N° 1723

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME VI

ÉCONOMIE

COMMERCE EXTÉRIEUR

PAR M. Charles Rodwell

Député

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 Voir les numéros : 1680 (Tome III, Annexe 19).

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE : analyse des crÉdits

I. les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134, destinÉs À l’opÉrateur business France

1. Business France : un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé en cohérence avec le plan gouvernemental « Osez l’Export ! »

2. Des subventions stables dans le PLF pour 2024

3. À l’avenir, le renforcement du rôle de Business France en matière d’attractivité exigera un ajustement des moyens financiers et humains octroyés à cet opérateur

II. Les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134, destinÉs À la rÉmunÉration de bpifrance assurance export au titre de ses prestations rÉalisÉes pour le compte de l’État

1. Une programmation pluriannuelle des crédits destinés à la rémunération de Bpifrance AE

2. Assouplir le cadre contraignant dans lequel s’inscrivent l’assurance prospection et l’assurance-crédit

III. les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134 relatifs aux ÉvÉnements contribuant au dÉveloppement de l’Économie française À l’international

SECONDE partie : la coordination des acteurs de l’export et de l’attractivité

1. Le bilan de la Team France Export (TFE) : une coordination croissante entre les acteurs de l’export qui peut encore être améliorée

a. Des avancées notables en matière de coordination des acteurs depuis le lancement de la TFE en 2018

b. Des améliorations peuvent cependant encore être apportées au dispositif

i. Des ministères dont les rôles doivent être précisés

ii. Une proposition concernant le financement des CCI dans le cadre du PLF pour 2024

2. Comment améliorer l’attractivité de la France ? Bilan de la Team France Invest (TFI) et perspectives

a. La Team France Invest : quel premier bilan ?

b. Des marges d’amélioration qui passent par une coordination plus efficace des acteurs de l’attractivité et par la consolidation des moyens humains et budgétaires

liste des propositions du rapporteuR

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

 


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introduction

Annoncé le 31 août 2023 par le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger, M. Olivier Becht, le plan gouvernemental « Osez l’export ! » constitue le volet international de la stratégie « France 2030 ». Poursuivant trois objectifs, déclinés en treize mesures, il vise notamment à accompagner à l’export mille petites et moyennes entreprises (PME) soutenues dans le cadre de « France 2030 ».

Dans le même temps, la question de l’attractivité de la France, dans un contexte de concurrence accrue entre pays européens notamment, est devenue plus centrale que jamais, à l’heure où le verdissement et le développement des industries stratégiques constituent des priorités.

Votre rapporteur considère ces deux sujets comme indissociables et se félicite d’avoir pu mener, en parallèle des travaux consacrés au présent avis sur les crédits du commerce extérieur dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, de nombreuses auditions et déplacements dans le cadre d’une mission qui lui a été confiée par la Première ministre ayant pour objet de consolider et d’améliorer les dispositifs de soutien à l’attractivité et l’accompagnement des investissements étrangers en France. Ce rapport au Gouvernement, qui sera présenté en décembre 2024, prolongera et approfondira les réflexions ébauchées dans le cadre du présent avis budgétaire et ces deux exercices doivent être considérés comme complémentaires.

Ces travaux s’inscrivent dans la continuité d’un groupe de travail conduit avec Mme Sophia Chikirou (LFI) en février 2023 et consacrée aux dispositifs de soutien à l’exportation et à l’attractivité des investissements étrangers en France ([1]).

La première partie du présent avis budgétaire porte, classiquement, sur l’analyse des crédits attribués dans le cadre du PLF pour 2024 au commerce extérieur et, plus particulièrement, aux acteurs majeurs de la « Team France Export » et de la « Team France Invest » que sont Business France et Bpifrance Assurance Export (Bpifrance AE).

La seconde partie de ce rapport est consacrée à la question de la coordination des acteurs de l’export et de l’attractivité au sein des « Team France Export » et « Team France Invest ».

 

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La présente introduction rappelle le bilan, en matière de commerce extérieur, de la France en 2022 et propose un état des lieux de la situation du commerce extérieur français au premier semestre 2023 ainsi que des perspectives pour 2024 et 2025.

En 2022, la poursuite du rebond consécutif à la crise sanitaire de la Covid-19 s’est heurtée aux conséquences de la guerre russe en Ukraine. Malgré une croissance en moyenne annuelle de + 2,5 %, les tensions d’approvisionnement, le climat d’incertitude et la hausse du prix des matières premières ont entraîné une dynamique heurtée de l’activité entre les hivers 2022 et 2023, qui a nettement affecté la consommation des ménages. La conjoncture a connu une amélioration en 2023 : les prix des matières premières connaissent une détente, l’inflation tend à ralentir et l’activité a retrouvé un élan au deuxième trimestre 2023 (+ 0,5 %).

Le produit intÉrieur brut et ses composantes

Figure 1 : Source : INSEE, 30 août 2023

Le déficit commercial devrait se résorber significativement en 2023 et 2024. Après avoir doublé en 2022, il diminuerait d’environ un tiers en 2023, cette amélioration étant déjà sensible au 1er semestre 2023. En 2023, malgré un contexte international peu favorable, les exportations progresseraient de + 2,1 % en volume, reflétant une hausse des performances à l’export de la France.

Le solde commercial en biens au sens des Douanes devrait connaître une amélioration en 2023 comme en 2024. En 2022, le déficit ([2]) avait atteint 163,2 milliards d’euros, en raison notamment de la multiplication par plus de trois de la facture énergétique. En 2023, grâce à la réduction de moitié de cette facture, le déficit commercial devrait atteindre 105 Md€. Il continuerait de se résorber pour représenter, en 2024, 95 milliards d’euros ([3]).

Solde commercial des principales économies de la zone euro
(en point de PIB, en valeur)

Figure 2 : Insee, juin 2023

solde commercial de la France

Figure 3 : Insee, juin 2023 (la courbe bleue représente le solde commercial, les matériels de transport figurent en bleu marine, l’énergie en violet, les autres biens en bleu turquoise, le tourisme en jaune et les autres services en orange

Le solde des biens et services au sens de la balance des paiements se redresserait également. Le déficit serait de proche de 46,2 Md€ en 2023 comme en 2024 (contre 85,3 Md€ en 2022), la différence avec le solde des biens reflétant l’excédent du solde conjoint des services et du tourisme.

La Banque de France note dans ses projections macroéconomiques ([4]) que le commerce mondial ralentit tendanciellement depuis début 2022, après un effet de reprise succédant à la crise sanitaire. Les indicateurs conjoncturels en Chine, inférieurs aux attentes, laissent penser que l’atonie pourrait être durable. Les exportations françaises seraient plus particulièrement pénalisées par la situation dans la zone euro, avec des projections d’importations en provenance de la France revues à la baisse pour l’Espagne et l’Italie en 2023, et plus encore pour l’Allemagne en 2024. Il faut néanmoins noter que les exportations françaises ont connu une hausse au deuxième trimestre 2023, résultant notamment des exportations de matériels de transport, due en partie au facteur ponctuel de la livraison du paquebot MSC Euribia, mais également au rebond dans le secteur du tourisme. Sur l’ensemble de l’année 2023, les exportations françaises devraient progresser plus rapidement que la demande mondiale adressée à la France, ce qui entraînerait la poursuite du rattrapage progressif des parts de marché perdues pendant la crise sanitaire. En 2024 et 2025, d’après les travaux de la Banque de France, la France devrait conserver une stabilité des parts de marché – l’appréciation passée du taux de change effectif de l’euro pesant un peu sur la compétitivité des exportations françaises à destination de ses partenaires hors zone euro tandis qu’un phénomène potentiel de rattrapage dans le secteur aéronautique et le tourisme contrebalancerait cet effet.

Le principal facteur freinant l’activité serait désormais la hausse des taux d’intérêt – les représentants des entreprises auditionnés par votre rapporteur ont particulièrement insisté sur ce point.

En 2024, la croissance du produit intérieur brut (PIB) serait de + 1,4 %, un rythme proche de la tendance de long terme de l’économie française. Le principal soutien à l’activité serait le rebond progressif de la consommation des ménages, grâce à la décrue de l’inflation. La contribution du commerce extérieur serait ainsi légèrement positive, les importations étant elles aussi plus dynamiques du fait du rebond de la consommation. En revanche, l’investissement pâtirait progressivement de la hausse des taux d’intérêt réels. Si celui des ménages continue de reculer, celui des entreprises enregistrait seulement un ralentissement, notamment grâce aux baisses des impôts de production et aux besoins toujours importants associés à la double transition écologique et numérique.

 

Échanges extÉrieurs de la France

Le nombre d’entreprises exportatrices depuis la France est passé de 121 800 en 2007 à 146 600 fin 2022, soit une augmentation totale de 20 % en 15 ans. Cette évolution recouvre plusieurs phases depuis les années 2000 : (i) une poursuite de la baisse du nombre d’exportateurs observée depuis le début des années 2000 jusqu’en 2011 (baisse moyenne de - 1,2 % entre 2007 et 2011), (ii) une phase de reprise de 2012 à 2015 (+1,9 % en moyenne), (iii) une quasi-stagnation entre 2016 et 2018 (+ 0,1 % en moyenne) et (iv) une reprise très soutenue depuis 2019 (+ 4,0 % en moyenne malgré un ralentissement en 2020 en lien avec à la crise sanitaire), le nombre d’entreprises exportatrices atteignant un nouveau record de 147 900 au premier trimestre 2023 (voir graphique ci-après([5]).

 

Évolution du nombre d’entreprises exportatrices

Figure 4: source : DGDDI

 

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Au terme de son analyse, votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » pour ce qui concerne le commerce extérieur. Dans le prolongement du rapport remis avec Mme Sophia Chikirou en février 2023, concluant à la nécessité de mieux prioriser les objectifs poursuivis par la France en matière d’attractivité et d’export, en concentrant les moyens publics et privés dédiés, votre rapporteur formule les propositions suivantes :

  1.   Trois propositions pour prioriser et concentrer les moyens publics consacrés au soutien à l’export et à l’attractivité

Proposition n° 1 : redéfinir les indicateurs de performance des opérateurs en charge de l’export et de l’attractivité pour privilégier une approche qualitative de long terme et un alignement sur les priorités de la politique industrielle de la France définies dans le cadre du plan France 2030.

 

 

Proposition n° 2 : formaliser, dans le cadre du prochain projet de loi de Finances pour 2025, les engagements pluriannuels de l’État vis-à-vis de son opérateur Business France, en conformité avec le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2026, en faisant apparaître ces crédits en autorisations d’engagement

 

Proposition n° 3 : affirmer un principe de « préférence française » dans les critères d’attribution de l’aide publique au développement (APD) de la France, en engageant une révision des accords de l’OCDE relatifs au déliement de l’aide publique au développement (APD) et en renforçant le montant des aides au développement liées délivrées par la France ([6])

  1.   Trois propositions pour mieux utiliser les leviers publics permettant de mobiliser les capitaux privés en matière d’export et d’attractivité

Proposition n° 4 : assouplir le cadre dans lequel s’inscrivent l’assurance-prospection et l’assurance-crédit afin d’en augmenter le déploiement pour renforcer les capacités des entreprises françaises à l’export, tout en maximisant les recettes budgétaires associées

 

Proposition n° 5 : dans le cadre du projet de loi Finances pour 2024, revenir sur la réduction de 25 millions d’euros du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises pour frais de chambres de commerce et d’industrie de région (TA-CFE), pour lui substituer un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement des CCI qui préservera davantage les emplois et la bonne conduite des missions de service public du réseau consulaire

 

Proposition n° 6 : procéder à une rationalisation des acteurs de l’attractivité en France, en renforçant le rôle de Business France, notamment en élargissant son champ de compétence aux entreprises internationalement mobiles, françaises et étrangères. Au niveau régional, nommer un interlocuteur préfectoral unique en la personne d’un sous-préfet à l’investissement (France 2030) et à l’attractivité placé auprès du préfet de région

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
analyse des crÉdits

Les crédits destinés au financement et au soutien du commerce extérieur sont rassemblés, pour l’essentiel, au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulation » de la mission « Économie » et, plus particulièrement, au sein de l’action n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire ».

Les politiques publiques inscrites au sein du programme n° 134 visent, d’une part, à développer la compétitivité des entreprises et à favoriser un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi, dans une dimension nationale et internationale, et d’autre part, à assurer la régulation et la sécurisation des marchés, et la protection des consommateurs. Elles poursuivent l’objectif de renforcer le soutien à l’international des entreprises au travers, notamment du financement des opérateurs Business France et BpiFrance.

Dans le projet de loi initial, les autorisations d’engagement ouvertes pour le programme 134 s’élèvent à 2,9 ([7]) milliards d’euros (Md€) contre 6,3 Md€ en loi de finances initiale pour 2023. Cette baisse s’explique essentiellement par l’arrêt du dispositif d’aide temporaire pour les entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité correspondant à une baisse de ‑ 4 000 M€ en AE et en CP sur l’action 23 « Industrie et services » du programme.

L’action n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » représente, dans le cadre du PLF 2024, 14,6 % des crédits du programme 134. Ces crédits concourent à l’atteinte des objectifs suivants :

     l’information et le soutien des entreprises françaises, notamment les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), afin de favoriser leur internationalisation et leur développement sur les marchés extérieurs ;

     la mise en œuvre des financements export pour accompagner financièrement les entreprises françaises à l’export ;

     la prospection d’investissements étrangers ;

     la promotion du territoire français auprès des investisseurs internationaux susceptibles de s’y implanter ;

     la mise en œuvre d’une stratégie de communication pour améliorer l’image de la France à l’international.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, l’action n° 7 représente un total de dépense de 429,2 millions d’euros (M€) en autorisations d’engagement (AE) et 185 M€ en crédits de paiement (CP), contre 184,88 M€ en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en loi de finances initiale pour 2023, soit une stabilisation des crédits de paiement et une augmentation de 132 % en autorisations d’engagement, qui correspond à l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées (en intégrant la TVA déductible au taux de 20 %) dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l’État et Bpifrance Assurance Export.

ÉlÉments de la dÉpense par nature

Figure 5 : source : projet annuel de performances de la mission « Économie » pour le PLF pour 2024

Les crédits sont répartis de la manière suivante :

     une subvention pour charges de service public (SCSP) allouée à Business France (100,70 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement comme dans le cadre de la précédente loi de finances initiale) ;

     la rémunération de Bpifrance Assurance Export (Bpifrance AE), au titre de ses prestations réalisées pour le compte de l’État, qui représente 323,90 M€ en AE et 79,90 M€ en CP en 2024. Le montant de 323,90 M€ en AE correspondant à l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées (en intégrant la TVA déductible au taux de 20 %), dans le cadre de la convention pluriannuelle 20232028 signée entre l’État et Bpifrance AE. Les 79,90 M€ en CP correspondent au versement prévu pour 2024 dans la convention et sont donc en légère augmentation par rapport aux crédits de paiement de la loi de finances initiale pour 2023 (78,10 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

     le soutien à des évènements contribuant au développement de l’économie française à l’international et à l’attractivité de la France qui représente 0,70 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, comme dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023 ;

     la participation à l’exposition universelle d’Osaka-Kansaï 2025 (3,8 M€ en AE et CP contre 5,40 M€ en AE et CP en 2023).

 

 

PLF 2024
(M€ hors taux de réserve de précaution

LFI 2023
(M€ hors taux de mise en réserve de précaution)

Variations entre 2023 et 2024
(%)

Crédits destinés à l’opérateur Business France

100,7

100,7

Aucune

Crédits destinés à la rémunération de Bpifrance Assurance Export

79,9 en crédits de paiement (323,9 en autorisations d’engagement, dans une logique de pluriannualité)

78,1 en crédits de paiement et en autorisations d’engagement

+ 2,30 %

Crédits destinés aux événements contribuant au développement de l’économie française à l’international (y compris dépenses d’intervention associées à l’exposition universelle d’Osaka)

4,5

6,1

- 26,2 %

I.   les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134, destinÉs À l’opÉrateur business France

1.   Business France : un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) signé en cohérence avec le plan gouvernemental « Osez l’Export ! »

Business France, établissement public à caractère industriel et commercial issu en 2015 de la fusion d’Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII), est l’opérateur de l’État placé au cœur de la réforme de l’internationalisation des entreprises annoncée le 23 février 2018 à Roubaix par le Premier ministre Édouard Philippe ([8]).

L’établissement est chargé d’assurer, au sein de la « Team France Export » (voir supra), l’accompagnement public des petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI) sur les marchés internationaux. En matière de développement des investissements étrangers, la coordination des services de l’État, de Business France et des régions s’est structurée dans le cadre de la « Team France Invest » (voir supra) destinée à améliorer l’efficacité de la prospection des projets d’investissements étrangers et à faciliter leur réalisation en France.

Un nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) a été signé le 2 octobre 2023 entre l’opérateur et ses tutelles pour la période 2023-2026. Il succède au COM conclu pour la période 2018-2022. Il tient compte des évolutions du contexte international ainsi que des priorités stratégiques du Gouvernement exposées dans le plan gouvernemental « Osez l’Export » annoncé le 31 août par M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger et pensé comme le volet international du plan d’investissement « France 2030 ».

Le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2026

Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens (COM) pour la période 2023-2026 de Business France est structuré autour de trois axes stratégiques, neuf objectifs et trentedeux indicateurs de performance. Il intègre les nouvelles priorités stratégiques du Gouvernement, formalisées notamment dans le cadre du plan gouvernemental « Osez l’Export » annoncé fin août 2023.

Il doit permettre le développement de nouveaux outils et une hausse du nombre d’entreprises accompagnées à l’export.

Les trois axes stratégiques sont les suivants :

– L’axe 1 (« Impact ») ancre l’activité de l’agence dans les priorités gouvernementales : accompagnement des filières sectorielles et des entreprises lauréates du Plan France 2030, renforcement de l’impact économique des activités de l’opérateur afin de favoriser la résilience à l’export des PME-ETI - notamment en réponse à la recommandation de la Cour des comptes dans son rapport de 2021 (voir infra) - et déploiement d’une stratégie de décarbonation et environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) dans les volets export comme attractivité ;

– L’axe 2 (« Efficacité et performance ») porte sur l’amélioration de l’efficacité de l’activité traditionnelle du développement international des entreprises : il inclut les nouvelles mesures pour lesquelles une hausse de la subvention de 16 M€ a été votée en LFI 2023 (digitalisation de l’offre, renforcement des programmes « Boosters », hausse de la prise en charge sur les salons, programme acheteurs en France) et déployées dans le cadre du Plan Export. En outre, l’axe maintient la trajectoire ambitieuse en matière d’attractivité de la France. S’agissant de la gestion, le contrat fixe un objectif d’accroissement du taux de couverture des dépenses par les ressources propres, du taux de couverture des dépenses de fonctionnement et de la masse salariale par la marge dégagée par l’opérateur ;

– L’axe 3 (« Transformation ») est consacré au renforcement des partenariats avec les acteurs de la Team France (CCI France, les régions et les prestataires privés). L’agence a également intégré des objectifs en matière de réduction des émissions de CO2 liées à son fonctionnement.

2.   Des subventions stables dans le PLF pour 2024

Dans le cadre du PLF pour 2024, Business France bénéficie des financements publics suivants :

– une subvention pour charges de service public du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au titre de l’action n° 7 du programme 134, d’un montant de 100,70 M€ (avant application d’un taux de mise en réserve) en autorisations d’engagement et en crédits de paiement et qui fait l’objet de développements ci-après ;

– une subvention pour charges de service public du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, financée par le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires », d’un montant de 4,80 M€ (avant application d’un taux de mise en réserve) en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce montant est stable par rapport aux montants inscrits en lois de finances initiales depuis 2020 ;

– une subvention pour charges de service public du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, financée par le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », au titre de la mission d’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et alimentaire et d’autres activités connexes. Elle s’élève à 3,70 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement dans le cadre du PLF 2024, soit un montant équivalent à celui de la LFI pour 2023.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

financements apportés à l’opérateur par le budget de l’état

Figure 6 : source : projet annuel de performances de la mission « Économie » pour le PLF pour 2024

De manière plus globale, entre 2015 et 2022, l’opérateur a connu une diminution progressive des subventions versées par l’État de 12 % (105,80 M€ en 2015 contre 93 M€ en 2022) (voir tableau ci-dessous).

Évolution des recettes propres et des subventions publiques servies à Business France (2015-2022)

M€

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Recettes Propres

        77,8  

        86,4  

        98,6  

      103,9  

      105,9  

        69,6  

        75,5  

 

96,7

Subventions

      105,8  

      102,0  

      101,1  

      102,7  

      101,1  

        96,9  

        95,3  

 

93,0

Figure 7 : source : Business France

Sur la période 2015-2022, les ressources propres ont augmenté de 24 % (soit 18,90 M€). La crise sanitaire a néanmoins entravé cette hausse, entraînant une chute des recettes propres de 8,7 % entre 2019 et 2022 (- 9,20 M€). Entre 2015 et 2019, les recettes propres de l’agence étaient en hausse continue (+ 36 % soit + 28,10 M€ en 4 ans). Elles devraient, pour la première fois depuis la crise sanitaire, dépasser en 2023 leur niveau de 2019.

 

 

Recettes propres de Business France (2019-2023)

Figure 8 : source : Business France

Après plusieurs années de baisse, le plafond d’emplois de l’opérateur demeure stable dans le PLF pour 2024 par rapport à la LFI pour 2023, avec 1 433 emplois. Le programme annuel de performances (PAP) souligne que « le schéma d’emplois de Business France demeure stable entre 2023 et 2024 afin de lui permettre notamment de poursuivre le déploiement des nouveaux outils développés en 2023 et la mise en œuvre du Plan Export ».

Votre rapporteur considère que les engagements financiers pluriannuels qu’a pris l’État dans le cadre du COM 2023-2026 – 100,70 M€ par an – pourraient être traduits dans le prochain PLF pour 2025 par la mention explicite de ces crédits en autorisations d’engagement, comme c’est le cas pour Bpifrance AE dans le cadre de la même action n° 7 du programme 134.

Proposition n° 2 : formaliser, dans le cadre du projet de loi de Finances pour 2025, les engagements pluriannuels de l’État vis-à-vis de son opérateur Business France, en conformité avec le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2026, en faisant apparaître ces crédits en autorisations d’engagement

3.   À l’avenir, le renforcement du rôle de Business France en matière d’attractivité exigera un ajustement des moyens financiers et humains octroyés à cet opérateur

Dans un contexte de concurrence accrue, au niveau européen comme international, pour l’accueil des investissements étrangers et l’émergences de nouvelles filières, la question de l’attractivité de la France est devenue plus centrale que jamais. Votre rapporteur présentera, sur cet enjeu majeur, un rapport demandé par la Première ministre, en décembre 2023. Il souhaite néanmoins, souligner les enjeux budgétaires attachés à cette question.

Au cœur du dispositif « Team France Invest », chargé de coordonner les acteurs de l’attractivité, Business France assume un rôle pivot (voir infra la souspartie consacrée à la Team France Invest).

Au terme de ses auditions, en particulier de celle des représentants de Business France, votre rapporteur estime que les missions récemment confiées à l’opérateur en matière d’attractivité exigent d’être accompagnées de moyens, tant financiers qu’humains, à la hauteur des enjeux. Comme l’a souligné Business France, face à la concurrence des autres États européens, il est absolument essentiel que la France dispose d’outils efficaces, notamment d’évaluation environnementale et de cartographie, et soit capable d’incarner une forme de modernité.

Cette exigence de financements publics se justifie d’autant plus qu’il est difficile de facturer des prestations en matière d’attractivité. Ces activités constituent, par nature, un « centre de coûts ».

Si, pour l’heure, Business France n’est pas en mesure de quantifier précisément les financements et les emplois qui seraient nécessaires pour développer une activité plus ambitieuse en matière d’attractivité – caractérisée par une prospection plus sélective, un suivi plus qualitatif et destiné non seulement aux investisseurs étrangers mais aussi français –, votre rapporteur souhaite attirer l’attention de la commission sur une nécessaire concentration des moyens de l’opérateur sur des priorités fermement définies. Par ailleurs, les indicateurs permettant l’évaluation de l’opérateur, qui ont évolué dans le cadre du nouveau COM, doivent continuer à être adaptés pour accompagner cette évolution des missions de Business France afin de mieux mesurer ses performances d’un point de vue qualitatif.

Proposition n° 1 : redéfinir les indicateurs de performance des opérateurs en charge de l’export et de l’attractivité pour privilégier une approche qualitative de long terme et un alignement sur les priorités de la politique industrielle de la France définies dans le cadre du plan France 2030

II.   Les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134, destinÉs À la rÉmunÉration de bpifrance assurance export au titre de ses prestations rÉalisÉes pour le compte de l’État

1.   Une programmation pluriannuelle des crédits destinés à la rémunération de Bpifrance AE

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 323,90 M€ en AE et 79,90 M€ en CP pour la rémunération de Bpifrance Assurance Export (Bpifrance AE), au titre de ses prestations réalisées pour le compte de l’État – gestion des garanties publiques et autres outils de soutien financier à l’export.

Le montant en AE, qui peut paraître élevé en première analyse, correspond à l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées (en intégrant la TVA déductible au taux de 20 %), dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 signée entre l’État et Bpifrance Assurance Export. Les crédits de paiements (79,90 M€) pour 2024 sont en légère augmentation par rapport à ceux pour 2023 (+ 2,3 %).

Une rémunération des prestations qui avait connu, en 2023, une nette hausse

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoyait 78,10 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre 50 M€ en loi de finances initiale pour 2022, au titre de la rémunération de Bpifrance Assurance Export (Bpifrance AE) pour ses prestations réalisées pour le compte de l’État.

Cette dotation, en nette augmentation par rapport à la LFI 2022 (+ 56 %), correspondant principalement à la rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion des garanties publiques et autres outils de soutien financier à l’export. Elle devait notamment permettre :

 de couvrir les coûts directs du transfert des missions financières jusque-là opérées par Natixis, le portage de ces nouvelles missions et le renforcement des capacités propres à Bpifrance AE, plus particulièrement en matière de gestion des sinistres/recouvrement. Il intègre ainsi une mesure de périmètre (2,50 M€) et un transfert en base (2,50 M€ depuis le programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement ») ;

– l’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au taux normal de l’ensemble de la prestation réalisée par Bpifrance AE à compter du 1er janvier 2023.

Votre rapporteur a interrogé les représentants de Bpifrance sur le calibrage de cette enveloppe, au regard des nouvelles missions qui lui incombent. Bpifrance a indiqué que 15 collaborateurs ont été recrutés et que la gestion opérationnelle s’est mise en place avec des processus qui restent à automatiser. Une dizaine de recrutements complémentaires ont été effectués ou sont en cours. Deux projets de refonte d’applications informatiques sont en œuvre et devraient durer jusqu’à fin 2025 afin de faire disparaître la dépendance technologique aux outils Natixis (développement des nouveaux outils pour la gestion des Prêts du Trésor, Fonds d’études et d’aide au secteur privé dit « FASEP » et Stabilisation de taux). L’enveloppe actuelle est considérée par les représentants de Bpifrance comme correctement calibrée à ce stade.

Les flux financiers liés aux garanties octroyées sont retracés au sein du compte de commerce 915 (« Soutien financier au commerce extérieur »). Les flux financiers liés aux autres financements sont retracés dans les comptes de commerce 904 (« Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés ») et 915 (« Soutien financier au commerce extérieur ») et sur les programmes budgétaires 851 (« Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France ») et 862 (« Prêts pour le développement économique et social »).

2.   Assouplir le cadre contraignant dans lequel s’inscrivent l’assurance prospection et l’assurance-crédit

Votre rapporteur salue la transcription dans le projet de loi de finances de l’engagement pluriannuel de l’État vis-à-vis de Bpifrance (AE), en cohérence avec la convention pluriannuelle. Comme il l’a indiqué précédemment, la même démarche pourrait être utilement mise en œuvre dans le cadre des crédits de Business France dès la loi de finances pour 2025.

Votre rapporteur souhaite, par ailleurs, porter une proposition relative à l’assouplissement de l’accès à l’assurance prospection et à l’assurance-crédit à l’export, afin de renforcer les capacités des entreprises françaises à l’export.

L’assurance-crédit couvre, à moyen ou à long terme, les banques et les exportateurs contre le risque de non-remboursement des crédits à l’exportation octroyés à un acheteur étranger public ou privé pour l’achat de biens ou de services français, ainsi que les exportateurs contre le risque d’interruption de leur contrat. Elle bénéficie essentiellement aux grands contrats de fourniture de biens d’équipement, qui nécessitent un financement à moyen et long terme ou une assurance contre le risque d’interruption pour des motifs politiques. Les engagements internationaux de la France (pris dans le cadre de l’OCDE et de l’Union européenne), imposent à l’État de ne garantir que les risques non assurables par le marché privé. Ce sont ainsi 30,2 milliards d’euros de garantie qui ont été accordés à 166 entreprises en 2021. Au total, Bpifrance enregistre 66,4 milliards d’encours en assurance-crédit.

Ce dispositif est structurellement excédentaire : la section I compte de commerce associé (915, Soutien au commerce extérieur) affiche ainsi des recettes s’élevant à 709 millions d’euros en LFI 2023 (pour l’assurance-crédit et l’assurance‑investissement). Les excédents générés sont quasi intégralement reversés au budget général de l’État. L’assurance-crédit à l’export représente ainsi une recette budgétaire non négligeable pour l’État. Dès lors, votre rapporteur estime que l’opportunité d’augmenter la distribution de ce produit – via un assouplissement et une simplification de ses critères d’attribution – doit se poser non seulement dans l’intérêt des potentiels bénéficiaires mais aussi dans une optique de maximisation des gains budgétaires associés pour l’État. Votre rapporteur souligne qu’une partie de ce surplus budgétaire généré par l’assurance-crédit pourrait également servir à financer le déficit de l’assurance‑prospection, dans une logique de réinvestissement des bénéfices pour le soutien à l’export.

L’assurance prospection a pour objet d’accompagner les actions de prospection commerciale des PME dans les pays étrangers, en indemnisant les dépenses liées aux actions de prospection (déplacements à l’étranger, frais de fonctionnement d’une implantation à l’étranger, foires, salons, missions collectives,...) et le risque d’échec à l’export. Ce dispositif s’adresse aux entreprises implantées en France, ayant un chiffre d’affaires inférieur à 500 M€.

Avec 1 502 accords, l’assurance prospection est revenue en 2022 à des niveaux équivalents à ceux qui prévalaient avant la crise de la covid. BpiFrance souligne que ce produit est à fort effet de levier puisqu’un euro investi génère en moyenne 12 euros de chiffre d’affaires à l’international. Le dispositif est structurellement déficitaire ([9]). Cependant l’assurance prospection constituant le premier outil à la disposition des entreprises souhaitant se lancer à l’export, votre rapporteur préconise d’en faciliter l’accès et d’augmenter les moyens budgétaires qui y sont consacrés.

Le plan « Osez l’Export ! » contient différentes mesures visant à renforcer l’octroi de garanties export, afin de soutenir plus largement les entreprises exportatrices, et notamment les PME. Tout d’abord, l’assurance-crédit pourra désormais être accordée à des entreprises étrangères aux mêmes conditions de part française que les entreprises françaises. Une politique proactive est mise en place en ce sens, avec le déploiement de guides de filière et l’organisation de la venue d’acheteurs étrangers sur certains salons et évènements en France, afin de les mettre en relation avec des entreprises françaises et de les entraîner à l’export. Par ailleurs, l’assurance des cautions export a été territorialisée pour les petits dossiers (inférieurs à 1 M€). Les produits seront désormais distribués par les réseaux bancaires, et logés sur un fonds de garantie de Bpifrance, ce qui devrait permettre d’accélérer l’instruction des dossiers et de faciliter sa commercialisation. Enfin, les garanties aux sociétés de projet ad hoc (financement de projets) sont désormais possibles pour les projets inférieurs à 50 M€ (qui supposent des diligences plus importantes et coûteuses) lorsqu’ils sont compatibles avec les critères de la taxonomie verte européenne. Ces différentes mesures, qui seront mises en place avec Bpifrance Assurance Export, n’incluent pas de crédits budgétaires supplémentaires ni de disposition spécifique en loi de finances.

Aux yeux de votre rapporteur, Bpifrance doit être en capacité de déployer davantage l’assurance prospection et l’assurance-crédit, notamment en direction des PME, via un assouplissement des règles qui conditionnent l’accès à ces dispositifs

Proposition n° 4 : assouplir le cadre dans lequel s’inscrivent l’assurance-prospection et l’assurance-crédit afin d’en augmenter le déploiement pour renforcer les capacités des entreprises françaises à l’export, tout en maximisant les recettes budgétaires associées

III.   les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134 relatifs aux ÉvÉnements contribuant au dÉveloppement de l’Économie française À l’international

La dotation prévue au titre de la contribution du ministère de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique à l’organisation d’événements favorisant le développement à l’international des entreprises françaises et l’attractivité du territoire s’établit à 0,7 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, tout comme dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023. Cette dotation contribue, pour le volet « attractivité », notamment au financement du salon annuel Choose France.

Le bilan des sommets annuels Choose France

Les sommets Choose France, organisés annuellement à Versailles, visent à promouvoir l’attractivité de la France et à encourager les investissements étrangers dans les régions.

Depuis son lancement en janvier 2018 par le Président de la République le nombre de présidents-directeurs généraux (PDG) étrangers prenant part à Choose France a pratiquement doublé. 45 pays étaient représentés en 2023 contre 30 en 2021. L’édition 2023 a mobilisé 27 ministres et près de 400 rendez-vous, dont 162 avec des membres du Gouvernement ont été organisés.

Le montant des investissements annoncés dans le cadre du sommet 2023 est six fois supérieur à celui de la première édition et atteint 13 Md€. Depuis 2018, un total d’environ 115 projets d’investissements, représentant environ 32 Md€ cumulés et des dizaines de milliers d’emplois ont été annoncés lors de ces sommets.

L’ensemble des secteurs d’activité est représenté au sommet Choose France avec une priorité accordée aux industries vertes et aux nouvelles technologies. La dernière édition du Sommet Choose France a été l’occasion de mettre à l’honneur une dizaine de start-up française au sein d’un espace « innovation » qui leur était dédié.

Choose France est donc considéré comme un succès et un rendez-vous désormais incontournable pour les grands investisseurs étrangers.

Enfin, la participation de la France à la future exposition universelle d’Osaka-Kansaï (2025), assurée par la société par actions simplifiée publique Cofrex, est prévue dans le cadre de l’action n° 7 du programme 134 pour un montant de 3,80 M€ en AE et CP, en baisse par rapport à l’année précédente puisque la LFI pour 2023 prévoyait des crédits s’élevant à 5,40 M€ en AE et CP.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’attribution des crédits d’aide au développement distribués par l’Agence française de développement

Enfin, sur un sujet qui ne concerne pas directement les crédits du programme 134 du PLF 2024, examiné dans le présent avis, mais qui est pleinement lié au commerce extérieur, votre rapporteur souhaite, dans le prolongement de ses travaux menés en février dernier avec Mme Sophia Chirikou, souligner la nécessité d’engager une évolution de la politique d’attribution des crédits d’aide au développement (ADP) de la France. Dans une perspective de redéfinition de notre politique de développement adaptée aux enjeux du XXIème siècle et de soutien aux entreprises françaises à l’export, votre rapporteur préconise d’affirmer et de définir un principe de « préférence française » dans l’attribution des crédits d’aide au développement distribués par l’Agence française de développement (AFD) à l’étranger en engageant une révision des accords de l’OCDE relatifs au déliement de l’aide publique au développement. Dans cette optique, votre rapporteur préconise également de renforcer la politique « d’aides liées » menée par la DG Trésor, en augmentant les crédits budgétaires qui lui sont alloués.

Ces mesures permettraient de soutenir nos entreprises à l’export en les privilégiant par rapport aux entreprises étrangères dans notre politique d’aide au développement. Des dysfonctionnements ont, en effet, été signalés à votre rapporteur concernant des aides attribuées directement ou indirectement par l’AFD à entreprises étrangères concurrentes d’entreprises françaises dans le cadre  d’appels d’offres.

Proposition n° 3 : affirmer un principe de « préférence française » dans les critères d’attribution de l’aide publique au développement (APD) de la France, en engageant une révision des accords de l’OCDE relatifs au déliement de l’aide publique au développement (APD) et en renforçant le montant des aides au développement liées délivrées par la France ([10]).

 

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Votre rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie » pour ce qui concerne le commerce extérieur.

 


—  1  —

   SECONDE partie :
la coordination des acteurs de l’export et de l’attractivité

1.   Le bilan de la Team France Export (TFE) : une coordination croissante entre les acteurs de l’export qui peut encore être améliorée

a.   Des avancées notables en matière de coordination des acteurs depuis le lancement de la TFE en 2018

La « Team France Export » (TFE), lancée en février 2018 par le Premier ministre, constitue avant tout un enjeu de coordination des acteurs, via une mise en commun des expertises et actions de Business France, Bpifrance et CCI France, regroupés au sein d’une seule équipe régionale.

Présentation de la Team France Export

La Team France Export (TFE) regroupe les acteurs d’accompagnement à l’export que sont les régions, Business France, le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et Bpifrance. L’opérateur Business France assume un rôle de chef de file de la TFE.

Au niveau français, des guichets uniques Team France Export ont été mis en place dans toutes les régions, réunissant des collaborateurs internationaux des CCI ainsi que des personnels issus de Business France. Près de 240 conseillers internationaux de la Team France Export sont ainsi présents dans les régions, pour 2 936 entreprises accompagnées à l’international entre janvier et août 2023 ([11]).

Au niveau international, des correspondants uniques de la Team France Export sont désignés. Ils peuvent être issus de Business France ou d’un acteur privé, sélectionné à l’issue d’une procédure transparente de concession de service public.

En outre, la TFE a initié en 2019 une plateforme numérique, dite « plateforme des solutions » (www.teamfrance-export.fr) destinée à fournir aux entreprises des informations. Cette plateforme est déclinée par région, pour garantir une information plus pertinente.

Un accord stratégique a été signé entre Business France et CCI France en mai 2019, puis renouvelé à la fin de l’année 2021. Un accord de même nature lie également Business France et Bpifrance et a été renouvelé en 2022. Dès 2013, en effet, Business France et Bpifrance avaient mis en place un réseau composé de 40 chargés d’affaires internationaux (CAI) de Business France installés au sein des directions régionales de Bpifrance.

La TFE permet ainsi d’offrir un interlocuteur unique aux entreprises, disposant à la fois d’une connaissance de l’ensemble des offres publiques et des meilleures offres du secteur privé.

Les régions, auxquelles la loi dite « NOTRe » ([12]) de 2015 confie la compétence de développement économique ont signé dix-huit conventions régionales ([13]) avec la TFE. La TFE est donc désormais un outil au service des stratégies de développement économiques des régions.

La coordination des différents acteurs de la TFE passe notamment par le développement d’un outil de gestion de la relation client (CRM), One Team, commun à tous les conseillers internationaux. Cet outil est déployé dans l’ensemble de la Team France Export : toutes les CCI régionales (CCIR), le réseau international de Business France et les six concessions de service public (CSP) à l’étranger depuis 2020. Près de 1 500 collaborateurs de la Team France Export en France et à l’étranger utilisent désormais ce système. Il constitue une base commune recueillant l’ensemble des informations et des actions menées notamment par les équipes de Business France et des chambres de commerce. En 2023, les principales améliorations de One Team concernent la connaissance des entreprises que Business France appelle les « clients de nos clients », c’est-à-dire les entreprises internationales suivies prioritairement par les équipes de Business France à travers le monde – 15 000 entreprises étrangères réparties dans près de 500 portefeuilles gérés par les collaborateurs de Business France à l’étranger et dont les priorités porteuses d’opportunités pour les exportateurs français sont désormais renseignées dans le CRM. L’année 2024 devrait permettre de développer dans le CRM des fonctionnalités de suivi des mises en relation entre ces entités étrangères et de potentiels fournisseurs français. En revanche, comme le soulignait déjà votre rapporteur dans le cadre des travaux menés avec Mme Sophia Chikirou en février 2023, ce système de partage n’a pas été mis en place avec Bpifrance, qui considère que le respect du secret bancaire et de la protection des données (RGPD) n’est pas compatible avec le partage d’un certain nombre de ces informations.

b.   Des améliorations peuvent cependant encore être apportées au dispositif

i.   Des ministères dont les rôles doivent être précisés

Votre rapporteur note d’emblée, comme il l’avait fait dans le cadre du groupe de travail (février 2023) précitée que la coordination des ministères sur la question du commerce extérieur reste perfectible.  Le décret n° 2020-868 du 15 juillet 2020 relatif aux attributions du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, donne compétence à ce dernier pour définir et mettre en œuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur. C’est plus particulièrement le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité qui prend en charge cette dernière attribution dont l’animation est confiée à la direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international (DGM) et, en son sein, à la direction de la diplomatie économique. Cette direction générale doit coordonner le réseau des ambassades sur les sujets liés à l’export et il lui revient également d’exercer la cotutelle de Business France.

Au sein du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, la direction générale du Trésor (DG Trésor) est chargée d’exercer la cotutelle de Business France et de piloter l’attribution des garanties publiques par l’intermédiaire de Bpifrance Assurance Export. Elle dispose d’un réseau à l’étranger, intégré aux ambassades, qui comprend des services économiques à compétence régionale (SER), des services économiques à compétence locale et des postes de correspondant économique.

Lors des auditions menées par votre rapporteur, il est clairement ressorti que les relations entre les deux directions en charge du commerce extérieur sont encore insuffisamment coopératives. Il paraît essentiel aux yeux de votre rapporteur d’encourager, sur ce point, un changement de culture et de méthodes de travail et d’engager une réflexion plus générale sur la répartition des missions exercées par ces deux ministères tant en matière d’attractivité que d’export. Votre rapporteur formulera sur ce point des recommandations dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la Première Ministre.

ii.   Une proposition concernant le financement des CCI dans le cadre du PLF pour 2024

Votre rapporteur estime que le fonctionnement global de la TFE dépend du bon équilibre financier de chacun de ses membres. Il souhaite donc porter à la connaissance de la commission une proposition relative au financement des CCI, qui bien qu’elle excède le champ du rapport budgétaire qui lui incombe, concerne le PLF pour 2024. L’article 28 du PLF, qui comporte des dispositions relatives à l’affectation de ressources à des tiers, dispose que le plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises pour frais de chambres de commerce et d’industrie de région (TA-CFE) est fixé à 255 000 000 €, soit une diminution de 25 m € cette année dans le cadre d’une trajectoire pluriannuelle prévoyant une baisse de 100 M€, qui fait suite à des baisses de 400 M€ entre 2018 et 2022. Cette réduction inquiète à juste titre les CCI, d’autant plus que leur contrat d’objectifs et de performance (COP) 2023-2027 fixait leurs missions à ressources constantes. Dans ce contexte, le Président de CCI France, M. Alain Di Crescenzo, auditionné par votre rapporteur, préconise que cette réduction des moyens prenne la forme d’un prélèvement sur les fonds de roulement des CCI, à hauteur de 25 M€, pour 2024, ce qui permettrait de préserver les ressources publiques du réseau consulaire, et donc d’éviter des licenciements et un rétrécissement du champ de ses missions de service public.

Proposition n° 5 : dans le cadre du PLF pour 2024, revenir sur la réduction de 25 M€ du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises pour frais de chambres de commerce et d’industrie de région (TA-CFE), pour lui substituer un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement des CCI, ce qui permettra de préserver les emplois et la bonne conduite des missions de service public du réseau consulaire

2.   Comment améliorer l’attractivité de la France ? Bilan de la Team France Invest (TFI) et perspectives

a.   La Team France Invest : quel premier bilan ?

La Team France Invest (TFI) constitue le pendant de la TFE en ce qui concerne l’attractivité de la France. Annoncé au printemps 2018, en parallèle de la création de la Team France Export, le lancement de la TFI a été marqué par une phase de mise en place et de structuration en 2021. Une nouvelle étape est engagée sur la période 2023-2028, avec la signature de nouvelles conventions de partenariat.

La TFI a pour ambition de fédérer les acteurs de l’attractivité française afin d’accroître l’efficacité des politiques d’attractivité. Elle est animée au niveau national par Business France. Elle comprend notamment, d’après les éléments transmis à votre rapporteur par Business France :

  les régions au travers des présidents de région et leurs services et des agences régionales de développement (ARD) qui sont identifiées comme les correspondants chefs de file en région de Business France ;

  les services économiques des ambassades à travers la convention entre Business France et la DG Trésor ;

  les préfets de région et l’ensemble des services déconcentrés de l’État que sont les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), les conseillers diplomatiques auprès des préfets de région (CDPR), les référents uniques pour l’investissement (RUI), les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés (CRP), les services de l’information stratégique et de la sécurité économique (SISSE), les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS, ex‑DIRECCTE) ;

–  les services centraux des ministères de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFR), de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), de la transition écologique et de la cohésion des territoires (MCTRCT), de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) et de la transition énergétique (MTE) ;

  plusieurs opérateurs de l’État, dont notamment l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ainsi que la Banque des territoires, l’Agence de la transition écologique (ADEME) et Bpifrance.

Cette démarche partenariale repose sur plusieurs textes :

  l’accord de partenariat État-régions, signé le 28 septembre 2020 par le Premier ministre et le président de Régions de France, qui mobilise la Team France Invest au service de la relance économique dans les territoires ;

–  la Charte nationale des investissements directs étrangers (IDE), signée le 21 janvier 2019 par l’État et l’Assemblée des régions de France.

Elle a été renforcée par les nouveaux partenariats entre Business France et les ARD sur la période 2023-2028. Aux termes de ces partenariats, chaque ARD est désormais identifiée comme correspondant chef de file en région (CCFR) de Business France.

Le comité d’orientation et de suivi des projets étrangers (COSPE) organise la diffusion et l’accompagnement conjoint des projets détectés par Business France auprès des régions. Business France a ainsi transmis 1 863 projets d’investissements au COSPE en 2022.

Ce nouveau modèle de convention porte trois ambitions :

–  mieux valoriser l’attractivité de la France et les atouts des territoires, en cohérence avec les dix objectifs de France 2030 et en étroite collaboration avec les régions ;  

  améliorer la prospection des investisseurs étrangers avec plusieurs objectifs, dont ceux de cibler davantage la programmation dans les secteurs d’excellence et l’accompagnement des territoires prioritaires ;

  accélérer et contribuer à l’amélioration des projets ainsi détectés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’attractivité de la France en chiffres

Le Baromètre EY de l’attractivité de la France permet d’établir une comparaison des performances françaises et de celles de ses principaux concurrents européens en termes de captation de projets d’investissement étrangers. D’après ce baromètre, la France est la première destination européenne de projets d’investissement étrangers en Europe depuis 2019, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Portant sur un périmètre légèrement différent de celui du baromètre EY, le bilan 2022 des projets d’investissement étrangers en France a été publié le 11 mai 2023 par Business France. Il recense 1 725 projets d’investissement international (+ 7 % par rapport à 2021), qui ont permis la création ou le maintien de 58 810 emplois (+ 31 % par rapport à 2021) sur le territoire national. Parmi les emplois créés ou maintenus, les CDI intérimaires représentent 20,5 % des emplois (hors CDI intérimaires, les emplois induits augmenteraient de 7 % en 2022).

Si la majorité des décisions d’investissement est d’origine européenne, les États-Unis redeviennent le premier investisseur étranger en France d’après le bilan (280 projets, soit 16 % du total), après avoir laissé la première place à l’Allemagne en 2021. Viennent ensuite l’Allemagne (256 projets - 15 %), le Royaume-Uni (176 projets - 10 %) et les Pays-Bas (142 projets - 8 %). Ces projets d’investissement semblent irriguer l’ensemble du territoire, puisque les communes de moins de 20 000 habitants sont les premières destinations d’accueil de ces décisions d’investissement (43 % des projets).

Les activités de production représentent 26 % des décisions d’investissement (457 projets). Viennent ensuite les projets de centres de décision (22 % ; 394 projets) et les projets de services aux entreprises (12 % ; 207 projets).

Par ailleurs, d’après ce même bilan, le nombre d’emplois industriels créés ou maintenus par un investissement étranger en 2022 augmente de 13 % pour un nombre de projets industriels stables en 2021 et 2022. En moyenne, cela se traduit par une moyenne de 38 emplois créés par projet industriel en 2022 contre 34 en 2021. Le bilan indique également une hausse de 23 % du nombre de projets de R&D (191 projets) par rapport à 2021, et une hausse de 53 % des emplois créés dans ce secteur (4 789 emplois).

Source : Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (réponses écrites du ministère au questionnaire budgétaire du rapporteur)

Business France conduit cette démarche via l’organisation des rencontres nationales de la TFI et la structuration de plusieurs outils :

Un espace collaboratif, communauté digitale qui rassemble déjà plus de 600 membres et a pour ambitions d’incarner la Team France Invest et permettre la bonne communication avec ses partenaires. Il s’agit essentiellement de valoriser les bonnes pratiques et d’échanger des informations générales sur l’attractivité, les territoires et les secteurs ;

Six kits opérationnels « méthodes et process » ont été coconstruits pour organiser les collaborations sur six actions prioritaires (cf. annexe « Kits TFI »).

Des argumentaires sectoriels sont mis à la disposition de la Team France Invest et présentent les atouts des territoires dans les filières stratégiques : l’agroalimentaire, la décarbonation de l’économie française, le plan français Hydrogène vert 2020-2030, la French Tech, la Healthtech et la logistique.

b.   Des marges d’amélioration qui passent par une coordination plus efficace des acteurs de l’attractivité et par la consolidation des moyens humains et budgétaires

Votre rapporteur estime que les politiques publiques de soutien aux exportations et d’attractivité constituent un continuum, au centre duquel l’opérateur Business France joue un rôle essentiel. L’expérience du travail en commun réalisée par Business France dans le cadre de la TFE a été mise à profit lors de la constitution de la TFI. Des synergies ont été systématiquement recherchées entre les différentes opérations – ainsi, sur la programmation « invest » 2024, 24 % des actions sont communes à l’export et à l’invest, comme en témoigne l’exemple d’Eurobike pour la filière vélo ([14]). Ces synergies doivent être renforcées, au bénéfice tant des politiques de soutien à l’export que de l’attractivité.

Par ailleurs, votre rapporteur considère, au terme de ses auditions, que les acteurs publics en charge de l’attractivité sont aujourd’hui trop nombreux et insuffisamment identifiés, ce qui nuit à la lisibilité du dispositif. Plusieurs difficultés ont été relevées lors des auditions menées par votre rapporteur :

–  Malgré les progrès accomplis, les relations et la coordination entre Business France et les agences d’attractivité, de développement et d’innovation, notamment infrarégionales, doivent être clarifiées.

Les agences d’attractivité, de développement et d’innovation : des acteurs hétérogènes inégalement intégrés à la TFI

Les agences d’attractivité constituent des structures aux statuts très hétérogènes : en plus des 20 agences régionales (dont 5 ultramarines) existent 25 agences départementales, 16 agences métropolitaines et 42 agences intercommunales. À ces différences de statut, s’ajoutent d’importantes différences d’effectifs (62 salariés en moyenne dans les agences régionales contre 12 dans les agences intercommunales) et de budget (10,20 M€ en moyenne pour les agences régionales contre 1,20 M€ en moyenne pour les agences intercommunales).

Votre rapporteur s’interroge sur l’opportunité d’une rationalisation de ce réseau dont la grande hétérogénéité nuit à la lisibilité.

  De nombreux acteurs publics sont chargés de missions d’attractivité dont les champs insuffisamment délimités sont susceptibles de se superposer. Ainsi, les rôles du French fab investment desk, lancé en 2019 pour constituer un guichet unique pour l’investissement productif au service des grands comptes français et étrangers, des référents uniques pour l’investissement (RUI), des directeurs interrégionaux de Business France, des sous-préfets chargés d’accompagner le déploiement du plan France 2030 et d’accélérer les implantations industrielles françaises, et des conseillers diplomatiques auprès des préfets de région, notamment, mériteraient d’être clarifiés.

–  Par ailleurs, à l’étranger, la coordination des acteurs peut encore être renforcée. En particulier, les relations entre le réseau des services économiques de la DG Trésor et Business France se sont renforcées au cours des dernières années mais restent perfectibles et inégales selon les pays, de nombreux problèmes de partage des informations et des données et de coopération ayant été indiqués à votre rapporteur.

–  De même, comme le recommandait votre rapporteur dans le cadre de sa mission précitée, le rôle des conseillers du commerce extérieur de la France gagnerait à être renforcé et clarifié en matière d’attractivité, comme d’export. Ces conseillers bénévoles, nommés par décret du premier ministre, sélectionnés par cooptation et souvent issus de grands groupes, constituent des acteurs particulièrement intéressants dont la contribution gagnerait à être davantage intégrée à la Team France Export, comme à la Team France Invest dont ils ne font pas formellement partie.

Au terme de ses auditions, votre rapporteur souhaite insister sur la nécessité de procéder à une simplification et à une rationalisation d’ampleur des acteurs de l’attractivité. Cette rationalisation doit se traduire par une concentration des moyens budgétaires et humains sur les objectifs prioritaires de la France en matière d’attractivité et de relance industrielle. Dans ce cadre, le rôle de Business France, en tant qu’agence unique de l’attractivité au niveau national doit être renforcé. Votre rapporteur estime que Business France pourrait prendre en charge des missions d’attractivité non plus seulement vis-à-vis des entreprises étrangères mais aussi des entreprises françaises internationalement mobiles, ces deux catégories d’acteurs étant confrontées à des problématiques similaires.

Au niveau local, il est essentiel de clarifier le rôle des acteurs publics de l’attractivité et d’en rationnaliser l’organisation. Ainsi, dans chaque région, un unique acteur préfectoral pourrait se substituer aux multiples acteurs existant actuellement, avec des moyens d’action renforcés. Votre rapporteur souhaiterait que cette mission soit confiée à un sous-préfet à l’investissement (France 2030) et à l’attractivité placé auprès du préfet de région. Ce sous-préfet, caractérisé par sa capacité de dialoguer avec les élus, sa bonne connaissance de l’écosystème économique local et doté d’une forte légitimité, assumerait une double mission de coordinateur des acteurs publics impliqués en matière d’attractivité et d’interlocuteur unique des entreprises et investisseurs qui souhaitent s’installer ou développer son activité en France.

 

Attractivité et stratégie « France 2030 »

Business France et le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) ont signé une convention de partenariat stratégique pour doter la stratégie « France 2030 » d’une dimension internationale. Ce partenariat vise à aligner la stratégie de commerce extérieur de la France avec les priorités sectorielles de réindustrialisation et les objectifs de France 2030, intégrant ainsi commerce, attractivité et export dans la vision économique future du pays.

Afin d’atteindre les objectifs de « France 2030 », il est essentiel de soutenir l’implantation en France de certains producteurs technologiques qui font aujourd’hui défaut au sein des chaînes de production nationales. Il s’agit d’un enjeu de performance économique autant que de souveraineté et d’autonomie stratégique. Aussi, la stratégie de prospection internationale des équipes de Business France doit-elle être centrée sur les secteurs prioritaires et les technologies manquantes.

Afin de maximiser l’effet des dispositifs issus de la loi dite « Industrie verte » sur les décisions d’investissement des porteurs de projets étrangers, des actions spécifiques seront prévues pour les amener à s’implanter et investir en France.

Enfin, la stratégie « France » 2030 devra s’appuyer sur des compétences adaptées, souvent très spécifiques et fortement recherchées. Il est donc capital de redoubler d’efforts afin d’attirer en France les talents internationaux dont les entreprises auront besoin pour poursuivre leur développement et continuer à innover.

La stratégie française d’attractivité, pour être pleinement efficace et répondre aux objectifs de « France 2030 » doit, du point de vue de votre rapporteur, connaître plusieurs inflexions :

1° La distinction entre investisseurs étrangers et français paraît peu pertinente : les attentes et les difficultés rencontrées par ces acteurs sont, en réalité, très similaires, voire identiques. Votre rapporteur suggère donc de confier à Business France des missions en matière d’attractivité non seulement vis-à-vis des investisseurs étrangers mais aussi des investisseurs français, s’agissant en particulier des entreprises françaises « internationalement mobiles ». Cet élément de rationalisation permettra à l’État, via son opérateur, de disposer d’une vue d’ensemble sur la conduite des politiques d’attractivité et de proposer un accompagnement de même qualité à l’ensemble des acteurs. Une revue des moyens alloués doit être effectuée, afin de permettre à Business France de remplir pleinement les missions qui lui sont confiées ;

2° Les objectifs définis dans le cadre de France 2030 et des nouvelles stratégies régionales (SRDEII) invitent à engager des politiques de prospection plus ciblées et plus qualitatives, tenant en particulier compte des secteurs d’excellence stratégiques prioritaires. À ce stade, les indicateurs de performance de la TFI, qui restent essentiellement quantitatifs, ne se prêtent guère à cette évolution et gagneraient à être reformulés, notamment pour être mieux alignés sur les priorités stratégiques définies dans le cadre du plan France 2030.

Ces évolutions stratégiques conduiraient à un réajustement des moyens humains et budgétaires de Business France pour lui permettre de mener à bien ses actions élargies en matière d’attractivité. De même, la nomination d’un sous-préfet à l’investissement (France 2030) et à l’attractivité dans chaque région, devra nécessairement s’accompagner de moyens budgétaires renforcés. Sur ces différents points, votre rapporteur présentera des propositions détaillées dans le cadre du rapport qu’il remettra à la Première ministre en décembre 2023.

Proposition n° 6 : procéder à une rationalisation des acteurs de l’attractivité en France, en renforçant le rôle de Business France, notamment en élargissant son champ de compétence aux entreprises internationalement mobiles, françaises et étrangères. Au niveau régional, nommer un interlocuteur préfectoral unique en la personne d’un sous-préfet à l’investissement (France 2030) et à l’attractivité placé auprès du préfet de région

 

 


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   liste des propositions du rapporteuR

  1.   Trois propositions pour prioriser et concentrer les moyens publics consacrés au soutien aux exportations et à l’attractivité

Proposition n° 1 : redéfinir les indicateurs de performance des opérateurs en charge de l’export et de l’attractivité pour privilégier une approche qualitative de long terme et un alignement sur les priorités de la politique industrielle de la France définies dans le cadre du plan France 2030.

 

Proposition n° 2 : formaliser, dans le cadre du prochain projet de loi de Finances pour 2025, les engagements pluriannuels de l’État vis-à-vis de son opérateur Business France, en conformité avec le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2023-2026, en faisant apparaître ces crédits en autorisations d’engagement.

 

Proposition n° 3 : affirmer un principe de « préférence française » dans les critères d’attribution de l’aide publique au développement (APD) de la France, en engageant une révision des accords de l’OCDE relatifs au déliement de l’aide publique au développement (APD) et en renforçant le montant des aides au développement liées délivrées par la France ([15]).

  1.   Trois propositions pour mieux utiliser les leviers publics permettant de mobiliser les capitaux privés en matière d’export et d’attractivité

Proposition n° 4 : assouplir le cadre dans lequel s’inscrivent l’assurance-prospection et l’assurance-crédit afin d’en augmenter le déploiement pour renforcer les capacités des entreprises françaises à l’export, tout en maximisant les recettes budgétaires associées.

 

Proposition n° 5 : dans le cadre du projet de loi Finances pour 2024, revenir sur la réduction de 25 millions d’euros du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises pour frais de chambres de commerce et d’industrie de région (TA-CFE), pour lui substituer un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement des CCI qui préservera davantage les emplois et la bonne conduite des missions de service public du réseau consulaire.

 

Proposition n° 6 : procéder à une rationalisation des acteurs de l’attractivité en France, en renforçant le rôle de Business France, notamment en élargissant son champ de compétence aux entreprises internationalement mobiles, françaises et étrangères. Au niveau régional, nommer un interlocuteur préfectoral unique en la personne d’un sous-préfet à l’investissement (France 2030) et à l’attractivité placé auprès du préfet de région.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 18 octobre 2023, après-midi, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, sur le rapport de M. Charles Rodwell, les crédits du programme « Commerce extérieur » de la mission « Économie ».

M. Charles Rodwell, rapporteur pour avis. Je tire une leçon majeure des auditions : le commerce extérieur est un combat économique, industriel et social, mais c’est aussi un combat politique parce que l’État a un rôle clé à jouer pour rétablir l’équilibre de notre balance commerciale.

Notre majorité y prend toute sa part ainsi qu’en témoigne le lancement du plan « Osez l’export ! » à la rentrée. À titre personnel, je suis très heureux et honoré d’avoir animé avec Sophia Chikirou le groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l’exportation et à l’attractivité des investissements étrangers en France, puis d’avoir été chargé par la Première d’une mission sur l’attractivité de la France en matière d’investissements étrangers.

Pour commencer, une bonne nouvelle : en 2023, nous avons réduit notre déficit commercial de 50 milliards d’euros. Cette baisse de plus d’un tiers en un an, après une année 2022 qui a été record, a des causes conjoncturelles mais aussi structurelles, j’y reviendrai. Le nombre d’exportateurs en France a atteint un record : près de 150 000 au premier semestre 2023.

Nous sommes déterminés à continuer de rétablir l’équilibre de notre balance commerciale, d’abord, en renforçant notre indépendance énergétique – nous avons massivement réduit la facture de nos importations d’énergie, qui avait triplé en 2022, et nous allons continuer –, ensuite, en menant une politique industrielle d’attractivité et d’export sans égal depuis sept ans.

C’est ce que traduisent les moyens budgétaires record que nous consacrons à la réindustrialisation de la France mais aussi au commerce extérieur dans ce projet de loi de finances. Je retiens deux chiffres : 429 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 185 millions d’euros en crédits de paiement. Ces crédits permettent, d’une part, de stabiliser la subvention allouée à Business France, notre opérateur en matière d’export et d’attractivité dans la durée, et, d’autre part, de rémunérer Bpifrance assurance export dans le cadre de la convention pluriannuelle qu’elle a signée – c’est une bonne nouvelle. Ces crédits stables et ambitieux me semblent répondre aux besoins des acteurs publics concernés. J’émettrai donc un avis favorable à leur adoption.

Nous avons certes commencé le rétablissement de l’équilibre de notre balance commerciale, dont le ministre de l’économie et des finances a fait l’un des enjeux clés des dix ans qui viennent, mais un très long chemin reste à parcourir. Pour toucher au but, il est fondamental d’aligner totalement notre politique d’attractivité et d’export sur la politique industrielle de la France. Ceci implique de concentrer nos moyens sur nos priorités, qu’elles soient sectorielles ou géographiques. C’est la principale conclusion que Sophia Chikirou et moi-même avions tirée du travail que nous avions mené conjointement.

Les propositions que je soumets dans mon avis budgétaire sont la traduction budgétaire et financière des propositions de notre groupe de travail : au nombre de six – trois pour mobiliser nos capitaux publics ; trois pour mobiliser nos capitaux privés –, elles sont destinées à concentrer nos moyens sur nos priorités à l’export.

Première proposition sur nos capitaux publics, il est essentiel de transformer les indicateurs de performance de nos opérateurs pour passer d’une logique purement quantitative – le nombre de projets, quelles que soient leurs qualités – à une logique profondément qualitative. Le nouveau contrat d’objectifs et de moyens de Business France constitue à cet égard une très bonne première étape.

Deuxième proposition, il faut donner à tous nos opérateurs une vision pluriannuelle de leur budget. C’est le cas pour Bpifrance depuis plusieurs années, cela doit l’être aussi pour Business France et nos autres opérateurs. Ils disposeront ainsi d’une meilleure visibilité et pourront plus aisément s’aligner sur notre politique industrielle. Je propose de le formaliser dès le projet de loi de finances pour l’année 2025 après des travaux approfondis avec l’ensemble des opérateurs.

Troisième proposition, elle concerne l’aide au développement (APD) qui constitue un enjeu fondamental, tant pour nos politiques de développement que pour notre commerce extérieur. Il est temps d’assumer un principe de préférence pour les entreprises françaises dans les critères d’attribution de l’APD.

Ensuite, comment mobiliser les financements et les capitaux privés au service de notre commerce extérieur ? D’abord en assouplissant l’assurance à l’export. Aujourd’hui encore de trop nombreuses entreprises sont bridées dans leur volonté d’export faute de pouvoir s’assurer en raison d’une mauvaise application du principe de subsidiarité. Nous proposons d’assouplir le cadre pour offrir plus d’assurances prospection et d’assurances crédit à nos entreprises qui exportent. C’est bon pour nos opérateurs, notamment Bpifrance, et la direction générale du trésor (DG Trésor) qui pourront assurer davantage d’entreprises à l’export ; c’est bon pour nos entreprises et leurs salariés qui pourront partir à la conquête de davantage de marchés, c’est bon pour nos finances publiques – l’assurance-crédit rapporte plusieurs centaines de millions d’euros par an à l’État.

Deuxième proposition, il faut sécuriser le financement de CCI France et de son réseau qui joue un rôle crucial dans l’accompagnement de nos entreprises à l’export. Je soutiendrai donc les amendements de notre majorité visant à instituer un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement des chambres de commerce et d’industrie (CCI). Les CCI doivent contribuer à l’effort budgétaire mais sans remettre en cause la qualité de leur accompagnement.

Dernière proposition, les entreprises françaises, qui veulent investir en France, méritent d’être encore mieux accompagnées. D’abord en faisant de Business France l’agence d’attractivité globale pour la France. On est dans une situation presque schizophrénique dans laquelle Business France accompagne les entreprises étrangères mais n’a pas mandat pour être aux côtés des entreprises françaises qui veulent relocaliser ou investir dans une autre région. Business France doit accompagner les entreprises françaises et disposer des ressources nécessaires pour cela. C’est l’un des objets phares de la mission que je mène actuellement.

Ces six propositions servent un seul et même objectif : aligner une politique d’attractivité et d’export sur notre politique industrielle pour rétablir l’équilibre de notre balance commerciale dans les années qui viennent. C’est un combat prioritaire pour le Gouvernement pour la décennie qui vient, et nous le mènerons aussi ici au Parlement.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexis Izard (RE). Les crédits du programme 134 Développement des entreprises et régulations répondent à deux objectifs : développer la compétitivité des entreprises françaises et favoriser un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi. Ils visent également à assurer la régulation et la sécurisation des marchés ainsi que la protection des consommateurs. Enfin, ils sont destinés à renforcer le soutien à l’international des entreprises par le biais notamment du financement des opérateurs Business France et Bpifrance.

Les autorisations d’engagement s’élèvent à 2,9 milliards d’euros, contre 6,3 milliards en loi finances initiale (LFI) pour 2023. Cette baisse s’explique essentiellement par l’arrêt du dispositif d’aide temporaire pour les entreprises les plus consommatrices de gaz et d’électricité, qui a permis, dans le contexte de la guerre en Ukraine, la survie de nos entreprises exportatrices. Son arrêt progressif représente ainsi une baisse logique de 4 milliards en autorisations d’engagement.

Les crédits spécifiques en faveur du soutien des entreprises françaises à l’exportation sont en nette hausse – 430 millions d’euros en autorisations d’engagement contre 185 millions dans la LFI 2023. C’est une nouvelle preuve de la confiance que le Gouvernement place dans les savoir-faire de nos TPE et PME ainsi que de la volonté d’accompagner activement leur développement à l’international.

Les subventions octroyées à Business France et son plafond d’emplois sont stables tandis qu’elles sont en légère augmentation pour Bpifrance assurance export hors convention pluriannuelle.

Le groupe Renaissance émettra un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie en ce qui concerne le commerce extérieur. Ces moyens s’inscrivent parfaitement dans la stratégie du Gouvernement et de la majorité depuis cinq ans pour rétablir l’équilibre de notre balance commerciale, après trente ans d’abandon de notre industrie par les gouvernements successifs. La hausse de 4 % du nombre d’entreprises exportatrices en France par an en moyenne illustre cette nouvelle dynamique dont nous pouvons collectivement être fiers.

M. Charles Rodwell, rapporteur pour avis. Les crédits de Business France avaient déjà augmenté l’année dernière pour marquer un soutien substantiel à la politique de soutien aux exportations. J’insiste sur la nécessité d’un budget pluriannuel. Il n’y a pas de raison que nos opérateurs pour l’industrie bénéficient d’une visibilité sur plusieurs années pour accompagner les entreprises qui produisent en France et que nos opérateurs à l’export en soient privés. Si nous voulons aligner politique à l’export et politique industrielle, la pluriannualité budgétaire doit s’appliquer à tous.

M. Hervé de Lépinau (RN). Vous prenez ma suite, cher collègue, et je note que les choses se sont considérablement améliorées en un an. Dont acte.

Le commerce extérieur de notre pays ne se porte pas bien. Lentement mais sûrement, notre pays importe toujours plus et exporte toujours moins. Votre rapport semble très optimiste. À le lire, « le déficit commercial devrait se résorber significativement en 2023 et 2024 ». Quant aux difficultés rencontrées en 2022 – une balance commerciale déficitaire de 164 milliards d’euros –, elles ne seraient dues qu’à la guerre en Ukraine qui a décidément le dos large.

Pourtant, le commerce extérieur est bien déficitaire depuis 2004. Il l’est notamment dans les biens énergétiques, la France important évidemment la majeure partie de ses hydrocarbures. La majorité a rejeté la semaine dernière toute remise en cause de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) et l’on devra attendre jusqu’en 2025 au prétexte que des négociations sont en cours, lesquelles semblent devoir aboutir à ce que nous ne puissions pas concurrencer l’Allemagne, si j’en crois le compromis annoncé hier. Encore, encore et encore !

De même, par l’effet des décisions européennes, depuis un an, le poulet ukrainien peut se déverser sans entraves en France alors que la concurrence intra-européenne, des Polonais notamment, nous pénalise déjà beaucoup. Rien n’a été fait pour contrecarrer ces décisions alors que nos élevages nous assuraient l’autosuffisance.

L’inaction gouvernementale pour lutter contre la concurrence étrangère et pour préserver nos atouts est la cause principale de notre dépendance énergétique et de la désindustrialisation que nous subissons depuis quinze ans.

Vous parlez d’assurance prospection, de la Team France Export, de coordination des acteurs tels que les CCI – j’ouvre une parenthèse, il est indispensable de sanctuariser les crédits des CCI qui sont le premier lien avec nos territoires –, Business France ou les régions, ou encore de développement d’un outil de gestion de la relation client.

Je ne doute pas des bonnes intentions qui président au financement de tous ces mécanismes mais je doute de leur efficacité réelle. Je l’avais déjà dit l’année dernière, cela nous semble plutôt un moyen de dissimuler l’apathie gouvernementale.

Je note que votre proposition relative aux CCI consiste à remplacer la réduction de 25 millions d’euros des recettes qui leur sont affectées par un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement. Voilà toute l’ambition que vous autorise l’appartenance à la majorité!

Pour ces raisons, le groupe Rassemblement national s’abstiendra.

M. Charles Rodwell, rapporteur pour avis. Je vous remercie d’avoir souligné le fait que le déficit commercial de la France diminue significativement en 2023 et 2024. Un long chemin reste encore à parcourir cependant.

En effet, l’Ukraine n’est pas la raison principale du déficit commercial qui remonte à plusieurs années, voire plusieurs décennies. Celui-ci trouve, selon moi, son origine dans la catastrophe industrielle que notre pays a connue pendant vingt‑cinq ans, toutes majorités confondues. C’est la raison pour laquelle nous avons relancé une politique industrielle depuis 2017 avec des résultats tangibles : 300 usines qui ouvrent sur les deux dernières années en France ; 1 700 investisseurs étrangers qui viennent investir dans l’appareil productif français ; la création d’emplois industriels dans notre pays sur les trois dernières années.

Parce que pour exporter un bien, il faut d’abord le produire. Nous produisons, nous exportons. C’est la raison pour laquelle nous faisons des propositions en faveur d’une préférence française vis-à-vis de la concurrence étrangère.

M. Philippe Bolo (Dem). Après une année 2022 complexe et difficile, en raison de nos fortes importations d’énergie, la balance commerciale s’améliore cette année, et, chose rare, il semble que la croissance au deuxième trimestre ait été tirée par les exportations.

Le Gouvernement a récemment présenté le plan « Osez l’export », doté de 125 millions d’euros, dont l’objectif est de pouvoir compter 200 000 entreprises exportatrices d’ici 2030, contre un peu moins de 150 000 aujourd’hui. Cette dynamique va de pair avec la hausse des ressources octroyées à Business France et la signature d’un nouveau contrat d’objectifs et de moyens.

Mon groupe se réjouit de ce volontarisme en faveur de l’exportation de nos produits et de nos savoir-faire, d’autant que nous n’avons pas encore retrouvé le niveau d’exportation qui avait cours avant la Covid. Le climat international ne semble pas propice à l’augmentation des exportations en raison de la réduction des échanges et de l’inflation en Europe. Comment la France peut-elle tirer son épingle du jeu ?

Vous évoquez dans votre rapport le manque de coordination entre les différents ministères qui gèrent Business France. Alors que la priorité semble être donnée à l’accompagnement des petites et moyennes entreprises (PME), comment rééquilibrer les rôles des différents acteurs pour aider le mieux possible toutes les entreprises françaises ?

M. Charles Rodwell, rapporteur pour avis. Effectivement, la croissance est tirée par les exportations au deuxième trimestre. Dans un contexte de ralentissement des échanges et de forte tension économique, nous voulons aider encore plus nos exportateurs non seulement à prospecter mais aussi à conquérir de nouveaux marchés. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons assouplir l’assurance export.

S’agissant de la coordination, c’est l’un des objets de la mission que je mène pour le Gouvernement. La répartition des rôles entre le ministère de l’économie et des finances et la souveraineté industrielle et numérique, d’une part, et le Quai d’Orsay, d’autre part, est un enjeu essentiel. Nous ferons des propositions dans les semaines à venir sur ce sujet.

M. David Taupiac (LIOT). Année après année, la France bat un record, celui du déficit de sa balance commerciale. L’année 2022 était l’une des pires de son histoire, le déficit ayant atteint 7 % du PIB. La hausse massive des prix de l’énergie est bien évidemment responsable de ces performances dégradées, mais force est de reconnaître que nous n’avons pas attendu la guerre en Ukraine et l’inflation des prix de l’énergie pour voir notre balance déséquilibrée. Vous nous direz sans doute que les perspectives s’améliorent – le déficit devrait se résorber d’un tiers en 2023 – mais je ne perds pas de vue le fait que nous sommes bien loin d’atteindre l’équilibre.

Les causes de la détérioration chronique de nos exportations sont connues : notre appareil exportateur s’est atrophié, conséquence directe de la désindustrialisation ; pour cent entreprises exportatrice françaises, on en compte 171 en Italie et 165 en Allemagne. Le remède est donc une réindustrialisation de la France. Nous en sommes encore loin. Certes, de nouvelles usines ouvrent mais la création nette est peu importante, elle est même en déclin sur ces deux dernières années. Quant à la part de l’industrie dans le PIB, elle reste stable - 12,5 % en 2017, 12,4 % en 2021.

Vous mettrez sans doute en avant votre volonté de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Rappelons qu’elle bénéficie avant tout aux entreprises les plus rentables, alors qu’il faudrait cibler nos efforts sur les entreprises de taille intermédiaire. Sans surprise, nous sommes donc soulagés que vous reportiez en partie une mesure qui rogne l’autonomie fiscale des collectivités.

Autre sujet qui nous préoccupe, la décision de revoir les trajectoires des taxes affectées des chambres de commerce et d’industrie. Nous entendons la volonté de réorganiser la Team France Export, mais nous redoutons qu’une trop grande diminution des recettes des CCI ne remette en cause leur capacité à agir au service des entreprises qui font le dynamisme du territoire.

S’agissant des crédits qui nous intéressent plus particulièrement aujourd’hui, la stabilité des moyens dédiés à Business France et à Bpifrance n’apporte pas d’inflexion majeure dans l’accompagnement nos entreprises à l’international.

M. Charles Rodwell, rapporteur pour avis. Le déficit commercial n’est pas record cette année, il se réduit de 50 milliards d’euros. C’est la conjonction de la réduction des factures énergétiques, de la baisse de nos importations en matière d’énergie, de la relance de notre appareil nucléaire et du développement des énergies renouvelables.

La CVAE a été baissée tout comme l’impôt sur les sociétés et bien d’autres impôts pour un total de 52 milliards d’euros par an également répartis entre ménages et entreprises, afin de redonner du pouvoir d’achat aux premiers et d’inciter les secondes à investir.

Je partage votre avis, si nous exportons moins depuis des années, c’est parce que nous produisons moins. C’est la raison pour laquelle l’objectif numéro de la politique économique de la majorité, c’est de réindustrialiser la France. Nous devons aligner la politique à l’export de la France sur la politique industrielle. À cet égard, je salue le contrat d’objectifs et de moyens qui a été signé par Business France.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je reviens sur la baisse préoccupante des crédits des CCI. Nous avions eu l’occasion d’en parler déjà l’année dernière, les CCI sont des acteurs historiques présents sur notre territoire. Ses responsables ne comprennent pas qu’on réduise leurs moyens. J’ai rencontré le président de la CCI du Vaucluse, il est dans un état de consternation. Puisque vous êtes en mission pour le Gouvernement, faites-lui savoir qu’il n’y a aucune raison objective de leur serrer la ceinture.

M. Charles Rodwell, rapporteur pour avis. Le réseau des CCI joue un rôle clé d’accompagnement de nos entreprises. Depuis le début de ma mission, j’ai rencontré pas moins de quarante-deux présidents de chambres. Ils font valoir d’une seule voix que les CCI sont prêtes à contribuer à l’effort pour rétablir nos finances publiques à condition de préserver leur capacité à accompagner l’ensemble de nos entreprises.

Le projet de loi prévoit de baisser les taxes affectées aux CCI de 25 millions d’euros. La majorité se fait le relais du président de CCI France, des présidents des CCI régionales régions et des présidents des CCI départementale, avec lesquels elle a travaillé, en proposant de substituer à cette mesure un prélèvement pluriannuel sur les fonds de roulement.

Après rappel par le Président Guillaume Kasbarian des avis des cinq rapporteurs pour avis concernés, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie.

 


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LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Mme Hélène Dantoine, directrice de la diplomatie économique, et M. Didier Jean, chef de la mission de l’attractivité et du rayonnement économique, au ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF)

M. Gilles Bonnenfant, président d’Eurogroup Consulting et président de la commission pour l’attractivité de la France

Mme Manon Espérandieu, responsable des affaires publiques et du réseau Europe

Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT)

M. Stanislas Bourron, directeur général

M. Jean-Baptiste Gueusquin, directeur du programme Territoires d’industrie

Business France (TFI) *

M. Guillaume Basset, adjoint à la directrice générale déléguée investissements étrangers (invest)

Mme Hélène Buriev, secrétaire générale du COSPE (Comité d’orientation et de suivi des projets étrangers

France Industrie *

M. Alexandre Saubot, président

Mme Murielle Jullien, directrice des affaires publiques

M. Vincent Moulin-Wright, directeur général

CNER – Fédération des agences de développement économique

M. Antoine Angeard, délégué général

Mme Clémence Binet, responsable des études

Choose Région Paris

Mme Alexandra Dublanche, présidente

M. Lionel Grotto, directeur général

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Thomas Courbe, directeur général des entreprises

M. Thomas Gouzènes, sous-directeur de la politique industrielle

Association nationale des élus du littoral (Anel)

M. Yannick Moreau, maire des Sables d’Olonne, président et ancien député de la commission des affaires économiques

Banque de France

M. Christian Noyer, Gouverneur honoraire de Banque de France, en charge d’une mission en faveur de l’attractivité de la place de Paris confiée par le Gouvernement

M. Florian Surre, adjoint au chef du bureau de l’épargne et du marché financier (FINENT1 DG Trésor)

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) *

M. Christophe Beaux, directeur général

Mme Christine Lepage, directrice générale adjointe en charge de l’économie

Mme Stéphanie Tison, directrice adjointe à la Direction des affaires internationales

Mme Elizabeth Vital Durand, responsable du Pôle Affaires publiques

Bpifrance *

M. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance

M. François Lefebvre, directeur de Bpifrance assurance export

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, directeur des relations institutionnelles

Association des maires de France (AMF) *

M. Alain Chrétien, vice-président

Chambre de commerce et d’industrie (CCI France International)

M. Arnaud Vaissié, cofondateur, président directeur général, International SOS, président CCI France International

M. Charles Maridor, délégué général de CCI France International

Chambre de commerce et d’industrie (CCI) *

M. Alain Di Crescenzo, président

Mme Joséphine Fossaert, directrice des affaires publiques

M. Florent Belleteste, directeur international

Business France *

M. Laurent Saint-Martin, directeur général

Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée Invest

M. Quentin Geevers, conseiller spécial pour les relations parlementaires et les parties prenantes

Cabinet de M. Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français

M. Romain Chambre, directeur de cabinet

Mme Isabelle Camilier, cheffe du pôle commerce extérieur

Mme Mariella Ceriani, conseillère spéciale chargée des affaires politiques et parlementaires

OSCI Trade (Opérateurs spécialisés du commerce international)

Mme Marie-Chloé Berndt

M. Hervé Druart

Mme Emmanuelle Pianetti

Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) *

M. Olivier Schiller, vice-président du METI et président directeur général de Septodont

M. Alexandre Montay, délégué général du METI

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *

M. Matthias Fekl, président de la commission internationale

Mme Béatrice Brisson, directrice des affaires européennes et internationales

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Groupe de travail sur les dispositifs de soutien à l’exportation et à l’attractivité des investissements étrangers de la France, communication du 1er février 2023 de Mme Sophia Chikirou et M. Charles Rodwell, rapporteurs

([2]) Données FAB/FAB

([3]) Éléments transmis par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

([4]) Banque de France, Projections macroéconomiques, septembre 2023. Le document est consultable en ligne : https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2023   

([5]) Éléments transmis à votre rapporteur par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

([6]) Voir aussi la proposition formulée sur ce point dans le cadre de la mission de Mme Sophia Chikirou et M. Charles Rodwell, p. 28 de la communication du groupe de travail consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/actualites/dispositifs-de-soutien-a-l-exportation-et-a-l-attractivite-des-investissements-etrangers-en-france-communication-du-groupe-de-travail  

([7]) 2 946 947 565,00 € précisément en autorisations d’engagement et 2 656 729 661,00 € en crédits de paiement.

([8]) Le « discours de Roubaix » est consultable en ligne : https://www.gouvernement.fr/discours/9996-discours-du-premier-ministre-sur-la-strategie-du-gouvernement-en-matiere-de-commerce-exterieur

([9]) Source : réponses écrites de Bpifrance au questionnaire du rapporteur

([10]) Voir aussi la proposition formulée sur ce point dans le cadre de la mission de Mme Sophia Chikirou et M. Charles Rodwell, p. 28 de la communication du groupe de travail consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/actualites/dispositifs-de-soutien-a-l-exportation-et-a-l-attractivite-des-investissements-etrangers-en-france-communication-du-groupe-de-travail  

([11]) Source : Business France

([12]) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

([13]) Comprenant l’ensemble des régions métropolitaines, La Réunion, Mayotte, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane

([14]) Le salon Eurobike, organisé à Francfort, est un salon international spécialisé dans l’industrie du vélo

([15]) Voir aussi la proposition formulée sur ce point dans le cadre de la mission de Mme Sophia Chikirou et M. Charles Rodwell, p. 28 de la communication du groupe de travail consultable en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/actualites/dispositifs-de-soutien-a-l-exportation-et-a-l-attractivite-des-investissements-etrangers-en-france-communication-du-groupe-de-travail