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N° 1781

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME II

 

 

CULTURE

 

 

 

Par Mme Emmanuelle ANTHOINE,

 

Députée.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexes n° 10 et 11).


 


 

SOMMAIRE

___

introduction

I. les CRÉDITS de la mission culture pour 2024

A. les CRÉDITS du programme patrimoines

1. La prise en compte de la hausse des prix

2. Une priorité forte pour la défense du patrimoine de proximité

3. De grands projets qui continuent de mobiliser des fonds importants

4. Des mesures destinées à accompagner le fonctionnement des grands établissements patrimoniaux au plus près de leurs besoins

B. les CRÉDITS du programme crÉation

1. Les mesures nouvelles correspondent aux grands axes stratégiques déployés par le ministère

2. Les grands projets d’investissement des opérateurs nationaux

3. Les alertes et difficultés persistantes

C. les CRÉDITS du programme transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture

1. Des efforts indispensables en direction de l’enseignement supérieur

2. L’éducation artistique et culturelle demeure largement portée par le pass culture

3. La politique en faveur de la langue française gagnerait à affirmer une stratégie plus claire

D. les CRÉDITS du programme soutien aux politiques du ministÈre de la culture

II. La politique culturelle en direction de la jeunesse

A. une politique regroupant de nombreux dispositifs

1. Les dispositifs de politique culturelle en direction de la jeunesse

a. Un contexte qui se transforme

b. Des dispositifs variés développant plusieurs approches de la culture

c. Des transformations de la médiation pour une transmission moins prescriptrice

2. L’EAC, mot d’ordre de la politique culturelle en direction de la jeunesse

a. L’éducation artistique et culturelle : une politique déconcentrée et partenariale

b. Une volonté de coordination interministérielle et territoriale grâce à plus de structuration de l’offre d’EAC

B. la priorité donnÉe au pass culture

1. Part collective et part individuelle : deux logiques différentes, mais complémentaires

a. Un volet individuel toujours en voie d’élargissement

b. Une part collective perçue comme un rééquilibrage nécessaire de la politique d’EAC

2. Un statut de la société pass Culture qui interroge

a. La société pass Culture, modèle original pour le développement d’une politique publique

b. Deux modes de gestion qui donnent des responsabilités différentes à la société du pass Culture

c. Une transformation souhaitable de la société du pass Culture en opérateur de l’État

3. Des difficultés persistantes qui appellent des améliorations nécessaires

a. Un déploiement plus difficile dans les territoires du fait de la problématique du transport

b. Une extension envisageable de la part collective au premier degré

Travaux de la commission

I. AUDITION DE LA MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

1. Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9 heures 30

2. Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 15 heures

ANNEXE Liste des personnes entendues par la rapporteure pour avis

 


— 1 —

   introduction

La mission Culture sur laquelle porte le présent avis regroupe les trois programmes thématiques Patrimoines (175), Création (131), Transmission des savoirs et démocratisation de la culture (361), ainsi que le programme support Soutien aux politiques du ministère de la Culture (224).

Le budget de la culture pour 2024 est à nouveau un budget en hausse, ce dont la rapporteure pour avis ne peut que se réjouir. Son montant élevé reflète les revalorisations successives intervenues au cours de la crise sanitaire et immédiatement après, mais également une nouvelle augmentation des crédits. Il faut toutefois souligner que celle-ci vise à compenser, au moins partiellement, l’inflation qui devrait continuer de croître en 2024. Ses effets sur les salaires, les coûts de l’énergie ou les projets immobiliers, emportent de lourdes conséquences pour de nombreux opérateurs culturels du ministère et pour les acteurs des secteurs soutenus (notamment dans les domaines du spectacle vivant, des arts visuels, fortement pourvoyeurs d’emplois).

Afin de ne pas faire de doublon avec l’analyse approfondie des crédits effectuée par la commission des Finances, le bureau de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation a décidé que les rapports pour avis sur les crédits budgétaires devraient, après avoir décrit leur évolution de manière synthétique, aborder à titre principal un thème spécifique, lequel fait l’objet de la seconde partie du présent avis. À cet égard, le choix de la rapporteure pour avis s’est porté cette année sur la politique culturelle en direction de la jeunesse.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis qui remercie vivement les services du ministère de la Culture pour leur diligence.

 

 


—  1  —

I.   les CRÉDITS de la mission culture pour 2024

Avec 4 183 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 3 900 millions d’euros en crédits de paiement (CP) prévus dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits de la mission Culture présenteraient une nette augmentation par rapport au budget 2023, de 11,88 % en AE, et de 4,90 % en CP. La hausse notable des AE témoigne d’une politique d’investissement ambitieuse, qui concerne particulièrement le programme 175 Patrimoines (hausse prévue de 32,79 %), avec un effort très conséquent pour les actions 03 Patrimoine des musées de France (+ 69,06 %) et 04 Patrimoine archivistique (+ 182,68 %). Cet effort recouvre notamment de grands projets immobiliers, qui mobiliseront pour des années le ministère de la Culture (déménagement des archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, rénovation du Centre Pompidou, futur Musée mémorial du terrorisme, etc.) et devront faire l’objet d’un suivi attentif de la part de la représentation nationale, eu égard aux montants engagés.

De façon générale, l’augmentation tendancielle du budget de la culture observée depuis la crise sanitaire et les aides qui l’ont accompagnée se confirme. On assiste bien ces dernières années à une augmentation structurelle des crédits de la culture qui a conduit à rattraper, puis à dépasser, en 2021, le niveau qu’ils atteignaient en 2010. S’il ne faut pas exclure que ce mouvement puisse être suivi d’un ressac lors des prochains exercices budgétaires, les montants mobilisés auront permis de mener à bien certains grands projets et de rattraper certains retards, ce qui est louable.

Le périmètre de la mission Culture connaîtrait en 2024 un transfert entrant, en provenance du programme 150 Enseignement supérieur de la mission Recherche et enseignement supérieur, vers le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture, dotant ce dernier de 5 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires ainsi que de la masse salariale correspondant à ces emplois à hauteur de 435 000 euros. Ce transfert est inscrit sur le titre 2 des Écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa) en réponse à la crise sociale qu’elles ont connue en 2023.

Deux transferts sortants de la mission Culture sont prévus :

– à destination du programme 148 Fonction publique de la mission Transformation et fonction publique, depuis le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture pour le financement de la plateforme MENTOR ([1]), (104 947 euros en AE et en CP, hors titre 2) ;

– à destination du programme 195 Comptes et régimes spéciaux de la mission Régimes sociaux de retraite, en provenance du programme 131 Création, relatif aux caisses de retraite de l’Opéra de Paris et de la Comédie française (25 millions d’euros en AE et en CP, hors titre 2).

Les crÉdits de la mission Culture en 2023 et 2024

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouverts en LFI 2023

Demandés
pour 2024

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

175 – Patrimoines

1 112

1 476

1 100

1 191

131 – Création

1 011

1 027

1 006

1 037

361 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

802

833

800

828

224 – Soutien aux politiques du ministère de la Culture

814

846

812

844

Total mission Culture

3 739

4 183

3 718

3 900 (1)

Source : projet annuel de performances de la mission Culture pour 2024

(1) La différence d’un million d’euros provient des recettes des fonds de concours et attributions de produits attendus pour 2024.

Les prévisions macro-économiques pour 2024 demeurent incertaines : le contexte international très tendu ainsi que les hausses successives des taux directeurs décidées par les grandes institutions monétaires ([2])  pour tenter de contrer l’inflation persistante dessinent un paysage économique peu lisible pour les années à venir. La hausse des coûts fixes ainsi que les investissements indispensables à la transition énergétique constituent des défis de taille pour de nombreux établissements culturels, qu’il s’agisse des opérateurs de l’État, des structures labellisées ou des réseaux privés.

La prévision d’inflation du Gouvernement pour 2024 s’établit dans le projet de loi de finances à 2,6 %, pour une prévision de croissance à 1,4 %. Si l’on peut observer un reflux certain de l’inflation prévue pour 2024 (au regard de l’augmentation encore estimée en septembre à 4,9 % sur un an pour 2023 par l’Insee ([3])), il n’en demeure pas moins que les augmentations de crédits annoncées pour la prochaine année budgétaire auront une nouvelle fois vocation à être largement amputées par les effets de la hausse des prix. À prix constants, compte tenu des prévisions d’inflation, le budget de la mission Culture connaîtrait donc une augmentation environ moitié moindre que le taux nominal affiché (qui est de 6 %).

Deux ans après la sortie de la crise sanitaire, la grande majorité des acteurs culturels auditionnés par la rapporteure pour avis s’accordent sur le constat d’une aide efficace et bienvenue de l’État, qui aura notamment permis d’éviter les fermetures de salles de spectacle et l’arrêt total des commandes de création artistique. En outre, cet accroissement conjoncturel du budget de la culture semble avoir produit un « effet cliquet », puisque l’on ne constate pas de remise en cause massive des augmentations enregistrées lors des dernières années. Alors que la discussion budgétaire s’inscrit dans une dynamique générale visant à contenir les dépenses, le budget présenté pour la mission Culture apparaît globalement épargné par les restrictions.

On constate même une légère augmentation des effectifs du ministère, de 9 111 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2023 à 9 163 ETPT en 2024, soit une hausse de 52 ETPT. Cette évolution traduit le renforcement des moyens alloués en propre au ministère pour l’accomplissement de ses missions après plusieurs années de baisse des effectifs : le schéma d’emplois 2024 présente ainsi un impact positif de 24 ETPT. L’augmentation prévue ne suffit toutefois pas à compenser la baisse subie par le ministère de la Culture pour la seule année 2023, lequel avait alors perdu 325 ETPT.

Enfin, la rapporteure pour avis souhaite souligner que la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques à Paris et dans l’ensemble des villes concernées par l’organisation des épreuves aura nécessairement des conséquences sur le paysage culturel français à l’été 2024 (avec des reports de manifestations ou des contraintes additionnelles dans leur organisation), mais parfois aussi au-delà (avec par exemple des reports de travaux). Il conviendra, une fois l’évènement passé, de mesurer tous les effets et surcoûts générés, tout comme les opportunités nouvelles offertes à cette occasion aux acteurs du secteur culturel.

Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

 

Une programmation culturelle spécifique en lien avec les JOP

Le Comité international olympique attend du pays organisateur des JO qu’il puisse également proposer une programmation culturelle spécifique autour des épreuves sportives. Cette Olympiade culturelle a démarré en France dès 2021 et prendra fin avec les Jeux Paralympiques le 8 septembre 2024. Son orientation première a été fixée par le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO) de Paris 2024 : le dialogue et le décloisonnement entre les mondes du sport et de la culture. Le COJO est chargé d’identifier quelques grands temps forts autour de ce thème, d’apporter son financement à des projets choisis et de labelliser les projets souhaitant s’inscrire dans la dynamique des Jeux.

Les acteurs publics et privés peuvent apporter leur soutien à des projets destinés à nourrir la programmation de l’Olympiade culturelle : le ministère de la Culture veille à soutenir une programmation inscrite dans les territoires, en métropole comme outre-mer, par le biais des DRAC.

Le parcours du relais de la flamme, qui commencera à Marseille le 9 mai 2024 et s’achèvera à Paris le 26 juillet 2024, devrait permettre de mettre en lumière des manifestations associant sport et culture dans les lieux d’étape de la flamme.

Lors du Comité interministériel aux Jeux Olympiques et Paralympiques du 15 novembre 2021, il a été décidé que le ministère de la Culture serait doté de 9 millions d’euros afin de contribuer au financement de la programmation de l’Olympiade culturelle pour la période 2022-2024 : 2 millions d’euros en 2022, 3 millions d’euros en 2023 et 4 millions d’euros en 2024. La dotation vise à la fois à cofinancer des projets territoriaux et à soutenir quelques projets nationaux de plus grande envergure comme la grande collecte des archives du sport, organisée notamment en liaison avec les archives départementales, le projet de conception et de construction des pavillons éphémères par les vingt écoles nationales supérieures d’architecture ou encore le projet d’exposition d’œuvres des FRAC dans les équipements sportifs sur l’ensemble du territoire.

Les montants des crédits des opérateurs culturels nationaux consacrés à la programmation de l’Olympiade, en réponse à la sollicitation du ministère de la Culture, viennent s’ajouter aux autres moyens accordés à l’Olympiade. À l’issue des Jeux, un bilan des moyens dédiés par les opérateurs pourra être réalisé afin d’en mesurer l’exacte implication.

Incidences sur la fréquentation des lieux culturels

L’incidence des JO de 2024 sur la fréquentation des institutions culturelles devrait varier selon les établissements culturels et leur localisation : certains seront fermés ou transformés en espaces d’organisation des JO, tels que le Palais de Tokyo, qui deviendra le Club House 24, le Grand Palais, qui accueillera les épreuves d’escrime et de taekwondo de la compétition ou encore l’Établissement public du parc et de la Grande Halle de la Villette qui accueillera le Club France (700 000 visiteurs attendus).

Les établissements culturels publics en Île-de-France ouverts aux publics pourraient connaître une baisse de fréquentation pour les trois motifs suivants :

           des journées totales ou partielles de fermeture causées par les JO eux-mêmes : la cérémonie d’ouverture et certaines épreuves sur route auront un impact important sur les établissements culturels situés dans le périmètre des événements. Ainsi, la Cité de l’architecture et du patrimoine verra ses accès réduits à partir d’avril 2024 et ne devrait plus être accessible au public pendant un mois à compter de juillet ; le musée d’Orsay pourrait être fermé durant cinq jours ; le Louvre devrait être fermé le 26 juillet 2024, jour de la cérémonie d’ouverture ;

           Les périmètres de sécurité, en cours de définition, ainsi que les plans de transports publics, auront un impact sur l’accessibilité de ces établissements ;

           La modification de la population touristique lors de l’été 2024, davantage tournée vers les Jeux et le sport que vers les sites culturels du ministère de la Culture, pourrait occasionner une baisse de la fréquentation.

Cependant, afin d’attirer les spectateurs venus pour les JO, plusieurs établissements devraient organiser des expositions mêlant des thématiques sportives et artistiques. Le musée du Louvre proposera d’avril à septembre 2024 dans la galerie Richelieu une exposition dédiée à « L’olympisme, une invention moderne », permettant de découvrir la création des premiers Jeux Olympiques modernes, tandis que l’Établissement public du Palais de la Porte Dorée produira une exposition retraçant les 130 ans d’histoire contemporaine des Jeux Olympiques, associée à des offres pédagogiques et de spectacles consacrées aux olympiades du futur.

Conséquences sur l’organisation des manifestations culturelles

Les JO mobiliseront massivement les forces de l’ordre, en particulier les Unités de forces mobiles, avec des besoins conséquents en termes de ressources humaines et de matériels (sécurité et écrans par exemple). Toutefois, l’objectif consiste à limiter au maximum l’incidence des JO de 2024 sur l’organisation des événements culturels du paysage estival français, et à éviter en particulier les reports et annulations. En décembre 2022, une circulaire a été signée conjointement par les ministères de l’Intérieur, des Sports et de la Culture afin de sécuriser la tenue des événements estivaux pendant les JO, et la majorité des festivals devrait être maintenue : Rock en Seine à Saint-Cloud (pendant la période des Jeux Paralympiques), les Vieilles Charrues à Carhaix, les Francofolies à la Rochelle, le Hellfest à Clisson, les Eurockéennes de Belfort, le Festival Interceltique de Lorient. Néanmoins, certains parmi eux connaîtront un changement de calendrier. C’est notamment le cas de la 78ème édition du Festival d’Avignon, qui se tiendra exceptionnellement une semaine plus tôt que son calendrier habituel, du 29 juin 2024 au 21 juillet 2024 (avec de possibles incidences sur la fréquentation, le démarrage s’effectuant donc cette année hors période de vacances scolaires).

Un autre impact direct sur le secteur doit être relevé : le fait que de nombreux équipements sportifs seront utilisés dans le cadre des compétitions, en particulier les stades, s’accompagne de l’impossibilité d’y organiser des concerts de grande envergure. Une forte reprise pourrait s’ensuivre liée à un effet de rattrapage. La programmation simultanée de nombreux événements pourrait entraîner la raréfaction du matériel technique, se traduisant par une inflation supplémentaire des coûts pour l’organisation d’évènements culturels.


A.   les CRÉDITS du programme patrimoines

Le programme 175 Patrimoines regroupe les crédits relatifs aux musées, aux monuments historiques, à la protection du patrimoine et à l’architecture, aux archives et à l’archéologie. Au titre de l’année 2024, il constitue le support de grands projets emblématiques, comme la poursuite de la restauration de la cathédrale de Nantes à la suite de l’incendie survenu en 2020, le lancement des travaux de restauration du grand cloître de l’ancienne abbaye de Clairvaux, ou encore la contribution de l’État au projet de revalorisation du château de Gaillon porté par l’agglomération Seine‑Eure.

Les crédits du programme Patrimoines inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2024 s’élèvent à 1 476 millions d’euros en AE et 1 191 millions d’euros en CP, avec des augmentations de 364,5 millions d’euros en AE (+ 33 %), traduisant l’ambition de la politique d’investissement en matière patrimoniale et de 90,6 millions d’euros en CP (+ 8 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023.

Les crÉdits du programme 175 patrimoines en 2023 et 2024

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Variation des CP

Monuments historiques et patrimoine monumental

490,45

523,06

466,63

507,67

+ 8,8 %

Architecture et sites patrimoniaux

36,72

37,83

36,72

37,83

+ 5,9 %

Patrimoine des musées de France

387,68

655,40

394,37

431,14

+ 9,3 %

Patrimoine archivistique

29,11

82,29

34,71

36,47

+ 5,1 %

Acquisition et enrichissement des collections publiques

9,78

9,78

9,78

9,78

-

Patrimoine archéologique

157,94

167,86

157,81

167,73

+ 6,3 %

Total

1 111,68

1 476,22

1 100,02

1 190,61

+ 8,2 %

Source : projet annuel de performances de la mission Culture pour 2024

1.   La prise en compte de la hausse des prix

La progression des crédits prévue pour le programme 175 témoigne de la prise en compte de l’évolution de l’inflation avec 41,5 millions d’euros en CP supplémentaires destinés à compenser la hausse des prix : après 17,8 millions d’euros en 2023, 13,7 millions d’euros sont prévus en fonctionnement pour les services à compétence nationale et les opérateurs afin de les aider à faire face à l’augmentation prévisible des dépenses d’énergie en 2024, tandis que 27,8 millions d’euros sont prévus en investissement (10 millions d’euros pour les directions régionales des affaires culturelles – Drac –, 13 millions d’euros pour les opérateurs et 4,7 millions d’euros pour les services à compétence nationale).

Le caractère patrimonial des établissements du programme 175, qui les soumet à de coûteuses exigences de fonctionnement et d’entretien, les rend particulièrement vulnérables aux variations des prix dans les secteurs de l’énergie et de la construction. Or, ces secteurs connaissent des tensions persistantes depuis 2021 : les difficultés d’approvisionnement, apparues lors de la crise sanitaire et amplifiées par la guerre en Ukraine, sont encore accrues par la préparation des Jeux Olympiques de Paris.

Selon les données du ministère de la Culture, basées sur les hypothèses macroéconomiques transmises par le ministère des Comptes publics, les dépenses de fonctionnement courant des établissements vont voir leur hausse se poursuivre entre 2022 et 2024 à un rythme important mais relativement contenu. En revanche, les dépenses d’énergie, qui représentent environ 5 % des dépenses de fonctionnement courant, hors masse salariale, connaissent une inflation beaucoup plus marquée sur la même période (voir tableau ci-dessous).

hausse des dépenses des Établissements relevant du programme 175 patrimoines de 2022 À 2024

 

2022/2021

2023/2022

2024/2023

Variation des dépenses de fonctionnement courant

+ 5,3 %

+ 4,9 %

+ 2,6 %

Variation des dépenses d’énergie

+ 45 %

+ 63 %

+ 135 %

Source : ministère de la Culture et ministère des Comptes publics

En investissement, la mesure de l’inflation repose principalement sur l’indice du coût de la construction qui a progressé de 8,9 % en 2022 et pourrait augmenter de 3,1 % en 2023 et 2024.

À titre d’illustration de la hausse des coûts et de leur part croissante dans le budget des établissements, on pourra mentionner les chiffres communiqués à la suite de son audition par l’administrateur général du musée du Louvre, M. Kim Pham : alors que les dépenses énergétiques de l’opérateur s’élevaient à 9,3 millions d’euros en 2022, elles atteindront 18,7 millions d’euros en 2023 (projection d’ici la fin d’année) – soit un doublement par rapport à l’année précédente – et sont programmées à hauteur de 15,3 millions d’euros pour 2024, ce qui représente respectivement 3,7 % du budget en 2022, 5,2 % en 2023 et 4,6 % en 2024. Pour le Centre Pompidou, la facture d’électricité est passée de 2,9 millions d’euros en 2021 à 7,9 millions d’euros en prévision pour 2023.

 

Ces surcoûts dus à la conjoncture sur le marché de l’énergie viennent s’ajouter aux dépenses supplémentaires induites par la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique : 19 millions d’euros sont spécifiquement prévus pour y faire face dans le projet de loi de finances pour 2024.

Consommation des crédits du plan de relance

Pour les projets relevant du champ culturel, c’est le programme plan 363 Compétitivité qui a constitué le support des dépenses du plan « France relance » annoncé en 2020. À la fin de l’année 2023, tous les crédits prévus devraient avoir été engagés (avec une prévision d’exécution de près de 100 % en AE et de 95 % en CP pour le patrimoine et l’architecture).

Dans le secteur patrimonial, le plan de relance avait pour objectif de valoriser les métiers de la restauration patrimoniale et les savoir-faire d’excellence à travers la commande publique, de soutenir les partenaires publics et privés et de pourvoir à l’attractivité et au rayonnement international de la France en accompagnant les opérateurs nationaux. Au titre de ces différents objectifs, une enveloppe de 640,7 millions d’euros était prévue. Les crédits, ouverts par la direction du budget, qui assure la responsabilité du programme 363 Compétitivité, font l’objet d’une convention de délégation de gestion avec le ministère de la Culture. Le plan de relance a permis le déploiement d’un plan ambitieux de restauration des monuments historiques à hauteur de 284 millions d’euros : 80 millions d’euros pour les cathédrales, 40 millions d’euros pour les monuments n’appartenant pas à l’État, 40 millions d’euros pour les monuments relevant du Centre des monuments nationaux et 124 millions d’euros consacrés à l’accélération du chantier de restauration du château de Villers-Cotterêts (Aisne) devant accueillir la Cité internationale de la langue française.

Il s’agissait à la fois pour l’État de conduire des investissements en stimulant les entreprises du secteur dans les monuments historiques qui lui appartiennent, en particulier dans les cathédrales et dans les monuments nationaux, et de soutenir les travaux portant sur les monuments historiques qui appartiennent aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés, avec :

 le soutien aux investissements des collectivités territoriales dans les institutions patrimoniales (20 millions d’euros) pour les archives, musées et centres de conservation et d’études archéologiques ;

 le soutien à la reprise d’activité des opérateurs et le renforcement de leur capacité d’investissement afin de leur permettre de développer des initiatives culturelles et artistiques innovantes et de contribuer à l’attractivité des territoires (à hauteur de 336,7 millions d’euros).

Ce plan de relance intègre également des crédits complémentaires redéployés au sein du ministère de la Culture en 2022 à hauteur de 32,9 millions d’euros, dont :

 8,9 millions d’euros au titre du maintien de la capacité d’investissement des établissements publics affectée par la crise sanitaire ;

 24 millions d’euros en faveur du chantier de restauration du château de Villers-Cotterêts pour tenir compte de l’inflation et de la hausse des coûts de la construction, ainsi que de l’effondrement d’un mur de refend durant les travaux.

2.   Une priorité forte pour la défense du patrimoine de proximité

Une partie des crédits engagés pour la restauration du patrimoine prend la forme de crédits déconcentrés, engagés par les Drac selon les besoins des territoires et en partenariat avec les collectivités territoriales, qui financent également une partie des travaux. En 2024, des travaux de restauration entamés en 2023 se poursuivent sur trois sites emblématiques : la restauration de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Nantes, à la suite de l’incendie survenu en juillet 2020 (3,8 millions d’euros supplémentaires prévus en AE et 1,9 million d’euros additionnels prévus en CP), les travaux de l’ancienne abbaye de Clairvaux dans l’Aube (5 millions d’euros supplémentaires prévus en AE et 10 millions d’euros additionnels prévus en CP) et le projet de restauration du château de Gaillon dans l’Eure porté par la communauté Seine-Eure (avec une baisse de 2,8 millions d’euros prévue en AE et 2,8 millions supplémentaires prévus en CP). Deux millions d’euros devraient être consacrés au domaine de Chantilly, qui relève de l’Institut de France, avec un effort exceptionnel d’un million d’euros de plus qu’en 2023.

Lors de son audition, le directeur général des patrimoines et de l’architecture, M. Jean-François Hébert, a insisté sur la volonté du Gouvernement, conformément aux annonces du Président de la République à Saumur-en-Auxois lors des 40e Journées européennes du patrimoine, de déployer de nouveaux moyens en faveur de la protection et de la sauvegarde du patrimoine de proximité non protégé.

À cet effet, 4 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour la restauration des monuments historiques. D’une part, le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP) créé en 2018, se verrait doté de 2 millions d’euros supplémentaires (ce qui porterait le dispositif à 20 millions d’euros). Le FIP est un dispositif partenarial qui encourage les petites communes, propriétaires de la moitié des monuments historiques, à investir dans la restauration de leur patrimoine en prévoyant que l’État augmente son soutien financier habituel, sous réserve d’un engagement financier du conseil régional.

À l’occasion du déplacement présidentiel à Saumur-en-Auxois, une collecte a été lancée, sous l’égide de la Fondation de France, prenant la forme d’une souscription nationale permettant une déduction fiscale de 75 % du montant donné. L’objectif annoncé par le Président de la République est de mobiliser 200 millions d’euros sur quatre ans pour les communes de moins de 10 000 habitants dans l’hexagone, et de moins de 20 000 habitants outre-mer. Il est prévu que 10 % des montants récoltés soient affectés à l’aide à l’ingénierie pour les petites communes ayant la maîtrise d’ouvrage de biens à restaurer. L’Agence nationale de la cohésion des territoires pourra en outre apporter un soutien à ces communes.

Le montant inscrit au projet de loi de finances pour 2024 au titre des crédits d’entretien et de restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État (hors grands projets) suivis par les Drac est de 172,8 millions d’euros en AE et de 175,7 millions d’euros en CP, dont 23,1 millions d’euros pour les crédits d’entretien, 154,7 millions d’euros en AE, et 153,6 millions d’euros en CP pour les crédits de restauration. Ces crédits, versés par les services déconcentrés du ministère de la Culture ([4]) aux collectivités ou aux particuliers pour les travaux d’entretien et de restauration des monuments historiques dont ils sont propriétaires, constituent un levier majeur de la conservation du patrimoine national.

Si l’on constate des crédits prévus à un niveau identique depuis 2022 pour l’entretien, à hauteur de 23,1 millions d’euros, une hausse sensible des crédits de restauration peut être soulignée (avec une exécution en 2022 de 145,7 millions d’euros en AE et de 148,6 millions d’euros en CP). Toutefois, le montant constaté en exécution en 2022 étant largement inférieur aux crédits ouverts en loi de finances initiale (168,8 millions d’euros en AE et 171,7 millions d’euros en CP), il faut espérer que cette hausse des crédits s’accompagne également d’un meilleur taux de consommation.

M. Jean-François Hébert a mentionné lors de son audition la volonté de favoriser les usages mixtes ([5]) pour des lieux de culte parfois abandonnés faute d’une pratique religieuse suffisante. En effet, s’il faut selon lui relativiser le tableau parfois brossé d’un petit patrimoine religieux à l’abandon, il n’en reste pas moins que 2 500 édifices sont dans un état préoccupant et 500 déclarés en état de péril.

3.   De grands projets qui continuent de mobiliser des fonds importants

Parallèlement à la priorité donnée au petit patrimoine, le budget du programme 175 prévoit également la poursuite de grands chantiers et la réouverture de grands établissements culturels, qui mobiliseront de nouveaux moyens humains pour les faire vivre.

Au titre des grands projets qui devraient être lancés en 2024, on citera notamment :

– le Musée-mémorial du terrorisme : ayant pour ambition de rendre hommage aux victimes du terrorisme au sein d’un musée d’histoire, le musée devrait s’installer dans l’actuelle École de Plein Air de Suresnes. Pour ce faire, une réhabilitation totale du bâtiment sera nécessaire, impliquant une ouverture au public en 2027. La trajectoire de programmation pluriannuelle entérinant la participation des différents ministères concernés a été arbitrée en février 2023 : le coût total d’opération s’élèverait à 95 millions d’euros, pour une participation totale du programme 175 à hauteur de 15,3 millions d’euros. Le début des travaux est prévu en 2024, avec une ouverture des AE à hauteur de 13 millions d’euros pour le programme 175. La rapporteure pour avis relève que le ministère de la Culture finance 16 % du coût des travaux pour ce projet qui relève avant tout du ministère de la Justice. C’est l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC) qui est chargé de la maîtrise d’ouvrage de ce projet, là où l’Agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ) aurait dû intervenir. La rapporteure pour avis déplore que le ministère de la Culture assure l’essentiel des financements des opérateurs placés sous la cotutelle de plusieurs ministères. Les autres ministères ne financent pas ces opérateurs en dépit de la tutelle qu’ils exercent notamment par leur présence au sein des conseils d’administration et se désinvestissent de leur fonction tutélaire. L’Établissement public du Palais de la porte Dorée est ainsi placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, du ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer et du ministère de la Culture. Pour autant, ce dernier apporte autour des deux tiers du financement de l’opérateur (8,07 millions d’euros sur 12,83 millions d’euros en CP pour 2024 et 11,44 millions d’euros sur 16,21 millions d’euros en AE) le reliquat étant apporté par le Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Le ministère de l’Intérieur et des Outre-Mer et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’apportent de leur côté aucun financement. Il apparaît donc souhaitable que la contribution des différents ministères soit rééquilibrée ;

– l’extension du site des Archives Nationales à Pierrefitte-sur-Seine : en raison de la fermeture du site de Fontainebleau, le bâtiment actuel de Pierrefitte-sur-Seine, qui développe une capacité de stockage de 358 kilomètres linéaires, devrait être saturé à l’horizon 2025-2026 au lieu de 2040, comme prévu initialement. L’objectif de l’extension est donc de permettre la poursuite de la collecte des archives de la Présidence de la République, des services du Premier ministre, des ministères, de leurs opérateurs nationaux, des hautes juridictions et des archives d’origine privée d’intérêt national. L’opération, actuellement au stade des études de conception (pour lesquelles 2,7 millions d’euros seront versés en 2023), devrait voir les travaux débuter en 2024, pour un coût total prévisionnel de 96 millions d’euros (dont 67,2 millions d’euros engagés par le ministère de la Culture). En 2024, les AE pour le début des travaux devraient représenter 54,7 millions d’euros ;

– le soutien au plan pluriannuel des investissements du musée Guimet, qui doit subir d’importants travaux, notamment sur ses sites annexes de l’hôtel Heidelbach et du musée d’Ennery, peu exploités et dont la vétusté induit des coûts de fonctionnement supplémentaires. De 2024 à 2026, 3 millions d’euros par an du programme 175 devraient venir alimenter le projet de plan pluriannuel d’investissement estimé à 20 millions d’euros lors d’un audit architectural et technique effectué par le musée.

Par ailleurs, d’autres projets sont en voie d’achèvement, parmi lesquels :

– la Réunion des musées nationaux – Nouveau Grand Palais : le projet du Nouveau Grand Palais (NGP) était constitué de deux volets majeurs : un volet patrimonial visant la restauration du monument historique et un volet de remise aux normes et d’aménagement du bâtiment de manière à le rendre plus fonctionnel et à augmenter sa capacité d’accueil. Le coût total de l’opération a été estimé en 2016 à 466 millions d’euros, mais il est prévu que le contexte inflationniste génère un surcoût d’au moins 18,5 millions d’euros, couverts à hauteur de 2 millions d’euros en 2023 par le plan de relance (par anticipation) et d’un million d’euros via les mesures de compensation de l’inflation du programme 175. Celles-ci devraient permettre d’absorber 8,8 millions d’euros du surcoût en 2024. Le Grand Palais devant rouvrir ses portes au public à l’été 2024 pour accueillir certaines épreuves des Jeux Olympiques (taekwondo et escrime), des entraînements et réglages techniques devront pouvoir être réalisés dès le printemps ;

– la restauration et l’exploitation du château de Villers-Cotterêts : cette opération s’inscrit dans le cadre de la création d’une Cité internationale de la langue française (Cilf), implantée dans le château de Villers-Cotterêts, témoin d’une volonté de promotion de la langue française et de la francophonie, dont l’ouverture a été fixée au 31 octobre 2023. La première partie du projet prévoyait la restauration du clos et couvert des Logis royal et Jeu de Paume afin d’y accueillir la Cilf, un second volet devrait permettre l’exploitation économique des autres parties du château (hôtellerie, salons, activités d’enseignement et loisirs).

Le coût total de l’opération est de 209 millions d’euros avec une part de 55 millions d’euros assumée par le programme 175 en 2024. Des surcoûts, notamment liés à l’impact des clauses de révision des prix dans un contexte très inflationniste, sont en cours de chiffrage : la rapporteure pour avis souhaite souligner l’importance des montants investis dans ce projet qui correspondait à une volonté présidentielle et insister sur la nécessité de doter la Cité internationale de la langue française d’un projet culturel et pédagogique de tout premier ordre, afin de faire coïncider l’ampleur des travaux entrepris avec une réelle ambition de rayonnement pour la langue française.

– enfin, on pourra évoquer les travaux résultant du schéma directeur du Centre Pompidou pour le site de Massy, dont les travaux de rénovation devraient débuter en 2024. Le schéma directeur se décline en deux volets distincts. Le premier se concentre sur l’aspect technique, dans l’objectif d’une réhabilitation majeure du bâtiment afin de répondre aux enjeux de sécurité, d’accessibilité, de développement durable, de maîtrise énergétique et de désamiantage. Les études de maîtrise d’œuvre du schéma directeur technique sont en cours, pour un montant de 20,15 millions d’euros. Le coût total de ce premier volet devrait s’élever à 262 millions d’euros, dont 52 millions d’euros au titre de l’actualisation des coûts. Les travaux devraient débuter en 2024 avec des AE qui seraient ouvertes pour cette année à hauteur de 226 millions d’euros.

Au volet technique du schéma directeur s’ajoute un volet culturel et muséographique, qui a pour objectif d’apporter des améliorations fonctionnelles afin d’offrir une nouvelle expérience pour les publics et d’adapter le bâtiment aux défis culturels, sociétaux et environnementaux du Centre Pompidou à Massy. Ce volet qui devrait être financé par les ressources propres de l’établissement : le coût total en est estimé à 207 millions d’euros.

4.   Des mesures destinées à accompagner le fonctionnement des grands établissements patrimoniaux au plus près de leurs besoins

Le programme 175 Patrimoines devrait également être le support de mesures d’accompagnement pour certains établissements, afin de compenser des frais de fonctionnement rendus parfois trop lourds par l’inflation, ou structurellement sous-financés au regard de l’évolution des besoins : c’est le cas de la mesure d’équilibrage pour accompagner le Centre Pompidou dans le redressement de son fonctionnement (4 millions d’euros supplémentaires prévus) ou de l’augmentation de la subvention pour charges de service public des musées Henner-Moreau (0,2 million d’euros supplémentaires prévus).

La rapporteure pour avis souhaite toutefois attirer l’attention sur la nécessité, à terme, de rehausser la subvention pour charge de service public de l’Inrap. Cet opérateur mène des activités de fouilles d’archéologie préventive dans un cadre concurrentiel et exerce de façon distincte des activités non-concurrentielles. Ces deux types d’activité font l’objet d’une séparation comptable rigoureuse et bénéficient de ressources distinctes. Les activités du secteur concurrentiel sont ainsi financées par la rémunération perçue en contrepartie des opérations de fouilles réalisées, tandis que les activités non-concurrentielles sont financées par l’État au moyen d’une subvention pour charge de service public. Pour autant, depuis 2016, l’Inrap doit dégager un excédent sur le secteur concurrentiel pour financer une partie de ses missions non-concurrentielles, dont le coût n’est pas couvert par la subvention pour charge de service public. À titre d’exemple, pour l’année 2022 (dernier exercice clos), la subvention pour charge de service public s’élevait à 86 millions d’euros, alors que les dépenses d’exploitation du secteur non-concurrentiel atteignaient 100,5 millions d’euros. Cette situation impose à l’établissement public de vendre plus cher ses prestations sur le marché concurrentiel pour garantir cet excédent nécessaire à l’équilibre budgétaire de l’opérateur, cela au détriment de sa compétitivité sur le marché des fouilles d’archéologie préventive. Si cette situation ne pose actuellement pas de difficulté grâce au dynamisme du marché qui permet de dégager un excédent, la situation pourrait très vite devenir critique en cas de retournement du marché.

Il existe ainsi un risque que d’une année sur l’autre, l’Inrap se retrouve privé d’excédent dans le secteur non-concurrentiel et se retrouve en difficulté sur le plan financier, ce qui se traduirait rapidement sur le terrain. L’aménagement du territoire aurait ainsi à souffrir de la difficulté de l’Inrap à être en capacité de mener des projets attendus localement. Ce retournement apparaît inéluctable à long terme avec la mise en œuvre des objectifs du dispositif du « Zéro Artificialisation Nette » qui aura un impact sur le dynamisme du secteur des fouilles d’archéologie préventive. Aussi, la rapporteure pour avis souhaite attirer l’attention sur la nécessité d’augmenter la subvention pour charge de service public : 4 à 5 millions d’euros manqueraient actuellement pour équilibrer le budget du secteur non-concurrentiel. La rapporteure pour avis tient en outre à saluer la bonne gestion financière de l’Inrap qui a permis de mettre fin à la dette de l’opérateur.

La rapporteure pour avis s’inquiète par ailleurs de la piste évoquée par un rapport de l’Inspection Générale des Finances de juillet 2023, qui préconisait de ponctionner le fonds de roulement de l’Établissement public du musée du quai Branly. Elle estime que ces ressources doivent être préservées au bénéfice du fonctionnement de cet opérateur.

B.   les CRÉDITS du programme crÉation

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit au titre du programme Création 1 027 millions d’euros en AE et 1 037 millions d’euros en CP, soit une hausse de 1,6 % en AE et de 3,1 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2023.

Les crÉdits du programme 131 crÉation en 2023 et 2024

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Variation des CP

Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

818,27

810,34

801,99

814,36

+ 1,5 %

Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels

130,0

145,14

141,45

150,90

+ 6,7 %

Soutien à l’emploi et structurations des professions

62,72

71,72

62,72

71,72

+ 14,4 %

Total programme 131 Création

1 010,99

1 027,20

1 006,16

1 036,97

+ 3,1 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2024

1.   Les mesures nouvelles correspondent aux grands axes stratégiques déployés par le ministère

Ces mesures nouvelles comprennent notamment :

– 10 millions d’euros ([6]) pour le plan « Mieux produire, mieux diffuser » (MPMD) : le plan MPMD vise à refonder le système de production et de diffusion actuelle dans le secteur de la création artistique. Il s’agit de répondre à certains constats opérés par les acteurs du secteur et entendus par la rapporteure pour avis lors des auditions des professionnels du spectacle vivant public et privé.

S’agissant du volet « production », le plan vise à remédier à l’émiettement des financements en réduisant le nombre de coproducteurs, à renforcer la durée et les moyens de la production pour créer des spectacles de meilleure qualité et plus attractifs pour le public et à consolider les possibilités d’expérimentation artistique tout en garantissant la diversité créative.

Concernant le volet « diffusion », le plan MPMD doit contribuer à remédier à la trop courte durée de vie des spectacles produits, régulièrement pointée du doigt ces dernières années ([7]) en permettant des séries plus longues et plus de tournées davantage cohérentes, en améliorant la perméabilité des secteurs public et privé et en encourageant la diffusion internationale. Cette meilleure diffusion est visée par le quatrième objectif du programme Création et sa réalisation mesurée par un indicateur de diffusion territoriale, ainsi que par un indicateur d’intensité de représentation et de diffusion des spectacles (soit le nombre moyen de représentations par spectacle dans les murs et par lieu sur une saison : actuellement mesurée à 3,6 représentations par spectacle, elle doit tendre, selon le programme annuel de performances de la mission Culture pour 2024, à un objectif de 4,5 représentations par spectacle en 2026). Aller vers des exploitations plus longues permettrait d’alléger les coûts techniques et budgétaires des représentations et d’intégrer une stratégie d’amortissement sur un temps moins limité pour certaines productions, cela se révèle également vertueux sur le plan environnemental ;

 3 millions d’euros pour le Plan métiers d’art : annoncé en mai 2023 par Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, conjointement avec Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, le Plan métiers d’art comprend cinq thèmes d’action : la jeunesse, la formation, les territoires, l’innovation et l’international, chacun étant suivi par une personnalité qualifiée ([8]). Il est prévu que la stratégie pour les métiers d’art bénéficie de 3 millions d’euros de mesures nouvelles en 2024, notamment pour dispenser des aides à l’installation d’atelier en direction des artisans d’art et pour soutenir une campagne de restauration menée par le Mobilier national ;

– 15,6 millions d’euros pour renforcer le soutien aux structures de création et de diffusion artistique en région, cofinancées avec les collectivités territoriales : cet accompagnement supplémentaire de l’État doit renforcer les investissements en régions, en priorité pour les projets réalisés dans le cadre des contrats de plan État-région-CPER ([9]) et pour ceux permettant d’accélérer la transition écologique des structures de la création (avec de nouveaux équipements moins énergivores). Le montant de 15,6 millions d’euros devrait comprendre 10,6 millions d’euros alloués à ce titre pour aider les labels et réseaux du spectacle vivant et des arts visuels ;

– 9 millions d’euros pour le soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs : les 9 millions d’euros de mesures nouvelles prévus pour 2024 pour le soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs recouvrent 5 millions d’euros supplémentaires attribués au Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), portant le total du fonds à 39 millions d’euros, ainsi que 4 millions d’euros affectés à l’Acoss (caisse nationale des Urssaf) pour la prise en charge d’une fraction des cotisations sociales des artistes-auteurs décidée en compensation de l’augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) en 2019, et d’une fraction de la contribution diffuseur.

Un soutien pérennisé aux festivals

À la faveur du développement important des festivals puis de la crise sanitaire, la politique menée par le ministère de la Culture depuis le début des années 2000, soit un soutien limité aux festivals d’envergure nationale ou internationale, a été remise en cause pour laisser la place à une action beaucoup plus volontaire de l’État. En effet, l’annulation d’un grand nombre de manifestations culturelles au cours des étés 2020 et 2021 a rendu nécessaires un accompagnement et une aide pour la survie de nombreux festivals et a conduit à accélérer un travail de cartographie et de structuration initié dès 2019.

Des États généraux des festivals ont été lancés autour de plusieurs groupes de travail en octobre 2020. Trois éditions se sont tenues depuis à Avignon, Bourges et Toulouse, et ont mené à l’adoption de deux textes cadres : les « Principes d’engagements de l’État en faveur des festivals » et la « Charte de développement durable à destination des festivals », destinée à valoriser la prise en compte du changement climatique dans la gestion des festivals.

Un travail de recensement des manifestations a également été entrepris et a permis l’établissement d’une cartographie en juillet 2022 : 7 282 festivals sont organisés en France tous secteurs artistiques confondus et, parmi eux, 5 706 festivals s’inscrivent principalement dans le champ de la création (spectacle vivant, arts visuels et numériques).

L’intervention de l’État se décline selon trois modalités :

– une aide annuelle au projet, qui peut être renouvelée jusqu’à deux fois (29,7 % des aides attribuées pour près de 5,87 millions d’euros en 2022, soit 30 % des crédits attribués par les Drac) ;

– une aide triennale contractualisée, attribuée aux festivals considérés comme structurants et pouvant être reconduite au terme du contrat (29,7 % des aides attribuées pour près de 13,5 millions d’euros en 2022, soit 68 % des crédits attribués par les Drac) ;

– des aides transversales favorisant la circulation des œuvres, la transition écologique, l’achat d’équipements et leur modernisation ; des fonds d’amorçage pour les festivals en cours de structuration ; des fonds de transition numérique ou de modernisation des systèmes d’information (5 % des aides attribuées pour 411 000 euros en 2022, soit 2 % des crédits attribués par les Drac).

Rapporté aux festivals agissant dans le champ de la création répertoriés dans la cartographie nationale, le programme Création, a soutenu 13,4 % des festivals en 2022, soit près de 800 festivals (777) pour un montant total de 30,9 millions d’euros (40 000 euros par festival en moyenne) : 19,7 millions d’euros pour 759 festivals gérés par les Drac (25 900 euros par festival en moyenne) et 11,23 millions d’euros pour 18 festivals particulièrement structurants, d’envergure internationale, suivis en administration centrale (624 000 euros par festival en moyenne).

Il est prévu que le soutien aux festivals, qui a donc fortement progressé au cours des dernières années, soit sanctuarisé à hauteur de 30 millions d’euros en 2024.


2.   Les grands projets d’investissement des opérateurs nationaux

Ils mobiliseront 25,2 millions d’euros en AE et 31,2 millions d’euros en CP avec, pour les plus importants :

– la poursuite de la rénovation de la salle Jean Vilar au Théâtre national de la danse de Chaillot et des espaces inclus dans le périmètre de cette zone (pour 12 millions d’euros en CP en 2024) ;

– la réfection des façades du Centre national de la danse  CND (9 millions d’euros). La cession du bâtiment à l’État par la ville de Pantin en novembre 2022 a permis d’engager en 2023 l’opération de restauration, qui se poursuivra en 2024 avec les travaux de restauration des façades.

La rapporteure pour avis souhaite mentionner l’abandon du projet de Cité du théâtre à Paris, qui devait regrouper des activités de la Comédie Française, de l’Odéon et du Conservatoire d’art dramatique sur le site des Ateliers Berthier dans le 17e arrondissement, en raison de l’augmentation successive des dépenses envisagées pour sa réalisation ([10]). S’il apparaît raisonnable de ne pas persister dans la voie d’un projet dont les frais de réalisation auraient pu exploser au regard du renchérissement des coûts de l’énergie et des matériaux de construction, il demeure toutefois regrettable que cet abandon intervienne si tardivement, après que des montants déjà importants ont été dépensés pour des frais d’étude et de concours. La rapporteure pour avis souhaite exprimer son profond regret que cet ambitieux projet qui faisait sens soit abandonné.

Face à l’inflation qui touche les grands opérateurs nationaux, le projet de loi de finances prévoit une enveloppe de 4,8 millions d’euros.

3.   Les alertes et difficultés persistantes

Lors des tables rondes ayant réuni les acteurs du spectacle vivant des secteurs public et privé, ainsi que lors de l’audition de M. Christopher Miles, directeur général à la création artistique du ministère de la Culture (DGCA), les constats de difficultés persistantes largement partagés ont permis à la rapporteure pour avis de percevoir les grands défis auxquels fait face aujourd’hui le milieu de la création.

Ces défis sont de plusieurs ordres :

– les conséquences durables de la crise sanitaire : au-delà des périodes de fermeture obligatoire et de leur impact sur la trésorerie des établissements et la pratique artistique, la crise sanitaire a affecté plus durablement le spectacle vivant, la fréquentation des salles s’en trouvant perturbée sur le long cours. M. Miles a ainsi souligné l’effet de rattrapage constaté en 2022, nuancé toutefois par un retour très variable du public selon les lieux. En outre, cet effet de rattrapage aurait tendance à s’essouffler sur l’année 2023, avec des baisses de fréquentation anticipées pour le second semestre 2023. Ainsi que l’a souligné le Syndicat des musiques actuelles (SMA), s’appuyant sur les données du Centre national de la musique, les plus petites salles seraient les plus touchées par ces baisses, ce qui aurait pour effet d’accroître leur vulnérabilité financière. L’analyse de la fréquentation des salles devrait être rendue possible par le recueil des données assuré par l’application Sibil, mais celle-ci connaît des difficultés de déploiement (voir encadré) ;

Le difficile déploiement de Sibil

L’application Sibil (pour Système d’Information BILletterie) est destinée à faire remonter vers le ministère de la Culture toutes les données de billetterie des entrepreneurs du spectacle vivant, afin qu’il puisse disposer de données exhaustives, fiables, régulières et territorialisées.

La loi n° 2016-925 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (loi LCAP) du 7 juillet 2016 a permis au ministère de la Culture de collecter les informations de billetterie des entreprises de la création, pour en faire l’un des outils principaux de l’observation de ce secteur. L’article 48 de cette loi donne pour obligation aux entrepreneurs de spectacle vivant détenant une licence de mettre à la disposition du ministre chargé de la culture les informations de billetterie relatives, d’une part aux recettes et d’autre part au nom du spectacle, au domaine, à la localisation et au type de lieu de chaque représentation.

La montée en charge du dispositif n’est pas sans rencontrer des difficultés, l’interopérabilité des systèmes d’information et de billetterie de chaque structure avec l’interface de programmation d’application mise en place par le ministère n’étant pas a priori assurée.

Le déploiement, prévu en plusieurs vagues, devait être achevé au 1er avril 2020 pour une généralisation à l’ensemble des structures de spectacle vivant (environ 15 000). Ce calendrier a été percuté par la crise sanitaire et en 2023 ce sont seulement 3 767 déclarants qui sont inscrits sur l’application, pour un nombre encore plus réduit de déclarants effectifs (2 962).

Face à ce déploiement laborieux, le service du numérique du ministère de la Culture a réalisé au cours du premier semestre 2023 un diagnostic afin d’identifier les difficultés, techniques ou d’autre nature. Des moyens supplémentaires ont été alloués. Toutes les structures labellisées – à quelques exceptions près – ont bien créé un compte Sibil, mais toutes ne sont pas à jour de leur déclaration. Concernant les entrepreneurs du spectacle privé, des réflexions sont en cours pour mutualiser les remontées d’information avec les autres producteurs de données sur le spectacle vivant (Centre national de la musique et Association de soutien pour le théâtre privé notamment).

Cet observatoire du spectacle vivant est particulièrement attendu par les acteurs du secteur. Son déploiement semble toutefois se heurter à la réalité d’un secteur beaucoup plus éclaté qu’un secteur culturel comme celui du cinéma, ce qui rend plus complexe le suivi de la fréquentation. Il apparaît effectivement plus difficile pour de très petites structures de faire remonter leurs données. La rapporteure pour avis appelle de ses vœux la finalisation de la mise en place et de l’opérationnalisation du logiciel Sibil afin de disposer d’un outil fiable. Cela passe nécessairement par un meilleur accompagnement des petites structures afin que celles-ci disposent des moyens d’effectuer les remontées d’informations prescrites. L’outil pourrait en outre se développer au moyen d’indicateurs qualitatifs.

– les effets multiples de l’inflation : pour le secteur du spectacle vivant, dont le fonctionnement repose largement à la fois sur des matières premières telles que l’énergie ou les matériaux de construction des décors et sur la masse salariale, l’inflation constitue un problème particulièrement aigu. Le secteur doit faire face à la hausse des salaires : le SMA à cet égard indique que les minima conventionnels dans la branche des entreprises artistiques et culturelles ont fait l’objet de plusieurs revalorisations successives depuis décembre 2021, augmentant ainsi de 6,14 % en moyenne (dans le même temps, le Smic était revalorisé de 9,92 % ([11]), ce qui met en lumière la précarisation des salariés du secteur) ;

– les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités territoriales. Celles-ci financent effectivement une partie de l’activité culturelle, en particulier dans le spectacle vivant. Leurs marges de manœuvre se réduisent sous le double effet du tassement de leurs ressources (avec une baisse en euros constants de leurs dotations) et d’une augmentation de leurs charges due à l’inflation et à la hausse du point d’indice. Cette conjoncture risque de les amener à se recentrer sur leurs compétences propres et à devoir diminuer le niveau de leur soutien à la culture ;

– des difficultés conjuguées pesant sur la marge artistique des entreprises du secteur : cette marge artistique, qui désigne les moyens restants disponibles pour toutes les activités de création et d’accueil après imputation des charges fixes de fonctionnement, tend à se réduire drastiquement, obligeant les structures à tenter d’accroître leurs ressources propres (billetterie, bar, restauration) tout en contraignant fortement les choix artistiques. Cela mène nécessairement à privilégier les propositions les moins risquées, et pèse donc sur l’audace créative de ces acteurs. Pour les acteurs labellisés auprès du ministère de la Culture, ces difficultés grèvent la capacité à effectuer leurs missions de service public. L’Association des scènes nationales (ASN) note ainsi ([12])  que cette « situation amène à une réaction en chaîne, moins de soutien à la création, moins de coproductions et productions, une diminution de l’offre culturelle et de la diffusion impactant directement l’activité des compagnies artistiques et l’emploi ; à l’horizon, un effondrement de l’activité artistique et de l’emploi dans le spectacle vivant ».

La rapporteure pour avis estime que ces difficultés cumulées font peser de véritables risques sur l’ambition artistique du spectacle vivant : si les mesures de compensation de l’inflation sont bienvenues, elles ne pourront dispenser d’une réflexion plus profonde sur les conditions de la création et de la diffusion. En cela, le plan « Mieux produire, mieux diffuser » constitue un premier pas salutaire, mais dont on peine encore à envisager les mesures concrètes qu’il pourra entraîner.

C.   les CRÉDITS du programme transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture

Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit, au titre du programme 361, 833,26 millions d’euros en AE et 828,08 millions d’euros en CP, dont 31,18 millions d’euros en AE (+ 3,89 %) et 28,5 millions d’euros en CP (+ 3,56 %) de mesures nouvelles par rapport à la LFI 2023. Du ressort de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, de création récente (1er janvier 2021), les crédits retracés au sein de ce programme sont liés à des priorités essentielles de la politique culturelle de l’État : l’enseignement supérieur de la culture (ESC), la démocratisation et l’éducation artistique et culturelle (EAC), la langue française et les langues de France, la recherche culturelle et la culture scientifique et technique.

les crÉdits du programme 361
transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture
en 2023 et 2024

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Variation des CP

Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle

294,09

318,48

293,98

315,68

+ 7,4 %

Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle

387,07

391,07

385,25

389,25

+ 1,4 %

Langue française et langues de France

4,22

4,22

4,22

4,22

-

Recherche culturelle et culture scientifique et technique

116,69

119,49

116,13

118,93

+ 2,4 %

Total programme 361

802,79

800,68

799,58

828,08

+ 3,6 %

Source : projet annuel de performances de la mission Culture pour 2024

1.   Des efforts indispensables en direction de l’enseignement supérieur

  1.   La crise des Écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa)

La rapporteure pour avis constate qu’après la crise intervenue dans les écoles nationales supérieures d’architecture, le programme 361 comprend des prévisions d’augmentations de crédits afin de remédier aux difficultés mises en lumière par les étudiants et leurs professeurs au printemps 2023.

Vétusté des locaux liée à des investissements trop faibles depuis des années, manque de moyens humains pour assurer les missions pédagogiques et administratives des établissements, le constat, parti de l’Ensa de Normandie, a rapidement été partagé par l’ensemble des écoles d’architecture, jusqu’à causer de nombreux blocages étudiants et mouvements de grève des personnels aux répercussions dommageables sur la poursuite des études. La rapporteure pour avis souhaite rappeler que le mécontentement de 2023 n’est que la continuation d’un mouvement initié début 2020 et rapidement interrompu par le début de la crise sanitaire. Dès avant celle-ci, étudiants et professeurs des Ensa dénonçaient en effet l’absence de moyens accompagnant la réforme de 2018 alors même que celle-ci a profondément transformé la gouvernance des Ensa, qui accueillent environ 20 000 étudiants, soit plus de la moitié des étudiants de l’enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de la Culture.

Pour 2024, le ministère prévoit d’augmenter le financement apporté aux écoles d’architecture pour faire passer la subvention pour charges de service public de 53,34 millions d’euros à 57,22 millions d’euros.

Par ailleurs, les écoles d’architecture font l’objet de nombreuses opérations de restauration du bâti, dont la principale concerne l’école d’architecture de Toulouse (avec l’ouverture prévue de 3,6 millions d’euros en AE et 4,77 millions d’euros en CP pour 2024).

  1.   Des mesures de revalorisation attendues dans tout l’enseignement supérieur culturel

L’enseignement supérieur Culture (ESC) recouvre 99 établissements répartis sur l’ensemble du territoire, qui accueillent plus de 37 000 étudiantes et étudiants. L’ESC, qui comprend les Ensa évoquées supra, devrait bénéficier en 2024 de mesures nouvelles à hauteur de 25,58 millions d’euros en AE et de 22,89 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 8,3 % en AE et de 7,4 % en CP après transferts par rapport à la LFI 2023, destinées notamment à :

– compenser la hausse du point d’indice pour les établissements de l’ESC (à hauteur de 3,37 millions d’euros supplémentaires) ;

– compenser les conséquences de l’inflation pour le fonctionnement (1,32 million d’euros supplémentaires) et l’investissement (2,42 millions d’euros supplémentaires) des établissements de l’ESC ;

– soutenir les investissements structurants dans les établissements nationaux (9,11 millions d’euros supplémentaires en AE et 7,67 millions d’euros additionnels en CP) et territoriaux (4,29 millions d’euros supplémentaires en AE et 3,04 millions d’euros additionnels en CP).

2.   L’éducation artistique et culturelle demeure largement portée par le pass culture

Au sein du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, l’action 2, Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle comprend trois volets. Le premier, que l’on pourrait désigner comme l’éducation artistique et culturelle (EAC) hors pass Culture, recouvre de nombreuses dimensions : les pratiques artistiques et culturelles en et hors temps scolaire (38,5 millions d’euros), les actions en faveur de la lecture (21,5 millions d’euros, en hausse de 3,1 millions d’euros), les moyens des conservatoires (14,1 millions d’euros), les partenariats d’EAC avec les collectivités territoriales, l’éducation aux médias, à l’image et à l’information (7,4 millions d’euros), la formation des acteurs de l’EAC (7 millions d’euros). Les actions menées s’appuient largement sur les Drac, de concert avec le tissu associatif et les collectivités territoriales : en 2024, les crédits prévus sur ce volet devraient représenter 107,5 millions d’euros en CP, soit un peu plus d’un quart des crédits dévolus à l’action 2.

Le deuxième volet est relatif au pass Culture : en 2024, 210,5 millions d’euros devraient être consacrés au fonctionnement et aux investissements de la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture, dont 2 millions d’euros au titre de mesures nouvelles. Le dispositif du pass Culture s’est progressivement élargi, tant dans sa part individuelle que dans sa part collective : il a connu des changements de périmètre constants depuis sa création (généralisation à l’ensemble des jeunes de 18 ans ; ouverture aux jeunes de moins de 18 ans via une part individuelle et une part collective).

Le dernier volet de la démocratisation culturelle pilotée par la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC) concerne la participation de tous à la vie culturelle, pour 71,25 millions d’euros en CP.

3.   La politique en faveur de la langue française gagnerait à affirmer une stratégie plus claire

Relevant de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), les dépenses liées aux politiques de la langue française devraient à nouveau demeurer stables en 2024 (après avoir augmenté de manière substantielle – près d’un tiers – en 2022).

Alors que la France accueillera le sommet de la francophonie, et que la loi dite Toubon ([13]) fêtera ses 30 ans en 2024, la rapporteure pour avis déplore l’occasion manquée de lancer une stratégie plus ambitieuse en faveur de la langue française. En effet, alors qu’est prévue l’ouverture de la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts pour fin octobre 2023, après plusieurs années de travaux de restauration et d’aménagement, la rapporteure pour avis ne peut que regretter l’absence de liens officiels entre la DGLFLF et la future institution.

Le plan Lecture

En 2024, le ministère de la Culture poursuivra l’élan donné par le plan Bibliothèques lors du premier quinquennat par une stratégie en faveur de la lecture dans les territoires. Cette stratégie bénéficiera d’un abondement de 4,9 millions d’euros, dont 3,1 millions d’euros sur le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, qui relève de la mission Culture et 1,8 million d’euros sur le programme 334, Livre et industries culturelles, qui relève quant à lui de la mission Médias, livre et industries culturelles.

Elle visera à poursuivre la dynamique de l’extension des horaires d’ouverture dans les bibliothèques (soir et dimanche) : celle-ci a déjà conduit les bibliothèques aidées pour 589 projets d’extension soutenus par l’État à ouvrir en moyenne près de 9 heures 30 de plus par semaine. Il s’agira également de renforcer l’offre de service des bibliothèques dans les communes rurales et les petites villes, de soutenir les collectivités ultramarines pour qu’elles puissent faire vivre la lecture publique dans leurs territoires et, enfin, d’augmenter les actions en faveur de la lecture des jeunes, des plus petits aux adolescents. L’essentiel de ces crédits (4,2 millions d’euros) devrait être délégué aux Drac pour les actions de promotion de la lecture les plus ancrées dans les territoires.

Le Centre national du livre bénéficiera également d’un apport de 0,7 million d’euros sur les crédits du programme 361 pour participer à la mise en œuvre de cette stratégie.

D.   les CRÉDITS du programme soutien aux politiques du ministÈre de la culture

Introduit en 2021, le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture regroupe les crédits liés à l’action culturelle internationale du ministère, à ses fonctions de soutien ainsi qu’à sa masse salariale. Ces crédits s’élèveraient à 846,18 millions en AE et 844,26 millions en CP (en hausse de 4 % par rapport à 2023).

Les crÉdits du programme 224
Soutien aux politiques du ministère de la Culture en 2023 et 2024

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Action

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Ouverts en LFI 2023

Demandés pour 2024

Variation des CP

1-    Action culturelle internationale

8,08

9,97

8,07

9,97

+ 23,4 %

2-    Fonctions de soutien du ministère

805,98

836,21

804,06

834,28

+ 3,8 %

Total programme 224

814,06

846,18

812,13

844,26

+ 4 %

Source : projet annuel de performances de la mission Culture pour 2024

 

L’action internationale du ministère se voit renforcée, avec une augmentation notable des crédits prévus (une hausse de 1,9 million d’euros), notamment pour les projets en direction de l’Afrique, pour accompagner le déploiement des opérateurs du ministère dans l’ensemble des champs culturels et conforter l’accueil des artistes, journalistes et professionnels de la culture contraints de fuir leur pays.

Concernant les fonctions de soutien du ministère, les enjeux de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et de renforcement de la représentation de la diversité sont affirmés comme des priorités, tout comme la nécessité d’œuvrer en faveur de la transition écologique et du développement durable.

Le programme 224 regroupe par ailleurs l’ensemble des dépenses de personnel des agents directement rémunérés par le ministère : en 2024, la masse salariale devrait s’élever à 733,8 millions d’euros (avec le compte d’affectation spéciale Pensions, 539,7 millions d’euros hors celui-ci), en hausse de 4,9 % soit 26 millions d’euros, par rapport à 2023. Le plafond d’emplois du ministère s’établirait pour 2024 à 9 163 ETPT, soit une hausse de 52 ETPT par rapport au plafond d’emplois autorisé en loi de finance initiale pour 2023. Cette variation résulte presque pour moitié de l’impact du schéma d’emplois 2024, pour une hausse de 24 ETPT et pour un peu plus de moitié d’un solde positif des transferts entrants ([14]) et sortants à hauteur de 28 ETPT.


II.   La politique culturelle en direction de la jeunesse

Les pratiques culturelles, bien loin de ne concerner que des domaines non essentiels, recouvrent en réalité des dimensions fondamentales du vivre-ensemble. Elles nourrissent le lien social partout sur notre territoire, permettent l’épanouissement de la créativité de chacun et constituent un pan déterminant pour la construction du parcours de nos jeunes. La culture est notre bien commun, elle est ce qui relie nos concitoyens et peut leur conférer un sentiment d’appartenance. Aussi, est-il essentiel que nos jeunes se sentent pleinement dépositaires, usagers et acteurs de cette culture, qu’ils la fréquentent et s’en imprègnent, pour nourrir un sentiment d’appartenance commune qui apparaît aujourd’hui trop souvent fragilisé.

Certes, la mission Culture du projet de loi de finances n’englobe pas toutes les composantes de la politique culturelle, dont certains domaines et dispositifs sont compris dans d’autres missions ou partagés avec elles. Ainsi, les politiques concernant le livre et la lecture, la musique enregistrée et le cinéma sont abordées par la mission Médias, livre et industries culturelles. Le présent avis ne saurait donc embrasser l’ensemble des politiques culturelles menées en direction de la jeunesse et ne prétend pas viser cette exhaustivité.

Il semblait toutefois important à la rapporteure pour avis, notamment au regard des troubles connus par le pays durant le printemps et l’été 2023, de se pencher sur l’action de l’État et les moyens engagés pour favoriser la découverte et la fréquentation par la jeunesse de toutes les richesses culturelles de notre pays, qui en a tant. L’objectif de démocratisation de la culture irrigue depuis des décennies la politique culturelle française, et les jeunes paraissent en constituer la cible naturelle. Aujourd’hui, de nouvelles réflexions tentent d’enrichir les modes de transmission de la culture, parfois jugés trop prescripteurs ou verticaux, pour promouvoir une médiation encourageant la participation des publics dès le plus jeune âge.

La politique culturelle de l’État en faveur de la jeunesse comprend de nombreux dispositifs pour des montants d’ordre très variable et s’articule pour l’essentiel autour de l’éducation artistique et culturelle (A). Dans ce paysage éclaté, le pass Culture a connu une rapide montée en charge, en apparaissant désormais comme l’instrument phare de la politique culturelle en direction de la jeunesse (B).

A.   une politique regroupant de nombreux dispositifs

Comme il a été mentionné dans l’introduction, la politique culturelle en direction de la jeunesse ne se restreint pas au cadre de la mission Culture du budget de l’État. Ainsi, lui échappent toutes les actions menées par le secteur de l’audiovisuel public en direction des plus jeunes, le soutien aux industries créatives plébiscitées par la jeunesse (jeux vidéo par exemple, ou musique actuelle dans son versant « enregistré »). L’analyse des actions de cette mission à travers ses différents outils permet néanmoins d’aborder la grande diversité dans laquelle se déploie l’action culturelle de l’État pour les jeunes, au risque parfois d’une certaine dispersion.

1.   Les dispositifs de politique culturelle en direction de la jeunesse

a.   Un contexte qui se transforme

Les dispositifs de politique culturelle en direction de la jeunesse ne peuvent être envisagés séparément d’une observation réaliste des transformations inhérentes aux pratiques culturelles des jeunes publics, entendus ici de la façon la plus large, de la petite enfance aux débuts de l’âge adulte.

Il faut en effet d’emblée noter l’élargissement, particulièrement ces dernières années, des bornes d’âge qui circonscrivent le jeune public tel que considéré par les institutions culturelles et le marché de la culture. L’offre culturelle « jeune public » peut désormais s’adresser aux enfants dès leurs premiers mois d’existence (comme en témoigne le développement de salles 0/2 ans dans les musées, à l’instar du Centre Pompidou – voir encadré – ou le lancement récent du podcast « Toudou » à destination des 2/4 ans sur France Inter ([15])) et concerner de jeunes adultes (avec des pratiques tarifaires « jeunes » allant parfois jusqu’à 30 ans).

Cet élargissement peut s’expliquer d’une part par le désir d’initier les enfants de plus en plus précocement aux pratiques culturelles, dans le but de favoriser leur éveil et de les doter d’un socle de connaissances sur lequel on pourra ensuite construire tout au long de la vie. D’autre part, l’allongement de la catégorie « jeune » jusqu’à 28, voire 30 ans (dans les tarifications par exemple) va de pair avec des changements dans les modes de vie observables depuis plusieurs décennies : entrée dans la vie active plus tardive en lien avec l’allongement des études, décalage progressif de l’âge du mariage ou de l’union maritale et du premier enfant.

À ces transformations qui poussent à inclure un public de plus en plus large dans le champ des politiques culturelles en direction de la jeunesse, il faut ajouter des bouleversements plus récents, qui viennent nécessairement influencer la façon dont sont menées ces politiques. Pour mieux comprendre ces changements, la rapporteure pour avis a souhaité entendre deux sociologues spécialistes des pratiques culturelles de la jeunesse, Mme Sylvie Octobre, professeure, et M. Vincenzo Cicchelli, chargé de recherche.

Dans sa réponse écrite au questionnaire de la rapporteure pour avis, Sylvie Octobre dresse le constat suivant : « les jeunes générations sont porteuses d’une nouvelle bourse des valeurs culturelles, profondément liée au numérique » et s’appuie sur l’enquête relative aux pratiques culturelles des Français ([16]) pour illustrer ce qu’elle nomme « les transformations structurantes des rapports à la culture (voir tableau suivant) ».

 

Taux de pratique
des 15-28 ans en 2018

Évolution générationnelle depuis 1973

Écoute de la musique tous les jours

86 %

En hausse

Joue aux jeux vidéo

83 %

En hausse

Va au cinéma au moins une fois par mois

29 %

En stagnation

Va au musée

47 %

En stagnation

Regarde des vidéos en ligne tous les jours

84 %

Question non posée auparavant

Regarde la télévision tous les jours

58 %

En baisse

Écoute la radio tous les jours

35 %

En baisse

Lit des livres

58 %

En baisse

Lit des BD

39 %

En baisse

Fréquente une bibliothèque

45 %

En baisse

Assiste à un spectacle

42 %

En baisse

Fréquente les festivals

11 %

En baisse

Va au théâtre

11 %

En Baisse

Va au cirque

9 %

En baisse

Va au concert

2 %

En baisse

Source : pratiques culturelles des Français, Département des études de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS), ministère de la Culture, 2018

Les outils numériques ont bouleversé les pratiques culturelles des jeunes, non seulement dans leur consommation (visionnage de vidéos en ligne devenu la norme pour les adolescents et leur première source d’information), mais également dans leur rapport à la culture. En effet, aidés d’outils numériques relativement abordables à l’achat (94 % des jeunes de 15 à 29 ans sont équipés d’un smartphone en 2021 ([17])) et conduits à se confiner durant les longs mois de la crise sanitaire, les jeunes sont devenus tout à la fois beaucoup plus créateurs et prescripteurs de culturel, en se mettant en scène avec une aisance découlant de leur fréquentation quotidienne des réseaux sociaux.

Beaucoup de ces pratiques restent encore peu intégrées dans la conception des politiques culturelles. Cette difficulté est encore accrue par le peu d’études réalisées sur l’imaginaire des jeunes, le bain culturel dans lequel ils évoluent, qui reste souvent étranger aux générations adultes.

C’est pourquoi la rapporteure pour avis soutient l’idée d’allouer des fonds à la réalisation de telles études sur les références et les imaginaires culturels des jeunes, qui permettraient de partir de leur réalité pour que les politiques culturelles pensées par des adultes cessent de manquer leur cible, ce qui arrive encore trop souvent. Il est effectivement nécessaire de trouver les voies qui permettront d’orienter les jeunes vers les institutions culturelles incarnées par les opérateurs de la mission Culture. Pour être en mesure de toucher le jeune public, il faut être capables de savoir comment ce jeune public appréhende la culture.

Centre Pompidou : du jeune visiteur au jeune artiste

Il faut tout d’abord noter la jeunesse du public du Centre Pompidou : 49 % des visiteurs en 2022 avaient moins de 35 ans et les moins de 25 ans représentaient 28 % des visiteurs. L’établissement a fait le choix de généraliser la gratuité pour les visites scolaires depuis septembre 2022, lors de la refonte de sa grille tarifaire, et propose un tarif « famille ».

Le Centre Pompidou dispose d’un espace unique offert en accès libre aux jeunes afin de les faire participer, en collaboration avec des artistes invités en résidence pour plusieurs mois, à des projets touchant de près aux thématiques qui les concernent. Initialement destiné aux jeunes de 13 à 16 ans, mais attirant en réalité un public bien plus large (jeunes adultes notamment) le Studio 13/16 met à disposition des jeunes une réserve de matériaux et de matériel créatifs, autour d’ateliers sans inscription. Les artistes résidents, présents sur place, offrent conseils et accompagnement aux jeunes. La rapporteure pour avis a eu l’opportunité de visiter le Studio 13/16 un mercredi après-midi et a pu observer des jeunes participant à des moments de création autour des artistes Prune Phi, Amine Habki, Tuna Mess, Anne Delrez (La Conserverie) sur le thème commun « Traversées ». Sur place, des médiateurs peuvent aller à la rencontre des jeunes pour les accueillir et les orienter : l’un d’eux a ainsi expliqué à la rapporteure pour avis avoir lui-même découvert la pratique artistique au sein du Studio 13/16, avant de faire des études dans une école des Beaux-Arts et de devenir récemment médiateur au Studio 13/16.

Le Centre Pompidou s’illustre par le niveau très poussé de la logique participative offerte aux jeunes visiteurs de tout âge, qu’il s’agisse de l’Atelier des enfants, espace conçu dès 1974 pour le plus jeune public de 0 à 10 ans, avec son espace pour les plus petits (0‑2 ans), le Studio 0.2, actuellement occupé par l’atelier « Tendre géant » et ses différents ateliers pour les 2-5 ans (« les P’tits Zens », « Mes petits doigts m’ont dit ») et 6-10 ans (« Inspirer- Regarder », « La visite dessinée »). Ces ateliers gratuits, à réaliser en famille en présence d’un médiateur, sont couplés avec une courte visite guidée dans les galeries du musée, afin de créer un lien avec les œuvres exposées.

Enfin, la Galerie des enfants, également en accès libre pour les visiteurs munis d’un billet, propose des installations artistiques laissant là aussi la part belle à l’imagination et à la participation. Le dispositif actuellement exposé, « Magicienne de la terre », a été réalisé par l’artiste Hélène Bertin en collaboration avec sa jeune voisine de 10 ans, Ninon, et invite les enfants à compléter une fresque inspirée de leurs balades au pied du Luberon, à revêtir maquillage et costume, la plupart des matériaux utilisés provenant du Vaucluse, les accessoires étant confectionnés sur place (les tabliers par exemple).

Les actions en direction de la jeunesse du Centre Pompidou dépassent les frontières du quatrième arrondissement parisien : l’établissement est jumelé avec différents établissements scolaires d’Evry-Courcouronnes. Il mène de nombreuses actions favorisant la mobilité des œuvres : « Un jour une œuvre » (projet de prêts et présentations d’œuvres du musée le temps d’une journée dans des lieux non artistiques en Île-de-France), « La fabrique mobile » (une camionnette nomade proposant des ateliers dans les écoles, MJC, parcs en Île-de-France autour d’une proposition d’un ou une artiste), partenariat avec Milles formes, deux centres d’art et d’initiation dédiés à la petite enfance construits et pilotés en partenariat avec les collectivités territoriales à Clermont Ferrand et Montpellier (encore en cours de conception). La programmation d’évènements jeunesse est également très riche toute l’année.

L’ensemble de ces dispositifs fait du Centre Pompidou un modèle exceptionnel et inspirant d’accueil du jeune public.

Tout un pan de la culture des jeunes échappe au regard des décideurs publics. Une importante activité d’innovation en matière d’offre et de médiation culturelle doit ainsi être développée.

L’offre culturelle française doit notamment redevenir attractive pour notre jeunesse en proposant des modalités, un futur et des formes de lien social désirables.

Des dispositifs d’innovation dans le domaine culturel pourraient utilement être mobilisés pour cette recherche sur les moyens de mieux approcher le jeune public. L’incubateur du patrimoine, dispositif mis en œuvre par le Centre des monuments nationaux, pourrait ainsi élargir ses thématiques à l’accueil du jeune public et à l’éducation culturelle dans le cadre de l’une de ses futures promotions.

b.   Des dispositifs variés développant plusieurs approches de la culture

La première mesure, et sans doute la plus répandue, dans les établissements culturels, consiste en une tarification spécifique pour le public en-deçà d’un seuil d’âge. Dans les musées nationaux, l’entrée est ainsi gratuite pour tous les jeunes de 18 à 25 ans résidant dans l’Union européenne, tout comme pour les mineurs. Il n’existe toutefois pas, à la connaissance de la rapporteure pour avis, d’évaluation ex-post de l’impact de ces mesures sur la fréquentation des moins de 26 ans. Aussi, la rapporteure pour avis préconise-t-elle qu’une telle évaluation soit réalisée.

Les mesures de gratuité précitées viennent s’ajouter aux dispositifs de gratuité événementielle pour tous : le premier dimanche du mois est gratuit dans les musées nationaux, et les opérations comme la Nuit européenne des musées et les Journées européennes du patrimoine offrent également un accès gratuit à un grand nombre d’institutions patrimoniales. Cette politique tarifaire peut aussi exister, de manière très variable, dans les autres musées de France ([18]). Ses orientations dépendent alors des politiques culturelles mises en avant par les collectivités territoriales ou personnes morales (fondations, associations, particuliers) propriétaires des lieux.

Des tarifs préférentiels pour les accompagnateurs d’enfants sont également proposés. C’est notamment le cas au Musée d’Orsay avec le « Tarif Enfant et Cie » qui connaît un certain succès. Les jeunes actifs de plus de 26 ans peuvent également bénéficier des tarifs préférentiels proposés dans le cadre de nocturnes (tous les jeudis soir au Musée d’Orsay, propositions plébiscitées par les 25-35 ans).

Concernant le spectacle vivant, des tarifs spécifiques existent également pour les publics plus jeunes, et on soulignera la variété des grilles tarifaires retenues selon les opérateurs nationaux sous tutelle du ministère de la Culture : tarif pour les moins de 28 ans à la Comédie Française et à l’Odéon – Théâtre de l’Europe, tarifications différenciées selon les classes d’âge et tarifs familles à l’Opéra-Comique, tarifs « moins de 18 ans », « moins de 30 ans », « élève ou étudiant de moins de 30 ans » au Théâtre national de la Colline… Il n’apparaît pas toujours aisé de naviguer dans un paysage de tarifs différenciés selon des critères somme toute fluctuants, et décidés par le conseil d’administration de chaque structure.

Les théâtres privés peuvent offrir des tarifs spécifiques selon l’âge, mais il apparaît que les places restent encore très souvent tarifées selon le confort et la visibilité. Le Syndicat national du théâtre privé mentionnait ainsi dans ses réponses aux questions écrites de la rapporteure pour avis un dispositif « places jeunes » à 10 euros, et précisait que « certains adhérents, en fonction de leur programmation, peuvent avoir des actions à destination des jeunes et des scolaires. »

Outre la politique tarifaire, les acteurs culturels déploient une large palette d’initiatives pour s’adresser au jeune public. Des activités de médiation sont ainsi proposées. Le Musée d’Orsay propose des activités de médiation hors temps scolaire en direction des 6-12 ans qui prennent la forme de visites guidées, d’ateliers ou d’espaces dédiés. Le Louvre propose également un espace dédié avec « Le Studio ». Le Centre Pompidou a particulièrement développé cette approche (voir encadré).

De nombreuses opérations hors les murs sont également menées par les établissements culturels. Dans ce cadre, il faut évoquer le MuMo (Musée Mobile) opéré par le Centre Pompidou, un camion qui se déplace de commune en commune. Le dispositif « Objectif Louvre » s’adresse plus particulièrement aux jeunes de quartiers défavorisés. Le Musée du Quai Branly développe une approche multimédia avec le jeu « La Boîte à voyages » pour les scolaires ou les Micro-folies.

Plusieurs institutions culturelles mènent des actions de formation des enseignants. Le Louvre propose ainsi le dispositif « Carte Louvre Éducation et Formation » ou « carte CLEF ». Il revendique 6 000 détenteurs de cartes CLEF.

Des activités d’édition ciblant spécifiquement le jeune public, proposées par exemple par la Réunion des Musées Nationaux et le Musée du Louvre (qui publie notamment des abécédaires pour les plus petits) permettent la production de publications adaptées.

Dans le domaine du spectacle vivant, de nombreuses initiatives visent spécifiquement le jeune public. Sur les 116 scènes conventionnées d’intérêt national, 14 sont ainsi conventionnées avec la mention « art, enfance, jeunesse ». Des centres dramatiques nationaux (CDN) sont spécialement dédiés à la jeunesse. Les projets artistiques de l’ensemble des CDN doivent comporter des éléments en direction de la jeunesse. Un nouvel évènement national est proposé en direction de l’enfance et de la jeunesse : « Enfance des arts ». L’opération « Tous à l’Opéra » s’adresse tout particulièrement aux jeunes. Des activités artistiques sont proposées aux enfants et adolescents dans le cadre de l’initiative « Chaillot Colo ». Une place plus importante consacrée aux publics jeunes dans les projets artistiques et culturels des établissements présentés par les candidats à des postes de direction est en outre prise en compte pour les nominations. Évoquons enfin la présence de jeunes au sein de nombreux comités de programmation.

Dans un autre cadre, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a développé plusieurs actions s’adressant spécifiquement à la jeunesse. Chaque année, plusieurs centaines d’archéologues accueillent des publics scolaires sur les champs de fouilles et présentent les résultats de leurs travaux. L’Inrap propose de nombreux supports pédagogiques aux enseignants et a constitué un réseau de professeurs ambassadeurs. Il se livre également à une activité d’édition d’ouvrages jeunesse sur l’archéologie. Ces actions s’inscrivent dans le cadre d’un partage de la connaissance sur notre patrimoine archéologique.

Au-delà du soutien aux jeunes et enfants en tant que visiteurs ou spectateurs, la politique culturelle peut également prendre la forme d’un encouragement ou d’une incitation aux pratiques culturelles exercées comme auteurs ou artistes. La délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle a aussi pour mission de soutenir les pratiques amateurs. Certains dispositifs visant à soutenir ces pratiques amateurs peuvent ainsi s’appliquer aux jeunes, sans leur être spécifiquement destinés au départ, et même renforcer le lien entre les générations en créant des formes de transmissions. Le plan fanfare, mis en œuvre en 2021 et 2022, vise à soutenir et à accompagner les projets de musiciens amateurs, regroupés en association, dans le cadre de fanfares et d’orchestres d’harmonie. Doté de 0,9 million d’euros par an en moyenne par le ministère de la Culture pour 2021 et 2022, le plan a bénéficié en 2023 de 1,7 million d’euros, ce qui a permis de soutenir 420 projets – dont 65 % dans les territoires ruraux. Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 2 millions d’euros de crédits pour le plan fanfare, ce qui constitue un doublement par rapport à l’année de sa création. Les orchestres Demos représentent également d’importants outils d’éducation artistique et culturelle.

Dans la sous-action Participation de tous à la vie culturelle se comptent également des dispositifs et des instruments afin d’accroître la démocratisation de la culture et d’inclure les publics jeunes dans toute leur diversité sociale. On pourra notamment évoquer les vingt conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) avec les principales fédérations d’éducation populaire et associations de solidarité ([19]). Le soutien apporté par le ministère de la Culture, à hauteur de 620 000 euros vise à accompagner la structuration de la politique culturelle des grandes fédérations nationales de ces associations de solidarité et d’éducation populaire.

Le milieu associatif joue un rôle important en matière d’animation culturelle dans les territoires et plus particulièrement dans les territoires ruraux. Les Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), réseau historique au service de l’éducation populaire, sont des acteurs culturels de proximité s’adressant aux jeunes, comme a pu le constater la rapporteure pour avis lors de son déplacement à la MJC de Saint-Donnat sur l’Herbasse. Elle a pu y constater la variété des activités culturelles proposées à tous les publics et particulièrement aux plus jeunes, à travers des cours réguliers, mais également une riche programmation évènementielle.

Mais ce milieu associatif ne dispose pas de moyens suffisants en matière culturelle. La rapporteure pour avis souhaite attirer l’attention sur cette réalité et appelle de ses vœux une meilleure prise en compte de ces acteurs culturels essentiels, notamment dans le cadre du déploiement du pass Culture.

c.   Des transformations de la médiation pour une transmission moins prescriptrice

Les visites réalisées sur place par la rapporteure pour avis (Centre Pompidou, Château de Versailles, MJC du Pays de l’Herbasse) ont permis de constater une volonté largement partagée par les établissements et organisations culturelles, dans toute leur diversité, de transformer leurs modes de médiation en direction des jeunes.

Pour les musées et autres établissements patrimoniaux, il s’agit, souvent à moyens humains constants ou décroissants, de proposer des « visites actives », requérant la participation des visiteurs pour sortir d’une simple transmission de connaissances et proposer une découverte plus ludique et engageante des œuvres (les conférenciers de la Réunion des Monuments nationaux travaillant au Château de Versailles ont ainsi un catalogue de près de 400 visites thématiques).

Les parcours et visites thématiques doivent à cet effet être régulièrement renouvelés, afin de conforter le retour d’un public de proximité qui a retrouvé le chemin des lieux culturels et s’est souvent substitué au public étranger, dont une partie d’ailleurs n’a pas encore fait sa réapparition, ou très peu (la présidente de l’Établissement public du Château de Versailles, Mme Catherine Pégard, notait ainsi la fréquentation encore très faible de l’établissement par le public asiatique en 2023).

Au-delà des visites thématiques et cartels adaptés aux enfants et publics jeunes, les établissements sont aussi conduits à proposer une programmation évènementielle beaucoup plus riche et variée afin de se démarquer au sein d’un paysage culturel foisonnant. Parmi la centaine d’évènements culturels organisées par la filiale spectacle du Château de Versailles, certaines manifestations comme la soirée électro sont devenues des rendez-vous reconnus, et leur régularité aide à gagner l’attachement du jeune public pour un lieu qu’il n’aurait peut-être pas fréquenté spontanément pour d’autres types d’évènements.

2.   L’EAC, mot d’ordre de la politique culturelle en direction de la jeunesse

a.   L’éducation artistique et culturelle : une politique déconcentrée et partenariale

L’éducation artistique et culturelle (EAC) constitue le principal socle de la politique culturelle en direction du jeune public. Sans faire l’archéologie d’une notion née dans les années 1970 à la faveur d’un renouveau de la pensée de la démocratisation culturelle, on rappellera que l’éducation artistique et culturelle a fait, en juillet 2016, l’objet d’une charte initiée par le Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle (créé en 2005 ([20]) et à la composition modifiée en 2017). La charte de l’EAC en fixe les dix objectifs ([21]), le premier étant que « l’éducation artistique et culturelle doit être accessible à tous, et en particulier aux jeunes au sein des établissements d’enseignement, de la maternelle à l’université ».

Au sein du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, l’EAC constitue la première sous-action présentée dans l’action 02 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, mais la seconde en termes de montants. En effet, la sous-action Éducation artistique et culturelle des enfants et des jeunes affiche un montant prévisionnel de crédits pour 2024 de 107,34 millions d’euros en AE et de 107,50 millions d’euros en CP, là où la première sous-action en montant, celle du pass Culture (sur laquelle nous reviendrons infra) prévoit des montants de crédits de 210,50 millions d’euros en AE et CP.

La politique d’éducation artistique et culturelle repose sur trois piliers, qui doivent s’appliquer à chaque niveau des actions mises en œuvre : la connaissance des arts et de la culture, la rencontre avec les artistes et les œuvres et la pratique culturelle. Le ministère de la Culture souligne dans ses documents budgétaires que « si tous les champs du patrimoine et de la création sont concernés, et que l’EAC encourage une approche largement pluridisciplinaire permettant de décloisonner les pratiques, les esthétiques et les formes d’expression, une attention particulière sera portée au domaine du livre et des écritures créatives et à l’éducation aux médias et à l’information ».

Les crédits de la mission Culture pour l’EAC sont largement utilisés de manière déconcentrée, par l’intermédiaire de structures aux formes variées (réseaux labellisés, associations, structures privées) et souvent en partenariat avec d’autres ministères (parmi lesquels ceux de l’Éducation nationale ou de l’Agriculture) et les différents niveaux de collectivités territoriales.

En 2024, les 107,50 millions d’euros de CP dévolus à l’EAC se composeraient ainsi : 23,94 millions d’euros pour les pratiques artistiques et culturelles en temps scolaire ; 14,12 millions d’euros pour les pratiques artistiques et culturelles hors temps scolaire ; 21,47 millions d’euros pour l’encouragement au goût de la lecture ; 14,14 millions d’euros pour les actions menées dans les conservatoires ; 15,44 millions d’euros pour des partenariats étroits avec les collectivités territoriales (notamment les intercommunalités) ; 7,4 millions d’euros pour l’éducation aux médias, à l’image et à l’information ; 7 millions d’euros pour la formation des acteurs de l’éducation artistique et culturelle et 4 millions d’euros pour compenser la gratuité d’accès des enseignants aux établissements culturels patrimoniaux, ce qui contribue également à la formation des acteurs éducatifs dans le cadre de la politique de renforcement de l’éducation artistique et culturelle des jeunes.

Selon les données communiquées par la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, hors pass Culture, l’exécution des crédits consacrés à l’éducation artistique et culturelle est en hausse de près de 19 % entre 2018 et 2022, passant en exécution de 107 à 127 millions d’euros.

b.   Une volonté de coordination interministérielle et territoriale grâce à plus de structuration de l’offre d’EAC

L’augmentation du nombre de membres du Haut Conseil à l’éducation artistique et culturelle (HCEAC) en 2017 va de pair avec la volonté de donner un nouvel élan à cette priorité de l’action culturelle en direction de la jeunesse. Elle s’accompagne de la formulation d’une politique publique du « 100 % EAC » qui a légèrement évolué depuis 2017. La ville de Cannes a été la première à atteindre l’objectif du « 100 % EAC ». Le « 100 % EAC » est tour à tour un mot d’ordre programmatique, affirmant l’objectif ([22]) que tous les enfants aient au cours de leur scolarité « un contact avec des dispositifs d’éducation artistique et culturelle ([23])» et le nom d’un label destiné à valoriser l’action des collectivités territoriales particulièrement actives en ce domaine, sans toutefois leur accorder de moyens supplémentaires. Cette politique de labellisation apparaît requérir beaucoup d’efforts administratifs (exigeant la constitution de dossiers complexes pour des collectivités de taille modeste) et mériterait d’être associée à l’attribution de nouveaux moyens budgétaires.

Depuis l’affirmation de la priorité « 100 % EAC », qui a notamment donné lieu à l’établissement de feuilles de route au sein de l’Éducation nationale, un effort important a été porté sur la structuration et la professionnalisation de l’éducation artistique et culturelle, effort auquel a participé le ministère de la Culture. Les crédits consacrés à la formation des acteurs de l’EAC au sein du programme 361 de la mission Culture sont ainsi passés de 7,6 à 10,4 millions d’euros entre 2018 et 2022.

La politique d’EAC devant toucher les enfants et jeunes de la maternelle à l’université, pendant et hors temps scolaire, engage nécessairement plusieurs ministères, comme le montre la liste des signataires de la charte de 2016 ([24]) : ministères chargés de la culture, de l’Éducation nationale, de la cohésion des territoires, des solidarités, de la santé, de l’agriculture, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais si cette politique multipartenariale dépasse largement le périmètre du seul ministère de la Culture, celui-ci n’en reste pas moins au cœur de sa définition et de son impulsion. Ainsi, la ministre de la Culture est-elle présidente du HCEAC aux côtés du ministre de l’Éducation nationale.

Pour continuer à améliorer la formation des professionnels de l’EAC a été créé, au sein du Conservatoire national des Arts et métiers (Cnam), l’Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (Inséac). Établissement public d’enseignement supérieur, situé à Guingamp, l’Inséac a pris forme à la suite de l’élaboration des dix articles de la Charte de l’EAC. Les missions de l’Inséac sont multiples : structurer au niveau national la formation et la recherche dans le domaine de l’EAC, accompagner son rayonnement et sa diffusion à l’échelle nationale et internationale, concevoir et dispenser une offre de formation à destination de l’ensemble des acteurs de l’EAC, développer des recherches autour des pratiques innovantes en EAC, animer les réseaux de l’EAC, et enfin produire des ressources dans ce domaine (notamment par le biais de kits et d’un portail de ressources en ligne).

L’animation des réseaux de l’EAC passe par la coordination nationale des Pôles de ressources pour l’éducation artistique et culturelles (Préac), qui sont des pôles de formation continue en EAC. Aujourd’hui, quarante Préac sont actifs sur le territoire national, répartis sur onze domaines (Arts visuels, Cinéma et audiovisuel, Culture scientifique, technique et industrielle, Éducation aux médias et à l’information, Patrimoines, Mémoire, Arts du cirque et de la rue, Danse, Musique, Théâtre – Arts du mime et du geste et Livre, lecture, écritures et oralité).

Par ailleurs, l’Inséac a aussi développé une offre de formation, avec 80 étudiants inscrits dans deux formations accessibles en formation initiale comme en formation continue : le Bac +1 « Agent d’accueil des publics de l’EAC » et le Master « Culture et communication – EAC ».

La constitution progressive de ces différents organismes témoigne de la volonté de travailler à l’élaboration d’une véritable pédagogie de l’EAC et de rationaliser des pratiques foisonnantes en améliorant la répartition territoriale des moyens. Le label « 100 % EAC » doit y contribuer grâce à une reconnaissance et une diffusion des meilleures pratiques. La constitution d’une telle armature pose toutefois la question des moyens consacrés simplement à l’architecture administrative ainsi mise en place et celle de la lourdeur des procédures de qualification, d’homologation, de réponses à des appels à projets, qui mobilisent là encore des moyens importants d’ingénierie dans de petites collectivités aux ressources souvent limitées.

Une logique de jumelage entre établissements scolaires et établissements culturels serait en outre particulièrement intéressante à généraliser pour ce qui est de l’éducation artistique et culturelle. La connaissance du patrimoine de proximité est notamment un moyen de s’approprier son territoire qui mériterait d’être inculquée dans le cadre de l’EAC.

B.   la priorité donnÉe au pass culture

Le pass Culture est aujourd’hui devenu l’instrument politique phare de l’action culturelle en direction des jeunes.

1.   Part collective et part individuelle : deux logiques différentes, mais complémentaires

Le pass Culture est un instrument de la politique culturelle en direction de la jeunesse dont l’originalité consiste, d’une part, à être d’abord passé par une forme d’expérimentation, et d’autre part à faire l’objet d’une gestion par une société par action simplifiée, « start-up d’État » développée au sein de la direction interministérielle du numérique et des systèmes d’information et de communication ([25]).

a.   Un volet individuel toujours en voie d’élargissement

Le pass Culture, dans son volet individuel, a d’abord concerné à partir de février 2019 cinq départements pilotes, avant de s’ouvrir en juin 2019 à la population éligible de 14 départements d’expérimentation, puis d’être généralisé à tout le territoire à compter de mai 2021 ([26]). Dans sa toute première phase, le pass Culture consistait en un crédit de 500 euros accordé à tout jeune de 18 ans, utilisable sous deux ans, avant un ajustement ayant ramené cette somme à 300 euros par individu. Parallèlement, la part individuelle a été étendue pour faire bénéficier les jeunes de 15 à 17 ans d’un montant individuel de 80 euros. Une application géolocalisant les offres culturelles proposées doit permettre aux jeunes de faire leur choix parmi une large variété de produits ou d’évènements culturels disponibles à proximité de leur lieu de vie, ou pouvant être achetés en ligne.

La nouveauté du dispositif, outre la volonté de passer par une application numérique susceptible d’être attractive auprès d’un jeune public dont nous avons vu supra qu’il est devenu familier de ces nouveaux outils, consiste à partir de la demande culturelle (en la subventionnant), là où les politiques culturelles reposent de façon plus classique sur des politiques de l’offre (soit le soutien à la création de propositions culturelles en direction des acteurs du secteur). En effet, les actions déployées par le ministère de la Culture – et cela est particulièrement vrai pour les programmes 361 et 224 de la mission Culture – consistent souvent en un soutien aux différents secteurs de la création artistique (arts visuels, spectacle vivant) et à l’armature patrimoniale de notre pays.

Face à ce changement de perspective, beaucoup d’acteurs du secteur culturel ont témoigné de leur scepticisme et de leur regret lors des auditions menées par la rapporteure pour avis, en 2022 comme en 2023. Ils pointaient ainsi la position consumériste dans laquelle était installé le jeune public face à la culture, l’absence de médiation du pass Culture, tous éléments qui risquent de conforter les jeunes dans des pratiques préexistantes sans leur offrir l’opportunité d’une réelle découverte.

Par ailleurs, cette politique apparaît comme actant simplement les disparités territoriales sans chercher à les corriger : ainsi, les jeunes résidant dans des zones de maillage intense de l’offre culturelle disposent d’un avantage face aux jeunes des territoires plus isolés ou à l’offre culturelle plus rare. Pire, ce déséquilibre conduit à venir redoubler un handicap existant, les jeunes résidant dans des territoires richement dotés en institutions culturelles, salles de spectacle ou de cinéma ayant déjà sociologiquement une probabilité plus grande de prédisposer d’un accès habituel à ces structures.

Enfin, le montant croissant des crédits dévolus au fil des années à cette politique (voir tableau) est progressivement apparu comme de nature à en faire un instrument risquant d’écraser des initiatives existantes. L’absence d’évaluation sur l’efficacité du dispositif dans les premières années a contribué à renforcer les doutes et les critiques.

Les résultats affichés par le dispositif apparaissent, selon les chiffres fournis par la société du pass Culture après l’audition de son président Sébastien Cavalier par la rapporteure pour avis, témoigner d’une progression satisfaisante du nombre d’inscrits, bien que de nouveaux publics restent encore à conquérir.

Ainsi, au 30 septembre 2023, près de 3,5 millions de jeunes ont bénéficié du pass Culture, ce qui représente 2,6 millions de jeunes en bénéficiant actuellement. Au total, 77 % des jeunes de plus de 18 ans ont bénéficié du pass Culture. Les jeunes de 15-17 ans sont 55 % à s’être inscrits toutes générations confondues. Ces chiffres varient en fonction de l’âge des bénéficiaires et progressent avec l’âge :

– 43 % des plus de 15 ans sont inscrits ;

– 55 % des plus de 16 ans sont inscrits ;

– 68 % des plus de 17 ans sont inscrits.

La question de l’efficacité de la part individuelle se pose pourtant, avec une proportion non négligeable de jeunes qui ne se sont pas inscrits sur le pass Culture ou ne l’ont pas activé et qu’il faut pouvoir arrimer au dispositif. Ces jeunes sont pourtant les publics prioritaires qui devraient être ciblés par ce dispositif. La possibilité d’un effet d’aubaine est bien réelle avec des jeunes profitant le plus du pass Culture issus des milieux favorisés, les plus sensibilisés. Il apparaît alors essentiel de réaliser à court terme une évaluation de la part individuelle du pass Culture. Eu égard aux montants engagés, une mesure de l’efficacité de la dépense publique s’avère particulièrement nécessaire.

Répartition des réservations en fonction des montants dépensés :
part individuelle

 

 

Pass + 18

Pass – 18

 

2022

S1 2023

2022

S1 2023

Livre

46,5 %

41,4 %

63,5 %

49,8 %

Cinéma

18,1 %

24,2 %

20,9 %

35,4 %

Musique live

10,3 %

14,3 %

3,9 %

5,6 %

Instrument

8,9 %

7,8 %

0,4 %

0,5 %

Musique enregistrée

4,9 %

4,2 %

6,3 %

4,4 %

Spectacle

3,2 %

1,3 %

0,6 %

0,4 %

Jeu

2,5 %

2,6 %

1,3 %

1,2 %

Film

2,1 %

0,8 %

0,4 %

0,2 %

Beaux-Arts

2,0 %

2 %

1,9 %

1,7 %

Musée

0,9 %

0,7 %

0,6 %

0,5 %

Pratique artistique

0,6 %

0,7 %

0,1 %

0,1 %

Media

0,1 %

0,0 %

0,1 %

0,1 %

Conférence

0,0 %

0,0 %

0,1 %

0,1 %

Carte jeunes

0,0 %

0,0 %

0,0 %

0,0 %

Source : SAS pass Culture

La rapporteure pour avis estime intéressante l’idée de donner l’autonomie aux jeunes de faire leurs propres choix parmi l’offre culturelle disponible : cela promeut une position active pour ces jeunes, qui ne sont plus seulement les récipiendaires d’une culture à la transmission verticale, dont nous avons vu supra qu’elle peinait parfois à bien cerner les aspirations du jeune public. Toutefois, comme le reconnaît la société du pass Culture dans les réponses adressées à la rapporteure pour avis, « la disparité géographique d’offres culturelles en France est un phénomène qui dépasse le cadre du pass Culture et dépend de la présence ou non d’acteurs culturels sur un territoire » : il s’agit bien d’un problème auquel un dispositif soutenant la demande culturelle n’a pas de réponse à apporter.

Par ailleurs, le manque d’accompagnement dans le cadre de la part individuelle du pass Culture est un véritable écueil. Le pass culture sous cette forme se présente comme un moyen de se donner bonne conscience en donnant de l’argent mais en renonçant à offrir un accompagnement. Il est pourtant nécessaire d’amener les jeunes à explorer des mondes culturels qu’ils ne connaissent pas. Les jeunes apprécient tout particulièrement la médiation qui peut leur être proposée. À ce titre, la part collective du pass Culture pourrait représenter un élément de réponse intéressant.

b.   Une part collective perçue comme un rééquilibrage nécessaire de la politique d’EAC

Si la création de la part individuelle du pass Culture a été reçue avec certaines réserves de la part des acteurs du secteur de la culture, nombre d’entre eux ont pu témoigner lors de leur audition par la rapporteure pour avis d’une opinion beaucoup plus favorable quant à la part collective. Celle-ci est rapidement apparue comme un rééquilibrage nécessaire en faveur d’une médiation plus active, d’une politique d’éducation artistique et culturelle qui, si elle se basait uniquement sur la part individuelle de pass Culture, aurait conduit à laisser les jeunes dans un accompagnement minimal et peu susceptible de les faire sortir de domaines déjà familiers pour eux afin d’en explorer de nouveaux.

L’idée d’une part collective du pass Culture est lancée en mai 2021 ([27]), et progressivement étendue à partir de la rentrée 2022 : un crédit est octroyé aux établissements scolaires pour leur permettre de financer des projets d’éducation artistique et culturelle dans ou hors les murs de l’établissement. Le volet collectif concernait jusqu’à la rentrée 2023 les classes de la 4e à la terminale ; il a depuis été étendu aux classes de 6e et de 5e ([28]).

Les montants disponibles par élève et par année scolaire seront les mêmes pour tous les collégiens : 25 euros par élève de la 6e à la 3e. Les lycéens de 2nde et de Certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) disposent de 30 euros par élève, tandis que les lycéens de 1re et de terminale ont un crédit de 20 euros par élève par an. Ces montants ne sont pas abondés par les crédits de la mission Culture, mais relèvent du ministère de l’Éducation nationale.

Un vade-mecum présente le cadre d’éligibilité des acteurs culturels qui peuvent proposer des activités culturelles via la part collective du pass Culture. La rapporteure pour avis tient néanmoins à souligner que certains interlocuteurs entendus lors des auditions ont témoigné de certaines difficultés (délais, refus, disparités territoriales) à voir leur proposition retenue dans le cadre du volet collectif du pass Culture.

Il est intéressant de souligner que dans le cadre de la part collective, les réservations portent majoritairement sur les catégories les moins réservées sur la part individuelle : le spectacle vivant (46 % des réservations en 2022 et 40 % en 2023), le cinéma (14 % des réservations en 2022 et 2023), les pratiques artistiques (19 % des réservations en 2022 et 20 % en 2023) et les visites guidées (6 % des réservations en 2022 et 7 % en 2023).


Répartition des réservations par secteur en fonction des montants dépensés : part collective

 

Année scolaire 2022-2023

Spectacle (représentation)

41,9 %

Atelier pratique d’art

21,4 %

Séance de cinéma

13,6 %

Visite guidée

6,3 %

Rencontre

3,5 %

Visite

2,9 %

Conférence

2,3 %

Concert

2 %

Festival de cinéma

1,7 %

Évènement lié au patrimoine

1,4 %

Autre

3 %

Source : société du pass Culture

Les nouveaux projets d’élargissement du pass Culture restent nombreux, parmi lesquels on mentionnera :

– les réflexions en cours sur l’extension de la part collective aux élèves en apprentissage ;

– l’utilisation des services de la SAS pass Culture par 82 écoles primaires innovantes de Marseille dans le cadre du projet « Marseille en grand » ;

– l’extension du pass Culture à la province sud de la Nouvelle Calédonie, en application de l’amendement n°II-1018 à la loi de finances pour 2023 ;

– l’extension de la part individuelle aux Français de l’étranger, qui fait actuellement l’objet d’une étude de faisabilité.

2.   Un statut de la société pass Culture qui interroge

a.   La société pass Culture, modèle original pour le développement d’une politique publique

La société pass Culture est une société par actions simplifiée dont les actionnaires sont l’État (70 %) et la Caisse des dépôts (30 %). La société compte 166 ETPT (tous contrats, hors stages) au 30 septembre 2023. Les prévisions à fin 2023 sont de 185 ETP (tous contrats, hors stages) pour une masse salariale de 13,26 millions d’euros en 2023. Les missions de la SAS pass Culture sont définies par les objectifs de politiques culturelles définis dans l’article 1er du décret n° 2021‑628 du 20 mai 2021 relatif au pass Culture :

– encourager la diversité des pratiques artistiques et culturelles ;

– favoriser la connaissance et l’accès aux offres culturelles destinées aux jeunes adultes et situées à proximité de l’utilisateur de l’application ;

– veiller à proposer des offres attractives et exclusives et concourir à ce qu’elles soient présentées de manière personnalisée aux utilisateurs.

La société du pass Culture développe et travaille à la présentation des offres sur l’application dans le souci de répondre aux attentes des jeunes et selon les objectifs fixés par le décret. Le président de la SAS, M. Sébastien Cavalier, affirme adopter pour cela un modèle de coconstruction, « en sollicitant l’avis des jeunes et des partenaires culturels à travers des sondages ou des groupes de test » ([29]).

La société du pass Culture pilote également la relation avec les partenaires culturels pour le volet individuel en les invitant à rejoindre la plateforme, en les guidant pour la prise en main de celle-ci et en animant le réseau de partenaires créé à l’échelle territoriale.

Par ailleurs, la SAS est responsable du remboursement, au moyen des crédits attribués par la mission Culture, des partenaires culturels pour l’ensemble des réservations effectuées par les jeunes à travers l’application pour la part individuelle.

En 2024, le projet de loi de finances prévoit un financement à hauteur de 267,5 millions d’euros, dont 210,5 millions d’euros proviennent du ministère de la Culture (voir le programme 361, Transmission des savoirs et démocratisation de la culture examiné dans la première partie de cet avis) pour le remboursement des acteurs culturels dans le cadre de la part individuelle et le financement des frais de fonctionnement et 57 millions d’euros sont issus du ministère de l’Éducation nationale pour le remboursement des acteurs culturels dans le cadre de la part collective.

b.   Deux modes de gestion qui donnent des responsabilités différentes à la société du pass Culture

Il faut tout d’abord souligner que la société du pass Culture ne joue pas du tout le même rôle pour les parts individuelle et collective : pour la première, la société du pass Culture dispose d’un rôle d’animation de réseau et de mise en avant d’offres en direction des jeunes bénéficiaires ; pour la seconde, elle offre un circuit logistique de remboursement aux prestataires culturels sans intervenir dans l’homologation des offres présentées sur la plateforme qui s’adresse aux professionnels de l’enseignement.

Dans le cadre de la part collective, la SAS pass Culture travaille en collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse et ses services déconcentrés, le ministère de l’Agriculture, le ministère des Armées et le secrétariat d’État chargé de la mer. Le rôle de la société du pass Culture est alors beaucoup plus limité que pour la part individuelle, car essentiellement technique : il concerne la poursuite des développements technologiques de l’application et le remboursement des partenaires culturels.

Les offres culturelles qui pourront être choisies dans le cadre de la part collective sont placées sur la plateforme « Application Dédiée À la Généralisation de l’Éducation artistique et culturelle » (Adage), utilisée par les enseignants et administrée par la mission Éducation artistique et culturelle (Méac) de la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse et par les délégations académiques à l’éducation artistique et à l’action culturelle des rectorats. Leur validation intervient au niveau déconcentré, par les Comités paritaires comprenant des représentants des ministères de la Culture et de l’Éducation nationale, et après l’inscription par les partenaires culturels sur une plateforme dédiée, « Culture pro ».

c.   Une transformation souhaitable de la société du pass Culture en opérateur de l’État

De par son statut de SAS, la société pass Culture n’est pas soumise à un plafond d’emplois. Ainsi, un changement de statut de la société pass Culture pour la faire revenir dans le giron de l’État a été préconisé par la Cour des comptes.

En effet, dès lors que le développement d’activités commerciales ([30])  peut apparaître en contradiction avec les activités de service public assurées par la SAS et que ces activités commerciales ne semblent pas se concrétiser pour le moment, il pourrait apparaître pertinent de reposer la question du statut de la SAS et de son rapport avec l’État, afin d’opérer un pilotage plus fin des dépenses de la structure. Dans son récent rapport, la Cour des comptes considère ainsi que « l’entité en charge de la gestion du pass Culture devrait faire l’objet d’une inscription sur la liste des opérateurs de l’État, qu’il s’agisse durablement d’une SAS (privée de ressources propres comme c’est le cas aujourd’hui ou dotée d’une filiale à vocation commerciale) ou d’un établissement public ».

Actuellement, la société du pass Culture remplit déjà les principaux critères d’une telle qualification en assurant une mission de service public et en recevant son financement majoritairement de la part de l’État. Cette qualification permettrait de garantir une meilleure transparence et une meilleure information devant la représentation nationale, ainsi qu’un meilleur contrôle du ministère de tutelle sur la structure, grâce aux trois conséquences induites par l’inscription sur la liste des opérateurs de l’État : « l’octroi d’une subvention pour charges de service public permettant de financer le fonctionnement courant de la structure, la fixation d’un plafond des autorisations d’emploi chaque année par la loi de finances et une information annuelle propre dans trois annexes à la loi de finances (le projet annuel de performance, le rapport annuel de performance et le « jaune opérateur ») » ([31]).

La rapporteure pour avis considère donc qu’il est nécessaire que la société du pass Culture rejoigne le champ des opérateurs de l’État, afin d’assurer la plus grande transparence à sa gestion et de pouvoir piloter au mieux sa trajectoire pluriannuelle de dépenses.

3.   Des difficultés persistantes qui appellent des améliorations nécessaires

Les acteurs culturels ont pu témoigner lors des auditions de problèmes de référencement sur la plateforme, celui-ci intervenant de façon variable selon les régions et la Commission paritaire présidée par le Recteur (au sein de laquelle siège le Drac).

Par ailleurs, comme souligné supra, le pass Culture constitue un service de mise en relation, plus ou moins éditorialisé, entre demande et offre culturelles, mais ne saurait se substituer à la seconde lorsqu’elle est trop éparse ou difficile d’accès sur un territoire. Les territoires ruraux se retrouvent particulièrement pénalisés pour ce qui est de l’accès à l’offre culturelle et donc du recours au pass Culture, du fait d’une moindre densité de l’offre culturelle. Cela pose des questions en matière d’inégalités d’accès et de chances pour les élèves que l’on retrouve en ce qui concerne la problématique du transport.

a.   Un déploiement plus difficile dans les territoires du fait de la problématique du transport

De nombreux acteurs concernés témoignent d’un problème récurrent lié au transport. Une importante difficulté d’application du pass Culture est effectivement la prise en charge du transport. C’est le principal angle mort de cette politique culturelle en direction de la jeunesse, fondée sur la demande. Il soulève un enjeu d’équité territoriale.

Une véritable réflexion doit être engagée sur la question du financement du coût du transport vers les lieux de culture. Des expérimentations sont à l’œuvre dans la région Grand Est afin que les différents échelons territoriaux puissent mobiliser des moyens de concert pour parvenir à des solutions adaptées.

Une approche globale et partenariale associant les collectivités locales et l’État serait une piste intéressante à développer. La prise en charge tant de l’offre culturelle que du coût du transport pourrait être partagée équitablement entre ces acteurs institutionnels suivant des modalités fixées au moyen d’une forme de contractualisation qui reste à inventer. Il faut en particulier éviter de confiner les collectivités locales dans un rôle de financeur du coût du transport qui conférerait à l’État le beau rôle de financeur culturel. Cette contractualisation pourrait concerner aussi bien la part individuelle que la part collective. Elle permettrait également d’harmoniser les dispositifs de financement de l’accès à la culture mis en place depuis de nombreuses années par les différentes collectivités territoriales avec le pass Culture en les unissant au sein d’une même solution partenariale et globale.

b.   Une extension envisageable de la part collective au premier degré

Il faudrait en outre concentrer davantage les moyens de l’EAC sur l’école primaire et même sur l’école maternelle. Les jeunes années sont effectivement déterminantes pour l’éveil à la culture. C’est au cours des premières années que les inégalités de destin se créent et l’éveil à la culture apparaît comme décisif à ce premier âge de la vie. Or, les moyens consacrés à l’EAC se concentrent fortement sur le second degré qui bénéficie de la part collective. L’élargissement, à terme, du bénéfice de la part collective au premier degré doit ainsi être sérieusement envisagée.

Une telle extension est prévue localement à Marseille dans le cadre du programme « Marseille en grand ». Les résultats de cette expérimentation pourront servir de base à une extension du pass Culture au premier degré. Cette extension pourra être aisément financée par une baisse corrélative des crédits dévolus à la part individuelle du pass Culture.

Au regard du changement d’échelle pour ce qui est du nombre d’établissements scolaires concernés qu’implique un tel élargissement et du fait du manque de retour d’expérience sur les expérimentations menées, l’extension de la part collective au premier degré ne doit toutefois être envisagée qu’à moyen terme.


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   Travaux de la commission

  1.   AUDITION DE LA MINISTRE

Lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9 heures 30 ([32]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie), Mme Rima Abdul Malak, ministre de la Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver pour ce traditionnel rendez-vous budgétaire.

Après l’intervention liminaire de Mme la ministre, nous débattrons d’abord de la mission Culture. Nous entendrons successivement l’intervention de la rapporteure pour avis, puis les questions des orateurs de groupe et celles des autres membres de la commission, auxquelles la ministre répondra. Nous passerons ensuite, selon le même schéma, à la discussion conjointe de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public.

À l’issue des deux discussions générales, nous examinerons les amendements.

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. Le budget du ministère de la Culture pour 2024 est de nouveau en hausse : plus 6 % par rapport à celui de 2023, qui avait déjà progressé de 7 %. Il s’élève à 4,4 milliards d’euros environ, auxquels s’ajoutent un peu plus de 4 milliards pour l’audiovisuel public – en hausse de 228 millions d’euros. Il est complété par 804 millions d’euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé ainsi que par le loto du patrimoine pour environ 25 millions d’euros, et les mesures fiscales, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Le total atteint ainsi 11 milliards d’euros.

Avec les crédits budgétaires dédiés à la culture par d’autres ministères – Éducation nationale, Enseignement supérieur, Armées, pour certains musées –, le total des crédits en faveur de la culture est quasiment porté à 16 milliards d’euros. Et n’oublions pas les centaines de millions d’euros du plan France 2030 que le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) mettra au service de notre ambition pour les industries créatives, sur l’ensemble du quinquennat.

Cette politique ambitieuse peut se déployer grâce au travail quotidien de plus de 29 000 agents, dont je salue l’engagement. Le ministère de la Culture forme également 37 000 étudiants, dans près de cent établissements de l’enseignement supérieur Culture. C’est un formidable vivier pour se projeter, pour dessiner l’avenir.

Depuis mon arrivée à la tête du ministère de la Culture, je n’ai eu de cesse d’affirmer les priorités sous lesquelles j’ai placé mon action : susciter l’envie de culture auprès de la jeunesse et en favoriser l’accès ; protéger notre souveraineté culturelle face à l’hégémonie des plateformes numériques ; soutenir l’innovation et la création ; former la relève et développer les compétences ; préserver notre patrimoine, ses bâtiments comme ses savoir-faire, grâce à un plan ambitieux pour les métiers d’art ; contribuer à apaiser les mémoires par la culture ; défendre le pluralisme, l’indépendance des médias et un audiovisuel public fort.

Cette politique culturelle, que je veux vivante, ouverte à tous et ancrée dans tous les territoires, va pouvoir se déployer grâce à ce budget historiquement élevé, comme elle le fait depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

En 2023, dans un contexte de sortie de crise, le budget se voulait de résilience. Il nous a permis de faire face à l’inflation, mais aussi de mener de nouvelles initiatives, comme la stratégie pour les métiers d’art, le fonds d’innovation territoriale ou les projets d’olympiades culturelles. Nous entendons que celui de 2024 soit un budget de transformation, pour changer les modèles en profondeur et faire face à toutes les mutations que connaît le monde de la culture. Il faut ainsi accélérer la transition écologique, mieux produire et mieux diffuser – notamment pour ce qui est du spectacle vivant – et s’approprier les nouvelles technologies. Nous devons aussi poursuivre le renouvellement des publics, investir dans l’éducation artistique et l’accès des jeunes à la culture, anticiper la relève des métiers, en matière de formation et de développement des compétences. Nous mettrons en œuvre cette politique dans tous nos territoires grâce à la restauration du patrimoine, grâce à des projets tels que l’Été culturel ou en mobilisant les moyens du Fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels (Feac) et du fonds d’innovation territoriale.

L’année 2024 sera une année olympique qui, pour nous, marquera l’aboutissement de grands chantiers. La Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, sera bientôt ouverte au public ; elle accueillera le sommet de la Francophonie à l’automne. Deux rénovations majeures seront également achevées en cette année 2024 : celle du Grand Palais, qui rouvrira ses portes à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques ; celle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la réouverture est prévue le 8 décembre.

Dans un monde de plus en plus compétitif, le budget pour 2024 va également contribuer à renforcer la place de notre culture, mais aussi à continuer à tisser des liens généreux et sensibles entre les artistes et les habitants, dans chaque territoire.

Comme je m’y étais engagée auprès des entreprises de l’audiovisuel public, ce budget est assorti d’une trajectoire sur cinq ans, afin de leur donner de la visibilité jusqu’à 2028. Il est composé, selon une logique nouvelle, d’une dotation de base et d’une enveloppe complémentaire. La dotation permet de poursuivre les missions confiées à ces entreprises, de prendre en compte l’inflation et de compenser les effets fiscaux induits par la suppression de la redevance et le changement de mode de financement. L’enveloppe complémentaire sera exclusivement consacrée à des projets de transformation et de modernisation ainsi qu’à des priorités et à des collaborations inscrites dans des contrats d’objectifs et de moyens (COM). Cette enveloppe est au total de 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros pour 2024. Une clause de revoyure est prévue en 2026.

Les autres hausses du budget permettront de renforcer les moyens des structures de la création et de la diffusion, et d’accompagner leur mutation. L’accent porte notamment sur le soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs. Les formations et nos écoles d’enseignement supérieur artistique seront également soutenues, notamment celles d’architecture et les écoles d’art territoriales, que ce soit en matière d’investissement, de fonctionnement ou d’emploi.

La protection et la valorisation du patrimoine bénéficieront de crédits en hausse de 55 millions d’euros, qui serviront notamment aux rénovations sur tout le territoire. Le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP), en hausse également, a vocation à accompagner, avec les régions, les chantiers dans de petites communes, pour la plupart de moins de 10 000 habitants. Des mesures salariales, très attendues, sont également prévues pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

La priorité pour la lecture est à nouveau réaffirmée, à travers une stratégie déployée sur tout le territoire grâce au Centre national du livre (CNL), aux bibliothèques et aux collectivités. La presse locale, les radios locales et l’AFP (Agence France-Presse) bénéficieront, elles aussi, d’un soutien accru, afin de promouvoir le pluralisme de l’information.

En matière d’emploi, 125 équivalents temps plein (ETP) nouveaux seront affectés, notamment, aux musées, pour la sécurisation des acquisitions et la recherche de provenance, à la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts – à hauteur de 15 ETP – ou encore à la montée en puissance du Centre national de la musique (CNM), à raison de 10 emplois supplémentaires.

Je ne vais pas détailler davantage le contenu de ce budget et vous propose d’apporter les précisions que vous pourriez attendre en répondant à vos questions.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis (Culture). Pour la deuxième année consécutive, c’est un budget en hausse qu’il me revient de vous présenter pour la mission Culture. Les crédits prévus dans le projet de loi de finances (PLF) s’élèvent à 3,9 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 4,9 %. Toutefois, cette progression s’inscrivant dans un contexte d’inflation continue, les augmentations de crédits seront donc, à nouveau, en partie amputées par les effets de la hausse des prix.

Le programme Patrimoines affiche plus de 1 milliard d’euros, soit 8,2 % de hausse par rapport à 2023. La progression très nette des autorisations d’engagement (AE), de 32,8 %, témoigne d’une volonté d’investissement ambitieuse dans le patrimoine pour les années à venir.

Parmi les grands projets devant être lancés en 2024 figurent notamment le Musée-Mémorial du terrorisme, avec 13 millions en AE inscrits pour cette année, et l’extension du site des Archives nationales, à Pierrefitte-sur-Seine, dont le montant des travaux est estimé à 96 millions d’euros. Des projets arriveront à terme en 2024, en particulier le chantier de rénovation du Grand Palais, dont la réouverture est prévue l’été prochain. Le surcoût de ces travaux est d’ores et déjà évalué à 18,5 millions d’euros, en raison de l’inflation.

Au niveau territorial, l’action patrimoniale de l’État devrait se poursuivre en 2024 sur trois sites emblématiques : la restauration de la cathédrale de Nantes, à la suite de l’incendie survenu en juillet 2020 ; les travaux de l’ancienne abbaye de Clairvaux, dans l’Aube ; le projet de restauration du château de Gaillon, dans l’Eure.

L’accompagnement de la restauration et de la conservation du patrimoine de proximité est une priorité pour 2024. Le fonds incitatif pour le patrimoine, créé en 2018, sera ainsi doté de 2 millions supplémentaires, pour atteindre 20 millions d’euros.

Je souhaite, toutefois, appeler votre attention sur la nécessité, à terme, de rehausser la subvention pour charges de service public (SCSP) de l’Inrap, dont je tiens à saluer la bonne gestion financière. Depuis 2016, cet opérateur doit dégager un excédent sur ses activités concurrentielles, pour financer une partie de ses missions non concurrentielles, dont le coût n’est pas couvert par la SCSP. Le risque existe donc de voir l’Inrap se retrouver en difficulté financière, ce qui aurait des conséquences sur l’aménagement du territoire.

Le programme Création a vocation à soutenir le spectacle vivant et les arts visuels, affectés par l’inflation et les changements d’habitudes du public qui ont immédiatement suivi la crise sanitaire. Ses crédits augmentent eux aussi, pour atteindre 1,04 milliard d’euros, soit une hausse de 3 % par rapport à 2023. Le programme développe des objectifs structurants et des mesures d’accompagnement. Ainsi, le plan Mieux produire, mieux diffuser, doté de 10 millions d’euros, vise à rationaliser le financement de la production artistique et à améliorer la diffusion, encore trop faible, des créations. Il témoigne d’une orientation majeure de la politique du ministère en faveur du secteur de la création artistique.

L’accompagnement des artistes-auteurs est également renforcé, avec 9 millions d’euros de mesures nouvelles pour soutenir l’emploi artistique et 15,6 millions d’euros, cofinancés avec les collectivités territoriales, pour aider les structures de création et de diffusion artistique en régions.

En outre, le plan pour les métiers d’art, annoncé en mai 2023, bénéficiera de 3 millions d’euros en 2024.

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture s’élèvent à 828 millions d’euros, soit une hausse de 3,6 % par rapport à 2023. Des augmentations de crédits sont prévues pour remédier aux difficultés des écoles nationales supérieures d’architecture, qui ont connu une crise très sérieuse l’année dernière. Les étudiants et les enseignants ont appelé à une amélioration rapide et importante des conditions de travail.

En matière de politique de transmission et d’éducation à la culture, le pass culture, dans son volet individuel, continue d’être le principal outil du ministère. Pour 2024, 210,5 millions d’euros sont prévus pour le fonctionnement et les investissements de la société du pass culture, dont 2 millions d’euros au titre de mesures nouvelles. Quant aux dépenses liées aux politiques de la langue française, elles sont stables à nouveau. On peut le regretter, puisque l’année 2024 sera celle à la fois du trentième anniversaire de la loi Toubon et de l’ouverture de la Cité internationale de la langue française.

Enfin, les crédits du programme Soutien aux politiques du ministère de la culture atteignent 846 millions d’euros en AE et 844 millions d’euros en CP – en hausse de 4 % par rapport à 2023. Ils recouvrent l’action internationale du ministère et les fonctions support. J’observe que la trajectoire des emplois retenue pour 2024-2027 traduit le renforcement des moyens alloués au ministère pour la conduite de ses missions, puisque vingt-deux postes seront créés en 2024.

Pour le volet thématique de cet avis budgétaire, j’ai choisi de m’intéresser aux politiques culturelles menées en direction de la jeunesse. La culture est notre bien commun ; elle est ce qui nous relie. Il est essentiel que nos jeunes se sentent pleinement dépositaires, usagers et acteurs de cette culture ; qu’ils la fréquentent et s’en imprègnent, pour nourrir ce sentiment d’appartenance commune, si fragile aujourd’hui.

L’analyse des crédits de la mission Culture permet de dégager les grandes orientations prises ces dernières années, étant entendu que les politiques culturelles pour la jeunesse dépassent largement ce cadre.

Le pass culture apparaît comme l’instrument prépondérant de l’éducation artistique et culturelle (EAC). Toutefois, on relève des difficultés d’application de la part collective du dispositif, qui ressortit au ministère de l’Éducation nationale. Quant à la part individuelle, elle doit faire l’objet d’une meilleure évaluation au regard de la démocratisation culturelle.

Le transport constitue un des principaux angles morts du dispositif de cette politique culturelle, fondée sur la demande. En raison d’une moindre densité de l’offre culturelle, les territoires ruraux se retrouvent particulièrement pénalisés dans le recours au pass culture. Une réflexion doit être engagée sur la question du financement du transport vers les lieux de culture. Une piste intéressante pourrait consister en une approche globale de la prise en charge, à la fois de l’offre culturelle et du transport, partagée équitablement entre les collectivités locales et l’État, suivant des modalités contractuelles qui restent à inventer. Il faudrait veiller à ce que les collectivités locales ne soient pas réduites au seul rôle de financeur du transport, quand l’État récupérerait le beau rôle de financeur culturel.

En outre, il conviendrait de concentrer davantage les moyens de l’éducation artistique et culturelle sur l’école primaire, voire sur l’école maternelle. Les jeunes années sont en effet déterminantes pour l’éveil à la culture. Les moyens consacrés à l’EAC se concentrent actuellement sur le second degré, qui bénéficie de la part collective du pass culture. L’élargissement de cette part collective au premier degré doit être sérieusement envisagé.

S’agissant de la part individuelle, la question de son efficacité se pose, puisque 7 % des jeunes ne se sont pas inscrits. Ces jeunes devraient être les cibles prioritaires du pass culture, et le monde associatif devrait être mieux associé à l’EAC.

En matière de politique culturelle s’adressant à la jeunesse, ces approches sont sans doute dépassées. Pour parler au jeune public, il faut savoir comment celui-ci appréhende la culture. Je forme le vœu qu’une étude des imaginaires culturels de notre jeunesse puisse servir d’appui à une offre culturelle dédiée innovante.

En conclusion, ce budget comporte de réelles avancées et répond dans une large mesure aux grands enjeux qui se sont présentés ces derniers mois au monde de la culture. C’est la raison pour laquelle mon avis sera favorable lors du vote des crédits de la mission Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Violette Spillebout (RE). Le contexte international, notamment la résurgence du conflit israélo-palestinien, a des répercussions sur la jeunesse et dans ce que nous appelons « les quartiers ». Plus que jamais la culture, les valeurs communes, la connaissance de l’histoire et la compréhension de l’information sont essentielles pour que nous continuions à faire nation. Ce sont des défis que le budget pour 2024 du ministère de la Culture aura à relever. Il est en hausse de 6 % par rapport à 2023 et nous nous en réjouissons.

L’année 2024 verra donc un budget de transformation, d’inspiration, pour impulser et accompagner les mutations de la culture : accélérer la transition écologique, mieux produire et mieux diffuser, embrasser de nouvelles technologies, renouveler les publics et aller vers les jeunes. Cette année sera aussi celle de l’aboutissement de grands et beaux projets culturels, en particulier la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, dans ma belle région des Hauts-de-France. Notre pays aura aussi à préserver sa souveraineté culturelle et à promouvoir la francophonie, dans un paysage culturel mondial de plus en plus compétitif.

Je souhaite insister sur quatre points de vigilance : l’éducation critique aux médias – nous présenterons un amendement pour que l’esprit critique de nos jeunes puisse être renforcé contre la désinformation, la propagande et le complotisme ; la fragilisation des écoles territoriales d’architecture et d’art ; l’accès à la culture et aux équipements socioculturels pour tous et partout, dans les quartiers de politique de la ville comme dans les territoires ruraux ; la promotion de la francophonie et l’ouverture culturelle de tous.

Le groupe Renaissance votera les crédits accordés pour concrétiser ce projet.

Mme Caroline Parmentier (RN). Partout dans le monde, on sait qu’il existe une culture française ; on aime la France pour cette culture. C’est le sens de notre engagement au Rassemblement national que de promouvoir un projet enraciné, celui d’une France resplendissante, fière de son passé et de ses origines, qui a une vision pour les décennies à venir.

Madame la ministre, vous vantez la hausse globale des crédits alloués à votre ministère, qui place son budget au niveau inédit de 4,4 milliards d’euros – sans compter les 4 milliards d’euros de l’audiovisuel public qui servent la neutralité de l’information que l’on sait. Mais ce n’est pas parce qu’un budget est en hausse que c’est un bon budget. Pour notre part, nous proposerons des amendements tendant à privatiser France Télévisions et Radio France : nous voulons rendre aux Français leur argent, soit plus de 3 milliards d’euros.

Nous considérons aussi qu’il faut lancer de nouveaux projets et réduire les moyens de plusieurs programmes. Nous avons, par exemple, déposé des amendements pour recréer la Maison de l’histoire de France. Nous proposons aussi, notamment, de réduire les crédits de l’action 6 Action culturelle internationale du programme Soutien aux politiques du ministère de la culture. Le Rassemblement national portera une attention particulière aux réponses qui seront apportées à chacun de ces amendements.

Pour résumer, ce budget de la culture est à la fois insuffisant et trop généreux ; nous devons faire preuve de plus d’exigence dans l’octroi des crédits. Il s’agit de l’argent du contribuable, et il n’en a plus beaucoup. Stop à ce qui lui apparaît bien souvent comme du copinage ou du parti pris quand il s’agit de financer certains programmes ou certaines expositions !

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Employeurs, travailleurs, opérateurs, structures labellisées comme compagnies indépendantes, tous les acteurs des arts et de la culture que j’ai pu auditionner s’alarment de l’état critique du secteur. Aux années noires de la crise du covid-19 succèdent celles de l’inflation ; au désengagement de l’État s’ajoute celui des collectivités, qu’elles soient financièrement prises à la gorge ou qu’elles soient guidées par une hostilité revancharde.

Prises dans la tenaille de ces coûts en hausse et des financements en baisse, les structures doivent faire des choix contraires à la démocratisation et à la diversité culturelles : augmenter les tarifs, comprimer la masse salariale, grignoter toujours un peu plus cette marge artistique qui, pourtant, est le cœur battant de leur activité. Le résultat est cette « saison fantôme », proposée par le syndicat Les forces musicales, qui a compilé les spectacles qui auraient dû rythmer l’année, mais qui n’ont pu voir le jour. Ces événements culturels non programmés, ce sont autant de pertes en spectateurs, en emplois artistiques ou en nouveaux publics.

Nous avons affaire ici à une crise qui n’est pas conjoncturelle mais structurelle, ainsi qu’à l’absence durable de politique culturelle. Ce budget, avec sa hausse toute relative compte tenu de l’inflation, ne peut prétendre résoudre cette crise et encore moins engager les profondes transformations promises. Pire, sa mise en œuvre prolonge une dérive délétère, alimentée par la marchandisation et la bureaucratisation de la culture à coups d’appels d’offres et d’appels à projets.

Certains de ces grands projets font bondir artificiellement le budget du programme Patrimoines au détriment de l’entretien courant ou d’une véritable rénovation énergétique. Du côté du programme Création, l’énigmatique plan Mieux produire, mieux diffuser fait craindre, dans ce contexte d’austérité inégalement subie, une sorte de malthusianisme culturel, un plan « moins produire pour moins diffuser ». On attend toujours le plan « mieux travailler », alors que les négociations salariales patinent, que les indemnités des intermittents sont menacées et que les artistes-auteurs n’ont toujours pas de statut.

Enfin, plus de la moitié du budget pour la démocratisation et l’éducation artistique et culturelle est engloutie par le pass culture, start-up d’État épinglée par la Cour des comptes. Un catalogue algorithmique pour faire son shopping, ce n’est pas de la médiation culturelle. La politique du bon d’achat, même en période d’inflation, n’a jamais fait une politique culturelle.

Alors comme l’an dernier, madame la ministre, je vous le demande : où est cette politique culturelle ?

Mme Isabelle Périgault (LR). Le budget du ministère de la Culture affiche une hausse de près de 6 % pour 2024. Si cette augmentation paraît importante, elle doit être relativisée si l’on considère l’inflation. Toutefois, le groupe Les Républicains se réjouit de ces nouveaux moyens accordés à la culture, en un temps où de nombreux dossiers restent en suspens.

Le programme Patrimoines, dont vous avez d’ailleurs fait une de vos priorités, semble orienté vers des investissements judicieux. Cependant, nous relevons un déséquilibre significatif : le patrimoine rural et communal, négligé par le plan de relance post-covid-19, ne bénéficie pas du soutien financier escompté. Le groupe les Républicains tient à rappeler la nécessité de préserver notre patrimoine rural local.

Le choix politique – discutable – du programme Transmissions des savoirs et démocratisation de la Culture d’élargir le pass culture présente certaines limites quant aux préférences culturelles qu’il induit. Le programme Création est en augmentation de plus de 3 % ; le soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs bénéficiera en 2024 de crédits supplémentaires de 12,1 millions d’euros et d’une augmentation totale de 14,35 %.

Il convient également de souligner la prolongation des crédits d’impôt dédiés aux métiers d’art, à hauteur de 50 millions d’euros.

Enfin, le groupe Les Républicains se réjouit des choix faits en matière de transition écologique, désignée comme une priorité absolue et s’inscrivant dans une perspective de sobriété énergétique et de promotion de l’économie circulaire.

Considérant l’augmentation des moyens et malgré les lacunes soulignées, le groupe Les Républicains suivra la rapporteure pour avis et votera pour ces crédits.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe Démocrate se réjouit de la hausse des crédits alloués à la mission Culture, cela dans le cadre d’un budget contraint. Ils s’élèvent à 4,18 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3,8 milliards d’euros en crédits de paiement, progressant de 212,2 millions d’euros par rapport à 2023, soit une augmentation de 6 %.

Le programme Patrimoines bénéficie d’une vraie montée en puissance. Outre les grandes figures de proue que sont Notre-Dame et le Grand Palais, lieux phares des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024, on note des moyens en hausse à destination du patrimoine local, avec un fonds incitatif pour le patrimoine, déployé spécifiquement pour les petites communes à faibles ressources, qui atteindra 20 millions d’euros. Je me réjouis de cette attention marquée pour un patrimoine essentiel, que les petites communes ne peuvent préserver seules. Je pense notamment aux quelque 2 500 lieux de culte en péril ou dans un état préoccupant, qui bénéficient des crédits de soutien à l’investissement local, mobilisés par les préfectures pour la rénovation du patrimoine religieux.

Concernant le programme Création, le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant est un peu inférieur aux attentes des professionnels. Les crédits de paiement n’augmentent que de 1,54 %, quand les autorisations d’engagement reculent de 0,97 %. Ces chiffres sont regardés avec une certaine inquiétude par les acteurs du spectacle vivant, comme le syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), qui appellent également notre attention sur le manque de compensation budgétaire de l’inflation en faveur du plan « festivals ».

Sur le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, notre groupe se félicite des 107,34 millions en AE et des 107,50 millions en CP pour l’éducation artistique et culturelle des enfants et des jeunes. Dans ce cadre, les 21,47 millions d’euros consacrés à l’encouragement au goût de la lecture – dont 3,1 millions d’euros de mesures nouvelles au titre de la stratégie « lecture et territoire » – sont les bienvenus. En tant que présidente du groupe d’étude sur l’économie du livre et du papier, je ne peux que me réjouir du soutien de votre ministère à la mise en place, durant le temps scolaire, de projets menés avec le ministère de l’Éducation nationale et des associations comme Le labo des histoires, Lire et faire lire ou Lecture jeunesse.

Nous voterons pour ce budget.

M. Inaki Echaniz (SOC). Si je ne peux que me réjouir de l’augmentation des crédits alloués à la mission Culture, le budget global penche volontiers du côté de l’austérité. Force est de constater que l’inquiétude demeure chez certains acteurs culturels.

Je voudrais ainsi vous parler des quatre-vingt-douze scènes de musiques actuelles (Smac), qui sont réparties sur l’ensemble du territoire français. Ce sont des lieux de création, de diffusion, d’éducation artistique et culturelle et d’accompagnement des pratiques. Depuis quelques années, le secteur des musiques actuelles traverse des crises successives et multifactorielles. Après les attentats de 2015 et la crise sanitaire et ses conséquences durables, est venue l’inflation qui renchérit l’énergie, les salaires, le coût des prestataires techniques et de sécurité et ceux qu’il faut assumer pour faire venir des artistes. Cette importante hausse de charges pour les Smac, de l’ordre de 15 % à 20 % selon les lieux, ne s’accompagne pas, hélas ! d’une progression des ressources. Le financement des Smac par l’État est ainsi fixé à 100 000 euros par lieu labellisé depuis 2017. Si ces lieux sont majoritairement financés par les collectivités territoriales – en moyenne quatre fois plus que l’État –, leurs subventions stagnent ou baissent, soit parce que les collectivités sont elles-mêmes confrontées à l’inflation, soit pour des raisons politiques. L’autofinancement est quant à lui de 41 %, ce qui en fait un des taux les plus élevés parmi les acteurs du secteur.

Selon une enquête de votre ministère, le résultat de cette situation est que les marges artistiques des Smac se réduisent, au point de devenir négatives dans certains cas. Cela se traduit par des licenciements économiques, par le non-remplacement de salariés et par des difficultés à recruter, sans oublier les arrêts de programmation, la diminution notoire de prise de risques artistiques, la réduction du nombre de dates par saison et l’augmentation des tarifs.

Madame la ministre, les lieux labellisés ne disposent plus des moyens suffisants pour assurer leurs missions. Il est urgent de soutenir les Smac pour qu’elles demeurent des lieux centraux pour la création, la pratique et la diffusion des musiques actuelles. Nous déposerons un amendement en ce sens : comptez-vous le soutenir ?

J’aurais aussi pu vous parler des écoles d’art territoriales qui, de la même manière, ne sont financées par l’État qu’à hauteur de 10 %, alors qu’elles délivrent un diplôme national du ministère de la Culture, et sont confrontées aux mêmes difficultés.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). « En vidant une nation de sa culture, on la condamne à mort » : Milan Kundera, écrivain européen majeur qui nous a quittés il y a quelques mois et auquel je veux rendre hommage, nous alertait quant au rôle essentiel de la culture pour faire nation, pour bâtir le commun et l’universel. Face au vertige du monde, aux crises de nos sociétés démocratiques, la culture doit être plus que jamais le pilier de notre pays, qui est en proie à une perte de repères. Aussi, au nom du groupe Horizons, je salue l’augmentation exceptionnelle des crédits de la mission Culture. Cette progression témoigne de l’ambition renouvelée de la politique culturelle française, puisque ce budget permettra d’accompagner les mutations de différents secteurs et la montée en puissance de priorités nouvelles.

Je me réjouis notamment de la création de 125 ETP à l’échelle du ministère, des emplois qui sont importants pour mener cette transformation et ces mutations.

Les objectifs et les plans de refondation de nombreux secteurs ont très bien été résumés par la formule de Mme la ministre : « un budget de transformation pour 2024 ». Je n’y reviens pas.

Je m’arrêterai, en revanche, sur la place accordée au patrimoine dans le présent PLF. Le ministère en fait une de ses priorités, avec une enveloppe de plus de 1 milliard d’euros, en hausse de 8 %. Cette augmentation était absolument indispensable, car l’année 2024 sera placée sous le signe du patrimoine.

Vous savez l’importance que j’accorde, en tant qu’élu rural, au petit patrimoine de nos petites communes ; je salue, à cet égard, l’augmentation du fonds incitatif et partenarial. Toutefois, quelques questions se posent. Le Président de la République a présenté, il y a quelques semaines, un plan ambitieux pour le patrimoine local ; nous avons, quant à nous, adopté un amendement qui permet un avantage fiscal supplémentaire. Qu’en est-il de la collecte lancée, qui visait plus de 200 millions d’euros ?

Enfin, la rénovation énergétique de notre patrimoine est un enjeu majeur. Je défends un amendement pour rendre éligible au mécénat les travaux de transition énergétique des monuments historiques privés. Soutiendrez-vous cet amendement ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Ce budget pour la culture s’inscrit dans un ensemble global austéritaire et nous ne pouvons donc que saluer ses crédits en augmentation.

Nous n’en renouvelons pas moins nos critiques sur la politique culturelle que vous conduisez, notamment en matière de spectacle vivant et d’accès à la culture, avec la prédominance du pass culture qui relève d’une approche consumériste et n’est accompagné d’aucune action culturelle. Vos efforts pour orienter ce pass culture vers des pratiques collectives, avec l’Éducation nationale notamment, ne suffisent pas à le transformer. En outre, comme l’a rappelé Mme la rapporteure pour avis, l’utilisation du pass culture collectif se heurte à obstacles majeurs, qui l’empêchent de remplir ses objectifs. Par ailleurs, nous nous demandons pourquoi une grande partie de l’augmentation des crédits alloués au pass culture est absorbée par la structure qui le gère ; cela ne nous semble pas la priorité.

Parallèlement à l’augmentation des crédits dédiés au pass culture, l’activité du spectacle vivant, elle, est en berne. Les acteurs de la culture qui ont pour mission de faire vivre des lieux de culture ; que ce soit les Smac, les théâtres ou toute autre salle de spectacle vivant, tous avouent faire face à des difficultés très importantes. Ils font appel aux collectivités territoriales, qui ne trouvent pas toujours les moyens pour les soutenir. Avez-vous mesuré la diminution du nombre de représentations, pour tous les arts confondus, ce qui n’est pas sans conséquences sur les créations à venir, sur les conditions sociales des professionnels et sur l’accès à la culture de tous et de toutes ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Nombre de secteurs du monde culturel, que ce soit le spectacle vivant, le cinéma, les festivals et bien d’autres, sont en souffrance. La résolution du Conseil économique, social et environnemental (Cese), intitulée « Crise du secteur culturel : l’urgence d’agir », met en lumière les défis majeurs auxquels nous devrons faire face dans les mois à venir. La crise sanitaire a durablement affaibli le secteur, et l’inflation vient la fragiliser encore plus.

Dans ce contexte particulier, il est essentiel de remettre en perspective les hausses du budget et, bien que toutes les augmentations soient les bienvenues, elles ne doivent pas masquer les besoins réels et pressants. Il est impératif d’amplifier notre soutien et de venir en aide aux collectivités territoriales, qui demeurent les principaux financeurs du secteur culturel, mais qui sont, elles aussi, soumises à un contexte budgétaire très contraignant.

Je souhaite mettre en lumière le sort des travailleuses et des travailleurs de la culture. Alors que les négociations sur les annexes 8 et 10 sont en cours, je dois rappeler notre opposition catégorique à toute réduction des indemnités, notamment à la proposition de baisse de 15 % avancée par le Medef.

Je tiens également à appeler votre attention sur l’usage massif et abusif des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) ou des temps partiels, qui contribuent de manière significative à la précarité de l’emploi. Entre 1999 et 2019, la part des contrats à durée limitée parmi les travailleurs du secteur culturel est passée de 19 % à 29 %.

En conclusion, le groupe Gauche démocrate et républicaine proposera un revenu de remplacement pour les artistes-auteurs vulnérables aux variations des revenus. Il est urgent de tenir compte de la discontinuité de leurs revenus dans leur statut. Nous présenterons des amendements pour renforcer le budget, afin de soutenir les politiques culturelles ambitieuses au service de l’émancipation de toutes et de tous. C’est notre devoir envers le secteur culturel et la société.

Mme Martine Froger (LIOT). La culture est, sans nul doute, un des secteurs les plus fragilisés par la crise sanitaire. Elle en subira longtemps les conséquences désastreuses et les pertes considérables d’activité seront durables. À ces maux s’ajoutent désormais les conséquences de l’inflation, qui risquent d’éloigner les publics les plus modestes des lieux culturels. Quelques motifs de satisfaction se trouvent cependant dans la fréquentation des musées qui, globalement, a retrouvé le niveau qui était le sien avant la crise sanitaire. Seul le public des 18-25 ans fait encore défaut.

Nous devons nous interroger sur les actions à mener en faveur des publics les plus éloignés de la culture, car la démocratisation est loin d’être achevée. Nous devons venir à bout des fractures culturelles, sociales, générationnelles et territoriales.

Si nous nous réjouissons de la mise en place du pass culture, force est de constater qu’il n’a pas encore totalement atteint son objectif de démocratisation et de diversification des pratiques culturelles des plus jeunes. Dans les faits, les jeunes déscolarisés ou qui habitent des zones prioritaires ou rurales l’utilisent moins, en raison des difficultés qu’ils rencontrent pour accéder aux infrastructures culturelles et artistiques, quand elles existent.

Enfin, le groupe LIOT salue les efforts qui ont été consentis pour orienter davantage les crédits de la mission vers les territoires, notamment ruraux, isolés et ultramarins. Ils demeurent cependant insuffisants et trop concentrés dans les villes. Aussi proposerons-nous d’étendre la part collective du pass culture aux jeunes dès le cycle 3 – CM1, CM2 et sixième – et à ceux qui sont accueillis dans un établissement médico-social ; d’abonder le fonds incitatif pour le patrimoine, qui vise à aider les petites collectivités à assurer l’entretien, la restauration et la mise en valeur de leurs monuments historiques.

Les collectivités territoriales jouent un rôle majeur de soutien à la culture. Pourtant, 30 % d’entre elles s’apprêtent à baisser les budgets qu’elles lui consacrent. C’est donc aussi l’objet de ce budget que de veiller à la dynamique et à l’attractivité de nos régions.

Mme Rima Abdul Malak, ministre. Vous êtes nombreuses et nombreux à avoir questionné le pass culture. Je reste persuadée qu’il s’agit d’un outil d’engagement de la jeunesse et pas du tout un outil de consommation. Le rapport à la culture passe, certes, par l’achat d’un livre, d’une place de concert ou de spectacle. En ce sens, il s’agit effectivement d’un acte de consommation, mais dont l’objet est surtout la découverte d’une émotion, d’une expérience qui peut changer une vie et ouvrir des horizons. Le pass culture participe aussi à réaffirmer nos valeurs républicaines et à en imprégner la jeunesse pour qu’à son tour, elle les assume et les développe. De plus en plus, il est un outil d’engagement et de participation de la jeunesse.

La part collective du pass permet d’engager la classe, grâce à un budget de 25 euros par élève et par an ; il peut être utilisé pour organiser des sorties ou inviter des artistes ou des auteurs à intervenir en classe. La part individuelle est assortie d’un encadrement incarné par les ambassadeurs du pass culture. Ce sont 400 jeunes, répartis sur l’ensemble du territoire, qui partagent leurs expériences, conseillent, proposent et font évoluer l’outil. À leur intention, nous avons développé des parcours pour leur permettre notamment de découvrir des métiers de la culture. Dans le cadre du plan « métiers d’art », nous avons ainsi proposé 700 activités, aussi bien des visites d’ateliers d’artisans, que des expériences très concrètes, comme le travail du bois, de la céramique, entre autres, qui ont eu un succès fou.

Le pass culture ne se réduit pas à un acte d’achat, c’est la découverte de tout ce que la culture peut apporter dans notre pays. Les récents rapports confirment cette évolution et montrent que les obstacles à l’accès à la culture ont réellement été levés. Selon plusieurs sondages, 60 % des jeunes disent avoir fait de nouvelles activités qu’ils n’auraient pas essayées sans le pass culture ; plus de 50 % d’entre eux reconnaissent que leurs goûts culturels ont évolué et se sont diversifiés. J’organiserai, un jour, une rencontre avec ces jeunes pour que vous puissiez les écouter : ce sont eux qui parlent le mieux de leurs expériences ; quelles que soient mes explications, elles ont moins de poids que leurs propres mots.

Le patrimoine, j’aime à le répéter, est une priorité majeure depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Cette priorité se concrétise par l’augmentation de plus de 40 % du budget depuis 2017, par le loto du patrimoine et par un plan de relance pour soutenir tous les monuments sur le territoire, en particulier les cathédrales, auxquelles 80 millions d’euros sont consacrés. Depuis 2004, le ministère de la Culture a la charge des monuments historiques, mais pas celle du patrimoine non protégé. Cependant, considérant les difficultés des petites communes à en assumer la restauration, le Président de la République nous a demandé, à Gérald Darmanin et à moi, de faire un effort supplémentaire, notamment pour ce qui est du patrimoine religieux. C’est ainsi qu’il a annoncé, lors des dernières Journées du patrimoine, le lancement d’une campagne de classement, pour que notamment des églises des XIXe et XXe siècles puissent être protégées au titre des monuments historiques. Cela leur ouvrira l’accès aux subventions du ministère de la Culture ainsi qu’aux crédits de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), qui pourront être mobilisés par les préfets.

Le patrimoine non protégé bénéficiera également de la collecte mentionnée par Jérémie Patrier-Leitus, qui a déjà atteint 650 000 euros en quelques semaines. Le fait que la déduction fiscale qui lui est applicable soit au même niveau que celui retenu pour la restauration de Notre-Dame de Paris montre l’importance de ce patrimoine, de tous les cultes, dans les communes de moins de 10 000 habitants dans l’Hexagone et de moins de 20 000 habitants en Outre-mer. Avant que ce sujet suscite quelque fantasme, je précise que cette déduction fiscale concerne les dons de moins de 1 000 euros. En revanche, au vu de l’ampleur des besoins du petit patrimoine, je ne pense pas que l’État puisse s’occuper d’autres cathédrales que les quatre-vingt-sept qu’il a à sa charge.

Merci, madame la rapporteure pour avis, d’avoir mentionné l’Inrap et l’importance de ses missions. Nous soutenons cet établissement un peu plus chaque année. Pour 2024, un effort particulier a été consenti pour financer les revalorisations salariales des agents et compenser l’inflation, à des hauteurs respectives de près de 3 millions et de 1,8 million d’euros.

Au sein de la hausse globale de 6 % que je vous ai annoncée, 75 millions d’euros environ sont prévus pour compenser l’inflation – ce montant a été calculé sur l’estimation de l’Insee au moment de la négociation du budget, qui était de 2,5 % pour 2024. Les aides déjà intervenues en 2023 pour compenser l’augmentation des coûts pour les structures culturelles seront donc poursuivies en 2024. Toutefois, j’ai surtout insisté, dans ce budget, sur la refonte nécessaire des logiques de création et de diffusion, avec l’idée de desserrer, d’alléger le rythme de création. Une compagnie ne doit pas être obligée de créer tous les ans un nouveau spectacle, qui n’aura pas le temps d’être joué, de vivre et de rencontrer son public. Rallonger les temps de diffusion, c’est également s’inscrire dans une logique écoresponsable, et d’avoir des tournées plus raisonnées, qui n’aient plus à traverser la France en tous sens entre deux dates de représentation. C’est tout le sens du travail qui est mené dans le cadre du plan Mieux produire, mieux diffuser, qui m’importe beaucoup.

Le réseau des Smac, avec quatre-vingt-douze structures, fait en effet un travail essentiel à destination des amateurs, en mettant à disposition des studios et en soutenant les pratiques musicales amateurs. C’est le seul réseau à le faire. Plus on pratique la musique en amateur, plus on écoute de la musique, plus on favorise la vitalité et la diversité musicale de notre pays. Nous avons conscience des difficultés auxquelles les Smac sont confrontées, mais un rebasage unique pour toutes n’est pas envisageable. Nous étudions, au cas par cas, les moyens d’accompagner – avec le budget inflation, avec le plan Mieux produire, mieux diffuser – ces scènes qui assurent un vrai maillage du territoire, en milieu rural comme en milieu urbain.

J’ai bien noté la teneur des autres interventions, qu’il s’agisse de l’audiovisuel, de l’éducation aux médias, de la place de la culture dans les territoires et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou encore des écoles d’art. Les prochaines questions me fourniront certainement l’occasion d’y répondre.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Anne Brugnera (RE). L’édition 2023 d’un festival de musiques actuelles, qui a lieu chaque année à Lyon, fin août et en plein air, a été particulièrement perturbée par une succession d’événements climatiques extrêmes. Sur les cinq jours que durait l’événement, les organisateurs ont dû faire face à une alerte canicule qui les a obligés à retarder ou annuler les concerts et à des orages violents qui ont fait fuir les festivaliers. Leurs recettes s’en sont trouvées grevées et leurs dépenses, augmentées. Or il s’agit d’un festival indépendant, soutenu par divers partenaires publics et privés, qui nécessite des avances importantes pour l’organisation de l’édition suivante. Le modèle, indispensable au rayonnement de la culture, à Lyon et dans notre pays, est aujourd’hui fragilisé. Ce budget comporte-t-il des aides susceptibles de mieux accompagner, ponctuellement ou structurellement, ces événements et de les aider à consolider leur modèle ?

Mme Lisette Pollet (RN). Nous avons noté que la défense du patrimoine est une priorité forte de ce budget.

Au lendemain d’une attaque au couteau dans un lycée d’Arras, la France est en état d’alerte, et de nombreux musées ou hauts lieux du patrimoine sont régulièrement victimes d’alertes à la bombe – le château de Versailles est évacué presque tous les jours depuis une semaine. Des crédits de cette mission seront-ils affectés au renforcement de la sécurité de ce patrimoine, et par quelles actions ? La France est aimée pour sa culture : comment garantir aux personnes qui désirent visiter notre patrimoine qu’elles pourront le faire en toute sécurité ?

M. Philippe Emmanuel (RE). Promouvoir le livre et la culture, et en irriguer notre territoire est tout le sens de votre engagement. Les 7 millions d’euros prévus en faveur du développement de la lecture, de l’accès à la culture des jeunes générations et de l’élargissement du public du pass culture y contribuent pleinement.

L’approvisionnement des médiathèques communales est très dépendant de la volonté politique des élus locaux. Dans les territoires, en effet, les communes organisent la mutualisation et le portage de livres pour garantir l’accès à la culture pour tous. Or le contexte économique actuel fragilise le budget de nos communes et, par conséquent, l’approvisionnement et le renouvellement de nos bibliothèques communales. Quels moyens – labellisation, concours d’initiatives ou aides budgétaires – le ministère de la Culture pourrait-il déployer pour consolider ce dispositif de portage ?

M. Maxime Minot (LR). L’arrêté de nomination au conseil professionnel du Centre national de la musique est arrivé à échéance en août dernier ; à notre connaissance, il n’a pas encore été renouvelé. Cela empêche cette instance, qui est celle de la concertation de la filière musicale au sein de l’établissement, de discuter de sujets importants, notamment les modalités de fonctionnement des commissions d’aide aux projets artistiques. Il est temps de donner au CNM les moyens d’un fonctionnement normal de ses instances de gouvernance. Si l’arrêté n’a pas déjà été signé, quand permettrez-vous au conseil professionnel de reprendre ses travaux ?

M. Stéphane Mazars (RE). Les Smac sont porteuses d’une forte identité locale et jouent un rôle essentiel pour la pratique de la musique en amateur. Si les collectivités territoriales se mobilisent pour les soutenir et les faire vivre, leur part d’autofinancement reste importante pour des structures culturelles. En dehors du fait qu’augmenter le soutien de l’État à ces scènes est une nécessité, ne faudrait-il pas, à tout le moins, engager une réflexion sur le financement plancher, défavorable aux Smac les plus modestes ?

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). La lecture nous enrichit et façonne notre imaginaire. L’accès de toutes et tous au livre est donc un enjeu crucial, à l’heure du tout-numérique. Sur les 15 500 bibliothèques publiques recensées en France, seules la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI) sont placées sous la tutelle directe du ministère de la Culture, la très grande majorité des autres relevant des collectivités territoriales. Les moyens dont disposent ces bibliothèques diffèrent donc sensiblement selon les collectivités et, dans certaines villes, les bibliothèques sont en très grande difficulté. À Marseille, par exemple, la bibliothèque Saint-André a fermé ses portes les vendredis et un samedi sur deux au cours du mois de septembre, et celle des Cinq-Avenues, dans ma circonscription, est restée fermée trois ans.

Le plan Bibliothèques, qui vise à étendre les horaires d’ouverture en soirée et le dimanche, et à renforcer l’offre dans les communes rurales et les petites villes, va se poursuivre en 2024. C’est bien, mais il serait encore mieux de pouvoir ouvrir les bibliothèques. Pourquoi ne pas étendre les objectifs de ce plan pour aider davantage et systématiquement les bibliothèques qui rencontrent des difficultés structurelles partout sur le territoire, et pour soutenir les collectivités qui en ont besoin ?

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Les quatre-vingt-douze Smac de France sont des lieux essentiels pour la création, la diffusion et l’émergence de nouveaux talents. Nos compatriotes sont des millions à apprécier cette offre de proximité et d’expression. Ces pôles culturels structurants, soutenus par votre ministère, ont des missions et un cahier des charges ambitieux. Les collectivités locales accompagnent très largement, par des subventions et des mises à disposition, ces lieux essentiels pour la création et la diffusion de spectacles, d’envergure locale ou internationale.

Elles ne peuvent cependant, à elles seules, les sauvegarder dans la succession de crises, entre covid-19 et inflation, qu’ils traversent. L’État se doit d’être au rendez-vous, tant l’urgence est grande pour certaines structures. Quelles dispositions sont prévues dans le budget pour garantir leur pérennité ? Depuis 2017, le financement des Smac par l’État est fixé à un minimum de 100 000 euros par lieu labellisé. Une augmentation est-elle envisagée par votre ministère ?

Mme Fabienne Colboc (RE). Les écoles d’art et de design territoriales occupent une place majeure dans l’enseignement supérieur de la création artistique. Elles offrent à près de 8 500 étudiants une formation de qualité sur tout le territoire. Depuis plusieurs années, ces écoles, créées grâce à une volonté politique locale, font face à des difficultés financières. L’aide de 2 millions d’euros que vous avez annoncée en mars dernier est reconduite dans le cadre du PLF 2024 ; cette décision est largement saluée.

Le rapport Oudart, paru début octobre, dresse un état des lieux et avance des préconisations sur la participation de l’État assortie d’une clé de répartition nationale équitable, l’équité de traitement entre les étudiants, le statut des professeurs et la compensation de la hausse du point d’indice. Où en sont vos réflexions quant à des solutions de financement ? Quel est l’état du dialogue avec les collectivités locales parties prenantes à ces écoles ?

M. Philippe Fait (RE). Les fanfares, harmonies, danses folkloriques participent, avec d’autres jeux traditionnels, de notre patrimoine culturel immatériel. Elles sont l’âme de notre nation et représentent, tant en métropole qu’outre-mer, une richesse inestimable. Reflets de notre diversité, elles constituent un vecteur essentiel de lien social et de cohésion intergénérationnelle, en particulier dans les territoires ruraux. Elles doivent être préservées pour être transmises aux générations futures.

À cet égard, le plan Fanfare, lancé en 2021 et piloté par chaque direction régionale des affaires culturelles (Drac), est un succès. Il a permis de soutenir plus de 600 projets locaux, la moitié des crédits étant orientée vers des zones rurales. Je milite pour que ce plan évolue vers un grand plan « arts et traditions populaires », regroupant fanfares, harmonies, danses folkloriques et jeux traditionnels, mobilisable selon des modalités administratives simples et rapides à mettre en œuvre pour accompagner nos associations locales dans leurs projets, par exemple l’achat d’instruments ou de matériels. Avec Quentin Bataillon et Violette Spillebout, également mobilisés sur le sujet, nous souhaitons connaître votre position.

M. Alexandre Portier (LR). C’est précisément en faveur des fanfares que j’avais fait adopter un amendement l’année dernière, en séance publique, avec le soutien des groupes de gauche et de droite. Vous avez bien retenu le million d’euros supplémentaire que nous avions adopté, mais pas les critères associés. Le problème, c’est que vous avez financé avec cet argent des actions qui ne correspondaient pas à celles que le Parlement avait choisies. Or notre Constitution veut que le Parlement vote et que l’exécutif exécute. Pourquoi ne respectez-vous pas les parlementaires ? À quoi bon débattre d’amendements si vous ne les reprenez pas et que vous vous asseyez sur nos votes ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Je salue l’ambition conjointe de votre ministère et du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) de Paris 2024, d’ouvrir le dialogue et le décloisonnement entre le monde du sport et celui de la culture à travers l’Olympiade culturelle.

Le ministère de la Culture était doté d’une enveloppe de 9 millions d’euros pour contribuer au financement de la programmation de l’Olympiade culturelle pour la période 2022-2024. Cette dotation vise à cofinancer des projets territoriaux et à soutenir une programmation inscrite dans les territoires, en métropole comme en Outre-mer, par le biais des Drac. Comment le ministère de la Culture compte-t-il s’y prendre pour convaincre les acteurs privés, mais aussi publics, d’apporter leur soutien à des projets destinés à nourrir la programmation de l’Olympiade culturelle ?

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Les quelque trente écoles supérieures d’art territoriales sont financées par l’État à hauteur de 14 % ; elles dépendent principalement des collectivités territoriales, lesquelles se trouvent dans une situation financière très difficile. Si le budget maintient le financement de l’État et augmente les dépenses d’investissement, il ne prend pas en compte l’affaiblissement généralisé des finances des collectivités territoriales. Or celles-ci sont souvent contraintes à prendre des décisions difficiles et, en conséquence, plusieurs écoles sont sur le point de fermer. C’est le cas de l’école supérieure d’art et de design de Valenciennes, dans ma circonscription.

On ne peut pas se contenter de ce triste constat. Comment faire pour que les écoles d’art territoriales ne soient pas condamnées ?

M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Co-rapporteur avec Annie Genevard d’une mission d’information relative à l’apprentissage de la lecture, je souhaite vous interroger sur votre stratégie sur cette question fondamentale.

Les résultats de notre pays en la matière ne sont pas bons : à l’entrée en sixième, un élève sur trois a de grandes difficultés en lecture. Les auditions auxquelles nous avons procédé nous ont appris combien l’absence de livres à la maison contribue à ces difficultés. Aussi je tiens à saluer l’augmentation de 7 millions d’euros des crédits pour le développement de la lecture et pour son accès aux jeunes générations.

Par quelles mesures, dans ce budget, ambitionnez-vous d’aider concrètement les enfants de ce pays, notamment ceux qui sont en difficulté, à accéder à ce bonheur à la fois personnel et fondateur de notre culture commune qu’est l’évasion par la lecture, le plaisir d’avoir un livre à soi et d’en faire un compagnon de vie ?

Mme Frédérique Meunier (LR). À l’heure où la quasi-totalité des chaînes privées dénoncent une concurrence déloyale des médias publics, les crédits alloués à l’audiovisuel public sont en hausse de 6 %. Outre cet avantage compétitif injuste, elles leur reprochent également de proposer des programmes similaires aux leurs, ce qui est contraire à leur mission de service public. Au vu des montants alloués à l’audiovisuel public, l’Association des chaînes privées rappelle que leurs demandes sur l’encadrement des pratiques publicitaires sont d’autant plus légitimes. Rappelons que le budget de Radio France est supérieur à l’ensemble des budgets de toutes les radios privées. Celles-ci vous reprochent de contribuer à une éviction du secteur privé par le secteur public dans notre pays. Elles vous demandent de clarifier les missions de service public de Radio France et de prendre des sanctions en cas de non-respect de ces obligations.

Quelles sont, selon vous, les solutions qui pourraient apaiser ces tensions ?

Mme la présidente Isabelle Rauch. La ministre répondra aux questions relatives à la mission Médias, livre et industries culturelles et au compte spécial Avances à l’audiovisuel public dans un second temps.

Mme Rima Abdul Malak, ministre. Nous sommes aux côtés des bibliothèques, qu’elles soient nationales, départementales ou municipales. L’extension des horaires d’ouverture a été un axe important du précédent quinquennat ; de quelque 900 bibliothèques concernées aujourd’hui, nous arriverons sans doute à un millier à la fin de l’année. Nous continuons de travailler avec les établissements pour les aider à rester ouverts plus longtemps. La médiathèque de Rillieux-la-Pape, où je me suis rendue, a ainsi pu augmenter ses horaires d’ouverture de près de dix heures par semaine. L’Échappée – c’est son nom – a subi des dégradations pendant les émeutes ; dès le lendemain, les agents et la population se sont mobilisés pour que la bibliothèque soit rouverte. Des dessins et des messages avaient été affichés, disant l’attachement de chacun à ce lieu. Sur l’un d’eux, on pouvait lire : « Ne touchez pas à L’Échappée, elle nous fait rêver ! ». Cela montre l’attachement de nos concitoyens à ces lieux de proximité que sont les 16 000 bibliothèques et points de lecture de notre territoire.

Le projet de budget pour 2024 propose des mesures nouvelles pour les bibliothèques départementales. L’acquisition et le portage de livres pour les plus petites d’entre elles s’en trouveront facilités, puisque ces bibliothèques fonctionnent en réseau.

Deux dispositifs très importants pour la petite enfance, « Premières pages » et « Des livres à soi », seront déployés pour donner le goût de la lecture dès le plus jeune âge. L’opération « Jeunes en librairie », qui intervient en complément du pass culture et s’inscrit dans la durée, se poursuivra.

Des résidences d’auteurs continueront d’être développées, avec le Centre national du livre, dans les Ehpad, les prisons, les hôpitaux et dans les colonies de vacances. Nous disposons pour cela d’un budget supplémentaire de 700 000 euros – celui de l’année dernière était déjà en hausse.

Un effort particulier sera consenti pour aider les collectivités d’outre-mer à mettre en œuvre l’extension des horaires d’ouverture et à recruter des cadres pour leurs bibliothèques.

Je suis un peu surprise par vos propos, monsieur Portier. Vous et moi sommes d’accord sur l’importance de ces formations musicales, dont certaines transmettent une tradition vieille de cent cinquante ans. Le plan Fanfare a été élaboré sous le précédent quinquennat, à l’initiative d’une députée du groupe Renaissance ; nous l’avons, depuis, pérennisé, étendu et doublé. Depuis trois ans, 934 harmonies et fanfares ont été aidées sur tout le territoire, dont plus de la moitié en zone rurale. En quoi n’avons-nous pas respecté le Parlement ? Les critères ont été discutés avec les fédérations de ces harmonies musicales. Je les ai rencontrées à plusieurs reprises et me suis déplacée dans plusieurs villes du Nord ; j’ai pu y voir des fanfares à l’œuvre et discuter avec leurs représentants. Leurs demandes portaient beaucoup sur la formation, sur la diffusion et sur l’invitation de compositeurs contemporains pour renouveler leur répertoire. Ces souhaits ont été pris en compte. Je me souviens de vos courriers et questions écrites, auxquels j’ai répondu notamment dans le cadre des questions au Gouvernement. Réjouissons-nous de ce plan, qui se développe et porte ses fruits. Il n’y a pas de polémique à avoir : nous sommes tous d’accord.

Dans le même esprit, je suis également d’accord avec les propositions qui concernent le patrimoine culturel immatériel (PCI) au sens large – la musique, la danse ou les jeux participent tous à la richesse de notre pays. Notre inventaire national compte 146 pratiques ludiques traditionnelles et 54 pratiques musicales et dansées. Nous avons, par exemple, inscrit le Gwo Ka, originaire de Guadeloupe, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Ce sont des pratiques vivantes, qui attirent encore la jeunesse et je suis favorable à toutes les initiatives en leur faveur.

Monsieur Minot, il n’y a aucun blocage dans le processus de nomination du conseil professionnel du CNM. L’arrêté sera pris dans les temps et le prochain conseil professionnel se réunira le 30 novembre 2023.

Vous avez été nombreux à intervenir au sujet de nos écoles d’art et d’architecture. S’agissant des écoles d’architecture, le budget est en hausse de plus de 25 %. Les chiffres ne signifient peut-être pas grand-chose pour certains d’entre vous, mais ils sont pourtant synonymes de hausses de rémunération pour les contractuels, de postes créés, d’investissements pour des travaux et des équipements ou encore d’accompagnements de projets pédagogiques. C’est un soutien concret, sonnant et trébuchant, pour ces écoles.

Quant aux écoles d’art territoriales, je me permets de rappeler qu’elles ont été créées par les collectivités. Pendant très longtemps, elles ont été gérées en régie municipale, l’État n’intervenant historiquement dans leur financement qu’à hauteur de 9 % ou 10 %. Ces écoles sont devenues des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) vers 2010-2012. Évidemment, lorsque les collectivités se retirent – à Valenciennes, c’est la ville qui a réduit ses financements –, cela pose des problèmes. On ne peut pas en attribuer l’origine à une baisse du budget de l’État. Que celui-ci ne soit pas suffisant, je veux bien l’entendre, mais l’État ne s’est à aucun moment désengagé. C’est même tout le contraire : j’ai débloqué l’année dernière, en urgence, des crédits qui sont maintenant inscrits en base ; nous accordons des aides en investissement ; j’ai missionné Pierre Oudart pour qu’il nous fasse des propositions ; nous nous appuyons sur les évaluations du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) pour regarder comment fournir un renfort à certaines écoles sur les trois prochaines années. Mais tout cela doit faire l’objet d’un dialogue avec les collectivités.

Merci, madame Brugnera, d’avoir évoqué les festivals. Nous en avons pérennisé et sanctuarisé le fonds de soutien ; il s’élève à 30 millions d’euros dans le budget 2024. Ce fonds permet de déployer, aux côtés des collectivités, une vraie politique de soutien aux festivals de toute sorte, qui sont une des richesses françaises, l’été en particulier. S’y ajoutent les aides du CNM et, dans le cadre de notre accompagnement de la transition écologique et du plan Mieux produire, mieux diffuser, pourront être envisagées des actions d’accompagnement de la décarbonation de la culture.

À cet égard, en plus du budget que nous examinons ce matin, j’ai obtenu 40 millions d’euros sur les fonds verts interministériels. Ces crédits sont destinés à financer des travaux d’amélioration des performances énergétiques des bâtiments appartenant à l’État ou aux collectivités locales ainsi que des structures labellisées du ministère de la Culture, que ce soient les scènes nationales, les Smac ou encore les centres d’art. Nous avons également lancé, dans le cadre de France 2030, Alternatives vertes, un programme de soutien à l’innovation en matière de transition écologique. Nous accompagnons, par exemple, des opéras qui se sont regroupés pour recycler les décors, ou encore une entreprise qui travaille à la mise au point d’un système de chauffage pour les manifestations sous chapiteau. Tous ces travaux et innovations en faveur de la performance énergétique permettront de réduire la consommation d’énergie et, partant, de faire baisser les coûts de fonctionnement.

S’agissant, enfin, des pertes résultant des évacuations décidées à la suite des alertes à la bombe répétées dont le château de Versailles a été la cible, nous en verrons l’ampleur le moment venu ainsi que la façon d’y répondre. Pour l’heure, nous nous concentrons sur le renforcement de la sécurité. Le musée du Louvre a également dû être évacué en raison d’une telle alerte. Nous avons demandé à tous nos établissements culturels de renforcer la fouille des sacs et la vigilance, y compris aux abords des monuments. Les dispositifs de sécurité fonctionnent, les alertes sont prises très au sérieux. Nous sommes en contact permanent avec les préfectures pour continuer à recevoir le public, dans les meilleures conditions possible, surtout en cette période de vacances de la Toussaint. Les visiteurs doivent être rassurés pour ne pas avoir à renoncer aux magnifiques expositions qui les attendent dans ces lieux.

*

 

 

 


II.   EXAMEN DES CRÉDITS

1.   Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9 heures 30

La commission examine pour avis les crédits de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie) (Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis)([33]).

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AC480 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous sommes d’accord avec l’idée que le monde des arts et de la culture doit prendre sa part en matière de bifurcation écologique, mais nous entendons aussi les alertes sur le rythme effréné de diffusion, les contraintes et les pressions auxquels il est soumis et qui l’empêchent de l’entamer. Il nous semble que l’État ne joue pas le rôle de planification qui doit lui revenir : il est coincé dans une vision de court terme qui conduit à un saupoudrage des moyens et à une logique d’appels à projets innovants, comme s’il fallait toujours innover en matière de transition écologique. Nous demandons la création d’un fonds de soutien pour mener une réelle politique dans ce domaine et éviter d’aboutir à une sobriété subie qui serait délétère – beaucoup redoutent une telle issue.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Il me semble que de nombreux projets ou dispositifs intègrent déjà le sujet de la transition écologique. Je pense notamment à l’action menée pour la création dans le cadre du plan de relance. De même, le plan Mieux produire, mieux diffuser comporte des objectifs d’allongement de la durée de vie des spectacles et de meilleure circulation des œuvres, pour favoriser leur diffusion. Les travaux de restauration du patrimoine, quant à eux, intègrent de plus en plus des exigences de rénovation thermique afin de limiter la consommation d’énergie, laquelle correspond, du reste, à une dépense contrainte que l’inflation accroît considérablement. Je suis défavorable à la création d’un fonds isolé.

La commission rejette l’amendement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Les prochains amendements font l’objet d’une discussion commune thématique. Plusieurs autres seront examinés selon les mêmes modalités.

Amendements II-AC498 et II-AC487 de Mme Sarah Legrain, II-AC520 de Mme Béatrice Descamps, II-AC413 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC494 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). L’amendement II-AC498 vise à soutenir les collectivités territoriales dans l’exercice de leurs compétences culturelles.

Le secteur du spectacle vivant est traversé par une très forte inquiétude en raison des baisses de dotations qui se sont amplifiées cette année : les pertes de financements venant des collectivités territoriales, qui sont les premières partenaires du secteur, sont massives. Les collectivités sont, en effet, de plus en plus nombreuses à remettre en cause leurs engagements en faveur de la culture. Certains en ont même fait un argument politique : le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, assume une réduction des subventions, dans une sorte de logique revancharde à l’égard de certaines institutions culturelles – cette politique a été dénoncée publiquement par 200 personnalités du spectacle public. Il serait décisif de donner des financements aux collectivités territoriales et de leur faire passer le message qu’elles ont pour obligation de soutenir la culture.

L’amendement suivant tend à soutenir, de manière plus ciblée, les collectivités territoriales qui souhaitent remplacer des panneaux publicitaires, dont on connaît le coût écologique majeur – il s’agit souvent de panneaux lumineux, à l’origine de fortes dépenses énergétiques – et qui incitent à la perpétuation d’un modèle consumériste dangereux pour la planète, afin de développer des espaces d’affichage citoyen ou culturel et artistique. Il serait utile que l’État donne un coup de main – nous ne demandons pas des financements massifs – aux collectivités désireuses de s’engager dans une transition menant du consumérisme à l’émancipation culturelle.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Notre amendement tend à abonder, à hauteur de 20 millions d’euros, le Fonds incitatif pour le patrimoine (FIP) qui sert à aider les petites collectivités dotées de faibles ressources à assurer l’entretien, la restauration et la mise en valeur des monuments historiques présents dans leur territoire.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’amendement que nous avons déposé vise à conforter l’aide des collectivités aux structures culturelles, notamment les lieux de spectacle vivant, qui connaissent des difficultés pour conserver un fonctionnement normal. À Villejuif, dont je suis élue municipale, le théâtre Romain Rolland joue un rôle de premier plan dans la promotion de la culture pour toutes et tous dans les quartiers et les villes populaires de la petite couronne de Paris, mais il a beaucoup de mal à maintenir un nombre de représentations correct, correspondant à la demande de la population dans toute sa diversité. La commune a été obligée de compenser, mais cela se fait aux dépens d’autres politiques publiques. La culture doit être préservée : il faut que le « quoi qu’il en coûte » se poursuive dans ce secteur qui subit de graves difficultés, notamment en raison de l’augmentation du coût de l’énergie.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). L’amendement II-AC494 tend à créer un fonds doté de 6 millions d’euros afin de soutenir les efforts des collectivités territoriales pour entretenir et valoriser le patrimoine local. Les communes, on l’ignore souvent, sont les premières propriétaires de biens immobiliers culturels : en 2019, elles détenaient 41 % des monuments historiques protégés. Il s’agit, en majorité, de petites communes qui sont confrontées à des difficultés de financement, comme l’a montré en mai 2019 un rapport du Sénat. Depuis, la situation n’a fait que s’aggraver à cause de l’explosion des coûts de l’énergie et de la construction, qui grève les budgets. De plus, les collectivités pâtissent d’un manque de moyens d’accompagnement du côté des directions régionales des affaires culturelles (Drac).

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis défavorable aux trois premiers amendements.

Je partage tout à fait la volonté d’apporter un soutien aux collectivités pour l’exercice de leurs compétences culturelles, mais il serait plus adapté d’augmenter le volume des crédits déconcentrés qui sont gérés par les Drac que de créer un nouveau fonds, dont il resterait à établir le mode de répartition des crédits entre les collectivités : cela me semble une source de complications administratives superflues.

Créer des espaces d’affichage culturel et d’expression, comme vous le proposez dans votre second amendement, madame Legrain, peut paraître une bonne idée, en théorie : qui serait contre la liberté d’expression et la culture ? Cependant, je ne vois pas très bien comment ce que vous demandez pourrait s’appliquer en pratique. S’ils sont à la hauteur des personnes et qu’aucun contrôle n’est exercé, les panneaux qui se substitueront aux espaces publicitaires seront recouverts d’affiches constamment remplacées. Par ailleurs, qui décidera de l’attribution des espaces situés en hauteur ? Ne risque-t-on pas de remplacer une pollution visuelle mercantile par d’autres formes de stimulations non régulées ?

Je comprends tout à fait l’amendement visant à augmenter, de 20 millions d’euros, les crédits du FIP. Dans les communes de moins de 10 000 habitants – ou 20 000 outre-mer –, ce fonds permet de compléter par une bonification les interventions de l’État et ainsi d’aller au-delà des taux habituels – jusqu’à 80 % pour les monuments classés dès lors que la collectivité régionale s’engage à participer au financement. Toutefois, je ne suis pas favorable à un doublement de la dotation du FIP en un an, car je ne suis pas certaine que les Drac aient une capacité d’absorption suffisante pour accompagner tous les projets.

S’agissant de l’amendement de Mme Taillé-Polian, je partage la volonté, face à la hausse des prix de l’énergie, d’apporter un soutien aux collectivités territoriales afin de leur permettre de continuer à jouer leur rôle de partenaire de l’offre culturelle partout sur le territoire. Comme le montant proposé me paraît adapté, j’émets un avis favorable.

Même position en ce qui concerne l’amendement II-AC494 de Mme Legrain.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Je suis un peu surprise par votre réponse, madame la rapporteure pour avis, au sujet de l’amendement relatif aux panneaux publicitaires. Les communes mènent des politiques culturelles : les adjoints au maire qui s’en occupent pourront choisir les campagnes à mettre en avant. Par ailleurs, les panneaux ne seront pas davantage recouverts par des affiches culturelles que par des publicités. Lorsque les affiches se multiplient aujourd’hui sur un panneau, c’est précisément pour lutter contre la publicité consumériste. Autant aller dans ce sens en donnant aux gens la possibilité d’avoir des informations sur l’offre culturelle locale, à quelque échelle que ce soit, locale ou nationale.

M. Philippe Emmanuel (RE). J’étais encore maire il y a quelques semaines. Les communes ont des espaces d’affichage libre et font souvent appel à la publication électronique pour les informations communales et les événements culturels. J’appelle aussi votre attention sur l’existence, dans bon nombre de communes, de règlements locaux de publicité, qui assurent une régulation en la matière.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC492 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous proposons la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques et les médiathèques municipales ou intercommunales, en application du Manifeste de l’Unesco sur la bibliothèque publique, de 1994. En France, seulement 12,5 % de la population ayant accès à une bibliothèque a effectué au moins un emprunt dans l’année. Notre amendement permettrait de créer un fonds de soutien pour les collectivités qui rencontreraient des difficultés à assurer la gratuité des prêts de livres.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. La décision d’instaurer ou non la gratuité des prêts de livres dans les bibliothèques doit rester, selon moi, du ressort des collectivités. Par ailleurs, le montant des crédits qui seraient mobilisés pour ce nouveau fonds me paraît trop élevé, s’agissant d’une demande qui n’a pas été relayée par les associations d’élus locaux lors des auditions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC523 de Mme Béatrice Descamps

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Selon la loi du 22 juillet 2023 sur la restitution des biens culturels spoliés dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, des modalités de réparation de la spoliation autres que la restitution peuvent être envisagées, d’un commun accord entre la personne publique et le propriétaire spolié ou ses ayants droit. Une transaction financière peut, par exemple, être conclue autorisant le maintien du bien dans la collection publique, en lieu et place de la restitution. Cette possibilité est intéressante, car elle permet de conserver les œuvres au sein des collections publiques, tout en procédant à une réparation. Elle risque toutefois de se heurter à un manque de moyens financiers.

Aussi, à l’initiative du groupe LIOT, il a été précisé dans cette loi que la personne publique peut bénéficier de l’accompagnement de l’État, dans le cas où d’autres modalités de réparation seraient convenues avec les ayants droit. L’amendement vise donc à garantir le concours financier de l’État.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Le sujet des restitutions a connu une actualité particulière avec l’adoption unanime par le Parlement, l’été dernier, d’une loi-cadre. Celle-ci crée un mécanisme destiné à faciliter la sortie des œuvres du domaine public en permettant, par une décision administrative appuyée sur les recherches de provenance d’une commission scientifique, de dépasser le caractère inaliénable des collections.

Demain, des collectivités qui se trouveraient confrontées à des demandes de restitution doivent avoir les moyens de mettre en œuvre cette politique bienvenue et impulsée par l’État. En cohérence avec le travail que vous avez mené lors de l’adoption de la loi, cet amendement vient compléter celui que votre groupe avait fait adopter, prévoyant la possibilité d’un accompagnement de l’État. Il est aussi utile que bienvenu, j’y suis donc favorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Le groupe LFI est favorable à l’amendement qui est bienvenu et parfaitement cohérent avec les débats qui ont eu lieu ici même lors de l’examen de la loi. On évite ainsi que les avancées en matière de restitution des biens spoliés ne créent des difficultés pour les collectivités locales.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC479 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). L’amendement vise à créer un fonds de compensation pour les musées et monuments publics confrontés à l’explosion de l’inflation et des coûts de l’énergie ainsi qu’au désengagement de l’État.

Depuis des années, le Gouvernement se désinvestit des musées et des monuments nationaux alors qu’ils doivent faire face à la hausse des coûts dans tous les domaines : les investissements liés à l’évolution de la muséographie ; le prix des œuvres ; l’inflation ; l’augmentation terrible des prix de l’énergie – la facture énergétique du centre Pompidou a connu une hausse de 8 millions d’euros qui ne sera couverte qu’à moitié par son enveloppe budgétaire.

Il est indispensable que notre commission apporte son soutien aux musées et aux monuments publics face à l’inflation et à l’incapacité du Gouvernement à la juguler.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Le projet de loi de finances comprend des mesures de compensation en faveur des établissements patrimoniaux nationaux pour les aider à faire face à l’augmentation des prix de l’énergie : pour les musées nationaux, ce sont près de 26 millions d’euros, qui seront répartis à parts égales entre fonctionnement et investissement.

Lors de l’année 2023, le ministère a su être réactif en débloquant des aides en fonction des situations. La création d’un fonds de 100 millions d’euros ne me paraît pas une bonne solution, le montant étant en outre particulièrement élevé. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC469 de Mme Sarah Legrain et II-AC473 de M. Idir Boumertit

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Il est vous est proposé de retrouver l’ambition d’une politique culturelle démocratisée qui est née dans le milieu des années 1990. Le combat pour l’accès aux arts et à la culture pour tous est un mouvement historique mais celui-ci demeure très inégalitaire selon les classes sociales. L’amendement vise donc à étendre la gratuité à tous les musées et monuments publics, en commençant par les dimanches.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. La gratuité des musées nationaux s’applique déjà à tous les jeunes de moins de 26 ans ressortissants de l’Union européenne. À l’heure où les établissements peinent à boucler leurs budgets, il ne me semble pas opportun de les priver d’une ressource de billetterie importante.

Je ne suis pas contre la gratuité a priori, mais cette politique présente un effet d’aubaine important pour un coût qui ne l’est pas moins. Parmi les personnes visitant les musées le dimanche, beaucoup y seraient venues de toute façon et ont les moyens d’y accéder. À l’inverse, je ne suis pas persuadée que la gratuité à elle seule ait un effet d’attraction tel qu’elle permette une vraie recrudescence de la fréquentation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC391 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il s’agit de créer un musée national consacré à la colonisation.

Parmi les 12 000 musées que compte la France, aucun n’aborde, de façon exclusive, la colonisation qui fait pourtant partie intégrante de l’histoire de notre pays. Cette page de notre histoire reste taboue, car elle porte en elle la part sombre de notre République. Nous avons besoin d’affronter notre passé pour mieux construire l’avenir de notre nation.

La création d’un musée national de l’histoire de la colonisation nous aiderait à mieux connaître et à mieux comprendre notre passé ainsi qu’à donner du sens à cette partie de notre histoire. Cet exercice mémoriel est capital pour comprendre comment la France s’est construite et pour analyser les liens entre cette histoire et le racisme qui sévit dans notre société.

Il est urgent de construire en France ce lieu d’histoire, de savoir, de pédagogie, de transmission et de culture.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je ne suis pas certaine de partager votre volonté d’une réécriture du récit national. Un tel projet n’est pas prioritaire. La Maison des mondes africains favorisera une collaboration culturelle accrue avec d’anciens pays colonisés. Le renforcement des moyens du musée de l’Histoire de l’immigration lui permettra de continuer à enrichir sa présentation et son projet muséal.

Votre projet me semble devoir faire l’objet d’études scientifiques afin de ne pas être seulement un objet politique, et sa création mériterait sans doute un débat plus poussé que celui permis par l’examen d’un amendement budgétaire. Avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Le groupe La France insoumise soutient la proposition de Mme Taillé-Polian. Madame la rapporteure, j’en conviens, un débat est absolument nécessaire. Votre réponse en est la meilleure illustration puisque, pour rejeter l’idée d’un musée de la colonisation, vous mettez en avant l’existence d’un projet de musée des mondes africains et celle du musée de l’Histoire de l’immigration.

Il est important que nous discutions de la colonisation, notamment pour rappeler qu’elle n’est pas réductible aux mondes africains ni à l’immigration en France. Le sujet mérite d’être traité à part entière pour éviter les amalgames tels que celui que vous venez de faire.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Cette proposition répond à la demande de nombreux universitaires et historiens et historiennes, mais surtout elle reprend la recommandation n° 6 du rapport d’information sur l’émergence et l’évolution des différentes formes de racisme et les réponses à y apporter, de Caroline Abadie et Robin Reda.

Il semble essentiel que nous puissions analyser les conséquences de la colonisation, pas seulement sur les pays qui ont été colonisés mais aussi sur notre propre société.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC503, II-AC508 et II-AC511 de Mme Sarah Legrain, II-AC524 de Mme Martine Froger, II-AC504 de Mme Sarah Legrain et II-AC273 de M. Frédéric Maillot

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Le syndicat Les forces musicales a publié, sous la forme d’un programme ordinaire de spectacle vivant, un antiprogramme recensant tous les spectacles qui auraient pu voir le jour l’année dernière s’il n’y avait pas eu les compressions de programmation qu’a subies le monde du spectacle vivant. C’est assez éloquent sur la profondeur de la crise que ce monde traverse. Cette crise n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle, et liée à la baisse constante des financements. Au terme de cette saison fantôme, 150 000 spectateurs ont été perdus, 2 000 emplois artistiques ont été supprimés, ainsi que des dizaines de milliers d’heures de travail pour les intermittents, les techniciens et les artistes non permanents. C’est la raison pour laquelle l’amendement II-AC503 vous propose de soutenir massivement le spectacle vivant.

L’amendement II-AC508 tend à venir en aide aux petites structures de production de films et de spectacles vivants confrontées à l’augmentation des dépenses d’assurance. Lors des auditions, on m’a alertée sur le fait que les crédits d’impôt ne permettent pas de couvrir la hausse des assurances, que l’on peut comprendre après la crise sanitaire au cours de laquelle les risques de non-programmation ou de non-production ont explosé.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC524 a pour objet d’apporter un soutien, à hauteur de 2,8 millions d’euros, au spectacle vivant qui est dans une situation critique. Les obstacles récents qu’il a dû surmonter font peser une inquiétude sur sa pérennité. À l’opéra du Rhin, vingt productions ont été annulées et cent vingt suspendues. L’amendement apporte une première réponse à cette situation inquiétante.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). L’amendement II-AC504 vise à soutenir les festivals culturels en augmentant les crédits du fonds de soutien aux festivals.

Malgré le retour du public et un taux de fréquentation record après la crise sanitaire, les festivals ont connu une explosion des coûts liés aux voyages, aux hébergements et à la restauration, supérieure à 30 %, qui a engendré des déficits alarmants.

Les Jeux olympiques (JO) qui approchent menacent la tenue des festivals, notamment parce que tous les professionnels de la sécurité seront mobilisés pour cet événement. Il est urgent de garantir à leurs organisateurs leur survie en dépit des JO et de l’explosion des coûts.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). L’amendement II-AC273 a pour objet d’abonder de 1 million d’euros les crédits pour le soutien à la création, la production et la diffusion du spectacle vivant. À La Réunion, les artistes rencontrent des difficultés particulières liées notamment à l’insularité – une tournée pour faire connaître la musique réunionnaise est inévitablement plus coûteuse. Un accompagnement plus important est donc nécessaire afin de favoriser la diffusion des œuvres.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. En ce qui concerne l’amendement II-AC503, je comprends votre volonté de soutenir le secteur du spectacle vivant, qui a beaucoup souffert durant la crise sanitaire, et depuis celle-ci à cause de l’inflation. Il faut toutefois admettre que dans nul autre pays, le soutien aux structures culturelles n’a été aussi important qu’en France. Le projet de loi de finances pour 2024 présente, avec le plan Mieux produire, mieux diffuser, des pistes de réflexion structurelle qui me semblent intéressantes. Lors des phases aiguës des crises, le ministère de la Culture a su accompagner le spectacle vivant, notamment les métiers les plus concernés par les difficultés, avec des dispositifs d’aide exceptionnels. Un soutien supplémentaire de 100 millions d’euros pour ce seul secteur me paraît disproportionné et je m’interroge sur son chiffrage par le syndicat d’employeurs. Je suis donc défavorable à l’amendement.

S’agissant de l’amendement II-AC508, je rejoins votre préoccupation, car les petites structures de production forment un tissu qui permet de faire vivre la création dans toute sa diversité. Toutefois, le montant me paraît élevé, je serai donc défavorable. S’il avait été moindre, j’aurais pu soutenir cet amendement.

Sur l’amendement II-AC511, à ma connaissance, les microentreprises évoquées ne sont pas par principe exclues des autres dispositifs d’aide en faveur de la création et pourraient bénéficier des actions entreprises dans le plan Mieux produire, mieux diffuser. Par ailleurs, l’efficacité des crédits d’impôt est reconnue et le PLF 2024 entérine leur prorogation jusqu’en 2027.

En ce qui concerne l’amendement II-AC524, votre préoccupation est satisfaite par le plan Mieux produire, mieux diffuser, qui devrait être doté pour l’année 2024 de 10 millions d’euros, mon avis sera donc défavorable.

Sur l’amendement II-AC504, je partage votre inquiétude quant à la pérennité des festivals, qui constituent bien souvent des rendez-vous estivaux incontournables dans nos territoires, et les font vivre par de multiples canaux. J’adhère donc à votre proposition de renforcer les crédits du fonds de soutien aux festivals.

Enfin, je suis sensible aux difficultés particulières connues hors de la métropole, et le montant proposé me semble tout à fait ajusté et raisonnable. J’émettrai donc un avis favorable à l’amendement II-AC273.

La commission rejette successivement les amendements.

 

 


2.   Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 15 heures

La commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie) (Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis)([34]).

Article 35 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendement II-AC489 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Cet amendement vise à jumeler tous les établissements scolaires avec des établissements culturels. Depuis vingt ans, les plans d’austérité se sont succédé, coupant dans les budgets et les effectifs des services publics de la culture et faisant progressivement de la démocratie culturelle une sorte de vœu pieux, un slogan vidé de son sens. Les chiffres révèlent très clairement un rapport inégalitaire dans l’accès aux arts et à la culture. L’école peut être un des vecteurs de rectification de ces inégalités.

Ce jumelage, c’est un peu l’inverse de la part collective du pass culture, qui s’inscrit dans la logique algorithmique de l’offre plutôt que de la demande. Il favorise des partenariats au long cours avec des équipes qui mènent des actions culturelles dans les établissements, qui font de l’éducation artistique et culturelle. C’est ce travail de partenariat fin et cette part d’humain que je veux valoriser plutôt qu’un algorithme aveugle qui fait coïncider les goûts et une offre commerciale.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. J’ai toujours défendu la création de partenariats entre des établissements scolaires et des lieux culturels, que j’avais d’ailleurs essayé de mettre en œuvre lorsque j’étais vice-présidente en charge de l’éducation dans la Drôme. Cela se pratique déjà, avec le Louvre ou le Centre Pompidou. Je m’interroge en revanche sur le montant de 100 millions que vous proposez. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC490 et II-AC491 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Ce sont des amendements de repli. Le premier vise à concentrer le projet de jumelage sur les établissements scolaires de l’éducation prioritaire. Si vous n’étiez toujours pas convaincus, le second concerne les établissements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Même avis.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). J’approuve ces amendements. Certes, les projets de loi de finances ne sont plus « normaux », mais n’oublions pas qu’un travail de navette commence dès ici, qui nous offre tout loisir d’ajuster le montant des crédits. En votant ces amendements, nous pourrions opportunément témoigner notre volonté d’engager des rapprochements au long cours entre des établissements scolaires et des lieux culturels.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC484 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous proposons de renforcer la place des enseignements artistiques dans les lycées. Cet amendement est l’occasion pour moi de rappeler toute mon opposition à la logique du pass culture, même amélioré par la part collective introduite après les critiques qu’il a essuyées. Sans cet usage collectif, le pass se réduisait à un individu isolé devant une plateforme dont l’algorithme lui propose d’aller voir ce qui lui plaît. C’est exactement l’inverse de notre vision des arts, qui va avec la surprise, l’émancipation, la découverte.

Malheureusement, la part collective du pass culture n’échappe pas à cette espèce de règle du catalogue. Or c’est en développant les moyens humains pour l’enseignement artistique et culturel dans les établissements que l’on peut réellement faire de la démocratie culturelle et de l’accompagnement – conduire la jeunesse à découvrir ce qu’elle n’aurait pas découvert dans le cadre du pass culture. Cela ne doit pas empêcher de continuer à donner tous les chèques possibles à cette jeunesse plongée dans la précarité : loin de moi l’idée de critiquer quelque mesure de pouvoir d’achat que ce soit, seulement ce ne sont pas des mesures de politique culturelle.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Votre amendement vise à renforcer la place des enseignements artistiques dans les lycées. L’éducation artistique et culturelle (EAC) en temps scolaire pèse pour près de 24 millions dans le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Cette somme représente l’apport du ministère de la Culture mais pas l’ensemble des crédits dévolus à l’EAC, puisqu’une partie est assurée par le ministère de l’Éducation nationale. Tripler le montant existant me semble une progression non proportionnée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC488 et II-AC497 de Mme Sarah Legrain et amendement IIAC369 de Mme Violette Spillebout

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). L’amendement II-AC488 vise à lancer un plan de recrutement de médiateurs culturels dans les établissements publics, parce que nous sommes persuadés qu’il faut de l’humain et des professionnels pour accompagner les pratiques et les découvertes artistiques et culturelles. Les établissements publics nous disent qu’ils doivent de plus en plus sacrifier l’action culturelle ou la flécher dans le cadre d’appels à projets ou de dispositifs plus ou moins bureaucratiques. Les professionnels de l’action culturelle se retrouvent à faire de la réservation dans le cadre du pass culture. Je suis pour que l’action culturelle retrouve toutes ses lettres de noblesse grâce à ce recrutement.

L’amendement II-AC497 concerne plus spécifiquement les dispositifs d’éducation à l’image « Maternelle au cinéma », « École et cinéma », « Collège au cinéma » et « Lycéens et apprentis au cinéma », que j’ai eu l’heur de connaître lorsque j’enseignais dans un lycée de Seine-Saint-Denis. Ce sont des dispositifs précieux, qui reposent sur les financements des régions et des collectivités territoriales. Or, le prix des places ayant augmenté pour faire face à l’inflation, les collectivités sont dans une logique de désengagement. On peut également craindre que la part collective du pass culture tende à se substituer à ces dispositifs absolument fondamentaux pour l’éducation à l’image et l’accès au cinéma. On parle d’élèves qui ont l’habitude de voir des films sur leur téléphone portable : c’est parfois l’occasion pour eux de mettre pour la première fois le pied dans une salle de cinéma et de voir des films d’art et essai qu’ils n’auraient pas vus sans cela et qu’ils apprécient beaucoup.

Mme Violette Spillebout (RE). Mon amendement vise à renforcer les moyens dédiés à l’action culturelle dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Depuis 2015, la culture a une place de choix dans les contrats de ville mais, au regard des impératifs de faire nation, de créer une culture commune, de valoriser des talents et d’intégrer l’expression des habitants au sein des politiques culturelles, il semble qu’il faille renforcer les moyens. Ils pourront accompagner la transition de ces quartiers et les projets de renouvellement urbain tout en associant les habitants avec des résidences d’artistes ou l’implication des talents locaux.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. S’agissant de l’amendement II-AC488, si l’intention d’augmenter les moyens de l’éducation artistique et culturelle en direction des jeunes me paraît tout à fait légitime, consacrer 800 millions au recrutement d’une seule catégorie d’agents, les médiateurs culturels, me paraît hors de proportion en comparaison des 389 millions que consacrera l’État en 2024 à l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle. Avis défavorable.

Concernant l’amendement II-AC497, je partage votre préoccupation et serais même favorable à votre proposition. Toutefois, dans la mesure où ces dispositifs relèvent du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) et de l’Éducation nationale, ils ne figurent pas dans le périmètre de la mission Culture. Je vous suggère de retirer l’amendement.

Madame Spillebout, je partage votre constat sur la nécessité de renforcer les moyens pour l’éducation artistique et culturelle dans les zones du territoire les plus fragiles. Je vous rejoins donc, dès lors que les crédits supplémentaires iraient vers les zones citées entre parenthèses dans votre exposé des motifs. Avis favorable.

L’amendement II-AC497 est retiré.

La commission rejette l’amendement II-AC488 et adopte l’amendement II-AC369.

Amendement II-AC506 de Mme Emmanuelle Anthoine

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Le pass culture et l’éducation artistique et culturelle sont les deux piliers de la politique culturelle en direction des jeunes. Néanmoins, à l’heure du numérique, leurs pratiques culturelles s’éloignent de la culture patrimoniale financée par la mission Culture. L’enquête sur les pratiques culturelles des Français de 2018 a mis en évidence que seuls 4 % des jeunes entre 15 et 28 ans peuvent être regroupés au sein de l’univers « culture patrimoniale », qui se caractérise par un niveau important de lecture et une fréquentation intense des lieux de culture relevant du spectacle vivant ou du secteur patrimonial. Jusqu’à présent, les politiques culturelles ont été décidées par les ministères. Or, tant qu’une étude sur les références et les imaginaires des jeunes n’aura pas été réalisée par le ministère de la Culture, il sera difficile d’être en adéquation avec leurs aspirations. Il faut savoir comment le jeune public appréhende la culture. L’amendement propose de financer une étude sur les références et les imaginaires culturels de nos jeunes, qui pourrait être menée par le département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation du ministère.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC518 de Mme Béatrice Descamps

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement vise à étendre le dispositif du pass culture collectif aux classes de CM1 et de CM2. J’entends bien et je partage ce que dit Mme Legrain sur la nécessité de la part humaine, mais le pass culture collectif est un bon outil pour attribuer des moyens financiers aux écoles élémentaires afin de permettre aux élèves de cet âge d’être confrontés aux artistes et aux œuvres.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. La deuxième partie de mon rapport porte sur la relation entre la jeunesse et la culture, et vous savez qu’il me semble important que nous travaillions à une extension de la part collective du pass culture aux élèves de l’école primaire. Toutefois, cette part relève du ministère de l’Éducation nationale et non de la mission Culture. Aussi, je vous suggère de retirer votre amendement. Nous aurons bientôt les conclusions de l’expérimentation en cours à Marseille et j’espère que nous pourrons élargir la part collective du pass culture.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). De mémoire, le pass culture était une initiative du ministère de la Culture. Je suis très étonnée que cet amendement ne soit pas à sa place.

L’amendement est retiré.

Amendements II-AC516 de Mme Emmanuelle Anthoine, II-AC468 de Mme Sophie TailléPolian, II-AC522 de Mme Martine Froger, II-AC278 de Mme Soumya Bourouaha et IIAC270 de M. Philippe Ballard

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avec un budget de seulement 57 millions d’euros, la part collective du pass culture permet de financer des actions d’EAC à l’efficacité remarquée. Nous apprécions que son bénéfice ait été étendu aux classes de sixième et de cinquième mais regrettons que le financement des actions d’EAC en primaire reste marginal, avec 5 millions d’euros de crédits seulement. Les jeunes années sont pourtant déterminantes dans l’éveil à la culture chez l’enfant. J’ai déjà rappelé qu’une expérimentation avait lieu à Marseille sur l’extension de la part collective. Cette dernière pourrait être aisément financée par une baisse corrélative des crédits dévolus à la part individuelle du pass culture. Dans cette perspective, je propose de diminuer ces derniers de 15 millions d’euros d’euros.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à faire en sorte que le pass culture ne soit pas qu’un outil d’accès brut à n’importe quelle offre artistique, ce qui l’apparente à une politique d’aide à la consommation, mais fasse mieux découvrir des produits et œuvres culturelles qui ne l’auraient pas été sans lui. Nous souhaitons qu’une partie du pass culture soit fléchée vers le spectacle vivant, afin que son budget global soit mieux réparti entre les différentes formes artistiques.

Mme Martine Froger (LIOT). Mon amendement vise à étendre la part collective du pass culture aux jeunes accueillis dans des établissements médico-sociaux. C’est une des nombreuses actions possibles pour soutenir les droits culturels des personnes en situation de handicap. Actuellement, tous les jeunes en situation de handicap ont droit à la part individuelle, y compris ceux qui sont en établissement. En revanche, seuls ceux scolarisés dans un établissement de l’Éducation nationale ou de l’enseignement agricole peuvent bénéficier de la part collective. Cet amendement vise à réparer cette injustice.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). La gestion du pass culture est confiée à une société privée chargée d’une mission d’intérêt général prenant la forme d’une société par actions simplifiée (SAS). Or ce schéma ne semble pas efficient. Dans son rapport de 2023 sur le pass culture, la Cour des comptes pointait de nombreux dysfonctionnements, notamment le recours excessif aux consultants extérieurs. On ne peut pas ignorer les recommandations de la Cour sans risquer de fragiliser cette politique publique essentielle qu’est le pass culture. Mon amendement a donc pour objectif de préfigurer la transformation de la SAS pass culture en opérateur de l’État.

M. Philippe Ballard (RN). Mon amendement d’appel vise à mettre en avant la nécessité d’étendre le pass culture aux abonnements à la presse papier. C’est une demande des acteurs de la presse ainsi qu’une recommandation de la mission flash sur l’éducation critique aux médias. Aujourd’hui, le rapport de la mission flash l’a révélé, de nombreux jeunes s’enferment dans un entonnoir idéologique qui les conforte dans leurs opinions, et s’éloignent de plus en plus des médias traditionnels. Les acteurs de la presse sont unanimes sur le fait que l’ouverture du pass culture à la presse aiderait à lutter contre la désinformation et à démocratiser les médias traditionnels.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Madame Taillé-Polian, je ne suis pas sûre de comprendre le sens de l’amendement II-AC468. Si je vous rejoins sur l’idée qu’il faut améliorer l’accès des jeunes au spectacle vivant, notamment en facilitant le référencement sur la plateforme et en encourageant les habitudes dans le cadre de l’usage du pass culture en son volet collectif, je ne comprends pas comment fonctionnerait le « pass culture du spectacle vivant » que vous voulez créer. Les jeunes ont en effet déjà accès à des spectacles dans le pass individuel. L’effet de celui-ci sur la démocratisation culturelle mériterait du reste d’être évalué, et je ne vois pas la nécessité de dupliquer le dispositif existant. Avis défavorable.

Madame Froger, il me serait difficile d’être opposée à votre proposition, mais la mission Culture ne gère pas la part collective du pass culture, seulement la partie individuelle. Si un accès collectif depuis les établissements médico-sociaux devait être imaginé, il faudrait probablement que ce soit avec les moyens du ministère de tutelle de ces établissements. Je suis favorable à votre amendement, mais je doute qu’il soit bien à sa place dans l’examen des crédits de la mission.

Madame Bourouaha, j’ai auditionné pour préparer l’examen de ces crédits le président de la SAS pass culture et le responsable de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à démocratie culturelle. Effectivement, des dysfonctionnements ont été pointés par la Cour des comptes, qui justifient un contrôle étroit de la SAS par le ministère. Mais l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante est déjà un élément rassurant. Je pense que le moment n’est pas à la transformation de la SAS en opérateur : la société par actions constitue à mon sens un véhicule dont la souplesse et la capacité d’adaptation sont nécessaires à un dispositif qui a déjà connu plusieurs montées en charge. Toutefois, la question devra être posée une fois que le pass culture aura trouvé sa forme définitive. Je donne donc un avis favorable à votre amendement, pour soutenir le début d’une réflexion en ce sens.

Monsieur Ballard, je suis également favorable à votre amendement. L’éducation aux médias et à l’information apparaît déterminante pour favoriser le développement de l’esprit critique de nos jeunes et leur maîtrise des outils de l’univers numérique. Le pass culture propose déjà des abonnements à la presse en ligne, avec des formules gratuites ou des tarifs réduits, mais il me semble qu’ils sont uniquement numériques.

Mme Violette Spillebout (RE). Je souhaiterais défendre la part individuelle du pass culture, qui a notamment permis aux jeunes de revenir dans les librairies. C’est sensible pour les libraires du Nord, qui revoient des jeunes de 15 à 18 ans alors qu’ils avaient déserté leurs rayons. Ces 300 000 Nordistes qui consomment entre 20 et 300 euros selon les âges, c’est un premier pas. Ce n’est pas toujours de la grande littérature – parfois des romances, ou de la littérature universitaire – mais cela leur permet de revenir à la lecture. Je souhaite que l’on préserve ce budget.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Mon groupe va s’abstenir sur tous ces amendements qui visent à étendre, d’une manière ou d’une autre, le pass culture. Il ne s’agit pas de refuser une mesure d’égalité ou d’extension de l’accès démocratique à la culture mais de rappeler la réserve profonde que nous avons vis-à-vis de ce dispositif. On sait que 51 % du montant du pass individuel va à l’achat de livres et 1 % au spectacle. Bref c’est un chèque, une politique de soutien à une jeunesse qui en a besoin, y compris juste pour acheter des manuels scolaires, mais cela n’a rien à voir avec une politique culturelle. Nous aspirons à quelque chose d’autre en la matière, que ce soit pour la part individuelle ou pour la part collective du pass.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je partage les réserves de ma collègue sur le pass culture, mais toujours est-il qu’il existe. Essayons donc de l’améliorer. C’est pour cela que je propose qu’une part soit dédiée au spectacle vivant. Ainsi, les 300 euros ne pourraient pas servir entièrement par exemple à l’achat de manuels. Le fait que des étudiants soient obligés d’utiliser le pass pour acheter leurs manuels est un problème et il faudrait développer d’autres politiques pour les leur fournir, dans la mesure où l’école est censée être gratuite. Mais pour que le pass culture ait un tant soit peu à voir avec une politique culturelle, il conviendrait d’en flécher une partie vers d’autres modes de consommation culturelle, en favorisant l’accès à des lieux où les jeunes ne vont pas spontanément.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC463 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC395 de Mme Violette Spillebout

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Mon amendement, travaillé avec l’association Jets d’encre, propose un plan d’investissement de 3 millions dans l’éducation aux médias, à l’image et à l’information. Le budget 2024 reconduit l’enveloppe de 7,4 millions qui y était consacrée, alors que l’inflation est prévue à 2,6 % ou 2,8 % pour 2024. Nous nous inquiétons de cette érosion des crédits alors que les enjeux d’éducation aux médias n’ont jamais été aussi forts pour que les jeunes non seulement prennent de bonnes habitudes de consommation de l’information, mais apprennent à recouper des sources, à privilégier le pluralisme des titres, à avoir un recul critique sur les faits avancés et les biais cognitifs.

Mme Violette Spillebout (RE). Mon amendement un peu plus ciblé alloue quant à lui 1 million d’euros supplémentaire à l’éducation critique aux médias. Au regard de l’actualité internationale, des conflits, de la guerre en Ukraine, des attentats, il est nécessaire d’impliquer nos jeunes et d’avoir des dispositifs d’éducation aux médias très proches d’eux pour leur éviter la désinformation et le complotisme. Je propose de soutenir des expérimentations de partenariat entre la presse quotidienne régionale et les établissements scolaires ou les centres sociaux.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Bien que je partage votre constat, madame Taillé-Polian, sur l’importance de l’éducation aux médias et à l’information, une augmentation des crédits de près d’un tiers me semble aller trop loin. J’y serai donc défavorable, préférant une revalorisation plus soutenable dans la durée.

Madame Spillebout, votre amendement ferait passer de 7,4 à 8,4 millions les crédits en faveur de l’éducation aux médias et à l’information compris dans les 107,5 millions dévolus à l’éducation artistique et culturelle. Cette dernière constitue le premier pilier de l’action Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, les deux autres étant le pass culture dans sa part individuelle, pour 210,5 millions d’euros, et la participation de tous à la vie culturelle, pour 71,3 millions d’euros. Au regard du montant total alloué à cette action en crédits de paiement – 389 millions – et des enjeux liés à la maîtrise du numérique par nos jeunes, l’augmentation proposée me paraît pertinente, et j’y serai favorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Le groupe de La France insoumise soutient l’amendement de Sophie Taillé-Polian qui vise à développer l’éducation aux médias. Nous nous étonnons en revanche de la tournure que prend l’amendement de Mme Spillebout, qui veut flécher l’éducation aux médias sur les quartiers prioritaires, dont la jeunesse serait apparemment particulièrement sujette à la désinformation. La référence, dans son exposé sommaire, au conflit israélo-palestinien, à la guerre en Ukraine et à l’attentat d’Arras charge cet amendement de sous-entendus bien étranges. Si l’on considère que l’éducation aux bonnes sources d’information est un besoin, c’est pour l’ensemble de la jeunesse du pays.

M. Philippe Ballard (RN). Nous allons voter pour ces deux amendements. Je tiens cependant à souligner le manque de cohérence du groupe Renaissance, qui a, il y a quelques instants, rejeté l’amendement visant à inclure la presse écrite dans le pass culture. Il serait bien d’aller au bout de la démarche et de ne pas refuser de voter un amendement simplement parce qu’il émane du Rassemblement national.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement IIAC477 de M. Idir Boumertit et amendements IIAC509, IIAC500 et IIAC510 de Mme Sarah Legrain

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Par l’amendement II‑AC477, notre groupe entend réduire les inégalités dans l’accès aux musées et aux lieux culturels publics.

On sait que 62 % des cadres supérieurs se rendent au musée au moins une fois par an, contre 18 % des ouvriers et employés. Nous souhaitons instaurer un tarif progressif pour permettre aux familles des classes populaires et moyennes d’investir plus facilement ces lieux.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). L’amendement II‑AC509 vise à soutenir la diversité culturelle. Il a été déposé alors que nous étions encore dans le flou sur la prorogation des crédits d’impôt en faveur de la production phonographique (CIPP) et du spectacle vivant (CISV). Depuis, ces crédits d’impôt ont heureusement été prorogés jusqu’en 2027, sans toutefois que l’on note une hausse conséquente de l’appui à la diversité culturelle. Dans le contexte de crise que nous connaissons, il me paraît important de réaffirmer ce soutien.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). L’amendement II‑AC500 a pour objet de soutenir les lieux intermédiaires et indépendants, espaces privilégiés de la création artistique. Ils sont tout à la fois les premiers contacts des habitants avec l’art et le spectacle vivant, un lien quotidien dans les quartiers et des laboratoires des formes les plus innovantes. À Marseille, il y a de nombreux exemples de ce type, engagés dans la vie des quartiers et collaborant avec la communauté éducative. Or ces tiers-lieux sont souvent en difficulté. L’espace Montévidéo, qui accueille un festival reconnu internationalement et accueille des artistes en résidence, est visé par une procédure d’expulsion qu’un soutien plus précoce de l’État aurait pu éviter.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). L’amendement II‑AC510 a pour objet de soutenir la découverte et l’accompagnement de nouveaux talents de la musique. Il s’agit en effet d’une prise de risque pour les producteurs. Dans un contexte de concentration toujours plus forte autour des têtes d’affiche, il convient d’encourager l’émergence de nouveaux artistes ainsi que la diversité culturelle et artistique, source des chefs-d’œuvre à venir.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je ne comprends pas le sens du fonds que vous souhaitez créer, monsieur Boumertit. Il est difficile d’aller contre vos objectifs, mais votre amendement ne détaille pas suffisamment les mesures qu’il permettrait de mettre en œuvre ou les dispositifs qu’il souhaiterait soutenir. En outre, en l’absence de mesures concrètes, je m’interroge sur le chiffrage proposé. Mon avis sera donc défavorable.

L’amendement II‑AC509 propose un nouveau dispositif de soutien à la diversité culturelle, qui prenne en compte les risques financiers pris par les entreprises. Or les crédits d’impôt qui ont été évoqués sont prorogés. Avis défavorable.

Le montant avancé pour soutenir les lieux intermédiaires et indépendants, qui sont effectivement essentiels, me paraît excessivement élevé. Avis défavorable.

Enfin, de nombreux dispositifs ciblent déjà les jeunes artistes. La création d’un fonds de soutien demande une plus ample réflexion, tant du point de vue des volumes de crédits proposés que des critères d’attribution des subventions. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements IIAC481 et IIAC482 de Mme Sarah Legrain et IIAC272 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Comme l’année dernière, nous proposons la création d’un statut pour les artistes-auteurs, dont la situation ne s’est pas améliorée d’un iota depuis. Ils ne disposent toujours pas d’une sécurité sociale, et il n’y a eu aucun progrès en termes de reconnaissance. Le second amendement demande également la création d’un véritable Centre national des artistes-auteurs – qui se résume aujourd’hui à un site internet.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Il s’agit en effet de reconnaître la valeur du travail artistique et d’améliorer la situation dans laquelle se trouvent les artistes-auteurs. Ce sont des travailleurs dont la rémunération dépend entièrement de l’exploitation de leurs œuvres par des diffuseurs. Cela signifie que lorsqu’ils ne sont pas engagés dans des activités rémunérées, leurs seuls revenus proviennent des minima sociaux. Nous proposons donc la création d’un revenu de remplacement pour les artistes-auteurs, aux modalités d’attribution très simples.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. S’agissant du premier amendement, le ministère de la Culture dit poursuivre la mise en œuvre du plan à destination des artistes-auteurs annoncé le 11 mars 2021, qui a pour objectif de sauvegarder le tissu créatif et de revaloriser la place des auteurs. Il reprend 16 des 23 recommandations du rapport de Bruno Racine intitulé L’auteur et l’acte de création. Ce plan étant toujours en cours de déploiement, il paraît difficile de juger de ses effets. Avis défavorable.

Le deuxième amendement me paraît satisfait, le Gouvernement ayant déjà créé une structure dédiée aux politiques professionnelles et sociales des auteurs de toutes disciplines en administration centrale. Avis défavorable.

Enfin, concernant du revenu de remplacement, les artistes-auteurs ont fait l’objet de très nombreuses réflexions, notamment dans le cadre du rapport Racine. La question me semble à présent être celle des choix politiques qui en découleront, plutôt que de la création d’une nouvelle structure de préfiguration. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je soutiens ces amendements qui appellent l’attention sur la situation des artistes-auteurs. Peut-être des choses ont-elles été faites, mais comment pourrait-on attendre l’évaluation des quelques mesures qui ont été prises quand on connaît leur situation réelle ? Nous devons prendre nos responsabilités.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement IIAC483 de Mme Sarah Legrain

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous demandons la mise en place d’un véritable plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexiste et sexuel et d’un plan de défense de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture. Les déclarations qui se multiplient dans le cadre du mouvement #MeTooTheatre et les appels à la cellule Audiens sont très majoritairement le fait de femmes et il y a partout besoin que nous prenions ce problème à bras-le-corps.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. L’objectif est louable et je partage pleinement votre avis sur la nécessité de mieux lutter contre les violences et le harcèlement sexuels. Toutefois, le montant évoqué me paraît trop important. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements IIAC474 de M. Inaki Echaniz, IIAC514 de M. Alexis Corbière, IIAC257 de Mme Fabienne Colboc, IIAC379 de Mme Sophie Taillé-Polian et IIAC476 de M. Inaki Echaniz

Mme Claudia Rouaux (SOC). L’amendement II‑AC474 vise à soutenir les écoles territoriales d’art face au désengagement de l’État. Leur dotation structurelle n’ayant pas varié depuis douze ans, elles n’ont plus aucune réserve. Pour rétablir une équité de traitement avec les écoles nationales, qui délivrent les mêmes diplômes, pour préserver le maillage territorial et pour assurer un égal traitement entre les étudiants, l’État doit augmenter la dotation des trente-trois écoles territoriales de 16 millions d’euros. Quant à l’amendement II‑AC476, il vise au moins à rendre pérenne l’aide de 2 millions d’euros qui leur a été accordée.

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Les écoles d’art, après une décennie de baisse du financement de l’État, sont en grande difficulté. Mon amendement vise à leur accorder une hausse pérenne de leur dotation de 15 % ainsi qu’une aide d’urgence de 8,6 millions d’euros. Le fonds d’urgence de 2 millions d’euros qui leur a été accordé est insuffisant : elles estiment qu’il leur faudrait 16 millions d’euros de plus.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’amendement II‑AC379 vise à réformer le statut des enseignants des trente-trois écoles d’art territoriales. Ils ont le statut de professeurs d’enseignement artistique (PEA), qui relève de la fonction publique territoriale, alors qu’ils font exactement le même travail que leurs collègues des écoles d’art nationales. Ce statut, obsolète depuis vingt ans, met en péril les diplômes nationaux que ces trente-trois écoles délivrent. Il a fait l’objet de multiples rapports et missions, pas tous publiés. Il est temps d’en finir avec ce double statut qui n’a pas de sens.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Les écoles territoriales d’art ne doivent pas être pénalisées par rapport aux écoles nationales. Le soutien que leur accorde l’État a été rehaussé de 2 millions d’euros en 2023, qui seront reconduits en 2024. Entre 2017 et 2023, l’aide de l’État a augmenté de 27 %, soit plus que l’inflation cumulée sur la même période, qui est de 16,1 %. Enfin, en 2024, l’État participera à de nombreux projets de restauration d’écoles aux côtés des collectivités territoriales, à hauteur de 3 millions d’euros. Les montants que vous proposez me paraissent disproportionnés. Avis défavorable aux deux premiers amendements.

Concernant l’amendement II‑AC379, il ne revient pas aux collectivités territoriales d’assumer seules le changement réglementaire du statut des professeurs, surtout compte tenu des difficultés financières auxquelles elles sont confrontées. Je suis donc favorable à cet amendement qui permet de répartir la charge induite par la régularisation des statuts des professeurs.

Enfin, j’émets un avis favorable à l’amendement de repli II‑AC476.

Mme Fabienne Colboc (RE). Une aide de 2 millions d’euros a déjà été accordée en 2023 aux écoles territoriales et sera reconduite en 2024. La ministre a précisé ce matin que la sauvegarde de ces écoles devrait faire l’objet d’un dialogue politique avec les collectivités locales, qui les ont créées, car l’État ne pourra pas tout prendre en charge.

L’amendement IIAC257 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements IIAC367 de Mme Violette Spillebout et IIAC378 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Violette Spillebout (RE). Je propose une exonération des frais d’inscription pour les étudiants boursiers des écoles supérieures d’art territoriales, compensée par l’État à hauteur de 1,6 million d’euros. Ces étudiants boursiers sont en effet les seuls dans l’enseignement supérieur à ne pas être exonérés des frais de scolarité.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Mon amendement vise également à mettre un terme à cette anomalie en exonérant les étudiants boursiers des frais de scolarité. C’est une question d’égalité des droits entre étudiants qui, par ailleurs, pour une grande partie d’entre eux, sont dans une situation sociale très difficile.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les députés du groupe Horizons et apparentés voteront en faveur de ces amendements, qui permettent de rétablir une justice sociale pour les étudiants.

La commission adopte successivement les amendements.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement IIAC475 de M. Idir Boumertit.

Amendement IIAC505 de Mme Sarah Legrain

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Il vise à soutenir la création d’un fonds de soutien au développement des maisons des jeunes et de la culture (MJC) et des associations culturelles dans les quartiers populaires, doté de 10 millions d’euros. La pérennité de ces lieux essentiels à la vie de quartier et à la démocratisation culturelle est en effet menacée : 76 % sont confrontés à des difficultés de recrutement et 6 561 postes restent vacants.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Ayant eu l’occasion de recevoir les représentants des MJC de France dans le cadre du volet thématique de cet avis budgétaire, consacré à la jeunesse, et l’opportunité de visiter la MJC de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, je tiens à profiter de votre amendement pour rendre hommage au travail remarquable qu’elles effectuent dans nos territoires. Avis favorable.

Mme Violette Spillebout (RE). Les MJC et les centres sociaux effectuent un travail de proximité qui est insuffisamment valorisé. La Cour des comptes a montré que les moyens de la politique culturelle étaient encore trop concentrés sur les grandes institutions parisiennes, et le rapport Racine que les artistes de proximité étaient ceux qui profitaient le moins des budgets culturels. Nous devons avancer ensemble sur ce sujet.

La commission adopte l’amendement.

Amendements IIAC276 de M. Frédéric Maillot, IIAC400 de Mme Sophie Taillé-Polian, IIAC274 de M. Stéphane Peu et IIAC275 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Mon amendement vise à créer un dispositif d’aide au spectacle vivant à destination des personnes sourdes ou malentendantes. L’accessibilité pour les personnes en situation de handicap est en effet négligée et pâtit d’un déficit de moyens humains et financiers. Il est nécessaire de développer des dispositifs spécifiques : traduction en langue des signes sur plateau, lunettes de sur-titrage en temps réel, casques d’amplification sonore, description de l’ambiance, des musiques et des bruitages… Au-delà de l’obligation légale d’accès physique, il est important de réaffirmer que l’accessibilité culturelle comprend divers aspects.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). L’amendement II‑AC276 vise à créer un programme spécifique et transversal consacré à l’accessibilité de la culture et de la pratique artistique aux personnes en situation de handicap.

L’accessibilité doit d’abord être physique. Les établissements sont généralement accessibles, mais pas forcément le trajet pour s’y rendre. Il faut aussi faire en sorte que les œuvres soient accessibles aux malentendants, aux malvoyants et aux personnes atteintes de déficience mentale. Des solutions existent, qu’il faut pouvoir systématiser sans compter sur le seul mécénat privé. Cela soulève donc la question du financement, d’où notre volonté d’un programme transversal.

Les amendements II‑AC274 et II‑AC275 visent à augmenter les moyens des établissements culturels et des associations qui œuvrent à améliorer l’accessibilité des œuvres et des pratiques artistiques pour les personnes en situation de handicap.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. L’amendement II‑AC276 est très intéressant ; toutefois, différentes mesures existent déjà au sein des programmes de la mission Culture, comme le soutien aux associations et fédérations nationales œuvrant pour l’inclusion culturelle des personnes en situation de handicap, ou le fonds d’accessibilité, doté de 1 million d’euros, consacré à des aides pour les structures culturelles qui veulent développer des outils d’accessibilité – en 2022, 148 projets ont été soutenus, dont plus de la moitié à destination des personnes sourdes et malentendantes. Je ne trouve donc pas pertinent de créer un nouveau programme. Avis défavorable.

Je donne un avis favorable à l’amendement II‑AC274, dont je partage les objectifs. Les dispositifs à abonder sont précisément ciblés et nécessitent des montants relativement modestes au regard de l’importance de l’enjeu. Je serai également favorable à l’amendement II‑AC275. En revanche, j’émets un avis défavorable sur l’amendement II‑AC400.

La commission rejette successivement les amendements IIAC276 et IIAC400, puis adopte successivement les amendements IIAC274 et IIAC275.

Amendement IIAC525 de Mme Martine Froger

Mme Martine Froger (LIOT). Il vise à créer un plan d’accès aux métiers de la culture pour les personnes en situation de handicap, doté dans un premier temps de 8 millions d’euros. Ce plan répondrait aux annonces faites par le Gouvernement lors de la Conférence nationale du handicap, en avril 2023, qui nécessitent de rendre accessibles toutes les formations aux métiers et aux arts de la culture, de mobiliser tous les acteurs publics de l’insertion professionnelle, et de former les professionnels de la culture à l’accueil des personnes en situation de handicap et à la mise en accessibilité de leurs espaces.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable. Je vous rejoins totalement sur le fait que l’accès à la culture des personnes en situation de handicap ne doit pas se réduire à une position de visiteur ou d’usager : elles doivent être en mesure d’exercer une profession en lien avec la culture.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC277 de M. Stéphane Peu

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Cet amendement vise à améliorer l’accès à la culture et à la pratique culturelle des publics qui en sont très éloignés en raison de contraintes géographiques ou de difficultés de mobilité. Pour certaines personnes, les déplacements vers des lieux culturels sont excessivement compliqués. C’est souvent le cas pour les personnes en situation de handicap accueillies dans les établissements et services d’aide par le travail et les structures du secteur médico-social. Si les agences régionales de santé ont pour mission d’encourager l’élaboration d’un volet culturel au sein des établissements de santé, le ministère de la Culture doit également prendre part à cette démarche.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable. La culture doit en effet être accessible aux publics empêchés, notamment dans les établissements médico-sociaux.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-AC401 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC519 de Mme Béatrice Descamps et II-AC493 de Mme Sarah Legrain

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’archéologie préventive est essentielle pour préserver des éléments qui constituent la base de notre histoire et pour permettre à la recherche de s’exercer. Si l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) bénéficie d’un abondement, les départements, qui exercent une mission importante en la matière, ne voient pas leurs crédits augmenter. C’est d’autant moins compréhensible que les recettes procurées par la taxe d’archéologie préventive excèdent les crédits consacrés à l’archéologie. L’amendement II-AC401, qui a été élaboré avec l’Assemblée des départements de France, vise à accroître les moyens accordés aux département en la matière.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement II-AC519 vise à soutenir les collectivités territoriales dans la réalisation de leurs diagnostics archéologiques. Soixante-deux collectivités, habilitées à réaliser des diagnostics archéologiques dans trente-trois départements, effectuent, en moyenne, un quart des opérations annuelles sur le territoire national.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par l’amendement II-AC493, nous proposons d’augmenter de 5 millions d’euros la subvention pour charges de service public accordée à l’Inrap, qui connaît des difficultés importantes. La majorité des archéologues ont été embauchés lors de sa création, il y a vingt ans, et vont bientôt partir à la retraite. Pourtant, pas la moindre augmentation du plafond d’emplois n’est prévue. Il convient d’aider l’Institut, qui joue un rôle essentiel.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis défavorable sur les deux premiers amendements. L’Inrap mène des fouilles archéologiques préventives dans un cadre concurrentiel et exerce, parallèlement, des activités non concurrentielles. Ces deux types d’activités font l’objet d’une séparation comptable rigoureuse et bénéficient de ressources distinctes. Les activités du secteur concurrentiel donnent lieu à rémunération, tandis que les autres activités sont financées par une subvention de l’État. Depuis 2016, l’Inrap doit dégager un excédent dans le secteur concurrentiel pour financer une partie de ses missions non concurrentielles, en raison du décrochage de la subvention de l’État. Cela conduit l’établissement à vendre plus cher ses prestations, au détriment de sa compétitivité sur le marché des fouilles archéologiques préventives. À terme, la situation pourrait devenir critique : en cas de retournement du marché, l’Inrap pourrait se trouver privé de recettes. Il me semble qu’augmenter dans de telles proportions les crédits accordés aux collectivités territoriales opératrices d’archéologie préventive ne ferait qu’accroître les difficultés de l’Inrap.

Madame Legrain, je partage entièrement votre point de vue sur le renforcement nécessaire du soutien à l’Inrap et donne un avis favorable à votre amendement.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je ne comprends pas pourquoi votre préoccupation légitime sur l’équilibre de l’Inrap justifie qu’on refuse d’aider les départements qui travaillent en relation, et non en concurrence, avec lui.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Je me pose la même question.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC429, II-AC430 et II-AC431 de Mme Sophie Mette

Mme Géraldine Bannier (Dem). Ces amendements ont pour objet de soutenir l’architecture et les espaces protégés et, en particulier, la revitalisation des centres anciens. L’objectif est de redonner l’envie de fréquenter les centres-bourgs et d’y vivre, ce qui passe par un renforcement des politiques menées dans le cadre du plan national Action cœur de ville. L’amendement II-AC429 vise à abonder de 2 millions d’euros les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action 02 Architecture et sites patrimoniaux du programme 175, et de diminuer d’autant les crédits de l’action 07 Fonctions de soutien du ministère du programme 224. Les deux suivants proposent un abondement de respectivement 1 million et 500 000 euros.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable sur les trois.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC386, II-AC387 et II-AC385 de M. Alexandre Portier, et amendement II-AC742 de Mme Emmanuelle Anthoine

M. Alexandre Portier (LR). La France compte environ 45 000 monuments historiques, dont un tiers sont classés. Cependant, de nombreux sites historiques, monuments et bâtiments sont négligés en raison d’un manque de financements. Il est impératif d’investir davantage dans la rénovation de notre patrimoine pour préserver notre histoire, stimuler l’économie locale et promouvoir le tourisme, tant français qu’étranger, qui est un secteur créateur de recettes et d’emplois. Par ailleurs, il est de notre devoir d’entretenir notre héritage pour en faire profiter nos enfants et nos petits-enfants. L’amendement II-AC386 vise à abonder de 15 millions d’euros l’action 02 Architecture et sites patrimoniaux, du programme 175.

Le II-AC387 a pour objet de soutenir le patrimoine religieux, auquel les Français sont très attachés. L’église est souvent le symbole de la commune et constitue parfois son seul édifice multiséculaire. Afin d’assurer la sauvegarde de nos églises, nous proposons d’affecter 10 millions d’euros supplémentaires à l’action Monuments historiques et patrimoine monumental.

L’amendement II-AC385 a pour objet de créer un fonds, doté de 3,5 millions d’euros, à destination des monuments historiques non détenus par l’État. Ces crédits, affectés à l’entretien et à la restauration des bâtiments, soutiendraient les collectivités territoriales et les propriétaires privés détenteurs d’un monument historique. Ils compléteraient utilement l’action des départements et des régions.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Mon amendement II‑AC742 vise à accroître de 3,5 millions d’euros les crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement et d’investissement relatives aux monuments historiques non détenus par l’État. Il s’agit de renforcer l’aide apportée aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés détenteurs de monuments historiques.

Mon avis sur l’amendement II-AC386 sera défavorable car, si je partage votre objectif général, il conduirait à augmenter de près de 50 % les crédits de l’action Architecture et sites patrimoniaux, qui est dotée de 37,8 millions d’euros. Cette hausse me paraît excessive eu égard aux capacités d’absorption et de traitement des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement en matière d’assistance à l’ingénierie.

Je partage vos inquiétudes quant à l’entretien et à la restauration du patrimoine religieux, qui est un marqueur de nos paysages urbains comme ruraux. Nous ne pouvons rester impuissants devant sa dégradation. Avis favorable sur l’amendement II-AC387.

Enfin, la création d’un fonds spécifique pour les monuments non détenus par l’État ne me paraît pas opportune dans la mesure où il existe déjà des instruments très variés et où les Drac peinent à absorber toutes les demandes d’accompagnement. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC741 de Mme Emmanuelle Anthoine

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Alors que les besoins d’expertise patrimoniale dans les territoires ne cessent de s’accroître, les effectifs des unités départementales de l’architecture et du patrimoine paraissent insuffisants. Le nombre d’architectes des bâtiments de France (ABF) diminue progressivement, comme l’attractivité de leur carrière. Le recrutement d’un ABF supplémentaire dans chaque département constitue un objectif à moyen terme. Cela permettrait de renforcer le contrôle scientifique et technique de l’État sur les projets de restauration et de conservation patrimoniale ainsi que d’offrir une assistance à maîtrise d’ouvrage appréciable, même si elle est minimale, aux porteurs de projets.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC381 de Mme Lisette Pollet

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement vise à créer un service national du patrimoine, d’une durée de six mois renouvelables, ouvert aux volontaires de 18 à 24 ans qui veulent œuvrer à la restauration, la protection et la valorisation du patrimoine culturel et naturel de la France. Il donnerait lieu au versement d’une indemnité égale à celle proposée dans le cadre du service civique. Ce dispositif pourrait favoriser la politique d’éveil culturel des jeunes.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Même si je m’interroge sur ce que vous entendez, dans l’exposé sommaire, par « accès privilégié à certains emplois liés au patrimoine », je trouve votre idée intéressante. Ce service national du patrimoine serait très utile compte tenu de la masse de la restauration patrimoniale en souffrance, et serait aussi bénéfique socialement puisqu’il serait susceptible d’attirer des jeunes issus de milieux très variés. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC216 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Le domaine national de Chambord constitue un ensemble exceptionnel, préservé pendant près de quatre siècles, constitué d’un château, classé monument historique dès 1840 et inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, d’une forêt domaniale de 5 315 hectares, d’une réserve nationale de chasse et d’un village.

Les crédits de 2,8 millions d’euros qui lui sont alloués ne permettent pas d’assurer toutes les missions d’entretien nécessaires. La direction du domaine, récemment nommée, a constaté de très sérieuses dégradations au niveau des poutres de certaines salles du château, qui menacent de s’effondrer. Cela donnera prochainement lieu à un rapport public. Afin de couvrir les dépenses de restauration de ces pièces dans les prochains mois, cet amendement d’appel propose d’augmenter les crédits alloués au fonctionnement du domaine national de Chambord.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable. Certains monuments, tels que Chambord, doivent faire l’objet occasionnellement de campagnes de restauration importantes, qui pourraient être évitées si des moyens suffisants étaient affectés à leur entretien. J’avais soulevé ce problème dans mon avis budgétaire de l’an dernier, consacré au patrimoine. Il ne saurait être question de prendre le risque d’un effondrement à Chambord. Compte tenu du montant de l’abondement proposé, je soutiens cette demande pour une restauration urgente et nécessaire.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le domaine national de Chambord est une figure majeure de notre patrimoine, qui contribue au rayonnement de notre pays. Pour avoir échangé avec la direction de l’établissement, je confirme qu’il y a un risque d’effondrement. Nous voterons cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-AC471 de Mme Sarah Legrain, II-AC279 de M. Stéphane Peu, IIAC357 de Mme Violette Spillebout et II-AC392 de Mme Caroline Parmentier

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous proposons, par l’amendement II‑AC471, d’augmenter les moyens alloués aux écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa), dont la mobilisation, l’an dernier, a été à la hauteur des difficultés qu’elles rencontrent : un certain nombre d’établissements sont déficitaires ; des écoles suspendent les cours pour dénoncer le manque de moyens ; des enseignants-chercheurs réclament une amélioration de leurs conditions de travail et un alignement de leur volume d’enseignement sur celui de leurs homologues des universités ; des étudiants dénoncent l’inégalité de traitement avec les autres structures de l’enseignement supérieur. La ministre a dû réagir et débloquer une aide de 3 millions d’euros. Notre amendement demande un abondement de 7 674 019 euros exactement, afin d’en revenir, selon nos calculs, au budget de 2016, majoré de l’inflation. Des mots ne suffisent pas pour soutenir ces écoles qui forment ceux qui feront le patrimoine de demain.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). L’amendement II-AC279, élaboré en collaboration avec le Collectif pour les conditions dignes et égalitaires des enseignants contractuels en écoles d’architecture, avait été voté l’année dernière mais malheureusement pas repris après l’engagement de l’article 49.3 par le Gouvernement. Il vise à aligner les rémunérations des professeurs contractuels des Ensa sur celles des titulaires. En effet, les professeurs contractuels perçoivent une rémunération égale au Smic, ce qui est profondément injuste, étant rappelé qu’ils représentent 43 % des enseignants et 23 % des effectifs en équivalent temps plein travaillé (ETPT). Il est proposé de faire passer leur rémunération de l’indice majoré 352 à 517. Dans un second temps, il conviendra de prendre en considération leur ancienneté.

Mme Violette Spillebout (RE). Nous devons nous mobiliser en faveur des Ensa. Au terme de son travail approfondi d’évaluation des nouvelles modalités de gouvernance et de soutien budgétaire de ces établissements, Alexandre Holroyd a conclu à la nécessité de mener une grande réforme des Ensa en définissant un programme stratégique à trois ans et en révolutionnant leur mode de fonctionnement. Je propose en attendant d’accroître le soutien budgétaire apporté à ces écoles, qui manquent notamment de personnel administratif.

Mme Caroline Parmentier (RN). Par l’amendement d’appel II-AC392, nous souhaitons interroger la ministre de la Culture sur la dépendance, souvent jugée excessive, des écoles d’architecture au ministère de la Culture, qui est de nature à limiter leur flexibilité.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Les écoles d’architecture ont connu une crise profonde en 2023, qui rend nécessaire une action rapide en vue de leur redressement. En conséquence, je donnerai un avis favorable sur les amendements II-AC471 et II-AC357. Il me paraît également nécessaire d’aligner les rémunérations des professeurs contractuels des Ensa sur celles des titulaires : avis favorable à l’amendement II-AC279.

S’agissant de l’amendement II-AC392, qui s’adresse à la ministre, je ne peux qu’exprimer une demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-AC471 et II-AC279.

Elle adopte l’amendement II-AC357, puis rejette l’amendement II-AC392.

Amendement II-AC470 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il s’agit de renforcer l’engagement de l’État en faveur du financement des conservatoires. Lorsque Jack Lang était ministre de la Culture, la participation de l’État atteignait 20 % de leur budget, contre péniblement 3 % aujourd’hui. L’ensemble des conservatoires sont en danger. La subvention de fonctionnement versée aux établissements d’enseignement supérieur en musique, danse et théâtre ainsi qu’aux pôles d’enseignement supérieur du spectacle n’a que très peu évolué. Les crédits destinés à élargir les actions des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et de la diversité ont complètement disparu. Nous proposons d’inverser ce mouvement en allouant 10 millions d’euros aux conservatoires.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable. Les conservatoires assurent un maillage primordial du territoire pour l’enseignement des pratiques artistiques. Je partage votre constat : les moyens alloués sont, depuis plusieurs années, calculés au plus juste.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC201 de Mme Emmanuelle Anthoine et II-AC472 de M. Inaki Echaniz, amendements II-AC384 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC422 de Mme Anne Brugnera, II-AC432 de Mme Sophie Mette, II-AC446 de Mme Karine Lebon et IIAC496 de Mme Sarah Legrain.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Depuis 2017, le secteur des musiques actuelles fait face à des crises successives et multifactorielles. Or les subventions stagnent, dans le meilleur des cas, ou diminuent. On constate un décrochage général des salaires minimum dans la convention collective nationale pour les entreprises artistiques et culturelles (CCNEAC). Selon une enquête menée par le ministère de la Culture auprès d’une trentaine de scènes de musiques actuelles (Smac), les marges artistiques de ces dernières se réduisent et deviennent parfois négatives, ce qui occasionne des dommages considérables tant sur la préservation de la diversité culturelle que sur le développement de nouvelles esthétiques et l’émergence d’artistes. Les Smac procèdent à des licenciements économiques ou ne remplacent pas les départs, peinent à recruter, doivent arrêter des programmations et réduire de manière notable leur prise de risque artistique. Elles n’ont plus les moyens de mener à bien les missions qui leur sont confiées. C’est pourquoi nous proposons de relever le financement minimum des lieux labellisés Smac de 6,4 millions d’euros, soit 200 000 euros par lieu et par an.

Mme Claudia Rouaux (SOC). L’amendement II-AC472 vise à accroître le soutien de l’État aux lieux labellisés Smac. Ce secteur subit des crises successives et multifactorielles, auxquelles s’ajoute l’inflation, qui entraîne une hausse des charges de l’ordre de 20 %. Certes, les Smac s’autofinancent à hauteur de 41 % et bénéficient de l’appui des collectivités, dont le soutien représente quatre fois celui de l’État. Toutefois, compte tenu de l’état de leurs finances, ces dernières ne peuvent plus augmenter leur taux de subvention. C’est pourquoi nous demandons un relèvement du financement des lieux labellisés à hauteur de 200 000 euros par an. Il y va de leur devenir.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Si ces deux premiers amendements étaient adoptés, il faudrait que les autres amendements discutés en même temps soient retirés. En effet, puisqu’ils ne visent pas tous les mêmes actions, leur adoption reviendrait à verser plusieurs fois aux Smac les 6,4 millions d’euros demandés.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je me joins aux voix qui se sont exprimées en faveur de la centaine de Smac que nous comptons. On pourrait envisager d’en créer de nouvelles, car l’ensemble du territoire n’est pas couvert : l’accès aux musiques actuelles demeure difficile pour nombre de personnes. Mais les structures existantes connaissent déjà de grandes difficultés, malgré les efforts qu’elles accomplissent pour dynamiser leurs ressources propres. D’autres secteurs artistiques sont davantage aidés. Notre soutien serait donc largement justifié. Il faut que la ministre l’entende et lève le gage.

Mme Anne Brugnera (RE). Les scènes de musiques actuelles nous sont précieuses et ont besoin d’un soutien supplémentaire. Mon amendement II-AC422 étant très proche de celui de M. Echaniz, je le retire à son profit.

Mme Géraldine Bannier (Dem). L’amendement II-AC432 porte le financement minimal des lieux labellisés Smac de 120 000 à 200 000 euros par an. Le budget moyen annuel des Smac s’élève à 1 270 169 euros et elles s’autofinancent à hauteur de 41 %.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). L’amendement II-AC446 vise à accroître les crédits alloués aux scènes de musiques actuelles en abondant de 6,4 millions d’euros l’action 01 Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant du programme 131.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Les scènes de musiques actuelles, qui sont essentielles, font face à un dilemme : alors que leur rôle consiste à assurer l’accès du plus grand nombre à ces musiques et à favoriser l’émergence de nouveaux artistes, la hausse des coûts à laquelle elles sont confrontées les contraint à accroître leurs tarifs ou à réduire la variété de leur programmation. Il faut évidemment les soutenir. La question est de savoir si le Gouvernement osera balayer d’un revers de main, dans le cadre de l’engagement du 49.3, cette proposition issue d’une démarche transpartisane.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Le nombre de ces amendements démontre notre soutien unanime aux Smac et témoigne de notre reconnaissance quant à la qualité de leur travail. J’invite néanmoins mes collègues à retirer les leurs au profit du mien, afin que les crédits ne soient pas transférés plusieurs fois.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). J’avais déposé un amendement similaire, visant à porter le financement de chaque Smac par l’État à 200 000 euros au moins, au lieu de 130 000 euros en moyenne. Le groupe Horizons apportera son soutien à l’amendement de Mme la rapporteure pour avis.

M. Quentin Bataillon (RE). Nous pouvons nous réjouir du large soutien dont bénéficient ces amendements au profit des scènes de musiques actuelles, qui font un travail exceptionnel. S’il est vrai que l’État leur alloue 12,7 millions d’euros, elles ont aussi des besoins structurels auxquels nous devons pouvoir répondre.

La commission adopte les amendements identiques II-AC201 et II-AC472.

Les amendements suivants sont tous retirés.

Amendement II-AC512 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). En avril 2023, le Sénat adoptait à l’unanimité en première lecture la proposition de loi visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer, qui n’a pas encore été examinée par notre assemblée. L’équilibre sur lequel repose l’activité des établissements ultramarins est différent de celui de l’Hexagone, en raison des spécificités des marchés. Une aide particulière est donc nécessaire pour pérenniser l’offre culturelle cinématographique dans ces territoires. C’est que propose notre groupe au travers du présent amendement, qui lui a été suggéré par le syndicat des exploitants de salles de cinéma outre-mer.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Il est vrai que, dans les territoires ultramarins, l’exploitation cinématographique répond à des contraintes très particulières, qui réclament de lourds investissements. Pour cette raison, la mesure de soutien que propose votre amendement me paraît justifiée. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC485 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il vise à instaurer un plan de titularisation des contractuels volontaires exerçant des fonctions pérennes au sein du ministère de la Culture et dans l’ensemble de ses établissements publics administratifs. L’enjeu est important car, même si des efforts ont été faits pour renforcer le budget du ministère, la proportion de contractuels y est parmi les plus élevées au sein de la fonction publique d’État. Il me semble décisif que ces agents puissent intégrer les corps de fonctionnaires, ne serait-ce que pour une question d’exemplarité générale : l’État ne doit pas contribuer à la précarisation de l’emploi, mais titulariser les personnes dont les fonctions relèvent de missions de service public.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. La lutte contre la précarité des contractuels du ministère et de ses établissements publics est légitime mais ne passe pas nécessairement par leur titularisation. Un ministère doit en effet pouvoir garder une certaine flexibilité de gestion, et les agents eux-mêmes ne désirent pas nécessairement être titularisés. Le recours important du ministère de la Culture aux contractuels repose sur quatre raisons spécifiques : la diversité des métiers techniques, qui ne peuvent pas toujours être pourvus par des corps de fonctionnaires ; le caractère saisonnier de l’activité de nombreux établissements publics ; la possibilité historique pour certains établissements de recruter directement des contractuels en raison de leurs missions ; l’importance enfin des établissements publics, qui représentent près de deux tiers des effectifs du ministère. Il ne me semble donc pas judicieux d’entreprendre un grand plan de titularisation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC373, II-AC376, II-AC374 et II-AC375 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). L’amendement II-AC373 prévoit, dans un souci de rigueur budgétaire, que les crédits accordés au titre de l’action 06 Action culturelle internationale restent stables par rapport à 2023, à 8,08 millions d’euros, plutôt que d’être portés à 9,98 millions d’euros, soit une augmentation de 1,9 million d’euros. Il ne s’agit pas de s’opposer au partenariat actuel visant à l’apaisement des mémoires ni à « l’agenda transformationnel » avec l’Afrique, mais d’être plus rigoureux dans l’octroi des crédits destinés au ministère de la Culture. La dette française doit être réduite, nos finances publiques mieux gérées et le désendettement du pays sérieusement envisagé.

L’amendement de repli II-AC376 s’oppose à la hausse de 800 000 euros des crédits consacrés au fonds pour la circulation des œuvres en Afrique et aux questions mémorielles. Avec 1,9 million d’euros supplémentaire, le budget de l’action 06 est trop élevé. Il faut en rester aux crédits de 2023 et être plus rigoureux.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. L’action internationale du ministère est déterminante pour le rayonnement de la France à l’étranger et suscite une forte adhésion, comme le montre le succès de la villa Albertine. Je ne suis donc pas favorable à l’attrition de ses moyens, d’autant que son budget de 9,97 millions d’euros, soit 0,26 % des crédits de paiement prévus pour la mission Culture en 2024, me semble rester modeste au regard des ambitions que se doit d’avoir notre pays.

Le fonds pour la circulation des œuvres en Afrique a vocation à renforcer les actions en faveur du patrimoine et à contribuer à la mise en réseau, entre musées du continent africain mais aussi entre musées français et africains. Cela va dans le bon sens. Nous devons travailler à plus de fluidité dans la circulation des œuvres, qu’elles soient originaires ou non des pays qui souhaiteront les exposer. Avis défavorable aux quatre amendements.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Chers collègues du Rassemblement national, vous ne trompez personne. Vous avez beau dire que ces amendements ne visent pas à s’opposer au partenariat pour l’apaisement des mémoires, ni à l’agenda transformationnel avec l’Afrique, ni au fonds pour la circulation des œuvres en Afrique, ni encore, pour les deux derniers amendements, à la Maison des mondes africains ni à la recherche de provenance de biens culturels d’Afrique sub-saharienne conservés dans les institutions culturelles françaises et allemandes, nous avons bien compris que le point commun entre ces quatre amendements, c’est votre obsession raciste contre l’Afrique, ses habitants et ses œuvres artistiques !

Mme Caroline Parmentier (RN). Vous êtes tellement prévisible !

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). C’est vous qui l’êtes ! Vous avez déposé très peu d’amendements au sujet des arts et de la culture, dont vous vous moquez royalement. Et en voilà quatre qui ne visent que les partenariats avec l’Afrique, l’art et les artistes africains ! Vous êtes d’une prévisibilité et d’une nullité absolues…

Mme la présidente Isabelle Rauch. Le ton de vos propos est excessif, chère collègue.

Mme Violette Spillebout (RE). Le groupe Renaissance votera contre ces quatre amendements. La Maison des mondes africains en particulier est un très beau projet, exemplaire en termes de méthode. Consulté en premier lieu, le politologue camerounais Achille Mbembe a rendu un rapport au Président de la République en octobre 2021, dont les treize préconisations ont été plébiscitées côté africain comme côté français. La conception de ce nouveau lieu culturel fait l’objet d’une intense réflexion ; 1 500 jeunes ont été consultés, et le comité consultatif rassemble cinq personnalités originaires du Kenya, du Nigeria, d’Algérie, du Bénin et du Brésil. Ce projet permettra d’apaiser les mémoires, de valoriser les talents africains, de briser le plafond de verre et de réduire peut-être l’amertume de la diaspora africaine à l’égard de la culture en France.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Certains des amendements que nous examinons proposent de nouveaux dispositifs ou suggèrent de recadrer ceux qui existent, dans un objectif de démocratisation de la culture : ce sont ceux des groupes de la NUPES. Ces quatre amendements du Rassemblement national, quasiment les seuls qu’il ait déposés sur cette mission, témoignent quant à eux d’une obsession anti-africaine !

Mme Caroline Parmentier (RN). C’est vous qui avez une obsession !

Mme la présidente Isabelle Rauch. Seule Mme Taillé-Polian a la parole, madame Parmentier.

Mme Caroline Parmentier (RN). À condition qu’elle ne m’injurie pas !

Mme la présidente Isabelle Rauch. Elle ne vous a pas injuriée.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). J’ai souvent pris la parole au sein de notre commission pour faire des propositions. Je note que celles du Rassemblement national ne visent qu’à réduire les crédits en faveur du développement de liens culturels entre la France et l’Afrique. C’est déplorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC526 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il vise à relever les crédits d’intervention déconcentrés de l’État alloués au fonctionnement des ateliers de fabrique artistique. Ce petit label concerne un peu moins d’une centaine de lieux dans notre pays, ce qui est certainement insuffisant. Ce sont en effet ces lieux consacrés à la recherche et à l’expérimentation artistique qui permettront à des formes artistiques nouvelles et à de jeunes artistes d’émerger.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Les ateliers de fabrique artistique me paraissent tout à fait adaptés pour découvrir de jeunes artistes et les encourager dans leur pratique. C’est ce type de lieux très décentralisés qu’il faut soutenir pour promouvoir la diversité culturelle. Si l’augmentation proposée par l’amendement est significative, le volume de crédits correspondant reste très raisonnable. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC439 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Inspiré des travaux de Michèle Victory, il vise à créer un fonds pour le financement de la programmation d’œuvres écrites par des femmes, doté de 1 million d’euros. L’image des femmes dans les productions culturelles et dans l’histoire des arts oscille entre stéréotypes et invisibilité. Seulement deux dixièmes des femmes artistes sont programmées et aidées par des fonds publics, et seulement un dixième sont récompensées. L’État et le ministère de la Culture doivent prendre un engagement déterminé en faveur du développement de la parole des femmes.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. La mission Culture ne me semble pas disposer d’un instrument tel que le fonds que vous proposez de créer. Au-delà de la réflexion transversale que le ministère doit mener sur la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, ce fonds aurait l’avantage d’agir comme un accélérateur. Il pourrait contribuer à rendre la programmation d’œuvres écrites par des femmes plus habituelle – l’objectif, à terme, étant évidemment de ne plus avoir besoin de tels dispositifs. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC399 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). La francophonie permet le dialogue, l’échange et le mélange des cultures. Outil de diffusion et de démocratie culturelle, le français est souvent la langue de l’échange et de l’interaction. Mais des œuvres francophones sont aussi parfois écrites dans d’autres langues, mobilisant une communauté qui échange en français. Pour faire vivre la francophonie dans le spectacle vivant, pour faciliter la création et la diffusion des arts vivants, il est essentiel de valoriser le travail des auteurs et autrices peu connus ou joués en favorisant la production de mises en scène et de récits minoritaires. Là encore, il faut déployer des politiques volontaristes pour lutter contre l’invisibilité d’une partie de la population.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Il me semble qu’à la différence du précédent, le dispositif dont il est ici question pourrait plus pertinemment relever de l’action internationale du ministère de la Culture, peut-être en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Notre groupe était favorable au précédent amendement visant à accroître la visibilité des œuvres de femmes, dont je sais, en tant qu’enseignante, combien il peut être difficile de les mettre en valeur. Nous sommes également favorables à celui-ci, sachant que la francophonie reste le parent pauvre de la transmission artistique et culturelle. Il est essentiel de mettre en valeur la diversité de la création artistique et culturelle et de ses acteurs, actrices, auteurs et autrices.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC447 de M. Philippe Fait

M. Philippe Fait (RE). Il vise à renforcer le soutien apporté au plan Fanfare, qui connaît une belle réussite, et à l’élargir aux jeux traditionnels et aux danses folkloriques. Les associations qui font vivre les arts et traditions populaires jouent un rôle important pour la cohésion sociale dans nos territoires, notamment ruraux, et en outre-mer.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je partage votre avis sur l’importance des fanfares, harmonies et ensembles musicaux, ainsi que sur la nécessité d’approfondir et de pérenniser le soutien qui leur est apporté. Leurs retombées sont en effet très positives en termes de lien social, particulièrement dans des zones qui se sentent délaissées par les politiques culturelles. Avis favorable.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Les fanfares, harmonies et associations de jeux traditionnels font vivre notre patrimoine immatériel dans les communes rurales. Elles sont nombreuses dans ma circonscription – moins dans les quartiers populaires, c’est vrai – et je tiens à ce que leur travail soit salué.

M. Quentin Bataillon (RE). Il est effectivement important de soutenir le plan Fanfare, qui aide les sociétés musicales à acheter du matériel, des tenues ou des partitions. Celles-ci jouent un rôle essentiel dans les territoires miniers, comme dans ma circonscription à Saint-Étienne ou dans celle de Violette Spillebout dans le Nord, mais aussi ailleurs. L’appel à projets est simple, clair et facile d’utilisation pour les associations, et je félicite Philippe Fait pour sa proposition de l’élargir aux jeux traditionnels.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-AC43 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Il vise à augmenter les crédits alloués aux centres nationaux de création musicale labellisés par le ministère de la Culture. Ces organismes s’inscrivent dans une démarche d’expérimentation et d’élaboration de nouveaux outils. Ils font aussi rayonner les œuvres en France et à l’international, au travers de l’organisation de festivals en coproduction avec des lieux de diffusion. Ces centres ont malheureusement été affaiblis par le désengagement financier des collectivités – la ville de Nice s’est retirée en 2022, et une menace pèse actuellement sur le Grame, à Lyon, en raison d’une baisse importante des subventions municipales.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. J’émets un avis favorable, dans le but d’encourager et de défendre des formes de pratiques professionnelles essentielles à la vie culturelle. Nous avons besoin d’ensembles musicaux indépendants, car ils favorisent la diversité de création et sont également pourvoyeurs d’emplois.

La commission adopte l’amendement.

Amendements II-AC269 et II-AC515 de M. Paul Vannier

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Le conservatoire de la ville d’Argenteuil, dans ma circonscription, contribue depuis les années soixante à l’émergence de l’école française de mandoline, dont le développement est aujourd’hui entravé. L’absence de diplôme de cycle 2 de mandoline, d’une part, contraint les mandolinistes titulaires d’un niveau licence à poursuivre leurs études à l’étranger, et rend difficile la suite de leur carrière puisque leur diplôme n’est alors pas reconnu en France. L’absence de certificat d’aptitude aux fonctions de professeur de mandoline, d’autre part, prive les enseignants de statut et ne favorise pas la pratique de cet instrument dans notre pays. Les crédits que mes deux amendements proposent d’allouer au développement de cette pratique restent modestes au regard du budget de la culture et, plus encore, de l’État.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je comprends que vous souhaitiez appuyer la professionnalisation de la pratique d’un instrument, mais la création d’un diplôme me semble relever d’une démarche réglementaire assez éloignée du vote d’un budget. Aussi mon avis sera-t-il défavorable. Il l’est également s’agissant de votre second amendement, d’autant plus que la réglementation des diplômes est régie par le code de l’éducation, hors du champ de notre mission.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Je note les observations de Mme la rapporteure pour avis, qui me permettront d’améliorer mes propositions pour l’an prochain. J’invite par ailleurs mes collègues qui ont soutenu les fanfares à voter, par cohérence, ces amendements qui contribueront à promouvoir la pratique de la mandoline – manifestement, c’est nécessaire !

La commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement IIAC42 de M. Frédéric Maillot.

Amendement II-AC383 de Mme Lisette Pollet

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement d’appel vise à assurer la continuité de la transmission de notre patrimoine. De nombreux monuments de notre héritage culturel, notamment des statues, sont vandalisés, voire saccagés. Face à ces actes parfois motivés par la haine de notre histoire, il faut prendre des mesures fortes. Les statuts racontent l’histoire de France ; les détériorer, c’est désavouer notre héritage.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je comprends votre volonté d’alerter sur les dégradations du patrimoine et partage dans une certaine mesure vos inquiétudes, mais les effets de cet amendement d’appel seraient nuls. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC513 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention sur le financement des opérateurs placés sous la cotutelle de plusieurs ministères. Il est en effet à déplorer que dans ce cas, le ministère de la Culture assure l’essentiel du financement des opérateurs. Il apporte par exemple les deux tiers environ des crédits de l’établissement public du palais de la Porte Dorée, dont il partage pourtant la tutelle avec le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’Intérieur et des outre-mer – ces deux derniers n’apportant pas le moindre financement. La contribution des différents ministères doit être rééquilibrée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC372 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). C’est un amendement d’appel qui concerne la Maison de l’histoire de France, dissoute par décret en décembre 2012, qui avait pour ambition de rendre accessible à tous la connaissance de l’histoire de France en constituant dans ce domaine un pôle national de référence. Dix ans après, alors qu’aucun projet d’une telle nature et d’une telle ambition n’a émergé, il serait souhaitable de faire revivre cette idée d’un pôle national de référence qui permettrait de faire connaître l’histoire de France à nos compatriotes d’aujourd’hui et de demain, et de faire découvrir aux citoyens d’autres nations la force des réalisations de notre civilisation et l’épopée de ses ancêtres. Notre collègue Mme Legrain prétendait tout à l’heure que nous ne faisions aucune proposition concrète : en voici une !

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je comprends que vous vous interrogiez sur l’abandon du projet de Maison de l’histoire de France, presque un an jour pour jour après sa création. De nombreux pays voisins et amis disposent d’un établissement retraçant leur histoire. Je pense notamment au musée allemand sis à Berlin, fondé en 1987 par la République fédérale, qui a ensuite accueilli les collections du musée historique allemand de l’Est lors de la réunification. Il ne s’agit pas, comme le prouve l’éclatante réussite de ce musée, d’adopter un point de vue nationaliste, mais de créer un lieu de recherche et d’histoire sur notre pays, ce qui me parait tout à fait légitime. Je soutiendrai donc votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Conformément à la préconisation de la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture modifiés.

 

Avant l’article 50

Amendement II-AC371 de Mme Caroline Parmentier

Mme Caroline Parmentier (RN). Nous demandons un rapport sur l’opportunité de reconstituer la Maison de l’histoire de France et le bénéfice que pourrait en tirer la société en termes de perspectives économiques ainsi que d’intérêt historique, culturel et éducatif.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. En cohérence avec l’amendement précédent, avis favorable. Ce projet me semble en effet mériter une étude sérieuse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC531 de Mme Jérémie Patrier-Leitus

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Cet amendement pourrait réunir nos collègues amoureux du patrimoine et ceux qui sont soucieux de la transition énergétique. Il concerne en effet l’extension à la rénovation énergétique de la liste des travaux pouvant être financés par le mécénat, s’agissant des monuments historiques privés. C’est ce que demandent la plupart des propriétaires de ces bâtiments, quelle que soit leur taille. Cet amendement n’ayant pas pu être défendu en première partie pour des conditions de forme, je me rabats sur une demande de rapport.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Avis favorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je voterai cet amendement, même si le mécénat n’est pas l’outil favori de notre groupe, car un rapport sur le sujet serait intéressant. Il est important, dans la perspective de la transition énergétique, que nous étudiions toutes les solutions qui permettront d’adapter le bâti de notre pays – en particulier les monuments historiques, où les travaux sont un peu plus délicats.

La commission adopte l’amendement.

*

 

 

 

 

 


—  1  —

   ANNEXE
Liste des personnes entendues par la rapporteure pour avis

(par ordre chronologique)

À l’Assemblée nationale

     Table ronde des opérateurs :

Musée du Louvre M. Kim Pham, administrateur général, Mmes Marie Lacambre, directrice financière, juridique et des moyens, et Mathilde Prost, conseillère au cabinet de la Présidente-directrice.

 Musée d’Orsay M. Pierre-Emmanuel Lecerf, administrateur général

 Centre national d'art et de culture Georges Pompidou  Mmes Julie Narbey, directrice générale, Charlotte Bruyerre, directrice générale adjointe, et Florie Yall, directrice juridique et financière

 Réunion des musées nationaux MM. Didier Fusillier, président, Christophe Chauffour, directeur général délégué, et François-Stéphane Hamon, responsable des relations institutionnelles et du développement territorial

 Établissement public du musée du quai Branly  M Jérôme Bastianelli, directeur général, et Mme Céline Lattès-Féraudy, directrice des affaires financières

       Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle  M. Emmanuel Ethis, recteur de l'académie de Rennes, vice-président, Mme Gaëlle Bebin, secrétaire générale, et Mme Florence Fantini, chargée de mission

       Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM) – Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, administratrice générale, Mme Pascale Heurtel, adjointe à l'administratrice générale pour le patrimoine, l'information et la culture scientifique, M. Stéphane Lefebvre, adjoint à l'administratrice générale en charge de la recherche et Professeur des universités en génie électrique, Mme Francine Mariani-Ducray, ex-conseillère d’État, directrice des musées de France de 2001 à 2008, actuellement missionnée pour le musée des Arts et Métiers, Mme Camille Beckers, directrice de cabinet, M. Damien Malinas, maître de conférences au CNAM, coordinateur de l'Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (INSEAC), Mme Julie Wozniak, inspectrice générale de l’Éducation nationale, coordinatrice des pôles de ressources pour l'éducation artistique et culturelle (PREACs) à l'INSEAC, et M. Emmanuel Ethis, administrateur de l'État, recteur de Bretagne, vice-président du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle (HCEAC) et en charge du projet de création de l'INSEAC

       Ministère de la culture – délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle  M. Noël Corbin, délégué général, et M. Julien Hista, chef du département des affaires générales de la délégation

       M. Christopher Miles, directeur général de la création artistique

       Union syndicale des employeurs publics du spectacle vivant (USEP-SV) M. Sébastien Justine, directeur des Forces musicales, Mme Aurélie Foucher, déléguée générale de Profedim, M. Vincent Moisselin, directeur de Syndeac, et Mme Laurence Raoul, directrice déléguée du SNSP

       La Scène IndépendanteM. Fabrice Roux, président de La Scène Indépendante, président de HappyProd et directeur-gérant de l’Archipel Paris, M. Philippe Chapelon, délégué général, et Mme Chrystèle Jongenelen, responsable communication et relations extérieures

       Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)  M. Dominique Garcia, président, M. Daniel Guérin, directeur général délégué, et M. Eddie Aït, délégué aux relations institutionnelles

     Table ronde du spectacle vivant privé :

 Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) – M. Pascal Guillaume, président, et Mme Anne-Claire Gourbier, déléguée générale

 Syndicat national du théâtre privé (SNDTP) Mmes Caroline Verdu, présidente, et Isabelle Gentilhomme, déléguée générale

 Syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles (PRODISS) *  Mme Malika Séguineau, directrice générale, et M. Aurélien Binder, vice-président du comité Salle et président du Fimalac Entertainment

 Syndicat national des cabarets (CAMULC) – Cabarets music halls lieux de création) – M. Philippe Lhomme, président du CAMULC, et M. Daniel Stevens, délégué général du CAMULC

 Syndicat des musiques actuelles (SMA)M. Laurent Decès, président du SMA et directeur délégué de Petit Bain, et Mmes Aurélie Hannedouche, directrice, et Mme Célie Caraty, chargée des affaires publiques

     Table ronde du spectacle vivant public :

 Association des scènes nationales (ASN)  M. Laurent Dréano, directeur de la MCA Amiens, président de l’ASN, Mmes Catherine Rossi-Batôt, directrice de LUX Scène nationale de Valence et trésorière de l’ASN, et Fabienne Loir, secrétaire générale ASN

 Association des centres dramatiques nationaux (ACDN)  Mmes Emilie Capliez, présidente, co directrice de la Comédie de Colmar, Julie Deliquet, directrice du TGP Saint Denis, membre du CA de l’ACDN, et Emmanuelle Queyroy, secrétaire générale

 Association des Centres chorégraphiques nationaux (ACCN)Mme Olivia Grandville et M. Alexandre Bourbonnais, co-présidents, et M. Thomas Da Silva Antunes, secrétaire général

 Association des centres de développement chorégraphique nationaux (A-CDCN)M. Stephan Lauret, président, Mme Anne Sauvage, vice-présidente, et M. Thomas Da Silva Antunes, secrétaire général

     Table ronde des artistes-auteurs :

 Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC)  Bessora, présidente, Mme Maïa Bensimon, déléguée générale, ou Emmanuel de Rengervé, délégué général

Ligue des auteurs professionnels *  M. Frédéric Maupomé, secrétaire général, et Mme Liza Pamela Landrevie, membre du conseil

 Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musiques (SACEM) *  M. Blaise Mister, directeur des relations institutionnelles

 Société civile des auteurs multimédias (SCAM) * – M. Vianney Baudeu, conseiller affaires institutionnelles et européennes, et Mme Pascale Fabre, directrice des affaires sociales

     Table ronde des associations :

MJC de France (CMJCF)  MM. Jean-Yves Macé, président, et Patrick Chenu, directeur général

 Association des Universités populaires de France (AUPF) – M. Alain Bozonnat, vice-président, Mmes Sandra Filleule, secrétaire, Julie Jomin, secrétaire adjointe, et M. Christian Marsillac, administrateur

     Table ronde d’associations des élus locaux :

 Association des maires de France (AMF)  Mme Frédérique Charpenel, maire de Soustons et membre de la commission culture de l’AMF, M. Sébastien Ferriby, conseiller culture et éducation, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

 Assemblée des départements de France (ADF) – Mme Véronique Rivron, première vice-président du département de la Sarthe, présidente de la commission attractivité culture sport tourisme de Sarthe culture et de Sarthe tourisme

     Vincenzo Cichelli et Sylvie Octobre, sociologues

  Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) * – M. Pascal Rogard, directeur général, M. Patrick Raude, secrétaire général, et M. Guillaume Prieur, directeur des relations institutionnelles et européennes

  Ministère de la culture et de la communication - direction générale des patrimoines et de l’architecture (DGPA)  M. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture, et M. Ludovic Abiven, sous-directeur des affaires financières et générales, et M. Arnaud Cono-Minssieux, chef du bureau de la programmation budgétaire et de la performance

  Direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco)  MM. Edouard Geffray, directeur général de l’enseignement scolaire, et Manuel Brossé, chef de la mission éducation artistique et culturelle

  Société Pass Culture  M Sébastien Cavalier, président, et M. Maxence Daniel, responsable de la prospective et des relations avec les pouvoirs publics

 

Dans le cadre d’un déplacement

  Château de Versailles – Mme Catherine Pégard, présidente de l’EPCV et M. Thierry Gausseron, administrateur général du Château

  MJC Saint-Donat-sur-l’Herbasse  MM. Eric Bordaz, directeur, et Dominique N’Doumou, président

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) MENTOR est une plateforme de formation en ligne pour les agents de la fonction publique d'État,

([2])  La Banque centrale européenne a ainsi annoncé en septembre 2023 la dixième hausse consécutive de son taux directeur depuis juillet 2022, ce taux s’établissant désormais à 4 %.

([3]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/7676463

([4])  Directions régionales des affaires culturelles (Drac) en métropole et directions des affaires culturelles (DAC), missions des affaires culturelles (MAC) et direction culture, jeunesse et sport (DCJS) dans les territoires ultramarins.

([5]) Un établissement religieux pourrait ainsi voir son usage partagé pour des usages autres que cultuels, mais qui restent compatibles avec ceux-ci (usage touristique patrimonial, épicerie solidaire, par exemple).

([6]) Les chiffres présentés dans cette partie sont issus du questionnaire budgétaire.

([7]) Voir notamment le rapport de la Cour des comptes : Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant, Rapport public thématique, mai 2022.

([8]) Soit respectivement : Gabrielle Légeret, fondatrice de l’association De l’or dans les mains ; Héloïse Leboucher, directrice du Campus Mode, Métiers d’art, Design - Manufacture des Gobelins ; Yann Grienenberger, directeur du Centre international d’art verrier de Meisenthal, en Moselle ; Hervé Lemoine, président du Mobilier national et Odile Hainaut, cofondatrice en 2011 de WantedDesign à New York pour le volet international.

([9]) Tels que le Centre national des arts de la rue de Brest, le Centre d’art Le Lait à Albi, la Scène nationale d’Aubusson ou encore le Centre de développement chorégraphique Les Hivernales à Avignon.

([10]) La ministre de la Culture a ainsi justifié cet abandon lors de sa conférence de presse du 27 septembre 2023 par un renchérissement prévisionnel de 45 % des coûts par rapport au budget initial prévu. https://www.culture.gouv.fr/fr/Actualites/Le-budget-du-ministere-de-la-Culture-connait-une-progression-significative

([11]) Chiffres fournis par le Syndicat des musiques actuelles.

([12]) Dans les réponses écrites fournies suite à son audition.

([13]) Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française.

([14]) Notamment 5 ETPT transférés depuis le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur destinés au renforcement des moyens alloués aux Ensa.

([15]) Cette série de podcasts consiste en un récit des aventures de « Toudou le doudou » accompagnée de « notices » en direction des parents expliquant les phases de développement de l’enfant.

([16]) Depuis les années 1970, l’enquête Pratiques culturelles du ministère de la Culture constitue le principal baromètre des comportements des Français dans le domaine de la culture et des médias. : elle est menée à échéance régulière et sa dernière édition remonte à 2018 : https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Etudes-et-statistiques/L-enquete-pratiques-culturelles/L-enquete-2018

([17]) INSEE.

([18]) Les musées de France comprennent les musées nationaux, musées placés pour la plupart sous la tutelle administrative du service des musées de France du ministère de la Culture, et des musées de collectivités territoriales ou de personnes morales.

([19]) Notamment : Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA), Confédération des maisons des Jeunes et de la Culture (CMJCF), Confédération nationale des foyers ruraux (CNFR), Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF, FRANCAS), Léo Lagrange, Ligue de l’enseignement, Peuple et Culture, Union française des centres de vacances et de loisirs (UFCV), ATD-Quart monde, CIMADE, Cultures du cœur, Emmaüs - Solidarité, Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), Secours catholique-Caritas, Secours populaire et Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les tziganes et les gens du voyage (FNASAT).

([20]) Voir infra pour son rôle et sa composition.

([21]) https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Education-artistique-et-culturelle/Actualites/Charte-pour-l-education-artistique-et-culturelle  

([22]) Qui pourrait sembler paradoxal, ou du moins redondant, dès lors qu’existent déjà à l’école des enseignements artistiques partageant cet objectif.

([23]) https://www.cnam-inseac.fr/objectif-100-eac

([24]) Les ministères sont cités dans leurs intitulés de 2016.

([25]) La DINSIC, devenue depuis la direction interministérielle du numérique (DINUM).

([26]) Décret n° 2021-628 du 20 mai 2021 relatif au Pass Culture et arrêté du même jour définissant les conditions d’application et la liste des biens et activités éligibles.

([27]) Décret n° 2021-1453 du 6 novembre 2021 relatif à l'extension du « pass Culture » aux jeunes en âge d'être scolarisés au collège et au lycée.

([28]) Décret n° 2023-443 du 7 juin 2023 étendant le bénéfice de la part collective du « pass Culture » aux élèves des classes de sixième et de cinquième et arrêté du 7 juin 2023 modifiant l'arrêté du 6 novembre 2021 portant application du décret n° 2021-1453 du 6 novembre 2021 relatif à l'extension du « pass Culture » aux jeunes en âge d'être scolarisés au collège et au lycée.

([29]) Réponses fournies suite à l’audition par la rapporteure pour avis.

([30]) Possibilité qui faisait partie des raisons justifiant le choix de la structure de la société par actions simplifiée.  

([31]) Cour des comptes, Le pass Culture : création et mise en œuvre, 18 juillet 2023.

([32]) https://assnat.fr/HpoEDI

([33]) https://assnat.fr/HpoEDI

([34]) https://assnat.fr/pcak9U.