Logo2003modif

N° 1781

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME I

 

AVANCES À L’AUDIOVISUEL PUBLIC

 

 

 

Par Mme Fabienne COLBOC,

 

Députée.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 6).


 


–  1  –

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

Première partie : ANalyse du compte de concours financiers AvancES à l’audiovisuel public

I. Les effets budgÉtaires de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public

A. Pour deux entitÉs seulement, la perte du droit à dÉduction de TVA sur les achats de biens et de services

B. Le paiement de la taxe sur les salaires

II. La nÉcessaire dÉfinition d’un mode de financement pÉrenne et assurant l’indÉpendance de l’audiovisuel public

A. Le système provisoire dÉfini en 2022 prendra fin en 2024.

B. Le nÉcessaire maintien du compte de concours financiers et de l’affectation d’une fraction de tva.

III. analyse des crÉdits par programme

A. Programme 841 : France TÉlÉvisions

B. Programme 842 : Arte France

C. Programme 843 : Radio France

D. Programme 844 : France MÉdias Monde

E. Programme 845 : Institut national de l’audiovisuel

F. Programme 847 : TV5 Monde

G. Programme 848 : Programme de transformation

seconde partie : La visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public

I. la continuité territoriale audiovisuelle assurée par le service public audiovisuel

II. LA DIFFUSION DES SERVICES audiovisuels EN OUTRE-MER

A. Les modes de distribution de la télévision dans les territoires ultramarins

B. LE RÉSEAU « OUTRE-MER LA 1ÈRE »

1. Les services de télévision d’Outre-mer La 1ère

2. Les services de radio d’Outre-mer La 1ère

3. Le portail d’Outre-mer La 1ère

III. LA MISE EN ŒUVRE D’un PREMIER PACTE POUR LA VISIBILITÉ DES OUTRE-MER DE 2019 par France télévisions

A. LE PACTE POUR LA VISIBILITÉ DES OUTRE-MER DE FRANCE TÉLÉVISIONS

B. LE RESPECT DES 25 ENGAGEMENTS DU PACTE SPÉCIFIQUE À FRANCE TÉLÉVISIONS

1. Renforcer le réflexe Outre-mer dans l’ensemble de l’offre

2. S’ouvrir aux Outre-mer à travers des espaces dédiés

3. Renforcer les liens du Pôle Outre-mer avec les territoires et l’Hexagone

IV. UNE DÉMARCHE ÉLARGIE à toutes les entités DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC : L’APPLICATION DU PACTE POUR LA VISIBILITÉ DES OUTRE-MER DE 2021

A. France Télévisions

B. RADIO FRANCE

C. FRANCE MÉDIAS MONDE

D. l’INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL

E. TV5 MONDE

F. ARTE FRANCE

G. BILAN D’APPLICATION DU PACTE

Travaux de la commission

I. Audition de la ministre

II. examen des crédits

annexe : Liste des personnes entendues par la rapporteure pour avis

 


–  1  –

 

 

   AVANT-PROPOS

L’année 2024 constituera, à de nombreux égards, une période charnière pour le financement de l’audiovisuel public.

Le premier enjeu est relatif au mode de financement, puisque laudiovisuel public, composé de cinq sociétés ([1]) – France Télévisions, Radio France, Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde – et dun établissement public – lInstitut national de laudiovisuel (INA) – est, depuis la récente loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 qui a supprimé la contribution à l’audiovisuel public (CAP), financé par l’affectation d’une fraction de produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Or, à l’issue des débats parlementaires sur ce texte et à l’initiative du Sénat, cette affectation a été cantonnée aux seuls exercices 2023 et 2024, afin de ne pas méconnaître la nouvelle rédaction de l’article 2 de la Lolf, qui entrera en vigueur à l’occasion du projet de loi de finances pour 2025. Issue de la loi organique n° 2021 1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publique (article 3), cette nouvelle rédaction prévoit en effet qu’une affectation de taxe à un tiers, hors organismes de sécurité sociale ou collectivités territoriales, ne pourra être maintenue que si elle présente un lien avec les missions de service public qui lui sont confiées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Ainsi, alors que le terme de cette période de transition approche, le choix d’un mécanisme de financement pérenne garantissant l’indépendance de l’audiovisuel public après 2024 n’a toujours pas été effectué. Il faudra donc veiller, avant 2025, à la construction d’un nouveau modèle de financement de l’audiovisuel public assurant les conditions de son indépendance et de sa robustesse, dans un environnement médiatique en pleine reconfiguration.  

De plus s’ouvrira, en 2024, la période couverte par les nouveaux contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour 2024-2028. Ces derniers, qui déclinent les axes prioritaires de développement, les engagements et la trajectoire budgétaire des entités de l’audiovisuel public, sont en cours de négociation. Il seront soumis, avant leur signature, aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu’à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), conformément à l’article 53 de la loi de 1986 relative à la liberté de communication  ([2]). La rapporteure pour avis regrette que les projets de COM n’aient pas été communiqués à la représentation nationale avant l’examen des crédits du compte de concours financiers pour 2024, conduisant à une vision partielle des objectifs et missions que viendront financer les dotations attribuées par le PLF 2024.

L’augmentation de 228,3 millions d’euros par rapport à 2023 de la dotation de l’État au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public témoigne de l’ambition forte des pouvoirs publics à l’endroit de ce secteur, après une trajectoire pluriannuelle de diminution des dotations de l’État dans les COM précédents (pour la période 2020-2023). Le gouvernement a par ailleurs déterminé une trajectoire pluriannuelle de moyens financiers en hausse pour les cinq années à venir, qui prévoit une augmentation cumulée de 465 millions d’euros d’ici 2028. Cette évolution sera inscrite au sein des futurs COM.

Enfin, la volonté du ministère de la Culture d’accompagner la modernisation de l’audiovisuel public se matérialise par la création du nouveau programme 848, dont les crédits additionnels viendront financer les projets de transformation des entités à hauteur de 69 millions d’euros en 2024.   

***

Dans une première partie, la rapporteure pour avis présentera les crédits inscrits au compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public qui, comme l’année passée, fait l’objet d’un rapport pour avis distinct de celui portant sur les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Elle présentera ensuite un état des lieux de la présence de l’audiovisuel public dans les outre-mer d’une part, et de la visibilité et la normalisation des sujets ultramarins au sein des programmes des entités du service audiovisuel public d’autre part. Elle analysera à cet égard les suites données à l’élaboration des pactes de visibilité de l’outre-mer.

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis.

 


—  1  —

   Première partie : ANalyse du compte de concours financiers AvancES à l’audiovisuel public

Le compte de concours financiers ici présenté retrace :

– en dépenses : le montant des avances accordées aux entités de laudiovisuel public (via six programmes budgétaires correspondant aux six organismes de laudiovisuel public ainsi qu’un programme, nouveau, accueillant les crédits dits de transformation). Ces avances prennent la forme de versements mensuels ;

– en recettes : une fraction du produit de la TVA, exprimée en euros. C’est l’article 31 du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 qui en détermine le montant, inscrit en première partie de la loi de finances.

Pour 2024, ces recettes s’élèveraient à 4 025,2 millions d’euros, soit une augmentation des dotations attribuées aux six entités de l’audiovisuel public de 228,3 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 ([3]).

Comme l’année précédente, ce montant intègre, en sus de la dotation de base visant à financer la poursuite des missions confiées aux entreprises de l’audiovisuel public, la compensation des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) en 2022. Cette compensation s’élève à 120,2 millions d’euros au titre de l’année 2024, contre 78,6 millions d’euros en 2023.

● La perception de la CAP était soumise à la TVA afin, notamment, d’exonérer ses bénéficiaires du paiement de la taxe sur les salaires. Depuis la réforme, les entités de l’audiovisuel public doivent s’acquitter de cette taxe, dont le coût est estimé à 102,7 millions d’euros en 2024.

● Les entités dont les activités donnent lieu à valorisation économique (l’INA et France Médias Monde) ont perdu le droit à déduction de TVA sur leurs achats (achats de matériels ou de programmes audiovisuels, par exemple). En 2024, ces deux entités devraient voir leurs dépenses s’accroître de 17,5 millions d’euros.

Par ailleurs, pour la première fois, le compte de concours financiers intègre un nouveau programme 848 intitulé Programme de transformation. Il constitue une enveloppe de crédits additionnelle, destinée au financement de projets de transformation et de modernisation inscrits dans les COM à venir. Cette enveloppe représente un montant total de 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros prévus pour 2024.

Hors compensation des effets fiscaux liés à la suppression de la CAP et crédits inscrits au titre du programme de transformation, l’augmentation de la dotation couvrira principalement le financement de la poursuite des missions confiées aux entreprises et une part des surcoûts liés à l’inflation. Cette trajectoire implique dès lors un engagement des entreprises à poursuivre la maîtrise de leur gestion et à optimiser leurs dépenses, puisqu’elle ne compense pas intégralement les effets anticipés de l’inflation sur leurs charges.

Pour mémoire, les COM conclus entre l’État et les entreprises audiovisuelles publiques (à l’exception de TV5 Monde) pour la période 2020-2022 ont été prolongés par avenant pour l’année 2023. En outre, l’avenant conclu entre Arte France et l’État couvrira également l’année 2024 afin d’aligner son échéance sur celle du projet de groupe Arte (2021-2024).

Ainsi, Arte France mis à part, c’est en 2024 que seront déterminées les nouvelles trajectoires pluriannuelles des entités de l’audiovisuel public, détaillées au sein des futurs COM pour la période 2024-2028, en cours de rédaction.

En conséquence, les projets annuels de performances des programmes ne comportent pas nécessairement le détail des prévisions budgétaires des entités (ressources propres, dépenses, etc.) pour 2024. Les COM 2024-2028, dont les projets seront soumis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, apporteront des précisions à ce sujet.

Calendrier des documents stratÉgiques des entitÉs de l’audiovisuel public

 

2023

2024

France Télévisions

COM 2020-2022, prolongé d’un an par avenant

Futur COM pour cinq ans, en attente de transmission au Parlement

Radio France

COM 2020-2022, prolongé d’un an par avenant

Futur COM pour cinq ans, en attente de transmission au Parlement

France Médias Monde

COM 2020-2022, prolongé d’un an par avenant

Futur COM pour cinq ans, en attente de transmission au Parlement

Arte France

COM 2020-2022, prolongé de deux ans par avenant

Projet de groupe 2021-2024

Institut national de l’audiovisuel

COM 2020-2022, prolongé d’un an par avenant

Futur COM pour cinq ans, en attente de transmission au Parlement

TV5 Monde

Plan stratégique 2021-2024


dÉtails des crÉdits 2024 du compte de concours financiers
Avances à l’audiovisuel public

(en millions d’euros et hors taxes)

 

France Télévisions

Arte France

Radio France

France Médias Monde

Institut national de l’audio-visuel

TV5 Monde

Total

Dotation socle 2024

2 470,3

291,8

624,6

269,2

98,6

81,5

3 836

Compensation des effets fiscaux induits par la suppression de la CAP

53

1,8

28,3

30

5,4

1,9

120,2

Programme de transformation

45

0

15

5

4

0

69

TOTAL dotation 2024

2 568,1

293,6

668

304,2

107,9

83,4

4 025,2

Source : Projet annuel de performances Avances à l’audiovisuel public et direction générale des médias et industries culturelles.
NB : autorisations d’engagement et crédits de paiement identiques.

  1.   Les effets budgÉtaires de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public

Les effets fiscaux de la suppression de la CAP sont, comme le Gouvernement s’y était engagé lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022, compensés par la dotation de l’État.

L’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 précitée soumettait la perception de la CAP à la TVA ([4]) afin, notamment, d’exonérer ses bénéficiaires du paiement de la taxe sur les salaires. Les organismes de l’audiovisuel public rétrocédaient la TVA lorsqu’ils percevaient leur dotation de l’État, déduction faite de la TVA payée sur leurs propres achats.

Toutefois, les montants de la CAP étaient fixés « toutes taxes comprises » (TTC) et incluaient le montant de la TVA à rétrocéder. Ainsi, les montants figurant dans le projet annuel de performances étaient mentionnés TTC pour l’année 2022 mais hors taxe (HT) à partir de l’année 2023.

Le non-assujettissement des entités de l’audiovisuel public à la TVA a deux conséquences fiscales :

– dès 2022, la perte du droit à déduction de TVA sur les achats de biens et de services de certaines entités ;

– depuis 2023, le paiement de la taxe sur les salaires, qui alimente les comptes de la sécurité sociale.

A.   Pour deux entitÉs seulement, la perte du droit à dÉduction de TVA sur les achats de biens et de services

Dès 2022, certaines entités de l’audiovisuel public dont les activités donnent lieu à valorisation économique ont perdu le droit à déduction de TVA sur leurs achats ([5]). Il s’agit, par exemple, de la déduction d’achats matériels ou d’achats de programmes audiovisuels. Sont concernées les entités dont les ressources propres (seules alors soumises à la TVA une fois la CAP supprimée) représentent plus de 10 % des ressources.  

L’administration fiscale a indiqué, dans le cadre des procédures de rescrit, que seules deux entités seraient finalement concernées par la perte de droit à déduction de TVA :

– France Médias Monde, ne conservant qu’un très faible niveau de recettes commerciales soumises à la TVA, est considérée comme assujettie partielle et voit en conséquence se réduire la possibilité de déduire la TVA ;

– l’INA bénéficie également d’un droit à déduction partiel de la TVA en raison de son activité de formation initiale et professionnelle exonérée de TVA, qui fait de l’entité un « assujetti intégral redevable partiel ».

Ainsi, pour l’année 2024, la compensation de la perte du droit à déduction de TVA du fait de la suppression de la CAP s’élèverait à 17,5 millions d’euros.

Hormis pour France Médias Monde et l’INA, l’administration fiscale a précisé que la suppression de la CAP et la suppression corrélative de son assujettissement à la TVA n’entraînent pas de conséquence sur les droits à déduction de TVA des entités de l’audiovisuel public, ces dernières demeurant des assujettis intégraux à la TVA. Pour Arte France, cette analyse nouvelle de l’administration fiscale a entraîné le retraitement de la compensation de la perte de droits à déduction de TVA, qui ne s’est finalement pas matérialisée (18,8 millions d’euros).

B.   Le paiement de la taxe sur les salaires

Le second effet de la suppression de la CAP est le paiement de la taxe sur les salaires, auquel seront soumises toutes les entités de l’audiovisuel public.

En effet, en application de l’article 231 du code général des impôts, dès lors que moins de 90 % des ressources d’une entité est assujettie à la TVA, la taxe sur les salaires est due ([6]) – et acquitté l’année n+1.

Aussi, depuis le projet de loi de finances pour 2023, une enveloppe est prévue afin de compenser ces charges nouvelles. Ce montant s’est élevé à 60,6 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2023 (après retraitement de la compensation de la perte de droits à déduction de TVA d’Arte France, cf. supra). Il s’élèverait à 102,7 millions d’euros pour 2024.

La forte augmentation de cette compensation entre 2023 et 2024 s’explique par le fait que l’assujettissement se fonde sur la composition du chiffre d’affaires de l’année n-1. En 2023, le montant était pondéré dans la mesure où les entités de l’audiovisuel public avaient reversé de la TVA sur la dotation publique perçue de janvier à juillet 2022.

DÉtail des crÉdits visant à compenser les effets fiscaux induits par la suppression de la tva

(en millions d’euros)

 

Loi de finances initiale pour 2023

Projet de loi de finances pour 2024

 

Compensation des effets fiscaux

Montant total de la dotation

Compensation des effets fiscaux

Montant total de la dotation

France Télévisions

22,4

2 430,5

52,8

2 568,1

Radio France

12

623,4

28,3

668

France Médias Monde

21,7

284,7

30

304,2

Arte France

19,7

303,5

1,8

293,6

Institut national de l’audiovisuel

2,2

93,6

5,4

107,9

TV5 Monde

0,6

80

1,9

83,4

NB : Pour Arte France, le montant de la compensation pour 2023 s’est élevé, après retraitement par l’administration fiscale, à 0,9 millions d’euros. Le montant total de la dotation d’Arte France pour 2023, après retraitement, est donc de 284,7 millions d’euros. 

  1.   La nÉcessaire dÉfinition d’un mode de financement pÉrenne et assurant l’indÉpendance de l’audiovisuel public
    1.   Le système provisoire dÉfini en 2022 prendra fin en 2024.

Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui a supprimé la CAP, le Parlement a élaboré un régime transitoire consistant en l’affectation aux sociétés de l’audiovisuel public, via le compte de concours financiers n° 903-60, d’une fraction du produit de la TVA.

Or, À l’issue des débats parlementaires sur ce texte et à l’initiative du Sénat, cette affectation a été cantonnée aux seuls exercices 2023 et 2024, « afin de tenir compte de l’entrée en vigueur, à l’occasion du projet de loi de finances pour 2025, de la nouvelle rédaction de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances telle qu’issue de la loi organique n° 2021 1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (article 3). Celle-ci prévoit en effet à cette date que pour un tiers (hors organismes de sécurité sociale ou collectivités territoriales) bénéficiant déjà d’une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer. » ([7])

Aussi, il reviendra au Parlement de déterminer le nouveau mode de financement de l’audiovisuel public avant le terme de l’année 2024.

La rapporteure pour avis rappelle que le mode de financement à venir devra assurer le respect de la liberté de communication, protégée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, comme celui des objectifs à valeur constitutionnelle de pluralisme et d’indépendance des médias. Le Conseil constitutionnel avait ainsi souligné, dans sa décision n° 209-577 DC du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision que la garantie des ressources de l’audiovisuel public constitue l’un des éléments assurant son indépendance.

  1.   Le nÉcessaire maintien du compte de concours financiers et de l’affectation d’une fraction de tva.

Le dispositif de l’article 1er du projet de loi de finances rectificative pour 2022 portant suppression de la CAP prévoyait initialement une compensation par le biais de subventions du budget général de l’État versées annuellement en début d’année à compter du 1er janvier 2023. Les débats parlementaires avaient alors permis de souligner les incertitudes entraînées par cette budgétisation.

Un modèle transitoire, consistant en l’affectation d’une fraction de ressources de la TVA au compte de concours financiers préexistant avait été préféré, pour une durée de deux ans.

Parmi les différents modèles de financement envisagés pour prendre la suite du modèle transitoire, la rapporteure pour avis salue la proposition portée par la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale ([8]) , qui a rendu ses conclusions en juin 2023. Celles-ci appellent en effet au maintien du compte de concours financiers et de l’affection d’une partie du produit de la TVA, qui seraient rendus possible par une modification de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). La pérennisation de l’affection d’une fraction de TVA au compte de concours financiers réunit l’ensemble des garanties nécessaires à l’indépendance et la visibilité budgétaire indispensables à l’audiovisuel public.

En effet, en premier lieu, l’affectation d’une part de TVA au financement de l’audiovisuel public, tout comme la mécanique antérieure de la CAP, permet au Parlement de déterminer le niveau de financement nécessaire en fonction de la dépense attendue. La discussion du financement en recettes (première partie de la loi de finances) et en dépenses (seconde partie) est favorable à la décision et au contrôle parlementaires. À titre de comparaison, le modèle de financement consistant, pour l’État, à accorder une subvention du budget général, tel qu’initialement prévu par le projet de loi de finances rectificative pour 2022, ne permettrait pas aux parlementaires de modifier l’enveloppe globale affectée à la mission lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances.

En second lieu, le recours à un compte de concours financiers permet de diminuer le risque d’attrition des ressources. Les crédits attribués à un compte de concours financiers ne peuvent en effet faire l’objet d’une mise en réserve, et les éventuelles annulations de tels crédits nécessitent un vote du Parlement, contrairement aux crédits inscrits au budget général qui, conformément à l’article 14 de la Lolf ([9]), peuvent être annulés par simple décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances, et faire l’objet d’une mise en réserve. Le maintien d’un compte de concours financiers a ainsi été plébiscité par les responsables de plusieurs entités de l’audiovisuel public lors des auditions menées par la rapporteure pour avis, afin de les prémunir contre les risques de régulation infra-annuelle.

Enfin, le maintien du compte de concours financiers permettrait de garantir l’indépendance des chaînes de service public, les préservant d’un risque « réputationnel ». Le rapport de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public précité rappelle en effet que « la budgétisation pourrait être interprétée comme une prise de contrôle par l’État, argument qui risquerait d’être utilisé pour affaiblir les médias publics français dans leur diffusion à l’étranger […] dans un contexte où ces médias sont de plus en plus fréquemment attaqués et accusés d’être la voix de la France, notamment en Afrique » ([10]). Plusieurs dirigeants de l’audiovisuel entendus par la rapporteure pour avis ont confirmé la nécessité de préserver la spécificité du financement de l’audiovisuel public, garantie de l’indépendance et de la crédibilité du travail de ces entités.

M. Bruno Studer, député et ancien président de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, a quant à lui préconisé un modèle de financement distinct, se fondant sur le recours à un prélèvement sur recettes (PSR). Il a déposé en ce sens une proposition de loi organique visant à garantir le financement indépendant de l’audiovisuel public ([11]). Si le recours à un PSR a l’avantage d’assurer un budget prévisible et non soumis à variations infra-annuelles, la Cour des comptes alerte régulièrement sur son emploi, en tant que ce mécanisme constitue une dérogation aux principes d’unité et d’universalité budgétaires. La mission d’information précitée préconisait dès lors de limiter le recours à un PSR pour le seul financement d’Arte, dont la base juridique – un traité international – justifierait un tel mécanisme en raison du nécessaire respect des engagements internationaux de la France en termes d’indépendance financière et de parité de financement du groupement européen d’intérêt économique (GEIE) constitué avec le partenaire allemand.

Au regard de ces constats, la rapporteure pour avis insiste sur la nécessité pour le Parlement d’agir dans l’année à venir afin de garantir à l’audiovisuel public un financement pérenne et indépendant. Aussi, elle appelle de ses vœux l’examen de la proposition de loi organique n° 1324 de MM. Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier. Son article 1er vise en effet à modifier l’article 2 de la Lolf, afin de permettre de prolonger le mécanisme d’affectation d’une fraction du produit de la TVA pour financer l’audiovisuel public au-delà du 31 décembre 2024.

  1.   analyse des crÉdits par programme
    1.   Programme 841 : France TÉlÉvisions

Pour 2024, la dotation publique à France Télévisions s’établirait à 2 568,1 millions d’euros, en augmentation de 137,6 millions d’euros par rapport à 2023. Cette montant comprend 45 millions d’euros relevant du programme 848 intitulé Programme de transformation, et 52,8 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux consécutifs à la suppression de la CAP.

France Télévisions a établi des prévisions évaluant les effets de l’inflation à 60 millions d’euros pour l’année à venir, dans la continuité des deux années précédentes. L’entreprise prévoit également des dépenses de l’ordre de 14 millions d’euros au titre des reversements aux ayant droits.

Selon l’entreprise, cette hausse des charges pourrait être absorbée grâce à l’augmentation significative des moyens attribués et par la poursuite de ses efforts en matière d’équilibre budgétaire. L’annonce d’une prévision budgétaire pluriannuelle jusqu’en 2028 au sein du futur COM permettra de mieux prendre en compte l’accompagnement de l’État ainsi que les efforts financiers nécessaires au financement des orientations stratégiques de France Télévisions.

Le groupe a par ailleurs indiqué à la rapporteure pour avis qu’il estime être en mesure, en 2024, de financer les charges liées à la couverture des Jeux olympiques grâce à ses recettes publicitaires.

L’augmentation de la dotation versée à France Télévisions ainsi que la poursuite d’efforts budgétaires permettraient ainsi à l’entreprise d’assurer en 2024, et plus aisément que les deux années précédentes, un résultat à l’équilibre.

Pour rappel, France Télévisions présentait en effet en 2022, « avant évènements non récurrents », un résultat d’exploitation à l’équilibre pour la septième année consécutive, malgré un contexte d’activité soutenue et d’inflation élevée, mais un résultat net négatif (– 48 millions d’euros), en raison notamment de l’exploitation et de la liquidation de Salto ([12]).

Les efforts de maîtrise des effectifs se sont poursuivis en 2023 (objectif de – 51 ETP ([13]) par rapport à 2022, avec un total de 8 900 ETP au sein de l’entreprise en 2023, soit une baisse légèrement plus faible qu’en 2022 – suppression de 55 ETP) bien que la masse salariale progresse à nouveau en 2023 en raison de l’inflation et du « glissement vieillesse technicité ».

Après une hausse plus importante qu’anticipée en 2022 (17,9 millions d’euros par rapport à 2021), du fait notamment des recettes publicitaires, les ressources propres de France Télévisions devraient régresser d’environ 15 millions d’euros en 2023, pour s’établir à moins de 400 millions d’euros. Cette diminution traduit un recul des recettes publicitaires et la baisse de la durée d’écoute par individu (DEI) des cibles publicitaires, qui n’est pas propre à France Télévisions. Le projet annuel de performances (PAP) indique que l’entreprise met en œuvre une série de mesures pour atténuer ces pertes d’exploitation.

Pour 2024, selon le PAP, « France Télévisions entend poursuivre sa transformation en préservant ses objectifs prioritaires, à la fois sur ses antennes linéaires et non linéaires : la qualité et la diversité de l’offre d’information et des programmes à destination des jeunes publics, l’investissement dans le numérique et la technologie, le soutien en faveur de la culture et de la création et le développement de l’offre de proximité. L’année 2024 sera surtout marquée par la diffusion des Jeux Olympiques de Paris avec une mobilisation exceptionnelle de ses journalistes […] ».

Le PAP renvoie les prévisions budgétaires pour 2024 au projet de COM 2024-2028, dont la présentation aux commissions compétentes du Parlement devrait avoir lieu au printemps prochain.

  1.   Programme 842 : Arte France

Comme pour les autres entités, le financement d’Arte France est encadré par son COM qui reconnaît la singularité de la chaîne dans le paysage audiovisuel.

En effet, Arte France appartient à un GEIE, composé de deux pôles – Arte France et Arte Deutschland – qui le financent paritairement et lui fournissent le même volume de programmes. Arte France est donc soumis au projet de groupe d’Arte GEIE, élément structurant de sa stratégie. Ce document permet la cohésion et la coordination des entités d’Arte en optimisant les moyens prévus par le COM côté français, et ceux demandés à la Commission indépendante pour l’évaluation des besoins financiers de l’audiovisuel public (KEF) côté allemand.

Le financement du groupe est strictement paritaire. Aussi, le retour d’une dynamique haussière de la dotation attribuée à Arte par le PLF 2023 marquait un signal positif pour la chaîne, ayant permis un alignement de l’apport français sur le niveau de financement susceptible d’être apporté par la partie allemande au GEIE. 

En outre, le prolongement du COM par avenant pour deux ans, contre un an pour les autres entités de l’audiovisuel public, a permis l’alignement de la trajectoire budgétaire d’Arte France sur le projet stratégique du groupe courant jusqu’en 2024. 

La dotation pour l’année 2024 poursuivrait la dynamique haussière initiée en 2023, avec 9 millions d’euros supplémentaires, pour s’établir à 293,6 millions d’euros.

La dotation pour 2024 comprend 1,9 million d’euros visant à compenser l’assujettissement d’Arte France à la taxe sur les salaires. Le montant de la dotation pour 2024 n’inclut néanmoins pas de compensation de la perte de droits à la déduction de TVA, puisque la suppression de la CAP n’a finalement pas pour conséquence d’empêcher la société de déduire la TVA.

La dotation pour l’année 2024 sera, selon le PAP, mobilisée par la société afin de « poursuivre la stratégie formalisée par son COM actuel, à travers une offre éditoriale ambitieuse tournée vers la création originale et les programmes inédits, le déploiement du numérique ainsi que le développement du caractère européen de la chaîne au-delà de l’axe franco-allemand ».

En ce sens, la chaîne souhaite poursuivre sa politique d’investissements courants prioritairement tournée vers les programmes, et augmentera son montant d’investissement dans les programmes de 4,9 millions d’euros. Du fait de la dynamique haussière de son budget, cela représentera tout de même une légère diminution, en proportion, de la part des dépenses d’investissement dans les programmes sur les dépenses totales de la société (78 % anticipé en 2024 contre 79 % l’année précédente), critère qui constitue l’un de ses indicateurs de performance.

Ce léger recul de la part d’investissement dans les programmes s’explique premièrement par la hausse anticipée des charges de l’entreprise du fait de l’inflation, estimée à 1,9 million d’euros, ainsi que d’une hausse des charges de personnel de 1,3 million d’euros. Par ailleurs, Arte France initiera en 2024 des travaux de rénovation de son nouveau site afin notamment de se conformer au décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire ». Selon les éléments transmis par la Arte, cet investissement non récurrent devrait représenter un montant compris en 7 et 8 millions d’euros en 2024, pour un coût total du projet de l’ordre de 15 millions d’euros.

La chaîne devrait en outre bénéficier d’une augmentation de 1,7 % de la contribution française versée au GEIE, alignée sur la contribution allemande, pour un montant de 70,83 millions d’euros.

Arte France ne bénéficie pas de crédits au titre du programme 848, sa trajectoire budgétaire pour 2024 étant d’ores et déjà établie par l’avenant au COM sur la période 2022-2024. Le groupe Arte a toutefois indiqué qu’il compte mobiliser ce financement additionnel, à partir de 2025, afin de développer sa présence en Europe, notamment en progressant sur le titrage et le doublage, ainsi qu’afin d’accélérer la modernisation numérique de la chaîne.

  1.   Programme 843 : Radio France

Premier groupe radiophonique français avec sept antennes généralistes, thématiques et de proximité, Radio France est un acteur culturel et musical de premier plan.

Du fait de la trajectoire baissière de ses ressources publiques depuis 2018 d’une part, ainsi que de l’augmentation de ses charges d’exploitation en raison de l’inflation et de ses charges de personnel en 2022 d’autre part, Radio France a enregistré un résultat d’exploitation négatif en 2022. Son résultat net demeure néanmoins excédentaire de 0,7 million d’euros.

Dans son avis sur l’exécution des COM ([14]), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) souligne qu’« en raison de l’équilibre financier toujours fragile, la question de l’évolution de la part des ressources propres [des entités] sera probablement abordée par les prochains COM », et évoque notamment une éventuelle évolution des plafonds de ressources publicitaires. 

Le budget 2023 de Radio France présenterait un résultat excédentaire de 0,2 million d’euros. Les ressources propres demeureraient stables, pour un montant de 79,3 millions d’euros. Les charges d’exploitation seraient en progression de 26,8 millions d’euros, notamment du fait de l’inflation et de ses conséquences sur les dépenses de personnel. 

Pour 2024, le projet de loi de finances prévoit une dotation publique de 667,9 millions d’euros, en augmentation de 44,5 millions d’euros par rapport à 2023. L’augmentation des crédits proposée permettrait notamment :

– de compenser les effets fiscaux de la suppression de la CAP à hauteur de 28 millions d’euros.

– de financer des projets de transformation et de modernisation de l’entreprise, à hauteur de 15 millions d’euros.  

Le PAP indique que la cible d’ETP pour 2024 sera déterminée dans le cadre du futur COM pour la période 2024-2028.

  1.   Programme 844 : France MÉdias Monde

France Médias Monde devrait présenter en 2023 un résultat à l’équilibre, malgré les effets de l’inflation sur les dépenses, le glissement de la masse salariale ainsi que le renforcement de ses certaines fonctions support.

La dotation publique de France Médias Monde pour 2024 s’établirait à 304,2 millions d’euros, soit une augmentation de 19,5 millions d’euros par rapport à la dotation pour 2023.

Afin de prendre en compte les effets fiscaux induits par la suppression de la CAP, le montant de la dotation inclut 13,2 millions d’euros de compensation de l’assujettissement de la chaîne à la taxe sur les salaires ainsi que 16,8 millions d’euros pour couvrir la perte du droit à déduction de la TVA.

Le montant de la dotation à France Médias Monde comprend également 5 millions d’euros supplémentaires au titre du Programme de transformation, que la société souhaiterait notamment mobiliser pour mener à bien sa transformation numérique.

Le détail de l’emploi de cette dotation sera déterminé par la trajectoire de financement public arbitrée au sein du COM pour la période 2024-2028. Il convient néanmoins de souligner que, comme l’année précédente, ces crédits permettront de compenser les effets de l’inflation sur les dépenses, de revaloriser la masse salariale et de couvrir les évolutions de dépenses déjà engagées.

  1.   Programme 845 : Institut national de l’audiovisuel

L’Institut national de l’audiovisuel (INA) est l’établissement chargé d’assurer la conservation des archives audiovisuelles des sociétés nationales de programmes et de contribuer à leur exploitation et leur mise à disposition.

En 2023, le chiffre d’affaires de l’établissement devrait s’établir à 43,1 millions d’euros, soit un résultat supérieur à l’objectif fixé par l’avenant au COM et en augmentation de 1,7 % par rapport à 2022. Cela résulte d’une forte maîtrise des charges d’exploitation et des dépenses de masse salariale.

Lors des échanges de la rapporteure pour avis avec les dirigeants de l’INA, ceux-ci ont toutefois souligné que, selon leurs projections, la dotation pour 2023 sera insuffisante pour couvrir les charges de l’établissement, et ont demandé pour y remédier un abondement de 6,3 millions d’euros d’ici la fin de l’année. En outre, la direction de l’INA a souhaité alerter la rapporteure pour avis sur la poursuite de la dégradation de sa trésorerie, dont la solde pour 2023 est estimé à – 2 millions d’euros. La direction attribue ce déficit au prélèvement de 20 millions d’euros opéré sur son fonds de roulement en 2014, puis à l’obligation qui lui a été faite à partir de 2015 de financer sur fonds propres – sans dotation ouverte en loi de finances ni dotation en capital –, des investissements stratégiques, immobiliers et technologiques, indispensables à sa transformation. Selon ses projections, son besoin de refinancement serait de l’ordre de 10 millions d’euros, sans quoi l’établissement ne serait pas en mesure de poursuivre sa transformation sans revoir à la baisse certains objectifs et le périmètre de ses missions détaillées dans le COM.

Pour 2024, l’établissement bénéficierait d’une dotation de 107,9 millions d’euros, en hausse de 14,3 millions d’euros par rapport à la dotation prévue en loi de finances pour 2023.

Cette dotation comprend 5,4 millions d’euros de compensation des effets fiscaux liés à la suppression de la CAP, dont 0,7 million d’euros au titre de la suppression de la déductibilité de la TVA sur les achats, et 4,7 millions d’euros de compensation de l’assujettissement de l’établissement à la taxe sur les salaires.

L’INA bénéficiera de plus de 4 millions d’euros pour le financement de projets de transformation prioritaire, au titre du programme 848. Ces crédits pourront permettre l’approfondissement des coopérations éditoriales de l’INA et le renforcement de sa stratégie numérique.

La trajectoire budgétaire de l’établissement est en cours de construction en raison de l’élaboration des COM pour la période 2024-2028.

  1.   Programme 847 : TV5 Monde

Chaîne francophone associant les radiodiffuseurs publics français, belge, canadien, suisse et monégasque, TV5 Monde est la seule entité à ne pas disposer d’un COM ; sa stratégie est prévue par un plan stratégique ([15]) (2021-2024) qui détermine ses axes de développement.

Les dépenses de la chaîne devraient connaître en 2024 la même tendance inflationniste que les autres entités avec une hausse importante de ses loyers et de ses dépenses énergétiques. Les prévisions de l’entreprise incluent également une hausse des charges salariales du fait des mesures de lutte contre la baisse du pouvoir d’achat des personnels, ainsi que des recrutements sur les postes encore non pourvus. Des coûts liés à la modernisation de ses outils de gestion sont également à anticiper.

La dotation française prévue dans le projet de loi de finances pour 2024 pour TV5 Monde représente 83,4 millions d’euros, dont 2 millions d’euros au titre de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la CAP. Pour TV5 Monde, l’augmentation modérée de la dotation (3,4 millions d’euros) ne permettra pas de compenser totalement les effets inflationnistes que la société connaît.

Les ressources publiques de TV5 Monde sont principalement affectées aux dépenses de programmes, dont la part dans les dépenses totales s’élevait à 67,3 % en 2023, contre 67,2 % en 2022. Cette donnée constitue un indicateur de performance de son objectif consistant à proposer une offre reflet de la culture et des valeurs françaises et francophones dans un univers de média global.  

Les ressources propres de la chaîne (recettes publicitaires et de parrainage et recettes de distribution) ([16]) s’établiraient à 9,02 millions d’euros en 2023, montant qui devrait être équivalent en 2024 grâce à la stabilisation des recettes de distribution et une progression des recettes publicitaires.

  1.   Programme 848 : Programme de transformation

À partir de 2024, les entreprises de l’audiovisuel public pourront percevoir des crédits supplémentaires conditionnés au financement de projets de transformation devant accroître la qualité, la visibilité et l’impact des offres proposées par le secteur. Comme détaillé par l’indicateur de performance unique, il s’agira plus particulièrement d’accélérer les mutations engagées en matière :

– de proximité, notamment par le rapprochement des offres éditoriales de proximité tel qu’initié par France Télévisions et Radio France grâce à leurs réseaux régionaux France 3 et France Bleu. Le rapport d’exécution pour 2022 des COM 2020-2022 de lArcom ([17]) souligne que les prochains COM devraient à ce sujet « incarner un nouvelle ambition », les objectifs de coopération pour 2022 « n’étant que partiellement réalisés ». Cela devrait se traduire en 2024 par la création d’un site internet commun, la préfiguration d’instances de coordination conjointes, et la définition d’un schéma immobilier commun ;

– de numérique, afin de renforcer la présence des entités de l’audiovisuel public sur des environnements numériques tiers, de tirer profit des nouvelles opportunités de diffusion liées au numérique et d’enrichir les contenus disponibles sur leurs propres plateformes. Arte souhaite également employer ces crédits d’ici à 2028 afin de renforcer l’accessibilité de son offre numérique à l’échelle européenne ;

– et d’information, c’est-à-dire, selon le PAP « le déploiement de projets visant à renforcer la puissance et la visibilité de l’offre d’information que les entités produisent ». Cela pourrait se concrétiser notamment par des actions d’éducation aux médias et de lutte contre les fausses informations.  

L’enveloppe du programme 848 pourra atteindre un montant maximal de 200 millions d’euros entre 2024 et 2026.

calendrier de déploiement des crédits du programme 848

(en millions d’euros)

Année

2024

2025

2026

2024-2026

Montant des crédits

69

74

57

200

Source : Projet annuel de performances Avances à l’audiovisuel public pour 2024.

Le programme 848 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit ainsi l’octroi de 69 millions d’euros entre les différentes entités du service audiovisuel public, dont :

 45 millions d’euros pour France Télévisions ;

 15 millions d’euros pour Radio France ;

 5 millions d’euros pour France Médias Monde ;

 4 millions d’euros pour l’INA.

Comme évoqué précédemment, pour l’année 2024, Arte France n’est pas destinataire de crédits au titre du programme 848, sa trajectoire budgétaire étant d’ores et déjà prévue par l’avenant au COM sur la période 2022-2024. De la même façon, le plan stratégique de TV5 Monde couvrant la période 2021-2024, la société n’est pas concernée par ce programme au titre de l’année 2024.

Les COM des autres entités pour la période 2024-2028, actuellement en cours de rédaction, préciseront les modalités opérationnelles d’engagement de ces enveloppes supplémentaires et y associeront des objectifs, des indicateurs et des jalons infra-annuels permettant de suivre leur déploiement. Plusieurs responsables des entités de l’audiovisuel public ont souligné auprès de la rapporteure pour avis la nécessité d’avoir davantage d’informations concernant ces modalités afin de se préparer au déploiement de ces crédits.

L’article 31 du projet de loi de finances pour 2024 précise qu’en cas de non mise en œuvre des engagements spécifiques prévus par les COM concernant les projets de transformation, les crédits devront être remboursés par les entités et le niveau de versement aux sociétés pourra être réduit.

   seconde partie : La visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public

I.   la continuité territoriale audiovisuelle assurée par le service public audiovisuel

Le service public audiovisuel est chargé d’assurer la continuité territoriale audiovisuelle entre les territoires ultramarins et l’Hexagone.

Cette mission était initialement inscrite dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (dite « loi Léotard »), dont la rédaction a été modifiée en 2000.

Il était prévu, d’une part, que les programmes nationaux soient disponibles dans l’ensemble des territoires ultramarins. L’article 44 ([18]) disposait en ce sens que « la société nationale de programme dénommée Réseau France Outre-mer […] assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres aux départements d’outre-mer selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional. » Jusqu’en 2009, le réseau ultramarin pouvait donc diffuser les émissions des autres sociétés nationales de programmes à titre gratuit.

D’autre part, le principe de continuité territoriale se traduisait par une diffusion de la culture des territoires et des populations d’outre-mer dans les programmes de la métropole. L’article 44 ([19]) prévoyait ainsi que les programmes produits par le Réseau France Outre-mer soient mis à disposition de France Télévisions et de Radio France à titre gratuit afin que ces sociétés assurent « la promotion et le rayonnement des cultures de la France d’outre-mer en métropole ».

Si, à l’occasion de la réforme de l’audiovisuel de 2009, la mission de continuité territoriale a disparu de la loi, elle figure depuis au sein du cahier des charges de France Télévisions.

En outre, depuis le 29 janvier 2017, l’alinéa 2 de l’article 43-11 de la loi de 1986 prévoit une visibilité renforcée des territoires et des populations ultramarines dans les programmes, en mentionnant que les entités de l’audiovisuel public « s’attachent […] à assurer une meilleure représentation de la diversité de la société française, notamment d’outre-mer ».

Le cahier des charges et les contrats d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions et Radio France font également mention des engagements pour la représentation des outre-mer pris au titre des pactes pour la visibilité des outre-mer en 2019 et 2021.

II.   LA DIFFUSION DES SERVICES audiovisuels EN OUTRE-MER

A.    Les modes de distribution de la télévision dans les territoires ultramarins

En dépit d’un développement important de la consommation de vidéos à la demande ([20]) ou de programmes de rattrapage (dits « non linéaires »), la télévision traditionnelle (dite « linéaire ») demeure un mode d’accès essentiel aux programmes audiovisuels et cinématographiques, aussi bien dans l’Hexagone que dans les territoires ultramarins.

Les modes de distribution de la télévision en France

Il existe quatre principaux modes de distribution de la télévision en France :

 la télévision par internet (IPTV) est proposée par les fournisseurs d’accès à internet (FAI). Elle est fournie dans le cadre d’un abonnement d’accès à haut débit (ADSL) ou très haut débit à internet (fibre optique) et constitue le premier mode de réception de la télévision en France depuis 2017 (1) ;

 la télévision numérique terrestre (TNT) représente aujourd’hui le deuxième mode de réception de la télévision en France et demeure accessible au plus grand nombre en raison de sa gratuité et de sa simplicité d’accès. La TNT couvre 97,3 % de la population et 42,2 % des foyers équipés d’un téléviseur (2). Des travaux de modernisation de la télévision numérique terrestre ont été entrepris sous l’égide de l’Arcom afin de renforcer l’attractivité de la TNT et de garantir l’accès aux Jeux olympiques de Paris 2024 dans la meilleure qualité possible ;

 la diffusion par satellite connaît quant à elle un certain recul en raison de son coût de réception plus élevé et de l’exigence de visibilité directe du satellite par l’intermédiaire d’une parabole (difficile en zone urbaine, en habitat collectif ou dans les zones classées) ;

 les services « over the top » (OTT) accessibles depuis un navigateur ou une application (à la différence de l’internet « ouvert » de l’IPTV). Les éditeurs traditionnels se dotent eux aussi d’une plateforme OTT (par exemple, MyTF1 pour la chaîne TF1) afin de proposer leurs programmes en rattrapage et de proposer des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

(1)    L’IPTV constitue le premier mode de réception pour 66,1 % des foyers TV en haut et très haut débit sur au moins un poste.

(2)    Données de la direction générale des médias et des industries culturelles.

 

L’arrivée de la télévision numérique terrestre (TNT) dans les outre-mer en 2010 ([21]) a restructuré le paysage audiovisuel ultramarin, rendant accessibles aux territoires concernés plusieurs chaînes qui l’étaient auparavant uniquement dans l’Hexagone. La diffusion des services audiovisuels est effectuée par le multiplex « Réseau Outre-mer 1 » (« ROM 1 ») dont l’actionnaire unique est France Télévisions.

L’offre de la TNT en outre-mer comprend ainsi :

 les chaînes publiques nationales : France 2, France 3, France 4, France 5, Arte et Franceinfo (à l’exception de La Chaîne parlementaire). Il convient de préciser que le canal occupé par France 24 (chaîne du groupe France Médias Monde) sur la TNT a été récupéré par Franceinfo en 2017. La chaîne demeure néanmoins disponible pour la quasi-totalité des foyers abonnés à une offre satellite, et reste présente tous les jours sur la TNT ultramarine puisque Franceinfo diffuse le signal de France 24 de nuit, rendant accessibles ses programmes sur des créneaux de journée et en première partie de soirée (« primetime ») dans les territoires ultramarins en fonction du décalage horaire.

 les neuf chaînes ultramarines de France Télévisions désignées sous l’appellation « La 1ère » : Martinique la 1ère, Guadeloupe la 1ère, Guyane la 1ère, Réunion la 1ère, Nouvelle-Calédonie la 1ère, Polynésie la 1ère, Wallis-et-Futuna la 1ère, Mayotte la 1ère et Saint-Pierre-et-Miquelon la 1ère ;

 quelques chaînes privées avec une ligne éditoriale locale pour la plupart d’entre elles, et d’autres plus généralistes, proposant notamment la reprise de programmes de chaînes nationales (TF1 et M6 principalement).

Les chaînes publiques de la TNT sont aussi accessibles par câble et par satellite. Par ailleurs, les chaînes privées historiques (TF1 et M6) et les chaînes locales privées de la TNT ultramarine sont présentes dans l’ensemble des bouquets par câble et dans la majorité des offres par satellite ([22]). Enfin, les bouquets filaires et satellitaires ultramarins peuvent donner accès à certaines chaînes locales non hertziennes (qui n’ont pas d’autorisation d’émission sur les fréquences attribuées par l’Arcom).

B.   LE RÉSEAU « OUTRE-MER LA 1ÈRE »

Le réseau « Outre-mer La 1ère » regroupe neuf chaînes de télévision, neuf radios et neuf sites internet formant l’offre « La 1ère ». La programmation des 1ères s’articule autour de l’information, la proximité, les sports et la fiction. Les langues régionales font partie intégrante des programmes puisque certains d’entre eux sont proposés en langue vernaculaire (notamment les programmes d’information).

1.   Les services de télévision d’Outre-mer La 1ère

L’offre de France Télévisions en outre-mer compte les neuf chaînes de télévision précitées.

En 2022, 42 % des habitants d’outre-mer déclaraient regarder une chaîne du réseau La 1ère au moins une fois par semaine ([23]).  

L’information y tient une place prépondérante. Toutes les chaînes diffusent un journal télévisé du soir et trois d’entre elles diffusent en plus une édition en langue vernaculaire (Wallis-et-Futuna la 1ère, Polynésie la 1ère et Mayotte la 1ère). Les journaux télévisés sont suivis par 31 % de la population ultramarine et disponibles sur les box des principaux FAI de l’Hexagone (Orange, Bouygues, SFR, Free).

Les chaînes La 1ère bénéficient aussi de l’offre sportive de France Télévisions et diffusent les événements sportifs, locaux et nationaux, ainsi que des magazines sportifs.

En termes d’audience, Polynésie la 1ère a atteint 36,5 % de part d’audience en 2022, devant la chaîne privée TNTV, soit le plus haut niveau des chaînes La 1ère. Mayotte la 1ère, Nouvelle-Calédonie la 1ère et Guyane la 1ère réalisaient respectivement 31,4 %, 30,2 % et 30,4 % de part d’audience, en tête chacun dans sur son territoire. Guadeloupe la 1ère se maintient à 27,4 % de part d’audience (part identique à celle de 2021) et La Réunion la 1ère atteignait 14,7 % (contre 12,8 % en 2021). Martinique la 1ère fait face à la concurrence de la chaîne privée ViàATV mais a toutefois gagné près de 2 points en 2022, atteignant 19,2 % de part d’audience ([24]).

2.   Les services de radio d’Outre-mer La 1ère

À l’image des chaînes de télévision, il existe neuf radios dans le réseau Outre-mer La 1ère. En 2022, l’ensemble des radios du réseau ultramarin de France Télévisions rassemblait 442 000 auditeurs en outre-mer, soit 21 % de couverture quotidienne ([25]).

Mayotte la 1ère, radio la plus performante, a atteint 57,8 % de part d’audience, progressant de 2 points en 2022 ([26]). Nouvelle-Calédonie la 1ère voit sa part d’audience baisser à 26,6 %, après une très forte hausse en 2021 (+ 13,8 points, soit 35,3 % de part d’audience ([27])). La part d’audience de la radio la 1ère atteint 47,6 % en Guyane en 2022 (+ 2,5 points par rapport à 2021), 24 % en Guadeloupe, 20,1 % en Polynésie (à la tête des radios de Polynésie), et 11 % à La Réunion.

Les langues régionales représentent une composante importante de la programmation des radios La 1ère, notamment dans les productions locales et l’information (à l’exception logique de Saint-Pierre et Miquelon la 1ère, en l’absence de langue régionale en usage dans ce territoire).

3.   Le portail d’Outre-mer La 1ère

Outre les neuf sites internet, il existe le « portail des Outre-mer », un portail numérique composé d’un site internet (créé en 2020) et d’une application (refondue en 2021). Le portail des Outre-mer propose les offres des radios et télévisions des 1ères, une offre enrichie avec un live permanent, des dossiers thématiques ainsi que des programmes natifs (podcasts et vidéos). Le portail est désormais accessible sur les télévisions connectées et les principaux opérateurs internet de l’Hexagone, permettant une transversalité entre les territoires. En 2022, les sites, l’application mobile La 1ère et le portail des Outre-mer atteignaient 144,43 millions de visites.

III.   LA MISE EN ŒUVRE D’un PREMIER PACTE POUR LA VISIBILITÉ DES OUTRE-MER DE 2019 par France télévisions

A.   LE PACTE POUR LA VISIBILITÉ DES OUTRE-MER DE FRANCE TÉLÉVISIONS

France Ô, chaîne du groupe France Télévisions et du réseau La 1ère, a été créée en 2005 pour succéder à RFO Sat. La chaîne était consacrée aux outre-mer et diffusée sur la TNT depuis 2010 afin de renforcer la visibilité des territoires ultramarins dans l’Hexagone.

La part d’audience de la chaîne étant limitée à 0,4 % ([28]), le ministère de la Culture a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ([29]), à l’occasion de la réforme de l’audiovisuel envisagée par le Gouvernement en 2018, l’arrêt de sa diffusion sur la TNT. France Ô a donc cessé d’émettre en août 2020, son canal ayant été attribué à la chaîne d’information Franceinfo.

En 2019, la délégation sénatoriale aux outre-mer publiait un rapport d’information sur la représentation et la visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public ([30]), dans lequel les outre-mer étaient décrits comme « territoires oubliés des grandes chaînes publiques nationales ». Le rapport appelait à une « restructuration programmatique des chaînes publiques » afin d’assurer une meilleure visibilité des outre-mer et de leurs populations.

Dans ce contexte, le Pacte pour la visibilité des Outre-mer a été signé le 11 juillet 2019 entre France Télévisions et les ministres des Outre-mer et de la Culture. Ce Pacte comprend vingt-cinq engagements avec des indicateurs chiffrés et mesurables afin de s’assurer de la présence des outre-mer dans l’ensemble de l’offre de France Télévisions.

Le Pacte de 2019 fixe à France Télévisions trois grands objectifs :

‒ adopter un « réflexe Outre-mer » dans l’ensemble de l’offre ;

‒ s’ouvrir aux outre-mer à travers des espaces dédiés ;

‒ renforcer les liens du Pôle Outre-mer avec les territoires de l’Hexagone.

Le Pacte prévoit par ailleurs des mécanismes de suivi et de contrôle. Il impose à France Télévisions de « rendre annuellement et publiquement compte de la mise en œuvre des engagements et des indicateurs » (engagement n° 25 du Pacte).

Un comité de suivi du Pacte a été créé, composé de personnalités diverses : des parlementaires désignés par le ministère des Outre-mer, des représentants de l’État, un membre de l’Arcom, des représentants des syndicats de producteurs audiovisuels et des sociétés d’auteurs et des personnalités qualifiées. Ce comité doit tenir des réunions semestrielles ; le 8e comité a eu lieu en juin 2023 et le prochain se tiendra en novembre 2023. Par ailleurs, l’Arcom contrôle les engagements du Pacte dans le cadre de son examen de l’exécution des COM des sociétés de l’audiovisuel public ([31]).

B.   LE RESPECT DES 25 ENGAGEMENTS DU PACTE SPÉCIFIQUE À FRANCE TÉLÉVISIONS

En 2022, France Télévisions avait mis en œuvre les vingt-cinq engagements prévus par le Pacte pour la visibilité des Outre-mer de 2019.

1.   Renforcer le réflexe Outre-mer dans l’ensemble de l’offre

Au titre du « réflexe Outre-mer dans l’ensemble de l’offre », le Pacte prévoit qu’au moins un programme ultramarin soit proposé chaque mois en première partie de soirée (« prime time ») sur les chaînes de France Télévisions (engagement n° 1). Cet engagement a été respecté et l’objectif a même été dépassé puisque, sur l’année 2022, 49 premières parties de soirée étaient consacrées aux outre-mer (75 en incluant Culturebox) alors qu’on en dénombrait seulement 8 en 2018.

Programmes et sujets ultramarins

Le Pacte pour la visibilité des Outre-mer de 2019 définit les notions de « programme ultramarin » et de « sujet ultramarin » :

Un programme est qualifié de programme ultramarin « dès lors qu’il remplit au moins l’une des conditions suivantes :

 le programme est financé ou co-financé par une ou plusieurs antennes du Pôle Outre-mer ;

 la société de production ou de co-production du programme a son siège dans un territoire ultramarin et/ou réalise au moins 50 % de son chiffre d’affaires en outre-mer ;

 une part substantielle de son contenu est tournée dans un territoire d’outre-mer ;

 le programme traite d’un sujet explicitement lié à un ou plusieurs territoires d’outre-mer ;

 le programme met en avant de façon significative une personnalité, une initiative, une œuvre, un mouvement, un lieu ou un événement culturel ou historique issu d’un territoire d’outre-mer. »

Est considéré comme sujet ultramarin, « dans les journaux télévisés d’information, tout élément d’une édition nationale d’information (reportage, synthèse, duplexe, off…) qui a trait à l’Outre-mer. »

Par ailleurs, France Télévisions se doit de « faire progresser […] la représentation de l’Outre-mer dans les grandes éditions nationales et d’information » (engagement n° 2). Le groupe comptabilise plus de mille sujets d’information dans les journaux d’information en 2022, soit quatre fois plus qu’en 2019 ([32]).

Au titre de l’engagement n° 5, la rédaction nationale de France Télévisions s’est dotée d’une équipe de coordination outre-mer. Celle-ci se trouve sur le site de Malakoff qui accueille les studios, régies, bureaux et locaux techniques du réseau La 1ère. Les activités de cet établissement sont au service des stations et de la visibilité des outre-mer. France Télévisions a d’ailleurs pour ambition de fermer l’établissement de Malakoff de sorte que l’équipe du Pôle Outre-mer rejoigne la rédaction nationale dont le siège est à Paris (15e arrondissement). Le rapprochement des équipes au sein des mêmes locaux renforcera l’intégration du Pôle Outre-mer et permettra une meilleure prise en compte des sujets ultramarins.

2.   S’ouvrir aux Outre-mer à travers des espaces dédiés

Afin de « s’ouvrir aux Outre-mer à travers des espaces dédiés », le Pacte prévoit que France Télévisions propose un magazine quotidien généraliste sur une chaîne nationale consacré à l’actualité, aux sociétés et aux cultures d’outre-mer (engagement n° 8). Depuis 2021, France Télévisions diffuse outremer.lemag (prenant la suite de l’émission Les témoins d’Outre-mer, diffusée de 2019 à 2021) du lundi au vendredi à 11 h 15 (depuis septembre 2023). Le groupe diffuse aussi le Journal des Outre-mer sur France 3, outremer.l’info, dont la durée est passée de 6 à 9 minutes depuis septembre 2021 (engagement n° 9). Au titre de l’engagement n° 15 du Pacte, qui prévoit une opération événementielle consacrée aux outre-mer entre plusieurs chaînes ([33]), France Télévisions a organisé l’opération « Cœur Outre-mer » ([34]).

L’engagement n° 10 du Pacte prévoit en outre le lancement de la nouvelle offre numérique des outre-mer avec un portail national dédié et la refonte de l’application La 1ère, mentionnés précédemment. 

La sanctuarisation du budget de 10 millions d’euros consacré aux co-financements entre les 1ère et les antennes nationales et numériques a aussi été respectée (engagement n° 12). France Télévisions a également doublé le budget pour la production de documentaires locaux.

3.   Renforcer les liens du Pôle Outre-mer avec les territoires et l’Hexagone

Enfin, France Télévisions s’est engagée à « renforcer les liens du Pôle Outre-mer avec les territoires et l’Hexagone ». En ce sens, l’intégralité de l’offre de France Télévisions est accessible sur la TNT en outre-mer et diffusée en haute définition (engagement n° 16). L’entreprise met aussi à disposition de Radio France et de France Médias Monde les contenus audio produits par le Pôle Outre-mer (engagement n° 20). France Télévisions renforce par ailleurs le soutien à la production documentaire locale en doublant ses investissements (2,1 millions d’euros sont sanctuarisés depuis 2021 – engagement n° 17) et produit la série OPJ tournée à La Réunion (engagement n° 18).

France Télévisions souligne aller au-delà des engagements du Pacte par certaines initiatives mises en place. À titre d’exemple, « Culturebox », lancée sur la TNT, a été créée postérieurement au Pacte et valorise les artistes ultramarins avec des programmes dédiés et des soirées en prime time.

Plusieurs projets en cours au sein de l’entreprise renforceront davantage encore la visibilité des outre-mer, à l’image du rassemblement d’un comité d’experts ultramarins pluridisciplinaires, de la création du Festival Convergences pour réunir des artistes ultramarins ([35]) et du lancement d’une plateforme audio avec une offre de podcasts natifs. 

À l’occasion du rapport d’exécution du COM de France Télévisions ([36]), l’Arcom a salué la bonne mise en œuvre des engagements pris au titre du Pacte de visibilité. Elle recense notamment 44 programmes ultramarins diffusés en première partie de soirée pour l’année 2022, soit nettement plus que le minimum requis de 12 programmes. Elle encourage également France Télévisions à poursuivre son initiative visant à aboutir à une définition plus qualitative de la visibilité des outre-mer et accroître la part de l’actualité ultramarine au sein des contenus ultramarins ([37]).

IV.   UNE DÉMARCHE ÉLARGIE à toutes les entités DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC : L’APPLICATION DU PACTE POUR LA VISIBILITÉ DES OUTRE-MER DE 2021

La volonté de renforcer la visibilité et l’intégration des outre-mer au sein de l’audiovisuel public français a donné lieu à l’élargissement de la démarche à l’ensemble des entités le composant. Ainsi, le 22 octobre 2021, un Pacte pour la visibilité des Outre-mer a été signé entre l’État et les entités de l’audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte France, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel), sur le modèle initié en 2019 par France Télévisions. Ce Pacte comprend quinze engagements visant à améliorer la représentation et la visibilité des outre-mer dans le paysage audiovisuel.

Trois objectifs principaux figurent dans ce nouveau pacte :

– améliorer la visibilité des outre-mer par le biais de l’enrichissement mutuel des offres de l’audiovisuel public ;

– améliorer la distribution des contenus et des services ultramarins ;

– favoriser la présence d’ultramarins dans les programmes et leur conception.

A.   France Télévisions

Pour France Télévisions, des engagements similaires à ceux du Pacte de 2019 se retrouvent dans le Pacte de 2021. France Télévisions s’engage à mettre à disposition des autres entités de l’audiovisuel public davantage de contenus ultramarins, qu’elle produit et dont elle détient les droits (engagement n °1).

France Télévisions se positionne en véritable chef de file des coopérations entre les entités de l’audiovisuel public afin d’offrir une meilleure visibilité des outre-mer. En effet, conformément à l’engagement n °11 du Pacte, Radio France, France Médias Monde, l’INA, TV5 Monde et Arte mettent à disposition du Réseau La 1ère, piloté par France Télévisions, une sélection de programmes ultramarins. France Télévisions doit par ailleurs ouvrir à l’ensemble des entités de l’audiovisuel public son annuaire d’experts ultramarins (engagement n °12).

France Télévisions gère également l’opération « Cœur Outre-mer » mentionnée précédemment, en partenariat avec Radio France, France Médias Monde, TV5 Monde et l’INA.

B.   RADIO FRANCE

Pour rappel, Radio France n’est pas chargée de la mission de diffusion de services de radio dans les territoires ultramarins, celle-ci incombant à France Télévisions par le réseau La 1ère. L’entreprise doit toutefois participer à la représentation des outre-mer sur ses antennes « que ce soit au travers de l’actualité, de l’histoire, des cultures ultramarines ou de ses actions dans les territoires » ([38]). Quatre des quinze engagements du Pacte de 2021 s’appliquent ainsi à Radio France.

Radio France contribue à la visibilité des territoires ultramarins sur ses antennes par des programmes d’information sur l’outre-mer :

 Les chroniques littorales dans le 5/7 deux fois par semaine sur France Inter ;

 Le journal des Outre-mer chaque dimanche sur Franceinfo (qui informe aussi quotidiennement de l’actualité des outre-mer) ;

 Bleu Outre-mer chaque dimanche sur France Bleu.

Radio France travaille avec les journalistes du service public présents dans les territoires ultramarins et peut aussi déployer ses propres journalistes et reporters.

Le groupe radiophonique s’engage par ailleurs dans le soutien à la création et dans le développement des artistes ultramarins. Des programmes musicaux ([39]) et culturels ([40]) reçoivent ainsi des artistes et écrivains d’outre-mer. C’est également en ce sens que se sont tenus les Concerts volants, en partenariat avec Arte, réunissant l’artiste guyanaise Saïna Manotte, l’artiste guadeloupéenne Lycinaïs Jean et le rappeur martiniquais Tiitof à l’Institut du monde arabe à Paris (engagement n° 13).

Le projet stratégique de Radio France, axé sur le numérique, joue en outre un rôle particulier à l’égard des territoires ultramarins. Le décalage horaire entre l’Hexagone et les outre-mer empêche les habitants des territoires ultramarins d’écouter la radio en direct. En accueillant non seulement les podcasts de ses antennes, mais aussi ceux des autres entités de l’audiovisuel public (France Télévisions, Arte France, Radio France Internationale et l’INA), Radio France s’érige en véritable porte d’entrée à toute l’offre de podcasts des médias de service public. À titre d’exemple, France Inter est la radio la plus podcastée de France en 2023.

Afin de permettre une diffusion plus large des programmes, Radio France inclut les spécificités des territoires d’outre-mer dans son déploiement des programmes vers le numérique. Les podcasts des radios du réseau La 1ère ont ainsi été intégrés sur l’application et la plateforme de Radio France (engagement n° 9 du Pacte). Les habitants des territoires d’outre-mer peuvent dès lors écouter les journaux télévisés des 1ère, des podcasts sur la culture et l’histoire des territoires ultramarins.

L’entreprise a aussi étendu son programme Interclass’ à destination des Réseaux d’éducation prioritaire (REP) et REP + en outre-mer afin de mener des actions d’éducation aux médias et à l’information.

Enfin, France Bleu participe à l’opération « Cœur Outre-mer » en partenariat avec France Télévisions afin de faire découvrir la richesse culturelle et historique des territoires ultramarins (engagement n° 5).

C.   FRANCE MÉDIAS MONDE

France Médias Monde est constituée de médias à vocation internationale diffusés dans le monde entier et dans vingt langues différentes. La représentation et la visibilité des outre-mer fait ainsi écho à la mission de rayonnement international de France Médias Monde. En effet, « les médias de France Médias Monde s’attachent à parler des Outre-mer sur toutes leurs antennes et leurs environnements numériques, en français et dans toutes leurs autres langues de diffusion ; que ce soit dans les journaux et éditions d’informations, dans les magazines ou les débats ; et sous tous leurs angles » ([41])

Dans le cadre de la mise en œuvre de ses engagements du Pacte pour la visibilité des Outre-mer, France Médias Monde consacre des émissions aux territoires ultramarins.

Sur France 24, est diffusé un magazine d’information hebdomadaire sur l’outre-mer réalisé par le Pôle Outre-mer de France Télévisions à partir de sujets et d’images des stations du réseau La 1ère (engagement n° 4). La diffusion multi-créneaux de ce magazine dans chaque territoire permet au moins une diffusion du magazine en matinale et en prime time.

 

RFI propose Le journal d’Outre-mer La 1ère dans l’édition d’information « 24 heures en France » passant en revue l’actualité économique, politique, sociale et culturelle des outre-mer pour le public mondial de RFI. Par ailleurs, la radio diffuse Le journal d’Haïti et des Amériques qui propose un contenu spécifiquement consacré à l’actualité des Antilles.

Ces programmes reposent sur une large coopération avec les autres acteurs du service public audiovisuel, aussi bien pour les productions communes tels que les journaux d’information que pour la reprise des contenus du réseau La 1ère dans le cadre de l’accord avec France Télévisions.

Par ailleurs, comme le prévoit l’engagement n° 5 du Pacte pour toutes les entités de l’audiovisuel public, France Médias Monde participe aux opérations en lien avec les outre-mer dont l’opération « Cœur Outre-mer » organisée par France Télévisions.

D.   l’INSTITUT NATIONAL DE L’AUDIOVISUEL

L’Institut national de l’audiovisuel (INA) est concerné par cinq engagements du Pacte pour la visibilité des Outre-mer.

Le Pacte prévoit la mise en place d’un baromètre permettant d’analyser aux plans quantitatif et qualitatif le traitement de sujets ultramarins dans les émissions d’information (engagement n° 7). En ce sens, l’INA a publié une étude de visibilité intitulée « 25 ans de médiatisation des Outre-mer » ([42]), accessible sur le site de l’Inathèque, qui couvre la période 1995-2021.

L’INA indexe par ailleurs les archives ultramarines qu’il conserve en vue de leur exploitation dans une perspective historique et mémorielle (engagement n° 6).

L’INA travaille en synergie avec France Télévisions afin d’alimenter le portail Outre-mer (engagement n° 11). Des premiers contenus d’archives consacrés à l’outre-mer diffusés par l’INA ont pu être utilisés par le réseau La 1ère, notamment dans le cadre de la rubrique « Archives d’Outre-mer ».

Enfin, en application des deux derniers objectifs du Pacte, l’INA s’attache à développer des parcours de formation professionnelle spécifique aux outre-mer. L’INA proposera en effet, à la fin de l’année 2023, une formation sur la thématique des fondamentaux de la production incluant un point sur l’éco-production à destination des intervenants du spectacle travaillant pour les sociétés de production, chaînes de télévision ou radios locales ainsi que pour les salariés de Réunion la 1ère et Mayotte la 1ère. Par ailleurs, le dispositif « Classe Alpha » de pré-qualification et d’insertion professionnelle aux métiers de l’audiovisuel et des médias numériques a adapté son processus de recrutement pour accueillir des étudiants venant des outre-mer et leur proposer, à l’issue de la formation, des offres d’alternance et de stage.

E.   TV5 MONDE

TV5 Monde est une chaîne francophone associant les radiodiffuseurs publics français, belge, canadien, suisse et monégasque.

La chaîne s’attache à diffuser davantage de programmes ultramarins sur ses chaînes et sa plateforme (engagement n° 3). En effet, sur ses antennes, TV5 Monde a proposé 1 621 heures de programmes outre-mer durant la saison 2022-2023 alors qu’elle en proposait 1 099 en 2021-2022 (soit une évolution de + 47,5 % ([43])). Sur la plateforme TV5MONDEplus, le nombre d’heures consacrées aux programmes ultramarins est passé de 63 en 2021-2022 à 167 pour la saison 2022-2023 (soit une augmentation de 165 %).

TV5 Monde se doit de proposer des contenus produits par le réseau La 1ère et mis à disposition par France Télévisions sur ses chaînes linéaires et sa plateforme TV5MONDEplus ([44]) (engagement n° 3).

La chaîne travaille en synergie avec France Télévisions et a repris des programmes du Pôle Outre-mer de France Télévisions durant l’année 2022. À titre d’exemple, TV5 Monde a diffusé le journal outremer.l’info sur les chaînes Afrique, Amérique Latine, Caraïbes, France/Belgique/Suisse/Monaco ou encore le magazine des Outre-mer, outremer.ledoc, de France 3 sur sa plateforme TV5MONDEplus. Elle coproduit avec France Télévisions Latitudes Outre-mer, trois émissions spéciales consacrées exclusivement à l’outre-mer.

TV5 Monde salue le lien culturel tissé entre les pays par le biais des différents programmes diffusés et note que « la France d’Outre-mer facilite le dialogue entre les cultures, c’est un atout culturel et régional, qui est l’une des missions de TV5 Monde » ([45]).

F.   ARTE FRANCE

Arte est une chaîne franco-allemande à vocation européenne. La programmation est co-décidée en accord avec les équipes allemandes qui sont attachées au principe de Staatsferne (indépendance vis-à-vis de l’État). Arte est signataire du Pacte pour la visibilité des Outre-mer mais soumise à moins d’engagements en raison de ce statut particulier.

La chaîne se définit comme « une fenêtre sur le monde qui cultive la curiosité, qui sensibilise à la différence et qui offre des clés de compréhension de ce qui nous entoure ». Il s’agit de « l’ADN d’Arte et c’est donc tout naturellement que les artistes et territoires ultramarins trouvent leur place dans les programmes proposés au sein du bouquet éditorial de la Chaîne, conformément aux engagements que nous avons pris dans le cadre du Pacte pour la visibilité des Outre-mer » ([46]).

Ainsi, Arte France propose une offre documentaire visant à renforcer la visibilité des outre-mer :

– ce fut le cas de l’édition des Concerts volants, en partenariat avec FIP, consacrée à trois artistes ultramarins et disponible en ligne jusqu’en septembre 2023 ;

– par ailleurs, 23 numéros d’Invitation au voyage, le magazine culturel de découverte de la chaîne, ont été consacrés aux artistes ultramarins (tels que Auguste Lacaussade, Danyèl Waro ou encore Simone Schwarz-Bart) ;

– en 2023, Arte a produit, avec une production exécutive guyanaise et le soutien de la collectivité de Guyane, Amazonie, les murmures de la forêt de Luc Marescot ;

– en 2022, la chaîne a aussi produit Amazonie, les civilisations oubliées de la forêt de Marie Thiry et Marc Jampolsky (avec la participation du ministère des Outre-mer et dont une grande partie a été tournée en Guyane) ;

– enfin, cinq épisodes intitulés Océanie, les défis de la mer sont actuellement en production.

La chaîne investit aussi dans la création avec, à titre d’exemple, la série Battle se déroulant dans l’univers du break dance à La Réunion.

G.   BILAN D’APPLICATION DU PACTE

Le Pacte pour la visibilité des Outre-mer a grandement contribué à mettre en avant les territoires ultramarins dans les programmes de l’audiovisuel public.

Les engagements du Pacte sont respectés par les entités de l’audiovisuel public. La place des outre-mer dans le traitement de l’actualité, les fictions, le sport et les documentaires s’en trouve ainsi renforcée.

Un bilan du Pacte élargi pour la visibilité des Outre-mer entre l’État et les entités de l’audiovisuel public devait être rendu public en 2022. Il n’a cependant pas encore été publié à ce jour.

La rapporteure pour avis s’interroge sur ce retard, et appelle à la désignation d’un chef de file pour la mise en œuvre du Pacte. Celui-ci pourrait suivre et encourager chaque année la fixation d’objectifs ambitieux ainsi que coordonner leur réalisation.

Par ailleurs, le rapport de l’Arcom sur la représentation de la diversité française dans les médias en 2022, présenté au Parlement en 2023, constate la baisse continue de la présence des populations ultramarines à l’écran, à savoir 1 %  du total des personnes indexées ([47]), alors qu’elles représentent environ 4 % de la population française. L’Arcom précise néanmoins que la représentation des populations ultramarines progresse sur les chaînes du service public, avec 7 % de présence sur France 2, France 3, France 4, France 5 et Franceinfo en raison de la bonne application du Pacte pour la visibilité des Outre-mer.

Evolution du taux de représentation des outre-mer

Graphique extrait du rapport de l’Arcom sur la représentation de la société française à la télévision et à la radio – Exercice 2022 et actions 2023.

La rapporteure pour avis estime qu’il serait pertinent d’élargir la démarche du Pacte aux acteurs de l’audiovisuel privé qui le souhaitent, afin de renforcer davantage la visibilité des outre-mer dans le paysage audiovisuel français. Un comité de suivi élargi pourrait dès lors assurer le suivi de ces engagements volontaires.


—  1  —

   Travaux de la commission

I.   Audition de la ministre

Lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9 heures 30 ([48]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie), Mme Rima Abdul Malak, ministre de la Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver pour ce traditionnel rendez-vous budgétaire.

Après l’intervention liminaire de Mme la ministre, nous débattrons d’abord de la mission Culture. Nous entendrons successivement l’intervention de la rapporteure pour avis, puis les questions des orateurs de groupe et celles des autres membres de la commission, auxquelles la ministre répondra. Nous passerons ensuite, selon le même schéma, à la discussion conjointe de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public.

À l’issue des deux discussions générales, nous examinerons les amendements.

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. Le budget du ministère de la Culture pour 2024 est de nouveau en hausse : plus 6 % par rapport à celui de 2023, qui avait déjà progressé de 7 %. Il s’élève à 4,4 milliards d’euros environ, auxquels s’ajoutent un peu plus de 4 milliards pour l’audiovisuel public – en hausse de 228 millions d’euros. Il est complété par 804 millions d’euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé ainsi que par le loto du patrimoine pour environ 25 millions d’euros, et les mesures fiscales, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Le total atteint ainsi 11 milliards d’euros.

Avec les crédits budgétaires dédiés à la culture par d’autres ministères – Éducation nationale, Enseignement supérieur, Armées, pour certains musées –, le total des crédits en faveur de la culture est quasiment porté à 16 milliards d’euros. Et n’oublions pas les centaines de millions d’euros du plan France 2030 que le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) mettra au service de notre ambition pour les industries créatives, sur l’ensemble du quinquennat.

Cette politique ambitieuse peut se déployer grâce au travail quotidien de plus de 29 000 agents, dont je salue l’engagement. Le ministère de la Culture forme également 37 000 étudiants, dans près de cent établissements de l’enseignement supérieur Culture. C’est un formidable vivier pour se projeter, pour dessiner l’avenir.

Depuis mon arrivée à la tête du ministère de la Culture, je n’ai eu de cesse d’affirmer les priorités sous lesquelles j’ai placé mon action : susciter l’envie de culture auprès de la jeunesse et en favoriser l’accès ; protéger notre souveraineté culturelle face à l’hégémonie des plateformes numériques ; soutenir l’innovation et la création ; former la relève et développer les compétences ; préserver notre patrimoine, ses bâtiments comme ses savoir-faire, grâce à un plan ambitieux pour les métiers d’art ; contribuer à apaiser les mémoires par la culture ; défendre le pluralisme, l’indépendance des médias et un audiovisuel public fort.

Cette politique culturelle, que je veux vivante, ouverte à tous et ancrée dans tous les territoires, va pouvoir se déployer grâce à ce budget historiquement élevé, comme elle le fait depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

En 2023, dans un contexte de sortie de crise, le budget se voulait de résilience. Il nous a permis de faire face à l’inflation, mais aussi de mener de nouvelles initiatives, comme la stratégie pour les métiers d’art, le fonds d’innovation territoriale ou les projets d’olympiades culturelles. Nous entendons que celui de 2024 soit un budget de transformation, pour changer les modèles en profondeur et faire face à toutes les mutations que connaît le monde de la culture. Il faut ainsi accélérer la transition écologique, mieux produire et mieux diffuser – notamment pour ce qui est du spectacle vivant – et s’approprier les nouvelles technologies. Nous devons aussi poursuivre le renouvellement des publics, investir dans l’éducation artistique et l’accès des jeunes à la culture, anticiper la relève des métiers, en matière de formation et de développement des compétences. Nous mettrons en œuvre cette politique dans tous nos territoires grâce à la restauration du patrimoine, grâce à des projets tels que l’Été culturel ou en mobilisant les moyens du Fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels (Feac) et du fonds d’innovation territoriale.

L’année 2024 sera une année olympique qui, pour nous, marquera l’aboutissement de grands chantiers. La Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, sera bientôt ouverte au public ; elle accueillera le sommet de la Francophonie à l’automne. Deux rénovations majeures seront également achevées en cette année 2024 : celle du Grand Palais, qui rouvrira ses portes à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques ; celle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la réouverture est prévue le 8 décembre.

Dans un monde de plus en plus compétitif, le budget pour 2024 va également contribuer à renforcer la place de notre culture, mais aussi à continuer à tisser des liens généreux et sensibles entre les artistes et les habitants, dans chaque territoire.

Comme je m’y étais engagée auprès des entreprises de l’audiovisuel public, ce budget est assorti d’une trajectoire sur cinq ans, afin de leur donner de la visibilité jusqu’à 2028. Il est composé, selon une logique nouvelle, d’une dotation de base et d’une enveloppe complémentaire. La dotation permet de poursuivre les missions confiées à ces entreprises, de prendre en compte l’inflation et de compenser les effets fiscaux induits par la suppression de la redevance et le changement de mode de financement. L’enveloppe complémentaire sera exclusivement consacrée à des projets de transformation et de modernisation ainsi qu’à des priorités et à des collaborations inscrites dans des contrats d’objectifs et de moyens (COM). Cette enveloppe est au total de 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros pour 2024. Une clause de revoyure est prévue en 2026.

Les autres hausses du budget permettront de renforcer les moyens des structures de la création et de la diffusion, et d’accompagner leur mutation. L’accent porte notamment sur le soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs. Les formations et nos écoles d’enseignement supérieur artistique seront également soutenues, notamment celles d’architecture et les écoles d’art territoriales, que ce soit en matière d’investissement, de fonctionnement ou d’emploi.

La protection et la valorisation du patrimoine bénéficieront de crédits en hausse de 55 millions d’euros, qui serviront notamment aux rénovations sur tout le territoire. Le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP), en hausse également, a vocation à accompagner, avec les régions, les chantiers dans de petites communes, pour la plupart de moins de 10 000 habitants. Des mesures salariales, très attendues, sont également prévues pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

La priorité pour la lecture est à nouveau réaffirmée, à travers une stratégie déployée sur tout le territoire grâce au Centre national du livre (CNL), aux bibliothèques et aux collectivités. La presse locale, les radios locales et l’AFP (Agence France-Presse) bénéficieront, elles aussi, d’un soutien accru, afin de promouvoir le pluralisme de l’information.

En matière d’emploi, 125 équivalents temps plein (ETP) nouveaux seront affectés, notamment, aux musées, pour la sécurisation des acquisitions et la recherche de provenance, à la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts – à hauteur de 15 ETP – ou encore à la montée en puissance du Centre national de la musique (CNM), à raison de 10 emplois supplémentaires.

Je ne vais pas détailler davantage le contenu de ce budget et vous propose d’apporter les précisions que vous pourriez attendre en répondant à vos questions.

*

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à la discussion générale sur la mission Médias, livre et industries culturelles et le compte spécial Avances à l’audiovisuel public.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis (Médias, livre et industries culturelles). Dans les grandes masses budgétaires du projet de loi de finances, les 736 millions d’euros de la mission Médias, livre et industries culturelles ne pèsent quasiment rien, surtout si on les compare aux 86 milliards d’euros de la mission Enseignement scolaire. Ces crédits revêtent cependant des enjeux fondamentaux pour la vie économique, démocratique et culturelle de notre pays. Le soutien financier que la nation consent à l’égard des secteurs stratégiques que sont la presse, la musique, le cinéma et le livre est plus que jamais justifié dans un contexte d’inflation persistante, d’une part, et de bouleversements majeurs des modes de création, de diffusion et de rémunération, d’autre part. L’État ne peut pas tout mais, en l’espèce, il peut et doit faire beaucoup. Les entreprises soutenues par la mission ne sont pas de simples opérateurs économiques soumis à la loi du marché ; elles sont également des acteurs d’intérêt général, qui évoluent dans un environnement de plus en plus concurrentiel et mondialisé, où des plateformes étrangères dotées d’une force de frappe financière considérable entendent imposer leur loi. Un seul chiffre suffira à en prendre la mesure : l’an dernier, Netflix a investi 17 milliards de dollars dans la production de contenus originaux, contre 440 millions d’euros pour France Télévisions et 250 millions d’euros pour Canal+.

S’agissant de la presse et des médias, la situation demeure difficile. Le choc de la crise sanitaire s’est ajouté à la crise, déjà ancienne, de l’effondrement du lectorat et des tirages papier, que les aides à la transition numérique des titres ne pourront suffire à compenser. La diffusion de la presse continue de reculer en 2022 et les recettes publicitaires, notamment du fait de la concurrence des plateformes, peinent à se rétablir. Une légère amélioration est à noter en 2022, mais leur niveau reste inférieur de près de 5 % à celui de 2019. Le dernier choc en date est lié à l’inflation, sous l’effet de laquelle le prix de la tonne de papier est passé de 400 euros en 2021 à 1 000 euros. Redescendrait-il à 800 euros, en moyenne, sur l’année 2023, que ce prix élevé continuerait de menacer certains titres structurellement fragiles. Cette situation justifie pleinement la création d’un fonds de soutien doté de 30 millions d’euros.

Pour ma part, je renouvelle la proposition que j’avais formulée l’an dernier avec Violette Spillebout, d’étendre le pass culture aux abonnements de la presse écrite, toutes catégories confondues. Ce sont les jeunes qui lisent le moins la presse, alors même que celle-ci constitue un rempart contre les pratiques de désinformation, si dangereuses pour leur émancipation et pour la cohésion sociale.

Les crédits des aides à la presse seraient stabilisés en 2024, tandis que la réforme du postage et du portage se poursuit et qu’il est encore trop tôt pour en apprécier pleinement les effets. Je ne suis pas défavorable à l’incitation au portage, encore faut-il s’en donner les moyens. La fragilisation de la filière des vendeurs-colporteurs de presse est, de ce point de vue, très préoccupante, notamment du fait de l’augmentation des coûts de l’énergie et du transport. Par ailleurs, la création des zones à faibles émissions (ZFE) ne leur facilite pas ma tâche, c’est le moins que l’on puisse dire.

J’ai également été alerté sur la problématique de la distribution de la presse dans les outre-mer. Une aide au pluralisme des titres ultramarins, de 2 millions d’euros, a été instituée en 2021, mais elle ne vise pas à soutenir la distribution de la presse nationale dans ces territoires. Les aides à l’impression numérique locale sont utiles, mais insuffisantes. L’aide au pluralisme des titres ultramarins doit donc être renforcée et inclure l’aide à la distribution.

Toujours à propos de la presse, les états généraux de l’information seront l’occasion de réfléchir à une refonte globale des aides, qui sont nombreuses et parfois difficilement lisibles. L’introduction de nouveaux critères pourrait être envisagée.

J’en viens aux crédits du programme Livre et industries culturelles, qui bénéficient d’une hausse en 2024. Ces nouvelles dotations ont vocation à financer le plan national de numérisation de la presse ancienne et la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires. Les besoins, là, sont énormes.

S’agissant du financement du Centre national de la musique, j’ai pu prendre connaissance des résultats de l’évaluation qu’il a réalisée des deux crédits d’impôt dont il assure la gestion. Sans entrer dans le détail, je considère que ces résultats sont satisfaisants. Je suis donc favorable à la prorogation anticipée des crédits d’impôt.

Comme beaucoup, je regrette les atermoiements qui durent depuis plusieurs mois. Le secteur du streaming par abonnement est en plein essor et représente désormais 56 % du chiffre d’affaires de la musique enregistrée. Cependant, son modèle économique n’est pas encore arrivé à maturité. Nul ne conteste le besoin de financement du CNM ; c’est sur les modalités que nous divergeons. Je considère que nous devons protéger les acteurs les plus modestes et ceux qui ne sont pas encore parvenus à la rentabilité. C’est pourquoi le scénario d’une contribution obligatoire des plateformes gratuites, comme YouTube ou TikTok, semble le plus cohérent, d’autant que ces plateformes rémunèrent peu les contenus, contrairement aux plateformes payantes. Dès lors, une augmentation du taux de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) me semble la meilleure option. Une taxe sur les services de streaming payant pourrait être envisagée ultérieurement, lorsque ces plateformes auront consolidé leur modèle économique.

Quant au scénario d’une contribution volontaire des acteurs de la musique enregistrée, il paraît tout simplement irréaliste, puisque 5 millions d’euros seulement ont été identifiés par le Gouvernement.

Je conclus avec la filière cinématographique. La fréquentation des salles connaît une amélioration sensible sur les huit premiers mois de l’année ; nous pouvons ainsi espérer renouer avec les 200 millions d’entrées sur l’année. La part de marché des films nationaux est la plus élevée d’Europe, avec 41 %. Globalement, le cinéma français se porte donc bien. Cependant, deux récents rapports sénatoriaux et un rapport de la Cour des comptes ont mis en évidence le caractère perfectible – c’est un euphémisme – du fonctionnement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), notamment pour le volet d’attribution des aides. Les aides sélectives du CNC financent, en effet, trop de films qui ne trouvent pas leur public. J’en veux pour illustration le fait qu’entre 2011 et 2018, sur les 574 films ayant bénéficié de l’avance sur recettes, 12 seulement ont généré des recettes aux guichets supérieures au coût total des œuvres, soit 2 % des films. Entendons-nous bien, le soutien à la diversité de la création a un coût et le CNC n’aurait pas de raison d’être si seuls les films rentables avaient vocation à être soutenus. Néanmoins, le mécanisme d’attribution des aides mérite d’être révisé.

J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire à la visibilité des chaînes françaises de télévision sur les équipements connectés. Je devrais plutôt parler d’invisibilisation croissante de notre audiovisuel, public comme privé, sur les interfaces d’accueil des téléviseurs connectés et des boîtiers TV connectés, sur les télécommandes et dans les magasins d’applications. Les usages évoluent très vite et le temps est bien loin où les Français n’avaient le choix qu’entre quelques chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT). Certes, la télévision reste un média puissant, mais l’audience des chaînes de la TNT ne cesse de reculer, quand la consommation de vidéos à la demande augmente de façon exponentielle. Aujourd’hui, près de 90 % des foyers français possèdent un téléviseur en mesure de recevoir la télévision et des services de vidéo à la demande, grâce à une connexion internet. Les boutons de numérotation disparaissent progressivement et les chaînes de télévision sont de moins en moins bien référencées sur les interfaces d’accueil, où les grandes plateformes étrangères – Disney, Netflix, Prime Video, YouTube – ont désormais la part belle. France Télévisions, TF1, Canal+, M6 ne sont pas sur le point de disparaître de nos écrans ; leurs programmes sont toujours connus et appréciés des Français, mais il est de notre responsabilité de garantir la « découvrabilité » des contenus audiovisuels français, à l’heure où les plateformes investissent massivement dans la création de contenus originaux, qui séduisent de plus en plus les jeunes générations.

La directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) a permis aux États membres de prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général. Il revient à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de définir le périmètre des services d’intérêt général (SIG) ainsi que les modalités de leur visibilité appropriée. Pour ma part, je suis favorable à la qualification de SIG pour l’ensemble des chaînes de la TNT. Il est indispensable que les deux consultations conduites par l’Arcom s’achèvent rapidement.

Je serais personnellement favorable à ce que les mesures de visibilité appropriées soient définies à l’échelle européenne, comme le propose l’Union européenne de radio-télévision (UER). Cela aurait le mérite de garantir une application efficace de ces mesures, le marché des téléviseurs étant, au minimum, un marché européen.

Dans le futur, l’accès aux téléviseurs connectés par wifi, ne passant plus par les fournisseurs d’accès à internet (FAI), va sans doute se développer. L’Arcom n’aurait alors plus aucune prise pour garantir la visibilité appropriée des chaînes françaises. Nous devons nous atteler dès maintenant à une réflexion sur la défense de notre souveraineté audiovisuelle. Sinon, adieu TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 ! Nous n’aurons plus le choix qu’entre Amazon, Disney, Netflix, YouTube sur nos téléviseurs connectés, car les Gafam auront pu s’offrir, à coups de milliards de dollars, leur référencement auprès des constructeurs de téléviseurs.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis (Avances à l’audiovisuel public). Cette année s’annonce décisive pour le service public audiovisuel, car elle marque l’entrée en vigueur de la prochaine génération de contrats d’objectifs et de moyens (COM), qui pourra se déployer grâce à une trajectoire budgétaire inédite, en hausse constante jusqu’en 2028.

Pour 2024, les six entités qui composent l’audiovisuel public – France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – bénéficieront d’une dotation globale de plus de 4 milliards d’euros, en augmentation de 5,5 % par rapport à 2023.

Le PLF introduit cette année un nouveau programme de transformation, doté de 200 millions d’euros pour trois ans, dont 69 millions d’euros pour l’année prochaine. Ces crédits supplémentaires auront vocation à financer des projets de modernisation en matière de proximité, de numérique et d’information. Je pense en particulier à l’approfondissement des coopérations entre entités, à l’image des rapprochements opérés entre France 3 et France Bleu, qui répondent à une réelle attente des citoyens pour une information de proximité. Sur ce point, le président de l’Arcom a préconisé, en audition, d’aller plus loin, en désignant un chef de file afin d’encourager cette dynamique.

Cette enveloppe supplémentaire permettra également de déployer une stratégie numérique ambitieuse face à la concurrence des plateformes. La promotion de contenus adaptés aux nouveaux usages numériques est, en effet, une des conditions premières pour remédier à l’éloignement des publics les plus jeunes de l’audiovisuel.

Ce programme permettra, enfin, d’affirmer le rôle central de l’audiovisuel public pour la diffusion d’une information objective, vérifiée et fiable, à l’heure du « chaos informationnel », pour reprendre les mots de Gérald Bronner.

Je me réjouis que le versement de ces moyens supplémentaires soit conditionné à la bonne réalisation des projets qu’ils soutiennent. C’est un gage de confiance à l’égard des entités dans leur capacité à mener à bien leur modernisation. C’est pourquoi nous serons particulièrement vigilants, lors de l’examen des COM, à ce que les indicateurs de suivi et les responsabilités de chacun soient clairement définis.

Cette ambition nouvelle doit toutefois s’accompagner d’une visibilité quant au mode de financement de notre audiovisuel public.

À partir du 1er janvier 2025, l’affectation d’une fraction de TVA, que nous avons provisoirement établie à la suite de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) en 2022, se heurtera à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). À compter de cette date, l’affectation d’une taxe à un tiers ne pourra être maintenue que si elle présente un lien avec les missions de service public qui lui sont confiées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Je salue, à ce titre, les conclusions de la mission d’information de nos collègues Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier sur l’avenir de l’audiovisuel public, qui proposent une modification ciblée de la Lolf afin de pérenniser ce mode de financement au-delà de 2024. J’appelle ainsi de mes vœux l’examen de la proposition de loi organique qu’ils ont déposée à cette occasion.

Dans sa partie thématique, mon rapport aborde l’enjeu de la visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public. Le Sénat s’est penché sur cette question à l’occasion d’une mission d’information en 2019. Il déplorait alors la situation des outre-mer comme « territoires oubliés des grandes chaînes publiques nationales ». Je constate que la représentation ultramarine dans l’audiovisuel public a bien évolué depuis. À la suite de la disparition de la chaîne France Ô, qui était consacrée aux outre-mer et diffusée sur la TNT, les entreprises de l’audiovisuel public se sont, en effet, efforcées de faire progresser la présence des territoires ultramarins sur l’ensemble des chaînes et des radios.

Un premier pacte pour la visibilité des outre-mer a été signé en juillet 2019 entre France Télévisions, le ministère des Outre-mer et celui de la Culture. France Télévisions s’y engageait à rendre plus visibles ces territoires en fixant trois objectifs : renforcer le « réflexe outre-mer » dans son offre, en faisant progresser sa représentation dans les grandes éditions nationales ; s’ouvrir aux outre-mer à travers des espaces dédiés, notamment dans les contenus numériques et par un budget sanctuarisé ; accroître les liens de son pôle outre-mer par une meilleure coopération entre les territoires et l’Hexagone.

Le comité de suivi du pacte a confirmé le respect des vingt-cinq engagements par France Télévisions en 2022. La même année, grâce à ces objectifs ambitieux, les personnes résidant dans les territoires ultramarins ont représenté 7 % du total des personnes indexées sur France Télévisions, contre 1 % sur l’ensemble des chaînes, selon l’Arcom.

France Télévisions contribue également à l’accessibilité de l’audiovisuel public dans les territoires ultramarins par son offre « Outre-mer La 1ère », qui regroupe neuf chaînes de télévision, neuf radios et neuf sites internet.

Cette démarche pour rendre les outre-mer plus visibles a été étendue en 2021, avec la signature d’un second pacte entre toutes les entités de l’audiovisuel public et l’État. Radio France y contribue avec des programmes d’information et avec son soutien à la création et aux artistes ultramarins, tandis que sa plateforme numérique accueille des podcasts provenant de tout le service public audiovisuel. France Médias Monde participe au rayonnement des territoires ultramarins grâce à ses programmes sur France 24 et RFI, comme TV5 Monde et Arte avec leur offre de contenus documentaires et artistiques. L’INA a, pour sa part, publié une étude de visibilité sur la médiatisation des outre-mer, afin d’analyser le traitement des sujets ultramarins, tout en continuant d’indexer les archives ultramarines.

Le pacte de visibilité des outre-mer de 2021 a donc grandement accéléré leur mise en lumière dans les programmes de l’audiovisuel public. Nous ne pouvons que souhaiter que cette initiative se poursuive et se renforce dans les années à venir. Un chef de file pourrait être désigné, qui serait chargé d’encourager et de fixer des objectifs ambitieux, puis de coordonner et de suivre leur réalisation. Il serait également pertinent d’engager une réflexion plus large, en invitant les acteurs de l’audiovisuel privé qui le souhaitent à s’associer à cette démarche. Selon l’Arcom, en 2022, 78 % des programmes incluant des personnes résidant outre-mer ont été diffusés par des chaînes du service public.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial (Médias, livre et industries culturelles). En 2024, le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles est en hausse substantielle, de 5,6 % en AE et de 4,4 % en CP ; il atteint 740 millions d’euros environ.

Le programme 180 Presse et médias est relativement stable, en dehors de la hausse des financements accordés à l’Agence France-Presse, dont tiendra compte son prochain contrat d’objectifs et de moyens pour 2024-2028, et de celle du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).

Concernant les aides pour le pluralisme, vous avez appelé, madame la ministre, à une réflexion qui sera, je l’espère, au cœur des débats des états généraux de l’information. Je serai, pour ma part, très attentif aux conclusions du rapport commun de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur le soutien à la distribution de la presse, qui devrait bientôt vous être rendu. Le système actuel me paraît peu lisible et peu transparent. Malgré le soutien à la distribution des quotidiens qui transitent par France Messagerie, l’équilibre financier de l’entreprise ne semble pas garanti à moyen terme, voire à court terme. Agissons en amont et n’attendons pas une nouvelle crise comme celle de 2020, qui coûterait des dizaines de millions d’euros à l’État.

Je salue les efforts budgétaires accomplis dans le programme 334 Livre et industries culturelles en faveur du livre dans toutes ses composantes. La stratégie pour développer la lecture dans les territoires sera prolongée en 2024, pendant qu’un soutien sera apporté à la BNF, dont l’équilibre financier est fragile. Par ailleurs, et sans que les deux projets soient liés, la Maison du dessin de presse et le projet de numérisation des journaux de la IIIe République nous rappellent que le débat d’idées, la controverse et le pluralisme sont au cœur de la construction démocratique de notre pays. Patrimonialiser et valoriser cette histoire du débat public et de la satire, des opinions comme des croyances, c’est protéger l’esprit même de la démocratie et de la République.

En ce qui concerne les industries culturelles, je me réjouis que les crédits d’impôt aient été prolongés : jusqu’en 2026, pour le crédit d’impôt international (C2I) et le crédit d’impôt Sofica (société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle), et jusqu’en 2027 pour le crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres phonographiques (CIPP), le crédit d’impôt spectacle vivant (CISV) et le crédit d’impôt pour les éditeurs de musique (Ciem). Cela procure la visibilité nécessaire aux filières pour engager les investissements dans la création et pour soutenir les artistes émergents.

Des améliorations à la marge peuvent encore, me semble-t-il, être apportées. Par exemple, la différenciation entre l’animation et la fiction n’a plus lieu d’être en matière de plafond de dépenses éligibles au crédit d’impôt audiovisuel. Au regard des coûts de production, les aligner, à hauteur 10 000 euros par minute, apparaît nécessaire. Le crédit d’impôt jeux vidéo peut également être amélioré pour correspondre davantage à la réalité économique des studios de création, qui est désormais celle d’une industrie de plus en plus globalisée et concurrentielle. Par ailleurs, la décision a été prise, en première partie de ce PLF, de borner le dispositif. Or la production de jeux vidéo s’inscrit dans le temps long. J’insiste sur l’impérieuse nécessité de repousser cette limite à 2026 et, surtout, de ne pas l’appliquer aux projets agréés avant cette date.

Côté cinéma, réjouissons-nous du retour du public dans les salles, notamment pour les films français. La pertinence de l’accompagnement de la filière est ainsi démontrée. Certes, le rapport de la Cour des comptes sur le Centre national du cinéma et de l’image animée souligne, à juste titre, la nécessité d’une plus grande transparence des provisions financières et de la présentation budgétaire et comptable de l’établissement. Mais il reconnaît aussi le rôle primordial de régulation et d’unification du secteur que joue cette quasi-administration centrale, unique en France, voire dans le monde. Nous pouvons être fiers, car, sans le CNC, le cinéma français aurait peut-être périclité, comme nombre d’industries cinématographiques en Europe et dans le monde. Les pays qui ont encore une véritable création nationale et qui exportent, à l’image de la Corée du sud, l’ont compris depuis longtemps. Le projet France 2030 pour le cinéma est l’occasion d’être plus offensif encore, en rendant notre territoire attractif pour les tournages et la production de séries audiovisuelles et de films.

Enfin, de nombreux orateurs l’ont rappelé, nous attendons toujours une solution pour le financement du CNM. Il n’est pas possible de maintenir une telle incertitude pour le secteur dans son ensemble et, en premier lieu, pour l’établissement public lui-même, qui doit calibrer le niveau de financement de ses différentes aides sélectives. Je regrette ce spectacle de division que donne ainsi la filière. Nous devons, quant à nous, trancher rapidement entre les pistes identifiées. La solution retenue doit permettre un financement suffisant, pérenne et, surtout, issu de la filière.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

Mme Violette Spillebout (RE). Grâce au budget ambitieux proposé pour 2024, nous pourrons soutenir la création littéraire, les auteurs et les éditeurs. Vous poursuivez ainsi, madame la ministre, la promotion et la diffusion du livre et de la lecture.

L’adaptation du secteur du livre et des industries culturelles aux mutations numériques et à leur impact sur la création et le partage de la valeur fait l’objet d’un effort qu’il convient de souligner. Les projets labellisés « La grande fabrique de l’image » en sont une belle illustration, comme chez moi, à Tourcoing.

Ce budget accompagne également les médias, un autre secteur essentiel, qui est menacé par la concentration du capital, les ingérences étrangères et l’hégémonie des plateformes et des réseaux sociaux. Il est important que, dans notre débat budgétaire, nous puissions traiter des aides à la presse, afin de garantir le pluralisme, de préserver l’indépendance des journalistes et de contribuer à la modernisation et à la transformation écologique de leurs outils de production.

Concernant les avances à l’audiovisuel public, je salue, moi aussi, le travail de nos collègues Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ; j’espère vraiment que, dans les prochains mois, nous pourrons examiner la proposition de loi organique relative à la réforme du financement de l’audiovisuel public, afin de sécuriser l’ensemble de ses acteurs.

Nous devrons également débattre du renouvellement des contrats d’objectifs et de moyens pour l’audiovisuel public, avec un projet stratégique de proximité, de renforcement de l’information et de lutte contre la désinformation.

C’est avec beaucoup de confiance que le groupe Renaissance votera les crédits accordés à la mission Médias, livre et industries culturelles et au compte spécial Avances à l’audiovisuel public.

Mme Julie Lechanteux (RN). Avons-nous réellement besoin d’un audiovisuel public aussi partial et politisé ? Il suffit d’écouter France Inter, radio financée avec l’argent des contribuables, sur laquelle la pluralité des opinions politiques des Français n’est absolument pas représentée, pour le constater.

Alors que les ménages et les entreprises croulent sous les impôts et les taxes, devons-nous continuer de financer les médias de l’audiovisuel public, France Télévisions et Radio France ? Chaque année, des montants considérables sont engagés, alors que leur privatisation permettrait de réaliser des économies budgétaires tout aussi considérables. Ces fonds devraient plutôt être investis là où c’est nécessaire – le choix ne manque pas.

Les députés du groupe Rassemblement national voteront donc contre la plupart des crédits alloués au titre des avances à l’audiovisuel public.

Concernant la mission Médias, livre et industries culturelles, comme l’a souligné mon collègue Philippe Ballard, alors que le budget du programme Livre et industries culturelles est insuffisant, les aides sélectives du CNC financent bien trop de films qui ne trouvent pas leur public. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2 % seulement de ces films ont généré des recettes au guichet supérieures au coût total de production.

Enfin, il faut que la distribution de la presse nationale dans les outre-mer soit soutenue et incluse dans le budget de l’aide au pluralisme des titres ultramarins. Cela n’est pas prévu, au mépris de l’intérêt de nos compatriotes ultramarins.

Les députés du groupe Rassemblement national ne peuvent donc pas accepter le projet de budget de la mission Médias, livre et industries culturelles, en l’état. Toutefois, nous attendons de voir où mèneront les discussions en commission.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nouvelle année, nouveau budget, bonne nouvelle : les budgets sont en hausse. Enfin, pas vraiment. Dans les faits, cette augmentation est loin de compenser l’inflation, la flambée des prix de l’énergie et les économies contraintes des dernières années. Une fois de plus, il faudra faire mieux avec moins.

Côté presse, les choses ne changent pas. Le pluralisme affiché n’en a que le nom ; vos sept milliardaires chouchous continuent de se tailler la part du lion en concentrant, non seulement les grandes franchises médiatiques, mais aussi en captant une énorme portion des aides directes à la presse. On sait bien que Bolloré, Arnault, Lagardère et les autres n’ont pas d’autre objectif que d’assurer la crédibilité, la liberté, l’indépendance et la pluralité de l’information, au service de la démocratie, et pas du tout leurs intérêts économiques – là-dessus, nous pouvons être rassurés.

Au chapitre de la création aussi le Gouvernement a fait les choses correctement : l’aide à la création radiophonique et aux podcasts disparaît purement et simplement. Merci pour cette décision, qui menace à la fois l’équilibre économique et l’avenir du secteur.

Dans ce PLF, l’absence de conditionnalité des aides publiques est toujours la règle. Pas d’inquiétude, le Gouvernement n’exige toujours aucune garantie de lutte contre le changement climatique, contre la concentration des médias ou pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Pour l’audiovisuel public, la politique de la synergie et de la mutualisation va se poursuivre, à marche forcée, vers une fusion des rédactions, au mépris de leur indépendance et en faveur de l’uniformisation des lignes éditoriales, tellement rassurante en ces temps troublés. Or, derrière cette orientation, il y a des professionnels, qui sont soumis à des réductions d’effectifs et à la précarisation du secteur depuis plusieurs années.

Vous avez l’ambition de hisser l’audiovisuel français au niveau de nos homologues européens. Quand on regarde votre projet, on en doute vraiment.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Parce que la culture domine tout, comme le rappelait le général de Gaulle, nous avons, chaque année, une responsabilité particulière lors de l’examen des crédits de ses différentes missions.

Dans le programme 180, je suis favorable aux augmentations de crédits pour l’Agence France-Presse et pour les aides à la presse, hors transport postal. La baisse des aides au transport postal s’explique par la réduction des volumes de presse postée. Elle intervient dans le cadre de la réforme du transport postal, entrée en vigueur en janvier 2023, après le protocole d’accord signé par l’État, La Poste, les éditeurs de presse et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Les aides à la distribution de la presse, elles, sont maintenues. Les états généraux de l’information et la mission IGF-Igac seront l’occasion d’une réflexion nécessaire sur les aides à la presse.

S’agissant du programme 334, je suis favorable aux crédits destinés à la poursuite de projets déjà entamés – le nouveau pôle de conservation de la BNF à Amiens, la Maison du dessin de presse, le Portail national de l’édition accessible –, auxquels s’ajoutent les 15 millions d’euros pour la BNF, en fonctionnement et en investissement.

Dans le compte spécial Avances à l’audiovisuel public, je note l’augmentation des crédits de 228 millions d’euros, soit 6 %, et le principe d’une nouvelle enveloppe complémentaire, conditionnelle, pour des projets prioritaires de transformation. Pour l’instant, le bilan des coopérations est mitigé et nous disposons d’une bonne marge de progression.

Je regrette cependant le retard de présentation des COM et le manque de transparence. Il n’est pas normal d’avoir à voter des crédits sans avoir connaissance des COM. Je déplore également l’absence de réformes structurelles et de visibilité sur le financement à long terme à partir du 1er janvier 2025. Enfin, quid de la proposition de loi organique ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur le vote de ces crédits.

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Avec des aides au pluralisme en hausse de 12 % et des moyens pour la modernisation et l’investissement en progression de 5 %, le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles conforte l’intention du Gouvernement de soutenir le quatrième pouvoir. Ces moyens seront retravaillés dans le cadre des états généraux de l’information.

De façon transpartisane, les parlementaires proposent de conditionner les aides à la presse à une certaine démocratie au sein de la rédaction, dans une proposition de loi déposée en réponse à la conduite du propriétaire du Journal du dimanche (JDD) – un journal qui reçoit 1,5 million d’euros d’aides –, qui a poussé la rédaction à la démission pour en changer la ligne éditoriale. Notre texte doit sans doute être retravaillé, mais en soutenez-vous la philosophie ?

Par ailleurs, si les aides sont essentielles, les médias ne doivent pas compter uniquement sur elles pour vivre. Nous devons les aider à construire un nouveau modèle économique, qui passe par une juste rémunération de leur activité en ligne par les acteurs du numérique. Or les négociations des droits voisins sont au point mort avec la plupart de ces acteurs. Comment les relancer ?

Sur les secteurs interdits à la publicité, quelles solutions apporter pour nous assurer que le marché ne sera pas transféré sur internet, échappant ainsi à la presse, aux radios et aux chaînes françaises de télévision ?

Votre budget est des plus ambitieux pour l’audiovisuel public. Les acteurs vont pouvoir bénéficier de moyens en forte hausse, avec 12 % d’augmentation d’ici à 2028. La méthode des projets de transformation et de modernisation est à saluer, comme l’est l’attribution d’objectifs en amont. Comment vérifier que ces objectifs ont bien été atteints et comment récupérer les sommes allouées s’ils ne l’ont pas été ? Avez-vous des pistes à nous proposer en la matière ?

Enfin, savez-vous quand nous seront présentés les prochains contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public ?

Quoi qu’il en soit, le groupe Démocrate salue et soutient ce budget, essentiel pour la vitalité de notre démocratie.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je me réjouis de la hausse des crédits alloués à la mission Médias, livre et industries culturelles, comme je me suis réjoui de celle de la mission Culture.

Je dois toutefois souligner le financement du secteur de la musique comme un point noir. Le Président de la République s’était engagé, le 21 juin dernier, à créer une taxe sur le streaming si les professionnels ne se mettaient pas d’accord sur un autre mode de financement. Tel est bien le cas, mais le Gouvernement a renoncé à instaurer une telle taxe dans la partie recettes de ce PLF.

Les perspectives actuelles de contribution volontaire des plateformes mettent en danger l’existence même du tout récent CNM, créé en 2020. En effet, le financement de cet organisme dépend du bon vouloir des plateformes, des Gafam en particulier, et peut donc s’arrêter sans préavis. Il n’est pas possible qu’un établissement public, chargé de la mise en œuvre de la politique publique de soutien à la musique puisse être financé de cette façon. Les majors de la musique et les principales plateformes de streaming se sont alliées pour refuser tout outil de mutualisation de la filière au profit de tous.

Madame la ministre, si vous ne pouvez nous assurer qu’une taxe sur le streaming pourra être instaurée dans ce projet de loi de finances, l’État devra financer le CNM. Nous demandons donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Enfin, pour ce qui est du volet Avances à l’audiovisuel public, quelles suites seront données à nos travaux sur le financement de l’audiovisuel public ? Pouvez-vous nous garantir que celui-ci sera pérenne et indépendant au-delà de 2024 ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je salue ce projet de budget ambitieux, en particulier concernant le soutien à la presse et à l’audiovisuel public, alors que la question de l’indépendance des médias et de la fiabilité de l’information se pose avec une acuité nouvelle et que nos médias font face à d’importants défis.

Même si les moyens financiers ne font pas tout et qu’il faudra prendre des mesures de régulation, nous pouvons nous réjouir du montant des avances à l’audiovisuel public ainsi que de la trajectoire pluriannuelle de moyens financiers pour les groupes de l’audiovisuel public.

Ce projet de budget, qui comprend pour la première fois une enveloppe complémentaire de 69 millions d’euros dédiée aux projets de transformation dote les groupes de l’audiovisuel public d’une visibilité indispensable, tout en leur fixant des missions ambitieuses. Ces aides permettront de conforter le statut de l’audiovisuel public, acteur important de l’information, même s’il reste plus que jamais nécessaire de réfléchir à la construction d’un nouveau modèle de financement résilient et pérenne. Je salue, à mon tour, le travail de Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon.

Je me réjouis également des nouveaux crédits dédiés à la presse, notamment des aides au pluralisme, qui soutiennent en particulier les quotidiens régionaux, départementaux et locaux et la presse période locale, ainsi que la hausse de près de 1 million d’euros du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Élu d’un territoire rural, je peux en effet témoigner de l’attachement et de la confiance qu’éprouvent nos concitoyens envers ces médias de proximité. Dans l’ensemble, le projet de budget pour cette mission marque une ambition incontestable et témoigne de priorités gouvernementales auxquelles le groupe Horizons souscrit.

Cependant, comme M. Echaniz, je m’inquiète du financement du Centre national de la musique. Ce nouvel opérateur est chargé du soutien à une industrie culturelle en pleine mutation. Dans son rapport relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, le sénateur Julien Bargeton proposait notamment l’instauration d’une taxe progressive. Je regrette que cette proposition n’ait pas été retenue dans la première partie du projet de loi de finances. Le CNM reste dans le flou ; le ministère prévoit-il en conséquence d’augmenter son budget ?

Hormis cette interrogation, le groupe Horizons et apparentés souscrit aux orientations choisies et votera ce projet de budget.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous ne nous contentons pas de la hausse prévue du montant du budget du service public de l’audiovisuel. Ce rattrapage est insuffisant, après l’absence de prise en compte de l’inflation l’an dernier et la baisse du budget les années précédentes, qui ont notamment affecté les agents et détérioré leurs conditions de travail. En outre, vous entretenez un grand flou sur la pérennisation du financement du service public de l’audiovisuel – c’était notamment le cas hier, en réponse à la question au Gouvernement de M. Gaultier. Je demande un engagement clair.

Quant aux aides à la presse, elles financent notamment des acteurs qui n’en ont pas besoin, à savoir les magnats de l’information, qui interviennent plus ou moins fortement dans les rédactions, soit pour préserver leurs intérêts économiques, soit pour faire progresser leurs idées politiques. L’octroi de ces aides doit être soumis à des conditions précises, pour qu’elles ne bénéficient qu’à ceux qui en ont besoin, notamment les plus petits acteurs, qui souffrent énormément de la hausse du coût du papier. Alors qu’un engagement clair serait nécessaire, vous ne traitez pas la question et perpétuez un système qui aide les plus gros, alors même que certains d’entre eux réduisent l’indépendance des rédactions.

Enfin, la taxe sur le streaming est la grande absente de la première partie du PLF ; le budget du CNM n’est pas consolidé comme il devrait l’être. Madame la ministre, où en sont vos projets en la matière ? Une taxe s’impose. J’espère qu’elle sera instaurée au cours de la navette parlementaire.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Comme l’indique le « bleu » budgétaire, la presse écrite, comme l’ensemble des médias, exerce un rôle fondamental dans l’information de nos concitoyens et dans la diffusion des courants de pensée et d’opinion. Cependant, la situation nationale est loin d’être satisfaisante. Bien que l’une des missions de ce projet de budget soit de garantir le pluralisme des médias, le terme « concentration » ne figure nulle part dans le texte. Pourtant, l’hyperconcentration des médias entre les mains de grands groupes financiers et de milliardaires, qui bénéficient de dizaines de millions d’euros d’aides à la presse, soulève des questions quant à notre conception du pluralisme.

Il est impératif de réformer totalement les aides à la presse, d’établir des seuils anti-concentration et de renforcer le pouvoir des travailleurs au sein de leur rédaction. Nous ne croyons pas un seul instant que l’indépendance rédactionnelle soit possible sans indépendance financière. Il est urgent d’agir, tout comme dans le domaine de l’édition. Alors que les états généraux de l’information débutent, le Parlement doit pleinement jouer son rôle dans l’élaboration d’un nouveau cadre juridique qui devra également mieux protéger les journalistes des procédures-bâillons, en coordination avec le travail entrepris au niveau européen. La récente garde à vue de la journaliste de Disclose, Ariane Lavrilleux, constitue une alerte sérieuse à cet égard.

Le rôle de l’audiovisuel est tout aussi crucial. Nous sommes soulagés que le Gouvernement renonce enfin à procéder à des coupes claires dans ce projet de budget. Cependant, cela ne compense pas les années de contraintes budgétaires injustifiées et le choix d’un mode de financement que nous continuons à contester.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Nous sommes satisfaits par les dispositions budgétaires concernant les secteurs des bibliothèques, du livre et du cinéma. En revanche, trois secteurs nous semblent fragilisés.

Nous connaissons les difficultés structurelles de la filière presse et reconnaissons que vous avez apporté quelques solutions en la matière, ou du moins, avez tenté de le faire. Le crédit d’impôt pour l’abonnement à un titre de presse, qui s’arrêtera fin 2023, n’a malheureusement pas eu l’effet escompté, et nous le regrettons. Surtout, la distribution de la presse dans les territoires ultramarins rencontre de grandes difficultés. Ses acteurs ne sont pas éligibles à toutes les aides prévues pour le secteur, alors qu’ils sont particulièrement fragiles. Nous avons déposé des amendements pour y remédier.

Par ailleurs comme de nombreux collègues, nous nous inquiétons du manque de financement du Centre national de la musique. Nous ne comprenons pas que le Gouvernement refuse d’instaurer une taxe sur le streaming musical alors qu’il manque 30 à 40 millions d’euros pour boucler le budget de cette structure. Nous proposerons du moins d’augmenter la subvention qui lui est allouée.

Enfin, un an après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, nous nous regrettons le statu quo concernant le financement de ce service public. Nous attendons une réforme ambitieuse de sa gouvernance et de sa stratégie. Il n’est pas satisfaisant qu’il soit financé par l’affectation d’une part de la TVA. Nous devons réfléchir à de nouvelles formes de financement, pour assurer son indépendance, la stabilité, la transparence et la pérennité de ses ressources. Surtout, le financement devra s’adapter aux nouvelles pratiques de consommation ; il devra être universel et progressif.

En dépit de ces déceptions et de ces inquiétudes, notre groupe est prêt à voter ce projet de budget, si le texte évolue de manière satisfaisante ; sinon, il s’abstiendra.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Emmanuel Pellerin (RE). Avec l’utilisation croissante de la norme de diffusion de la radio numérique terrestre DAB+, le paysage radiophonique français, tant public que privé, se modernise. Cependant les radios privées commerciales, qui jouent un rôle clé dans la diversité et représentent une large part de l’audience radiophonique, ne bénéficient pas pleinement du soutien financier gouvernemental pour cette transition. Elles demandent désormais un soutien spécifique pour la diffusion. L’accorderez-vous, pour assurer une transition réussie et équitable pour tous les acteurs de ce secteur ?

Mme Lisette Pollet (RN). À l’heure de l’omniprésence du numérique, il faut continuer à se mobiliser pour développer le goût de la lecture. Quelle meilleure publicité que celle offerte par les bouquinistes le long des quais de la Seine ? Ils transcendent le simple commerce de livres, pour devenir des gardiens de la mémoire culturelle de la ville. Ils maintiennent le caractère unique de Paris et permettent aux jeunes générations d’entrer en contact avec le riche héritage littéraire de notre capitale.

Alors que leur profession est déjà menacée à l’heure du numérique, la volonté de déplacer leurs casiers, voire de les faire disparaître vient leur porter un nouveau coup. L’action 01 Livre et lecture, qui absorbe 91 % des crédits du programme 334, compte, parmi ses deux objectifs, celui de soutenir la création et la diffusion du livre. Comptez-vous donc sauvegarder le savoir-faire des bouquinistes des quais de Seine ?

Mme Céline Calvez (RE). Acteur majeur de l’information et de la culture en France, l’audiovisuel public reste financé quasi exclusivement par le budget que vous nous présentez aujourd’hui. Un peu plus de 4 milliards d’euros seront consacrés au financement des entreprises de l’audiovisuel public en 2024, soit une hausse de 228 millions d’euros par rapport à l’année précédente. L’année 2024 devrait être couverte par le contrat d’objectif et de moyens pour 2024-2028, encore en négociation – disposer d’une visibilité à cinq ans, c’est mieux et cela permet de faire mieux.

Un récent rapport de l’Arcom sur l’exécution des COM pour l’année 2022 démontre que si de nombreux efforts ont déjà été fournis afin d’approfondir les coopérations, ceux-ci méritent d’être poursuivis. Nous vous félicitons donc pour le déploiement, au sein de ce PLF, d’une logique nouvelle, celle du programme incitatif de transformation, qui permettra de subordonner l’octroi de certaines subventions à l’atteinte d’objectifs concernant notamment la coopération. Je m’en réjouis d’autant plus que j’ai défendu à plusieurs reprises cette idée d’un financement spécifique en synergie. Pouvez-vous préciser le mécanisme et le calendrier de ce programme, ainsi que le rôle qui sera dévolu au Parlement dans la fixation des objectifs ?

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). La France compte une cinquantaine de magazines musicaux, tous de grande qualité, de Rock&folk aux Inrocks, à Jazz Magazine ou, plus pittoresque, à Musique bretonne. Ces acteurs d’intérêt général ont 1,5 million de lecteurs et jouent un rôle important pour l’industrie musicale, outre qu’ils servent d’intermédiaires entre le public et les artistes. Ils sont indispensables, un acteur majeur de la mise en valeur du patrimoine culturel et musical français. Pourtant, ils sont confrontés à de grandes difficultés : leurs recettes publicitaires sont en berne, ils sont confrontés à la crise du numérique, leur lectorat décroît. C’est un paradoxe : l’argent public aide parfois l’industrie musicale à financer des campagnes publicitaires qui profitent aux Gafam, en court-circuitant ces titres de presse. En outre, le prix de la tonne de papier est passé de 400 euros à 1 000 euros.

Un collectif d’éditeurs de la presse musicale tire donc la sonnette d’alarme et vous demande d’intervenir pour empêcher la disparition de ces titres. Il faudrait, par exemple, que les aides que le Centre national de la musique verse à des labels et à des artistes pour financer leurs campagnes de pub bénéficient à la presse musicale. Que comptez-vous faire pour sauver celle-ci ?

M. Alexandre Portier (LR). Un budget n’a de sens qu’au regard d’un projet, or vous ne souhaitez manifestement pas moderniser les programmes et la structure de l’audiovisuel public. C’est essentiellement un projet de budget de réaction, face aux surcoûts liés à l’inflation et aux effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Nous ne pouvons que déplorer l’absence de vision stratégique et prospective pour le secteur. C’est une faute politique, car aucune grande puissance ne peut peser dans le monde sans se donner les moyens de faire porter sa voix dans son territoire et à l’extérieur de celui-ci. Quand aurons-nous enfin un projet stratégique à la hauteur des ambitions de notre pays ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). Les nouveaux crédits de 4,9 millions d’euros alloués aux bibliothèques permettront de renforcer l’offre de service des médiathèques des territoires ruraux, des quartiers et des petites villes, en s’appuyant sur les bibliothèques départementales. Prévoyez-vous d’aider directement à la création de nouvelles bibliothèques ou à l’extension des bibliothèques existantes, sans passer par le biais des collectivités locales ? Celles-ci sont parfois rétives à la création de nouveaux points de lecture, pourtant essentiels pour aller vers de nouveaux lecteurs, et préfèrent concentrer leur action sur les médiathèques, dans une logique plus centralisatrice. Or on sait que le dernier kilomètre est particulièrement important dans ce domaine.

Par ailleurs, c’est une excellente nouvelle, ce PLF prévoit des actions ciblées sur les collectivités d’outre-mer, les centres de loisir, le Centre national du livre, en faveur de la lecture, un levier extrêmement puissant, plus que jamais indispensable contre la désinformation, la paresse intellectuelle et le renoncement à l’esprit critique. J’en profite pour remercier les bénévoles qui se mobilisent chaque jour dans l’ensemble du territoire pour donner accès à la lecture à tous.

Mme Agnès Carel (HOR). Je me réjouis de la hausse importante – de 6 % – que connaîtra le budget de la culture. Tout comme vous, je suis très attachée à la lecture pour tous. Depuis 2017, la lecture et les bibliothèques ont bénéficié d’un engagement fort de l’État, en soutien des collectivités territoriales. Ce soutien sera renforcé en 2024.

Le plan Bibliothèques, lancé à la suite de la publication du rapport « Voyage au pays des bibliothèques » d’Erik Orsenna en 2018, a débouché sur des avancées majeures. Quelque 589 projets d’extension soutenus par l’État ont permis aux bibliothèques aidées d’allonger de neuf heures trente leurs horaires d’ouverture hebdomadaire. Quelque 4,9 millions d’euros seront alloués à la stratégie pour la lecture dans les territoires, qui permettra de renforcer l’offre de service des médiathèques des territoires ruraux, des quartiers, des petites villes, en s’appuyant sur les bibliothèques départementales, pour développer de nouvelles politiques de lecture publique.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les programmes nationaux « Premières Pages » et « Des Livres à soi » ? En lien avec le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, vous avez encouragé le quart d’heure de lecture en classe. Quelles sont vos initiatives, concernant le partenariat noué entre ce ministère et l’association « Silence, on lit ! » ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Alors que le fiasco de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public oblige aux acrobaties que nous évoquons depuis tout à l’heure, serait-il envisageable de revenir sur cette aberration et de considérer enfin notre proposition d’une redevance progressive et dynamique, qui réglerait différents problèmes ?

J’aurais souhaité qu’un rapport soit produit concernant l’impact de l’intelligence artificielle sur l’industrie culturelle, mais l’amendement que j’ai déposé en ce sens a été jugé irrecevable, au motif qu’il constituerait un cavalier législatif. Vous préoccupez-vous de cette question, qui a notamment mené à une grève historique à Hollywood ? La France fera-t-elle enfin entendre, notamment au niveau européen, l’exigence du respect des droits d’auteur, à travers la transparence des données, le respect du consentement des ayants droit, comme le demandent plus de soixante-dix organismes professionnels des secteurs de la création et des industries culturelles tels que le livre, la musique, le cinéma et l’audiovisuel ?

Mme Cécile Rilhac (RE). Le montant réglementé des frais de port des livres neufs, lorsque la commande est inférieure à 35 euros, vient de passer à 3 euros. Cette disposition permettra de rétablir une concurrence équitable et de soutenir les librairies, notamment celles qui sont indépendantes ; elles ont particulièrement souffert de la crise sanitaire et de la hausse des prix de l’énergie.

Pour autant, veillons à ne pas pénaliser certains de nos concitoyens, tels que les habitants des zones rurales et des petites villes, qui n’habitent pas forcément à proximité d’une librairie et pour qui les livraisons représentaient jusqu’à maintenant une alternative pratique et économique. Il faut leur permettre de continuer à accéder au marché du livre neuf, sans avoir à engager des frais supplémentaires.

Madame la ministre, nous connaissons votre engagement pour garantir l’accès à la culture, notamment à la lecture, de nos concitoyens. Quelle part de ce projet de budget pour 2024 sera affectée à l’implantation et au développement des librairies partout sur notre territoire, afin de lutter contre les inégalités en matière d’accès au livre ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Mesdames, messieurs les députés du Rassemblement national, je suis toujours étonnée de l’incohérence entre votre défense de la culture et de la création française, et votre rejet de l’audiovisuel public. J’ai le sentiment que vous ne consultez pas vraiment les programmes de Radio France et du groupe France Télévisions. Celui-ci est pourtant le premier financeur de la création française, avec 500 millions d’euros injectés dans la production de films et de séries. Quelque 80 % des fictions diffusées sur France 2 sont françaises, alors que seulement 50 % environ des fictions diffusées sur les chaînes privées le sont. Depuis 2020, France 2 ne diffuse plus, par exemple, de fiction américaine.

Peut-être ne mesurez-vous pas non plus le nombre d’emplois liés à cette activité de création, de production de films et de séries ? Vous devriez visiter les studios de France Télévisions à Vendargues. France Télévisions représente 62 000 emplois directs et indirects sur l’ensemble du territoire français.

L’audiovisuel public assure une mission de service public, en accordant une place au sport féminin et à la diversité des sports, auxquels nous sommes tous attachés. Quelque 153 disciplines sportives sont ainsi représentées sur l’audiovisuel public ; aucune chaîne privée n’assure l’équivalent. Contrairement aux chaînes privées, l’audiovisuel public favorise également les documentaires, les spectacles vivants, la culture, et montre ainsi la vitalité culturelle de notre pays. Les antennes de Radio France consacrent chaque semaine plus de dix-neuf heures à la culture, France Télévisions propose plus de 950 programmes culturels.

Les médias publics jouent également un rôle crucial dans la diffusion de programmes éducatifs auprès de la jeunesse, à travers les animations diffusées sur France 4, la plateforme Okoo, qui touche 60 % des enfants et des adolescents, ou la plateforme de programmes éducatifs Lumni, visitée par 2 millions de personnes chaque mois, et ainsi de suite. Je remercie Mme Colboc d’avoir mentionné la visibilité accrue de l’outre-mer et des programmes ultramarins sur l’audiovisuel public, permise par le pacte de visibilité. Je sais que vous êtes également attachés à la représentation de l’outre-mer.

Comment pouvez-vous imaginer que des chaînes privées pourraient s’acquitter de telles missions de service public ? Si l’audiovisuel public disparaissait, ne voyez-vous pas que les programmes consacrés au sport féminin, à la diversité des sports, à la création française, à l’éducation aux médias seraient arrêtés, de même que de nombreux emplois seraient détruits ? Ce constat n’enlève rien aux chaînes privées, qui jouent, elles aussi, un rôle majeur de soutien à la création – je pense notamment à Canal+, à TF1 et à M6 – et dans le pluralisme de l’information.

Le contenu de cette mission de service publique sera réaffirmé dans les contrats d’objectifs et de moyens avec l’audiovisuel public. Il inclut la proximité, à laquelle je tiens énormément. Aucune chaîne privée ne pourra avoir le même réseau de proximité que France 3 et France Bleu réunies, qui forment un média de la vie locale – nous financerons d’ailleurs une réforme prioritaire pour aller plus loin en ce sens, avec l’enveloppe complémentaire prévue dans ce projet de budget.

J’en viens aux modalités de financement de l’audiovisuel public après 2024. Comme vous le savez, à partir de cette date, aux termes de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, il sera impossible de financer les médias publics par l’affectation d’une fraction de la TVA. Je reconnais qu’à titre personnel, j’ai toujours été favorable à la pérennisation d’un tel mode de financement, qui permet de réserver un compte de concours financiers à l’audiovisuel public, pour financer sa trajectoire. Les discussions sont encore en cours.

Vous avez consacré de nombreuses interventions à la presse. Sa vitalité est d’une importance majeure pour notre démocratie. Le ministère de la Culture garantit sa pluralité et favorise sa distribution, à travers des aides. Certaines interventions étaient confuses sur ce point.

Plusieurs types d’aides existent. Les aides au pluralisme sont réservées aux journaux à faibles revenus publicitaires, soit les plus fragiles. Quant aux aides à la distribution, elles appliquent le principe constitutionnel de garantie du pluralisme sur tout le territoire, et bénéficient donc aussi bien à La Voix du Jura, qu’à Ouest France, au Journal du Dimanche, à Famille chrétienne et à L’Humanité. La presse en outre-mer bénéficie de ces différentes aides, mais aussi d’aides spécifiques, car elle est particulièrement fragile. Nous attribuons également une aide à la modernisation.

L’aide principale est indirecte et fiscale : c’est celle permise par l’application à la presse d’un taux de TVA dit super réduit, de 2,1 %. Même si cette aide n’apparaît pas dans le présent projet de budget, elle est extrêmement importante.

Vos questions portaient notamment sur la concentration de la presse et son indépendance. Évitons de tout mélanger : la concentration n’implique pas forcément l’atteinte à l’indépendance des journalistes et l’indépendance des journalistes peut être menacée par une ingérence éditoriale, même en l’absence de concentration. Le paysage médiatique français est en réalité moins concentré qu’il y a quarante ans. Seules six chaînes de télévision analogique existaient dans les années 2000, alors qu’actuellement trente chaînes sont diffusées sur la TNT. Dans les années 1980, le groupe Hersant représentait 80 % de la diffusion des quotidiens nationaux et régionaux, alors qu’actuellement, les dix plus gros éditeurs de presse se partagent 30 % des tirages.

Quelque 60 % des aides à la presse que nous versons bénéficient à des groupes qui ne sont pas la propriété des grandes fortunes. Le fait que des groupes industriels – ceux que vous appelez les milliardaires – investissent dans les médias n’est pas en soi problématique. Le tout est de s’assurer que les intérêts économiques ou idéologiques des actionnaires n’interfèrent pas avec le travail des journalistes, afin que l’information reste indépendante.

Ces questions nourriront les débats des états généraux de l’information. Ceux-ci pourront s’appuyer sur plusieurs rapports dont nous attendons la publication, notamment sur la distribution, mais aussi sur le rapport relatif à la concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique, élaboré conjointement par l’Igac et l’IGF.

Je n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher précisément sur la presse musicale. Nous avions confié au CNM une étude sur ce secteur. Je ne manquerai donc pas de vous répondre plus tard sur ce sujet important.

Je remercie M. Masséglia d’avoir mentionné la Maison du dessin de presse et le budget important que nous dédierons en 2024 à la numérisation des archives de presse. La liberté de la presse et du dessin, leur impertinence parfois, ont une longue histoire dans notre pays. Pour que notre démocratie reste pleinement vivante, il importe de la commémorer, de la transmettre à nos concitoyens.

Je vous remercie tous pour votre mobilisation face à l’impact de l’inflation phénoménale du coût du papier sur la presse. Nous avons ainsi pu débloquer 30 millions d’euros pour aider les acteurs à y faire face.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le cinéma, en s’appuyant notamment sur un récent rapport de la Cour des comptes. Notre modèle d’exception culturelle et de diversité repose sur notre capacité à donner une chance à des films dont on ne sait jamais à l’avance s’ils obtiendront 20 000 ou 1 million d’entrées. Notre système favorise la diversité et permet à des réalisateurs de produire des films plus confidentiels, à côté des films les plus populaires. Parfois, ce n’est qu’après trois ou quatre films qu’un réalisateur touchera un public plus large et recevra l’un des grands prix internationaux. La part des films français obtenant moins de 10 000 entrées est restée assez stable dans le temps, autour de 25 %. Ces films représentent moins de 1 % des séances et bénéficient de moins de 5 % des aides à la production. Ce sont en général des films à petit budget, qui ne grèvent donc pas nos finances. Pour un coût très faible, notre système garantit ainsi le renouvellement des talents et la diversité de la production – la logique est du même ordre que pour les investissements en recherche et développement, pour comparer avec un autre champ. N’oublions pas, en outre, que le CNC ne finance pas tout. Deux tiers des films qui sortent en salle chaque année, français comme étrangers, ne bénéficient pas de ses aides.

Réjouissons-nous d’être l’un des rares pays où les cinémas ont retrouvé leur fréquentation d’avant le covid-19, et d’être l’un des pays où les films nationaux occupent la place la plus importante dans les recettes du box-office. C’est extraordinaire : les films français représentent 40 % des recettes du box-office en France, quand les films britanniques n’en représentent que 8 % au Royaume-Uni, et les films allemands ou italiens, autour de 20 % dans leurs pays respectifs. Le cinéma français résiste très bien, grâce notamment au succès de certains films, qui attirent plus de 1 million de spectateurs. Réjouissons-nous de la vitalité de ce modèle, qui nous convainc tous, je crois.

Je vous rejoins en ce qui concerne l’importance du Centre national de la musique, qui a été créé en 2020, après dix ans d’attente, et deux mois avant le début de la pandémie. Le CNM a joué un rôle absolument déterminant dans le soutien à ce secteur pendant la crise sanitaire puis pour la relance.

Nous avons désormais besoin de conforter le financement du CNM. Une question de principe se pose : le CNM est alimenté par l’État, les organismes de gestion collective et la taxe sur la billetterie, mais pas suffisamment par la musique enregistrée et les plateformes de streaming, qu’elles soient payantes ou gratuites. Par ailleurs, le volume des financements doit permettre de faire face aux défis que le secteur aura à affronter dans les années à venir en matière d’innovation, d’intelligence artificielle, de transition écologique, d’export – la diffusion internationale de la scène française est un enjeu majeur – et de préservation de la diversité et de l’indépendance de la filière. À la suite des déclarations faites par le Président de la République le 21 juin, nous avons lancé une consultation, et les trois mois de discussions intenses qui ont eu lieu avec tous les maillons de la chaîne ont débouché sur trois scénarios.

Le premier, qu’une grande partie d’entre vous défendent, est une contribution obligatoire, qui a un peu évolué par rapport aux premières propositions de l’ex-sénateur Julien Bargeton. Dans cette hypothèse, le chiffre d’affaires réalisé en France serait taxé entre 0,5 % à 1,75 %.

Un deuxième scénario est l’extension à la publicité de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels. Toutefois, on se heurte au fait que l’ensemble des plateformes ne seraient pas concernées. Apple et Amazon, par exemple, ne font pas appel à la publicité et seraient donc exclus du dispositif, que vous êtes peu nombreux à souhaiter – et il en est de même du côté des acteurs de la filière.

Un troisième scénario a émergé au cours des discussions : les plateformes ont, en effet, proposé une contribution volontaire. Il nous a semblé intéressant de continuer à travailler sur cette hypothèse pour voir s’il était possible de se rapprocher de ce qui était attendu d’une contribution obligatoire, étant entendu que des questions complexes se posent, notamment celle des répercussions sur les ayants droit et, ce que personne ne souhaite, sur les consommateurs. Alors que le chiffrage des éventuelles répercussions sur les abonnements était de l’ordre de quelques dizaines de centimes, on a déjà observé des hausses de prix. Même s’il n’y a pas nécessairement de lien de cause à effet, la question des répercussions est légitime.

La discussion sur une contribution volontaire se poursuit, assez intensément, avec les plateformes. Si elle n’aboutit pas, l’hypothèse d’une contribution obligatoire, évoquée par le Président de la République le 21 juin, reste sur la table. Nous avons encore du temps pour avancer avant la fin de l’examen du PLF.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle (IA), nous avons créé un comité interministériel et un groupe de travail qui travaillera plus spécifiquement sur l’impact de l’IA dans le domaine de la culture. Le groupe de travail a été constitué avec Alexandra Bensamoun, qui est une spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, Antonin Bergeaud, qui est économiste, Benoît Carré, qui est artiste, auteur et producteur, Bruno Patino, le président d’Arte, et Marion Carré, qui est cheffe d’entreprise et fondatrice d’une start-up d’intelligence artificielle. Ce groupe d’experts nous accompagnera au cours des prochains mois pour la définition d’une politique qui devrait reposer, selon moi, sur trois piliers : l’innovation, la régulation et la formation.

Tout d’abord, il est très important de ne pas freiner l’innovation à un moment où on a besoin de développer des IA génératives françaises, afin de ne pas être dépendant d’IA anglo-saxonnes, qui ne se sont pas entraînées sur nos données, ainsi que pour des raisons de souveraineté linguistique et culturelle.

Les enjeux de la régulation sont également très importants. Comment définit-on, par exemple, l’auteur d’une œuvre créée avec un peu, moyennement ou beaucoup d’intelligence artificielle ? Cela nécessitera des discussions extrêmement précises au niveau européen.

S’agissant du troisième volet, je rappelle que nous avons mis l’accent sur les organismes de formation et l’accompagnement de l’ensemble des filières concernées dans le cadre du plan France 2030. Nous devons faire en sorte que l’intelligence artificielle soit, non pas une menace, mais un atout pour la culture, et une aide, une assistance pour certains métiers. L’intelligence artificielle peut notamment être utilisée pour lutter contre la désinformation. Des expériences et des travaux se dérouleront sur ce point dans le cadre des états généraux de l’information, et vous savez que l’audiovisuel public et l’AFP bénéficient d’un soutien renforcé pour développer les technologies nécessaires afin de débusquer, en utilisant l’intelligence artificielle, les fausses informations créées en ayant recours à celle-ci.

Nous devons aborder toutes ces questions sans naïveté, mais avec optimisme. Des débats similaires ont déjà eu lieu, notamment lorsque la photographie s’est développée. Les peintres, loin de disparaître, ont su renouveler leurs pratiques.

Le Centre national du livre est notre opérateur pour le soutien qui est apporté, un peu partout sur le territoire, aux librairies. On peut se réjouir qu’il s’en crée chaque année un peu plus : 142 nouvelles librairies ont vu le jour l’année dernière, ce qui montre bien la vitalité du secteur et l’engouement des Français pour ces commerces de proximité, dont le tissu est unique au monde.

J’ai bien noté vos questions portant sur les radios privés et le DAB+ : j’y apporterai plus tard des réponses précises.


II.   examen des crédits

Lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 15 heures, la commission examine pour avis les crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680 – seconde partie) (Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis) ([49]).

Article 37 et état D : Crédits des comptes d’affectation spéciale et des comptes de concours financiers

Amendements II-AC461, II-AC458, II-AC457, II-AC459 et II-AC460 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Ces amendements proposent une réforme structurelle de l’audiovisuel public fondée sur la privatisation de France Télévisions et de Radio France. Il s’agit d’une mesure du programme de Marine Le Pen, candidate à l’élection présidentielle en 2022.

La loi de finances rectificative de 2022 a engagé la réforme du financement de l’audiovisuel public en supprimant la redevance audiovisuelle, d’un montant de 138 euros par an. Le financement public et le coût pharaonique de l’audiovisuel public demeurent cependant.

Dans un contexte économique dégradé, l’État doit recentrer ses missions et diminuer, voire supprimer certains programmes du projet de loi de finances. Si la spécificité des rédactions en outre-mer, d’Arte, de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et de France Médias Monde s’impose, ce n’est plus le cas de France Télévisions ni de Radio France. Les Français devraient pouvoir exiger des médias publics, qu’ils financent sans en avoir le choix, retenue, effort de pluralisme et neutralité. Ils supportent, à l’inverse, un militantisme de gauche souvent décomplexé.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Il va sans dire que je ne partage pas votre vision du service public audiovisuel.

France Télévisions et Radio France sont des acteurs essentiels de l’audiovisuel public. Ils représentent pour les citoyens un tiers de confiance, qui offre une information fiable et de qualité, essentielle à notre vie démocratique.

Ils sont tous deux des acteurs économiques essentiels pour la création sous toutes ses formes, renforçant notre souveraineté culturelle. France Télévisions est le premier financeur de la création, avec 500 millions d’euros alloués à la production de fictions et de documentaires français. La ministre a également rappelé l’engagement de ces entités en faveur du sport, notamment du sport féminin.

Les Français sont attachés à un audiovisuel public fort, libre et indépendant. Les audiences en témoignent : 80 % des Français regardent chaque semaine au moins un programme de France Télévisions et Radio France réunit quotidiennement 15 millions d’auditeurs.

Je me réjouis de la hausse des dotations de France Télévisions et Radio France pour l’année 2024 et les années à venir, dotations qui seront mises au service de la modernisation pour répondre toujours mieux aux attentes des citoyens.

Enfin, je tiens à remercier les équipes de France Télévisions et Radio France pour leur travail précieux.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Seconde obsession du Rassemblement national : le service public de l’audiovisuel.

Nous ne pouvons que réitérer notre attachement au service public de l’audiovisuel et regretter que la majorité l’ait fragilisé en supprimant la redevance. Vous devez désormais proposer une solution qui pérennise l’indépendance du financement de l’audiovisuel public, sans quoi nous ne pourrons pas voter ce budget.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC441 et II-AC442 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard (RN). L’amendement II-AC441 vise à alerter sur les asymétries publicitaires mises en exergue par les chaînes privées vis-à-vis de France Télévisions.

Comme l’a rappelé l’Arcom dans son avis du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions pour l’année 2022, « les ressources publicitaires de France Télévisions ont augmenté de 352 millions d’euros en 2019 à 393 millions d’euros en 2022 alors même que le COM prévoyait leur baisse, ce qui a pu conduire les acteurs privés de la télévision gratuite à manifester leur préoccupation ».

Compte tenu des tensions entre les acteurs français de l’audiovisuel et de la place grandissante des plateformes américaines, il est important de corriger ces asymétries.

L’amendement II-AC442 concerne la publicité digitale pour Radio France qui est, de manière injustifiée, exclue du plafond de dépenses publicitaires fixé à 42 millions d’euros.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. La limitation de la publicité sur les antennes du service public est un élément distinctif et apprécié des téléspectateurs. C’est aussi une question d’équilibre concurrentiel sur un marché contraint.

La mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public a constaté une forme de contournement de la loi de 2009 – nous devons y être vigilants. Néanmoins, si elle vous rejoignait sur la nécessité de supprimer toute présence des annonceurs sur le service public après vingt heures, elle préconisait de compenser à l’euro près la perte de recettes induite par cette exigence.

J’émets donc un avis défavorable à votre amendement d’appel qui conduirait à réduire les ressources propres de France Télévisions. Une autre solution doit être trouvée.

Mon avis est également défavorable à l’amendement II-AC442.

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Je suis en désaccord avec l’amendement. Toute la question est de savoir dans quel sens corriger les asymétries : plus ou moins de publicité ? M. Ballard doit nous en dire plus.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC527, II-AC528, II-AC529 et II-AC424 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Ces amendements ont pour objet de revenir sur les budgets conditionnés. Ces crédits, conditionnés à des changements structurels, apparaissent comme une épée de Damoclès qui prive d’une certaine sérénité dans l’accomplissement des missions.

L’audiovisuel public a consenti ces dernières années d’importants efforts budgétaires – 90 millions d’euros. Les différentes unités doivent bénéficier des augmentations de manière inconditionnelle.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Je ne partage pas votre appréciation sur le nouveau programme 848 Programme de transformation.

Loin de précariser le budget des entités de l’audiovisuel public, ce programme novateur doit permettre de financer exclusivement, et avec une prévisibilité pluriannuelle, les mutations qu’elles ont déjà engagées afin de leur permettre de s’adapter plus rapidement aux grands défis que le secteur connaît. Il accélérera ainsi la réalisation des objectifs prioritaires que sont la proximité, la qualité et l’accessibilité des programmes.

Pour France Télévisions et Radio France, ces crédits faciliteront notamment le fonctionnement plus intégré des réseaux France 3 et France Bleu au service de l’enrichissement de l’offre de proximité sur tous les supports. Pour l’INA, ils permettront l’approfondissement de ses coopérations éditoriales et le renforcement de sa stratégie numérique.

Bien entendu, cette démarche de confiance à l’égard des entités doit être complétée par les futurs COM qui préciseront les modalités de versement et de contrôle de ces crédits.

Enfin, les dirigeants des entités que nous avons auditionnés ont tous salué cette initiative innovante et pertinente. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous sommes également inquiets de la création de ces budgets conditionnés, qui viennent fragiliser des crédits déjà éprouvés par le changement de mode de financement.

La stabilité des crédits est essentielle pour garantir le financement du service public de l’audiovisuel. En outre, les dirigeantes actuelles de l’audiovisuel public n’ont pas attendu de voir leurs crédits conditionnés pour innover et travailler ensemble. Elles ont demandé beaucoup d’efforts, de manière très injustifiée à notre sens, aux salariés.

Dans le contexte de fragilisation que j’évoquais dans mon intervention précédente, nous ne pouvons que regarder ces crédits « peut-être », non pas comme un gage de confiance, mais au contraire, comme une source de fragilité supplémentaire.

Mme Céline Calvez (RE). Au contraire, je soutiens l’apparition d’une septième ligne destinée à financer les priorités que les COM viendront préciser.

Nous pouvons nous féliciter d’une trajectoire financière en hausse pour les cinq prochaines années, de l’indépendance du financement, et de la nécessaire prévisibilité que donnent des COM sur cinq ans.

Je propose depuis trois ans la création de programmes de transformation. L’idée est de marquer des priorités – la jeunesse, le numérique. Il ne s’agit pas de faire des économies mais de soutenir les initiatives existantes.

S’agissant des coopérations entre les sociétés de l’audiovisuel public, lorsqu’on interroge les entités sur la part qu’elles représentent dans l’activité globale, soit on n’obtient pas de réponse, soit il s’avère que cette part est minime.

La mise en place des programmes de transformation, en concertation avec l’ensemble des entités, est une réelle avancée pour un audiovisuel public plus fort, plus cohérent et plus distinctif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC423 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). L’amendement vise à augmenter les moyens du service des sports de France Télévisions, lequel, comme nombre d’autres services, a été contraint de faire des économies drastiques ces dernières années.

Ces économies ont fragilisé le service public alors que l’accès au sport à la télévision est de plus en plus compliqué. La place des sports sur le service public mérite d’être renforcée, par le biais de la diffusion d’événements sportifs et de magazines, mais aussi d’enquêtes.

Le service des sports de France Télévisions doit prendre toute sa place dans la diffusion des Jeux olympiques et paralympiques. Il faut lui en donner les moyens.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Je salue votre intérêt pour les moyens alloués à la programmation sportive de France Télévisions, et plus particulièrement pour les Jeux olympiques et paralympiques.

Faire des Jeux une expérience unique pour tous les Français est une des priorités stratégiques du groupe pour l’année à venir. France Télévisions s’est engagée à élaborer une programmation exceptionnelle en amont et tout au long des Jeux, pour la valorisation des sportifs et de la pratique sportive.

Avec une dotation de plus de 2,5 milliards d’euros pour 2024, l’État accompagne pleinement cet objectif ambitieux. Ce montant en hausse de 137 millions d’euros a d’ailleurs été salué par la présidente de France Télévisions lors de son audition.

Nous serons vigilants à ce que la programmation sportive trouve toute sa place dans les futurs COM, y compris après 2024, pour faire vivre l’héritage des Jeux.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC495 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). L’amendement tend à rétablir les crédits d’Arte à la même hauteur que dans la loi de finances de 2023, ce qui requiert 10 millions d’euros supplémentaires.

Arte est un acteur important de la création audiovisuelle et multimédia européenne grâce à sa stratégie dynamique de production d’œuvres originales. Alors qu’en 2024 la société entend poursuivre la stratégie formalisée dans son COM – une offre éditoriale ambitieuse tournée vers la création originale et les programmes inédits, le déploiement numérique ainsi que le développement européen de la chaîne –, il est essentiel de maintenir au plus haut niveau ses crédits. En cette année d’élections européennes, ce serait un bon signe puisqu’Arte est l’image dans les médias de l’Union européenne.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Je reconnais que l’évolution de la dotation d’Arte peut susciter quelques interrogations pour 2024. Cette confusion provient des niveaux de compensation des effets fiscaux liés à la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).

Le montant de la dotation d’Arte dans la loi de finances initiales de 2023 était bien de 303,5 millions d’euros, mais l’administration fiscale a indiqué que ce montant surévaluait les effets fiscaux subis par la société, celle-ci conservant finalement son droit à déduction de TVA sur ses achats. Ses charges fiscales ayant été minorées de 18,8 millions d’euros, la dotation de l’État s’est ajustée à la baisse pour ne pas compenser des charges fiscales inexistantes. La dotation réelle pour Arte en 2023 s’est donc élevée à 284,7 millions d’euros.

Ainsi, contrairement à ce qu’indique votre amendement, la dotation d’Arte pour 2024 connaît bien une augmentation de 9 millions d’euros par rapport à 2023.

Mon avis sera donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC325 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel propose un plan de défense de l’audiovisuel public, car nous sommes inquiets pour son avenir.

Le dernier quinquennat a été celui de la casse et de l’austérité pour l’audiovisuel public. Alors que la présidente de France Télévisions réclamait des moyens supplémentaires, Emmanuel Macron avait qualifié le service public d’information de honte pour la République. Nous avons assisté à la disparition de France Ô en 2020, au rassemblement de France 3 et de France Bleu sous une marque unique ainsi qu’à la suppression de la redevance.

Aujourd’hui, nous sommes inquiets parce que le budget alloué, malgré une hausse de 5,49 %, peine à compenser l’inflation et l’austérité des dernières années. Notre plan de défense de l’audiovisuel public vise à garantir son financement et ses projets de développement, ainsi qu’à lutter contre la dégradation des conditions de travail des personnels.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à créer un plan de défense de l’audiovisuel public, doté de 1 million d’euros et destiné à garantir son financement.

Le projet de loi de finances pour 2024 présente une augmentation inédite des crédits de 228,3 millions d’euros ainsi qu’une prévision pluriannuelle en hausse jusqu’en 2028.

La dotation pour 2024 prévoit, en outre, 69 millions d’euros destinés exclusivement à soutenir les projets de développement, de transformation et de modernisation des entités de l’audiovisuel public afin de faire face aux mutations du secteur et de répondre aux attentes des citoyens.

L’accompagnement de la puissance publique est loin d’être négligeable cette année, et les dirigeants des sociétés rencontrés lors des auditions budgétaires, l’ont tous souligné.

S’agissant des effets fiscaux induits par la suppression de la redevance, nous ne pouvons que nous réjouir que l’État, cette année encore, compense intégralement les coûts, tel qu’il s’y était engagé.

Avis défavorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Que vous soyez en désaccord avec ce budget, que vous considériez qu’il n’est pas suffisant, c’est l’objet du débat. En revanche, parler de casse et d’austérité alors que, sous le quinquennat précédent et encore cette année, le budget de l’audiovisuel public n’a jamais autant augmenté – regardez les chiffres sous François Hollande –, c’est un peu exagéré.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). J’assume les mots d’austérité et de casse – nous les avons entendus lors de nombreuses auditions. Les cinq dernières années n’ont été qu’une suite d’économies au point d’entendre toutes les entités nous dire : « nous sommes à l’os ».

Madame la rapporteure pour avis, le million d’euros supplémentaire n’a pas vocation à financer l’audiovisuel public, mais bien le plan que nous proposons pour pouvoir garantir à long terme ce financement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC326 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous proposons un plan de défense de l’emploi dans l’audiovisuel public. L’exemple de Radio France illustre bien le problème des effectifs. En 2015, ce groupe comptait 4 546 ETP, dont 4 219 en CDI et 327 en CDD. En sept ans, 157 CDI ont été supprimés et 74 CDD créés. À force de vouloir faire des économies partout, les salariés sont précarisés et ne peuvent pas même être fidélisés.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Il est vrai que ces dernières années, les différentes entités ont dû faire des efforts budgétaires conséquents afin de maintenir un équilibre financier, ce qui s’est traduit par des plans de départ. Ces derniers n’ont pas empêché France Télévisions de procéder à 1 634 recrutements depuis 2017 et à la transformation en CDI de 1 302 CDD. L’effectif total de France Télévisions atteindra en 2023 8 900 ETP, dont 50 % se situent au sein du réseau régional et ultramarin. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Tous les services publics sont à l’os. L’augmentation de la productivité épuise les personnels qui, ensuite, prennent des arrêts maladie et les équipes sont en sous-effectifs. De surcroît, avec les remplacements des CDI par des CDD, elles sont désorganisées et la continuité dans le travail en pâtit. La perte de savoir-faire est évidente.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC443 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard (RN). Notre pays dispose, avec France 24, d’une chaîne d’information en continu à l’étranger, qui contribue à son rayonnement et au développement de la francophonie. Son budget s’élève à 70 millions d’euros et la part d’actualités françaises diffusées à l’international fixée dans son cahier des charges représente 20 % du temps d’antenne. Pour les Français expatriés, en voyage à l’étranger et les populations locales, il serait utile de porter cette part à 60 %. Les crédits de France 24 doivent être abondés d’1 million d’euros supplémentaire.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Nous partageons tous votre attachement au rayonnement de la France à travers France Médias Monde. Cette année, la dotation de la société augmente de 19,5 millions d’euros par rapport à 2023, augmentation qui devra notamment permettre à France 24 de poursuivre ses actions au profit de l’information et de la diffusion de la francophonie.

Par ailleurs, il n’est pas possible de modifier par amendement le cahier des charges des entités de l’audiovisuel public. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC502 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Après la réforme précipitée du Gouvernement supprimant la contribution à l’audiovisuel public, nous ne savons toujours pas ce qu’il adviendra du mode de financement de ce dernier. Alors que son modèle est souvent décrié par certains collègues, nous souhaiterions que la ministre nous présente les pistes envisagées pour financer l’audiovisuel public et les garanties qui seront apportées. Nous insistons sur l’importance d’assurer aux sociétés de l’audiovisuel public les moyens suffisants de réaliser leurs missions, de manière pérenne et en toute indépendance.

Nous souhaiterions que les travaux menés par nos collègues Gaultier et Bataillon dans le cadre de leur proposition de loi organique visant à la réforme du financement de l’audiovisuel public aboutissent car, après l’été, il sera trop tard.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Je souhaite également une modification de l’article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et que nous puissions aboutir afin de pérenniser le financement de l’audiovisuel public.

M. Inaki Echaniz (SOC). J’espère que vous nous tiendrez informés de vos négociations avec Bercy.

La commission rejette l’amendement.

Conformément à la recommandation de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public non modifiés.

 

Article 38 et état G

Amendement II-AC444 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard (RN). Nous proposons la création d’un indicateur de performance visant à relever la part que représentent chaque année les revenus publicitaires totaux de Radio France en prenant en compte les revenus commerciaux publicitaires, les recettes publicitaires digitales et les parrainages, et visant également à indiquer quelle est la part de dépassement de revenus total par rapport au plafonnement.

Les recettes publicitaires de Radio France sont plafonnées à 42 millions d’euros par an. Néanmoins, ce plafond a de nouveau été dépassé en 2022 avec près de 15 millions d’euros de recettes publicitaires digitales qui ne sont pas comprises dans le plafonnement légal publicitaire, et près de 7 millions d’euros de recettes à travers le parrainage.

Il est important que Radio France respecte ce plafonnement publicitaire afin de pallier les asymétries publicitaires qui existent entre elle et les acteurs privés, dans un contexte de financement de la filière déjà tendu et la concurrence croissante des plateformes.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Les indicateurs de performance sont des outils permettant de mesurer l’efficacité de la dépense de l’État, or les ressources publicitaires sont des ressources propres des sociétés. Il n’y a donc pas lieu d’en faire un indicateur de performance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Avant l’article 50

Amendement II-AC331 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons la réalisation d’un rapport sur le coût des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Il vise à assurer un financement indépendant et pérenne par une contribution audiovisuelle, universelle et progressive, en incluant les personnes morales pour une plus grande justice fiscale.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Les effets fiscaux qu’entraîne la suppression de la CAP depuis deux ans ont été entièrement compensés pour 2023 et le seront en 2024. Cela représentera un montant de 120 millions d’euros que les entités de l’audiovisuel public n’auront pas à supporter. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). La question est de savoir comment financer de façon pérenne et indépendante au-delà de l’attribution d’une fraction de la TVA, impossible à maintenir à long terme.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Nous devons tenir compte de l’article 2 de la Lolf.

Mme la présidente Isabelle Rauch. En effet, et nous espérons qu’elle sera réformée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC332 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport au Gouvernement sur la possibilité d’établir des budgets pluriannuels, votés par le Parlement, pour les sociétés audiovisuelles publiques. Nous souhaitons alerter le Gouvernement sur la précarité budgétaire que subissent les sociétés audiovisuelles publiques, lesquelles ont besoin de visibilité afin de pouvoir s’engager sur des projets à long terme.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis. Les contrats d’objectifs et de moyens servent précisément à prévoir de telles évolutions. Je rappelle également que le Gouvernement s’est engagé à maintenir des dotations à la hausse pour les cinq prochaines années et que le PLF pour 2024 créé un programme permettant l’accélération de la transition des entités vers le numérique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement IIAC462 de Mme Caroline Parmentier.

*

 

 

 


—  1  —

   annexe :
Liste des personnes entendues par la rapporteure pour avis

(par ordre chronologique)

  France Médias Monde (FMM) *  Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice générale, M. Roland Husson, directeur général en charge du Pôle Ressources, M. Thomas Legrand-Hedel, directeur de la communication, des Relations Institutionnelles et de la RSE, et Mme Fanny Boyer, adjointe au directeur des relations institutionnelles

  TV5 Monde – MM. Yves Bigot, président directeur général, et Thomas Derobe, secrétaire général

  ARTE France * – MM. Frédéric Bereyziat, directeur général délégué aux ressources, et Aksel Gökçek, chargé des relations institutionnelles

    Radio France * – Mmes Sibyle Veil, présidente-directrice générale, et Marie Message, directrice générale adjointe en charge des moyens et des organisations

  Syndicat des professionnels de l’audiovisuel d’outre-mer (Spadom) – M. Mario Lechat, président, Mme Mayia Le Texier, vice-présidente, Mme Mateata Maamaatuaiahutapu, vice-présidente du Spadom Polynésie, M. Chahine Fazel, délégué général TV, et M. Sylvain Peguillan, directeur général d’Antenne Réunion TV, média membres du Spadom

  Institut national de l’audiovisuel – M. Laurent Vallet, président-directeur général, Mme Agnès Chauveau, directrice générale déléguée, et Mme Déborah Münzer, conseillère pour les relations institutionnelles et extérieures

  France Télévisions * – Mme Delphine Ernotte Cunci, présidente-directrice générale, et M. Christian Vion, directeur général adjoint

    Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) – M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Guillaume Blanchot, directeur général, et Mme Justine Boniface, directrice de cabinet

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1])  Exception faite des chaînes parlementaires LCP-AN et Public Sénat financées respectivement par l’Assemblée nationale et le Sénat.

([2]) Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.  

([3]) Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

([4]) Cette TVA était perçue au taux réduit de 2,1 %.

([5]) Aux termes de l’article 271 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ».

([6]) Au taux de 4,25 %.

([7]) Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2022 de M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances, déposé le 28 juillet 2022, Sénat, n° 846 (2021-2022).

([8]) Rapport d’information n° 1327 du 7 juin 2023 de MM. Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon, publié au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, sur l’avenir de l’audiovisuel public.  

([9]) Article 14 de la Lolf : « Afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée, un crédit peut être annulé par décret pris sur le rapport du ministre chargé des finances. […] Avant sa publication, tout décret d’annulation est transmis pour information aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et aux autres commissions concernées. Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l’article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours. »

([10])  Rapport d’information n° 1327 (2022-2023) du 7 juin 2023 de MM. Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon publié au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, sur l’avenir de l’audiovisuel public.

([11])  Proposition de loi organique n° 159 visant à garantir le financement indépendant de l’audiovisuel public, 25 juillet 2022.

([12])  Lancée en 2020 par les groupes audiovisuels France Télévisions, TF1 et M6, la plateforme Salto rassemblait des programmes de plus de dix chaînes de la TNT. Sa dissolution a été annoncée en janvier 2022.

([13]) Équivalents temps plein.

([14]) Avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) n° 2022-10 du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2022.

([15]) Validé par les ministres responsables des gouvernements bailleurs de fonds de TV5 Monde.

([16]) Abonnements des câblo-opérateurs, droits voisins du diffuseur.

([17])  Avis de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) n° 2022-10 du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2022.

([18]) Version en vigueur du 1er août 2000 au 5 mars 2009.

([19]) Ibid.  

([20]) Selon le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), la vidéo à la demande représentait 78 % de parts du marché de la vidéo en 2022 (Observatoire de la vidéo à la demande, 27 janvier 2023, CNC).  

([21]) Soit plus de cinq ans après le développement de la TNT dans l’Hexagone

([22]) Ce n’est cependant pas le cas de toutes les chaînes des groupes TF1 et M6. À titre d’exemple, les offres de Vini TV SAT (le bouquet de chaînes diffusées par satellite sur le territoire polynésien) ne donnent pas accès aux chaînes TMC, TFX et TF1 Séries Films.

([23]) Audience cumulée des stations mesurées par Médiamétrie en 2022.

([24]) Contribution écrite de France Télévisions, septembre 2023.

([25]) Ibid.

([26]) Ibid.

([27]) Due au contexte de la crise sanitaire et de la préparation du référendum.

([28]) Part d’audience pour décembre 2017, Médiamat Annuel 2017, Médiamétrie.  

([29]) Devenu l’Arcom depuis le 1er janvier 2022, à la suite de la fusion du CSA et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

([30]) Rapport d’information sur la représentation et la visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public de M. Maurice Antiste et Mme Jocelyne Guidez, fait au nom la Délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 9 avril 2019, Sénat, n° 439 (2018-2019).  

([31]) Voir avis de l’Arcom n° 2022-10 du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2022.

([32]) Contribution écrite de France Télévisions, septembre 2023.

([33])  « Cette opération vise à mieux faire connaître la vie, l’environnement, la culture et le patrimoine des territoires ultramarins. L’ensemble des antennes, plateformes et supports de communication du groupe y concourent. », Contribution écrite de France Télévisions, septembre 2023

([34])  Diffusée sur France 2 en novembre 2022, cette programmation était dédiée à la reine de Tahiti Pomare IV avec la diffusion d’une fiction La Dernière reine de Tahiti d’Adeline Darraux (première fiction tournée en intégralité en Polynésie avec un casting polynésien) et du documentaire Tahiti, une reine en héritage de Fabrice Gardel et Alexia Kingler.

([35]) Le festival se tiendra au printemps 2024 à Marseille.  

([36]) Le COM retranscrit certains engagements pris au sein du Pacte par France Télévisions, au titre de l’objectif n° 10 du COM « Une régionalisation portée par les synergies et un rayonnement accru des outre-mer ».

([37]) Avis de l’Arcom n° 2022-10 du 28 septembre 2023 relatif au rapport d’exécution des contrats d’objectifs et de moyens de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde pour l’année 2022, p. 22.

([38])  Pacte pour la visibilité des Outre-mer de 2021.

([39])  Sur FIP avec Le club jazz à FIP ; sur France Musique avec la webradio Musique du Monde ; sur Mouv’ avec des émissions musicales hebdomadaires K-Za Jam stations, La Sélection Reggae, Mix & The City.

([40])  La Librairie francophone sur France Inter.

([41])  Contribution écrite de France Médias Monde, octobre 2023.

([42])  Étude « 25 ans de médiatisation des Outre-mer », août 2022, INA, disponible sur le site de l’Inathèque. 

([43])  Contribution écrite de TV5 Monde, août 2023.

([44])  TV5MONDEplus, lancée en septembre 2020, est une plateforme de vidéo à la demande francophone, gratuite, et accessible dans plus de 200 pays et territoires.

([45])  Audition des représentants de TV5 Monde par la rapporteure pour avis, le 26 septembre 2023.

([46])  Contribution écrite d’Arte, septembre 2023.

([47]) Rapport de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sur la représentation de la société française dans les médias – Exercice 2022, Action 2023, juillet 2023.  

([48]) https://assnat.fr/HpoEDI

([49])  https://assnat.fr/pcak9U .