Gouvernement se trompe de priorité : plutôt que de faire payer les ultrariches, il fait passer à la caisse les gens pour leur santé. En l’état, le plan France 2030 n’apporte pas de réponse structurelle aux manquements du présent et risque même d’aggraver les carences de l’accès universel aux soins.

Toujours concernant la santé, je veux vous alerter quant à certaines incohérences majeures.

Je m’inquiète tout d’abord concernant la soutenabilité financière des nouveaux traitements pour la sécurité sociale. Les traitements innovants sont révolutionnaires du point de vue thérapeutique et peuvent améliorer la prise en charge de nombreuses pathologies, voire en soigner certaines qui étaient jusqu’à présent incurables. Toutefois, ils seront potentiellement facturés très cher à l’assurance maladie, en raison des critères fixés. Certaines réformes telles que la généralisation de la procédure de l’accès précoce aux traitements présumés innovants, en 2021, viennent renforcer ce risque pour les finances publiques. Cela m’a conduit à formuler une série de propositions : une application de la licence d’office ; un accroissement de la transparence concernant l’argent public distribué aux industriels du secteur, afin de peser au moment des négociations ; un meilleur encadrement de la question des brevets en cas de partenariats de recherche public-privé.

Je veux aussi soulever le problème de l’approvisionnement en molécules matures. Pendant et après la crise du covid, notre pays a subi une pénurie de matériels médicaux élémentaires tels que des masques ou des médicaments du quotidien, à base de paracétamol ou d’amoxicilline notamment. Le plan France 2030, censé remédier à ce problème, apporte trop peu de solutions concrètes. Malgré les sommes importantes d’argent public engagées – 7,5 milliards d’euros pour ce volet –, les contreparties en matière de rapatriement de capacités de production de principes actifs sur notre sol demeurent très timides. Le Gouvernement ne compte que sur l’augmentation des prix des médicaments du quotidien, donc sur les sommes payées par les Français, pour inciter les industriels à produire à nouveau en France ces molécules moins rentables. Je propose notamment la création d’un pôle public de production du médicament afin d’assurer la fabrication de molécules matures sur notre sol à un tarif abordable pour nos concitoyens.

J’en arrive aux voitures électriques, qui sont des moyens de mobilité plus décarbonés. On constate une compétition à marche forcée entre les constructeurs de ce secteur.

La batterie électrique représente 40 % de la valeur ajoutée de la voiture et implique un enjeu de souveraineté industrielle. Elle fait l’objet d’une stratégie nationale, qui prévoit l’installation de quatre gigafactories d’une capacité de production combinée de 120 gigawattheures.

Les constructeurs français, confrontés à des coûts de production bien différents de ceux dont bénéficient leurs concurrents asiatiques, ont décidé de prendre le virage de l’électrique en choisissant de produire surtout des berlines, des breaks et des SUV – des voitures lourdes, donc consommatrices et chères. Ce choix répond à des objectifs de rentabilité mais ne correspond ni aux nécessités écologiques ni aux besoins sociaux. La plus petite voiture Stellantis, la e-208, est produite à l’étranger. Renault produit sa R5 à Douai mais je n’ai pu obtenir de garanties sur la provenance des pièces.

Je lance un cri d’alarme : nous prenons la pente d’une France à deux vitesses dans l’accès à la mobilité. Cette France à deux vitesses pourrait tout d’abord résulter du prix des voitures électriques : aucun des véhicules produits en France n’est vendu à moins de 25 000 euros, et il n’y aura probablement pas de marché de la voiture électrique d’occasion puisque la durée de vie de la batterie est de dix ans. Par ailleurs, un fossé risque de se creuser entre les Français ayant accès à des solutions de mobilité alternative, notamment aux transports en commun, et les autres, qui vivent dans des zones très rurales ou dans certains quartiers urbains.

C’est pourquoi je formule plusieurs préconisations. Priorité devrait être donnée à la production de véhicules électriques légers, plus sobres et plus accessibles en termes de prix. Les aides de l’État et le bonus écologique devraient se concentrer sur cette ambition. J’invite par ailleurs l’État à accentuer considérablement son effort en matière de mobilités alternatives, s’agissant notamment du développement de services de transports collectifs publics.

Une autre question majeure pour les véhicules électriques est celle de la dépendance aux matériaux actifs, en particulier au cobalt et au lithium transformés en Chine. Les enjeux de dépendance concernent aussi la production d’énergie ainsi que la question du recyclage. Il n’y a pas d’autre choix que de planifier une baisse de la consommation d’énergie dans d’autres secteurs d’activité. Je préconise aussi de soutenir les projets de recherche visant à la production de batteries sans utilisation de certaines matières premières.

L’avenir de la voiture électrique est un défi majeur pour notre souveraineté industrielle, qui nécessite de revoir en profondeur les relations entre l’État et les constructeurs automobiles. La puissance publique doit définir clairement les besoins humains et écologiques et poser des exigences en matière d’emploi, de relocalisation des productions, de conception de modèles de voiture moins chers et moins consommateurs. Elle doit déterminer les critères d’un meilleur maillage territorial tenant compte des bassins désindustrialisés et des qualifications ouvrières qui s’y trouvent.

Toutes les insuffisances du plan France 2030 que je viens d’évoquer – défaut de planification, déficit démocratique, volet santé qui passe à côté de l’enjeu de l’accès aux soins et risque même d’aggraver les inégalités dans ce domaine, volet mobilité qui conduit à une France à deux vitesses – justifient mon avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. L’avis budgétaire sur la mission Investir pour la France de 2030 est particulier : il porte en effet sur des engagements pluriannuels issus de plusieurs générations de programmes, ce qui implique un contrôle de son exécution plus qu’une évaluation des moyens mobilisés par la loi de finances de l’année. Ce contrôle est d’autant plus important qu’il porte sur plus de 50 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, pour ce qui concerne le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA 4) et le plan France 2030. Or vous nous avez expliqué que la composition du comité de surveillance des investissements d’avenir ne permettait pas d’assurer un tel contrôle démocratique.

Vous vous montrez particulièrement critique s’agissant de l’absence de contreparties ou de conditionnalité économique ou sociale aux aides apportées. C’est un débat que nous avons ici régulièrement, notamment lorsque nous évoquons le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Dans le domaine de la biomédecine, vous notez que les exigences du groupe Sanofi en matière d’aides de l’État, encore illustrées récemment par Agnès Buzyn dans son livre « Journal – janvier – juin 2020 », sont difficilement compatibles avec ses performances récentes, que l’on pense à sa défaillance dans la préparation du vaccin ou au niveau de ses investissements industriels en France. Pouvez-vous développer vos propositions relatives aux contreparties à imposer aux bénéficiaires d’aides publiques ?

Vous mettez également en avant la nécessité, dans l’ensemble des programmes de la mission, de renforcer notre souveraineté s’agissant des matières premières et de certains autres équipements essentiels, notamment dans le domaine industriel. Quelles sont plus précisément vos pistes et vos préconisations pour y parvenir ? Nous pouvons nous réjouir qu’une disposition du projet de loi relatif à l’industrie verte, que nous nous apprêtons à adopter définitivement après le succès de la CMP, permette aux acheteurs publics d’écarter les offres dont la valeur provient majoritairement d’États comme la Chine ou l’Inde, qui n’appliquent pas le principe de réciprocité et nous empêchent d’accéder à leurs marchés domestiques. Voilà une condition du développement de filières industrielles françaises à la hauteur des ambitions que nous avons tous, notamment dans le cadre de la transition écologique. Mais le chemin reste long.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Alors qu’on nous dit qu’il faut tout faire pour produire des voitures électriques en France, les entreprises Marelli, Valeo et SAM ont récemment annoncé leur décision de délocaliser une partie de leurs activités. Elles ont pourtant touché de l’argent public. Les contreparties à exiger des bénéficiaires de ces aides sont toutes simples : elles concernent non seulement le maintien des emplois sur les sites existants, mais également la relocalisation de certaines productions ayant été transférées ailleurs en Europe voire en dehors du continent.

Ces premiers éléments de réponse rejoignent tout à fait votre seconde question relative à la souveraineté sur les matières premières. Ce sujet nécessiterait une réflexion beaucoup plus approfondie, que notre rythme de travail depuis le début de cette législature ne nous a malheureusement pas permis d’engager.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexis Izard (RE). Le premier programme d’investissements d’avenir date de 2010 et de la prise de conscience collective qu’il était plus que nécessaire de penser notre avenir afin d’éviter, pour citer MM. Juppé et Rocard, « l’acceptation du déclin ». Depuis, quoi qu’en dise le rapporteur pour avis, que d’évolutions positives et de projets soutenus ! Nul doute que les PIA sont au cœur des réussites françaises de ces dernières années, lesquelles ont permis à notre pays de conserver en 2023 sa onzième place mondiale en matière d’innovation.

Depuis octobre 2021, nous sommes encore passés à une vitesse supérieure avec le dispositif France 2030. Il est question, pour rappel, de 54 milliards d’euros qui visent à poursuivre la transformation des secteurs clefs de notre économie, par l’innovation technologique, à soutenir des investissements permettant de rattraper notre retard dans certains secteurs et à faire émerger de nouvelles filières dans les domaines stratégiques. Je ne citerai que quelques exemples : on se souvient, bien sûr, de l’ouverture de l’usine ACC, qui contribue à notre production de batteries électriques et ainsi à notre souveraineté, mais on peut également penser à l’usine Soitec, inaugurée fin septembre par le ministre Roland Lescure et le commissaire européen Thierry Breton, qui permettra le développement d’une filière de microélectronique souveraine. Un autre exemple, auquel je ne doute pas que le rapporteur pour avis sera sensible, est Delpharm, qui possède notamment une usine dans ma circonscription, à Brétigny-sur-Orge, et qui est essentielle à notre souveraineté par la relocalisation dans notre pays de la production de médicaments.

Enfin, puisque le rapporteur pour avis a évoqué la question de la mobilité électrique, je reviens sur la question des batteries. J’avais mis l’accent l’an dernier, dans mon rapport, sur la production de batteries en France, et j’avais notamment regretté le manque d’ambition quant à leur recyclage, qu’il est essentiel d’anticiper. Sur ce point, les choses ont évolué : je me réjouis que les ministres Roland Lescure et Agnès Pannier-Runacher aient annoncé en février les lauréats pour le recyclage de batteries de l’appel à projets relatif à la recyclabilité et à la réincorporation des matériaux qui a été lancé dans le cadre de France 2030. Les projets retenus, qui sont soutenus à hauteur de 30 millions d’euros, visent à apporter des réponses à une question essentielle.

France 2030 est une chance pour notre pays, pour son développement et sa souveraineté. Je ne peux donc souscrire aux conclusions du rapporteur pour avis et vous invite, mes chers collègues, à voter largement en faveur des crédits de cette mission.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. On a souhaité en 2010 penser à l’avenir : je l’entends, mais ce que je constate, s’agissant de l’automobile, c’est que les usines ferment à tour de bras dans notre pays, depuis plusieurs années. Le Gouvernement n’a aucune volonté de garder cette industrie, en incitant les entreprises à rester en France. Dans le cas de Renault, l’actionnaire principal est l’État. On voit bien qu’il n’intervient jamais lorsque l’entreprise décide de fermer une fonderie : il ne met jamais le holà.

Nous avons un peu abordé, lors des auditions, la question du recyclage des batteries. Il est plutôt pensé au plus près du lieu de production des éléments constitutifs des batteries. Quand des producteurs se tournent, pour les matières premières, vers un chimiste se trouvant en Belgique, il y a de fortes chances que le recyclage se fasse aussi dans ce pays.

Je comprends que vous ne partagiez pas du tout mon point de vue, mais je suis un élu de terrain : je vois dans ma circonscription, et ailleurs, que beaucoup d’usines continuent à fermer.

M. Lionel Tivoli (RN). Le programme d’investissements d’avenir pour 2024 prévoit, dans le cadre de France 2030, des sommes qui paraissent dérisoires tant le défi à relever est grand si nous voulons combler notre retard, en matière industrielle, par rapport à nos concurrents européens et américains. Une part trop peu importante de l’enveloppe budgétaire est destinée aux filières d’avenir, jugées stratégiques, comme celle du biomédicament, et le projet de loi de finances pour 2024 ressemble à un marathon impossible à courir une fois qu’on s’est tiré une balle dans le pied. Les gouvernements qui se sont succédé sous la présidence Macron ont, en effet, sacrifié le fleuron du nucléaire français en fermant douze centrales. Par ailleurs, en ce qui concerne la production de véhicules électriques et hybrides, l’inconvénient majeur que représente l’impossibilité de recycler les batteries n’a toujours pas été traité, et on pourrait également parler du prix croissant de l’électricité. Des barrières financières empêchent aussi les catégories sociales populaires d’accéder aux véhicules électriques.

À la lumière de ces difficultés, en réponse auxquelles les arbitrages budgétaires ressemblent surtout à du saupoudrage, comment peut-on parler d’un retour à la souveraineté industrielle ? Nos chercheurs et ingénieurs s’expatrient aux États-Unis et nous souffrons de notre absence de diligence quant à la relocalisation d’unités de fabrication de produits actifs qui sont nécessaires pour les médicaments les plus indispensables et les biomédicaments. Souvenez-vous : la pandémie avait mis en lumière la délocalisation massive des entreprises produisant les principes actifs de base, comme le paracétamol et l’insuline, respectivement fabriqués à 60 % et 80 % en Chine. Des milliers de Français n’arrivent plus à trouver leurs médicaments dans les pharmacies. Plusieurs industriels, dont GSK en ce qui concerne l’amoxicilline, s’étaient pourtant engagés à rapatrier la production de cinquante médicaments dits essentiels.

Vous ne semblez pas, dans votre rapport, prendre la mesure de la question de fond, qui est de mettre des moyens suffisants en face des objectifs à atteindre. Nous devons nous donner des moyens financiers – de contrôle – pour parvenir à assurer une relocalisation de notre industrie du médicament, parmi d’autres. Pensez-vous réellement que 7,5 milliards d’euros, dans le plan Innovation santé, dont 800 millions pour la stratégie nationale d’accélération des biothérapies, soient suffisants pour combler le retard et être concurrentiel face à nos voisins européens et américains ?

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Comme je l’écris dans mon rapport, il faut que les constructeurs fassent des voitures plus petites, pour permettre aux plus modestes de nos concitoyens d’acquérir des véhicules électriques.

Contrairement à ce que vous dites, j’ai très bien saisi la question de fond. Je connais toutes les difficultés qu’on rencontre en France, qu’il s’agisse de la mobilité ou de l’accès aux soins.

M. Lionel Tivoli (RN). Vous n’avez pas répondu à ma question, qui était pourtant précise : 7,5 milliards d’euros, dans le cadre du plan Innovation santé, dont 800 millions pour la stratégie nationale d’accélération des biothérapies, vous semblent-ils suffisants ? Vous avez beaucoup évoqué le constat, mais il faut aussi des moyens financiers en conséquence.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Il me semble l’avoir dit lorsque j’ai présenté mon rapport : ils ne sont pas suffisants.

M. René Pilato (LFI-NUPES). Les 54 milliards d’euros du plan France 2030 et les objectifs fixés dans ce cadre pour le pays ont été soustraits au débat parlementaire. Nous profitons donc de cet instant démocratique, entre deux 49.3, pour poser un regard sur la France de demain que vous proposez.

Nous y voyons l’expression de planifications écologiques reprises par le Président Macron, mais rien qui ressemble, de près ou de loin, hélas, à un projet aussi cohérent que celui défendu par La France insoumise. Nous voudrions un projet politique partant des besoins et défini collectivement, une planification à la hauteur des enjeux de ce siècle, car c’est de la survie de l’humanité qu’il s’agit.

France 2030 prévoit des investissements sans conditionnalité pour leurs bénéficiaires. Ce plan pourrait donc financer des projets qui procèdent à des délocalisations et détruisent la nature. Vous prévoyez des investissements, mais sans aucune réflexion sur l’aménagement du territoire et la viabilité des objectifs affichés. Nous pensons, pour notre part, que l’ensemble de la France doit bénéficier de ce plan. Quel peut en être l’impact global alors qu’aucune cohérence n’est assurée et qu’aucun cap n’est clairement fixé ?

Nous avons aussi une pensée pour l’enseignement supérieur, pilier préalable de toute planification sérieuse. Les financements dans ce domaine ont baissé de 16 % depuis 2017. Nous pensons, par ailleurs, à nos usines abandonnées aux délocalisations : Leroy-Somer, à Angoulême, la Fonderie du Poitou Alu, la Fonderie de Bretagne, à Caudan, et tant d’autres encore.

Une planification ambitieuse nécessiterait un récit partagé afin d’entraîner le pays tout entier vers un avenir désirable. Or les grandes orientations stratégiques, définies par un comité resserré autour du Président de la République, révèlent une pensée étroite et pauvre. Se priver de la richesse du débat contradictoire à l’Assemblée nationale n’est vraiment pas une bonne pratique. Une politique ambitieuse en matière de planification ne peut pas se résumer au déblocage de 54 milliards sans vision d’un avenir en commun.

Monsieur le rapporteur pour avis, cher Laurent, nous savons qu’il y aura des mines de lithium dans notre pays. Pour le cuivre et d’autres métaux, nous nous posons des questions. Pensez-vous, s’agissant des métaux nécessaires au développement d’une nouvelle industrie, que la France sera souveraine ?

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Je partage votre constat général, à savoir le manque flagrant de planification et les graves carences démocratiques dans l’élaboration de France 2030, que je regrette profondément.

Je m’interroge également sur notre souveraineté. C’est un sujet qui demande énormément de travail si on veut être sérieux. Or nous sommes toujours obligés d’avancer à marche forcée, ce qui ne permet pas de travailler sur tout. Nous devrions nous pencher, très prochainement, sur cette question, car de graves problèmes vont se poser.

Par ailleurs, nous avons besoin d’un maillage plus national. Dans les bassins désindustrialisés, on sait que des bâtiments existent et qu’on a des hommes et des femmes qui savent faire, mais ces territoires sont oubliés, ils restent en déclin, ce que je déplore.

M. Julien Dive (LR). J’ai reçu le rapport hier soir, à 23 heures 49. Il est assez compliqué, dans ces conditions, d’émettre un avis objectif et détaillé.

Je vous ai néanmoins écouté attentivement, monsieur le rapporteur pour avis, notamment au sujet de la désindustrialisation de certains territoires. Je constate aussi ce phénomène : dans ma circonscription, Nestlé a fermé un site il y a trois ans, et c’est parce que je me suis mobilisé, avec les collectivités, qu’il a pu être revitalisé. Le véritable outil qui pourrait servir en la matière serait un renforcement de la loi Florange. Vous me trouverez à vos côtés sur cette question : il faut davantage d’instruments de dissuasion à l’égard des délocalisations. La loi Florange a prévu certains éléments, mais il faudrait sans doute aller beaucoup plus loin.

Ce n’est pas l’objet du programme d’investissements d’avenir et de France 2030, qui est de donner une trajectoire, d’impulser une dynamique en matière de recherche technologique, pour conférer un avantage concurrentiel à la France dans des secteurs stratégiques. Le PIA a été lancé en 2010, sous Nicolas Sarkozy, pour un montant de 35 milliards d’euros. Le PIA 2 a ensuite bénéficié de 12 milliards, le PIA 3 de 10 milliards, le PIA 4 de 25 milliards, et on passe maintenant à 54 milliards, dans le cadre de France 2030.

Vous avez évoqué différentes questions, comme les batteries. Grâce au PIA, nous avons pu financer à Amiens, au Laboratoire de réactivité et chimie des solides de l’UPJV – Université de Picardie Jules-Verne –, des travaux de recherche visant à s’affranchir des terres rares, notamment une étude poussée sur les nanomatériaux pour les batteries. Des moyens ont déjà été déployés afin de permettre le développement de la batterie de demain. De même, l’institut de recherche technologique (IRT) Railenium, à Valenciennes, a permis de structurer la filière industrielle ferroviaire autour d’Alstom et de Bombardier, grâce au PIA. Ces outils sont essentiels pour ancrer des industries dans les territoires.

Vous avez parlé des filières du médicament et de l’automobile, mais je pense aussi à celle de l’alimentaire. J’aimerais qu’on fasse de l’alimentation un sujet stratégique pour l’État. Pensez-vous que ce serait un volet intéressant ?

Le groupe Les Républicains votera, bien sûr, en faveur des crédits de cette mission budgétaire.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Vous dites que France 2030 vise à établir une trajectoire. Il s’agit surtout de mettre les uns en concurrence avec les autres : on s’imagine que tout ira bien grâce à la loi du marché, alors qu’on se rend compte depuis quelques années, pour ne pas dire de nombreuses années, qu’elle produit l’effet inverse. Cela nous mène de plus en plus à la faillite. Je ne partage donc pas du tout vos propos.

S’agissant du ferroviaire, France 2030 ne prévoit rien. Il n’y a pas de trajectoire.

Vous avez évoqué la nécessité de s’affranchir de certains matériaux pour les batteries. Les personnes que j’ai auditionnées ont été unanimes à ce sujet : nous ne serons pas en mesure de développer, dans un avenir plus ou moins proche, de nouvelles technologies pour les batteries. Malheureusement, on ne peut donc pas s’affranchir des métaux rares.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Je trouve le rapport en accord avec ce que je pensais : nous sommes confrontés, en réalité, à une incroyable opération de communication. J’ai assisté à l’audition de Bruno Bonnell, Secrétaire général pour l’investissement : il a vanté France 2030 en nous promettant des accompagnements pour les entreprises – il était même question d’un sous-préfet spécifique dans chaque département. Depuis, je les cherche, mais ils sont comme l’Arlésienne… Je ne pense pas que beaucoup de départements aient un sous-préfet délégué aux investissements d’avenir.

J’ai interrogé les PME : ce qui compte pour elles, ce sont les tarifs de l’énergie. Quand on leur dit qu’elles pourraient décarboner, pour réduire leurs coûts, elles répondent qu’elles aimeraient bien le faire, mais qu’elles n’ont pas l’expertise, la recherche et développement qu’il faudrait. La seule entreprise qui va bénéficier de France 2030 dans ma circonscription, semble-t-il, c’est Euroapi, une société qui a été créée à la suite d’une opération financière de Sanofi, pour les principes actifs, qui est cotée à la bourse et qui se porte bien.

Deuxième observation, tout cela manque complètement de cohérence. Un grand manufacturier dans le domaine du caoutchouc va ainsi s’intéresser aux piles à hydrogène et refuser de produire les pneus pourtant nécessaires pour les petites voitures électriques qui arriveront bientôt dans notre pays, tout simplement parce que ce n’est pas rentable. Est-ce un signe de cohérence ? Je ne le crois pas.

J’en viens au déficit démocratique. C’est un jardin secret de l’État : il n’y a pratiquement aucun travail de proximité, au niveau des sous-préfets, des parlementaires que nous sommes ou des communautés de communes. De même, les salariés ne sont pas associés, et le volet social sera donc évacué. Les entreprises retenues formeront une sorte de nébuleuse, même si on arrivera peut-être à savoir de qui il s’agit – il paraît qu’on peut consulter un site internet…

Tout cela, je l’ai dit, est une opération de communication, à laquelle je mets un zéro pointé.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. En effet, on peut supposer qu’il ne s’agit que d’une opération de com’. Les PME se perdent dans les démarches à accomplir et dans la succession de documents à remplir car elles n’ont pas la capacité technique, voire humaine, nécessaire. Leurs dirigeants sont écœurés.

Des entreprises se détournent des produits qu’elles fabriquaient parce qu’elles sentent une bonne affaire ailleurs ; c’est ainsi qu’on oublie des productions pourtant indispensables à notre souveraineté.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). En définitive, France 2030, c’est la France des multinationales. Ce sont les seules qui sont à même d’y répondre.

M. Romain Daubié (Dem). Cette mission reflète l’engagement de la France, depuis plus de dix ans, à financer les technologies d’avenir et de rupture par l’intermédiaire de différents plans d’investissement et, plus récemment, de France 2030.

Malgré vos nombreuses critiques, avec lesquelles je ne suis pas d’accord, je vous remercie d’avoir choisi de vous concentrer sur les deux sujets intéressants que sont les déficits en matière de biomédicaments et l’électrification du parc automobile.

Alors que d’autres financements s’éteignent petit à petit, nous nous orientons désormais vers les investissements stratégiques et l’accompagnement d’écosystèmes d’innovation. Ces thèmes qui peuvent paraître flous recouvrent des projets très concrets dans le domaine des énergies renouvelables, des batteries ou du développement du numérique. Je vous rassure : si nous comptons sur ces investissements pour traiter les enjeux économiques et climatiques, nous sommes pleinement conscients du fait que l’innovation ne peut être la seule réponse. Mais nous voulons préparer l’avenir, et nous y mettons les moyens : une enveloppe globale de 54 milliards d’euros sur cinq ans – cela n’apparaissait pas clairement dans votre présentation.

Vous n’avez pas non plus parlé de l’effet de ces investissements sur notre PIB. Le comité de surveillance des investissements d’avenir indiquait dans un rapport en avril dernier que, deux ans après le lancement de France 2030, la mise en mouvement des filières industrielles était manifeste, que le PIB pourrait s’accroître de 1,5 à 2,8 points, soit 40 à 76 milliards, à l’horizon 2030 et que cela pourrait déboucher sur la création de 300 000 à 600 000 emplois, dont 100 000 emplois industriels.

La France est en bonne voie et doit continuer à pousser son avantage dans l’économie de demain. Il faut rester ambitieux. Le groupe Démocrate votera donc en faveur des crédits de la mission.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Les 54 milliards ne sont pas suffisants, comme je l’ai dit dans ma présentation. Vous parlez d’une augmentation du PIB, mais on ne vit pas de pronostics. J’ai roulé ma bosse en France et je sais que, quand des créations d’emplois sont annoncées, on s’aperçoit au bout de quelques années qu’elles sont moitié moins nombreuses que ce qui était prévu, et encore. De plus, une augmentation du PIB de 60 milliards à l’horizon 2030, ce n’est vraiment pas énorme.

M. Romain Daubié (Dem). Je ne fais que rapporter les propos d’experts indépendants et objectifs, dont les calculs sont à la disposition de tout le monde. Je crois davantage à la prospective économique qu’aux rumeurs ou au défaitisme permanent.

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. Ce n’est pas du défaitisme, mais du vécu, malheureusement, et depuis des décennies.

M. David Taupiac (LIOT). Par le plan France 2030, le Président de la République a souhaité nous projeter dans la France de demain et dessiner les contours de notre future économie. Mais il nous faut d’abord de la visibilité à court et à moyen terme, et nous ne l’avons pas.

Ainsi, en matière d’énergie, le plan France 2030 prévoit l’investissement de 1 milliard d’euros pour faire émerger des réacteurs nucléaires de petite taille et consacre des crédits à l’hydrogène vert, mais nous ne connaissons toujours pas nos objectifs énergétiques pour les années à venir. Notre assemblée a dû examiner plusieurs textes techniques sur les énergies renouvelables et le nucléaire sans que jamais nous débattions des équilibres de notre mix énergétique ; n’est-ce pas là, pourtant, la première urgence ? Sans loi de programmation sur l’énergie et le climat, comment déterminer les perspectives pour les filières photovoltaïque, éolienne, nucléaire et hydrogène ?

Créer un climat de confiance pour nos entreprises, ce n’est pas seulement distribuer des milliards. Il faut aussi garantir aux acteurs économiques que les pouvoirs publics ne changeront pas de pied.

S’agissant de la mobilité, dans la course mondiale à l’industrie verte, n’oublions pas notre ruralité. Bien évidemment, il est nécessaire d’électrifier les véhicules pour relever les défis du dérèglement climatique, mais l’enjeu est aussi de permettre à tous et à toutes de se déplacer, quel que soit leur lieu d’habitation.

Dans cet esprit, j’émettrai deux alertes. Concernant le maillage territorial des bornes de recharge, nous ne pouvons délaisser certains territoires sous prétexte qu’ils seraient moins peuplés. Chez moi, les bornes sont en nombre insuffisant et déjà vieillissantes. Quant aux véhicules électriques à disposition, les modèles existants sont plus chers que les véhicules thermiques. On nous promet la démocratisation par le leasing social, mais les véhicules proposés à la location seront-ils adaptés aux longues distances que doivent parfois parcourir les résidents de la ruralité ? Avez-vous pu interroger le Gouvernement et les constructeurs automobiles à ce sujet ?

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. En matière de mobilité, la ruralité est oubliée : le ferroviaire est de moins en moins présent dans nos campagnes et les transports en commun publics n’y existent pas, ou très peu, si bien que la voiture y est indispensable. Il en résultera une France à deux vitesses : ceux qui auront les moyens de se payer une grosse voiture pourront voyager loin, les autres attendront qu’un moyen de transport en commun passe, s’il existe. Les constructeurs automobiles ne se positionnent pas pour fabriquer de petits véhicules légers, moins consommateurs d’énergie. Le Gouvernement devrait leur imposer des conditions, mais cela supposerait une planification qui, actuellement, n’existe pas. De ce point de vue, je suis d’accord avec vous. Notre visibilité à moyen et à court terme se résume au fait que nos constructeurs automobiles ne veulent entendre parler que de SUV ou de breaks dont les prix sont intenables. Quant à l’achat social, à 100 euros par mois, je n’y crois pas.

Mme Marie-Noëlle Battistel, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). La mission sur laquelle nous avons à nous prononcer est ambitieuse par ses moyens comme par ses objectifs en matière de soutien à l’innovation et à la recherche.

Ses crédits visent aussi à sécuriser l’accès à des matériaux stratégiques comme le bois. À cet égard, le plan France 2030 se propose à juste titre de renouveler les forêts pour préserver leurs fonctions économiques et environnementales. Cependant, les propriétaires ne pourront financer à eux seuls l’atteinte des objectifs affichés. Pouvez-vous donc nous préciser les mesures d’accompagnement et de soutien prévues pour le secteur bois et forêts dans le cadre de France 2030 ?

M. Jérôme Nury (LR). Quel est le coût réel de la mise en œuvre de France 2030 ? J’avais interrogé l’ex-député recasé Bruno Bonnell à ce sujet ; il avait répondu à propos de sa rémunération, mais pas en ce qui concerne le nombre d’agents mis à disposition ni l’ensemble des frais induits par la mise en œuvre du plan.

Quant au ruissellement de ces crédits, il m’a semblé à moi aussi que France 2030 était essentiellement destiné aux grands centres urbains, aux grandes entreprises, aux filières à la mode – les batteries, le numérique –, par opposition aux PME, à l’agroalimentaire ou aux territoires ruraux. Y a-t-il eu une évolution dans ce domaine ?

M. Vincent Rolland (LR). Personnellement, je me réjouis de France 2030, dont plusieurs entreprises de ma circonscription ont bénéficié, notamment pour des process très innovants. Mais quel soutien ce plan accorde-t-il aux industries primaires ? Je visitais hier l’entreprise Métaux spéciaux, à Pomblière, la dernière en Europe à produire du chlore ou du lithium solide – des matériaux qui entrent dans la fabrication des batteries ou sont utilisés dans l’industrie pharmaceutique. Si cette entreprise devait disparaître, notre filière et notre souveraineté économique seraient une nouvelle fois fragilisées.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Dans le domaine du médicament, au-delà des questions d’innovation, on constate des pénuries qui touchent des produits très courants et maîtrisés. Or France 2030 n’est pas seulement destiné à l’innovation ou aux start-up : c’est un outil pour l’industrie et la souveraineté françaises. Entre la dernière trouvaille technologique en matière de médicament et la satisfaction des besoins courants, il y a des priorités budgétaires à déterminer. Comment, selon vous ?

M. Laurent Alexandre, rapporteur pour avis. En ce qui concerne le bois, je serai très honnête avec vous : c’est un sujet que je n’ai pas travaillé, faute de temps. Je suis donc désolé de ne pouvoir vous répondre.

Quant au coût réel de France 2030, c’est en effet un point qu’il faudrait regarder de plus près, en interpellant les différents opérateurs – le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), l’Agence de l’innovation en santé, BpiFrance, la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence nationale de la recherche (ANR), etc.

Quelle place pour les « derniers producteurs » ? Je l’ai dit : bien souvent, les entreprises, noyées sous les démarches administratives, n’arrivent pas à monter les dossiers. De même, on nous a expliqué lors des auditions que les chercheurs passaient quasiment plus de temps à préparer des dossiers qu’à faire de la recherche !

Enfin, il faut un pôle public du médicament pour soustraire notre pays à la dépendance dans laquelle il se trouve et vendre les médicaments à prix coûtant – certains industriels du médicament se gavent, si vous me passez l’expression. L’accès aux soins, au quotidien, pour tous nos concitoyens est un impensé de France 2030. Des pays qui sont loin d’être bolcheviques, comme les Pays-Bas, ont opté pour ce système afin d’alimenter les pharmacies hospitalières ; aux États-Unis, une fondation à but non lucratif fournit plus de 1 500 hôpitaux pour pallier les ruptures de stock.

Au total, vous l’aurez compris, les insuffisances du plan France 2030 que j’ai évoquées – défaut de planification ; déficit démocratique ; omission dans le volet santé de l’enjeu de l’accès aux soins, voire aggravation du problème ; création, du côté du volet mobilité, d’une France à deux vitesses – me conduisent à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Investir pour la France de 2030.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Iktos Robotics Intelligence Artificielle (IRIA)

M. Yann Gaston Mathé, CEO

Paris Saclay Cancer Cluster (PSCC)

M. Éric Vivier, président

M. Benjamin Garel, Directeur général

Mme Alice De Queylard, directrice des opérations

Mme Rozenn Le Saint, journaliste d’investigation spécialisée en santé

ACC

M. Yann Vincent, directeur général

M. Hubert Mathieu, directeur affaires publiques

INSERM

Pr Didier Samuel, président-directeur général

M. Damien Rousset, directeur général délégué à l’administration

Secrétariat général pour l’investissement (SGPI)

Mme Géraldine Leveau, secrétaire générale adjointe

Mme Camille Muller, directrice juridique et financière

M. John Palacin, adjoint à la Directrice Juridique

SANOFI *

Mme Audrey Derveloy, présidente de Sanofi France

Mme Clotilde Jolivet, directrice des Affaires gouvernementales et publiques France

M. Gabriel Colletis, professeur de sciences économiques

Table-ronde « France 2030 et Véhicules électriques »

M. François Chartrier, chargé de campagne océan Greenpeace ;

M. Pierre Leflaive, responsable Transports, Réseau Action Climat ;

M. Tommaso Pardi, directeur du GERPISA, chargé de recherche au CNRS (IDHES)

M. Florent Calvayrac, directeur UFR Sciences et Techniques, Le Mans Université

BPI France

Mme Sophie Remont, directrice de l’expertise à la direction de l’innovation

Mme Pauline Schertzer, responsable de développement stratégique

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, directeur des relations institutionnelles

Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Arnaud Torres, directeur des grands programmes d’investissement de l’État

Mme Cécile Schou, conseillère relations institutionnelles

Caisse des Dépôts

M. Nicolas Chung, directeur des mandats et des investissements d’avenir à la Banque des Territoires

Mme Patricia Blanchandin, conseillère relations institutionnelles à la Caisse des Dépôts

M. Damien Verbiguie, chargé de coordination et de communication au Département Mandats et Investissements d’Avenir à la Banque des Territoires

ADEME

M. Sylvain Waserman, président-directeur général

Mme Anne-Cécile Sigwalt, directrice Entreprises et transitions Industrielles

Verkor

M. Gilles Moreau, Co-fondateur et directeur du développement durable

M. Olivier Dufour, Co-fondateur, en charge de la communication et l’engagement des parties prenantes.

Renault ElectriCity *

M. Nicolas Tcheng, responsable des relations institutionnelles à la direction des affaires publiques de Renault

M. Philippe Farge, délégué régional Nord-Est, affaires publiques

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) 34 Md€ en AE et 3,5 Md€ en CP.

([2]) Appels à projets de Bpifrance, de la Caisse des dépôts et consignations et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

([3]) À l’exception du programme 421, où des projets engagés dans le cadre du PIA 3 se poursuivent (équipements structurants pour la recherche, initiatives d’excellence Idex des universités, etc.), pour un montant total de 255 M€.

([4]) https://presse.economie.gouv.fr/16052023-dossier-de-presse-innovation-sante-2030/

([5]) https://www.economie.gouv.fr/strategie-france-leader-production-therapies-innovantes

([6]) https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=bioth%C3%A9rapie

([7]) Définition donnée par France Biolead

([8]) Statistiques extraites du dossier de presse – Stratégie d’accélération « Biothérapies et bioproduction » du 7 janvier 2022.

([9]) Façonniers ayant la capacité de produire des lots cliniques phases 1 et 2 et voire phase 3 uniquement pour des marchés de niche

([10]) Cotract development and Manufacturing organization

([11]) Contribution écrite de la start-up Iktos Robotics Intelligence Artificielle en complément de l’audition du 18 septembre 2023

([12]) Etude MabDesign pour le LEEM réalisée en 2019

([13]) De techniciens de production, responsables qualités et affaires réglementaires, ingénieurs en production, bioinformaticiens, pharmaciens responsables, médecins

([14]) Ibid

([15]) Innovation Santé 2030, Faire de la France la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé, 29 juin 2021.

([16]) Dossier de presse – Stratégie d’accélération « Biothérapies et bioproduction » - 7 janvier 2022

([17]) Infographie issue du rapport sur l’état d’avancement des chantiers France 2030 au 30 juin 2023, remis par le comité de surveillance des investissements d’avenir (CSIA)

([18]) En complément des 5 biomédicaments déjà produits en France

([19]) Décompte de juin 2023

([20]) Contribution écrite de Sanofi France en complément de l’audition du 21 septembre 2023

([21]) Contribution écrite de l’Agence de l’innovation en santé, complément de l’audition commune du 20 septembre 2023 avec le Secretariat général pour l’investissement

([22]) Contribution écrite de la start-up Iktos Robotics Intelligence Artificielle en complément de l’audition du 18 septembre 2023

([23]) Contribution écrite fournie par PSCC en complément de l’audition du 18 septembre 2023, à 12 h 15’

([24]) AAP : Appel à projets, AMI : appels à manifestation d’intérêt. PEPR : Programmes et équipements prioritaires de recherche

([25]) Liste transmise par l’AIS à travers sa contribution écrite complémentaire à l’audition conjointe SGPI-AIS du 20 septembre à 16h00

([26]) https://www.france-biolead.fr/

([27]) Contract research organization ( organisation de recherche contractuelle ou organisation de recherche clinique par contrat)

([28]) Les prémices de cette réflexion sont notamment posées dans le rapport « CSF-ITS – INITIATIVE TECHNOLOGIE DE RUPTURE POUR LA BIOPRODUCTION », Conseil national de l’industrie, novembre 2020

([29]) Innovation santé 2030, dossier de presse du mardi 16 mai 2023

([30]) https://www.parissaclaycancercluster.org/a-propos

([31]) Contribution écrite fournie par PSCC en complément de l’audition du 18 septembre 2023, à 12 h 15’.

([32]) Contribution écrite de Rozenn Le Saint, journaliste indépendante.

([33]) https://www.publiceye.ch/fr/coin-medias/communiques-de-presse/detail/les-marges-astronomiques-des-pharmas-contribuent-a-lexplosion-des-primes

([34]) Accès dérogatoire au marché accordé à des médicaments innovants sans alternatives et utilisés dans des pathologies rares, graves ou invalidantes avant l’autorisation de mise sur le marché.

([35]) Le CIR ne fait pas partie de la liste parue dans le décret du 15 octobre 2021 (et cela représente plus de 600 M€ par an selon Médecins du Monde).

([36]) C’est à dire les molécules de poids moléculaire inférieur à 1000

([37]) Contribution écrite Iktos Robotic Intelligence Artificielle

([38]) Contribution écrite de Sanofi France en complément de l’audition du 21 septembre 2023 à 9 h 00.

([39]) Rapport du Sénat n° 828, Pénurie de médicaments : trouver le bon remède, déposé 4 juillet 2023, commission d’enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française.

([40]) Est-ce le grand retour de l’industrie automobile en France ?, Marie Nidiau, La Tribune, 5 juillet 2023.

([41]) Audition des représentants de Renault ElectriCity du 27 septembre 2023

([42]) La stratégie nationale sur les batteries de France 2030 : au cœur de la décarbonation des mobilités, mai 2023

([43]) Audition des représentants de Verkor (27 septembre 2023)

([44]) Groupe issu de la fusion entre PSA et FCA (Fiat Chrysler Automobiles)

([45]) Contribution écrite des représentants de Renault ElectriCity, 29 septembre 2023.

([46]) Chiffre donné lors de l’audition des représentants de Renault ElectriCity, le 27 septembre 2023.

([47]) https://investir.lesechos.fr/actu-des-valeurs/la-vie-des-actions/stellantis-devoile-sa-plateforme-electrique-sans-ceder-aux-appels-a-relocaliser-1959368

([48]) C’est-à-dire des véhicules commercialisés à moins de 15 mille euros

([49]) Benchmark Mineral Intelligence (BMI) – Note d’août 2022.

([50]) Batteries : « L’Europe est dépendante de la Chine non seulement pour les matières premières, mais aussi pour les produits semi-finis », Le Monde, 15 janvier 2023.

([51]) https://www.bpifrance.fr/nos-appels-a-projets-concours/appel-a-projets-metaux-critiques

([52]) La Tribune, Est-ce le grand retour de l’industrie automobile en  France ?, Marie Nidiau, 5 juillet 2023.

([53]) https://selectra.info/energie/actualites/insolite/consommation-vehicules-electriques-france-2040

([54]) ACC, automotive cells company, audition du 20 septembre 2023

([55]) Audition des représentants de Verkor le 27 septembre 2023.

([56]) https://agirpourlatransition.ademe.fr/entreprises/aides-financieres/20220613/solutions-innovantes-lamelioration-recyclabilite-recyclage