Logo2003modif

N° 1781

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME V

 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET VIE ÉTUDIANTE

 

 

Par M. Hendrik DAVI,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 37).


 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 

Pages

introduction

première partie :  analyse des crédits

I. Le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire : une évolution des crédits qui ne compense pas l’inflation et qui suscite de nombreuses inquiétudes

A. L’action 1 : Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

B. L’action 2 : formation initiale et continue de niveau master

C. L’action 3 : formation initiale et continue de niveau doctorat

D. L’action 4 : Établissements d’enseignement privÉs

E. L’action 5 : bibliothèques et documentation

F. L’action 13 : diffusion des savoirs et musées

G. L’action 14 : immobilier

H. l’action 15 : pilotage et support du programme

II. Le programme 231 Vie étudiante : une hausse budgétaire insuffisante pour répondre à la crise sociale

A. l’action 1 : aides directes

B. l’action 2 : aides indirectes

C. l’action 3 : santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

D. l’action 4 : pilotage et animation du programme

deuxième partie : La dangereuse progression du secteur privé dans le supérieur

I. Une cartographie de l’enseignement privé dans le supérieur

A. Le privé non-lucratif, un Écosystème COMPLEXE

1. Les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig)

2. La Conférence des grandes écoles

B. un secteur du privé lucratif dominé par quelques grands groupes

1. Galileo Global Education (GGE)

2. Le groupe Omnes

3. Le groupe Ionis

C. Le coût des formations

II. Les causes de l’augmentation du nombre d’étudiants dans les filières privées du supérieur

A. Les chiffres de l’augmentation

B. Le Manque de places dans le public

C. La montée en puissance de l’apprentissage

D. Parcoursup, une plateforme utilisée comme une vitrine par certains acteurs du privé lucratif

E. D’importants investissements financiers

F. L’entrée d’anciens membres du gouvernement dans des groupes d’enseignement supérieur privé

G. des Politiques publiques favorisant le privé

III. des conséquences néfastes pour les étudiants, les familles et la société dans son ensemble

A. L’accroissement des inégalités sociales dans l’enseignement supérieur

B. La pénétration des tarifs du privé dans le public

C. Une menace pour le droit à l’éducation

D. Les conséquences pour les personnels et la cité

E. Un système non pérenne : Le déficit de France compétences

F. L’effacement de la distinction entre titres (compétences) et formations (qualifications)

G. Les dérives du supérieur lucratif

IV. Recommandations

A. À court terme : mieux encadrer le secteur privé

B. À long terme : renforcer le secteur public et limiter le recours au secteur privé

Travaux de la commission

I. AUDITION DE LA MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

1. Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30

2. Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 15 heures

ANNEXE : Liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

 


—  1  —

 

   introduction

Le 25 septembre 2023, un collectif de chercheurs, parmi lesquels le Prix Nobel de physique 2022 Alain Aspect, écrivait dans le journal Le Monde : « Limiter ce réchauffement et nous y adapter est un devoir impératif et supérieur : voilà le plus grand défi de l’histoire humaine. Dans l’agriculture, l’industrie, le transport, les énergies fossiles constituent la base même de la société moderne et industrielle. S’en passer implique une nouvelle organisation collective, et en particulier une transformation profonde de nos outils techniques et industriels. Décarboner les procédés énergétiques, physiques, chimiques et agricoles qui sous-tendent le monde industrialisé afin d’éviter des millions de morts : telle est notre responsabilité historique. » Pour assurer la transition écologique et la relocalisation de notre industrie, nous avons besoin de plus de recherches scientifiques et de plus de qualifications pour notre jeunesse, du certificat d’aptitude professionnel (CAP) au doctorat.

Or le budget de la mission Recherche et enseignement supérieur qui figure dans le projet de loi de finances pour 2024 prévoit 32,3 milliards d’euros en autorisation d’engagement (AE) et 31,8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente seulement 6,5 % du budget général de l’État, contre plus de 6,97 % en 2017. La part de la dépense de l’État dans les dépenses pour l’enseignement supérieur a chuté de 67,9 % en 2017 à 60,2 % en 2022, la moyenne de l’OCDE étant à 70,1 % en 2020 ([1]). Depuis 2013, la dépense moyenne par étudiant à l’université a baissé de 10 % en euros constants ([2]).

À la rentrée 2023, 2 921 800 étudiants étaient inscrits à une formation de l’enseignement supérieur. Les effectifs se stabilisent donc, après une forte augmentation de près de 26 % depuis 2011.

Avec environ 15,27 milliards d’euros, le programme 150 augmente de 0,47 % en AE. Le taux d’inflation s’est élevé à 4,9 % en 2023 et atteindrait 2,6 % en 2024, selon les hypothèses retenues par le Gouvernement. Dès lors, la hausse des crédits du programme 150 est très loin de compenser l’inflation et les crédits sont en réalité en baisse en euros constants de 114 619 739 euros, soit 0,77 % (voir dans le détail le tableau ci-dessous, qui porte également sur le programme 231 Vie étudiante).

Variation des crédits des programmes 150 et 231 entre la LFI pour 2023
et le PLF pour 2024

(en euros courants et constants)

 

 

 

Programme 150

Programme 231

Crédits LFI 2023

15 205 807 643 (AE)

14 907 800 643 (CP)

3 136 414 445 (AE)

3 130 191 945 (CP)

Crédits PLF 2024 en euros courants

15 277 052 720 (AE)

15 180 783 720 (CP)

3 357 406 410 (AE)

3 326 639 077 (CP)

Évolution en euros courants

+ 71 245 077 (AE)

+ 272 983 077 (CP)

+ 220 991 965 (AE)

+ 196 447 132 (CP)

Évolution en euros constants (1)

- 324 105 921 (AE)

- 114 619 739 (CP)

+ 139 445 189 (AE)

+ 115 062 141 (CP)

(1) Différence entre les crédits prévus par le projet de loi de finances, libellés en euros courants, et le montant des crédits inscrits dans la LFI pour 2023 en euros constants – hypothèse d’inflation de 2,6 %. PLF 2024 (en euro 2023) – LFI 2023 (en euro 2024)

Par ailleurs, le PLF pour l’année 2024 ne prévoit qu’une compensation très partielle des coûts liés aux nouvelles mesures salariales annoncées en 2023, avec une prise en charge de seulement 155 millions, sur les 254 millions d’euros que ces mesures représentent pour l’année 2024 pour les opérateurs du programme 150. Le Gouvernement attend donc que les établissements d’enseignement supérieur financent ces coûts sur leurs fonds de roulement, ce qui met à mal leur capacité d’investissement, notamment pour la transition écologique.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur pour avis émet un avis défavorable sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Ce manque chronique d’investissement dans l’enseignement supérieur conduit à une forte augmentation de la place prise par le secteur privé. C’est pour cette raison que le rapporteur pour avis a fait porter la seconde partie du rapport sur ce phénomène.

La progression est vertigineuse, le nombre d’étudiants inscrits dans le privé est passé de 291 970 en 2001, soit 13 % du nombre total d’étudiants, à 766 811  en 2022, soit plus de 26 % de l’ensemble, ce qui représente une progression de près de 160 % en valeur absolue ([3]). Les causes de cette progression rapide du privé sont multiples et complexes. D’abord, la loi pour l’orientation et la réussite des étudiants a introduit une sélection plus forte à l’entrée en licence avec la création de la plateforme Parcoursup. Cette sélection associée au manque de places en licence a conduit de nombreux étudiants à se reporter sur les offres privées. La même dynamique semble être à l’œuvre maintenant pour les masters. Ensuite, la plateforme Parcoursup a offert une vitrine à certaines formations privées. A contrario, d’autres formations ont choisi de rester en dehors de Parcousup et constituent un recours pour les étudiants en échec sur Parcousup. Le secteur privé a aussi massivement bénéficié de la réforme de l’apprentissage et de la marchandisation du secteur, avec un marketing agressif et une présence accrue dans les salons étudiants. En 2023, la presse a relayé de nombreux cas d’escroqueries dans l’enseignement supérieur privé et la détresse des familles et des étudiants. La progression des formations supérieures payantes entraîne en outre une reproduction et un approfondissement des inégalités sociales entre étudiants. Il est donc nécessaire de limiter le recours au privé et de mieux réguler ce secteur. C’est le sens des 17 recommandations formulées à la fin de ce rapport.


—  1  —

   première partie :
analyse des crédits

I.   Le programme 150 – Formations supérieures et recherche universitaire : une évolution des crédits qui ne compense pas l’inflation et qui suscite de nombreuses inquiétudes

Le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire poursuit six grands objectifs développés dans le projet annuel de performances (PAP), auxquels sont adossés 17 indicateurs de performance. Le programme doit ainsi permettre de répondre aux besoins de qualification supérieure par la formation tout au long de la vie (1), accroître la réussite des étudiants (2), produire des connaissances scientifiques au meilleur niveau international (3), améliorer le transfert et la valorisation des résultats de recherche (4), renforcer l’ouverture européenne et internationale des établissements (5) et accentuer l’efficience des opérateurs (6).

Avec environ 15,27 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et près de 15,18 milliards d’euros de crédits de paiement (CP), le programme 150 représente l’enveloppe la plus importante de la mission Recherche et enseignement supérieur. En comparaison avec la loi de finances initiale pour 2023 ([4]), ces montants sont en augmentation de 0,47 % en AE et de 1,83 % en CP. La différence entre les montants en AE et en CP découle des spécificités de l’action 14 portant sur la politique immobilière. Trois principaux facteurs sont à l’origine de cette hausse des crédits :

– la poursuite de la mise en œuvre de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche, dite loi « LPR », qui prévoit une trajectoire de revalorisation des rémunérations statutaires et indiciaires, ainsi que de nouvelles voies de recrutement des enseignants et des chercheurs. 141,7 millions d’euros hors transferts de moyens nouveaux sont prévus sur le programme 150 pour soutenir cette trajectoire ([5]) ;

– les mesures nouvelles en faveur du personnel, qui représenteraient 155 millions d’euros, dont près de 100 millions d’euros liés aux mesures annoncées par le Gouvernement le 12 juin 2023. Ces mesures consistent principalement en la hausse de 1,5 % de la valeur du point d’indice, entrée en application depuis le 1er juillet 2023, la revalorisation des bas salaires, avec une hausse catégorielle jusqu’à neuf points pour les agents de catégorie C et B en début de carrière, effective depuis le 1er juillet 2023 également et enfin une augmentation générale de cinq points des indices majorés en faveur des titulaires et des agents publics contractuels, qui devrait entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2024. À cela s’ajoutent également d’autres mesures sociales pour revaloriser les jours épargnés sur un compte épargne temps (CET) ainsi que des évolutions concernant le remboursement des titres de transport ;

– le prolongement de la réforme des formations de la santé, pour 7 millions d’euros, qui se traduit par la mise en place de nouvelles formations médicales en odontologie ainsi que par l’instauration progressive d’une quatrième année de médecine générale.

Il convient aussi de noter la baisse de 17,8 millions d’euros, qui correspond, selon les informations figurant dans le PAP, à un ajustement opéré au regard de la réalité des effectifs et de la dépense en exécution. Cette baisse concerne principalement la cotisation employeur à la protection sociale complémentaire, la réforme des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé) et la compensation des droits d’inscription pour les étudiants boursiers partiellement exonérés.

Avant d’en venir à l’analyse des crédits par action, le rapporteur pour avis souhaite formuler plusieurs observations liminaires sur le budget du programme 150 et les inquiétudes qu’il suscite.

En premier lieu, il est utile de replacer l’analyse de l’évolution des crédits du programme 150 dans le contexte inflationniste que connaît la France depuis deux ans. Le taux d’inflation s’est élevé à 4,9 % en 2023 et atteindrait 2,6 % en 2024, selon les hypothèses retenues par le Gouvernement ([6]). Dès lors, la hausse des crédits du programme 150 (0,47 % en AE et 1,83 % en CP) est loin de compenser l’inflation et les crédits sont en réalité en baisse en euros constants.

En deuxième lieu, les auditions conduites par le rapporteur pour avis l’ont alerté sur l’insuffisante compensation par l’État de l’augmentation des charges supportées par les opérateurs du programme. Le projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2024 ne prévoit qu’une compensation très partielle des coûts liés aux nouvelles mesures salariales annoncées en 2023, dont le montant global est estimé à 254 millions d’euros pour l’année 2024 pour les opérateurs du programme 150 ([7]). Or, seuls 155 millions d’euros supplémentaires sont prévus, ce qui devrait permettre une compensation, en loi de finances initiale, de la moitié seulement des surcoûts engendrés par ces mesures. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche entend également soutenir en gestion les établissements les plus fragilisés, pour arriver au total à une compensation globale de 60 %.

Le Gouvernement attend donc que les établissements d’enseignement supérieur financent sur leurs fonds de roulement dits « mobilisables » le reste du coût afférent à ces mesures. Les fonds de roulement des universités représentaient 2,6 milliards d’euros en 2022. France Universités estime toutefois que le montant des fonds de roulement réellement mobilisable est de l’ordre de 600 millions d’euros ‒ soit moins de 10 millions d’euros par université. Concernant le montant des fonds de roulement des universités, France Universités en explique l’origine en rappelant que les universités sont tenues, avant d’engager une opération d’investissement, de mobiliser la totalité de son financement. La hausse des fonds de roulement ces dernières années s’explique aussi par la part de plus en plus importante prise par les appels à projets, notamment ceux des programmes d’investissement d’avenir (PIA) et de France 2030, dans le financement des universités : l’exécution de ces crédits, qui sont fléchés, se prolonge souvent sur plusieurs années ce qui contribue à gonfler les fonds de roulement.

Les universités constatent une dégradation de leur situation financière depuis 2022, en raison du financement insuffisant de l’État concernant la masse salariale et l’augmentation des coûts de fonctionnement courant. Pour l’année 2023, deux tiers des universités pourraient présenter un résultat déficitaire ([8]). Les universités ont d’ores et déjà dû financer le coût des mesures salariales effectives depuis le mois de juin 2023, pour un coût global estimé entre 130 et 140 millions d’euros. Le rapporteur pour avis souscrit aux propos tenus par France Universités, qui considère que, « s’il n’est pas illogique que les universités financent les mesures qui favorisent l’amélioration des conditions de travail et dont les coûts sont limités, elles considèrent en revanche que l’État doit financer celles qu’il décide, surtout lorsqu’elles s’appliquent à tous les agents de l’État. Il ne nous paraît pas normal que près de 15 ans après le passage aux responsabilités de compétences élargies (RCE), les règles présidant à l’actualisation de la masse salariale et notamment "le principe du décideur payeur" ne soient toujours pas clairement établies. »

D’après France Universités, la dépense de fonctionnement courant s’est accrue de près de 18 % en 2022 par rapport à 2021 (+ 400 millions d’euros), cette hausse s’expliquant en grande partie par des augmentations de la dépense énergétique. Pour 2023, l’augmentation pourrait être supérieure à 10 %. En fin de gestion 2023, 100 millions d’euros provenant du fonds de compensation des surcoûts énergétiques devraient être répartis entre les établissements au prorata de leurs surcoûts énergétiques, mais cela reste insuffisant au regard des besoins. Pour 2024, le Gouvernement indique que les éventuelles compensations seront examinées en fin de gestion, ce qui place les opérateurs dans une grande incertitude et obère encore leur capacité de financement.

Le rapporteur pour avis considère qu’il n’est pas acceptable de demander aux universités de puiser dans leurs fonds de roulement pour financer des mesures salariales, qui seront par définition pérennes et récurrentes. Cette politique risque de grever les capacités d’investissement des universités, notamment en matière de rénovation du bâti, alors que les besoins en la matière sont essentiels et d’ailleurs affichés comme prioritaires par le Gouvernement, ce qui rend les choix politiques opérés sur le programme 150 particulièrement incohérents. Le rapporteur pour avis craint que cette tendance ne se traduise par des dépenses plus contraintes concernant le personnel et dégrade les conditions d’accueil des étudiants et des agents. De surcroît, il convient aussi de rappeler les disparités existantes entre universités en matière financière, les chiffres consolidés communiqués concernant les fonds de roulement ne permettant pas une analyse fine de la situation par établissement. Le rapporteur craint que ces décisions ne conduisent in fine à encourager le développement de l’enseignement supérieur privé, qui pose pourtant de nombreuses difficultés évoquées dans la seconde partie de ce rapport.

Concernant la maquette budgétaire, deux points saillants méritent d’être soulignés.

En premier lieu, le rapporteur pour avis regrette l’absence de données dans le PAP sur la question des dépenses et du taux d’encadrement par étudiant, alors qu’il s’agit pourtant d’éléments d’appréciation essentiels pour mesurer l’efficacité des politiques publiques financées par le programme 150. Deux tendances ressortent des chiffres communiqués par le Gouvernement dans les réponses apportées au questionnaire budgétaire : la dépense moyenne par étudiant à l’université a baissé et les écarts entre filières se sont creusés. En 2022, la dépense moyenne par étudiant atteignait 12 250 euros pour l’ensemble du supérieur, tous financeurs et toutes formations confondus, y compris l’apprentissage. En euros courants, elle continue à progresser (de 1,4 % en 2022 après 3,2 % en 2021) mais elle recule en euros constants (de 1,5 % en 2022 après un recul de 1,8 % en 2021 et plusieurs années de baisse ou de stabilité). Depuis 2013, la dépense moyenne par étudiant à l’université a baissé de 10 % en euros constants. Cette diminution découle de l’écart entre la progression des effectifs sur la même période (+ 13,2 %) et les financements supplémentaires alloués aux universités (+ 1,9 % en euros constants). Dans le même temps, le coût moyen par élève de sections de technicien supérieur (STS) et de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) a augmenté (de 3,0 % et 3,2 % respectivement). Ces chiffres témoignent du sousinvestissement chronique de l’État dans l’enseignement supérieur ainsi que des inégalités croissantes entre catégories d’établissements.


Évolution de la dépense moyenne par étudiant depuis 2013

(en euros constants aux prix 2022)

 

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

La baisse du nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur à la rentrée 2022 est en partie conjoncturelle, puisque les projections repartiraient à la hausse à compter de 2024 (voir encadré infra). Il convient dès lors d’être très vigilant face à ceux qui argueraient de la baisse du nombre d’étudiants pour défendre une diminution de la dépense publique allouée à l’enseignement supérieur.

Évolutions du nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur

Après quatorze années de hausse consécutive, le nombre d’étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur en France a baissé de 1,5 % en 2022, avec 2,93 millions d’étudiants inscrits. Le nombre d’étudiants inscrits à l’université diminue de 3,4 %, tandis qu’à l’inverse, le nombre d’étudiants formés dans les établissements d’enseignement privés augmente de 3,3 % et représente 26,1 % des étudiants, soit 1,2 point de plus qu’en 2021 ([9]).

Les projections publiées par le service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche estiment à 2,92 millions le nombre d’étudiants pour la rentrée 2023, soit une baisse de 0,5 % par rapport à l’année 2022. Cette diminution serait donc plus modérée que celle constatée entre les rentrées 2021 et 2022. La décroissance des effectifs universitaires est en partie compensée par la croissance observée dans les établissements privés. À la rentrée 2024, en suivant des hypothèses tendancielles, 2,93 millions d’étudiants pourraient être recensés, soit une quasi-stagnation (+ 0,2 %).

Le nombre de bacheliers poursuivant à l’université repartirait à la hausse en 2023, après deux années consécutives de forte baisse, sans toutefois compenser la diminution des effectifs en deuxième et troisième années. Cela se traduirait par un nouveau repli des effectifs en licence : – 2,0 % en 2022, soit – 19 500 étudiants.

En second lieu, le rapporteur pour avis déplore l’absence de vision d’ensemble des dépenses publiques consacrées à l’enseignement supérieur et à la recherche, notamment en raison de l’importance des PIA et de France 2030. Il considère qu’il est aujourd’hui nécessaire de garantir un meilleur équilibre pour les établissements d’enseignement supérieur entre les financements sur appels à projets et les financements récurrents, au profit de ces derniers, car les appels à projets sont source d’instabilité quant au maintien dans le temps des financements alloués, ce qui a pour conséquence de fragiliser la recherche publique française. On peut noter que, pour l’année 2024, l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir » devrait être doté d’une enveloppe de 700 millions d’euros, fléchée pour adapter les offres de formation aux besoins de l’industrie verte et des filières en tension.

Enfin, le rapporteur pour avis regrette, pour la deuxième année consécutive, que les dépenses fiscales contribuant au programme 150, qui s’élèvent à 3,2 milliards d’euros ([10]), ne fassent pas l’objet d’évaluations en dépit de leur montant significatif.

*

Les crédits du programme 150 sont répartis au sein des neuf actions suivantes :

– les actions 1 à 3 regroupent les crédits attribués au financement des formations supérieures et portent respectivement sur la licence, le master et le doctorat ;

– l’action 4 est relative au soutien public apporté aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig) et aux associations assurant la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés ayant conclu un contrat d’association avec l’État ;

– l’action 5 concerne le financement des bibliothèques universitaires et de la politique en matière de documentation scientifique ;

– l’action 13 comporte des crédits concernant les musées scientifiques nationaux et la numérisation de leurs collections ;

– l’action 14 correspond à la politique immobilière des opérateurs du programme ;

– l’action 15 rassemble les crédits concernant le pilotage et le support du programme ;

– l’action 17, consacrée à la recherche, est quant à elle rattachée au périmètre de l’avis budgétaire sur la recherche.

A.   L’action 1 : Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

L’action 1 du programme 150 rassemble les moyens budgétaires relatifs au financement des formations du premier cycle des études supérieures, du baccalauréat à la licence. Elle rassemble un quart des crédits du programme 150. L’un des objectifs de ce programme est de mener 50 % de chaque classe d’âge à l’obtention d’un diplôme supérieur, toutes filières du baccalauréat confondues. La formation du premier cycle des études supérieures poursuit deux grandes missions : d’une part, la qualification professionnelle correspondant à des fonctions de technicien supérieur ou de cadre intermédiaire pour les étudiants qui ne poursuivent pas d’études de niveau master au terme du premier cycle, et, d’autre part, la préparation des étudiants à l’entrée dans le deuxième cycle master.

Le projet annuel de performances prévoit l’attribution de 3 920 millions d’euros en AE et en CP pour cette action. Ces crédits sont en hausse de 0,98 % par rapport à ceux figurant dans la loi de finances pour l’année 2023. Cette augmentation est très en dessous de la prévision d’inflation (2,6 %) et de la revalorisation du point d’indice de 1,5 % décidée par l’État.

3 873 millions d’euros en AE et en CP correspondent aux subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme. Les crédits restants ont vocation à financer des dépenses de personnel (titre 2), soit les rémunérations versées directement par l’État. La place prépondérante occupée par les subventions pour charges de service public, que l’on retrouve pour l’ensemble du programme 150, est la traduction budgétaire du principe d’autonomie de gestion des établissements d’enseignement supérieur, qui gèrent directement leur masse salariale. À cet égard, le rapporteur pour avis renouvelle son souhait, exprimé l’année dernière, de voir ces crédits assortis d’une évaluation indicative de leur ventilation par titre sur la base des documents budgétaires de chaque établissement, compilés à l’échelle nationale.

Sur les 3,87 milliards d’euros versés au titre de la couverture des charges de service public, 3,62 milliards d’euros constituent des crédits de masse salariale, dont 98,5 millions d’euros de moyens nouveaux ([11]). Les moyens nouveaux correspondent pour 27,6 millions d’euros à la poursuite des mesures découlant de la LPR (revalorisation indemnitaire et mesures de recrutement) et pour 42,3 millions d’euros aux mesures nouvelles de revalorisation salariale. De façon plus subsidiaire, ces moyens nouveaux participent également pour 4,1 millions d’euros à la mise en place d’un nouveau site de la faculté de médecine aux Antilles ainsi qu’à la création de six nouvelles facultés d’odontologie. En outre, 3 millions d’euros sont retirés des moyens alloués à la protection sociale complémentaire au regard des données d’exécution. Le reste de la subvention pour charges de service public correspond à des crédits de fonctionnement, qui permettent notamment la compensation de l’exonération des droits d’inscription pour les étudiants boursiers.

Le rapporteur pour avis déplore la trop modeste augmentation budgétaire des crédits de masse salariale. Ces crédits ne permettent pas d’envisager une revalorisation suffisante du niveau des rémunérations et empêchent également de procéder à des recrutements significatifs, qui seraient pourtant nécessaires pour améliorer le taux d’encadrement des étudiants.

Les établissements publics d’enseignement supérieur sous tutelle du ministère comptabilisent 1 032 800 étudiants inscrits en cursus licence pour la rentrée 2022-2023, dont 57 400 inscrits en parallèle en CPGE ([12]). C’est en licence que la baisse des effectifs à l’université est la plus marquée, avec une diminution de 4,3 % à la rentrée 2022-2023, en comparaison avec la rentrée précédente. Cette tendance concerne particulièrement les néo-bacheliers. Comme le constate le service statistique du ministère, « les bacheliers, moins nombreux à la session 2022 qu’à la session 2021 (– 3,2 %), s’inscrivent moins souvent à l’université : le nombre de néo-bacheliers à l’université baisse de 4,9 % ».

Si cette décroissance peut avoir mécaniquement un impact positif en matière de dépense par étudiant, elle ne compensera pas les années de sousinvestissements structurels dans l’enseignement supérieur.

Le rapporteur pour avis déplore également la généralisation du principe de sélection à l’ensemble de l’enseignement supérieur, qui se poursuit en 2024 et opère via la plateforme Parcoursup. Ce choix politique, qui est aussi une réponse au sous-investissement structurel des pouvoirs publics dans l’enseignement supérieur, entre en contradiction avec l’objectif d’élévation du niveau général des qualifications ainsi qu’avec le droit pour chaque étudiant de poursuivre ses études.

Par ailleurs, il manque indéniablement des places en licence. Selon les chiffres du service du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche en charge du système d'information et des études statistiques (SIES), le nombre de bacheliers qui n’ont pas trouvé la formation de leurs choix sur Parcoursup demeure toujours élevé depuis 2018, oscillant entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 et 21 % des bacheliers.

B.   L’action 2 : formation initiale et continue de niveau master

L’action 2 du programme 150 regroupe les crédits destinés aux formations de niveau master – soit le deuxième cycle des études supérieures. Cette action représente 17,6 % du total des crédits du programme. Aux termes du projet annuel de performances, ces moyens visent à former des « cadres supérieurs nécessaires au développement social, économique, scientifique et culturel du pays ». À la rentrée universitaire 2022-2023, les inscriptions en cursus master dans les établissements publics sous tutelle du ministère représentaient 680 400 étudiants, dont 585 400 à l’université, le reste se répartissant dans des Écoles normales supérieures ou des écoles d’ingénieurs.

Le projet de loi de finances attribuerait 2 696 millions d’euros en AE comme en CP à cette action, contre 2 675 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2023, soit une augmentation de 0,77 %. La subvention pour charges de service public représente 2 667,5 millions d’euros en AE et en CP, dont 2 521,1 millions d’euros pour la masse salariale.

Les crédits de l’action 2 connaissent une augmentation limitée de 45,1 millions d’euros de moyens nouveaux. Cette évolution correspond à la mise en œuvre de la LPR, aux mesures de revalorisation salariale et à la poursuite de la réforme des études de santé.

Par ailleurs, il manque indéniablement des places en master. Au 15 septembre 2023, 156 010 candidats ont reçu une proposition d’admission. 43 349 étudiants n’ont pas obtenu de formations en master, ce qui représente 21,7 % des éligibles.

Le rapporteur pour avis regrette que, plutôt que de financer des ouvertures de nouvelles places dans les filières en tension, le Gouvernement préfère renforcer la sélection au stade du master, ce qui place les étudiants dans une grande insécurité et peut compromettre leur avenir professionnel. Le coût de la plateforme Mon Master est estimé à 4,6 millions d’euros. Dès 2023, des moyens supplémentaires en emplois (4 ETPT avec crédits de masse salariale associés) ont été alloués à l’administration centrale dans le cadre de la mise en place de cette plateforme. Ce sont là autant de moyens budgétaires qui ne sont pas directement mis au service de l’accueil et de la réussite des étudiants.

C.   L’action 3 : formation initiale et continue de niveau doctorat

L’action 3 porte sur la formation initiale et continue de niveau doctorat. Selon le projet annuel de performances, le cursus doctoral a pour objet de former des spécialistes et chercheurs de haut niveau, qui rejoignent le service public d’enseignement supérieur et de recherche, les administrations, et, de plus en plus, les entreprises.

Le présent projet loi de finances prévoit l’attribution de 484,2 millions d’euros en AE et en CP aux 295 écoles doctorales, contre 453,5 millions d’euros en AE et en CP en loi de finances initiale pour 2023, soit une augmentation de 8, 99 %. La subvention pour charges de service public représente 478,2 millions d’euros, dont 445 millions d’euros de masse salariale. 36,1 millions d’euros de moyens nouveaux sont prévus pour le financement de la LPR et 4,7 millions d’euros pour la revalorisation salariale. Il convient ici de rappeler que la LPR prévoit une revalorisation progressive de la rémunération des contrats doctoraux, avec un objectif de rémunération brute mensuelle de 2 300 euros à horizon 2026, soit une augmentation de la rémunération de 30 %. La LPR fixe également un objectif d’augmentation de 20 % du nombre de contrats doctoraux financés par le ministère.

La France compte aujourd’hui 70 697 doctorants. Comme l’a récemment mis en évidence une note publiée par le service statistique du ministère ([13]), depuis 2012, le nombre de docteurs diplômés diminue de 0,7 % en moyenne par an. Cette tendance s’est accélérée, en passant d’une décroissance moyenne de 0,2 % par an entre 2012 et 2017, à 1,2 % entre 2017 et 2022. Les inscriptions en première année de thèse sont en baisse de 4 % par rapport à l’année 2021-2022. Ce taux atteint 10,1 % pour les mathématiques et 13,1 % pour les sciences agronomiques et écologiques. Au total, le Gouvernement lui-même indique en réponse au questionnaire budgétaire que le nombre d’étudiants inscrits en doctorat a baissé de 14 % entre 2012 et 2022. Il convient également de souligner qu’un peu plus de 20 % des doctorants effectuent leur thèse sans financement. Ce chiffre masque des disparités majeures en fonction des domaines, puisqu’un doctorant sur deux en sciences humaines et sociales n’est pas financé (51 %, soit de 2 points de plus qu’en 2021). Les perspectives pour 2023 et 2024 montrent une poursuite de cette tendance (avec 800 doctorants en moins en 2023 et 700 en 2024) ([14]).

        

La diminution du nombre de docteurs et de doctorants est très préoccupante dans un contexte où nous avons besoin d’une élévation générale des connaissances. France Universités met d’ailleurs en garde contre le risque de décrochage de la recherche publique française. Les faibles rémunérations associées aux contrats doctoraux, lorsqu’ils existent, sont aussi à l’origine d’une fuite des cerveaux. Il s’agit d’une perte pour la France, qui a pourtant investi pour financer les formations du premier et du second cycle de ces étudiants. La valorisation insuffisante des docteurs dans le monde du travail nourrit aussi cette dynamique.

Les mesures de la LPR ne permettront pas à elles seules d’endiguer ce phénomène. Le rapporteur pour avis rappelle les préconisations qu’il a déjà formulées l’année dernière sur ces sujets et qui restent d’actualité :

– ouvrir la possibilité d’allonger d’un an le contrat doctoral pour les doctorants qui le souhaitent ;

– améliorer la rémunération des doctorants avec une revalorisation des contrats doctoraux, en les indexant sur l’inflation ;

– exonérer les doctorants du versement des frais de scolarité, dont ils doivent aujourd’hui s’acquitter, alors même qu’ils concourent dans la majorité des cas aux activités d’enseignement et de recherche ;

– favoriser l’embauche des doctorants dans l’administration publique, comme le préconise le rapport Gillet ([15]), ainsi que dans l’industrie en améliorant la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives.

D.   L’action 4 : Établissements d’enseignement privÉs

L’action 4 est consacrée au soutien public en faveur de certains établissements d’enseignement supérieur privés. L’action représente 0,6 % des crédits du programme 150, pour un montant de 94,9 millions d’euros en AE et en CP, soit le même montant qu’en loi de finances initiale pour l’année 2023. Ces crédits apportent des financements, d’une part, aux associations de gestion des établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig) et, d’autre part, aux associations concourant à la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés ayant conclu un contrat d’association avec l’État.

Créée par l’article 68 de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, la qualification d’Eespig bénéficie à des établissements à but non lucratif participant aux missions du service public de l’enseignement supérieur. Elle est accordée au terme d’une évaluation par une instance nationale, pour une durée maximale de cinq ans. On dénombre aujourd’hui 64 Eespig, qui assurent la formation initiale de 158 496 étudiants. Entre 2018 et 2023, les subventions versées au profit de ces établissements sont passées de 79,7 millions d’euros (rapport annuel de performances 2018) à 92,1 millions d’euros (rapport annuel de performances 2022), soit une augmentation de 16 %.

Les crédits de l’action 4 permettent également le versement de subventions aux quatre associations qui assurent la formation initiale des enseignants des établissements privés sous contrat du premier et du second degré.

Le rapporteur pour avis constate que, si les inscriptions des étudiants à l’université sont en baisse (de 3,4 %), celles du privé sont en augmentation (de 3,3 %). Des dérives importantes sont observées concernant l’enseignement supérieur privé à but lucratif – dont les Eespig ne font par définition pas partie. Le rapporteur pour avis s’interroge sur les causes du développement du secteur privé, en particulier à but lucratif, et sur les réponses politiques à y apporter dans la seconde partie du présent rapport.

E.   L’action 5 : bibliothèques et documentation

L’action 5 est consacrée au financement des politiques documentaires du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. L’enveloppe               allouée à cette action atteindrait 481,8 millions d’euros pour 2024, soit une légère hausse en comparaison des 474,6 millions d’euros en AE et en CP de la loi de finances initiale pour 2023. La subvention pour charges de service publique, versée aux bibliothèques et services de documentation des opérateurs du ministère, s’élèverait à 449,3 millions d’euros en AE et en CP. 348,1 millions d’euros de subvention pour charges de service public devraient être attribués au financement de la masse salariale, dont 6,1 millions d’euros de moyens nouveaux, qui traduisent la poursuite de la mise en œuvre de la LPR ainsi que les mesures de revalorisation salariale.

Les crédits de fonctionnement atteindraient 91 millions d’euros, pour le financement du fonctionnement des établissements et dispositifs relevant de l’administration centrale (Agence bibliographique de l’enseignement supérieur, Bibliothèque nationale de Strasbourg notamment).

Enfin, les crédits d’accompagnement s’élèveraient à 10,3 millions d’euros. Ils doivent notamment servir au financement du plan « bibliothèques ouvertes » (ouverture en semaine de 10 heures à 22 heures, le samedi après-midi et le dimanche) et assurer un soutien au réseau documentaire ainsi qu’au comité pour la science ouverte, chargé de développer l’accessibilité aux ressources scientifiques sous format électronique. 1,1 million d’euros serait attribué pour la formation initiale et continue des personnels, avec pour objectif d’accompagner l’émergence de nouvelles compétences en matière d’information scientifique et technique (IST), notamment numériques. L’action finance ainsi les centres de formation aux carrières des bibliothèques et les unités régionales de formation à l’IST.

Alors que les coûts liés aux achats de licences peuvent atteindre des niveaux conséquents, dans un contexte où les éditeurs de publications scientifiques enregistrent des profits considérables, le rapporteur pour avis appelle à la mise en place d’un service public de l’édition scientifique. Il tient aussi à mettre en exergue la nécessité de mettre à disposition gratuitement de façon plus systématique les manuels scolaires qui présentent un coût très important pour les étudiants obligés de les acheter, notamment pour préparer les concours nationaux dans des filières telles que le droit ou la médecine.

F.   L’action 13 : diffusion des savoirs et musées

L’action 13 comporte des crédits qui participent au financement de trois musées scientifiques nationaux : le Muséum national d’histoire naturelle, le Musée des arts et métiers du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), ainsi que le Musée du quai Branly-Jacques Chirac. L’action finance également l’informatisation et la mise en réseau des collections de ces établissements et de celles des muséums d’histoire naturelle régionaux et subventionne d’autres structures, telles que l’Office de coopération et d’information muséales, les Observatoires de Paris et la Côte d’Azur, le CNRS de Paris, l’École normale supérieure de Lyon et l’Institut de physique du globe de Paris.

Les crédits de l’action 13 – qui représentent 0,9 % de ceux du programme 150   sont estimés à 133,6 millions d’euros en AE et en CP pour l’année 2024, soit une légère augmentation de 1,93 % par rapport aux 131,1 millions d’euros de la loi de finances initiales 2023. Les subventions pour charges de service public s’élèvent à 108,1 millions d’euros en AE et en CP. Les moyens nouveaux portent exclusivement sur la masse salariale et atteindraient 0,9 million d’euros. Ils doivent permettre la poursuite de l’application de la LPR et la traduction des mesures de revalorisation salariale.

Tout comme l’année dernière, le rapporteur pour avis constate que ces évolutions sont loin de compenser l’inflation, alors que ces musées jouent un rôle essentiel pour la transmission artistique et culturelle.

G.   L’action 14 : immobilier

Avec 9 % des crédits du programme 150, l’action 14 porte le financement de la politique immobilière du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de ses opérateurs. Les crédits de cette action s’élèveraient à 1 368 millions d’euros en AE et 1 272 millions d’euros en CP, soit une baisse de 11,29 % en AE et une hausse de 2,20 % en CP – ce différentiel s’expliquant par des engagements importants conclus l’année précédente pour financer des projets pluriannuels. Hors crédits inscrits au programme 150, des fonds de concours et attributions de produits participent également à la politique immobilière du ministère et des établissements publics d’enseignement supérieur.

Le patrimoine immobilier bâti des établissements publics d’enseignement supérieur représente 6 300 bâtiments, soit 15 millions de m2 de surface. Selon le projet annuel de performances, la politique immobilière du ministère vise plusieurs objectifs : garantir de bonnes conditions de vie et de travail aux étudiants et personnels, notamment en assurant le respect des normes en vigueur et l’accessibilité, et favoriser le développement de campus plus durables, notamment à travers la rénovation énergétique des bâtiments. Elle s’inscrit aussi dans la logique d’autonomisation des universités et doit être mise au service de la soutenabilité financière des établissements, ce qui se traduit concrètement par des opérations de dévolution du patrimoine immobilier.

383,23 millions d’euros en AE et 286,96 millions d’euros en CP sont prévus pour financer les opérations de construction et de rénovation. Ces crédits sont pour près de la moitié – 186,5 millions d’euros en AE et 149,6 millions d’euros en CP – attribués dans le cadre des contrats de plan État régions pluriannuels (CPER) et des contrats de convergence et de transformation pour les territoires ultramarins (hors Guyane).

D’autres opérations sont financées hors CPER, pour 17,7 millions d’euros en AE et 18,5 millions d’euros en CP. Il s’agit notamment :

– des subventions versées au Muséum national d’histoire naturelle (10 millions d’euros en AE et en CP), qui doit notamment permettre de soutenir la création du centre national de la matière extraterrestre ;

– du financement de la décontamination du site d’Arcueil, site historique où se sont déroulés les essais scientifiques de Pierre et Marie Curie. Le coût total des travaux de dépollution est estimé à 30 millions d’euros, 0,3 million d’euros en AE et 1,5 million d’euros en CP étant prévus pour l’année 2024 au titre de l’action 13 du programme 150 ;

– du financement d’un plan quinquennal de remise à niveau du parc immobilier des cinq instituts de recherche situés à l’étranger qui dépendent du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, pour 2 millions d’euros en AE et CP pour l’année 2024 ;

– du contrat d’avenir Pays de Loire, qui doit contribuer au financement de trois opérations immobilières de l’université de Nantes ;

– de l’extension du site des Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine.

146,1 millions d’euros en AE et 60,53 millions d’euros en CP devraient être attribués pour la création du campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen grand Paris Nord.

32,9 millions d’euros en AE et 58,27 millions d’euros en CP sont prévus pour participer au financement des treize marchés de partenariat associés au programme 150. Il s’agit d’opérations telles que la restructuration du site Clignancourt Sorbonne Université, et plusieurs projets de campus à Dijon, Toulouse, Metz et Nancy. Le rapporteur pour avis considère que les marchés de partenariat public-privé doivent être contrôlés avec la plus grande attention, au regard de la gabegie financière qu’ils représentent bien souvent pour les pouvoirs publics.

457,98 millions d’euros en AE et en CP seraient affectés au financement de la masse salariale des personnels en charge de l’immobilier des établissements dotés des responsabilités et compétences élargies. Les moyens nouveaux alloués à ce titre atteindraient 8 millions d’euros.

426,4 millions d’euros en AE et en CP couvriraient les besoins liés à la maintenance et à la logistique immobilières des opérateurs du programme ainsi que, dans une moindre mesure, les besoins des opérateurs en matière de location immobilière (en cas de place insuffisante ou de travaux de réhabilitation nécessitant une location provisoire).

Enfin, 52,04 millions d’euros en AE et en CP correspondraient aux travaux de mise en conformité réglementaire, 21,94 millions d’euros à la dévolution du patrimoine immobilier et 7,5 millions d’euros au titre de la dotation de fonctionnement de l’établissement public d’aménagement universitaire d’Île‑de‑France.

Alors que le bâti universitaire est vétuste et énergivore, le rapporteur pour avis déplore l’absence d’une planification de l’État en matière de rénovation énergétique du bâti de l’enseignement supérieur à la hauteur des enjeux. L’obligation faite aux établissements d’enseignement supérieur de financer une partie des mesures salariales sur leurs fonds de roulement risque de freiner le lancement des projets de rénovation énergétique, alors que cette nécessité s’impose à la fois sur le plan financier et environnemental.

H.   l’action 15 : pilotage et support du programme

Les crédits inscrits à l’action 15 sont consacrés au financement de dépenses de pilotage et de support du programme 150, dont ils représentent 11,6 % de l’enveloppe totale. Aux termes du présent projet de loi de finances, l’action 15 atteindrait 1 769 millions d’euros en AE et en CP, contre 1 726 millions d’euros en AE et en CP dans la loi de finances initiale pour 2023, soit une augmentation de 2,49 %.

Ces crédits concernent les moyens consacrés au pilotage du système universitaire (tutelle et pilotage des établissements publics d’enseignement supérieur) ainsi que les moyens pour le pilotage opérationnel au sein des établissements. L’action finance également les bourses de mobilité, la formation des personnels enseignants-chercheurs et personnels ingénieurs, administratifs techniciens et ouvriers de service, ainsi que le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication au sein de ces établissements.

La subvention pour charges de service public s’élèverait à 1 571,1 millions d’euros en AE et en CP, dont 1 377,5 millions d’euros pour la masse salariale. 25,4 millions d’euros de moyens nouveaux sont attribués à ce titre, traduisant la poursuite de la LPR, pour 9,5 millions d’euros, les mesures de revalorisation salariale, pour 15,8 millions d’euros, et le renforcement de l’apprentissage pour 3,7 millions d’euros.

Les crédits de masse salariale comportent 35 millions d’euros pour la mise en place de contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP), déployés depuis 2023. 36 établissements ont été concernés par un COMP en 2023, 42 nouveaux établissements devraient l’être en 2024. Cette logique de contractualisation paraît traduire l’embarras des pouvoirs publics, qui après avoir encouragé l’autonomie des universités, cherchent désormais à récupérer une capacité de pilotage et de contrôle. Le rapporteur pour avis considère que les moyens budgétaires alloués à cet égard auraient pu être employés à meilleur escient si l’État n’avait pas dans un premier temps lui-même amorcé ce mouvement d’autonomie. Ce fut l’objet du rapport pour avis de l’an dernier.

Il convient enfin de souligner que l’action 15 finance également la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, pour un montant qui atteint 1 million d’euros. Le rapporteur relève le caractère limité de cette enveloppe, s’agissant d’un sujet pourtant prioritaire.

II.   Le programme 231 – Vie étudiante : une hausse budgétaire insuffisante pour répondre à la crise sociale

Le programme 231 Vie étudiante de la mission Recherche et enseignement supérieur porte la politique publique en faveur de l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Pour l’année 2024, le budget de ce programme atteindrait 3 357 millions d’euros en AE et 3 326 millions d’euros en CP, soit une augmentation respective de 7,05 % et 6,28 % en comparaison des crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2023.

Le programme 231 poursuit trois grands objectifs : la promotion de l’égalité des chances pour l’accès aux formations d’enseignement supérieur, l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants, et le développement du suivi de la santé des étudiants. Ces trois objectifs sont assortis de huit indicateurs de performance, parmi lesquels figurent l’accès à l’enseignement supérieur selon l’origine sociale, le ratio de réussite des étudiants boursiers par rapport aux étudiants non boursiers, ainsi qu’un bilan sur les enquêtes de satisfaction sur le logement et la restauration relevant du réseau des œuvres universitaires.

Les crédits dévolus au programme 231 doivent être replacés dans le contexte d’une hausse très significative de la précarité étudiante. 26 % des jeunes de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté ([16]). Les indicateurs de mesure de la précarité étudiante montrent une première accentuation du phénomène au moment de la crise sanitaire, suivie d’une aggravation provoquée par l’inflation des prix, en particulier alimentaires. Selon une enquête conduite par l’Unef à la rentrée 2023, les étudiants auraient besoin, pour couvrir la hausse des dépenses liées à l’inflation, de 49,56 euros supplémentaires par mois. Les principaux postes concernés sont d’abord l’alimentation (+ 14,3 %), l’électricité (+ 10,1 %) et les transports (+ 5,91 % pour les non-boursiers, + 3,95 % pour les boursiers). Selon un sondage réalisé par l’Ifop avec l’association COP1 paru au mois de septembre 2023, un étudiant sur deux limite ou renonce à des achats alimentaires, contre un quart de l’ensemble de la population française. Un étudiant sur deux a déjà sauté un repas pour des raisons financières. 50 % des étudiants ont un reste à vivre de moins de 100 euros après paiement de leur loyer.

Si la hausse des crédits du programme 231 est supérieure au niveau de l’inflation, il n’en demeure pas moins que ces évolutions sont en deçà des annonces faites par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche concernant la réforme des bourses (voir infra). En outre, les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) font face à des situations financières particulièrement tendues, avec un effet ciseau de plus en plus marqué entre l’augmentation des charges et les besoins croissants des étudiants en matière de restauration et de logement universitaires.

La structure interne du programme est la suivante :

– l’action 1 comprend les aides financières directes versées aux étudiants titulaires de bourses ;

 l’action 2 inclut les aides indirectes en faveur des étudiants, en particulier l’action du réseau des œuvres universitaires et scolaires en matière de logement et de restauration ;

– l’action 3 rassemble les crédits visant à l’amélioration de la santé des étudiants et finançant les activités associatives, culturelles et sportives ;

– l’action 4 porte des crédits de support et de pilotage, principalement destinés au réseau des œuvres universitaires et scolaires (Cnous et Crous).

A.   l’action 1 : aides directes

L’action 1 est constituée d’aides financières directes en faveur des étudiants. Elle représente 79,2 % des crédits du programme 231. Pour 2024, ses crédits atteindraient 2 658 millions d’euros en AE et en CP, contre 2 541 millions d’euros en application de la loi de finances initiale pour 2023 – soit une augmentation de 4,61 % (117 millions d’euros).

L’essentiel des crédits de l’action 1 est dévolu au financement des bourses sur critères sociaux, qui devrait atteindre 2 475,6 millions d’euros en 2024, contre 2 355,2 millions d’euros prévus dans le PAP de l’année dernière. Ces crédits sont en hausse et traduisent la mise en place de l’acte premier de la réforme des bourses. Entré en vigueur à la rentrée 2023, il prévoit :

– l’augmentation de 6 % des plafonds de ressource, ce qui devrait permettre d’accompagner 35 000 nouveaux boursiers ;

– la revalorisation de 37 euros par mois des montants des bourses versées, quel que soit l’échelon concerné, soit une hausse de 34 % pour le premier échelon et de 6 % pour le dernier.

Montant annuel des bourses à partir de la rentrée 2023

Échelon 0 bis

1 454 euros

Échelon 1

2 163 euros

Échelon 2

3 071 euros

Échelon 3

3 828 euros

Échelon 4

4 587 euros

Échelon 5

5 212 euros

Échelon 6

5 506 euros

Échelon 7

6 335 euros

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

À cela s’ajoutent deux autres évolutions paramétriques : un complément de trente euros versé aux boursiers qui suivent leurs études dans les territoires ultramarins ; une revalorisation de quatre points de charges attribués dans le calcul des bourses pour les étudiants en situation de handicap ou aidants d’une personne en situation de handicap, conformément aux annonces faites par le Président de la République en clôture de la sixième conférence nationale du handicap (26 avril 2023). Enfin, l’enveloppe totale allouée pour les bourses sur critères sociaux finance également le dispositif « grandes vacances universitaires », qui bénéficie à certains étudiants boursiers, notamment ceux situés loin de leur famille.

En complément des bourses sur critères sociaux, l’action 1 du programme 241 finance également d’autres aides directes :

– les aides au mérite, pour un montant total estimé à 42,8 millions d’euros. 900 euros par an sont accordés au titre de cette aide aux étudiants ayant obtenu la mention très bien au baccalauréat et bénéficiant d’une bourse sur critères sociaux. 47 000 aides au mérite pourront être distribuées en 2024 ;

 les aides à la mobilité internationale, pour 28,9 millions d’euros, bénéficient aux étudiants boursiers effectuant un programme d’échange universitaire à l’étranger. Son montant s’élève à 400 euros par mois ;

– les aides spécifiques (48,8 millions d’euros) sont versées aux étudiants confrontés à des difficultés particulières. Elles sont gérées par les Crous. Elles peuvent, pour certaines d’entre elles et sous conditions, bénéficier aux étudiants non boursiers en difficulté financière ;

– les aides à la mobilité dans le cadre de Parcoursup (10 millions d’euros) permettent l’attribution d’une aide de 500 euros qui participe à la couverture des coûts liés à l’entrée dans une formation de l’enseignement supérieur située hors de l’académie de résidence du bachelier ;

– sur le même modèle, les aides à la mobilité des étudiants en master (7,2 millions d’euros) permettent l’attribution d’un montant de 1 000 euros pour les étudiants diplômés du premier cycle et inscrits au sein d’un master qui n’est pas situé dans la région académique de leur licence.

Les crédits de l’ensemble de ces aides complémentaires aux bourses sur critères sociaux sont stables par rapport à ceux figurant dans la loi de finances initiale pour l’année 2023.

Les crédits de l’action 1 financeraient également à hauteur de 2,4 millions d’euros la grande école numérique (GEN), constituée sous la forme d’un groupement d’intérêt public, qui labellise les formations courtes et qualifiantes préparant aux métiers du numérique. Des aides financières peuvent être attribuées aux étudiants concernés, s’ils ne disposent pas d’aides au titre de la formation et de l’insertion professionnelles, selon les mêmes règles que pour les bourses sur critères sociaux.

4,2 millions d’euros de l’action 1 participeraient au financement d’un fonds de garantie géré par BPIfrance, qui offre une garantie de l’État pour des prêts étudiants conclus auprès de banques partenaires, pour un montant maximal de 20 000 euros.

Le reste des crédits de l’action vise à abonder les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme. 38,7 millions d’euros sont prévus au titre de la rémunération des personnels administratifs et sociaux responsables de la gestion des aides directes au sein des Crous. Ce montant est en hausse de 5,8 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023, en lien avec les mesures de revalorisation salariale. Cette enveloppe doit aussi permettre la création du Crous de Mayotte et le recrutement de nouveaux gestionnaires de bourse pour le Crous Orléans-Tours.

Le rapporteur pour avis constate que l’effort budgétaire en faveur des bourses sur critères sociaux consenti par l’État sur le programme 231 s’élève donc à environ 120 millions d’euros, un montant bien inférieur aux 500 millions d’euros initialement évoqués par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche au printemps 2023. Si les mesures annoncées constituent une avancée, elles n’en restent pas moins largement en deçà des besoins. Les 37 euros supplémentaires ne couvrent pas les 49 euros supplémentaires nécessaires du fait de l’inflation des prix, calculés par l’Unef. En outre et de manière plus générale, le rapporteur pour avis estime que les annonces ministérielles qui ne sont que partiellement suivies nuisent à la crédibilité de la parole publique.

Comme cela a été confirmé au rapporteur pour avis au cours des auditions, le ministère entend en réalité financer l’essentiel de cette réforme en se fondant sur la sous-consommation des crédits concernant les bourses sur critères sociaux, qui s’explique par la diminution du nombre des boursiers. La baisse du nombre et de la part d’étudiants boursiers, qui peut surprendre dans un contexte de précarité étudiante grandissante, est bien réelle. Ainsi, l’enveloppe destinée au financement des bourses sur critères sociaux s’élevait à 2 355,2 millions d’euros dans le PAP 2022, pour une consommation de 2 165,81 millions d’euros (selon le rapport annuel de performances 2022). En 20222023, les boursiers sur critères sociaux dans l’enseignement supérieur représentent 36,3 % de l’ensemble des étudiants, soit le niveau le plus bas depuis dix ans ([17]). Il convient aussi de souligner que les inégalités ont eu tendance à se creuser entre les différentes filières, les établissements publics accueillant une part deux fois plus importante de boursiers que les établissements privés. La part des boursiers dans les écoles de commerce et d’ingénieur a baissé continuellement depuis 10 ans.

https://www.aefinfo.fr/assets/medias/documents/5/3/536033_prv.jpeg

Source : Note flash n° 20 parue en septembre 2023 du département des études statistiques et de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche

Selon les explications fournies par le Gouvernement lui-même, cette baisse du nombre d’étudiants boursiers découlerait de deux raisons principales : la montée en puissance de l’apprentissage et l’essor des formations privées, qui ne sont pas toujours habilitées à recevoir des boursiers. Le rapporteur pour avis ajoute que l’absence d’actualisation des barèmes pour l’attribution des bourses depuis 2013 est également un facteur d’explication. La diminution du nombre de boursiers témoigne des dérives du modèle de notre enseignement supérieur, qui bascule de plus en plus vers un enseignement supérieur privé, au sein duquel la dimension lucrative prend une part croissante, comme le rapporteur pour avis l’analyse dans la seconde partie de ce rapport. La réforme de l’apprentissage doit faire l’objet d’une évaluation approfondie pour contrôler le bon usage des deniers publics, les écueils paraissant nombreux, tant du point de vue de l’emploi que de la qualité des formations et du contrôle des subventions publiques allouées.

Malgré ces explications, le rapporteur pour avis constate qu’il reste difficile de retracer le calcul exact permettant de parvenir au résultat avancé par la ministre (500 millions d’euros) : en additionnant les 120 millions d’euros du PLF 2024 aux 200 millions d’euros correspondant aux crédits non dépensés du fait de la baisse du nombre d’étudiants boursiers, le résultat obtenu est de 320 millions d’euros. Si une partie de l’attribution des bourses sur critères sociaux relève d’autres programmes (spécificités des formations financées par l’agriculture et la culture notamment), celle-ci ne paraît pas couvrir entièrement ce différentiel.

Le rapporteur pour avis exprime également des attentes très fortes en vue du deuxième acte annoncé de la réforme des bourses. L’État ne saurait s’en tenir à des évolutions paramétriques, alors que les difficultés du système actuel sont connues et ont été identifiées dans de nombreux rapports publics. En particulier, les modalités de calcul des bourses sont à réviser, car elles reposent aujourd’hui sur les revenus de l’année précédant celle de la demande de bourse, ce qui induit un décalage de deux ans qui ne permet pas toujours une bonne évaluation de la situation financière de l’étudiant. Les effets de seuil liés au fonctionnement par échelon pénalisent les étudiants, notamment ceux issus des classes moyennes. Les montants des bourses accordées aux premiers échelons sont trop modestes pour assurer un niveau de vie décent. L’insuffisance du montant des bourses incite les étudiants à exercer un travail en parallèle de leurs cursus, avec des effets délétères sur leurs chances de réussite.

Outre la nécessité de pallier ces défauts, le rapporteur pour avis appelle à court terme à accroître le montant des bourses sur critères sociaux et à élargir le nombre de bénéficiaires. Il observe d’ailleurs que ces préconisations ont notamment été formulées dans le rapport du professeur Jean-Michel Jollion commandé par le Gouvernement, qui n’a pas été rendu public mais dont certaines des conclusions sont parues dans la presse ([18]). Le rapport appelle l’État à viser une population de boursiers de 900 000 étudiants, contre 675 000 aujourd’hui. L’augmentation du nombre de boursiers ‒ 35 000 bénéficiaires supplémentaires ‒ qui découle du premier acte de la réforme constitue donc une évolution bien en deçà des besoins identifiés dans le rapport Jollion. Plus fondamentalement, le rapporteur pour avis souhaite à terme la création d’une garantie d’autonomie, qui se substituerait aux bourses et permettrait la distribution aux étudiants d’une allocation universelle dont le montant serait supérieur au seuil de pauvreté monétaire. Cette solution, défendue par les organisations étudiantes, mais aussi par certains présidents d’université, permettrait également de lutter contre le taux de non recours, particulièrement élevé chez les étudiants malgré les campagnes mises en place par le ministère pour y remédier.

B.   l’action 2 : aides indirectes

L’action 2, qui représente 14,7 % du total des crédits du programme 231, assure le financement des aides indirectes, ce qui correspond principalement aux résidences et services de restauration universitaires, gérés par le réseau des œuvres universitaires. Les crédits de l’action 2 s’élèveraient à 492,49 millions d’euros en AE et 461,72 millions d’euros en CP pour l’année 2024, soit une hausse de 20,96 % en AE et 15,16 % en CP par rapport aux crédits prévus par la loi de finances initiale pour 2023.

Les services de restauration universitaire ont pour objectif d’offrir une restauration de qualité, à tarif social et adaptée à la demande. Les Crous disposent de plus de 700 implantations (environ 900 points de vente) qui couvrent 221 villes étudiantes. Depuis la rentrée 2023, le repas à 1 euro dans les restaurants universitaires est pérennisé pour l’ensemble des étudiants boursiers sur critères sociaux et pour certains étudiants non boursiers en difficulté financière. Pour les autres étudiants, le repas est facturé au tarif de 3,30 euros, tarif gelé depuis 2019.

Le réseau des œuvres universitaires dispose d’un parc d’environ 175 000 logements. Le logement étudiant doit permettre de proposer aux étudiants dont la situation sociale le justifie « une offre de logements de qualité à tarification sociale, à proximité des sites de formation ([19]) ». Depuis la rentrée universitaire 2018, les loyers des résidences universitaires sont gelés et ce gel est maintenu pour l’année 2023-2024. L’évolution des charges locatives est plafonnée à 3,5 %.

La subvention pour charges de service public versée au réseau des œuvres universitaires est estimée à 351,5 millions d’euros en AE et en CP. Elle se décompose de la façon suivante :

– 253,3 millions d’euros seraient consacrés à la rémunération des personnels des Crous. Une augmentation de 13,3 millions d’euros est prévue pour financer les diverses mesures de revalorisation salariale déjà évoquées ainsi que les recrutements nécessaires pour les nouvelles ouvertures d’offres de restauration prévues pour 2023- 2024 ;

– 87,2 millions d’euros compenseraient le gel des loyers, le gel des tarifs de restauration et la pérennisation des repas à 1 euro ;

– 4 millions d’euros, dont 2,7 millions d’euros supplémentaires par rapport à l’année dernière, doivent permettre de financer l’ouverture de nouvelles places et structures de restauration ;

– enfin, 25 millions d’euros sont prévus pour la mise en œuvre de la loi n° 2023-365 du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. L’objectif est de permettre le déploiement de nouvelles conventions avec des structures partenaires et de mettre progressivement en œuvre une aide financière pour les étudiants n’ayant pas accès à une restauration universitaire à tarif modéré.

Les dépenses d’investissement (135 millions d’euros en AE et 104 millions d’euros en CP) sont fléchées en majeure partie vers le financement du logement étudiant (115,1 millions d’euros en AE et 86,8 millions d’euros en CP). Une hausse de 25 millions d’euros en AE et 2,5 millions d’euros en CP est prévue pour le lancement de nouvelles opérations de réhabilitation et concernerait aussi la construction de places neuves. Une autre partie des dépenses d’investissement est allouée aux contrats de plan État-régions (17 millions d’euros en AE et 17,43 millions d’euros en CP). Sur les 11 CPER 20212027 signés à ce jour, on dénombre 43 opérations de logements étudiants faisant l’objet d’un financement sur le programme 231, dont 19 projets sont des constructions neuves ou des reconstructions et 24 des rénovations.

Les logements du réseau des Crous

Le réseau des Crous gère 175 000 places Crous à la rentrée 2023, dont 85 000 chambres en Cités U, dites aussi résidences historiques ou anciennes, propriétés de l’État, éligibles à l’allocation logement social avec une superficie inférieure à 10 m² et des sanitaires collectifs, et 90 000 logements dans les autres résidences gérées par les Crous, qu’elles soient conventionnées APL ou non. Plus de 12 000 logements Crous ont été réhabilités depuis 2018 en passant aux normes et à des studios un peu plus grands.

Des travaux de réhabilitation, initiés depuis plusieurs années permettent de moderniser les chambres traditionnelles de 9 m² disposant de douches et sanitaires sur le palier. Une fois rénovées, ces chambres offrent des logements intégrant une kitchenette et une cabine tri-fonction. Ces opérations permettent de répondre aux normes de confort et d’habitation, mais elles induisent une diminution du nombre de places en résidences. À titre d’exemple, 2 ou 3 chambres de 9 m² avec cuisine collective, douches et WC à l’étage, sont transformées en 1 ou 2 petites studettes avec kitchenette, douche et WC individuels.

Source : Contribution écrite du CNOUS

Le rapporteur pour avis salue la mobilisation des Crous et les efforts fournis pour répondre à la hausse de fréquentation des services de restauration. Le nombre total de repas à 1 euro servi a ainsi augmenté de 10 % depuis 2021. Face à cette hausse de la fréquentation, le réseau est fortement mis sous pression sur le volet de la restauration, du fait d’une hausse des charges liées à l’augmentation des prix alimentaires et à la mise en œuvre des obligations de la loi Egalim ([20]) ainsi que de difficultés importantes en matière de recrutement de personnels.

NOMBRE D’étudiants bénéficiaires du repas à 1 euro

Repas à 1 euro

année universitaire
2020-2021

année universitaire
2021-2022

année universitaire
2022-2023

Boursiers

319 296

438 555

436 352

Non boursiers précaires

/

14 151

28 348

Total

319 296

452 706

464 700

Source : contribution écrite du CNOUS

 

Le rapporteur pour avis tient à souligner la mise sous tension du réseau des œuvres universitaires, qui fait face à une augmentation de ses charges, en particulier alimentaires et énergétiques, dans un contexte de hausse de la précarité étudiante. La pratique qui consiste à compenser la hausse des charges seulement en fin de gestion est source d’inquiétude et d’imprévisibilité pour le réseau, et porte atteinte au principe de sincérité budgétaire. En particulier, il est anormal que le projet de loi de finances ne prévoie pas d’ouverture de crédits au titre de la compensation des surcoûts d’énergie.

Concernant les enjeux relatifs au logement étudiant, le rapporteur pour avis déplore le manque de lisibilité de l’action publique en la matière. En tout état de cause, le Gouvernement a pris un retard considérable et les engagements du candidat Emmanuel Macron lors de la campagne électorale de 2017 pour la construction de 60 000 logements étudiants d’ici la fin de son premier quinquennat n’ont pas été tenus. Seuls 36 000 logements ont été mis en service entre 2018 et 2021, soit à peine plus de la moitié de l’objectif initial.

La Première ministre a annoncé, lors des Rencontres jeunesse de Matignon le 21 juin 2023, un objectif de 12 000 rénovations prioritaires d’ici la fin du second quinquennat. À l’occasion de la réunion de présentation du « Pacte des solidarités » aux fédérations et associations de lutte contre la pauvreté à la rentrée 2023, la Première ministre a également promis la création de 30 000 logements étudiants d’ici la fin du quinquennat. Le rapporteur pour avis estime essentiel que le Gouvernement améliore la lisibilité et la transparence sur les moyens financiers qui seront alloués en la matière. Rien dans le PLF 2024 n’indique que ces engagements pourront être tenus.

C.   l’action 3 : santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

L’action 3 couvre 2,8 % des crédits du programme 231. Elle retrace des financements divers, tels que la prise en charge des 62 services de santé étudiants (SSE), la subvention accordée à la Fédération française du sport universitaire, mais aussi le financement d’activités associatives, culturelles et sportives ainsi que des mesures relatives à la meilleure prise en compte du handicap dans l’enseignement supérieur.

Le montant des crédits alloués à l’action 3 s’élèverait à 93,9 millions d’euros en AE et en CP, contre 80,5 millions d’euros aux termes de la loi de finances initiale 2023, soit une augmentation de 16,58 %.

Comme l’année précédente, la hausse de ces crédits s’explique principalement par des financements supplémentaires prévus pour financer des aides individuelles adaptées aux besoins des étudiants en situation de handicap. Un appel à projet de 1,5 million d’euros devrait également être lancé pour accompagner des établissements et universités vers l’exemplarité en matière d’accueil et de formation des étudiants en situation de handicap.

L’augmentation des crédits de l’action 3 traduit aussi la mise en œuvre pour l’année 2024 des mesures de revalorisation salariale déjà évoquées pour les opérateurs bénéficiaires de la subvention pour charges de service public de cette action.

En outre, l’action finance des dispositifs et projets variés, tels que le financement de la relance de l’enquête sur le revenu des jeunes – la dernière datant de 2014 – les dépenses de fonctionnement du dispositif des cordées de la réussite ainsi que des subventions versées aux associations étudiantes.

Le rapporteur pour avis souhaite souligner l’importance des enjeux relatifs à la santé étudiante et la nécessité d’y accorder des moyens financiers et humains supplémentaires à la hauteur des enjeux. Les auditions ont mis en évidence l’insuffisance des moyens pour les services de santé étudiants, dont les missions se sont pourtant élargies. Le rapporteur pour avis souligne que la santé mentale des jeunes doit en particulier faire l’objet d’un soutien public beaucoup plus affirmé. Depuis 2021, 80 psychologues supplémentaires ont été recrutés pour accompagner les étudiants dans les SSE, pour un coût annuel de 1,8 million d’euros en 2022. Ces moyens humains paraissent bien limités face aux besoins relayés par les établissements d’enseignement supérieur et les organisations étudiantes.

D.   l’action 4 : pilotage et animation du programme

L’action 4, qui correspond à 3,3 % des crédits du programme 231, finance la couverture des dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau des œuvres universitaires et scolaires, ainsi que celles de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE). Le projet de loi de finances attribuerait 112,3 millions d’euros en AE et en CP à ces structures, contre 107,1 millions d’euros aux termes de la loi de finances 2023, soit une hausse de 4,89 %. Le réseau des œuvres universitaires et scolaires devrait recevoir au titre de la subvention pour charges de service public, une enveloppe de 95,6 millions d’euros, quand l’OVE bénéficierait de 13,9 millions d’euros. L’enveloppe allouée au réseau des œuvres universitaires et scolaires est en hausse de 5 millions d’euros, pour financer les nouvelles mesures salariales (revalorisation du Smic et du point d’indice, revalorisation des rémunérations des personnels de catégorie C, mesures de convergence indemnitaire pour l’Île-de-France et mise en place de forfaits télétravail mobilité, amélioration de la rémunération des apprentis).


—  1  —

   deuxième partie :
La dangereuse progression du secteur privé dans le supérieur

Depuis une dizaine d’années, nous observons une augmentation de la part du secteur privé dans l’enseignement supérieur. Cette croissance questionne le législateur à plus d’un titre. En effet, la presse a rapporté de nombreux cas d’étudiants et de familles se sentant lésés par des formations supérieures souvent coûteuses et dont la qualité s’avère parfois médiocre. Pour beaucoup d’entre eux, il y a tromperie sur la marchandise. Cette explosion du privé menace aussi la renommée des formations plus anciennes du secteur, comme celles qui disposent de la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig). Par ailleurs, l’arrivée de très grands groupes, dont le financement repose sur des fonds privés, fait peser une menace sur la souveraineté de notre système d’éducation dans le supérieur. Enfin, cette progression du secteur privé tend à reproduire et à creuser les inégalités sociales entre étudiants.

Les causes de cette progression rapide sont multiples et complexes. Nous les détaillerons dans le rapport. Mais présentons-les à grands traits.

D’abord, la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE, a introduit une sélection plus forte à l’entrée en licence, avec la création de la plateforme Parcoursup. Cette sélection, associée au manque de places en licence, a conduit de nombreux étudiants à se reporter sur les offres privées. La même dynamique semble désormais à l’œuvre pour les masters.

Ensuite, la plateforme Parcoursup a offert une vitrine à certaines formations privées. A contrario, d’autres formations ont choisi de rester en dehors de Parcoursup et constituent un recours pour les étudiants en échec sur cette plateforme et pour toutes celles et ceux qui ne souhaitent pas attendre la fin de la procédure, notamment en raison du stress occasionné.

Il faut aussi souligner que ce secteur a massivement bénéficié de la réforme de l’apprentissage, dans le cadre duquel les frais d’inscription sont pris en charge par les entreprises, lesquelles sont largement subventionnées par France compétences. La croissance forte du secteur est aussi portée par un marketing agressif et une présence accrue dans les salons étudiants.

L’injonction à la professionnalisation associée à l’image dégradée de nos universités, dont les moyens ne sont pas à la hauteur, constitue aussi un facteur supplémentaire conduisant les élèves et leurs familles à choisir la voie professionnalisante dans le privé.

Enfin, l’enseignement supérieur privé lucratif a bénéficié d’investissements financiers massifs, provenant notamment de fonds de pension.

L’objet de la seconde partie du présent rapport est donc de s’interroger sur cette dynamique ainsi que sur les leviers visant à mieux contrôler cette offre, tout en améliorant l’offre publique. Mais avant cela, il est nécessaire de commencer par réaliser une cartographie précise de l’offre privée, extrêmement hétérogène.

I.   Une cartographie de l’enseignement privé dans le supérieur

A.   Le privé non-lucratif, un Écosystème COMPLEXE

1.   Les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig)

Les Eespig sont des établissements non lucratifs sous contrat avec l’État. La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a introduit dans le code de l’éducation un nouveau chapitre relatif aux « rapports entre l’État et les établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif » (articles L. 732-1 à L. 732-3 dudit code). Cette évolution avait pour objectif de faire reconnaître un modèle d’établissement associatif, non lucratif, engagé dès l’origine dans les missions de service public de l’enseignement supérieur et la recherche.

Les Eespig sont engagés dans le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche (article L. 732-1 du code de l’éducation) et reconnus comme opérateurs de la recherche publique (art. L. 112-2 du code de la recherche). Seuls les établissements créés par des associations, fondations reconnues d’utilité publique ou syndicats professionnels (au sens de l’article L. 2131-1 du code du travail) peuvent obtenir cette qualification. En mars 2022, 64 établissements étaient reconnus en tant qu’Eespig.

Le financement des Eespig repose principalement sur les frais d’inscription et sur les subventions publiques allouées, avec un montant fixe de 596 euros par étudiant versé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Des financements supplémentaires peuvent également être obtenus via des partenariats avec des entreprises, du mécénat ou des appels à projets, publics ou privés.

Pour la Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (Fesic), cette promotion d’un modèle non lucratif prend tout son sens avec le développement et les dérives du supérieur privé lucratif et sa financiarisation importante. Or, malgré un renforcement du cadre législatif des Eespig, l’État a insuffisamment pris en compte ces grandes écoles associatives sous contrat. La subvention allouée dans le cadre du PLF 2024 aux Eespig atteint péniblement le même montant qu’en 2013, alors que le nombre d’étudiants a doublé sur la même période. La Fesic rapporte que, face aux difficultés rencontrées par les Eespig, le ministère fait systématiquement valoir la liberté de gestion des établissements et les invite à augmenter leurs frais de scolarité, qu’il s’agisse des dépenses engendrées par la crise énergétique, de la politique sociale (aide à la mobilité internationale, boursiers), ou encore du financement des missions de service public (dont la recherche). Cette injonction à la hausse des coûts est en contradiction avec d’autres consignes ministérielles incitant à les stabiliser.

2.   La Conférence des grandes écoles

Un autre acteur central identifié dans le champ du secteur du privé non lucratif est la Conférence des grandes écoles (CGE), laquelle regroupe des établissements publics et privés. Les établissements privés représentent 35 % du total des écoles membres de la CGE, soit 73 établissements, ayant accueilli 106 390 étudiants à la rentrée 2023. Parmi ces établissements :

– 48 sont des Eespig, dont 47 opèrent en tant qu’associations régies par la loi de 1901, la dernière relevant du statut de fondation ;

– 17 relèvent de la loi de 1901 concernant les associations, sans constituer des Eespig.

Ces 65 établissements ne poursuivent pas de but lucratif et ne versent pas de dividendes. Les bénéfices sont réinvestis directement dans la structure de l’établissement.

Les 8 autres établissements privés sont à but lucratif. 4 fonctionnent en tant que sociétés par actions simplifiées, 2 ont obtenu le statut de société à mission, un établissement relève du statut de société à mission unique, et un dernier établissement opère en tant que société anonyme.

Les effectifs au sein des écoles membres de la CGE ont connu une forte hausse de près de 30 % depuis 2017-2018, atteignant 465 927 étudiants pour l’année 2022. Cette progression est plus prononcée pour les écoles de management (37,2 %), que pour les écoles d’ingénieurs (21,9 %).

B.   un secteur du privé lucratif dominé par quelques grands groupes

1.   Galileo Global Education (GGE)

Le groupe Galileo Global Education (GGE) est le premier groupe d’enseignement privé en France. Il se donne pour objectif de proposer des formations adaptées aux besoins du marché de l’emploi, notamment dans les secteurs du numérique, de la culture ou de la santé. Entreprise française, la société opère selon les responsables du groupe que nous avons auditionnés partout dans le monde et représente au total 210 000 étudiants, répartis dans 61 écoles, installées dans 18 pays différents. En 2022-2023, les 43 écoles de GGE en France ont accueilli 40 000 étudiants. En France, 3 000 personnes sont salariées de GGE, dont le chiffre d’affaires atteint 850 millions d’euros à l’échelle internationale ([21]).

Les formations proposées par le groupe GGE s’articulent autour de quatre grands types de métiers : le management et le commerce, l’art et la création (design, mode, cinéma, théâtre au sein du Cours Florent, arts appliqués), les métiers dits de la « tech » et enfin la santé (à travers notamment des formations d’aidessoignants).

GGE délivre essentiellement des titres relevant du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) de niveau 3, 5 et 7, ce qui correspond respectivement au certificat d’aptitude professionnelle (CAP), à une formation bac + 2 et au master. La croissance du groupe depuis 2018 doit beaucoup à la montée en puissance de l’apprentissage, avec un passage de 38 000 à 60 000 candidats entre 2020 et 2023. En 2022-2023, les écoles de GGE ont formé 18 000 apprentis, contre 14 000 l’année précédente. Selon les responsables du groupe auditionnés, GGE a ainsi bénéficié de 80 millions d’euros d’aides via France compétences en 2021, et de 130 millions en 2022.

Le groupe poursuit une stratégie de rachats d’écoles afin d’accroître sa notoriété, comme le montre les acquisitions du Cours Florent et de l’atelier de Sèvre.

Trois écoles appartenant à GGE sont maintenant présentes sur Parcoursup.

En 2018, le principal actionnaire de GGE était Providence Equity. Depuis, cet actionnaire a quitté le capital du groupe et, après plusieurs rachats, le capital est aujourd’hui détenu par un fonds de pension canadien, l’office d’investissement du régime des pensions du Canada, ainsi que par le family office Téthys, qui gère également le patrimoine de la famille Bettencourt, largement constitué à partir de l’empire L’Oréal. GGE n’est pas coté en bourse et ne distribue pas de dividendes. Les bénéfices réalisés sont réinvestis dans l’entreprise. Il existe toutefois la possibilité de reventes d’actions sur le marché secondaire, en dégageant des marges importantes du fait de la croissance du groupe.

Selon une enquête parue dans le journal Libération, Bpifrance participe au capital de GGE à hauteur de 10 % ([22]). Auditionné par le rapporteur pour avis, Bpifrance considère l’enseignement supérieur comme un secteur résilient, contrairement à l’industrie, qui par contraste, est un secteur cyclique. La banque publique d’investissement estime qu’il ne faut pas laisser la maîtrise de ce secteur à des acteurs étrangers.

2.   Le groupe Omnes

Créé à Bordeaux en 1975 autour de la marque Inseec, le groupe Omnes accueille aujourd’hui 41 000 étudiants. 30 % d’entre eux étudient au sein d’écoles académiques, membres de la Conférence des grandes écoles. Parmi ces écoles académiques, on compte deux écoles de management, l’ESCE, et BBA Inseec, Inseec grande école et l’ECE, qui est une école d’ingénieur. Omnes dispense également des formations à l’université de Monaco, qui dispose d’une accréditation internationale AACSB.

Le groupe Omnes possède également dix écoles professionnalisantes, deux écoles internationales – une école à Genève qui ne délivre pas de diplôme d’État et une deuxième en Espagne – et, enfin, une école uniquement numérique.

Le groupe compte 4 600 intervenants, dont une majorité employée dans le cadre de contrats de travail intermittents et 1 900 salariés en contrat à durée indéterminée (CDI). Les CDI représentent entre 130 et 140 enseignants chercheurs, le reste concernant des fonctions supports.

La stratégie du groupe consiste à être présent sur des campus de centre-ville, pour garantir une attractivité en terme de vie étudiante. Un tiers de l’activité totale du groupe est en lien avec l’alternance, le groupe ayant donc grandement bénéficié de la réforme de l’apprentissage. Le groupe installe en moyenne un nouveau campus par an dans des grandes métropoles. Il cherche à développer des formats hybrides, qui allient maillage du territoire, apprentissage, et cours dans des capitales de région ou en distanciel. Le développement du distanciel permet de réduire les frais liés à l’achat de locaux.

Selon le responsable d’Omnes, le chiffre d’affaires du groupe est d’environ 420 millions d’euros. Le financement public via les aides à l’apprentissage correspond à un tiers de ce chiffre d’affaires. Détenu par le fond britannique Cinven à 80 %, le groupe n’est pas coté en bourse.

3.   Le groupe Ionis

Entreprise familiale créée en 1980, le groupe Ionis avait pour objectif initial de développer des formations autour du monde professionnel, en lien essentiellement avec les brevets de techniciens supérieurs (BTS). L’entreprise s’est ensuite développée avec les premières formes d’alternance. Aujourd’hui le groupe compte 35 000 étudiants, 15 grandes « marques », elles-mêmes composées de plusieurs sous-marques. Chacune de ces marques est implantée sur plusieurs villes. Au total, on dénombre plus de 80 établissements employant entre 2 000 et 2 500 salariés et plusieurs milliers de salariés occasionnels.

Le capital du groupe est détenu par un actionnaire majoritaire et un actionnaire minoritaire, respectivement M. Marc Sellam, président-directeur général (PDG) et fondateur de Ionis et M. Fabrice Bardèche, vice-président du groupe. Aucun fonds d’investissement n’est donc présent au capital.

Le groupe rassemble plusieurs types d’écoles :

– des écoles sous contrôle d’institutions extérieures : les formations d’ingénieurs sous contrôle de la commission des titres d’ingénieurs et l’Institut des arts et de la gestion (IAG) sous contrôle de la commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion. Ces établissements sont en lien avec le monde de la recherche, mais comme le reconnaît le président-directeur général (PDG) de Ionis, il est impossible pour le privé d’investir autant que le public dans la recherche ;

– des écoles de type professionnel, où une partie du cycle se déroule en alternance ;

– des écoles en alternance pure comme les écoles informatiques en alternance (Etna) qui existent depuis vingt ans et les instituts supérieurs européens de formation par l’action (Isefac).

C.   Le coût des formations

Les établissements privés représentent un coût élevé pour les étudiants, avec des frais d’inscription en constante augmentation. Les chercheurs auditionnés par le rapporteur pour avis évoquent une hausse de 75 % de ces frais dans les écoles privées de commerce et de management, entre 2009 et 2019.

Les étudiants en école privée de commerce et d’ingénieur sont ceux dont les frais d’inscription sont les plus élevés, avec un montant médian de 8 000 euros pour les écoles de commerce et de 5 100 euros pour les écoles d’ingénieurs (avec 6 500 euros atteints pour l’année 2015-2016) ([23]).

Pour l’année 2022-2023, la fourchette de frais d’inscription dans le groupe Galileo est comprise entre 6 500 euros et 12 500 euros, avec une moyenne pondérée à 8 000 euros. Les frais de scolarité dans les écoles d’ingénieur du groupe Ionis sont de l’ordre de 8 500 - 9 000 euros par année pour les deux premières années préparatoires et atteignent entre 11 000 et 11 500 euros l’année en cursus d’ingénieur.

  1.   Les causes de l’augmentation du nombre d’étudiants dans les filières privées du supérieur

A.   Les chiffres de l’augmentation

Selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, les inscriptions dans le privé ont bondi de 60 % depuis 2011, contre seulement 17 % dans le public.

Depuis 2001, la progression est encore plus vertigineuse (+160 %), passant de 291 970 étudiants en 2001 (soit 13 % du nombre total d’étudiants) à 766 811 étudiants inscrits en 2022 (soit plus de 26 %) ([24]).

La dynamique se poursuit avec une augmentation de l’ordre de 4 % entre 2021 et 2022. Un tiers des formations privées concernent le management, la gestion et la vente. 8 % des formations sont dispensées dans des écoles d’ingénieurs ([25]).

Sur Parcoursup, le secteur privé a aussi connu un essor depuis 2018, avec un bond du nombre d’étudiants admis dans ces formations de 59 % en 5 ans, contre seulement + 6 % pour ceux poursuivant leurs études après le bac dans des formations publiques. La dynamique est en partie due à l’arrivée de nouveaux cursus privés sur la plateforme, mais aussi à l’augmentation des volumes d’étudiants admis dans des formations privées déjà présentes en 2018. C’est par exemple le cas des licences proposées par les établissements catholiques ([26]).

D’un type de formation à l’autre, le poids du privé diffère. Par exemple, en 2022, aucune formation privée n’était proposée pour les bachelors universitaires de technologie (BUT), alors que ce taux atteignait 7 % pour les licences, 16 % pour les CPGE et 26 % pour les BTS. Le secteur privé est majoritaire dans trois disciplines accessibles via Parcoursup : les cursus post-bac de commerce et management (privés à 98 %), les cursus d’ingénieurs (70 %) et les établissements de formation en travail social (99 %) ([27]) – ce dernier chiffre résultant de l’importance historique du secteur associatif en la matière.

B.   Le Manque de places dans le public

La loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE, a organisé la mise en place progressive de la sélection à l’entrée de l’université. Selon les syndicats auditionnés, cette sélection est en réalité une réponse au manque de moyens, à la fois en termes de personnels académiques à tous les niveaux, mais aussi de locaux universitaires. D’après la CGT et l’Union étudiante, il faudrait créer l’équivalent de 10 universités et ouvrir au moins 70 000 postes.

Ce manque de moyens se traduit par une baisse de l’effort global de recherche. Selon le Snesup, en 2021 le ratio de la dépense de recherche et développement dans le secteur de l’administration rapportée au produit intérieur brut (DIRDA/PIB) a atteint son plus bas niveau depuis 2005, avec seulement 0,74 %. Toujours d’après le syndicat, la part représentée par le budget de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires) dans le budget général de l’État au titre du PLF 2023 correspondait à la proportion la plus faible depuis plus de 17 ans : 5,5 % contre plus de 6,8 % en 2011. Si en 2023, le budget de la Mires avait représenté la même quotité qu’en 2011, il se serait vu allouer 7,6 milliards d’euros supplémentaires, soit autant de financements dont les différents programmes et établissements auraient pu bénéficier.

Part du budget de la mission interministérielle de l’enseignement supérieur (MIRES) dans le budget de l’état (2006 – 2022)

Source : graphique transmis par le Snesup et issu des données de la Cour des comptes.

La part de la dépense de l’État dans les dépenses pour l’éducation supérieure a elle aussi chuté en passant de 67,9 % en 2017 à 60,2 % en 2022 (la moyenne de l’OCDE étant à 70,1 % en 2020), alors que s’accroissait celle des ménages (9,1 % à 10,5 %) et des entreprises (9,3 % à 18,3 %) ([28]) via l’apprentissage, sous perfusion de France compétences.

Depuis 2013, la dépense moyenne par étudiant à l’université recule de façon marquée (– 10,0 % en euros constants) en raison d’une progression des effectifs (+ 13,2 %) supérieure à celle du financement (+ 1,9 % en euros constants) ([29]) .

Les acteurs publics avaient pourtant anticipé la croissance de la démographie étudiante. Le rapport sur l’état de l’emploi scientifique de 2013 précisait ainsi : « au total, les effectifs de l’enseignement supérieur devraient augmenter de 8,7 % entre 2012 et 2021 avec 2 533 400 étudiants inscrits en 2021, soit 120 800 étudiants de plus qu’en 2012. » Les investissements et les recrutements nécessaires n’ayant pas eu lieu, les universités n’ont pas pu les accueillir.

Les universités sont par ailleurs de plus en plus dépendantes de leurs ressources propres, dont la part dans le total de leurs ressources est passée de 17,3 % à 21,2 % ([30]) . Or celles-ci sont par définition plus précaires, et cette dynamique ne facilite pas la mise en place de nouvelles formations.

Alors que la population étudiante a augmenté, les effectifs de titulaires ont diminué et ont été compensés par l’explosion du nombre de contractuels. En 2022, les effectifs des personnels enseignants titulaires de l’enseignement supérieur ont légèrement diminué (– 1 %) par rapport à 2017, tandis que les effectifs des personnels enseignants et de recherche contractuels de l’enseignement supérieur ont augmenté de 13 % sur la même période. Les effectifs des personnels ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé et des bibliothèques (Biatss) titulaires sont passés de 57 825 en 2017 à 54 875 agents en 2022 (– 2 950 agents, soit – 5,10 %), tandis que les personnels contractuels ont augmenté de 4 431 agents entre 2017 et 2021 (données 2022 indisponibles), soit + 12,12 % ([31]).

Dans le rapport pour avis établi l’année précédente sur la même mission, il était indiqué qu’au final, aucune formation n’avait été proposée à 125 000 candidats et que près de 300 000 n’avaient pas obtenu la formation de leur choix ([32]). En 2023, selon la note du ministère parue en octobre ([33]), 87,8 % des 917 000 candidats de la session 2023 de Parcoursup ont reçu au moins une proposition d’admission, et 79 % d’entre eux en ont accepté une. Ces chiffres paraissent à première vue satisfaisants en pourcentage. Mais, convertis en effectifs, cela signifie que 112 000 étudiants n’ont reçu aucune proposition de formation et que 168 000 étudiants n’ont pas accepté la proposition qui leur avait été faite. Au total, 280 000 étudiants n’ont donc pas obtenu la formation de leur choix sur Parcoursup.

Si l’on écarte les candidats en reprise d’étude et que l’on se focalise sur les 622 000 lycéens, 40 430 d’entre eux n’ont reçu aucune proposition et 96 474 n’ont pas accepté la proposition qui leur avait été faite. Ainsi, 136 904 lycéens ont dû renoncer aux études supérieures ou choisir des formations privées hors Parcoursup. Selon les chiffres du service statistique du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qui se concentrent sur les 577 000 bacheliers de 2023, le nombre de lycéens qui n’ont pas obtenu la formation de leurs choix demeure élevé depuis 2018, oscillant entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 et 21 % des bacheliers.

Source : SIES

Le ministère indique que ces lycéens ont suivi d’autres projets. Mais les solutions hors Parcoursup sont surtout des formations privées professionnalisantes, dans la mesure où les autres types de formations privées ont déjà été intégrée à la plateforme Parcoursup, expliquant la hausse des formations proposées en 2023.

Concernant le niveau master, 209 207 candidats ont validé au moins un vœu sur la nouvelle plateforme lors de la session de candidature pour la rentrée 2023. 9 848 candidats étaient d’un niveau bac+2 et donc non-éligibles au master. Au 15 septembre 2023, alors que d’ultimes recrutements pouvaient encore avoir lieu, 156 010 candidats ont reçu une proposition d’admission ([34]). Cela signifie donc que 43 349 étudiants n’ont pas obtenu de formations en master, ce qui représente 21,7 % des éligibles. Ceci démontre l’insuffisance de l’offre en niveau master. Certains étudiants sont donc contraints de choisir des formations professionnalisantes privées ou d’abandonner leur projet de poursuite d’études en master.

Auditionnée par le rapporteur pour avis, Mme Aurélie Biancarelli-Lopes, adjointe au maire de Marseille, remarque qu’un article du Financial Times classe l’école publique de management de Marseille à la 6e place mondiale des écoles de management. L’université peut donc fournir aux étudiants des formations de très haut niveau, bien meilleure que celles privées facturées sur le même territoire à plusieurs milliers d’euros. Mais les universités ne disposent pas des moyens nécessaires pour augmenter les effectifs et même faire connaître leur formation, face à un secteur privé qui investit massivement dans la communication à destination du public lycéen et étudiant.

L’exemple de la concurrence entre public et privé est significatif à Marseille. Selon l’élue auditionnée, le désengagement de l’État de l’enseignement supérieur public conduit le service public à ne plus répondre, ni aux besoins des étudiants, ni aux « besoins » du marché du travail. Le privé profite de ce désengagement pour se développer, avec une qualité pédagogique souvent inférieure. Les exemples sont localement très nombreux : concernant le design, il existe de très bonnes formations BTS à Marseille, mais pas assez de places. Un BTS en biologie médicale a risqué de fermer après la pandémie de covid-19 à proximité de la Timone. Dans le secteur du numérique, l’université Aix-Marseille présente de très bons taux d’insertion professionnelle avec Polytech Marseille, mais n’a pas les moyens d’accueillir tous les étudiants candidats, ce qui permet au privé de s’étendre massivement.

C.   La montée en puissance de l’apprentissage

241 000 candidats ont choisi une formation en apprentissage en 2023, ce qui représente une croissance de 11,6 % par rapport à 2022. Cette augmentation est plus forte pour les lycéens généraux et technologiques (+ 29 % de lycéens généraux par rapport à 2022 ; + 21 % de lycéens technologiques par rapport à 2022), même si, globalement, les lycéens professionnels restent plus nombreux que les lycéens généraux et technologiques à faire des vœux en apprentissage ([35]) . Le nombre de candidats qui formulent uniquement des vœux en apprentissage sur Parcoursup a aussi progressé de 16,1 % par rapport à 2022 ([36]).

Évolution des effectifs par diplôme préparé

 

Effectifs au 31 décembre

Évolution 2021-2022

Évolution 2018-2022

2010

2018

2020

2021 ([37])

2022

BTS/BTSA

49 965

72 608

109 480

156 824

178 914

14,1 %

146 %

DUT

5 548

7 669

9 393

8 013

inclus dans autres certifications ? de niveau 5

 

 

Autres certifications de niveau 5

6 561

8 274

16 667

26 728

37 175

7 %

442 %

Total niveau 5

62 074

88 551

135 540

191 565

216 089

12,8 %

144 %

Licence et Licence professionnelle (hors BUT)

11 943

20 907

34 602

43 062

43 694

1,5 %

109 %

BUT

 

 

 

2 332

12 438

433,4 %

 

Autres certifications de niveau 6

7 246

10 675

44 392

73 621

92 139

25,2 %

763 %

Total niveau 6

19 189

31 582

78 994

119 015

148 271

24,6 %

369 %

Diplômes d’ingénieurs

12 706

24 396

27 185

29 950

32 824

9,6 %

35 %

Master

9 522

19 394

28 185

39 593

44 795

13,1 %

131 %

Autres certifications de niveau 7

7 914

15 877

53 427

99 506

134 282

34,9 %

746 %

Total niveau 7

30 142

59 667

108 797

169 049

211 901

25,3 %

255 %

Total enseignement supérieur

111 405

179 800

323 331

479 629

576 261

20,1 %

221 %

Total Apprentis niveau 4 et 3

314 875

268 327

306 304

354 434

377 329

6,5 %

41 %

Total Apprentis tous niveaux

426 280

448 127

629 635

834 063

953 590

14,3 %

113 %

Part de l’enseignement supérieur

26,1 %

40,1 %

51,4 %

57,5 %

60 %

 

 

Différents acteurs auditionnés ont souligné le rôle de l’apprentissage dans la progression du secteur privé. Comme l’a souligné la CGE, « les officines font de leur absence sur Parcoursup un argument marketing supplémentaire, promettant un contrat d’apprentissage à la clé, ce qui n’est pas toujours le cas in fine, les familles devant alors débourser des frais de scolarité très importants ».

Fabrice Bardèche, vice-président exécutif de Ionis a rappelé que la loi sur l’apprentissage a conduit à libéraliser le secteur et ouvert la possibilité de transformer tout type d’acteur en centre d’apprentissage. Selon lui, ce développement de l’apprentissage dans le supérieur a créé « beaucoup de désordre dans la lisibilité des formations ». Pour les écoles validées par la Commission des titres d’ingénieur ou pour celles validées par la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion, les risques apparaissent limités en raison des contrôles existants. Ce n’est pas le cas pour les écoles sans validation de ce type, où il peut être difficile pour les familles de faire la différence « entre par exemple l’Etna qui est spécialisée dans l’informatique depuis 20 ans et l’école Tartempion qui a acheté un titre RNCP et qui vient d’ouvrir au coin de la rue ». Des gardes fous doivent donc être mis. M. Bardèche suggère de compléter le cadre juridique sur l’apprentissage par des notions de contenu et de durée dans les référentiels de compétence. Les risques sont aujourd’hui importants avec certaines écoles qui promettent des formations en six mois en apprentissage, ce qui ne garantit pas aux étudiants une formation suffisamment poussée qui leur permettrait d’être réellement bien positionnés sur le marché du travail.

D.   Parcoursup, une plateforme utilisée comme une vitrine par certains acteurs du privé lucratif

En 2023, Parcoursup propose 23 129 formations, dont 9 000 en apprentissage, contre respectivement 21 0000 et 7 500 l’an dernier. En 2019, seules 3 100 formations en apprentissage étaient proposées sur la plateforme ([38]).

Parmi les formations proposées sur Parcoursup, 13 830 sont publiques, dont 2 871 avec apprentissage (21 %). 9 289 sont donc des formations privées, dont 6 318 en apprentissage (68 %). En 2023, 4 502 formations sont des formations privées sous contrat, contre 4 482 en 2022. 3 567 formations relèvent du privé hors contrat en 2023, contre 2 545 en 2022, soit 1 222 de plus en un an. Cette progression de 48 % de l’apprentissage au sein des établissements privés hors contrat est à rapprocher de l’augmentation d’à peine 4,4 % de l’apprentissage sous contrat et de seulement 3,6 % pour l’offre publique ([39]).

Initialement, sur Parcoursup, les formations privées relevaient soit des Eespig, soit des formations diplômantes. Mais depuis 2021, certaines formations privées en apprentissage sont entrées sur la plateforme, sans les évaluations propres au statut d’Eespig et aux formations diplômantes.

Cette forte croissance du privé hors contrat sur Parcoursup procure à plusieurs formations privées une vitrine, qui vaut gage de qualité pour les familles, alors même que certaines formations délivrent des titres professionnels insuffisamment évalués.

Le secteur privé regroupe au total 766 811 étudiants ([40]), les formations privées sont encore très majoritairement hors de Parcoursup. Elles peuvent ainsi en parallèle sélectionner comme elles le souhaitent en utilisant un marketing agressif et ainsi attirer les étudiants avant la fin de la procédure de Parcoursup.

E.   D’importants investissements financiers

La croissance de l’enseignement supérieur privé tient également à l’intérêt que les grands groupes de ce secteur représentent pour les investisseurs du monde entier. En particulier, des fonds de pension nord-américains voient dans ces produits un placement de long-terme, résilient et très rentable, les étudiants constituant souvent une clientèle captive tout au long de leur formation dans le privé. Ces investissements sont d’autant plus attractifs qu’ils sont souvent considérés, comme l’ont souligné les chercheurs auditionnés, comme des placements inscrits dans une démarche de développement durable.

Bpifrance joue aussi un rôle moteur dans le développement du supérieur privé lucratif en France. En effet, comme l’a expliqué lors de son audition le directeur exécutif des activités d’investissement direct dans les petites et moyennes entreprises, entreprises de taille intermédiaire et grandes entreprises de Bpifrance, M. José Gonzalo, Bpifrance a investi dans dix groupes ou établissements d’enseignement supérieur privé, parmi lesquels Galileo Global Education, Omnes Education, AD Education et le Collège de Paris.

Les taux de rentabilité des grands groupes de ce secteur seraient, selon M. José Gonzalo, « toujours à deux chiffres, parfois même à plus de 20 % ».

Bien que l’auditionné ait soutenu que « la rentabilité passe après la qualité pédagogique », il est ressorti de l’audition que Bpifrance ne dispose pas des moyens d’évaluer précisément la qualité pédagogique des formations qu’elle finance en partie. Ainsi, toujours selon l’auditionné, la sélection des écoles répond à la nécessité de développer des « formations qui répondent aux besoins des marchés de l’emploi », mais aussi à l’existence au sein de ces écoles de diplômes certifiés et enfin au taux d’employabilité qu’elles affichent. Or, sur ce dernier point, l’auditionné a concédé que Bpifrance s’en tenait principalement aux taux d’employabilité revendiqués par les écoles, sans disposer des moyens de véritablement les vérifier.

Le rapporteur pour avis s’interroge sur la pertinence d’investir de telles sommes d’argent public dans des formations de qualité variable. Comme le reconnaît M. José Gonzalo, « nous n’avons pas d’évaluateurs professionnels sur chacun de nos secteurs d’investissement ». Les critères de sélection sont relativement flous, l’employabilité étant évaluée sur la base du déclaratif de ces écoles. Il n’existe aucun véritable contrôle a posteriori des formations proposées, puisque l’évaluation du titre se fait a priori. Ces formations font en outre concurrence aux formations supérieures du public, qui souffrent d’un manque criant de moyens financiers. Le rapporteur note par ailleurs que la détention d’une majorité des parts de groupes comme Galileo Global Education par des acteurs français (dont la holding Thetys appartenant à la famille Bettencourt) ne garantit ni la qualité des formations dispensées, ni un véritable contrôle des activités de ce groupe.

F.   L’entrée d’anciens membres du gouvernement dans des groupes d’enseignement supérieur privé

Depuis 2018, la Haute autorité à la transparence de la vie publique (HATVP) a contrôlé la mobilité professionnelle de 18 agents ou responsables publics vers l’enseignement supérieur privé. La plupart d’entre eux sont recrutés par des grands groupes (Educin Topco, Kedge Business School, IRIS, Galileo Global Education…), d’autres se dirigent vers des entreprises plus périphériques. Parmi ces 18 mobilités, 2 ont été jugées incompatibles, 13 compatibles avec réserves, et seulement trois compatibles. La HATVP mentionne en particulier quatre projets de mobilités :

– ceux de Mme Muriel Pénicaud, ancienne ministre du Travail, et de M. Martin Hirsch, ancien directeur général de l’assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), qui ont rejoint le groupe Galileo Global Education en 2022, la première en tant que membre du conseil d’administration et le second comme vice‑président exécutif ;

– celui de Mme Frédérique Vidal, ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, qui souhaitait rejoindre en 2022 le groupe SKEMA Business School ;

– celui de Mme Charline Avenel, ancienne rectrice de l’académie de Versailles, qui a rejoint en 2023 le groupe Ionis.

Il n’est pas anodin que deux anciennes ministres, qui ont joué un rôle fondamental dans la progression de ce secteur, aient cherché à se reconvertir au sein d’écoles ayant bénéficié des politiques qu’elles avaient mises en œuvre au gouvernement.

En plus de profiter de l’expérience et des contacts d’anciens ministres, ces établissements ou groupes du supérieur privé lucratif ont également gagné en crédibilité, en reconnaissance et en visibilité grâce à ces recrutements d’anciens ministres ou hauts-fonctionnaires.

G.   des Politiques publiques favorisant le privé

Selon certains chercheurs auditionnés par le rapporteur pour avis, les gouvernements ont sciemment favorisé l’émergence du privé en partant du principe qu’il serait plus efficace que le service public. Ce présupposé est remis en cause par les travaux des chercheurs auditionnés. Un des arguments souvent invoqués est que les frais de scolarité entre 8 000 et 12 000 euros sont similaires aux coûts du public – la dépense par étudiant est de 9 656 euros en moyenne en 2023 sur la base des charges d’établissement et de 7 731 euros sur la base de la subvention pour charges de service public. C’est une erreur de raisonnement « phénoménale » selon le sociologue M. Joël Lallier. La comparaison s’effectue entre d’une part un coût correspondant uniquement à la formation et d’autre part un coût qui comprend non seulement les formations, mais aussi la recherche. Le représentant de Ionis entendu par le rapporteur pour avis a d’ailleurs reconnu que les formations privées professionnalisantes n’auraient jamais les moyens d’investir dans la recherche à la hauteur des investissements réalisés dans le public. Le coût d’une formation en licence a été récemment estimé par le Conseil d’analyse économique à 3 730 euros. Le public est donc beaucoup moins coûteux pour la société que le secteur privé. De surcroît, l’argent que les familles dépensent dans le financement d’écoles privées fait mécaniquement défaut à d’autres secteurs d’activité. Pire, il n’est pas rare que les familles et les étudiants soient obligés de s’endetter. Cette situation alimente la fracture sociale et construit peu à peu un système d’enseignement supérieur aux antipodes du projet républicain d’émancipation par le savoir accessible à toutes et tous.

La mise en avant de la compétition internationale par le classement de Shanghai est une autre façon pour les gouvernements successifs de justifier un tournant anglo-saxon de notre système de recherche et d’enseignement supérieur. Cette dynamique tend à substituer à une logique de services publics celle d’une mise en concurrence de tous les acteurs : compétition des universités publiques entre elles et compétition entre le secteur public et le secteur privé. La mise en compétition des acteurs pour la production et le partage des savoirs ne produit pas mécaniquement une amélioration des services rendus, mais dégrade au contraire la recherche. Notamment, dans un contexte de manque de places dans le secteur public, chaque acteur privé qui s’installe avec un marketing agressif est assuré de trouver des clients pour ses formations. Ce pseudo marché favorise les arnaques. Par ailleurs, la baisse des moyens et la concurrence avec des formations ne réalisant pas de recherche tendent à baisser la qualité de toutes les formations. Indexer la valeur d’une formation à un signal prix des frais de scolarité constitue une « aberration », pour reprendre les mots de M. Lallier. Cette logique des prix a même été introduite dans le public via le dispositif « Bienvenue en France ».

Les politiques européennes favorisent aussi ce développement du secteur privé. Comme indiqué au cours des auditions, le master erasmus mundus est subventionné massivement par l’Union Européenne à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros par master, mais à la condition d’introduire des frais de scolarité. Cette aide de l’Union européenne est temporaire et, au bout de 5 ou 6 ans, une fois que le master est bien implanté dans la communauté éducative, il perd ses subventions et doit alors s’auto-financer avec des frais de scolarité. Certaines organisations syndicales estiment que ce mécanisme induit la création de véritables start-up de l’enseignement supérieur.

La progression du secteur privé et ses dérives procèdent donc d’une dynamique de fond qui vise à progressivement remplacer, comme dans le secteur de la santé, le service public par des services privés à but lucratif. Par conséquent, il est illusoire selon les chercheurs auditionnés de croire qu’il est possible de simplement « mieux organiser » le marché en améliorant l’évaluation des formations et en informant mieux les familles. Pour reprendre une image évocatrice citée lors des auditions, « c’est comme si on pensait en finir avec l’obésité uniquement en utilisant le nutri-score ». On ne saurait donc se limiter à déplorer simplement « quelques brebis galeuses du privé », en agissant via la répression des fraudes ou un nouveau label. Il convient plutôt d’analyser les dynamiques de fond qui sont à l’œuvre.

III.   des conséquences néfastes pour les étudiants, les familles et la société dans son ensemble

A.   L’accroissement des inégalités sociales dans l’enseignement supérieur

Le 16 octobre 2023, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies a rendu des observations sur la France concernant l’enseignement supérieur :

« 56. Le Comité est préoccupé par les difficultés à accéder à l’enseignement supérieur pour les étudiants issus de milieux socio-économiques défavorisés et pour ceux des régions où les possibilités d’enseignement supérieur sont limitées. Le Comité s’inquiète de la baisse constante du budget par élève alloué par l’État, ce qui est contraire à l’obligation d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte (…)

« 57. Le Comité recommande à l’État partie de déployer les moyens nécessaires afin de rendre accessible l’enseignement supérieur à tous en pleine égalité, en tenant compte des besoins des étudiants issus de milieux socio-économiques défavorisés et des régions où les possibilités d’enseignement supérieur sont limitées. Le Comité recommande également à l’État partie de revoir l’allocation du budget à l’enseignement supérieur visant à l’instauration progressive de la gratuité de celui-ci. »

Ces observations des Nations unies corroborent les corrélations entre enseignement supérieur privé et inégalités sociales, mis en évident dans plusieurs recherches récentes. Ainsi, une étude de l’agence française de développement (AFD) publiée en 2020 montrait à partir d’une comparaison internationale que le développement des « institutions d’enseignement supérieur privées creuse les inégalités entre étudiants, à l’entrée dans l’enseignement supérieur privé, durant le parcours universitaire et en matière de valorisation des titres universitaires sur le marché́ du travail » ([41]).

Il ressort par ailleurs des auditions que le secteur du supérieur privé est très hétérogène et ségrégué, avec différentes catégories d’écoles, certaines répondant à la demande des « élites » (classes supérieures qui font des écoles de commerce), d’autres aux demandes des classes populaires (écoles privées délivrant des titres professionnels). Cette hiérarchisation entre écoles prend appui, reproduit et approfondit des segmentations sociales existantes.

En outre, comme le montre la note du conseil d’analyse économique (CAE) publiée décembre 2021, il existe une forte corrélation entre le coût d’un diplôme et les revenus que pourront escompter les diplômés (voir figure ci-dessous). Cela confirme qu’une puissante sélection par l’argent s’opère dans l’enseignement supérieur. Le développement des établissements privés, avec leurs frais de scolarité élevés, ne peut que renforcer cette tendance.


Source : note du Conseil d’analyse économique n° 68, décembre 2021

La baisse du nombre de boursiers dans le supérieur public en 2023 traduit aussi une baisse du nombre d’étudiants des classes populaires dans les filières générales. Or, comme le montre la note du CAE de décembre 2021 déjà citée, le supplément de salaire par rapport au baccalauréat, demeure globalement plus élevé en master et en licence, qu’en formation professionnalisante de niveau Bac +2 (voir graphique ci-dessous). Par conséquent, la sortie des classes les plus populaires des filières universitaires peut conduire à terme à un renforcement des inégalités salariales.

Source : note du Conseil d’analyse économique n° 68, décembre 2021

Par ailleurs, certains élèves des milieux populaires choisissant des formations privées non reconnues par l’État peuvent se retrouver sans bourse. La mairie de Marseille a ainsi reçu de nombreux courriers d’étudiants ayant découvert qu’ils ne pouvaient pas bénéficier d’une bourse, car la structure était privée et ne l’avait pas suffisamment expliqué dans sa communication. Enfin, comme déjà signalé, certaines familles et certains étudiants sont contraints de s’endetter.

D’un autre côté, pour les représentants de la conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), l’apprentissage permet des facilités de formation pour certains étudiants qui ont besoin d’aspects pratiques et qui ne feraient pas d’études supérieures sans apprentissage. Leur dernier rapport montre que, parmi les apprentis, on compte 41,5 % d’enfants d’employés et 13 % d’enfants d’ouvriers.

Toutefois, Fabrice Bardèche, vice-président exécutif de Ionis, a donné lors de son audition des éléments d’analyse pertinents, montrant que l’apprentissage introduit une inégalité d’un autre genre, avec d’un côté, les étudiants qui peuvent s’offrir des études supérieures classiques où le jeune est en situation privilégiée, car il ne doit se concentrer que sur sa formation, et, de l’autre, ceux qui ne peuvent pas s’offrir ces formations et se retrouvent pris entre deux mondes, celui du travail et celui des études, ce qui peut s’avérer très difficile à vivre pour certains d’entre eux. Fabrice Bardèche précise que son groupe (Ionis) a accompagné le mouvement porté par la réforme de l’apprentissage, mais que le modèle actuel n’a pas leur préférence.

B.   La pénétration des tarifs du privé dans le public

La concurrence avec le privé et le manque de moyens dans le secteur public entraînent une augmentation des frais d’inscription, y compris dans le secteur public.

Tout d’abord, il existe de très nombreux masters (publics) dérogeant au cadre classique, dont les frais d’inscription s’élèvent à plusieurs milliers d’euros. Ce n’est pas toujours évident à identifier sur la base des inscriptions, car dans une même formation, il peut y avoir coexistence de plusieurs statuts différents, conduisant à des tarifs différents. En effet, dans les universités publiques, les tarifs nationaux ne s’appliquent plus pour les étudiants étrangers et ne s’appliquent pas non plus pour tous les étudiants dans certains masters. C’est le cas des masters dits « internationaux », les masters en langue anglaise et les Master « in Advanced Studies », dont les coûts peuvent être élevés.

La concurrence pousse paradoxalement à l’augmentation des frais d’inscription, avec des établissements souhaitant augmenter leurs ressources ou faire du prix élevé un gage de qualité auprès des étudiants, considérés comme des clients. Se priver de ces moyens supplémentaires n’est pas tenable sur le long terme pour attirer intervenants et étudiants. C’est l’effet le plus évident des augmentations des frais de scolarité intervenues à Sciences Po Paris et à l’université Paris-Dauphine, contraignant les formations des mêmes disciplines à converger vers leurs tarifs.

De même, à compter de l’année universitaire 2018-2019, pour les formations d’ingénieurs relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur, les droits de scolarité exigibles à l’entrée des formations des écoles centrales, constituées sous forme d’écoles extérieures aux universités et de l’école des Mines de Nancy, sont distincts de ceux des autres formations permettant la délivrance du diplôme d’ingénieurs. Le taux dans ces écoles est fixé à 2 500 euros afin de les rapprocher du régime des droits de scolarité applicables à Centrale Supélec ([42]).

Plusieurs formations d’ingénieurs au sein de certains établissements se sont vues attribuer des droits spécifiques, compte tenu de leur modèle économique particulier. L’École nationale supérieure de chimie de Lille (ENSC Lille) a par exemple conservé, pour ses formations d’ingénieurs, des droits de 601 euros après son intégration à Centrale Lille Institut dont les autres formations sont tarifées à 2 500 euros. Mais parallèlement, l’intégration de l’École internationale des sciences du traitement de l’information (EISTI), précédemment établissement d’enseignement supérieur privé, à l’établissement expérimental CY Cergy Paris Université, a conduit à la mise en place de droits d’inscription de 3 500 euros pour les étudiants nationaux ou communautaires et de 6 000 euros pour les étudiants extra‑communautaires. Les autres formations de même type au sein du même établissement demeurant à 601 euros. Les droits dus par les étudiants en cycle préparatoire à l’École nationale des ingénieurs de Saint-Etienne (ENISE), école interne de l’École Centrale de Lyon depuis le 1er janvier 2021, demeurent fixés à 601 euros, le montant des droits dans les formations d’ingénieurs étant porté progressivement à 2 500 euros ([43]).

C.   Une menace pour le droit à l’éducation

Un des risques majeurs de la privatisation du système éducatif est la possible perte de souveraineté sur la capacité à former les nouvelles générations, avec des potentielles faillites des entreprises du secteur.

Le Chili est un des premiers pays à avoir expérimenté une forte différenciation entre le privé et le public dans l’enseignement supérieur ([44]). Certaines universités ont fait faillite comme « l’Université de la mer » en 2013, laissant sans solution 4 000 salariés et 10 000 étudiants, pour lesquels l’État chilien a péniblement trouvé des alternatives. Pour les étudiants qui payaient jusqu’à 10 000 euros par an, ce fut un drame. Comme le notait un chercheur que nous avons auditionné, « c’est plus grave quand c’est l’entreprise qui assure la formation de milliers d’étudiants qui fait faillite que quand c’est un boulanger, parce que l’étudiant ne peut pas changer de fournisseur ». Une fois l’étudiant endetté pour effectuer la formation qu’il souhaite, il est trop tard pour en changer et il peut se retrouver sans solution si son université ferme en cours de route. Bien que privé de diplôme, il doit tout de même rembourser son prêt.

Une telle situation a déjà eu lieu en France, par exemple avec les écoles SupInfo en 2020. Depuis plusieurs années, cette structure accumulait les déboires et les dettes auprès d’enseignants et d’employés, qui se plaignent d’impayés. Selon Le Monde, de nombreux étudiants, déçus par les enseignements, avaient également demandé le remboursement des années d’études non suivies, mais payées d’avance (6 100 euros l’année). Fragilisée par une dette estimée à 1,4 million d’euros, l’école d’informatique Supinfo a été placée en liquidation judiciaire. Au total, quinze sites rassemblant 1 500 étudiants ont été fermés en France. Finalement, SupInfo a partiellement été repris par le groupe Ionis.

Le cas de Campus Academy, filière d’enseignement supérieur privé hors contrat, créée en 2019 par Michel Ohayon, est aussi emblématique. Le réseau de 10 écoles était réparti sur 6 campus à Aix-en-Provence, Angers, Lyon, Nantes, Rennes et Toulouse. Les formations portaient sur des domaines variés comme l’informatique, l’audiovisuel, les jeux vidéo, le tourisme, le design, la mode ou encore la communication. Mais après son rachat par l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, la Campus Academy a connu des difficultés financières similaires à celles rencontrées par d’autres sociétés rachetées par ce même homme d’affaires (Go Sport, Gap ou encore les Galeries Lafayette). Les premiers problèmes du réseau d’enseignement sont apparus en 2021-2022. Les témoignages d’étudiants recueillis par France 3 sont édifiants, avec des réductions drastiques du volume horaire des cours, des absences d’intervenants et l’absence de justification globale de la part de l’école. Certains intervenants n’étaient plus payés. Faute d’enseignements et d’enseignants, les étudiants se sont retrouvés dans une impasse. La faillite qui s’en est suivie a eu de lourdes conséquences pour tous les étudiants, dont certains avaient souscrit des emprunts de plus de 20 000 euros. Un bachelor en e-sport coûtait 6 000 euros de frais de scolarité la première année et jusqu’à 7 000 euros pour les suivantes. Les universités, comme Aix-Marseille Université ont dû pallier cette faillite en accueillant les étudiants qui n’avaient plus de solutions.

Le rapporteur a été particulièrement frappé par l’avis de Bpifrance exprimé en audition, considérant qu’effectivement les grands groupes privés pourraient à terme remplacer notamment les écoles d’ingénieur, du fait de leurs moyens financiers. Il relève que c’est précisément cette raison qui a motivé le choix de Bpifrance d’investir dans ses sociétés qui représentent l’avenir du secteur. Or ces sociétés privées sont contrôlées par différents fonds français ou étrangers, ce qui constitue une vraie menace sur notre souveraineté.

D.   Les conséquences pour les personnels et la cité

Contrairement au service public, les organisations syndicales n’ont pas forcément voix au chapitre dans la direction des groupes privés. Par exemple, les 3 000 « collaborateurs » de Galileo Global Education n’ont pas de représentant du personnel au conseil d’administration de l’entreprise. Concernant le dialogue social, la CFDT auditionnée par le rapporteur pour avis estime qu’à l’échelle des établissements privés, les syndicats sont confrontés aux problématiques habituelles du dialogue social d’entreprise : la première implantation des syndicats paraît par exemple parfois mal vécue par la direction et il n’est pas toujours simple de faire valoir le droit syndical. Au niveau de la branche, le dialogue social est considéré comme très mauvais. Les quatre syndicats représentatifs ont constaté que de nombreux points restent non traités par le collège employeur.

Ces logiques de privatisation entraînent une valorisation des filières rentables économiquement au détriment des autres (notamment en sciences humaines), mettant en péril les carrières des enseignants-chercheurs dans ces domaines. Des départements de philosophie ont par exemple fermé dans certaines universités anglaises parce qu’ils étaient beaucoup moins rentables que ceux de management ou business administration, comme l’a expliqué en audition le chercheur Vincent Charpentier.

Mme Aurélie Biancarelli-Lopes, adjointe au maire de Marseille, a aussi alerté, lors de son audition, sur les conséquences de ces dynamiques en termes de développement territorial. Les projets d’implantation de structures privées pour le supérieur profitent du recul de l’État pour se positionner sur le marché. Par exemple, dans le cas du Campus d’Adriana à Marseille, à la livraison du projet d’extension, la mairie s’est rendu compte que la superficie construite était surdimensionnée par rapport aux besoins d’enseignement : le modèle économique du projet était en réalité fondé sur de la location (pour du co-working) et de la restauration. L’école réalise ainsi une opération très bénéfique, qui pourrait lui permettre à terme de revendre à un prix bien plus élevé. Il existe donc potentiellement une volonté de spéculation foncière derrière certains projets qui utilisent le développement d’écoles privées pour les faire accepter, avec des conséquences évidentes en matière de gentrification urbaine.

Pour Marseille, le développement de l’enseignement supérieur pose aussi des questions d’aménagement du territoire. Les écoles privées vantent l’opportunité de « transformer des quartiers ». Mais faire venir des étudiants dans des quartiers mal desservis en services publics ne le transformera pas forcément. Ni la mairie de Marseille, ni le rectorat ne disposent de cartographie précise des implantations privées, ce qui ne permet pas d’avoir une vision d’ensemble de l’offre et de ses conséquences en termes de développement du territoire.

À Marseille, cette dynamique prolonge le séparatisme scolaire qui s’opère déjà fortement entre privé et public dans l’enseignement secondaire. Ces projets privés visent à offrir un débouché « naturel » à l’enseignement privé du premier et du second degré qui y est très développé. Un argument revient souvent dans les arguments des promoteurs ; il peut se résumer ainsi : ceux qui ont grandi dans le privé doivent y poursuivre leurs études supérieures.

E.   Un système non pérenne : Le déficit de France compétences

Le boom de l’apprentissage est financé par France compétences, auquel contribuent les entreprises. Cependant, cette politique présente un coût très élevé pour l’État et de nombreux acteurs s’interrogent sur la durabilité de ce mode de financement de l’enseignement supérieur (surtout) privé. La Cour des comptes détaillait déjà dans son référé du 5 avril 2022 la situation critique de France compétences : « Selon les prévisions de mars 2022, les dépenses de France compétences pourraient représenter 15,5 milliards d’euros en 2022 (contre 9,8 milliards d’euros exécutées en 2020 et 10,8 milliards d’euros estimées pour 2021). Ses ressources ordinaires proviennent des contributions obligatoires des entreprises à la formation professionnelle et à l’alternance (9,6 milliards d’euros prévus en 2022). »

La Cour des comptes souligne le rôle de l’apprentissage dans ce déficit : « L’apprentissage a connu une progression au-delà des attentes, largement soutenue par l’aide exceptionnelle à l’embauche des apprentis mise en place en juillet 2020 dans le cadre des mesures de relance de l’économie liées à la crise sanitaire. Le nombre de nouvelles entrées en apprentissage a ainsi plus que doublé entre 2018 et 2021 pour dépasser 730 000. »

L’alternance coûte au total aujourd’hui 9,7 milliards d’euros à France compétences. En décembre 2022, le déficit de France compétences atteignait 2,9 milliards d’euros, avec une dette cumulée de 11,9 milliards d’euros. La dette attribuée à la seule alternance pour la péréquation alter-branche de 2021 s’élevait à 6,4 milliards d’euros ([45]).

Les différents acteurs entendus par le rapporteur critiquent le système de définition des montants des subventions. Pour GGE, le système est compliqué, peu clair et très aléatoire, car il dépend d’un nombre d’acteurs trop important qui organise le croisement des branches professionnelles et des tarifs du ministère. D’après Omnes, les subventions sont en forte baisse cette année du fait des économies votées et du mode de calcul qualifié « d’assez étrange ». Omnes signale plusieurs dysfonctionnements, avec à titre d’exemple une formation qui propose un titre de marketing digital de niveau 7, qui se retrouve avec des prises en charge allant de 7 000 à 9 000 euros. Par ailleurs, avec ce système, les coûts d’investissement des écoles ne sont pas pris en charge. En outre, on observe également des différences importantes entre établissements, le directeur d’Omnes ayant notamment fait mention de variations pouvant aller du simple au triple, voire au quadruple, entre le financement de l’apprentissage dans une école du groupe Omnes et le financement de l’apprentissage à l’Essec.  

En outre, M. Martin Hirsch auditionné au titre de ses fonctions au sein de GGE, a émis l’hypothèse selon laquelle le déficit de France compétences découle en partie du refus des employeurs de payer davantage de taxe d’apprentissage.

F.   L’effacement de la distinction entre titres (compétences) et formations (qualifications)

La progression de l’apprentissage et l’injonction à l’employabilité ont conduit à un effacement des frontières entre compétences et qualifications. Ceci est problématique pour les étudiants, mais aussi pour les employeurs. Il est essentiel d’avoir acquis certains savoirs fondamentaux avant d’acquérir des compétences concrètes et de les mettre en œuvre en entreprise avec l’apprentissage. Une méconnaissance de certaines bases peut même s’avérer dangereuse pour l’apprenti, surtout si, en plus, il est insuffisamment encadré.

De nombreux acteurs ont confirmé ce problème. Le président du groupe privé Ionis a expliqué que, selon lui, l’apprentissage était vraiment profitable (pour les étudiants) à partir de la troisième année de licence. Avant cela, il estime que l’on risque de mettre en difficulté les étudiants, notamment ceux qui viennent des filières professionnelles. En effet, s’immerger dans les connaissances fondamentales et gérer dans le même temps la vie professionnelle peut s’avérer difficile, surtout pour les étudiants ayant accumulé du retard au lycée.

Mme Anne-Sophie Barthez, directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle et en charge du groupe de travail monté par le Gouvernement sur la question de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, a approuvé lors de son audition la nécessité de mieux clarifier la différence entre d’une part le niveau de qualification et d’autre part la compétence, et donc entre les diplômes d’un côté et les titres de l’autre.

Les équipes pédagogiques des formations professionnalisantes sont souvent composées uniquement de professionnels. Le lien avec la recherche scientifique est en général absent des formations qui délivrent des titres.

La plupart des acteurs auditionnés ont aussi mis en lumière l’insuffisance du contrôle sur l’usage des titres. Le Gouvernement a, comme déjà mentionné, lancé un groupe de travail sur le sujet, qui formule à ce stade la piste d’un nouveau label ainsi qu’une réflexion sur les modalités d’évaluation. Mais il semble que ce travail est rendu complexe par les différences de cultures et de points de vue entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (responsable des diplômes) et celui du Travail (responsable des titres).

La Conférence des grandes écoles (CGE) abonde dans la même direction. Elle a ainsi souligné lors de son audition que certains établissements se servent de l’apprentissage et des qualifications délivrées par le ministère du Travail (Qualiopi et RNCP) pour se revendiquer comme étant des établissements reconnus par l’État auprès des étudiants et de leurs familles. Toujours selon la CGE, il y a une « utilisation abusive d’un certain nombre de références comme le libellé « formation reconnue par l’État », ce qui est désastreux, « car un titre RNCP n’est pas un diplôme reconnu par l’État ».

G.   Les dérives du supérieur lucratif

Ces dernières années, la presse a relayé de nombreux cas d’arnaques dans l’enseignement supérieur privé qui ont défrayé la chronique. Un directeur de grande école cité par le journal les Échos n’hésite pas à faire la comparaison avec le scandale d’Orpea et déplore : « C’est dégueulasse, il n’y a pas d’autre mot, absolument scandaleux, les parents se saignent pour un diplôme qui n’aura aucune valeur sur le marché de l’emploi » ([46]).

« Certaines écoles font du surbooking », expliquait la directrice générale de l’Association des apprentis de France (ANAF), Morgane Daboval dans Libération. Certains centres de formation ne sont que virtuels, avec des temps de cours sous forme de vidéos, ce qui correspond à du distanciel contraint.

Entre février 2020 et mars 2021, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf) a contrôlé 80 établissements d’enseignement supérieur privé. Selon la Dgccrf, « 56,3 % des établissements contrôlés étaient en anomalie sur au moins un des points de la réglementation contrôlés, principalement s’agissant des obligations d’information précontractuelle, d’information sur les prix et de la remise de note. [...] Les suites données ont consisté en la rédaction de 72 avertissements et 38 injonctions, suivis de 4 procès-verbaux pénaux dont 2 ont abouti à un contentieux. »

Face à ce nombre très élevé d’anomalies, l’enquête a été reconduite en 2021. Ainsi, entre avril 2021 et mars 2022, 90 établissements ont été contrôlés. Toujours selon la DGCRF, « 56,67 % des établissements contrôlés étaient en anomalie sur au moins un des points [de la réglementation]. Les suites de ces constats ont consisté en la rédaction de 68 avertissements, 53 injonctions, 2 procès-verbaux administratifs et 1 procès-verbal pénal. »

Les anomalies constatées portaient sur :

– le démarchage téléphonique (47,62 % des contrôles de la seconde phase de l’enquête) ;

– la vente à distance (41,03 %) ;

– les clauses abusives et illicites (40 %) ;

– l’obligation générale d’information précontractuelle (38,24 %) ;

– les informations portant sur les prix et les conditions particulières de vente (25,42 %) ;

– les règles relatives à la notation des écoles (23,81 %) ;

– les pratiques commerciales trompeuses (21,43 %).

Concernant cette dernière catégorie, les principales pratiques commerciales trompeuses constatées sont les suivantes :

– l’usage de nombreuses mentions valorisantes dépourvues de toute justification vérifiable sur les taux de réussite aux diplômes proposés, l’employabilité post-diplôme, ou la pérennité/constance de l’équipe pédagogique ou leur qualification ;

– le site Internet d’un établissement ne mentionne pas son caractère privé (mention pourtant obligatoire en vertu de l’article L. 471-2 du code de l’éducation) ;

– la communication pour une formation affichant un prix promotionnel à côté d’un prix barré, sans pouvoir justifier de ce que le prix barré a été réellement pratiqué ;

– une absence de clarté concernant la présentation du coût réel du concours d’admission ;

– une localisation erronée de l’établissement en le localisant au centre-ville, alors qu’il est situé en périphérie ;

– des avis « Google » provenant de consommateurs devenus des employés de l’établissement ;

– l’utilisation des termes (ou grades de...) « licence », « master » ou « doctorat » ou d’un terme approchant, sans y être habilité. »

Les résultats de cette enquête sont tout à fait alarmants. Les très nombreuses anomalies relevées sur le large échantillon d’établissements visés par un contrôle laissent à penser que ces pratiques illégales sont tout à fait courantes dans l’enseignement supérieur privé, au détriment des étudiants et de leurs familles.

La CGE abonde dans ce sens en expliquant que « Le modèle économique de ces écoles est très lucratif : des coûts de formations faibles, aucun local dans certains cas, un budget marketing très développé pour attirer le plus d’étudiants possible, et aucun investissement sur la qualité de la vie étudiante ».

L’évaluation des formations professionnalisantes est insuffisante. La Cour des comptes rappelle dans son rapport de juin 2023 que : « Dans la mesure où la conformité au référentiel Qualiopi ne garantit pas à proprement parler la qualité de l’action de formation mais la qualité des processus de sa délivrance, le contrôle du service fait et celui de la qualité des actions de formation incombent toujours aux financeurs institutionnels » ([47]).

La CGE conclut qu’« il y a un réel besoin de régulation du marché. Certains des établissements essaient réellement de combler un manque sur certaines formations, mais la facilité de création d’un établissement de formation qui ne repose que sur la présentation d’un casier judiciaire volet 2 vierge et une déclaration en préfecture ».

Pour citer un chercheur auditionné, l’enseignement supérieur privé lucratif est un « véritable far west ». Les familles sont en détresse.

IV.   Recommandations

La croissance du secteur privé dans l’enseignement supérieur procède d’une dynamique de fond et présente une multiplicité d’externalités négatives, comme le démontre ce rapport. Il est nécessaire de réguler mieux ce secteur, ce que semble vouloir faire le Gouvernement à l’issu du groupe de travail dirigé par Mme Anne‑Sophie Barthez. Mais, selon le rapporteur, il semble illusoire d’en rester là, pour au moins deux raisons.

D’abord, tant qu’il manquera des places dans le service public, les formations privées, malgré leur qualité variable, demeureront attractives, notamment du fait des moyens de marketing qu’elles sont capables de mettre en œuvre. Par conséquent, même si nous informons mieux les familles, des formations à la qualité douteuse existeront toujours et l’information sera toujours insuffisante pour éviter que certaines familles, notamment celles issues des classes populaires, ne se fassent escroquer.

Mais il existe aussi des raisons de fond pour limiter drastiquement la croissance de l’enseignement supérieur privé. Le partage du savoir dans le supérieur doit être le partage d’un savoir critique en mouvement, ce qui implique son adossement à la recherche scientifique. Or, comme le montre ce rapport, le secteur privé est incapable de fournir les investissements nécessaires pour développer une recherche de qualité.

Enfin, le rapporteur questionne le choix du privé pour partager les savoirs. Le savoir se développe et prend de la valeur à mesure qu’il se partage. La compétition et la privatisation du savoir sont donc fatalement contreproductives. La formation des nouvelles générations aux qualifications requises pour les métiers d’avenir est un enjeu stratégique pour notre pays. Pour notre souveraineté, il est dangereux que la formation des jeunes dépende de fonds privés, qu’ils soient français ou étrangers. La seule solution pour limiter drastiquement l’explosion du secteur privé est donc de développer l’offre publique, pour l’enseignement comme pour la recherche. Le rapporteur fait remarquer que le développement du public ne serait pas forcément plus coûteux pour le contribuable. Rappelons que le budget de la MIRES dans le projet de loi de finances atteint environ 32 milliards d’euros. Ce montant est certes conséquent, mais il faut le mettre en perspective par rapport au financement du secteur privé, lui aussi très important avec 9,7 milliards d’euros pour l’alternance via France compétences (il faut toutefois noter qu’une partie seulement de cet argent abonde le supérieur), 7,8 milliards d’euros pour le crédit impôt recherche (CIR), auxquels il faut rajouter 1,4 milliard d’euros de réductions d’impôts. Au total, le financement public actuel du privé atteint près de 19 milliards d’euros.

A.   À court terme : mieux encadrer le secteur privé

À court terme, le secteur privé doit être mieux encadré pour éviter les dérives et les escroqueries qui se sont multipliées. Le rapporteur pour avis formule les propositions énumérées ci-dessous.

 Suppression des formations délivrant seulement des titres professionnels de Parcoursup. Cela procure à des formations privées une vitrine et organise la confusion entre qualifications et compétences professionnelles.

 Un contrôle pédagogique de toutes les formations privées doit être réalisé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Les contrôles a priori dans le cadre du RNCP ou a posteriori sur les seules fraudes commerciales s’avèrent insuffisants.

 Une évaluation par l’État de l’employabilité des formations professionnalisantes. Nous ne pouvons nous fier aux seules enquêtes des formations elles-mêmes. L’État doit recouper les informations et réaliser cette évaluation indépendante, comme le suggèrent les groupes privés eux-mêmes.

● Cesser les financements publics au capital des groupes privés notamment via Bpifrance.

● Instaurer une responsabilité juridique et morale des organisateurs des salons étudiants pour mieux contrôler la communication effectuée par les établissements pendant les salons d’orientation.

 Interdire la publicité privée faite par les écoles privées lucratives. L’information à l’orientation doit passer par des cadres neutres et encadrés par l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep).

● Rendre obligatoire la présence des organisations syndicales dans le conseil d’administration des formations privées.

 Les avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) doivent être décisionnaires concernant la reconnaissance de formation privée.

B.   À long terme : renforcer le secteur public et limiter le recours au secteur privé

La recommandation la plus fondamentale du rapporteur est donc de renforcer le budget des universités, recruter des enseignants chercheurs et revaloriser les métiers, pour que le secteur privé cesse d’être le recours des étudiants ne trouvant pas la formation de leur choix dans le public.

Le rapporteur propose les mesures suivantes :

● ouvrir, comme le recommande le conseil d’analyse économique, au minimum 150 000 places dans l’enseignement supérieur ;

● recruter 10 000 personnels dans les universités ou les écoles d’ingénieur pour ouvrir de nouvelles formations et permettre à tous les étudiants qui le souhaitent de poursuivre leurs études dans le secteur public. Au taux d’encadrement actuel, il faut recruter au moins 5 000 postes de maîtres de conférences et 2 000 personnels de soutien pour ouvrir 150 000 places ;

 titulariser tous les contractuels exerçant des fonctions pérennes. On dénombre aujourd’hui 12 440 contractuels en équivalent temps plein dans les universités, un bon nombre de ces contractuels sont dans des situations de forte précarité ;

 revaloriser d’au moins de 15 % tous les salaires des acteurs et actrices de l’enseignement supérieur. Les faibles rémunérations dans la fonction publique contribuent à la faible attractivité des métiers ainsi qu’à la dégradation globale de l’image du secteur public par rapport au secteur privé ;

● abroger la loi ORE pour que la poursuite dans les études supérieures dans les universités publiques redevienne un droit. Le secteur privé demeure un refuge pour tous les étudiants à qui l’État n’offre pas la formation de leur choix dans le secteur public ;

 renforcer le budget des BUT, des BTS et des écoles d’ingénieurs publiques. Il existe une forte demande de formations professionnalisantes de qualité à des niveaux Bac +2, Bac +3 et Bac +5, notamment pour réindustrialiser la France. Si le secteur public ne propose pas ses formations en augmentant son offre, le secteur privé en profite. Le nombre de place en IUT n’a pas évolué depuis plus 10 ans : il est passé 115 686 en 2011 à 115 056 en 2023. Le nombre de place dans les écoles d’ingénieurs publiques a seulement augmenté de 8 166 depuis 2011, alors que cette augmentation est de 24 457 dans le privé et de 117 829 pour les écoles de commerce ([48]) !

● supprimer toutes les formations privées de Parcoursup. À terme, il n’y a aucune raison qu’une plateforme publique favorise le privé en lui proposant une vitrine. C’est au privé d’organiser sa propre plateforme, rassemblant toute l’offre privée ;

 refonder le service public d’orientation en redonnant des moyens à l’Onisep et en recrutant massivement des psychologues de l’Éducation nationale. Le recours au secteur privé est souvent la conséquence d’un manque de moyens pour accompagner les étudiants ;

 un programme de nationalisation peut être proposé aux écoles privées qui le souhaitent.


—  1  —

   Travaux de la commission

I.   AUDITION DE LA MINISTRE

Lors de sa réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30 ([49]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie), Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous achevons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, avec la mission Recherche et enseignement supérieur, en accueillant Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Notre commission a désigné deux rapporteurs pour avis sur la mission : M. Philippe Berta sur la recherche et M. Hendrik Davi sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante. La partie budgétaire de leur projet de rapport pour avis a été adressée hier aux membres de la commission. Ils ont aussi consacré une part importante de leurs travaux à un thème : la recherche publique en biologie-santé pour M. Berta et l’enseignement supérieur privé pour M. Davi. Ils nous présenteront leurs principales conclusions.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche. En cette rentrée universitaire et scolaire, c’est un plaisir d’être devant votre commission pour évoquer le budget pour 2024 du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Celui-ci est en augmentation, avec 1,2 milliard d’euros de moyens nouveaux par rapport au tendanciel, soit une hausse de 20 % par rapport à 2017, et de 8 % depuis 2022.

Tout d’abord, le budget pour 2024 vise à aider plus et mieux les étudiants. Les engagements que j’ai pris devant le Parlement – devant vous – sont tenus. Ainsi, le PLF traduit les mesures annoncées en avril. Elles apportent plus de 500 millions d’euros d’améliorations au système de bourses sur critères sociaux et à l’accès à la restauration et au logement. Elles comprennent, d’une part, la première étape de la réforme des bourses, avec plus de 400 millions d’euros en plus en 2024, et, d’autre part, la pérennisation du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et précaires, ainsi que le gel des tarifs de restauration et des loyers par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Ces mesures sont entièrement compensées au centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), à hauteur de 70 millions d’euros annuels.

En cette rentrée, nos étudiants perçoivent ces bourses sur critères sociaux revalorisés, avec un investissement historique – il était plus que nécessaire – dans le contexte d’inflation que nous connaissons. Cette réforme va au-delà d’une simple revalorisation des montants de chaque échelon : nous nous attaquons également aux effets de seuil, et nous renforçons les aides aux étudiants en situation de handicap ou aidants.

Le PLF pour 2024 comporte aussi une hausse de 25 millions d’euros – soit plus de 25 % – des dotations d’investissement du Cnous pour construire et rénover les restaurants et les résidences universitaires. Ces crédits permettront en particulier de poursuivre la réhabilitation des places d’hébergement, avec un objectif et un engagement de 12 000 rénovations d’ici à 2027, conformément aux annonces de la Première ministre dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) jeunesse.

Conformément à la loi du 13 avril 2023 visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Lévi, 25 millions d’euros permettront de développer la restauration, via de nouveaux conventionnements avec des organismes partenaires et la mise en place progressive d’une aide financière pour « faire le dernier kilomètre », pour les étudiants qui n’auraient, malgré cela, aucune solution collective de proximité.

Le Cnous recevra également une dotation de 5 millions d’euros, en raison de l’augmentation des coûts de fonctionnement liés à l’ouverture de nouvelles places de restauration ; il recrutera trente-huit agents supplémentaires. Par ailleurs, une enveloppe de 10 millions d’euros sera prévue pour le renforcement de l’accompagnement des étudiants en situation de handicap, conformément aux annonces du Président de la République lors de la Conférence nationale du handicap (CNH).

Deuxièmement, le budget pour 2024 permettra aussi de soutenir la recherche et les chercheurs, en confirmant, cette année encore, la trajectoire en crédits et en emplois de la loi de programmation de la recherche (LPR), soit 468 millions d’euros supplémentaires sur le périmètre du MESR et même 500 millions d’euros si on y inclue les crédits pour la recherche spatiale du programme 193.

Ces crédits financeront : des revalorisations salariales, avec 138 millions d’euros supplémentaires ; des recrutements additionnels de chercheurs, soit un schéma d’emplois supplémentaires équivalent à 650 équivalents temps plein (ETP) – notamment des doctorants et des chaires de professeur junior – correspondant à une hausse de 91 millions d’euros ; au-delà du schéma d’emploi de la LPR, soixante-treize nouveaux recrutements seront également autorisés pour la recherche sur le nucléaire civil au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; des projets de recherche, en particulier ceux sélectionnés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont le budget augmentera de 123 millions d’euros ; des investissements dans les équipements, les organisations scientifiques internationales et les organismes de recherche, pour 52 millions d’euros ; diverses autres mesures concernant la recherche, pour un montant en hausse de 65 millions d’euros.

Troisièmement, le budget pour 2024 vise également à accompagner les transformations des universités. Une enveloppe de 15 millions d’euros sera consacrée au financement de la troisième année du bachelor universitaire de technologie (BUT) et à l’ouverture de nouveaux départements d’instituts universitaires de technologie (IUT), renforçant l’accès à l’enseignement supérieur dans tout le territoire. Les financements alloués aux études de santé seront aussi en hausse, de 7 millions d’euros.

Nous poursuivrons également le déploiement des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP), avec une deuxième vague de quarante-deux nouveaux établissements signataires, après la première vague de trente-six établissements en train de s’achever. Chaque année, 100 millions d’euros seront alloués à tous les établissements dans le cadre de ce dialogue stratégique de performance rénové.

Enfin, ce budget vise enfin à soutenir le pouvoir d’achat, dans un cadre budgétaire contraint. Le contexte des finances publiques est tendu et l’inflation reste importante, même si elle ralentit ; la dette de la France s’alourdit. Dans ce contexte, le Gouvernement accompagne les Français, notamment les agents publics. Le ministre de la Transformation et de la fonction publiques a annoncé différentes mesures, notamment ciblées sur les agents des catégories B et C, visant à préserver le pouvoir d’achat de tous les fonctionnaires. Une enveloppe de 215 millions d’euros sera ouverte pour compenser ces revalorisations salariales, annoncées en juin 2023 : elle permettra de couvrir au moins 50 % des surcoûts liés aux mesures de point d’indice pour tous les établissements et d’apporter des soutiens plus ciblés pour les plus fragilisés. Le Cnous et les Crous feront quant à eux l’objet d’une compensation intégrale, comme en 2022 et en 2023.

Pour le reste, compte tenu de leurs réserves financières, les établissements sont appelés à un effort exceptionnel en 2024. La situation financière de nos établissements, qui affichent des niveaux de fonds de roulement et de trésorerie disponibles importants, en croissance depuis plusieurs années, doit leur permettre d’absorber un tel effort. Les réserves disponibles sont estimées à environ 1 milliard d’euros pour les établissements d’enseignement supérieur, et 300 millions d’euros pour les organismes de recherche, soit un niveau très supérieur à l’effort exceptionnel qui leur est demandé. Je parle bien ici des réserves financières, qui sont, d’après les données transmises par les établissements eux-mêmes, libres de tout emploi ; cela exclut les investissements, qu’ils soient déjà engagés ou simplement programmés. C’est pourquoi j’ai demandé aux établissements de mobiliser leurs réserves, mais de le faire sans renoncer aux projets en cours. Je tiens à vous assurer, comme je l’ai fait devant les présidents d’universités et d’écoles, que nous serons attentifs aux situations particulières liées à un paysage hétérogène des établissements. Le choix a été fait de compenser à hauteur de 50 % l’ensemble des établissements pour 2024, pour conserver les marges nécessaires pour apporter des soutiens supplémentaires aux établissements qui seraient dans une situation critique.

J’en viens aux dotations d’investissement, en hausse dans le budget pour 2024. En effet, les contrats de plan État-Régions se déploient. Pour mémoire, 1,2 milliard d’euros seront attribués aux établissements du MESR sur la période 2021-2027, la montée en charge des projets continuant l’an prochain. Les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) bénéficieront de la hausse de 0,6 milliard d’euros de l’enveloppe interministérielle consacrée à la rénovation des bâtiments de l’État, annoncée par la Première ministre. Par ailleurs, nous allouerons des financements pluriannuels spécifiques pour des projets emblématiques, comme le campus hospitalo-universitaire à Saint-Ouen, le Paris Santé Campus sur le site du Val-de-Grâce, ou encore le Centre national de la matière extraterrestre sur le site du Jardin des Plantes, dépendant du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN).

Enfin, en dehors de la mission Recherche et enseignement supérieur, les établissements du MESR continueront également de bénéficier de financements extrabudgétaires importants, en particulier ceux de France 2030. Cela est notamment le cas dans le champ de la biologie santé. Sur ce sujet, Aurélien Rousseau, Roland Lescure et moi-même avons missionné Anne-Marie Armanteras de Saxcé et Manuel Tunon de Lara pour renforcer nos actions dans ce domaine. Les conclusions de M. le rapporteur pour avis sur ce sujet viendront également nourrir utilement nos réflexions et nos actions.

Mesdames et messieurs les députés, les grands défis que nous devons relever restent les mêmes. Ils sont écologiques, technologiques, industriels et sociétaux. Pour y faire face, les contributions de l’enseignement supérieur et de la recherche sont essentielles. La France doit demeurer cette grande nation scientifique, qui découvre, qui forme aux métiers d’aujourd’hui et de demain, qui innove et attire les talents dans un paysage international complexe, mouvant et compétitif. Le budget pour 2024 du ministère répond à ces défis de façon responsable, en respectant les engagements pris et en permettant de relever les défis qui nous attendent.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis (Recherche). Le budget de la recherche s’inscrit cette année encore dans une trajectoire ascendante et amplifie la hausse des moyens qui avait marqué la loi de finances initiale pour 2023. En 2024, le budget du MESR progresserait de près de 794,13 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2023, hors financements issus du plan de relance et de France 2030. Cette évolution positive est à noter. Elle permet la hausse des crédits alloués en faveur de la recherche. La mission Recherche et enseignement supérieur connaît une hausse de 3,55 % en autorisations d’engagement et de 3,29 % en crédits de paiement, soit respectivement 1 042,18 millions d’euros et 1 012,96 millions d’euros.

Je tiens donc à souligner la poursuite des efforts en faveur du budget affecté à la recherche, lesquels résultent de la quatrième année d’application de la LPR – article 2 – et de sa trajectoire, que le Gouvernement respecte : les crédits du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ont ainsi augmenté de 1 109 millions d’euros entre 2020 et le PLF pour 2024.

Ces ressources ont notamment participé à la mise en œuvre de l’amélioration des rémunérations des personnels, à hauteur de 258 millions d’euros entre 2020 et ce qui est prévu pour 2024. La LPR a amorcé l’engagement d’un vaste plan de revalorisation indemnitaire, de 644 millions d’euros, en sept tranches annuelles de 92 millions d’euros, ainsi qu’un effort de convergence des différents régimes indemnitaires de l’enseignement supérieur et de la recherche. En 2024, le montant indemnitaire de base augmenterait de près de 3 000 euros brut par an par rapport à 2020, avec une revalorisation cible de 6 400 euros brut par an en 2027.

De plus, la LPR prévoit de porter la rémunération minimale brute des doctorants financés par le MESR à 2 300 euros par mois. L’arrêté du 21 décembre 2022 a déjà porté cette rémunération à 2 044 euros brut par mois, à compter du 1er janvier 2023. Cette hausse bénéficie aux nouveaux doctorants, ainsi qu’à ceux déjà recrutés. La LPR a par ailleurs permis d’augmenter le nombre de nouveaux recrutements.

À ces montants s’ajoutent les crédits ouverts dans les missions Plan de Relance et Investir pour la France de 2030, dont certaines actions entrent dans le champ de la recherche.

L’augmentation des crédits est importante, notamment celle des revalorisations – plus que nécessaires –, qui devront être poursuivies. Je souhaite cependant appeler votre attention sur le risque accru de tension budgétaire pesant sur les différentes structures, tant du fait de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation qu’en raison du reste à charge associé aux revalorisations indemnitaires.

Même s’il est envisagé de revaloriser les subventions versées aux organismes à ce titre, de 45 millions d’euros en 2024, cette somme ne représenterait que 50 % du surcoût – 60 % pour les opérateurs les plus fragilisés, grâce à des abondements additionnels. Aussi la demande « d’efforts en responsabilité » qui leur est adressée par le Gouvernement ne saurait être pérenne, les réserves financières des entités concernées n’étant pas illimitées et leurs fonds propres ayant vocation à couvrir d’autres types de dépenses.

Je réitère également mon interrogation sur l’opportunité de réduire la durée de programmation de la LPR à budget constant, en la faisant passer de dix à sept ans, afin d’accroître plus significativement encore le budget de la recherche et de faire en sorte que sa mise en œuvre s’achève avec cette législature et le quinquennat présidentiel.

J’estime toutefois que le présent projet de budget poursuit le rattrapage – ô combien nécessaire – pour maintenir une recherche française de haut niveau, dont nous avons collectivement tant besoin. J’émets donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024.

Au-delà des aspects budgétaires, la partie thématique de mon rapport – fondée sur quarante-trois auditions et plus d’une centaine de personnes entendues – a pour objet une proposition pour l’évolution de notre modèle d’organisation de la recherche en biologie santé en France. La recherche biomédicale française n’a jamais bénéficié d’un pilotage transverse clair, intégrant recherche fondamentale, recherche clinique, recherche translationnelle, valorisation-transfert, industrie et patient et englobant l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur, par souci de coconstruction. En ce début de siècle, cette réflexion se doit d’être élargie à la santé globale – One Health ; si la pandémie du covid en fut le rappel, la liste des zoonoses considérées comme susceptibles de nous menacer est impressionnante.

Différents marqueurs constituent l’appel à cette organisation nouvelle : la crise du covid, marqueur de nos défaillances ; le discours du Président de la république à l’Institut Curie, le 16 mai dernier, incite à une telle réflexion ; notre classement international, passé, selon l’Observatoire des sciences et techniques (OST), de la sixième à la dixième place sur le volet publications, et à la seizième pour l’innovation ; une multiplicité d’acteurs qui travaillent en silos et multiplient les tutelles ministérielles – Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), Institut de recherche pour le développement (IRD), Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), Instituts Pasteur, Institut Gustave Roussy, Institut Curie, instituts hospitalo-universitaires (IHU), universités ou encore centres hospitaliers universitaires (CHU) ; une traduction sur l’aval de la chaîne de valeur à travers la balance commerciale pharmaceutique, qui nous positionne désormais à la neuvième place européenne.

La difficulté de lisibilité de notre système de recherche en biologie santé se retrouve également dans son mode de financement, lié au ratio entre crédits « socle » et crédits contractuels, trop déséquilibré, et à la multiplicité des sources de financement, en raison des outils des différents programmes d’investissements d’avenir (PIA), et de ceux, plus récents, de France 2030.

Cette illisibilité met à mal le travail des chercheurs, qui doivent consacrer beaucoup trop de temps à la recherche de crédits et au volet administratif. Il semble nécessaire de réduire le nombre d’appels à projets au profit de contrats mieux dotés, sachant tenir compte du temps long, nécessaire à la recherche en biologie santé. Les outils de valorisation-transfert présentent la même difficulté, leur multiplicité conduisant à des situations de compétition, loin du mandat unique souhaité par la loi, dite Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises.

Au niveau national, les enjeux sont multiples : un besoin de coconstruction, de transversalité et de santé globale, de travail interministériel, une nécessité de savoir qui fait quoi, mais aussi de susciter des collaborations et des échanges public-public et public-privé. Tout cela ne peut se faire qu’à partir d’un outil de pilotage intégrateur et transministériel, qui ne doit pas être délégué à tel ou tel organisme de recherche, mais à une direction indépendante et sans risque de conflit d’intérêts.

Cette direction nouvelle, que de nombreux acteurs appellent de leurs vœux, devra couvrir toute la chaîne de valeur en santé et être connectée aux diverses agences de programmation, de financement, d’évaluation, d’outils de valorisation-transfert, mais aussi aux scientifiques, académiciens, industriels, représentants de patients et à l’ensemble des acteurs de la recherche biomédicale – instituts, organismes nationaux de recherche (ONR), fondations, CHU, universités, etc.

L’agence de l’innovation en santé (AIS), mise en œuvre suite au Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2021, trouve un véritable écho auprès des nombreux acteurs précités, car elle est à ce jour l’unique interface entre les ministères chargés de la santé, de la recherche et de l’industrie. Je propose de revisiter l’AIS, afin de lui donner de nouveaux moyens, de pérenniser ses actions au-delà de 2030 et d’élargir ses compétences, en y intégrant une direction de programmation en lien avec les organismes, les agences de financement et de veille sanitaire. Afin qu’elle prenne toute sa légitimité auprès des acteurs institutionnels et décisionnaires, de la communauté scientifique et du monde entrepreneurial, elle se doit d’être une autorité indépendante et rattachée directement à Matignon.

S’agissant du volet financement, l’ANR bénéficie désormais, grâce à la LPR, de financements accrus ; elle a su s’inscrire dans le paysage de la recherche française. Elle finance déjà 24 % des projets présentés, et a un objectif d’environ un tiers pour 2024. On ne peut que suggérer que le travail entrepris, qui consiste à regrouper les types de financement variés – caritatifs, publics et hospitaliers – soit poursuivi et amplifié, puis rendu accessible sous forme d’un guichet unique multiportail, en simplifiant et uniformisant les modes de candidatures comme ceux d’évaluation. 

Concernant la valorisation-transfert des résultats et des produits issus de la recherche, il existe des systèmes propres à chaque établissement impliqué dans la recherche en biologie santé, complétés par des sociétés d’accélération et de transfert de technologies (SATT) créées par le premier plan d’investissement d’avenir, dans chaque région scientifique française. On note la faiblesse de coordination de ces différentes structures dans certains territoires. Les pôles universitaires d’innovation (PUI), très récemment mis en place, pourraient former des sites d’animation, de formation et de coordination territoriaux de ces différents acteurs, pour permettre une meilleure définition et distribution des rôles de chacun, pour la détection de projets innovants, leur validation, leur prématuration et leur maturation. Il est à noter que certains établissements, tels que l’Institut Curie ou certains IHU – Institut Imagine, Institut du cerveau ICM –, ont déjà su simplifier ces procédures et peuvent être utilisés comme modèles.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). J’ai l’honneur de vous présenter l’avis que je rends, au nom de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, sur les crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Je remercie vivement l’ensemble des personnes auditionnées, qui nous ont fourni des éléments d’analyses précieux.

Je rappellerai, au préalable, quelles sont selon moi les missions de l’université. Elle est le lieu de production et de transmission d’un savoir critique en perpétuelle construction : recherche scientifique et transmission du savoir sont deux missions de l’université indissociables l’une de l’autre. L’université n’est pas le simple lieu de formation des étudiants à un portefeuille de compétences qui augmenterait leur employabilité : elle joue un rôle central dans l’émancipation des futurs citoyens, car je fais le pari que le savoir libère. L’université constitue aussi un pilier de notre démocratie. En effet, sans citoyens éclairés, dans un monde de plus en plus complexe, l’exercice de la citoyenneté est imparfait.

Il est donc essentiel de défendre et de refonder un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. Or, le manque chronique de moyens et le management toxique, qui organise la concurrence entre tous les acteurs, affaiblissent nos universités. Sur ce terreau se développe un nouveau marché du savoir, avec l’explosion des formations privées dans l’enseignement supérieur, qui prospèrent sur l’illusion selon laquelle il est possible de former des salariés une fois pour toutes prêts à l’emploi.

Je présenterai d’abord les principales caractéristiques du budget 2024 du programme 150, Formation supérieure et recherche universitaire, et du programme 231, Vie étudiante, avant d’aborder la partie thématique de mon avis budgétaire, qui concerne le développement très préoccupant de l’enseignement supérieur privé.

Avec environ 15,27 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et près de 15,18 milliards d’euros de crédits de paiement, le programme 150 constitue l’enveloppe la plus importante de la mission Recherche et enseignement supérieur. Ces montants sont respectivement en augmentation de 0,47 % et de 1,83 % par rapport à 2023. La hausse des crédits découle de la revalorisation des rémunérations prévue par la LPR, à hauteur de 141,7 millions d’euros, et de nouvelles mesures en faveur du personnel pour 155 millions d’euros.

Ces augmentations sont en réalité en trompe-l’œil et très insuffisantes, car elles ne compensent que très partiellement l’impact de l’inflation. Calculé en euros constants, le budget du programme 150 est en réalité en baisse de 0,77 % par rapport à l’année précédente. De plus, l’État ne compense que la moitié des dépenses supportées par les universités pour mettre en œuvre les mesures de revalorisation salariales annoncées en juin ; elles sont censées financer le reste à partir de leurs ressources propres. Le Gouvernement risque ainsi de mettre en difficulté de nombreuses universités, dont les deux tiers pourraient se retrouver déficitaires dès 2023, selon France Universités. Cela est d’autant plus problématique que les universités sont confrontées à une augmentation très significative de leurs dépenses énergétiques, qui ne sont pas non plus compensées par l’État, dans le cadre du PLF pour 2024. En ponctionnant les fonds de roulement des universités, le Gouvernement fait des économies au détriment de leurs capacités d’investissement, risquant de freiner les projets de rénovation thermique, pourtant essentiels pour assurer des conditions d’accueil décentes et pour engager la planification écologique.

Il est d’autres sujets d’alerte concernant le programme 150. Je déplore globalement l’insuffisance des crédits dévolus aux actions 01, Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence, et 02, Formation initiale et continue de niveau master, qui ne permettent pas d’assurer à toutes et tous une place dans la formation de leur choix. Il est également préoccupant que le nombre de doctorants continue de diminuer.

Ces évolutions traduisent une forme de mépris pour le système universitaire. Nous en avons eu une illustration récente lorsqu’interrogé par Hugo Travers, le Président de la République a dénoncé, en évoquant le système universitaire, « un gâchis collectif », insinuant que certaines formations étaient maintenues uniquement pour préserver des postes d’enseignants. Ces propos sont choquants, dans un contexte où la dépense moyenne par étudiant à l’université a baissé de 10 % en euros constants depuis 2013.

J’en viens à la vie étudiante, avec l’analyse des évolutions du programme 231. Pour l’année 2024, le budget de ce programme atteindrait 3,3 milliards d’euros, soit une augmentation significative de 7,05 % en autorisations d’engagement et 6,28 % en crédits de paiement, par rapport à 2023. Ces crédits doivent néanmoins être replacés dans le contexte d’une hausse très significative de la précarité étudiante : 26 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Selon un sondage réalisé par l’Ifop en septembre 2023, un étudiant sur deux limite ou renonce à des achats alimentaires et a déjà sauté un repas faute de moyens.

Si la hausse des crédits du programme 231 est supérieure au niveau de l’inflation, elle n’est pas à la hauteur des enjeux actuels. Madame la ministre, vous aviez annoncé 500 millions d’euros supplémentaires pour financer le premier acte de votre réforme des bourses ; pourtant, les crédits du programme 231 n’augmentent que de 120 millions d’euros. Lors des auditions, vos services ont indiqué que la réforme serait notamment financée grâce à la baisse du nombre d’étudiants boursiers – une diminution très préoccupante, alors que la précarité étudiante augmente, témoignant des dérives du modèle de notre enseignement supérieur, qui bascule de plus en plus vers un enseignement supérieur privé professionnel. Concernant l’évolution du système des bourses, nous ne saurions nous en tenir à ces évolutions paramétriques, alors qu’une réforme systémique est appelée par tous. Plus profondément, seule une garantie d’autonomie pour les jeunes étudiants permettrait véritablement de supprimer la précarité étudiante, en assurant un niveau de vie au-dessus du seuil de pauvreté.

Les crédits du programme 231 sont par ailleurs largement insuffisants au regard du retard pris dans la construction de logements étudiants, mais aussi concernant les services de santé étudiants. J’émets donc un avis défavorable sur ce projet de budget.

Cette année encore, il témoigne du manque chronique d’investissements dans l’enseignement supérieur, conduisant à une forte augmentation de la place prise par le secteur privé. J’ai souhaité porter mon attention sur cette question dans le cadre de la partie thématique de mon avis.

Depuis 2001, la progression est vertigineuse : le nombre d’étudiants inscrits dans le privé est passé de 291 970 en 2001 – soit 13 % du nombre total d’étudiants –, à 766 811 étudiants en 2022, soit plus de 26 % de l’ensemble, ce qui représente une progression de près de 160 %. Les causes de cette progression rapide du privé sont multiples.

Tout d’abord, la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a introduit une sélection plus forte à l’entrée en licence avec la création de Parcoursup. Le nombre de lycéens n’ayant pas obtenu la formation de leur choix oscille entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 % et 21 % des bacheliers. Cette sélection, associée au manque de places en licence, a conduit de nombreux étudiants à se reporter sur les offres privées. La même dynamique est à l’œuvre pour les masters : près de 43 000 étudiants n’ont pas obtenu la formation de leur choix en 2023, ce qui représente 21,7 % des éligibles.

Ensuite, la plateforme Parcoursup a offert une vitrine à certaines formations privées : sur les 23 000 formations répertoriées, 13 830 sont publiques, dont 21 % en apprentissage, et 9 289 sont privées, dont 68 % en apprentissage.

Le secteur privé a aussi massivement bénéficié de la réforme de l’apprentissage, sous perfusion de France compétences, dont la dette atteint 11,9 milliards d’euros, et de la marchandisation du secteur, avec un marketing extrêmement agressif et une présence accrue dans les salons étudiants.

Enfin deux anciennes ministres, qui ont joué un rôle fondamental dans la progression de ce secteur, ont cherché à se reconvertir dans des écoles qui ont bénéficié des politiques qu’elles avaient mises en œuvre lorsqu’elles étaient membres du Gouvernement ; cela pose des questions éthiques évidentes.

La progression des formations supérieures payantes entraîne une reproduction et un approfondissement des inégalités sociales entre étudiants, et dilue dangereusement la distinction entre qualifications et compétences. En 2023, la presse a relayé de nombreux cas d’arnaques dans l’enseignement supérieur privé et a documenté la détresse des familles et des étudiants qui en ont été victimes.

Madame la ministre, le groupe de travail que vous avez lancé a proposé des solutions, mais elles sont insuffisantes. Nous devons agir vite, non seulement pour réguler le secteur, mais surtout pour endiguer ce phénomène. Nous ne saurions en effet nous féliciter de cette forte progression du secteur privé.

À court terme, nous devons mieux encadrer le secteur privé. Pour cela, il convient de supprimer de Parcoursup les formations délivrant uniquement des titres professionnels, qui diluent la distinction entre compétences et qualification. Il nous faut systématiser les contrôles, mettre en place une évaluation par l’État des taux d’employabilité des formations professionnalisantes et ne pas s’appuyer sur ceux fournis par les établissements privés, supprimer les financements publics de BPIFrance et interdire le marketing agressif de ces écoles.

À plus long terme, limiter le recours au secteur privé nécessitera obligatoirement de renforcer le secteur public. Il faut pour cela créer plus de 150 000 places dans l’enseignement supérieur, recruter massivement des fonctionnaires, et pour renforcer l’attractivité, revaloriser les salaires d’au moins 15 %. Il faut également renforcer très fortement les IUT notamment parce que les formations courtes sont plébiscitées. Enfin, il faut affirmer le droit à la poursuite des études dans l’enseignement supérieur, en supprimant Parcoursup.

Je me réjouis du fait que, contrairement à l’an dernier, nous puissions examiner l’ensemble du budget dédié à l’enseignement supérieur en commission, le 49.3 devant intervenir ultérieurement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Anne Brugnera (RE). Les députés du groupe Renaissance se réjouissent de voir une nouvelle fois le budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche en hausse pour l’année 2024. Il s’élèvera à 26,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 818 millions d’euros par rapport à 2023 ; la hausse par rapport à 2017, de plus de 20 % – j’insiste sur ce point, pour ceux qui nous diront que ce n’est pas assez, voire nous accuseront d’austérité – est quant à elle inédite. Je ne ferai pas ici l’affront de rappeler l’augmentation des crédits dédiés à ce ministère durant les quinquennats précédents.

Ce budget permet de mettre en œuvre nos ambitions en faveur de l’enseignement supérieur de la recherche et de la vie étudiante. Il est particulièrement axé sur l’accompagnement de nos étudiants, avec une augmentation des fonds de plus de 550 millions d’euros : 400 millions d’euros sont destinés à l’amélioration du système de bourses étudiantes, sur critères sociaux, pour cette rentrée. Nous sommes heureux de constater que 35 000 étudiants sont devenus boursiers cette année, ainsi que de voir la bourse de l’ensemble des étudiants augmenter d’un minimum de trente-sept euros par mois. Cette réforme n’est pas encore achevée, nous irons plus loin : vous pouvez compter, madame la ministre, sur l’engagement de la majorité à ce sujet ; notre objectif commun est d’aider plus et mieux nos étudiants.

Dans ce budget, 70 millions d’euros sont fléchés pour pérenniser le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers ou précaires et pour geler les tarifs de restauration et de loyer – une réelle satisfaction pour nous qui avons créé le repas à 1 euro lors de la législature précédente. Avec 5 millions d’euros, de nouvelles places en restaurant universitaire (RU) seront ouvertes ; les étudiants éloignés de ces restaurants ne sont pas oubliés, puisque 25 millions d’euros permettront de conventionner des tarifs adaptés dans d’autres restaurants administratifs.

Enfin – un sujet qui me tient à cœur –, une enveloppe de 10 millions d’euros supplémentaires permettra de renforcer l’accompagnement des étudiants en situation de handicap.

L’autre grand volet de ce projet de loi de finances pour 2024 concerne le soutien de la recherche et des chercheurs. Revalorisation salariale, recrutements additionnels, soutien aux projets de recherche : ces investissements dans les équipes, les équipements et les organismes de recherche bénéficieront, en 2024, de 468 millions d’euros de crédits supplémentaires. Ils résultent de la LPR – notre groupe est très vigilant quant à sa mise en œuvre – et sont indispensables pour donner des perspectives et des ambitions fortes à notre recherche.

Le troisième axe de ce budget concerne nos universités et leurs projets. Nous saluons la hausse de 15 millions d’euros destinée à financer la troisième année de BUT et de nouvelles places en IUT, ainsi que les 7 millions d’euros supplémentaires prévus pour financer les études de santé et leur réforme.

Dernier montant significatif, l’enveloppe de 215 millions d’euros qui permettra de compenser – en partie seulement – les revalorisations salariales de 2023. Si je salue la nécessaire augmentation du point d’indice, je regrette que cette compensation ne soit que partielle.

Le déploiement de ces crédits répond aux ambitions et aux défis de l’enseignement supérieur et de la recherche : lutter contre la précarité des étudiants, renforcer leur accompagnement, soutenir le réseau des Crous, mieux valoriser notre recherche et nos chercheurs, accompagner nos établissements dans leurs évolutions. Aussi le groupe Renaissance votera-t-il les crédits de la mission recherche et enseignement supérieur. Néanmoins, madame la ministre, nos universités devront mobiliser leurs ressources propres pour financer la hausse du point d’indice : quelles aides et garanties peuvent-elles leur être apportées, s’agissant notamment du financement de leurs projets immobiliers – rénovation énergétique, remplacement de bâtiments souvent datés – visant à améliorer le confort des étudiants et des enseignants-chercheurs, de leur facture énergétique et de la transition écologique ?

M. Roger Chudeau (RN). Votre ministère célèbre une augmentation du budget de 3,9 % mais une inflation de 5,7 % relativise tout de même quelque peu cette progression. La recherche française est mondialement reconnue, comme en témoignent nos récents prix Nobel et les médaillés Fields. Nous disposons d’un fort potentiel scientifique et de personnels de haut niveau. Votre projet de budget vise à conforter cet état de fait. Dont acte.

Je tiens cependant à relever un certain nombre d’angles morts préoccupants car ils pourraient obérer le développement de notre recherche dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée.

Premièrement, la dépense intérieure en recherche et développement stagne depuis des années à 2,2 % ou 2,4 % du PIB, loin des 3 % de la stratégie de Lisbonne. Les Allemands y consacrent 3 % de leur PIB et visent désormais 3,5 %. Pourquoi un tel décrochage ?

Deuxièmement, en amont de la recherche, il y a évidemment l’enseignement supérieur proprement dit. Or, que lit-on dans le programme 150 ? Vous fixez une cible de 50 % de réussite en première année de licence et de 44 % de réussite de la licence en trois ou quatre ans. Ce n’est pas très sérieux. Ce n’est plus un défaut d’ambition : c’est presque une démission. Le document budgétaire explique que les choses s’améliorent grâce à Parcoursup. Que l’une des 21 000 formations de l’algorithme soit proposée à 95 % de bacheliers ne produit manifestement pas d’effet pour réussir en licence. Le baccalauréat, vous le savez, est largement vidé de son sens. Dépourvu de valeur académique, il ne qualifie plus vraiment pour l’enseignement supérieur. Nous préconisons donc une véritable année de propédeutique pour des bacheliers qui sont pour la plupart d’entre eux incapables de suivre en première année de licence.

Troisièmement, une note du centre d’initiation à l’enseignement supérieur (CIES) et le dernier rapport sur l’emploi scientifique en France montrent que le nombre de doctorants stagne depuis des années et signalent une baisse globale de 10 % en dix ans. L’objectif de 20 000 docteurs par an en 2025 fixé par la stratégie nationale de l’enseignement supérieur de 2015 est loin d’être atteint puisque nous en sommes à peu près à 15 700. Le recrutement d’enseignants-chercheurs a quant à lui chuté de 3 613 en 2011 à 2 199 en 2022. Certes, l’emploi scientifique connaît une embellie aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé mais, si l’amont est défaillant, cette embellie sera de courte durée. Quelle est votre politique en la matière ?

Quatrièmement, s’agissant des publications et du rayonnement scientifiques, au programme 172, les développements du programme de performance font état d’« une stabilité depuis 2018 du volume de nos publications scientifiques » et d’une « tendance baissière qui ne peut être enrayée ». L’indicateur d’impact des publications françaises se situe un peu en dessous de la moyenne mondiale alors que nous sommes la sixième puissance du monde.

Cinquièmement, la question de la condition étudiante est à nos yeux un véritable crève-cœur pour la nation. La France ne doit pas s’accommoder de la paupérisation des étudiants. Peut-être faudrait-il un changement systémique de paradigme ? Ne faudrait-il pas se saisir de la question étudiante sur un plan interministériel, au sein d’une délégation regroupant les ministères chargés du logement, des affaires sociales, du travail, de la santé, de l’éducation et de l’enseignement supérieur ?

Votre politique subit beaucoup trop les contraintes liées à des considérations budgétaires et financières d’origine maastrichtienne. Ces contraintes devraient s’effacer au regard des enjeux stratégiques et de l’impératif, pour notre nation, de s’imposer comme l’un des champions mondiaux de la recherche.

M. Jérôme Legrave (LFI-NUPES). Un quart des personnes qui font la queue aux portes des banques alimentaires a moins de 25 ans. Nombre d’entre elles sont des étudiants et près de 20 % de ces derniers vivent sous le seuil de pauvreté. La presse s’est fait l’écho du délabrement des cités universitaires. Un étudiant a ainsi confié : « La présence de cafards, ça a commencé il y a deux ans. Je traite tous les jours, j’emballe toute ma nourriture et j’en vois quand même une trentaine quotidiennement. » Quiconque a mis récemment les pieds dans une université a pu constater qu’en hiver, elle n’est pas chauffée. L’état des lieux est alarmant. Il est donc pour le moins stupéfiant d’entendre le Président de la République expliquer au mois de septembre dernier que les universités n’ont pas de problèmes de moyens.

Avec près de 32 milliards d’euros, le budget global de la mission n’augmente que de 0,69 point en prenant en compte l’inflation et cache de nombreuses disparités. Le programme 150, Formations supérieures et recherche universitaire, augmente moins que l’inflation et, en prenant en compte les 2,6 % d’inflation prévus en 2024, sa ligne budgétaire diminue de 0,67 point.

La dépense moyenne par étudiant n’a jamais été aussi faible depuis 2013. M. Davi l’a dit : la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé d’un enseignant pour trente-huit étudiants en 2012 à un pour quarante-sept en 2019. En conséquence, la précarité étudiante explose. Pourtant, le Gouvernement et votre majorité se sont opposés aux repas à 1 euro pour tous les étudiants et le nombre de repas à 1 euro a baissé de 2021 à 2022.

Depuis 2017, la production de logements étudiants est en diminution. Des promesses sont faites, une fois de plus, mais on est loin de pouvoir répondre à des besoins gigantesques. Selon les calculs de l’Union étudiante, il faudrait construire urgemment au moins 150 000 logements universitaires.

Près de 64 % des étudiants dans une formation éligible ne perçoivent pas de bourses, ce qui justifierait l’instauration d’une allocation autonomie. Vous avez récemment évoqué une réforme structurelle. Un délégué interministériel, M. Jolion, a remis son rapport au mois de juin mais, selon Le Monde, celui-ci n’a pas été rendu public. Les syndicats étudiants ne semblent toujours pas avoir de nouvelles à propos des concertations à venir. Quel est le lien entre la réforme de la solidarité à la source évoquée par M. Macron en 2022 et votre réforme systémique ? Quand les discussions commenceront-elles ?

Enfin, le nombre de bacheliers n’ayant pas trouvé la formation de leur choix sur Parcoursup est très élevé, oscillant entre 105 000 et 125 000, soit entre 17 % et 21 % d’entre eux. Depuis cette année, monmaster.gouv.fr répond à la même logique, avec un plafonnement de l’offre de formation à 185 000 places en première année alors que les demandes d’inscription en master sont de 209 000.

La sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur instaurée sous le quinquennat précédent constitue un recul historique effectué au prix de la remise en cause du droit à la poursuite des études et de l’élévation du niveau général des qualifications. Cette sélection a conduit de nombreux étudiants à se reporter vers des offres privées et Parcoursup a été une formidable opportunité pour ce marché. Parmi les 22 200 formations proposées, plus de 9 000 sont privées. Selon un article de L’Obs du 17 octobre dernier, l’enseignement supérieur privé, en plein boum depuis dix ans, rafle désormais la mise et regroupe un quart des étudiants depuis septembre 2023. L’enseignement supérieur et la recherche sont étranglés par leurs budgets pendant que les fonds publics financent la privatisation de l’enseignement supérieur. Comble de l’ironie : faute de financements publics, les universités finissent par se tourner vers les entreprises. Il importe de s’orienter à rebours, comme nous le montrerons à travers nos amendements.

M. Alexandre Portier (LR). Pourrons-nous débattre du quatrième budget de l’État dans l’hémicycle ou serons-nous à nouveau privés de discussion ?

Les établissements universitaires font face à la non-compensation intégrale par l’État des mesures sociales, notamment, de la revalorisation du point d’indice, laquelle grève significativement leur budget. Même si les universités comprennent le sens de ces mesures, elles s’inquiètent de leur financement. La facture finale devrait dépasser 150 millions d’euros en 2024, s’ajoutant aux 200 millions d’euros de 2022 et aux 130 millions d’euros de 2023, eux aussi non compensés. La stabilité financière des universités est compromise. Si vous n’y remédiez pas, nous voterons contre ce budget. Entendez-vous les inquiétudes des présidents d’université et comment comptez-vous y répondre ?

Les étudiants se heurtent à des difficultés financières, notamment en matière de logement et d’alimentation. Quelles mesures envisagez-vous pour faciliter la conciliation entre les études et un job ?

Les mesures environnementales qui ont été prises, notamment sur un plan thermique, feront sortir des dizaines de milliers de logements du parc locatif. Le secteur de l’immobilier alerte depuis des mois : nous nous dirigeons vers une crise sociale assez importante que les étudiants prendront de plein fouet. Vous faites-vous l’écho de ces préoccupations au sein du Gouvernement ?

La contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) finance des associations militantes qui, parfois, se livrent à une propagande très éloignée des enjeux d’amélioration de la vie étudiante. Vous ne pouvez pas ignorer de telles dérives. Plus encore, la CVEC est injuste. Dans ma circonscription, des étudiants en institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) s’en acquittent alors qu’ils ne bénéficient d’aucun service. Une refonte de cette contribution s’impose.

En tant que député du Rhône, j’ai été très choqué des circonstances de la venue de Mme Mariam Abu Daqqa, militante du Front populaire de libération de la Palestine, organisation classée terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada, à l’université Lyon-II le 5 octobre dernier. Face à l’ampleur de la polémique, nous avons demandé que sa conférence soit interdite, or, Mme Abu Daqqa était là, au premier rang, elle est intervenue et aucune sanction n’a été prise. Que ferez-vous pour que cela ne se reproduise plus ?

M. Frantz Gumbs (Dem). Cette mission, qui a un caractère interministériel, est complexe. Le tableau d’ensemble montre qu’elle occupe un volume important dans le budget de l’État, avec plus de 31 milliards d’euros, en hausse de 3 %.

On serait certainement mieux avec plus afin de satisfaire tous les besoins mais il importe de trouver un équilibre entre les dépenses nécessaires pour rester compétitifs sur le plan international et la préparation aux enjeux à venir, tout en tenant compte d’une dette que nous devons maîtriser.

Cette augmentation budgétaire s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation de la recherche 2021-2030 et traduit la volonté du Gouvernement de maintenir son engagement, notamment en matière de formations supérieures et de recherche universitaire pour un montant de 15 milliards d’euros, en matière de recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires pour un montant de 8,2 milliards d’euros, en matière d’amélioration du quotidien des étudiants en situation de précarité à travers les 3,3 milliards d’euros consacrés au programme 231, Vie étudiante : repas à 1 euro pour les plus précaires, gel de l’indexation des loyers et des frais d’inscription, revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux, bonification de points de charge pour les étudiants des territoires d’outre-mer. Ces avancées sont significatives mais devront être poursuivies.

L’application de la LPR se poursuit. Entre 2020 et 2023, l’augmentation totale sera de 1,2 milliard d’euros. Les moyens supplémentaires sont consacrés à la poursuite de la revalorisation indemnitaire annuelle des personnels de recherche, au renforcement des moyens de base alloués aux laboratoires et aux investissements pour maintenir les équipements et infrastructures de recherche au meilleur niveau international.

Le programme de recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, en hausse de 330 millions d’euros, a retenu mon attention. La France doit en effet maintenir son rang sur le plan européen et international et doit continuer à promouvoir son excellence. Ce budget constitue un signal positif mais les efforts devront être là encore poursuivis. C’est dans cet esprit que mon groupe votera les crédits de cette mission.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous tenons à souligner les efforts d’investissements réalisés sur certains postes de dépenses mais nous déplorons certaines carences.

Nous sommes d’autant plus inquiets pour les universités que les mesures annoncées par le ministre Guerini ont fragilisé leurs budgets. Appelée à fonctionner à partir de ses fonds de roulements, notre communauté universitaire a fait preuve d’une grande résilience. Pourtant, les chantiers sont nombreux afin de valoriser et de continuer à rendre attractif notre modèle universitaire.

Alors que nos enseignants-chercheurs contribuent à la qualité de nos universités, ils ne sont pas suffisamment mis en valeur. En début de carrière, leur salaire est inférieur de 35 % à la moyenne de celui de leurs homologues des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Si nous saluons les 3,1 millions d’euros prévus pour la revalorisation indemnitaire et pour les dispositifs de valorisation et de recrutement, cette somme est dérisoire face aux 25 milliards d’euros attendus entre 2021 et 2030 dans le cadre de la LPR.

Trois ans après la crise sanitaire, qui a mis en évidence la détresse de nos étudiants, ces derniers souffrent de séquelles psychologiques et morales. Alors que, selon les recommandations internationales, il convient de disposer d’un psychologue pour 1 000 ou 1 500 étudiants, nous nous situons bien en deçà d’un tel seuil. La santé mentale doit être une cause nationale à tous les niveaux. Nous avons donc proposé un grand plan de santé mentale afin que chaque étudiant puisse bénéficier d’un suivi au sein d’un service de santé universitaire.

Les services de santé de l’étudiant doivent être mieux dotés et plus présents sur tout le territoire. La première étape serait la présence physique d’un service de santé dans chaque université, rapidement suivie d’une vision plus globale ; je pense à l’ensemble des étudiants, ceux sur des sites délocalisés, aux Ifsi et aux IUT qui se trouvent en effet dans des zones extérieures, dépourvues de Crous et loin des centres urbains. L’accès à ces services doit également permettre aux jeunes personnes menstruées d’accéder à des professionnels de santé de la femme comme les sages-femmes et les gynécologues. Alors que 15 % des femmes de moins de 24 ans déclarent ne pas avoir de mutuelles, l’université doit être un rempart contre cette forme de précarité.

Les chiffres de la note flash du CIES montrent que les femmes sont majoritairement bénéficiaires de bourses et sont donc plus exposées à la précarité ; la bourse échelon 7 bénéficie à des femmes à hauteur de 61,1 %. Si la démarche que vous avez entreprise en la matière est louable, elle ne suffira pas. Le système de bourses n’est plus à la hauteur, ni sur le plan des montants, ni sur celui des critères d’attribution. Seul un nouveau système d’aides sociales plus ambitieux pourra réduire une telle précarité.

Un étudiant sur dix se dit victime de violences sexuelles et sexistes. Êtes-vous favorable à l’augmentation des budgets consacrés à la lutte contre ces problèmes ?

Mme Agnès Carel (HOR). Notre groupe ne peut que se réjouir de la hausse de 1,2 milliard d’euros du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, même si nous espérons toujours plus. Au total, il a augmenté de 4,4 milliards d’euros depuis 2017.

Vous avez souhaité mettre l’accent sur l’amélioration du système de bourses sur critères sociaux, l’accès à la restauration et au logement étudiant ainsi que sur l’amélioration de l’accessibilité pour les étudiants en situation de handicap en y consacrant 550 millions d’euros supplémentaires. L’application de la LPR 2021-2030 se poursuit, avec 500 millions d’euros de plus que l’année dernière.

Vous prévoyez également d’accompagner les transformations des établissements d’enseignement supérieur et de poursuivre l’adaptation de l’offre de formation, avec une enveloppe de 100 millions d’euros par an pour les nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance. Je signale l’accompagnement des établissements et le soutien à leurs projets afin qu’ils puissent faire face à la hausse des charges notamment grâce à une enveloppe de compensation pérenne de 215 millions d’euros au titre des revalorisations salariales, à des mesures de soutien spécifiques pour les Crous et à une hausse des dotations d’investissement.

Avec l’augmentation du coût de la vie – notamment, des denrées alimentaires et de l’énergie – les conditions de vie des étudiants se sont dégradées depuis quelques années. Nous savons combien vous êtes attachée à améliorer la vie de nos jeunes. Si ce budget est considéré par certains comme insuffisant, il augmente néanmoins, quoique nous soyons dans un contexte budgétaire global tendu. Il permettra d’investir 550 millions d’euros supplémentaires afin d’améliorer la vie des étudiants.

Au mois de mars, vous avez annoncé une première série de mesures afin de faire évoluer le système des bourses sur critères sociaux dès la rentrée universitaire 2023. Ainsi, 35 000 étudiants qui n’étaient pas boursiers devaient le devenir. Les bourses de tous les étudiants ont été revalorisées à tous les échelons. L’augmentation globale s’élève à 34 % pour le premier échelon et se situe à hauteur de l’inflation pour l’échelon le plus élevé. Nous devons cependant aller plus loin. Ce budget a le mérite de limiter pour beaucoup les coûts de la restauration et du logement. La suite de la réforme du système de bourses sur critères sociaux serait prévue pour 2025. Pouvez-vous faire un point sur les avancées de vos travaux afin d’élaborer un nouveau système de solidarité, plus équitable ?

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Ce budget en hausse et au service des étudiants ne représente que 6,5 % du budget général de l’État contre près de 7 % en 2017.

Après avoir été durement touchés par la crise sanitaire, les étudiants subissent de plein fouet l’inflation. Ce que vous présentez comme une réforme du système des bourses étudiantes n’est qu’un maigre rattrapage de l’éviction progressive de nombreux étudiants du système des bourses. Au mois de juin le professeur Jolion vous a remis un rapport d’évaluation qui fait état de la baisse continue du nombre de boursiers dans l’enseignement supérieur. Depuis 2020, 70 000 boursiers sont ainsi sortis du système et cela aurait été le cas de 60 000 autres en 2024 si des mesures n’avaient pas été prises.

De plus, l’augmentation de 6 % des montants constitue à peine un rattrapage de l’inflation et ne compense pas la hausse du coût de la vie étudiante pour cette rentrée 2023. Alors que l’inflation a bondi de 12,6 % entre 2017 et 2022, l’évolution du pouvoir d’achat pour les boursiers à l’échelon 7 n’était que de 4 % en 2022 et de 6,2 % en 2023, soit plus 10,5 % sur la même période. La CVEC, quant à elle, est indexée sur l’inflation.

Il est donc temps d’instaurer une véritable allocation étudiante, comme le réclament les associations étudiantes et plusieurs présidents d’université afin de faire face à l’ampleur de la crise et de permettre à chacun de poursuivre ses études, comme le préconisait l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dans un rapport sur les Crous rendu au mois de juillet dernier. Pourtant, vous préférez passer des contrats avec des associations pour « institutionnaliser » les distributions alimentaires. Notre jeunesse mérite mieux que la charité : donnez-lui les moyens de son émancipation !

Le PLF prévoit de maintenir le repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et précaires. En 2022, les Crous ont servi 35 millions de repas, dont 19 millions à 1 euro. Cela représente une hausse de fréquentation de 30 % depuis 2021.

Selon un sondage réalisé par l’Ifop avec l’association Cop1, un étudiant sur deux limite ses achats alimentaires ou y renonce contre un quart de l’ensemble de la population ; 50 % des étudiants disposent d’un reste à vivre de moins de 100 euros après avoir payé leur loyer. Selon les dernières études de l’Observatoire de la vie étudiante, la moitié des étudiants déclare avoir des problèmes financiers et 43 % avoir déjà dû renoncer à un repas. Nous demandons la généralisation des repas à 1 euro.

La question de la crise du logement étudiant est plus que prégnante. Alors qu’il s’agit du premier poste budgétaire pour les étudiants, les politiques menées sont largement insuffisantes. Les loyers ont augmenté en moyenne de 10 % pour les étudiants alors que quatre jeunes sur dix sont en situation de pauvreté. Les logements sont insuffisamment nombreux – il en manque 250 000 – et salubres. Depuis 2017, vous en avez construit 30 000 sur les 60 000 annoncés mais, au regard de la demande, l’atteinte de cet objectif ne résorberait pas la crise.

Réussir ses études nécessite des conditions de vie décentes, ce que ce PLF ne permettra pas. Nous voterons contre ses crédits.

Mme Martine Froger (LIOT). Nous nous réjouissons que le budget consacré à la recherche et à l’enseignement supérieur soit en hausse mais je reste dubitative, les moyens consentis paraissant insuffisants.

L’état de la recherche suscite de nombreuses inquiétudes. Pour beaucoup, elle est en déclin. Cela doit d’autant plus nous alerter que nous ne cessons de fixer comme objectif d’y consacrer 3 % du PIB depuis 2000 et que nous stagnons encore à 2,2 %. Nous devons être plus ambitieux. Les thématiques de recherches ne manquent pas : santé, environnement, énergies renouvelables, réindustrialisation, souveraineté économique, langues régionales sont autant de priorités. Les défis qui nous attendent ne pourront être relevés sans un enseignement supérieur et une recherche confortés. Comment y répondrons-nous sans investir massivement dans une recherche de pointe adossée à un enseignement supérieur d’excellence ?

Nous considérons que la rallonge budgétaire visant à créer 650 postes dans l’enseignement supérieur n’est pas à la hauteur des enjeux alors que l’université emploie 29 000 équivalents temps dans des conditions précaires.

La situation financière des universités est préoccupante. Une vingtaine d’entre elles était en déficit en 2022 contre trois ou quatre les années précédentes. L’inflation, les revalorisations salariales, les surcoûts liés à l’énergie pèsent très lourd et ne font pas l’objet d’une compensation systématique de la part de l’État.

Nous saluons les revalorisations du point d’indice et les mesures de soutien au pouvoir d’achat mais, en 2023, le surcoût total non financé s’élèvera à 132 millions d’euros, pour atteindre 268 millions d’euros en 2024. Nous craignons que le financement de places pour les nouveaux étudiants ne couvre pas réellement l’augmentation des effectifs. Cette crainte se confirme à travers la baisse constante, depuis 2011, de la dépense moyenne par étudiant. Nous sommes passés d’environ 12 000 euros par étudiant à 10 000 euros. Nous investissons moins qu’il y a dix ans alors que le nombre d’étudiants en licence a augmenté de 25 %.

La précarité étudiante s’installe durablement. Le coût de la rentrée universitaire et de la vie étudiante dépasse les 3 000 euros. Parmi les dépenses de la vie courante, le loyer – plus 8,95 % – et l’alimentation – plus 15 % – pèsent le plus sur les budgets des étudiants. Près d’un tiers d’entre eux vit dans la précarité et doit choisir entre se nourrir ou payer son loyer.

Les bourses, quant à elles, n’ont été revalorisées qu’à hauteur de 37 euros mensuels, bien en dessous de la hausse globale des frais de la vie courante. Les logements Crous sont encore trop peu nombreux, avec seulement un logement pour dix-sept étudiants.

Dans ce contexte, nous persistons à défendre le retour du ticket resto U à 1 euro pour tous les étudiants. Nous appelons à une réforme ambitieuse des bourses, abandonnée lors du précédent quinquennat. Actuellement, 75 % des étudiants qui bénéficient de l’aide alimentaire et qui sont identifiés comme précaires ne sont pas boursiers.

Nous saluons en revanche les nouvelles mesures pour les étudiants en situation de handicap et proposons d’augmenter encore les moyens leur permettant d’accéder à l’enseignement supérieur dans les meilleures conditions possibles, notamment en matière de logement.

Enfin, il importe de doter de moyens suffisants les services de santé universitaire, notamment ceux de la santé mentale. Nous défendrons une hausse du nombre de psychologues.

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Nous avons conscience des problèmes qui se posent et nous nous efforçons d’y répondre.

La réforme des bourses sera effective. Après la première étape méthodologique et paramétrique, en octobre de l’année dernière, nous avons organisé des concertations avec les étudiants. M. Jolion a présenté son rapport devant toutes leurs organisations représentatives avant les vacances d’été. Celui-ci sera publié, avec la récapitulation de cette première étape. La concertation territoriale menée par les recteurs aboutira quant à elle à la définition de schémas directeurs sur la vie étudiante dans tous les établissements. Ils tiendront compte des volets logement et restauration en lien avec les acteurs locaux.

En matière de bourses, nous sommes parvenus à apporter des réponses aux étudiants dès cette rentrée en déployant des moyens historiques répondant ainsi partiellement aux problèmes d’effets de seuil et de territorialisation, en particulier pour les étudiants ultramarins et pour les étudiants en situation de handicap.

Nous travaillons avec Aurore Bergé, ministre des Solidarités et des familles, afin d’avoir une vision globale des aides destinées aux étudiants et de proposer un modèle cohérent dans le cadre de la solidarité à la source. Nous allons relancer le travail avec les étudiants. Toutes les organisations représentatives des étudiants connaissent le calendrier de la finalisation de la réforme de notre système de bourses.

Le deuxième point, sur l’autonomie des étudiants. Oui, l’université et l’enseignement supérieur sont des lieux d’émancipation. Mais la priorité est de lutter contre la précarité. Le premier combat que je mènerai est une réponse à la précarité des étudiants ; ils en ont besoin. Tous les leviers doivent être activés. Parallèlement aux dotations conséquentes, nous travaillons avec les associations qui soutiennent les étudiants ; nous leur consacrons 10 millions d’euros. En ouvrant parfois les Crous le soir, nous permettons à tous les étudiants boursiers mais aussi à tous les étudiants précaires d’accéder systématiquement aux repas à 1 euro, de façon fluide et rapide. C’est une information qu’il faut communiquer ; tous les étudiants précaires ont un accès facile, immédiat et direct aux repas à 1 euro, après un simple clic sur le site internet du Crous. La compensation aux Crous du repas à 1 euro, à hauteur de 50 millions d’euros, est intégrale et pérenne, puisqu’elle a été « soclée », ainsi que les 20 millions d’euros qui compensent le gel des loyers Crous. Cela fait quatre ans que les loyers Crous et la restauration à tarif social sont gelés.

Dans les campus délocalisés, en particulier, les étudiants n’ont pas tous accès à une restauration à tarif modéré comme le permettent les Crous. Nous avons donc augmenté le financement des Crous de 25 millions d’euros afin que des conventions soient passées avec des partenaires – écoles, lycées, hôpitaux – et que ces étudiants puissent accéder à une restauration collective sur tous les territoires. Une quarantaine de nouvelles conventions sont en cours d’élaboration. Nous finançons ainsi l’application de la loi Lévi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. Ces partenaires pourront accéder à la centrale d’achat du Crous afin de baisser les coûts. Lorsqu’il ne sera pas possible de passer des conventions, nous ferons « le dernier kilomètre » pour que tous les étudiants puissent accéder à une restauration de ce type. J’espère que, d’ici au début de l’année prochaine, nous disposerons d’une bonne couverture du territoire.

Nous devons poursuivre le développement de l’universitarisation notamment pour les métiers paramédicaux, comme les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). L’objectif est de donner accès à ces étudiants à tout ce que l’université peut leur offrir, en matière d’offre sportive et culturelle. Par exemple, certains établissements utilisent les crédits de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) pour déployer des équipements sportifs sur des campus délocalisés. Les étudiants sont associés aux choix qui sont faits par les établissements dans l’allocation de cette ressource. Nous serons très attentifs à l’utilisation qui sera faite des crédits CVEC ; il y a des contrôles.

En ce qui concerne le logement, la crise que nous connaissons touche particulièrement les étudiants. Nous travaillons avec le ministre chargé du logement, Patrice Vergriete, pour y apporter des réponses.

En premier lieu nous répondons à l’urgence ; nous faisons en sorte qu’aucun étudiant ne reste sans toit. Les établissements s’efforcent de proposer des solutions transitoires ou pérennes.

En deuxième lieu nous cherchons à accroître le parc de logements étudiants. Sur les 60 000 logements promis, 30 000 ont été construits, le retard étant imputable au covid et au manque de foncier. Nous avons confié à Richard Lioger une mission pour favoriser la construction et l’accès au logement étudiant. C’est un travail de dentelle qui est mené dans chaque territoire, avec les acteurs locaux, pour identifier le foncier disponible et les freins à lever pour faciliter la construction de logements universitaires. Par exemple, dans les projets de rénovation des résidences, nous étudions la possibilité de surélever les bâtiments – c’est ce qui été fait dans une résidence de Bordeaux où deux à trois étages supplémentaires ont été bâtis. Nous activons tous les leviers pour augmenter le parc de logements rapidement.

En troisième lieu, nous poursuivons la rénovation des 175 000 logements gérés par les Crous. Grâce au gros effort fourni sous le précédent quinquennat, il ne reste que 12 000 logements à rénover, soit 5 à 7 % du parc locatif Crous. Nous sommes donc loin de la situation apocalyptique que décrivent certains. Il faut reconnaître les problèmes et leur apporter des solutions, mais aussi saluer le travail accompli par les agents des Crous. La rénovation des 12 000 logements, qui doit s’achever en 2027, est programmée et financée à hauteur de 300 millions d’euros.

Ce sont les trois directions dans lesquelles nous travaillons, avec les acteurs des territoires et des financements à la clé, pour donner de bonnes conditions de travail aux étudiants.

En matière de santé, les services de santé universitaires sont devenus cette année des services universitaires de santé étudiante. Ce changement de dénomination accompagne une évolution de leur rôle – outre la prévention, ils assurent désormais des soins – mais aussi un élargissement des publics :  tous les étudiants du territoire y auront accès de droit, quel que soit l’établissement où ils sont scolarisés. Les crédits ont augmenté de 8,2 millions d’euros en 2023 pour ouvrir des postes de médecins et d’infirmières dans ces services.

Quatre-vingts postes de psychologues supplémentaires sont également prévus pour répondre aux besoins en matière de santé mentale. Le dispositif « chèque Santé psy » étudiant, hérité de la crise sanitaire et qui permet de bénéficier de huit consultations gratuites avec un psychologue, sans avance de frais, est maintenu. Nous avons également signé des conventions, notamment avec Nightline, un service d’écoute nocturne pour les étudiants.

S’agissant de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), en 2023, nous avons augmenté le budget qui y est consacré et lancé des campagnes de communication, telles que « Sans oui, c’est interdit ». En 2024, nous continuerons à soutenir cette politique en finançant, à hauteur de 2,5 millions d’euros, le recrutement de trente-six référents « VSS et vie étudiante » dans tous les rectorats de région académique pour aider à professionnaliser les cellules VSS qui ont été créées dans les établissements. En la matière, nous assumons la tolérance zéro.

La vie étudiante est une priorité, et elle doit le rester. Nous prenons les mesures nécessaires pour répondre aux besoins des étudiants – et ils sont particulièrement aigus en ce moment – et améliorer leurs conditions de vie.

J’en viens au budget proprement dit, en commençant par la compensation des mesures salariales, dites mesures Guerini, en faveur des agents de la fonction publique : pour moitié, cette compensation est automatique ; pour le reste, environ 150 millions d’euros, nous demandons un effort exceptionnel aux établissements compte tenu du contexte budgétaire contraint. Nous sommes conscients de la difficulté que cela représente, c’est la raison pour laquelle nous accompagnons les universités individuellement selon l’état de leurs finances et de leur fonds de roulement. J’avais toutefois alerté les établissements dès l’année dernière sur l’éventualité d’un prélèvement sur leur fonds de roulement disponible – la part qui n’a pas donné lieu à un vote du conseil d’administration. En résumé, si l’on soustrait la précaution de quinze jours de salaires, la trésorerie liée à des projets fléchés et les projets de rénovation prévus, le montant des fonds de roulement disponible s’élève à 1 milliard d’euros environ.

Nous sommes très vigilants pour que l’effort demandé ne pénalise pas les campagnes d’emplois, ni les projets déjà décidés et votés. Nous aiderons les établissements en difficulté.

Pour compenser la hausse du coût de l’énergie, une enveloppe de 275 millions d’euros avait été débloquée l’an dernier. Pour 2023, le surcoût avait été évalué, avec France Universités, à 400 millions d’euros environ. Aujourd’hui, même si la prudence s’impose, le surcoût réel semble plus proche de 200 millions d’euros. Il reste donc quelque 100 millions à distribuer, en fonction des surcoûts réels de chaque entité – ce travail est en cours. Pour 2024, nous restons attentifs à l’évolution des surcoûts énergétiques et prêts à accompagner les établissements en difficulté. On peut toutefois espérer que les surcoûts diminuent.

En ce qui concerne l’attractivité de la recherche, la loi de programmation opère un rattrapage. Elle porte ses premiers fruits puisque les contrats doctoraux ou les chaires de professeur junior démontrent leur capacité à attirer des talents, en particulier de l’étranger. A 2 300 euros par mois, la rémunération du contrat doctoral est désormais dans la moyenne européenne. Une belle preuve de notre attractivité sont les 49 % des lauréats sur les deux premières campagnes de chaire junior qui viennent de l’étranger ; habituellement, pour les postes « classiques » de professeurs, ce taux est autour de 10 à 15 %.

En outre, en complément de la LPR, France 2030 finance la création de chaires d’excellence, notamment dans les sciences de la vie et la santé, qui sont un outil puissant pour attirer des scientifiques de très haut niveau dans nos laboratoires. Enfin, le plan Innovation santé 2030, doté de 7 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros pour la recherche, est un levier important pour l’attractivité et pour continuer à compter dans le paysage scientifique. Le crédits budget de mon ministère continue à accompagner la mise en œuvre de la LPR mais aussi les campagnes d’emplois.

Toujours dans un souci d’attractivité, nous faisons cette année de la simplification notre chantier prioritaire – pour les appels à projets mais aussi pour les tâches administratives. Nous avons également alloué des crédits aux établissements pour qu’ils se professionnalisent, notamment dans la recherche de crédits européens ainsi que dans la candidature à des projets européens. C’est une priorité pour l’année à venir.

Enfin, s’agissant de la rénovation thermique des bâtiments, les contrats de plan État-région (CPER), en déploiement, comportent des crédits à hauteur de 1,2 milliard d’euros au profit de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR). Les établissements de l’ESR ont fortement bénéficié du plan de relance pour leurs projets de rénovation. Un groupe de travail a été créé avec les établissements pour développer le tiers financement afin de profiter d’une partie des 600 millions d’euros annoncés pour la rénovation thermique des bâtiments de l’État en utilisant les fonds de roulement des établissements, afin de mettre en œuvre, comme prévu, un plan de rénovation thermique des établissements. Nous suivons de près ces plans de rénovation pour lequel plusieurs enveloppes sont susceptibles d’accompagner les établissements.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Céline Calvez (RE). Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une augmentation de 1,2 milliard d’euros des crédits de votre ministère. Nous avons à cœur que ces crédits contribuent à une amélioration de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de certaines filières scientifiques encore trop peu féminisées. Selon le CNRS, 34 % des chercheurs sont des femmes en 2022 en France, soit une hausse de seulement 4 % depuis 2001. Il reste nécessaire de continuer à lutter contre les stéréotypes de genre et à promouvoir la parité. Pouvez dresser un premier bilan des dispositifs instaurés par la LPR à cette fin ?

La mission budgétaire fait référence au taux d’insertion des femmes diplômées de l’enseignement agricole et vétérinaire dans les douze ou vingt-quatre mois suivant l’obtention du diplôme. Pour aller plus loin, mes collègues Sandrine Josso, Véronique Riotton et moi-même proposons la création d’indicateurs pour instaurer une budgétisation intégrant l’égalité. Comment l’égalité femmes-hommes est-elle actuellement prise en considération dans votre budget ?

Mme Julie Lechanteux (RN). De trop nombreux territoires sont aujourd’hui dépourvus d’établissements d’enseignement supérieur ou en manquent cruellement. Je ne compte plus les habitants de ma circonscription située dans l’est du Var qui m’interpellent, à raison, à ce sujet.

Cette situation est inacceptable. Les déserts universitaires sont néfastes à double titre : non seulement les jeunes qui n’ont pas les moyens de vivre hors du domicile familial sont contraints d’abandonner leurs études supérieures ; mais lorsqu’ils ont la chance de pouvoir les poursuivre, le territoire subit une véritable fuite des cerveaux qui entrave son développement économique. Il est donc urgent d’agir concrètement pour lutter contre les déserts universitaires.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Je salue un budget responsable, qui honore les engagements pris dans la LPR. La loi de programmation visait notamment à renforcer l’attractivité des carrières de l’ESR et vous venez de nous en présenter les premiers effets encourageants s’agissant des chaires de professeur junior et des contrats doctoraux.

Dans un souci d’attractivité toujours, est-il envisagé d’encourager le recrutement des doctorants dans les administrations publiques ou les industries, comme le préconise le rapporteur pour avis, Hendrik Davi ?

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Depuis plusieurs années, les universités alertent sur le manque de moyens et leur capacité d’action qui s’amenuise chaque année un peu plus.

Malheureusement, le projet de loi de finances pour 2024 ne fait pas exception puisqu’il continue de réduire les moyens des universités. En témoigne la baisse constante de la dépense moyenne par étudiant depuis dix ans.

France Universités déplorait un manque de considération il y a quelques mois. Certaines universités ne parviennent plus à absorber votre politique d’austérité et ses conséquences se font sentir très concrètement, en matière de capacité d’accueil notamment. Le 17 octobre dernier, dans l’enceinte de l’université Lumière-Lyon-II, s’est déroulée une manifestation des « sans-fac », à laquelle votre seule réponse a malheureusement été le recours à la force.

Madame la ministre, allez-vous enfin entendre les voix universitaires qui vous appellent à investir dans l’enseignement supérieur ? Comment comptez-vous assurer la scolarisation des jeunes aujourd’hui sans affectation ?

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). L’organisation mondiale de la santé considère la santé mentale comme une priorité. Un jeune sur deux souffre d’anxiété et le suicide reste la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et la cinquième chez les moins de 13 ans, selon la Haute autorité de santé.

Seulement 4 % du budget de la recherche biomédicale sont alloués à la psychiatrie. C’est deux fois moins qu’en Grande-Bretagne ou en Finlande et quatre fois moins qu’aux États-Unis. Quelles sont vos propositions pour augmenter la recherche en santé mentale, en psychiatrie, en neuroscience, etc. ? Quel premier bilan faites-vous de Propsy, projet-programme en psychiatrie de précision, mené conjointement par l’Inserm et le CNRS et doté de 80 millions d’euros sur cinq ans ?

M. Emmanuel Pellerin (RE). La conférence nationale du handicap, qui s’est tenue le 26 avril dernier, a décidé de renforcer le soutien apporté aux étudiants handicapés en lui octroyant 10 millions d’euros supplémentaires. Cette annonce est porteuse d’espoir mais elle soulève de nombreuses questions quant à son application concrète. En effet, il est primordial de garantir à tous les étudiants, quelle que soit leur situation personnelle, une égalité des chances et des conditions d’études optimales.

Comment le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche prévoit-il d’utiliser ces crédits supplémentaires ? Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour améliorer l’accompagnement des étudiants, en matière d’accessibilité, de pédagogie adaptée et de soutien psychologique ?

Mme Lisette Pollet (RN). Parmi les objectifs du programme 231 figure l’amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants. La précarité étudiante est désormais une préoccupation grandissante pour les pouvoirs publics. Selon le baromètre des jobs étudiants 2023, publié par la plateforme StaffMe les étudiants seraient de plus en plus nombreux à travailler en parallèle de leurs études afin de faire face à l’augmentation des prix. On parle de petits boulots mais ils ne sont pas si petits car certains étudiants acceptent de travailler 35 heures ou d’avoir plusieurs employeurs pour pouvoir vivre décemment.

L’État ne pourrait-il pas verser un complément de revenu aux étudiants qui travaillent, comme l’a proposé le Rassemblement national dans sa niche parlementaire le 12 octobre ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). Vous avez annoncé une hausse significative de l’enveloppe dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments universitaires. Elle permettra notamment de poursuivre la rénovation des structures de restauration et d’hébergement. Votre ambition est ainsi de rénover 12 000 logements Crous d’ici à la fin du quinquennat.

Vous avez évoqué plusieurs pistes parmi lesquelles le tiers financement. Que pensez-vous du dispositif, introduit par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite 3DS, de société publique locale universitaire (SPLU), qui permettrait notamment aux universités d’emprunter ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). « Il m’accueillait chez lui, intégralement nue ; j’ai le sentiment d’avoir été seule ; j’ai essuyé une violence institutionnelle où, à chaque étape, me faire entendre a été une épreuve. » Actuellement, une dizaine d’étudiantes du département de philosophie de l’université Bordeaux Montaigne, ainsi que la philosophe Barbara Stiegler, dénoncent le même enseignant pour des violences sexistes et sexuelles dont elles ont été victimes. Je leur dis : « On vous croit, vous n’êtes pas seules. »

Sciences Po, l’École normale supérieure (ENS) Lyon, Centrale Supélec, l’université de Picardie, les Beaux-Arts, l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC), l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), l’École des hautes études commerciales du Nord (Edhec), de multiples établissements ont été épinglés pour violences sexistes et sexuelles depuis 2021. Certes, le ministère a lancé un plan national d’action mais il n’est visiblement pas à la hauteur. Le nombre de violences subies par les étudiantes reste alarmant et la culture de l’impunité se perpétue.

Les associations demandent 2,6 milliards d’euros pour lutter contre les VSS. L’enseignement supérieur doit en prendre sa part. Je propose, dans un amendement, un plan d’envergure doté de 30 millions d’euros. J’espère que vous le soutiendrez, madame la ministre, et qu’il ne sera pas balayé par le prochain 49.3.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Autre sujet qui nous tient à cœur, la fameuse contribution de vie étudiante et de campus. Si son coût peut paraître dérisoire à certains, il est jugé trop élevé par de nombreux autres. 100 euros, ce n’est pas rien quand on connaît le budget moyen d’un étudiant, d’autant que la CVEC vient s’ajouter aux frais d’inscription.

Si son utilisation semble un peu moins obscure après les précisions que vous venez d’apporter, madame la ministre, son bien-fondé continue de poser question : est-ce bien aux étudiants de payer la facture ? À notre initiative, la commission des finances a adopté, de manière transpartisane, la suppression de la CVEC dans la première partie du PLF. Les espoirs qu’elle a suscités ont été rapidement douchés par le recours au 49.3 – l’avant-dernier. Quand comptez-vous supprimer la CVEC ou, au moins, mettre fin à son indexation sur l’inflation ?

Mme Fabienne Colboc (RE). Dans son rapport sur l’éducation critique aux médias, notre collègue Violette Spillebout avait insisté sur la nécessité de renforcer la recherche en sciences des médias et de l’information afin de s’armer dans la guerre de l’information, de résister aux ingérences étrangères, de combattre la désinformation massive et de développer l’esprit critique des étudiants.

Compte tenu de l’indispensable implication des universités face à ces nouveaux défis, que pensez-vous du lancement d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI) et de la création d’un budget spécifique pour favoriser les projets de recherche dans ce domaine ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre. Madame Colboc, vous le savez, ce sont les établissements qui choisissent leurs projets de recherche. Il existe toutefois des dispositifs de soutien qui pourraient s’appliquer aux sciences des médias : en matière de formation, ce serait l’AMI « Compétences et métiers d’avenir » qui est doté de 2,5 milliards d’euros ; en matière de recherche, il me semble préférable d’utiliser les outils existants plutôt que d’en créer un nouveau : des AMI seront probablement lancés en matière de sciences humaines et sociales. Si nous devions fournir une liste indicative de sujets éligibles, les sujets que vous avez évoqués en feront assurément partie pour inciter les établissements à déposer des projets qui s’y rattachent.

Madame Taillé-Polian, la CVEC est venue se substituer à la cotisation de sécurité sociale lorsque celle-ci a été supprimée en 2018. Elle ne représente donc pas un surcroît de dépenses pour les étudiants puisque la cotisation s’élevait à 200 euros environ, contre 100 euros pour la CVEC aujourd’hui. Au contraire, elle leur apporte un bénéfice réel puisqu’elle est utilisée par les établissements pour améliorer le bien-être des étudiants et leur environnement de travail ainsi que pour enrichir l’offre sportive et culturelle – j’ai de très nombreux exemples qui le confirment. C’est la raison pour laquelle je continuerai à défendre la CVEC. J’ajoute qu’elle contribue aussi à faire des étudiants des citoyens en leur permettant de s’ouvrir à d’autres choses que les connaissances académiques. Je suis évidemment très soucieuse de sa bonne utilisation. Sans remettre en cause l’autonomie des universités qui leur confère une totale liberté en la matière, nous procéderons à des contrôles pour nous assurer que les étudiants en sont bien les premiers bénéficiaires.

Madame Legrain, s’agissant des VSS, sujet qui me tient particulièrement à cœur, je prône la tolérance zéro. Nous continuons à nous efforcer de trouver des solutions. Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit précédemment – les référents dans les rectorats pour aider les cellules d’écoute à se professionnaliser. Ces cellules doivent offrir aux victimes un accompagnement juridique et social. Il faut aussi travailler avec les associations pour créer un climat de confiance qui favorise la libération de la parole mais aussi pour faire de la prévention, à laquelle des crédits sont consacrés. C’est grâce à des actions de terrain solidement encadrées que nous parviendrons à faire évoluer les esprits et la culture sur ce sujet – je note que les changements sont déjà à l’œuvre.

Madame Pollet, on sait qu’au-delà de quinze heures de job étudiant par semaine, il devient difficile de réussir ses études dans de bonnes conditions. Nous réfléchissons avec le ministère du Travail pour encadrer les jobs étudiants, qui peuvent être malgré tout un atout, à condition d’être compatibles avec les études. Nous voulons donner à tous les étudiants, sans distinction de nationalité, la possibilité de travailler.

S’agissant de la prise en compte du handicap, le Président de la République a annoncé, dans le cadre de la sixième Conférence nationale du handicap, plusieurs mesures, notamment le bénéfice de quatre points de charge dans le calcul du droit à bourse. Le PLF pour 2024 alloue 23 millions d’euros à l’accompagnement pédagogique des étudiants en situation de handicap et 500 000 euros à la formation des nouveaux enseignants à l’accessibilité pédagogique.

Un appel à projets pour accompagner trois à cinq établissements et les rendre exemplaires en matière d’inclusivité et d’accessibilité a été lancé. Il prévoit 1,5 million d’euros pour l’établissement du cahier des charges au cours de la première année et 16 millions d’euros en tout pour améliorer l’accessibilité des établissements. Nous consacrons donc une enveloppe de 39 millions, outre les mesures issues de la CNH, à l’amélioration de la situation des étudiants en situation de handicap.

S’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, des financements sont prévus en sus de ceux qui financent les mesures prévues par la LPR, dont nos services statistiques suivent l’application. En six ans, nous constatons, pour les personnels de soutien comme pour les chercheurs, une amélioration de quatre points, dans les catégories les plus qualifiées, en matière d’accès à l’emploi et aux promotions, ce qui est positif.

Toutefois, les stéréotypes de genre ont la vie dure. Les femmes sont plus nombreuses dans les tâches administratives et moins dans les tâches techniques. C’est pourquoi nous lançons le programme Tech pour toutes, qui vise à accompagner 10 000 jeunes femmes souhaitant commencer ou poursuivre des études supérieures dans le numérique d’ici à 2026. Les ministères de l’Enseignement supérieur et de la recherche, de l’Éducation nationale et de la jeunesse, du Numérique et de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations ont confié la mise en œuvre de ce programme à la fondation Inria – Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique.

Par ailleurs, la remise du prix Irène Joliot-Curie de la femme scientifique de l’année met en lumière les carrières de femmes scientifiques, dans la perspective – c’est un exemple parmi d’autres – d’en faire des modèles, et nous soutenons financièrement diverses associations. Nous travaillons beaucoup à sensibiliser les jeunes filles à la mixité des métiers, dès l’école primaire, pour les inciter à embrasser des carrières dans les sciences dites dures, dans lesquelles nous avons des besoins et dont nous avons du mal à remplir les filières de formation. Pour ce faire, nous utilisons les financements prévus par la LPR et ceux de France 2030.

Pour favoriser l’attractivité et la compétitivité de notre recherche, en particulier à l’international, nous utilisons plusieurs outils, notamment la valorisation du doctorat et les chaires de professeur junior (CPJ). Par ailleurs, l’expérimentation des conventions de formation par la recherche en administration (Cofra) est très prometteuse. Elle bénéficie aux docteurs, dont elle élargit les perspectives professionnelles et améliore l’insertion dans la fonction publique d’État, et à l’administration, qui bénéficie de l’apport de profils diversifiés à la pointe des connaissances scientifiques. En 2023, cinquante et une thèses ont été présélectionnées. Notre cible est à 100. Nous travaillons à la valorisation de cet outil avec le ministère de la Transformation et de la fonction publiques.

S’agissant de la prise en compte de la santé mentale, le projet Propsy – projet-programme en psychiatrie de précision –, lancé l’an dernier et coordonné par Marion Leboyer sous l’égide de l’Inserm, bénéficie de 80 millions d’euros. Il est un peu tôt pour en dresser le bilan. Il comporte un volet consacré aux étudiants.

Par ailleurs, nous avons lancé, grâce aux 7 milliards d’euros alloués par France 2030 à la stratégie innovation santé 2030, plusieurs projets. Un appel à projets Institut Hospitalo-universitaire (IHU) sur le neurodéveloppement a été lancé. Le biocluster Brain & Mind a réuni plus de 100 millions d’euros. L’IHU de Bordeaux consacre 40 millions d’euros à l’étude des maladies neurovasculaires. Dans le cadre du programme « blanc » de l’ANR, nous finançons la recherche en neurosciences dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Tous ces projets sont une priorité du financement du secteur de la santé par France 2030. Nous les suivons attentivement et en dresserons un bilan dès que possible.

Pour la rénovation thermique et énergétique, les emprunts sont possibles auprès de la Banque des territoires et de la Banque européenne d’investissement (BEI). Les établissements utilisent beaucoup ces deux possibilités, ainsi que celles offertes par le plan Campus.

La possibilité offerte aux universités de créer des sociétés dédiées au patrimoine universitaire par la loi 3DS a d’ores et déjà donné lieu à des expériences intéressantes, notamment à Bordeaux. Un groupe de travail rassemblant mes services, la direction de l’immobilier de l’État et France Universités a été formé pour aider les universités à utiliser les leviers des sociétés dédiées au patrimoine universitaire et des tiers financements.

S’agissant de la répartition territoriale et de l’accessibilité de l’offre de formation, nous devons accompagner spécifiquement les formations de premier cycle. Pour ce faire, nous déployons trois dispositifs.

Nous dressons le bilan du Campus connecté, qui ne remplace en aucun cas l’accès physique à la formation, pour le développer et l’améliorer. Cet outil, qui donne accès à l’enseignement aux publics qui en sont privés, est très utile pour mailler le territoire.

Nous consacrons 15 millions d’euros au bachelor universitaire de technologie (BUT), afin d’améliorer le maillage des zones dites blanches, notamment à Dole, à Châteaubriant, à Pontivy et à Béziers.

Par ailleurs, pour que les étudiants aient accès à une formation proche et de leur choix, nous continuons à accompagner l’aide à la mobilité pour l’étudiant, qui, dès le premier cycle, améliore l’accès au logement, à la restauration et aux bourses. J’ajoute que les étudiants n’ayant pas de bourse automatique pour telle ou telle raison peuvent bénéficier auprès des Crous d’aides ponctuelles ou annuelles, destinées aux étudiants étrangers et à ceux qui ont des problèmes personnels.

J’en viens aux formations privées. Je considère que l’université doit non seulement enseigner des connaissances et des compétences permettant d’exercer ensuite un métier, mais aussi former des citoyens éclairés. L’un n’est pas exclusif de l’autre. Tel est, me semble-t-il, la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur et l’état d’esprit dans lequel ils travaillent.

Il faut, notamment en premier cycle, former des têtes bien faites. Le spectre des connaissances et des compétences, pour nos étudiants, est si large qu’il faut surtout leur apprendre à apprendre. En outre, les métiers changent beaucoup. Ils devront être capables de s’adapter à la société et aux évolutions des métiers. Cette adaptabilité, que nous avons la responsabilité de leur apprendre, doit être au cœur de la réflexion philosophique sur ce que doivent être nos formations de demain.

Elles ne doivent plus être en silos. Elles doivent être ouvertes. Elles doivent former des esprits critiques et capables d’adaptation. Elles doivent être conçues comme des formations tout au long de la vie. Il ne faut plus être à la recherche exclusive d’un bac + 5 mais valoriser tous les niveaux de diplôme, toutes les voies de sortie, tous les métiers et permettre à tous les étudiants de garder le lien avec leur alma mater pour qu’ils puissent y revenir se former et acquérir des diplômes, des connaissances et des compétences complémentaires.

La question est de savoir comment faire évoluer notre offre en concevant la formation tout au long de la vie, ouverte sur le futur et sur le monde, permettant de donner des clés, non en une fois mais en plusieurs, lorsqu’ils en ont besoin, à des étudiants au statut évolutif tout au long de la vie. Voilà ce que nous devons accompagner au sein de nos formations publiques. Il s’agit de la meilleure réponse aux formations privées de piètre qualité – toutes ne le sont pas, et il ne faut pas tomber dans le manichéisme ni la confusion. J’ai formé un groupe de travail visant à définir des critères de qualité des formations privées, ce qui permettra aux étudiants et à leurs familles de savoir ce qu’ils y trouveront.

Nous devons disposer d’un ensemble de formations offrant un large choix. Pour être attractif, il faut faire évoluer les formations publiques. Quant aux formations privées, elles peuvent jouer un rôle complémentaire, notamment en proposant à un public de jeunes actifs des formations continues dans des domaines très spécifiques. Nous travaillons avec le ministère du Travail, du plein-emploi et de l’insertion à la définition d’un label pour guider les étudiants et leurs familles dans le foisonnement actuel d’offres de formation.

Je rappelle que, sur Parcoursup, 97 % des offres de formation hors apprentissage émanent d’établissements publics ou d’établissements d’enseignement supérieurs privés d’intérêt général (Eespig), dont le lien fort avec le ministère garantit la qualité de l’enseignement. S’agissant de l’apprentissage, cette proportion est de deux tiers ; elle est moindre si l’on tient compte des conventions conclues par les centres de formation d’apprentis. Nous devons ce travail de transparence aux étudiants et à leurs familles. Il doit s’inscrire dans le travail mené depuis plusieurs années par les établissements d’enseignement supérieur sur l’évolution de notre offre de formation et de ses missions au XXIe siècle.

S’agissant de la question soulevée par le collectif des sans-facs, nous procédons à un retour d’expérience de la plateforme Mon Master. Il s’agit d’assurer à chaque étudiant l’accès à l’information sur l’offre de formation de niveau master sur tout le territoire, ainsi qu’un processus homogène de dépôt de candidature, s’agissant notamment de son calendrier et de son examen en commission de sélection.

Nous aurons ainsi une vision plus large et plus cohérente des difficultés qui ont surgi. Nous en ferons le bilan et dresserons la cartographie de l’occupation des places en master. L’an dernier, certains étudiants ayant oublié de signaler qu’ils ne se rendraient pas à certaines formations auxquelles ils avaient été admis, il y avait des places libres dans des formations en tension, telles que le droit.

Compte tenu des difficultés rencontrées par la gestion des places, nous mettons au point une méthodologie et un accompagnement visant à améliorer la visibilité des places disponibles et de l’offre de formation, ainsi que des demandes et des besoins, pour proposer aux étudiants, dans toute la France, une offre de master conforme à leur droit à poursuivre des études.

S’agissant de la conférence organisée à l’université Lyon-II au début du mois, nous avons été informés de sa tenue, ce qui n’est pas toujours le cas, ce qui nous a permis de nous y intéresser d’emblée de près. Le ministère a fourni à la présidente de l’université, dans le respect de son autonomie statutaire, les pièces lui permettant de proscrire toute intervention de Mariam Abu Daqqa au cours de l’événement. J’ai adressé à la présidente un courrier et je me suis par ailleurs exprimée à ce sujet. Faire l’apologie du terrorisme, sous quelque forme que ce soit, et porter atteinte aux valeurs de la République est clairement incompatible, à mes yeux, avec une intervention au sein d’une conférence organisée dans une université. La présidente de l’université a donc demandé aux organisateurs de déprogrammer l’intervention de cette dame.

Elle a assisté à la conférence dans le public. Le tribunal administratif ayant suspendu l’arrêté d’expulsion lorsqu’elle se trouvait à Marseille, ni la préfecture ni la présidente de l’université ne pouvaient lui interdire l’accès à l’université au motif qu’elle était susceptible de provoquer un trouble à l’ordre public. Elle a pris la parole au sein du public, sans tenir de propos susceptible de faire l’objet d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. La présidente a donné suite à l’affaire en adressant un courrier à l’association d’étudiants qui a organisé l’événement.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Au nom de la commission, je vous remercie de vos réponses, notamment de la dernière. La fermeté dont vous faites preuve à ce sujet n’est plus à démontrer.


II.   EXAMEN DES CRÉDITS

1.   Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30

La commission examine pour avis les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie) (M. Philipe Berta, rapporteur pour avis Recherche, M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante)([50]).

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous sommes saisis de 203 amendements. Nous les examinerons en les rassemblant par thèmes.

Amendements II-AC709 de M. Hendrik Davi, II-AC551 de M. Jérôme Legavre, II-AC677 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC630 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC710 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Il s’agit de supprimer l’ANR et de reverser ses crédits sous forme de crédits récurrents aux unités de recherches, ce pour quoi je milite depuis longtemps.

Le fonctionnement systématique sous forme d’appels à projets organise la concurrence entre les établissements, les équipes et les scientifiques de la recherche publique. Il a eu pour effet constant d’accroître les disparités entre les unités de recherche qui bénéficient des appels à projets et celles qui n’en bénéficient pas. Il n’est pas rare – c’est l’ancien chercheur qui parle – que certaines unités, qui bénéficient de financements de l’ANR, du programme d’investissements d’avenir et du Conseil européen de la recherche (ERC), croulent sous les millions, quand d’autres unités de recherche n’ont pas les moyens de fonctionner.

Au surplus, ce système de financement de la recherche est particulièrement inefficace et coûteux : 24 % des projets sont sélectionnés, ce qui signifie que 76 % des projets ont été déposés en vain. Par ailleurs, le renouvellement annuel des appels à projets exige des chercheurs qu’ils formulent chaque année un nouveau projet de recherche.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). La logique d’appels à projets est particulièrement chronophage pour les équipes de chercheurs. Certains d’entre eux passent plus de temps à chercher des financements qu’à faire de la recherche.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous dénonçons la logique inhérente à la LPR tendant à financer la recherche par le biais d’appels à projets. Nous considérons qu’il est nécessaire de travailler sur le temps long et de laisser aux chercheurs la liberté de choisir leurs travaux et de définir les programmes de recherche. Cette façon de gérer la recherche nous déplaît. Nous considérons qu’elle est orthogonale au nécessaire temps long de la recherche.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous contestons la logique de financement de la recherche par les seuls appels à projets. Ce mode de financement favorise les établissements bien dotés. Nous préférons favoriser la recherche par des organismes publics. L’amendement II-AC630 vise à augmenter de 124 millions d’euros les crédits qui leur sont attribués, en les prélevant sur le budget de l’ANR.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC710 vise à supprimer le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et l’enseignement supérieur (Hcéres), qui est une instance bureaucratique néfaste, inutile et coûteuse.

Le Hcéres met en compétition les structures de la recherche et de l’enseignement supérieur. L’évaluation normative et idéologique à laquelle il procède vise à introduire une gestion néolibérale des politiques publiques, qui est dangereuse pour les collectifs. Cette logique renforce la souffrance au travail. Elle est source de mal-être, de stress, de burn-out. Elle déstabilise les collectifs et l’esprit d’équipe.

Elle est chronophage et énergivore – c’est une véritable montagne de papier. L’ANR et le Hcéres font des chercheurs des chercheurs d’argent, qui passent le plus clair de leur temps à monter des projets et à les évaluer. En outre, le Hcéres est une instance coûteuse – l’évaluation d’un laboratoire coûte en moyenne 11 000 euros.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis (Recherche). L’ANR est un outil qui a été décrié, notamment lors de sa création en 2000. Au cours de ses premières années d’existence, son budget ne lui permettait de couvrir que 8 % à 9 % des projets qui lui étaient soumis.

Elle est désormais entrée dans les habitudes de la communauté universitaire. En 2022, elle a répondu favorablement à 24 % des demandes. Cette proportion sera d’un tiers à la fin de la période couverte par la LPR, ce qui est la norme des agences similaires, qui existent dans tous les pays. Je ne conteste pas – je l’ai écrit dans mon rapport pour avis – la nécessité de rééquilibrer les crédits récurrents et les crédits contractuels au bénéfice des premiers. La recherche par projet n’en est pas moins essentielle.

Par ailleurs, les auteurs des amendements omettent de tenir compte du préciput attaché à chaque contrat conclu avec l’ANR. En 2022, son taux s’élèvait à 28,5 %. Il atteindra 40 % à la fin de la période de programmation. Il est versé en sus du contrat à la structure de recherche dans son ensemble, qui est souvent un institut de recherche. Le financement de la recherche par l’ANR abonde donc les crédits récurrents.

Tous les pays sont dotés d’une agence similaire à l’ANR. Il était temps que la France en ait une. D’après son dernier rapport d’activité, l’ANR tend à devenir le guichet unique des financements caritatifs, ce qui permettra de fonctionner avec un dossier par projet de son financement à son évaluation.

S’agissant de l’évaluation, il en faut bien une, si l’on veut maintenir une recherche de bon niveau. Il convient de la confier au seul Hcéres et aux organismes qui lui sont associés, afin de mettre un terme à celle que mènent les organismes de recherche de leur côté. Par ailleurs, il faut faire davantage confiance au terrain, en procédant à une méta-évaluation, à l’échelle de l’institut de recherche ou de l’université, et en laissant l’évaluation des équipes aux acteurs de terrain.

Le conseil scientifique de l’IHU Imagine, par exemple, compte de nombreux scientifiques anglo-saxons, dont des prix Nobel. Je ne vois pas ce que l’évaluation du Hcéres pourrait ajouter à la sienne. Si une telle structure émet un avis positif, le Hcéres peut se contenter d’y envoyer un correspondant et de souscrire à cette évaluation de haut niveau.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je maintiens que l’ANR et le Hcéres renforcent une logique managériale toxique pour les personnels et hermétique au temps long dont la recherche a besoin. Auparavant, quand deux chercheurs avaient une idée, ils discutaient des expériences à mettre en œuvre pour l’éprouver. Désormais, la plupart d’entre eux se préoccupent de répondre à un appel d’offres de l’ANR. L’expérimentation y perd deux ou trois ans.

Il faut absolument se désintoxiquer de cette logique, qui amène les gens à ne plus travailler ni collaborer dès lors qu’ils ne sont pas dans le cadre d’un projet. Cette logique du mode projet vient de l’industrie, notamment du monde de l’informatique. Elle n’est vraiment pas la bonne façon de travailler dans la recherche. Il faut désintoxiquer les collectifs de la course aux appels d’offres, qui de surcroît introduit de grandes disparités entre unités de recherche, dont vous n’avez pas dit un mot.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC729 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il s’agit de compléter les amendements qui précèdent. Lorsque nous proposons la suppression de l’ANR, on nous dit : « Mais comment piloterez-vous la recherche ? » Nous reprenons la proposition de l’association Sciences citoyennes consistant à confier le pilotage de 10 % des crédits de la recherche à des conventions citoyennes décidant démocratiquement des orientations à lui donner.

Le pilotage de la recherche par l’ANR est très politique. Il favorise les recherches qui s’inscrivent dans l’air du temps et non les recherches de long terme dont nous avons besoin, notamment pour la planification écologique.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Je suis toujours enclin à travailler avec les citoyens et enthousiaste à l’idée de le faire. Je n’en considère pas moins que le pilotage de la recherche, c’est-à-dire les choix scientifiques, relèvent des sachants. Chercheur moi aussi, je fais toute confiance à mes collègues pour faire les bons choix.

Quant à ce que vous reprochez au pilotage de la recherche par l’ANR, cela m’échappe. La politique science ouverte, abondée par le truchement de l’ANR, permet aux citoyens de participer à la recherche.

Avis défavorable

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. S’il va de soi qu’il incombe aux chercheurs de développer les programmes de recherche, la détermination des objets de recherche, en revanche, est politique. Par exemple, le PIA a retenu l’intelligence artificielle parmi ses grandes orientations. Définir les grandes orientations des politiques publiques de recherche en concertation avec les citoyens me semble intéressant.

La Convention citoyenne réunie par le Gouvernement pour traiter de la question climatique a démontré qu’un débat de citoyens préalablement formés et éclairés peut parfaitement décider des grandes orientations à mettre en œuvre, en l’espèce la réindustrialisation de notre pays et la planification écologique, et des objets de recherche y afférents. Les citoyens ont leur mot à dire, non sur les programmes de recherche, qui ressortissent à l’autonomie des chercheurs, mais sur les grandes orientations.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC606 et II-AC605 de Mme Clémence Guetté ; amendement IIAC568 de Mme Clémence Guetté, amendements identiques II-AC668 de M. Jimmy Pahun et II-AC624 de M. Mickaël Bouloux et amendements identiques II-AC669 de M. Jimmy Pahun et IIAC625 de M. Mickaël Bouloux

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’amendement II-AC606 propose d’investir dans la construction d’un brise-glace afin d’améliorer le soutien logistique apporté à l’Institut polaire français Paul-Émile-Victor (Ipev) en Antarctique. L’Astrolabe est mis à la disposition de l’Ipev 120 jours par an alors qu’il en faudrait 140 pour le fonctionnement optimal des stations. Un brise-glace permettrait de les ravitailler quels que soient les aléas climatiques, de renforcer notre souveraineté en refaisant de la France la grande nation polaire qu’elle a longtemps été et de développer les collaborations européennes.

L’investissement serait de 700 millions d’euros et garantirait la création de plus de 1 000 emplois.

L’amendement II-AC605, beaucoup moins coûteux – 300 millions d’euros –, vise à permettre l’acquisition d’un brise-glace.

Les amendements II-AC568 et suivants ont été préparés de manière transpartisane dans le cadre du groupe d’études présidé par Jimmy Pahun et moi-même sur l’Arctique, l’Antarctique, les Terres australes et antarctiques françaises et grands fonds océaniques.

L’amendement II-AC568 vise à renforcer le budget de l’Ipev afin de garantir à court terme la présence française en Arctique et en Antarctique. L’Ipev a connu des difficultés ces dernières années, à cause de l’augmentation des prix de l’énergie, mais aussi par suite de la crise sanitaire, et il a fallu batailler à son sujet au niveau parlementaire. Il est nécessaire de sécuriser de nouveau ses financements, pour les scientifiques et les personnels. C’est un amendement à 87 millions d’euros.

M. Jimmy Pahun (Dem). Comme ces deux dernières années, nous présentons une initiative transpartisane en faveur de la recherche polaire. Cette fois, cependant, il ne s’agit pas de maintenir à flot une recherche en difficulté, mais bien de programmer dans la durée les investissements nécessaires au retour de la France dans le concert des grandes nations polaires. Différents travaux parlementaires s’y sont consacrés, et le Président de la République a demandé à l’ambassadeur chargé des pôles et des enjeux maritimes de bâtir une stratégie en ce sens.

L’amendement II-AC668 se veut la traduction budgétaire pour 2024 de cette stratégie. Il est tiré de la proposition de loi transpartisane de programmation polaire pour les années 2024 à 2030, signée par plus de 250 députés issus de neuf groupes politiques.

Notre objectif est d’ouvrir le débat à quelques jours du sommet polaire voulu par le Président de la République et d’inviter l’ensemble des ministères concernés à y prendre part, dans le but de faire adopter cette proposition de loi, dont nous souhaitons discuter dès le mois de décembre. Nous sommes très déterminés.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je défends l’amendement II-AC624. L’objectif de cette proposition de loi transpartisane est de concrétiser la stratégie polaire française à l’horizon 2030. L’initiative vient de tous les groupes politiques.

M. Jimmy Pahun (Dem). Il nous faut un navire pour faire de la recherche, mais peut-être peut-on trouver d’autres financements que ceux proposés par Mme Guetté. C’est ce qui explique que mon amendement II-AC669 porte non pas sur 87 millions d’euros, comme son amendement II-AC568, mais sur 7 millions d’euros.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je défends l’amendement II-AC625. L’objectif est aussi de renforcer les moyens humains de l’Ipev. Cet amendement, je le répète, est essentiel, transpartisan et ne porte que sur 7 millions d’euros.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Je suis moi-même impliqué dans ce dossier. Il se joue dans les pôles quelque chose d’essentiel pour notre avenir collectif, et les prélèvements qui viennent d’être effectués dans l’Antarctique montrent qu’il y a de quoi s’inquiéter.

Madame Guetté, les montants que vous proposez pour le brise-glace correspondent au coût de celui que les Allemands sont en train de construire, le Polarstern 2. Ce n’est pas l’option qui a été retenue dans la proposition de loi transpartisane de programmation polaire, car elle serait trop coûteuse en investissement et en fonctionnement au regard des besoins exprimés par les scientifiques polaires français. La PPL propose que nous nous dotions d’un navire du type de L’Astrolabe, qui assure le ravitaillement des bases antarctiques, pour un montant estimé à 70 millions d’euros.

Monsieur Pahun, je confirme que la recherche polaire est centrale et souffre de difficultés financières, mais aussi de problèmes de postes et humains, car on ne trouve pas grand-monde qui veuille aller là-bas. L’effort financier global impliqué par la proposition de loi sera de 449,4 millions d’euros. Je propose donc que l’on attende ce travail, lequel devra embarquer bien au-delà de notre pauvre ministère chargé de la recherche : il va falloir mettre du monde autour de la table.

Avis de sagesse sur les amendements que j’ai cosignés ; sur les autres, avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je suis bien consciente du fait qu’il n’existe pas de consensus au sein de la communauté polaire en ce qui concerne le brise-glace. Il me paraissait néanmoins important que nous ayons ce débat, qui soulève des questions de souveraineté au sein même de l’Union européenne, les nations ayant choisi des options stratégiques différentes. Plusieurs s’offrent à nous : la construction, l’acquisition, y compris celle d’un brise-glace d’occasion.

La proposition de loi transpartisane donne un horizon. Nous continuerons de nous battre afin de perpétuer cette démarche au lieu de demander des crédits supplémentaires à chaque budget pour parer à l’urgence.

Mme Anne Brugnera (RE). Mon groupe est conscient de l’importance de la recherche polaire – je profite de l’occasion pour saluer l’excellence de la recherche française.

En ce qui concerne le brise-glace, nous sommes favorables à une mutualisation et à une collaboration avec d’autres États.

L’Ipev a déjà bénéficié d’une hausse de son plafond d’emplois et de subventions complémentaires les années passées.

S’agissant de la station Dumont-d’Urville, les études sont en cours pour améliorer la situation.

Nous voterons contre ces amendements.

M. Jimmy Pahun (Dem). La proposition de loi transpartisane sera étudiée en décembre. C’est pour ne pas perdre de temps que nous avons voulu annoncer dès à présent ce qui sera fait de toute façon. Votez nos amendements pour gagner du temps ensuite !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC711, II-AC746, II-AC745, II-AC748 et II-AC747 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le budget du CNRS, institution phare dans notre pays, est très insuffisant. Ses effectifs, notamment de techniciens, ont baissé à long terme. Le PLF ne prévoit d’augmenter ce budget que de 2,43 % ; c’est inférieur à l’inflation prévue, qui atteint 2,6 %, et cela couvre à peine les mesures Guerini sur les salaires.

L’amendement II-AC711 vise à augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public du CNRS, en particulier afin d’augmenter massivement les salaires, qui représentent 80 % du budget consolidé de l’institution. Un chargé de recherche commence à moins de 2 000 euros mensuels nets : c’est absolument inadmissible.

Alors que la crise écologique est devant nous, l’agriculture et la gestion des espaces naturels jouent un rôle important en ce qui concerne le changement climatique, l’extinction massive des espèces et la pollution de l’eau et des sols. L’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France, avec 19 % du total national. Or la France est aussi l’un des premiers utilisateurs mondiaux de produits phytopharmaceutiques – 60 000 à 100 000 tonnes par an en moyenne. Il est donc urgent de mieux documenter la vulnérabilité de nos agroécosystèmes et, surtout, de trouver comment gérer nos écosystèmes naturels et assurer la transition écologique de notre agriculture. Ce sont précisément les missions dévolues à l’Inrae.

L’amendement II-AC746 vise à augmenter de 15 % le budget de cet institut. Comme au CNRS, les salaires y sont très bas ; il faut revaloriser les carrières et accroître le budget environné par chercheur dans le but d’assurer aux chercheurs des crédits récurrents.

Fondé en 1964, l’Inserm est entièrement voué à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine. Ses recherches, réalisées par l’intermédiaire de plus de 350 structures, ont pour vocation l’étude de toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares, grâce à des travaux de recherche biologique, médicale et en santé des populations, en partenariat étroit avec les autres établissements de recherche publics et les hôpitaux.

La pandémie liée au covid-19 ne sera hélas pas la dernière, car la déstabilisation des écosystèmes naturels est génératrice de maladies émergentes, lesquelles viennent d’ailleurs de faire l’objet d’un nouvel appel à projets. Le vieillissement de la population est un autre facteur important. Nous avons donc besoin de plus de recherches dans le domaine de la santé, notamment environnementale, en lien avec la pollution et l’alimentation.

Par l’amendement II-AC745, nous proposons d’augmenter de 15 % le budget de l’Inserm afin qu’il puisse embaucher massivement et revaloriser les carrières.

L’amendement II-AC748 vise quant à lui à augmenter de 15 % la subvention pour charges de service public du CEA.

L’explosion des prix de l’énergie montre que la sobriété et la souveraineté énergétiques sont centrales. Nous devons donc développer massivement les énergies renouvelables et les recherches sur l’efficacité énergétique, mais aussi poursuivre les recherches sur la gestion des déchets nucléaires. Or le PLF ne prévoit qu’une augmentation de 2,7 % de la subvention pour charges de service public du CEA, supérieure à celle qui s’applique à d’autres organismes car le Gouvernement souhaite aider le nucléaire, mais inférieure à celle de l’an dernier et compensant à peine les effets de l’inflation.

L’IRD (Institut de recherche pour le développement) favorise les recherches sur l’adaptation des agroécosystèmes tropicaux au changement climatique. C’est un organisme pluridisciplinaire reconnu internationalement et doté d’un vrai savoir-faire lui permettant de travailler avec les pays du Sud, méditerranéens et africains. Dans le contexte actuel de crise écologique et géopolitique, nous avons besoin de plus de recherches partenariales avec ces pays pour assurer un développement durable et économiquement équitable.

Le PLF limite à 2,4 % l’augmentation de la subvention pour charges de service public de l’IRD : c’est vraiment insuffisant au vu des enjeux. Comme au sein des autres instituts dont j’ai parlé, les salaires y sont vraiment trop bas. Il faut augmenter d’au moins 15 % le budget de cet opérateur. C’est le sens de l’amendement II-AC747.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Vous avez choisi cinq EPST – établissements publics à caractère scientifique et technologique – ou Epic – établissements publics industriels et commerciaux. Pourquoi pas les autres ?

L’augmentation des salaires des chercheurs et enseignants-chercheurs est une question très importante. Abordée par la LPR, elle est rendue complexe par la grille de la fonction publique et l’indiciaire, de sorte que l’on y répond essentiellement par un système de primes pour ne pas avoir à revoir l’ensemble de cette grille. Des choses sont faites : une hausse de 73 millions d’euros pour le CNRS, de 19 millions d’euros pour l’Inrae, de 16 millions d’euros pour l’Inserm, de 6 millions d’euros pour l’IRD ; une enveloppe de 45 millions d’euros est prévue pour les salaires. La situation progresse ; je suis un ancien du CNRS, de l’Inserm et de l’université, et c’est pratiquement la première fois que je vois cela depuis mon recrutement en 1988.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je soutiens ces amendements visant à conforter les grandes maisons de la recherche publique française, affaiblies ces dernières années par une politique continue de renforcement de la recherche privée. C’est aussi une question de souveraineté et d’intérêt général.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. On est très loin de l’objectif européen de 3 % du PIB consacrés à la recherche. La part de la R&D – recherche et développement – publique est stable, à 0,7 %. Comparée aux autres pays de l’OCDE, la France a chuté du haut au milieu du tableau en ce qui concerne ses dépenses de R&D. Il faut donc un choc d’investissement dans la recherche, en particulier publique.

Pourquoi ces instituts ? Je vous rassure, nous avons le même amendement pour les universités et j’en défendrai un autre sur le CSTB – Centre scientifique et technique du bâtiment. J’ai fait ce choix parce que le pilotage de la recherche ne doit pas passer par l’ANR, mais par des options budgétaires visant des instituts de recherche finalisée et des sujets centraux pour le développement de notre pays.

M. Quentin Bataillon (RE). Il était important de rappeler ce qui a été fait sur les plans indiciaire et indemnitaire. Autre sujet auquel nous sommes très attentifs : les enseignants du secondaire qui travaillent dans nos universités. À Saint-Étienne, par exemple, c’est le cas du vice-doyen de la faculté des sciences, qui n’a donc pas accès au même niveau de rémunération et de primes que les enseignants-chercheurs. La ministre a fait des annonces à ce sujet ; nous suivrons la situation de près.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC623 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC233 de M. Roger Chudeau et II-AC686 de M. Alexandre Portier

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous demandons une revalorisation indemnitaire des personnels de la recherche publique à hauteur de 250 millions d’euros.

À l’intérieur de cette enveloppe, 80 % iraient à la revalorisation des enseignants-chercheurs et des chercheurs, dont le salaire est très inférieur – de 35 % en début de carrière et de 15 % en fin de carrière – à celui qui a cours au sein de l’OCDE. Pour les 115 000 chercheurs publics, cela représenterait une hausse moyenne de 1 700 euros annuels.

Les 20 % restants, soit 50 millions d’euros, seraient consacrés à la rémunération des 50 000 personnels de soutien, dont le salaire augmenterait ainsi de 1 000 euros par an en moyenne.

M. Roger Chudeau (RN). L’amendement II-AC233 vise à créer un plan de revalorisation de la rémunération des chercheurs et enseignants-chercheurs, afin de renforcer l’attractivité des métiers de la recherche. Ce nouveau programme serait doté d’une enveloppe de 1 milliard d’euros sur cinq ans.

Les métiers de la recherche n’attirent plus ; on le voit à la baisse inquiétante du nombre de doctorants et à la difficulté du pays à garder sur son sol ses meilleurs éléments : la fuite des cerveaux se poursuit.

Les causes de ce déclassement sont multiples. La principale est le faible niveau de rémunération de tous les personnels de la recherche en comparaison de celui que l’on observe dans les pays de l’OCDE et dans les autres corps de la fonction publique française. Le salaire annuel brut moyen de début de carrière des chercheurs en France représentait en 2013, en parité de pouvoir d’achat, 63 % du salaire moyen de début de carrière perçu par les chercheurs en Europe et dans les pays de l’OCDE. À cela s’ajoutent la progression du nombre d’emplois contractuels souvent mal rémunérés et le recours de plus en plus systématique à des vacataires en situation de précarité, du fait de la réduction de nombre de titulaires.

M. Alexandre Portier (LR). Le nombre de premières inscriptions en thèse a fortement chuté, de 4 % à la rentrée 2022. Toutes les disciplines sont touchées, mais plus particulièrement les filières scientifiques. Ces chiffres inquiétants montrent le décrochage de l’université française, dont la première cause est sans doute la faible rémunération des enseignants-chercheurs.

Cela risque de nous poser des problèmes dans des domaines d’avenir, comme l’intelligence artificielle. La presse spécialisée s’accorde à dire que dix des quinze meilleurs spécialistes mondiaux en IA sont français, mais tous travaillent aux États-Unis : nous n’avons pas su les retenir en créant les conditions permettant d’exploiter pleinement leur talent.

Nous proposons donc la création d’une ligne budgétaire de 15 millions d’euros pour revaloriser la recherche et les enseignants-chercheurs.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. On part de très bas à cause du mépris affiché depuis des décennies envers le monde de la recherche. Le budget de la recherche a baissé d’environ 18 % pendant le mandat de François Hollande. Aujourd’hui, on rame pour essayer de se remettre à niveau.

Les crédits supplémentaires ouverts dans ce PLF contribuent à l’amélioration des rémunérations, à hauteur de 258 millions d’euros en cinq ans, comme je l’ai indiqué dans mon propos liminaire. On peut juger cela insuffisant, mais, pour l’instant, il est difficile de faire mieux.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle, on connaît les problèmes de l’Inria ; toutefois, si ses personnels partent, ce n’est pas pour faire de la recherche, mais plutôt pour rejoindre l’industrie et le privé, et pas nécessairement à l’étranger. Les rares que nous gardons restent pour la liberté scientifique.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je soutiens ces amendements. Le salaire d’un chercheur qui entre au CNRS, dont l’âge moyen est de 36 ans, s’élève à moins de 2 000 euros par mois ; c’est tout à fait insuffisant. Vous ne revalorisez les rémunérations que par des primes, qui ne comptent pas pour la retraite et mettent les agents en concurrence entre eux, ce qui désorganise encore plus les collectifs.

On va arriver à un stade où, comme à l’hôpital et à l’école, il n’y aura même plus de candidats, à cause du niveau trop bas des rémunérations et d’une souffrance au travail trop forte du fait d’un management toxique. C’est alors l’ensemble du système de la recherche et de l’université qui s’effondrera.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. La difficulté à recruter des chercheurs, notamment dans les domaines des sciences, des techniques et de l’industrie, est un problème profond : il n’y a presque plus de jeunes qui choisissent ces disciplines ; c’est le mal français. J’ai essayé de l’expliquer dans mon avis budgétaire l’an dernier. On verra ce qu’il en adviendra.

Quant au problème indemnitaire, j’ai expliqué que le choix des primes avait été la solution face à l’urgence.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC730 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La diffusion de la connaissance scientifique est un enjeu essentiel pour les scientifiques, mais aussi pour les industriels et tous les citoyens. Or les éditeurs scientifiques sont très souvent privés et l’accès aux publications est très onéreux. Chaque année, les dépenses en ressources électroniques s’élèvent à 29 millions d’euros pour les organismes de recherche et 49,8 millions d’euros pour les universités, soit entre 1 000 et 1 600 euros par an et par chercheur titulaire. Les laboratoires souscrivent parfois des abonnements à 1,6 million d’euros, auquel il faut ajouter 1,8 million d’euros pour les publications payantes.

Les éditeurs scientifiques réalisent des bénéfices colossaux. Le marché mondial de la publication scientifique était estimé à 28 milliards de dollars en 2020.

Cet argent serait mieux utilisé à créer un véritable service public de la publication scientifique. Le principe serait simple : dans chaque université, un service serait consacré à l’édition de revues ou de journaux de l’université ; l’ensemble de ces productions serait ensuite rassemblé et disponible en libre accès sur une plateforme nationale, sur le modèle de HAL pour l’archivage.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Le budget de la sous-action 05, Animation scientifique, de l’action 01 du programme 172 indique l’enveloppe destinée au plan national pour la science ouverte et aux mesures d’accompagnement à l’échelle nationale, européenne et internationale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC660 de Mme Béatrice Descamps, II-AC167 et II-AC688 de M. Alexandre Portier

Mme Martine Froger (LIOT). Nous souhaitons encourager la recherche sur les causes environnementales des cancers en France.

Le cancer est la première cause de mortalité en France, avec 385 000 nouveaux cas chaque année et 150 000 décès. Or il y a encore trop de flou au sujet de certains produits ou aliments utilisés quotidiennement et qui pourraient être cancérigènes, mais qui n’ont pas fait l’objet de véritables recherches permettant d’en mesurer la dangerosité.

L’amendement II-AC660 tend à attribuer 10 millions d’euros au développement de la recherche dans ce domaine.

M. Alexandre Portier (LR). En France, chaque année, plus de 2 500 enfants se voient diagnostiquer un cancer et 500 d’entre eux en décèdent. Or, malgré le fort investissement du milieu associatif, la recherche en oncologie pédiatrique ne bénéficie que d’un soutien financier minime de la part des industriels du médicament, et la crise sanitaire a malheureusement entraîné une baisse importante des dons.

L’amendement II-AC167 vise donc à flécher 5 millions d’euros de crédits supplémentaires vers cette recherche.

Quant à l’amendement II-AC688, il vise à donner plus de moyens – 3 millions d’euros – à la recherche sur la maladie d’Alzheimer, laquelle touche plus de 20 % de la population âgée de plus de 80 ans.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Je fais la même réponse depuis sept ans. Ce n’est pas ainsi que cela marche. Nous sommes là pour voter des budgets alloués à un ministère, non pour décider de l’utilisation qui en sera faite. Les crédits sont ensuite distribués à des organismes – des fondations, l’Inca – Institut national du cancer –, l’ANRS-MIE – maladies infectieuses émergentes –, etc. – qui, par l’intermédiaire de leur comité scientifique, choisiront leurs priorités.

En ce qui concerne le cancer, on ne peut pas dire que l’on ne met pas le paquet en ce moment. Allez sur le plateau de Saclay, allez voir le cluster PSCC – Paris-Saclay Cancer Cluster ; ils viennent encore de décider la construction d’un bâtiment supplémentaire de 25 000 mètres carrés. Simplement, dans la science et a fortiori en santé, le temps de la recherche est long.

Dans les deux domaines du cancer pédiatrique et de la maladie d’Alzheimer, les acteurs importants de la recherche ne sont peut-être pas les laboratoires pharmaceutiques, mais ce sont clairement les acteurs de la biotechnologie santé. Un exemple : Orpha, société française, est en attente de l’autorisation de mise sur le marché d’un traitement du neuroblastome de l’enfant. Quant à Alzheimer, je vous conseille de placer votre argent auprès de l’entreprise américaine Biogen, dont le traitement de cette maladie a été autorisé par la Food and Drug Administration.

J’ai fait le tour de France de la recherche en santé ces dernières semaines : entre l’institut Curie, l’IGR – Institut Gustave-Roussy –, Saclay et le biocluster marseillais pour les immunothérapies des cancers, je peux vous assurer que l’on en fait beaucoup. À l’échelle mondiale, il s’agit du seul secteur de la recherche en santé qui échappe un peu à la morosité ambiante.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. En effet, ce n’est pas à notre commission ni à la représentation nationale de décider des orientations de la recherche dans le détail. Si nous voulons soutenir la recherche sur le cancer, il faut aider les CHU – centres hospitaliers universitaires – ou l’Inserm ; les professionnels en leur sein, en dialogue avec l’État, sauront organiser les moyens qui leur sont alloués.

Nous nous abstiendrons lors du vote.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Monsieur Berta, l’IGR, donc le PSCC, est dans ma circonscription et nous avons toutes les peines du monde à faire entendre à Bercy qu’il ne faut pas chercher la valorisation foncière dans ce cadre. Je reviendrai vers vous pour que vous nous aidiez à soutenir la réalisation de la zone d’aménagement concertée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC561 de M. Idir Boumertit

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La réindustrialisation de la société française est un véritable enjeu. C’était le sens de la loi relative à l’industrie verte. Dans ce contexte, la ministre l’a dit tout à l’heure, il est très important que le service public de l’enseignement supérieur fasse correspondre les formations aux besoins, notamment industriels. Nous souffrons d’un manque de filières courtes.

Nous proposons donc la création d’une filière technologique consacrée à la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Cela ne relève pas des budgets pour lesquels la commission des Affaires culturelles est compétente. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.


Amendements identiques II-AC633 de Mme Béatrice Descamps et II-AC690 de M. Alexandre Portier

Mme Martine Froger (LIOT). Notre amendement vise à accélérer la recherche scientifique sur le handicap, notamment les handicaps rares et psychiques.

En septembre 2022, l’Institut pour la recherche en santé publique (Iresp) et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ont identifié plusieurs domaines de recherche où les travaux restent rares ou incomplets : l’évaluation, la tarification, la connaissance des publics, les alternatives à l’établissement. Lors de la CNH, un soutien pluriannuel, allant de 2024 à 2027, à la recherche interdisciplinaire sur les enjeux liés aux handicaps a été annoncé, fondé sur le programme coordonné par le CNRS et les actions de l’Iresp. Nous proposons que ses moyens soient augmentés de 10 millions d’euros.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Ma réponse précédente sur les orientations thématiques vaut également ici. En outre, la notion de handicap rare – je préside depuis sept ans le groupe d’études sur les maladies rares – est assez diffuse et peu claire.

N’oublions pas la sérendipité de la recherche : ce n’est pas parce que vous allouez de l’argent à un objet que cet argent va rendre possible une découverte dans ce domaine. La technique des ciseaux moléculaires, récompensée par le dernier prix Nobel français de chimie, est née de l’étude d’une bactérie. Laissons les scientifiques définir leurs priorités.

Avis défavorable.

Mme Anne Brugnera (RE). C’est un débat que nous avons à chaque projet de loi de finances : on cherche à abonder les budgets de la recherche dans les domaines qui nous tiennent à cœur – à moi comme à vous : je suis membre des groupes d’études sur le cancer et sur le handicap. Mais mon groupe approuve les propos du rapporteur pour avis. Nous voterons contre ces amendements.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC661 de Mme Béatrice Descamps

Mme Martine Froger (LIOT). Il est prévu d’augmenter de plus de 10 % le budget pour l’ANR. Nous proposons de l’abonder de 10 millions d’euros supplémentaires pour financer la recherche sur les maladies rares de l’enfant, hors cancers, qui sont à ce jour incurables et mortelles, comme les amyotrophies bulbo-spinales, la myopathie de Duchenne ou la sclérose latérale amyotrophique. Comme elles touchent un petit nombre de personnes, la recherche sur chacune d’entre elles est très insuffisante.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Il existe un peu plus de 7 000 maladies rares, qui concernent 3 millions de Français. En France, nous avons été et restons pionniers en ce qui concerne l’organisation du diagnostic, en particulier, et de la gestion de ces maladies en général. Nous avons des plans nationaux – le troisième est en cours de finalisation et d’évaluation, le quatrième débutera en janvier. Nous sommes copiés en Europe. Nous avons toujours mis le paquet sur les maladies rares et mon travail consiste à faire en sorte que cela continue. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Paul Molac (LIOT). Ces amendements ont été déposés par Mme Descamps, qui peut seule les retirer si elle le souhaite. Nous continuerons de les défendre.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC692 de M. Alexandre Portier, II-AC607 de Mme Clémence Guetté et II-AC695 de Mme Angélique Ranc

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Ces amendements sont hors champ de notre Commission. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis Philippe Berta, la commission rejette l’amendement II-AC703 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Amendement II-AC735 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le CSTB est un Epic chargé par l’État de procéder ou de faire procéder à des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de construction et d’habitat. Les recherches prévues contribuent à la transition écologique et énergétique, à la transition numérique et à la compétitivité du secteur. Cet opérateur est très utile pour dynamiser la rénovation énergétique des bâtiments publics, comme le Gouvernement souhaite le faire.

Pourtant, le PLF n’augmente pas la subvention de l’État au CSTB et ce budget ne permet pas de revaloriser la rémunération de ses 900 salariés de 3,5 % comme dans les autres Epic, ni de compenser l’inflation. Il y a un écart entre ce que le Gouvernement déclare vouloir faire et les moyens alloués aux institutions qui y œuvrent.

Je propose d’augmenter de 15 % le budget de cet établissement.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Cet amendement non plus ne relève pas de notre mission, mais du ministre de la transition énergétique. Avis défavorable.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. C’est faux : ce budget est dans les bleus de notre mission.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Nous n’avons pas à donner un avis sur un domaine qui n’est pas de notre compétence.

La commission rejette l’amendement.

2.   Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 15 heures

La commission poursuit l’examen pour avis des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680  seconde partie) (M. Philippe Berta, rapporteur pour avis Recherche, M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis Enseignement supérieur et vie étudiante)([51]).

Article 35 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendements II-AC737 de M. Hendrik Davi et II-AC553 et II-AC596 de M. Jérôme Legavre

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis (Enseignement supérieur et vie étudiante). Plusieurs présidents d’université s’inquiètent de la compensation partielle des mesures annoncées par le ministre Stanislas Guérini en juin dernier et de la mobilisation d’une partie des fonds de roulement des universités en 2023 et 2024. Comme l’a rappelé le président de France Universités lors de son audition, les universités n’ont pas la capacité d’emprunter : seuls les fonds de roulement leur permettent de réaliser leurs projets d’investissement. Ceux qui ne sont pas fléchés servent à acquitter les surcoûts liés aux imprévus : ce n’est pas de l’argent qui dort. Ils ont augmenté car la logique d’appel à projets s’est amplifiée : dans l’attente de partenariats, les structures se retrouvent avec beaucoup d’argent, qui couvre le surcoût de mesures non compensées en 2023 et 2024. En conséquence, les universités devront déprogrammer certaines opérations, notamment la rénovation des campus.

Par l’amendement II-AC737, nous proposons d’augmenter de 15 % le budget des universités et des autres établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) afin d’améliorer les qualifications et la production scientifique. Ces crédits supplémentaires permettront d’augmenter les salaires, qui représentent 80 % de ces budgets.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Les amendements II-AC553 et II-AC596 visent à dénoncer la baisse des budgets alloués aux universités. Contrairement à ce que dit la majorité, il est difficile de trouver des augmentations dans le budget. La forte inflation a des incidences sur les dépenses d’énergie, si bien qu’une grande partie des universités ne sont pas chauffées en hiver ; certains sites ont même dû fermer. La progression des budgets consacrés à l’université étant en deçà des taux d’inflation, il semble indispensable d’inverser la tendance actuelle.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il s’agit d’augmenter fortement le budget des universités, ce qu’attendent les enseignants et les étudiants.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC621 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement souligne la nécessité de lancer un grand plan immobilier au sein des universités. Pour ancrer ces établissements dans les territoires, l’État doit renforcer la dotation de patrimoine immobilier. Selon le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le coût des réhabilitations en attente serait de 7 milliards d’euros, dont 75 % en lien avec la transition énergétique – France Universités retient un montant de 15 milliards d’euros pour une rénovation totale. Nous demandons 1 milliard d’euros par an jusqu’à 2030 pour compenser ce manque et rénover le patrimoine immobilier, dans l’optique de la transition énergétique.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’amendement. Les enjeux de rénovation du bâti des universités sont immenses. Le Gouvernement, en contraignant les universités à puiser dans leurs fonds de roulement, ralentira de fait les projets de rénovation. Lors de la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à faire construire 60 000 logements d’ici à la fin du quinquennat : seuls 36 000 ont été mis en service entre 2018 et 2021. Le compte n’y est pas. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a rappelé que des rénovations prioritaires seraient réalisées. Néanmoins, rénover ne suffit pas : il faut aussi construire des logements étudiants.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le Gouvernement devra compenser les études de plusieurs centaines de milliers d’euros que les universités sont obligées de mener pour réhabiliter leur patrimoine immobilier à l’heure de la transition énergétique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC678 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC751 de M. Hendrik Davi, amendements identiques II-AC576 de Mme Martine Froger et II-AC602 de Mme Fatiha Keloua Hachi et amendement II-AC639 de M. Jean-Claude Raux

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Le projet annuel de performances du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire de la mission Recherche et enseignement supérieur assume de ne pas compenser l’intégralité des hausses de dépenses de personnel des universités, considérant que « compte tenu de leurs réserves financières, les établissements seront également appelés à un effort de responsabilité ». Ainsi, selon France Universités, près de 120 millions d’euros par an ne sont pas compensés par l’État, qui grève dans le même temps le fonds de roulement des universités ou leurs perspectives en matière de recrutement.

Depuis le passage au principe des responsabilités et compétences élargies, que prévoit la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, c’est la première fois que des mesures salariales appliquées à l’ensemble de la fonction publique ne sont pas compensées. Quant aux surcoûts liés à l’inflation et à la hausse des prix de l’énergie, ils sont estimés à 300 millions d’euros pour 2023. Selon une enquête de France Universités réalisée en 2023, près des deux tiers des universités françaises pourraient présenter un résultat déficitaire. Il est donc indispensable de compenser ces augmentations des traitements des fonctionnaires.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est incompréhensible que l’État ne compense pas intégralement des mesures salariales qu’il a lui-même décidées. Ces augmentations sont du reste insuffisantes. Mon amendement, le II-AC751, poursuit le même objectif. Il serait dommage que ces amendements ne soient pas votés par la représentation nationale car des membres de la majorité estiment également que la compensation est nécessaire.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC576 a pour objet de compenser totalement, à hauteur de 125 millions d’euros, le coût des mesures de revalorisation salariale pour la fonction publique annoncées par le ministre de la Transformation et de la fonction publiques, M. Guerini. Après leur non-compensation en 2022, la compensation partielle annoncée en 2023 et 2024 est une très mauvaise nouvelle pour les universités. Il faudrait qu’elles trouvent près de 120 millions d’euros par an pour compenser ces augmentations, soit environ 1 500 emplois de maîtres de conférences.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Par l’amendement II-AC602, nous proposons également de compenser le coût des mesures annoncées par Stanislas Guerini. Les universités comprennent mal cette compensation partielle, qui les conduit à devoir financer 120 millions d’euros soit par prélèvements sur leur fonds de roulement, soit par réduction de leurs campagnes d’emplois. Cela représente un grand nombre de postes de maîtres de conférences et d’enseignants-chercheurs.

Certains d’entre vous sont favorables à la compensation totale : il est temps de voter ces amendements.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous sommes nombreux à avoir reçu des courriers des universités de nos territoires, nous alertant sur leur situation financière. En tant que parlementaires, nous devons agir sur cette question.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à l’ensemble des amendements : il n’est pas normal que l’État ne compense pas des décisions salariales qu’il a lui-même décidées pour les universités. Selon le président de France Universités, les factures énergétiques augmenteront de 66 %. Au total, le coût relatif à la masse salariale et au fonctionnement courant, imputés au programme 150, pourraient atteindre 400 millions d’euros. Le Gouvernement prévoit une compensation partielle de 155 millions d’euros pour les mesures salariales, qui est largement insuffisante. Il est essentiel de voter au moins l’un de ces amendements, pour que les universités ne soient pas contraintes de puiser dans leur fonds de roulement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC594 de M. Jérôme Legavre, II-AC750 de M. Hendrik Davi, amendements identiques II-AC574 de Mme Martine Froger et II-AC615 de Mme Fatiha Keloua Hachi, et amendement II-AC643 de M. Jean-Claude Raux

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Par l’amendement II-AC594, nous proposons un plan de 350 millions d’euros pour compenser la hausse du coût de l’énergie supporté par les universités. Selon le président de France Universités, la facture énergétique des universités aurait augmenté de 66 %, du fait de l’inflation. Certains présidents d’université en ont conclu qu’ils devaient couper le chauffage, y compris l’hiver. En janvier dernier, j’ai tenu une conférence à Paris 13, alors qu’il faisait moins de 10 degrés dans l’amphi. Les étudiants n’étaient pas étonnés de la situation. Le problème est grave.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Malgré la hausse des tarifs de l’électricité, estimée à 10 % en 2024 par le Gouvernement, les activités de recherche et d’enseignement doivent pouvoir se dérouler sans interruption pédagogique et sans recours au distanciel non justifié pédagogiquement. L’autonomie des universités et la sobriété ne doivent pas être un prétexte à une dégradation des conditions de travail et d’enseignement.

L’amendement II-AC750 vise à établir un plan de compensation financière de la hausse du coût de l’énergie prévue pour 2024 pour les universités et les centres de recherche, chiffré à 100 millions d’euros. Il n’est pas normal que certaines universités soient contraintes de couper l’électricité ou de limiter les cours en présentiel.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC574 tend à compenser l’augmentation des coûts de fonctionnement courant des universités en raison de l’inflation et des surcoûts énergétiques. L’explosion des coûts pèse lourdement sur le budget de nos universités.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). En 2021, les coûts de l’énergie pour les universités étaient de l’ordre de 220 millions d’euros, soit 10 % des dépenses de fonctionnement courant, ce qui est énorme. Or ce chiffre n’a fait qu’augmenter. Pour préserver la capacité de financement des universités et éviter les conséquences dommageables des surcoûts énergétiques sur la capacité de formation, de recherche et d’innovation des établissements, il apparaît indispensable que l’État compense ces coûts supplémentaires à hauteur de 100 millions d’euros.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Cet amendement II-AC643, de Jean-Claude Raux, vise également à compenser l’augmentation des coûts de fonctionnement courant dans les universités. En ne compensant ni les hausses de traitement des fonctionnaires des universités, ni la hausse des frais de chauffage, on entre dans un cercle vicieux car les universités autonomes ne peuvent pas financer la rénovation de leurs bâtiments. Les fonds dégagés par ailleurs ne suffisent pas. Il faut trouver des solutions pour ne pas fermer les structures et assumer un service public d’enseignement supérieur de qualité.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. Gouverner, c’est prévoir. La crise énergétique que nous avons vécue en 2022 et 2023 risque de se reproduire. D’abord, en raison du contexte international, avec la crise au Moyen-Orient. Ensuite, parce que la crise écologique nous place face à un mur. Nous ne devons pas nous satisfaire que ces crises à répétition conduisent à des fermetures d’universités – à Strasbourg, à Nantes, la continuité pédagogique n’a pas toujours été possible.

L’enjeu est énorme puisque France Universités représente 20 % du patrimoine immobilier de l’État, qu’il faut rénover. La première mesure est de compenser, mais pas au fil de l’eau et a posteriori avec des lois de finances rectificative ou des aides, comme l’a dit la ministre. Cela met les universités en difficulté chronique et les oblige à renoncer à certaines de leurs actions.

Comme pour les compensations salariales, différents groupes de l’Assemblée nationale demandent la compensation du coût de l’énergie. Il serait bon que la représentation nationale vote cette série d’amendements.

Mme Anne Brugnera (RE). Vous dites que « gouverner, c’est prévoir », mais vos propositions ne font que multiplier les dépenses, avant de savoir si elles sont justifiées. L’année dernière, il était difficile de prévoir la guerre en Ukraine. Le ministère est en effet venu au secours des universités en difficulté avec un projet de loi de finances rectificative (PLFR), mais un PLFR sert justement à décider de dépenses qui n’avaient pu être prévues initialement.

Le budget est un acte de responsabilité. Vos amendements, parfois à hauteur de plusieurs milliards d’euros, montrent que vous n’avez pas la même notion de la responsabilité budgétaire que nous. Surtout, le lien entre le ministère et l’université est capital, pour aider les établissements, dans le dialogue et la confiance.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Gouverner, c’est aussi penser à l’avenir. On demande aux universités de mener une action de sobriété énergétique, de diminuer de 10 % leur consommation énergétique d’ici à 2024. Or les 100 millions d’euros que nous demandons serviraient aussi à mener des actions en faveur de la transition écologique et du plan de sobriété. Il ne faut pas uniquement les envisager au coup par coup, pour payer les factures.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). On le voit dans ce budget : les universités raquent. Effectivement, dans un budget global d’austérité, quand on fait le choix d’augmenter les crédits d’autres ministères, on fait des coupes claires à d’autres endroits. Le problème est que cela a des effets directs sur l’enseignement. Les propos de France Universités devraient vous amener à vous interroger.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC739 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à établir un plan de titularisation des contractuels volontaires exerçant des fonctions pérennes. En effet, le nombre de chercheurs, ingénieurs, techniciens ou administratifs exerçant en réalité des fonctions pérennes dans les universités ou les EPST ne cesse de croître. Au total, la France compte 31 348 enseignants-chercheurs et enseignants non permanents, environ 25 000 agents contractuels hors enseignants employés sur des missions permanentes et 23 125 ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation contractuels, employés dans des missions permanentes.

Comme trop peu de places ont été ouvertes au concours ces dernières années, certains contractuels arrivent à la limite du renouvellement de leur contrat – de brillants post‑doctorants ont ainsi dû renoncer à la recherche, faute de pouvoir signer un nouveau contrat à durée déterminée (CDD). Pour éviter ce gâchis en matière de ressources humaines, nous proposons de les titulariser, une mesure qui coûterait 2 milliards d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC731 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La rémunération d’une heure de travaux dirigés étant fixée à 43,50 euros pour 4,18 heures de travail, en amont et en aval, le salaire horaire réel pour un cours à l’université s’élève à 9,91 euros, soit moins que le Smic horaire, sans compter toutes les tâches administratives épuisantes, qui ne sont pas rémunérées. Selon les syndicats, plus de 10 millions d’heures complémentaires sont réalisées chaque année dans l’enseignement supérieur, assurées à part égale par les enseignants-chercheurs et par les enseignants vacataires. Le monde de la recherche fait face à une précarité alarmante. Il est urgent de revaloriser les métiers du supérieur, pour retrouver des conditions d’enseignement à la hauteur des besoins de formation.

Cet amendement vise donc fonder la rémunération des heures d’enseignement sur le temps de travail réel et non plus seulement sur l’heure de cours donnée. Cette prise en compte entraîne une augmentation du taux des heures complémentaires, ce qui incitera les établissements à ouvrir de nouveaux postes d’enseignants-chercheurs titulaires plutôt qu’à recourir à des contractuels et à des vacataires précaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC734, II-AC740, II-AC733 de M. Hendrik Davi, II-AC370 de M. Julien Bayou, II-AC732 de M. Hendrik Davi, II-AC232 de M. Roger Chudeau et II-AC627 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC734 vise à donner aux doctorants qui le souhaitent la possibilité d’allonger d’un an la durée de leur contrat doctoral. Le coût est cette mesure est estimé à 578 millions d’euros.

En 2020, près de 60 % des doctorants avaient terminé leur thèse en plus de quarante mois. En l’absence des financements nécessaires, la durée moyenne des doctorats diminue, au prix d’une plus grande souffrance des étudiants en fin de thèse et d’un fort taux d’abandon. De nombreux pays offrent déjà la possibilité d’une quatrième année aux doctorants qui le souhaitent. Donnons à la recherche les moyens de relever les défis auxquels elle fait face.

Quant à l’amendement II-AC740, il a pour objet d’augmenter le nombre d’allocations doctorales, pour un montant de 327 millions d’euros. Selon une étude de la sous-direction des systèmes d’information et d’études statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, 15 700 doctorants se sont inscrits en première année de thèse à la rentrée 2022, un effectif en diminution de 4 % par rapport à la rentrée précédente. Les mathématiques ainsi que la chimie et la science des matériaux subissent particulièrement cette désaffection, avec une baisse de 10 % et de 14,7 % des inscriptions, respectivement.

Il est nécessaire d’augmenter le nombre de docteurs non seulement pour disposer d’un vivier de chercheurs et d’enseignants-chercheurs mais aussi pour stimuler l’innovation dans les entreprises. Le transfert des connaissances du monde académique vers les entreprises publiques ou privées passe notamment par l’embauche de doctorants académiques dans les entreprises.

Enfin, l’amendement II-AC733 a pour objectif de doubler la rémunération des 130 000 enseignants vacataires de l’enseignement supérieur, qui assurent un quart des heures de cours dans le supérieur. Leur statut a été pensé pour permettre à des personnes ayant un emploi à temps plein de dispenser des enseignements à l’université. Or 40 000 d’entre eux ne travaillent pas à temps plein en dehors de l’université. En prenant en compte le temps de préparation des cours, de correction des copies, de surveillance des examens ainsi que les tâches administratives qui leur sont assignées, leur taux horaire peut être jusqu’à quatre fois inférieur au Smic. Malgré leur rôle essentiel dans l’enseignement supérieur, leur rémunération ne représente que 0,6 % du budget de la mission, soit 200 millions d’euros. Si leur rémunération horaire avait augmenté au rythme du Smic depuis les années 1980, leur paie aurait été égale au double de leur niveau actuel : elle doit retrouver ce niveau.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC370 de Julien Bayou a pour objectif de revaloriser les métiers de la recherche en luttant contre la précarité des enseignants vacataires à l’université. Ces 130 000 enseignants, qui assurent un quart des heures de cours à l’université, sont les personnels les plus mal payés de France en temps de travail effectif, puisqu’ils touchent parfois moins d’un tiers du salaire minimum horaire, en dépit de leur niveau d’études très élevé. Sans eux, les universités ne pourraient pas répondre à l’augmentation annuelle des effectifs d’étudiants et les enseignants titulaires ne pourraient pas consacrer du temps à la recherche à côté de leur charge d’enseignement. Il y a donc urgence à améliorer les conditions de travail de ces personnels indispensables qui sont en outre privés de la majorité des droits des agents publics, compte tenu de leur statut précaire et juridiquement mal défini.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC732, de repli, vise à augmenter de 50 % la rémunération des vacataires de l’enseignement supérieur en majorant de 100 millions d’euros le budget du programme 150, à défaut de la doubler.

M. Roger Chudeau (RN). La disposition que je propose tend également à améliorer la rémunération et le statut des doctorants et enseignants vacataires. Un grand nombre de doctorants ne disposent pas d’un financement pendant leur thèse. Ils exercent donc des fonctions de vacataires, se répartissant en chargés d’enseignement vacataires et en agents temporaires d’enseignement vacataires. Créé pour rémunérer les doctorants sans financement, ce statut a surtout servi à recruter une main d’œuvre précaire, permettant d’assurer des enseignements à moindre coût. Rémunérés en dessous du Smic horaire, avec six mois à un an de retard dans les paiements, sans prise en charge suffisante des frais annexes, et ne disposant de pratiquement aucune protection sociale, ces vacataires alertent les pouvoirs publics depuis des années. L’amendement II-AC301 vise donc à augmenter le nombre de contrats doctoraux pour permettre aux enseignants-chercheurs vacataires d’être rémunérés pendant leur thèse.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Par l’amendement II-AC627, nous voulons que les enseignants vacataires qui n’ont pas d’autre rémunération que leurs heures de cours soient rémunérés 1,5 fois le Smic, ce qui suppose de leur assurer un nombre minimal d’heures d’enseignement. Ils exercent actuellement dans des conditions de travail indignes – salaire inférieur au Smic, rémunération semestrielle, droits sociaux réduits, absence de règles de renouvellement et de recrutement, non prise en charge partielle des frais de transport.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’ensemble des amendements vont dans le bon sens. Il s’agit de valoriser notre jeunesse qui travaille dans l’enseignement supérieur et la recherche. De nombreux jeunes qui ont décidé de se tourner vers la recherche par passion accèdent à des conditions de travail très dégradées. Nous sommes au point de rupture où beaucoup d’entre eux décident de renoncer, notamment à cause de la précarité. J’émets un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement II-AC232, pour lequel je donne un avis de sagesse, car le montant proposé me paraît insuffisant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC631 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Favorable. Il vise à augmenter le nombre d’ingénieurs techniciens, de recherche et de formation. À l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), un ratio favorable entre le nombre des techniciens et celui des chercheurs dans les unités nous assurait une qualité de travail meilleure qu’à l’université, où le travail technique est essentiellement réalisé par des stagiaires. Or le nombre de techniciens diminue, de 15 % à 20 % parfois.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC598 de M. Jérôme Legavre, amendements identiques II-AC-575 de Mme Martine Froger et II-AC599 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). La masse salariale des universités évolue à la hausse, du fait de mesures salariales applicables à l’ensemble de la fonction publique, telles que le glissement vieillesse technicité (GVT) et la hausse du point d’indice, d’ailleurs très insuffisante.

Le problème est que, comme pour la hausse du prix de l’énergie, l’État ne compense que partiellement ces nouvelles dépenses, alors qu’elles affectent lourdement le budget des universités. France Universités signale ainsi que les universités devront dépenser 120 millions d’euros supplémentaires à cause de l’évolution du point d’indice, soit en prélevant sur leurs fonds de roulement, soit en réduisant leurs recrutements ; 1 500 emplois de maîtres de conférences pourraient ainsi devoir être supprimés.

Il est donc nécessaire que l’État compense en totalité ces augmentations de la masse salariale.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Cet amendement vise à compenser, pour un montant de 45 millions d’euros, le coût du glissement vieillesse technicité pour les universités. L’absence de compensation de ce coût par l’État est d’autant plus incompréhensible que les personnels d’université sont pour la majorité des fonctionnaires d’État. Rappelons en outre que les universités sont soumises à de fortes tensions budgétaires.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Il faut compenser l’augmentation de la masse salariale des universités liée au glissement vieillesse technicité, c’est-à-dire notamment à l’avancement des agents sur la grille indiciaire. Ce coût n’est pas compensé, car le montant de la subvention pour charge de service public perçue par les opérateurs de l’enseignement supérieur reste stable, ce qui les conduit à supprimer des emplois année après année.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le GVT est l’un des points de désaccord persistant entre les représentants du ministère et les présidents d’université, chacun maintenant une version radicalement différente lors des auditions.

Le problème, qui résulte peut-être de l’autonomie des universités, affecte lourdement celles-ci. Le vieillissement du personnel conduit à une augmentation de la masse salariale, d’une ampleur différente selon les universités, car elles n’ont pas toutes la même pyramide d’âge. Or le montant de la subvention pour charge de service public n’évolue pas. Dès lors, les universités sont obligées de diminuer le nombre de recrutements. Au final, faute de personnel, les universités ne peuvent ouvrir suffisamment de places pour accueillir tous les étudiants dans certaines filières. Je l’ai indiqué tout à l’heure, lors de la présentation de mon rapport pour avis : entre 105 000 et 120 000 étudiants ne trouvent pas de place à l’université dans la discipline qu’ils demandent. Il importe donc de compenser le coût du GVT. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements

Amendement II-AC604 de Mme Clémence Guetté

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à réparer une injustice concernant la rémunération des enseignants du secondaire affectés dans l’enseignement supérieur (Esa), qui est à l’origine d’un mouvement social depuis la rentrée.

La prime d’enseignement supérieur est réservée aux enseignants-chercheurs, qui la perçoivent statutairement. Pourtant, les Esa effectuent les mêmes tâches qu’eux, si bien que le principe « à travail égal, salaire égal » n’est pas respecté. Dès lors, de nombreux Esa ont démissionné de leurs fonctions administratives, rendant impossible la rentrée des étudiants.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. C’est un principe d’égalité : les différentes catégories d’enseignants du supérieur doivent pouvoir bénéficier des mêmes primes. Cela montre l’impasse où conduit le choix d’augmenter les salaires dans la fonction publique en passant par des primes de fonctions et les primes au mérite : des agents qui exercent le même métier perçoivent des rémunérations différentes ; de plus, la majorité de ces primes n’est pas prise en compte dans le calcul des retraites. Il faut donc privilégier l’augmentation du point d’indice pour l’ensemble de la fonction publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC641 de M. Jean-Claude Raux, amendements identiques IIAC578 de Mme Martine Froger et II-AC614 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). À la suite de la crise sanitaire, la fréquence du télétravail a explosé, dans les professions où il est possible. La fonction publique ne fait pas exception : en septembre 2021, l’État a instauré une indemnité forfaitaire pour les agents en télétravail – je m’en félicite ; il conviendrait d’ailleurs de la revaloriser.

Toutefois, cette mesure décidée par le Gouvernement pèse sur les employeurs publics que sont les universités, alors que cela ne devrait pas être le cas. Son coût, de 15 millions d’euros par an, est important et contraint la politique salariale des universités, d’autant que celles-ci doivent assumer le coût de l’inflation, notamment des prix de l’énergie. Les universités en viennent donc à diminuer le nombre de recrutements ; elles renoncent à remplacer les départs. C’est dommageable pour l’enseignement supérieur, cela nuit aux conditions d’étude et à la recherche publique.

Le présent amendement vise donc à soutenir financièrement les universités face à l’obligation de versement de l’indemnité de télétravail.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Nous menons le même combat que M. Raux.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). J’ajoute que l’absence de compensation du coût de l’indemnité forfaitaire de télétravail a des conséquences regrettables pour l’accomplissement des missions de formation, de recherche et d’innovation des universités. Elle les empêche d’investir dans les projets de décarbonation que souhaite le Président de la République. Nous demandons donc une compensation de 15 millions d’euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je rappelle que le télétravail constitue une avancée pour certains agents, notamment parce qu’il diminue leur temps de transport. Il doit toutefois être bien encadré. La présence physique est importante, tant dans les relations entre enseignants et étudiants, qu’entre enseignants, entre chercheurs, dans les collectifs de travail.

Quant à l’indemnité de télétravail, d’un montant de 253 euros, il est anormal qu’elle ne soit pas compensée par l’État, car c’est lui qui a décidé de sa création.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC600 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à établir un plan de titularisation pour les contractuels qui le souhaitent. Le nombre d’enseignants-chercheurs titulaires a chuté de près de moitié en dix ans ; l’enseignement supérieur public compte 130 000 vacataires. Ces seuls chiffres doivent nous alerter.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis évidemment favorable à la titularisation de tous les contractuels exerçant des fonctions pérennes.

La commission rejette l’amendement

Amendement II-AC597 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Il vise à prélever 3,7 millions d’euros de crédits du programme 150 alloués au renforcement de l’apprentissage, pour abonder les fonds en faveur de la formation initiale et continue, du baccalauréat à la licence.

En 2018, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dite LCAP, défendue par Mme Pénicaud, a créé un système aberrant, qui permet aux entreprises ouvrant leurs propres centres de formation de bénéficier d’aides généreuses versées par France compétences. Le nombre de centres de formation d’apprentis (CFA) a ainsi triplé entre 2018 et 2022, car ces formations permettent aux entreprises de bénéficier d’une main-d’œuvre quasiment, voire totalement, gratuite – la Cour des comptes elle-même a dénoncé ces effets d’aubaine en juin 2022. Tout de même, 6 000 euros sont versés aux entreprises pour chaque contrat d’apprentissage, ce sont des sommes importantes !

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement. Je vous invite à consulter les chiffres dans mon rapport pour avis : le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur est passé de 111 405 en 2010 à 576 000 en 2022. Nous ne sommes pas contre l’apprentissage en tant que tel, toutefois, cette évolution pose deux problèmes.

Si l’apprentissage intervient trop tôt, et force les jeunes à entrer dans le monde du travail alors qu’ils n’ont pas encore acquis les savoirs suffisants dans leur formation – qu’elle soit universitaire ou non – ils peinent à acquérir des qualifications. Même le représentant d’un groupe privé comme Ionis Education group convient que c’est souvent le cas lorsque l’apprentissage intervient pendant les deux premières années d’étude, notamment pour les jeunes issus des classes populaires.

En outre, les jeunes issus de ces formations ont souvent une mauvaise compréhension des attentes en matière de qualification, de compétence. Ils surévaluent les connaissances acquises dans le cadre de leur apprentissage. C’est problématique, même les employeurs nous le disent.

Comme je l’indique dans mon rapport pour avis, le déficit de France compétences s’élève à 11 milliards d’euros. Pour le combler, Martin Hirsch, que nous avons auditionné, propose d’augmenter fortement le taux de la taxe professionnelle, mais cela impliquerait de changer totalement votre politique vis-à-vis des entreprises. En tout cas, la situation actuelle n’est pas durable, car, en l’état, l’apprentissage est un gouffre financier pour l’État.

Il faudrait en revenir à une approche raisonnable de l’apprentissage dans la politique éducative, en s’appuyant sur les diplômes universitaires de technologie (DUT) et les instituts universitaires de technologie (IUT). Or, entre 2010 et 2021, le nombre d’apprentis en DUT est passé de 5 000 à 8 000. Cette formation n’a donc pas connu l’explosion que l’on constate dans le secteur privé.

Mme Anne Brugnera (RE). J’avoue ne pas comprendre vos arguments contre l’apprentissage. Vous prétendez, dans des généralisations incroyables, que les étudiants se fourvoient dans ces formations. Il me semble pourtant qu’ils savent ce qu’ils font.

Vous accusez l’apprentissage d’être un gouffre financier pour l’État, mais enfin, vu les amendements que vous nous soumettez, depuis quand les déficits vous posent-ils problème ? Vos arguments n’ont ni queue ni tête. Pour notre part, nous sommes ravis du développement de l’apprentissage. L’aide est versée aux entreprises pour qu’elles rémunèrent leurs apprentis. Nous avons beaucoup travaillé sur la loi LCAP et avons évalué ses effets, ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas améliorer le système. Votre amendement est outrancier.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je m’interroge moi aussi. Le choix d’une formation en alternance ou de l’apprentissage peut être justifié pour certains profils. Toutefois, le développement actuel de l’apprentissage s’explique moins par ces considérations que par le choix qu’a fait l’État, au sortir de la crise du covid, de subventionner massivement l’emploi des jeunes par le biais de l’apprentissage, avec un coût nul ou très faible pour les entreprises, pour résoudre le problème du chômage. Interrogeons-nous sans tabou sur la pertinence de ce choix, qui n’est pas forcément adéquat pour tout le monde.

J’ajoute que, comme nos collègues, je m’interroge sur le profil des apprentis : ce sont de moins en moins souvent des élèves et de plus en plus souvent des étudiants, qui ont parfois fait des études longues, dans des établissements inaccessibles aux personnes défavorisées.

M. Karl Olive (RE). En tant que directeur des sports d’un média, j’ai embauché quatre-vingts jeunes apprentis de 18 à 25 ans, qui ont appris le journalisme dans ce cadre. Même si je rejoins certaines de vos réserves, monsieur le rapporteur pour avis, je considère que l’apprentissage est un passeport pour l’emploi. Ce n’est pas une voie par défaut. L’apprentissage a permis aux quatre-vingts jeunes que j’évoquais d’obtenir une carte de presse au bout de deux ans ; ils travaillent maintenant dans des médias nationaux ou internationaux, sans forcément avoir fait de grandes études.

Nous favorisons l’apprentissage parce que certains ne sont pas faits pour les études, parce qu’ils sont pénalisés par leur lieu de résidence, dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, parce qu’ils subissent un échec social, familial. Je me satisfais pleinement que nous ayons quasiment multiplié par deux le nombre d’apprentis en cinq ans.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de se prononcer pour ou contre l’apprentissage. Je constate seulement qu’entre 2010 et 2022, le nombre d’apprentis dans l’enseignement supérieur a explosé, passant de 111 000 à 576 000, notamment dans l’enseignement privé. Bien sûr que ces jeunes ont le droit de choisir l’apprentissage ! Néanmoins, l’apprentissage, comme les stages en entreprise, doit permettre de se former, grâce à un équilibre entre expérience professionnelle et acquisition des savoirs fondamentaux.

Des jeunes de tout niveau de diplôme se tournent vers l’apprentissage. Je m’inquiète car certains, autour de moi, choisissent des masters en apprentissage dans des officines privées, parce qu’ils n’ont pas obtenu de place à l’université. Ces formations ne permettent pas toujours d’acquérir des qualifications fondamentales, alors que c’est ce qui importe, comme beaucoup d’entrepreneurs vous le diront. Les infirmières doivent savoir faire correctement des calculs de dilution, par exemple. L’exercice de certains métiers implique de maîtriser au préalable un ensemble de savoirs fondamentaux – je sais que certains ici aiment cette notion.

Évitons de déséquilibrer le système de formation. Il ne faut pas privilégier les compétences professionnelles, acquises dans les écoles au rabais du secteur privé lucratif au détriment des qualifications.

La commission rejette l’amendement

Amendement II-AC753 de M. Hendrik Davi. 

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je propose de subventionner la création d’une université de plein exercice à Mayotte. Le fait que 55 % de la population de l’île a moins de 20 ans et l’éloignement géographique de ce territoire rendent urgent de doter Mayotte d’une telle structure, afin d’assurer l’accès à un enseignement supérieur de qualité pour tous les Mahorais qui le souhaitent.

Actuellement, il est prévu de transformer le centre universitaire de formation et de recherche de Mayotte en institut national universitaire. De nombreux enseignants, citoyens et élus locaux se sont insurgés contre cette décision, qui fait une fois de plus de Mayotte une exception dans le système universitaire français. Tous les autres départements d’outre-mer disposent déjà d’une université de proximité.

La situation catastrophique à Mayotte nous a donné l’idée de cette proposition. Les Mahorais que j’ai rencontrés, partant du constat que des professionnels qualifiés sont nécessaires pour organiser les infrastructures de l’île, souhaitent un tel renforcement de la recherche et de l’enseignement au niveau local.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC718 de M. Hendrik Davi, II-AC559 de M. Jérôme Legavre, IIAC674 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC719 de M. Hendrik Davi, II-AC593 de M. Jérôme Legavre, II-AC675 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC648 de M. Jean-Claude Raux, II-AC736 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans le passé, les lycéens qui avaient obtenu le baccalauréat étaient assurés d’obtenir une place en licence dans la discipline de leur choix, notamment dans une université de proximité – malgré vos dénégations, c’était bien le cas. Actuellement, rien n’est acquis. Les critères de sélection des établissements ne sont pas totalement transparents et une discrimination s’opère selon les spécialités choisies dans le lycée d’origine. Ce nouveau système de sélection scolaire est angoissant et inefficace, tant pour les étudiants que pour leurs familles. En 2023, sur 917 000 candidats, 168 000 n’ont pas trouvé de formation adéquate et 112 000 n’ont reçu aucune proposition, aux termes du bilan de la session 2023 de Parcoursup publié sur le site du ministère.

Nous proposons de redonner le droit à chacun, en formation initiale ou continue, à s’inscrire gratuitement dans la filière de son choix. Pour cela, il faut recruter massivement des personnels enseignants et augmenter les budgets.

D’après certaines études, pas forcément issues de syndicats, il manquerait 150 000 places en licence. Ce chiffre ne paraît pas surestimé, au regard de la dernière session de Parcoursup. Chaque année, entre 105 000 et 120 000 bacheliers n’obtiennent pas de place à l’université. Pour financer cet amendement, nous proposons de ponctionner 930 millions d’euros sur le programme 172.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC559 va dans le même sens que le précédent. Tout de même, plus de 125 000 candidats sur 936 000 n’ont reçu aucune proposition sur Parcoursup ! En outre, de nombreux bacheliers ont accepté une affectation dans une filière qui ne correspond pas à leurs vœux.

Parcoursup est un monstre bureaucratique, une machine à sélectionner. La directrice du groupement hospitalier de territoire de ma circonscription explique qu’alors que son hôpital accueillait chaque année une cohorte de trente élèves infirmiers, depuis l’instauration de Parcoursup, ils ne sont plus que trois ou quatre. Le recrutement dans les filières de la santé a été asséché. Cet exemple seul montre que c’est une catastrophe ; terminons-en avec ce système.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Les conséquences de Parcoursup sont très négatives, tant pour les jeunes, à titre individuel, que pour l’ensemble de la société. Quand ils obtiennent une place sur Parcoursup, c’est dans l’une des dix filières auprès desquelles ils se sont portés candidat en mars, pas forcément dans la filière qu’ils visaient au moment de l’obtention du bac. Cela conduit à des erreurs de parcours et n’améliore pas le taux de réussite à l’université.

De nombreux étudiants se voient refuser l’accès à des filières qui ne sont pas supposées être sélectives, sur le plan juridique, et la possibilité d’accorder une admission conditionnelle n’est actuellement jamais utilisée par les universités. Il convient donc d’augmenter le nombre de places en licence. Les étudiants dont les vœux ne sont pas satisfaits vont gonfler les effectifs des établissements privés, dont Mme la ministre reconnaissait tout à l’heure qu’ils ne sont pas évalués.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Lors de la session de candidature pour la rentrée 2023, 209 207 candidats ont validé au moins un vœu sur la nouvelle plateforme Mon Master ; 156 000 ont reçu une proposition d’admission. 43 349 candidats, soit 21,7 % des éligibles n’ont pas obtenu de formation en master. C’est près d’un étudiant sur cinq. Cela démontre l’insuffisance de l’offre au niveau master, qui oblige certains étudiants soit à renoncer à un master, soit à l’effectuer dans des formations professionnalisantes privées.

Alors que dans la loi de finances pour 2023, les crédits alloués à la formation initiale et continue au niveau master avaient été augmentés de 5,38 % par rapport à l’année 2022, pour 2024, le Gouvernement ne prévoit d’augmenter ces crédits que de 0,77 %, soit moins que l’inflation. Nous proposons pour notre part de les abonder de 187 millions d’euros, pour ouvrir 30 000 places en master.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Quelque 27 000 étudiants n’avaient pas reçu de réponse positive juste avant la clôture de la phase d’admission de la plateforme Mon Master. En sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), en 2021-2022, alors que 14 033 étudiants étaient inscrits en troisième année de licence, seules 3 577 places étaient proposées sur la plateforme Mon Master. Comment se résoudre à un tel écrémage ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Jusqu’à ces dernières années, le souhait qu’un maximum de jeunes fassent les études les plus longues faisait consensus dans la société. En particulier s’ils réussissaient bien, s’ils obtenaient leur diplôme de licence, les jeunes étaient poussés à poursuivre leurs études en master.

Comme le montrent les déclarations du Président de la République, cette logique de progrès a été remplacée par la recherche d’une adéquation entre les formations et le marché du travail. Si une formation ne répond pas à un besoin économique, tant pis si les étudiants ne peuvent pas la suivre, malgré leur réussite en licence. Ces études évitées sont même perçues comme une économie.

Nous devons au contraire reprendre la marche collective du progrès, retrouver l’idée que plus les étudiants vont loin dans leurs études, plus grands sont les bénéfices que la société et eux-mêmes en tirent.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Je souhaite l’augmentation du nombre de places en master. J’ai rencontré des « sans fac ». Ces étudiants toujours en attente d’une place en master n’ont pas disparu avec la nouvelle plateforme Mon Master. Je les soutiens.

Certes le nombre de saisines du rectorat diminue, mais il demeure élevé. Sélection, anxiété, incompréhension : la méthode d’attribution des places ne correspond pas à la vision que nous nous faisons de l’enseignement supérieur. Certains masters sont en tension, à cause du trop faible nombre de place qu’ils proposent, au regard du nombre de demandes. Ouvrons donc de nouvelles places, recrutons des enseignants titulaires, car l’orientation doit être choisie et non subie. Les jeunes doivent étudier ce qui les passionne. Ils ne doivent pas être casés là où il reste des places, au mépris de leur projet de vie.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Depuis la réforme des licences professionnelles, le diplôme de référence des instituts universitaires de technologie devient le bachelor universitaire de technologie (BUT) et les études dans les IUT sont allongées de deux à trois ans. Cette année supplémentaire signifie une augmentation de 50 % des effectifs des élèves des IUT. Or j’ai calculé avec un représentant à l’échelon national de ces établissements que le budget prévu par le Gouvernement pour cette réforme était largement insuffisant, si bien qu’elle conduira soit à réduire massivement les effectifs des promotions d’étudiants en IUT, soit à diminuer la qualité de la formation. Je propose donc d’augmenter d’un tiers, soit de 5 millions d’euros, le budget prévu par le Gouvernement.

J’ai constaté que depuis les années 2000, les effectifs des DUT sont globalement restés constants. C’est dommage ; cela explique pourquoi de nombreux jeunes doivent opter pour les formations professionnalisantes du secteur privé.

J’émets un avis favorable aux autres amendements en discussion.

Il faut cesser de croire qu’il doit y avoir autant de places en master que de candidats – 500 000 places pour 500 000 étudiants par exemple –, comme j’ai tenté de l’expliquer à plusieurs reprises à Mme la ministre. On ne peut demander à un étudiant qui veut se spécialiser en psychologie à Lille d’étudier la philosophie à Aix car, outre les contraintes géographiques, chaque étudiant a un projet professionnel propre.

Il faut donc augmenter le nombre de places dans l’ensemble des filières ; si certaines restent vacantes, le taux d’encadrement en sera amélioré. Certes, cela demande d’investir, mais il me semble possible de trouver l’argent, France compétence fonctionne bien en déficit par exemple.

Quant à la possibilité pour une université d’accepter une candidature sous conditions, elle existe toujours, mais elle n’est pas également exploitée par les différentes universités, selon leurs moyens, et selon les collectifs d’enseignants-chercheurs. Les chercheurs qui ont étudié cette modalité d’admission en dressent donc un bilan mitigé.

Un collègue prétendait tout à l’heure qu’il vaut mieux, pour les jeunes des classes populaires, trouver un emploi tout de suite. Je rappelle que, comme le montre mon rapport pour avis à partir de chiffres du Conseil d’analyse économique (CAE), plus les études sont longues, plus le salaire est élevé : un master donne accès à un salaire plus élevé qu’une licence, qui donne accès à un salaire plus élevé qu’un bac + 2. En prétendant que certains ne sont pas faits pour les études, vous risquez ainsi de les cantonner à des métiers peu rémunérés.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je ne nie pas que les universités utilisent parfois la possibilité d’admettre un candidat sous conditions. Simplement, la plupart du temps, les responsables des filières préfèrent sélectionner uniquement selon les notes, si bien que les étudiants qui devraient être admis sous conditions sont relégués dans les formations où l’on veut bien les accepter, qu’importe leur projet de vie.

Mme Anne Brugnera (RE). Vous nous faites un procès d’intention à propos de la plateforme Mon Master, alors que celle-ci a profondément simplifié le calendrier et les démarches elles-mêmes pour les candidats au master. Grâce à cette plateforme, entre 2022 et 2023, le nombre d’étudiants accédant à un master a augmenté de 10 000.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Évitons les dialogues de sourds : ce ne sont pas les plateformes qui posent problème – je n’ai rien contre Parcoursup ou Mon Master et l’entreprise de simplification que vous évoquez –, mais je dénonce le manque de places, qui empêche certains étudiants d’obtenir une licence ou un master. Il faut que les moyens soient suffisants et les enseignants-chercheurs suffisamment nombreux pour accueillir tous ceux qui souhaitent suivre une formation.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC608 de Mme Clémence Guetté et II-AC557 de M. Jérôme Legavre

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Ces amendements proposent de mettre en place un véritable plan pour mener la bifurcation écologique dans l’enseignement supérieur, en produisant les qualifications et les savoirs nécessaires à celle-ci.

On ne peut pas nier que nous faisons face à des défis environnementaux majeurs. Il faut prendre à bras le corps notamment les questions de la gestion de l’eau, du passage à 100 % d’énergies renouvelables, de la souveraineté alimentaire, de l’agriculture écologique et paysanne ainsi que de l’isolation de tous les logements. Cela nécessite une planification.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Nous vivons une crise écologique aux multiples facettes – dont la crise climatique, la sixième extinction de masse et la pollution globale.

Face aux différentes dimensions de cette crise, il faut absolument disposer des savoirs scientifiques et des formations nécessaires aux techniciens et ingénieurs qui travailleront dans les métiers dont nous aurons besoin. Nous devons abandonner l’idée que la technique répondra à tous les problèmes, mais nous ne pourrons pas être à la hauteur des enjeux sans savoir scientifique et sans qualification.

C’est la raison pour laquelle je suis favorable à ces amendements qui proposent de financer largement la recherche et les formations.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC666 de Mme Béatrice Descamps

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Il n’existe en France aucun parcours universitaire qui permette de former des kinésithérapeutes et peu de formations publiques. Les étudiants doivent la plupart du temps passer par des formations privées, et bien souvent à l’étranger. Les frais d’inscription sont extrêmement onéreux. L’amendement propose de créer une filière universitaire jusqu’au master permettant de former les étudiants en kinésithérapie.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. C’est un excellent exemple de ce qu’il faudrait faire pour limiter l’explosion du secteur privé. Il faut partir des besoins de la société et proposer des formations publiques, plutôt que de laisser des opérateurs privés y répondre avec des formations dont la qualité laisse parfois à désirer et qui sont souvent extrêmement chères – jusqu’à 10 000 euros de frais d’inscription.

Je rappelle que la dépense globale pour une formation publique en licence s’élève à 3 500 euros par an, hors recherche. Il est donc plus avantageux pour la société et les étudiants de favoriser les formations publiques.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC749 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à défendre l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), établissement unique dans le paysage universitaire français tant en raison de son projet intellectuel, fondé sur l’interdisciplinarité, que grâce à son modèle d’apprentissage par la recherche, à son ancrage international et à son ouverture sur la société.

Les sciences sociales sont particulièrement touchées par l’érosion du financement des thèses de doctorat et 29 % des doctorants sont amenés à exercer en parallèle une activité rémunérée. Avec les appels à projets, les recherches en sciences sociales n’ont plus le même accès aux financements.

L’amendement propose donc d’augmenter de 15 % les crédits alloués à l’EHESS. Nous vivons une période difficile et nous avons besoin de sciences sociales pour répondre à l’ensemble des défis auxquels nous faisons face.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC696 de Mme Angélique Ranc

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est intéressant de renforcer la recherche sur les langues anciennes, mais il appartient aux collectifs plutôt qu’à la représentation nationale de déterminer précisément quelles sont les recherches qu’il faut favoriser.

Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC707 de M. Paul Molac

M. Stéphane Lenormand (LIOT). La loi du 21 mai 2021 relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion permet l’enseignement de la langue régionale, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions. Une telle convention a été signée le 15 mars 2022 entre l’État et le conseil régional de Bretagne, en présence de la Première ministre.

Cet amendement, qui tient à cœur à Paul Molac, prévoit les moyens nécessaires pour assurer la formation de ceux qui auront la charge d’enseigner le breton.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il extrêmement important de développer l’enseignement des langues régionales à l’université. Néanmoins, avis de sagesse car je ne suis pas certain que l’examen du PLF soit l’occasion de trancher ces questions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC663 de Mme Béatrice Descamps

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Si je comprends bien, il s’agit de prévoir 1 million d’euros afin de former les futurs managers aux modalités du télétravail. Il convient plutôt de parler d’encadrants dans le service public.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC567 de M. Idir Boumertit

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Cet amendement demande qu’il soit procédé à une évaluation du dispositif de sélection en second cycle universitaire MonMaster. Cela me semble essentiel.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Le rapporteur pour avis ayant émis un avis de sagesses, la commission rejette l’amendement II-AC701 de Mme Julie Lechanteux.

Amendements II-AC229 de M. Roger Chudeau, II-AC565 de M. Idir Boumertit, IIAC645 de M. Jean-Claude Raux et II-AC566 de M. Idir Boumertit

M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement vise à supprimer la plateforme Parcoursup en instaurant pour tous les étudiants une première année d’enseignement supérieur de propédeutique. Il reprend une disposition de la proposition de loi n° 1053 visant à redonner au baccalauréat sa qualité de premier grade universitaire et à établir les conditions d’accès et d’orientation des bacheliers dans l’enseignement supérieur.

Parcoursup ne fonctionne absolument pas puisque, de l’aveu même du ministère, 50 % des étudiants échouent en première année. En outre, 40 % de la cohorte 2017 n’étaient plus inscrits en troisième année de licence – ce qui représente tout de même 80 000 jeunes.

L’année de propédeutique permettrait de remédier à cette situation et elle aurait une double fonction d’orientation et de remise à niveau, afin de renforcer les connaissances et les compétences nécessaires à la réussite des étudiants.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Avec l’amendement II-AC565, nous souhaitons accorder les moyens nécessaires à l’une des priorités du premier quinquennat du président Macron : l’orientation des étudiants, y compris en amont de l’accès à l’enseignement supérieur.

Enseignant dans le second degré, j’ai connu le temps où il y avait un conseiller d’orientation à demeure dans chaque lycée. Cette période est désormais révolue. Ce n’est pas du fait de cette majorité, reconnaissons-le. En revanche, les dégâts sont très importants. Ils le sont d’autant plus en raison de l’usine à gaz qui s’appelle Parcoursup.

J’ai été professeur principal en terminale et je vous prie de croire qu’avec Parcoursup on en arrive à se taper la tête contre les murs.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). À chaque rentrée, c’est le même mauvais sketch, avec des lycéens laissés sur le carreau ou orientés par défaut vers des formations qui ne les intéressent pas, ce qui ne leur permet pas de réussir. L’offre privée, qui prend de plus en plus de place, masque la réalité des chiffres.

Il faut donc ouvrir davantage de places à l’université. Mais nous avons aussi un problème de fond avec Parcoursup, qui accentue et organise le tri à l’entrée de cette même université. Parcoursup renforce un système à deux vitesses avec, d’un côté, les élèves de familles qui disposent des bonnes informations pour orienter leurs enfants dans les meilleures formations et, de l’autre, ceux qui seront livrés à eux-mêmes.

Pour beaucoup, Parcoursup est un parcours du combattant.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC566 propose en complément de créer les postes nécessaires dans les services d’orientation, qui ont été démantelés dans la période récente.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis défavorable à l’amendement II‑AC229 et favorable aux trois autres.

Suivre des études à l’université doit être un droit. La loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a changé cela et c’est extrêmement grave.

On doit en effet considérer que tout étudiant titulaire du baccalauréat est qualifié pour poursuivre en licence. En réalité certains étudiants n’ont en effet pas le niveau pour suivre en licence, M. Chudeau. Mais il est parfaitement possible de s’occuper de ce problème, notamment grâce au dispositif « oui, si ». À l’université d’Orsay, il était également possible de s’inscrire en sciences alors que l’on venait d’un cursus littéraire. L’étudiant bénéficiait alors d’une année de formation supplémentaire ou de davantage de cours. Il faut faire en sorte que les étudiants aient tous les éléments pour réussir ensuite en licence.

Si l’on souhaite un droit effectif à la poursuite des études, il ne faut pas procéder à une sélection du type de celle effectuée actuellement par le biais de Parcoursup. Ce qui ne veut pas dire que la liberté de choix doit être totale. J’ai déposé une proposition de loi relative à l’accès à l’enseignement supérieur et à la recherche qui prévoit une inscription automatique dans l’université la plus proche proposant la filière demandée. Tout le monde ne peut évidemment pas s’inscrire à la Sorbonne, mais on peut garantir à chaque étudiant de s’inscrire dans la filière souhaitée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC647 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Cet amendement d’appel porte sur l’égalité des chances dans le parcours de formation, sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Nous savons que l’université n’est pas accessible à tous, et cela est encore plus vrai pour les bacheliers professionnels, qui sont souvent issus des familles les plus défavorisées. Seulement 5 % d’entre eux s’inscrivent à l’université et ils y réussissent moins bien que leurs pairs en raison du manque d’accompagnement.

De plus, on réduit considérablement leurs chances dès le lycée. On sait que la filière professionnelle n’est pas la voie privilégiée, mais des erreurs d’aiguillage peuvent arriver et j’ai vu nombre de ces bacheliers réussir dans leurs études supérieures. Le projet de réforme de l’année de terminale du bac professionnel annoncé la semaine dernière va malheureusement réduire à deux ans et demi la durée de la scolarité au lycée. Les heures d’enseignement général vont encore baisser, ce qui va accroître les écarts et risque de fermer définitivement les portes de l’université à ces élèves.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il faut favoriser la poursuite des études, y compris pour les bacheliers de l’enseignement professionnel et technologique. Or les chiffres ne sont pas bons, tant en matière d’accès à l’enseignement supérieur que de résultats. Il faut donc mieux accompagner les étudiants issus de ces filières pour qu’ils puissent réussir à l’université.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC722 de M. Hendrik Davi et II-AC644 de M. Jean-Claude Raux

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans son rapport périodique publié le 16 octobre dernier, le comité des droits sociaux, économiques et culturels des Nations unies recommande à la France de revoir le budget de l’enseignement supérieur afin d’instaurer progressivement la gratuité de celui-ci.

Cette gratuité est d’autant plus indispensable que la différenciation des droits d’inscription à l’œuvre dans l’enseignement supérieur public entraîne une hausse tendancielle des frais de scolarité pour les étudiants.

Selon le rapport de la Cour des comptes sur les droits d’inscription dans l’enseignement supérieur public, publié en 2018, le système de modulation du montant des droits d’inscription en fonction des revenus de la famille a conduit à une hausse des droits moyens à Sciences Po Paris et à Paris-Dauphine. De même, les droits d’inscription de certaines écoles publiques d’ingénieurs ont considérablement augmenté, atteignant presque 2 500 euros.

Le dispositif très mal nommée « Bienvenue en France » entraîne quant à lui une augmentation extrêmement forte des frais d’inscription pour les étudiants extracommunautaires.

Mon amendement et l’amendement II-CF644 proposent de supprimer les droits d’inscription, ce qui constituerait une mesure à la fois symbolique et très forte.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Nous revendiquons la suppression des frais d’inscription à l’université. Celle-ci doit être publique, libre et gratuite.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-AC721 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est surprenant que le doctorants – qui sont par ailleurs des salariés qui travaillent pour l’université – soient contraints de s’acquitter de frais d’inscription. C’est une chose que j’ai toujours trouvée anormale.

L’amendement propose de transférer 20 millions d’euros afin de financer la suppression des frais d’inscription des doctorants.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC720 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Depuis 2019, les droits d’inscription pour les étudiants étrangers hors Union européenne sont fixés à hauteur de 2 770 euros en licence et de 3 770 euros en master, c’est-à-dire quinze et dix fois plus que pour les étudiants français et européens alors qu’il s’agit des mêmes formations.

Le programme dit « Bienvenue en France » vise à attirer les étudiants étrangers, mais en augmentant les frais d’inscription on n’attire que les plus riches. Il s’agit d’une discrimination supplémentaire que subissent les étudiants étrangers en France.

Par ailleurs, les sommes collectées par les établissements ne peuvent pas contribuer de manière significative au financement de l’enseignement supérieur.

Beaucoup d’universités ont essayé de ne pas procéder à ces augmentations de frais d’inscription pour les étudiants extracommunautaires, mais elles ont peu de marges de manœuvre pour le faire.

L’amendement prévoit 7 millions d’euros pour mettre fin à cette différenciation qui est extrêmement dommageable pour le développement de nos relations avec les pays du Sud.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-AC638 de M. Jean-Claude Raux et II-AC654 de Mme Fatiha Keloua Hachi, amendement II-AC712 de M. Hendrik Davi

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Mon amendement de suppression de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) avait été adopté par la commission des finances lors de la discussion de la première partie, avant que le Gouvernement ne fasse une fois de plus usage de l’outil anti-parlementaire qu’est l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Passons.

Les étudiants ne devraient pas avoir à payer pour étudier et ils n’ont pas à financer les universités et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de leur poche. L’enseignement supérieur public doit être financé par des fonds publics.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Lors de l’examen de la première partie du PLF, la commission des finances a voté la suppression de la CVEC. Le produit de cette contribution devrait atteindre 170 millions d’euros, en faveur des établissements universitaires et des Crous. Mais il nous semble qu’il revient à l’État et non aux étudiants de pourvoir aux besoins de ces derniers.

Autre élément très important : l’utilisation du produit de cette contribution est très variable en fonction des universités.

C’est pourquoi nous demandons sa suppression.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La commission des finances a adopté au début d’octobre un amendement de la NUPES demandant la suppression de la CVEC. Cette contribution de 100 euros qui doit être versée par les étudiants à chaque rentrée est injuste et injustifiée. Comme l’ont dit mes collègues, il n’est pas normal que les étudiants aient à payer pour accéder à l’enseignement supérieur, a fortiori dans un contexte de précarité grandissante et de hausse des prix.

Le Gouvernement n’a pas retenu notre amendement dans le cadre du 49.3 sur la première partie. C’est un véritable problème démocratique car ce que nous proposions aurait pu recueillir une majorité en séance.

Il appartient à l’État et non aux étudiants de financer les dépenses prises en charge grâce la CVEC.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Les recettes tirées de la CVEC devaient à l’origine être utilisées pour financer les activités sportives universitaires. Désormais, elles servent de ressource d’appoint pour diverses dépenses. Non seulement cette contribution n’est pas juste, mais en plus les étudiants ne maîtrisent pas du tout l’utilisation qui est faite de cet argent.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable à ces amendements. Certaines organisations étudiantes sont très hostiles à la CVEC. Comme l’a relevé ma collègue, les universités utilisent parfois cette recette pour financer d’autre choses que contribuer à la vie étudiante. Il faudrait y voir plus clair, mais le plus simple est encore de la supprimer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC672 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC550 de Mme Martine Froger, II-AC727 de M. Hendrik Davi, II-AC556 de M. Jérôme Legavre, II-AC744 et II-AC726 de M. Hendrik Davi, II-AC230 de M. Roger Chudeau, II-AC649 de M. Jean-Claude Raux et IIAC671 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). La précarité étudiante est en constante augmentation et les personnes de moins de 30 ans représentent un pauvre sur deux en France.

Les organisations étudiantes comme la Fédération des associations générales étudiantes (Fage) ou l’Union nationale des étudiants de France (Unef) ont souligné la hausse record du coût de la vie pour les étudiants en 2023. Les dépenses contraintes, telles que le loyer ou l’alimentation, augmentent respectivement de 9 % et de 15 %. L’Unef estime que le coût de la vie étudiante a progressé de 6,5 % sur un an en septembre 2023.

La réévaluation du montant des bourses étudiantes prévue dans le PLF fait l’impasse sur deux points essentiels, que l’amendement II-AC672 entend rectifier. Il propose, d’une part, d’indexer sur l’inflation le montant et les seuils d’attribution des bourses sur critères sociaux et, d’autre part, de les verser aux étudiants pendant les douze mois de l’année, et non pendant dix comme c’est le cas actuellement.

Cela représente certes 1 milliard d’euros, mais il est on ne peut mieux investi.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-CF550 a pour ambition d’accélérer la mise en œuvre d’une réforme structurelle et ambitieuse des bourses, en ciblant en priorité les étudiants non-éligibles fragiles.

Actuellement, 75 % des étudiants qui bénéficient de l’aide alimentaire et qui sont identifiés comme précaires ne sont pas boursiers.

Or il faut rappeler que le statut de boursier donne également accès à d’autres droits sociaux : repas à 1 euro, exonération des frais d’inscription et de CVEC, aide personnalisée au logement (APL), etc.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Pour mettre fin à la précarité étudiante et permettre à tous de se former, il est absolument nécessaire que les étudiants aient des moyens pour vivre. C’est la raison pour laquelle nous proposerons une garantie d’autonomie dont le montant serait fixé au-dessus du seuil de pauvreté. Pendant la pandémie de covid, il est devenu manifeste qu’un étudiant sur deux avait des difficultés, certains étant obligés de recourir à l’aide alimentaire.

Comment voulez-vous étudier dans de bonnes conditions avec des difficultés pour se nourrir et pour se loger ?

Si l’on veut que notre jeunesse puisse se former – ce qui constitue un enjeu national – il est important qu’elle en ait les moyens. L’amendement II-AC727 propose donc que les bourses soient versées pendant douze mois par an et non pas dix.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Les loyers doivent être payés tous les mois et certains étudiants se retrouvent tout simplement dans une situation abominable. L’amendement II-AC556 propose donc de verser les bourses pendant douze mois, ce qui est une mesure de bon sens.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement de repli II-AC744 propose d’augmenter de 10 % les bourses sur critères sociaux.

Le coût de la rentrée étudiante a augmenté de 6,47 % en 2023. Ce sont presque 50 euros supplémentaires à débourser chaque mois, ce qui est beaucoup plus que la maigre augmentation des bourses. Selon une étude de l’Ifop et de l’association Cop1, un étudiant sur deux ne mange pas à sa faim. Cette pauvreté est absolument intolérable.

Nous devons donc tout faire pour permettre aux jeunes de se former, sans craindre la fin du mois et sans galérer. À défaut de mettre en place une garantie d’autonomie pour tous les jeunes – comme le proposera un autre amendement – il faut au moins revaloriser les bourses. C’est ce que propose cet amendement, pour un montant de 247 millions d’euros.

J’en viens à l’amendement II-AC726.

Le Gouvernement prétend avoir augmenté les bourses. C’est un trompe-l’œil, pour ne pas dire un mensonge. En réalité, le pouvoir d’achat des étudiants continue de reculer. Les crédits destinés aux bourses n’ont augmenté que de 4 % entre la loi de finances pour 2023 et le PLF pour 2024, alors que l’inflation s’est élevée à 5,8 % en 2023 et qu’elle devrait être de 2,6 % en 2024. Le coût de la vie a augmenté de 6,47 % pour les étudiants à la rentrée 2023, soit 49,56 euros de plus à payer chaque mois.

La hausse des prix vient aggraver les difficultés financières d’une population déjà fragilisée. Les files d’étudiants devant les banques alimentaires s’allongent. Les loyers augmentent et l’offre de logements universitaires demeure trop réduite.

Nous ne pouvons pas détourner le regard de cette situation sociale. Il est urgent d’indexer les bourses sur l’inflation. C’est ce que propose cet amendement, pour un montant évalué à 100 millions d’euros.

M. Roger Chudeau (RN). L’amendement II-AC230 vise à augmenter le budget des bourses sur critères sociaux, afin de permettre aux étudiants les plus modestes de faire face à la hausse du coût de la vie.

La crise sanitaire avait révélé l’état de dégradation des conditions de vie des étudiants. La crise énergétique et la hausse de l’inflation aggravent encore une situation déjà extrêmement critique. Les derniers chiffres fournis par les syndicats concernés doivent nous alerter sur la précarité des étudiants français.

Leur paupérisation est réelle. Un étudiant sur trois vit dans un logement précaire. Sur les 60 000 places en résidences universitaires annoncée par Emmanuel Macron, 11 000 ont été construites. Face à la hausse des prix de l’alimentation, 56 % des étudiants déclarent ne pas manger à leur faim. En fait, près de 20 % des étudiants vivent en dessous du seuil de pauvreté.

L’augmentation de 37 euros par mois prévue pour les bourses en 2004 est tout à fait dérisoire. Il faut changer de régime – ce n’est pas un jeu de mots.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). « Jamais un gouvernement n’a fait autant… » C’est un élément de langage que l’on entend à peu près tous les jours, dans la bouche des ministres et des députés de la majorité, sur presque tous les sujets. C’est encore ce qu’a dit Mme la ministre, à propos de la vie étudiante, lors des questions au Gouvernement mardi puis en commission ce matin.

Une première partie de la réforme des bourses était annoncée pour cette année, mais il ne s’agit en réalité que d’un rattrapage puisque de nombreux étudiants ont été sortis du dispositif, année après année, et que le coût de la vie étudiante n’a cessé d’augmenter. Le montant des bourses augmentera donc de 37 euros en 2024, alors que le coût de la vie s’est accru de 43 euros pendant la seule année 2022. Le système de bourses n’est toujours pas indexé sur l’inflation. Vous ne pouvez pas dire que personne n’a jamais fait autant, mais faites au moins le minimum !

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Lorsque Mme la ministre nous a parlé de sa réforme des bourses, elle a voulu nous rassurer : les premières mesures annoncées ne consistaient qu’en un rattrapage, même si elles ne permettaient pas de réintégrer dans le système tous les étudiants qui en étaient sortis l’année précédente en raison de l’absence d’indexation sur l’inflation. Viendrait ensuite une réforme structurelle des bourses, qui serait présentée dans l’année et qui comporterait un certain nombre d’éléments comme le versement pendant les mois d’été. Or que voyons-nous ici ? Que cette réforme n’est pas prévue pour 2024 et qu’elle n’aura donc lieu, au mieux, qu’à la rentrée 2025. Nous assistons à une succession de rétropédalages. Nous devions avoir une véritable réforme structurelle des bourses à la rentrée 2023 : nous ne l’avons pas eue. On nous l’a alors promise pour la rentrée 2024 : elle n’y est toujours pas. Espérons que les étudiants en bénéficient à la rentrée 2025 – mais permettez‑moi d’en douter.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je donne un avis favorable à tous ces amendements, à l’exception de l’amendement II-AC230.

Nous convenons tous que la situation des étudiants est mauvaise. À mon sens, il faut y apporter une solution systémique, défendue par la plupart des organisations étudiantes, à savoir le versement d’une allocation d’autonomie, qui existe déjà dans d’autres pays. La plupart des amendements qui viennent d’être soutenus proposent une augmentation du montant des bourses, qui me paraît souhaitable d’autant que les hausses prévues par le Gouvernement, certes intéressantes, restent insuffisantes. Si je suis défavorable à votre amendement, monsieur Chudeau, c’est à cause du montant qui y est proposé. Une indexation des bourses sur l’inflation, qui constitue le minimum absolu, coûterait 100 millions d’euros. Une augmentation de 10 %, qui représenterait finalement un montant assez faible pour chacun des étudiants, coûterait 250 millions. Or vous proposez 10 millions, ce qui est vraiment insuffisant.

Mme Anne Brugnera (RE). La première partie de la réforme des bourses, effective depuis la rentrée 2023, a bénéficié d’un effort budgétaire de plus de 500 millions d’euros. Elle a consisté notamment en un lissage des tranches, qui a permis de supprimer des effets de seuil importants, et en une révision du barème, qui n’avait pas été modifié depuis plus de dix ans. L’augmentation des bourses est largement supérieure à l’inflation : si nous avions décidé d’indexer leur montant sur l’inflation, comme le proposent plusieurs de nos collègues, elles n’auraient donc pas augmenté autant cette année.

La réforme plus globale est effectivement en cours d’élaboration. Elle a fait l’objet d’une concertation, ce qui me semble important. Si d’autres avaient mieux travaillé lors des quinquennats précédents, nous n’en serions pas là !

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). La réformette des bourses n’a fait que réparer une véritable catastrophe, puisque 70 000 étudiants étaient sortis du système faute d’indexation des barèmes. Si ces quelques mesures ont effectivement permis de rétablir partiellement la situation, Mme la ministre elle-même a expliqué qu’elles ne constituaient pas la réforme structurelle annoncée initialement. J’ai cru comprendre que cette dernière était encore reportée. Nous devrions tous ensemble aller voir la ministre pour lui demander de faire davantage pression sur Bercy afin que cette réforme structurelle indispensable soit mise en œuvre le plus tôt possible.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). La réforme structurelle des bourses est attendue depuis très longtemps. Le système est en roue libre depuis trente ans. Or nous n’avons jamais vu autant d’étudiants dans des situations aussi précaires. Il y a urgence !

Emmanuel Macron est Président de la République depuis 2017 : c’est donc sa septième année de mandat. S’il avait eu envie de mener cette réforme structurelle des bourses, il l’aurait fait depuis belle lurette. On nous la promet maintenant pour 2025. Pour être tout à fait honnête, je n’y crois pas.

M. Roger Chudeau (RN). Monsieur le rapporteur pour avis, vous considérez que 10 millions d’euros sont insuffisants. De votre côté, vous demandez des sommes absolument faramineuses – 250 millions d’euros, soit un quart de milliard –, ce qui est démagogique et irréaliste. Vous n’aurez rien, parce que vous demandez beaucoup trop. Je regrette donc que vous ayez repoussé mon amendement à 10 millions d’euros, car ce serait mieux que rien. Je vous assure que les étudiants auraient apprécié d’obtenir cette somme.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC545 de M. Max Mathiasin

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Le Gouvernement prévoit d’octroyer aux boursiers étudiant dans les territoires ultramarins un complément de 30 euros par mois, qui s’ajoutera à la revalorisation de 37 euros pour chaque échelon. Nous proposons d’augmenter aussi les bourses des ultramarins qui étudient dans l’Hexagone.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La situation des ultramarins qui vivent et étudient dans l’Hexagone est effectivement spécifique. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC217 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Les bourses au mérite ont toujours été l’un des piliers de l’édifice méritocratique à la française, offrant aux élèves d’origine modeste les moyens d’accéder aux grandes écoles.

En 2009, le Gouvernement a pris l’initiative de verser une aide de 1 800 euros par an aux bacheliers ayant obtenu la mention « très bien ». En 2013, le gouvernement socialiste, sous l’égide de Mme Najat Vallaud-Belkacem, a entrepris de supprimer cette aide, avant que la circulaire mettant fin au dispositif soit annulée par le Conseil d’État. Cela a donné lieu à la publication d’un décret rétablissant la bourse au mérite, mais avec un montant divisé par deux, c’est-à-dire ramené à 900 euros. Comme quoi on peut être à la fois ministre et mesquin !

Depuis cette date, le dispositif n’a pas changé : une aide au mérite de 900 euros est attribuée, pendant trois ans maximum, à tout étudiant boursier sur critères sociaux ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat. Nous proposons de doubler le montant de cette aide afin de revenir à la somme de 1 800 euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est essentiel d’œuvrer à l’universalité des bourses étudiantes afin de garantir à tous le droit d’accéder aux études supérieures et de lutter contre les inégalités sociales. Nous connaissons tous ici les limites de la notion de mérite. Conditionner une bourse au mérite ne me paraît pas une bonne idée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC359 et II-AC358 de Mme Violette Spillebout

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Ces deux amendements visent à permettre aux étudiants boursiers des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (Eespig), qui sont des écoles privées sous contrat, d’accéder aux mêmes droits que les boursiers du public. Les droits à bourse doivent être attachés aux étudiants, pas à leur école. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC637 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement à 3 milliards d’euros vise à accorder une allocation de rentrée, sur le modèle de l’allocation de rentrée scolaire, à l’ensemble des étudiants de l’enseignement supérieur afin de compenser partiellement les dépenses qui leur incombent. L’indicateur du coût de la rentrée publié chaque année par les organisations étudiantes a encore considérablement augmenté en 2023, en raison de la hausse du coût de la vie. Les étudiants subissent l’augmentation des prix de l’énergie, des loyers, des frais de transport… Le versement d’une allocation de rentrée de 1 000 euros les aiderait à subvenir à tous ces frais.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. La solution que vous proposez est imparfaite, mais elle a au moins le mérite d’apporter aux étudiants un soutien financier essentiel en période de rentrée.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC552 de M. Jérôme Legavre, II-AC642 de M. Jean-Claude Raux, IIAC658 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC728 de M. Hendrik Davi

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Nous souhaitons ici défendre un élément de notre programme qui nous tient particulièrement à cœur : la création d’une garantie autonomie pour les jeunes en formation de 18 à 25 ans. Sans vouloir rouvrir ce débat, je souligne que la part de boursiers au sein des formations ouvrant droit aux bourses n’est que d’à peine 38 %. Autrement dit, 62 % des étudiants passent à côté des bourses. Du reste, leur montant est largement insuffisant, puisqu’il se situe dans bien des cas en dessous du seuil de pauvreté. Notre amendement II-AC552 vise à remédier à cette situation en instaurant un revenu garanti universel.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC642 a sensiblement le même objet puisqu’il vise à créer une allocation d’autonomie pour les jeunes suivant des études supérieures.

Nous n’avons plus le temps d’attendre encore une hypothétique réforme des bourses étudiantes. La précarité des étudiants est galopante : beaucoup glissent dans la pauvreté. Or, comme l’a expliqué ma collègue Sophie Taillé-Polian, nous risquons d’attendre un ou deux ans, voire davantage, avant de voir cette fameuse réforme aboutir.

Non, la misère étudiante n’est pas un passage obligé, formateur en quoi que ce soit. Cette situation ne fait qu’apprendre à ceux qui la subissent l’individualisme de notre société, le mépris des gouvernants à leur égard et la violence du système capitaliste.

Le projet que nous dessinons pour la jeunesse étudiante est émancipateur. Nous souhaitons accorder à ces jeunes une allocation d’autonomie qui leur permette de se consacrer à leurs études sans se demander constamment comment ils parviendront à se nourrir, à se soigner ou à se vêtir.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Pour ma part, je ne parlerai pas d’allocation d’autonomie, mais d’aide inconditionnelle.

Dans l’attente d’une réforme systémique des bourses que nous ne voyons pas arriver, notre amendement II-AC658 vise à lutter contre la précarité étudiante en accordant aux étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur une aide mensuelle inconditionnelle de 700 euros.

En 2021, l’Observatoire des inégalités indiquait que le taux de pauvreté des jeunes avait quasiment doublé en seize ans. Seuls 8 % des boursiers sont à l’échelon le plus élevé et perçoivent une bourse de 630 euros par mois, tandis que 37 % des boursiers ne touchent que 110 euros par mois.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Mon amendement II-AC728 est à peu près similaire : il vise à créer une garantie d’autonomie de 1 128 euros par mois afin de lutter contre la précarité que nous avons décrite. Les étudiants ont du mal à se loger et à se nourrir – la moitié d’entre eux rencontrent des difficultés pour s’acheter de la nourriture. Il faut résoudre ces problèmes, non à petits pas mais en y apportant une réponse systémique.

On reproche souvent à cette solution son caractère universel. Il me semble pourtant important que l’ensemble des citoyens de notre pays puissent bénéficier de certains droits dans les mêmes conditions. Ainsi, l’école est gratuite pour tous. Lorsque la ministre ou d’autres orateurs me font remarquer que même les enfants de riches bénéficieraient de cette allocation d’autonomie, je réponds que cela ne me pose pas de problème : si les parents paient des impôts, il n’y a pas de raison que leurs enfants n’aient pas les mêmes droits que les autres. C’est sur ce principe qu’est fondée la sécurité sociale.

D’autres pays se dirigent vers cette solution. Ainsi, la Suède accorde des bourses à 88 % des étudiants, et le Danemark à 92,2 % d’entre eux. Ces bourses ne dépendent pas des revenus des parents, contrairement à ce qui se passe dans le système français, particulièrement obsolète, qui ne favorise pas l’autonomie des jeunes.

Effectivement, la mesure que nous proposons dans cet amendement d’appel coûte cher – une trentaine de milliards d’euros, si je me souviens bien. Comment allons-nous donc la financer ? Jean-Luc Mélenchon a formulé une proposition assez forte, qui illustre bien le modèle de société que nous voulons : il suffirait de prélever la totalité des héritages au-delà de 12 millions d’euros. On peut penser qu’une telle somme est suffisante pour un enfant qui commence dans la vie, et qu’il serait légitime que l’argent prélevé sur les plus hauts patrimoines au moment des héritages serve à financer la formation de l’ensemble des jeunes de notre pays.

M. Roger Chudeau (RN). Cette question de fond mérite mieux que des échanges de quelques minutes sur un coin de table. Pour ma part, je m’abstiendrai, considérant que les parlementaires devraient se saisir du sujet en créant, par exemple, une mission d’information. Nos étudiants méritent mieux que ces amendements quelque peu improvisés.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’objectif de ces amendements, qui ne sont pas improvisés, est que nous commencions à parler sérieusement de cette proposition d’allocation d’autonomie ou d’aide inconditionnelle qui fait des émules en Europe, que ce soit au Danemark, en Finlande ou en Suède. Notre système de bourses est mort, et il va bien falloir créer quelque chose pour le remplacer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC717 de M. Hendrik Davi, II-AC558 de M. Jérôme Legavre, amendements identiques II-AC659 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC676 de Mme Sophie Taillé-Polian, amendements II-AC650 de M. Jean-Claude Raux, II-AC716 de M. Hendrik Davi, IIAC231 de M. Roger Chudeau et II-AC702 de Mme Julie Lechanteux

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. En 2017, le candidat Emmanuel Macron avait promis de construire 60 000 logements supplémentaires dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) en cinq ans. Il y avait alors vingt-six places de logement Crous pour cent boursiers. Au terme du premier quinquennat, l’objectif n’était pas atteint puisque seuls 35 000 logements avaient été mis en service. Pire : le nombre de places a chuté à vingt-deux places pour cent boursiers. Comment le Gouvernement peut-il se justifier auprès des 78 % de boursiers qui ne bénéficient pas de logement Crous ? Comment les plus démunis peuvent-ils étudier sereinement alors que le prix des locations explose dans toutes les villes de France sans que les APL suivent ? Les étudiants rencontrent les mêmes problèmes pour se loger que le reste de la population. Pour qui connaît la réalité sociale à laquelle ils sont confrontés, cette situation est intenable. Il est urgent de construire suffisamment de places dans les Crous pour héberger un maximum d’étudiants. Par notre amendement II-AC717, nous proposons donc un premier plan d’investissement, à hauteur de 1 milliard d’euros, pour construire de toute urgence 15 000 logements de plus que ceux prévus dans la loi de programmation de la recherche.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Pour une chambre Crous, on compte seize candidats. Ce chiffre donne une idée des besoins ! Je ne pense pas être le seul à être saisi, dans ma circonscription, de la situation de nombre d’étudiants boursiers qui auraient besoin d’une chambre Crous mais n’en ont pas obtenu. Les jeunes de ma circonscription, à Clichy‑sous-Bois ou à Montfermeil, étudient parfois à l’autre bout de l’Île-de-France. Au vu des conditions de transport dans la région, je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi d’endurer ce qu’ils vivent ! Des milliers de jeunes sont dans une situation absolument inextricable. La construction de 15 000 logements supplémentaires par an répond donc à un besoin urgent.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC659 vise à permettre la construction et l’aménagement de logements étudiants supplémentaires. De récentes études montrent que le parc des Crous permet de proposer un logement pour seize étudiants en moyenne nationale et un logement pour soixante-deux étudiants en Île-de-France. On voit bien la difficulté des étudiants à se loger à tarification sociale. En 2018, le Gouvernement avait lancé le plan « 60 000 logements étudiants », mais nous sommes loin du compte : en 2022, on comptait vingt-quatre places de logement pour cent étudiants boursiers.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Mme la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche s’est félicitée que 4 000 logements Crous étaient en cours de rénovation et que 12 000 autres feraient l’objet de tels travaux d’ici à 2025. Cependant, ce sont 175 000 logements Crous qui attendent d’être rénovés.

J’ai eu récemment une discussion très intéressante avec un directeur local de Crous, qui m’expliquait que ses équipes faisaient tout ce qu’elles pouvaient, avec les moyens du bord, pour mettre en œuvre des schémas directeurs du logement. Nous devons saluer leur engagement et les encourager. Toutefois, les réseaux d’œuvre sont sous-financés, les moyens actuels ne suffisent pas et la hausse du coût de l’énergie n’arrange rien.

Suivant une préconisation de l’Union étudiante, nous souhaitons le lancement d’un audit énergétique du logement étudiant et la mise en œuvre d’un plan massif de rénovation. Tel est l’objet de notre amendement II-AC650, à 75 millions d’euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Notre amendement de repli II-AC716 vise à doubler l’enveloppe de 25 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 2,5 millions de crédits de paiement prévue dans le projet de loi de finances pour 2024 afin de lancer de nouveaux projets de réhabilitation et de construction de logements. Avec cette enveloppe, le Gouvernement entend construire 12 000 logements en résidence étudiante d’ici à la fin du quinquennat. Cet objectif est largement insuffisant.

Vous l’avez dit, la rénovation du parc existant est absolument indispensable. Certaines résidences de Crous sont insalubres : on y voit de l’eau qui coule dans des bassines à cause des fuites, ainsi que d’autres choses inadmissibles. Plus généralement, il est nécessaire d’engager une rénovation thermique de bon nombre de ces logements.

M. Roger Chudeau (RN). Mon amendement II-AC231 s’élève, une nouvelle fois, à 10 millions d’euros. J’espère que vous ne me direz pas, monsieur le rapporteur pour avis, que c’est de la roupie de sansonnet !

Cet amendement d’appel vise à augmenter le budget du logement étudiant afin de permettre le lancement d’un plan de construction de logements supplémentaires. D’après un rapport d’information du Sénat sur l’accompagnement des étudiants publié en 2021, l’offre de logements en résidence étudiante, qui représente 350 000 places, reste structurellement insuffisante au regard des 3 millions d’étudiants que compte notre pays. Selon l’Association interprofessionnelle des résidences étudiants et services (Aires), il manquerait au moins 250 000 logements étudiants pour répondre à la demande, soit nettement plus que les 60 000 annoncés par le Président de la République, dont seulement 35 000 ont été livrés. Afin que les étudiants soient logés dans de bonnes conditions, il est vital de lancer ce plan de construction de logements supplémentaires dans l’ensemble du territoire.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il est indispensable de soutenir tant la construction que la rénovation des logements étudiants : il faut donc absolument abonder les lignes budgétaires correspondantes. Bien que les amendements examinés proposent des montants différents, je donne un avis favorable à chacun d’eux, à l’exception des amendements II-AC231 et II-AC702 pour lesquels je m’en remets à la sagesse de notre commission.

Si j’ai donné tout à l’heure un avis défavorable à votre amendement visant à augmenter légèrement les crédits alloués aux bourses, monsieur Chudeau, c’est parce que chaque bourse n’aurait augmenté que de 1 ou 2 euros, ce qui est insignifiant. Il en va différemment concernant le logement, car chaque place de Crous construite est bonne à prendre.

M. Quentin Bataillon (RE). Ces amendements sont intéressants, mais ils ne doivent pas nous dispenser d’envisager une réforme du fonctionnement des Crous. À Saint­Étienne, dans ma circonscription, les étudiants n’ont aucun intérêt à choisir les logements du Crous, qui sont en très mauvais état et bien plus chers que les logements classiques. Le Crous raisonne en effet à partir de moyennes régionales et prend donc en compte des données relatives à Lyon pour définir le montant des loyers à Saint-Étienne. Ainsi, de nombreuses collectivités, dont la métropole de Saint-Étienne, construisent des logements étudiants sans passer par le Crous. Il me paraît indispensable de régler ce problème, dont j’ai parlé à la ministre et au Crous, avant de réinjecter de l’argent sur cette ligne.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je comprends parfaitement ce que vous venez de dire, mais la situation est différente en Île-de-France, où les prix des logements sont absolument exorbitants. Ainsi, à Villejuif, les logements étudiants qui viennent de sortir de terre sont loués à 800 euros par mois pour quelques mètres carrés. Quel que soit leur état, les logements du Crous, qui n’ont effectivement pas tous été réhabilités, restent donc hypercompétitifs.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La mise en œuvre des plans de construction de logements est assez complexe.

Le premier élément important à prendre en compte est la disponibilité du foncier, qui reste difficile à trouver dans de nombreux endroits, comme nous l’ont expliqué un responsable du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et des représentants du ministère. Il faut donc que les collectivités territoriales, en lien avec les Crous et le ministère, facilitent la mise à disposition du foncier disponible.

Le deuxième problème auquel on se heurte est la spéculation immobilière extrêmement forte dans certains territoires, qui empêche jeunes et moins jeunes de trouver un logement. La situation est d’autant plus difficile pour ceux qui ont le moins de revenus, à savoir les étudiants.

Ces problèmes de fond, qu’il faut régler globalement, ne doivent pas nous empêcher d’augmenter les crédits alloués aux Crous afin que ces derniers ne soient pas limités par leurs moyens. Qu’ils aient ou non la possibilité de mobiliser ces moyens, c’est un autre sujet. Sur ce point, je suis donc en désaccord avec vous, monsieur Bataillon.

Mme Virginie Lanlo (RE). Nous sommes bien conscients des problèmes de logement que rencontrent les étudiants. Cependant, n’oublions pas que des associations d’entraide intergénérationnelle telles que Ensemble2générations ou Le Pari Solidaire s’engagent pour permettre à certains à se loger à moindres frais. Il est important d’en informer les principaux intéressés et d’activer tous les leviers en faveur du logement des étudiants.

Mme la présidente Isabelle Rauch. La ministre nous a également informés de la publication prochaine du rapport de notre ancien collègue Richard Lioger sur le logement étudiant.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC723 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche a annoncé que, pour l’année universitaire 2023-2024, la hausse des charges locatives serait plafonnée à 3,5 %. Dès lors, de nombreux Crous, dont celui d’Aix­Marseille-Avignon, ont décidé d’augmenter de 3,5 % les charges locatives de leurs logements à partir de la rentrée 2023. Ces charges n’étant pas prises en compte dans le calcul des APL, la hausse est entièrement supportée par les étudiants, et elle est d’autant plus douloureuse que le logement demeure leur premier poste de dépenses, représentant parfois 75 % de leur budget. Je demande donc un gel des charges locatives ; cependant, pour éviter de mettre les Crous en difficulté, il est nécessaire que l’État compense cette mesure à hauteur de 6,5 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC634, II-AC636 et II-AC635 de Mme Fatiha Keloua Hachi, IIAC714 de M. Hendrik Davi et II-AC560 de M. Jérôme Legavre

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). On dénombre soixante-deux services de santé étudiants (SSE) pour soixante-quinze universités publiques. Or ces services sont essentiels car 15 % des étudiants ne disposent pas de mutuelle. De manière générale, les étudiants ne se soignent pas ou se soignent mal. L’amendement II-AC634 vise à créer treize SSE et à augmenter de 10 % le budget alloué à ces structures.

L’amendement II-AC636 a pour objet d’accroître de 30 % les crédits affectés aux SSE. Ceux-ci n’offrent souvent qu’une spécialité – alors qu’ils doivent en proposer au minimum deux –, laquelle correspond rarement aux demandes des étudiants.

L’amendement II-AC635 vise à créer les treize services de santé manquants. On relève en effet de grandes inégalités entre les pôles universitaires.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. On compte un psychologue pour près de 2 000 étudiants au Canada, un pour 6 000 étudiants en Autriche et un pour 15 000 étudiants en France – soit dix fois moins que les recommandations internationales. Quelque 30 % des étudiants ont déjà renoncé à des soins faute d’argent et 37 % présentent des signes de détresse psychologique. Nous proposons d’abonder en urgence le budget pour recruter des psychologues.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC560 a pour objet d’accroître les moyens des SSE. Beaucoup trop d’étudiants renoncent à se soigner faute d’argent. Les épisodes successifs de confinement ont montré qu’un grand nombre d’entre eux souffraient de détresse psychologique. Il est urgent d’allouer des crédits.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à tous ces amendements. De nombreuses dépenses de santé pourraient être évitées si l’on menait une politique de santé publique fondée sur la prévention et le dépistage des maladies. Cela implique la présence d’acteurs de proximité, par exemple de psychologues. Il est de ce fait nécessaire d’augmenter assez massivement les moyens des SSE.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). On va probablement nous reparler du chèque psy, qui est un très bon dispositif, mais qui nécessite l’agrément des praticiens. Or, beaucoup de psychologues ne souhaitent pas être agréés, car ils ne veulent pas voir débarquer des étudiants et être rémunérés a posteriori par la sécurité sociale. Dans ma circonscription, pas un seul n’est agréé. Pour les 220 000 habitants du sud de la Seine-Saint-Denis, on compte un seul psychologue agréé, installé à Montreuil. Le chèque psy devrait donner accès à tous les psychologues, quitte à ce qu’on le leur impose.

Mme Anne Brugnera (RE). Nous travaillons, depuis 2017, sur la question de la santé des étudiants, qui a pris une tournure plus problématique à partir du covid, en particulier à compter du deuxième confinement. On a institué, à ce moment-là, plusieurs dispositifs pour lutter contre la précarité, avec le repas à 1 euro et la création de jobs étudiants et, dans le domaine de la santé, le chèque psy et l’embauche de quatre-vingts psychologues et soixante assistants sociaux. Nous poursuivons ce travail. Compte tenu de leur autonomie, c’est en partie aux universités de prendre en main la santé des étudiants. Certaines ont un service de santé et embauchent des médecins, mais elles sont confrontées au manque de médecins scolaires et universitaires. Quant au chèque psy, il faut en effet convaincre les psychologues d’entrer dans le dispositif.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC564 de M. Idir Boumertit, II-AC651 de M. Jean-Claude Raux et II-AC629 de Mme Béatrice Descamps

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le ratio du nombre de psychologues rapporté au nombre d’étudiants est, en France, très inférieur aux recommandations internationales. Par ailleurs, il est impossible, en certains lieux, d’utiliser le chèque psy. La santé mentale est un défi de santé publique. Elle réclame non seulement du volontarisme, mais aussi la présence d’un véritable service public. Tel est l’objet de l’amendement II-AC651, qui vise à renforcer les moyens des services de santé étudiants afin d’augmenter le nombre de psychologues.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Nous proposons d’accroître le recrutement de psychologues universitaires, lesquels font cruellement défaut compte tenu de la situation que nous connaissons.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Il faut augmenter massivement les moyens des SSE, pour faire face, en particulier, aux besoins exprimés en matière de psychologie et d’assistance sociale.

J’entends l’argument relatif à l’autonomie des universités, mais cela ne signifie pas que l’État doit se laver les mains de la santé des étudiants. Une politique de santé publique est conduite sur l’ensemble du territoire national, notamment par les agences régionales de santé (ARS). Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas travailler avec les universités pour recruter un nombre de médecins et de psychologues suffisant dans chacune d’elles.

Quant aux effectifs de médecins, les bras m’en tombent : vous avez refusé de voter nos amendements qui visaient à créer un nombre de places d’étudiants suffisant en licence.

Mme Anne Brugnera (RE). Nous avons augmenté le nombre de médecins !

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Non, vous avez supprimé le numerus clausus, mais le nombre d’étudiants n’a pas augmenté, car on manque de maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers et de professeurs dans les universités et les centres hospitaliers universitaires.

On me dit, depuis dix ans, que, si on laisse les étudiants s’inscrire où ils veulent, ils choisiront les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) et la psychologie. Voilà dix ans que j’entends les décideurs me dire que l’on n’a pas besoin de psychologues ! Et on découvre à présent qu’il n’y en a pas assez, que ce soit dans les centres médico-psychologiques, pour l’orientation scolaire ou dans le cadre universitaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC365 de Mme Violette Spillebout

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à cet amendement, qui vise à garantir l’accès gratuit aux protections hygiéniques lavables.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Isabelle Rome, alors ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, avait proposé la gratuité des protections hygiéniques. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit qu’un remboursement de 60 % par les mutuelles. Rappelons que 15 % des étudiants n’ont pas de mutuelle. Par ailleurs, le taux de remboursement est insuffisant, sachant qu’il faudrait au moins trois culottes hygiéniques, dont le coût unitaire oscille entre 30 et 40 euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC725 de M. Hendrik Davi, II-AC673 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC743 de M. Hendrik Davi, II-AC548 de Mme Martine Froger, II-AC555 de M. Jérôme Legavre et II-AC656 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le coût de la vie étudiante, qui a augmenté de 6,47 % en 2023 selon l’Unef, est notamment entretenu par la hausse de 14,3 % des prix des produits alimentaires. La précarité alimentaire est alarmante. Selon l’enquête de l’association Linkee, 54 % des étudiants ont sauté des repas, en 2023, pour des raisons financières, contre 43 % en 2022. Par ailleurs, 70 % des étudiants ne peuvent pas s’acheter de viande, 37 % ne peuvent pas acheter de fruits et 23 % des sondés disent ne pas pouvoir acheter de légumes, contre 12 % en 2022. Depuis janvier 2023, Linkee a distribué plus de 1,5 million de denrées alimentaires aux étudiants, contre près de 1 million sur l’ensemble de l’année 2022. Pour endiguer la précarité alimentaire et la malnutrition, nous proposons, comme l’année dernière, d’instaurer la gratuité des repas dans les Crous. L’amendement II-AC725 propose d’affecter 400 millions à cet objet.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC673 vise à généraliser à tous les étudiants et toutes les étudiantes l’accès à un repas de qualité, équilibré, à 1 euro. Certes, en théorie, les étudiants non boursiers en proie à des difficultés sociales peuvent se rendre dans le service social de leur université. Toutefois, ces services sont très difficilement accessibles, ce qui entraine une difficulté d’accès au droit.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement II-AC743 vise à généraliser le repas à 1 euro. Il est essentiel de l’étendre à l’ensemble des étudiants et des étudiantes pour éviter le non-recours à ce service. C’est un débat qui concerne l’ensemble des aides sociales : lorsque le bénéfice d’une aide est réservé à ceux qui en ont le plus besoin, un grand nombre de ceux-ci n’en bénéficient pas car cela suppose l’accomplissement d’un certain nombre de démarches. La généralisation de cette mesure, que le Gouvernement avait instaurée pendant le covid, constituerait une réelle avancée.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). L’amendement II-AC548 vise à augmenter les crédits dédiés à l’aide à la restauration des étudiants, afin de proposer à l’ensemble d’entre eux des repas à 1 euro dans les restaurants des Crous. C’est une mesure essentielle, qui a fait la preuve de son efficacité et qui permettrait de lutter contre la précarité affectant un certain nombre d’étudiants, lesquels sont parfois contraints de sauter des repas.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). En janvier 2021, le Président de la République avait étendu les repas à 1 euro à tous les étudiants, qu’ils soient ou non boursiers, ce qui avait rendu des services très précieux en cette période de covid. La mesure a été supprimée à la rentrée universitaire 2021. En 2022, près de 19 millions de repas à 1 euro ont été servis, contre près de 20 millions l’année précédente. Autrement dit, le nombre de repas servis diminue alors que les coûts de la restauration augmentent. On place un nombre grandissant d’étudiants dans une situation très délicate. Cela rend nécessaire l’extension à tous du repas à 1 euro.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC656 vise également à étendre le bénéfice du repas à 1 euro à tous les étudiants. Le repas à 1 euro réservé aux boursiers et aux précaires manque sa cible. Je l’ai dit, le système des bourses est désuet : près de 40 % des boursiers perçoivent 130 euros par mois. Par ailleurs, certes, les personnes précaires ont droit à un repas à 1 euro, dans le cadre d’une aide d’urgence, mais elles doivent ensuite constituer un dossier avec une assistante sociale – étant rappelé que l’on en compte une pour 12 500 étudiants. En outre selon les Crous, la liste des pièces demandées varie – ainsi, à Créteil, on épluche les relevés bancaires et les fiches de paie. Autrement dit, chaque Crous juge selon ses propres critères de la précarité de l’étudiant, ce qui est profondément injuste.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la gratuité des repas du Crous comme à l’extension du repas à 1 euro. La représentation nationale a failli adopter cette dernière proposition lors de la niche de nos collègues Socialistes : cela s’est joué à une voix. Il serait souhaitable que le 49.3 ne nous empêche pas de reprendre ce débat dans l’hémicycle. Par ailleurs, lorsque les étudiants ne vont pas au Crous, il arrive qu’ils ne mangent pas. Parfois, ils se nourrissent de sandwiches ou font le choix de la restauration rapide, ce qui crée des habitudes préjudiciables à la santé, alors que l’alimentation est un enjeu de santé publique et que l’on connaît une épidémie d’obésité.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Le repas à 3,30 euros, qui, de l’avis même du Cnous et des Crous, constitue un tarif social unique au monde, n’a pas augmenté d’un centime depuis 2017, ce qui n’était jamais arrivé sous les quinquennats précédents. Et il est déjà fortement subventionné puisque le coût complet d’un repas au Crous est de l’ordre de 8 à 9 euros. Nous sommes très fiers d’avoir instauré le repas à 1 euro mais nous le concentrons sur ceux qui en ont besoin. Ce serait mal dépenser l’argent public que de faire bénéficier de cette subvention des étudiants qui n’en éprouvent pas réellement la nécessité. L’argent public n’est pas magique !

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). On parle de 90 millions d’euros, soit une goutte d’eau dans le budget de l’État ! Pour éviter de mal employer cette somme, on va donc laisser des étudiants ne pas se nourrir ou se rendre dans les banques alimentaires… que vous avez abondées de 40 millions d’euros. Vous êtes en train de mettre une partie de la France sous perfusion. Nous, nous voulons des étudiants qui mangent à leur faim et qui puissent étudier.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous avons pleinement conscience que des étudiants qui auraient les moyens de payer 3,30 euros ne débourseront que 1 euro, mais nous souhaitons inciter le plus grand nombre d’étudiants possibles à se rendre dans les Crous, car ces structures proposent des repas de qualité, qui s’inscrivent dans le cadre du programme national nutrition santé. Nous considérons aussi qu’en apportant une aide généralisée et inconditionnelle, on permet à des étudiants non boursiers, dont un grand nombre éprouve des difficultés importantes, à accéder au droit. Le système actuel est mal conçu : on est finalement obligé d’accorder 40 millions d’euros à des associations, qui distribuent, comme elles le peuvent, une aide alimentaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC632 de Mme Béatrice Descamps

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Cet amendement vise à renforcer l’accès des jeunes en situation de handicap à l’enseignement supérieur. L’accès au logement est, en la matière, essentiel. Or, la crise du logement étudiant concerne aussi les étudiants en situation de handicap, dont plus de la moitié des demandes qu’ils adressent au Crous n’aboutiraient pas. Nous proposons d’améliorer leur accès au logement étudiant en portant l’effort budgétaire à 30 millions d’euros.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable : les personnes en situation de handicap doivent évidemment pouvoir poursuivre leurs études.

La commission rejette l’amendement

Amendements identiques II-AC577 de Mme Martine Froger, II-AC612 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC640 de M. Jean-Claude Raux

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à augmenter les crédits destinés à l’accompagnement pédagogique des étudiants présentant un besoin spécifique lié à un trouble ou à un handicap. Les financements alloués aux établissements assurant un accompagnement pédagogique de ces personnes seraient ainsi portés de 15 à 23 millions d’euros en 2023.

Contre la position du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Suivant la position du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement II-AC664 de Mme Béatrice Descamps.

Amendement II-AC738 de M. Hendrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Une étude de la Fage présentée en août 2023 indiquait qu’à chaque rentrée, les étudiants déboursent en moyenne plus de 300 euros au titre du matériel pédagogique. Pour préparer certains concours, en médecine ou en droit, par exemple, ces dépenses peuvent excéder 500 euros, ce qui, dans un contexte d’inflation galopante, est considérable, en particulier pour les étudiants les plus précaires. Certains doivent se passer de manuels, faute de moyens, ce qui avantage injustement les mieux lotis. L’enseignement supérieur doit être gratuit pour toutes et tous. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter le budget des bibliothèques universitaires de 876 millions, afin qu’elles puissent mettre à la disposition de chaque étudiant les ouvrages nécessaires pour chaque cursus en quantité suffisante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC619 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à souligner la nécessité d’un grand plan immobilier au sein des universités concernant les infrastructures sportives. Selon l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), seul un étudiant sur cinq fait du sport dans le cadre universitaire. Par ailleurs, un étudiant passe, en moyenne, huit heures par jour devant son écran, constat terrible quand on sait que rester assis plus de sept heures par jour augmente le risque de développer une maladie cardiovasculaire. L’entrée dans l’enseignement supérieur marque ainsi une rupture sur le plan de la pratique sportive. Il est urgent de renforcer la place du sport à l’université, y compris dans le cursus de chaque étudiant, mais cela nécessite l’existence de structures suffisantes.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable. Il est essentiel que les étudiantes et les étudiants aient les moyens de faire du sport. En prenant de bonnes habitudes en ce domaine, comme en matière alimentaire, ils protégeront leur santé tout au long de leur vie. Par ailleurs, cela favorise la convivialité, qui est primordiale dans le cadre de la vie étudiante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC724 de M. Henrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à augmenter de 15 % la subvention pour charge de service public du Cnous. Les Crous sont aujourd’hui en grande difficulté financière. Les mesures de gel des charges locatives et des tarifs de restauration ne sont pas entièrement compensées par l’État, alors que les prix des fluides et des denrées alimentaires continuent d’augmenter. La fréquentation des restaurants universitaires est également en hausse, ce dont on peut se féliciter.

Dans le cadre des auditions menées pour mon rapport, la présidente du Cnous m’a fait part de son inquiétude concernant les finances des centres régionaux en 2023. Le Crous d’Aix-Marseille-Avignon, dans ma circonscription, a voté en janvier dernier un budget extrêmement dégradé, en déficit de 6 millions d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC595 de Mme Sarah Legrain, II-AC699 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC563 de M. Idir Boumertit et II-AC646 de M. Jean-Claude Raux

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement ne coûte que 2 millions d’euros et répond à une demande pressante des étudiants et des organisations étudiantes : l’augmentation du crédit alloué à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Le PLF prévoit le recrutement de quarante référents en matière de violences sexistes et sexuelles, ce qui est très bien. Mais il est indispensable d’augmenter les crédits dédiés à la lutte contre ces violences, de façon à établir un véritable plan de lutte et de médiatisation, pour expliquer aux jeunes qu’il n’est pas normal qu’un sur dix ait subi des violences sexistes et sexuelles à l’université.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il existe 3 500 établissements d’enseignement supérieur, soit 3 500 lieux de potentielles agressions sexistes et sexuelles. Une étudiante sur dix déclare en avoir été la victime. Prévention, formation, signalement, accompagnement doivent être les maîtres mots d’une politique de lutte contre les VSS. Deux ans après le plan national du Gouvernement, le bilan est maigre : moins d’une centaine de projets financés. Cela illustre le manque de moyens et l’inadaptation d’un fonctionnement par appel à projets. L’amendement vient augmenter les crédits dédiés à la lutte contre les VSS. Je trouve dommage que nous soyons obligés de quémander, d’autant que le projet de loi de finances transfère 2,5 millions d’euros vers l’emploi de référents dans les rectorats. Ce seront 2,5 millions d’euros en moins pour les actions dans les établissements publics comme privés.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le 12 octobre dernier, dans une tribune, les associations expertes et les organisations étudiantes demandaient le renforcement urgent des moyens dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. Elles dénonçaient le manque de moyens, à hauteur de 3,5 millions d’euros. Pour elles, cette somme est largement insuffisante pour couvrir l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elles demandent de mettre en place des formations et des campagnes de sensibilisation dans tous les établissements. Elles soulignent un autre élément important : pour l’instant, les financements étant faits sous forme d’appels à projets, chaque université monte ses cellules d’écoute et ses dispositifs, sans vision d’ensemble. C’est pourquoi je suis favorable à ces amendements qui visent à faire un grand plan de lutte contre ces violences à l’université.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je concède que le Gouvernement a fait un effort avec les quarante référents, mais cela veut dire un référent pour deux grosses universités, ce qui n’est pas suffisant. La majorité peut aussi faire un effort en acceptant un amendement de 2 millions d’euros.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC715 de M. Henrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. L’amendement vise à lancer un plan de recrutement d’assistantes sociales. La précarité étudiante augmente fortement. Ainsi, 1,5 million de denrées alimentaires a été distribué aux étudiants. Cette situation nécessite la présence de professionnels au sein des universités pour les aider. En France, il y a 1 assistant social pour 12 000 étudiants contre 1 pour 5 000 en Allemagne. Nous proposons de recruter suffisamment d’assistants sociaux pour obtenir un ratio de 1 pour 7 000.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC235 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Nous souhaitons reprendre une initiative formulée par l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Frédérique Vidal, en 2021, lorsqu’elle avait demandé un rapport au CNRS sur les dérives islamo-gauchistes à l’université, en expliquant que « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble et [que] l’université n’est pas imperméable ». Elle ajoutait qu’à l’université « il y a des gens qui peuvent utiliser leurs titres et l’aura qu’ils ont […] pour porter des idées radicales ou pour porter des idées militantes ». Forgée au début des années 2000 par le philosophe Pierre-André Taguieff, la notion d’islamo-gauchisme désigne une alliance militante de fait entre des milieux d’extrême gauche se réclamant du marxisme et des mouvances islamistes. Cet amendement d’appel vise à demander au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) un rapport sur l’emprise croissante des idéologies politiques et religieuses à l’université.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je suis un peu étonné, monsieur Chudeau, par votre amendement, car vous connaissez le milieu universitaire, qui est guidé par deux principes : la liberté académique et la liberté pédagogique, encadrées par les mêmes règles que pour l’ensemble des citoyens. Si vous tenez des propos antisémites ou racistes au sein du monde universitaire, vous pouvez être attaqué en justice. Je pense qu’il est extrêmement grave d’essayer d’encadrer les recherches, d’en stigmatiser un certain type parce qu’elles ne vous plaisent pas. Comment une petite sortie pas très bien calibrée, que j’avais trouvée très douteuse, tout comme le CNRS d’ailleurs, de l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, finit dans un amendement du Rassemblement national ? Voilà matière à réflexion politique ! Nous devons prendre garde à ne pas amplifier des idéologies que je qualifierais de racistes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC554 de M. Rodrigo Arenas

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous souhaitons dénoncer le laisser-faire du Gouvernement dans le développement de l’enseignement privé lucratif et les ponts d’or qui lui sont accordés de plus en plus généreusement. Il se développe dans des proportions très importantes, en bénéficiant des dernières réformes. La situation est telle qu’un quart des étudiants se retrouvent dans des formations privées dont certaines laissent dubitatifs. Prenons l’exemple de l’institut d’arts appliqués Lisaa, qui exige des frais d’inscription de 8 000 euros par an. Or cet institut privé a baissé le nombre d’heures de cours délivrées à la dernière rentrée. Je crains que l’on ne retrouve dans l’enseignement supérieur des situations semblables à celles que l’on observe, toutes proportions gardées, dans le domaine des crèches privées. Il faut encadrer l’enseignement privé lucratif et limiter considérablement le financement de ses établissements.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Dans la mesure où c’est l’objet de mon rapport pour avis, je suis favorable à votre amendement. Les chiffres sont vertigineux : nous sommes passés de 292 000 étudiants en 2001 à plus de 766 000 en 2022. Cette progression de l’enseignement privé a pu se faire grâce à l’apprentissage et à la sélection sur Parcoursup. L’un des principaux groupes, Galileo, dépend du fonds qui investissait dans Orpea… Le rapprochement avec les Ehpad et les crèches privées n’est donc pas si incongru. Bien sûr, je ne mets pas toutes les formations privées dans le même sac. Certaines sont de qualité, elles existent depuis très longtemps et ont pignon sur rue. Elles sont d’ailleurs inquiètes. Quand j’ai demandé à BPIFrance si ça ne les gênait pas de financer des acteurs concurrents du public et du privé qui a pignon sur rue, il est apparu que, pour eux, c’était l’avenir et que les grandes écoles françaises, ne disposant pas de la masse critique pour faire des investissements, relevaient de modèles obsolètes et qu’elles étaient vouées à disparaître. C’est pour cela que BPIFrance s’enorgueillit de financer Galileo. Je vous invite à la plus grande vigilance face à cette explosion du privé dans le supérieur. C’est notre souveraineté qui est en péril. Quand ce seront des fonds de pension étrangers qui gouverneront l’ensemble de nos formations supérieures, nous aurons un vrai problème.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Parcoursup propose des formations dans des écoles privées qui devraient avoir un agrément. Mais, en réalité, beaucoup d’écoles ferment en cours de route. Récemment, en Seine-Saint-Denis, des étudiants se sont inscrits dans une formation de kiné privée, ont payé des frais de scolarité très élevés et l’école a fermé début octobre. La ministre de l’Enseignement supérieur n’a pas de recours dans cette situation, puisque le public est complètement saturé. De plus, les diplômes ne sont pas des diplômes internationaux. Il y a du tri à faire parmi ces écoles privées.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur non modifiés.

 

Article 38 et état G

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement IIAC616 de M. Philippe Ballard.

Amendement II-AC653 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). J’étais, il y a quelques semaines, dans une résidence Crous de Seine-Saint-Denis à la demande des étudiants qui voulaient m’alerter sur leurs conditions de vie, l’insalubrité de leur logement entre les rats, les souris, l’absence d’aération dans les cuisines, les deux machines à laver pour un immeuble entier, les cafards. J’ai pu vérifier tout cela sur place. D’après le travail des syndicats étudiants, on observe une surreprésentation des étudiants étrangers dans les logements Crous les plus insalubres. L’amendement vise à ajouter un nouvel indicateur afin d’obtenir des données objectives sur la mixité sociale au sein des résidences Crous et d’adapter en conséquence les politiques d’attribution des logements.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 55

Amendement II-AC713 de M. Henrik Davi

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Le projet annuel de performances de la mission fait état, pour le seul programme 150 de quatre dépenses fiscales portant sur des impôts d’État, pour un coût total estimé à 3,521 milliards d’euros en 2023 et en 2024, soit une augmentation de 261 millions d’euros par rapport à 2022, après une augmentation déjà marquée entre 2021 et 2022. Par cet amendement, je souhaite que le Gouvernement rende compte au Parlement de façon détaillée de l’effet de ces dépenses fiscales sur le niveau, la structure et la répartition du financement de l’enseignement supérieur. On nous rétorque très souvent que nous proposons des amendements qui coûtent de l’argent. Or il existe des niches fiscales dont on ne voit pas l’intérêt. Ce rapport serait très utile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC617 de M. Philippe Ballard

M. Roger Chudeau (RN). L’amendement vise à demander un rapport sur l’utilisation du produit de la contribution de vie étudiante et de campus.

M. Hendrik Davi, rapporteur pour avis. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.


—  1  —

   ANNEXE :
Liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

(par ordre chronologique)

       Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI)*  MM. Emmanuel Duflos, président, Emmanuel Perrin et Pascal Vairac, coprésidents de la commission Ressources et accompagnement des personnels, et Nessim Le Picard, consultant affaires publique

       Conférence des grandes écoles (CGE)* – MM. Laurent Champaney, président, Hugues Brunet, délégué général, Marc Sagot, adjoint au délégué général en charge des relations extérieures, et Foucauld Kneuss, référent affaires publiques, vie étudiante et sport

       Fédération des établissements d’enseignement supérieur d’intérêt collectif (Fesic)* – Mme Delphine Blanc-le Quilliec, déléguée générale, et M. Germain Comerre, chargé des relations institutionnelles

       BPI France*  M. José Gonzalo, directeur exécutif du capital développement, direction Mid & Large Cap et Fonds propres PME, M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, directeur des relations institutionnelles, et M. Pierre Cejka, chargé des relations institutionnelles et médias

       Audition du Groupe de travail sur la régulation du secteur privé de l’enseignement supérieur :

– Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) – Mmes Laure Vagner-Shaw, adjointe à la directrice générale, cheffe du service formations et vie étudiante, Muriel Pochard, sous-directrice aux formations et Catherine Malinie, cheffe du département qualité et reconnaissance des diplômes

– Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) – M. Marc Foucault, inspecteur général

       France Compétences, commission de la certification professionnelle – M. René Bagorski, directeur de la certification professionnelle, et Mme Gwénola Cadeville, coordinatrice des enregistrements de droit RNCP/RS à la direction de la certification professionnelle

       Table ronde sur l’enseignement supérieur privé :

 M. Joël Laillier, chercheur, maître de conférence

– M. Thibaut Lauwerier, maître d’enseignement et de recherche

 M. Hugo Harari-Kermadec, professeur à l’Université d’Orléans, chercheur associé à l’IDHES

– Mme Delphine Dorsi, directrice de l’association de plaidoyer Right to Education

– Mme Claire Clavel, école normale supérieure de Cachan

– M. Victor Chareyron, école normale supérieure Paris-Saclay

– M. Vincent Carpentier, reader in History of Education

       Mme Aurélie Biancarelli-Lopes, adjointe au maire de Marseille, déléguée à l’enseignement supérieur, la vie étudiante et la recherche

       Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) –  M. Paul-Emmanuel Piel, chef du bureau Médias, communications électroniques, culturel, économie de la donnée

       Omnes Éducation – M. José Milano, président exécutif

       Galileo Global Education (GGE) * M. Marc François Mignot-Mahon, président de GGE Monde, M. Martin Hirsch, vice-président exécutif, Mme Vanessa Diriart, présidente de GGE France, et M. Julien Blanc, directeur des affaires publiques de GGE

       Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous)  Mme Dominique Marchand, présidente, M. Clément Cadoret, directeur général, délégué du Cnous, et Mme Laurence Sorre, sous-directrice des finances et des performances

       Table ronde des syndicats représentatifs de l’enseignement supérieur :

 Unsa Éducation – Mmes Stéphanie Reynaud (SNPTES-Unsa), et Virginie Saint James (SupRecherche Unsa), et M. Jérome Giordano (Unsa Education)

 Syndicat national de l’enseignement supérieur – Fédération syndicale unitaire (Snesup FSU) – Mmes Anne Roger et Caroline Mauriat, co-secrétaires générales du Snesup-FSU, et M. Hervé Christofol, membre du bureau national

 Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC CGT) – Mme Solveig Langen, administratrice (CGT FERC-Sup), et M. Alain Roques (CGT-Inrae)

 Syndicat général de l’éducation nationale-CFDT (SGEN-CFDT –M. Nicolas Holschultz, secrétaire fédéral, Mme Elisabeth Sioudan-Devailly, secrétaire fédérale, et M. Damien Gillot, secrétaire national de la CFDT FEP (Formation et enseignement privé)

 FO-ESR – M. Sylvain Excoffon, secrétaire général

 SUD Éducation  Mme Anaïs Flores, élue Cneser, et M. Kevin le Tétour, élu à la F3SCT du CSA MESR et co-secrétaire fédéral de la fédération

       Table ronde des organisations étudiantes représentées au conseil d’administration du CNOUS :

 Unef – M. Arthur Sabatier, délégué général et Mme Salomé Hocquard, déléguée générale adjointe

 Fédération des associations générales étudiantes (Fage) Mme Sarah Biche, vice-présidente chargée des affaires sociales, Mme Carla Sardellitti, vice‑présidente chargée des affaires académiques et M. Louis Ryz, vice-président chargé des affaires académiques

 L’Union étudiante Mmes Emmy Marc, secrétaire fédérale, et Eléonore Schmitt, porte-parole

       France Universités – M. Jean-Marc Ogier, président de l’Université de la Rochelle

       Direction du budget, 3e sous-direction (budgets de l’enseignement scolaire, de la recherche, de l’enseignement supérieur, de l’industrie)M. Alban Hautier, sous-directeur

       Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche  cabinet de Mme Sylvie Retailleau, ministre  Mme Naomi Peres, directrice du cabinet, M. Baptiste Bourboulon, conseiller budgétaire, et Mme Louise ThomasVaillant, conseillère parlementaire, élus locaux, discours et prospective

       Ionis Education Group ‑ M. Fabrice Bardèche, vice-président

       Direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) – Mme Anne-Sophie Barthez, directrice générale, MM. Benjamin Leperchey, adjoint à la directrice, M. Géraud de Marcillac, chef du service du financement, de la contractualisation et de l’immobilier, et M. Philippe Burdet, sous-directeur au financement de l’enseignement supérieur

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Chiffres issus des réponses fournies par le Gouvernement en réponse au questionnaire budgétaire.

([2]) Idem.

([3]) Chiffres issus de la dépêche n° 677758 du site d’information AEF info ainsi que de l’audition des services du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

([4]) Contrairement à l’année précédente, il n’y a pas eu de loi de finances rectificative au cours de l’année 2023.

([5]) Projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur

([6]) On peut d’ailleurs noter que le Gouvernement semble avoir retenu une hypothèse basse : si la Banque de France anticipe une inflation à 2,4 %, l’ensemble des autres institutions de référence projettent une inflation supérieure à 2,6 %, avec 3,6 % pour l’OFCE, 3 % pour Rexecode et 2,9 % pour l’OCDE.

([7]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([8]) Contribution écrite de France Universités.

([9]) L’ensemble de ces données sont issues de la note flash n° 12 parue en juillet 2023 du département des études statistiques et de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/nf-sies-2023-12-28804.pdf

([10]) Selon le projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.

([11])  Dont 24,3 millions d’euros de redéploiement selon le PAP.

([12]) Selon le projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.

([13]) Note flash n° 11 parue en juin 2023 du département des études statistiques et de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-07/nf-ed2022---version-juillet-2023-28792.pdf

([14]) Note flash n° 23 parue en octobre 2023 du département des études statistiques et de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche :              https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/sites/default/files/2023-10/nf-sies-2023-23-29529.pdf

([15]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/remise-du-rapport-de-la-mission-gillet-sur-l-ecosysteme-de-la-recherche-et-de-l-innovation-91274

([16]) Chiffres datant de la dernière étude sur ce sujet conduite par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) en 2014.

([17]) Note flash n° 20 parue en septembre 2023 du département des études statistiques et de la recherche du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche : https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/les-boursiers-sur-criteres-sociaux-en-2022-2023-92745

([18]) https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/12/bourses-etudiantes-ce-que-contient-le-rapport-que-le-gouvernement-n-a-pas-rendu-public_6194012_3224.html

([19]) Extrait du projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur.

([20]) La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous prévoit une obligation pour les gestionnaires de restauration collective de proposer une offre alimentaire composée à 50 % d’alimentation durable, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique.

 

([21]) Chiffres issus de l’audition par le rapporteur du groupe Galileo et correspondant à la période allant de juin 2021 à juin 2022.

([22]) Selon l’enquête du journal Libération intitulée « Galileo, la ruée vers l’or du géant de l’enseignement supérieur privé », publiée le lundi 13 février 2023.

([23])https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-12/20181123-rapport-droits-inscription-enseignement-superieur.pdf

([24]) Chiffres issus de la dépêche n° 677758 du site d’information AEF info ainsi que de l’audition des services du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

([25]) Informations communiquées lors de l’audition des services du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

([26]) Chiffres issus de la dépêche n° 697779 du site d’information AEF info.

([27]) Idem.

([28]) Chiffres issus des réponses fournies par le Gouvernement en réponse au questionnaire budgétaire.

([29]) Idem.  

([30])  Chiffres issus des réponses fournies par le Gouvernement en réponse au questionnaire budgétaire.

([31]) Idem

([32]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-cedu/l16b0374-tvi_rapport-avis#

([33]) https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr/parcoursup-2023-les-propositions-d-admission-dans-l-enseignement-superieur-93123

([34]) Chiffres issus des réponses fournies par le Gouvernement au questionnaire budgétaire.  

([35]) Chiffres issus de la dépêche n° 700250 du site d’information AEF info.

([36]) Cartographie des formations Parcoursup — Plateforme open data (données ouvertes) https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr/explore/dataset/fr-esr-cartographie_formations_parcoursup/information/?flg=fr-fr&disjunctive.tf&disjunctive.nm&disjunctive.fl&disjunctive.amg&disjunctive.nmc

([37])  Note d’information DEPP, n° 23.35, juillet 2023.

([38])  Cartographie des formations Parcoursup — Plateforme en open data (données ouvertes) https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr/explore/dataset/fr-esr-cartographie_formations_parcoursup/information/?flg=fr-fr&disjunctive.tf&disjunctive.nm&disjunctive.fl&disjunctive.amg&disjunctive.nmc

([39]) Cartographie des formations Parcoursup — Plateforme en open data (données ouvertes) https://data.enseignementsup-recherche.gouv.fr/explore/dataset/fr-esr-cartographie_formations_parcoursup/information/?flg=fr-fr&disjunctive.tf&disjunctive.nm&disjunctive.fl&disjunctive.amg&disjunctive.nmc

([40]) Audition du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche conduite par le rapporteur pour avis.

([41]) Agence Française de Développement. Étienne Gerard, « L’expansion de l’enseignement supérieur privé et le creusement des inégalités sociales. ». Papiers de recherche, AFD éditions, 2020.

([42]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([43]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([44]) Chapitre 3 « Les leçons de l’étranger : mobilisations étudiantes et réouverture des possibles » de l’ouvrage Arrêtons les frais ! pour un enseignement supérieur gratuit et émancipateur par Collectif aux éditions Raisons d'agir, 2015

([45]) Compte annuel exercice 2022 France compétences

([46]) https://www.lesechos.fr/politique-societe/societe/parcoursup-le-gouvernement-veut-faire-le-menage-parmi-les-ecoles-privees-lucratives-1898147

 

([47]) https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-05/20230601-enseignement-prive-sous-contrat.pdf

([48]) Réponse au questionnaire budgétaire sur le PLF 2023.  

([49]) https://assnat.fr/Aba1hP

([50]) https://assnat.fr/Aba1hP

([51]) https://assnat.fr/ftKUJO