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N° 1805

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME II

 

 

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

 

 

 

PAR Mme Christine LE NABOUR,

 

Députée.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 44).

 

 


 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

PremiÈre partie Des crÉdits en hausse pour la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

I. les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes sont stables par rapport À la loi de finances pour 2023

A. PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2024

B. UNe reconduction des crÉdits consacrÉs À la prime d’activitÉ et aux autres dispositifs de soutien aux personnes À faibles revenus

C. Une hausse significative des crÉdits de l’action 13

D. Dans un contexte inflationniste, une poursuite de l’action contre la prÉcaritÉ alimentaire

E. Une augmentation des crÉdits allouÉs au travail social

F. Une sensible hausse des crÉdits de l’action 16 relative À la protection juridique des majeurs

G. Une lÉgÈre diminution des crÉdits allouÉs À la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnÉrables

H. Une stabilisation des crÉdits allouÉs À l’aide sociale

I. Un accent fort mis sur Le Pacte des solidarités

II. Les crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance connaissent À nouveau une augmentation significative

A. PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2024

B. Une politique volontariste en faveur des personnes en situation de handicap

C. Le soutien À l’autonomie et À l’insertion dans l’emploi des personnes handicapÉes

D. Une politique de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance

III. LeS CRÉdits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes sont en forte hausse

A. PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2024

B. Une TRÈs lÉgÈre diminution des crÉdits affÉrents À L’accÈs aux droits et À l’ÉgalitÉ professionnelle

C. Des moyens croissants pour La PrÉvention et la lutte contre les violences faites aux femmes

IV. une pÉrENnisation des moyens DU programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

SECONDE partie ANALYSE THÉMATIQUE : l’Évaluation de la StratÉgie nationale de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ

I. En dÉpit d’une ambition forte, la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ n’est pas parvenue à endiguer la pauvretÉ

A. La Stratégie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a eu pour double ambition d’Éviter la reproduction sociale de la pauvretÉ et de favoriser l’insertion par l’emploi

1. La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a porté une ambition forte de prévention et de lutte contre la pauvreté

2. Cette ambition s’est matérialisée par l’engagement d’une politique de sortie de la pauvreté par le travail

B. La mise en œuvre de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a reposÉ sur une gouvernance nouvelle associant pilotage interministÉriel et dÉclinaison dans les territoires

1. L’élaboration et le pilotage de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ont été confiés à des délégués interministériels relayés dans les territoires par des commissaires à la lutte contre la pauvreté auprès des préfets de région

2. Le déploiement de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté s’est appuyé sur une contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales

C. Quatre annÉes aprÈs sa mise en œuvre, la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ n’a pas permis une diminution de la pauvretÉ

1. Le taux de pauvreté est resté globalement stable depuis 2018

2. La crise sanitaire puis la situation économique marquée par l’inflation ont généré une intensification de la pauvreté et une précarisation plus importante

II. La StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a mis en œuvre une pluralitÉ d’actions qui seront approfondies dans le cadre du Pacte des solidaritÉs

A. Afin d’assurer une ÉgalitÉ des chances dÈs le plus jeune Âge, la priorité de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a ÉtÉ accordÉe aux enfants et aux jeunes

1. L’accès aux modes d’accueil collectifs des enfants en situation de pauvreté a été au cœur du volet dédié à la petite enfance

2. L’éducation des enfants et la formation des jeunes ont été présentées comme un levier pour lutter contre la reproduction sociale de la pauvreté

B. Sous l’effet de la crise sanitaire, l’accÈs au logement ainsi que l’alimentation ont constituÉ des piliers importants de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ qu’il convient de pÉrEnniser

1. La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté présente un bilan en demiteinte en matière d’accès au logement et d’amélioration des conditions de logement

2. Les mesures visant à lutter contre les privations alimentaires présentent des résultats encourageants

C. La lutte contre la grande pauvretÉ constitue la principale limite de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ

1. Le revenu universel d’activité a été abandonné au profit de la solidarité à la source

2. La lutte contre la très grande pauvreté nécessite d’être approfondie

III. Le dÉveloppement d’indicateurs de la pauvretÉ et une mutualisation des bonnes pratiques renforceraient l’EfficacitÉ du Pacte des solidaritÉs

A. Une Évaluation fine de l’impact de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ est rendue difficile en raison d’un dÉficit d’indicateurs

1. La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté n’a pas fait l’objet d’une évaluation complète

2. Le déficit d’outils de suivi obère la capacité à piloter et à évaluer les effets de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté

B. Favorisant une dynamique partenariale entre les acteurs, la contractualisation entre l’État et les collectivitÉs territoriales est perfectible

1. La contractualisation a suscité une nouvelle dynamique partenariale entre l’État et les collectivités territoriales qui doit être maintenue

2. Les modalités de la contractualisation gagneraient à être améliorées

C. La politique de lutte contre la pauvretÉ doit continuer À crÉer un Écosystème novateur et participatif

1. Le partage des bonnes pratiques mérite d’être pérennisé et approfondi

2. La démarche participative engagée par la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a vocation à être améliorée dans le Pacte des solidarités

CONCLUSION

Travaux de la commission

I. Audition deS ministreS

II. examen de l’avis de la rapporteure

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

 


–  1  –

   AVANT-PROPOS

« Ce Pacte, c’est œuvrer pour l’égalité des chances et lutter contre les déterminismes, qui peuvent tracer, dès l’enfance, des trajectoires de vie et condamner les rêves et les talents de certains de nos concitoyens. » C’est en ces termes que, le 18 septembre 2023, Élisabeth Borne, Première ministre, a présenté le Pacte des solidarités qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain et qui succédera à la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté déployée depuis 2018. Ce Pacte s’inscrit dans la continuité de la précédente stratégie et illustre la détermination de la majorité depuis 2017 de lutter contre la pauvreté ; détermination qui est une nouvelle fois maintenue pour 2024.

En effet, les crédits alloués à la mission Solidarité, insertion, égalité des chances dans le projet de loi de finances pour 2024 connaissent une nouvelle augmentation de 4,66 % pour les autorisations d’engagement (AE) et de 4,64 % pour les crédits de paiement (CP) : ils s’élèvent ainsi à 30,7 milliards d’euros en AE et à 30,8 milliards d’euros en CP, après avoir été augmentés de 12,1 milliards d’euros entre 2017 et 2023.

Ces hausses de crédits sont structurellement portées par la dynamique de croissance de certaines aides sociales financées par la mission Solidarité, notamment la prime d’activité et l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui ont été revalorisées par anticipation dès le 1er juillet 2022 pour protéger ces publics fragiles de l’inflation. La déconjugalisation de l’AAH, en vigueur depuis le 1er octobre dernier, participe également de cette évolution.

Pour essentielle qu’elle soit, l’augmentation des crédits consacrés aux solidarités et à l’insertion ne peut être la seule réponse aux défis de notre temps et force est de constater que, malgré la forte dynamique des crédits de la mission ces dernières années, le taux de pauvreté est demeuré stable. Cette stabilité s’explique entre autres par la réponse apportée par les pouvoirs publics lors de la crise sanitaire qui a eu pour conséquence première de ne pas faire augmenter la pauvreté.

Pour autant, votre rapporteure tient à souligner que la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a largement innové par rapport aux précédents plans de lutte contre la pauvreté en misant sur deux ambitions fortes d’investissement social – prévenir la reproduction de la pauvreté en agissant dès le plus jeune âge et sortir de la pauvreté par l’emploi – et sur un pilotage et une gouvernance renouvelés. Aussi, votre rapporteure propose, dans le cadre de l’examen pour avis de la mission Solidarité, insertion, égalité des chances du projet de loi de finances pour 2024, d’évaluer les mesures mises en œuvre par la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et de présenter celles qui le seront à compter du 1er janvier 2024 dans le cadre du Pacte des solidarités.

Si la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté n’a pas été pleinement efficace sur la grande précarité et sur la pauvreté dans les territoires ultramarins, elle a néanmoins montré des résultats probants notamment en matière :

– d’égalité des chances dès le plus jeune âge avec la mise en place de mesures pour renforcer l’accès des crèches aux familles les plus pauvres, le dispositif dédié aux 1 000 premiers jours de l’enfant ou encore les mesures relatives à l’alimentation infantile ;

– de formation et d’éducation des jeunes avec le remplacement de la garantie jeune par le contrat d’engagement jeune et diverses mesures pour mieux repérer les jeunes « invisibles » (prévention des sorties « sèches » de l’aide sociale à l’enfance et multiplication des points accueil écoute jeune) ;

– d’accès aux droits avec le lancement de l’expérimentation « Territoires zéro non‑recours » ou la mise en place de la complémentaire santé solidaire.

Outre la revalorisation importante de la prime d’activité, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a également soutenu les personnes les plus fragiles lors de la crise sanitaire et a porté diverses actions pour prévenir l’entrée dans la pauvreté au moment où notre pays connaissait une crise sans précédent.

D’un point de vue opérationnel, la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a été l’occasion de mettre en place une nouvelle gouvernance interministérielle, relayée dans les territoires par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, dont votre rapporteure salue le travail, et au moyen de conventions conclues avec les collectivités territoriales. Une démarche participative a également été largement initiée tant au moment de l’élaboration de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté qu’au moment de son déploiement.

Présenté comme un « acte II », le Pacte des solidarités se décline en quatre axes :

– la prévention de la pauvreté et la lutte contre les inégalités dès l’enfance ;

– l’amplification de la politique d’accès à l’emploi pour tous ;

– la lutte contre la grande exclusion ;

– la construction d’une transition écologique et solidaire.

Il poursuivra ainsi l’action de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, aussi bien sur les actions menées que sur la gouvernance choisie, et aura à vocation à pallier les lacunes de la précédente Stratégie. C’est dans ce contexte que votre rapporteure propose plusieurs recommandations pour améliorer la prévention et la lutte contre la pauvreté dans le cadre du nouveau Pacte des solidarités.

 


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   PremiÈre partie
Des crÉdits en hausse pour la mission solidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

● Les crédits alloués à la mission Solidarité, insertion et égalité des chances s’élèvent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 à 30,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 30,8 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

Cette mission est composée de quatre programmes, rattachés à la ministre des solidarités et des familles, à la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et à la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Elle comprend ([1]) :

– le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes ;

– le programme 157 Handicap et dépendance ;

– le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes ;

– le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales.

● Les crédits demandés pour la mission connaissent une hausse modérée par rapport à la loi de finances pour 2023. En effet, les AE augmentent de 4,66 %, tandis que les CP évoluent de 4,64 %.

Les crÉdits de la mission SolidaritÉ, insertion et ÉgalitÉ des chances

(en euros)

 

AE

CP

 

Ouverts en LFI 2023

Demandés en 2024

Variation 2024/2023

Ouverts en LFI 2023

Demandés en 2024

Variation 2024/2023

Programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes

13 987 377 235

14 034 617 889

0,34 %

13 987 377 235

14 035 779 223

0,35 %

Programme 157 Handicap et dépendance

14 085 171 428

15 381 767 027

9,21 %

14 086 467 878

15 381 767 027

9,20 %

Programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes

62 157 966

76 008 682

22,28 %

65 378 788

76 008 682

16,26 %

Programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1 243 799 092

1 255 086 137

0,91 %

1 338 493 140

1 351 814 934

1,00 %

Total des crédits de la mission

29 378 505 721

30 747 479 735

4,66 %

29 477 717 041

30 845 369 866

4,64 %

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Les deux dispositifs qui concentrent l’essentiel des dépenses de la mission sont l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et les autres aides en faveur des personnes handicapées d’une part, avec 15,3 milliards d’euros prévus en AE et en CP (+ 9,6 % par rapport à 2023), et la prime d’activité d’autre part, avec 12,4 milliards d’euros prévus en AE et en CP (+ 0,54 % par rapport à 2023 mais après une augmentation de + 10,3 % par rapport à 2022). Ils représentent à eux seuls 90,37 % des crédits de la mission.


I.   les crÉdits du programme 304 inclusion sociale et protection des personnes sont stables par rapport À la loi de finances pour 2023

A.   PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2024

Les crÉdits du programme 304

(en euros)

Programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes

Ouverts en LFI 2023 (CP)

Demandés pour 2024 (CP)

Variation PLF 2024/
LFI 2023

Action 11 Prime d’activité et autres dispositifs

12 404 164 245

12 470 988 559

0,54 %

Action 13 Ingénierie, outils de la gouvernance et expérimentations

8 874 026

18 400 635

107,35 %

Action 14 Aide alimentaire

118 095 855

142 525 485

20,69 %

Action 15 Qualification en travail social

5 448 347

7 148 347

31,20 %

Action 16 Protection juridique des majeurs

825 613 914

857 563 727

3,87 %

Action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables

331 287 954

311 767 915

– 5,89 %

Action 18 Aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS)

948 834

674 555

– 28,91 %

Action 19 Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes

256 944 060

 

 

Action 21 Allocations et dépenses d’aide sociale

36 000 000

36 000 000

0,00 %

Action 23 Pacte des Solidarités

 

190 710 000

 

Total des crédits du programme 304

13 987 377 235

14 035 779 223

0,35 %

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2024.

● Après une hausse conséquente de 10,1 % en 2023, le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes voit ses crédits reconduits en 2024.

Le programme finance la prime d’activité, les dispositifs d’aide alimentaire, de protection juridique des majeurs ainsi que les actions de protection et d’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Par ailleurs, le programme porte l’essentiel des moyens alloués au Pacte des solidarités qui prend la suite, à compter du 1er janvier 2024, de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

● Ce programme a pleinement joué son rôle d’amortisseur de la crise sanitaire et sociale ainsi que de la période d’inflation importante qui l’a suivie, notamment en ayant financé des aides exceptionnelles pour les plus démunis – aides exceptionnelles de solidarité, chèques alimentaires, maintien des jeunes majeurs dans le dispositif d’aide sociale à l’enfance, etc.

B.   UNe reconduction des crÉdits consacrÉs À la prime d’activitÉ et aux autres dispositifs de soutien aux personnes À faibles revenus

● Instituée par la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative au dialogue social, la prime d’activité a remplacé, depuis le 1er janvier 2016, la prime pour l’emploi et le volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA). Afin d’encourager l’exercice ou la reprise d’une activité professionnelle, la prime d’activité est un complément de revenu mensuel versé, sous conditions de ressources, aux travailleurs majeurs aux revenus modestes, salariés ou non‑salariés. Par dérogation, elle est également accordée aux élèves, aux étudiants et aux apprentis qui perçoivent des revenus supérieurs à 0,78 Smic net.

En 2022, le nombre d’allocataires de la prime d’activité a nettement augmenté pour s’établir, selon les données définitives de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques des ministères sociaux (Drees), à 4,79 millions de foyers, soit une augmentation de 3,7 % en un an. Cette hausse s’explique en partie par les deux revalorisations successives en 2022 du barème de la prime d’activité : la première au 1er avril 2022 (+ 1,8 %) pour tenir compte de l’inflation de l’année précédente et la seconde au 1er juillet 2022 (+ 4,0 %) qui a porté, en application de l’article 9 de la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, à 586,75 euros le montant de la prime d’activité pour une personne seule et sans enfant à charge.

Selon les dernières données anticipées de la Drees, le nombre d’allocataires de la prime d’activité s’élèverait à 4,74 millions à fin juin 2023, en léger recul par rapport à décembre 2022, notamment en raison d’une stabilisation du chômage.

La dépense de prime d’activité pour l’année 2024 est estimée à 10,46 milliards d’euros. Elle repose sur une hypothèse fondée sur des effectifs qui atteindraient, en moyenne annuelle, 4,57 millions de foyers et tient compte de la revalorisation légale au 1er avril 2024 établie au regard des dernières hypothèses d’inflation.

● L’action 11 finance également :

– les aides exceptionnelles de fin d’année dites « prime de Noël », pour un montant de 448,1 millions d’euros ;

– le RSA jeunes, ouvert depuis 2010 aux jeunes âgés de moins de 25 ans justifiant de deux ans d’activité en équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande, pour un montant de 2,7 millions d’euros ;

– le RSA recentralisé pour les départements de Guyane, de Mayotte, de La Réunion, de la Seine‑Saint‑Denis, des Pyrénées‑Orientales et, depuis le 1er janvier 2023, de l’Ariège, pour un montant de 1,55 milliard d’euros.

● Les crédits de l’action 11 s’élèvent ainsi à 12,46 milliards d’euros en AE et à 12,47 milliards d’euros en CP.

C.   Une hausse significative des crÉdits de l’action 13

L’action 13 Ingénierie, outils de la gouvernance et expérimentations soutient les pratiques innovantes portées soit par le secteur social, soit par des services déconcentrés œuvrant dans le champ de la lutte contre la pauvreté. Pour 2024, les crédits demandés s’élèvent en AE et en CP à 18,4 millions d’euros, soit un doublement des crédits par rapport à 2023.

Outre les mesures pour lutter contre la précarité menstruelle ([2]), cette action finance, à hauteur de 9,2 millions d’euros, le dispositif de point conseil budget ainsi que l’expérimentation du dispositif « aide budget », mise en place en 2023 pour prévenir le surendettement et la précarité financière des ménages. Ces deux dispositifs étaient auparavant financés par les crédits de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté sur l’action 19.

D.   Dans un contexte inflationniste, une poursuite de l’action contre la prÉcaritÉ alimentaire

Avec le budget 2024, le Gouvernement poursuit son engagement en matière de lutte contre la précarité alimentaire et d’accès à tous à une alimentation saine. Après un effort exceptionnel en 2023 avec une augmentation de 106,7 % des crédits, le budget dédié à l’aide alimentaire est à nouveau en hausse de 20,69 % avec 142,5 millions d’euros en AE et en CP.

● Afin de mettre à disposition des personnes les plus démunies des produits alimentaires de qualité, l’action 14 supporte, pour un montant total de 33,4 millions d’euros, l’aide alimentaire nationale et déconcentrée ainsi que le financement des épiceries solidaires.

Outre ces crédits, le financement de l’aide alimentaire bénéficie de l’apport des crédits du Fonds social européen + (FSE+), lequel cofinance les marchés d’achat de denrées alimentaires passés par l’opérateur FranceAgrimer. En 2024, FranceAgrimer mobilisera 112,3 millions d’euros pour acheter des denrées alimentaires.

● En complément, le programme « Mieux manger pour tous », mis en place en 2023 dans le prolongement des travaux de la convention citoyenne pour le climat et de la loi « Egalim » ([3]), voit ses crédits portés à 70 millions d’euros, en augmentation de 10 millions par rapport à 2023.

E.   Une augmentation des crÉdits allouÉs au travail social

Pilier de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, la formation des travailleurs sociaux, qui interviennent auprès des personnes en situation de fragilité, doit sans cesse être adaptée pour garantir une adéquation de leurs pratiques professionnelles aux besoins des personnes accompagnées et pour tenir compte des évolutions des politiques sociales.

Afin de soutenir à la fois la formation initiale et la formation continue des travailleurs sociaux, notamment avec la mise en place d’un nouveau barème de remboursement des frais des membres des jury de validation des acquis de l’expérience ([4]), le projet de loi de finances pour 2024 augmente de 31,2 % les crédits de l’action 15, les portant ainsi à 7,15 millions d’euros.

F.   Une sensible hausse des crÉdits de l’action 16 relative À la protection juridique des majeurs

Prononcées par le juge des contentieux de la protection, les mesures de protection juridique des majeurs concernent les personnes qui ne sont pas en mesure de pourvoir à leurs intérêts en raison d’une altération de leurs facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté. La personne chargée d’exécuter la mesure de protection est prioritairement un proche ; à défaut, la prise en charge de la personne protégée peut être confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeures (MJPM).

Les crédits de l’action 16 concourent ainsi au financement des services mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des mandataires exerçant à titre individuel. Pour 2024, le montant total des crédits s’élève à 857,5 millions d’euros en AE et en CP, en hausse de 3,87 % par rapport à la loi de finances pour 2023.

G.   Une lÉgÈre diminution des crÉdits allouÉs À la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnÉrables

Les crédits alloués à la protection et à l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables financent diverses actions, notamment :

– la poursuite de la contractualisation avec les départements engagée dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance ;

– l’appui au dispositif d’accueil et d’évaluation des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) ;

– la subvention de fonctionnement du nouveau groupement d’intérêt public France enfance protégée (GIP FEP) ([5]), d’un montant de 5,3 millions d’euros ;

– les mesures liées aux 1 000 premiers jours de vie des enfants et au soutien de leurs parents, issues du rapport de la commission présidée par M. Boris Cyrulnik ;

– le plan de lutte contre les violences faites aux enfants 2024-2027, qui permettra à la fois d’assurer la continuité des démarches initiées dans le cadre du précédent plan mais également de poursuivre le déploiement d’actions nouvelles portant notamment sur le renforcement des données sur les maltraitances subies dans l’enfance ;

– l’appui aux conseils départementaux à la suite de l’obligation de prise en charge jusqu’à 21 ans des jeunes majeurs de l’aide sociale à l’enfance non autonomes, prévue par la loi n° 2022‑140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants ;

– la participation de l’État à la compensation partielle aux conseils départementaux de l’effet des revalorisations salariales dans les services de protection maternelle et infantile (PMI).

Ces crédits sont fixés à 311,7 millions d’euros en AE et en CP pour 2024, soit une légère régression de 5,89 % par rapport à 2023. Cette légère diminution est justifiée par une sous-consommation des crédits ouverts en 2023.

H.   Une stabilisation des crÉdits allouÉs À l’aide sociale

Depuis la loi de finances initiale pour 2022, le programme 304 compte une neuvième action Allocations et dépenses d’aide sociale. Cette action résulte du transfert des crédits du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables et finance des prestations d’aide sociale qui relèvent de la compétence résiduelle de l’État, notamment les aides à destination des personnes sans domicile fixe âgées ou en situation de handicap.

Après une revalorisation de 2 millions d’euros en 2023, les crédits de cette action sont reconduits pour 2024 (36 millions d’euros).

I.   Un accent fort mis sur Le Pacte des solidarités

Présenté par la Première ministre le 18 septembre dernier, le Pacte des solidarités succède à la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

● Le Pacte des solidarités se décline en vingt‑cinq mesures réunies en quatre axes prioritaires :

– prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l’enfance en s’appuyant notamment sur le service public de la petite enfance et en agissant aux âges clés pour prévenir les inégalités touchant les personnes précaires et modestes ;

– amplifier la politique d’accès à l’emploi pour tous ;

– lutter contre la grande exclusion en approfondissant la mise en place de la solidarité à la source et en déployant massivement les démarches d’aller vers ainsi que les accueils sociaux pour lutter contre le non‑recours ;

– construire une transition écologique solidaire en réduisant les dépenses contraintes des ménages en matière d’alimentation, d’énergie et de mobilité.

Financement interministériel du Pacte des solidarités

De la même manière que la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Pacte des solidarités incarne une approche interministérielle de la prévention et de la lutte contre la pauvreté. De ce fait, il mobilise des crédits de l’État sur plusieurs programmes budgétaires (1) ainsi que les crédits de la sécurité sociale.

Pour l’année 2024, le financement du Pacte des solidarités se déclinera de la manière suivante :

– l’axe 1 mobilisera 32 millions d’euros sur le programme 304 ainsi que des crédits relevant de la convention d’objectif globale de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et des crédits du Fonds d’intervention régional (FIR) ;

– l’axe 2 mobilisera principalement le programme 102 (Accès et retour à l’emploi), le programme 177 (Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables) et des crédits de la sécurité sociale ;

– l’axe 3 mobilisera plus de 21 millions d’euros sur le programme 304 ainsi que des crédits issus de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ;

– l’axe 4 mobilisera plus de 106 millions d’euros sur le programme 304.

(1) Outre les programmes 304, 157 et 124 de la présente mission, les mesures du Pacte des solidarités sont également financées par les programmes 102 et 103 de la mission Travail et emploi, par le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables et par le programme 174 Énergie, climat et aprèsmines.

● Les crédits du Pacte des solidarités sont inscrits dans une nouvelle action, l’action 23, qui remplace l’action 19 dédiée à la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. En 2024, ces crédits s’élèvent à 190,7 millions d’euros en AE et en CP et financent notamment :

– le fonds d’innovation pour la petite enfance (5 millions d’euros) ;

– la mise en place d’un plan pour la santé nutritionnelle des enfants et des jeunes pour favoriser l’accès à une alimentation de qualité et prévenir l’obésité (petits-déjeuners à l’école pour 17 millions d’euros et tarification sociale des cantines pour 36,5 millions d’euros) ;

– la création d’un pass’colo pour favoriser les départs en vacances des enfants avant leur rentrée au collège en colonie (10 millions d’euros) ;

– l’expérimentation « Territoires zéro non‑recours », avec vingt-huit territoires supplémentaires à compter du 1er janvier 2024, en sus des onze premiers dans lesquels l’expérimentation a commencé depuis le 1er juillet 2023 ([6]) et parmi lesquels figurent les territoires pilotes – Vénissieux, Bastia et le 10e arrondissement de Paris – qui ont engagé les premiers des projets pilotes de repérage, d’aller vers et d’accompagnement des personnes ;

– un plan d’action adapté aux spécificités de l’outre‑mer (3 millions d’euros) ;

– la contractualisation avec les départements (90 millions d’euros) et avec les métropoles (12,5 millions d’euros).

● À ces crédits, il convient d’ajouter les mesures de la lutte contre la précarité menstruelle (5,4 millions d’euros) ainsi que le programme « Mieux manger pour tous » (70 millions d’euros) financés par l’action 14. Au total, les crédits dévolus au Pacte des solidarités sur le programme 304 s’élèvent, pour l’année 2024, à 266,1 millions d’euros.

II.   Les crÉdits du programme 157 Handicap et dÉpendance connaissent À nouveau une augmentation significative

A.   PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2024

Les crÉdits du programme 157

(en euros)

Programme 157 Handicap et dépendance

Ouverts en LFI 2023 (CP)

Demandés pour 2024 (CP)

Variation PLF 2024/LFI 2023

Action 12 Allocations et aides en faveur des personnes handicapées

14 039 750 347

15 316 997 783

9,10 %

Action 13 Pilotage du programme et animation des politiques inclusives

46 717 531

64 769 244

38,64 %

Total des crédits du programme 157

14 086 467 878

15 381 767 027

9,20 %

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Le programme 157 Handicap et dépendance permet aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d’autonomie de choisir librement leur mode de vie en leur facilitant l’accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins. Le programme finance essentiellement l’AAH ainsi que les mécanismes d’accompagnement vers l’activité professionnelle (aide au poste versée aux établissements et services d’aide par le travail ; emploi accompagné). Des crédits sont également dédiés à la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes en situation de handicap.

La sixième Conférence nationale du handicap ([7]), qui s’est tenue le 26 avril 2023, a rappelé la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement pour construire une société plus inclusive et pour faciliter l’émancipation individuelle des personnes en situation de handicap. Le niveau des crédits inscrits pour 2024 sur le programme 157, en forte hausse par rapport à 2023 (+ 9,20 %) avec 15,38 milliards d’euros en AE et en CP, porte ainsi cette ambition forte d’accompagner 21 000 personnes vers l’emploi en milieu ordinaire grâce au dispositif emploi accompagné.

B.   Une politique volontariste en faveur des personnes en situation de handicap

Les crédits du programme 157 Handicap et dépendance contribuent très majoritairement au soutien du revenu des personnes en situation de handicap par le financement de l’AAH, qui représente 89 % des dépenses du programme, soit 13,7 milliards d’euros.

● La progression de plus de 51 % des crédits entre la loi de finances pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2024 (+ 4,6 milliards d’euros) découle principalement de l’augmentation des crédits afférents à l’AAH, qui a fait l’objet d’une revalorisation inédite depuis 2017. En effet, outre les revalorisations légales, l’AAH a fait l’objet successivement de plusieurs revalorisations exceptionnelles, notamment en 2022 avec la mesure de revalorisation anticipée de 4 % prévue par la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. La dernière revalorisation au 1er avril 2023 a ainsi permis d’atteindre une hausse notable de 5,6 % par rapport au montant applicable au 1er avril 2022 ([8]).

● En sus des mesures de simplification de l’AAH mises en œuvre précédemment (fusion des deux dispositifs complémentaires à l’AAH, le complément de ressources et la majoration pour la vie autonomie ; attribution sans limitation de durée de l’AAH aux personnes présentant un taux d’incapacité permanent égal ou supérieur à 80 %), l’article 10 de la loi n° 2022‑1158 précitée a acté la déconjugalisation de cette allocation. Depuis le 1er octobre 2023, les ressources du conjoint sont exclues de la base ressources utilisée pour le calcul de son montant. Ainsi 160 000 allocataires bénéficient-ils de cette réforme, dont 80 000 nouveaux entrants dans la prestation, pour un gain moyen de 300 euros par mois. Pour les personnes déjà bénéficiaires de cette prestation, leur AAH n’est déconjugalisée que si cette modalité de calcul les avantage. La déconjugalisation de l’AAH entraînera un surcoût de 500 millions d’euros par an, dont 90 millions au titre de la compensation des bénéficiaires de l’AAH qui seraient désavantagés par cette réforme.

C.   Le soutien À l’autonomie et À l’insertion dans l’emploi des personnes handicapÉes

● Afin de renforcer l’employabilité et l’insertion dans l’emploi des personnes en situation de handicap, le programme 157 finance deux dispositifs d’accompagnement vers l’activité professionnelle :

– l’aide au poste versée par l’État aux établissements et service d’aide par le travail (Esat) au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH) qui bénéficie à 120 000 travailleurs handicapés, à hauteur de 1,6 milliard d’euros ;

– les dispositifs d’emploi accompagnés pour les travailleurs en situation de handicap pour leur insertion en milieu ordinaire, à hauteur de 38,7 millions d’euros.

● Dans la continuité des deux dernières lois de finances pour 2022 et pour 2023, le projet de loi de finances pour 2024 poursuit son action d’accompagnement de l’évolution des Esat via l’extension des effets de l’annualisation de l’aide au poste et la poursuite des travaux liés à la refonte du système d’information des Esat.

Par ailleurs, dans le cadre de ce même plan de transformation des Esat mis en œuvre depuis 2021 pour encourager l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et accroître leurs droits, la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale permet, depuis le 1er janvier 2023, pour un travailleur handicapé de cumuler une activité en Esat et un contrat de travail à temps partiel en milieu ordinaire. L’activité en milieu ordinaire est d’ailleurs favorisée par une mesure d’incitation financière leur permettant de bénéficier, pour le calcul de l’AAH, d’un abattement de l’ensemble des revenus d’activité professionnelle. En outre, le travailleur handicapé qui quitte définitivement un Esat pour rejoindre le milieu ordinaire bénéficie d’un parcours renforcé en emploi. Cet accompagnement à caractère médico-social et professionnel, mené par un professionnel de l’Esat, permet à la fois de faciliter les évolutions professionnelles et de garantir au travailleur handicapé un droit au retour en Esat en cas de rupture de son contrat de travail.

Enfin, une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF) a été lancée pour évaluer les effets, aussi bien pour les personnes que pour les établissements, des mesures de transformation des Esat contenues dans le projet de loi pour le plein emploi.

● La majorité est, en outre, pleinement engagée pour favoriser le développement de l’emploi accompagné et faciliter les sorties complètes du milieu protégé. À cet égard, il a été annoncé, lors de la dernière Conférence nationale du handicap, que les travailleurs handicapés reprenant une activité en milieu ordinaire pourraient continuer à bénéficier de l’AAH au‑delà d’un contrat de travail à mi‑temps. Cette mesure est prise en compte dans l’enveloppe des crédits de l’AAH et représente pour l’année 2024 une augmentation de 13,4 millions d’euros et de 27,2 millions d’euros en année pleine.

En 2024, l’enveloppe dédiée à l’emploi accompagné bénéficie de crédits supplémentaires à hauteur de 14,9 millions d’euros (soit un budget total de 38,7 millions d’euros) notamment afin de poursuivre le déploiement des plateformes départementales d’emploi accompagné, en partenariat avec l’Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa) et le Collectif France emploi accompagné (CFEA).

D.   Une politique de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance

La politique de prévention et de lutte contre la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, du fait de leur âge ou de leur handicap, est également un élément constitutif du soutien à l’autonomie et de la protection des personnes dont l’État est garant. À ce titre et à la suite des états généraux des maltraitances lancés en mars 2023, une stratégie nationale de lutte contre les maltraitances doit être présentée prochainement par le Gouvernement.

Les crédits alloués à cette politique, qui s’élèvent à 2,1 millions d’euros en AE et en CP, financent le dispositif « 3977 », numéro national dédié aux victimes et aux témoins de maltraitances envers les personnes âgées et celles en situation de handicap. Ces financements favoriseront la montée en charge des centres de proximité du réseau « 3977 » au niveau déconcentré ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie de sensibilisation et de formation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance auprès des aidants et des professionnels.

III.   LeS CRÉdits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes sont en forte hausse

A.   PrÉsentation des crÉdits allouÉs au programme pour 2024

Les crÉdits du programme 137

(en euros)

Programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes

Ouverts en LFI pour 2023 (CP)

Demandés pour 2024 (CP)

Variation PLF 2024 / LFI 2023 (en %)

Action 23 Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes

1 534 357

884 357

– 42,36 %

Action 24 Accès aux droits et égalité professionnelle

25 439 272

24 019 421

– 5,58 %

Action 25 Prévention et lutte contre les violences et la prostitution

38 405 159

38 076 357

– 0,86 %

Action 26 Aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales

 

13 028 547

10 %

Total des crédits du programme 137

65 378 788

76 008 682

16,26 %

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2024.

● Le programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes impulse et coordonne, par effet de levier budgétaire, les actions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, à la promotion des droits ainsi qu’à la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes.

Présenté par la Première ministre en mars 2023, le plan interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023‑2027 réaffirme l’ambition du Gouvernement en matière de politique d’égalité entre les femmes et les hommes autour de trois axes d’intervention prioritaires :

– la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ;

– l’égalité professionnelle et l’autonomie des femmes ;

– l’accès aux droits, y compris dans le domaine de la santé, et la diffusion de la culture de l’égalité.

● Faisant suite à une hausse de plus 29 % en 2023, un nouvel effort budgétaire significatif est réalisé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. Ainsi, 13,8 millions d’euros supplémentaires en AE et 10,6 millions d’euros en CP – soit plus de 20 % de crédits supplémentaires par rapport à 2023 – seront mis en œuvre pour accentuer la lutte contre les violences faites aux femmes, notamment par le financement, via une nouvelle action, de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales.

B.   Une TRÈs lÉgÈre diminution des crÉdits affÉrents À L’accÈs aux droits et À l’ÉgalitÉ professionnelle

L’action 24 Accès aux droits et égalité professionnelle est dotée pour l’année 2024 d’une enveloppe d’un montant de 24,01 millions d’euros en AE et en CP. Cette action repose sur deux piliers que sont l’accès aux droits d’une part, et la mixité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’entrepreneuriat des femmes d’autre part.

● Les financements inscrits au titre de l’action 24 favorisent prioritairement les associations et les projets encourageant l’innovation, le renouvellement des pratiques et l’émergence des initiatives pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

En 2024, cette action poursuit l’ambition forte de consolider et de développer l’accès aux droits des femmes. Aussi, près de 8 millions d’euros seront dévolus aux centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), qui jouent un rôle majeur dans l’accès aux droits des femmes. À titre d’exemple, on dénombre, pour l’année 2022, 445 123 personnes, dont 296 890 femmes, qui ont été informées sur des questions ayant trait à l’accès aux droits, aux violences sexistes ou à l’emploi.

Par ailleurs, l’enveloppe dédiée aux espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) est stable pour la troisième année consécutive (4 millions d’euros en AE et en CP) afin de consolider ce dispositif, de renforcer son maillage territorial et de poursuivre le soutien de ses actions. Désormais, on compte 150 Evars agréés, auxquels s’ajoute une dizaine en cours de préfiguration sur le territoire métropolitain et ultramarin, qui contribuent ainsi à informer les femmes en matière de santé sexuelle et conduisent des entretiens préalablement à la mise en œuvre des interruptions volontaires de grossesse.

L’accès aux droits concerne également la participation des femmes à la vie sociale, sportive et culturelle. Une partie des crédits alloués aux subventions nationales sera notamment dédiée au financement d’actions ponctuelles et partenariales pour défendre la place des femmes et lutter contre les violences sexuelles et sexistes notamment, dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, dans les secteurs de la culture et du sport.

● L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la promotion de l’entreprenariat féminin constituent le second pilier de l’action 24 avec une enveloppe de 11,3 millions d’euros.

L’égalité professionnelle représente un enjeu social et économique majeur. La loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a permis la mise en place d’un index de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises. Depuis sa mise en place en 2019, les résultats de cet index sont en constante amélioration : la note des entreprises d’au moins cinquante salariés est en moyenne de 88/100 en 2023 (contre 86/100 en 2022 et 85/100 en 2021) ; celle des entreprises de plus de mille salariés est en moyenne de 89,7/100 (contre 82,9/100 en 2019). Bien que des progrès soient à noter, la marge de progression des entreprises demeure importante : seules 2 % des entreprises enregistrent pour 2023 la note maximale de 100/100 et plus de 143 entreprises ont une note de 0/15 pour l’indicateur « augmentations au retour de congés maternité » et n’enregistrent aucun progrès depuis 2020. Il s’agira ainsi sur la période 2023‑2027 de continuer à mieux faire connaître cet index auprès des chefs d’entreprise, des responsables des ressources humaines et des salariés.

De plus, afin de favoriser la mixité des métiers et des orientations professionnelles, la dotation pour 2024 financera des actions concourant à la mixité des filières vers des secteurs d’avenir, comme les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, ou vers des secteurs marqués par une sous‑représentation des femmes.

Enfin, 2,6 millions d’euros en AE et en CP seront consacrés à l’accompagnement et à l’insertion professionnelle des femmes les plus éloignées de l’emploi. L’action contribuera ainsi à la pérennisation des dispositifs mis en place en 2022 tels que le renforcement des mesures d’insertion et d’égalité économique et professionnelle via les bureaux d’accompagnement individualisé vers l’emploi (BAIE) ou les services portés par les CIDFF. À fin 2023, sur les 98 CIDFF existants, 83 devraient être pourvus d’un BAIE ou d’un service emploi. L’objectif des prochaines années sera de doter l’ensemble des CIDFF existants, notamment les plus ruraux, d’un service leur permettant de recevoir et de proposer un accompagnement individuel ou collectif aux femmes les plus vulnérables et les plus éloignées de l’emploi.

C.   Des moyens croissants pour La PrÉvention et la lutte contre les violences faites aux femmes

● Depuis le précédent quinquennat, la lutte contre les violences faites aux femmes constitue une priorité nationale. L’action 25 est la traduction budgétaire de ces engagements et contribue à la prévention des violences ainsi qu’à la prise en charge des femmes qui en sont victimes dans la sphère privée ou publique. Elle est complétée dans le projet de loi de finances pour 2024 par une nouvelle action 26 Aide universelle d’urgence pour les personnes victimes de violences conjugales, qui porte le financement d’un nouveau dispositif de prise en charge des femmes victimes de violences.

Ainsi, ce sont bien 51 millions en AE et en CP qui seront consacrés à ces deux actions, soit 13 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2023.

● Le soutien financier dédié à la montée en charge des mesures de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes augmente de 0,8 million d’euros en 2024, pérennisant ainsi la forte augmentation de 2023. Plusieurs dispositifs bénéficient de cet abondement financier :

– le soutien aux dispositifs d’accueil et d’aide à la mobilité pour mettre en sécurité les victimes ;

– le renforcement et l’évolution structurelle et organisationnelle du réseau des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation (Leao) et des accueils de jour ;

– la consolidation de la plateforme téléphonique 3919 d’écoute, d’information et d’orientation à destination des victimes de violences, notamment dans les territoires ultramarins : sur le premier semestre 2023, 48 874 appels téléphoniques ont été pris en charge sur 57 479 appels traitables, soit un taux de réponse de 85 % (contre 75,8 % en 2022 et 61,9 % en 2021) ; le nombre d’appels provenant des territoires ultramarins, bien qu’en hausse depuis l’ouverture du service vingt‑quatre heures sur vingt‑quatre, reste faible avec seulement 1 474 appels provenant des Drom en 2022 ;

– la poursuite d’actions ciblées complémentaires sur les violences sexistes et sexuelles au travail.

● En matière de lutte contre la prostitution et de soutien aux parcours de sortie, 1,8 million d’euros sera consacré au financement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle (Afis) ([9]), soit 0,2 million d’euros supplémentaires par rapport à 2023, afin de répondre à l’augmentation du nombre de personnes accompagnées. En 2022, 534 personnes ont reçu au moins un paiement de cette allocation au cours de l’année, contre 321 personnes en 2020 et 456 en 2021, pour un coût annuel total de 1,4 million d’euros.

● Le programme 137 finance également le « pack nouveau départ », dont la nouvelle aide universelle d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales constitue l’une des briques.

Le « pack nouveau départ »

Annoncé par la Première ministre le 2 septembre 2022, le « pack nouveau départ » a un double objectif de levée des freins au départ du foyer des victimes de violences conjugales et de sécurisation de leur parcours de sortie des violences. À cet effet, ce nouveau dispositif organise sur les territoires une prise en charge rapide et coordonnée des victimes de violences conjugales et propose un accompagnement personnalisé à même de répondre au mieux à l’ensemble des besoins de la victime en fonction de sa situation (ouverture accélérée de droits sociaux, hébergement, soutien psychologique, réinsertion sociale et professionnelle, etc.).

Après une première phase de cadrage de novembre 2022 à mars 2023, puis une phase de construction des processus et des outils de mars à juillet 2023 dans le département du Val‑d’Oise, une expérimentation est menée pour une durée d’un an dans ce territoire pilote. Une expérimentation sera également lancée dans quatre autres territoires, la Côte‑d’Or, La Réunion, les Bouches‑du‑Rhône et le Lot‑et‑Garonne, à compter de décembre 2023. Une évaluation de ce dispositif sera conduite en 2024, avant une éventuelle généralisation progressive sur le territoire national à compter de 2025.

Créée par la loi n° 2023‑140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales est destinée aux personnes victimes de violences commises par leur conjoint et a pour objectif de lever les freins financiers auxquels peuvent être confrontées les victimes pour quitter leur conjoint violent. Ce dispositif entrera en vigueur le 1er décembre 2023.

Cette aide, dont le versement doit intervenir dans un délai de trois à cinq jours ouvrés, peut prendre la forme d’un prêt sans intérêt ou d’une aide non remboursable, selon la situation financière et sociale de la personne ainsi que le nombre d’enfants à charge. L’auteur de violences pourra être amené par la suite à rembourser le prêt dans le cadre d’une peine complémentaire.

IV.   une pÉrENnisation des moyens DU programme 124 conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales retrace les moyens d’appui et de soutien aux services mettant en œuvre ces politiques publiques. Il porte également la subvention pour charges de service public versée aux dix‑huit agences régionales de santé.

Il centralise l’ensemble des emplois du ministère des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ainsi que du ministère de la santé et de la prévention, que ce soit au niveau central ou au niveau déconcentré au sein du réseau des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Il regroupe également les moyens de fonctionnement et de soutien aux politiques publiques des administrations centrales et des cabinets des ministres chargés des affaires sociales et de la santé.

En 2023, le programme 124 est doté de 1,35 milliard d’euros, en augmentation de 1 % par rapport à 2023.

Les crÉdits du programme 124

(en euros)

Programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

Ouverts en LFI pour 2023 (CP)

Demandés pour 2024 (CP)

Variation PLF 2024 / LFI 2023 (en %)

Action 10 Fonctionnement des services

17 650 728

14 566 060

– 17,48 %

Action 11 Systèmes d’information

64 618 379

64 188 235

– 0,67 %

Action 12 Affaires immobilières

95 753 646

101 240 526

5,73 %

Action 14 Communication

9 835 098

12 585 444

27,96 %

Action 15 Affaires européennes et internationales

3 889 956

3 889 956

0,00 %

Action 16 Statistiques, études et recherche

11 241 480

11 241 480

0,00 %

Action 17 Financement des agences régionales de santé

624 156 446

630 220 316

0,97 %

Action 18 Personnels mettant en œuvre les politiques sociales et de la santé

269 880 512

286 668 854

6,22 %

Action 20 Personnels mettant en œuvre les politiques pour les droits des femmes

14 051 355

14 760 870

5,05 %

Action 21 Personnels mettant en œuvre les politiques de la ville, du logement et de l’hébergement

56 123 479

52 578 231

– 6,32 %

Action 22 Personnels transversaux et de soutien

82 866 339

94 028 242

13,47 %

Action 23 Politique des ressources humaines

26 888 722

26 883 720

– 0,02 %

Action 26 Formation à des métiers de la santé et du soin

61 537 000

38 963 000

– 36,68 %

Total des crédits du programme 124

1 338 493 140

1 351 814 934

1,00 %

Source : projet annuel de performances de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances annexé au projet de loi de finances pour 2023.

Pour la quatrième année consécutive, le schéma d’emplois de la mission sera positif avec une augmentation de 41 équivalents temps plein travaillé (ETPT), portant le nombre d’ETPT à 5 040.

Les orientations pour 2024 consolident également les moyens des agences régionales de santé avec une hausse de 44 ETP afin de leur permettre de renforcer leurs missions de contrôle dans le champ du handicap et dans le cadre de la préparation de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.


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   SECONDE partie
ANALYSE THÉMATIQUE : l’Évaluation de la StratÉgie nationale de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ

  1.   En dÉpit d’une ambition forte, la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ n’est pas parvenue à endiguer la pauvretÉ

A.   La Stratégie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a eu pour double ambition d’Éviter la reproduction sociale de la pauvretÉ et de favoriser l’insertion par l’emploi

1.   La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a porté une ambition forte de prévention et de lutte contre la pauvreté

● Présentée par le Président de la République Emmanuel Macron le 13 septembre 2018, la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a succédé au plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale qui a été mis en œuvre de 2013 à 2017. La Stratégie, dont le sous‑titre est « Investir dans les solidarités pour l’émancipation de tous », a illustré une volonté forte de la part du Gouvernement de conduire deux ambitions majeures d’investissement social : prévenir la reproduction de la pauvreté en agissant dès le plus jeune âge et sortir de la pauvreté par l’emploi.

Alliant une logique préventive et une logique curative, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a compté trente‑cinq mesures ([10]) regroupées autour de cinq engagements :

– l’égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ;

– garantir au quotidien les droits fondamentaux des enfants ;

– un parcours de formation garanti pour tous les jeunes ;

– des droits sociaux plus accessibles, plus équitables et plus incitatifs à l’activité ;

– investir pour l’accompagnement de tous vers l’emploi.

● Cette double ambition s’est matérialisée par des moyens financiers importants. Initialement fixé en 2018 à 8,5 milliards d’euros, le budget de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté s’est élevé à 13,5 milliards d’euros sur quatre ans ([11]). Avec près de 73 % du budget global (soit 9 562 millions d’euros), l’accès aux droits sociaux est apparu comme l’engagement majeur de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, notamment en raison de la revalorisation de la prime d’activité. Les objectifs d’égalité des chances et de garantie des droits fondamentaux des enfants, avec un budget respectivement de 1 239 et de 146 millions d’euros, ont été complétés par les fonds dédiés à la Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. L’enveloppe consacrée aux objectifs d’accompagnement pour tous vers l’emploi et de formation des jeunes a été, en outre, complétée par les mesures du plan d’investissement dans les compétences dédiées aux jeunes décrocheurs à hauteur de 6,7 milliards d’euros ([12]).

● La question de la pauvreté étant transversale, les trente‑cinq mesures de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ont été financées par plusieurs programmes portés par divers ministères et directions d’administration centrale ([13]) et notamment, s’agissant de la présente mission, par les actions 11 et 19 du programme 304 qui ont financé, pour la première, la revalorisation de la prime d’activité et, pour la seconde, diverses mesures de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

De 2019 à 2023, les crédits de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté portés par l’action 19 se sont élevés à 1,19 milliard d’euros, dont deux tiers ont été dédiés à la contractualisation avec les collectivités territoriales. Le tableau ci‑dessous retrace la répartition des crédits de l’action 19 sur la période de 2018 à 2023 ([14]) :

(en euros)

Mesures de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté financées par l’action 19

Crédits de 2018 à 2023

Contractualisation avec les collectivités territoriales

838 078 102

70 %

Tarification sociale des cantines

81 191 696

7 %

Animation territoriale et crédits des commissaires

56 453 724

5 %

Petits déjeuners à l’école

41 600 000

3 %

Points conseil budget

32 727 340

3 %

Domiciliation

32 283 519

3 %

Divers – Subventions et achats

30 832 317

3 %

Plan de formation des professionnels de la petite enfance

23 769 753
pour le volet national 18 724 944 pour le volet territorial

4 %

Fonds innovation petite enfance

10 912 551

1 %

Autres

26 648 340

2 %

Total

1 193 222 284

100 %

Source : direction générale de la cohésion sociale.

2.   Cette ambition s’est matérialisée par l’engagement d’une politique de sortie de la pauvreté par le travail

Plus qu’une volonté de revaloriser les allocations, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté s’est distinguée des précédents plans de lutte contre la pauvreté par l’engagement clair de mettre en place une politique de sortie de la pauvreté par l’emploi, soit en adoptant, soit en amplifiant un certain nombre de mesures en faveur de l’emploi des plus précaires.

● Cette politique a notamment été mise en œuvre par la contractualisation avec les départements, laquelle comportait une mesure obligatoire sur l’insertion professionnelle des allocataires du RSA. Le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA (BRSA) s’est matérialisé par trois objectifs contractuels :

– l’orientation de tout nouveau BRSA dans un délai de trente jours à compter de la date de notification de l’ouverture de leurs droits ;

– le premier rendez‑vous d’accompagnement fixé dans un délai de deux semaines à compter de la notification de l’orientation ;

– la signature d’un contrat d’engagement réciproque pour tous les BRSA dans le mois qui suit leur orientation, soit dans les deux mois qui suivent leur entrée dans le RSA.

● Outre l’accompagnement des BRSA, la garantie d’activité a également constitué une mesure socle de la contractualisation avec les départements. Offre de service d’accompagnement, la garantie d’activité est un dispositif qui comprend :

– d’une part, un accompagnement global porté par Pôle emploi et par les conseils départementaux ;

– d’autre part, la garantie d’activité départementale (GAD) avec la mise en place des référents uniques assurant un accompagnement renforcé à la fois social et professionnel.

Ces deux actions ont pour finalité de traiter de manière simultanée et articulée les difficultés sociales et professionnelles des BRSA en proposant un diagnostic personnalisé et un accompagnement intensif.

● Ces mesures d’accompagnement des BRSA se sont inscrites dans une démarche plus large de mise en œuvre d’un service public de l’insertion et de l’emploi (SPIE), mesure phare de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Après une expérimentation lancée en 2020 dans quatorze territoires, le SPIE couvre à présent soixante-dix-neuf territoires et cible diverses mesures à destination des publics rencontrant des difficultés sociales et professionnelles pour s’insérer sur le marché du travail (notamment les BRSA, les chômeurs de longue durée ou les personnes en situation de handicap).

Ayant pour finalité de rapprocher les politiques d’insertion sociale et professionnelle, le SPIE poursuit les objectifs suivants : simplifier les démarches, mieux coordonner les acteurs, proposer des parcours favorisant le retour à l’emploi tout en levant les difficultés rencontrées pour s’insérer dans le monde du travail (mode de garde, mobilité, logement, santé, illettrisme) ainsi que garantir un parcours suivi et sans rupture.

Afin d’améliorer l’interconnaissance des acteurs de l’insertion et l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi sans pour autant multiplier les démarches, le SPIE s’articule autour de trois points :

– une logique pour coordonner et simplifier les démarches : les projets du SPIE ont reposé sur de larges groupements d’acteurs : en plus du conseil départemental, de Pôle emploi et des services déconcentrés de l’État, ont pu être associés les caisses d’allocations familiales, les centres communaux d’action sociale, les conseils régionaux, les missions locales, Cap emploi, les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, des associations du champ social, des représentants de l’entreprise ou de l’insertion par l’activité économique et, enfin, des acteurs de la santé, du logement ou encore de la garde d’enfants ;

– une volonté conjointe d’agir avec la mise en œuvre d’un diagnostic social et professionnel personnalisé et d’un dossier unique d’insertion ;

– la désignation d’un chef de projet pour assurer l’animation locale du SPIE.

Le SPIE dans la région Bretagne

En Bretagne, le SPIE est porté par un consortium composé des quatre départements bretons, de la région Bretagne, des métropoles de Brest et de Rennes et de Pôle emploi Bretagne, en partenariat avec l’Union régionale des missions locales, la Dreets Bretagne et les DDETS des quatre départements. Le SPIE s’est adressé tout d’abord aux allocations du RSA ainsi qu’aux jeunes accompagnés par les missions et, par extension aux publics rencontrant des difficultés d’insertion.

Le SPIE Bretagne a visé trois objectifs :

– renforcer la coopération des acteurs concernés par la mise en œuvre des politiques publiques d’insertion, de formation et de développement économique à l’échelle du territoire breton ;

– définir un parcours cible pour les publics en insertion ;

– co-élaborer une offre de service « Formation‑insertion‑emploi ».

● Ces diverses mesures d’accompagnement vers l’emploi mises en œuvre dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ont ainsi préfiguré l’expérimentation de France Travail mise en œuvre depuis le printemps 2023 dans le contexte des travaux préparatoires du projet de loi pour le plein emploi dont votre rapporteure a également été rapporteure.

B.   La mise en œuvre de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a reposÉ sur une gouvernance nouvelle associant pilotage interministÉriel et dÉclinaison dans les territoires

1.   L’élaboration et le pilotage de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ont été confiés à des délégués interministériels relayés dans les territoires par des commissaires à la lutte contre la pauvreté auprès des préfets de région

Afin de mettre en place « une gouvernance des politiques de solidarités refondée » ([15]), le Gouvernement a fait le choix de créer, au niveau national, une délégation interministérielle placée auprès du ministre des solidarités, la Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté (DIPLP) ([16]), et, au niveau territorial, un réseau de commissaires de lutte contre la pauvreté.

● Créée par le décret n° 2017‑1488 du 23 octobre 2017, la DIPLP a été chargée d’assurer d’une part, la préparation de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté en organisant la concertation avec les principaux acteurs du champ de la prévention et de la lutte contre la pauvreté et en coordonnant au niveau interministériel les travaux de préparation de la Stratégie et d’autre part, le suivi de sa mise en œuvre. À cette fin, le délégué interministériel peut solliciter les services des ministères concernés, notamment ceux en charge des solidarités, de la santé, du travail, de l’éducation nationale, de l’économie sociale et solidaire, du logement, de la politique de la ville et du budget, les corps d’inspection ainsi que le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

● Outre ses fonctions de pilotage de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, la DIPLP est également chargée de coordonner l’action des commissaires à la lutte contre la pauvreté qui ont été nommés à partir de septembre 2019. Placés sous l’autorité des préfets de région et membres du comité régional de l’administration, les commissaires assurent « la coordination régionale et le pilotage interministériel de la politique de prévention et de lutte contre la pauvreté, en mobilisant l’ensemble des administrations concernées par les politiques publiques qui y concourent » ([17]). Dans les territoires ultramarins, cette fonction est portée par les sous‑préfets délégués à la cohésion sociale et à la jeunesse en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane et à La Réunion et par le secrétaire général adjoint de la préfecture à Mayotte.

Interlocuteurs privilégiés des différents acteurs engagés territorialement (collectivités territoriales, services déconcentrés, organismes de sécurité sociale et associations), les commissaires ont notamment été en charge :

– de la finalisation et de la mise en œuvre des feuilles de route issues des conférences régionales et des groupes de travail régionaux ;

– du suivi de la contractualisation avec l’ensemble des collectivités territoriales ;

– du suivi de la mise en œuvre des mesures de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ;

– du soutien aux initiatives et aux expérimentations locales ;

– de la concertation relative au revenu universel d’activité – mesure qui a été par la suite abandonnée – ainsi que de l’élaboration du SPIE.

Afin de soutenir les initiatives locales et les expérimentations spécifiques aux besoins des territoires, les commissaires disposaient de crédits dédiés, les enveloppes d’alliances locales des solidarités. Ces enveloppes, qui pouvaient par la suite être abondées par des crédits supplémentaires issus de la réfaction des crédits non consommés dans le cadre de la contractualisation avec les départements, ont été croissantes tout au long de la mise en œuvre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté avec 4 millions d’euros en 2019, 23 millions en 2020, 30 millions en 2021 et, enfin, 48 millions en 2022. Ainsi, ce sont 3 344 projets d’innovation sociale qui ont pu être soutenus par les commissaires à la lutte contre la pauvreté entre 2019 et 2022. Votre rapporteure tient tout particulièrement à saluer l’action en proximité des commissaires qui a permis à autant d’acteurs de mener des projets innovants et adaptés aux besoins des territoires.

● Toutefois, si le choix d’une gouvernance interministérielle a été salué par tous les acteurs, y compris ceux associatifs, le manque de moyens attribués à la DIPLP et aux commissaires de lutte contre la pauvreté a été relevé. En effet, les commissaires n’ont pas d’équipe dédiée et ont dû s’appuyer pour l’exercice de leurs missions sur des stagiaires, des chargés de mission partagés au sein de la préfecture de région et sur un réseau de correspondants, notamment au sein des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), placées respectivement sous l’autorité du préfet de département et du préfet de région ([18]).

Quant à la DIPLP, votre rapporteure regrette qu’un portage politique avec un ministre dédié aux solidarités ait été interrompu entre 2020 et 2022, ce qui a pu complexifier la gouvernance interministérielle de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

2.   Le déploiement de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté s’est appuyé sur une contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales

● Outre la présence des commissaires dans les territoires, la mise en œuvre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a reposé sur un processus ambitieux de contractualisation avec les collectivités territoriales. En effet, la contractualisation est apparue, dès la préparation de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, comme un vecteur pour « inciter activement les collectivités à contribuer à un effort coordonné, lisible et évaluable de prévention et de lutte contre la pauvreté et [...] un instrument idoine alliant stratégie nationale globale et action départementale locale » ([19]). Associant exigence d’équité territoriale et principe de libre administration des collectivités territoriales, cette gouvernance contractuelle a notamment permis à l’État d’avoir un droit de regard sur la mise en œuvre par les collectivités de compétences décentralisées dans le champ social, en contrepartie d’un soutien financier.

En cumul en 2019, puis en remplacement à partir de 2020 des conventions d’appui aux politiques d’insertion, conclues au titre du fonds d’appui aux politiques d’insertion créé par la loi de finances pour 2017, les conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi (Calpae) ont d’abord été conclues avec les départements, puis ont été étendues aux métropoles et aux régions. Au total, 99 départements ([20]), l’ensemble des 22 métropoles et 5 régions ont signé une Calpae.

● D’un point de vue opérationnel, le pilotage des Calpae a été effectué de la manière suivante :

– à l’échelon national, une instruction signée conjointement par le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté et par le directeur général de la cohésion sociale le 4 février 2019 a précisé les conditions d’élaboration des Calpae, les critères de répartition des crédits ainsi que les modalités de suivi et d’évaluation des conventions ([21]) ; des circulaires annuelles de mise en œuvre de la contractualisation et les instructions, élaborées par la DIPLP, par la direction générale de la cohésion sociale et par la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, ont précisé pour chaque année les attendus prioritaires des mesures contractualisées et le cadre d’évaluation des mesures réalisées l’année précédente ([22]) ;

– à l’échelon territorial, la coordination et le suivi des Calpae ont été assurés par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, les Dreets et les DDETS.

● Concernant les mesures mises en œuvre dans le cadre de la contractualisation, les Calpae signées avec les départements ont été conçues autour d’objectifs socles d’une part, et d’actions d’initiative locale d’autre part.

Les objectifs socles couvrent diverses thématiques comme l’insertion (avec l’accompagnement des BRSA et la garantie d’activité), la prévention contre les sorties « sèches » du dispositif d’aide sociale à l’enfance, l’accès aux droits (avec la mise en place des points d’accueil social inconditionnel de proximité et des référents parcours ainsi que la formation des travailleurs sociaux) ainsi que la lutte contre la grande précarité des enfants avec les maraudes mixtes État et départements.

Quant aux actions d’initiative locale, le bilan établi par l’Igas en 2021 ([23]) estimait que 50 % des actions d’initiatives locales concernaient l’insertion sociale et professionnelle, 20 % la petite enfance et la famille, les autres thématiques (hébergement et logement, santé, réussite scolaire et accès aux droits) représentant chacune 5 %.

● Dans son rapport d’étape de 2021 ([24]), la DIPLP indiquait que la contractualisation était dotée d’un budget dédié de plus de 730 millions d’euros sur quatre ans, imputé sur l’action 19 du programme 304 de la présente mission et correspondant à 8,5 % du budget global de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. L’exécution des Calpae montre ainsi que l’État a engagé les montants suivants :

– pour les conventions avec les départements : 131 millions d’euros en 2019, 159 millions d’euros pour 2020, 192 millions d’euros en 2021 et 212 millions d’euros en 2022 ;

– pour les conventions avec les métropoles : 10 millions d’euros par an de 2020 à 2022 ;

– pour les conventions avec les régions : 2 millions d’euros par an de 2020 à 2022, les conventions avec les régions n’ayant pas renouvelées en 2023.

Les Calpae départementales et métropolitaines ayant été prolongées en 2023, ce sont au total 838 millions d’euros qui ont été dévolus à la contractualisation avec les collectivités territoriales.

C.   Quatre annÉes aprÈs sa mise en œuvre, la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ n’a pas permis une diminution de la pauvretÉ

1.   Le taux de pauvreté est resté globalement stable depuis 2018

● Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le taux de pauvreté monétaire en France métropolitaine a légèrement baissé de 0,2 point entre 2018 et 2020 ([25]), stagnant au même niveau que celui de 2019 à 14,6 %.

Ainsi, en 2019, 9,2 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du niveau de vie médian, soit 1 102 euros par mois pour une personne seule. Parmi elles, 5,215 millions de personnes, correspondant à 8,2 % de la population, vivaient sous le seuil de pauvreté monétaire à 50 %, soit avec moins de 918 euros par mois pour une personne seule. Selon la Drees, presque la moitié de ces personnes pauvres sont âgées de moins de 30 ans et la moitié sont des femmes.

ÉVOLUTION DE LA PAUVRETÉ MONÉTAIRE

 

2018

2019

2020 ([26])

Au seuil de 60 % du niveau de vie médian

Nombre de personnes pauvres

(en millions)

9,32

(14,8 %)

9,24

(14,6 %)

8,88

(13,9 %)

Seuil de pauvreté mensuel

(en euros courants)

1 063

1 102

1 128

Au seuil de 50 % du niveau de vie médian

Nombre de personnes pauvres

(en millions)

5,26

(8,3 %)

5,21

(8,2 %)

4 82

(7,6 %)

Seuil de pauvreté mensuel

(en euros courants)

885

918

940

Source : commission des affaires sociales sur la base des données publiées par l’Insee.

Cette stabilisation du taux de pauvreté monétaire s’explique par deux facteurs : la revalorisation de la prime d’activité de 2019 et les mesures d’urgence qui ont été prises pendant la crise sanitaire de 2020.

● Versée sous conditions de ressources aux foyers dont au moins une personne travaille, la prime d’activité soutient le pouvoir d’achat des travailleurs modestes. Dans le cadre des mesures d’urgence économique et sociale faisant suite au mouvement des « gilets jaunes », la partie individualisée de la prime d’activité, versée pour chaque membre du foyer percevant plus de la moitié d’un Smic par mois, a été fortement revalorisée en janvier 2019. : son montant maximal, atteint au niveau du Smic, est ainsi passé de 70 à 160 euros, soit une hausse de 90 euros.

En comparant le niveau de vie des ménages en 2019 à ce qu’il aurait été la même année en l’absence d’une revalorisation, l’Insee ([27]) et la Drees ([28]) ont estimé que cette mesure aurait permis de réduire le taux de pauvreté de 0,7 point selon l’Insee et de 0,6 point selon la Drees. Cette diminution serait d’ailleurs plus importante pour les familles avec enfants, tout particulièrement les familles monoparentales, avec une réduction du taux de pauvreté supérieure à 1 point.

Les effets de la revalorisation de la prime d’activité sur le montant des droits perçus et sur son éligibilité

Dans une étude publiée en mars 2022 (1), la Drees souligne que cette réforme a eu pour conséquence :

– d’une part, d’augmenter le montant de la prestation pour les foyers déjà éligibles avant la revalorisation : depuis 2019, une personne seule, sans enfant à charge, peut ainsi percevoir la prime d’activité dès lors que son salaire ne dépasse pas 1,5 Smic, contre 1,3 Smic avant la réforme ;

– d’autre part, de rendre éligibles de nouveaux foyers aux ressources plus élevées : dès le mois de janvier 2019, 758 000 demandes de primes d’activité ont été reçues par les caisses d’allocation familiales, soit neuf fois plus qu’en janvier 2018.

Ainsi cette réforme a‑t‑elle conduit à une augmentation de 37 % du nombre de ménages bénéficiaires, passant ainsi de 3 millions de foyers bénéficiaires en décembre 2018 à 4,3 millions en décembre 2019, et à un gain moyen par ménage de 70 euros par mois. La hausse du nombre de bénéficiaires s’expliquerait pour 80 % par un élargissement à des ménages disposant de revenus plus élevés et pour 20 % par une hausse du recours à la prestation dans un contexte de forte médiatisation de la réforme.

(1) Drees, « La revalorisation du bonus individuel en 2019 a fortement élargi le champ des bénéficiaires de la prime d’activité », mars 2022.

Il apparaît ainsi clairement que la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, sous l’effet de la revalorisation de la prime d’activité, eu pour effet de diminuer le taux de pauvreté. L’Insee précise d’ailleurs que cette revalorisation est la mesure socio‑fiscale ayant eu le plus fort impact sur la réduction de la pauvreté et des inégalités en 2019, ce qu’illustre l’augmentation des dépenses de prime d’activité entre 2018 et 2019 de 4,1 milliards d’euros, dont 3,9 milliards imputables à la réforme.

● Au cours de son déploiement, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a dû, par ailleurs, faire face à une crise économique sans précédent en raison de la situation sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus.

Afin de prévenir l’entrée dans la pauvreté, l’État a mis en place dès mars 2020 un certain nombre de mesures d’urgence qui ont permis d’absorber une part importante des pertes de revenus des ménages et des entreprises, à l’instar de l’indemnisation de l’activité partielle permettant aux salariés concernés de toucher une indemnité horaire égale à 70 % de leur salaire brut, des primes versées au personnel soignant – 40 % des salariés du secteur de la santé et de l’action sociale ont en bénéficié pour un montant moyen de 950 euros –, des primes exceptionnelles de pouvoir d’achat – 21 % des salariés en ont bénéficié pour un montant annuel moyen de 410 euros – ou de l’exonération sociale des heures supplémentaires, qui a bénéficié 31 % des salariés pour un montant annuel moyen de 1 150 euros. En outre, le fonds de solidarité aux entreprises a limité la perte de revenus des travailleurs indépendants fortement touchés par la crise, limitant ainsi à 0,1 % la hausse du taux de pauvreté.

Par ailleurs, plusieurs mesures ont été mises en œuvre pour soutenir les personnes les plus précaires. En 2020, des aides exceptionnelles de solidarité, notamment l’aide exceptionnelle de solidarité liée à l’urgence sanitaire aux ménages les plus précaires ([29]) et l’aide exceptionnelle de solidarité liée à l’urgence sanitaire aux jeunes de moins de 25 ans les plus précaires ([30]), ont été versées aux 10 % des ménages les plus pauvres à hauteur de 2,2 milliards d’euros, avec un montant moyen de 520 euros. En sus des mesures en matière d’aide au logement et d’alimentation, a été prévu un maintien des droits et des prestations pour les personnes en situation de handicap, pour les bénéficiaires du RSA ou pour les familles monoparentales bénéficiant de l’allocation de soutien familial.

Votre rapporteure tient ainsi à souligner que ces différentes mesures ([31]) ont fortement contribué à contenir une explosion de la pauvreté et à stabiliser le taux de pauvreté monétaire. La situation sanitaire a toutefois mis en exergue les insuffisances des mesures concernant le logement, la très grande précarité ainsi que la pauvreté dans les territoires d’outre‑mer.

2.   La crise sanitaire puis la situation économique marquée par l’inflation ont généré une intensification de la pauvreté et une précarisation plus importante

● La stabilisation du taux de pauvreté s’accompagne néanmoins d’une intensification de celle‑ci. Selon l’Insee ([32]), l’intensité de la pauvreté s’est aggravée entre 2019 et 2020, tout particulièrement pour les personnes en grande pauvreté : l’intensité de la pauvreté est ainsi passée de 16,6 % à 18,1 % pour les personnes vivant sous le seuil de 50 % du niveau de vie médian et de 19,5 % à 19,7 % pour les personnes vivant sous le seuil de 60 % du niveau de vie médian.

Cette intensification de la pauvreté est particulièrement manifeste depuis 2020 dans la hausse du recours à l’aide alimentaire, qui peut être considéré comme un marqueur de la grande précarité. En 2020, le nombre total de personnes ayant eu recours à une forme d’aide alimentaire au moins une fois dans l’année s’est élevé à 5 225 823 personnes ([33]), soit une augmentation de 7,3 % par rapport à 2019. Par ailleurs, le dispositif de suivi alimentaire de l’Insee et de la Drees montre, pour l’année 2020, l’apparition de nouveaux publics, avec une augmentation de 7,3 % du nombre d’inscriptions (contre 2,9 % entre 2018 et 2019), et une hausse du recours par le public existant avec une augmentation de 10,6 % des volumes distribués (contre 4,4 % entre 2018 et 2019) ([34]). Parmi ces nouveaux publics bénéficiaires de l’aide alimentaire, sont fréquemment cités les personnes seules, les familles monoparentales, les travailleurs précaires, les personnes âgées de plus de 65 ans ainsi que les étudiants dans les centres de distribution en milieu urbain.

● Outre les effets de la crise sanitaire sur la précarité, le contexte inflationniste a également pour conséquence d’aggraver le sentiment de pauvreté. En effet, la proportion de personnes ne pouvant couvrir les dépenses liées à au moins cinq éléments de la vie courante ne cesse d’augmenter depuis 2018. En dépit d’une inflexion en 2021, le taux de privation matérielle et sociale est ainsi passé de 12,6 % en 2018 à 14,0 % en 2022 ([35]), atteignant son plus haut niveau depuis 2013.

Part des personnes ayant déclaré une privation

en %

Proportion de personnes qui déclarent ne pas pouvoir, pour des raisons financières

2018

2019

2020

2021

2022

Payer à temps les loyers, intérêts, factures

9,3

8,6

9,1

9,7

9,6

Se payer une semaine de vacances dans l’année

22,6

22,3

22,3

21,2

24,4

Manger de la viande, du poisson ou un équivalent végétarien tous les deux jours

7,0

7,6

7,3

6,3

9,4

Faire face à une dépense non prévue de 1 000 euros

31,4

30,7

30,5

27,5

30,4

Se payer une voiture

3,4

3,4

3,9

3,5

3,5

Chauffer suffisamment leur logement

5,0

6,2

6,8

6,1

10,2

Remplacer des meubles hors d’usage

22,4

22,9

24,3

22,1

26,4

Posséder deux paires de chaussures

5,5

5,7

4,2

3,9

4,1

S’acheter des vêtements neufs

9,3

9,8

9,5

9,4

10,1

Dépenser une petite somme librement

16,1

16,6

14,3

12,1

13,1

Se retrouver régulièrement avec des amis ou de la famille autour d’un verre ou d’un repas

5,7

6,6

7,3

4,9

6,5

Avoir une activité de loisirs payante régulière

14,3

15,6

16,3

12,6

15,9

Avoir accès à Internet à domicile

1,8

1,8

1,8

1,4

1,5

Source : Insee, enquêtes Statistiques sur les ressources et les conditions de vie.

Parmi les treize difficultés déclarées, seules quatre d’entre elles ont diminué depuis 2018 et celle liée au chauffage du logement a doublé en quatre ans. Selon l’Insee, cette dernière augmentation s’explique par la hausse du prix de l’énergie constatée à compter de l’hiver 2021, notamment celle du fioul domestique que les ménages vulnérables utilisent davantage que les autres combustibles de chauffage.

Au‑delà des privations subies, les personnes en situation de privation matérielle et sociale font état d’un sentiment d’isolement et d’exclusion de la société ([36]), qui renforce le sentiment d’appauvrissement avec un reste à vivre qui tend à diminuer avec l’inflation.

II.   La StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a mis en œuvre une pluralitÉ d’actions qui seront approfondies dans le cadre du Pacte des solidaritÉs

A.   Afin d’assurer une ÉgalitÉ des chances dÈs le plus jeune Âge, la priorité de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ a ÉtÉ accordÉe aux enfants et aux jeunes

1.   L’accès aux modes d’accueil collectifs des enfants en situation de pauvreté a été au cœur du volet dédié à la petite enfance

Les deux objectifs de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté étant de lutter contre la reproduction sociale de la pauvreté et de permettre de sortir de la pauvreté par l’emploi, une grande attention a été portée sur l’accès des plus précaires à des solutions de garde pour leur enfant, problématique qui constitue bien souvent un frein pour trouver un emploi. Diverses mesures ont ainsi été mises en place pour faciliter l’accès aux crèches aux familles les plus précaires.

● Instauré en 2020, le bonus territoire succède aux financements au titre des contrats enfance‑jeunesse. Ce bonus correspond à un financement bonifié associé à la signature d’une convention territoriale globale qui concerne à la fois les places en crèche existantes et les créations de places. Revalorisé en 2021 dans le cadre du plan « Rebond petite enfance », son montant est modulé en fonction du niveau de vie médian des familles et du potentiel financier par habitant, avec une valorisation pour les places d’accueil situées en quartier prioritaire (quartier prioritaire de la ville ou zone de revitalisation rurale) :

– pour les places nouvellement créées, le bonus varie entre 2 600 euros et 3 600 euros de subvention ;

– pour les places déjà existantes, le bonus reprend les financements des contrats enfance‑jeunesse et son montant varie entre 400 et 1 700 euros par place.

Ce bonus territoire diminue significativement le reste à charge pour le gestionnaire lorsqu’une place en crèche est créée. Ainsi, en moyenne, la part forfaitaire versée au titre du bonus territoire pour un nouveau projet implanté atteint en moyenne 18 % du financement de l’établissement d’accueil de jeunes enfants, diminuant le reste à charge du gestionnaire de 10 points comparativement au financement moyen des places existantes. À fin 2021, 130 085 places en crèche étaient couvertes par le bonus territoire.

● En sus du bonus territoire, un bonus mixité sociale a été mis en place pour compenser pour les gestionnaires le moindre recours aux crèches des familles les plus modestes.

Avant 2019, le modèle de financement des crèches à prestation de service unique intégrait déjà plusieurs mécanismes pour favoriser l’accès aux crèches aux familles les plus modestes, à savoir un barème des participations familiales garantissant un tarif raisonnable pour les familles en fonction de leurs ressources et de la composition de leur foyer ainsi qu’un mécanisme de la prestation de service unique assurant en parallèle des recettes équivalentes au gestionnaire, quel que soit le niveau des participations familiales. De ce fait, si le gestionnaire n’avait pas d’intérêt à sélectionner les familles en fonction de leurs ressources, il pouvait néanmoins en avoir à les sélectionner en fonction de leur niveau de recours et ainsi privilégier les familles demandant des contrats d’accueil à temps plein. Or, ce mécanisme, qui concerne davantage les familles aux ressources les plus faibles ayant davantage besoin d’un accueil occasionnel et de contrats de garde plus courts, ne permettait pas de corriger l’effet financier pour le gestionnaire d’un moindre recours, correspondant à un manque à gagner évalué à 25 %.

Créé en 2019, le bonus mixité sociale vise ainsi à compenser ce manque à gagner pour le gestionnaire. L’objectif initial était de couvrir 90 000 places pour un budget de 75,9 millions d’euros jusqu’en 2022. En 2021, 2 908 établissements d’accueil de jeunes enfants ont bénéficié de ce bonus, correspondant à 84 051 places, soit 22 % du nombre total de places en crèche. En compensant le reste à charge à hauteur de 15,2 points par rapport à celui des autres établissements, ce bonus mixité sociale a réduit significativement les écarts de recettes des établissements accueillant des jeunes enfants issus des familles les plus modestes. Pour autant, ce bonus a davantage bénéficié et pour un montant plus important aux crèches accueillant plus de 3,5 enfants par place.

● Par conséquent, le bilan du bonus mixité sociale, quoique positif, demeure perfectible. Globalement, plus la part d’enfants issus de familles modestes dans une structure est élevée, plus la probabilité qu’elle perçoive le bonus mixité est forte et plus le montant de celui‑ci sera élevé. Toutefois, pour une même proportion d’enfants issus de familles en situation de pauvreté, certaines structures perçoivent un bonus et d’autres non. Par ailleurs, pour une même part d’enfants de cette catégorie, le bonus attribué peut varier de la tranche 1 à la tranche 3. En somme, si l’approche par les participations familiales moyennes cible le bon ordre de grandeur en nombre d’établissements bénéficiaires, il comporte des approximations de l’ordre de 10 % dans l’identification des établissements bénéficiaires ainsi que dans la détermination des niveaux de bonus attribués ([37]).

En conséquence, la convention d’objectifs et de gestion conclue le 10 juillet 2023 entre l’État et la Cnaf pour la période 2023‑2027 prévoit une augmentation significative du budget alloué au bonus mixité sociale de l’ordre de 19 millions d’euros supplémentaires afin d’augmenter le nombre d’enfants en situation de pauvreté accueillis en crèche.

● Enfin, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a concouru au déploiement des crèches à vocation d’insertion professionnelle (Avip), considéré comme un prérequis nécessaire pour faciliter l’accès à un entretien d’embauche, à une formation professionnelle ou à un emploi ([38]), alors que seuls 3 % des enfants issus des familles bénéficiaires d’un minimum social sont gardés en crèche. Afin de favoriser l’égalité des chances dès les premiers pas et de rompre la reproduction sociale de la pauvreté, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté avait pour ambition de créer 300 crèches Avip pour 2020. Si le dispositif a atteint ses objectifs puisque l’on comptait 441 crèches Avip en 2021, il reste d’une ampleur très limitée. C’est pourquoi, le protocole « Insertion dans l’emploi/petite enfance » signé en mars 2022 a notamment prévu de rénover le label crèche Avip pour y inclure les assistantes maternelles et de diffuser les places Avip au sein d’un réseau de crèches piloté par le même gestionnaire.

● Le Pacte des solidarités poursuit l’ambition de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté sur le volet de l’accueil du jeune enfant. En effet, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté n’ayant pas atteint son objectif de création de 30 000 places en établissement d’accueil de la petite enfance, le projet de création d’un service public de la petite enfance a été engagé. En outre, le Pacte des solidarités envisage d’ici 2027 de créer 203 000 places en crèche supplémentaires ainsi que qu’une maison des parents par département pour encourager l’accès à des temps de socialisation pour tous les enfants avant l’âge de 3 ans.

Ainsi votre rapporteure insiste‑t‑elle sur le caractère essentiel de l’adaptation des modes de garde du jeune enfant aux besoins des parents, en particulier des familles précaires, et soutient pleinement la création d’un service public de la petite enfance, qu’elle a par ailleurs eu l’occasion de défendre en tant que rapporteure du projet de loi pour le plein emploi.

2.   L’éducation des enfants et la formation des jeunes ont été présentées comme un levier pour lutter contre la reproduction sociale de la pauvreté

● Afin d’assurer l’égalité des chances dès le plus jeune âge et améliorer les conditions d’accueil pour tous les enfants, un plan de formation des professionnels de la petite enfance a été lancé le 6 mai 2021. Il répond à l’un des engagements de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et concourt à la démarche d’unification du secteur de l’accueil du jeune enfant autour de la notion de qualité d’accueil conduite par l’ancien secrétariat d’État chargé de l’enfance et des familles. Dès lors, plus de 147 000 professionnels ont suivi l’un des 180 modules de formation ou ont bénéficié de l’un des 475 projets financés dans le cadre d’appels à projets régionaux. Comportant sept thématiques ([39]), ce plan de formation se décline en un volet national et un volet territorial.

Dans le cadre du volet national, des conventions avec les différents opérateurs de compétences ont été conclues entre fin 2020 et le premier semestre 2021 afin de créer des parcours de formation à un prix réduit et correspondant aux référentiels nationaux du plan de formation. Ainsi, 180 modules de formation, recouvrant l’ensemble des thématiques du plan, ont été identifiés comme éligibles au plan de formation. À ce jour, 84 000 professionnels ont été formés au titre du volet national, dont 35 000 en 2021 et 49 000 en 2022. En complément, 27 000 agents des collectivités locales ont bénéficié d’actions de formation.

Parallèlement, le volet territorial du plan a été piloté par les commissaires à la lutte contre la pauvreté grâce à des appels à projets régionaux, destinés à monter des partenariats spécifiques. Lancé fin 2020, ce volet a permis de financer 475 projets entre 2020 et 2022, permettant environ 63 000 départs en formation. Compte tenu de son succès, le plan de formation a été prolongé en 2023. Un budget de 5,6 millions d’euros a été alloué aux commissaires pour le lancement d’appels à projets régionaux.

● La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a également eu pour ambition de mieux identifier les jeunes en risque d’exclusion à la fois par la lutte contre les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et par l’obligation de formation des jeunes âgés de 16 à 18 ans.

La prévention des sorties « sèches » de l’ASE a constitué l’une des actions socle des Calpae conclues avec les départements. Plus de 40 000 majeurs âgés de moins de 21 ans ont bénéficié à la sortie de l’ASE d’un accompagnement en matière de logement, de revenu, d’insertion sociale et professionnelle, d’accès aux soins et de maintien des liens. Avec le déploiement progressif de cette mesure, 75 % de jeunes sortant de l’ASE ont bénéficié d’un accompagnement en 2021, contre 50 % en 2019. En pratique, ce sont 25 % de jeunes supplémentaires qui ont pu choisir un référent, bénéficier d’un logement stable ou disposer de ressources financières au moment de leur sortie de l’ASE ([40]).

Par ailleurs, le bilan de l’obligation de formation pour les 16‑18 ans commence également à porter ses fruits. Selon le ministère de l’éducation nationale, 88 000 jeunes sur l’année scolaire 2020‑2021 puis 110 000 sur l’année scolaire 2021‑2022 ont été repérés comme relevant de l’obligation de formation. Toutefois, selon les données de la direction générale de l’enseignement scolaire, un tiers de ce public repéré serait sans solution et requerrait un accompagnement spécifique par les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs. L’outil SIEI (système interministériel d’échanges d’informations) permet désormais de comptabiliser quotidiennement le nombre de jeunes repérés relevant de l’obligation de formation. Selon la DIPLP, un outil sur le suivi de ces jeunes est actuellement en cours de construction pour être finalisé au printemps 2024 et des territoires expérimentaux seront désignés parmi les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs les plus dynamiques pour affiner les transmissions de données.

Dans le cadre du Pacte des solidarités, la lutte contre le décrochage scolaire sera amplifiée. En effet, les pactes locaux des solidarités pourront soutenir les départements qui souhaitent renforcer le soutien scolaire ainsi que la prévention spécialisée de rue permettant de toucher les publics les plus fragiles en passe de basculer en dehors du système scolaire. Dans cette optique, votre rapporteure recommande de mettre en place une politique pour lutter contre le décrochage scolaire de 90 000 jeunes mineurs qui quittent chaque année le système scolaire sans formation et sans qualification.

● Enfin, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a poursuivi l’accompagnement des jeunes vers l’emploi engagé par le précédent plan de lutte contre la pauvreté. Expérimentée à partir de 2013 et généralisée à partir de 2017, la garantie jeune constituait la modalité la plus renforcée du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie pour les jeunes. Depuis le 1er mars 2022, la garantie jeune a été remplacée par le contrat d’engagement jeune créé dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ».

Le contrat d’engagement jeune

Prévu par l’article L. 5131‑6 du code du travail, le contrat d’engagement jeune propose aux jeunes de 16 à 26 ans – 29 ans pour les jeunes reconnus travailleurs handicapés – qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études un accompagnement individuel et intensif avec un objectif d’entrée rapide et durable dans l’emploi. Ce contrat repose sur :

– un diagnostic initial approfondi permettant de comprendre la situation économique et sociale du jeune, ses motivations et ses compétences ainsi que les éventuels freins périphériques qu’il rencontre ;

– un parcours intensif et personnalisé pouvant durer jusqu’à douze mois avec possibilité de prolonger de six mois pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, avec un minimum de 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires tout au long du parcours (1) ;

– la possibilité de bénéficier de l’ensemble de l’offre de services de Pôle emploi et des missions locales ainsi que d’autres structures comme les écoles de la deuxième chance ou les établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide) ;

– un suivi par un conseiller référent dédié organisant des points réguliers avec le jeune ;

– le versement d’une allocation pouvant s’élever jusqu’à 528 euros par mois en fonction de l’âge du bénéficiaire, de ses ressources ou celles de son foyer et à la condition du respect des engagements de son contrat ;

– la mise à disposition d’une application numérique pour faciliter la relation entre le jeune et son conseiller.

(1) En comparaison avec la garantie jeune, le contrat d’engagement jeune est également mis en œuvre par Pôle emploi et pas seulement par les missions locales. D’autre part, l’accompagnement est plus intensif dans le cadre du contrat d’engagement jeune avec 15 à 20 heures d’activité hebdomadaires tout au long du parcours.

Le contrat d’engagement jeune présente un bilan globalement positif. En effet, selon les données de la direction générale de la cohésion sociale, le contrat d’engagement comptait en août 2023 près de 450 000 jeunes en accompagnement depuis la mise en place du dispositif, soit une augmentation de près de 50 % entre fin décembre 2022 et août 2023. Parmi eux, 287 134 jeunes – soit 64,3 % des bénéficiaires – sont suivis en missions locales et 159 462 jeunes – soit 35,7 % des bénéficiaires – sont suivis par Pôle emploi. 67,2 % des bénéficiaires ont moins de 22 ans et 47,3 % d’entre eux sont des femmes. La part des jeunes ayant une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est de 2,6 %. Les bénéficiaires disposent à 89,6 % d’un diplôme de niveau baccalauréat ou inférieur. Près de 16 % des bénéficiaires sont issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 11,3 % sont issus des zones de revitalisation rurale (ZRR).

D’un point de vue qualitatif, l’Igas souligne que la mise en place du contrat d’engagement jeune a permis la réalisation d’un accompagnement plus intensif et plus individualisé en favorisant notamment la création de nouveaux ateliers et le développement de nouveaux partenariats ([41]).

Étant par ailleurs présidente de la mission locale des jeunes du Pays de Vitré et vice‑présidente de l’Union nationale des missions locales et de l’association régionale des missions locales de Bretagne, votre rapporteure est pleinement convaincue de l’intérêt de ce contrat pour l’insertion des jeunes.

● Dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences, plusieurs appels à projets ont été lancés d’une part, pour accompagner jusqu’à un emploi durable les jeunes peu ou pas qualifiés éloignés de l’emploi (appel à projets « 100 % Inclusion – La fabrique de la mobilisation ») et d’autre part, pour mieux repérer et mobiliser les jeunes « invisibles ». Plus précisément, le repérage des jeunes invisibles s’est articulé autour d’un appel à projets régional « Repérer et mobiliser les publics invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux » et d’un appel à projets dédié aux maraudes dans l’espace numérique. Selon le bilan établi par France Stratégie, le volet régional lancé en juin 2019 a permis le déploiement de 237 projets sur tout le territoire ([42]). Votre rapporteure souhaite vivement que les crédits relatifs au repérage des invisibles et au dispositif « 100 % inclusion » soient maintenus dans le Pacte des solidarités.

Recommandation : maintenir dans le Pacte des solidarités les crédits dédiés au repérage des invisibles et au dispositif « 100 % inclusion ».

● L’accompagnement des jeunes en situation de double vulnérabilité est également primordial pour votre rapporteure. Dans cette optique, le projet « Cap Jeune : un tremplin vers l’emploi pour les jeunes en situation de handicap », porté par l’Association départementale pour l’insertion des personnes handicapées en partenariat avec les missions locales de Rennes et de Saint-Malo, accompagne les jeunes en situation de handicap dans leur insertion professionnelle. L’objectif de ce projet est de définir avec le jeune accompagné un projet professionnel, de le conseiller sur un projet de formation, de l’accompagner pour rechercher un emploi et de le mettre en relation avec des entreprises. Votre rapporteure souhaiterait que ce dispositif qui a fait ses preuves en Ille-et-Vilaine soit généralisé sur tout le territoire et bénéficie de financement dans le cadre du Pacte des solidarités.

Recommandation : généraliser le dispositif « Cap jeune : un tremplin vers l’emploi pour les jeunes en situation de handicap » et l’intégrer dans le Pacte des solidarités.

B.   Sous l’effet de la crise sanitaire, l’accÈs au logement ainsi que l’alimentation ont constituÉ des piliers importants de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ qu’il convient de pÉrEnniser

1.   La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté présente un bilan en demi‑teinte en matière d’accès au logement et d’amélioration des conditions de logement

● Porté par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, le plan quinquennal « Logement d’abord » a représenté le volet « Logement » de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il avait pour projet d’orienter rapidement les personnes sans domicile fixe ou mal logées vers un logement durable grâce à un accompagnement adapté, modulable et pluridisciplinaire. Cette stratégie globale, qui intègre également des enjeux relatifs à l’accès au logement des personnes réfugiées et à la résorption des bidonvilles, accorde la priorité au logement comme condition première à l’insertion sociale.

Ce plan quinquennal comprend soixante mesures qui s’articulent autour de cinq grandes priorités :

– la production et la mobilisation de logements abordables ;

– l’accélération de l’accès au logement ;

– l’accompagnement des personnes ;

– la prévention des ruptures ;

– la mobilisation des acteurs et des territoires.

Sous l’effet de la crise sanitaire, près de 440 000 personnes sans domicile ont accédé à un logement entre 2018 et 2022 dans le cadre du plan « Logement d’abord ». En outre, 122 300 logements ont été attribués, entre 2018 et 2022, à des ménages sans domicile, qu’elles soient hébergées en dehors du dispositif national d’accueil ou qu’elles soient sans‑abri. Les attributions de logement pour les plus pauvres sont en hausse de 43 % par rapport au précédent plan de lutte contre la pauvreté et la part des ménages sans‑abri hébergés est en hausse de 67 % dans les attributions totales de logements sociaux en 2022 par rapport à 2017. Les nouvelles places créées dans le parc locatif privé sont elles aussi en hausse de 40 000 places entre 2018 et 2022, ce qui représente une augmentation de 118 % sur la période. Par ailleurs, 7 200 nouvelles places ont été ouvertes en pension de famille entre 2017 et 2022, représentant une augmentation de 50 % par rapport au parc financé en 2017.

● Il convient de souligner que le premier confinement, lors de la crise sanitaire de 2020, a pleinement mis en évidence à la fois les inégalités liées aux conditions de logement et l’importance du logement dans la lutte contre la pauvreté. Ce sont ainsi 40 000 places en hébergement d’urgence qui ont été ouvertes depuis mars 2020. Par ailleurs, du côté des propriétaires de logements locatifs, des aides directes ont également été distribuées par Action Logement pour compenser en partie les loyers impayés et les mensualités des prêts immobiliers ; du côté des locataires, a été créé un Observatoire national des impayés locatifs conjointement à la mise en place de vingt‑six équipes mobiles de prévention des expulsions locatives ([43]). Lors de leur audition, le secteur associatif a salué vivement l’effort qui a été réalisé sur l’hébergement d’urgence.

Néanmoins, comme le souligne France Stratégie ([44]), l’absence de diminution du nombre de personnes en hébergement d’urgence, notamment des familles avec enfants, témoigne des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du plan « Logement d’abord ». En effet, ce plan, qui repose sur le passage de la rue au logement sans étape par une solution d’hébergement d’urgence, ne peut pleinement fonctionner qu’avec un nombre suffisant de logements disponibles. Cette insuffisance du parc de logements pérennes prive les personnes accompagnées de solutions durables et indispensables à leur insertion sociale. Parallèlement, comme l’a souligné la Fédération des Samu sociaux lors de son audition, les places d’hébergement d’urgence sont saturées et ne peuvent constituer un amortisseur pour les personnes expulsées.

Avec le plan « Logement d’abord 2 » mis en place depuis 2023, le Gouvernement entend poursuivre son action en faveur de l’accès au logement des personnes sans‑abri. S’agissant de la prévention des expulsions locatives, le Pacte des solidarités prévoit la création d’équipes sociojuridiques, qui viendraient en appui des équipes mobiles, pour accompagner 30 000 ménages par an, capitalisant ainsi sur l’expérience de l’Espace solidarité habitat menée par la Fondation Abbé Pierre. La prévention des expulsions constituera également un objectif spécifique des pactes locaux de solidarité.

● Autre action socle des Calpae, les maraudes mixtes ont renforcé l’action des départements en matière de lutte contre la mendicité dans les rues et tout particulièrement celle des enfants. Grâce à ces maraudes, 10 000 familles ont pu être rencontrées, 1 330 jeunes ont bénéficié d’une ouverture de droits sociaux, 350 ont été mis à l’abri et 150 enfants ont fait l’objet d’une mesure de protection de l’enfance. La DIPLP a relevé que cette mesure, bien que pertinente, notamment en Île‑de‑France, n’était pas adaptée à tous les territoires dont les besoins en maraudes sont hétérogènes.

La pair‑aidance au sein de la maraude jeunes dans la métropole de Lyon

La maraude jeunes a pour but de repérer les jeunes âgés entre 16 et 25 ans vivant dans la rue et de les orienter vers les services de soin et d’accès aux droits. Cette équipe mobile pluridisciplinaire allie soins et accompagnement éducatif et a la particularité de proposer une démarche de réduction des risques en réponse aux problématiques d’addiction.

Avec l’appui du Relais Ozanam, l’équipe a intégré deux travailleurs pairs (1) : le premier a vécu dans la rue et le second est un ancien consommateur de drogues et a été bénévole dans des associations de réduction des risques en milieu festif. Les travailleurs pairs interviennent en binôme avec des travailleurs sociaux. Cette approche a été associée à l’instauration du travail en multi‑référence, qui positionne l’équipe comme une boîte à outils.

En 2021 et 2022, la maraude jeunes a permis 3 033 interventions, consistant en de l’information, de l’orientation, voire en un accompagnement physique aux rendez‑vous.

(1) Le travail pair repose sur le principe d’un accompagnement de personnes vulnérables par des « pairs », autrement dit des personnes ayant eu un parcours de vie similaire à celui des personnes accompagnées.

2.   Les mesures visant à lutter contre les privations alimentaires présentent des résultats encourageants

La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a porté depuis 2019 plusieurs mesures visant à lutter contre les privations alimentaires des enfants et favoriser leur réussite scolaire ainsi que leur inclusion sociale de ces enfants.

● Dans le cadre de la politique d’accès à l’alimentation de tous les enfants, le dispositif des cantines à 1 euro pour les écoles primaires a poursuivi sa montée en charge. Permettant aux communes de moins de 10 000 habitants de recevoir une subvention par l’État à hauteur de 3 euros par repas facturé moins de 1 euro aux familles dont le quotient familial est inférieur ou égal à 1 000 euros, cette mesure a été largement plébiscitée par les commissaires dans les territoires ruraux et connaît un succès croissant.

En août 2023, plus de 2 100 collectivités étaient ainsi engagées dans le dispositif, soit plus d’un cinquième de celles éligibles. Ce sont plus de 176 000 élèves qui en ont bénéficié pendant l’année scolaire 2022‑2023 et près de 21 millions de repas à 1 euro qui ont été distribués depuis le début de la mesure. Dans le cadre du Pacte des solidarités, cette mesure sera à la fois maintenue avec un objectif d’ici 2027 de 3 000 communes partenaires pour toucher plus de 200 000 élèves et approfondie avec une bonification supplémentaire de 1 euro pour les communes partenaires qui s’engagent volontairement dans la mise en œuvre des objectifs portés par la loi Egalim ([45]). Cette mesure illustre de manière très concrète le choix du Pacte des solidarités de soutenir des mesures visant une transition écologique et solidaire, ce qu’approuve sans réserve votre rapporteure.

● Outre la tarification sociale des cantines, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté soutient depuis 2019 les distributions de petits-déjeuners dans les écoles, avec depuis 2021, un financement à hauteur de 1,30 euro par petit-déjeuner en Métropole et de 2 euros dans les départements et régions d’outre‑mer. Cette action a prouvé sa pertinence sur des territoires avec un très fort taux de pauvreté mais peut occasionner un double repas ou du gâchis alimentaire dans des territoires d’un niveau social plus élevé. Selon les données de la DIPLP, 245 000 élèves ont bénéficié de ces petits-déjeuners, dont 70 % en établissements REP et REP+ et 20 % en outre‑mer

L’information alimentaire a également constitué une mesure phare du volet « petite enfance » de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. En ce sens, le « programme Malin » a contribué à mieux informer les familles en matière d’alimentation des enfants et procure aux plus modestes des bons de réduction alimentaire. Ce programme est soutenu par la Cnaf, qui communique chaque mois auprès des allocataires ayant fait une déclaration de grossesse ou ayant un enfant de 5 mois. Plus de 110 000 enfants issus de familles précaires ont été accompagnés depuis le lancement du programme, qui compte actuellement 85 000 enfants inscrits.

Ces deux mesures ayant pleinement démontré leur pertinence pour réduire les inégalités dès le plus jeune âge, votre rapporteure se félicite de leur réorientation, dans le cadre du Pacte des solidarités, sur les territoires d’outre-mer.

● Enfin, créé par la loi de finances initiale pour 2023, le fonds « Mieux manger pour tous » soutient l’aide alimentaire et promeut pour les personnes les plus précaires une alimentation saine, durable et de qualité. Il comporte un volet national, dont l’objectif est de prioriser les achats de fruits et légumes et de produits sous un label de qualité, et un volet territorial pour développer des alliances locales de solidarité alimentaire « producteurs‑associations‑collectivité ». Cette mesure sera poursuivie et étendue dans le cadre du Pacte des solidarités grâce à une augmentation de sa dotation à 100 millions d’euros d’ici 2027 ([46]).

C.   La lutte contre la grande pauvretÉ constitue la principale limite de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ

1.   Le revenu universel d’activité a été abandonné au profit de la solidarité à la source

● À l’occasion de la présentation de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté le 13 septembre 2018, le Président de la République avait annoncé la création d’un « revenu universel d’activité » afin de simplifier le système par la fusion a minima du RSA, de la prime d’activité et des aides personnelles au logement. Toutefois, le contexte de la crise sanitaire ayant nécessité le déclenchement de multiples aides d’urgence à destination des plus précaires, le chantier du revenu universel d’activité a été ajourné.

● Outre le revenu universel d’activité, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a entendu agir contre le non‑recours avec un double enjeu :

– moderniser la délivrance des prestations sociales, en favorisant les échanges d’informations entre acteurs, en automatisant les démarches déclaratives et en assurant une généralisation de l’exploration de données (ou data mining) pour repérer les bénéficiaires potentiels ;

– améliorer l’accès aux droits et l’accompagnement des bénéficiaires.

Cette amélioration de l’accès aux droits a notamment été mise en œuvre par l’expérimentation « Territoires zéro non‑recours » qui est issue des expérimentations menées par trois territoires pilotes (Vénissieux, Bastia et le 10e arrondissement de Paris) et qui a été consacrée par la loi n° 2022‑217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale de décentralisation (« 3DS »).

L’expérimentation « Territoires zéro non‑recours »

Prévue par l’article 133 de la loi dite « 3DS », l’expérimentation « Territoires zéro non‑recours » évalue, pendant une durée de trois ans, des dispositifs et méthodes d’action publique mis en place à l’échelon local permettant de réduire le non‑recours aux prestations sociales, en vue d’une éventuelle pérennisation, extension ou généralisation sur tout le territoire. Un jury de sélection a retenu trente‑neuf projets et territoires pour mener cette expérimentation qui a démarré le 13 juillet 2023 avec onze premiers territoires ; vingt‑huit autres suivront à partir du 1er janvier 2024.

Cette expérimentation porte sur six axes :

– la mise en œuvre d’actions d’aller vers (porte‑à‑porte, professionnels itinérants, permanences dans des lieux atypiques ou sur les lieux de vie, pair-aidance) à destination de publics les plus éloignés des prestations sociales, avec une attention particulière portée aux enjeux d’illectronisme ;

– l’invitation des publics ciblés à co‑construire le dispositif expérimenté et à participer aux instances locales de pilotage et de décision ;

– le renforcement du travail transversal entre les différents acteurs de l’action sociale, de l’insertion et de la lutte contre la pauvreté d’un territoire, afin de décloisonner l’accompagnement des bénéficiaires et ainsi limiter les ruptures de parcours ;

– le développement d’une culture, d’outils et de procédures communs ;

– l’amélioration des croisements de données entre acteurs dans le but de déceler les situations de non‑recours et d’améliorer l’orientation et l’accompagnement des publics ;

– l’inclusion impérative du RSA et de la prime d’activité dans le panier des droits sociaux concernés par l’expérimentation.

Issue d’un amendement de votre rapporteure, cette expérimentation favorise le repérage des potentiels bénéficiaires qui pourraient prétendre à des prestations sociales et permet de renforcer l’accompagnement des personnes qui en bénéficient déjà. Elle combine ainsi les problématiques de repérage et d’accompagnement vers et dans les droits.

● Mesure emblématique du volet « santé » de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, la complémentaire santé solidaire (C2S) avait pour objectif de renforcer l’accès aux droits et aux services de santé. Elle présente un bilan positif à la fois en termes de lisibilité et de simplicité, notamment en raison de son attribution automatique.

La complémentaire santé solidaire

Créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (1), la C2S comprend deux composantes :

– une C2S « sans participation », succédant à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU‑C), qui est versée aux foyers dont les ressources sont inférieures à un plafond annuel, fixé depuis le 1er avril 2023 à 9 719 euros pour une personne seule ;

– une C2S « avec participation », succédant à l’aide pour une complémentaire santé (ACS), qui est versée, sous réserve d’acquitter une participation financière, aux foyers dont les ressources sont comprises entre 9 179 et 13 120 euros pour une personne seule.

La C2S donne droit à la prise en charge sans avance de frais du ticket modérateur pour les soins de ville et les soins à l’hôpital ainsi que du forfait journalier. Elle offre également des avantages spécifiques pour les assurés, notamment l’interdiction du dépassement d’honoraires et l’exonération de la participation forfaitaire de 1 euro au titre des franchises médicales.

(1) Loi n°20181203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

Grâce à l’évolution de sa base ressources et à la simplification des modalités de déclaration, la C2S est, depuis le 1er janvier 2022, automatiquement attribuée sans participation forfaitaire aux nouveaux allocataires du RSA, permettant d’améliorer significativement le recours à cette prestation. Fin septembre 2022, 7,2 millions de personnes bénéficiaient ainsi de la C2S.

Une mesure de présomption de droit à la C2S a également été prise en 2022 pour les bénéficiaires de l’allocation solidarité personnes âgées (Aspa) ([47]). Elle permet aux nouveaux bénéficiaires de l’Aspa de recevoir l’ensemble des documents nécessaires à la constitution d’un dossier de demande de C2S sans qu’ils aient besoin de déclarer à nouveau leurs ressources.

Selon les informations communiquées par la direction générale de la cohésion sociale, la présomption d’éligibilité à la C2S pourrait être étendue à certains allocataires du contrat d’engagement jeune. Ce mécanisme s’apparenterait à celui mis en place pour les bénéficiaires de l’Aspa, soit un aller vers plus ciblé et une facilitation des démarches pour la demande et le renouvellement de la C2S. Cette mesure répondrait pleinement aux recommandations formulées par votre rapporteure dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023 concernant l’automatisation des versements de prestations sociales.

2.   La lutte contre la très grande pauvreté nécessite d’être approfondie

● En 2018, près de 2 millions de personnes, soit 2,4 % de la population, étaient en situation de grande pauvreté selon l’Insee ([48]), la grande pauvreté étant caractérisée par la combinaison de faibles revenus ‑ inférieurs à 50 % du niveau de vie médian de la population ‑ et de privations matérielles et sociales sept fois plus importantes que pour les personnes non pauvres.

Parmi ces 2 millions de personnes, 24 % vivent dans les départements d’outre‑mer (DOM), dont 10 % à Mayotte et 14 % dans les quatre autres DOM. Les personnes sans domicile fixe représentent 7 % des personnes en situation de grande pauvreté. Plus d’un tiers sont des enfants et 7 % ont 65 ans ou plus. Les personnes sans domicile (143 000 recensées en 2012), celles vivant en communauté du fait de leur activité (86 000 personnes vivant en foyer de jeune travailleur) et les personnes vivant en institution du fait de leur situation de dépendance, de leur handicap ou leur état de santé (79 000 personnes) sont également considérées comme à risque de grande pauvreté.

● Face à cet angle mort de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Pacte des solidarités souhaite mettre en place des mesures spécifiques en matière de lutte contre la grande exclusion, notamment par des démarches d’aller vers et des équipes mobiles dédiées. Regroupées sous l’objectif « construire le premier et le dernier kilomètre » ([49]), ces mesures comprennent, outre des actions d’aller vers, des dispositifs pour lutter contre le non‑recours et les ruptures de parcours.

Tout d’abord, dans le cadre du plan de lutte interministériel pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2023-2027, un plan d’action spécifique dédié aux « femmes précaires et vulnérables » prévoit la création d’accueils de jours et de coordinateurs dédiés pour repérer et accompagner les femmes sans domicile. De plus, le Pacte des solidarités compte pérenniser 1 500 places d’hébergement d’urgence pour les femmes sans abri à la sortie de la maternité. S’ajoute, par ailleurs, à ces deux précédentes mesures la gratuité des protections périodiques pour lutter contre la précarité menstruelle, dont bénéficieront d’ici 2027 1,7 million de femmes.

Le Pacte des solidarités envisage également d’améliorer la santé des personnes sans‑abri en accompagnement chaque année 80 000 personnes à la rue malades grâce à la création d’ici 2027 de 2 400 places hors les murs et de 430 équipes mobiles, l’objectif étant de répondre à la faiblesse de couverture des zones blanches identifiées dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et de traiter spécifiquement les besoins des personnes cumulant difficultés sociales et problèmes de santé.

L’accompagnement social des personnes sans‑abri sera également renforcé avec l’objectif de garantir l’accès à une domiciliation à 127 000 personnes en plus chaque année et en finançant près de 100 associations supplémentaires ainsi qu’à titre expérimental 100 centres communaux et intercommunaux d’action sociale. Près de 200 nouveaux centres sociaux proches des usagers seront créés en soutien à la politique de détection précoce et d’accompagnement des publics les plus précaires et les moins informés sur leurs droits.

● Par ailleurs, afin de résorber l’absence de suivi différencié dans les territoires ultramarins dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, une attention particulière est accordée par le Pacte des solidarités à la lutte contre la grande pauvreté dans ces territoires. Ainsi est‑il prévu un plan d’action spécifique d’un montant de 50 millions d’euros qui permettra de renforcer le soutien à la parentalité, l’accès aux droits et au logement, la lutte contre l’illettrisme et le décrochage scolaire, l’accès à l’alimentation et la lutte contre les inégalités de santé. Votre rapporteure juge positivement le choix qui a été fait dans le Pacte des solidarités d’intensifier les mesures pour prévenir et lutter contre la pauvreté dans les territoires d’outre‑mer.

● Enfin, dans la continuité des propos tenus par le ministre du travail lors de son audition devant la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour le plein emploi le 18 septembre 2023, votre rapporteure appelle de ses vœux qu’un débat soit ouvert sur des dispositifs destinés à des personnes qui ne sont pas employables mais pour lesquelles des mécanismes de mise en activité sans objectif de mise à l’emploi doivent être inventés.

III.   Le dÉveloppement d’indicateurs de la pauvretÉ et une mutualisation des bonnes pratiques renforceraient l’EfficacitÉ du Pacte des solidaritÉs

A.   Une Évaluation fine de l’impact de la StratÉgie de prÉvention et de lutte contre la pauvretÉ est rendue difficile en raison d’un dÉficit d’indicateurs

1.   La Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté n’a pas fait l’objet d’une évaluation complète

● Dès son lancement, la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté devait faire l’objet d’un suivi de son déploiement par le conseil scientifique mis en place lors de sa phase d’élaboration. Composé de dix personnalités scientifiques ([50]) et présidé par la ministre de la santé et des solidarités, ce conseil avait pour missions :

– d’avoir un rôle d’appui et d’expertise sur les politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes tout au long de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ;

– de suivre la mise en œuvre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, notamment au moyen d’un tableau de bord des indicateurs de la pauvreté ;

– de piloter le fonds d’investissement social qui devait être créé dans le cadre du Grand plan d’investissement et financer des appels à projets ([51]).

Malgré une volonté ambitieuse d’évaluer la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le comité scientifique n’a pas poursuivi ses travaux et ne s’est jamais réuni après son lancement ([52]), ce que votre rapporteure regrette.

Le suivi et le pilotage de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté ont donc été réalisés par la DIPLP, en charge du pilotage interministériel, conjointement avec la direction générale de la cohésion sociale, qui a la responsabilité du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes sur lequel sont financées une grande partie des mesures de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Afin d’assurer et de maintenir une coordination permanente entre ces deux entités, une instance de suivi et de pilotage technique des mesures de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté s’est réunie à une fréquence régulière et un suivi conjoint du dispositif de contractualisation avec les collectivités locales, consistant notamment en un pilotage des Calpae, en l’analyse annuelle de leur exécution, en l’arbitrage des propositions remontées par les commissaires à la lutte contre la pauvreté avec l’appui des DDETS ou des Dreets et en la notification et la délégation des crédits dédiés à la contractualisation, a été réalisé. Par ailleurs, des tableaux de bord régionaux à la main des commissaires et mis en place par la DIPLP ont favorisé un suivi des mesures nationales de la Stratégie.

● Parallèlement à ce suivi, des travaux d’évaluation ont été menés tout au long de la mise en œuvre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il est tout d’abord possible de citer la mission d’évaluation de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l’État dans le cadre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, conduite par l’Igas en 2021 ([53]).

Par ailleurs, la ministre des solidarités et de la santé Agnès Buzyn a confié en octobre 2018 à France Stratégie le soin de mener une évaluation ex post de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Présidé par Louis Schweitzer et composé de trois présidents d’associations (ATD Quart Monde, Secours catholique, Uniopss), de quatre personnalités qualifiées et de six chercheurs, le comité d’évaluation de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a consulté, au cours de ses travaux, le collège des personnes en situation de pauvreté du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) ainsi qu’un panel de trente citoyens représentatifs de l’ensemble de la population française. Ces deux instances ont été sollicitées pour contribuer en amont à l’élaboration de la démarche d’évaluation et en aval à l’interprétation des résultats de cette évaluation.

Conformément à sa lettre de mission, le comité d’évaluation avait pour finalités, d’une part, d’« établir les méthodes permettant de mesurer l’atteinte des objectifs fixés par la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté » et, d’autre part, d’en évaluer sa mise en œuvre, étape qui pouvait « se prolonger au-delà de l’échéance finale de la stratégie ». Dans le cadre de ses travaux, le comité a publié trois rapports annuels : un rapport méthodologique en avril 2020 et deux rapports en avril 2021 et en juillet 2022, présentant l’état d’avancement de la mise en œuvre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et les éléments d’évaluation disponibles, assorti pour le rapport de 2022 de recommandations. Le comité a également publié deux notes d’étapes sur les effets de la crise du coronavirus sur la pauvreté, la première en octobre 2020 et la seconde en octobre 2021 ([54]).

Ayant conclu ses travaux en janvier 2023, le comité d’évaluation n’a pas dressé d’évaluation complète des mesures prises depuis 2018 en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté. Son dernier rapport de juillet 2022 précisait en effet qu’« il [était] encore trop tôt pour présenter un bilan de la Stratégie pauvreté 2018-2022 : elle est encore en cours, les données disponibles sur la situation de la pauvreté en France et sur la Stratégie sont très incomplètes, et il n’est pas encore possible d’en mesurer pleinement les effets ». Ainsi, votre rapporteure regrette qu’une évaluation n’ait pas été menée en 2023 alors qu’elle aurait permis d’éclairer davantage l’élaboration du Pacte des solidarités. Ce constat est également largement partagé par le secteur associatif.

● Aussi, il a d’ores et déjà été prévu dans le Pacte des solidarités de mettre en place une instance chargée de suivre la mise en œuvre de chacune des vingt‑cinq mesures du Pacte. Cette conférence permanente des solidarités réunira trimestriellement l’ensemble des parties prenantes. En outre, les directions d’administration centrale se réuniront régulièrement dès cet automne sous l’égide de la DIPLP pour assurer la mise en œuvre opérationnelle des mesures et en établir les modalités de suivi.

Votre rapporteure est extrêmement satisfaite de cette évolution, qui est à l’image de ce qui est prévu dans le projet de loi pour le plein emploi avec la création d’un comité national pour l’emploi.

2.   Le déficit d’outils de suivi obère la capacité à piloter et à évaluer les effets de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté

Une évaluation fine et complète des effets de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté sur la prévention et la lutte contre la pauvreté est rendue extrêmement complexe en raison d’un déficit d’indicateurs chiffrés aussi bien au niveau national qu’au niveau local.

● Tout d’abord, votre rapporteure a constaté un déficit important de données contemporaines issues de la statistique publique. En effet, le taux de pauvreté monétaire, calculé par rapport à un niveau de vie médian, est déterminé à partir des revenus fiscaux et sociaux de l’année n‑2, entraînant ainsi toujours un décalage temporel entre les chiffres et la situation de la pauvreté à date et alors même que les pouvoirs publics se fondent sur ces indicateurs pour proposer des réformes. Pour ce calcul, l’Insee exploite les résultats de deux enquêtes, l’enquête « Revenus fiscaux et sociaux » ([55]) et l’enquête « Statistiques sur les ressources et conditions de vie », et tient compte, en cas de différence entre ces deux sources, des résultats de l’enquête « Revenus fiscaux et sociaux », considérée comme source de référence au niveau national. Or, la crise sanitaire a fortement fragilisé la mesure du taux de pauvreté. Ainsi, pour l’année 2020, les conditions de collecte ont été dégradées par les restrictions de déplacement et la multiplicité des dispositifs financiers de soutien a compliqué la mesure des revenus ([56]). De ce fait, le taux de pauvreté pour 2020, qui avait fait l’objet d’une estimation à la fin de l’année 2021, n’a toujours pas été validé par l’Insee à la date de rédaction de ce rapport.

De la même manière, l’Insee a établi, dans une étude publiée en 2021, une évaluation de la grande pauvreté pour l’année 2018. Depuis, aucune donnée issue de la statistique publique n’est venue compléter cette évaluation. Une estimation du taux de pauvreté pour l’année 2021 est toutefois attendue d’ici la fin de l’année 2023.

● Dès lors, ce sont les données issues du secteur associatif qui servent de point de repère contemporain en matière de pauvreté. À titre d’exemple, le dispositif de suivi de l’aide alimentaire en France, mis en place en 2021 par l’Insee et la Drees, est alimenté, à un rythme trimestriel et à un niveau départemental, par des données issues des associations disposant d’une habilitation à l’aide alimentaire et de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux de l’action sociale. Ce dispositif a vocation à compléter les données annuelles collectées par la direction générale de la cohésion sociale dans le cadre de son système d’information de l’aide alimentaire. De la même manière, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale a été chargé en 2021 d’élaborer un instrument barométrique permettant d’améliorer la connaissance qualitative de la pauvreté en France et d’en détecter les signaux faibles.

Aussi votre rapporteure suggère‑t‑elle la mise en place d’observatoires territoriaux de la pauvreté qui viendraient alimenter un observatoire national et qui seraient chargés, en collaboration avec les territoires et le secteur associatif, de collecter des données contemporaines en matière de pauvreté, sur le modèle de ce que font l’Insee et la Drees pour les données relatives à l’aide alimentaire. En dépit d’une légère marge d’erreur, ces données permettraient une réponse immédiate des pouvoirs publics et la mise en place de mesures plus réactives et pertinentes. Afin d’optimiser les politiques de prévention et de lutte contre la pauvreté, ces observatoires pourraient être adossés à la Conférence nationale des solidarités chargée de suivre le déploiement du Pacte des solidarités.

Recommandation :

 Adosser à la Conférence nationale des solidarités un observatoire permettant de collecter des données contemporaines en matière de pauvreté ;

 Poursuivre les travaux méthodologiques sur les indicateurs de la pauvreté.

● Cette difficulté relative aux outils de suivi de la pauvreté a été également soulevée dans les Calpae. En effet, la contractualisation avec les collectivités territoriales prévoyait la production de nombreux indicateurs pour chacune des actions socle. Or, ces indicateurs ont été jugés à la fois trop nombreux et parfois trop complexes. En outre, comme l’a relevé Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances, dans son évaluation sur la contractualisation ([57]), les changements de référentiels – par exemple, la définition d’un nouvel entrant au RSA – et la création ou la suppression d’indicateurs en cours d’exécution des Calpae ont complexifié leur suivi pour les départements et parfois occasionné des dépenses supplémentaires d’adaptation de leurs systèmes d’information.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’INDICATEURS PAR ACTION SOCLE

 

2019

2023

Jeune sortant de l’ASE

9

(*)

Maraudes mixtes

4

5

Accompagnement des BRSA

7

6 et 2 optionnels

Garantie d’activité

1 pour la GAD et 3 pour l’accompagnement global

2 pour la GAD et 4 pour l’accompagnement global

Point d’accueil social inconditionnel de proximité

6

3

Référent parcours

8

1

Total

38

29

(*) La prévention des sorties sèches de l’ASE étant sortie du cadre des Calpae pour 2022, ce chiffre est l’indicateur pour 2022 pour l’année 2021.

Source : instructions n° DGCS/DS1/2019/24 du 4 février 2019 et n° DGCS/SD1B/DIPLP/DGEFP/2023/9 du 31 janvier 2023 (annexe 6 : guide 2022 des indicateurs).

De ce fait, cette complexité a rendu ces indicateurs difficilement exploitables :

– certains indicateurs ont fait l’objet d’une interprétation différente selon les territoires, rendant ainsi impossible l’agrégation des données au niveau national ;

– l’ensemble des données relatives au suivi des Calpae a reposé entièrement sur les informations transmises par les collectivités, sans possibilité de contrôle de la part de l’État. Dans le cadre de ses travaux, Mme Perrine Goulet a d’ailleurs constaté des incohérences et des incomplétudes dans les rapports d’exécution qui lui ont été transmis.

Conjointement à une amélioration des systèmes d’information des collectivités, des indicateurs plus lisibles et performants favoriseraient une évaluation fiable et globale des mesures de lutte contre la pauvreté.

B.   Favorisant une dynamique partenariale entre les acteurs, la contractualisation entre l’État et les collectivitÉs territoriales est perfectible

1.   La contractualisation a suscité une nouvelle dynamique partenariale entre l’État et les collectivités territoriales qui doit être maintenue

La mise en relation et le renforcement du dialogue entre les collectivités territoriales d’un côté et l’État de l’autre ainsi que les résultats probants en matière d’insertion ou de prévention des sorties sèches de l’ASE justifient à eux seuls l’intérêt de la contractualisation avec les territoires dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la pauvreté.

● La contractualisation a engendré de nouvelles dynamiques partenariales à l’échelle des territoires, sur fond d’évolutions des pratiques et des organisations. D’après le rapport de l’Igas, « les Calpae posent les jalons de relations de travail renouvelés entre l’État et les collectivités » ([58]). Il convient néanmoins de préciser que, si l’effet des Calpae sur les relations entre l’État et les collectivités est avéré, il n’est toutefois pas uniforme, comme l’a relevé dans sa contribution écrite l’Assemblée des départements de France.

Les Calpae ont, par ailleurs, concouru à faire évoluer les pratiques des collectivités territoriales : 60 % des départements et 80 % des métropoles ont considéré que la contractualisation a eu des effets sur leurs modalités d’organisation.

Dans son évaluation, l’Igas précise que les changements opérés ont porté principalement sur quatre axes :

– les relations partenariales : à la faveur de la contractualisation, les territoires, en particulier les métropoles, ont estimé avoir développé des liens plus étroits avec les acteurs sociaux du territoire. Dans son évaluation de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, la métropole de Lyon a ainsi indiqué que « la circulation de l’information entre les parties et l’articulation des instances ont progressé dans le sens d’un meilleur partage des priorités et du rôle de chacun » ([59]) ;

– les relations interservices : la logique transversale des conventions aurait favorisé un décloisonnement des relations entre les différents services déconcentrés et une meilleure interconnaissance ;

– les pratiques professionnelles : les orientations portées par les Calpae ont promu des approches novatrices, en particulier les démarches d’aller‑vers ;

– la culture de l’évaluation et de la performance : les modalités de suivi des Calpae ont incité, sinon contraint, les territoires à s’organiser pour être en mesure de renseigner les indicateurs de suivi.

● Par ailleurs, avec un financement réparti à 50 % entre l’État et les départements, les Calpae ont joué un rôle d’impulsion d’initiatives nouvelles et d’enrichissement d’actions existantes, notamment en matière d’insertion.

S’agissant de l’accompagnement des BRSA, les résultats sont assez probants. En effet, le taux de nouveaux entrants au RSA orientés en un mois a sensiblement progressé, passant de 46 % en 2019 à 59 % en 2022. La part des contrats d’engagements réciproques a, quant à elle, augmenté de manière significative, passant ainsi de 58 % en 2020 à 70 % en 2022. En revanche, le taux de rendez‑vous fixé en moins de deux semaines parmi l’ensemble des rendez‑vous fixés n’a pas augmenté entre 2020 et 2022 et stagne à 51 %, après une légère hausse en 2021 à 59 %.

RÉSULTATS DES INDICATEURS EN MATIÈRE D’ACCOMPAGNEMENT DES BRSA

Taux de nouveaux entrants au RSA orientés en moins d’un mois

Taux de rendezvous fixé en moins de deux semaines parmi l’ensemble des rendezvous fixés

Taux des contrats d’engagement réciproque signés en moins de deux mois parmi l’ensemble des premiers contrats d’engagement réciproque

2020

2021

2022

2020

2021

2022

2020

2021

2022

51 %

57 %

59 %

51 %

59 %

51 %

58 %

64 %

70 %

Source : DIPLP.

Il convient également de préciser que l’obligation conventionnelle de remplir des indicateurs a poussé les départements à développer leurs systèmes d’information afin d’assurer une plus grande interopérabilité avec ceux de leurs partenaires, notamment les caisses d’allocations familiales et Pôle emploi.

Évolution des systèmes d’information de la métropole de Lyon en matière d’accompagnement des BRSA

Grâce au financement de la convention conclue avec l’État, la métropole de Lyon a engagé une refonte de l’orientation des BRSA. Pour ce faire, un travail important a été mené sur le système d’information de suivi des parcours des BRSA avec l’intégration de données de la caisse des allocations familiales via l’outil IO‑DAS au sein de l’outil de suivi des parcours Insertis. Cette évolution permet désormais d’avoir des données sociodémographiques ainsi que des données de situations des nouveaux allocataires de manière automatisée. Sur cette base informatique, la métropole de Lyon a développé un algorithme permettant d’orienter des BRSA en moins de quinze jours. Bien qu’efficace en termes de délai, ce système l’est moins sur le volet qualitatif et ne touche malheureusement que 5 % des allocataires en raison de la complexité pour recouper toutes les données nécessaires à une orientation pertinente.

● Les résultats en matière de garantie d’activité sont également tout aussi probants. Après une montée en charge progressive depuis 2019, 201 286 BRSA ont été pris en charge dans le cadre de la GAD en 2022, soit deux fois plus que l’objectif initial fixé pour l’année et contre 162 652 en 2020 et 199 968 en 2021. Ce sont ainsi 28 % des nouveaux bénéficiaires qui ont été orientés vers la GAD, contre 18 % en 2020.

Élaboré à l’échelle de vingt‑huit départements ([60]), un bilan relatif au financement de la garantie d’activité dans le cadre des Calpae de 2022 démontre que les départements ont consacré 48 % du montant total de la part financière apportée par l’État, que ce soit pour les actions socle ou pour les actions d’initiative locale, dans des dépenses liées au financement de la GAD et 12 % dans des dépenses liées au financement du dispositif d’accompagnement global.

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● Enfin, une très belle dynamique a été saluée par l’Assemblée des départements de France aussi bien pour la garantie d’activité que pour le SPIE, même si elle regrette que la transformation du SPIE en France Travail, dix‑huit mois après sa mise en place, nécessite de mettre en place de nouvelles mesures.

2.   Les modalités de la contractualisation gagneraient à être améliorées

● Si les Calpae ont fait l’objet d’un fort taux d’adhésion de la part des collectivités territoriales, leurs modalités ont néanmoins fait l’objet de critiques relatives à leur procédure budgétaire. Bien que pluriannuelles, les conventions faisaient chaque année l’objet d’un avenant qui précisait notamment le niveau de financement des différentes actions mises en œuvre au regard des résultats d’exécution de l’année précédente. En conséquence, les notifications et les délégations de crédits intervenaient trop tardivement au regard du calendrier budgétaire des collectivités budgétaires : l’Igas souligne dans son rapport que la plupart des conventions initiales et des premiers avenants ont été signés respectivement en juillet 2019 et en septembre 2020, donnant lieu à des délégations de crédit le dernier trimestre de chaque année alors que les budgets des départements doivent au plus tard être votés au 15 avril de l’année considérée ([61]).

De ce fait, les collectivités territoriales ayant conclu une Calpae se retrouvaient dans l’obligation d’adopter leur budget, sans connaître l’enveloppe allouée par l’État au titre de la convention et alors même que des crédits de la collectivité devaient être sanctuarisés compte tenu de l’obligation de cofinancement des conventions, et d’avancer les crédits pour le compte de l’État. Si la délégation tardive des crédits n’a pas empêché l’action des départements en tant que telle, cela a néanmoins pu ralentir le déploiement de certains dispositifs et susciter des inquiétudes tant pour les agents recrutés par les collectivités que pour leurs partenaires associatifs.

Par ailleurs, certains écarts ont pu être constatés entre les crédits pré‑notifiés et les crédits effectivement délégués en raison des réfactions des crédits non consommés l’année précédente. En 2020, pour les 99 départements signataires d’une convention, l’écart moyen entre le montant des crédits délégués et celui des crédits pré‑notifiés s’élevait à 186 880 euros, soit une diminution moyenne de 12 % ([62])

Votre rapporteure considère ainsi qu’une pluriannualité des conventions conclues entre l’État et les collectivités territoriales constituerait une réponse pertinente au pilotage complexe des conventions en permettant à la fois de donner une meilleure prévisibilité budgétaire aux territoires et d’assouplir la contrainte de l’évaluation annuelle.

Recommandation : renforcer la pluriannualité des financements des conventions conclues entre l’État et les collectivités territoriales.

Pour les futurs pactes locaux des solidarités, qui prendront la suite des Calpae, une contractualisation pluriannuelle est d’ores et déjà annoncée, ce que la rapporteure approuve même si elle regrette que cette pluriannualité ait pour conséquence de réduire les enveloppes des alliances locales pour les solidarités des commissaires à la lutte contre la pauvreté.

● Par ailleurs, si les actions socles, qui ont été déterminées de façon concertée, ont été jugées pertinentes pour certains territoires, elles ont pu également ne pas être adaptées aux réalités d’autres territoires. Ainsi, l’Assemblée des départements de France a soulevé un manque d’autonomie dans la gestion de ces conventions qui a pu être préjudiciable à l’action des départements en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les actions d’initiative locale devaient en principe laisser une marge de manœuvre aux collectivités pour mettre en place, dans le cadre de la contractualisation, des actions pleinement adaptées aux territoires. Or, les crédits mobilisés n’ont pas permis de favoriser les initiatives locales à un double titre :

– les crédits dévolus aux actions d’initiative locale ont été moins importants que ceux dévolus aux actions socles : pour 2019 et 2020, 30 millions d’euros ont été consacrés aux actions d’initiative locale des départements et 14,50 millions d’euros à celles des métropoles, pour des budgets respectifs de 133,40 millions d’euros et de 39,20 millions d’euros ([63]) ;

– la fongibilité asymétrique des crédits, laissant aux départements uniquement la possibilité de redéployer des crédits dédiés aux actions d’initiative locale vers les actions socles et non l’inverse, n’a pas pallié ce déséquilibre.

Recommandation : renforcer la fongibilité des enveloppes budgétaires déléguées par l’État aux départements.

● Le dispositif de la contractualisation devrait également faire l’objet d’une réflexion quant à sa dimension transversale et structurante au regard de la multiplication des dispositifs sectoriels dans le champ social (convention entre l’État et les départements, notamment les contrats départementaux de prévention et de protection de l’enfance mis en place à partir de 2020, appels à projet ou appels à manifestation d’intérêt). Outre la mise en concurrence de certains dispositifs avec des actions par ailleurs mises en œuvre dans le cadre d’une Calpae, leur multiplicité tend à nuire à la lisibilité et à l’efficacité de l’action des pouvoirs publics en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, le secteur associatif est d’ailleurs extrêmement critique vis-à-vis de ce phénomène.

C.   La politique de lutte contre la pauvretÉ doit continuer À crÉer un Écosystème novateur et participatif

1.   Le partage des bonnes pratiques mérite d’être pérennisé et approfondi

● Dès son lancement, la SNLPL a porté l’ambition de diffuser les bonnes pratiques, le partage de celles-ci étant d’ailleurs considéré comme un outil important pour améliorer les politiques sociales.

En ce sens, la DIPLP a joué un rôle majeur dans la capitalisation des bonnes pratiques, notamment en les repérant et en les diffusant. Sur le modèle du projet britannique What works Centers, la DIPLP a ainsi créé en 2021 une cartographie interactive ([64]) recensant, pour chaque territoire, l’ensemble des projets menés par les collectivités territoriales dans le cadre des Calpae sur les crédits dédiés aux actions d’initiative locale ainsi que ceux financés par les commissaires avec les enveloppes d’alliance locale des solidarités ; l’objectif d’une telle mesure est de permettre aux acteurs locaux de se saisir de ces projets innovants et de les adapter à leurs territoires. À la date de rédaction du présent rapport, cette cartographie recense 1 779 projets en cours ou achevés, dont 1 059 financés par les commissaires, 326 financés dans le cadre de la contractualisation avec les départements, 170 avec les métropoles et 1 avec les régions ; 1 343 projets sont en France métropolitaine et 189 en outre‑mer.

Exemple d’action financée par l’enveloppe d’alliance locale et recensée par la cartographie de la DIPLP : Avenir Mobil, l’auto‑école sociale et itinérante

Lancé en 2019, le projet Avenir Mobil auto‑école solidaire itinérante par le groupe Tremplin a été financé par les crédits du commissaire à la lutte contre la pauvreté de la région Bourgogne‑Franche‑Comté.

Ayant une vocation sociale et solidaire, cette auto-école propose aux jeunes inscrits dans une mission locale, aux demandeurs d’emploi, aux bénéficiaires du RSA ou aux travailleurs handicapés un soutien à l’apprentissage du code de la route et de la conduite. Ce projet innovant s’est développé autour d’un service de ramassage des élèves à leur domicile pour ceux ne pouvant se rendre dans une auto‑école. La formation est alors réalisée dans une salle communale prêtée par l’une des communes partenaires. À ce jour, plusieurs communes du département de la Saône‑et‑Loire sont engagées dans ce projet : Paray‑le‑Monial, Digoin, Gueugnon, Marcigny, Bourbon‑Lancy, La Clayette‑Chauffailles.

Ce projet a succédé au dispositif de conduite supervisée lancé par la mission locale du Charolais‑Brionnais en 2019, qui avait déjà connu un grand succès.

Entre 2020 et 2022, Avenir Mobil a formé plus de 120 jeunes en insertion en milieu rural avec un taux de réussite des élèves proche de 90 % (1).

(1) https://www.roole.fr/qui-sommes-nous/coulisses/mobilite-solidaire/lauto-ecole-itinerante-et-solidaire-une-solution-pour-lacces-au-permis-en-zone-rurale

Votre rapporteure encourage ainsi pleinement ce travail de capitalisation des bonnes pratiques, nécessaire pour créer un écosystème innovant dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la pauvreté et adapté aux territoires.

Recommandation : poursuivre dans le Pacte des solidarités le travail de capitalisation des bonnes pratiques engagé sous la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

● Toutefois, pour être partagées, ces bonnes pratiques doivent au préalable être financées. Tel était l’objet des enveloppes des alliances locales pour les solidarités pilotées par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, qui ont permis de financer des projets innovants, adaptés aux spécificités de leurs territoires et ne pouvant éligibles à d’autres types de financement.

Entre 2019 et 2022, 3 344 projets en faveur des publics précaires (133 projets en 2019, 908 projets en 2020, 903 projets en 2021 et 1 400 projets en 2022) ont été financés par les commissaires, pour un total de 105 millions d’euros. Avec en moyenne 195 personnes visées par action, ces projets ont ainsi bénéficié à 600 000 personnes en situation de vulnérabilité. D’une importance capitale pour soutenir des initiatives locales, expérimenter de nouvelles approches, créer un effet levier pour certaines actions, voire réduire les inégalités territoriales, ces crédits ont également favorisé le renforcement de dynamiques d’acteurs ainsi que la capitalisation des bonnes pratiques.

Cependant, alors même que les résultats obtenus grâce à ces crédits témoignent de leur efficacité pour lutter contre la pauvreté et favoriser l’inclusion sociale, cette enveloppe n’a pas été reconduite dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. En outre, la pluriannualité des pactes locaux des solidarités empêchera toute réfaction des crédits non consommés par les collectivités, qui alimentaient jusqu’à présent les enveloppes d’alliances locales pour les solidarités.

C’est pourquoi, votre rapporteure, convaincue du rôle essentiel des commissaires à la lutte contre la pauvreté pour soutenir des initiatives locales pertinentes, propose de réintroduire dans le présent projet de loi de finances ces enveloppes d’alliances locales pour les solidarités à hauteur de 20 millions d’euros.

Recommandation : maintenir les enveloppes d’alliances locales pour les solidarités pilotées par les commissaires à la lutte contre la pauvreté.

En outre, un changement de dénomination des commissaires à la lutte contre la pauvreté serait bienvenu.

Recommandation : renommer les commissaires à la lutte contre la pauvreté en commissaires aux solidarités et à l’égalité des chances.

2.   La démarche participative engagée par la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a vocation à être améliorée dans le Pacte des solidarités

● Présentée comme un « choc de participation » ([65]), la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a été préparée dans le cadre d’une large concertation associant des élus locaux ou nationaux, des représentants d’associations ainsi que des membres d’administration regroupés en six groupes de travail thématiques ([66]). Ces groupes de travail, composés de 150 contributeurs, ont ainsi présenté en amont du lancement de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté leurs propositions, fruits d’une trentaine de réunions de groupes, d’une centaine d’auditions d’acteurs et de plus de cent contributions écrites d’associations. Par ailleurs, neuf journées de concertations territoriales qui ont réuni environ 2 000 acteurs associatifs ainsi qu’une consultation en ligne ayant recueilli 7 200 contributions, dont 3 600 de la part de personnes ayant vécu ou vivant une situation de pauvreté, ont complété cette démarche participative qui a précédé le lancement de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Après son lancement, des conférences régionales se sont déroulées périodiquement afin de rendre compte des avancées de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté en région. Dans chaque région, quinze groupes de travail thématiques ([67]) associant l’ensemble des acteurs (élus, acteurs institutionnels, acteurs associatifs, personnes concernées, etc.) étaient chargés de produire des feuilles de route sur leur thématique et de participer au suivi de leur mise en œuvre. Ces groupes avaient également vocation à orienter l’utilisation des crédits gérés en propre par les commissaires ou ceux alloués au financement des actions d’initiative locale dans le cadre des Calpae.

En dépit de la crise sanitaire, qui a empêché la tenue de réunions régulières, ces groupes de travail thématiques n’ont pas pleinement convaincu les acteurs concernés. Dans son rapport, l’Igas souligne que « les conditions du “choc de participation” que le Gouvernement appelait de ses vœux ne sont pas encore réunies » ([68]). Au cours du mandat de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, certains groupes ont ainsi été abandonnés ou ont fusionné, d’autres ont vu leurs modalités d’organisation modifiées. Toutefois, la Fédération des acteurs de la solidarité qu’a auditionnée votre rapporteure a souligné l’intérêt du groupe de travail n° 14 « Participation », qui a favorisé une concertation avec des personnes qualifiées.

Cette carence participative a également été soulevée par les collectivités territoriales, certaines ayant pu voir la contractualisation avec l’État comme une « sorte de recentralisation qui ne dit pas son nom » ([69]) des politiques sociales. Dans sa contribution écrite, l’Assemblée des départements de France a également relevé que certains départements ont déploré une marge de manœuvre limitée dans la mise en œuvre de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.

● Il convient néanmoins de préciser que la démarche participative engagée sous la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a vocation à se poursuivre mais surtout à s’approfondir, dans le cadre du Pacte des solidarités, avec les pactes locaux des solidarités, qui constitueront le nouveau moyen de contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales pour la période 2024‑2027. D’après les informations transmises par la direction générale de la cohésion sociale, les pactes locaux des solidarités, appelés à prendre la suite des Calpae, devraient laisser davantage de manœuvre aux cocontractants locaux pour déterminer les actions prioritaires à mettre en œuvre sur leur territoire dans le champ de trois des quatre axes du Pacte des solidarités, à savoir :

– prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l’enfance ;

– lutter contre la grande exclusion et favoriser l’accès aux droits ;

– construire une transition écologique et solidaire.

Par ailleurs, il n’y aura plus d’actions socles obligatoires : les actions à déployer seront déterminées à la suite du travail de diagnostic territorial, qui aura permis d’identifier des besoins à la fois prioritaires sur le territoire concerné et conformes aux référentiels de cadrage nationaux. En outre, les diagnostics territoriaux menés en 2023 par l’État en lien avec les collectivités territoriales – départements et métropoles, les régions ne faisant plus partie de la contractualisation en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté – et l’ensemble des partenaires concernés par l’un des quatre axes du Pacte permettront de fixer un « T0 » de référence qui sera utile au suivi des actions futures.

Au regard de cette évolution de fonctionnement des prochains pactes locaux des solidarités, leurs modalités d’évaluation seront également amenées à évoluer : chaque action définie localement devra ainsi faire l’objet d’indicateurs de réalisation et de performance, définis entre les services déconcentrés de l’État et la collectivité cocontractante, et d’objectifs annuels. De manière complémentaire, quelques indicateurs nationaux obligatoires seront prévus pour chaque référentiel et grands ensembles d’actions. Enfin, si les indicateurs seront à recueillir chaque année, l’évaluation complète des mesures sera conduite au bout des deux premières années d’exécution de la convention.

Votre rapporteure juge extrêmement positive cette évolution car, tout en permettant à l’État de mener une politique efficace de lutte contre la pauvreté, les actions menées dans les différents territoires devraient ainsi être davantage adaptées aux réalités départementales et métropolitaines.


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   CONCLUSION

Près de cinq ans après le lancement de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté et à l’aube du déploiement du nouveau Pacte des solidarités, le présent avis budgétaire ne prétend pas apporter toutes les réponses aux défis qui se dressent face à notre système de solidarité. Il poursuit l’ambition plus modeste de retracer certaines des évolutions récentes en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté, d’analyser les forces et faiblesses de la précédente stratégie et de formuler quelques principes directeurs et recommandations en vue du déploiement du Pacte des solidarités.

Si le bilan de la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté révèle que celle‑ci était perfectible et qu’elle n’a pas éradiqué la pauvreté en France, force est de constater la robustesse de notre modèle de solidarité face à la crise sanitaire et aux difficultés économiques qui l’ont suivie. Le Pacte des solidarités aura également un certain nombre de défis à relever, notamment en matière de grande précarité et de pauvreté dans les territoires d’outre‑mer. En effet, l’inflation a déjà des conséquences importantes sur l’accès au logement et sur l’alimentation des plus vulnérables. Les prévisions relatives à l’évolution du taux de chômage en 2024 incitent également à poursuivre le soutien à l’emploi et la formation des jeunes.

Votre rapporteure constate, malgré l’ampleur des défis à relever par la mission Solidarité, insertion, égalité des chances, que les avancées sont réelles. Le Pacte des solidarités priorise d’une part les actions qui ont montré leur efficacité et qui nécessitent d’être poursuivies, notamment dans le champ de la lutte contre la reproduction des inégalités dès l’enfance et de l’insertion sociale par l’emploi, et intègre d’autre part des actions nouvelles visant à mieux prendre en compte les enjeux liés à la très grande pauvreté, notamment dans les territoires d’outre‑mer, et à accompagner les familles précaires vers une transition écologique soutenable financièrement.


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   Travaux de la commission

I.   Audition deS ministreS

Au cours de sa seconde réunion du mardi 10 octobre 2023, la commission auditionne Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, et Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la première ministre, chargée de l’enfance, sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (seconde partie) ([70]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Mesdames Aurore Bergé et Charlotte Caubel, nous vous souhaitons la bienvenue dans notre commission ; nous vous auditionnons ce soir pour évoquer les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Je vous transmets, mes chers collègues, les excuses de Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes handicapées, qui ne peut être avec nous ce soir pour des raisons de santé et à qui je souhaite un prompt rétablissement.

Le caractère inhabituellement précoce de nos auditions nous conduira à attendre pour prendre connaissance des travaux thématiques de nos rapporteurs pour avis. Nous entendrons ainsi Mme Le Nabour au début du mois de novembre sur l’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et le pacte des solidarités.

Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles. Je suis très heureuse d’être devant vous ce soir pour l’examen pour avis des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. En complément des moyens de la sécurité sociale, cette mission se trouve au cœur des politiques sociales de l’État, lesquelles concourent à réduire les inégalités, à protéger les personnes vulnérables et à soutenir les familles et nos concitoyens les plus fragiles. Ces moyens ont un impact direct sur le quotidien de millions de Français et font donc l’objet d’une attention particulière de la part des parlementaires.

Ce budget vise à relever un double défi démographique. Le premier est lié au vieillissement : en 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans et, pour la première fois de l’histoire de notre pays, les personnes âgées de plus de 65 ans seront plus nombreuses que celles de moins de 15 ans ; notre pays doit se préparer dès maintenant à ce véritable choc démographique. Une action résolue est nécessaire pour permettre aux Français de vieillir chez eux, conformément à leurs souhaits, de bénéficier des services médicaux adéquats et d’une haute qualité d’accueil lorsqu’ils vivent en Ehpad – je pense notamment aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives – et de choisir un régime intermédiaire entre le domicile et l’Ehpad – habitat intermédiaire ou résidences pour les seniors, par exemple. Le second a trait à la baisse de la natalité, qui est à mes yeux la question majeure de mon ministère. Notre objectif est de résorber l’écart entre le désir d’enfant exprimé par nos concitoyens et sa réalisation concrète, en retrouvant une politique familiale universelle au service de toutes les familles.

Une nouvelle impulsion sera donnée à la lutte contre la pauvreté en 2024. Avec la Première ministre, nous avons annoncé l’entrée en vigueur du pacte des solidarités, qui prend la suite de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Les moyens de la mission progresseront de 4,65 % par rapport à l’année dernière, soit 1,4 milliard d’euros supplémentaires, les crédits atteignant un total de 30,8 milliards d’euros.

Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes participe activement à notre modèle social, qui est l’un des plus protecteurs au monde et qui évite chaque année à 5 millions de Français de tomber dans la pauvreté. Pour que les Français les plus modestes puissent faire face à l’inflation, les budgets de la prime d’activité et du RSA seront revalorisés de 4,6 %. Depuis trois ans, les crédits de l’État en faveur de l’aide alimentaire ont plus que doublé pour atteindre 156 millions d’euros en 2023. Je le redis, nous ne laisserons tomber aucune association et vous pouvez m’alerter en cas de problème sur ce sujet dans vos territoires. La lutte contre la précarité dépasse largement le seul cadre de l’aide alimentaire, et l’État n’est pas le seul à devoir intervenir. C’est tout l’objet de l’appel à la solidarité que j’ai lancé et qui a donné lieu à une vague de dons de grandes entreprises françaises, qui font l’image de notre pays à l’international, qui contribuent fiscalement à notre modèle social et qui créent de l’emploi.

Notre modèle de solidarité nécessite que chacun – État, collectivités locales, associations et entreprises – prenne sa place et sa part. Cette démarche partenariale guide mon action et inspire la démarche du pacte des solidarités. Pour protéger nos concitoyens les plus précaires et combattre les inégalités de destin dès la naissance, ce pacte nous permet d’intervenir sur l’ensemble du quotidien des personnes, en premier lieu les enfants. Vous le voyez d’ailleurs dans vos circonscriptions, la lutte contre la pauvreté est loin de se résumer à une question de prestations sociales : je crois surtout à l’accompagnement de chacun vers son insertion sociale et professionnelle. C’est pourquoi nous souhaitons prévenir la pauvreté, pour sortir de sa reproduction et en finir avec les sept générations nécessaires à l’ascension sociale, en agissant dès l’enfance, et assurer une sortie durable de la pauvreté, en favorisant le retour à l’emploi : nous mobilisons tous les leviers à notre disposition, en conciliant – nouveauté du pacte – transition écologique et justice sociale. L’année prochaine, en plus des actions des autres ministères comme la hausse des aides à la mobilité pour les plus modestes ou le plan d’urgence pour les enfants sans domicile, ce sont 266 millions d’euros du programme 304 qui seront consacrés à des mesures du pacte des solidarités.

Les plus importantes d’entre elles sont le pass colo, dont j’ai annoncé la création cet été et qui doit faciliter le départ en vacances des enfants des familles modestes et moyennes ; le soutien de l’État à la cantine à 1 euro maximum sera renforcé par l’augmentation de l’appui aux communes qui respectent les engagements de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Egalim – nous le savons trop bien, le repas à la cantine constitue parfois le seul repas équilibré voire le seul repas tout court de certains enfants : plus de 2 000 communes sont déjà intégrées dans le programme, mais de très nombreuses autres pourraient y avoir accès sans engager le moindre euro ; le fonds d’innovation pour la petite enfance, qui vise à faciliter, en lien avec la démarche des 1 000 premiers jours, l’accès des familles les plus vulnérables aux modes de garde sera maintenu car les inégalités se jouent dès le premier âge de la vie ; la hausse des crédits dédiés à la lutte contre la précarité menstruelle contribuera à briser ce tabou que nous parvenons progressivement à rompre en aidant plus d’un million de femmes chaque année ; enfin, les contractualisations avec les départements et les métropoles seront renforcées à hauteur de 260 millions d’euros pour les départements, avec 90 millions pour le programme 304, et 12,5 millions pour les métropoles, parce que nous nous inscrivons dans une démarche partenariale avec les collectivités locales : nous financerons ainsi des actions de mobilité solidaire et de lutte contre la précarité énergétique à destination des plus modestes, ainsi que l’accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Le ministère des solidarités et des familles est également chargé de la mise en œuvre d’un des chantiers prioritaires de transformation du quinquennat, à savoir la solidarité à la source. Expérimentée dès l’année prochaine dans certaines caisses et déployée à grande échelle à partir du premier trimestre de 2025, elle vise à lutter contre le non-recours aux droits et contre la fraude et les indus, en simplifiant les démarches de demande et de renouvellement des prestations de solidarité. Nous avons franchi cet été une première étape essentielle : comme il avait été prévu depuis janvier après les travaux engagés par les services de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) avec l’ensemble des parties prenantes, les feuilles de paie font désormais apparaître le montant net social : cette nouvelle ligne indique pour la première fois aux allocataires le montant exact qu’ils doivent déclarer pour bénéficier du RSA ou de la prime d’activité – cela peut paraître fou, mais jusqu’à présent, ils reportaient individuellement ce montant avec le risque d’erreur et d’indus afférent. Il s’agit d’une étape de simplification majeure et de renforcement des droits de nos concitoyens les plus précaires. Nous en avons conscience, la lutte contre le non-recours nécessite d’aller vers les personnes qui ne se manifestent pas, qui restent trop éloignées des administrations et qui risquent de tomber durablement dans la pauvreté. Dans le cadre du pacte des solidarités, nous mettrons en œuvre un plan d’accès complet aux droits, reposant sur un renforcement de la domiciliation pour les associations et les centres communaux d’action sociale et sur le déploiement de trente-neuf « Territoires zéro non-recours », dont nous avons dévoilé la liste en juillet : nous dépassons largement l’expérience initialement prévue dans dix territoires, preuve du succès de votre initiative, madame la rapporteure pour avis.

S’agissant du handicap et de la dépendance, la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), que l’Assemblée a tant voulue, est entrée en vigueur depuis le 1er octobre et se traduira sur les comptes bancaires des bénéficiaires dès le début du mois de novembre. Il s’agit d’une mesure de dignité et d’émancipation pour les couples. L’État s’engage fortement puisqu’il dépensera 500 millions d’euros pour réaliser la déconjugalisation de l’AAH, qui n’est donc pas qu’une mesure de simplification. L’allocation de 120 000 bénéficiaires augmentera en moyenne de 350 euros par mois, ce qui changera leur vie.

La sécurité des enfants, des personnes âgées et de celles en situation de handicap est une priorité absolue de notre action. Elle nécessite un engagement suffisant des professionnels, ceux-ci devant être suffisamment nombreux et bien formés, mais également mieux reconnus, valorisés et rémunérés. En outre, il y a lieu de développer une véritable culture du contrôle, qui n’existe pas dans notre pays et qui ne sera jamais une culture de la défiance ou du soupçon vis-à-vis des professionnels qui s’engagent chaque jour pour le bien de nos enfants, de personnes porteuses de handicap ou de personnes âgées dépendantes. Nous renforçons les crédits de 2,5 millions d’euros pour obtenir enfin un système d’information national de signalement des maltraitances. Pendant cinq mois, nous avons tenu des états généraux des maltraitances, dont l’une des principales recommandations était la construction d’un tel système d’information national.

Enfin, les crédits du programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales visent à répondre à la question de la vocation des professionnels engagés dans le champ social et médico-social : nous souhaitons susciter l’envie d’exercer ces métiers, ce qui passe par leur revalorisation. La mobilisation doit être générale pour renforcer leur attractivité : nous avons commencé à le faire et nous poursuivrons cette tâche en 2024, notamment dans les domaines de l’autonomie et de la petite enfance. Nous consacrons, dans le programme 124, plus de 3 millions d’euros à un plan de communication destiné à valoriser ces professions, comme cela a déjà été fait dans d’autres secteurs comme celui des armées. Les métiers du social, du sanitaire et du médico-social seront valorisés : il ne s’agit pas d’une mesure gadget mais d’une demande majeure des aides à domicile, des auxiliaires de puériculture et des professionnelles des métiers du soin d’être reconnues pour ce qu’elles font.

Il convient de s’assurer que les agents publics qui mettent en œuvre ces politiques travaillent dans des conditions à la hauteur de leur engagement et de l’importance de leur tâche. Pour la quatrième année consécutive, le schéma d’emplois du ministère connaît une hausse, de 41 recrutements nets supplémentaires, que nous avons annoncée avec Aurélien Rousseau à l’ensemble des organisations syndicales : les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités et les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités seront renforcées pour étoffer les missions d’inspection et de contrôle.

Un drame s’est produit cet été à Wintzenheim où onze personnes, dont dix en situation de handicap, sont décédées dans l’incendie d’un gîte. Nous devons changer la donne dans ce domaine ; nous avons immédiatement lancé une inspection administrative avec Fadila Khattabi, dont les conclusions ont été rendues publiques ; l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a également conduit une mission visant à établir des référentiels nationaux dans ce secteur. Des personnels sont nécessaires pour que les contrôles puissent être déployés partout ; j’ai tenu à ce que toutes les agences régionales de santé (ARS) procèdent à ces recrutements pour assurer le contrôle des établissements et des services à destination des personnes les plus vulnérables de notre pays, à savoir les personnes en situation de handicap. Ces nouveaux agents épauleront les 120 professionnels qui réalisent en ce moment même le contrôle de l’intégralité des Ehpad en France, cette grande opération durant au total deux ans.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l’enfance. L’année dernière, dans le cadre de l’examen du PLF 2023, je vous avais présenté une feuille de route axée autour de cinq thématiques majeures, qui ont été depuis confirmées par la Première ministre à l’occasion du premier comité interministériel à l’enfance, tenu le 20 novembre dernier. Ces cinq priorités sont la lutte contre les violences faites aux enfants, l’amélioration de la santé mentale des enfants, celle de l’accompagnement des enfants les plus fragiles, notamment ceux en situation de handicap et ceux protégés par l’aide sociale à l’enfance (ASE), le service public de la petite enfance et les enjeux liés au numérique.

Au-delà du programme 304, je soutiens l’action de tous les membres du Gouvernement engagés pour ces cinq priorités et pour les politiques de l’enfance. J’ai proposé l’élaboration d’un « jaune » budgétaire, dont le principe a été approuvé l’année dernière et dont le premier exemplaire sera finalisé dans les prochains jours. Il offrira une vision précise de l’ensemble des financements publics mobilisés pour les enfants par l’État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales. J’ai insisté pour qu’il mette particulièrement en lumière les financements dédiés aux enfants les plus vulnérables.

La lutte contre les violences faites aux enfants reste ma priorité ; retenons un seul chiffre : toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’agression sexuelle. J’ai lancé une campagne choc pour sensibiliser nos concitoyens à l’ampleur du phénomène des violences sexuelles pour essayer d’inverser les chiffres. Pour la première fois, le mot « inceste » a été employé dans une campagne diffusée dans notre pays. Afin de continuer à avancer sur le sujet, il faudra produire régulièrement de telles campagnes sur d’autres types de violence. Nous finalisons d’ailleurs notre stratégie de lutte contre les violences, qui sera annoncée dans le courant du mois de novembre à l’occasion de la semaine des droits de l’enfant.

L’État s’engage aux côtés des départements en maintenant les crédits de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. Ils s’élèvent à 140 millions d’euros pour l’État et à 110 millions sur l’enveloppe de financement de la sécurité sociale, soit 250 millions qui continueront à accompagner la politique de protection de l’enfance des départements. Je suis en train de refondre la contractualisation pour la période allant de 2024 à 2027 : celle-ci sera centrée sur la prévention, afin d’agir en amont du placement, et sur le renforcement de tous les dispositifs au domicile : il s’agit d’une priorité pour inverser la logique actuelle qui aboutit à des placements en urgence d’enfants à un coût très élevé et dans une violence parfois injustifiée.

Les emplois dans les services déconcentrés sont nécessaires pour que l’État prenne toute sa place dans le territoire et pour qu’il améliore la coordination et l’animation, à l’échelon territorial, des politiques de l’enfance, notamment la protection de celle-ci – il est essentiel de commencer par les départements qui expérimentent les comités départementaux pour la protection de l’enfance.

Vous avez souhaité, dans la loi du 7 février 2022, créer ces comités départementaux pour renforcer la coordination de l’ensemble des services de l’État et assurer un meilleur suivi des enfants les plus fragiles. Je suis persuadée qu’il s’agit d’un levier essentiel et j’ai inauguré la plupart de ces comités ; d’ici à la fin de l’année, les dix départements expérimentateurs auront installé leur comité, dont on constate déjà les premiers effets bénéfiques pour les enfants.

Les emplois déconcentrés sont évidemment utiles pour le contrôle des établissements de protection de l’enfance. L’État doit soutenir les départements dans cette mission et réaliser des contrôles plus systématiques à leurs côtés, voire seul lorsque cela est nécessaire. Ces emplois devraient également favoriser l’amélioration de la gouvernance territoriale de la politique, dans la lignée de la contractualisation. Parallèlement, les directions territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse seront également renforcées. Nous souhaitons développer une action concertée des services de l’État pour les départements.

Certains d’entre vous ont noté la baisse des crédits qui compensent les dépenses de mise à l’abri et d’évaluation des mineurs non accompagnés. Les montants inscrits l’an passé étaient supérieurs à ceux qui ont été consommés. Cette ligne a fait l’objet d’un ajustement, même si les arrivées de mineurs sont de nouveau en hausse. La sous-consommation des crédits explique leur baisse dans le PLF, mais il ne s’agit que d’un chiffrage évaluatif : toutes les dépenses des départements seront couvertes, car il s’agit de dépenses de guichet que les départements présentent à l’État, qui les rembourse.

L’État maintiendra les 50 millions d’euros destinés à soutenir les départements dans leur obligation d’accueil des jeunes majeurs de moins de 21 ans non autonomes. Au-delà de cet aspect financier de soutien des départements, nous travaillons à améliorer l’accompagnement de ces jeunes majeurs ainsi que le respect de tous leurs droits.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure pour avis des crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Je suis très heureuse de vous rapporter, au nom de la commission des affaires sociales et pour la troisième année consécutive, les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Le projet de loi de finances pour 2024 traduit une fois encore l’importance que les politiques de solidarité occupent dans les priorités gouvernementales. Les crédits de la mission s’élèvent en effet à 30,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 30,8 milliards en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 4,6 % par rapport à 2023.

Le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes voit ses crédits reconduits, après une hausse importante d’un peu plus de 10 % en 2023. Plusieurs mesures emblématiques sont intégrées dans ce programme, qui joue pleinement un rôle d’amortisseur pour les personnes en difficulté. Ainsi, figurent dans ce programme la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, le soutien à la prime d’activité – qui bénéficie actuellement à 4 740 000 foyers –, la lutte contre la précarité alimentaire et l’accès à une alimentation saine car, dans un contexte inflationniste, l’aide alimentaire constitue un enjeu primordial sur lequel nous sommes particulièrement vigilants, d’où la hausse significative des crédits de près de 21 % – ce sont donc 33,4 millions d’euros qui seront consacrés à l’aide alimentaire ainsi qu’au financement des épiceries solidaires. Par ailleurs, l’engagement de la majorité en matière d’accès à une alimentation saine est approfondi avec 10 millions d’euros supplémentaires affectés au programme « Mieux manger pour tous ».

Le pacte des solidarités succède à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, dont l’évaluation fera l’objet de la seconde partie de mon avis budgétaire. Présenté le 18 septembre dernier, le pacte des solidarités sera doté pour 2024 d’une enveloppe de 266,1 millions d’euros – j’en profite pour saluer le travail des commissaires à la lutte contre la pauvreté placés auprès des préfets. Ce pacte se décline en vingt-cinq mesures, réunies en quatre axes prioritaires : la prévention de la pauvreté et la lutte contre les inégalités dès l’enfance, l’amplification de la politique d’accès à l’emploi pour tous, la lutte contre la grande exclusion et, enfin, la construction d’une transition écologique et solidaire. Certaines mesures de la précédente stratégie seront maintenues, à l’instar de la tarification sociale des cantines ou de l’expérimentation « Territoires zéro non-recours », qui concernera trente-neuf territoires à compter du 1er janvier 2024 ; d’autres mesures sont inédites comme la création du pass colo.

Le programme 157 Handicap et dépendance connaît une nouvelle forte augmentation de 9,20 %, qui porte ses crédits à 15,38 milliards d’euros. Ce programme contribue très majoritairement au soutien du revenu des personnes en situation de handicap car il finance l’AAH, qui est désormais déconjugalisée. Ainsi, depuis le 1er octobre, 160 000 allocataires, dont 80 000 nouveaux entrants, voient les ressources de leur conjoint exclues du calcul de leur allocation, générant un gain moyen de 300 euros par mois. Vous connaissez mon combat pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées : c’est à ce titre que je salue l’effort budgétaire qui a été réalisé sur les crédits dédiés à l’emploi accompagné, puisque ceux-ci progressent de 14,9 millions d’euros, soit une hausse de 56 % par rapport à 2023.

Les crédits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes augmentent eux aussi et atteindront 76 millions d’euros en 2024. Avec 13 millions d’euros supplémentaires, la lutte contre les violences faites aux femmes tient une place centrale dans ce budget. Ces moyens renforceront le financement du réseau des lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation, consolideront la plateforme téléphonique 3919 et financeront surtout la nouvelle aide universelle d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales, qui entrera en vigueur le 1er décembre prochain.

Le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales finance les services chargés du déploiement de ces politiques publiques. Pour ce programme, le schéma d’emplois affichera, pour la quatrième année consécutive, un solde net positif de 41 équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Ainsi, ce budget pour 2024 me paraît offrir les moyens financiers à la hauteur des enjeux actuels et montre une nouvelle fois l’engagement de la majorité en matière de prévention et de lutte contre la pauvreté, de protection des personnes vulnérables et de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Fanta Berete (RE). Un dénominateur commun, fédérateur pour nous tous, transparaît dans la mission Solidarité, insertion et égalité des chances : ce sont les femmes. Premières victimes de la précarité, elles représentent le cœur de cible de ces politiques, notamment celle de la monoparentalité sur laquelle je travaille activement. Les oppositions ne voteront sans doute pas les crédits de ce budget, alors que nous pourrions trouver des consensus autour de cette mission. Madame la ministre, en tant que femme et ancienne parlementaire ayant siégé parmi nous, je souhaite vous poser deux questions : quels sont les points forts de cette mission pour les femmes ? Comment comptez-vous les soutenir dans votre périmètre d’action ?

M. Serge Muller (RN). Pour les ESMS accueillant des personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap, des fiches signalétiques comprenant des indicateurs essentiels ont vocation à être publiées annuellement : il existe dix indicateurs de suivi de la qualité du service rendu dans les Ehpad, mais seuls cinq d’entre eux doivent être obligatoirement remplis par les établissements et tous ne sont pas rendus publics. Ignorer le taux d’encadrement, le taux de rotation des personnels, le taux d’absentéisme, la date de la dernière évaluation de la qualité de l’Ehpad et le coût quotidien des repas par personne suscite des interrogations légitimes. Comment assurer une politique sociale de haut niveau sans disposer de ces informations ?

Le nombre de contrôles effectués par les ARS entre 2018 et 2021 s’est élevé à 2 800 missions d’inspection, soit 700 par an en moyenne : ce chiffre est faible puisque l’on recense 7 500 Ehpad en France. En 2018, un tiers des 8 300 ETPT des ARS étaient juridiquement habilités à réaliser ces contrôles, mais seuls 500 d’entre eux s’y sont consacrés – 270 étaient dirigés vers la santé environnementale et seulement 230 agissaient dans le champ sanitaire et médico-social. Il est évidemment nécessaire d’attribuer des moyens supplémentaires aux autorités de tarification et de contrôle afin d’accroître le nombre de missions d’inspection : qu’envisagez-vous dans ce domaine ?

M. William Martinet (LFI - NUPES). L’ASE se trouve dans une situation terrible : des centaines de mesures éducatives ne sont pas exécutées faute de moyens dans les associations, de travailleurs sociaux et d’éducateurs, et certaines mesures de placement ne sont désormais plus appliquées alors qu’elles concernent des enfants en danger : dans ce contexte, pourquoi diminuer de 6 % la ligne budgétaire consacrée à la protection et à l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables ? Vous dites que les crédits n’ont pas été entièrement consommés l’année dernière, mais pourquoi n’investissez‑vous pas massivement dans la protection des enfants ?

J’en viens à un autre secteur qui s’effondre : celui de la petite enfance. Parents, professionnels et même enfants subissent des situations terribles. Madame la ministre, vous vous vantez régulièrement d’avoir signé avec la Cnaf une convention d’objectifs et de gestion (COG) exceptionnelle. La précédente, dont votre majorité était déjà responsable, a constitué un véritable plan d’austérité, en prévoyant une augmentation du budget des crèches de 0,3 % par an, pendant une période où le Smic a augmenté de 7 %. C’est ce qui a mené à la situation que nous connaissons. Vous avez maintenant beau jeu de parler des 6 % par an d’augmentation de cette nouvelle convention : pour couvrir l’augmentation des coûts, la revalorisation des professionnels, le financement des temps de formation et d’échange sur les pratiques, ce ne sera pas suffisant.

Concrètement, quelle augmentation les agents du secteur de la petite enfance verront‑ils sur leur feuille de paye tous les mois ? Vous savez, contrairement à votre prédécesseur, que le salaire moyen des assistantes maternelles est inférieur au Smic : de combien seront-elles augmentées ?

Dernière question précise, vous parlez de 100 000 créations de places de crèche au cours du quinquennat. Le directeur général de la Cnaf a indiqué que la COG ne finance que 35 000 places supplémentaires. Pouvez-vous nous expliquer cette différence ? Faut-il voir là autre chose qu’une promesse destinée à ne pas être tenue ?

Mme Josiane Corneloup (LR). Le budget de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances est en hausse de plus de 4 %, notamment en raison de l’augmentation des crédits destinés à l’AAH.

La revalorisation de cette allocation ne peut être que saluée, comme les mesures de simplification. La déconjugalisation, que le groupe Les Républicains a soutenue, était indispensable pour éviter une perte de revenus et une dépendance financière vis-à-vis du conjoint. C’est une mesure de dignité qui renforce l’autonomie des personnes en situation de handicap. Elle bénéficiera à 160 000 nouveaux allocataires, dont 80 000 nouveaux entrants, pour un gain moyen de 300 euros par mois ; la dépense nouvelle s’élève à 560 millions d’euros en année pleine.

Les crédits destinés à l’accompagnement vers l’emploi des personnes en situation de handicap augmentent également. Nous nous en félicitons : nul n’ignore le taux de chômage de ces personnes, qui doivent bénéficier d’un accompagnement et de formations adaptés.

En ce qui concerne l’inclusion des enfants porteurs de handicap, les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont encore en nombre insuffisant. De plus, certains relèvent de l’éducation nationale, pour le temps scolaire, et d’autres des collectivités locales, pour le temps périscolaire : ces enfants ont donc souvent deux interlocuteurs différents. Ce n’est pas satisfaisant. Des conventions pourraient améliorer ce point ; elles permettraient en outre de proposer des temps pleins, ce qui rendrait ce métier plus attractif.

En matière d’égalité entre les hommes et les femmes, nous saluons l’effort consenti par le Gouvernement, avec une augmentation de 16,26 %. Toutefois, les sommes consacrées à cette cause nationale doivent être considérées comme un point de départ, dans un contexte de recrudescence des violences faites aux femmes.

Je salue la mise en place de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, à laquelle seront consacrés 13 millions d’euros. Nous défendions cette mesure depuis longtemps.

En ce qui concerne enfin le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, après une forte augmentation notamment lors du dernier projet de loi de finances sous l’effet de la hausse de la prime d’activité, les crédits croissent de seulement 0,35 %. L’enveloppe dédiée à l’aide alimentaire nous paraît insuffisante ; nous connaissons tous les difficultés rencontrées par les Restos du cœur, qui, pour la première fois de leur histoire, devront refuser d’aider certaines personnes, en raison de l’augmentation du nombre de demandeurs mais aussi de l’inflation des prix alimentaires.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je commence par souhaiter, au nom du groupe Démocrate, un prompt rétablissement à Mme Khattabi.

Cette mission traduit clairement les engagements budgétaires forts de cette majorité en faveur de notre modèle social, dont nous pouvons être fiers de renforcer le caractère à la fois solidaire et émancipateur.

Je me concentrerai sur le programme 157 Handicap et dépendance et l’impératif d’inclusion des personnes en situation de handicap, qui doivent pouvoir participer pleinement à la société et choisir leur mode de vie. Pour reprendre la phrase du célèbre physicien Stephen Hawking, le handicap ne doit pas être un handicap. N’en déplaise à certains collègues de la NUPES, cela passe notamment par le travail, qui inclut, aide à mener une vie digne et permet de s’épanouir, voire de se réaliser. Notre société ramène trop souvent les hommes et femmes en situation de handicap à ce qu’ils sont, en laissant de côté ce qu’ils font. Le programme 157 contribue au contraire de façon significative à leur insertion professionnelle, notamment par le financement de l’AAH. Celle-ci est déconjugalisée depuis dix jours : les allocataires peuvent la recevoir sans dépendre de leur conjoint et de ses ressources. Depuis le 1er janvier 2023, les bénéficiaires de l’AAH peuvent en outre travailler simultanément et à temps partiel en milieu ordinaire et en établissement et service d’aide par le travail (Esat). Le calcul de l’AAH a été adapté pour que les travailleurs en Esat soient incités à évoluer vers une activité en milieu ordinaire ou une activité mixte. Je voudrais aussi citer les aides au poste et le dispositif d’emploi accompagné.

Nous devons pourtant aller plus loin. Quelle est votre ambition en matière d’emploi des personnes en situation de handicap ? Quels sont les objectifs du Gouvernement ?

M. François Gernigon (HOR). Merci, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, pour votre engagement.

Vous avez évoqué le vieillissement de la population. La question de l’adaptation des logements à la perte d’autonomie se pose. Pour les intervenants à domicile, les logements sont un lieu de travail – et nous devons essayer de rendre ces métiers plus attractifs. Le dispositif Ma Prime Adapt’ apparaît au 1er janvier 2024. Les professionnels du bâtiment sont sensibles à cette question, tout comme les services de l’Agence nationale de l’habitat, qui devront gérer ces dossiers. Des interventions d’ergothérapeutes, une assistance à la maîtrise d’ouvrage pour répondre au cahier des charges qui sera préconisé sont-elles prévues ? Il faudra aussi des entreprises habilitées par leurs pairs afin de s’assurer de la qualité des travaux. Des publicités commencent à apparaître sur internet : il est important de sécuriser ce dispositif. Pouvez-vous nous éclairer sur les étapes de mise en place de cette prime ?

En ce qui concerne les personnes en situation de handicap, je salue l’engagement pris par le Président de la République, lors de la sixième Conférence nationale du handicap (CNH), de prendre en charge l’intégralité du coût d’un fauteuil électrique. Selon les modèles, le prix peut aller de 5 000 à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Que prévoit le budget ?

Enfin, la prime d’activité est octroyée à condition de recevoir un salaire de 1 070 euros net par mois, soit 80 % d’un temps plein. Elle est dès lors presque inaccessible aux étudiants, alors que travailler quelques heures par semaine leur permet d’aborder plus facilement le monde du travail. C’est un point qu’il faudrait améliorer.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous ne sommes pas ce soir dans les meilleures dispositions pour vous entendre parler de solidarité, puisque vous venez d’adopter une loi sur l’emploi qui appauvrira les plus pauvres. En prévoyant 15 heures d’activité obligatoires et de nouvelles sanctions pour les allocataires du RSA, elle renforcera les préjugés sur les personnes sans emploi ainsi que les pressions sur les travailleurs sociaux. Nous n’avons eu de cesse de vous le dire : rationaliser, automatiser, réorganiser, c’est bien beau, mais parfaitement voué à l’échec si cela se fait sans moyens humains. Vous nous rétorquiez qu’on verrait cela lors de l’examen du budget : nous y voici.

Comment entendez-vous améliorer l’accompagnement des personnes sans emploi sans augmenter le budget dédié ? La plupart des travailleurs sociaux ont un portefeuille bien trop important – jusqu’à 144 personnes suivies en Seine-Saint-Denis, et jusqu’à 400 en moyenne en Nouvelle-Aquitaine.

Quand allez-vous rendre l’octroi du RSA automatique ? Un tiers de ceux qui pourraient en bénéficier n’en font jamais la demande. C’était une promesse de campagne, vaguement rappelée à chaque budget.

Emmanuel Macron avait dit, en juin 2017, ne plus vouloir « d’ici la fin de l’année avoir des femmes et des hommes dans les rues ». La nuit dernière, à Lyon, dans la circonscription de Marie-Charlotte Garin, soixante familles, plus de 125 enfants, une femme enceinte, neuf personnes avec des problèmes de santé, douze enfants de moins de 3 ans ont dormi à la rue. Six écoles sont occupées. Le nombre de personnes à la rue a doublé depuis 2017. Vous n’avez pas tout à fait atteint votre objectif ! Qui aurait pu prédire que baisser les aides au logement, casser le code du travail, durcir les règles de l’assurance chômage et prévoir des peines de prison pour les loyers impayés, dans un contexte d’inflation record, ferait augmenter la précarité ?

Votre vision de la solidarité, c’est la charité : on ne construit plus de logements sociaux ou très sociaux depuis six ans et on va rayer les gens du RSA, mais comme on a un peu d’humanité, on va un peu augmenter le nombre de places d’hébergement et les distributions alimentaires.

Pour les personnes en situation de handicap, c’est aussi à la charité qu’on fait appel. Pourquoi la France ne se conforme-t-elle pas aux normes internationales ? Vous avez sous la main les recommandations formulées en 2017 par la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des personnes handicapées : que ce soit en matière d’accessibilité, d’éducation, de travail, de protection sociale, de santé ou d’accès à la justice, on peut les reprendre à peu près mot pour mot. Quand allez-vous prendre cette question à bras-le-corps ?

J’appelle enfin votre attention sur les violences faites aux enfants. L’an dernier, vous aviez activé le 49.3 avant que nous ne puissions examiner l’ensemble des amendements sur ce sujet. Depuis, vous avez prévu de mettre fin à la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Nous sommes plus de deux cents parlementaires à avoir écrit à la Première ministre pour que cette instance soit conservée, et surtout pour appliquer ses propositions. Cela passe par un effort budgétaire considérable, par exemple pour repérer des enfants : il faut des professionnels qui soient formés et qui ne soient pas débordés. C’est maintenant que cela se joue.

Nous vivons une période de régression sociale inquiétante. C’est le mot qu’utilise la Défenseure des droits dans Libération ce matin. Nos visions diffèrent donc radicalement en la matière, madame la ministre, mais peut-être pourrions-nous trouver une majorité pour lutter contre les violences faites aux enfants.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Pauvreté, accès aux soins, inégalités économiques : tous les indicateurs sont dans le rouge. Les bénévoles des associations de solidarité nous alertent depuis plusieurs mois : l’augmentation de la pauvreté est sans précédent. Dans son rapport 2023, l’Observatoire des inégalités indique que 4 800 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 000 euros par mois. Un enfant sur cinq est touché par la pauvreté. Pendant ce temps, les plus riches continuent de s’enrichir et les prix de s’envoler, obérant la capacité de gens toujours plus nombreux à subvenir à leurs besoins. La situation sociale atteint un niveau de tension inédit, alors que l’aspiration à l’égalité et à vivre mieux est forte, à raison.

Ce budget ne prend pas la mesure de la situation – puisque vous refusez d’aller chercher les recettes nécessaires, c’est inévitable. Les sommes prévues, par exemple pour la prime d’activité, sont quasi similaires à celles de 2023, alors que selon l’estimation provisoire de l’Insee au mois d’août, les prix à la consommation avaient augmenté de 4,8 % en 2023. Bref, c’est un petit budget pour les petits budgets.

L’année dernière, votre prédécesseur avait annoncé qu’une évaluation de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des jeunes et des enfants serait menée en 2023. Où en sommes-nous ? Le document qui nous a été fourni est pour le moins succinct.

Face à la mobilisation, le Gouvernement a été contraint de cesser de prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH. C’est une belle avancée, mais à quand une augmentation du montant de l’AAH, dont le maximum est de 971 euros, c’est‑à‑dire inférieur au seuil de pauvreté ?

En cette rentrée scolaire, tous les enfants bénéficiant d’une notification par la (maison départementale des personnes handicapées auraient dû être accompagnés d’un AESH. Nous n’y sommes pas ; nous sommes tous et toutes interpellés dans nos circonscriptions. Quelles mesures pourraient être prises pour que les enfants soient mieux accompagnés à l’école ?

L’égalité entre hommes et femmes est une grande cause nationale. Comment cela se traduit-il dans le budget ? Si, en cinq ans, les sommes dédiées à la lutte contre les violences ont augmenté de 50 millions d’euros, les besoins ont explosé : selon le rapport de la Fondation des femmes, le budget moyen par femme victime de violences conjugales est en baisse de 26 %. Cette même Fondation des femmes a lancé en septembre 2023 un appel pour soutenir les associations qui luttent contre les violences conjugales. Comment allez-vous agir pour les aider et, pour certaines, leur éviter la faillite ?

Enfin, la protection de l’enfance est en grande difficulté. Le budget de l’action 17 du programme 304, Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, est en baisse, alors que l’Insee indique que 3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Certains mineurs isolés sont placés en hôtel, faute d’hébergement adapté. Comment entendez-vous faire respecter leurs droits ? Nous nous inquiétons de la capacité de ce budget à nous permettre de faire face.

M. Olivier Serva (LIOT). Dans un contexte d’inflation et de hausse de la pauvreté, l’examen de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances revêt une importance particulière. Nos concitoyens les plus en difficulté sont inquiets.

En matière de lutte contre la pauvreté et d’insertion, notre groupe ne cache pas sa déception. Le pacte des solidarités prend la suite de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Les annonces vont dans le bon sens, mais la plupart des mesures étaient déjà connues. Nous ne voyons aucun changement d’ampleur alors que la précédente stratégie n’a pas permis d’enrayer l’augmentation de la pauvreté. Les crédits consacrés au nouveau pacte s’élèvent à 190 millions d’euros pour 2024, alors que ceux de la stratégie atteignaient 256 millions.

Je veux aussi insister sur la pauvreté outre-mer, sans commune mesure par rapport à l’Hexagone. Récemment encore, les outils de mesure la minimisaient pourtant, ce qui n’est pas sans conséquence sur l’attribution des minima sociaux.

Quant aux montants consacrés à l’aide alimentaire, nous craignons qu’ils ne demeurent insuffisants. Les files s’allongent et les associations doivent refuser du monde. De plus en plus, on y voit des étudiants et des travailleurs pauvres. La réalité, c’est qu’avoir un emploi ne protège plus de la pauvreté. C’est intolérable. Notre groupe continue d’appeler à la création d’un vrai chèque alimentaire pour les plus modestes.

En ce qui concerne le non-recours aux droits, nous ne pouvons que constater que le chantier de la solidarité à la source avance lentement, avec une ambition amoindrie par rapport au revenu universel d’activité. Le montant net social, qui en est la première étape, semble plutôt pénaliser certains bénéficiaires d’aides sociales.

Notre groupe avait déposé une proposition de loi pour permettre la gratuité de toutes les protections périodiques en pharmacie, mais aussi dans les établissements scolaires et universitaires. Un premier pas est fait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais les expérimentations menées ne vous incitent-elles pas à aller plus loin ?

Nous nous interrogeons aussi sur la prise en compte des mesures prévues dans le projet de loi pour le plein emploi, que l’Assemblée vient d’adopter quasiment à l’aveugle. Vous attendez-vous à une baisse des bénéficiaires ? Pourriez-vous dresser un bilan des expérimentations en cours sur le versement du RSA, ainsi que sur sa recentralisation menée notamment à La Réunion ?

S’agissant des mesures relatives au handicap, les Esat se verront confier de nouvelles compétences. Des financements complémentaires sont-ils prévus à une hauteur suffisante pour accompagner ces transformations ?

En ce qui concerne enfin l’égalité entre les hommes et les femmes, il est difficile d’expliquer pourquoi les crédits de paiement consacrés à la lutte contre les inégalités et les violences diminuent, même légèrement. C’est pourtant une priorité affichée depuis le précédent quinquennat. Je me réjouis toutefois de constater que des crédits sont ouverts pour l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violence conjugale, défendue par notre collègue Béatrice Descamps.

Mme Perrine Goulet, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Je me félicite du fait que la mission jouera en 2024, comme au cours des années précédentes, son rôle d’amortisseur de la crise sociale. Le chantier de la solidarité à la source continuera et le pacte des solidarités sera mis en place. Dans le champ du handicap et de la dépendance, il faut saluer le travail du Gouvernement et de la Cnaf, qui ont su mettre en œuvre la déconjugalisation de l’AAH.

J’en viens aux questions qui ressortent des auditions que j’ai conduites.

En matière d’aide alimentaire, pourriez-vous nous détailler concrètement les actions qui seront financées par le programme Mieux manger pour tous, dont les crédits augmentent de 10 millions d’euros ? La générosité du public est essentielle pour assurer la pérennité de notre système d’aide alimentaire. Savez-vous si le Gouvernement soutiendra l’amendement du groupe Démocrate sur la prolongation du plafond à 1 000 euros de la déduction fiscale des dons aux organismes aux plus démunis ?

En matière de protection de l’enfance, lors du Printemps de l’évaluation, j’ai travaillé sur les contrats départementaux de prévention et de protection de l’enfance (CDPPE). Les départements sont satisfaits du retour de l’État en ce domaine. Le seul bémol, c’est la faiblesse du budget : pensez-vous l’augmenter, au moment où les demandes de protection d’enfants augmentent dans tous les départements ?

Quelles mesures seront prises pour réarmer les services déconcentrés de l’État dans le domaine de l’ASE – qu’il s’agisse de s’occuper des pupilles de l’État, dont le nombre augmente, ou de suivre les CDPPE – comme dans le domaine de la protection maternelle et infantile et pour le suivi des politiques du champ médico-social en général ? Certaines directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités n’ont pas les effectifs suffisants notamment pour suivre les CDPPE et manquent des compétences nécessaires pour appréhender les enjeux de la petite enfance.

Enfin, pouvez-vous nous indiquer quels changements sont intervenus entre la contractualisation du plan « pauvreté » et les nouveaux pactes de solidarité ?

Mme la ministre. Madame Berete, en ce qui concerne les familles monoparentales, nous avons engagé une réforme profonde du complément de libre choix du mode de garde : il sera prolongé jusqu’aux 12 ans de l’enfant pour les familles monoparentales, car les femmes qui élèvent seules des enfants ne doivent pas être pénalisées lorsqu’elles veulent reprendre une activité professionnelle. Nous agissons aussi en faveur du service public de la petite enfance. En moyenne, 160 000 femmes chaque année renoncent à travailler faute de solution de garde : nous devons les aider à conjuguer leurs vies familiale, professionnelle et sociale.

S’agissant des femmes en situation de précarité, nous avons présenté différentes mesures dans le cadre du pacte des solidarités. Monsieur Serva, nous assumons de poursuivre et d’amplifier des actions qui ont fait leurs preuves dans la stratégie de lutte contre la pauvreté. Notre idée n’est pas d’arrêter des programmes ou des contrats en cours avec les départements ou les métropoles. Nous créons ainsi vingt accueils de jour, portes d’entrée vers l’insertion sociale et professionnelle. Après une expérimentation menée depuis 2021, nous pérennisons 1 500 places pour les femmes sans domicile et qui sortent de la maternité. Elles et leurs enfants doivent être protégés.

Plus de 5 millions d’euros sont prévus pour traiter de la précarité menstruelle, afin d’accompagner chaque année 1 million de femmes, celles qui en ont le plus besoin. Ce n’est pas la gratuité pour toutes, nous l’assumons aussi : nous ne sommes pas toutes dans la même situation économique.

Monsieur Turquois, je remercie les députés de la majorité qui ont voté cet après-midi le projet de loi pour le plein emploi. Ses articles 8 et 9 permettront un engagement renforcé de l’État en faveur des personnes en situation de handicap. Le droit commun doit s’appliquer à l’ensemble des Français. France Travail a donc vocation à accueillir l’ensemble des demandeurs d’emploi ; nous ne souhaitons pas de guichet spécifique pour les personnes en situation de handicap, même si des démarches spécifiques sont prévues. Le projet de loi inscrit dans le code du travail les CDD « tremplin » et les entreprises adaptées de travail temporaire. Enfin, nous avons prévu 14 millions d’euros au sein du programme 157, Handicap et dépendance, pour l’emploi accompagné des personnes qui portent un handicap psychique ou cognitif, en particulier.

Monsieur Gernigon, le Président de la République s’est en effet engagé pour le remboursement des fauteuils. Il y avait là une injustice flagrante. Certains de nos concitoyens ont dû ouvrir des cagnottes pour payer un fauteuil adapté. Cette mesure figurera dans le PLFSS : tous les fauteuils, manuels ou électriques, seront remboursés par la sécurité sociale et les complémentaires santé. C’est un reste à charge le plus souvent supérieur à 5 000 euros qui disparaît pour 60 000 personnes : voilà une mesure très concrète. Les textes devraient être publiés d’ici à la fin de l’année.

Monsieur Muller, s’agissant des fiches signalétiques des Ehpad, cinq indicateurs sont rendus publics. Les cinq autres doivent l’être aussi, nous nous y sommes engagés. Mais nous avons besoin d’une accroche législative : elle figurera dans la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France. Encore une bonne raison de voter cette excellente proposition de loi !

Les états généraux des maltraitances, qui ont duré cinq mois, ont fait émerger le besoin d’un circuit précis, unique, de remontée des signalements, ce qui n’existait pas jusque‑là, au risque d’une mauvaise coopération des services de l’État. Les effectifs de contrôle seront encore renforcés, alors que 120 personnes ont déjà été recrutées pour garantir un meilleur contrôle des Ehpad. La totalité des Ehpad de notre pays ont pu être contrôlés au cours des deux dernières années.

Madame Corneloup, les AESH sont financés par le ministère de l’éducation nationale. Nous avons prévu 4 000 recrutements supplémentaires en 2023 ; les AESH sont aujourd’hui 132 000, formant ainsi le deuxième métier au sein de l’éducation nationale. Nous avons réussi à gravir une marche très importante. J’entends bien que la situation n’est pas satisfaisante : comme vous, je suis très régulièrement interpellée par des familles comme par des AESH. Une meilleure reconnaissance, par la proposition d’emplois à temps plein et en CDI, est essentielle pour l’attractivité de ces métiers. Lors de cette rentrée, nous nous sommes efforcés de garantir un même accompagnant dans l’ensemble des temps de vie de l’enfant, ce qui est important tant pour l’un que pour l’autre.

Monsieur Martinet, une COG a bien été signée avec la Cnaf. Sa présidente et son conseil d’administration, où siègent notamment les représentants des organisations syndicales, l’ont saluée comme historique. On peut considérer que, pour l’accueil du jeune enfant, une augmentation des moyens de 6 % par an et une trajectoire de 6 milliards d’euros entre 2023 et 2027 étaient nécessaires, mais il fallait les financer. Vous ne pouvez pas dire que je présente un budget d’austérité – ou alors, nous n’en avons pas la même définition. Plus de 30 milliards sont consacrés aux programmes, en augmentation de plus de 1,4 milliard d’euros.

Pour ce qui est de la garde d’enfants, j’ai toujours tenu le même discours. Nous créerons non pas 100 000 nouvelles places en crèche mais 100 000 nouvelles solutions, parce que tous les enfants ne sont pas gardés dans des crèches. D’ailleurs, les assistantes maternelles sont le premier mode de garde après les grands-parents. Il faut donc des solutions multiples, au domicile des parents, à celui des assistantes maternelles ou en crèche, quels que soient les modèles économiques de ces structures. Sans le secteur marchand lucratif, vous ne parviendrez pas à satisfaire les besoins de garde d’enfants.

La trajectoire de 6 milliards d’euros financera ces 100 000 nouvelles solutions, qui comprennent la création de 35 000 places en crèche. Cela passe d’abord par une revalorisation des salaires des professionnels – assistantes maternelles, auxiliaires de puériculture –, qui équivaudra à un treizième mois. Pas un euro ne sera déboursé avant que toutes les conventions collectives ne soient revalorisées par le haut tant en matières de salaires, de formation que de validation des acquis de l’expérience ou de mobilité professionnelle, car j’ai conditionné le soutien financier de l’État à cette revalorisation. J’ai d’ailleurs commencé à recevoir toutes les organisations syndicales qui participent à la renégociation de ces conventions.

Monsieur Peytavie, cela est vrai, la France a du retard en matière d’accessibilité du bâti pour les personnes en situation de handicap. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la CNH, le Président de la République s’est engagé à consacrer 1,5 milliard d’euros supplémentaire à cette question, afin d’accompagner les collectivités territoriales, les artisans, les commerçants et de faire en sorte que le droit commun s’applique à tous. L’ensemble de notre bâti doit pouvoir être revalorisé.

Nous l’avons dit lorsque nous avons présenté le pacte des solidarités, le plan Logement d’abord prévoit 203 000 places d’hébergement d’urgence : toutes seront maintenues, y compris, contrairement à ce que j’entends dire, dans le contexte des jeux Olympiques. Vous pouvez considérer que ces moyens ne sont pas suffisants, mais ils sont substantiels et vérifiables.

Monsieur Dharréville, France Stratégie a rendu une évaluation publique de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et l’Igas a évalué la contractualisation avec les collectivités territoriales, en particulier les départements et les métropoles. Nous nous sommes engagés, tout en augmentant les moyens, à maintenir le même niveau de contractualisation entre les collectivités territoriales et l’État. Travailler de concert aide à mieux définir les projets qui méritent d’être soutenus, y compris ceux qui ont été lancés lors de la stratégie précédente.

La rémunération des AESH a augmenté de 10 % en moyenne à la rentrée ; 55 % d’entre eux travaillent désormais en CDI. Nous souhaitons achever la CDIsation d’ici à 2027.

L’AAH a été revalorisée de manière importante les six dernières années. Elle le sera à nouveau, de 4,6 %, soit un taux supérieur à l’inflation. L’État s’engage massivement, pour que les personnes en situation de handicap, lorsqu’elles ne peuvent avoir accès à un emploi, soient davantage et mieux soutenues.

Monsieur Serva, le pacte des solidarités inclut un volet de 50 millions d’euros consacré aux outre-mer, demandé notamment par les élus ultramarins. Dans ces territoires où d’importants écarts subsistent, les taux de pauvreté sont supérieurs à ceux constatés dans l’Hexagone.

Madame Goulet, nous poursuivons le programme Mieux manger pour tous, qui visait à répondre à une demande légitime des personnes les plus vulnérables : avoir accès à des produits alimentaires de qualité. L’aide alimentaire sera largement préservée dans le budget. Je le redis, nous ne laisserons tomber aucune association. Nous augmentons la contractualisation avec les métropoles : elle atteindra 12,5 millions d’euros en 2024, puis 20 millions en 2027, et comprendra un focus sur la jeunesse, à la demande de France urbaine. Quant au crédit d’impôt dit « Coluche », nous avons pris l’engagement, avec Bruno Le Maire, de le maintenir. C’est un engagement supplémentaire envers les associations, notamment celles qui accompagnent les personnes les plus vulnérables.

Mme la secrétaire d’État. Monsieur Martinet, monsieur Peytavie, l’ASE est en tension : elle conjugue difficultés structurelles et conjoncturelles – cela n’est pas nouveau. Elle n’a jamais bénéficié d’autant de crédits : les départements lui accordaient 7,3 milliards d’euros en 2017 ; ils consacrent aujourd’hui 8,8 milliards à cette politique essentiellement décentralisée.

Depuis 2020, l’État accompagne les départements dans une contractualisation qui n’a cessé de se renforcer. Son soutien est passé de 45 millions d’euros, pour vingt‑neuf départements aidés, à 140 millions, sans compter les 50 millions dédiés aux jeunes majeurs et les 110 millions financés par la sécurité sociale. Seuls six départements n’ont pas souhaité contractualiser. Ces moyens sont maintenus en 2023, et la contractualisation sera révisée l’année suivante.

Nous avons instauré des comités départementaux pour la protection de l’enfance (CDPE), qui sont en cours d’expérimentation : grâce à ce dialogue entre les départements et l’ensemble des services de l’État, la contractualisation pourra être renforcée. Cette politique est certes décentralisée et placée sous la responsabilité des départements mais, sur de nombreuses questions comme la santé, la justice, et l’éducation nationale, l’État doit être au rendez-vous. Tous ministères confondus, il octroie ainsi 10 milliards d’euros aux enfants les plus vulnérables, notamment dans le champ du handicap, de la justice et de l’éducation. Toutes les politiques de prévention, de lutte contre la pauvreté ou de lutte contre les violences faites aux femmes contribuent à la protection de l’enfance.

S’agissant des violences faites aux enfants, nous attendons les annonces du plan 2023-2027, qui prendra la suite des mesures audacieuses du plan 2019-2022 : 10 millions d’euros sont déjà attribués à mon secrétariat d’État, auxquels il faut ajouter l’ensemble des moyens prévus pour les autres ministères. La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur et celle du ministère de la justice viendront évidemment abonder la lutte contre les violences faites aux enfants. Nous avons déjà annoncé la généralisation des unités d’accueil pédiatriques des enfants en danger (Uaped), et presque tous les départements en sont désormais dotés. Nous irons plus loin en déployant des antennes par juridiction.

La lutte contre les violences faites aux enfants est la première priorité fixée par la Première ministre. J’y suis particulièrement attachée. Nous attendons le rapport de la Ciivise, qui doit présenter des préconisations complémentaires à celles qui ont déjà été faites et dont nous nous sommes saisies. Nous avons par exemple mené une campagne il y a quelques semaines, et créé un numéro dédié aux professionnels. Le rapport final nous permettra d’apprécier les suites que nous donnerons à ces travaux, qui ont été fort utiles, notamment pour prendre la mesure de la réalité des violences.

Dans le cadre de la CNH, 50 000 projets spécifiques sont annoncés pour mieux accompagner les personnes en situation de handicap, notamment les enfants. Avec Fadila Khattabi et Gabriel Attal, nous travaillons à rapprocher les plateformes des instituts médico-éducatifs (IME) de l’école, c’est-à-dire à placer des professionnels médico-sociaux auprès du corps pédagogique, pour le soutenir et mieux accompagner les AESH. Ces plateformes sont une vraie force : elles permettent aux enfants concernés d’évoluer entre le milieu ordinaire et spécialisé.

Le Président de la République a tenu à ce que M. Haussoulier, président du département de la Somme, travaille sur la question de la prise en charge des enfants en situation de handicap protégés par l’ASE – 20 % des enfants à l’ASE sont en situation de handicap. Des moyens seront dédiés, tous les ministères sont au rendez-vous.

Nous sommes très satisfaits des premiers CDPE visant à améliorer la coordination des services déconcentrés. C’est un début : ces ambitions de contractualisation efficace vont de pair avec une évaluation de l’action de ces services et une refonte, si nécessaire.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Annie Vidal (RE). Le pacte des solidarités 2023-2027 permettra de renforcer l’accès au droit, qui est capital pour améliorer la protection sociale et améliorer l’inclusion des personnes vulnérables. En particulier, la solidarité à la source doit faciliter le maintien des droits sociaux pour tous, notamment en réduisant le non-recours aux aides et en ciblant les personnes fragilisées par l’évolution de la conjoncture, des grands précaires aux travailleurs modestes. Pouvez-vous préciser les modalités d’application de ce principe ?

Comment sera assurée la coordination entre les entités impliquées – entreprises, collectivités territoriales, associations de lutte contre la pauvreté ? Comment envisagez-vous de communiquer vers les publics cibles ?

M. Yannick Neuder (LR). Je salue votre volonté d’une politique familiale universelle : nous l’avions instaurée, mais elle a été supprimée en 2012. Nous attendons d’en voir la traduction dans le PLFSS. Sera‑t‑elle accompagnée d’une revalorisation du quotient familial ?

S’agissant du grand âge, la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France nous avait laissé un sentiment d’inachèvement. Entendez-vous remettre la question sur la table et, surtout, lui donner une architecture, avec un financement – votre prédécesseur avait évoqué une mission interministérielle ? Capitalisation, système assurantiel, de nombreuses solutions peuvent être envisagées, puisque le reste à charge pour une personne âgée en établissement est en moyenne de 1 000 euros.

Mme Isabelle Valentin (LR). Le manque de moyens alloués au secteur médico‑social, notamment les places d’accueil dans les établissements spécialisés, est souvent évoqué dans les permanences. De nombreux enfants de 6 à 20 ans ne peuvent pas intégrer un établissement adapté à leur situation car les places sont occupées par des adultes de plus de 20 ans. L’amendement Creton intégré à la loi du 13 juillet 1989 prévoit en effet le maintien du jeune handicapé âgé de plus de 20 ans dans l’attente d’une solution adaptée. Faute de places, de nombreux jeunes s’exilent en Belgique. Face à cette situation alarmante, il est essentiel que l’État alloue des moyens supplémentaires au secteur médico-social et engage un plan national pour la création de places d’hébergement, d’accueil et de jour pour les adultes et les enfants porteurs de handicaps, comme pour la dotation de soins dédiés pour les personnes atteintes de troubles psychiques, accueillies dans ces établissements. Comment entendez-vous agir en la matière ?

Mme Michèle Peyron (RE). Madame la secrétaire d’État, dans un article du Figaro sur la protection de l’enfance et les difficultés rencontrées dans les départements, vous appelez chacun à prendre ses responsabilités. Vous mettez plusieurs pistes sur la table : propositions concrètes aux départements sur l’accompagnement des mineurs non accompagnés (MNA), États généraux, recentralisation de la protection de l’enfance. Pouvez‑vous détailler les pistes sur lesquelles vous travaillez ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Dans mon département, 200 enfants qui devraient être placés, du fait d’une décision de justice, ne le sont pas, faute de places en famille d’accueil et par manque de professionnels. Comment faire évoluer les modalités de placement et faire en sorte qu’il y en ait sur tous nos territoires ?

Nombre de MNA sont encore souvent placés à l’hôtel et on note de grandes différences, d’un département à l’autre, en matière de capacité d’accueil, de qualité d’accueil et de prise en charge – scolaire, professionnelle ou de santé. Comment mieux gérer cette situation, sachant qu’au 1er janvier, nous n’aurons plus le droit de mettre les enfants à l’hôtel ?

M. Jean-François Rousset (RE). Le plan national Ambition enfance et égalité (PNAEE), l’une des déclinaisons de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, a pour but de renforcer la formation continue des professionnels de la petite enfance accueillant des enfants de moins de 3 ans issus de familles défavorisées, ou en risque de vulnérabilité.

La formation des professionnels de la petite enfance est l’un des maillons les plus importants de la reconnaissance des professions du secteur, ainsi que de la qualité de nos modes de garde. Avec la création du pacte des solidarités, qui prend la suite de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, les financements du PNAEE seront-ils maintenus en 2024 ?

Mme Anne Bergantz (Dem). Madame Caubel, vous avez rappelé que, toutes les 3 minutes, un enfant est victime d’une agression sexuelle. Ce chiffre est vertigineux et les enfants font face à beaucoup d’autres violences : négligence, violence physique, maltraitance psychologique...

Améliorer le repérage précoce de ces situations est un enjeu primordial. Les travailleurs sociaux ont évidemment un rôle essentiel à jouer et il leur revient souvent de transmettre une information préoccupante ou de faire un signalement. D’autres professionnels pourraient également être attentifs aux signaux d’alerte : je pense aux enseignants et aux professionnels de santé, qui sont en contact régulier avec les enfants dès leur plus jeune âge et en première ligne pour détecter les cas de maltraitance. Mais il est parfois difficile pour eux de sauter le pas, par manque de formation ou par peur de se tromper. Quelles sont les pistes pour améliorer le repérage précoce ?

M. Thibault Bazin (LR). Madame Caubel, où en sont les expérimentations lancées dans le cadre de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes ? Je pense en particulier à l’enveloppe de 11,6 millions d’euros destinée à financer des actions en faveur de l’inclusion sociale et de l’accès aux droits. La généralisation de ces expérimentations est-elle envisagée dès l’année 2024 ?

Madame Bergé, vous avez parlé de l’universalité des allocations familiales. Allez‑vous supprimer les conditions de ressources et, si tel est le cas, comptez-vous le faire par voie d’amendement au PLFSS ?

Enfin, des annonces ont été faites au sujet du répit des aidants mais je ne vois pas, dans le PLFSS, d’évolution des forfaits, notamment de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Mme la secrétaire d’État. Depuis le printemps, les flux de MNA ont repris et atteignent leur niveau de 2019, si bien que certains départements frontaliers de l’Italie interpellent l’État sur sa politique en matière d’immigration. Parallèlement, les besoins de placement de mineurs français augmentent. Les tout-petits sont de plus en plus nombreux : peut-être est-ce un effet positif de notre politique des 1 000 premiers jours, qui permet de mieux repérer les cas problématiques. D’une manière générale, la hausse du nombre de placements est liée à la lutte que nous menons contre les violences intrafamiliales. L’ASE intervient aussi auprès de familles pauvres, à la demande d’associations, et tout cela s’inscrit dans un contexte de tensions sur le travail social. Je m’associe évidemment aux travaux conduits par plusieurs ministres en matière de travail social, qu’il s’agisse de la révision des conventions collectives, des revalorisations salariales ou de la formation.

Certains départements qui ne sont pas limitrophes et qui ne sont pas nécessairement de la même orientation politique demandent quant à eux des états généraux. Je considère que nous avons suffisamment de rapports, notamment l’excellent rapport sénatorial sur l’application de trois lois de réforme de la protection de l’enfance. Nous n’avons pas besoin de retourner voir les professionnels pour leur demander ce qui ne va pas : nous le savons.

L’État doit mieux prendre en charge les enfants en situation de handicap. Des propositions ont déjà été faites en ce sens et des engagements ont été pris. L’éducation nationale doit être au rendez-vous et nous travaillons d’arrache-pied avec Gabriel Attal pour proposer des parcours spécifiques à ces enfants. La justice doit être au rendez-vous et nous travaillons avec Éric Dupond-Moretti pour que les décisions de justice soient exécutées.

Les départements doivent également être au rendez-vous. Or, d’un département à l’autre, on note une grande hétérogénéité dans l’accueil et la prise en charge des MNA. Il reste beaucoup à faire, notamment en matière de partage des données. Le GIP France enfance protégée n’est pas encore très performant dans ce domaine. Les départements, doivent être beaucoup plus transparents, comme nous, notamment sur la justice des mineurs.

J’ai la volonté de travailler de conserve avec les départements, mais si certains d’entre eux n’arrivent plus à assumer certaines responsabilités, ou s’ils ne souhaitent plus le faire, la question de la répartition des responsabilités peut et doit se poser. Le Président de la République nous a demandé de clarifier les choses : les compétences sont tellement entremêlées qu’on ne sait plus qui est responsable de quoi. À propos des MNA, j’ai clairement demandé aux départements ce qu’ils souhaitent : reprise par l’État de l’évaluation de la minorité ; reprise de la mise à l’abri et de l’évaluation de la minorité ; reprise de la compétence protection de l’enfance. Certains départements ne seraient pas contre cette dernière possibilité. À titre personnel, je n’y suis pas favorable : un enfant est un enfant et je n’ai pas envie d’avoir des prises en charge différenciées. Il y a d’ailleurs souvent une excellente synergie entre les enfants qui sont nés dans notre territoire et les enfants qui viennent de loin et qui ont de belles histoires à raconter.

En dépit des lois qui ont été votées, certains chiffres restent malheureusement stables : plus de 80 % des dossiers restent gérés par l’autorité judiciaire, alors que sa compétence devrait être subsidiaire, et on compte toujours 60 % de placement pour 40 % d’accompagnement en milieu ouvert. Je crains que ce déséquilibre ne s’aggrave, car le milieu ouvert a été fortement déstabilisé par la crise sanitaire. Or, moins on est au contact des familles, plus on se retrouve en situation d’urgence et dans la nécessité de placer l’enfant. En outre, on fait surtout du placement institutionnel, alors que le législateur nous demande de recourir plutôt à un tiers digne de confiance et de trouver des solutions autour de l’enfant. Nous n’arrivons pas à gérer ces flux, il faut le dire. Un travail concerté s’impose ; chacun doit prendre ses responsabilités. Les associations demandent que l’État et les départements s’entendent et fassent de cette politique une priorité.

Sur le repérage des enfants victimes de violences, des avancées ont été faites sous le précédent quinquennat et nous poursuivons ce travail. Pour former l’ensemble des professionnels à la question des violences sexuelles – qu’ils soient dans le champ de la sécurité, de la justice, du travail social, de la santé ou de la petite enfance –, nous leur transmettrons tous les documents produits par la Ciivise. Avec Agnès Firmin Le Bodo, nous avons déjà commencé à diffuser ces documents dans le champ de la santé. Par ailleurs, j’ai annoncé la création d’un 119 pro, afin de sécuriser le parcours des professionnels qui entourent les enfants. Je pense qu’il faut une évolution législative s’agissant des professionnels de la santé : ils sont désormais sécurisés dans le champ des violences conjugales, mais ils ne le sont ni dans le champ des personnes âgées, ni dans celui de l’enfance. Le législateur sera bientôt saisi d’un certain nombre de dispositions pour faire évoluer cette situation. Il est vrai qu’on a parfois du mal à passer du doute au signalement, mais je répète qu’en cas de doute, il faut faire un signalement.

Le 119 pro accompagnera les professionnels et leur permettra d’avoir un temps d’échange, ne serait-ce que pour déposer l’émotion que peuvent susciter certaines révélations. N’oublions pas qu’une personne sur dix a été victime de violences sexuelles dans son enfance : certains de ces professionnels peuvent eux-mêmes l’avoir été. Je rappelle que, dans le cadre de la contractualisation, on a renforcé les cellules de recueil d’informations préoccupantes (Crip) ; l’articulation entre le 119 pro et les Crip est l’une de mes priorités. Enfin, les Uaped sont aussi des lieux de concertation entre professionnels qu’il faut continuer à accompagner le mieux possible.

Mme la ministre. La solidarité à la source a plusieurs objectifs : simplifier, éviter à la fois la fraude et les indus et faire en sorte que plus personne ne perde de l’argent en reprenant une activité professionnelle.

Le fonds d’innovation pour la petite enfance permet de financer la formation des professionnels et nous allons monter en puissance sur ce sujet, en abandonnant la logique en silos au profit d’une approche pluridisciplinaire. Il faut aussi revaloriser les salaires des professionnels de la petite enfance, à travers les conventions collectives. Dans ces conventions collectives, il faut aborder la question de la formation et prévoir que celle-ci ait lieu sur le temps professionnel, et non sur le temps personnel.

Les crèches à vocation d’insertion professionnelle (Avip), qui proposent des solutions de garde aux femmes, sont un succès. J’ai visité l’une de ces crèches à Aubervilliers. La moitié des berceaux était réservée à des femmes qui ont vocation à se réinsérer dans la vie sociale et professionnelle : c’est bien pour leurs enfants, qui bénéficient d’un accueil de grande qualité, et c’est bien pour ces femmes, qui ont ainsi le temps de se former et de retrouver un emploi. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : 70 % des femmes qui sont accompagnées retournent à l’emploi grâce à ces dispositifs.

S’agissant de l’accueil des enfants handicapés, il est vrai que nous sommes très en retard et que, dans chacune de nos circonscriptions, des enfants et des adultes en situation de handicap attendent une place dans un établissement spécialisé. La création de places en IME a pris du retard. L’objectif initial de l’amendement Creton était que les enfants ne se retrouvent pas sans solution, une fois devenus adultes, mais la situation actuelle n’est pas satisfaisante, puisque 10 000 adultes occupent des places qui devraient revenir à des enfants. De ce fait, nombre d’enfants sont dans des structures relevant de la protection de l’enfance, alors qu’ils devraient être dans un IME.

Dans le cadre de la CNH, le Président de la République a annoncé 50 000 nouvelles solutions pour les adultes et les enfants en situation de handicap. Ce chantier se verra consacrer 1,5 milliard d’euros, qui seront notamment financés par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il faut que les adultes qui se trouvent dans des établissements dévolus à des enfants trouvent une place dans un autre établissement : il ne s’agit évidemment pas de les laisser sur le carreau du jour au lendemain.

Nous travaillons à une réforme du financement des établissements médico‑sociaux accueillant des personnes en situation de handicap, en partant du besoin des personnes. S’agissant de l’annonce du forfait PCH-APA, nous voulons lancer une expérimentation, en lien avec les conseils départementaux – notamment celui de la Somme, dont le président, Stéphane Haussoulier, est très engagé sur la question du handicap – pour financer le répit. À ce stade, trois départements sont intéressés, mais nous comptons travailler avec l’Assemblée des départements de France et tous les départements qui le souhaiteront. Au-delà du forfait PCH-APA, nous voulons aussi repenser l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé : ce qu’il faut, c’est une refonte globale, en lien avec les départements.

Nous allons reprendre l’examen de la proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France le 20 novembre. Elle abordera des questions très diverses : la lutte contre les maltraitances, le circuit de signalement, la reconnaissance des professionnels, la publicité des indicateurs, etc. Faut-il une autre loi ? L’enjeu, pour moi, n’est pas de donner mon nom à une loi. Peut-être serait-il plus efficace de passer par la voie réglementaire, voire par un protocole pluriannuel – nous y travaillons avec la Fédération hospitalière de France.

Je suis ministre des solidarités et des familles : j’ai fait le choix de renommer mon ministère lors de ma nomination, car je crois important d’incarner les politiques familiales. J’ai commencé mon propos introductif en évoquant la baisse de la natalité, qui devrait tous nous préoccuper. C’est un enjeu de cohésion sociale et nationale, puisque cette baisse nous fait courir un risque de décrochage. Il n’est pas normal que les personnes qui désirent avoir des enfants ne puissent pas s’engager dans une vie de famille. Dès ma nomination, j’ai clairement indiqué qu’il fallait réorienter la politique familiale pour qu’elle ne soit pas vue comme un palliatif dans la lutte contre les inégalités – cela relève des prestations sociales – mais pour que toutes les familles puissent bénéficier de prestations familiales, dans une logique universelle. Il faut avancer sur la question du congé parental : il doit être mieux indemnisé, au bénéfice des familles. Il faut refonder notre politique familiale et je suis prête à travailler main dans la main avec toutes celles et tous ceux d’entre vous qui le souhaiteront.

La politique familiale doit d’abord être une politique universelle au service de toutes les familles, ce qui n’a pas totalement été le cas au cours des dix dernières années. J’assume clairement cet objectif politique. Il faut soutenir les familles dans leur choix de vie et réactualiser nos droits familiaux en tenant compte des évolutions qu’ont connues nos familles. Il faut soutenir les plus vulnérables, notamment les familles monoparentales. C’est un vaste chantier que nous lançons. La natalité n’est pas une question secondaire et il importe de lever beaucoup de freins pour garantir le libre choix des familles, leur faciliter la vie et remettre la famille au cœur de ce qui fonde notre cohésion sociale et nationale.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, je vous remercie.


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II.   examen de l’avis de la rapporteure

Au cours de sa réunion du mercredi 8 novembre 2023, la commission examine l’avis de Mme Christine Le Nabour, rapporteure, sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (seconde partie) ([71]).

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Je rappelle que nous avons auditionné pour préparer l’examen de ces crédits Mme Aurore Bergé, ministre des solidarités et des familles, et Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance.

Mme Christine Le Nabour, rapporteure pour avis. J’ai choisi de consacrer la seconde partie de mon avis budgétaire à l’évaluation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, mise en œuvre de 2018 à 2023, et au pacte des solidarités qui lui succédera à compter du 1ᵉʳ janvier 2024.

Présentée par le Président de la République le 13 septembre 2018, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté visait l’émancipation de tous grâce à un investissement social majeur poursuivant un double objectif de prévention de la reproduction de la pauvreté et de sortie de la pauvreté par l’emploi. Cette double ambition s’est matérialisée par un budget de 13,5 milliards d’euros sur quatre ans. Alliant une logique préventive et une logique curative, la stratégie comprenait trente-cinq mesures regroupées autour de cinq engagements : égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ; garantie au quotidien des droits fondamentaux des enfants ; parcours de formation garanti pour tous les jeunes ; droits sociaux plus accessibles, plus équitables et incitant plus à l’activité ; et accompagnement de tous vers l’emploi.

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté a montré ses limites en matière de logement et de lutte contre la très grande pauvreté, notamment dans les territoires ultramarins. Elle a néanmoins montré des résultats probants dans de nombreux domaines, alors même qu’elle a connu un contexte de crise majeure. Ainsi, en matière de petite enfance, l’accès des familles les plus modestes aux crèches a été amélioré par la mise en place du bonus territoire et du bonus mixité sociale. La création de 441 crèches à vocation d’insertion professionnelle depuis 2018 illustre la volonté du Gouvernement de lever ce frein à l’accès à la formation et à l’emploi, en particulier chez les femmes.

En matière d’insertion professionnelle, l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) a été revu. Plusieurs mesures ont été prises pour l’insertion et l’accompagnement des jeunes les plus éloignés de l’emploi. Je pense notamment à l’obligation de formation des 16‑18 ans ainsi qu’aux contrats d’engagement jeune (CEJ), en remplacement de la garantie jeunes, qui intensifient l’accompagnement des jeunes par les missions locales et par Pôle emploi avec un objectif de mobilisation de 15 à 20 heures d’activité par semaine.

En matière d’alimentation, la tarification sociale des cantines, la distribution des petits déjeuners à l’école et le programme Malin ont permis de réduire la précarité alimentaire des enfants. En matière d’hébergement, la crise sanitaire a mis en relief les inégalités liées aux conditions de logement. Quelque 40 000 places en hébergement d’urgence ont été ouvertes depuis mars 2020. Le plan « logement d’abord » a permis à près de 440 000 personnes sans domicile d’accéder à un logement entre 2018 et 2022. Des maraudes axées prioritairement vers la mendicité des enfants ont été organisées par les départements, avec le soutien de l’État. Enfin, en matière d’accès au droit, l’expérimentation Territoires zéro non-recours, d’abord menée dans trois territoires pilotes, a été étendue le 13 juillet dernier à onze autres et le sera à vingt-huit territoires supplémentaires à partir du 1ᵉʳ janvier 2024. Sur le volet santé de la stratégie, la complémentaire santé solidaire, lancée en 2019, présente un bilan positif à la fois en termes de lisibilité et de simplicité, notamment en raison de son attribution automatique pour les bénéficiaires du RSA.

D’un point de vue opérationnel, la stratégie a été l’occasion de mettre en place une nouvelle gouvernance : une gouvernance interministérielle, avec la création du poste de délégué interministériel chargé de piloter la mise en œuvre de la stratégie et dont l’action a été relayée dans les territoires par les commissaires à la lutte contre la pauvreté, placés auprès des préfets de région, et une gouvernance territoriale qui est passée par une contractualisation avec les départements à partir de 2019, étendue en 2020 aux métropoles et aux régions. Ce choix a été salué par l’ensemble des acteurs : 99 départements, l’ensemble des 22 métropoles et 5 régions ont conclu avec l’État une convention d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi.

Le taux de pauvreté n’a que très légèrement diminué entre 2018 et 2020, passant de 14,8 % à 14,6 % mais je rappelle que la stratégie a été mise en œuvre dans le contexte d’une crise sanitaire sans précédent et d’une forte inflation des coûts de l’énergie et de l’alimentation. Le taux de pauvreté n’a pourtant pas connu l’explosion tant redoutée, grâce aux mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement.

Présenté comme un acte deux, le pacte des solidarités a été construit en concertation avec les acteurs, à partir des forces et des faiblesses de notre modèle social et des enseignements de la stratégie 2018-2022. Il a vocation à poursuivre l’action engagée et à déployer des mesures nouvelles. Il se décline en quatre axes : prévention de la pauvreté et lutte contre les inégalités dès l’enfance, amplification de la politique d’accès à l’emploi pour tous, lutte contre la grande exclusion, et enfin construction d’une transition écologique solidaire.

Certaines mesures sont renforcées, concernant par exemple la tarification des cantines ou les crèches à vocation d’insertion professionnelle. J’en profite pour appeler de mes vœux la reconduction des appels à projets « 100 % Inclusion » et « Repérage des invisibles » lancés dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences.

Le pacte des solidarités comporte vingt-cinq mesures, ce qui fait de nombreux défis à relever – amplifier la politique d’emploi pour tous, lutter contre la très grande exclusion grâce à l’accès aux droits, construire une transition écologique solidaire. Le pacte devra pour cela s’appuyer sur les grands chantiers sociaux que sont France Travail, le service public de la petite enfance, la solidarité à la source, le maillage des espaces France Services, le plan « logement d’abord 2 » et la planification écologique. Il devra s’adapter à la diversité des territoires, dans le cadre d’un partenariat étroit entre l’État et les collectivités et d’un plan d’action en faveur des territoires ultramarins.

Visant à mobiliser l’ensemble de la société, le pacte des solidarités a pour ambition de réduire la pauvreté des familles monoparentales, de renforcer le soutien à la parentalité, de lutter contre la malnutrition infantile, de faire vivre le programme Mieux manger pour tous et de développer les alliances locales de solidarité alimentaire. Il doit permettre de lutter contre le décrochage scolaire, de repérer 50 000 jeunes dits invisibles supplémentaires dans le cadre du contrat d’engagement jeune « jeunes en rupture », de soigner les personnes à la rue. Il doit garantir à chaque enfant l’accès à des loisirs de qualité, prévenir les expulsions locatives pour éviter la bascule dans la grande pauvreté, être le cadre d’un plan d’action en faveur des femmes précaires. Enfin, il intégrera de manière transversale les enjeux de la transition écologique, notamment dans les mesures d’accès au logement et de lutte contre la hausse des dépenses contraintes en matière d’eau et d’énergie. Des plateformes de lutte contre la précarité énergétique seront créées dans tous les territoires.

S’agissant de la contractualisation avec les collectivités territoriales, les pactes locaux des solidarités remplaceront les conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi. Ils seront conclus après un diagnostic qui permettra d’identifier les besoins prioritaires de chaque territoire. Le pilotage du pacte des solidarités continuera d’être assuré par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté ainsi que par les commissaires en région, dont je tiens tout particulièrement à saluer le travail. Ils constituent en effet un maillon essentiel pour construire le premier et le dernier kilomètre. Les enveloppes d’alliances locales qui permettaient jusqu’à présent aux commissaires de soutenir des initiatives et projets locaux n’avaient pas été reconduites, mais j’ai déposé un amendement, qui a été adopté, visant à les réintroduire dans le PLF.

Oui, le pacte des solidarités doit relever de nombreux défis. Il nous engage tous. En tant que parlementaires, il est de notre devoir de suivre son évolution et d’en évaluer les impacts, pour enfin éradiquer la pauvreté dans notre pays. Je vous invite d’ailleurs à rencontrer le commissaire de votre région, qui pourra vous renseigner sur les initiatives engagées et sur leur suivi.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Fanta Berete (RE). La mission que nous examinons ce matin est fondamentale, d’autant plus dans la période que nous traversons : les mots solidarité, insertion et égalité des chances font écho à notre triptyque républicain et lui donnent tout son sens. De façon globale, les crédits de la mission sont en hausse de 4,66 % en autorisations d’engagement (AE) et de 4,64 % en crédits de paiement (CP). Cela témoigne des efforts constants de l’État dans la lutte contre la précarité. Mais, comme le souligne la conclusion du rapport, cela n’apporte pas toutes les réponses aux défis qui se dressent devant notre système de solidarité : des arbitrages sont nécessaires, ce qui est frustrant alors qu’il y a souvent de bonnes idées.

Nous avons toutefois des raisons de nous réjouir, car notre modèle de solidarité a montré sa robustesse face à la crise sanitaire et aux difficultés économiques qui l’ont suivie. Les avancées notables permises par cette mission s’inscrivent dans cette lignée. Les hausses de crédits sont structurellement portées par la dynamique de croissance de plusieurs aides sociales. Les quatre programmes budgétaires de la mission n’en proposent pas moins des mesures ambitieuses et innovantes.

Après une hausse conséquente de 10,1 % en 2023, le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes voit ses crédits reconduits en 2024. S’il porte majoritairement le financement de la prime d’activité et du RSA, il finance aussi en partie le pacte des solidarités annoncé le 18 septembre 2023. Il assure également la poursuite de l’engagement de l’État en matière de lutte contre la précarité alimentaire. Après une augmentation de 106,7 % l’an dernier, le budget de l’aide alimentaire est à nouveau en hausse, de 20,69 % cette année. Ce programme finance aussi les épiceries solidaires et, à hauteur de 10 millions d’euros supplémentaires, le programme Mieux manger pour tous lancé en 2023.

Le PLF 2024 permettra également de financer des mesures relatives à la qualification en travail social, à la protection des majeurs ainsi qu’à la protection et à l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Si 89 % des crédits du programme 157 Handicap et dépendance sont consacrés à l’allocation aux adultes handicapés (AAH), ce programme vise aussi et surtout à mettre en œuvre la nouvelle feuille de route gouvernementale élaborée à l’issue de la Conférence nationale du handicap, dont l’objectif est de construire une société plus inclusive et de faciliter l’émancipation individuelle des personnes en situation de handicap. Politique volontariste en faveur des personnes handicapées, développement du service public de l’école inclusive, soutien à l’autonomie, surtout en matière de logement, et à l’insertion dans l’emploi, lutte contre la maltraitance et promotion de la bientraitance : voilà ce que propose ce programme.

Les crédits du programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes sont en hausse de près de 20 %. Cette forte augmentation est conforme aux engagements de la Première ministre formulés le 8 mars dernier lors du lancement du plan interministériel pour l’égalité des femmes et des hommes, à l’occasion de la Journée de la femme. Ces crédits financeront la prévention et l’intervention contre toutes formes de violences sexuelles et sexistes ainsi que la structuration et le développement de la réponse aux besoins d’orientation.

Enfin, le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales centralise l’ensemble des emplois du ministère des solidarités et des familles et du ministère de la santé et de la prévention, et regroupe également des moyens de fonctionnement.

Mme Christine Loir (RN). Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont en augmentation de 4,6 % par rapport à 2023. Lorsqu’on connaît le retard à rattraper s’agissant de l’égalité des chances, des personnes en situation de handicap ou même des classes moyennes qui n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois, on ne peut que rester perplexe face à ce manque d’ambition.

Nous nous félicitons que la déconjugalisation de l’AAH, une proposition de Marine Le Pen défendue depuis longtemps par le Rassemblement National, soit effective depuis le début du mois d’octobre – nous sommes heureux de voir que le Gouvernement valide nos propositions. Les crédits dédiés à l’AAH ont augmenté mais restent bien trop faibles : le montant maximal à taux plein de cette aide s’élève, pour une personne seule, à 971,37 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est fixé à 1 102 euros. Cela signifie que les personnes en situation de handicap lourd et percevant l’AAH resteront toute leur vie en situation de grande précarité. Ce n’est pas notre vision de la solidarité, de l’insertion et encore moins du principe d’égalité des chances.

L’augmentation significative des crédits alloués à l’aide alimentaire semble intéressante. Néanmoins, il n’y a dans la politique d’Emmanuel Macron depuis 2017 rien de concret. Aujourd’hui, de nombreux travailleurs se retrouvent contraints de recourir à des dispositifs d’aide pour nourrir leurs enfants. Voilà le résultat de votre politique. Il est impensable que les familles qui travaillent se retrouvent dans de telles situations de précarité alors que vous avez refusé les mesures simples et efficaces qui vous ont été proposées, comme la suppression de la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité ou le passage de 20 % à 5,5 % des taxes sur les énergies. Vous préférez tenir nos concitoyens sous perfusion. Les Français ont besoin de vraies mesures.

Dans le cadre de cette mission, 90 millions d’euros sont accordés à la prise en charge des mineurs non accompagnés. Selon les derniers sondages, 74 % des Français sont opposés à la politique d’immigration menée par le Gouvernement. Pourtant, vous continuez d’ouvrir en grand les portes de la France. La question de la vérification de l’âge des mineurs non accompagnés est primordiale lorsqu’on sait que, selon Départements de France, le coût moyen de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) est estimé en moyenne à 50 000 euros par mineur et par an. Ces mineurs doivent, comme l’ensemble des demandeurs d’un titre de séjour, accomplir cette démarche dans leur pays d’origine, comme nous le proposons depuis de nombreuses années. Outre qu’ils représentent un coût faramineux pour la société – 1,2 milliard par an selon l’estimation de l’Institut Montaigne – leur surreprésentation dans les chiffres de la délinquance démontre l’échec de leur prise en charge.

Enfin, l’action 18 Aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine du programme 304 est un pur scandale : elle permet à des personnes ayant résidé en France et n’ayant pas la nationalité française de toucher une sorte de minimum vieillesse sans respecter les conditions de maintien sur le territoire français au moins six mois par an. Autrement dit, nous subventionnons des individus pour qu’ils vivent à l’étranger beaucoup plus confortablement qu’en France. Cette aide va à l’encontre du principe de solidarité nationale. Pour 2024, 900 000 euros seront attribués à quarante-huit personnes. Sachant que l’objectif du Gouvernement est d’atteindre 500 bénéficiaires en 2026, les crédits devraient atteindre, sur la base de l’allocation maximale, 4 millions annuels. Rien n’est pourtant budgété, en prévision, dans le PLF.

Vous l’aurez compris, nous sommes extrêmement critiques quant aux crédits alloués à cette mission.

Mme Marianne Maximi (LFI - NUPES). Merci, madame la présidente, de m’accueillir dans cette commission même si, après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement hier, cette réunion prend un sens un peu étrange. Cette situation met en difficulté les députés mais aussi les services de l’Assemblée, qui doivent s’adapter de façon permanente à vos articles 49, alinéa 3.

J’axerai mon propos sur le programme 304 et plus particulièrement sur la protection de l’enfance, dont vous avez peu – voire pas du tout – parlé, madame la rapporteure pour avis. Ce programme illustre parfaitement l’écart qui existe entre le discours politique de la majorité relative, du Président et du Gouvernement, et ce qui se passe en réalité : il existe un énorme fossé entre la communication et les actes. Il y a quelques semaines, alors que je travaillais sur le « bleu » budgétaire, j’ai eu la très mauvaise surprise de découvrir que le budget de la protection de l’enfance serait en baisse en 2024. J’espère que vous savez pourtant que ce secteur s’effondre littéralement, qu’il n’est plus en capacité de fonctionner correctement. Dans ces conditions, lui retirer le moindre euro est inacceptable.

Nous nous sommes efforcés de proposer, lors des discussions budgétaires, des solutions de financement d’urgence pour remédier à la pénurie de professionnels et à la non‑exécution des mesures. C’est d’ailleurs ce que demande le Conseil national de la protection de l’enfance, une instance dont je rappelle qu’elle est rattachée au Gouvernement. Nous avons rédigé des amendements dont nous aurions aimé discuter avec vous aujourd’hui, par exemple au sujet de la prime Ségur. Vous devez savoir en effet que les professions les plus précaires du secteur social et médico-social sont encore exclues des mesures du Ségur. On entend souvent parler de crise d’attractivité dans ces métiers ; Emmanuel Macron lui-même avait évoqué, pendant la crise du covid, ces métiers « que nos économies rémunèrent si mal ». Pourtant, vous rejetez les solutions que nous proposons, comme ce fut le cas il y a quinze jours en commission des finances.

D’autres de nos amendements concernaient la prise en charge par l’État des revalorisations salariales adoptées en 2022 : vous n’ignorez pas que les départements sont en difficulté et qu’ils ont besoin d’un engagement plus fort de l’État, pour financer la protection de l’enfance notamment. Nous avons également travaillé à des propositions concernant le numéro d’appel d’urgence pour les enfants en danger ou maltraités, le 119. Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, a raison de faire la promotion de ce numéro qui est d’une importance majeure. Encore faudrait-il qu’il fonctionne correctement. Or le temps d’attente est tellement long que bien souvent, les enfants souhaitant signaler une maltraitance raccrochent avant d’avoir pu parler à quelqu’un. C’est très grave, car un enfant ne demande de l’aide qu’une seule fois, pas deux. Pourtant, vous avez voté contre les revalorisations salariales que nous avons proposées pour les agents du 119.

Le seul amendement que notre groupe est parvenu à faire adopter en commission des finances n’a pas été retenu dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Il concerne le prolongement de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Il est très grave, alors que Charlotte Caubel vient de lancer une campagne contre l’inceste, que les financements destinés à l’instance référente sur ce sujet disparaissent.

Mme Josiane Corneloup (LR). Je suis moi aussi dubitative quant au sens qu’a l’examen de cette mission aujourd’hui, après l’engagement de la responsabilité du Gouvernement. Je trouve cette situation assez navrante pour nous tous.

La mission Solidarité, insertion et égalité des chances finance des politiques publiques destinées à lutter contre la pauvreté, à réduire les inégalités, à protéger les personnes vulnérables et à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. Dans le programme 157 relatif au handicap, dont les crédits passent de 14 à 15 milliards d’euros, il convient de saluer certaines mesures de simplification et, surtout, la revalorisation de l’AAH sous le précédent quinquennat ainsi que sa déconjugalisation. Cette dernière n’a pu être obtenue que grâce à l’intervention nécessaire et insistante du groupe Les Républicains lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, à l’été 2022. Appliquée au plus tard depuis le 1er octobre 2023, elle bénéficie à 160 000 allocataires, dont 80 000 nouveaux entrants, pour un gain moyen de 300 euros par mois. Je rappelle qu’elle représente 500 millions d’euros en année pleine.

Je ne peux m’empêcher d’évoquer à ce stade l’allongement de la durée de vie des personnes handicapées et le chantier de l’autonomie qui se trouve devant nous. Le projet de loi « grand âge » tant attendu doit contenir une véritable stratégie, un projet ambitieux pour prendre en charge la dépendance et permettre le déploiement d’habitats alternatifs – habitats inclusifs, petites unités de vie ou colocations – pour les personnes handicapées.

S’il est possible de saluer l’effort réalisé par le Gouvernement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, avec une augmentation de 16,26 % des crédits alloués au programme 137, il faut souligner qu’ils ne représentent que 76 millions d’euros sur le budget de l’État. S’agissant d’une cause nationale, nous ne pouvons considérer cela que comme un point de départ. Notre groupe tient à saluer l’instauration par le Gouvernement de l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, à hauteur de 13 millions : c’est une mesure que notre groupe a souvent défendue, notamment lors de l’examen de la proposition de loi d’Aurélien Pradié portant création d’une juridiction spécialisée aux violences intrafamiliales.

Après avoir fortement augmenté dans la dernière loi de finances, tirés en partie par la hausse de la prime d’activité, les crédits du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes sont en augmentation de 0,35 % cette année. Nous notons toutefois que l’enveloppe dédiée à l’aide alimentaire, bien qu’étant en hausse, est insuffisante. Il n’est qu’à voir les files d’attente devant les Restos du Cœur et les difficultés rencontrées par ces associations : pour la première fois de leur histoire, elles vont devoir refuser d’aider des personnes qui en ont besoin, en raison non seulement d’un nombre de demandeurs accru mais aussi, bien sûr, de l’inflation qui fait exploser le coût des aliments.

Comment satisfaire les besoins nouveaux, comment aider et soutenir les banques alimentaires mais aussi les étudiants et, plus largement, l’ensemble de nos concitoyens qui se trouvent aujourd’hui dans une situation précaire ? La pauvreté ne fait qu’augmenter dans notre pays et l’augmentation constante du coût de la vie va rendre encore plus précaire la situation d’une population déjà fortement affaiblie. Vous avez évoqué, madame la rapporteure pour avis, la politique qui sera conduite en matière de prévention de la pauvreté. Permettez-moi de douter de ses effets car encore une fois, et je le regrette, elle traite des conséquences et non des causes.

Enfin, notre système de solidarité nationale ne peut fonctionner que s’il est correctement financé. Garantir la solidarité, c’est aussi et surtout garantir un niveau décent de pensions de retraite à l’avenir. Or si la réforme des retraites a eu un effet positif à court terme, le système sera, à long terme, déficitaire.

Mme Anne Bergantz (Dem). Avant d’aborder le fond du sujet, je tiens à déplorer le fait que le projet de rapport nous ait été transmis moins de vingt-quatre heures avant son examen, ce qui ne nous a pas permis d’y travailler dans de bonnes conditions. Ce ne sont en aucun cas les services de l’Assemblée que je pointe du doigt, qui abattent un travail considérable dans un temps toujours très contraint, mais une forme de frénésie autour de l’activité législative. L’examen en commission du rapport répondant à deux objectifs, le contrôle de l’action gouvernementale et l’évaluation des politiques publiques, un peu plus de temps eût été préférable.

Cela a été rappelé, la mission Solidarité, insertion et égalité des chances traduit clairement, avec plus de 30 milliards d’euros en AE et près de 31 milliards en CP, les engagements budgétaires de notre majorité sur ce volet de nos politiques publiques. Nous pouvons être fiers, je crois, de renforcer le caractère à la fois solidaire et émancipateur de notre modèle social. Ce renforcement se traduit par l’augmentation de certains crédits, notamment ceux alloués au programme 157, qui contribue fortement à l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

On trouve d’autres avancées dans le programme 137, lequel réaffirme l’ambition du Gouvernement en matière de politique d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une priorité nationale depuis le premier quinquennat de notre majorité, qui s’illustre dans ce PLF par une hausse de 20 % des crédits, faisant suite à une autre de 29 % l’année précédente. Tout n’étant pas qu’une question de chiffres, ces augmentations seront utilisées pour renforcer les actions qui ont porté leurs fruits mais également pour en financer de nouvelles, comme l’aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. Je tiens en particulier à revenir sur le pack nouveau départ, dont nous avions toutes et tous voté la création ici même il y a quelques mois. Nous pouvons espérer que les expérimentations seront concluantes et qu’elles se traduiront par une généralisation progressive sur le territoire national.

L’égalité professionnelle constitue un enjeu social et économique majeur : nous saluons la hausse de la dotation en faveur des actions concourant à une meilleure représentation des femmes dans les filières d’avenir et dans les secteurs où elles sont peu présentes. Nous regrettons cependant les résultats en demi-teinte enregistrés par les entreprises et invitons à accentuer les politiques qui les incitent à favoriser à la mixité.

Vous pourrez compter sur les membres du groupe Démocrate pour poursuivre à vos côtés le travail sur le nouveau pacte des solidarités.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ayant déjà eu l’occasion de m’exprimer au sujet de l’article 49, alinéa 3, tout à l’heure, je n’y reviendrai pas. Je ne redirai pas non plus que les crédits sont insuffisants, ni que le rapport nous a été transmis trop tardivement pour que nous puissions travailler dans de bonnes conditions ; ce sont des évidences.

Je me concentrerai plutôt sur la question des solidarités, qui devrait être au cœur des travaux de notre commission comme des politiques gouvernementales. Force est de constater, pourtant, que la majorité est en échec dans ce domaine. Certaines promesses du Président de la République ne sont pas tenues. Il y en a une qu’il n’aurait jamais dû faire, non seulement parce qu’elle était intenable mais aussi parce que les moyens nécessaires n’y ont pas été consacrés : celle qu’il n’y ait plus personne à la rue. Le président de la Fondation Abbé Pierre expliquait ce matin qu’il y a aujourd’hui, en France, plus de 6 800 personnes à la rue, dont plus de 2 400 enfants. Cette réalité est sous-estimée, car le seul chiffre que l’on connaisse est celui du nombre de demandes non satisfaites par le 115 – or beaucoup de personnes n’appellent plus le 115, justement parce qu’elles savent que leur demande ne sera pas satisfaite.

L’un des indicateurs du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires a pour cible en 2024 un taux de 54 % de réponses positives du service intégré d’accueil et d’orientation. Autrement dit, l’État se fixe pour mission de donner une réponse favorable à la moitié seulement des appelants ! En l’espace de deux ans, l’objectif n’aura augmenté que d’un point. Dans ma circonscription, plus de 400 personnes sont tous les soirs à la rue et le préfet a déjà commencé à ponctionner les crédits de l’hébergement d’urgence pour 2024. Mais l’État maintient les crédits du programme à un niveau stable ! Il faudrait considérablement les accroître, et encore plus sachant qu’il y a des mineurs parmi les personnes à la rue.

Mme la rapporteure pour avis expliquait tout à l’heure que les crédits consacrés à l’aide alimentaire allaient augmenter de 20 %. Certes, mais entre-temps, le nombre de repas distribués a bondi de 35 % : le financement par bénéficiaire sera donc réduit de 10 %. La réalité est que vous n’allouez pas assez de moyens à la lutte contre la pauvreté. Je suis désolé de devoir le dire aujourd’hui, avec gravité et tristesse, mais aussi avec une honte profonde : notre pays ne fait pas assez pour aider ceux qui sont dans le dénuement le plus total, notamment ceux qui sont à la rue. Comment une famille avec quatre jeunes enfants peut-elle être aujourd’hui à la rue ? Voilà la réalité de nos communes, et nous ne pouvons pas l’accepter.

Il ne peut y avoir d’autosatisfaction à ce sujet. Il devrait être écrit dans le rapport que le Gouvernement ne fait pas assez pour lutter contre la pauvreté et contre les violences faites aux femmes. Les crédits de l’action 19 Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, sont en baisse de 66 millions d’euros, quand ceux alloués à l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine baissent de 30 %. Et les crédits du numéro d’appel 3919 diminuent aussi.

M. François Gernigon (HOR). Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont en augmentation de plus de 1 milliard d’euros, du fait notamment de la revalorisation des aides qu’elle finance et de la déconjugalisation de l’AAH, tant attendue. Ces crédits devraient bientôt être considérés comme adoptés, suite à l’engagement de la responsabilité du Gouvernement. Ils permettront de financer des actions prioritaires telles que la lutte contre la reproduction des inégalités dès l’enfance ou l’insertion sociale par l’emploi, en tenant compte des enjeux liés à la pauvreté.

Cette augmentation est une bonne nouvelle et témoigne de l’engagement constant du Gouvernement. Vous pointez du doigt, madame la rapporteure pour avis, la reconduction des crédits alloués au programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, qui finance notamment la prime d’activité. Il est crucial, néanmoins, d’aborder une réalité souvent occultée : l’inaccessibilité de cette prime pour les étudiants. Pour pouvoir y prétendre, ils doivent en effet justifier d’un revenu mensuel net avant impôt d’au moins 1 070 euros, soit 78 % du Smic en moyenne, sur les trois mois couverts par la déclaration trimestrielle de ressources. Ce seuil rend de facto la prime quasi inaccessible pour ceux qui s’efforcent de concilier études et travail. C’est un leurre de croire, dans ces conditions, que la prime d’activité est ouverte aux étudiants, puisqu’ils sont placés devant un dilemme injuste : travailler au détriment de la réussite académique ou se focaliser sur leurs études au prix de leur autonomie financière, voire du financement de leurs besoins essentiels. C’est pour remédier à cette situation que j’ai déposé un amendement visant à accroître les crédits du programme 304, dans l’espoir d’ouvrir un débat sur l’élargissement de l’accès à la prime pour les étudiants qui travaillent.

Je persiste à penser que cette mesure peut faire consensus, particulièrement dans le climat actuel. Elle vise en effet à reconnaître et à récompenser l’effort des étudiants qui s’efforcent de subvenir à leurs besoins ou de gagner simplement un peu d’argent de poche – et sans lesquels certains commerces auraient du mal à tourner. Une augmentation des crédits dédiés à la prime d’activité serait un geste significatif à leur égard et un investissement dans notre futur. Vous pointez également du doigt, madame la rapporteure pour avis, le déficit de données issues de la statistique publique en matière de pauvreté, qui engendre un décalage entre les chiffres connus et la situation réelle. Ce même manque de données concernant les étudiants en situation de précarité nous empêche d’évaluer efficacement leurs besoins : on ne sait pas, par exemple, combien d’entre eux travaillent pour subvenir à leurs besoins primaires.

Plus globalement, le groupe Horizons et apparentés souscrit à la politique de protection des plus fragiles menée actuellement, qui voit notamment l’aboutissement des premières réformes menées par la majorité présidentielle depuis le début du quinquennat.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Il faut avouer que nous ne sommes pas dans les meilleures dispositions pour parler de solidarité : les articles 49, alinéa 3, s’enchaînent et nous découvrons ce matin les amendements qui ont été retenus, de manière arbitraire, sans respecter le vote des parlementaires. Plus largement, on ne compte plus le nombre de mesures antisociales que vous avez prises depuis 2017 : vous êtes en train d’adopter le projet de loi pour le plein emploi qui va appauvrir les plus pauvres, renforcer les préjugés à l’égard des personnes sans emploi et accroître la pression sur les travailleurs sociaux. Vraiment, qui aurait pu prédire que baisser l’aide personnalisée au logement, casser le code du travail, durcir les règles de l’assurance chômage et prévoir des peines pour les loyers impayés, dans un contexte d’inflation record, allait aboutir à davantage de précarité ?

Au fond, votre vision de la solidarité, c’est la charité. On ne construit plus de logements sociaux ou très sociaux depuis six ans, on va priver les gens du RSA, mais comme on a un peu d’humanité, on va quand même un peu accroître le nombre de places en hébergement d’urgence et faire un petit chèque pour les distributions alimentaires ! En revanche, on ne va pas pousser l’effort jusqu’à mettre à l’abri les 2 822 enfants qui dorment dans les rues de notre pays. À coups d’articles 49, alinéa 3, votre gouvernement refuse les amendements que nous avons votés en commission des finances pour créer plus de places d’hébergement d’urgence – parce que ça coûte trop cher. Dans ce pays, on refuse de mettre à l’abri des enfants qui dorment dehors parce que cela coûte trop cher ! Très franchement, je suis en colère. Chaque groupe politique devrait remuer ciel et terre pour éviter cette situation ! À quoi servons-nous si nous ne sommes pas en capacité d’offrir à nos enfants le strict minimum de la dignité ? Nous en sommes à supplier le ministre des comptes publics pour mettre à l’abri des gamins qui dorment dehors, nous supplions pour des miettes de dignité, et vous les balayez d’un revers de main !

Je ne me résous pas à accepter que 200 enfants dorment dans les rues de Lyon aujourd’hui ; je ne me résous pas à expliquer à des parents d’élèves et à des professeurs qu’ils vont devoir continuer à mettre à l’abri eux-mêmes des familles parce que votre gouvernement refuse la création de 10 000 places d’hébergement d’urgence, parce que cela coûterait trop cher. Toutes les associations partagent ce constat. C’est une honte que 2 822 enfants dorment dehors en France, c’est une honte que vous trouviez que cela coûte trop cher.

Enfin, je veux aussi appeler votre attention sur les violences faites aux enfants et sur la Ciivise. Nous sommes plus de deux cents parlementaires à avoir écrit à la Première ministre pour lui demander que cette instance puisse perdurer et que ses propositions soient mises en œuvre. Cela passera par un effort budgétaire considérable : il va falloir des professionnels formés, qui aient du temps. Dans ces conditions, nous ne comprenons pas la suppression des moyens qui lui sont alloués.

Nous sommes dans une période de régression sociale inquiétante – et je pèse mes mots. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Défenseure des droits. Nous avons une vision radicalement différente de ce que doit être la solidarité, et ce budget l’illustre parfaitement.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le budget de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances témoigne d’un déficit de volonté politique. Il paraît bien maigre pour réduire et éradiquer les inégalités, qui sont croissantes dans notre pays. Les montants du RSA et de la prime d’activité ne progressent que de 0,54 % alors que l’inflation poursuit son ascension et devrait atteindre 5,8 % en 2023. Les nouvelles hausses des prix de l’énergie intervenues cet été ont encore aggravé les conditions de vie de milliers de familles. Dans son rapport de 2023, l’Observatoire des inégalités précise que 4,8 millions de personnes – 7,6 % de la population – vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 000 euros par mois.

La situation sociale a atteint un niveau de gravité inédit ; toutes les associations signalent qu’elles sont confrontées à une augmentation sans précédent des demandeurs, alors qu’elles-mêmes sont en grande difficulté. L’action 14 Aide alimentaire du programme 304 est dotée de 142 millions d’euros. Ce budget est déjà insuffisant : comment s’en sortiront-elles en 2024 ?

Les crédits de l’action 17 Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, qui se montent à 311 millions d’euros, sont en diminution. La protection de l’enfance mérite bien mieux : les associations et services qui s’y consacrent ne parviennent pas à faire face à la hausse des besoins. Le nombre d’enfants vivant à la rue avec leurs parents augmente. Selon le Collectif des associations unies, Jamais sans toit, l’Unicef France et la Fédération des conseils de parents d’élèves, 2 830 enfants au moins sont à la rue en France, dont presque 700 sont âgés de moins de 3 ans. C’est insoutenable. Dans leur ouvrage Du côté des enfants en danger, Laura Izzo et Christophe Anché soulignent que l’écart se creuse entre l’intérêt de l’enfant et les moyens consacrés à sa protection, provoquant du reste une souffrance chez les travailleurs sociaux. S’agissant de l’hébergement d’urgence, le problème est grave : l’État n’assume pas sa mission et les préfets sont privés des moyens d’agir. Un véritable plan d’urgence est indispensable.

Les crédits de l’AAH s’élèvent à 15 milliards d’euros. Des efforts ont été accomplis mais il faudrait les amplifier, notamment en raison de l’inflation. Le montant de l’AAH reste inférieur au seuil de pauvreté et ne permet pas aux personnes en situation de handicap de vivre dignement.

La diminution des crédits consacrés aux mineurs non accompagnés nous inquiète d’autant plus qu’elle s’accompagne d’une volonté de contrôle qui risque de priver certains d’une aide dont ils ont besoin. Les droits de l’enfant imposent de toujours faire primer son intérêt supérieur. Pour protéger les enfants, il faut des moyens humains et financiers ; la mission ne prend pas le chemin d’être abondée en conséquence.

S’agissant des droits des femmes, les chiffres révèlent que le Gouvernement ne veut pas réellement lutter contre les violences conjugales. Dans son rapport de septembre 2023, la Fondation des femmes estime que l’État devrait consacrer au minimum 2,6 milliards d’euros par an à la protection des victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles, soit 0,5 % de son budget. Or 184,4 millions sont inscrits à cet effet, et le budget moyen par femme victime de violences conjugales diminue de 26 %. Des mesures urgentes et efficaces sont nécessaires.

Mme la présidente Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Thibault Bazin (LR). Comme le montre le rapport, la hausse des crédits consacrés à la lutte contre la pauvreté n’a pas toujours porté ses fruits, et la question de l’efficacité des politiques publiques se pose. Vous recommandez, madame la rapporteure, de renforcer la pluriannualité du financement des conventions passées entre l’État et les collectivités territoriales. Or il existe déjà des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens : connaissent-ils des obstacles législatifs ? Vous préconisez également la fongibilité des enveloppes budgétaires déléguées aux départements : le problème vient-il d’un manque de volonté politique ou une évolution législative est-elle nécessaire, éventuellement de nature organique ?

M. Fabien Di Filippo (LR). Pour assurer l’égalité des chances, certains veulent d’abord recourir aux aides sociales et lutter contre la pauvreté par un soutien financier immédiat. Très souvent, on oublie que le travail et l’insertion professionnelle constituent le premier levier d’action. Il n’y a pas d’enfants à la rue dans tous les territoires : il s’agit d’un problème d’urbanisme, propre aux grandes métropoles, de plus en plus inaccessibles à une partie des foyers. Mais les questions principales sont celles de la responsabilité parentale et de l’insertion professionnelle de tous. J’ai voté avec plaisir le projet de loi pour le plein emploi, auquel on a reproché d’imposer des contraintes aux bénéficiaires du RSA, mais qui surtout leur donnera les moyens de se former. Or le volet du budget consacré à l’accompagnement, par exemple en matière de mobilité ou d’insertion professionnelle, me semble parfois déficient en comparaison de celui des aides sociales directes.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). En apparence, les crédits de la mission sont en hausse de 4,6 % mais si l’on tient compte de l’inflation, ils baissent de 1 %, c’est-à-dire qu’ils diminuent de 3 milliards d’euros. On sait que 11 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ; elles seront bientôt rejointes par certains des 300 000 chômeurs qui vont basculer dans les minima sociaux, grâce aux lois que certains votent « avec plaisir ».

Désormais, le montant net social, qui figurera sur tous les bulletins de paie, servira de revenu de base pour calculer les droits au RSA ou à la prime d’activité. Or, depuis cet été, il prend en compte les tickets-restaurant et la prévoyance complémentaire : si l’on en a, avec le même revenu, on perd des droits au RSA ou à la prime d’activité. Pourtant, on ne fait pas ses courses avec une prime décès ! Que comptez-vous faire pour réparer cette injustice caractérisée ?

Mme la rapporteure. Madame Maximi, la diminution de 5 % des crédits du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes, dont relève la protection de l’enfance, est simplement la conséquence d’une sous-consommation. Il faudra peut-être rectifier par la suite les montants en fonction des besoins : le Gouvernement, qui est attentif à la situation des enfants qui relèvent de l’ASE ou qui sont à la rue, y pourvoira.

Ni la prime Ségur ni la revalorisation des salaires ne dépendent de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

S’agissant du 119, on constate des délais d’attente de l’ordre de 15 minutes. C’est lié à d’énormes difficultés de recrutement. Je ne peux à moi seule apporter la solution ; il faut former et recruter davantage pour qu’un enfant ne risque pas de raccrocher avant d’avoir pu parler à quelqu’un.

La décision de maintenir ou non la Ciivise est encore en cours d’arbitrage. Le rapport qui y est consacré sera rendu dans les prochaines semaines. Le Gouvernement a salué son travail et il est peu probable qu’il veuille la supprimer.

Madame Bergantz, le pacte des solidarités contient des mesures nationales mais nous entendons également recourir davantage aux contrats avec les collectivités. Nous faisons confiance aux territoires ; les élus et les acteurs de terrain sont les mieux à même de définir les priorités locales. Pour 2024, l’action 23 Pacte des solidarités prévoit d’attribuer 90 millions d’euros aux départements et 12,5 millions aux métropoles, dans le cadre de la contractualisation ; s’y ajoute le plan d’action adapté aux spécificités outre-mer, doté de 3 millions au titre de cette mission et de 50 millions au total. Nous avons tiré les leçons de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, en maintenant dans le pacte certaines de ses mesures et en en créant de nouvelles. Nous suivrons de près l’évolution des choses, notamment grâce aux parlementaires, qui pourront observer l’efficacité des actions dans leurs circonscriptions. Le souci de la différenciation territoriale est essentiel.

Monsieur Delaporte, je rejoins vos remarques concernant l’hébergement d’urgence. S’il n’y a pas des enfants à la rue dans tous les territoires, le problème est réel. Dans ma circonscription d’Ille-et-Vilaine par exemple, la maire de Rennes fait son possible pour trouver des solutions...

M. Arthur Delaporte (SOC). Pour pallier les défaillances de l’État !

Mme la rapporteure. Non, il n’est pas si simple de trouver des solutions, notamment des places d’hébergement. Mais je suis d’accord avec vous : il est intolérable que des personnes, en particulier des enfants, soient à la rue.

Vous affirmez que les crédits du pacte des solidarités sont insuffisants. Toutefois, il faut tenir compte de l’ensemble des dispositifs. Outre l’action 23 Pacte des solidarités du programme 304, on peut ainsi citer l’action 14 Aide alimentaire, qui finance le plan Mieux manger pour tous. Certains crédits sont aussi inscrits dans d’autres missions : ceux alloués à France Travail figurent dans la mission Travail et emploi, aux programmes 102 et 103 ; le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables appartient à la mission Cohésion des territoires ; le programme 174 Énergie, climat et après-mines, qui finance notamment MaPrimeRénov’, à la mission Écologie, développement et mobilités durables. Il faut avoir une vision d’ensemble.

Monsieur Gernigon, je dénonce depuis longtemps le manque de données récentes. Pour avancer et nous donner les moyens d’adapter plus rapidement les politiques publiques, je recommande de créer des observatoires territoriaux.

Madame Garin, s’agissant des enfants à la rue, nous devons faire confiance aux territoires et trouver collectivement des solutions, avec les élus et avec les associations. Il faut identifier précisément les besoins. On peut toujours avancer des montants, mais l’important est de savoir comment employer effectivement les sommes.

Monsieur Dharréville, la pauvreté est stable, mais la très grande pauvreté s’est accentuée. C’est pour cela que le pacte des solidarités contient un volet dédié à la grande exclusion. Il faut trouver des solutions pour les familles concernées.

La loi pour le plein emploi vise à améliorer la formation et l’emploi des personnes en situation de handicap. J’ai soutenu un amendement, qui a été adopté, visant à permettre à ceux qui le souhaitent de continuer à travailler au-delà de la durée légale sans perdre le bénéfice de l’AAH, comme le demandaient les acteurs du secteur. En revanche, pour les personnes en situation de handicap comme pour celles en insertion, nous devrons ouvrir le débat pour trouver des solutions à proposer à celles qui ne seront de toute façon pas employables. Il faut envisager une gradation de la prise en charge.

Monsieur Bazin, les enveloppes de financement dédiés à la contractualisation, qui permettaient de financer les mesures issues des conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et l’accès à l’emploi, étaient bien distinctes entre les actions socles et les actions d’initiative locale. Il est par exemple arrivé que des crédits des actions d’initiative locale puissent servir des actions socles, mais pas l’inverse. Je propose donc de permettre la fongibilité. Toutefois, cette fongibilité ainsi que la pluriannualité des crédits sont d’ores et déjà prévues dans les pactes locaux des solidarités.

Enfin, Mme Charlotte Caubel, secrétaire d’État chargée de l’enfance, avait déjà répondu lors de son audition aux questions relatives à la protection de l’enfance et aux mineurs non accompagnés.

*

L’ordre du jour de la commission prévoyait le vote sur les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances au cours de cette même réunion. La Première ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement sur la seconde partie et l’ensemble du projet de loi de finances pour 2024 avant le début de cette réunion, l’examen de ce projet de loi a été interrompu et les crédits de la mission n’ont pas été examinés.


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   ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURE

(par ordre chronologique)

 

            Mme Cécile Tagliana, déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, Mme Laure Berthinier, conseillère territoriale, M. Matthieu Piton, conseiller logement, petite enfance et publics spécifiques, et M. Charlie Delorme, stagiaire

            Cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre des solidarités et des familles, chargée des personnes handicapées  M. Baptiste Portail, conseiller parlementaire, et M. Hadrien Mignon, conseiller budgétaire

            Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE)  M. Nicolas Duvoux, président du comité scientifique, et Mme Delphine Aubert, secrétaire générale

     Table ronde :

– Collectif Alerte – M. Noam Leandri, président, et Mme Charlotte Penot, conseillère technique lutte contre l’exclusion

 Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)*  M. Emmanuel Bougras, responsable du service Stratégie analyse des politiques publiques, et M. Rémi Boura, responsable des relations parlementaires

 Fédération nationale des Samu sociaux  Mme Maud Bigot, présidente, Mme Bénédicte Souben, vice-présidente, et M. Pascal Isoard-Thomas, administrateur

            Cabinet de la ministre des solidarités et des familles  M. David Blin, directeur adjoint, M. Hadrien Mignon, conseiller budgétaire, M. Charles Duportail, conseiller lutte contre la pauvreté et des associations, et M. Maxime Cermack, conseiller parlementaire

            Ministère des solidarités et des familles  Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – M. Jean-Benoît Dujol, directeur général, Mme Katarina Miletic-Lacroix, adjointe à la sous-direction des affaires financières et de la modernisation, et M. Andrea Ferrari, chargé de mission pour les questions parlementaires, bureau des budgets et de la performance

            M. Pierre Martin Aubelle, directeur des Clés de l’atelier

            Mme Séverine Hemain, vice-présidente de la Métropole de Lyon

            Ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations – M. Vincent Lena, directeur de cabinet, Mme Kenneth Bourienne, directrice adjointe de cabinet, conseillère spéciale, Mme Emmanuelle Dufourt, cheffe de cabinet adjointe, conseillère parlementaire, Mme Catherine Petit, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, Mme Catherine Morin, adjointe à la cheffe de service, et M. Benoît Boussinesq, chargé des affaires budgétaires

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Le directeur général de la cohésion sociale (DGCS) a la responsabilité des programmes 304, 157 et 137 tandis que la direction des finances, des achats et des services (DFAS) au sein du secrétariat général des ministères sociaux pilote le programme 124.

([2]) Bien qu’imputées sur l’action 13, les mesures pour lutter contre la précarité menstruelle font partie du Pacte des solidarités.

([3]) Loi n° 2018‑938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([4]) L’arrêté du 1er août 2023 fixant la rémunération des personnes participant à des activités de certification exercées à titre accessoire dans le champ de diplôme de santé et de travail social prévoit une simplification des grilles de remboursement ainsi qu’une augmentation des tarifs horaires qui n’avaient pas été réévalués depuis 2011.

([5]) La création du GIP FEP est prévue par l’article 36 de la loi n° 2022‑140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants et résulte du regroupement de l’Agence française de l’adoption (AFA), du groupement d’intérêt public pour l’enfance en danger (Giped), composé du service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (Snated) et de l’Observatoire national pour la protection de l’enfance (ONPE), du Conseil national d’accès aux origines personnelles (CNAOP) et du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Ce regroupement a pris effet le 1er janvier 2023.

([6]) La liste des territoires sélectionnés figure dans l’arrêté du 4 août 2023.

([7]) La loi n° 2005‑102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées prévoit la tenue d’une conférence nationale du handicap tous les trois ans.

([8]) Le montant maximum de l’AAH s’élève à 971,37 euros depuis le 1er avril 2023.

([9]) Cette allocation est versée aux personnes s’engageant dans le parcours de sortie de la prostitution et ne pouvant prétendre au bénéfice des minimas sociaux.

([10]) La liste exhaustive des trente‑cinq mesures de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a été établie par le comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, en collaboration avec la Délégation interministérielle à la lutte contre la pauvreté, et figure en annexe 4 de sa note d’étape de mars 2020 : https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-comite-evaluation-strategie-pauvrete-note-etape-annexes-mars-2020_0.pdf

([11]) Le budget de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté est détaillé par la DIPLP dans le rapport d’étape national « Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : le point sur la mise en œuvre 2018-2021 » (p. 78).

([12]) Comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, compléments au rapport 2022, p. 5.

([13])  Outre le programme 304 de la présente mission, les mesures de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ont été portées par diverses missions, à savoir le programme 102 Accès et retour à l’emploi, le programme 162 Interventions territoriales de l’État, le programme 174 Énergie, climat et après-mines.

([14]) Le tableau présente les crédits délégués pour les années 2018 à 2022 et les crédits programmés pour 2023.

([15]) Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

([16]) Afin de refléter la priorité de la Stratégie de lutter contre la reproduction de la pauvreté, l’appellation initiale de la DIPLP était la suivante : délégation interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes (DILPEJ). Le décret n° 2020-42 du 24 janvier 2020 portant création des commissaires à la lutte contre la pauvreté a transformé la DILPEJ en DIPLP.

([17]) Décret n° 2020‑42 du 24 janvier 2020 précité.

([18]) Igas, « L’évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », juillet 2021, p. 20.

([19]) Joëlle Martinaux et Mathieu Klein, Propositions du groupe de travail n° 6 « Piloter la lutte contre la pauvreté à partir des territoires », 15 mars 2018.

([20]) Seuls deux départements franciliens, les Yvelines et les Hauts‑de‑Seine, n’ont pas souhaité prendre part à cette démarche en 2019. Les départements du Morbihan en 2022 et de la Gironde en 2023 n’ont pas poursuivi la contractualisation. Toutefois, le département du Morbihan souhaite à nouveau prendre part à la contractualisation dans le cadre des pactes locaux des solidarités.

([21]) Instruction du 4 février 2019 relative à la mise en œuvre territoriale de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dans son volet « Contractualisation entre l’État et les départements d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi ».

([22]) Circulaires relatives à la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté du 12 février 2020, du 19 mars 2021, du 19 janvier 2022 et du 31 janvier 2023.

([23]) Igas, « L’évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », juillet 2021.

([24]) DIPLP, « Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : le point sur la mise en œuvre 2018‑2021, rapport d’étape national ».

([25]) Le taux de pauvreté pour l’année 2020 est encore à la date de rédaction du rapport une estimation. Les chiffres pour 2019 sont les données consolidées les plus récentes.

([26]) Les chiffres pour 2020 sont issus de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux de 2020. Ces chiffres sont présentés uniquement à titre indicatif par l’Insee, laquelle retient comme taux de pauvreté pour 2020 son estimation publiée en novembre 2021 à 14,6 %.

([27]) Insee, « Les réformes socio-fiscales de 2019 augmentent fortement le revenu disponible des ménages, surtout pour ceux de niveau de vie intermédiaire et ceux en emploi », 2020.

([28]) Drees, « La revalorisation du bonus individuel en 2019 a fortement élargi le champ des bénéficiaires de la prime d’activité », mars 2022.

([29]) Prévue par le décret n° 2020-519 du 5 mai 2020 portant attribution d’une aide exceptionnelle de solidarité liée à l’urgence sanitaire aux ménages les plus précaires.

([30]) Prévue par le décret n° 2020-769 du 24 juin 2020 portant attribution d’une aide exceptionnelle de solidarité liée à l’urgence sanitaire aux jeunes de moins de vingt-cinq ans les plus précaires.

([31]) Le comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté a dressé la liste des mesures d’urgence prises entre mars 2020 et août 2021 dans sa note d’étape « La lutte contre la pauvreté au temps du coronavirus : constats sur les effets de la crise sur la pauvreté et points de vigilance du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ».

([32]) Insee, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux pour 2019 et 2020.

([33]) Données du système d’information sur l’aide alimentaire de la direction générale de la cohésion sociale.

([34]) DREES et Insee, « Aide alimentaire : une fréquentation accrue des centres de distribution dans les grandes villes les plus exposées à la pauvreté début 2021 ».

([35]) INSEE, enquêtes Statistiques sur les ressources et les conditions de vie de 2018 à 2022.

([36]) Baromètre de suivi qualitatif de la pauvreté et l’exclusion sociale du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.

([37])  Selon la Direction générale de la cohésion sociale, si le bonus mixité sociale était basé sur la part effective d’enfants pauvres accueillis en 2019, environ 300 établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) sur les 3 700 participants ne seraient plus éligibles et 240 le deviendraient. De plus, parmi les EAJE éligibles, 44 % d’entre eux se verraient attribuer un montant de bonus différent (supérieur pour 20 % et inférieur pour 24 %).

([38]) Selon une étude pilotée par la Cnaf, 71 % des parents bénéficiaires d’une place en crèche Avip voient leur conseiller au moins une fois par mois. Cette étude met également en avant des effets importants en matière de sécurisation psychologique des parents et de développement de leur enfant grâce à l’accès d’un mode d’accueil collectif.

([39]) Les sept thématiques sont les suivantes : le langage, l’alimentation et la nature, l’art et la culture, l’accueil occasionnel, la prévention des stéréotypes, l’accueil des parents, le numérique.

([40]) Depuis 2022, cette mesure de prévention des sorties « sèches » de l’ASE a été retirée des Calpae pour intégrer les contrats départements de prévention et de protection de l’enfance, conformément à la recommandation de l’Igas dans son rapport de 2021 relatif à l’évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales.

([41]) Igas, Évaluation d’étape de l’accompagnement des jeunes dans le cadre du contrat d’engagement jeunes, mars 2023, p. 57.

([42]) France Stratégie, Troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, juillet 2022, p. 80.

([43]) France Stratégie, note d’étape « La lutte contre la pauvreté au temps du coronavirus : constats sur les effets de la crise sur la pauvreté et points de vigilance du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté », octobre 2021.

([44]) France Stratégie, Troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, juillet 2022.

([45]) La subvention de l’État sera ainsi portée de 3 à 4 euros.

([46]) Le fonds « Mieux manger pour tous » est doté dans le présent projet de loi de finances de 70 millions d’euros.

([47]) Versée par les caisses de retraite, l’Aspa est une prestation mensuelle accordée aux retraités ayant de faibles ressources et vivant en France.

([48]) Julien Blasco, Sébastien Picard (Insee), « Environ 2 millions de personnes en situation de grande pauvreté en France en 2018 », 2021.

([49]) Pacte des solidarités : https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/07/d8184e248212eecf8d9fa2c0950d0aa3cb6115b5.pdf

([50]) La composition de ce comité scientifique figure dans la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (p. 50) : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_pauvrete_vfhd.pdf.

([51]) Ce fonds d’investissement social, qui devait être doté de 100 millions d’euros, n’a pas obtenu de budget et n’a donc jamais vu le jour.

([52]) France Stratégie, Troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, juillet 2022, p. 47.

([53]) Igas, « Évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », juillet 2021.

([54]) L’ensemble des travaux menés par le comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté sont publiés par France Stratégie : https://www.strategie.gouv.fr/evaluation/comite-devaluation-de-strategie-nationale-de-prevention-de-lutte-contre-pauvrete-cloture

([55]) Cette enquête rapproche les données de l’enquête « emploi en continu » de l’Insee des fichiers fiscaux et sociaux détenus par la direction générale des finances publiques, la Cnaf, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Elle permet de déterminer pour chaque ménage ses ressources selon sa nature (salaires, pensions, prestations sociales, revenus du patrimoine, etc.) et de les analyser en fonction de critères sociodémographiques.

([56]) Marguerite Garnero, Jorick Guillaneuf (Insee), « En 2020, une mesure de la pauvreté compliquée par la crise sanitaire », 2022.

([57]) Rapport d’information (n° 1298), déposé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance (31 mai 2023).

([58]) Igas, « Évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », juillet 2021, p. 43.

([59]) Métropole de Lyon, Synthèse de l’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, septembre 2023.

([60]) Données fournies par la DIPLP et la DGCS.

([61]) Article L. 1612‑2 du code général des collectivités territoriales.

([62]) Igas, « Évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », juillet 2021, p. 33.

([63]) France Stratégie, Troisième rapport annuel du comité d’évaluation de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, juillet. 2022.

([64]) Cette cartographie présente chaque projet au moyen d’une fiche projet qui décrit la localisation, la thématique, la date de lancement, état d’avancement ainsi que le public visé par le projet : https://cartographie-projets.lutte-pauvrete.gouv.fr/

([65]) Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_pauvrete_vfhd.pdf

([66]) Les groupes de travail thématiques sont les suivants : Éradiquer la pauvreté des enfants ; Prévenir la vulnérabilité des jeunes et favoriser leur insertion ; Développer l’accompagnement global et les leviers de prévention de la pauvreté ; Accès aux droits et aux services, lutte contre le non‑recours ; Renforcer l’accompagnement dans la lutte contre l’exclusion ; Piloter la lutte contre la pauvreté à partir des territoires.

([67]) Les quinze groupes de travail sont les suivants : offre d’accueil du jeune enfant ; formation petite enfance ; parentalité et centres sociaux ; hébergement et logement ; alimentation ; santé ; réussite scolaire ; insertion des jeunes ; sortants de l’aide sociale à l’enfance ; parcours d’insertion ; offre d’accompagnement ; accès aux droits ; formation travail social ; participation ; engagement des entreprises.

([68]) Igas, « L’évaluation de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté », juillet 2021, p. 36. Ces éléments sont issus des échanges entre l’Igas et le 5e collège du CNLE repris en annexe 4 du rapport de l’Igas.

([69]) Ibid., p. 102. Ces éléments sont issus des échanges entre l’Igas et les acteurs locaux figurant en annexe 3 du rapport de l’Igas.

([70]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13987135_6525a3ea365e1.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2024-seconde-partie-mission-soli-10-octobre-2023

([71]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.14231873_654b456b4f4ba.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2024-n%EF%BF%BD-1680-seconde-partie--8-novembre-2023