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N° 1723

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME X

OUTRE-MER

PAR M. Jiovanny William,

Député

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 Voir les numéros : 1680 (Tome XI, Annexe 32).


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SOMMAIRE

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  Pages

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : UNE AUGMENTATION CIBLÉE DES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER

I. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE DANS LES OUTRE-MER » SONT EN PROGRESSION (7 % EN AE ET 5 % EN CP)

II. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » FONT ÉGALEMENT L’OBJET D’UNE AUGMENTATION (7 % EN AE et 6 % EN CP)

SECONDE PARTIE : LES DISPOSITIFS D’AIDE FISCALE AUX INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS DANS LES OUTRE-MER

I. LES DISPOSITIFS D’AIDE FISCALE AUX INVESTISSEMENTS productifs EN OUTRE-MER : état du droit et évolutions

A. Historique et enjeux

1. Historique des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement Outre-mer

2. Enjeux des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement Outre-mer

B. Les dispositifs existants d’aide fiscale à l’investissement dans les outre-mer

1. La défiscalisation traditionnelle pour les investissements réalisés au sein des DROM, des COM et en Nouvelle-Calédonie

a. La défiscalisation applicable au secteur productif

i. Champ d’application

ii. Base de la réduction d’impôt

iii. Taux de la réduction d’impôt

iv. Fait générateur

v. Agrément préalable

vi. Principales conditions d’éligibilité et remise en cause de la réduction d’impôt

b. La défiscalisation applicable au secteur du logement

i. Hors logement social

ii. Pour le secteur du logement social

2. Les crédits d’impôt pour les investissements dans les DROM

a. Le crédit d’impôt au titre des investissements réalisés dans le secteur productif et le logement intermédiaire

i. Champ d’application

ii. Assiette éligible

iii. Taux du crédit d’impôt

iv. Fait générateur

v. Agrément préalable

vi. Conditions d’éligibilité et remise en cause du crédit d’impôt

b. Le crédit d’impôt au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement social

c. Principales évolutions du dispositif

II. DES LEVIERS FISCAUX PERFECTIBLES, MAIS INDISPENSABLES AU DÉVELOPPEMENT DES ÉCONOMIES ULTRAMARINES

A. Des dispositifs dynamiques qui posent certaines difficultés

1. Une dynamique positive des aides fiscales à l’investissement Outre-mer

a. Une mobilisation constante des dispositifs fiscaux existants

b. Une montée en puissance des dispositifs de crédit d’impôt, tempérée par des inquiétudes résultant d’un manque de lisibilité sur le long terme

2. Les difficultés posées par les aides fiscales à l’investissement Outre-mer

a. Des dispositifs complexes et sources d’inégalité

i. Une complexité technique créant une barrière à l’entrée

ii. Une complexité source d’inégalités entre secteurs et territoires

b. Des délais d’instruction et de remboursement rallongés

c. Des seuils de chiffre d’affaires excluant certaines PME

d. Une décorrélation entre le dimensionnement des investissements productifs et les besoins des territoires ultramarins

e. Un mauvais calibrage sur le logement intermédiaire et l’hébergement touristique

B. Des dispositifs fiscaux indispensables qu’il convient d’améliorer et de pérenniser

1. Des dispositifs fiscaux indispensables

a. L’importance de la sémantique : des dispositifs d’« aides fiscales à l’investissement » plutôt que de « défiscalisation »

b. Des investissements productifs qui nécessitent stabilité et visibilité

c. Le dispositif de plein droit, essentiel pour les TPE et PME ultramarines

2. Des propositions pour améliorer et pérenniser ces dispositifs fiscaux

a. Renforcer l’efficacité des dispositifs d’aide à l’investissement Outre-mer

i. Clarifier et simplifier les modalités d’instruction des dossiers

ii. Tenir compte des réalités des territoires ultramarins

iii. Réduire les délais d’instruction et de traitement des dossiers

iv. Faire connaître les dispositifs pour attirer de nouveaux acteurs

b. Renforcer le contrôle fiscal et le suivi des opérations de plein droit

i. Donner les moyens au contrôle fiscal

ii. Remédier au manque de données et évaluer efficacement ces dispositifs

c. Pour un verdissement des aides fiscales à l’investissement Outre-mer

i. Réviser le périmètre en faveur du verdissement de l’économie

ii. Vers une industrie 4.0 mieux adaptée aux spécificités des économies ultramarines ?

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 


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  INTRODUCTION

 

Dans un contexte d’accumulation de crises économiques, sociales, environnementales ou sanitaires, les économies ultramarines se retrouvent particulièrement fragilisées.

Les tensions inflationnistes pèsent lourdement sur le tissu économique des territoires ultramarins, accentuant le renchérissement du coût de la vie dans des économies déjà affectées par des difficultés structurelles notoires : exiguïté des marchés, faiblesse des débouchés, contraintes liées à l’insularité, rareté du foncier, problèmes d’accès aux financements bancaires, etc.

Dans ce cadre, les conditions d’investissement économique dans les territoires d’Outre-mer sont dégradées par rapport à celles de l’Hexagone, notamment au regard des surcoûts de production, des risques climatiques et sécuritaires accentués ou encore des difficultés d’accès aux fonds propres et aux crédits bancaires. Ces différents facteurs viennent grever la compétitivité des entreprises et rendre les investissements moins attractifs en Outre-mer.

Face à ces difficultés, l’une des réponses des pouvoirs publics a été d’apporter des incitations fiscales à l’investissement pour les territoires ultramarins. Promouvoir l’investissement en faveur du développement économique des entreprises situées en Outre-mer apparait en effet indispensable pour assurer leur avenir, notamment sur le plan de la production et de la création d’emplois.

Le fondement de ces dispositifs est acquis et pleinement justifié : leur existence ne doit pas être remise en cause. Cependant, afin de répondre aux critiques alimentées par la méconnaissance d’instruments techniques et complexes, il convient de mener une évaluation claire de ces dispositifs pour limiter les détournements et améliorer l’efficience de ces outils fiscaux. Ils doivent in fine, entraîner des retombées économiques positives sur le plan local.

Conformément au cadrage du Comité interministériel des Outre-mer (CIOM) et aux conclusions du rapport d’évaluation de l’Inspection générale des finances, les dispositifs d’aides fiscales à l’investissement productif devraient faire l’objet d’évolutions, portées par le ministère des outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2024, afin notamment de mettre fin à certaines pratiques frauduleuses et de renforcer le soutien aux investissements concourant à la transition écologique.

Près de quarante ans après le vote de la loi dite « Pons » (article 22 de la loi no 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986), le présent avis budgétaire s’attachera à présenter les principales évolutions des crédits de la mission Outre-mer, dressera un état des lieux des divers dispositifs fiscaux d’aide aux investissements dans les Outre-mer, puis procédera à une évaluation de ces dispositifs « à partir des auditions réalisées et des contributions écrites recueillies.

Ne pouvant émettre un avis favorable au regard des retards persistants sur de nombreux domaines dans les territoires ultramarins, le rapporteur émet un avis de sagesse sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».


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   PREMIÈRE PARTIE :
UNE AUGMENTATION CIBLÉE DES CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER

La mission « Outre-mer » bénéfice d’une hausse des crédits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, reflétant les besoins de financement de ces territoires et les engagements pris dans le cadre du CIOM du 18 juillet 2023.

Les autorisations d’engagements (AE) passent ainsi de 2,72 à 2,91 milliards d’euros (Md€), soit une progression de plus de 185 millions d’euros (M€) (+ 6,83 %), tandis que les crédits de paiement (CP) progressent de 2,54 à 2,66 Md€, soit une hausse de près de 115 M€ (+ 4,53 %).

La direction générale des Outre-mer (DGOM) indique par ailleurs que les crédits de la mission Outre-mer (2,9 Md€ programmés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024) ne représentent qu’une partie des financements de l’État en direction des Outre-mer, estimés, tous ministères confondus, à près de 22 Md€.

La structure de la mission demeure, quant à elle, inchangée.

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est structuré en neuf actions :

– action n° 1 « Logement » ;

– action n° 2 « Aménagement du territoire » ;

– action n° 3 « Continuité territoriale » ;

– action n° 4 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » ;

– action n° 6 « Collectivités territoriales » ;

– action n° 7 « Insertion économique et coopération régionales » ;

– action n° 8 « Fonds exceptionnel d’investissement » ;

– action n° 9 « Appui à l’accès aux financements bancaires ».

Le programme 138 « Emploi outre-mer » est composé de quatre actions :

– action n° 1 « Soutien aux entreprises » ;

– action n° 2 « Aide à l’insertion et à la qualification professionnelle » ;

– action n° 3 « Pilotage des politiques des outre-mer » ;

– action n° 4 « Financement de l’économie ».

I.   LES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE DANS LES OUTRE-MER » SONT EN PROGRESSION (7 % EN AE ET 5 % EN CP)

Au total, le budget du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est en progression par rapport au budget présenté l’année passée : les autorisations d’engagement augmentent de 954 M€ à 1,23 Md€ (+ 7 %), tandis que les crédits de paiement passent de 784 à 790 M€ (+ 1 %). Les évolutions des crédits consacrés à ce programme reflètent trois priorités :

– Le logement social (action 1). La ligne budgétaire unique est abondée de 49 M€ pour atteindre plus de 291 M€ en autorisations d’engagement, soit une hausse de 20 % par rapport à 2023. Par ailleurs, conformément à la décision du CIOM et pour accélérer la rénovation des logements sociaux, le crédit d’impôt à la réhabilitation du parc social en Outre-mer devrait être étendu au-delà des quartiers prioritaires de la politique de la ville, avec un effort supplémentaire de 20 M€. En revanche, le logement intermédiaire peine à se démarquer. En outre, le rapporteur regrette un déséquilibre de l’investissement de l’État entre les territoires, notamment sur les questions du bâti scolaire, de l’aménagement du territoire et du logement.

– L’accompagnement des collectivités territoriales (action 2, 6 et 8), qui concentre l’essentiel de l’enveloppe budgétaire du programme 123, soit 598 M€ en autorisations d’engagement inscrits au PLF 2024 (+ 6 M€) avec :

–  Le renouvellement de crédits prévus pour la nouvelle génération des contrats de convergence et de transformation (CCT) pour la période 2024-2027 (action 2) ;

–  La stabilité des crédits du fonds exceptionnel d’investissement (FEI) à hauteur de 110 M€ en AE (action 8) ;

–  Une augmentation des crédits pour aider les collectivités locales (action 6), notamment par le développement des contrats de redressement Outre-mer (Corom). Le rapporteur regrette cependant que l’enveloppe des Corom ne soit pas calibrée pour mieux accompagner les communes de Mayotte, la commune de Sada étant, à ce jour, la seule bénéficiaire ;

–  Le soutien aux collectivités territoriales en matière d’ingénierie via le recours à Expertise France ou pour la lutte contre les sargasses.

– La continuité territoriale (action 3), et particulièrement l’aide à la mobilité gérée par l’agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom), qui voit ses moyens progresser de 22 M€ par rapport à 2023, soit une hausse de 42 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement pour permettre l’élargissement du nombre de bénéficiaires.

 S’agissant de l’insertion économique et de la coopération régionale (action 7), le rapporteur estime que des négociations devraient être menées pour donner la possibilité aux jeunes ultramarins de bénéficier de contrats d’alternance transfrontaliers dans leur bassin régional. Il regrette par ailleurs que le Gouvernement n’ait pas créé une action 10 au sein du programme 123 consacrée à l’aide exceptionnelle aux familles pour faire face au coût de la vie et à l’inflation.

II.    LES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » FONT ÉGALEMENT L’OBJET D’UNE AUGMENTATION (7 % EN AE et 6 % EN CP)

Les crédits du programme 138 « Emploi outre-mer » augmentent également : ils passent de 1,765 Md€ en loi de finances initiale pour 2023 à 1,881 Md€ dans le PLF pour 2024 en autorisations d’engagement (+ 7 %) et de 1,765 Md€ à 1,868 Md€ en crédits de paiement (+ 6 %). L’évolution des crédits du programme 138 traduit deux grandes priorités :

– Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales (action 1), dits « Lodeom » voient leurs crédits augmenter afin de renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines, avec un effort de 123 M€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 (+ 9 % en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Le ministère assure que ces dispositifs devraient faire l’objet d’une évaluation lancée avant la fin de l’année 2023 pour en estimer les effets sur l’emploi privé, le développement économique des territoires ultramarins et leur efficience et proposer les éventuelles évolutions nécessaires. Le rapporteur regrette que cette évaluation, nécessaire pour légitimer ce dispositif, intervienne aussi tardivement.

– L’amélioration de la qualification professionnelle dans les Outre-mer (action 2), avec une augmentation des crédits inscrits dans le PLF pour 2024 de 5 M€ supplémentaires en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, afin de renforcer :

– le plan Service militaire adapté (SMA) 2025+ ;

– le plan Ladom 2024 ;

– le dispositif « Cadres d’avenir », étendu à la Martinique.

Si le budget du SMA pour 2024 est en hausse de 11 M€ en autorisations d’engagement et de 6 M€ en crédits de paiement par rapport à 2023, l’audition du responsable des régiments du SMA a notamment témoigné de certaines difficultés de recrutement. Pour le rapporteur, une revalorisation de la solde des volontaires techniciens (VT) devrait être envisagée pour donner de l’attractivité à ce dispositif. Par ailleurs, le rapporteur est favorable à la possibilité d’associer la solde du VT avec le revenu d’émancipation jeunes initiatives (Reji), mesure territoriale créée par la collectivité territoriale de la Martinique et proposant un revenu de 200 € à 685 € pendant un an, afin d’éviter que les deux dispositifs n’en viennent à se concurrencer et pour permettre au territoire d’obtenir des cadres formés avec plusieurs années d’expérience.

Les mesures spécifiques de soutien des économies ultramarines (action 4) sont créditées de 23 M€ en autorisations d’engagement et près de 21 M€ en crédits de paiement. Cependant, le rapporteur regrette que les dispositifs relatifs aux financements des entreprises soient en légère diminution par rapport à 2023, s’élevant à 13 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre 14 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement dans le PLF pour 2023. En effet, les crédits ne sont pas revalorisés pour le prêt de développement outre-mer (PDOM) (9,5 M€), ni pour les subventions d’investissement (1,5 M€) déployées par Bpifrance, ni pour les dotations de soutien aux acteurs du microcrédit Outre-mer (2 M€), ni encore pour le dispositif d’aide au fret (8 M€ et 6 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement, respectivement). Ce dernier, trop peu mobilisé, devrait pour le rapporteur évoluer pour couvrir les besoins locaux non-éligibles aux aides européennes.

Le rapporteur regrette également l’absence de visibilité sur les montants alloués à la construction des premières crèches annoncées au sein des régiments, pour permettre aux jeunes mères qui le souhaitent d’intégrer le volontariat. Le rapporteur note par ailleurs que seuls trois contrats d’alternance ont été budgétés pour 2024, ce qui reste faible au regard des besoins d’accompagnement des jeunes ultramarins. Il s’interroge donc sur l’intérêt d’un budget complémentaire pour permettre une meilleure valorisation de l’offre du SMA en Outre-mer.

Conscient des contraintes budgétaires qui pèsent sur le budget mais réaliste vis-à-vis des besoins des populations ultramarines, le rapporteur émet donc un avis de sagesse sur l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».


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   SECONDE PARTIE :
LES DISPOSITIFS D’AIDE FISCALE AUX INVESTISSEMENTS PRODUCTIFS DANS LES OUTRE-MER

I.   LES DISPOSITIFS D’AIDE FISCALE AUX INVESTISSEMENTS productifs EN OUTRE-MER : état du droit et évolutions

A.   Historique et enjeux

1.   Historique des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement Outre-mer

L’article 22 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986, dite « loi d’incitation fiscale à l’investissement Outre-mer » ou « loi Pons », a été adopté pour accroître les investissements au sein des Outre-mer.

Après la loi de finances pour 2001, dite « loi Paul », ayant transformé la déduction d’impôt en réduction d’impôt sur le revenu imposable des contribuables, la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’Outre-mer, dite « loi Girardin » ou « Lopom », a généralisé l’application de la réduction d’impôt à l’ensemble des investissements productifs, sauf exclusions précisément définies.

La loi n°2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des Outre-mer, dite « Lodeom », a modifié les règles de la défiscalisation applicable aux investissements productifs neufs, abaissé à 250 000 euros le seuil en-deçà duquel l’agrément fiscal n’est pas obligatoire et défini un nouveau régime de défiscalisation pour les investissements dans le secteur du logement. Alors qu’elle devait arriver à échéance en 2017, elle a été prolongée une première fois jusqu’en 2025 par la loi de finances pour 2016 et a de nouveau été prorogée jusqu’au 31 décembre 2029 par l’article 13 de la loi de finances pour 2023.

2.   Enjeux des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement Outre-mer

L’objectif affiché de ces dispositifs d’aide à l’investissement spécifiques est de promouvoir le développement économique des territoires ultramarins. Il s’agit d’un mécanisme financier qui vise à compenser les contraintes spécifiques aux Outre-mer, notamment liées à leur situation géographique ou à l’étroitesse de leur marché. Ces handicaps entraînent une faiblesse structurelle de la productivité locale et un déficit de compétitivité, qui se traduisent par des coûts supplémentaires d’environ 30% à 40% pour les programmes d’investissement dans ces territoires. Dans cette perspective, le maintien des régimes de défiscalisation apparait essentiel pour pérenniser l’investissement productif et encourager la création ou le maintien d’emplois.

B.   Les dispositifs existants d’aide fiscale à l’investissement dans les outre-mer

1.   La défiscalisation traditionnelle pour les investissements réalisés au sein des DROM, des COM et en Nouvelle-Calédonie

a.   La défiscalisation applicable au secteur productif

i.   Champ d’application

L’article 199 undecies B du code général des impôts (CGI) prévoit, sous conditions, le bénéfice d’une réduction d’impôt sur le revenu (IR) en faveur des contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B du même code, à raison des investissements productifs neufs réalisés et exploités par une entreprise qui exerce une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale dans un secteur éligible dans un des départements et régions d’outre-mer (DROM), dans une collectivité d’outre-mer (COM) ou en Nouvelle-Calédonie.

Lorsque l’activité est exercée dans un DROM, l’entreprise doit avoir réalisé, au titre de son dernier exercice clos, un chiffre d’affaires inférieur à 20 M€. Ce seuil de chiffre d’affaires est ramené à 15 M€ et 10 M€ pour les investissements que l’entreprise réalise au cours des exercices ouverts à compter, respectivement, du 1er janvier 2019 et du 1er janvier 2020.

Les investissements éligibles peuvent être réalisés dans tous les secteurs d’activité à l’exception de ceux expressément exclus par la loi, comme notamment le commerce, les activités de conseil et d’expertise, la banque, la finance, l’assurance ou les activités immobilières. Les investissements éligibles s’entendent de la création ou de l’acquisition d’immobilisations corporelles neuves et amortissables.

Ces investissements doivent, en outre, constituer des investissements initiaux au sens du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission européenne du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, dit « Règlement général d’exemption par catégorie » (RGEC), sous lequel le dispositif est placé depuis sa création.

Cependant, la condition tenant au caractère initial de l’investissement prévue par l’article 14 du RGEC ne s’applique pas aux investissements réalisés dans les COM, à l’exception de ceux réalisés à Saint-Martin, et en Nouvelle-Calédonie, puisque ces territoires ne sont pas soumis à la réglementation européenne en matière d’aides d’État en leur qualité de « Pays et territoires d’Outre-mer » (PTOM) régis par l’article 198 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

S’agissant spécifiquement des investissements réalisés dans les COM et en Nouvelle-Calédonie, l’aide fiscale ne peut être mobilisée qu’au moyen de schémas dits « locatifs » ou « intermédiés » d’investissement, du fait de l’autonomie fiscale de ces territoires.

Ces schémas consistent à faire réaliser un investissement par une société dite « de portage », réunissant des investisseurs tiers à l’exploitation qui cofinancent une partie de l’investissement réalisé et louent cet investissement à un exploitant ultramarin, en échange du bénéfice d’une quote-part de l’avantage fiscal lié à l’opération.

Le bénéfice de la réduction d’impôt est subordonné au respect des conditions suivantes :

–  les investissements sont mis à la disposition d’une entreprise dans le cadre d’un contrat de location revêtant un caractère commercial et conclu pour une durée au moins égale à cinq ans ou pour la durée normale d’utilisation du bien loué, si elle est inférieure ;

–  les investissements sont exploités par l’entreprise locataire pour l’exercice d’une activité relevant d’un secteur éligible ;

–  l’entreprise locataire exerce une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale dans le cadre d’un régime réel d’imposition ;

–  l’entreprise propriétaire de l’investissement (société de portage) est exploitée en France hexagonale ou dans un département d’Outre-mer ;

–  selon le montant de l’investissement, une fraction de 56 % ou 66 % du montant de l’avantage en impôt procuré par la réduction d’impôt pratiquée au titre de l’investissement est rétrocédée à l’entreprise locataire sous forme de diminution du loyer et du prix de cession du bien.

Par ailleurs et sous conditions, la réduction d’impôt s’applique aux investissements réalisés par une société soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés (IS) dont les actions sont détenues intégralement et directement par des contribuables, personnes physiques, domiciliés en France.

ii.   Base de la réduction d’impôt

De manière générale, la réduction d’impôt est assise sur le montant des investissements productifs hors taxes et frais de toute nature, notamment les commissions d’acquisition, à l’exception des frais de transport, d’installation et de mise en service amortissables diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique.

Des modalités particulières de détermination de l’assiette s’appliquent à certains types d’investissements, comme les navires de croisière de moins de 400 passagers, les opérations de pose de câbles sous-marins de communication ou encore les investissements remplaçant un actif ayant bénéficié de l’aide fiscale.

iii.   Taux de la réduction d’impôt

Le taux de droit commun de la réduction d’impôt est fixé à 38,25 % lorsque l’investissement est réalisé en direct et à 45,30 % lorsqu’il est réalisé via une structure de portage. Il fait l’objet de majorations territoriales ou sectorielles, pouvant porter le taux à 53,55 % (63,42 % en schéma locatif).

Taux de la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts selon la nature de l’investissement et le territoire dans lequel il est réalisé

 

Investissements réalisés directement par l’entreprise utilisatrice

Investissements réalisés dans le cadre de schémas locatifs avec un taux de rétrocession de 66 %

Investissements réalisés dans le cadre de schémas locatifs avec un taux de rétrocession de 56 %

Taux hors majoration territoriale ou sectorielle

38,25 %

45,30 %

44,12 %

Investissements réalisés en Guyane, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna

45,90 %

54,36 %

52,95 %

Taux énergie renouvelable

(hors majoration territoriale)

45,90 %

54,36 %

52,95 %

Taux énergie renouvelable - Investissements réalisés en Guyane, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna

53,55 %

63,42 %

61,77 %

Travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels dans les DOM

53,55 %

63,42 %

61,77 %

Travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels dans les collectivités d’Outre-mer, sauf Saint-Barthélemy

45,90 %

54,36 %

52,95 %

Travaux de rénovation et de réhabilitation d’hôtels à Saint-Barthélemy

38,25 %

45,30 %

44,12 %

Équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication

38 ,00 %

38,00 %

38,00 %

Acquisition de navires de croisière d’une capacité maximum de 400 passagers

35,00 %

35,00 %

35,00%

Acquisition ou construction de navires de pêche d’une longueur de 12 à 24 mètres exploités à La Réunion

38,25 %

45,30 %

44,12 %

Acquisition ou construction de navires de pêche d’une longueur de 24 à 40 mètres exploités à La Réunion

25,00 %

25,00 %

25,00 %

Source : Bureau des agréments – DRFIP

iv.   Fait générateur

La réduction d’impôt s’applique au titre de l’année au cours de laquelle l’investissement est mis en service. Par dérogation, elle s’applique au titre de l’année au cours de laquelle les fondations sont achevées (lorsque l’investissement consiste en l’acquisition d’un immeuble à construire ou en la construction d’un immeuble) ou au cours de laquelle les travaux ont été achevés (en cas de rénovation ou de réhabilitation d’immeubles).

v.   Agrément préalable

Le bénéfice de l’avantage fiscal est conditionné à l’obtention d’un agrément préalable lorsque le montant total par programme d’investissements est supérieur à 1 million d’euros ou supérieur à 250 000 euros lorsque les investissements sont réalisés par une société relevant de l’article 8 du code général des impôts ou par un groupement assimilé.

De plus, les investissements réalisés dans des secteurs « sensibles » ([1]), sont toujours soumis à agrément. Toutefois, les investissements réalisés dans ces secteurs mais dont le montant total par programme n’excède pas 250 000 euros sont dispensés d’agrément, notamment lorsqu’ils sont exploités par une entreprise qui exerce son activité en Outre-mer depuis au moins deux ans dans certains secteurs.

vi.   Principales conditions d’éligibilité et remise en cause de la réduction d’impôt

L’investissement ayant ouvert droit à l’avantage fiscal doit être exploité par l’entreprise pendant une durée minimale décomptée à partir de la date de réalisation de l’investissement. Cette durée est en principe fixée à cinq ans, réduits à la durée normale d’utilisation de l’investissement si cette durée est inférieure à cinq ans. La durée minimale d’exploitation est fixée à :

 7 ans quand la durée normale d’utilisation du bien est au moins égale à 7 ans;

 10 ans pour les investissements portant sur des navires de croisière neufs de moins de 400 passagers ;

 15 ans pour les investissements consistant en la construction, la rénovation ou la réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme ou de villages de vacances.

Lorsque l’investissement productif revêt la forme de la construction d’un immeuble ou de l’acquisition d’un immeuble à construire, l’immeuble doit être achevé dans les deux ans suivant la date à laquelle les fondations sont achevées.

Enfin, lorsque l’investissement est réalisé par une société soumise au régime d’imposition prévu à l’article 8 précité du code général des impôts ou par un groupement mentionné aux articles 239 quater ou 239 quater C du même code, les associés ou membres de sociétés ou groupement doivent conserver les parts de cette société ou de ce groupement pendant un délai de cinq ans à compter de la date de réalisation de l’investissement. Ce délai est réduit à la durée normale d’utilisation de l’investissement si cette durée est inférieure à cinq ans.

L’absence de respect de ces conditions entraîne la reprise de l’avantage fiscal au titre de l’année au cours de laquelle le non-respect des obligations est constaté.

b.   La défiscalisation applicable au secteur du logement

i.   Hors logement social

L’article 199 undecies A du code général des impôts crée une réduction d’impôt qui, depuis le 1er janvier 2018, ne concerne plus que les travaux de réhabilitation réalisés par une entreprise et portant sur des logements situés dans les DROM, les COM ou en Nouvelle-Calédonie achevés depuis plus de vingt ans. Le propriétaire doit prendre l’engagement, pour une durée de cinq ans, soit de l’affecter dès achèvement des travaux à son habitation principale, soit de le louer nu, à cette même fin et dans les six mois suivant l’achèvement des travaux, à des personnes autres que son conjoint ou qu’un membre de son foyer fiscal. L’article 13 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a permis une prorogation de ce dispositif jusqu’en 2029, au lieu de 2023. Le taux de réduction d’impôt s’élève à 18 %, mais se trouve majoré à 22 % en cas d’installation d’un équipement permettant de produire des énergies renouvelables et 26 % lorsque le logement est situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV) en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte ou à La Réunion.

ii.   Pour le secteur du logement social

Issu de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, dite « Lodeom », l’article 199 undecies C du code général des impôts crée une réduction d’impôt spécifique au bénéfice des organismes de logements sociaux situés en Outre-mer pour l’investissement, d’une part, dans la construction ou l’acquisition de logements sociaux, et, d’autre part, dans le financement de travaux de réhabilitation de logements achevés depuis plus de vingt ans leur permettant d’acquérir des performances techniques proches des logements neufs ou d’être mieux équipés contre les risques sismique ou cyclonique.

La réduction d’impôt est égale à 50 % d’un montant égal au prix de revient des logements, minoré des taxes et des commissions d’acquisition versées et des aides publiques reçues. Les logements ouvrant droit à l’avantage fiscal doivent être donnés en location, pour une durée minimale de cinq ans, à des organismes de logement social, lesquels les donnent en sous-location à des personnes éligibles sous condition de ressources. Au terme de la période de location, les logements ou les parts de sociétés sont cédés à l’organisme de logement social locataire ou à des personnes sélectionnées par celui-ci et disposant de ressources dont le plafond est fixé par décret. La loi dispose qu’un montant correspondant à au moins 70% de la réduction acquise est rétrocédé par le contribuable sous forme d’une diminution des loyers versés par l’organisme locataire et d’une diminution du prix de cession à l’organisme locataire ou aux personnes physiques accédant à la propriété.

Cet article est applicable aux acquisitions ou constructions de logements réalisées entre la date de promulgation de la Lodeom et le 24 septembre 2018 (DROM) ou le 31 décembre 2025 (COM et Nouvelle-Calédonie).

2.    Les crédits d’impôt pour les investissements dans les DROM

a.    Le crédit d’impôt au titre des investissements réalisés dans le secteur productif et le logement intermédiaire

Codifié à l’article 244 quater W du code général des impôts, le crédit d’impôt pour investissement productif neuf dans les DROM a été créé par l’article 21 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

i.   Champ d’application

Les entreprises imposées à l’impôt sur le revenu (IR) ou à l’impôt sur les sociétés (IS) d’après leur bénéfice réel, ou temporairement exonérées en application de certaines dispositions, qui exercent une activité agricole, industrielle, commerciale ou artisanale peuvent bénéficier, sous conditions, d’un crédit d’impôt à raison des investissements productifs neufs qu’elles réalisent et exploitent elles-mêmes dans un DROM dans un secteur éligible.

La nature des investissements éligibles (neufs, productifs et amortissables) est identique à celle prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts. Le champ d’application du crédit d’impôt est également identique à celui de la réduction d’impôt, à deux exceptions près : d’une part, le logement intermédiaire et le logement bénéficiant de prêts sociaux location-accession sont exclus du champ d’application de la réduction d’impôt ; d’autre part, les équipements et opérations de pose de câbles sous-marins de communication sont exclus du champ du crédit d’impôt.

Aussi l’éligibilité des investissements réalisés dans certains secteurs, tels que l’acquisition de véhicules de tourisme, la réhabilitation d’hôtels classés, de résidences de tourisme ou de villages vacances, les concessions de service public et le secteur de l’énergie renouvelable est subordonnée au respect de certains critères strictement encadrés par la loi. L’installation de production d’énergie utilisant l’énergie radiative du soleil est à ce jour exclue du dispositif.

Le crédit d’impôt bénéficie également aux entreprises soumises à l’IS pour les investissements réalisés dans le secteur du logement intermédiaire ou de la location-accession à la propriété.

Lorsque l’investissement est réalisé par l’intermédiaire d’une société de personnes ou d’un groupement non soumis à l’IS, le crédit d’impôt peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans cette société ou ce groupement, à condition qu’il s’agisse :

–  de redevables de l’IS qui exercent leur activité dans un secteur éligible dans le DROM dans lequel l’investissement est réalisé ;

–  de personnes physiques participant à l’exploitation ;

–  d’organismes de logements sociaux pour les investissements consistant en l’acquisition ou la construction de logements neufs à usage locatif.

Enfin, les entreprises bénéficient, sous conditions, du crédit d’impôt au titre des investissements productifs qu’elles exploitent et qui sont mis à leur disposition dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat ou de crédit-bail.

ii.   Assiette éligible

Le crédit d’impôt est assis sur le montant des investissements productifs, hors frais et taxes de toute nature, notamment les commissions d’acquisition, à l’exception des frais de transport, d’installation et de mise en service amortissables, diminué de la fraction de leur prix de revient financée par une aide publique.

Des modalités particulières de détermination de l’assiette s’appliquent à certains types d’investissements, tels les navires de croisière de moins de 400 passagers, les investissements remplaçant un actif ayant bénéficié de l’aide fiscale, ou les logements intermédiaires par exemple.

iii.   Taux du crédit d’impôt

Le taux du crédit d’impôt est fixé à 38,25 % pour les entreprises soumises à l’IR, porté à 45,9 % pour les investissements réalisés en Guyane et à Mayotte, dans les limites définies par les règles européennes relatives aux aides d’État. Il est fixé à 35% pour les entreprises soumises à l’IS.

Enfin, il est de 25 % pour les investissements afférents aux navires de pêche d’une longueur supérieure ou égale à vingt-quatre mètres et inférieure ou égale à quarante mètres exploités à La Réunion.

iv.   Fait générateur

Le crédit d’impôt s’applique au titre de l’année au cours de laquelle l’investissement est mis en service. Par dérogation, il est appliqué au rythme des phases de construction lorsque l’investissement consiste en la construction ou l’acquisition d’un immeuble à construire. Ainsi, pour ce type d’opérations, le crédit d’impôt est applicable à hauteur de :

–  70% du montant total déterminé à partir du prix de revient prévisionnel lors de l’achèvement des fondations ;

–  20% du montant total du crédit d’impôt, déterminé à partir du prix de revient, au moment de la mise hors d’eau de l’immeuble.

Le solde, calculé à partir du prix de revient définitif, s’applique lors de la livraison de l’immeuble.

Enfin, lorsque l’investissement consiste en la rénovation ou la réhabilitation d’un immeuble, le crédit d’impôt s’applique au titre de l’année au cours de laquelle les travaux ont été achevés.

v.   Agrément préalable

Les mêmes règles que celles relatives au dispositif de réduction d’impôt prévu à l’article 199 undecies B du code général des impôts s’appliquent aux investissements réalisés au moyen du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater W du même code.

vi.   Conditions d’éligibilité et remise en cause du crédit d’impôt

Les mêmes conditions d’éligibilités que celles exposées pour la réduction d’impôt prévue à l’article 199 undecies B du code général des impôts s’appliquent aux investissements réalisés au moyen du crédit d’impôt prévu à l’article 244 quater W du même code.

L’absence de respect de ces conditions entraîne la reprise de l’avantage fiscal au titre de l’année au cours de laquelle le non-respect des obligations est constaté. Par dérogation, cette reprise n’est pas effectuée lorsque l’investissement qui a cessé d’être exploité est repris par une entreprise qui s’engage à l’exploiter pendant la durée légale de conservation restant à courir, ou lorsque le bien est transmis dans le cadre d’une opération prévue à l’article 210 A ou 210 B du même code avec engagement par l’entreprise nouvellement propriétaire des biens de les exploiter durant le délai égal restant à courir. Par ailleurs, l’entreprise ne peut pas bénéficier du crédit d’impôt si elle n’est pas à jour de ses obligations fiscales et sociales.

b.   Le crédit d’impôt au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement social

Dans les DROM, l’article 244 quater X du code général des impôts institue un crédit d’impôt au titre du logement social. Les dépenses éligibles, définies par la loi de finances pour 2014, sont proches de celles prévues pour la réduction d’impôt à l’article 199 undecies C du même code. Le taux du crédit d’impôt est fixé à 40 %.

Le crédit d’impôt étant octroyé directement au bailleur social sans l’intermédiaire d’une structure de portage, le recours à la sous-location n’est plus nécessaire : le bailleur social peut louer ces logements directement aux attributaires.

c.   Principales évolutions du dispositif

Depuis sa création en 2014, le crédit d’impôt en faveur des investissements productifs Outre-mer a fait l’objet de plusieurs ajustements.

Initialement borné au 31 décembre 2017, ce dispositif a fait l’objet de plusieurs reconductions, dont la dernière en date le proroge jusqu’au 31 décembre 2029 (article 13, loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023).

La loi de finances pour 2019 ([2]) a prévu un meilleur encadrement de l’aide, en limitant le bénéfice du crédit d’impôt au titre des investissements réalisés dans le secteur du logement aux seuls exploitants des DROM soumis à l’impôt sur les sociétés exerçant leur activité dans le département dans lequel l’investissement est réalisé, d’une part, et en portant de cinq à quinze ans la durée minimale d’exploitation des investissements consistant en la rénovation et la réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés, d’autre part.

Afin de contribuer au développement du tourisme Outre-mer, la loi a également prévu l’extension du dispositif aux navires de croisière neufs d’une capacité maximale de 400 passagers, avec une condition d’exploitation des navires pendant quinze ans. Par la suite, la durée légale d’exploitation de ces navires a été ramenée à dix ans.

Les modalités d’octroi du crédit d’impôt ont été ajustées s’agissant des acquisitions d’immeubles à construire ou de constructions d’un immeuble : 70 % (au lieu de 50 %) l’année au cours de laquelle les fondations sont achevées, 20 % (au lieu de 25 %) l’année de la mise hors d’eau, et le solde l’année de livraison de l’immeuble, afin de mobiliser plus précocement les financements nécessaires à leur réalisation.

En outre, afin d’assurer la continuité territoriale et de répondre aux besoins croissants de mobilité des populations, le crédit d’impôt a été étendu aux moyens de transport maritimes et aériens assurant la liaison entre les DROM, les COM et l’Hexagone ou des pays tiers, sous réserve du respect de certaines conditions de nature à assurer aux territoires ultramarins de réelles retombées économiques.

Enfin, l’article 14 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a étendu l’aide aux navires de pêche d’une longueur de 12 à 40 mètres exploités à La Réunion, sous réserve notamment du respect des lignes directrices pour l’examen des aides d’État dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture du 23 mars 2023 (communication n° 2023/C 107/01).

II.   DES LEVIERS FISCAUX PERFECTIBLES, MAIS INDISPENSABLES AU DÉVELOPPEMENT DES ÉCONOMIES ULTRAMARINES

A.    Des dispositifs dynamiques qui posent certaines difficultés

1.   Une dynamique positive des aides fiscales à l’investissement Outre-mer

a.   Une mobilisation constante des dispositifs fiscaux existants

Les auditions menées dans le cadre du présent avis budgétaire ont convergé vers un même constat de départ : les dispositifs d’aide fiscale spécifiques aux économies ultramarines sont indispensables à ces territoires.

En Guadeloupe, les dispositifs de réduction et de crédit d’impôt se maintiennent à un niveau stable depuis 2017 : en moyenne, pour les dossiers qui donnent lieu à agrément, la direction générale des finances publiques (DGFIP) estime à près de soixante le nombre d’entreprises éligibles par an (66 en 2022). Le recours à ces deux dispositifs est globalement équilibré, avec une trentaine d’entreprises bénéficiaires pour chacun. Néanmoins, une montée en puissance du dispositif de crédit d’impôt et des opérations dites « de plein droit » est observée : depuis 2017, on dénombre cinq mille opérations de plein droit en moyenne, avec une évolution positive sur les deux dernières années.

En Martinique, 124 entreprises soumises à agrément étaient éligibles à ces dispositifs en 2022, ce qui correspond à une base éligible de plus de 136 M€ et un coût de revient de plus de 170 M€. Une augmentation significative du recours à ces dispositifs a été observée depuis 2017. S’agissant du dispositif de crédit d’impôt de plein droit, près de quatre mille opérations étaient concernées en 2022, pour un montant d’avantage fiscal de plus de 191 M€.

Une évolution de la mobilisation des dispositifs de défiscalisation est également constatée en Guyane : en 2022, 98 entreprises faisant l’objet d’un agrément étaient éligibles. Le coût budgétaire, atteignant plus de 66 M€, a triplé depuis 2017. Du côté des opérations de plein droit, 5 530 entreprises étaient recensées en 2022, sur une base de 384 M€ (contre moins de 2 800 entreprises en 2017 sur une base de 141 M€). On constate, de surcroît, une évolution prononcée dans le secteur du logement intermédiaire, s’expliquant par les fortes tensions qui pèsent sur la construction de logement en Guyane.

À La Réunion, 181 entreprises soumises à l’agrément étaient éligibles aux dispositifs de défiscalisation en 2022. Pour les opérations de plein droit, plus de 7 500 entreprises ont bénéficié cette même année de la défiscalisation, en forte augmentation depuis 2017 avec une base de près de 365 M€.

Une dynamique d’augmentation du nombre de dossiers de défiscalisation est également observée à Mayotte : en 2022, près de cinquante entreprises soumises à la demande d’agrément préalable étaient éligibles aux dispositifs, contre une trentaine en 2017. Sur cette période, le coût budgétaire a plus que quadruplé, passant de près de 7 M€ en 2017 à plus de 33 M€ en 2022. Pour les dossiers de plein droit, 425 dossiers ont été recensés en 2022, contre près de 290 en 2017. Les secteurs d’activité concernés sont le bâtiment et les travaux publics (BTP), le transport (notamment scolaire) ou encore l’hôtellerie.

Pour Saint-Martin, il n’y a eu aucune demande d’agrément sur les dispositifs relevant des articles 199 undecies A, B et C ou 244 quater Y du code général des impôts en 2021 et 2022. En revanche, il y a eu plus de deux cents dossiers par an de plein droit au titre de la réduction d’impôt – le crédit d’impôt étant inapplicable dans les COM. En revanche, il y a eu plus de deux cents dossiers concernés par le plein droit, pour un coût budgétaire de près de 12,5 M€. De son côté, Saint-Barthélemy n’aurait recensé aucun dossier de plein droit en 2022.

À Saint-Pierre-et-Miquelon, aucune entreprise soumise à l’agrément n’était éligible à la réduction d’impôt en 2021 et 2022. Seules 38 opérations de plein droit étaient concernées en 2022. 

En Nouvelle-Calédonie, il existe, en plus des dispositifs précités, des dispositifs de défiscalisation locale sur les impôts de la Nouvelle-Calédonie institués en avril 2002 pour inciter fiscalement les entreprises locales à jouer un rôle d’investisseur en apportant des fonds propres à des porteurs de projets calédoniens pour leur permettre d’équilibrer leurs plans de financement. Le nombre de dossiers soumis à l’agrément varie entre 21 en 2019 et 42 en 2022, pour un coût budgétaire de plus de 60 M€ en 2022. Les opérations de plein droit représentent entre deux mille et trois mille dossiers, pour un coût budgétaire supérieur à 100 M€ par an. Les secteurs principalement concernés sont l’industrie avec le secteur du nickel, qui représente plus de 40 % des dossiers sur ce territoire, le logement social, l’hôtellerie et le transport, avec une surreprésentation des véhicules pick-up.

b.   Une montée en puissance des dispositifs de crédit d’impôt, tempérée par des inquiétudes résultant d’un manque de lisibilité sur le long terme

Les dispositifs de crédit d’impôt (articles 244 quater W et 244 quater X du code général des impôts), de réduction d’impôt (articles 199 undecies B et C du même code) et de déduction de la base imposable à l’IS (articles 217 undecies et duodecies) sont montés en puissance, comme en témoigne le tableau ci-après.

Aide fiscale à l’investissement en outre-mer

Année

Nombre d’opérations concernées (plein droit)

Guadeloupe
971

Martinique
972

Guyane
973

La Réunion
974

St-Pierre et Miquelon
975

Mayotte
976

Saint-Barthélemy
977

Saint-Martin
978

Wallis et Futuna
986

Polynésie française
987

Nouvelle Calédonie
988

2017

3 729

2 649

2 786

5 671

12

292

15

118

NC

1 247

1 939

2018

4 607

2 889

2 637

5 668

14

244

87

196

NC

1 328

2 220

2019

4 492

3 111

3 376

5 728

32

336

NC

264

NC

1 378

2 375

2020

4 379

2 640

4 111

6 136

20

358

14

93

NC

1 138

2 551

2021

6 940

4 107

5 609

7 521

29

400

14

209

18

1 534

2 750

2022 (*)

6 374

3 995

5 530

7 546

38

425

0

205

NC

1 854

2 981

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

Bases de l’avantage fiscal des investissements ouvrant droit à réductions ou crédits d’impôt de plein droit (en k€)

Guadeloupe
971

Martinique
972

Guyane
973

La Réunion
974

Saint-Pierre et Miquelon
975

Mayotte
976

Saint-Barthélemy
977

Saint-Martin
978

Wallis et Futuna
986

Polynésie française
987

Nouvelle Calédonie
988

2017

171 092

114 542

141 689

235 357

1 073

12 978

220

6 316

NC

54 029

98 298

2018

251 920

154 989

125 343

212 676

1 506

10 446

197

8 977

NC

65 784

96 877

2019

245 470

141 085

173 415

235 088

4 032

16 925

NC

12 295

NC

68 998

109 783

2020

250 760

138 411

215 047

269 608

1 866

18 600

1 361

6 747

NC

63 176

112 278

2021

354 931

185 780

319 050

421 442

2 040

20 314

1 378

10 984

846

70 613

116 353

2022 (*)

404 460

191 415

384 498

364 979

3 409

21 057

0

12 594

NC

86 093

130 262

 

(*) Données provisoires

Source : DGFiP - déclarations n° 2083 – dépôts du 1er janvier 2017 au 31 juillet 2023 – ventilation par millésime des aides et localisation des investissements

Certaines évolutions, comme l’abaissement progressif du seuil de chiffre d’affaires au-delà duquel les entreprises exploitantes ne peuvent recourir qu’au crédit d’impôt, ont amélioré l’attractivité des dispositifs de crédit d’impôt : d’après la DGOM, la dépense fiscale est passée de 110 M€ en 2018 (avec 1 284 entreprises bénéficiaires), à 152 M€ en 2019 (1 516 entreprises bénéficiaires), 179 M€ en 2020 (2 010 entreprises bénéficiaires) et 158 M€ en 2021 (2 330 entreprises bénéficiaires). Une perte d’attractivité des dispositifs relatifs à l’IS est toutefois observée et peut en partie s’expliquer par la réduction du taux d’IS de 33,3 % à 25 % ([3]).

Auditionnée par votre Rapporteur, la direction générale des Outre-mer estime que cette montée en puissance ne se serait pas faite au détriment de la réduction d’impôt, d’une part parce que les COM et la Nouvelle-Calédonie se trouvent exclues des dispositifs de crédit d’impôt, d’autre part parce que les dispositifs de réduction d’impôt prévoient des taux majorés en fonction des secteurs d’activité (contrairement au crédit d’impôt).

Les représentants d’entreprises rencontrés par votre Rapporteur ont néanmoins fait part de leur crainte que les aides à la défiscalisation dans les DROM ne finissent par être exclusivement réduites au crédit d’impôt. Cette situation serait problématique pour les entreprises, car elles ne pourraient alors plus bénéficier de l’immédiateté de l’avantage fiscal au moment de l’investissement. En effet, le crédit d’impôt ne bénéficie à l’exploitant ultramarin qu’au terme d’un décalage temporel d’au moins un an à compter de la date de réalisation de l’investissement. Dès lors, cela compliquerait les demandes d’apports de financement auprès des banques pour les entreprises. Certains interlocuteurs se demandent si l’État ne souhaiterait pas faire des économies sur les territoires ultramarins, alors même qu’il manquerait de visibilité sur le fonctionnement réel de dispositifs dont le coût est significatif.

2.   Les difficultés posées par les aides fiscales à l’investissement Outre-mer

a.   Des dispositifs complexes et sources d’inégalité

i.   Une complexité technique créant une barrière à l’entrée

La complexité du crédit d’impôt pour investissements productifs (CIOP) pénalise un grand nombre d’entreprises qui n’ont pas les moyens nécessaires pour faire appel à un cabinet de portage spécialisé en défiscalisation, qui serait à même de faire face à la technicité des dossiers de crédit d’impôt.

Cette barrière à l’entrée explique le nombre réduit de bénéficiaires sur ces dispositifs. Les directions régionales des finances publiques concernées assurent qu’il y a une « prime à la stabilité », notamment pour les dossiers d’agrément : globalement, les échanges se font avec les mêmes entreprises, qui sont au fait de la technicité de ces dispositifs pour capter les aides fiscales. Par exemple, les responsables du groupe InterInvest estiment que près de 45 % des opérations éligibles à une réduction d’impôt sur le revenu sont, depuis 2019, intermédiées par leur groupe.

ii.   Une complexité source d’inégalités entre secteurs et territoires

Avec cette concentration d’acteurs, certains secteurs apparaissent surreprésentés, tandis que d’autres sont presque absents. On constate ainsi une part prépondérante du secteur du matériel de transport, s’agissant des entreprises de plein droit : en Guadeloupe, ce secteur représenterait près de 70 % des dossiers selon la direction régionale des finances publiques. Au contraire, des secteurs comme l’agriculture paraissent moins bien accompagnés : leurs dossiers sont fréquemment rejetés pour des questions de forme.

D’autres acteurs auditionnés ont pointé des distorsions entre territoires ultramarins. Par exemple, l’article 14 de la loi de finances pour 2023 a ouvert le bénéfice du crédit d’impôt en faveur des investissements consistant en l’acquisition d’un navire de pêche à La Réunion, d’une longueur hors tout comprise entre 12 et 40 mètres. Les territoires de Guadeloupe, Guyane, Martinique et Mayotte ne peuvent bénéficier, quant à eux, de la défiscalisation pour ce type d’investissement productif, alors même qu’ils ont également besoin d’accompagnement dans ce secteur.

b.   Des délais d’instruction et de remboursement rallongés

Une forte inquiétude a également été soulevée vis-à-vis des délais d’instruction et de remboursement en Martinique et en Guadeloupe, qui atteignent 21 mois en moyenne. Ces retards excessifs sont désastreux pour les entreprises, particulièrement pour les TPE et PME. D’une part, si l’entreprise ne dispose pas des fonds suffisants, elle ne peut pas démarrer son projet d’investissement car elle doit attendre l’apport des investisseurs, lequel ne peut se réaliser que postérieurement à l’obtention de l’agrément. D’autre part, l’augmentation des coûts liée à l’inflation vient renchérir les coûts pour l’entreprise, qui est parfois contrainte de déposer le bilan. Par ailleurs, informés de la longueur des délais d’instruction dans le traitement des dossiers de CIOP, les établissements bancaires auraient tendance à freiner l’accompagnement des entreprises sur le financement de l’acquisition de ces investissements productifs.

c.   Des seuils de chiffre d’affaires excluant certaines PME

Parce qu’elles dépassent un certain seuil de chiffre d’affaires (10 M€ pour les investissements à compter du 1er janvier 2020), certaines entreprises doivent opter pour le crédit d’impôt et donc renoncer aux autres dispositifs fiscaux en faveur des investissements productifs réalisés en Outre-mer. Ainsi, des PME peuvent se retrouver exclues de l’aide fiscale immédiate à l’investissement et être confrontées à une perte de compétitivité sur leurs investissements.

d.   Une décorrélation entre le dimensionnement des investissements productifs et les besoins des territoires ultramarins

Certains industriels martiniquais indiquent éprouver des difficultés pour obtenir des agréments, du fait du tissu économique restreint de leur territoire par rapport au dimensionnement des machines produites en Europe. Cette décorrélation conduit à s’interroger sur la pertinence des seuils d’accès à la défiscalisation pour les entreprises ultramarines : certains investissements sont en effet dimensionnés par les industriels européens pour des cadences de marchés non insulaires. Le bureau des agréments de la direction régionale des finances publiques admet cette difficulté, reconnaissant que « le dimensionnement du projet au regard du marché a pu donner lieu à des refus d’agrément ».

e.   Un mauvais calibrage sur le logement intermédiaire et l’hébergement touristique

Le dispositif de crédit d’impôt pour le logement locatif intermédiaire fait l’objet d’une forte augmentation, d’une part sur les opérations nécessitant un agrément (les investissements de plus d’un million d’euros représenteraient près de 18 % des opérations sous agrément), et d’autre part sur les opérations hors agrément, qui concernent souvent de petits investissements patrimoniaux réalisés dans un cadre privé. Or la durée réduite de l’obligation de louer dans le secteur du logement intermédiaire (cinq ans) fait courir le risque que ces logements reviennent in fine sur le marché libre ou servent uniquement des intérêts familiaux. Les populations cibles du dispositif, qui ne peuvent ni louer dans le social, ni sur le marché libre, risquent alors d’en être exclues du fait de ce calibrage inadapté.

Un autre type d’investissement fait l’objet de critiques similaires, qui soulignent un encadrement insuffisant par les textes : l’hébergement touristique. Les directions régionales des finances publiques estiment que les critères d’éligibilité ne sont pas assez lisibles pour les investisseurs, comme en témoignent les nombreux rescrits fiscaux qui leur sont adressés. Par ailleurs, le développement des hébergements touristiques pose le problème du foncier disponible pour les personnes en recherche d’une résidence principale. À la Réunion, les nombreuses constructions de ce type réduisent les marges de manœuvre pour se loger sur l’île.

B.   Des dispositifs fiscaux indispensables qu’il convient d’améliorer et de pérenniser

1.   Des dispositifs fiscaux indispensables

a.   L’importance de la sémantique : des dispositifs d’« aides fiscales à l’investissement » plutôt que de « défiscalisation »

Au cours des auditions réalisées par votre Rapporteur, la question du vocabulaire employé pour désigner ce type de dispositif fiscal a été mise en exergue. Certains interlocuteurs ont notamment considéré que le terme de « défiscalisation » avait tendance à connoter une forme de détournement abusif et frauduleux des dispositifs fiscaux.

Les directions régionales des finances publiques reconnaissent l’existence de ces connotations négatives, mais elles assurent que les situations de fraude fiscale ne représentent qu’une part résiduelle des dossiers étudiés et que, loin de servir exclusivement les intérêts des plus aisés, ces dispositifs apparaissent indispensables aux TPE et PME ultramarines.

Par ailleurs, ces dispositifs ne devraient pas être associés, dans l’esprit du public, à des subventions, mais au contraire être vus comme un retour sur investissement pour la Nation, car la création de richesse sur les territoires ultramarins vient in fine profiter au budget de l’État.

b.   Des investissements productifs qui nécessitent stabilité et visibilité

L’objectif de ces dispositifs étant de réduire les surcoûts de l’investissement dans les économies ultramarines, dont le bien-fondé est reconnu au plan européen (article 349 TFUE), il serait dangereux de les mettre à mal ou de les faire dépendre d’une humeur politique ou d’une austérité budgétaire, surtout en temps de crise inflationniste. Au contraire, ce sont des dispositifs qui nécessitent clarté, stabilité et visibilité et qu’il convient d’inscrire à long terme dans les textes.

c.   Le dispositif de plein droit, essentiel pour les TPE et PME ultramarines

De nos jours, il existe soit un système de plein droit, soit un système d’autorisation avec agrément. Or, selon la FEDOM, les programmes d’investissement de moins de 250 000 euros éligibles de plein droit représenteraient 60 % des programmes d’investissement éligibles à la défiscalisation Outre-mer. Il est ainsi plus simple pour les TPE et PME, qui constituent 95 % du tissu économique ultramarin d’après la CPME, de recourir au dispositif de plein droit via la réduction d’impôt, plutôt qu’au format plus complexe du crédit d’impôt.

Il apparait ainsi hautement souhaitable de faciliter l’accès des TPE et des PME à ces outils de financement d’investissement, qui sont nécessaires à leur développement. Les paramètres peuvent être revus et adaptés, notamment au niveau des seuils et du périmètre des secteurs dit « sensibles », mais il convient surtout d’en faire des outils d’aide fiscale à l’investissement aussi simples que possible.

Si certains avancent l’idée d’un système de déclaration préalable, celle-ci ne semble pas être à privilégier : dans les faits, les banques risquent de ne pas vouloir accorder de financement avant d’obtenir l’accord formel de l’administration. Dès lors, un tel système de déclaration se transformerait en un système d’autorisation, semblable à la demande d’agrément préalable.

2.   Des propositions pour améliorer et pérenniser ces dispositifs fiscaux

a.   Renforcer l’efficacité des dispositifs d’aide à l’investissement Outre-mer

i.   Clarifier et simplifier les modalités d’instruction des dossiers

Il convient de rendre certains aspects des textes plus lisibles pour éviter les interprétations, sources d’erreurs involontaires ou de fraudes fiscales, et de donner plus de souplesse dans le choix des dispositifs d’aide à l’investissement.

Proposition n° 1 : Revenir au seuil initial de 20 M€ en dessous duquel les entreprises peuvent opter, au sein des DROM, pour la réduction ou le crédit d’impôt.

Proposition n° 2 : Réviser et simplifier la liste des pièces et renseignements à fournir lors du dépôt d’une demande d’agrément.

ii.   Tenir compte des réalités des territoires ultramarins

L’instruction des demandes d’agrément s’effectue sur la base des coûts prévisionnels connus à la date de dépôt de la demande. Ces coûts sont mis à jour tant que dure l’instruction du dossier, mais leur montant est figé au moment où la décision d’agrément est délivrée.

Proposition n° 3 : Donner la possibilité de réviser la base éligible pour les programmes qui subissent une inflation des coûts après la délivrance de la décision d’agrément.

Proposition n° 4 : Supprimer le zonage existant, limitant les travaux de rénovation et de réhabilitation des logements sociaux achevés depuis plus de vingt ans aux seuls logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) des DROM.

Proposition n° 5 : Évaluer la possibilité de rallonger la durée de location imposée pour bénéficier du crédit d’impôt dans le secteur du logement intermédiaire, pour éviter que ces logements ne reviennent trop vite sur le marché libre et cessent de bénéficier au public cible.

Les services déconcentrés sont au plus proche de l’environnement économique des territoires : leur connaissance du terrain rendrait les instructions plus simples et permettrait de réduire les délais d’instruction. En effet, si les délais d’obtention des agréments délivrés par les directions régionales des finances publiques locales sont compris entre 6 et 12 mois, ceux délivrés par le Bureau des agréments atteindraient les 24 à 30 mois pour les investissements de plus de 10 M€ (estimation du groupe InterInvest).

Proposition n° 6 : Déconcentrer dans les COM les décisions d’agrément au niveau des directions régionales des finances publiques locales, à hauteur de 10 M€ pour les biens productifs et de 20 M€ pour le logement social, à l’instar du dispositif en vigueur pour les DROM.

iii.   Réduire les délais d’instruction et de traitement des dossiers

Il convient de réduire le décalage temporel existant entre le dépôt du dossier d’agrément et la délivrance de l’autorisation, délétère pour les entreprises.

Proposition n° 7 : Encadrer les délais d’instruction et délivrer les décisions d’agrément plus en amont, grâce à une réorganisation et un renforcement des moyens des directions régionales des finances publiques locales.

iv.   Faire connaître les dispositifs pour attirer de nouveaux acteurs

Face à la concentration du nombre d’acteurs sur un nombre réduit de secteurs, il apparait nécessaire de mieux faire connaître ces dispositifs fiscaux.

Proposition n° 8 : Lancer une campagne de communication à destination des entreprises pour faire mieux connaître les différents dispositifs fiscaux d’aide à l’investissement Outre-mer.

Proposition n°9 : Publier les rescrits fiscaux pour partager les bonnes pratiques.

b.   Renforcer le contrôle fiscal et le suivi des opérations de plein droit

i.   Donner les moyens au contrôle fiscal

Toute aide fiscale s’accompagne d’un risque de fraude, qui doit faire l’objet d’une surveillance accrue. L’administration a des outils pour sanctionner les montages abusifs en défiscalisation dans le cadre du contrôle fiscal.

Proposition n° 10 : Renforcer le contrôle des intermédiaires pouvant jouer un rôle direct ou indirect dans le montage des dossiers d’aide à l’investissement, tels que les cabinets de portage, comme le sollicitent les acteurs économiques rencontrés.

Proposition n° 11 : Mettre fin aux abus identifiés, s’agissant notamment des locations de tourisme entre particuliers, des véhicules de tourisme ou encore des chauffe-eaux solaires utilisés in fine à des fins personnelles.

ii.   Remédier au manque de données et évaluer efficacement ces dispositifs

Les auditions ont témoigné d’un manque criant de données pour évaluer efficacement ces dispositifs fiscaux : les directions régionales des finances publiques locales et le Bureau des agréments ne disposent pas, aujourd’hui, de données sur le pourcentage de TPE/PME bénéficiaires, sur la localisation des sièges sociaux des sociétés parties prenantes ou encore sur leur chiffre d’affaires. Par ailleurs et en toute logique, elles ne disposent pas non plus de données sur les dossiers de plein droit, ne faisant pas l’objet d’agrément. Ce manque de données apparait regrettable, puisqu’il conduit à des difficultés pour analyser et évaluer avec précision ces différents dispositifs d’aide à l’investissement Outre-mer.

Proposition n° 12 : Pour donner de la transparence et favoriser l’évaluation de cette politique fiscale, créer un observatoire permanent de l’aide à l’investissement afin de connaître avec plus de précision la taille des entreprises accompagnées, les filières impliquées, les différentes parties prenantes et les conséquences sur le tissu économique.

Cette évaluation approfondie permettrait d’éviter que quelques cas exceptionnels viennent jeter l’opprobre sur des dispositifs vertueux pour les territoires ultramarins.

c.   Pour un verdissement des aides fiscales à l’investissement Outre-mer

i.   Réviser le périmètre en faveur du verdissement de l’économie

Une des pistes avancées lors des auditions consiste à ajuster les dispositifs d’aide fiscale pour qu’ils accompagnent mieux les transitions écologique, énergétique et numérique ainsi que l’économie circulaire.

Proposition n° 13 : Mettre en œuvre, dans une approche horizontale, des mécanismes de bonus sur le niveau d’aide attribué aux investissements productifs vertueux, adaptés aux écosystèmes ultramarins.

Cependant, cet objectif de verdissement ne doit pas venir justifier une économie budgétaire sur d’autres investissements. En effet, s’il faut encourager la trajectoire, il convient de tenir compte des réalités des entreprises, notamment des TPE et PME, qui ne peuvent pas toujours faire l’effort de se tourner vers les investissements « verts ».

Par ailleurs, il faut également tenir compte de l’adaptabilité de tels dispositifs aux réalités ultramarines, notamment s’agissant des contraintes environnementales. Rendre éligible à ce bonus l’implantation d’éoliennes en mer, peu résistantes aux cyclones pourtant fréquents dans ces zones géographiques, parait dans ce cadre peu pertinent.

En revanche, l’éligibilité de certains investissements devrait être revue à l’aune des besoins de verdissement. Par exemple, les investissements dans les équipements en panneaux photovoltaïques, compatibles avec les réalités ultramarines, devraient désormais être rendus éligibles aux dispositifs de défiscalisation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Votre Rapporteur plaide également pour que les investissements réalisés dans les filières du réemploi et de la reconversion de friches soient majorés dans le cadre de ces dispositifs.

Proposition n° 14 : Rendre éligibles aux dispositifs de défiscalisation Outre-mer les investissements portant sur des installations de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, au-delà d’un certain montant pour limiter le risque de fraude.

Proposition n° 15 : Majorer les aides fiscales pour les investissements réalisés dans les filières du réemploi (matériaux recyclés ou d’occasion) et de la reconversion de friches.

ii.    Vers une industrie 4.0 mieux adaptée aux spécificités des économies ultramarines ?

Les lignes de production ont en général des capacités supérieures à ce que le marché local ultramarin demande. L’industrie « 4.0 », qui permet une personnalisation de l’outil productif via les nouvelles technologies, serait à même de répondre à ce problème de surdimensionnement et de proposer des lignes de production mieux adaptées aux besoins des économies ultramarines.

Proposition n° 16 : Mettre en œuvre un bonus pour les entreprises à l’origine de demandes d’investissement à plus petite échelle pour combattre les phénomènes de concentration du marché en Outre-mer, tout en agissant en faveur des TPE et PME locales.

Proposition n° 17 : Encourager le développement de l’industrie « 4.0 » pour favoriser une adaptation de la taille des outils industriels aux besoins des Outre-mer.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 11 octobre 2023, la commission des affaires économiques a examiné les crédits de la mission « Outre-mer », sur le rapport de M. Jiovanny William.

M. le président Guillaume Kasbarian. Parce que nous n’avons pas à nous substituer aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les avis budgétaires de notre commission ne consacrent que peu de pages à l’examen des crédits des missions, s’attachant essentiellement à développer l’étude d’une thématique, ou de plusieurs, choisies par le rapporteur pour avis. S’agissant de la mission Outre-mer, Jiovanny William s’est intéressé aux dispositifs d’aide fiscale aux investissements productifs dans les Outre-mer.

Pour les mêmes raisons, notre saisine pour avis se limite à nos domaines de compétence : il ne nous appartient pas de nous prononcer sur des sujets relevant de la commission des affaires sociales ou de la commission du développement durable. J’ai donc déclaré irrecevables plusieurs amendements manifestement extérieurs au champ de nos compétences.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Après l’examen des crédits de la mission Outre-mer, mon rapport pour avis s’intéressera à la thématique des aides fiscales aux investissements productifs dans les Outre-mer.

La mission Outre-mer bénéficie dans le projet de loi de finances pour 2024 d’une hausse des crédits qui reflète les besoins de financement de ces territoires et les engagements pris dans le cadre du comité interministériel des Outre-mer (Ciom) du 18 juillet 2023. Cette hausse constitue en réalité – j’y insiste – un rattrapage, destiné à pallier le retard de développement de nos territoires.

Les autorisations d’engagement (AE) passent de 2,72 à 2,91 milliards d’euros, soit une progression de plus de 185 millions, tandis que les crédits de paiement (CP) sont portés de 2,54 à 2,66 milliards, ce qui constitue une hausse de près de 115 millions. La direction générale des Outre-mer (DGOM) indique par ailleurs que les crédits de la mission ne représentent qu’une partie des financements de l’État en direction des Outre-mer, estimés, tous ministères confondus, à près de 22 milliards.

La structure de la mission demeure, quant à elle, inchangée : elle se compose du programme 123, Conditions de vie outre-mer, structuré en neuf actions, et du programme 138, Emploi Outre-mer, composé de quatre actions.

Au total, le budget du programme 123 est en progression : les autorisations d’engagement passent de 954 millions à 1,23 milliard, et les crédits de paiement de 784 à 790 millions, soit une hausse de 1 %.

Les évolutions de ces crédits reflètent trois priorités : le logement social – action 01 –, l’accompagnement des collectivités territoriales – actions 02, 06 et 08 – et la continuité territoriale – action 03.

Je ne peux que regretter le manque d’optimisation de l’action 07, Insertion économique et coopération régionales. Des négociations auraient dû être menées pour permettre aux jeunes ultramarins de bénéficier de contrats d’alternance transfrontaliers dans leurs bassins régionaux, conformément à la loi votée dans notre hémicycle il y a plus d’un an. Dans le contexte de dépression démographique en Martinique et en Guadeloupe, ce retard de l’action gouvernementale pénalise de façon significative l’attractivité de nos territoires pour notre jeunesse.

Permettez-moi par ailleurs de regretter que le Gouvernement n’ait pas estimé opportun de créer au sein du programme 123 une action 10 consacrée à l’aide exceptionnelle aux familles afin de faire face au coût de la vie et à l’inflation. Nos populations attendent de ce programme des mesures qui les touchent au premier plan. Avant de se loger, il faut pouvoir boire une eau potable et s’alimenter dignement. Je pense particulièrement à nos compatriotes de Mayotte et de la Guadeloupe, actuellement privés d’eau.

Les crédits du programme 138, Emploi Outre-mer, augmentent également : ils passent de 1,765 à 1,881 milliard en autorisations d’engagement. Cette évolution traduit deux grandes priorités : les dispositifs d’exonération de cotisations sociales – action 01 – dits « Lodeom » bénéficient d’une hausse de leurs crédits afin de renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines ; la seconde priorité est l’amélioration de la qualification professionnelle dans les Outre-mer – c’est l’action 02.

Vous connaissez mon engagement en faveur de l’insertion de la jeunesse, notamment celle qui est confrontée à des difficultés d’accès à la formation et à l’emploi. À cette fin, le service militaire adapté (SMA) a fait ses preuves dans nos territoires.

Si son budget est en hausse de 11 millions en autorisations d’engagement et de 6 millions en crédits de paiement, les responsables des régiments ont fait état de difficultés de recrutement lors des auditions. C’est une source de réserves.

Je regrette par ailleurs l’absence de visibilité quant aux montants alloués à la construction des premières crèches annoncées au sein des régiments pour permettre notamment aux jeunes mères d’intégrer le SMA.

En outre, seuls trois contrats d’alternance ont été budgétés pour 2024, ce qui reste très faible au regard des besoins d’accompagnement des jeunes ultramarins.

La hausse relative de ces deux programmes se fait ainsi sur fond de partis pris et d’actions prioritaires, là où nos territoires aspirent depuis des décennies au déploiement d’une feuille de route globale pour enrayer la pauvreté, les inégalités et les retards structurels.

Conscient des contraintes qui pèsent sur le budget, mais au fait des besoins des populations ultramarines, j’émets un avis de sagesse sur ces crédits. En priver les populations équivaudrait en effet à un recul, s’agissant de simples mesures de rattrapage.

J’en viens aux dispositifs d’aide fiscale aux investissements productifs dans les Outre-mer.

Dans un contexte d’accumulation de crises – économique, sociale, environnementale, sanitaire et même sociétale –, les économies ultramarines sont particulièrement fragilisées. Les tensions inflationnistes pèsent lourdement sur le tissu économique des territoires ultramarins, accentuant le renchérissement du coût de la vie dans des économies déjà affectées par des difficultés structurelles notoires : exiguïté des marchés, faiblesse des débouchés, contraintes liées à l’insularité – à l’exception de la Guyane –, rareté du foncier, problèmes d’accès aux financements bancaires.

Dans ce cadre, les conditions d’investissement économique dans les territoires d’Outre-mer sont dégradées par rapport à celles qui prévalent dans l’Hexagone, alors même que les surcoûts de production, les risques climatiques et sécuritaires accentués ou encore les difficultés d’accès aux fonds propres et aux crédits bancaires grèvent la compétitivité des entreprises et rendent les investissements moins attractifs.

Les incitations fiscales à l’investissement pour les territoires ultramarins ont été l’une des réponses à cette situation. Promouvoir l’investissement en faveur du développement économique des entreprises situées en Outre-mer apparaît en effet indispensable pour assurer leur avenir, notamment en matière de production et de création d’emplois.

Mon rapport, dans le cadre duquel ont été auditionnés pas moins de soixante-quinze acteurs, s’intéresse en particulier aux dispositifs de réduction d’impôt et de crédits d’impôt applicables en Outre-mer et prévus respectivement par les articles 199 undecies B et 244 quater W du code général des impôts (CGI).

Le fondement de ces dispositifs est acquis et pleinement justifié : leur existence ne doit pas être remise en cause. Cependant, afin de répondre aux critiques alimentées par la méconnaissance d’instruments techniques et complexes, il convient d’en mener une évaluation claire pour limiter les détournements et améliorer l’efficience de ces outils fiscaux, qui doivent entraîner des retombées économiques effectives et positives au niveau local.

Conformément au cadrage du Ciom et aux conclusions du rapport d’évaluation de l’Inspection générale des finances, les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement productif devraient faire l’objet d’évolutions, portées par le ministère des Outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2024, en vue de mettre fin à certaines pratiques frauduleuses et de renforcer le soutien aux investissements concourant à la transition écologique.

Je m’interroge toutefois sur ce calendrier, étant précisé que les acteurs interrogés ne détenaient que peu de données chiffrées sur l’état des fraudes, sur la domiciliation des sociétés ou sur leur chiffre d’affaires et reconnaissaient ne pas tenir à jour un fichier exhaustif permettant un contrôle effectif et sincère du dispositif et de l’usage qui en est fait par ses bénéficiaires.

Dans mon avis, je formule dix-sept propositions, qui visent à clarifier et à simplifier les modalités d’instruction des dossiers relatifs aux dispositifs d’aide à l’investissement Outre-mer ; à tenir compte des réalités économiques des territoires ultramarins ; à réduire les délais d’instruction et de traitement des dossiers, qui souffrent de disparités selon les territoires ; à renforcer le contrôle fiscal et le suivi des opérations de plein droit, ce qui correspond à une demande des entreprises ; à réviser le périmètre des aides en faveur du verdissement de l’économie et à soutenir une industrie dite 4.0 plus adaptée aux spécificités des économies ultramarines.

Les dispositifs d’aide fiscale aux investissements productifs sont indispensables aux économies ultramarines, mais, étant perfectibles, ils méritent d’être évalués, améliorés et pérennisés dans le cadre d’une démarche de verdissement de l’économie et de prise en compte de la taille des marchés insulaires. Y porter atteinte reviendrait à nier les spécificités et contraintes de nos territoires.

Je vous invite à visiter et à parcourir avec nous l’ensemble de nos territoires ultramarins au cours de la législature, afin de comprendre que la France doit être au rendez-vous de l’espoir : pour l’eau, pour le pouvoir d’achat, pour les biens de consommation durables, le logement, le travail – comme ce doit être le cas dans l’ensemble de nos régions et territoires.

M. le président Guillaume Kasbarian. Merci de cette invitation. Une délégation transpartisane de la commission des affaires économiques s’est rendue à La Réunion en mars.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Annaïg Le Meur (RE). Les crédits de la mission, qui représentent plus de 12 % de l’effort budgétaire de l’État en faveur de l’Outre-mer, sont en hausse. Ainsi, les moyens de la mission, à périmètre constant, s’élèvent à 2,9 milliards en autorisations d’engagement et à 2,6 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 185 millions pour les AE et de 115 millions pour les CP.

Cette hausse s’explique d’abord par les compensations d’exonérations de cotisations sociales, après la baisse observée les années précédentes. Ainsi, ce budget vise à défendre la compétitivité des entreprises, qui passe en premier lieu par des dispositifs adaptés de réduction des cotisations sociales patronales afférentes aux salaires et aux revenus tirés de l’activité indépendante. La baisse du coût de la main-d’œuvre qui en résulte permet de soutenir l’emploi dans les secteurs économiques stratégiques dans les Outre-mer – industrie, environnement, tourisme, agriculture, notamment.

La hausse s’explique également par le montant alloué au logement, qui bénéficie de 49 millions supplémentaires en autorisations d’engagement ; cela permettra de donner une impulsion significative à la construction de logements locatifs sociaux, à la réhabilitation du parc privé et locatif social et à son adaptation au vieillissement. La lutte contre l’habitat indigne sera dotée de 16 millions.

S’agissant de l’accès à l’eau, le soutien au syndicat mixte de la gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) dans le cadre de son contrat d’accompagnement sera pérennisé grâce à une dotation de 20 millions.

Pour lutter contre les sargasses, les moyens des groupements d’intérêt public dédiés seront renforcés, à hauteur de 1,4 million.

Le soutien budgétaire de l’État aux mobilités est renforcé ; les moyens alloués à la continuité territoriale progressent de 22 millions. Cela permettra notamment de relever le plafond de ressources pour les publics bénéficiaires de l’aide à la continuité territoriale, qui passera à 18 000 euros par part de quotient familial.

Enfin, le soutien aux collectivités est, cette année encore, un axe prioritaire du budget du ministère. Le dispositif des contrats de redressement Outre-mer sera prolongé pour accompagner les communes en difficulté financière ; un nouvel appel à candidatures est prévu pour 2024-2026, financé à hauteur de 24 millions en crédits de paiement. L’État poursuivra en 2024 son soutien exceptionnel à la collectivité territoriale de Guyane dans le cadre de l’accord structurel, à hauteur de 30 millions.

Afin de reconduire le soutien aux collectivités ultramarines pour leur apporter l’ingénierie nécessaire à la réalisation de leurs projets structurants, les moyens du fonds Outre-mer seront stabilisés à hauteur de 10 millions d’euros.

Le groupe Renaissance se félicite de l’ensemble de ces évolutions et de la hausse générale du budget de l’Outre-mer, qui traduit l’ambition du ministère de répondre aux préoccupations légitimes des Ultramarins.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Concernant les Outre-mer, on est toujours dans le rattrapage, qu’il s’agisse de l’eau, des sargasses, de la continuité territoriale ou du coût de la vie.

Mme Florence Goulet (RN). Le Gouvernement propose une augmentation du budget de l’Outre-mer ; c’est déjà ça, serions-nous tentés de dire. Mais cette hausse ne masquera pas la situation catastrophique que connaissent nos territoires ultramarins depuis bien trop longtemps. Qu’a fait le Gouvernement depuis 2017 ? Pouvoir d’achat en chute libre, chômage endémique, jeunesse sous le seuil de pauvreté, agriculture en berne, immigration massive, criminalité croissante, problèmes sanitaires et environnementaux, avec le manque d’eau potable, le chlordécone, les sargasses… L’opération Wuambushu était censée mettre un terme au chaos migratoire à Mayotte, celui-ci n’a fait que s’aggraver depuis le retrait des forces de l’ordre : un vrai fiasco.

Comment accepter, quand on nous vante le plein emploi et l’industrie verte à tous les étages, que trois départements français n’aient tout simplement pas accès à l’eau du robinet ? Que, pour des raisons partisanes, de pure tactique politique, vos représentants au Parlement européen n’aient pas voté une proposition de résolution sur l’aide à l’accès à l’eau courante et potable dans ces régions ? Le panier de la ménagère Outre-mer est plus cher de près de 20 % que celui de l’Hexagone. Comment pouvez-vous tolérer ces inégalités ?

La France d’Outre-mer a besoin d’un électrochoc, d’une vraie ambition, d’une vraie politique de croissance et d’autonomie économique. Nous souhaitons la création d’un grand ministère d’État de la France d’Outre-mer et de son domaine maritime, qui défendra une loi de programmation permettant son développement à court, moyen et long terme. Mais nous en sommes très loin.

Nous nous abstiendrons lors du vote de ce budget : il manque autant de clairvoyance que d’ambition et n’apporte aucune vraie solution aux problèmes endémiques qui pénalisent nos compatriotes ultramarins, pourtant citoyens à part entière et non entièrement à part, et méritant à ce titre tout notre respect et notre considération.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Il y a un an, les crédits de la même mission faisaient l’objet d’un vote unanime dans l’hémicycle ; pourtant, le Gouvernement a mis à la poubelle l’ensemble des travaux parlementaires par le recours au 49.3. Je souhaite que le budget, en particulier celui des Outre-mer, ne subisse pas le même sort cette année.

Nous avons à apprendre de l’Outre-mer. Ainsi, le bouclier sur les prix de l’alimentation devrait être étendu à l’ensemble du territoire national, en étant encore amélioré là où c’est possible.

La hausse des crédits est évidemment bienvenue, mais elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Il ne s’agit pas seulement de rattrapage, mais d’égalité entre tous les citoyens français, et le rattrapage ne peut se faire sans que l’on affronte la rente et la « profitation » excessive de certains monopoles et oligopoles, notamment dans le commerce et l’importation de biens.

L’autonomie, en particulier énergétique, est un autre enjeu. Nos territoires ultramarins devraient être à l’avant-poste de la bifurcation énergétique et non, comme souvent, son parent pauvre.

Je ne reviens pas sur l’eau, sujet de santé majeur. S’y ajoute l’adaptation au changement climatique et aux crises qu’il va entraîner, notamment dans ces territoires.

S’agissant enfin des exonérations fiscales, un rapport de l’Inspection générale des finances estime qu’en l’état actuel de leur calibrage, ces dispositions, en particulier concernant l’investissement productif, ne produisent pas d’effets significatifs. Il paraît donc indispensable de les faire évoluer, de leur fixer des priorités plus claires, voire de changer les moyens d’action en substituant à ces incitations fiscales des mécanismes d’intervention publique plus clairs, solides et caractérisés par la solidarité nationale.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Les crédits de la mission Outre-mer ont été adoptés à l’unanimité l’année dernière, mais le couperet du 49.3 est tombé : j’espère qu’il en ira autrement cette année mais nous ne nous faisons pas beaucoup d’illusions.

Des investissements productifs sont nécessaires pour assurer l’autonomie énergétique : je suis d’accord avec vous, il serait tout à fait normal que nous puissions consentir d’importants investissements dans les énergies nouvelles, comme le photovoltaïque.

Nos territoires aspirent à la modernité et à un rôle de moteur pour l’Hexagone. Grâce aux Outre-mer, la France fait d’ailleurs partie des pays dont la biodiversité est la plus riche.

M. Mansour Kamardine (LR). Je partage largement votre analyse, Monsieur le rapporteur pour avis. Compte tenu du niveau de sous-développement de larges pans de nos territoires d’Outre-mer par rapport à l’Hexagone, il est nécessaire de revoir notre modèle de développement économique et social pour, enfin, dynamiser nos territoires et créer des emplois pour les ultramarins, qui, soixante-dix ans après la départementalisation de La Réunion, de la Guyane, de la Martinique et de la Guadeloupe et douze ans après celle de Mayotte, font toujours face à un chômage de masse. J’ai toujours privilégié le travail à ce que l’on appelle ici la solidarité et en Outre-mer l’assistanat : si les emplois dont nous avons besoin étaient créés, nous pourrions garder le RSA ; malheureusement, rien n’est fait pour créer les emplois qui permettraient aux territoires de se développer et à ses jeunes habitants d’y résider.

Je soutiens depuis plusieurs années la création Outre-mer de zones économiques spéciales, fiscales et douanières, qui a fait ses preuves dans certaines régions ultrapériphériques (RUP) en Europe. Un tel dispositif dynamiserait l’activité économique grâce à l’arrivée d’investisseurs extérieurs, à l’investissement des bénéfices dans la croissance des entreprises et à l’émergence d’entreprises compétitives créatrices d’emplois. Monsieur le rapporteur pour avis, que diriez‑vous de la rédaction d’un rapport analysant la pertinence d’une telle mesure ? Les résultats de la zone économique canarienne, créée en Espagne dans la RUP des îles Canaries, militent fortement pour l’exportation de ce modèle dans les RUP françaises : en effet, cette zone génère 140 millions d’euros d’investissements et 1 000 emplois par an, ce qui fait des Canaries la RUP européenne la plus dynamique en matière économique et de création d’emplois. La RUP portugaise des Açores bénéficie du même dispositif et connaît le même succès. Les territoires d’Outre-mer français, éloignés de l’Hexagone et confrontés à de multiples défis, ont besoin de dispositifs spécifiques d’intégration économique.

Moi qui viens d’un territoire dans lequel 40 % des jeunes sont au chômage et où l’accès à l’eau potable n’est possible qu’une demi-journée tous les trois jours, je demande, avec le conseil départemental de Mayotte, les maires et les autres parlementaires de l’archipel, l’instauration d’une zone économique spéciale à Mayotte.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Ce sujet fait l’objet d’amendements, l’un d’entre eux visant à demander la remise d’un rapport évaluant la pertinence du déploiement d’un tel dispositif.

M. Frantz Gumbs (Dem). Le budget pour les territoires d’Outre-mer et sa méthode d’élaboration me semblent traduire la volonté du Gouvernement de s’engager, sinon dans une certaine coconstruction, du moins dans un dialogue avec les représentants des territoires – il reprend, par exemple, quelques propositions du Ciom. L’accroissement des crédits entre 2023 et 2024 s’élève à plus de 180 millions d’euros, soit 7 % : le budget progresse ainsi de 2,72 milliards à 2,90 milliards ; quant aux crédits de paiement, ils augmentent de 5 %.

Ce budget ne répond sûrement pas à tous les besoins de rattrapage économique de nos territoires lointains, mais force est de constater que des efforts significatifs sont accomplis, en particulier dans le ciblage des situations les plus tendues, la meilleure prise en compte du terrain et l’affichage des priorités. Le quotidien des ultramarins est marqué par une vie chère structurelle, par les contraintes liées aux phénomènes naturels et par leur situation géopolitique.

Je me réjouis de la priorité donnée à l’amélioration des conditions de logement, à travers l’accélération des constructions et des réhabilitations du parc de logements privé et locatif social et la lutte contre l’habitat indigne.

Le besoin de mobilité des ultramarins est également pris en compte, vers l’Hexagone mais également pour le retour dans les territoires d’Outre-mer. Le dispositif Cadres d’avenir est étendu à la Guadeloupe et à Saint-Martin depuis cette année et a vocation à couvrir les autres territoires, ce dont je me félicite.

La contribution au développement économique et la création d’emplois constituent une préoccupation de tous les instants dans nos territoires. Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales spécifiques aux Outre-mer sont maintenus, mais feront l’objet d’une réévaluation : il sera donc nécessaire d’aboutir à des évolutions justes et justifiées.

L’accompagnement des collectivités territoriales reste une mesure phare de ce budget, laquelle se décline en plusieurs dispositifs parmi lesquels figurent l’ingénierie nécessaire à la réalisation des projets structurants, la pérennisation des contrats de redressement en Outre-mer (Corom) pour les communes en difficulté et la progression des budgets, des contrats de convergence et du fonds exceptionnel d’investissement (FEI). Nos territoires ont besoin de davantage de planifications à long terme en matière d’infrastructures, d’économie et d’évolution de nos relations nationales et régionales.

Je me réjouis de l’évolution globale des crédits et j’attends l’engagement du Gouvernement sur les suites qui seront données au Ciom.

M. Christian Baptiste (SOC). L’examen du budget est toujours un moment très fort pour nos concitoyens, particulièrement pour les habitants des territoires ultramarins. Une véritable crise économique et sociale touche ces derniers, cette situation n’étant pas sans lien avec le retard de développement.

Les habitants de ces territoires souhaitent pouvoir se déplacer dans des conditions confortables, boire et manger. Se déplacer dans des conditions confortables, c’est ce que nous appelons la continuité territoriale. La question de la discontinuité actuelle ne se limite pas aux moyens de L’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom), même si nous ne pouvons qu’accueillir favorablement l’augmentation globale de son budget. Néanmoins, il n’est pas du tout à la hauteur de la crise économique et sociale que les ultramarins connaissent depuis très longtemps.

Qu’est-il fait pour les routes en mauvais état dans les territoires d’Outre‑mer ? Dans le domaine aérien, une compagnie vient de déposer le bilan, donc il n’y a pas de transport actuellement prévu en Guyane, et Air Caraïbes bénéficiera d’un monopole de fait sur plusieurs lignes. Qu’est-il fait pour les liaisons maritimes, notamment dans les archipels ? L’inflation vient s’ajouter au surcoût de la vie dans les territoires d’Outre-mer, notamment dans les transports – je pense, par exemple au trajet entre la Guadeloupe et l’île de la Désirade, située dans ma circonscription.

À l’occasion de l’examen du PLF pour 2023, nous avions demandé une augmentation importante des crédits destinés à assurer l’accès à l’eau potable : nous avions signalé le problème que rencontraient Mayotte et la Guadeloupe. Résultat, ces territoires font actuellement face à une crise de l’eau, alors que l’utilisation du 49.3 a supprimé l’effort budgétaire de 200 millions d’euros supplémentaires que l’Assemblée avait décidé.

Nous ne pourrons pas voter les crédits de cette mission budgétaire, qui ne répond pas aux enjeux. Les orateurs qui m’ont précédé ont bien montré les manques de ce budget, qui ne correspond pas aux réalités que nous vivons.

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Certains territoires ultramarins s’enfoncent dans une crise sociale, économique et écologique d’une ampleur inédite. Le budget comporte quelques adaptations et améliorations, mais il ne procède à aucune rupture par rapport à la situation actuellement vécue Outre-mer. Or nous aurions besoin d’un budget de rupture, reposant sur un « quoi qu’il en coûte » ultramarin. On ne peut pas se contenter d’une augmentation des crédits de 5 % quand on voit une crise comme celle de l’eau à Mayotte et en Guadeloupe.

Consacrer 16 millions d’euros au logement indigne est notoirement insuffisant : c’est incontestablement une avancée de ce budget, mais on évalue à 110 000 le nombre de logements indignes dans les territoires d’Outre-mer, donc cela représente 145 euros par logement. Une telle ligne de crédit n’est pas à la hauteur des enjeux de la crise sociale.

Il y a la vie chère, la crise écologique et la crise économique, mais où sont les investissements massifs dans les infrastructures et dans l’économie locale pour rendre ces territoires indépendants et autonomes ? Où est la transformation de la gouvernance de ces territoires destinée à associer bien davantage les populations locales à leur destinée ? Où se trouve le volet d’adaptation au réchauffement climatique ? Mayotte connaît une sécheresse historique, mais ces territoires possèdent une biodiversité d’une richesse incroyable : 80 % de la biodiversité française est située dans les territoires d’Outre-mer, qui offrent à notre pays la deuxième zone économique exclusive (ZEE) mondiale. Qu’est-il fait pour contrecarrer la perte de biodiversité ? Ce budget reste dans le monde d’avant alors que les alertes se multiplient pour que nous passions à autre chose, car les crises écologique et sociale se nourrissent entre elles – on le constate aujourd’hui sur l’eau et on le verra dans de nombreux autres domaines dans les années qui viennent. J’en appelle à des budgets et à des soutiens innovants pour ces territoires.

L’école, la santé et les hôpitaux sont très fragiles Outre-mer, où il faut soutenir les services publics : ces territoires sont en argile, cette matière étant appelée à se fissurer avec des épisodes de sécheresse répétés. Nous ne voterons pas les crédits de cette mission budgétaire.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Il est difficile d’adopter une approche globale sur les territoires ultramarins : il y a autant de problématiques que de territoires et de peuples différents. Un léger souffle de câlinothérapie soulève de manière homéopathique les crédits de la mission Outre-mer, mais la gravité de la situation est négligée : vous n’êtes pas conscients de l’ampleur de la crise que vivent les territoires d’Outre-mer ; la cocotte-minute peut exploser d’un moment à l’autre à cause de la montée de la colère.

Quels moyens seront déployés pour assurer la continuité territoriale, pour lutter contre la fracture numérique et pour réhabiliter les logements indignes, tâche dont l’ampleur frappe toute personne qui se rend Outre-mer ?

La prise en compte, pas forcément budgétaire, des réalités du terrain est fondamentale : les agriculteurs ultramarins se heurtent souvent à une administration bureaucratique, qui se révèle incapable d’intégrer les spécificités locales. Des propositions ont été avancées en Guyane pour simplifier et raccourcir les délais de traitement, mais rien n’a encore été fait. De même, aucun protocole spécifique aux filières agricoles n’est déployé. Il faudrait également agir pour la cession des terres agricoles à l’issue des baux et des concessions, mais là encore, le statu quo prévaut. Nous pourrions donc surmonter certains obstacles en faisant évoluer quelques dispositifs et sans forcément engager de dépenses nouvelles, mais rien ne se passe.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Chaque territoire est en effet différent : la Martinique et la Guadeloupe connaissent une dépression démographique quand Mayotte et la Guyane voient leur population augmenter. Il faut appréhender chaque territoire avec ses spécificités et ne pas adopter d’approche globale des Outre-mer, afin d’intégrer dans le budget les retards de développement.

M. Max Mathiasin (LIOT). Je suis député depuis six ans et je me répète chaque année : les constats que nous dressons depuis longtemps avec mes collègues sont toujours les mêmes, tant la situation nous interpelle ; nous sommes contraints de remettre constamment l’ouvrage sur le métier. Le chômage est endémique, l’extrême pauvreté touche notre population, la violence terrible cause des morts chaque jour chez nous et l’eau est infestée de coliformes – mot élégant choisi pour ne pas employer de termes cruels.

Nous avons réussi à arracher un Ciom, mais deux jours plus tard, on nous changeait le ministre qui avait conduit avec nous les travaux de ce comité interministériel et qui avait déployé des instruments nous permettant de suivre l’application de ses décisions. On nous a dit que la feuille de route était le Ciom : en Guadeloupe, nous avons formulé 153 propositions, dont 72 ont été retenues par le Gouvernement. Les crédits de la mission budgétaire augmentent chaque année de 2 % à 3 %, mais cette hausse est en trompe-l’œil car nous savons d’où nous sommes partis. La Première ministre a dit que les Outre-mer étaient une chance pour la France : cette chance est en réalité double dans le contexte géopolitique actuel, mais on ne s’en rend pas compte.

On nous fait travailler pour rien, puisque le 49.3 fera son œuvre : nous adopterons des amendements qui disparaîtront, à l’image des 200 millions d’euros supprimés par le 49.3 il y a un an. Je ne me fais pas d’illusion et j’attends du Gouvernement qu’il discute avec nous et qu’il nous traite mieux que lors de l’examen du projet de loi pour le plein emploi. Nous n’avons jamais connu le plein emploi chez nous et nous ne risquons pas de le connaître avec 50 % de la population active au chômage ; plus généralement, nous n’acceptons plus que les dispositions relatives aux Outre-mer soient prises par ordonnances.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Le rapport pour avis est limité au champ de compétences de la commission des affaires économiques, tel qu’il résulte de l’article 36 du Règlement de l’Assemblée. Voilà pourquoi je n’ai pas abordé certains sujets, sur lesquels je partage votre approche, Monsieur Mathiasin.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Je me réjouis que ce budget ait été préparé dans le cadre du Ciom, avec lequel il est cohérent ; à cette occasion, je salue le travail de Jean-François Carenco dans ce domaine.

Les chiffres montrent l’importance de l’effort réalisé : en 2012 – chacun retrouvera l’orientation de la majorité de l’époque –, les dépenses transversales pour les Outre-mer représentaient 14 milliards d’euros ; en 2017, au moment où nous arrivons au pouvoir, elles s’établissaient à 16 milliards ; en 2023, elles s’élevaient à 22 milliards. Nous savons très bien que des décennies seront nécessaires pour rattraper le retard de développement, et j’entends les critiques, notamment sur la question de l’eau sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir – Mayotte a besoin dans ce domaine d’un effort au moins aussi intense que celui consenti en Guadeloupe.

 

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-CE16 de M. Stéphane Lenormand

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Cet amendement d’appel vise à corriger un problème structurel touchant l’acheminement des marchandises à Saint-Pierre et Miquelon en étendant la délégation de service public (DSP) couvrant actuellement le transport de marchandises entre Saint-Pierre et Miquelon et Halifax aux produits importés depuis l’Europe.

Cela fait près de quinze ans que nous subissons une dégradation progressive de notre pouvoir d’achat, du fait d’une inflation supérieure à celle que connaît l’Hexagone ; elle atteint désormais 10 à 12 % et rend la vie très difficile. Il faut que le Gouvernement fasse preuve de courage et change le logiciel qui régit l’acheminement de marchandises, afin de lutter efficacement contre l’inflation.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Il faudrait réaliser une évaluation en amont pour mesurer l’intérêt économique d’une telle mesure. Il convient de s’assurer que le nouveau dispositif permettrait effectivement de baisser les prix pour les consommateurs ultramarins concernés. Je suis défavorable à cet amendement, mais j’émettrai un avis favorable à votre amendement II-CE20, qui demande un rapport sur ce thème.

L’amendement est retiré.

 

Amendement II-CE50 de M. Jiovanny William

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Il y a urgence à rendre aux ultramarins des conditions de vie décentes. Le présent amendement vise donc à abonder de 600 000 euros l’action 02, Aménagement du territoire, du programme 123, Conditions de vie Outre-mer, en prenant cette somme dans l’action 01, Soutien aux entreprises, du programme 138, Emploi Outre-mer.

La commission d’enquête sur le coût de la vie Outre-mer a proposé une formule de revalorisation et de détermination du budget de tous les observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR). Il importe de mieux financer ces observatoires, si l’on veut qu’ils travaillent correctement et qu’ils contribuent effectivement à faire baisser les prix.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Je tiens à excuser Johnny Hajjar : il est actuellement au Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui présente aujourd’hui ses préconisations sur la vie chère Outre-mer.

Si la chaîne de formation des prix Outre-mer connaît des dysfonctionnements, c’est notamment du fait d’une défaillance dans la surveillance de la concurrence. Il faut renforcer à la fois les services de l’État – le Ciom le prévoit – et les OMPR, qui constituent le volet citoyen en la matière. Je ne suis pas certain que cette disposition soit la meilleure façon de le faire, mais ce débat mérite d’être posé et il faudra que le Gouvernement apporte une réponse. Si j’avais pu voter ou donner un avis, j’aurais donné un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-CE37 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à créer un chèque alimentaire à Mayotte, qui est le territoire le plus pauvre de France. Je rappelle que son PIB par habitant est de 9 700 euros, contre 23 000 euros par habitant en Guadeloupe, qui n’est déjà pas un territoire riche ; j’ajoute que 84 % de la population est en dessous du seuil de pauvreté. La crise de l’eau aggrave le problème, puisqu’un pack d’eau coûte entre 6 et 10 euros à Mayotte.

Le chèque alimentaire est une mesure d’urgence, mais aussi une mesure sanitaire et un impératif social et économique, puisque la nourriture, à Mayotte, coûte bien plus cher que dans l’Hexagone. Le gage proposé peut évidemment être modifié par le Gouvernement – je le dis pour éviter que l’on nous dise que les entreprises vont être spoliées.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Cela vous étonnera peut‑être, mais je vais donner un avis de sagesse sur cet amendement.

Si je partage le constat qu’il est nécessaire d’apporter une aide aux habitants de Mayotte, compte tenu des difficultés qu’ils rencontrent, il me semble que ce territoire aurait besoin d’un plan d’aide structurel. Comment s’assurer que ce chèque alimentaire bénéficiera à la production locale, et pas à la production importée ?

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Je rejoins le rapporteur pour avis sur cet amendement. Dans l’urgence, nous avons tous envie d’intervenir pour soutenir les populations qui vivent à Mayotte. Mais on sait d’avance que le chèque alimentaire, s’il n’est pas fléché et encadré, peut servir des profiteurs et aggraver l’inflation. Cela ne résoudra pas le problème.

Le chèque alimentaire est une bonne idée pour faire face à l’urgence, mais une très mauvaise idée quand on sait que les problèmes de Mayotte ne sont pas conjoncturels, mais structurels. Nous allons peut-être nous abstenir sur cet amendement.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Si je pouvais voter, je voterais contre cet amendement. Le problème de Mayotte, c’est l’eau. Ce qu’il faut, c’est rétablir l’accès à l’eau et le Gouvernement a mis 35 millions sur la table pour faire face à l’urgence. Par ailleurs, l’État va prendre en charge les factures d’eau de septembre à décembre, ce qui me semble une mesure efficace. Je ne suis pas sûr que le chèque alimentaire changerait grand-chose. La commission d’enquête sur la vie chère a montré que ce genre d’outil peut effectivement avoir des effets pervers et favoriser l’inflation, davantage que le pouvoir d’achat.

M. Max Mathiasin (LIOT). Je suis absolument favorable à cette mesure. Nous parlons de personnes en souffrance, qui achètent leur pack d’eau non à 6 ou à 10 euros, mais parfois à 15 euros, parce que certains spéculent sur cette ressource. Le chèque pourrait donner un souffle d’air aux personnes qui souffrent. Chez nous, quoi qu’on fasse, il y en a qui profitent et qui continuent d’augmenter les prix. On paie notre véhicule 20 % plus cher en Guadeloupe mais, quand on le revend, c’est au prix de l’argus. Quelqu’un, dans l’histoire, fait des bénéfices et le Gouvernement le sait très bien. Il faut prendre des mesures sérieuses contre les profiteurs, une fois pour toutes, mais il faut aussi venir en aide aux personnes qui souffrent.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE27 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Je propose de créer un programme intitulé « Éducation et sensibilisation à une alimentation locale et moins carnée dans les Outre-mer ».

Le taux moyen de dépendance aux importations alimentaires des territoires ultramarins a fortement augmenté, passant de 54 % en 1995 à 71 % en 2011. On observe par ailleurs un changement des habitudes alimentaires, avec la mondialisation des modes de consommation et le recours croissant à de la nourriture transformée, dont on connaît les effets sur la santé. Un rapport de l’Agence de la transition écologique (Ademe) souligne par exemple la faiblesse de la consommation de poissons locaux à La Réunion et de fruits à la Martinique, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. On préfère ainsi la nourriture importée à la nourriture locale.

La viande fait partie des produits qui sont largement importés. Or sa production a un fort impact sur le climat – je rappelle que 12 % de nos émissions de carbone sont liées à la viande – et sa consommation, des effets négatifs sur la santé. Il ne s’agit pas d’interdire la consommation de viande, mais de sensibiliser la population à ces questions. C’est un impératif pour l’économie locale et les agriculteurs locaux, pour la santé des personnes et pour le climat.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à votre amendement, car il existe déjà des programmes pour l’éducation et la sensibilisation à une alimentation saine et équilibrée. La priorité, pour les territoires ultramarins, est de diminuer la consommation de produits importés pour favoriser la consommation de produits locaux.

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Je maintiens mon amendement, car il vise précisément à favoriser la production locale.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Votre amendement est sympathique mais je ne suis pas certain qu’il faille un programme supplémentaire pour que les jeunes de ces territoires soient attentifs à la production locale. Le rapporteur a rappelé que beaucoup de choses sont déjà faites en ce sens. Par ailleurs, on consomme trois fois moins de viande Outre-mer que dans l’Hexagone. Le vrai enjeu, c’est d’arriver à produire de la viande sur place.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE49 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Nous proposons de renforcer le plan Écophyto DOM, dont l’objectif est de réduire de 50 % l’utilisation des produits phytosanitaires.

Plusieurs territoires ultramarins ont une histoire marquée par la pollution aux produits phytosanitaires, qui continue d’avoir des conséquences sur la production alimentaire et la santé des gens au quotidien. Le nombre de cas de cancer de la prostate, par exemple, explose dans les territoires qui ont été les plus exposés au chlordécone. Cet amendement n’a qu’un but : accompagner les agriculteurs locaux pour leur permettre de réduire dans de bonnes conditions leur usage de produits phytosanitaires. C’est un enjeu de santé publique et de protection de l’environnement, mais c’est aussi un enjeu économique.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. En tant que Martiniquais je partage évidemment votre volonté de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires dans l’agriculture en Outre-mer.

Votre amendement vise à doubler les crédits de l’action 04 du programme 123 – de 12 à 22 millions – afin de financer les appels à projet du plan Écophyto DOM. Il faudrait des données démontrant que ces crédits seront utilisés et qu’ils le seront correctement. Quelles actions précises seront mises en place pour accompagner les agriculteurs ultramarins dans la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sur leurs exploitations, sachant que les territoires d’Outre‑mer sont particulièrement sujets aux aléas climatiques ?

Je m’en remets à la sagesse de la commission. Pour avoir des agriculteurs dans ma famille, je sais que le problème n’est pas toujours celui de l’argent : l’argent est là, mais il est parfois difficile de lancer des projets. Cela étant dit, il importe de réduire l’usage de produits phytosanitaires Outre-mer et d’éviter à tout prix un deuxième scandale, après celui du chlordécone.

M. Max Mathiasin (LIOT). L’annonce de la prorogation de dix ans de l’utilisation du glyphosate a suscité un grand émoi au sein de la population guadeloupéenne, car nous avons le souvenir du chlordécone. Il importe de consommer les crédits disponibles.

Mme Annaïg Le Meur (RE). Si j’ai bien compris ce que nous a dit le rapporteur pour avis, les budgets sont là et il importe plutôt de contrôler leur fléchage pour s’assurer qu’ils vont au bon endroit. Si les fonds sont déjà disponibles, nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE3 de M. Max Mathiasin

M. Max Mathiasin (LIOT). Cet amendement a pour objet d’abonder de 30 millions d’euros les crédits consacrés au logement afin de lutter plus efficacement contre le mal-logement. Il s’agit ainsi de répondre aux besoins criants des territoires en matière de logement, besoins reconnus dans les travaux du Ciom, qui ne fait pas moins de sept propositions concrètes sur ce sujet, de l’aide à la rénovation jusqu’à la construction de logement social.

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Il faudrait préciser s’il s’agit de financer du logement intermédiaire – qui, à mon sens, est trop peu aidé –, des réhabilitations, ou de lutter contre l’habitat indigne. Même si je partage votre préoccupation et si je pense qu’il faut financer le logement social, cet amendement me semble trop imprécis. Je m’en remettrai donc à la sagesse de la commission et je vous invite à le retravailler en vue de l’examen en commission des finances.

M. Max Mathiasin (LIOT). Je propose que nous y travaillions ensemble.

L’amendement est retiré.

Amendement II-CE51 de M. Jiovanny William

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Cet amendement d’appel concerne Atout France. Le secteur du tourisme constitue l’un des principaux axes de développement économique pour les territoires ultramarins. Si les prévisions gouvernementales permettent d’évaluer à près de 3 millions le nombre de visiteurs par an, l’actualité récente fait état d’un recul de leur nombre, en raison de l’inflation et du coût des billets d’avion vers ces destinations.

Le budget d’Atout France a vocation à propulser d’autres filières et territoires que les Outre-mer : montagne, campagnes et itinérances, littoral, tourisme urbain, culture, œnotourisme, gastronomie, etc. Il est difficile de percevoir dans les actions menées par Atout France au cours de l’année 2023 celles relatives à la valorisation des Outre-mer à l’échelle européenne ou à l’international.

Je propose donc de renforcer la campagne promotionnelle pour la valorisation des territoires d’Outre-mer en abondant de 100 000 euros l’enveloppe initialement créditée de 200 000 euros.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Quand on demande de doubler un budget, ce n’est pas un amendement d’appel, mais je trouve que c’est une très bonne chose, tant l’enjeu touristique est important pour ces territoires.

La commission adopte l’amendement.

 

 

Après l’article 55

 

Amendement II-CE18 de Mme Nathalie Bassire

M. Max Mathiasin (LIOT). Je propose que le Gouvernement remette un rapport sur l’intérêt d’instaurer sur le territoire de La Réunion une « zone franche globale à l’export ».

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. J’émettrai un avis favorable sur cet amendement, et il me paraîtrait intéressant d’intégrer à ce rapport les autres territoires ultramarins.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Lutter contre la vie chère, c’est augmenter les revenus ; augmenter les revenus, c’est assurer le développement économique ; la question de la zone franche se pose donc et je voterai cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement II-CE20 de M. Stéphane Lenormand.

 

Amendement II-CE54 de M. Jiovanny William

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet la remise par le Gouvernement d’un rapport sur le calendrier d’application du droit au logement opposable (Dalo) à Mayotte.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Nous savons que les amendements demandant des rapports visent surtout à appeler l’attention du Gouvernement mais, en l’occurrence, il nous semble que ce sujet relève davantage du Parlement. Nous n’y sommes donc pas favorables.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE52 de M. Jiovanny William

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’opportunité d’investir dans des équipements permettant la transformation des algues sargasses en biomasse. Cela s’inscrirait dans la logique de verdissement énergétique prônée par le Gouvernement tout en apportant une solution durable au fléau des sargasses en Outre-mer.

M. Max Mathiasin (LIOT). On ne peut pas investir dans ce domaine car les sargasses ne sont pas toujours présentes : elles ne peuvent fournir de la matière première de manière constante.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Le Parlement n’ayant pas les moyens de mener de telles investigations, seul le Gouvernement peut nous apporter ces informations. De plus, un rapport ne constitue pas une décision d’investissement. Nous soutiendrons donc cette demande de rapport.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement II-CE53 de M. Jiovanny William

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à demander au Gouvernement la remise d’un rapport précisant la façon dont les crédits alloués à Atout France entre 2021 et 2023 ont été mobilisés dans l’intérêt des Outre-mer.

La commission adopte l’amendement.

 

M. Jiovanny William, rapporteur pour avis. L’augmentation des crédits proposée pour la mission Outre-mer n’est pas substantielle ; il s’agit surtout d’un rattrapage. N’y étant pas franchement favorable, j’émettrai un avis de sagesse.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Outre-mer modifiés.

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

Directions régionales et départementales des finances publiques (DRFiP) :

Martinique :

M. Rodolphe Sauvonnet, directeur régional des finances publiques de Martinique

Guadeloupe et Îles du Nord (Saint-Martin et Saint-Barthélemy) :

M. Jean-Yves Le Gall, directeur régional des finances publiques de Guadeloupe et des Îles du Nord

M. David Girardot, responsable des missions foncières et fiscales

Guyane :

M. Gregory Routard, directeur régional des finances publiques de Guyane

M. Johann Frigière, responsable du pôle de gestion fiscale.

La Réunion :

M. Joaquin Cester, directeur régional des finances publiques de La Réunion

Mme Franciane Mourgapamodely, administratrice des finances publiques

M. Patrick Lumaret, inspecteur divisionnaire des finances publiques et responsable du pôle sécurité juridique

M. Hamadi Lassoued, responsable de la division du contrôle fiscal, du recouvrement offensif et de la sécurité juridique

Mayotte :

M. Christian Pichevin, directeur régional des finances publiques de Mayotte

M. Mahamoud Voy, rédacteur au pôle de gestion fiscale en charge des sujets de législation et de défiscalisation

M. Mathieu Seurin, rédacteur au pôle de gestion fiscale en charge des affaires juridiques et du contentieux

Saint-Pierre-et-Miquelon :

M. Sylvain Leurot, gérant intérimaire de la direction des finances publiques de Saint-Pierre-et-Miquelon

M. Yvan Gindre, chargé de la direction des services fiscaux

Nouvelle-Calédonie :

M. David Litvan, direction des finances publiques de Nouvelle-Calédonie.

 

Table-ronde avec des représentants d’entreprises :

Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom) * :

M. Hervé Mariton, président

M. Laurent Renouf, délégué général

M. Arnaud Busseuil, chargé de mission

M. Guillaume Gallet de Saint-Aurin, vice-président de la Fedom en charge de la commission « Fiscalité » et dirigeant du cabinet d’aide fiscale à l’investissement Outre-mer Sintorin

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) * :

M. Dominique Vienne, membre du comité exécutif de la CPME, en charge du pôle CPME ultramarines, ancien Président de la CPME Réunion

Mme Jennifer Bastard, responsable fiscalité de la CPME

M. Adrien Dufour, responsable affaires publiques CPME

M. Gérard Lebon, président de la CPME Réunion

M. Jean-Philippe Payet, délégué général de la CPME Réunion

M. Olivier Gomila, vice-Président de la CPME Guyane

Mme Christine Chung, vice-Présidente de la CPME Guyane

M. Franck Krivsky, administrateur de la CPME Guyane

M. Christophe Plee, président de la CPME de Polynésie française

Mouvement des entreprises de France (MEDEF) * :

Mme Thara Govindin, présidente MEDEF Guyane

M. Wilson Delimeau, délégué général MEDEF Guyane

Mme Isabel Michel Gabriel, présidente de la commission « Économie et finances » de l’UDE MEDEF Guadeloupe.

Table-ronde avec des chambres consulaires ultramarines :

Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de La Réunion * :

M. Pierrick Robert, président

CCI Guyane * :

Mme Carine Sinai-Bossou, présidente

CCI Martinique * :

M. Philippe Jock, président

Association des chambres de commerce et d’industrie d’Outremer (ACCIOM) * :

M.  Pierre Dupuy, directeur général

Chambre de métiers et de l’artisanat de La Réunion * :

M. Bernard Picardo, président

 

Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom)

M. Saïd Ahamada, directeur général

Mme Joëlle Lenormand, directrice des missions, du réseau et des partenariats.

Régiment du service militaire adapté (RSMA)

M. Claude Peloux, général de brigade commandant le service militaire adapté.

Table ronde sur le logement :

Union sociale pour l’habitat Outre-mer (Ushom) :

Mme Sabrina Mathiot, directrice

Action Logement * / Ozanam :

M. Antoine Roffiaen, directeur général Ozanam

M. Ibrahima Dia, directeur Outre-mer Action Logement Groupe

M. Akila Mat, responsable des relations institutionnelles Action Logement Groupe

Fédération française du bâtiment (FFB) * :

M. Stéphane Lambert, représentant de M. Franck Ho-Wen-Sze, président de la Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics de Guyane

M. Philippe Lebon, secrétaire général de la Fédération réunionnaise du bâtiment et des TP, représentant M. Anthony Lebon, président de la FRBTP

Mme Léa Lignères, chargée d’études à la FFB

Mme Claire Guidi, chargée de mission à la FFB

CDC Habitat *

M. Philippe Pourcel, directeur général adjoint Outre-mer

Mme Anne Frémont, directrice des affaires publiques

FNAIM *

M. Laurent Li Woung Ki, président de la chambre FNAIM Océan Indien

Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) * :

M. Stéphane Sanz, président

Société martiniquaise d’HLM (SMHLM) :

Mme Prescilla Rascar Moutoussamy.

 

 

 

 

Table ronde sur l’agriculture :

Office de développement de l’économie agricole d’Outre-mer (Odeadom) :

M. Jacques Andrieu, directeur de l’Odeadom

Mme Valérie Gourvennec, directrice adjointe de l’Odeadom

Chambres d’agriculture :

M. Jean-Philippe Bougault, élu de la chambre d’agriculture et de la pêche de Nouvelle-Calédonie.

Table ronde avec les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop)

Préfecture de Martinique :

M. Jean-Christophe Bouvier, préfet

Mme Sophie Chauveau, sous-préfète déléguée à la cohésion sociale et à l’emploi

M. Jean-Max Charlery-Adele, chef de pôle à la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS)

Préfecture de Guadeloupe :

M. Xavier Lefort, préfet

M. Ludovic de Gaillande

M. Christian Balin, directeur du pôle 3E à la DEETS

Mme Agnès Brunet-Tessier, cheffe du service Développement des compétences à la DEETS

M. Régis Elbez, SGAR

Mme Isabelle Cardon-Fournier, chargée de mission Économie, emploi et formation

Préfecture de Mayotte :

M. Cédric Kari-Herkner, sous-préfet

Préfecture de La Réunion :

Mme Nathalie Infante, SGAR

Mme Damienne Verguin, directrice de la DEETS.

M. Yann Honoré, président de la cellule économique régionale de la construction (CERC) de Martinique

Ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer. Direction générale des Outremer (DGOM)

M. Olivier Jacob, directeur général des Outre-mer

M. Guillaume Vaille, conseiller Budget et finances locales

M. François-Xavier Boell, conseiller Économie et emploi

M. Étienne Guillet, sous-directeur de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État

Mme Gwenaëlle Chapuis, adjointe au sous-directeur de l’évaluation

Mme Isabelle Richard, sous-directrice des politiques publiques

Mme Sandrine Jaumier et M. François Le Verger, adjoints à la sous-directrice des politiques publiques

Mme Julie Ribero, cheffe du bureau de la réglementation économique et fiscale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


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   LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction régionale et départementale des finances publiques (DRFiP) de Wallis et Futuna et de la Polynésie française

Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie

Union sociale pour l’habitat (USH) *

Groupe Inter Invest

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Transports, navigation de plaisance, agriculture, pêche maritime et aquaculture, industrie charbonnière et sidérurgie, construction navale, fibres synthétiques, industrie automobile, rénovation et réhabilitation d’hôtels, de résidences de tourisme et de villages de vacances classés, entreprises en difficulté, ou investissements nécessaires à l’exploitation d’une concession de service public local à caractère industriel et commercial.

([2]) Article 131 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([3]) Article 84 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018